archived content contenu archivé - sécurité publique 8886...archived - archiving content...
TRANSCRIPT
ARCHIVED - Archiving Content ARCHIVÉE - Contenu archivé
Archived Content
Information identified as archived is provided for reference, research or recordkeeping purposes. It is not subject to the Government of Canada Web Standards and has not been altered or updated since it was archived. Please contact us to request a format other than those available.
Contenu archivé
L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.
This document is archival in nature and is intended for those who wish to consult archival documents made available from the collection of Public Safety Canada. Some of these documents are available in only one official language. Translation, to be provided by Public Safety Canada, is available upon request.
Le présent document a une valeur archivistique et fait partie des documents d’archives rendus disponibles par Sécurité publique Canada à ceux qui souhaitent consulter ces documents issus de sa collection. Certains de ces documents ne sont disponibles que dans une langue officielle. Sécurité publique Canada fournira une traduction sur demande.
I*1 Correctional Service Service correctionnel Canada Canada
RESEARCH BRANCH - CORPORATE DEVELOPMENT DIRECTION DE LA RECHERCHE - DÉVELOPPEMENT ORGANISATIONNEL
EXAMEN DE L'ELABORATION DES PROGRAMMES RELATIFS A LA
VIOLENCE FAMILIALE
PROJETS PILOTES DE TRAITEMENT
ad'â
EXAMEN DE L'ELABORAT1ON DES PROGRAMMES RELATIFS A LA
VIOLENCE FAMILIALE
PROJETS PILOTES DE TRAITEMENT
meekeeis
eeteeeeneece. wyeeeeoeeeeeeeeueee
\e
We e
u$ceèau\eute
Oseeceeeeeappeee
b,...‘e.IQ\e‘0\see d\
ego ffi esee
eee eeee
eees \ 2e
.
This report is also available in English. It can be obtained from the Correctional Research and Development Sector, Correctional Service of Canada, 340 Laurier Avenue West, Ottawa, Ontario, KlA 0P9. Pour vous procurer d'autres exemplaires, veuillez vous adresser au Secteur de recherche et développement, Service correctionnel du Canada, 340 avenue Laurier ouest, Ottawa (Ontario) KlA 0P9.
V-
/ EXAMEN DE L'ELABORATION DES PROGRAMMES RELATIFS
A LA VIOLENCE FAMILIALE
PROJETS PILOTES DE TRAITEMENT
Secteur de la recherche et du développement correctionnels
Service correctionnel du Canada
Susan A. Vanderburg et Angela Knoll
mars 1996
-JUN 24 1998
*:eiLie' GMERAL Mbe weft peep
KM ea
•-.,.,—..."*.2.-..•--,,,....,,,,tte r
elem meep, Olkwep,
/IL I/ 85'3
, c2. V3
/95-'6 f
.:TABLEDES MATiÈRES
-z RÉSUMÉ
:1CONSTATATIONS GÉNÉRALES Liens avec la collectivité
• Politiques et méthodes opérationnelles . Personnel iii
-; PROGRAMMES À L'INTENTION DES HOMMES iv Niveau des besoins et des risques
• Évaluation, aiguillage et surveillance vi Formule des programmes vii Abandons ix Contrôle et services après l'intervention Évaluation des changements xi
- . 'PROGRAMMES À L'INTENTION DES FEMMES xii . •;CONCLUSION x
7 LISTE DES PROJETS PILOTES xvii
INFORMATION GÉNÉRALE
"I. PRÉVALENCE DELÀ VIOLENCE FAMILIALE 1 • 2. MÉTHODES DE TRAITEMENT DE LA VIOLENCE FAMILIALE / . 3. MESURE DE L'EFFICACITÉ DES PROGRAMMES 4
INTRODUCTION 8
' 1. INITIATIVE FÉDÉRALE DE LUTTE CONTRE LA VIOLENCE FAMILIALE 8 • 2. INITIATIVE DU SCC EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA VIOLENCE FAMILIALE 9
,/1) STRUCTURE ADMINISTRATIVE 9 f b) ÉLABORATION ET MISE EN OEUVRE DU PROJET 10 (- PRÉVENTION - 10
- PROGRAMMES DE TRAITEMENT À L'INTENTION DES DÉLINQUANTS DE SEXE MASCULIN - 1/ ,- PROGRAMMES DE TRAITEMENT À L'INTENTION DES DÉLINQUANTS AUTOCHTONES - 13 \- PROGRAMMES DE TRAITEMENT À L'INTENTION DE GROUPES SPÉCIAUX - 14
PROGRAMMES DE TRAITEMENT À L'INTENTION DES FEMMES PURGEANT UNE PEINE DE RESSORT FÉDÉRAL - FORMATION PROFESSIONNELLE - 15 - RECHERCHE ET ÉVALUATION - 16 - COLLECTE ET DIFFUSION DE L'INFORM4TIOA' -
t - 14
17 i c) COORDINATION DES POLITIQUES 17
d) GESTION DES PROJETS PILOTES DE TRAITEMENT 18 e) TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU TRAITEMENT 71
(
- QUESTIONNAIRE SUR LES RÉACTIONS SOUHAITABLES 77
- RÉPERTOIRE MULTIDIMENSIONNEL DE LA COLÈRE (RAIC) 17
% I
• INDICE DE .11.4iTRISE DU COMPORTEMENT (WC) 71
- RÉPERTOIRE DES OPINIONS TENUES À PROPOS DE LA I70LENCE FAITE AUX CONJOINTES 13
3CONCLUSION 23
." FAMILY VIOLENCE PROJECT : ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE) 25
PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES 26 ,- -e-Graphique I:
.PERSONNEL DU PROGRAMME 7- - / ' LIENS AVEC LA COLLECTIVITÉ 28
-) : FORMATION 18 ÉVALUATION 19
, SOUTIEN PERSONNALISÉ 19 • PHASES DU PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES 30
. a) PROGRAMME D'INFORMATION 30 h) GROUPE DE TRAITEMENT, PHASE! 31 0 PROGRAMME DE TRAITEMENT, PHASE II '' J _ d) CONFÉRENCES DE CAS 32
:CARACTÉRISTIQUES DES DÉLINQUANTS 33 . TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU PROGRAMME 33 •L'ÉCHELLE DE L'ÉTAT DE PRÉPARATION 35
: 'Tableau 1. 36 ',PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES 37 ' Ja) AIGUILLAGE 3 7
. ' b) SERVICES PERSONNALISÉS 38 1 : e) PROGRAMME D'HABILITATION - PHASE! 38
! d) PROGRAMME D'HABILITATION - PHASE II 39 .‘e) PARTICIPATION AU PROGRAMME 39
-; PROGRAMME À L'INTENTION DES ENFANTS 40 ;RESUME 40 •
1,INTERPERSONAL AND FAMILY SKILLS PROGRAM: (EDMONTON, ALBERTA) 43
/ÊLABORATION DES PROGRAMMES 43 !PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES 45
! PERSONNEL DU PROGRAMME 46 : LIENS AVEC LA COLLECTIVITÉ 46
I ; AIGUILLAGE 47 ' ! ÉVALUATION 47
ii SOUTIEN INDIVIDUEL 48 SURVEILLANCE PRÉALABLE AU TRAITEMENT \r, DÉROULEMENT DES SÉANCES 48
HASES DU PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES
48
49 , lia) MODULE I: POWER AND CONTROL 49
t' 18)% MODULE II: NON-ABUSIVE-ALTERNATIVES 50 MODULE HI: MAIUNG IT ON THE STREET 50
,:. /CARACTÉRISTIQUES DES DÉLINQUANTS 51 :TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU TRAITEMENT 5 7
Tableau" 54 , /PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES 55 -/-; COUNSELING CONJUGAL 56 / RÉSUMÉ 57
tOPPORTUNITIES PROGRAM: TORONTO (ONTARIO) 60
;PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES 60 'PERSONNEL DU PROGRAMME 61
'v FORMATION 61 -,1 ; LIENS AVEC LA COLLECTIVITÉ 67
',ÉVALUATION 67
II
;SOUTIEN INDIVIDUEL 63 (PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES
CARACTÉRISTIQUES DES DÉLINQUANTS 64 .7 TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU TRAITEMENT
63
65 ) ' COMMENTAIRES DES CLIENTS 69
PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES 69 ,a) AIGUILLAGE 69 I 1 b) INTERVIEW INITIALE "0
te ' c) SERVICES INDIVIDUELS '70 :« d) GROUPE DE SOUTIEN DES FEMMES 71 ,
e) PARTICIPATION AU PROGRAMME -,
_ ;COUNSELING CONJUGAL 72 SERVICE D'AIGUILLAGE POUR LES ENFANTS 73
. RÉSUMÉ 73
7 HEALTHY RELATIONSHIPS : VICTORIA (COLOMBIE-BRITANNIQUE) 75 ‘.
f PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES 75 I PERSONNEL DU PROGRAMME 77 . FORMATION 77
/ LIENS AVEC LA COLLECTIVITÉ 78 -) 1 ÉVALUATION 78 • I SOUTIEN INDIVIDUEL 78
PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES 78 CARACTÉRISTIQUES DES DÉLINQUANTS 80 TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU TRAITEMENT 80
\ PROGRAMME COMMUNAUTAIRE À L'INTENTION DES HOMMES 8 1 \PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES 84
,f a) AIGUILLAGE 84 b) CONTACT INITIAL 85
1( c) SERVICES INDIVIDUELS 86 ' \d) GROUPE À L'INTENTION DES FEMMES 86
\e) PARTICIPATION AU PROGRAMME 87 - SERVICE D'AIGUILLAGE À L'INTENTION DES ENFANTS .
87 'iRÉSUMÉ 87
-- PROGRAMME D'ENRICHISSEMENT FAMILIAL: SOCIÉTÉ JOHN HOWARD D'OTTAWA 90
PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES 91 .: PERSONNEL DU PROGRAMME 91
FORMATION 91 LIENS AVEC LA COLLECTIVITÉ 91 ;
i ÉVALUATION 92 1 SOUTIEN INDIVIDUEL 92
ii. 1 GROUPE D'ACCUEIL 93 ,/ I PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES 93
; CARACTÉRISTIQUES DES DÉLINQUANTS 94 \ TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU TRAITEMENT 95 \PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES 97
( a) AIGUILLAGE 98 , ib) ÉVALUATION 99
SERVICES INDIVIDUELS 99 I) PHASES DU PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES 99
•- Phase I du Programme à l'intention des femmes 100 - , - Phase 11 du Programme à l'intention des femmes (mesures positives) 100 A e) PARTICIPATION .4UX PROGRAMVES 101
1 .
III
7 PROGRAMME À L'INTENTION DES ENFANTS 101 i e: a) GROUPE GÉNÉRAL 101
Ç.. PARTICIPATION AU PROGRAMME 10 1 4 b) ENFANTS EN CONTACT AVEC LA VIOLENCE FAMILIALE 103 -,-- PARTICIPATION AU PROGRAMME ,, 103
.1 PROGRAMME À L'INTENTION DES COUPLES 103 "; ! PROGRAMME D'ÉDUCATION DES PARENTS 104 ) RÉSUMÉ 105
z CONTRECOUPS: LAVAL (QUÉBEC) 107
/LE PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES VIOLENTS 108 / INTERVENANTS DU PROGRAMME 109 i FORMATION 110
COORDINATION DU PROGRAMME 110 ! RENVOI DE CANDIDATS AU PROGRAMME 110 . ,
ÉVALUATION III THÉRAPIE DE GROUPE POUR HOMMES VIOLENTS 112 . 7 Thèmes abordés: 113 CARACTÉRISTIQUES DES DÉTENUS 114
- TESTS ADMINISTRÉS AVANT ET APRÈS LE PROGRAMME 114 ) RÉSUMÉ 116
7:• BIBLIOGRAPHIE 1
ANNEXE A - MODÈLE DE RÉCEPTIVITÉ S 1
ANNEXE B - CARACTÉRISTIQUES DÉMOGRAPHIQUES ET FAMILIALES DES PARTICIPANTS 1
iv
Initiative fédérale de lutte contre la violence familiale
EXAMEN DE L'ÉLABORATION DES PROGRAMMES RELATIFS À LA VIOLENCE FAMILIALE
PROJETS PILOTES DE TRAITEMENT
RÉSUMÉ
Diverses études révèlent qu'entre 29 et 58% des délinquants de sexe masculin sous
responsabilité fédérale sont violents, ou l'ont été, à l'égard de membres de leur famille.
D'après les données extraites des dossiers des établissements concernant un
échantillon aléatoire de 935 délinquants sous responsabilité fédérale, 33,7% ont
maltraité des membres de leur famille et 24% des délinquants mariés (ou vivant en
union de fait) ont usé de violence à l'égard de leur conjointe (Robinson et Taylor, 1995).
Cependant, comme les données n'ont été compilées qu'à partir de l'information figurant
aux dossiers, il est possible que ces pourcentages ne traduisent pas le véritable taux de
violence.
Dans le cadre de l'Initiative fédérale de lutte contre la violence familiale, le SOC a reçu
le mandat de fournir des programmes de traitement et de prévention en milieu carcéral
et communautaire afin de réduire la violence familiale chez les délinquants de ressort
fédéral. C'est ainsi qu'il a élaboré et mis en oeuvre une stratégie d'ensemble au cours
de la deuxième phase de l'Initiative, de 1990-1991 à 1994-1995.
Le rapport qui suit expose en détail les résultats d'une étude effectuée d'avril à
août 1995. L'objet de la présente étude est (a) de faire état des changements apportés
aux programmes durant leur mise à l'essai et (b) d'examiner l'efficacité des
programmes, à la lumière des résultats des six projets pilotes de traitement. Les points
saillants du rapport sont résumés dans les pages qui suivent.
CONSTATATIONS GÉNÉRALES
Un certain nombre d'aspects ont joué un rôle clé dans l'élaboration et la mise en oeuvre
des programmes.
Liens avec la collectivité
Il est nécessaire, dans le cadre des programmes de traitement de la violence familiale
qui s'adressent à des groupes, d'établir des liens étroits avec d'autres organismes
communautaires. Cela est essentiel si l'on veut mieux assurer la sécurité de la conjointe
et garantir au client les services complémentaires dont il peut avoir besoin. Pour la
plupart des projets, des liens étroits ont été noués avec des organismes
communautaires de service et d'application de la loi. De même, des liens ont été créés
avec les intervenants du SCC susceptibles de proposer des candidats pour veiller à ce
que les clients soient convenablement aiguillés vers le programme. Aussi les
responsables des projets pilotes ont-ils rencontré au préalable les agents de liberté
conditionnelle, de même que les employés des maisons de transition et des
pénitenciers pour leur expliquer les exigences du programme et les résultats
escomptés.
Politiques et méthodes opérationnelles
Des protocoles de mise en commun de l'information ont été mis en place pour encadrer
les relations entre le SCC et les responsables des projets. Ces documents décrivaient
les politiques et les méthodes de chaque projet et donnaient de l'information sur le
processus d'aiguillage, la formule et les méthodes des groupes de traitement, les
exigences en matière de rapports au SCC, les conditions et les limites du respect des
renseignements confidentiels et d'autres renseignements généraux relativement à la
II
réalisation et à la gestion du projet dans le milieu correctionnel. Les protocoles
comportaient également des politiques et méthodes analogues à l'égard des conjointes.
Il importait d'établir le degré de partage de l'information entre le SOC et le personnel
des projets. Les délinquants étaient informés des limites et des conditions du respect
des renseignements confidentiels avant de participer aux programmes. Plus
expressément, en ce qui concerne la violence familiale, le caractère confidentiel n'était
pas respecté si on estimait que le délinquant constituait une menace pour la sécurité
des autres ou pour la sienne ou s'il était montré que des incidents de la violence
familiale se poursuivaient ou risquaient de se produire. Pour chaque projet, des
formulaires sur le respect des renseignements confidentiels ont été élaborés en fonction
de ces facteurs.
Personnel
Les thérapeutes chargés des programmes destinés aux hommes et aux femmes
satisfaisaient aux critères établis dans le but de garantir le respect de normes
minimales. Pour la plupart des programmes, les thérapeutes devaient posséder une
longue expérience de la thérapie de groupe et de l'intervention dans le domaine de la
violence familiale. La surveillance clinique, assurée par un docteur en psychologie ou
un MSVV autorisé (travailleur social hospitalier), était jugée essentielle pour garantir le
respect de lignes directrices en déontologie et des normes sur les soins. Dans un cas,
le co-animateur d'un programme pour hommes était lui-même un ancien détenu de
l'établissement, ce qui a semblé lui valoir une plus grande crédibilité et contribuer au
taux élevé de demandes spontanées de participation au programme. Cet homme avait
lui même suivi un programme de thérapie plusieurs année plus tôt et avait participé
avec succès à un important programme de formation offert par l'organisme.
Durant la phase expérimentale des projets, on a formé plusieurs personnes pour
co-animer les programmes pour hommes. C'est ainsi que deux agents de liberté
III
conditionnelle, deux employés du SCC et six membres d'organismes communautaires
locaux ont été formés dans le cadre de divers projets pilotes. Le SCC avait au départ
l'intention de former du personnel pour assurer la durabilité des programmes; toutefois,
il s'est ravisé, estimant que ce type de traitement intensif nécessite des animateurs
possédant une connaissance approfondie du problème de la violence familiale et des
compétences en thérapie de groupe plus facilement disponibles dans la collectivité.
PROGRAMMES À L'INTENTION DES HOMMES Ces dix dernières années, plusieurs approches différentes ont été appliquées dans le
cadre des programmes de traitement offerts dans la collectivité. Le plus souvent, ces
programmes de traitement étaient fondés sur une approche cognitivo-comportementale
d'inspiration féministe (Tolman et Bennett, 1990). Le SCC a lui aussi opté pour des
traitements combinant l'analyse féministe et l'approche cognitivo-comportementale ou
d'apprentissage social dans le cadre de l'Initiative fédérale de lutte contre la violence
familiale. L'approche cognitivo-comportementale est privilégiée, les études
documentaires ayant étayé son efficacité (Eisikovits et Edelson, 1989). Par ailleurs,
l'approche féministe a été retenue parce que c'est celle qui a été le plus appliquée dans
le traitement des hommes violents en milieu communautaire depuis le milieu des
années 80. Les modèles proféministes considèrent la violence dans les relations
intimes comme un problème social et politique, non comme un problème psychologique
personnel. La violence est perçue comme un comportement appris et une tentative
systématique de contrôle du conjoint par un ensemble d'actes de coercition. Le modèle
présume que la culture politique et économique appuie, ouvertement ou non, la violence
contre les femmes. Le programme vise donc à modifier les attitudes et les croyances
qui semblent être à la base de ce comportement (Adams, 1988).
Le programme s'inspire d'une approche systémique humaniste. Contrairement aux
autres projets pilotes, l'accent est mis sur la psychothérapie. Les interventions auprès
des hommes violents qui se fondent essentiellement sur la psychothérapie sont
généralement considérées comme moins efficaces que les approches fondées sur
iv
l'apprentissage social et l'analyse féministe (Adams, 1988). On ne possède pas de
données comparatives sûres, au SCC, pour montrer que le modèle proféministe et
d'apprentissage social est supérieur à l'approche psychothérapeutique pour traiter les
hommes qui maltraitent leur conjoint et leurs enfants. La littérature sur le traitement des
délinquants montre toutefois que les techniques de psychothérapie sont moins efficaces
que les programmes fondés sur l'approche cognitive (Andrews, Zinger, Hoge, Bonta,
Gendreau, & Cullen, 1990; Lipsey, 1995).
Niveau des besoins et des risques
Les programmes couramment offerts aux hommes violents en milieu communautaire ne
conviennent pas à la population carcérale sous responsabilité fédérale, les détenus
étant capables d'une plus grande violence. En fait, les recherches donnent à penser
que, si certains hommes violents peuvent tirer profit des programmes offerts à
l'ensemble de la collectivité, ceux qui ont des antécédents criminels de violence ont
besoin de programmes plus intensifs conçus spécialement pour les délinquants (Hart,
Dutton et Newlove, sous presse).
En outre, les délinquants sous responsabilité fédérale doivent régler de multiples
problèmes que n'ont pas les hommes qui suivent les programmes habituels de
traitement de la violence en milieu communautaire. Mentionnons, à titre d'exemple, la
consommation excessive d'alcool et la toxicomanie, le logement, la réintégration au sein
de la famille, la recherche d'un emploi, les difficultés financières et l'obligation d'éviter
toute activité ou toute fréquentation susceptible d'entraîner une nouvelle arrestation ou
une suspension de la liberté conditionnelle. Il arrive que les délinquants aient besoin
d'être aidés ou représentés, services que les organismes communautaires sensibilisés
aux besoins des délinquants sous responsabilité fédérale sont le mieux placés pour
offrir.
La plupart des projets comportaient une forme quelconque de thérapie individuelle, mais
pas en remplacement de la thérapie collective. La plupart du temps, on a eu recours au
counselling individuel pour effectuer une évaluation avant le traitement ou pour régler
une situation de crise. Le counselling individuel était aussi offert aux délinquants qui
n'étaient pas aptes à participer à un groupe, leur niveau de développement cognitif
n'étant pas suffisamment élevé pour ce type d'interaction (Cyr, 1994). Quoi qu'il en soit,
on a insisté sur les bienfaits de la thérapie de groupe, laquelle a fait ses preuves dans la
lutte contre les attitudes et préjugés qui contribuent à la violence contre les femmes
(Edelson et Tolman, 1992; Sakai, 1991).
Évaluation, aiguillage et surveillance
L'évaluation des délinquants condamnés pour avoir commis des actes de violence
contre des membres de leur famille est relativement simple, mais la tâche se complique
lorsqu'il s'agit d'évaluer des délinquants qui ont été accusés sans toutefois avoir été
condamnés ou que l'on soupçonne de violence familiale. Les évaluations initiales des
détenus sont une importante composante du plan correctionnel car elles permettent de
s'attaquer dès le début de la peine aux problèmes de violence familiale actuelle ou
passée et dans la famille d'origine.
Les programmes en établissement ont suscité un vif intérêt chez les détenus, qui ont
demandé à y participer en grand nombre. En revanche, certains des projets pilotes
offerts en milieu communautaire ont eu du mal à démarrer, parce que les demandes
étaient insuffisantes ou les candidats, mal choisis. Dans la plupart des cas, les projets
pilotes communautaires auraient pu bénéficier d'une meilleure planification et
« promotion » par le SCC, et les responsables des projets auraient pu aider à
augmenter le nombre de demandes de participation. Pour certains programmes
communautaires, auxquels avaient été admis des participants volontaires à l'origine, on
a plus tard exigé que les participants soient tenus de suivre la thérapie de groupe pour
vi
faciliter le contrôle des présences et de la participation. L'aide des agents de gestion de
cas s'est révélée capitale pour maintenir la participation des hommes aux programmes.
Pour aider les animateurs à évaluer le progrès de leurs clients pendant la thérapie de
groupe, les responsables du projet de St. John's ont mis au point un « modèle de
réceptivité » pour suivre l'évôlution du comportement et des attitudes. Le modèle sert à
mesurer l'efficacité du traitement sans se reporter aux tests administrés avant et après
le traitement. La réceptivité se traduit par quatre critères, à savoir: assumer la
responsabilité de son comportement violent, éviter l'abus de pouvoir et la volonté de
dominer l'autre dans les relations intimes, faire preuve d'empathie à l'égard de sa
conjointe et comprendre comment les mauvais traitements subis dans l'enfance
contribuent au comportement actuel. On a élaboré des lignes directrices normalisées
décrivant les divers changements qui s'opèrent au niveau des attitudes et du
comportement à chacun de ces égards. Même s'il n'est pas encore tout à fait au point,
le modèle de réceptivité est un nouvel outil qui s'avérera très utile pour évaluer
l'efficacité des traitements de la violence familiale (voir annexe A).
Les programmes conçus à l'intention des hommes étaient composés d'un à trois
modules de traitement, auxquels étaient parfois conjuguées des séances de counselling
individuel. Certains programmes commençaient par une séance d'information et
d'autres comportaient une évaluation préalable au traitement. Le contrôle préalable au
traitement donnait au délinquant un accès immédiat à des animateurs de programme
sur une base individuelle. Cette évaluation était essentielle dans le cas des
programmes suivant la formule du groupe fermé, les hommes pouvant être vus par le
thérapeute en attendant qu'une place se libère.
Formule des programmes
Chaque formule, groupes fermés ou groupes ouverts, comporte des avantages et des
inconvénients. Il est plus facile d'administrer des groupes fermés que des groupes
vii
ouverts: le nombre des participants est déterminé à l'avance et demeure fixe jusqu'à la
fin du nombre prévu de séances. Comme on n'admet aucun nouveau participant une
fois que le programme a commencé, il faut attendre qu'un nouveau groupe soit
constitué. Par ailleurs, les groupes fermés se prêtent mieux à l'établissement d'un
climat de confiance, étant donné que le groupe demeure le même tout au long du
programme. En revanche, les groupes ouverts peuvent accueillir de nouveaux
membres à différents moments au cours du traitement. Chaque participant termine
alors le programme à un moment différent.
Cinq des six projets pilotes destinés aux hommes ont été conçus selon la formule des
groupes fermés. Le groupe qui a participé à l'Opportunities Project, à Toronto, était au
départ un groupe fermé qui s'est transformé en un groupe ouvert par la suite. La
formule du groupe ouvert s'est révélée plus efficace dans ce cas car les délinquants
pouvaient se joindre au groupe en tout temps au lieu d'attendre. Les nouveaux
participants pouvaient ainsi amorcer leur démarche sans attendre et bénéficier des
modèles de comportement non violent transmis par les membres originels du groupe.
Au fil des séances, on demandait aux membres plus anciens d'assumer une plus
grande responsabilité en se documentant sur une question d'intérêt pour le groupe et
en présentant leurs constatations et opinions à la séance suivante. La formule des
groupes ouverts aurait pu être avantageuse pour d'autres projets dont le taux de
décrochage était élevé, puisque les décrocheurs auraient pu être remplacés au fur et à
mesure par de nouveaux participants et qu'il n'aurait pas été nécessaire de dissoudre
les groupes en raison du nombre insuffisant de participants.
Dans la plupart des .cas, les participants aux projets pilotes se réunissaient une fois par
semaine; ainsi, si le programme comportait 24 séances, le traitement durait
24 semaines. Les programmes longs peuvent être plus bénéfiques que les courts, car
ils permettent de voir plus de matière et donnent plus de temps pour mettre à l'essai de
nouvelles compétences et en observer l'évolution. Cependant, étant donné la longueur
du traitement en milieu communautaire, bon nombre de délinquants n'ont pas eu la
viii
possibilité de le suivre jusqu'au bout souvent parce que leur libération conditionnelle a
été révoquée ou suspendue, rarement pour des motifs liés à la violence familiale
(consommation de drogues, activités criminelles, arrestations pour des infractions
antérieures, etc.). La même chose pourrait arriver aux programmes en établissement si
les participants étaient libérés ou transférés avant la fin de leur traitement. Pour parer à
cette difficulté, on a raccourci la durée des deux projets pilotes en milieu carcéral en
offrant deux séances par semaine plutôt qu'une. Les responsables d'un des projets
pilotes en milieu communautaire ont proposé d'adopter cette même formule à l'avenir
pour accroître le taux d'achèvement.
Abandons
Les taux élevés d'abandon posent un problème majeur aux responsables des
programmes de traitement pour hommes violents (Gondolf, 1987), spécialement en ce
qui concerne les délinquants sous responsabilité fédérlale inscrits à des programmes
communautaires (Buys, 1995; Van Deitan et Walker, 1995). Cette difficulté entrave les
recherches portant sur le traitement de la violence familiale chez les délinquants sous
responsabilité fédérale. Habituellement, les groupes comptent un nombre convenable
de participants au départ, mais ils fondent par la suite. Ce problème s'est posé tout
particulièrement dans le cas du projet pilote communautaire mis sur pied à Edmonton,
Interpersonal and Family Skills Program, où il a fallu démembrer plusieurs groupes en
raison des nombreux abandons. Les abandons ont le plus souvent été dus à la
réincarcération. Pour favoriser la réinsertion sociale des délinquants, on a offert, dans
le cadre du projet pilote d'Edmonton (Alberta), un module de traitement appelé Making it
on the Streets comme troisième étape du programme de traitement. Ce module visait
essentiellement à aider les délinquants à maintenir un mode de vie prosocial en leur
permettant d'acquérir les compétences nécessaires pour reconnaître les situations à
risque et de réfléchir aux moyens d'éviter la réincarcération. Au cours de ces séances,
on a abordé les thèmes suivants: jalousie et confiance, comment résister aux pressions
exercées par les pairs, comment réagir aux critiques, réinsertion sociale, dépendance,
ix
tendance à blâmer l'autre et mensonge. Quoique prometteur, ce module doit encore
faire ses preuves et être validé. Pour réduire les cas de réincarcération et de
suspension de la liberté, il pourrait être bénéfique d'offrir ces séances plus tôt au cours
du traitement.
De son côté, le projet pilote offert dans un pénitencier à Victoria, Healthy Relationships,
a connu un taux très élevé de persévérance. Manifestement, c'est là un avantage des
programmes offerts en milieu carcéral. Cependant, les détenus sont privés de la
chance de mettre en pratique dans un contexte familial les compétences qu'ils ont
acquises, puisque leurs occasions se limitent aux visites et aux conversations
téléphoniques. Par conséquent, les programmes en établissement ne véhiculent pas la
même urgence de changer et n'incitent pas les participants à entamer une démarche de
changement aussi vivement que les programmes communautaires. Par ailleurs, s'ils
sont offerts au cours des mois qui précèdent la mise en liberté, les programmes en
établissement peuvent favoriser la réinsertion au sein de la famille et préparer le détenu
à suivre un programme plus intensif dans la collectivité. Il est important que le SCC
assure la continuité dans les programmes visant la violence familiale : programmes de
prévention et de sensibilisation, programmes de traitement en établissement carcéral
avant la libération et programmes communautaires après la libération. Cela permet aux
délinquants de commencer à travailler sur les problèmes de violence familiale pendant
la période d'incarcération et de poursuivre le traitement dans le milieu où ils risquent
davantage de commettre ces actes violents envers leur conjoint et leurs enfants.
Contrôle et services après l'intervention
Une fois le traitement de la violence familiale terminé, il est important que les
délinquants puissent persévérer dans leur nouveau mode de vie. Pour maintenir un
comportement non violent, il leur faut de l'aide et de l'encouragement. Aussi a-t-on mis
sur pied un service d'appui après le traitement dans le cadre de quatre projets pilotes.
Dans un cas, les participants pouvaient se joindre à un groupe ouvert jusqu'à expiration
de leur mandat. Dans le deuxième cas, on a offert aux délinquants qui n'étaient pas
prêts à abandonner le travail collectif la possibilité de faire partie d'un groupe d'entraide
ouvert qui se réunissait une fois par semaine. Dans le troisième cas, les délinquants qui
avaient suivi un programme de lutte contre la violence familiale en prison ont pu suivre
un programme semblable en milieu communautaire. Dans le quatrième cas, on offrait
des séances complémentaires.
Évaluation des changements
La meilleure façon de mesurer l'efficacité d'un traitement est le taux de récidive. Pour le
moment, la meilleure méthode d'évaluation des améliorations du comportement
attribuables au traitement consiste à soumettre les délinquants à des tests avant et
après le programme. Les limites de cette méthode sont admises, surtout lorsqu'il s'agit
de mesurer les changements à long terme dans un domaine où les résultats mettent du
temps à se concrétiser.
Dans la dernière année de l'initiative, 1994-1995, le SCC a utilisé une série normalisée
de mesures dans ses projets pilotes. Les responsables de tous les projets ont
communiqué au SCC les résultats des tests préalables et postérieurs au traitement.
Auparavant, chaque projet utilisait des mesures variables, si bien qu'il était difficile de
tirer des conclusions, vu la petite taille des échantillons. On est actuellement en train
d'étudier les données, et les résultats de cette étude devraient être publiés d'ici au 31
mars 1996. Parmi les modifications dans les mesures et méthodes d'évaluation, notons
la collecte des numéros SED des délinquants, qui permettront des recherches de suivi.
On est en train de revoir les plans d'une étude ultérieure de suivi sur la récidive.
Les tests préalables et postérieurs au traitement ont posé quelques difficultés. Ainsi, il y
a eu de la résistance de la part de détenus qui répugnaient à donner leur numéro SED.
xi
Le personnel du programme a également soulevé des doutes, se demandant si les
tests mesuraient effectivement les changements.
Les rapports de recherche sur les divers projets ont été établis aux six ou aux douze
mois. On peut consulter ces rapports pour obtenir une description détaillée des
constatations et de l'analysede l'élaboration du programme. Une vue d'ensemble des
résultats des tests préalables et postérieurs au traitement pour chaque projet pilote est
proposée dans la description de chaque projet.
PROGRAMMES À L'INTENTION DES FEMMES Comme les conjointes des hommes participant aux programmes qui leur étaient
destinés avaient été ou risquaient d'être victimes de violence de la part de leur
compagnon, les responsables de tous les projets pilotes devaient offrir des programmes
aux conjointes. Ces programmes comportaient la participation à un ou à plusieurs
groupes de soutien, outre des séances de counselling individuel en personne ou par
téléphone. Les groupes de soutien se sont réunis sur une période de longueur variable,
allant de quatre à seize séances. Les sujets abordés allaient d'une information
générale sur la violence aux questions relatives à la guérison et aux moyens de se
prendre en main. Les participantes à tous ces programmes ont reçu de l'information sur
les mesures à prendre pour assurer leur sécurité. La principale fonction des groupes
était d'assurer un soutien et, au besoin, de défendre les conjointes.
Les programmes qui ont eu le taux de participation le plus élevé étaient fournis par des
organismes distincts de ceux qui administraient les programmes destinés aux hommes;
il y avait cependant une étroite collaboration entre les organismes qui s'occupaient des
hommes et des femmes. Certains programmes accordaient une aide aux femmes en
leur donnant des billets d'autobus ou des billets de stationnement et en leur assurant
des services de garde minimums. On a également considéré essentiel de leur offrir
divers services (comme de les aider à trouver un avocat, à se loger, à communiquer
avec la police et les services de libération conditionnelle), de leur rendre visite à
xi i
domicile et de communiquer avec elles par téléphone pour discuter des questions qui
les préoccupent le plus et pour établir une relation de confiance entre elles et le
personnel.
Pour des raisons diverses, un thérapeute masculin a animé deux programmes destinés
aux femmes pendant une courte période. Cette solution n'a pas été heureuse, car (a)
les femmes violentées n'étaient pas à l'aise pour discuter des problèmes de violence
avec un homme et (b) dans certains cas, les femmes n'étaient pas à l'aise pour parler
avec des membres du personnel des services correctionnels qui travailllaient avec leur
conjoint. Ce sont là des conjectures, car on n'a pas interrogé directement les femmes
sur leur expérience dans le cadre du programme, mais il était évident, d'après les
niveaux de participation et de fréquentation, qu'il existait un problème, et on suppose
que ce problème était la présence d'un homme.
Il est intéressant de noter que, une fois que les services aux femmes, en Alberta, ont
été offerts par un organisme distinct et des conseillers féminins, les conjointes ont été
plus nombreuses à participer. En outre, les programmes à l'intention des femmes qui
ont attiré le plus de femmes - ceux de Terre-Neuve et d'Ottawa - étaient animés par des
thérapeutes féminins. Il était important que les femmes connaissent bien le problème de
la violence familiale et soient bien en prise sur la collectivité. Ces liens étaient
importants pour que la thérapeute puisse mieux répondre aux besoins de femmes dans
un certain nombre de domaines.
Les groupes de femmes constitués dans le cadre d'un des deux projets pilotes offerts
en milieu carcéral n'ont pas été particulièrement populaires. Ce manque d'intérêt
s'explique par plusieurs raisons associées à l'incarcération: la violence avait été
interrompue, la relation avec l'agresseur avait pris fin ou il avait été impossible de
contacter l'intéressée parce qu'on n'avait pas ses coordonnées.
xiii
CONCLUSION Le SCC a tiré profit de l'expérience des projets pilotes. Il a rédigé des manuels sur des
programmes spécifiques à l'intention des délinquants, manuels qui peuvent être utilisés
à d'autres endroits avec une sélection et une formation appropriées des animateurs.
L'importance d'un certain nombre d'aspects opérationnels est également ressortie
nettement. Notons par exemple : l'établissement de liens avec d'autres sources de
services dans le milieu et des organismes d'exécution de la loi; l'établissement et le
maintien d'un échange d'information entre le projet et le personnel des services
correctionnels; la mise en place d'une planification préliminaire du programme et de la
publicité (notamment la rédaction de brochures sur le programme); l'élaboration de
critères spécifiques sur l'aiguillage; la prise de conscience de l'importance de la
surveillance clinique et de la formation du personnel; enfin, la formation du personnel du
SCC.
Le SCC a également perçu l'importance des séances préalables au traitement dont le
but est de mobiliser le délinquant le plus tôt possible et de le préparer à la thérapie de
groupe. De la même manière, des séances de rappel ou de confirmation sont
nécessaires pour surveiller l'évolution des délinquants, les soutenir et les encourager à
conserver un comportement non violent. Le personnel du projet s'est posé la question
de la participation obligatoire des hommes au traitement, dans le cadre de l'ordonnance
de mise en liberté. Cela assure un mécanisme de contrôle de la fréquentation et de la
participation au programme. En outre, l'importance du soutien, de la planification des
mesures de sécurité et d'aide pour les conjointes et les enfants a été mise en évidence.
Enfin, il était également important de permettre aux conjointes de participer au
programme même si leur conjoint ne le faisait pas ou avait cessé de le faire.
Dans l'élaboration du programme, l'approche proféministe et celle de l'apprentissage
social sont prometteuses. Le SCC attend les résultats de l'analyse de l'ensemble des
mesures préalables et postérieures au traitement de l'ensemble des projets, dont le
rapport devrait être prêt au plus tard le 31 mars 1996. Bien qu'il soit moins souhaitable
xiv
de mesurer l'efficacité du programme uniquement d'après ces tests, il s'agit là de la
seule méthode qui soit à la disposition du SCC pour l'instant. On envisage une étude de
suivi qui serait fondé sur les taux de récidive.
Les résultats des tests d'avant et d'après le traitement des divers projets traduisent
dans l'ensemble une certaine amélioration. Toutefois, les modes d'évaluation ont
changé dans la dernière année de l'initiative, et le nombre de participants de chaque
projet était faible, ce qui limite la valeur des conclusions qu'on peut tirer. Ces faits
montrent également l'importance de mettre en place un cadre uniforme de recherche et
(ou) d'évaluation dès le début d'un programme, de manière qu'on dispose de données
adéquates pour tirer des conclusions.
La longueur et la formule des programmes ont varié, mais le contenu est resté partout
assez semblable. L'avantage des programmes courts est que les délinquants sont plus
en mesure de le terminer avant la fin de leur période de liberté conditionnelle, mais,
dans la plupart des projets, on a préféré les programmes longs, car le processus de
changement de l'attitude et des convictions, et le développement de compétences
demandent du temps. Les groupes ouverts et fermés ont tous les deux des avantages
et des inconvénients. Les groupes ouverts peuvent accueillir de nouveaux membres
régulièrement, mais cette formule peut nuire au niveau de confiance qui peut s'établir
entre les membres. Les membres des groupes fermés ont davantage la possibilité
d'établir et de maintenir un climat de confiance, mais il n'est pas possible d'y accueillir
de nouveaux membres. Par conséquent, lorsque les groupes sont fermés, il arrive que
dies délinquants doivent attendre longtemps avant de pouvoir trouver place dans un
groupe. Par contre, des rencontres préalables au traitement peuvent être une solution à
ce dilemme.
Désireux d'aider les délinquants à surmonter leurs besoins criminogènes, le SCC
continue à offrir des programmes de traitement et de prévention de la violence familiale.
XV
Les résultats des projets pilotes seront utiles pour la planification et la prestation des
futurs programmes, et pour l'adaptation du cadre aux programmes de violence familiale.
xvi
LISTE DES PROJETS PILOTES
1. Family Violence Project - Saint John's (Terre-Neuve)
2. Interpersonal and Family Skills Program - Edmonton (Alberta)
3. Opportunities Program - Toronto (Ontario)
4. Healthy Relationships - Victoria (C.-B.)
5. Programme d'enrichissement familial - Ottawa (Ontario)
6. Programme Contrecoups - Laval (Québec)
xvii
1. PRÉVALENCE DE LA VIOLENCE FAMILIALE D'après une étude de Statistique Canada parue en 1993 (Enquête sur la violence faite
aux femmes), 50% des femmes canadiennes âgées de plus de 16 ans ont déjà été
victimes d'au moins un incident de violence. De plus, 25% des Canadiennes ont été
maltraitées par leur conjoint ou leur ex-conjoint.
D'après les différentes études sur les délinquants masculins de ressort fédéral, de 29%
à 58% de ces hommes auraient eu par le passé ou auraient encore un comportement
violent à l'endroit de leur famille. En étudiant le dossier de 935 détenus de pénitenciers
fédéraux choisis au hasard, on a constaté que 33,7% d'entre eux maltraitaient des
membres de leur famille (Robinson et Taylor, 1995). De façon plus précise, 24% des
détenus mariés (ou vivant en union de fait) avaient brutalisé leur femme. De plus 20%
des hommes de cet échantillon qui vivaient une relation de couple avaient fait l'objet
d'accusations formelles de violence à l'endroit d'une femme. Ces statistiques, faut-il le
rappeler, sont peut-être une sous-estimation de la fréquence réelle des actes de
violence, puisque les renseignements sont tirés exclusivement des dossiers.
Beaucoup de gens croient que les femmes et les hommes recourent également à la
violence dans les relations de couple, ce qui est faux. Ce sont les hommes qui se
livrent le plus souvent à des actes de violence dans la famille (Dobash, Dobash, Wilson
et Daly, 1992). D'après une étude réalisée par Myers Avis (1992), les hommes seraient
les auteurs de 95 % des voies de fait commises contre le ou la conjointe en Amérique
du Nord. Ces hommes recourent à la violence pour dominer leur femme ou leurs
enfants. De leur côté, les femmes n'amorcent normalement pas des actes de violence,
mais elles réagissent avec agressivité aux mauvais traitements qu'on leur inflige pour se
défendre elles-mêmes ou pour défendre leurs enfants (Van Dieten, Rettinger, Graham,
Van Horn, 1992).
Le fait d'être témoin d'actes de brutalité est un facteur de risque auquel sont exposés
les enfants des familles où il y a de la violence. Passant en revue la littérature récente
sur le sujet, Alksnis et Taylor (1994) signalent que les enfants sont présents lors de 68 à
80 % des agressions dont leur mère est victime. Dans une autre étude sur l'incidence
de la violence familiale chez les délinquants de ressort fédéral, Robinson et Taylor
(1995) ont recueilli de nouvelles données corroborant l'existence d'un cycle de la
violence : 42,4 % des hommes considérés comme violents auprès de leur famille
avaient eux-mêmes été victimes de violence familiale dans leur enfance. Cette
constatation souligne l'importance de former des groupes de soutien à l'intention des
enfants de parents violents pour briser le cycle de la violence.
2. MÉTHODES DE TRAITEMENT DE LA VIOLENCE FAMILIALE Pour corriger le comportement violent des hommes qui n'ont jamais, par ailleurs, eu de
démêlés avec la justice, il y a deux moyens possibles: les arrêter ou leur faire suivre un
traitement. Ces deux moyens peuvent aussi être combinés. L'arrestation est un facteur
de dissuasion pour cette catégorie d'hommes violents dans la mesure où elle sert
d'avertissement; s'ils continuent à brutaliser les membres de leur entourage, ils risquent
d'avoir un casier judiciaire ou de perdre leur emploi. Cependant, l'arrestation ne produit
pas le même effet sur des repris de justice; ils ont déjà un casier judiciaire et sont
souvent persuadés et n'ont rien à perdre (Rondeau, Brochu et Lemire, 1994). Par
conséquent, la meilleure solution pour cette clientèle criminalisée, dont les besoins et
les risques de récidive sont considérables, consiste à offrir un traitement intensif à ces
hommes, après les avoir arrêtés et traduits en justice s'ils ont enfreint la loi.
La plupart des programmes de traitement offerts depuis 10 ans aux maris violents
comportent une série de séances d'une heure et demie à trois heures, échelonnées sur
une période variant de 10 à 24 semaines (Rondeau, Brochu et Lemire, 1994). Les
programmes plus courts (de 10 à 12 semaines) se sont avérés inefficaces auprès des
délinquants (Cyr, 1994). Il faut offrir à ces hommes des programmes de traitement plus
2
longs et plus intensifs que ceux qui s'adressent à la population générale, puisque les
criminels sont potentiellement plus violents que les autres hommes.
D'après les études sur la violence familiale, les hommes violents se rangeraient en trois
catégories (Hart, Dutton et Newlove, sous presse). Dans la première catégorie, on
trouve les hommes qui, après avoir brutalisé les membres de leur famille, manifestent
du remords. La deuxième catégorie correspond aux hommes qui commettent des actes
d'une extrême violence contre les membres de leur famille et qui ont souvent un casier
judiciaire faisant état de crimes violents commis en dehors du milieu familial. La
troisième catégorie est celle des hommes qui se montrent violents dans leurs relations
avec autrui aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de la famille, qui ont un casier
judiciaire chargé et qui ont souvent été maltraités pendant leur enfance. Les hommes
de la première catégorie sont plus susceptibles de tirer profit des programmes de
traitement offerts en milieu communautaire, à une clientèle générale, tandis que des
programmes intensifs de traitement de la violence familiale conçus expressément pour
des délinquants sont susceptibles de convenir davantage aux deux autres catégories
(Ha rt et coll., sous presse).
Il existe plusieurs formules de traitement de violence familiale. Les thérapies de groupe
offerts en milieu communautaire, à l'intention des hommes violents, reposent
essentiellement sur une approche cognitivo-comportementale et s'inspirent de l'analyse
féministe (Tolman et Bennett, 1990).
Les approches qui s'inspirent de l'analyse féministe considèrent la violence faite aux
femmes comme le résultat direct de l'inégalité sociale; elles, ne s'attachent pas aux
causes individuelles de la violence comme le stress, l'anxiété, une piètre image de soi
ou l'impulsivité. En Amérique du Nord, les hommes et les femmes sont socialisés de
façons différentes et les rôles attribués à l'un et l'autre sexe sont renforcés par la
publicité, la télévision et la répartition des rôles à l'intérieur de la famille. Les obstacles
d'ordre économique et social viennent perpétuer cette division des rôles. De plus, la
3
culture qui a cours en Amérique du Nord est essentiellement patriarcale, dans la
mesure où la plupart des postes de pouvoir (par exemple, dans le gouvernement ou
l'Église) sont occupés par des hommes. D'après l'analyse féministe, cette structure du
pouvoir entretient l'inégalité des sexes et sert à perpétuer les situations de violence
(Burns et Meredith, 1991). Enfin, l'analyse féministe part du principe que les hommes
violents sont entièrement responsables de leurs actes et qu'ils décident de recourir à la
violence ou non (Cyr, 1994). Par conséquent, la plupart des programmes de traitement
fondés sur l'analyse féministe visent à enrayer la violence en changeant les attitudes
stéréotypées des hommes à l'égard des femmes et en favorisant l'égalité dans les
rapports homme-femme (Gondolf, 1988).
L'approche de l'apprentissage social fondée sur des méthodes cognitives repose sur
l'acquisition de compétences; le changement d'attitude est vu comme le précurseur d'un
changement de comportement. D'après cette approche, la violence familiale est un
comportement appris; il peut donc être « désappris » (Ganley, 1981). Tout comme
l'approche féministe, l'approche cognitivo-comportementale part du principe que la
violence est un moyen que l'homme emploie pour dominer la femme. D'ailleurs, tout
comme les interventions d'inspiration féministe, la thérapie cognitivo-comportementale
vise essentiellement à amener les hommes violents à cesser de recourir à la violence
(Adams, 1988).
Il se peut que certains délinquants aient à régler d'autres problèmes, par exemple leur
toxicomanie, avant d'amorcer un traitement qui vise à les amener à cesser de brutaliser
leur femme. Beaucoup de programmes conçus pour enrayer la violence familiale
n'acceptent pas les hommes qui se droguent ou qui boivent trop, car les progrès qu'on
peut escompter dans leur cas sont négligeables (Tolman et Edelson,. 1989).
3. MESURE DE L'EFFICACITÉ DES PROGRAMMES Une autre facteur qu'il faut prendre en considération est la nature du traitement
susceptible d'être le plus efficace pour le délinquant. Le traitement en groupe semble le
4
plus profitable dans la plupart des cas, mais les séances de thérapie individuelle
semblent mieux répondre aux besoins de certains délinquants dont le développement
cognitif n'est pas assez avancé pour qu'ils puissent tirer parti des interventions
interactives caractéristiques des thérapies de groupe (Cyr, 1994). Cependant, pour les
délinquants auxquels le traitement en groupe convient, cette formule peut être
avantageuse puisqu'elle favorise la remise en question des attitudes et des croyances
qui entretiennent la violence contre les femmes (Edelson et Tolman, 1992;
Sakai, 1991).
Le pourcentage élevé d'abandon est un autre problème dans le domaine des
programmes de traitement pour les hommes violents (Gondolf, 1987). Le problème est
particulièrement évident dans le cas des ex-détenus de ressort fédéral inscrits à des
programmes en milieu communautaire (Buys, 1995; Van Dieten et Walker, 1995),
surtout chez ceux qui s'inscrivent de leur propre initiative à ces programmes. Pour
qu'un traitement soit efficace, il faut généralement un facteur de motivation extrinsèque
(Rondeau, Brochu et Lemire, 1994).
L'une des méthodes utilisées pour évaluer l'efficacité des programmes de traitement de
la violence familiale consiste à interroger la conjointe de l'homme inscrit au programme
à intervalles réguliers, après la fin du traitement. Cette façon de faire est généralement
jugée plus fiable que d'interroger directement les participants, puisque ces hommes ne
font généralement pas état de tous les incidents de violence (Edelson et Brygger, 1986;
Jouriles et O'Leary, 1985). D'après les conjointes des participan t de 59 % à 84 % de
ces hommes ne recourent plus à la violence après la fin du traitement (Edelson et
Brygger, 1986). Ce n'est toutefois pas la meilleure méthode d'évaluer si la violence se
poursuivit, car en demandant à la femme de signaler la fréquence des comportements
violents de son conjoint, on risque de compromettre à sa sécurité si les mauvais
traitements se poursuivent (lnstitute for Human Resource Development, 1995).
5
Une méthode fiable et souvent employée pour évaluer l'efficacité du traitement consiste
à administrer aux participants des tests avant et après le traitement. Les changements
constatés entre les attitudes et les comportements de l'individu peuvent alors être
attribués à l'intervention thérapeutique. Il est préférable d'avoir un groupe témoin pour
comparaison.
Jusqu'à maintenant, les programmes offerts à l'extérieur des pénitenciers à une
clientèle générale semblent donner des résultats. encourageants. Dans plusieurs de ces
programmes, on utilise l'Échelle des tactiques de résolution des conflits mise au point
par Straus (1979), pour évaluer les différences dans certaines variables avant et après
le traitement. Edelson, Miller, Stone et Chapman (1985) ont testé neuf hommes à l'aide
de cet instrument avant et après un programme de 12 semaines fondé sur l'approche
cognitivo-comportementale. D'après les déclarations des participants, on a établi le
taux de réussite à 77%, ce qui dénotait une réduction appréciable de la violence entre le
moment du pré-test et du post-test. Dans une autre étude, DeMaris et Jackson (1987)
font état d'un taux de réussite de 65% enregistré à la suite d'un programme cognitivo-
comportemental de 12 semaines à l'intention des hommes violents; dans ce cas encore,
on a calculé le taux de réussite d'après les réponses que les participants avaient
données, avant et après le traitement, à l'Échelle des tactiques de résolution des
conflits (ETRC). Dans une autre étude, Dutton (1986) a analysé l'efficacité d'un
programme de traitement de 16 semaines fondé sur l'approche cognitivo-
comportementale. Les scores que les participants ont obtenus à l'ETRC, avant et après
le traitement, ont révélé une baisse significative de la violence autodéclarée.
Malgré son utilité, l'Échelle des tactiques de résolution des conflits a fait l'objet de
critiques parce qu'elle ne permet pas de mesurer la motivation du comportement relevé
ni le contexte dans lequel il s'est produit (Dobash et coll., 1992; Van Deitan et Walker,
1995). Ainsi, si le participant déclare avoir, ne serait-ce qu'une seule fois, poussé,
6
bousculé, frappé ou tenter de frapper sa conjointe, il est catalogué comme un « auteur
de violence ». L'homme qui a donné un coup de pied, battu quelqu'un, menacé
quelqu'un avec un couteau ou tiré un coup de fusil se voit ranger dans la catégorie des
« auteurs de violence grave ». Par ailleurs, la notion de gravité est mal définie, si bien
que les incidents de violence semblent qualifiés de « graves » ou de « mineurs » de
façon arbitraire (Dobash et coll., 1992).
Pour pallier ces lacunes, Meredith et Burns (1990) ont mis au point l'Indice de maîtrise
du comportement (IMC), qui englobe certaines questions de l'Échelle des tactiques de
résolution des conflits et de trois autres instruments. On a utilisé l'IMC auprès de
détenus pour évaluer l'effet de neuf programmes psycho-éducatifs, en administrant ce
test aux participants avant et après le programme. Ces programmes, dont la durée
variait de 9 à 24 semaines, étaient gérés par le ministère des S-Fervices correctionnels
de l'Ontario. L'analyse des résultats obtenus a révélé une diminution de la violence
psychologique, verbale, sexuelle et physique (Meredith et Burns, 1990).
Malgré la quantité impressionnante d'études sur les programmes de traitement de la
violence familiale, il est difficile de tirer des conclusions définitives quant à leur efficacité
à cause de la disparité des instruments d'évaluation et d'une analyse inappropriée ou
insuffisante des données. Dans l'avenir, nous serons plus à même d'évaluer l'efficacité
des traitements de la violence familiale, grâce au perfectionnement constant et à la
validation des instruments de mesure dans ce domaine.
7
1. INITIATIVE FÉDÉRALE DE LUTTE CONTRE LA VIOLENCE FAMILIALE
D'après la définition qu'a adoptée le gouvernement fédéral, la violence familiale englobe
tous les mauvais traitements infligés aux enfants, aux adolescents ou aux personnes
âgées, à l'intérieur et à l'extérieur de la famille, ainsi que les mauvais traitements infligés
aux femmes par leur conjoint. Outre l'agression physique, la violence familiale peut
revêtir plusieurs formes: intimidation, cruauté mentale ou violence psychologique,
exploitation sexuelle, négligence, privations et exploitation financière.
Le gouvernement fédéral s'intéresse de près au problème de la violence familiale
depuis 1986, année du lancement de l'Initiative de lutte contre l'exploitation sexuelle
des enfants. Il a consacré 25 millions de dollars à ce projet de cinq ans. Par la suite,
en 1988, le Cabinet a approuvé la mise en oeuvre d'une Initiative interministérielle de
lutte contre la violence familiale à laquelle allait être affectée la somme de 40 millions de
dollars sur quatre ans. En 1991-1992, cette initiative a été renouvelée pour quatre
autres années, assortie d'un budget et 136 millions. Santé Canada était chargée de
coordonner les activités mises sur pied par d'autres ministères fédéraux dont le
ministère du Solliciteur général, la Société canadienne d'hypothèques et de logement,
le ministère des Affaires indiennes et du Nord, le Secrétariat d'État et le ministère de la
Justice.
L'Initiative renouvelée visait les objectifs suivants :
• sensibiliser davantage la population et favoriser la prévention
• renforcer le cadre juridique fédéral
• assurer des services aux Indiens des réserves et aux Inuit
• améliorer les services d'intervention et de traitement
• augmenter le nombre de logements mis à la disposition des victimes
8
• améliorer la mise en commun de l'information à l'échelle nationale et intensifier les
efforts de coordination
Le gouvernement fédéral a adopté une vaste stratégie en cinq volets pour poursuivre
les efforts déployés dans le cadre de la lutte contre la violence en milieu familial. La
stratégie englobe des activités relevant de chacun des domaines suivants :
• Prévention
• Intervention et traitement
• Recherche et évaluation
• Formation professionnelle
• Collecte et diffusion de renseignements
2. INITIATIVE DU SCC EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA VIOLENCE FAMILIALE
Le Service correctionnel du Canada (SCC) prend part à des activités visant à enrayer la
violence familiale depuis 1988, année du lancement de la première initiative de lutte
contre la violence familiale, qui s'échelonnait sur quatre ans. Les activités ont pris de
l'ampleur par suite du renouvellement de l'Initiative en 1990. Le ministère du Solliciteur
général a obtenu la somme de 23 millions de dollars, dont 9,15 millions ont été alloués
au SCC.
a) STRUCTURE ADMINISTRATIVE
Une Unité chargée de l'Initiative de lutte contre la violence familiale a été mise sur pied
à la Division des programmes correctionnels en septembre 1991. À la même époque,
un poste de directeur de la recherche sur la violence familiale a été créé à la Direction
de la recherche et des statistiques du SCC. On a embauché des agents de projet pour
épauler directement les établissements, les organismes communautaires et les bureaux
régionaux de chacune des cinq régions. Au début, la plupart des activités étaient
gérées par l'administration centrale; par la suite, cependant, on a établi un fonds annuel
9
(projets innovateurs) pour chaque région afin de favoriser l'établissement de
partenariats avec les organisations locales et fournir des programmes de prévention et
de traitement aux délinquants sous responsabilité fédérale. Dans la dernière année de
l'initiative, la gestion des programmes s'est davantage régionalisée.
b) ÉLABORATION ET MISE EN OEUVRE DU PROJET
Dans le cadre de l'Initiative de lutte contre la violence familiale, le SCC s'est vu confier
le mandat de réduire l'incidence de la violence familiale chez les délinquants, en mettant
au point une infrastructure de programmes de prévention, en lançant des programmes
de traitement et d'intervention en milieu carcéral et communautaire, en formant le
personnel et en le sensibilisant au problème. On considérait prioritaire de répondre aux
besoins des délinquants autochtones et des femmes détenues de ressort fédéral.
En avril 1992, lors d'une réunion du personnel des régions et de l'administration
centrale du SCC, on a élaboré un plan de mise en oeuvre pour gérer toutes les activités
liées à la violence familiale, et ce, pour exécuter le mandat du SCC. Plus tard, le SCC a
mis au point un Modèle théorique s'appliquant aux interventions de lutte contre la
violence familiale en milieu correctionnel afin de guider et d'orienter l'élaboration, à
l'échelle du Service, de tous les programmes de traitement de la violence familiale.
Voici quelques-unes des activités auxquelles se livre le SCC dans les cinq grands
domaines énumérés plus haut.
- PRÉVENTION -
L'Initiative de lutte du SCC contre la violence familiale est venue compléter la formation
des animateurs des modules « Vivre sans violence » et « Compétences parentales » du
Programme d'acquisition de compétences psychosociales. Ces programmes donnent
aux délinquants l'occasion de remettre en question leurs attitudes et leurs idées à
10
l'égard du rôle des différents membres d'une famille et des relations entre les hommes
et les femmes, par exemple. Ils les aident à acquérir les compétences qui leur
permettront de fonctionner normalement au sein de leur famille. Tous les exemples
étant présentés à la troisième personne, les participants n'ont pas à dévoiler leurs
expériences personnelles.
Un certain nombre de programmes de prévention ont été conçus à l'intention des
détenus grâce au financement des projets innovateurs régionaux. On a également
présenté, tant au personnel qu'aux délinquants, un certain nombre de représentations
théâtrales interactives portant sur la violence familiale.
Le SCC a conçu deux brochures. La première, intitulée La violence familiale... Il faut
d'abord en parler, s'adresse aux familles de délinquants. La deuxième, à l'intention du
personnel du SCC, s'intitule La violence familiale... PAE peut aider.
- PROGRAMMES DE TRAITEMENT À L'INTENTION DES DÉLINQUANTS DE SEXE
MASCULIN -
On a mis l'accent sur les programmes de traitement des délinquants en milieu
communautaire. Durant la deuxième phase de l'Initiative, le SCC a poursuivi deux des
projets pilotes de traitement (Edmonton et Ottawa) et passé des contrats en vue de
l'élaboration de quatre autres programmes. C'est ainsi que des programmes ont été
instaurés dans des établissements de Laval (Quebec) et de Victoria (C.-B.) et dans la
communauté à Saint John's (Terre-Neuve) et à Toronto (Ontario). Les programmes en
milieu carcéral devaient servir d'amorce au traitement en milieu communautaire, mais
cela a été impossible en raison de certaines difficultés. Le projet de Victoria n'a pas été
très populaire auprès des détenus, la participation étant volontaire et les délinquants
ayant d'autres priorités.
11
Le programme de Traitement Contre coups à l'établissement Montée St-François à
Laval devait se dérouler en deux phases: la première en établissement et la seconde
en communauté chez la firme Option de Montréal. Toutefois, les détenus ayant
participé au programme de Traitement n'étaient pas tous libérés sur le territoire de
Montréal. Les tests devaient être envoyés par la poste aux clients et n'étaient pas
souvent retournés par ceux-ci. La Phase Il a donc été abandonnée et un réseau de
ressources oeuvrant auprés des hommes violents a été développé dans presque tous
les secteurs de la Région du Québec. Ce qui a rendu possible le suivi de ces clients
ayant comme particularité des attitudes et des comportements violents envers leur
conjointe et/ou leurs enfants. Le but poursuivi étant de s'assurer que les libérés
reçoivent le suivi nécessaire; qu'ils aient l'opportunité de poursuivre leur démarche de
traitement; qu'ils soient facilement localisables grâce au S.G.D. (système de gestion des
détenus).
À une exception près, tous les projets pilotes prévoyaient la constitution de groupes de
soutien parallèles auxquels pouvaient participer la conjointe et, dans certains cas, les
enfants du délinquant pour assurer leur protection personnelle.
Dans une certaine mesure, le SCC s'est fié aux ressources communautaires existantes
pour adapter le matériel existant et pour offrir le programme aux populations de ressort
fédéral. Cependant, dans la majorité des cas, le SCC a confié à des professionnels de
l'extérieur la tâche d'élaborer des programmes distincts pour répondre aux besoins
particuliers des délinquants de ressort fédéral. Il convient de noter ici que la portée des
programmes communautaires habituels de lutte contre la violence familiale n'a pas été
jugée assez vaste pour répondre aux besoins multiples qu'éprouvent les délinquants
sous responsabilité fédérale au moment de leur libération. Par exemple, ces
délinquants ont en général de la difficulté à se réinsérer dans la société et dans leur
famille et, si ce problème n'est pas résolu, il est susceptible de les rendre inaptes à
participer aux programmes. On a demandé aux organismes d'être sensibles et de
12
répondre eux-mêmes aux multiples besoins de ces ex-détenus ou de faire appel aux
ressources communautaires appropriées.
Durant la dernière année de l'Initiative, le SCC a donné à contrat la conception de
trente-deux programmes de lutte contre la violence familiale à l'intention des
délinquants de sexe masculin. Il s'agissait de programmes de traitement, de
prévention, d'éducation et d'orientation devant être offerts en milieu carcéral et en milieu
communautaire dans toutes les régions du SCC. Le choix des lieux de prestation des
programmes était fondé sur les différents plans régionaux.
- PROGRAMMES DE TRAITEMENT À L'INTENTION DES DÉLINQUANTS
AUTOCHTONES -
Le SCC a également passé un marché avec un organisme autochtone de Winnipeg
(Manitoba), le Ma Mawi Wi Chi Itata Centre, pour adapter son programme aux détenus
de l'établissement de Stony Mountain. L'évaluation du programme, qui s'est terminée
en janvier 1993, a fait ressortir que la dimension culturelle et spirituelle du programme
avait grandement contribué aux changements personnels constatés par les délinquants
autochtones. Bon nombre ont fait remarquer qu'ils n'avaient jamais eu l'occasion
d'explorer et de comprendre leur patrimoine culturel et que cette composante du
programme était la plus bénéfique. Depuis le lancement du programme de Ma Mawi,
en 1993, cent délinquants y ont participé, dont les quinze qui le suivaient au moment de
la rédaction de ce rapport. On a déjà pris des mesures pour étendre le programme à
toute la région des Prairies, et on se penche sur la possibilité de l'offrir dans la région du
Pacifique.
D'autres programmes à l'intention des Autochtones ont par ailleurs été mis sur pied
dans la région du Pacifique grâce au fonds des projets innovateurs régionaux. Deux
projets ont ainsi vu le jour, le premier à l'établissement de Matsqui et le second en
milieu communautaire à Prince George. Les intervenants du programme Change of
13
Seasons, qui traite expressément de la violence conjugale dans une perspective
autochtone, ont été retenus pour mettre le programme à l'essai à l'établissement de
Matsqui. Il a fallu résoudre quelques difficultés du fait que, à l'origine, le programme
Change of Seasons était un programme communautaire. Au cours du projet pilote, on a
déterminé qu'il serait bénéfique d'offrir le programme à titre de traitement prélibératoire
que les délinquants continueraient de suivre en milieu communautaire, une fois libérés.
Bien que ce programme soit maintenant terminé, on s'intéresse à la possibilité d'offrir la
nouvelle formule. Le programme communautaire était fourni par le centre d'accueil
autochtone de Prince George qui voulait en faire un "cercle de vie des hommes ".
Lancé par l'administration centrale, ce projet n'a jamais démarré, faute d'un nombre
suffisant de clients.
- PROGRAMMES DE TRAITEMENT À L'INTENTION DE GROUPES SPÉCIAUX-
La région du Pacifique a retenu les services d'un organisme pour élaborer un
programme de traitement de la violence familiale adapté à la culture asiatique, mais ce
programme n'a pu être offert, à défaut d'un nombre suffisant de participants.
- PROGRAMMES DE TRAITEMENT À L'INTENTION DES FEMMES PURGEANT UNE
PEINE DE RESSORT FÉDÉRAL -
Selon le rapport du Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale (La
Création de choix), près de 80% des femmes incarcérées ont été victimes d'une forme
quelconque de violence. Environ 70% de ces femmes auraient été maltraitées
physiquement et 50% auraient subi des sévices sexuels. La proportion des femmes
autochtones maltraitées est supérieure à la moyenne natiànale. Depuis quelques
années, on offre plus de services aux détenues de ressort fédéral pour les aider à
surmonter les séquelles des mauvais traitements dont elles ont été victimes ainsi qu'à
maîtriser la violence qu'elles exercent à leur tour. Des fonds ont été libérés dans le
cadre de l'Initiative de lutte contre la violence familiale pour traiter les victimes d'inceste
14
et d'autres agressions sexuelles. Des projets ont également été réalisés dans les
régions des Prairies et du Pacifique. Un programme conçu au Burnaby Correctional
Centre for Women présente un intérêt particulier. Le programme, intitulé "Home
Improvement - Tools for Building Better Relationships", a été élaboré par la Fraser
Valley Violence Prevention Society. Le manuel de traitement rédigé pour ce programme
a été communiqué au personnel intéressé partout au Canada, et les réactions ont été
favorables. Ce programme pourrait être repris dans certains des nouveaux programmes
de traitement en voie d'élaboration pour les femmes purgeant une peine de ressort
fédéral.
- FORMATION PROFESSIONNELLE -
En 1991-1992, on a été constitué un groupe de travail surfa sensibilisation et la
formation du personnel formé de représentants de l'administration nationale et des
régions. Les travaux de ce groupe de travail ont donné lieu à l'établissement d'une
norme nationale de formation dans le domaine de la lutte contre la violence familiale,
comportant trois volets :
• une séance de sensibilisation d'une demi-journée, dans le cadre du programme de
formation de base de tous les nouveaux employés du SCC;
• un programme intensif de trois jours à l'intention des employés ayant des contacts
directs avec les délinquants;
• un programme d'une journée à l'intention des agents d'orientation du Programme
d'aide aux employés (PAE).
Le programme intensif est axé sur l'acquisition des compétences qui permettront aux
employés d'identifier les délinquants qui risquent fort de maltraiter des membres de leur
famille et d'acquérir les compétences pour intervenir. À ce jour, environ 50% des
employés du SCC inscrits ont déjà suivi le programme intensif de trois jours. Des
15
séances plus spécialisées ont été offertes aux aumôniers partout au Canada et aux
psychologues qui oeuvrent en milieu communautaire dans la région de l'Ontario.
Dans le cadre de la stratégie de formation, le SCC a formé des agents d'orientation du
PAE à la façon de traiter les renseignements révélés par des employés lors des
séances de formation, ce point ayant été soulevé lors des séances de formation qui se
sont tenues au cours de la phase précédente de l'Initiative.
- RECHERCHE ET ÉVALUATION -
On a continué d'évaluer l'efficacité des volets « Vivre sans violence » et « Compétences
familiales et parentales » du Programme d'acquisition de compétences psychosociales
tout au long de l'Initiative. Comme nous l'avons déjà vu, chacun des programmes de
traitement et projets pilotes comportait une composante de recherche.
Les études qui suivent ont été menées dans le cadre de l'initiative:
• Compendium de recherche sur la violence familiale et le fonctionnement de la famille
du délinquant
• Structure de recherche nationale - Projets pilotes sur la violence familiale
• La violence familiale chez les délinquants sous responsabilité fédérale : Étude fondée
sur l'examen des dossiers
• Être victime ou témoin de violence familiale pendant son enfance : Conséquences
sur le comportement de l'enfant et de l'adulte
• Modèles de la famille chez les détenus autochtones et non autochtones
• (A Review of Assessment Instruments for Family Violence Research)
• Sondage auprès des employés du SCC sur leurs connaissances et leurs attitudes à
l'égard de la violence familiale
16
- COLLECTE ET DIFFUSION DE L'INFORMATION -
On a mis au point une vaste base de données sur la violence familiale et les
délinquants sous responsabilité fédérale. Cette information a été communiquée à
d'autres ministères et organismes non gouvernementaux par l'intermédiaire du Centre
national d'information sur la violence dans la famille (Santé Canada). Le SCC a par
ailleurs amorcé la publication d'un bulletin de nouvelles sur ses activités courantes. Ce
bulletin trimestriel est distribué à tout le personnel du SCC, aux ministères fédéraux
s'intéressant au problème de la violence familiale, aux autorités correctionnelles
provinciales ainsi qu'à des organismes non gouvernementaux.
c) COORDINATION DES POLITIQUES
Comme les employés du SCC doivent désormais s'attaquer au problème de la violence
familiale, on a jugé bon de revoir un certain nombre de politiques à la lumière de cette
nouvelle responsabilité. L'examen a permis de conclure que si elles étaient appliquées
telles quelles, la plupart des politiques du SCC (c'est-à-dire les directives du
Commissaire, ou DC) répondaient à aux besoins en matière de prévention de la
violence familiale. On s'est cependant rendu compte que la Directive du
Commissaire 770, Visites familiales privées, devrait être Clarifiée. C'est ainsi que l'on a
élaboré des lignes directrices garantissant la sécurité de tous les membres de la famille,
lors d'une visite familiale privée:
• veiller à ce que les détenus susceptibles d'user de violence à l'égard de membres de
leur famille soient identifiés par les agents de gestion des cas et qu'ils suivent des
programmes qui leur permettent de vaincre leur propension .à la violence avant
d'avoir droit à une visite familiale;
• exiger des visiteurs qu'ils signent un formulaire de consentement avant de prendre
part à une visite familiale;
• veiller .à ce que le personnel questionne les membres de la famille après leur visite
pour discuter de tout incident inusité qui se serait produit au cours de la visite.
17
En outre, depuis le début de l'Initiative, le SCC intègre à sa stratégie correctionnelle, qui
oriente ses opérations, le programme de lutte contre la violence familiale à titre de
programme de base. La Stratégie garantit « que les programmes répondent
effectivement aux besoins des délinquants, que leurs composantes forment un tout
cohérent et sont en accord avec les normes communautaires reconnues au Canada »
(Le Service correctionnel du Canada, p. 1).
d) GESTION DES PROJETS PILOTES DE TRAITEMENT
Les programmes de traitement offerts aux délinquants de sexe masculin s'inspirent à la
fois de l'analyse féministe (recherche du pouvoir) et de la théorie de l'apprentissage
social. La violence est perçue comme un comportement appris par l'expérience directe
ou par imitation, et sa nature est instrumentale. Bien que le contenu des programmes
varient, la plupart s'inspirent d'une méthode psycho-éducative. En informant les
participants et en leur enseignant des compétences, les intervenants cherchent à
modifier les attitudes et idées sous-jacentes qui incitent ces hommes à maltraiter les
femmes. On privilégie les séances collectives en raison des grandes possibilités
d'apprentissage, de discussion et de soutien mutuel.
Les responsables des projets étaient tenus de constituer des groupes de soutien pour
les conjointes afin d'assurer la sécurité des membres de la famille. Ces groupes dè
femmes ne suivaient pas de séances de traitement ni de counselling, mais des séances
d'information sur la violence destinées à les aider dans leur cheminement personnel.
L'approche était éducative et fondée sur des principes féministes. Il arrive souvent que
les femmes se font des illusions au sujet du traitement suivi par leur conjoint, c'est
pourquoi il importe de bien les renseigner sur l'efficacité de ce traitement et sur les
façons de se protéger.
18
Certains programmes comportaient la constitution de groupes de soutien pour les
enfants qui avaient été témoins ou victimes d'actes de violence familiale. Dans d'autres
programmes, on dirigeait ces enfants vers des organismes communautaires.
Le counselling conjugal était offert dans le cadre de certains projets. On a cependant
établi que ce type d'intervention ne devait avoir lieu que dans les cas où la violence
avait complètement cessé, et lorsque les conjoints souhaitaient de part et d'autre
améliorer leur relation. On a reconnu que la sécurité des conjointes serait compromise
si c'était le délinquant qui demandait de suivre des séances de counselling conjugal
pour avoir une nouvelle occasion d'exercer son pouvoir.
Les projets pilotes de traitement déjà en cours au début de la deuxième phase de
l'Initiative (Ottawa et Edmonton) se sont poursuivis. Quatre autres contrats ont été
passés, comme on le mentionne en 1 b) ci-dessus. On a instauré un certain nombre de
mécanismes de contrôle, principalement sous la forme de produits à livrer, afin
• d'assurer une approche systématique et organisée dans l'élaboration des projets
pilotes.
Les exigences contractuelles et le financement de ces projets ont été gérés à l'échelle
nationale afin d'en garantir l'intégrité et la conformité avec les normes nationales durant
le stade expérimental. Les questions relatives aux opérations ont été soumises aux
comités consultatifs responsables de chacun des projets. Ces comités se sont réunis
trimestriellement pour faire le point sur le déroulement de leurs programmes respectifs.
Ils étaient composés de représentants de l'administration centrale, des administrations
régionales, des établissements concernés, des bureaux de libération conditionnelle de
l'endroit et de la Commission nationale des libérations conditionnelles. La gestion des
opérations courantes incombait soit à l'agent de projet chargé des activités relatives à la
violence familiale dans la région, soit aux employés de l'endroit où était exécuté le
projet, soit aux deux à la fois. Pour certains projets, il a fallu désigner sur place un
19
membre du personnel du SCC à titre de personne ressource pour éviter tout
dédoublement des efforts.
Les responsables de chaque projet devaient élaborer et soumettre les documents
suivants au SCC :
• un protocole de mise en commun de l'information,
• un synopsis du programme de traitement,
• les manuels utilisés dans le cadre du programme,
• des rapports semestriels et annuels de recherche et d'élaboration du programme,
• des rapports mensuels
• des rapports sur la présence et la participation des délinquants (au personnel des
libérations conditionnelles).
Le protocole de mise en commun de l'information contient des renseignements
généraux sur la proposition et la sélection de participants, y compris sur les critères
d'admissibilité et la démarche thérapeutique. Cela comprend les politiques et
procédures relatives aux exigences de mise en commun de l'information visant
l'obligation des responsables de projet de rendre compte aux agents de gestion des cas
du SCC de l'évolution de chacun des délinquants.
Le synopsis décrit les objectifs du programme, les principes et les idées sur lesquels il
se fonde, les activités de promotion, les étapes successives du traitement, d'autres
activités telles les tests préalables et postérieurs aux programmes, les conférences de
cas, le suivi et le soutien constant, ainsi que les compétences des chefs de groupe. Ce
document sert d'introduction à chacun des manuels utilisés pendant le traitement.
On a demandé aux intervenants de produire un manuel pour chacune des phases
(p. ex. les groupes masculins I et II) et des composantes du programme (le volet à
l'intention des hommes, le volet à l'intention des femmes, etc.). Ces manuels devaient
20
fournir suffisamment de précisions pour permettre la reprise du programme par des
intervenants ayant la formation et les compétences requises.
On a exigé la production de rapports mensuels indiquant le nombre des candidats
dirigés vers le programme et décrivant toute difficulté d'exécution du programme afin
que le personnel du SCC soit régulièrement informé des activités courantes. On a
également exigé la présentation de rapports semestriels et annuels faisant état de
différentes données relatives au programme et à son perfectionnement. Ces rapports
devaient contenir des données sur l'efficacité du programme, à la lumière des tests
administrés aux délinquants avant et après le traitement, ainsi que toute constatation
ayant trait à la structure, à l'élaboration et à l'exécution du programme.
e) TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU TRAITEMENT
Avant mars 1994, il fallait, dans tous les projets pilotes de traitement, faire des mesures
préalables et postérieures au traitement et produire une analyse dans les rapports de
recherche semestriels ou annuels. Cependant, les instruments utilisés n'étaient pas les
mêmes dans tous les programmes, et la faiblesse du nombre de délinquants participant
à chaque programme ne permettait pas de tirer des conclusions convaincantes. À
compter de mars 1994, les hommes qui ont participé aux programmes se sont prêtés,
avant et après le traitement, à une batterie de tests communs à tous les projets pilotes,
dont le Questionnaire sur les réactions souhaitables (QRS), le Répertoire
multidimensionnel de la colère, l'Indice de maîtrise du comportement et le Répertoire
des opinions tenues à propos de la violence faite aux conjointes. Les délinquants
devaient également donner leur numéro SED pour permettre un examen de suivi. Les
pré- et post-tests ont été administrés aux participants sur une base volontaire à Laval.
21
- QUESTIONNAIRE SUR LES RÉACTIONS SOUHAITABLES
Conçu par Paulus (1991), le Questionnaire suries réactions souhaitables (QRS)
consiste en 40 questions conçues pour mesurer la tendance du détenu à s'illusionner
lui-même et à contrôler l'impression qu'il donne à autrui. Il est composé de deux
instruments d'évaluation: une échelle « d'auto-duperie » (20 questions) et une échelle
de conduite stratégique desielations (20 questions). Les délinquants sont priés
d'indiquer dans quelle mesure chaque énoncé s'applique à eux, la cote 1 signifiant
« pas du tout » et la cote 7 signifiant « tout à fait ». Avant de calculer les résultats
obtenus à chacune de ces échelles, il faut renverser la cote de certaines questions.
- RÉPERTOIRE MULTIDIMENSIONNEL DE LA COLÈRE (RMC)
Le Répertoire multidimensionnel de la colère a été élaboré par Siegal (1986). Il s'agit
d'un instrument d'auto-évaluation qui permet de mesurer la colère qu'éprouve le
délinquant et sa façon d'y réagir. La plupart des questions correspondent à cinq
sous-domaines d'évaluation: les déclencheurs de la colère (8 questions, les situations
génératrices de colère (7 questions), l'hostilité générale (4 questions), la colère refoulée
(5 questions) et colère exprimée (2 questions).
On invite le délinquant à indiquer dans quelle mesure chaque énoncé décrit son propre
comportement, les réponses possibles allant de 0 (sans aucun rapport) à 4 (description
tout à fait exacte). On calcule le score total en additionnant les résultats obtenus aux 38
énoncés, mais il faut, auparavant, inverser le score obtenu à certaines questions.
- INDICE DE MAÎTRISE DU COMPORTEMENT (IMC)
Cet instrument d'auto-évaluation de 42 questions conçu par Meredith et Burns (1990)
mesure différents comportements de domination souvent manifestés par les hommes
violents. Toutes les questions, sauf 5, relèvent de quatre sous-domaines d'évaluation :
tendance à raisonner/comportements positifs adoptés pour régler les différends (3
22
questions), violence émotionnelle et verbale (18 questions), violence sexuelle (5
questions) et violence physique (11 questions). Les cinq autres questions portent sur
les conséquences des mauvais traitements infligés à autrui.
Dans un premier temps, on demande au délinquant s'il s'est comporté de la façon
décrite dans l'énoncé au cours des 6 derniers mois. Les choix de réponses sont les
suivants: 0 (jamais), 1 (une fois), 2 (2 fois), 3 (de 3 à 5 fois), 4 (de 6 à 10 fois), 5
(de 11 à 20 fois) ou 6 (plus de 20 fois). Si le délinquant répond qu'il ne s'est pas
comporté de cette façon depuis 6 mois, on lui demande s'il l'a déjà fait auparavant (oui
ou non). On établit ensuite la moyenne pour chaque sous-domaine.
- RÉPERTOIRE DES OPINIONS TENUES À PROPOS DE LA VIOLENCE FAITE AUX
CONJOINTES
Cet instrument conçu par Saunders, Lynch, Grayson et Linz (1987) permet d'évaluer les
croyances du délinquant au sujet de la violence conjugale. Il se compose de •
31 questions regroupées en 5 sous-échelles correspondant aux opinions suivantes: on
peut être justifié de battre sa femme (12 questions); les femmes maltraitées par leur
mari en tirent un avantage (7 questions); les maris violents ont besoin d'aide (5
questions); les hommes violents devraient être punis (5 questions) et les hommes
violents sont responsables de leurs actes (4 questions). Chaque délinquant doit
attribuer une cote (de 1 à 7) à chaque énoncé, la cote 1 correspondant à « Tout à fait
d'accord », et la cote 7, à « Pas du tout d'accord ». Avant de calculer les résultats, il faut
inverser le score pour certaines questions. On calcule ensuite le score du délinquant au
Répertoire et son score pour chacun des sous-questionnaires.
CONCLUSION Le SCC a élaboré et mis en oeuvre un nombre important de programmes visant à
éliminer la violence contre les femmes. Les chapitres qui suivent portent sur les projets
23
pilotes de traitement qui ont été mis en oeuvre ou poursuivis pendant les années
financières 1991-1992 à 1994-1995.
24
FAMILY VIOLENCE PROJECT : ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE)
Le projet pilote a débuté en novembre 1992 et s'est terminée le 31 mars 1995.
L'Institute for Human Resource Development de St. John's (Terre-Neuve) a été chargé
de la préparation du projet. Cet organisme avait déjà à son acquis une expérience dans
le travail auprès des victimes d'agression sexuelle.
Le but du projet de St. John's, tel qu'il a été défini, était le suivant :
donner à des hommes en liberté conditionnelle qui ont un comportement
agressif et violent l'occasion de mieux se préparer à vivre avec leur
conjointe une relation véritable, d'égal à égal et dépourvue de violence, et
offrir des services de soutien aux conjointes et aux enfants.
Le « modèle de préparation » a fourni les bases théoriques du programme de St.
John's. Ce modèle a été conçu par le personnel du projet et utilisé pour voir quels
changements étaient apportés au comportement et à l'attitude pendant et après la
thérapie. Dans ce programme, on entend par" préparation "la capacité et la volonté de
modifier son comportement. Ainsi, avec les aptitudes, les connaissances et l'expérience
acquises dans les séances de groupe, les hommes peuvent mettre un terme à leur
comportement violent, pour peu qu'ils veuillent changer.
Les quatre éléments de la "préparation" décrits dans le programme de St. John's sont
les suivants :
- accepter la responsabilité de son propre comportement;
- éviter dans sa relation de faire jouer le pouvoir et le contrôle;
- montrer qu'on est capable d'empathie envers sa conjointe;
25
- comprendre comment les modèles précoces de violence
contribuent au comportement d'aujourd'hui (voir annexe A).
Des lignes directrices décrivant les divers changements d'attitude et de comportement
ont été élaborées pour chacune de ces quatre grandes rubriques afin que les
animateurs aient à leur disposition une mesure uniforme pour évaluer l'évolution. Le
"modèle de préparation" n'est pas encore définitivement établi, mais il s'agit d'un nouvel
outil prometteur pour mesurer l'efficacité des thérapies.
Le projet de St. John's était offert à trois groupes différents : programme d'information et
de thérapie pour les hommes; groupe de soutien pour les femmes; groupe de soutien
pour les enfants.
PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES Le programme à l'intention des hommes était composé de trois parties, dont chacune
comportait trois aspects : aptitudes, information et thérapie. La première partie, d'une
durée de quatre semaines, était axée sur l'information et était suivie d'une conférence
de cas. Les délinquants participaient ensuite à un groupe de traitement de phase I. Il
s'agit d'une thérapie de 12 semaines en groupe fermé. Cette phase était également
suivie d'une conférence de cas. Enfin, les délinquants participaient au groupe de
traitement de phase II, étape de dix semaines dont l'objet principal était le maintien des
changements d'attitude et de comportement opérés plus tôt dans le programme de
traitement. Cette étape était elle aussi suivie d'une conférence de cas (voir graphique
1).
26
Graphique 1:
Étapes du programme à l'intention des hommes dans le projet pilote de
St. John's (Terre-Neuve), Family Violence Project.
PROGRAMME D'INFORMATION
CONFÉRENCE DE CAS
GROUPE DE TRAITEMENT,
PHASE I
CONFÉRENCE DE CAS
GROUPE DE TRAITEMENT,
PHASE II
CONFÉRENCE DE CAS
Les hommes étaient admis au programme s'ils avaient été accusés de violence envers
une femme ou encore s'ils étaient ou avaient été engagés dans une relation entachée
de violence avec une femme. Ne pouvaient participer les délinquants a) qui avaient été
accusés d'agression sexuelle sur des enfants et n'avaient pas suivi une autre thérapie
au préalable ou b) qui avaient un grave problème d'alcoolisme ou de toxicomanie et ne
suivaient pas de traitement ou c) qui souffraient de troubles graves entravant leur
capacité de fonctionner à l'intérieur d'un groupe. Ces critères s'appliquaient à toutes les
étapes du programme.
PERSONNEL DU PROGRAMME Les groupes d'hommes étaient animés par une équipe formée d'un homme et d'une
femme. La surveillance clinique était assurée par le gestionnaire de projet, travailleur
social autorisé (MSVV). Les compétences exigées des animateurs avaient été définies
de manière à assurer le respect de normes minimum. La formation initiale et suivie des
27
animateurs avait porté sur la violence familiale et s'était faite dans une optique
pluridisciplinaire. Quant aux services proposés aux femmes, ils avaient été sous-traités
à un organisme local d'hébergement, coordonnés par un travailleur distinct et
administrés par le refuge.
LIENS AVEC LA COLLECTIVITÉ Les programmes de groupe de cette nature exigent des contacts étroits avec les
organismes communautaires. Le projet a joué un rôle important dans la sensibilisation à
la violence familiale dans la région de St. John's. Des relations étroites ont été nouées
avec plusieurs organismes communautaires d'intervention et d'exécution au début du
projet, et elles ont été maintenues pendant toute la durée de celui-ci. Ces liens entre le
projet et la collectivité ont été à l'avantage mutuel de toutes les parties en cause.
Le SCC avait des liens étroits avec le programme, bien que la démarcation entre la
composante de thérapie du programme et le mandat du SCC ait été établie nettement.
Il était de la plus haute importance de respecter le caractère confidentiel de la
participation des délinquants au programme de traitement. Un agent de liaison du SCC
était chargé d'obtenir des agents de gestion des cas (AGC) qu'ils aiguillent des
délinquants vers le programme et de consulter le coordonnateur de projet sur diverses
questions. Le SCC fournissait de l'information sur les antécédents des délinquants et
intervenait au besoin au sujet des comportements de violence familiale à haut risque.
Des liens ont également été établis avec des centres résidentiels communautaires
locaux, car beaucoup de participants au programme habitaient dans ces centres,
puisque c'était une condition de leur libération.
FORMATION Au fur et à mesure que les AGC ont appris à mieux connaître le problème de la violence
familiale, ils ont demandé un complément de formation. Les responsables du projet leur
ont donc offert des séances de formation sur des questions spécifiques comme
l'évaluation des risques présentés par les délinquants placés sous leur surveillance.
28
Il importe d'ajouter que le projet de St. John's a mis à la disposition des membres
d'autres organismes communautaires une formation complémentaire tout à fait unique.
En effet, des personnes ont reçu la formation pour devenir animateurs du programme
en participant aux séances des groupes en qualité de troisième animateur, en assistant
à une séance de formation de trois jours et en prenant part à des séances régulières de
bilan. C'est ainsi que sept personnes venant du milieu ont reçu une formation comme
animateurs.
ÉVALUATION Au cours de l'évaluation, des délinquants ont dit parfois qu'ils ne voulaient pas participer
au programme parce que (1) ils ne pensaient pas avoir été violents avec leur conjoint du
moment ou un conjoint antérieur ou que (2) ils répugnaient à discuter de leur
comportement violent dans un groupe. Pour contrer cette résistance, on a adapté le
processus d'évaluation de manière à pouvoir proposer des séances individuelles aux
délinquants chez qui on avait remarqué des réticences. Au cours de ces séances
privées, les échanges ont porté sur la nature de la violence familiale et sur la valeur du
travail en groupe. Comme il a été remarqué dans le projet de St. John's, ce processus
semble avoir atténué la résistance à la participation subséquente aux séances de
groupe.
SOUTIEN PERSONNALISÉ Les délinquants ont parfois eu des rencontres personnelles, mais celles-ci n'ont pas
remplacé le travail en groupe. Ces rencontres ont été proposées aux délinquants qui
attendaient entre deux séries de travail en groupe ou qui avaient besoin d'un soutien
complémentaire concernant la violence familiale.
29
PHASES DU PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES
a) PROGRAMME D'INFORMATION
Le programme d'information durait quatre semaines, et chaque rencontre était de deux
heures. Les groupes comptaient entre six et dix participants. Le but visé était de faire
connaître aux participants les réalités sous-jacentes de la violence familiale.
Des éléments d'information étaient donnés sur les éléments suivants :
• présentation et revue du modèle de préparation, y compris, dans les dernières
séances, l'application du modèle à l'expérience personnelle des participants
• description des types de violence contre les femmes (par ex., physique, sexuelle et
psychologique)
• compréhension des facteurs sociaux suivants, qui contribuent au problème de la
violence contre les femmes (d'après le modèle de David Currie - Le mari violent)
• répercussions de la violence dans la famille d'origine
• cycle de la violence et son application dans l'expérience des participants
• facteurs menant à des relations saines
L'information présentée dans ces séances préparait les hommes à interagir à l'intérieur
d'un groupe et leur donnait une compréhension élémentaire des facteurs qui contribuent
au problème de la violence contre les femmes. Une fois terminé le programme
d'information, le participant, le coordonnateur de projet et l'agent de gestion de cas
(collectivité) se rencontraient pour une conférence de cas afin d'examiner les progrès
accomplis par le participant et de discuter des objectifs thérapeutiques à poursuivre
ensuite.
30
b) GROUPE DE TRAITEMENT, PHASE I
Le programme de traitement en groupe fermé, phase I, comprenait douze séances de
deux heures chacune, avec entre six et dix participants par groupe. Le traitement de la
phase I était destiné aux hommes qui étaient prêts à modifier leur comportement violent.
Il leur permettait de renforcer leurs aptitudes et les préparaient à vivre une relation
dénuée de violence. Tout au long de cette phase de traitement, les participants étaient
amenés à examiner leur propre comportement à la lumière des divers éléments du
modèle de préparation. Chaque participant a établi un contrat personnel de thérapie qui
portait avant tout sur les domaines où des changements s'imposaient. Les hommes
étaient invités à définir leurs propres problèmes (liste de problèmes) dans le groupe
pour faire en sorte que soient pris en compte dans le traitement les domaines qu'ils
voulaient couvrir. À compter de la deuxième séance, le participant devait faire un
« compte rendu », relatant des faits survenus dans la relation avec sa conjointe au
cours de la semaine et décrivant comment il y avait fait face et quelle avait été l'issue,
positive ou non. La « récapitulation » à la fin de chaque séance permettait aux hommes
de réfléchir à ce qui s'était passé pendant la rencontre et de prendre conscience de
leurs propres impressions.
À la fin du traitement, les hommes faisait une auto-évaluation afin de voir si, oui ou non,
leurs comportements violents avaient été changés. La phase 1 se terminait par une
revue du modèle de préparation. Les animateurs donnaient leurs propres réactions aux
participants sur leurs progrès personnels.
Contenu des séances (principaux thèmes et techniques)
• Il s'agissait d'un programme thérapeutique expérimental fondé sur une théorie
proféministe. Les principes discutés au cours du programme d'information étaient
renforcés pour constituer la base du programme. En outre, on présentait aux
hommes les notions de la roue du pouvoir et du contrôle.
31
• Parmi les techniques employées, notons l'imagerie mentale dirigée, la résolution de
problèmes en groupe (examen d'incidents violents vécus par chacun des
participants) et jeux de rôles faisant parfois intervenir les animateurs, homme et
femme, comme modèles de comportement non violent.
• Nouveaux contenus : apprentissage de l'empathie à l'égard de la conjointe;
discussion de l'expérience de mauvais traitements subis par les participants dans
leur enfance; examen de techniques pour construire des relations saines (par ex.,
intimité, confiance, jalousie); identification des facteurs de risque menant à la
violence; acquisition d'aptitudes à adopter un comportement non violent.
Une fois terminée la phase I, le participant, le coordonnateur de projet et l'agent de
gestion de cas (collectivité) se rencontraient pour une conférence de cas afin
d'examiner les progrès accomplis par le participant et de voir s'il voulait passer à la
phase II du traitement.
c) PROGRAMME DE TRAITEMENT, PHASE II
La phase II était de dix semaines, avec des séances de deux heures et des groupes
d'au plus dix personnes. Le contenu spécifique des séances était déterminé par les
participants eux-mêmes. Il n'y avait aucun ajout de matière, puisque cette phase était
un prolongement de la première et que l'accent était mis sur le modèle de préparation.
d) CONFÉRENCES DE CAS
Comme il a été dit plus haut, le programme à l'intention des hommes comportait trois
conférences de cas avec le participant. Parmi ceux qui prenaient part à la conférence, il
y avait toujours le coordonnateur de projet et l'agent de liberté conditionnelle, mais la
conjointe ou une représentante du centre d'hébergement pour femmes pouvaient aussi
y assister si cela semblait opportun. Le fait que l'agent de liberté conditionnelle du
32
participant soit directement associé aux décisions sur le traitement et que le participant
s'engage en sa présence à le suivre favorisent la démarche thérapeutique du
participant. Cela peut contribuer à intensifier l'impression de responsabilité, car le
délinquant est directement mêlé à sa propre intervention et à la définition de ses
besoins futurs en traitement.
CARACTÉRISTIQUES DES DÉLINQUANTS Entre novembre 1992 et le 31 mars 1995, 139 délinquants ont été aiguillés vers ce
projet pilote. Sur ce nombre, 78 p. 100 (108 délinquants) ont fait l'objet d'une évaluation
et 66 p. 100 (71 personnes) ont ensuite suivi le programme d'information. Des 71
hommes qui ont commencé ce programme, 70 p. 100 (50 délinquants) ont achevé cette
étape. La phase I du traitement a commencé avec 45 délinquants (42 p. 100 des 71
hommes du début) et 69 p. 100 d'entre eux (31 délinquants) ont terminé cette étape.
Enfin, 24 délinquants (22 p. 100 de 71 hommes) ont commencé la phase II du
traitement, et 54 p. 100 (13 délinquants) sont restés jusqu'au bout.
Les données démographiques sur les hommes qui ont pris part au programme sont
fournies à l'annexe A. L'âge moyen du participant était de 33 ans. Le niveau des études
était peu élevé, car seulement 32 p. 100 avaient leur diplôme d'études secondaires et
20 p. 100 faisaient certaines études postsecondaires. La majorité d'entre eux étaient
mariés ou vivaient avec un conjoint de fait (40 p. 100) et 72 p. 100 avaient des enfants.
Plus de la moitié (54 p. 100). avaient connu des incidents de violence familiale dans leur
enfance et plusieurs avaient été victimes de violence psychologique (41 p. 100),
physique (34 p. 100) et sexuelle (17 p. 100). Des accusations avaient été portées contre
un grand nombre de ces hommes (61 p. 100) pour agression contre leur conjointe du
moment ou passée, ou contre leurs enfants.
TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU PROGRAMME Les délinquants ont été soumis à une batterie de tests commune à tous les projets
pilotes avant et après le programme à l'intention des hommes. Comme il a déjà été dit
33
dans le présent rapport, ces tests comprenaient le Questionnaire sur les réactions
souhaitables (QRS), le Répertoire multidimensionnel de la colère (RMC), l'Indice de
maîtrise du comportement (IMC), le Répertoire des opinions tenues à propos de la
violence faite aux conjointes et enfin l'Échelle d'état de préparation. Les résultats qui
suivent ont été adaptés essentiellement à partir d'un rapport de recherche provenant du
projet de St. John's (lnstitute for Human Resource Development, 1995).
Le QRS comprend deux échelles, celle de l'auto-duperie et celle de la conduite
stratégique des relations. Les résultats obtenus sur l'échelle d'auto-duperie avant le
programme révélaient que les délinquants n'avaient pas de problème de contrôle de soi,
d'identité ou de confiance. Les résultats étaient un peu plus élevés après le programme,
ce qui montre qu'ils se dupaient eux-mêmes un peu plus après la thérapie. Quant à
l'échelle stratégique de conduite des relations, les résultats des délinquants ont été
généralement positifs avant le programme. Les résultats d'après le programme étaient
un peu plus élevés, ce qui montre que, après la thérapie, les participants semblaient
faire appel à des tendances malhonnêtes dans leurs contacts avec autrui.
Les résultats d'avant le traitement, au RMC, ont révélé que les participants avaient des
degrés variables de colère, se situant pour la plupart au milieu ou au bas de l'échelle.
Généralement, les résultats étaient plus faibles après la thérapie. Ils pouvaient donc
plus facilement gérer leur colère. Les diminutions observées dans les sous-échelles,
entre les tests d'avant et d'après le programme, montrent que le traitement semble
aviver la prise de conscience de la colère, réduire le nombre de situations susceptibles
de susciter la colère et faire diminuer la probabilité d'une attitude hostile.
Les résultats moyens sur les sous-échelles de l'Indice de maîtrise du comportement
montrent un taux peu élevé de contrôle du comportement avant et après le programme.
L'échantillon était très petit, et on n'a relevé aucune différence significative entre les
tests d'avant et d'après le programme. Le résultat total et tous les résultats de sous-
échelle sauf un ont affiché une légère augmentation après le programme. Le résultat
34
moyen à la sous-échelle de la violence physique a baissé, ce qui traduit une tendance
encourageante.
Aussi bien après qu'avant le programme, les résultats ont été faibles au Répertoire des
opinions tenues à propos de la violence faite aux conjointes. Les résultats les plus bas
sont ceux de la sous-échelle qui porte sur la compréhension des sentiments de la
victime. En réalité, les délinquants reconnaissaient plus volontiers que l'auteur des
mauvais traitements avait besoin de traitement que le fait que la violence fait du mal à la
victime. Les résultats sur cette échelle étaient légèrement plus élevés après le
programme. Cela montre que les délinquants pouvaient alors s'identifier davantage
avec les sentiments de la victime et accepter la responsabilité de leur comportement
violent.
L'ÉCHELLE DE L'ÉTAT DE PRÉPARATION L'échelle de l'état de préparation était exclusive au projet de St. John's. Ce test évalue
dans quelle mesure un délinquant est prêt à vivre sans violence familiale. La
progression des résultats sur les sous-échelles traduit un meilleur état de préparation au
changement sur ces plans. Les participants se sont prêtés à ce test entre une et cinq
fois au cours des diverses étapes du traitement (voir tableau 1).
Étant donné que l'échantillon était faible la quatrième et la cinquième fois que le test a
été administré, seuls les trois premières séries de données ont été utilisées dans
l'analyse. Les résultats médians des sous-échelles du pouvoir et de l'empathie ont
traduit une amélioration progressive au cours du traitement, mais les résultats n'étaient
pas aussi élevés pour l'empathie que pour le pouvoir. Le projet de St. John's fait
ressortir que l'empathie est une notion très difficile à saisir pour les délinquants. Pour
obtenir de bons résultats sur ces sous-échelles, ils doivent non seulement comprendre
les effets de la violence sur la conjointe, mais aussi reconnaître que les besoins de la
conjointe sont différents des leurs.
35
1 44 2 24 3 15 4 8
2 5
minigtr€
Tableau 1:
Nombre de participants et nombre de fois où le test a été administré
Les résultats médians aux sous-échelles de la responsabilité et de la compréhension
ont augmenté entre la première et la deuxième fois, mais ils ont diminué légèrement à la
troisième fois. On ne s'attendait pas, au projet de St. John's, à une augmentation
constante sur toutes les sous-échelles. Selon les responsables, les participants peuvent
s'identifier davantage aux problèmes qui se posent sur certains plans au fur et à mesure
que le traitement progresse. Ils donnent un exemple de ce type de progression à la
faveur du traitement : "pour accepter leur responsabilité, les hommes doivent
progresser dans leur compréhension de l'évolution du comportement violent et de
l'équilibre du pouvoir entre eux et leur conjointe, et dans leur capacité d'empathie". La
progression par le traitement s'est également reflétée dans les résultats sur l'échelle de
la compréhension : les délinquants ne faisaient que plus tard dans le traitement le lien
entre leur comportement violent et les mauvais traitements dont ils avaient été témoins
ou victimes pendant leur enfance.
Les résultats obtenus aux diverses applications du test ont jeté un peu de lumière sur la
nature du changement des participants pendant le traitement. Il faut néanmoins pousser
les recherches sur cet instrument de mesure avant de pouvoir tirer des conclusions
36
concrètes au sujet du degré de préparation des délinquants à vivre sans violence leurs
relations familiales.
PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES Allier les programmes destinés aux hommes et aux femmes à l'intérieur d'une même
initiative tout en maintenant leur indépendance, sous la direction de deux organismes
distincts, a été un aspect important de ce projet. L'Institute for Human Resource
Development était chargé du programme destiné aux hommes, tandis qu'un organisme
ayant l'expérience de l'aide aux femmes violentées, Iris Kirby House, s'est occupé des
programmes conçus à l'intention des femmes et des enfants. La communication entre
les deux projets parallèles s'imposait pour que l'accent soit toujours mis sur la violence
familiale. Il était essentiel que le programme destiné aux femmes ne soit pas perçu
comme un moyen d'obtenir de l'information sur leurs conjoints. Il n'a pas été demandé
aux femmes de faire des rapports sur les changements que le progranime de traitement
avait amenés dans le comportement violent de leurs conjoints. Cela est toutefois un
élément de certains des autres projets pilotes relevant de ('Initiative de lutte contre la
violence familiale. Cette séparation entre les programmes des hommes et des femmes,
observée dans le projet de St. John's, a contribué au succès du programme destiné aux
femmes.
a) AIGUILLAGE
Les agents de gestion des cas identifiaient la conjointe lorsque l'homme était aiguillé
vers le programme de traitement destiné aux hommes. On a alors communiqué avec
ces femmes pour leur parler des services qui leur étaient offerts. Dans ces contacts,
toutes les précautions ont été prises pour ne pas compromettre leur sécurité.
37
b) SERVICES PERSONNALISÉS
Les femmes qui ont demandé les services, mais étaient incapables d'assister aux
séances de groupe à cause des menaces pesant sur leur sécurité, de problèmes de
transport ou de garde d'enfants ont pu s'entretenir avec un conseiller au téléphone.
Quant aux femmes qui ont participé aux séances de groupe, elles ont pu obtenir des
rencontres individuelles une fois par semaine. En outre, étant donné que certaines
femmes ont demandé des conseils personnels au lieu d'un travail en groupe, le contenu
du programme destiné au groupe a également été offert au cours de consultations
personnelles.
c) PROGRAMME D'HABILITATION - PHASE 1
La phase I du programme de soutien des femmes comprenait 16 séances de deux
heures chacune. Dix étaient structurées tandis que les autres étaient libres et servaient
à approfondir les discussions ou à faire face à des crises. Les femmes pouvaient
assister à toutes les séances, à quelques-unes ou à aucune. Au début de chaque
séance, les femmes discutaient brièvement de la semaine qui venait de s'écouler et de
leur état intérieur (« compte rendu »). À la fin de chaque séance, les femmes pouvaient
poser des questions et exprimer toute autre préoccupation qu'elles pouvaient avoir
(« récapitulation »). A tout moment, au cours de la séance, les femmes pouvaient
s'abstenir si elles ne voulaient pas participer. La formule d'animation n'imposait aucune
intrusion dans la vie des participantes.
Parmi les principaux thèmes, notons de l'information sur ce qui suit :
• les différents types et conséquences de la violence en utilisant la roue du pouvoir et
du contrôle.
• les mythes sur les mauvais traitements infligés aux femmes.
• la notion de cycle de la violence dans le contexte de la relation de la femme.
• la mise au point de plans de sécurité.
38
• Autres sujets : quels sont les effets sur les enfants lorsqu'ils sont témoins de
violence; comment les attitudes sociales contribuent-elles à la violence contre les
femmes; comment alléger le stress par des techniques de relaxation; comment
accroître l'estime de soi par l'autopersuasion.
d) PROGRAMME D'HABILITATION - PHASE II
La phase Il du programme comprenait dix séances de deux heures chacune. Y ont
participé les femmes qui, après avoir terminé la première phase, ont demandé d'autres
séances de groupe. Au cours de cette étape, l'accent était mis sur le développement
personnel et ce sont les femmes qui décidaient des sujets à aborder. Des personnes
ressources du milieu (avocats et policiers, par ex.) ont été invitées à s'adresser au
groupe à différentes séances. Les sujets suivants étaient souvent choisis : possibilités
d'étude et de travail, questions juridiques, problèmes de santé, gestion du stress et
intimité.
e) PARTICIPATION AU PROGRAMME
Un total de 98 femmes ont été aiguillées vers le programme et 68 y ont participé. L'âge
médian de ces 68 femmes était de 31,6 ans, les âges variaient de 19 à 49 ans. La
quasi-totalité d'entre elles (67) se sont prévalues des services de consultation au
téléphone tandis que 40 se sont présentées à des séances individuelles de counselling.
Trente et une femmes en tout ont assisté à la première phase du programme
d'habilitation. Cette phase a été reprise six fois pendant la durée du projet pilote. La
plupart des femmes ont pu reprendre des séances qu'elles avaient ratées. En tout, dix
femmes ont assisté à au moins une séance de la deuxième phase du programme. Une
moyenne de six femmes assistaient aux séances de groupe chaque semaine. La
participation moyenne des femmes, dans le projet de St. John's, a été comparativement
plus élevée que dans les cinq autres projets pilotes. Ce taux élevé de fréquentation peut
39
s'expliquer principalement par deux facteurs : (1) les programmes destinés aux
hommes et aux femmes étaient réalisés par des organismes distincts et (2) le conseiller
des femmes ne leur a pas seulement offert des services de counselling et de soutien,
mais les a aussi mises en contact avec d'autres organismes qui pouvaient les aider à
régler des problèmes de logement, des problèmes d'ordre juridique et autres. De la
sorte, le conseiller a gagné la confiance des femmes. En plus des services déjà
énumérés, le projet a également fourni des services de garde et a assumé les frais de
transport pour faciliter la participation des femmes aux séances individuelles ou en
groupe.
PROGRAMME À L'INTENTION DES ENFANTS Le programme destiné aux enfants durait 16 semaines et chaque séance faisait deux
heures (avec une pause-goûter santé de 1/2 heure). Il était conçu pour les enfants de 8
à 12 ans et était axé sur le bien-être de l'enfant et sa valeur comme personne. Il faisait
appel à l'imagerie mentale dirigée, à des vidéos, à des jeux et à l'artisanat pour
présenter des sujets liés à la violence et inciter les enfants à exprimer leurs sentiments.
Il y avait également des services individuels de counselling en plus ou à la place des
séances de groupe.
En tout 120 enfants ont été aiguillés vers ce programme. Vingt-sept enfants ont assisté
au programme, et il y a eu en moyenne 13,9 séances par enfant. Le counselling
individuel a été préféré par 28 enfants, et chacun a eu en moyenne 5,4 séances. Au fur
et à mesure que progressaient les séances de groupe, les enfants étaient de plus en
plus à l'aise pour parler de la violence familiale et d'autres problèmes personnels.
RESUME Le projet de St. John's a été l'un des projets pilotes qui ont réussi à offrir avec succès
des programmes de soutien aux femmes et aux enfants, en plus du programme de
traitement destiné aux hommes. Chacun de ces programmes a attiré des participants.
Les programmes destinés aux hommes et aux femmes ont été réalisés par des
40
organismes distincts, au moyen d'une approche de collaboration. Le projet de St. John's
a fait ressortir l'importance de confier le programme destiné aux femmes à un
organisme distinct.
Un aspect unique du projet a été l'élaboration du modèle de préparation, modèle qui
comportait une échelle permettant de mesurer jusqu'à quel point le délinquant était prêt
à vivre avec une femme une relation exempte de violence. Les applications répétées du
test ont mis en évidence des résultats prometteurs, mais il faut pousser les recherches
avant de pouvoir tirer des conclusions sur la validité de ce test.
Le projet de St. John's a fait appel à l'approche de la conférence de cas d'une manière
originale, en prévoyant trois de ces conférence entre les étapes de traitement. Il y a eu
des conférences de cas dans les autres projets pilotes également. mais d'une manière
moins normalisée.
Le groupe des délinquants qui ont participé au programme de traitement de St. John's
était un peu particulier. En effet, certains d'entre eux étaient de ressort provincial, car le
SCC s'occupe de ces détenus à Terre-Neuve. Le détenu moyen, dans ce groupe, avait
moins qu'une dixième année, était marié ou vivait avec une conjointe de fait et avait des
enfants. Il était probable que, dans l'enfance, il avait été témoin de violence familiale. Il
était également probable qu'il ait été mis en accusation pour voies de fait contre sa
conjointe du moment ou une conjointe précédente ou contre ses enfants.
Les tests effectués avant et après le traitement ont révélé des tendances
encourageantes, mais les résultats ne sont pas significatifs., I semble en effet que,
après avoir suivi le traitement, les délinquants pouvaient gérer plus efficacement leur
colère. Il y a eu une légère diminution de la violence physique signalée après le
traitement. Il semble également que, après le traitement, les délinquants pouvaient
mieux s'identifier aux sentiments de la victime et accepter la responsabilité de leur
propre comportement violent.
41
Le projet permet de conclure que, si on donnait plus de séances de traitement sur une
période plus courte, le taux d'achèvement serait plus élevé, car les délinquants sont
souvent réincarcérés avant d'être passés par toutes les étapes du traitement. Ce fait est
important, vu le taux élevé d'abandon, dans tous les projets, attribuable à la
réincarcération.
C'est le projet de St. John's qui a eu le programme le plus efficace pour les femmes à
en juger par le nombre de participantes. Six femmes, en moyenne, ont assisté aux
séances de groupe chaque semaine. La défense des femmes était un aspect essentiel
du programme. Le conseiller du groupe assurait des services de liaison avec les
autorités en matière de logement, l'aide sociale et les organismes de protection de
l'enfance et accompagnait les femmes au tribunal, aux audiences et à d'autres
rencontres, ce qui a instauré une certaine confiance envers le conseiller et a peut-être
contribué à accroître le taux d'assiduité. La fréquentation a également été facilitée par la
prise en charge des frais de transport et des services de garde. Le programme destiné
aux enfants a également été bien accueilli.
42
INTERPERSONAL AND FAMILY SKILLS PROGRAM: (EDMONTON,
ALBERTA)
La première phase de démonstration de l'Interpersonal and Family Skills Program mise
en oeuvre par l'Alberta Hospital d'Edmonton a commencé le 28 juin . 1990. Nous
traiterons dans ce rapport uniquement des résultats de la seconde phase de
démonstration, qui a commencé le 1 er avril 1992 pour se terminer le 31 mars 1995.
Après avoir subi de nombreuses modifications, le programme a abouti à une série
d'interventions de traitement à l'intention des hommes et à la création d'un programme
de soutien à l'intention des femmes. L'Alberta Hospital n'ayant pu mettre en place le
programme de soutien, cette partie du projet a été exécutée à contrat par les Edmonton
Community and Family Services entre le mois d'août 1994 et le 31 mars 1995.
ÉLABORATION DES PROGRAMMES Les programmes faisant partie du projet d'Edmonton ont subi plusieurs modifications et
révisions au cours de la période de démonstration. Il y a tout d'abord eu un programme
à trois modules à l'intention des hommes et des femmes ; les deux sexes faisaient le
premier module séparément et participaient ensuite ensemble aux deuxième et
troisième modules. Les thèmes de ces modules étaient les suivants : Inoculation du
stress pour la maîtrise de la colère et des impulsions (huit semaines), Briser le cycle de
la violence familiale (10 semaines) et Compétences en communication (sept semaines).
Le module de l'inoculation du stress était basé sur un programme de gestion de la
colère élaboré par Novaco (1985) à l'intention d'un groupe cible différent. Ce module ne
convenait toutefois pas aux délinquants étant donné que la maîtrise de la colère n'est
pas la principale cause de la violence familiale; des changements ont donc été apportés
subséquemment au programme pour traduire une démarche plus globale et
proféministe de lutte contre la violence familiale. Le deuxième module, Briser le cycle de
la violence familiale, qui était basé sur l'ouvrage de David Currie intitulé Le mari violent
43
(1988), a été offert aux couples. Cette formule s'est toutefois révélée improductive étant
donné que les relations de couple étaient tumultueuses et que les couples étaient
davantage préoccupés par la nécessité de résoudre des crises que par l'importance
d'acquérir de nouvelles compétences. Le troisième module, Compétences en
communication, a commencé comme un programme d'acquisition de compétences
sociales à l'intention des jeunes appelé ASSET (Hazel, Schumaker, Sherman et
Sheldon-Wildgen, 1980). Il n'a pas été offert aux couples étant donné la difficulté de
traiter les couples connaissant des problèmes de violence familiale que nous venons de
décrire. Cette version du programme a été offerte uniquement aux délinquants sous
responsabilité provinciale. Le programme de gestion de la colère ne convenait pas non
plus aux femmes, dont les besoins étaient très divers. Les responsables du
Interpersonal and Family Skills Program ont renoncé à l'idée d'offrir un traitement aux
femmes, à qui on a toutefois proposé de l'information et un soutien.
Des changements ont ensuite été apportés aux modules. On a modifié le premier
module destiné aux hommes pour se concentrer davantage sur les aspects de pouvoir
et de contrôle qui jouent dans la violence familiale, en s'inspirant largement de l'ouvrage
de Sonkin et Durphy (1989), du Domestic Abuse Project (DAP; Rusinoff, 1990) et du
Domestic Abuse Intervention Project (DAIP; Pence et Paymar, 1993). Le deuxième
module était consacré à l'acquisition de compétences. Enfin, le module sur les
compétences en communication a été renommé le module des Compétences sociales,
et un groupe de soutien à l'intention des femmes, appelé Female Perspectives, a été
mis sur pied. Les programmes offerts aux hommes à ce stade étaient donc les
suivants : Pouvoir et contrôle (neuf semaines), Solutions de rechange non violentes (10
semaines) ou Grotipe des couples (10 semaines) et Compétences sociales (sept
semaines). Les programmes destinés aux femmes étaient les suivants : Perspectives
féminines (neuf semaines), Groupe des couples (10 semaines) et Compétences
sociales (sept semaines). En outre, un programme de soutien, Points de vue des
femmes, a été préparé l'intention des femmes. À cette étape, les programmes des
femmes étaient les suivants : Points de vue des femmes (9 semaines), Groupe des
44
couples (10 semaines) et Compétences sociales (7 semaines).
On a apporté encore d'autres modifications aux modules. Les responsables ont éliminé
le module des Compétences sociales parce que les participants estimaient que le
contenu ne s'appliquait pas tellement à eux. Les responsables du projet d'Edmonton ont
par exemple produit une bande vidéo présentant des scénarios axés sur l'acquisition de
compétences sociales qui ne convenaient pas à une population carcérale (mais plutôt à
la classe moyenne). On a à la place créé pour les hommes un module appelé Making It
on the Street. Une séance de contrôle préalable au traitement a également été
organisée à l'intention des délinquants qui attendaient le début d'un nouveau
programme. Le programme des couples a échoué et a donc été abandonné. Le SCC a
également décidé que le counseling conjugal ne devait être assuré que dans des
conditions rigoureusement contrôlées (voir le chapitre consacré au counseling
conjugal). En outre, les changements apportés au programme à l'intention des femmes
n'ont pas été efficaces étant donné que le nombre de participantes au premier module
n'a cessé de diminuer. Enfin, on a mis sur pied un programme de soutien ouvert de 12
semaines et embauché exclusivement pour les femmes une travailleuse sociale clinique
à temps plein. Malheureusement, ce programme de soutien s'est aussi révélé
inefficace, et le programme à l'intention des femmes a été confié à contrat à un autre
organisme. Une guide détaillé de programme a néanmoins été rédigé.
PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES Le programme à l'intention des hommes, d'une durée de 26 semaines, consistait en
trois modules psycho-éducatifs. Le premier, de neuf semaines, était intitulé « Power and
Control », et a été suivi d'un programme de dix semaines, « Non-abusive Alternatives ».
Le troisième module, de sept semaines, s'appelait « Making It On The Street ».
45
Les responsables acceptaient dans le programme les hommes qui étaient actuellement
violents ou qui l'avaient été dans des relations antérieures. Les hommes ayant encore
des problèmes d'alcool ou de drogues, ou des problèmes liés à des infractions d'ordre
sexuel n'étaient pas admis.
Le programme avait notamment pour but d'éliminer la violence physique et de réduire
ou d'éliminer d'autres comportements violents (par ex., de violence psychologique,
émotive ou financière). Les délinquants étaient renvoyés s'ils ne respectaient pas les
règles (par ex., s'ils n'assistaient pas aux séances). En outre, si le délinquant
recommençait à battre sa conjointe, il risquait la suspension de sa libération
conditionnelle.
PERSONNEL DU PROGRAMME Le programme à l'intention des hommes était coanimé par un thérapeute et une
thérapeute. On insiste, à Edmonton, pour que les thérapeutes aient une expérience
clinique directe auprès des délinquants, idéalement auprès d'agresseurs, dans le
contexte d'un groupe. Les services à l'intention des femmes ont en définitive été confiés
aux Edmonton Community and Family Services après une vaine tentative de lier un
programme à l'intention des femmes à l'Interpersonal and Family Skills Program.
LIENS AVEC LA COLLECTIVITÉ Les programmes de groupes de ce genre nécessitent des rapports étroits avec le
système correctionnel et divers organismes communautaires. Il n'a pas été facile pour
les responsables du projet d'Edmonton de cultiver ces rapports. Certains prestataires de
services communautaires se sont initialement montrés hésitants face à ce projet; les
organismes en question étaient inquiets du fait qu'on accorde à un programme de
traitement des hommes des fonds qui auraient pu être destinés aux victimes. Mais en
cultivant des rapports avec d'autres organismes (comme l'Interagency Committee on
VVife Assault et l'Edmonton Council Against Family Violence), les responsables de
l'Interpersonal and Family Skills Program ont réussi à se faire accepter et respecter. Ils
46
se sont également associés à une troupe de théâtre, l'Azimuth Theatre, afin de
sensibiliser le public à la violence familiale par des présentations théâtrales. Les
responsables du projet ont servi de personnes-ressources durant les périodes de
questions et réponses qui ont suivi les présentations dans les établissements
correctionnels et dans l'ensemble de la collectivité.
On a également connu des difficultés en raison de problèmes d'aiguillage vers le
programme, notamment à cause du manque de sensibilisation, au sein du personnel, à
la violence familiale, de la pénurie d'outils d'évaluation du risque de violence familiale et
de l'absence de rapports entre les responsables de l'Interpersonal and Family Skills
Program et le SCC. Mais lorsque les responsables et le Service ont commencé à
comprendre la complexité du problème, ils ont pu explorer chaque question distincte.
Cela a mis en évidence l'importance d'une planification préalable à la mise en oeuvre
d'un programme, y compris l'importance d'impliquer les prestataires de services en
matière de violence familiale de la collectivité et les employés du SCC chargés de
diriger les délinquants vers le programme.
AIGUILLAGE Les délinquants de plusieurs endroits ont été dirigés vers le programme, mais la plupart
l'ont été par des responsables de l'établissement Bowden et du bureau de libération
conditionnelle central d'Edmonton. En 1992, la Commission nationale des libérations
conditionnelles a commencé à exiger, comme condition spéciale de la libération
conditionnelle, que les délinquants achèvent le programme.
ÉVALUATION Le processus d'évaluation a consisté en l'administration d'une batterie de tests
psychologiques et en l'exécution d'une interview de présélection exhaustive. Souvent
l'interview était menée durant l'incarcération. L'interview était suivie d'une réunion des
responsables de l'Interpersonal and Family Skills Program, qui devaient décider si le
47
délinquant était admissible au programme. Les délinquants acceptés étaient soumis à
une surveillance préalable au traitement dès leur mise en liberté.
SOUTIEN INDIVIDUEL En plus de prendre part à un traitement de groupe, les participants se rendaient souvent
à des séances individuelles s'ils avaient besoin d'aide, en cas d'urgence, pour de
problèmes de violence familiale ou autres. Au début, les responsables exigeaient
catégoriquement que les délinquants achèvent le programme en groupe. Un petit
pourcentage des délinquants ont participé au programme à titre individuel parce qu'ils
n'étaient pas aptes à participer aux séances de groupe. En outre, lorsque le nombre de
participants dans les groupes devenait trop petit, ceux-ci étaient démantelés et le
programme était offert aux participants à titre individuel.
SURVEILLANCE PRÉALABLE AU TRAITEMENT Le programme de traitement offert à Edmonton consistait en un programme fermé;
lorsqu'un groupe était constitué, les délinquants dirigés vers le programme devaient
attendre le début du programme suivant de 26 semaines. Ces délinquants faisaient
l'objet d'une surveillance préalable au traitement, dont le but était de les appuyer,
d'obtenir leur confiance et de les préparer en vue du groupe. Cette étape consistait en
des séances individuelles.
DÉROULEMENT DES SÉANCES Chaque séance durait deux heures, et chaque groupe pouvait se composer de 12 à
15 participants. Toutefois, au début du programme, les groupes comptaient en
moyenne de 8 à 10 délinquants. À partir de la deuxième séance du premier module, les
participants devaient se soumettre à un « contrôle d'arrivée » c'est-à-dire discuter
d'incidents qui s'étaient passés avec leur conjointe durant la semaine et décrire la
manière dont ils avaient appliqué à ces situations les compétences acquises au cours
des séances antérieures. L'étape du « contrôle d'arrivée » durait une heure dans les
modules I et II et une demi-heure dans le module Ill. Pour stimuler la discussion, on a
eu recours à des films, de la documentation, des exercices structurés et des jeux de
48
rôles sur le thème de la semaine. Chaque séance se terminait par une « récapitulation »
au cours de laquelle les animateurs soulignaient les points dont le groupe avait discuté
et rappelaient aux participants ce qu'ils devaient faire au cours de la semaine suivante.
PHASES DU PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES
a) MODULE I : POWER AND CONTROL
Le premier module consistait en un groupe fermé et durait neuf semaines. Ses buts,
ainsi que les ont définis les responsables du projet d'Edmonton, étaient les suivants :
favoriser une réflexion sur le problème de la violence familiale et donner aux
membres du groupe l'occasion d'examiner leur propre comportement de
violence.
Les séances ont comporté les éléments suivants :
• une discussion au sujet des différents types de comportements violents, basée sur la
roue du pouvoir et du contrôle, et une présentation de la roue des solutions de
rechange basées sur l'égalité;
• une description détaillée de la nature de la violence physique, sexuelle et
psychologique;
• une présentation de la technique du temps d'arrêt;
• une discussion de la manière dont les hommes apprennent des comportements
violents et des solutions de rechange à la violence;
• une discussion sur le fait d'avoir été témoin de violence dans l'enfance;
• une définition de la responsabilité et du recours aux techniques de minimisation, de
déni et de blâme;
• une discussion sur l'affaiblissement de la confiance et la manière de rétablir celle-ci.
49
B) MODULE II NON-ABUSIVE-ALTERNATIVES Le deuxième module de traitement fermé consistait en 10 séances. Il s'agissait de
discuter des problèmes que les participants connaissaient dans leurs relations actuelles
et d'appliquer les connaissances acquises au cours du module I. À la première séance,
les participants devaient se fixer des buts, qui étaient réexaminés à la fin du module.
Les séances ont inclus les éléments suivants :
• une définition de la colère et les compétences utiles pour gérer la colère;
• une présentation de la notion de colère et de registre de la colère, que les
participants étaient invités à remplir chaque semaine;
• une discussion sur la nature des luttes de pouvoir et l'acquisition de techniques
comme la reformulation, la négociation, la résolution de conflits et les techniques
d'amélioration de la communication;
• une exploration de la manière de s'affirmer sans être agressif.
c) MODULE MAKING IT ON THE STREET
La troisième phase du traitement durait sept semaines. L'objet de ce module ouvert était
de « sensibiliser les clients à certaines des situations les plus courantes qui entraînent
une détérioration des relations et souvent la réincarcération ». Les séances ont été
créées expressément à l'intention des délinquants sous responsabilité fédérale par le
thérapeute principal, qui possédait une vaste expérience auprès de cette population
cliente. Les séances étaient consacrées presque exclusivement à des jeux de rôles.
Après l'étape du « contrôle », on présentait à chaque séance le thème de la séance,
pour ensuite enchaîner avec une discussion de celui-ci, la lecture d'un scénario et une
discussion à ce sujet, et un jeu de rôle sur la manière optimale d'affronter les problèmes
présentés dans le scénario. Les animateurs commentaient ensuite les jeux de rôles des
participants. À l'étape de l'élaboration, on a fait un essai des scénarios auprès des
50
clients et on y a ensuite apporté les modifications jugées nécessaires. Il y avait deux
scénarios possibles pour chaque séance; l'animateur choisissait celui sur lequel il
voulait insister ou qu'il voulait utiliser exclusivement, en tenant compte des besoins des
participants.
Les séances ont notamment porté sur les sujets suivants :
• la jalousie et la confiance
• l'importance de résister aux pressions exercées par les pairs
• la manière de réagir aux critiques
• la réinsertion sociale
• la dépendance, la tendance à blâmer autrui et le mensonge.
CARACTÉRISTIQUES DES DÉLINQUANTS Entre le 1 er avril 1992 et le 31 mars 1995, 186 délinquants ont été dirigés vers le projet
de démonstration. Parmi ce groupe, 44 % (86 délinquants) n'ont pas été acceptés dans
le programme à l'intention des hommes et 10 % (18 délinquants) ne se sont pas
présentés pour l'évaluation. Au total, donc, 44 % des délinquants dirigés vers le
programme (82 délinquants) ont été acceptés.
Pour diverses raisons, seulement 66 hommes ont commencé le programme de
traitement. Parmi eux, 64 % (42 délinquants) ont achevé le module I. On a commencé le
module II avec 40 délinquants, dont 75 % (30 délinquants) ont terminé le programme.
Enfin, il y avait au début du module III 23 délinquants, dont 91 % (21 délinquants) ont
achevé ce dernier module. C'est donc dire que sur les 66 délinquants qui ont
commencé le premier module, 32 % se sont rendus jusqu'à la fin du programme de 26
semaines.
Le programme complet de 26 semaines a été administré sept fois au cours du projet de
démonstration. Cinq groupes ont dû être démantelés; les séances ont ensuite été
51
offertes à titre individuel en raison du taux élevé d'abandon, qui était habituellement
attribuable à la suspension ou à la révocation de la liberté conditionnelle. Les
participants n'achevaient pas le programme surtout parce qu'ils étaient réincarcérés
pour avoir commis des infractions non liées à la violence familiale.
Le lecteur trouvera à l'annexe B des renseignements démographiques sur les hommes
ayant participé au programme. L'âge moyen de ces derniers étaient de 34 ans. Plus de
la moitié des délinquants (55 %) étaient mariés ou vivaient dans une union de fait, et
79 % avaient des enfants. Plusieurs délinquants avaient été témoins dans l'enfance de
violence physique (38 %) et de violence psychologique (48 °/0) et plusieurs avaient eux-
mêmes été victimes de violence psychologique (55 %), physique (52 %) et sexuelle
(31 %). Beaucoup d'hommes (31 %) avaient été accusés de voies de fait contre leur
conjointe actuelle ou une ex-conjointe, ou encore contre leurs enfants.
TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU TRAITEMENT Avant et après leur participation au programme de traitement à l'intention des hommes,
les délinquants ont été soumis à une batterie de tests, qui ont été utilisés pour chacun
des projets de démonstration. Comme nous l'avons déjà signalé, ces instruments
incluaient: le Questionnaire sur les réactions souhaitables (QRS), le Répertoire
multidimensionnel de la colère (RMC), l'Indice de maîtrise du comportement (IMC) et le
Répertoire des opinions tenues à propos de la violence faite aux conjointes (ROVC).
Les résultats présentés ci-après ont été adaptés principalement du rapport de recherche
fourni par les responsables du projet d'Edmonton (Buys, 1995).
Les autres échelles utilisées pour le projet d'Edmonton étaient les suivantes : Empathie
à l'égard des femmes, Questionnaire sur les relations, Échelle de notation du progrès
en psychothérapie et Échelle de réalisation des buts. Nous ne présenterons pas dans
ce rapport les résultats de ces tests. Les responsables du projet d'Edmonton ont
également administré d'autres instruments dont les résultats ont subséquemment été
supprimés des analyses. Il s'agissait des suivants : l'Indice de position sociale, l'Échelle
52
de désirabilité sociale Marlowe-Crowne, l'Inventaire de provocations Novaco, les
Échelles des mythes sur le viol de Burt, l'Échelle du vocabulaire de Clark, la Liste de
contrôle complète sur le comportement et le FACS-VQ. On a procédé de cette manière,
c'est-à-dire par tâtonnement, parce que ce programme constituait un des deux premiers
projets de démonstration entrepris dans le cadre de l'Initiative de lutte contre la violence
familiale et qu'en 1990, la batterie de tests qui allait en définitive être utilisée pour
chacun des six projets n'avait pas encore été établie.
Une des principales faiblesses des résultats présentés ci-après est la très petite taille
des échantillons utilisés, surtout pour le test postérieur au traitement. Il se peut par
conséquent que ces résultats ne soient pas un reflet fidèle de la situation qui existe
chez les délinquants violents; nous ne faisons donc que proposer des interprétations.
Le Questionnaire sur les réactions souhaitables (QRS) comporte deux échelles : une
échelle d'auto-duperie et une échelle de conduite stratégique des relations. Les
responsables du projet d'Edmonton ont présenté les résultats d'une étude menée
auprès de 182 étudiants du niveau collégial du sexe masculin (Paulhus, 1990) pour
comparaison avec ceux des délinquants (voir le tableau 2). Dans l'étude de Paulhus
(1990), les étudiants avaient été invités à répondre de façon à se présenter sous un jour
favorable. Avant le traitement, les délinquants ont obtenu sur l'échelle d'auto-duperie et
l'échelle de conduite stratégique des relations du QRS des résultats inférieurs à ceux
des étudiants qui s'étaient efforcés de se montrer sous un jour favorable. Après le
traitement, les résultats moyens des délinquants sur les deux échelles avaient
augmenté. Ce changement montre que les délinquants ont répondu d'une manière plus
acceptable socialement après le traitement qu'avant celui-ci. Il signifie peut-être que le
programme de traitement avait plu aux hommes et que ces derniers voulaient se
présenter sous un jour plus acceptable socialement. Toutefois, comme l'échantillon ne
comptait que sept délinquants, il est impossible de tirer des conclusions fermes.
53
Auto-duperie 71.4 81,0 65.4 65,8
D6stérieurs.::- Paulhus, 1990
(N = 182) IFS-Préalable
(N = 31) IFS-Préalable
(N = 7) IFS-Postérieur
(N = 7)
Conduite stratégique 66.7 53.4 58..4 68.4
p:Ensernble de
Tableau 2
Résumé des statistiques sur les résultats du Questionnaire sur les réactions souhaitables
Les résultats moyens obtenus sur les sous-échelles du RMC étaient passablement
élevés pour les 34 délinquants qui ont répondu au questionnaire avant le traitement.
Les résultats moyens obtenus par les délinquants ont diminué sensiblement entre
l'étape du test préalable et celle du test postérieur au traitement pour la sous-échelle du
déclenchement de la colère, celle de l'hostilité et celle du refoulement de la colère
(N = 7). Cela signifie qu'après avoir participé au traitement, les délinquants ressentaient
moins de colère et, lorsqu'ils devenaient colériques, qu'ils étaient moins portés à
s'arrêter sur leurs sentiments de colère ou à les intérioriser. Mais comme les résultats
ont été obtenus pour un échantillon très petit, il faudra refaire les tests auprès
d'échantillons plus nombreux pour accroître leur validité.
En ce qui concerne l'IMC, la cote moyenne obtenue au test préalable pour les 20
délinquants était de 20,25, ce qui révèle une tendance plutôt faible à maîtriser le
comportement. Si l'on compare les résultats totaux moyens des six hommes qui ont
répondu au questionnaire de l'IMC avant le traitement (résultat total = 12,3) et après
celui-ci (résultat total = 7,7), on semble pouvoir en conclure que le traitement a eu un
effet. Mais comme il s'agit d'un échantillon extrêmement petit, on ne peut pas
considérer ces résultats comme étant déterminants.
54
Tant à l'étape du test préalable (N = 28) qu'à celle du test postérieur (N = 7), les
résultats moyens obtenus par les délinquants pour le ROVC allaient de faibles à
modérés. Les délinquants étaient d'accord sur les affirmations disant qu'il n'est pas
acceptable de battre sa femme, que la violence ne rapporte rien aux femmes et qu'il
faut aider les victimes de violence familiale. Ils étaient passablement d'accord avec les
deux autres affirmations, c'est-à-dire celles voulant que l'agresseur doit être puni et qu'il
est responsable de la violence. Une comparaison des résultats obtenus au test
préalable et au test postérieur par les sept participants qui ont répondu aux questions
dans l'un et l'autre cas révèle qu'après le traitement, les participants étaient plus
nombreux à se dire d'accord avec l'affirmation selon laquelle il n'était pas acceptable de
battre sa femme, de même qu'avec l'affirmation selon laquelle l'agresseur doit être puni.
Rappelons encore une fois que, bien que les résultats soient statistiquement
significatifs, les échantillons étudiés étaient petits, de sorte qu'il faudra répéter les tests
auprès d'échantillons plus nombreux.
PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES Le programme à l'intention des femmes a été offert initialement dans le cadre de
l'Interpersonal and Family Skills Program. Les séances de groupe et le counseling
individuel se sont déroulés dans le même bureau du centre de la ville où avaient eu lieu
les rencontres tenues pour le programme à l'intention des hommes, mais non pas
nécessairement en même temps. On a assumé les frais de transport des femmes qui
voulaient se rendre aux séances. Aussi, pour aider les mères incapables de trouver une
personne pour garder leurs enfants, la thérapeute a effectué des visites à domicile ou a
communiqué avec les femmes par téléphone; on a aussi offert à ces dernières des
services de garde minimaux. Les responsables du projet n'ont toutefois pas réussi à
constituer un clientèle régulière de femmes.
Cette version du programme à l'intention des femmes n'a guère connu de succès pour
diverses raisons, dont la principale est que les femmes croyaient qu'on leur offrait des
55
services de soutien uniquement pour obtenir davantage de renseignements sur leur
conjoint. Elles n'estimaient pas que les échanges les aidaient et elles craignaient de
discuter de toute question qui, à leur avis, pouvait entraîner la réincarcération de leur
conjoint dans un établissement fédéral. En août 1994, ce programme a été confié aux
Community and Family Services de la ville d'Edmonton, un organisme qui compte neuf
bureaux situés à divers endroits de cette ville. L'organisme offre des services de
counseling individuel et de groupe ainsi que des services en cas d'urgence aux
conjointes des délinquants participant à l'Interpersonal and Family Skills Program. Les
femmes éprouvent une multitude de besoins, qui ne se limitent pas à la protection
contre la violence familiale. Le programme à l'intention des femmes offert par les
Community and Family Services a réussi à attirer des conjointes.
Les responsables de l'Interpersonal and Family Skills Program communiquaient tout
d'abord par téléphone avec les conjointes des délinquants participant au programme à
l'intention des hommes. Ils orientaient ensuite vers les Community and Family Services
d'Edmonton les femmes qui disaient vouloir obtenir d'autres services. Quant à celles qui
refusaient, on leur envoyait des renseignements au sujet de la violence familiale et une
lettre pour les inviter à participer à un groupe de soutien des femmes si cela les
intéressait par la suite. Au besoin, les responsables de l'Interpersonal and Family Skills
Program aiguillaient également les femmes vers des organismes autochtones locaux.
COUNSELING CONJUGAL Les responsables de l'Interpersonal and Family Skills Program sont intervenus de façon
très restreinte auprès des couples. Des séances de counseling conjugal étaient offertes
selon des conditions strictes : l'intervention devait être demandée par les deux
conjoints; la violence physique devait avoir cessé depuis au moins trois mois avant le
counseling; l'homme devait avoir terminé au moins le premier module du programme à
l'intention des hommes; il devait avoir accepté la responsabilité de son comportement
de violence et être disposé à écouter le point de vue de sa conjointe au sujet de la
violence; la femme devait avoir cessé d'assumer la responsabilité de la violence. Pour
56
assurer la sécurité de la femme, le counseling conjugal était assuré par le thérapeute et
la conseillère de la femme.
RÉSUMÉ Le projet d'Edmonton a été l'un des deux projets de démonstration originaux lancés en
1990. Il a été géré par l'Alberta Hospital Edmonton. Cet établissement avait déjà
travaillé auprès de délinquants sous responsabilité fédérale, mais il s'agissait de sa
première tentative d'offrir un programme de traitement axé sur la violence familiale
expressément à l'intention des délinquants sous responsabilité fédérale. L'Interpersonal
and Family Skills Program comportait un programme de traitement à l'intention des
hommes et un groupe de soutien à l'intention des femmes. Durant la première phase du
projet de démonstration, de nombreuses modifications ont été apportées aux modules
offerts aux participants.
Le programme à l'intention des hommes comportait trois modules : les deux premiers
étaient axés sur la violence tandis que le troisième visait à favoriser l'acquisition des
compétences nécessaires pour éviter la réincarcération. Ce troisième module, appelé
Making it On The Streets, a été mis au point parce que de nombreux délinquants étaient
réincarcérés en raison de problèmes n'ayant rien à voir avec la violence familiale (par
ex., révocation ou suspension de la liberté conditionnelle en raison de problèmes de
drogues ou d'alcool, ou à cause d'autres activités criminelles). Après avoir terminé les
modules du programme, les délinquants qui avaient besoin d'être suivis pouvaient
assister à des séances individuelles régulières.
Comme cela s'est produit pour certains autres projets, on a initialement eu beaucoup de
difficulté, à Edmonton, à obtenir que des délinquants soient dirigés vers le programme.
Ce problème a été attribuable en partie au manque de préparation de la collectivité
avant la mise en oeuvre du programme et au fait que la formation du personnel du SCC
n'avait pas encore commencé. On a réussi à l'atténuer en entreprenant un programme
de formation du personnel et en confiant à l'agent de projet régional du Programme de
57
lutte contre la violence familiale du SOC la responsabilité d'assurer la liaison et la
coordination voulues. L'initiative est désormais reconnue comme un programme de
traitement viable pour les hommes à Edmonton notamment parce que les responsables
ont participé activement aux travaux du comité de coordination local et qu'ils ont
également collaboré aux présentations sur la violence familiale faites dans les écoles et
auprès des groupes communautaires.
Comme cela a été le cas dans la plupart des autres projets, on n'a pu constituer qu'un
très petit échantillon pour les tests postérieurs au traitement. Les tests préalables et
postérieurs au traitement ont permis de dégager des tendances intéressantes, mais il
faudra manifestement répéter les tests auprès d'échantillons plus nombreux. Les
résultats ont semblé indiquer qu'après avoir participé au programme de traitement, les
délinquants avaient atténué leurs sentiments de colère, étaient moins portés à vouloir
contrôler les autres et étaient plus susceptibles de dire que la violence à l'endroit de
l'épouse n'était pas acceptable et que les agresseurs devaient être punis. Un autre
problème qui limite la valeur des résultats est le fait que l'on s'est fié uniquement à des
mesures d'autodéclaration pour évaluer l'incidence du traitement. D'autres types de
mesures (par ex., déclarations de la conjointe, rapports de surveillants de liberté
conditionnelle, tests de compétences comportementales) pourraient fournir des
renseignements additionnels qui permettraient d'évaluer les résultats du programme de
traitement.
Pour diverses raisons, le programme à l'intention des femmes a échoué lorsqu'il a été
offert dans le cadre de l'Interpersonal and Family Skills Program. Par la suite, il a été
confié aux Community and Family Services de la ville d'Edmonton qui, par l'entremise
de leurs neuf bureaux satellites, ont offert une vaste gamme de services. Les femmes
estimaient que ceux-ci étaient assurés dans un cadre plus confidentiel et de façon
indépendante de leur conjoint et du système correctionnel. Les Community and Family
Services ont réussi à attirer une clientèle plus nombreuse. Les responsables de
l'Interpersonal and Family Skills Program entretiennent des rapports réguliers avec les
58
thérapeutes des Community and Family Services et leur communiquent des
renseignements pertinents sur le risque ainsi que des données d'évaluation.
L'Interpersonal and Family Skills Program aurait pu produire des résultats plus
intéressants s'il avait été mieux planifié et si l'on avait davantage fait appel à la
collectivité. Le module Making It On The Streets semble être un moyen prometteur de
prévenir la réincarcération.
59
OPPORTUNITIES PROGRAM: TORONTO (ONTARIO)
La phase de démonstration de l'Opportunities Program a commencé le 8 mars 1993 et
s'est terminée le 31 mars 1995. La Société John Howard de la communauté urbaine de
Toronto était responsable de l'élaboration du projet.
Les buts du projet, ainsi que cet organisme les a définis, étaient les suivants :
• sensibiliser les délinquants à la signification et aux conséquences d'un comportement
violent
• faire accepter par les délinquants la responsabilité de leur violence dans des relations
• amener les délinquants à acquérir des attitudes et des valeurs qui favorisent des
relations non violentes et l'égalité entre les sexes
• accroître la capacité des conjoints et des enfants de se protéger
• assurer aux employés du SCC une formation sur les interventions auprès des
hommes violents
• évaluer l'efficacité de l'intervention.
Différents types de services ont été offerts dans le cadre de l'Opportunities Program. Ils
incluaient un programme de traitement à l'intention des hommes, un programme de
soutien à l'intention des femmes, un service de counseling conjugal et un service
d'aiguillage pour les enfants. On avait aussi proposé un programme axé sur les
compétences parentales, qui n'a toutefois pas démarré, faute de demande.
PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES Le programme de traitement à l'intention des hommes consistait en un programme
ouvert d'une durée de 12 semaines à caractère thérapeutique, psycho-éducatif et basé
sur l'acquisition de compétences. Les hommes étaient acceptés dans le programme
s'ils s'étaient déjà montrés violents envers leur conjointe ou une ex-conjointe ou leurs
60
enfants. Pour être admissibles, les délinquants n'étaient pas obligés d'avoir été arrêtés
pour voies de fait contre leur conjointe ou leurs enfants. Les délinquants pouvaient être
exclus s'ils souffraient de problèmes pour lesquels ils ne suivaient aucun traitement,
notamment la consommation de drogues ou d'alcool, des infractions à caractère sexuel
ou des troubles psychiatriques. Pour être admis dans le programme, les délinquants qui
vivaient actuellement dans une relation devaient accepter de communiquer aux
responsables du programme le nom, l'adresse et le numéro de téléphone de leur
conjointe.
PERSONNEL DU PROGRAMME Le programme à l'intention des hommes était coanimé par un thérapeute et une
thérapeute. Les qualités requises des chefs de groupe ont été élaborées de façon à
assurer la conformité avec les normes minimales. Le thérapeute détenait une maîtrise
en travail social clinique. Pendant le projet de démonstration, deux surveillants de liberté
conditionnelle ont suivi une formation de coanimateur. Le groupe des femmes a été
animé par la coordonnatrice des services aux femmes. Enfin, la surveillance clinique a
été assurée par un psychologue clinicien.
FORMATION Peu après le début du projet de démonstration, les responsables du programme et
quelques employés de la Société John Howard ont assisté à des séances de formation
sur la violence familiale. Les participants ont ainsi été sensibilisés à la fréquence du
problème de la violence familiale, aux divers facteurs psychosociaux et politiques à
l'origine de la violence faite aux femmes et aux différentes sortes de traitements offerts
aux conjoints violents. Les participants se sont aussi familiarisés avec les deux
idéologies employées dans les projets de démonstration : la démarche proféministe et
la démarche axée sur le comportement et les compétences cognitives. Une formation
plus intensive a été assurée aux personnes qui allaient être chargées de la surveillance
préalable au traitement.
61
En conformité avec l'entente contractuelle, les employés du SCC ont reçu une formation
de coanimateurs de groupes de traitement afin que le programme puisse se poursuivre
après l'expiration du contrat. Deux surveillantes de liberté conditionnelle ont appris à
devenir coanimatrices en participant aux séances de groupe à titre de troisième
animateur. Les participants n'étaient pas opposés à la présence de ces surveillants de
liberté conditionnelle comme animateurs, et la contribution de ces derniers au groupe
s'est révélée salutaire. Les deux surveillants de liberté conditionnelle participant à la
formation connaissaient la plupart des surveillants qui dirigeaient les délinquants vers le
programme de même qu'un grand nombre de ces derniers. Ils ont réussi à établir un
lien entre le personnel de la Société John Howard et le système correctionnel.
LIENS AVEC LA COLLECTIVITÉ Avant d'appliquer le programme, la Société John Howard de Toronto a produit une
brochure sur l'Opportunities Program qu'elle a jointe aux formules d'aiguillage envoyées
à tous les bureaux de libération conditionnelle de la région. Les employés chargés du
programme ont ensuite rencontré les surveillants de liberté conditionnelle pour leur
donner un complément d'information sur le programme et les aider à diriger vers celui-ci
les délinquants susceptibles d'être admissibles. Ils ont aussi présenté des exposés sur
le programme à des maisons de transition et dans des établissements fédéraux. Des
responsables ont également établi des liens solides entre l'Opportunities Program et
divers groupes de soutien de femmes et groupes de traitement pour hommes de la
collectivité.
ÉVALUATION Les délinquants étaient dirigés vers le programme par un surveillant de liberté
conditionnelle. L'interview d'accueil initiale était suivie d'une évaluation assurée par le
directeur ou le coordonnateur du programme. Cette étape était suivie d'une réunion
dont le but était de déterminer l'admissibilité du délinquant. Les délinquants devaient
subir une batterie de tests auto-administrés avant le traitement, immédiatement après
celui-ci et à nouveau trois mois et un an après le traitement.
62
SOUTIEN INDIVIDUEL Les délinquants pouvaient obtenir sur demande un service de counseling individuel. Les
responsables pouvaient voir les délinquants au cours de l'étape de la surveillance
préalable au traitement ou de séances de counseling d'urgence, mais ces interventions
ne remplaçaient pas le travail de groupe.
PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES Le programme à l'intention des hommes consistait en 12 séances de deux heures
chacune, destinées à un groupe ouvert. On a transformé le programme, qui s'adressait
à un groupe fermé à l'origine, en un programme pour groupe ouvert afin de pouvoir
accueillir de nouveaux participants qui auraient autrement été obligés d'attendre le
programme suivant. Environ deux nouveaux participants se joignaient au groupe toutes
les trois semaines. La formule du groupe ouvert s'est révélée plus utile parce que les
nouveaux participants pouvaient constater les progrès accomplis par les participants
ayant plus d'ancienneté. En outre, ces derniers pouvaient fréquemment mettre en
question les attitudes et croyances inacceptables au sujet de la violence des nouveaux
participants. Au fil des séances, les participants plus anciens ont assumé davantage de
responsabilité pour les séances du groupe (par ex., on leur a demandé d'étudier un
sujet donné puis de présenter leurs constatations et opinions à la séance suivante).
Ordinairement, de huit à 12 délinquants participaient au programme des hommes. Le
programme était de nature psycho-éducative, et, comme nous l'avons déjà signalé, le
manuel renfermait du matériel pour 12 séances, mais des séances supplémentaires
pouvaient être ajoutées si l'animateur ou un membre du groupe le jugeait nécessaire.
Les participants devaient assister au moins à 12 séances.
Chaque séance commençait par un « contrôle d'arrivée » durant lequel les participants
devaient parler de leurs émotions de ce qui s'était passé avec leur conjointe au cours de
la semaine précédente. Pendant les séances, certaines techniques ont été utilisées
63
pour faciliter le processus thérapeutique, notamment des discussions en groupe, des
vidéos, de la documentation, des diagrammes sur tableau papier et des jeux de rôles.
Au cours des premières séances, la discussion portait surtout sur l'inefficacité de la
violence et la nécessité d'opérer des changements, tandis que par la suite, on
s'attachait davantage aux stéréotypes sexistes qui contribuent à un comportement de
violence. À la fin de chaque 'séance, on faisait un « contrôle de départ » durant lequel
les participants devaient faire part de leur réaction et de leur opinion au sujet de la
séance.
Les séances ont inclus les éléments suivants :
• une description de la violence physique, sexuelle et psychologique
• une explication du cycle de la violence et une discussion sur sa manifestation dans la
vie des participants
• une discussion sur la différence entre la colère et un comportement de violence
• une discussion sur la continuité transgénérationnelle de la violence
• l'acquisition de compétences, notamment en résolution de problèmes, en maîtrise de
la colère, en communication efficace et en résolution des conflits
• une description des facteurs qui favorisent des relations saines.
CARACTÉRISTIQUES DES DÉLINQUANTS Au cours du projet de démonstration, 113 délinquants sous responsabilité fédérale ont
été dirigés vers le programme à l'intention des hommes. Parmi ces derniers, 96 ont été
évalués et la candidature de 90 a été approuvée. En tout, 76 délinquants ont assisté au
moins à une séance du programme et 63 % des participants (48 délinquants) ont
achevé le programme. En outre, à la fin du projet de démonstration, 14 délinquants
participaient encore au programme ou attendaient d'y être admis.
Le lecteur trouvera à l'annexe B des renseignements démographiques sur les hommes
qui ont participé au programme. L'âge moyen des 76 participants était de 34,5 ans,
64
tandis que le niveau de scolarité moyen était de 11,1 ans. Parmi les délinquants, 40 %
étaient mariés ou vivaient dans une union de fait. Parmi les 30 délinquants qui vivaient
dans une relation, 90 % vivaient avec leur conjointe depuis au moins un an. Parmi le
sous-groupe des 41 hommes qui ont été évalués la deuxième année du projet, seul un
très petit pourcentage (2 %) avaient été victimes de violence sexuelle dans l'enfance,
tandis que 5 % avaient été témoins de violence sexuelle. Plus de la moitié des
délinquants (54 %) avaient été accusés de voies de fait contre leur conjointe ou un
enfant.
Parmi les 48 hommes qui ont achevé le programme, 35 ont été soumis aux tests
postérieurs au traitement; 22 hommes ont rempli les questionnaires au moment du suivi
effectué trois mois après la fin du programme tandis qu'a la fin du projet de
démonstration, cinq hommes les avaient remplis un an après la fin du traitement. Les
données provenant des groupes fermés (séries 1 et 2) et des groupes ouverts ont été
combinées aux fins d'analyse.
TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU TRAITEMENT Avant et après leur participation au programme, les délinquants ont subi une batterie de
tests, qui a été utilisée pour tous les projets de démonstration. Ces instruments, que
nous avons déjà énumérés, incluaient le Questionnaire sur les réactions souhaitables
(QRS), le Répertoire multidimensionnel de la colère (RMC), l'Indice de maîtrise du
comportement (IMC) et le Répertoire des opinions tenues à propos de la violence faite
aux conjointes (ROVC). Outre les tests préalables et postérieurs au traitement, on a
effectué dans le cadre de l'Opportunities Program, qui a été l'un des deux projets de
démonstration pour lesquels on a procédé ainsi, des évaluations de suivi. Ces
évaluations ont été faites trois mois puis un an après le traitement. Les résultats
présentés ci-après ont été adaptés principalement du rapport de recherche fourni par
les responsables du projet de Toronto (Pollock et Sheridan, 1995).
65
Le QRS comporte deux échelles différentes : une échelle d'auto-duperie et une échelle
de conduite stratégique des relations. Des résultats élevés sur la première échelle
signifiaient que les participants du programme des hommes étaient plus susceptibles de
répondre d'une manière extrêmement positive qu'un groupe normatif témoin. Les
participants étaient aussi plus susceptibles de répondre d'une manière socialement
souhaitable aux questions constituant l'échelle de conduite stratégique des relations.
Les résultats obtenus sur les deux échelles ont diminué entre l'étape du test préalable
et celles du test postérieur mais cette diminution n'est pas significative. À l'évaluation de
suivi faite trois mois après la fin du traitement, les résultats sur les deux échelles avaient
augmenté, mais il n'y avait pas de différences significatives.
Les résultats obtenus pour le RMC avant le traitement étaient situés dans les limites
normales. Après le traitement, tous les résultats des sous-échelles de même que le
résultat total avaient diminué, mais de façon non significative. Trois mois après le
traitement, il n'y avait pas de différences significatives. Après trois mois, la plupart des
résultats des sous-échelles de même que le résultat total avaient augmenté, mais
l'éventail des situations suscitant une réaction de colère avait été rétréci.
Après avoir supprimé des résultats obtenus sur le RMC les effets de la désirabilité
sociale, on a constaté que le résultat total obtenu avait diminué sensiblement au
moment du test postérieur, pour augmenter ensuite à l'évaluation de suivi faite trois
mois après le traitement. Entre le test fait immédiatement après le traitement et
l'évaluation faite trois mois plus tard, on a constaté une baisse significative des résultats
moyens obtenus sur la sous-échelle de l'éventail des situations suscitant une réaction
de colère. Ces résultats révèlent que lorsqu'on élimine les effets attribuables à la
désirabilité sociale, on voit que le traitement fait initialement baisser les sentiments de
colère, lesquels augmentent toutefois à nouveau après trois mois. Néanmoins, l'éventail
des situations suscitant une réaction de colère chez le délinquant diminue au cours de
la période de trois mois suivants le traitement. Autrement dit, même si la colère revient à
66
son niveau initial trois mois après le traitement, les délinquants expriment cette colère
dans un moins grand nombre de situations.
Les résultats obtenus avant et après le traitement sur les sous-échelles de l'IMC étaient
tous très faibles. Nous n'avons pas constaté de différences significatives dans les
résultats obtenus sur les sous-échelles entre les tests préalables et les tests postérieurs
au traitement et nous n'en avons pas constaté non plus entre les résultats des tests
postérieurs au traitement et l'évaluation de suivi faite trois mois après le traitement.
Entre la période préalable et la période postérieure au traitement, il n'y avait qu'une
seule différence significative pour un point de l'IMC : en moyenne, plus de délinquants
signalaient une intervention policière moindre après le traitement qu'avant celui-ci.
Certes peu étonnante, cette constatation traduit l'efficacité du traitement.
Une analyse des résultats obtenus par les 41 participants qui ont répondu au
questionnaire de l'IMC révèle que les délinquants étaient plus susceptibles d'avouer
qu'ils avaient déjà commis des actes de violence que d'avouer un comportement de
violence dans leur relation actuelle, mais la différence n'était pas significative. Les
délinquants avaient plutôt tendance à avouer qu'ils utilisaient des formes de violence
moins graves (par ex., une violence psychologique) dans leur relation actuelle et à
prétendre qu'ils ne commettaient plus d'actes de violence graves.
Dix-neuf femmes ont rempli une version spéciale de l'IMC mais, pour diverses raisons
(voir Pollock et Sheridan, 1995), seulement huit d'entre elles ont fourni des données se
prêtant à une analyse. Si l'on compare les résultats des femmes à ceux de leurs
conjoints, on constaie que les délinquants ont dit recourir aux différentes formes de
violence beaucoup moins fréquemment que ne l'ont prétendu les femmes. Ainsi, 13 %
des délinquants ont dit avoir frappé leur conjointe avec un objet tandis que 63 % des
femmes ont dit que cela s'était produit. Aucun homme n'a dit avoir menacé de tuer sa
conjointe tandis que 43 % des femmes ont dit que cela s'était produit. Enfin, aucun des
délinquants ne croient que les blessures qu'il avait infligées à sa conjointe l'avaient
67
empêché de prendre part à des activités habituelles tandis que 38 % des femmes ont
dit que c'était le cas.
Nous avons constaté des différences significatives en ce qui concerne l'IMC entre les
délinquants qui ont achevé le programme et ceux qui ne l'ont pas achevé. Ces derniers
étaient beaucoup plus susceptibles d'exiger que leur conjointe rende strictement compte
des finances, de limiter son utilisation de la voiture ou du téléphone et de dire qu'on
faisait souvent appel à la police à cause d'incidents de violence familiale. Cette
constatation souligne l'importance du traitement, surtout pour les délinquants qui
risquent grandement de commettre des actes de violence familiale.
Un sous-groupe de 41 hommes a rempli le ROVC avant le traitement. Les résultats
révèlent que les participants ne croient pas qu'il est justifié de commettre des actes de
violence à l'endroit de l'épouse ni que les femmes gagnent de la sympathie ou de
l'attention par la violence. Mais ils montrent également que, d'après les délinquants, il
ne faut pas intervenir immédiatement après la violence, que les agresseurs ne sont pas
responsables de leur comportement et qu'ils ne devraient pas être punis. En outre, au
moment du test préalable, les participants étaient plus susceptibles que les non-
participants de croire que la violence faite au conjoint était justifiée. Cela semble
indiquer que les délinquants qui risquent davantage de commettre des actes de
violence sont aussi plus susceptibles d'achever le programme.
On possédait les résultats obtenus sur le ROVC administré après le traitement
uniquement pour 10 délinquants. Après le traitement, les résultats obtenus sur toutes
les sous-échelles avaient diminué par rapport à ceux du test préalable au traitement,
mais il n'y avait qu'une seule différence significative. Les résultats moyens pour
l'affirmation selon laquelle la violence à l'endroit de l'épouse est justifiée étaient
sensiblement plus faibles après le traitement. Les délinquants seraient donc moins
susceptibles de penser, après avoir subi le traitement, que la violence faite à l'épouse
68
est justifiée. Seulement cinq délinquants ont rempli le ROVC trois mois après le
traitement, et l'on n'a pas constaté de différences significatives sur les sous-échelles.
Comme nous l'avons déjà signalé, à la fin du projet de démonstration, cinq délinquants
s'étaient soumis au test un an après le programme de traitement. La taille de
l'échantillon empêche de faire des analyses valables.
COMMENTAIRES DES CLIENTS En tout, 18 délinquants qui ont achevé le programme ont également rempli une formule
de commentaires. Les résultats révèlent que tous les délinquants étaient satisfaits du
programme et que 94 % étaient satisfaits de la façon dont le programme les avait aidés
dans leur relation.
PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES Selon les responsables du projet de Toronto, les rapports avec la conjointe de
l'agresseur constituent la source la plus fiable d'information au sujet de la gravité de la
violence existant dans la relation. À leur avis, ces rapports permettent de créer chez les
femmes des attentes objectives au sujet du programme à l'intention des hommes et de
leur fournir les ressources nécessaires pour les mettre, elles et leurs enfants, à l'abri de
la violence. Les femmes ont périodiquement été interrogées au sujet des progrès
accomplis par leur conjoint durant le traitement.
Les buts du programme, d'après les responsables du projet, étaient les suivants : aider
les femmes à élaborer des plans pour assurer leur sécurité et leur protection et fournir
une information au sujet des causes et des conséquences de la violence familiale.
a) AIGUILLAGE
Pour être admis dans le programme à l'intention des hommes, les délinquants devaient
accepter de fournir le numéro de téléphone et l'adresse de leur conjointe. Après le
début des séances de groupe, la coordonnatrice des services aux femmes envoyait à la
69
femme une lettre pour décrire le projet, accompagnée d'un questionnaire servant à
évaluer le degré de violence. Une semaine plus tard, quelqu'un communiquait avec la
femme par téléphone afin de la convoquer à une interview à la Société John Howard. Si
l'on ne réussissait pas à entrer en communication avec elle, une lettre de suivi était
envoyée deux semaines plus tard. Si la femme ne voulait pas venir au bureau de la
Société John Howard, l'interview pouvait être menée par téléphone. Si elle refusait
d'avoir d'autres rapports avec la Société, on l'informait du fait qu'elle allait recevoir par
la poste une trousse d'information et qu'elle pouvait communiquer n'importe quand dans
l'avenir avec les responsables du programme.
b) INTERVIEW INITIALE
Au cours de l'interview initiale, diverses questions étaient abordées. La coordonnatrice
décrivait tout d'abord à l'intéressée l'Opportunities Program en général, pour ensuite lui
expliquer le programme de traitement à l'intention des hommes et le programme de
soutien des femmes. Le degré de violence existant dans la relation était évalué au
même moment . Au cours de la réunion, la coordonnatrice abordait la notion d'un plan
de sécurité que la femme pouvait utiliser s'il se présentait dans l'avenir une situation de
violence et discutait également des ressources offertes dans la collectivité.
c) SERVICES INDIVIDUELS
On offrait aux femmes qui ne voulaient pas assister aux séances de groupe la
possibilité de prendre part à des séances individuelles. Celles-ci étaient ordinairement
axées sur le contenu du manuel pour les femmes. En outre, certaines femmes ont
choisi d'avoir uniquement des communications téléphoniques. On leur téléphonait
périodiquement au moment qui leur convenait.
70
d) GROUPE DE SOUTIEN DES FEMMES
Le groupe de soutien des femmes consistait en un groupe de discussion ouvert. Quatre
modules de deux heures chacun étaient prévus. On devait, à l'origine, répéter les
modules à toutes les quatre séances, mais en réalité, certains modules pouvaient durer
plusieurs séances, ou alors l'information provenant de différents modules pouvait être
présentée au cours d'une seule et même séance. Pour faciliter le processus, on a eu
recours à des vidéos, à de la documentation et à des discussions. Chaque séance se
terminait par un « contrôle de départ » durant lequel les participantes faisaient part de
leur réaction aux propos tenus et expliquaient ce qu'elles avaient retiré de la séance.
Les groupes se réunissaient ordinairement toutes les deux semaines. Les femmes
pouvaient se joindre au groupe n'importe quand et choisir les séances auxquelles elles
voulaient assister. Elles pouvaient également assister aux séances même lorsque leur
conjoint ne participait plus au programme des hommes. Elles pouvaient aussi obtenir un
remboursement de leurs frais de transport et de garde d'enfants pour qu'il leur soit plus
facile d'assister aux réunions du programme de soutien.
Contenu des séances :
• Discussion des différentes sortes de violences et de leurs causes.
• Démystification du phénomène de la femme battue.
• Présentation de statistiques sur la violence faite aux femmes et aux enfants.
• Présentation du programme à l'intention des hommes.
• Présentation du concept du cycle de la violence et discussion de celui-ci dans le
contexte de la relation de la femme.
• Planification de la sécurité.
71
• Discussion des relations saines et des relations malsaines à l'aide de la roue du
pouvoir et du contrôle et de la roue de l'égalité.
• Discussion des plans futurs et de l'utilisation des ressources de la collectivité.
e) PARTICIPATION AU PROGRAMME
Au cours du projet de démonstration, la coordonnatrice des services aux femmes a
tenté de communiquer par lettre ou par téléphone avec 60 femmes. Parmi ces
dernières, 19 n'ont pas répondu, 18 ont refusé toute autre forme de communication, 11
ont fixé des rendez-vous avec la coordonnatrice mais ne se sont pas présentées au
rendez-vous et huit ont participé aux activités du groupe de soutien ou à des séances
individuelles; en outre, on essayait encore à la fin du projet de démonstration de
communiquer avec quatre autres femmes. Comme le programme de soutien n'a guère
suscité d'intérêt au cours de la première année du projet, le premier programme n'a été
lancé que le 28 septembre 1994. Chacun des quatre modules a été présenté une fois
avant la fin du projet de démonstration. Un maximum de trois femmes ont assisté à
chaque module. Le counseling individuel était la forme de soutien privilégiée pour les
femmes.
COUNSELING CONJUGAL La Société John Howard de Toronto n'a eu guère recours au counseling conjugal.
L'objet du projet de Toronto était de mettre fin à la violence dans les relations plutôt et
non pas d'aider les conjoints à rester ensemble. Les couples pouvaient être admissibles
à un counseling si les deux conjoints manifestaient un intérêt, s'ils étaient engagés à
préserver leur relafion et si la violence avait cessé. Avant que le counseling conjugal ne
puisse commencer, le délinquant devait s'être engagé à mettre fin à son comportement
de violence, avoir achevé le programme à l'intention des hommes et avoir accepté la
responsabilité de son comportement violent. La femme devait quant à elle comprendre
qu'elle n'était pas responsable de la violence et elle devait avoir élaboré un plan de
sécurité auquel elle pourrait recourir si la violence recommençait.
72
SERVICE D'AIGUILLAGE POUR LES ENFANTS La Société John Howard de Toronto a offert un service d'aiguillage pour les enfants qui
avaient été victimes ou témoins de violence ou qui avaient connu•des problèmes liés
indirectement à la violence familiale (comme la négligence). Elle a fourni des
renseignements au sujet des divers organismes communautaires et servi d'agent de
liaison entre les parents et les organismes.
RÉSUMÉ Le projet de Toronto comprenait un programme de traitement à l'intention des hommes,
un groupe de soutien pour les femmes, un service de counseling conjugal et un service
d'aiguillage pour les enfants. Au cours du projet de démonstration, deux surveillants de
liberté conditionnelle ont reçu une formation comme coanimateurs, et leur contribution
au groupe s'est révélée salutaire.
Le programme des hommes, qui était initialement un programme s'adressant à un
groupe fermé, est devenu par la suite un programme pour groupe ouvert, ce qui a
permis de réduire la période d'attente des participants éventuels. Les membres les plus
anciens du programme ont progressivement assumé une plus grande responsabilité
pour les séances de groupe, offrant ainsi un modèle de comportement prosocial. Ainsi,
ils ont parfois été invités à explorer un sujet donné puis à présenter leurs résultats à la
séance suivante.
Selon Pollock et Sheridan (1995), le délinquant type participant à l'Opportunities
Program avait fait des études secondaires. Il ne vivait pas actuellement avec une
femme mais avec deux enfants ou plus. Il avait déjà été accusé de voies de fait contre
sa conjointe actuelle ou une ex-conjointe, ou ses enfants, mais un acte de violence
familiale n'était pas l'infraction à l'origine de son incarcération actuelle.
73
Les mesures prises avant et après le programme de traitement ont révélé des
tendances encourageantes. Les résultats ont en effet montré qu'après leur participation
au programme, les délinquants pouvaient plus efficacement gérer leur colère. Après le
traitement, la violence physique signalée a aussi diminué légèrement. Les délinquants
étaient en outre plus en mesure de comprendre les sentiments de la victime et ils
acceptaient la responsabilité du comportement de violence. Pollock et Sheridan
signalent également des améliorations dans leur attitude envers les femmes, une
satisfaction accrue dans leurs relations avec les femmes, des attitudes plus prosociales
et des gains sur les plans de l'affirmation de soi et de l'estime de soi.
L'Opportunities Program était le seul projet de démonstration dont le plan de recherche
incluait, outre les tests préalables et postérieurs au traitement, des évaluations de suivi
trois mois et un an après la participation au programme. Étant donné la petite taille de
l'échantillon auprès duquel on a mené l'évaluation de suivi trois mois après le
traitement, les résultats étaient restreints, et l'on n'a pas pu constater de différences
significatives. Les résultats de l'évaluation effectuée un an après le traitement n'ont pas
non plus été analysés étant donné que l'on disposait de données uniquement sur cinq
délinquants.
Les responsables du volet axé sur les femmes de l'Opportunities Program ont réussi à
communiquer avec la conjointe des hommes participant au programme. Toutefois,
seules quelques femmes voulaient prendre part à des séances de counseling formel.
Ce manque de participation peut avoir été attribuable au fait que les femmes craignaient
leur conjoint ou encore qu'elles ne voulaient pas mettre en péril la liberté conditionnelle
de celui-ci.
74
HEALTHY RELATIONSHIPS : VICTORIA (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
La phase de démonstration de l'Healthy Relationships Pre-Treatment Awareness and
Education Program a commencé en décembre 1992 et s'est terminée le 31 mars 1995.
Les responsables du Victoria Family Violence Project ont été chargés du déroulement
du projet. Cet organisme avait beaucoup d'expérience dans l'intervention auprès des
hommes violents et de leur conjointe puisqu'ils administraient des programmes
communautaires de lutte contre la violence familiale depuis le milieu des années 1980,
programmes sur lesquels le projet de démonstration Healthy Relationships a été basé.
Les buts généraux du projet Healthy Relationships, ainsi que ses responsables les ont
définis, étaient les suivants :
• mettre fin à la violence que les femmes subissent aux mains de leur conjoint
• mettre fin à la violence faite aux enfants, y compris à la violence dont ils sont témoins
• empêcher la continuité transgénérationnelle de la violence familiale.
Les responsables du projet ont offert différentes sortes de services : un programme de
traitement à l'intention des hommes à l'établissement William Head, un programme de
traitement à l'intention des hommes dans la collectivité, un programme de soutien et
des services d'extension à l'intention des femmes, et un service d'aiguillage pour les
enfants.
PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES Le programme de pré-traitement à l'intention des hommes prévoyait 20 séances, aux
éléments tant éducatifs que thérapeutiques, destinées à un groupe fermé. Étaient
acceptés dans le programme les hommes qui s'étaient montrés violents dans leurs
relations intimes, qu'ils aient ou non été accusés de voies de fait. Pour participer, les
délinquants devaient être disposés à discuter de leurs problèmes de violence au niveau
75
personnel. Autrement, on les dirigeait vers un programme de sensibilisation à la
violence familiale appelé Vivre sans violence.
Les hommes n'étaient pas obligés de vivre actuellement dans une relation pour être
acceptés dans le programme. L'achèvement du Programme d'acquisition de
compétences psychosociales ou du programme Vivre sans violence était considéré
comme un atout mais non pas comme un préalable pour participer au programme
Healthy Relationships. Les délinquants étaient refusés s'ils avaient des problèmes liés à
des infractions d'ordre sexuel ou à la toxicomanie pour lesquels ils n'avaient pas subi de
traitement.
Le programme Healthy Relationships offert en l'établissement a été conçu de façon à
mener aux programmes communautaires auxquels les délinquants pouvaient participer
après leur mise en liberté. On voulait accepter dans le programme uniquement les
hommes qui présentaient un risque élevé de récidive sur le plan de la violence familiale
et qui allaient bientôt obtenir leur mise en liberté. Toutefois, à cause de la demande, on
a Offert le programme à tous les détenus désireux d'améliorer leurs relations intimes. La
priorité a cependant été accordée aux délinquants à risque élevé.
Des délinquants ont non seulement été dirigés vers le programme par des agents de
gestion des cas, mais se sont aussi portés volontaires après avoir entendu parler du
programme. Le taux de participation volontaire pour le programme des hommes était
très élevé. On a évalué le cas des délinquants qui se sont eux-mêmes portés candidats
en regard des commentaires communiqués par leur agent de gestion des cas afin de
maximiser le nombre de délinquants constituant de bons candidats pour le programme.
Il y avait souvent des listes d'attente.
Les buts du programme à l'intention des hommes, d'après les responsables du projet de
Victoria, étaient les suivants :
76
• Sensibiliser les hommes aux attitudes et aux comportements malsains (de violence)
à l'égard de leur conjointe et de leurs enfants et aux conséquences négatives de ces
attitudes et comportements sur leur relation avec ces personnes.
• Amener les hommes à acquérir des attitudes et des comportements non violents et
attacher une plus grande valeur à ceux-ci en tant qu'atouts souhaitables et efficaces,
surtout dans le cadre de stratégies de réinsertion sociale.
• Sensibiliser les hommes à la violence qu'ils commettent dans leurs relations et
obtenir qu'ils s'engagent à suivre un traitement dans le cadre du Victoria Family
Violence projet ou des prOgrammes offerts dans d'autres collectivités après leur mise
en liberté.
PERSONNEL DU PROGRAMME Le programme à l'intention des hommes a été coanimé par un thérapeute et une
thérapeute. Les qualités exigées des chefs de groupe ont été élaborées de façon à
assurer la conformité avec les normes minimales. L'animateur du sexe masculin était un
ex-détenu de l'établissement William Head qui avait reçu une formation approfondie
dans le cadre du programme de formation d'animateurs du Victoria Family Violence
Project à l'intention d'anciens agresseurs. Il a coanimé le groupe en tant qu'animateur
non spécialiste et il a été bien accueilli par les membres du groupe.
Les animatrices étaient des thérapeutes qualifiées ayant plusieurs années d'expérience
dans l'animation de groupes composés de délinquants et d'autres personnes. Au début
du projet de démonstration, elle a également animé le groupe à l'intention des femmes.
Toutefois, au fur et à mesure de l'avancement du projet, on a décidé d'embaucher une
autre thérapeute chargée uniquement du programme de soutien des femmes.
FORMATION Comme nous l'avons déjà signalé, le programme Healthy Relationships a été administré
par les responsables du Victoria Family Violence Project, qui offraient déjà des
programmes de lutte contre la violence familiale aux hommes dans la collectivité.
77
Rappelons également que les animateurs étaient tous deux des thérapeutes ayant reçu
la formation requise.
LIENS AVEC LA COLLECTIVITÉ Les responsables du Victoria Family Violence Project entretiennent des relations suivies
avec la collectivité de Victoria et le personnel de l'établissement. On a informé les
délinquants de certains des programmes de traitement auxquels ils pouvaient avoir
accès dans la collectivité après leur mise en liberté. Ces programmes incluaient le
Community Healthy Relationships et le programme de traitement à l'intention des
hommes offert par le Victoria Family Violence Project.
ÉVALUATION En plus de satisfaire aux conditions d'admissibilité, que nous avons déjà expliquées, les
hommes devaient, avant de participer aux séances de traitement, rencontrer les
thérapeutes afin que ceux-ci puissent déterminer s'ils étaient disposés à discuter de
leurs propres problèmes durant les séances de groupe. Les hommes qui ne pouvaient
pas en discuter étaient dirigés vers le Programme d'acquisition de compétences
psychosociales ou le programme Vivre sans violence. Les délinquants devaient subir
une batterie de tests auto-administrés avant le traitement et immédiatement après
celui-ci.
SOUTIEN INDIVIDUEL On n'a pas offert formellement de séances de counseling individuel.
PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES Le programme de traitement des hommes prévoyait 20 séances en groupe fermé à
l'établissement William Head, à raison de deux séances par semaine pendant dix
semaines,. Le programme avait une orientation éducative et thérapeutique, en plus de
favoriser l'acquisition de compétences. Chaque séance durait deux heures et demie et
était fréquentée par huit à 12 délinquants.
78
Les séances commençaient par un contrôle d'arrivée au cours duquel chaque
participant devait expliquer l'influence que la séance précédente avait exercée sur lui au
cours de la semaine écoulée. On a aussi eu recours à certaines techniques pour faciliter
le processus thérapeutique comme des discussions de groupe, des vidéos, de la
documentation, des commentaires (les participants devant tour à tour faire part de leur
opinion), l'utilisation du bâton d'orateur (les participants pouvaient intervenir uniquement
lorsqu'ils tenaient le bâton) et les jeux de rôles. Il y avait une période de questions à la
fin de chaque séance.
Les séances ont porté sur les aspects suivants :
• la nature d'une relation saine
• une explication de la violence physique, sexuelle et psychologique à l'aide de la roue
du pouvoir et du contrôle
• une explication des relations entre la victime, le sauveteur et le persécuteur à l'aide
du triangle dramatique
• une description du cycle de la violence et de son application au vécu des participants
• la manière d'acquérir des compétences notamment en communication, en
négociation, en solution de problèmes et en résolution de conflits
• une explication de techniques comme le temps d'arrêt, les stratégies où les deux
parties sortent gagnantes, la technique consistant à se parler pour se calmer, le
discours intérieur et l'utilisation d'affirmations à la première personne pour exprimer
ses sentiments
• la manière d'exprimer sa colère de façon respectueuse et convenable
• la continuité transgénérationnelle de la violence et l'utilisation de bonnes techniques
parentales
• les dangers des drogues et de l'alcool.
79
CARACTÉRISTIQUES DES DÉLINQUANTS Au cours du projet de démonstration, 163 délinquants sous responsabilité fédérale ont
participé au programme Healthy Relationships et 143 l'ont achevé (taux d'achèvement
de 88 %). Parmi ce dernier groupe, 50 délinquants ont depuis obtenu leur mise en
liberté.
Le lecteur trouvera à l'annexe B des renseignements démographiques sur les
participants. Ces derniers étaient âgés en moyenne de 35 ans; il y avait presque autant
d'hommes célibataires (39 %) que d'hommes mariés ou vivant dans une union de fait
(41 %). Environ 64 % des délinquants avaient des enfants. Une forte proportion de
délinquants avaient été témoins de violence psychologique (59 %) ou physique (47 %)
dans l'enfance. En outre, un grand nombre d'entre eux avaient été victimes dans
l'enfance de violence psychologique (67 %), physique (62 %) ou sexuelle (21 %).
• TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU TRAITEMENT Une batterie de tests utilisés pour tous les projets de démonstration a été administrée
aux délinquants avant et après leur participation au programme à l'intention des
hommes. Comme nous l'avons déjà signalé, ces instruments incluaient le Questionnaire
sur les réactions souhaitables (QRS), le Répertoire multidimensionnel de la colère
(RMC), l'Indice de maîtrise du comportement (IMC) et le Répertoire des opinions tenues
à propos de la violence faite aux conjointes (ROVC). Les résultats suivants ont été
adaptés principalement du rapport de recherche fourni par les responsables du projet
de Victoria (McGregor et coll., 1995).
Le QRS comporte deux échelles : l'échelle d'auto-duperie et l'échelle de conduite
stratégique des relations. Les résultats moyens obtenus sur ces deux échelles ont
augmenté seulement de façon marginale entre le test préalable et le test postérieur au
traitement. Une comparaison des résultats moyens obtenus sur l'échelle d'auto-duperie
80
aux normes basées sur d'autres études a révélé que ces résultats étaient supérieursaux
normes pour les détenus mais inférieurs aux normes pour les étudiants du premier
cycle.
Les résultats moyens obtenus sur l'échelle de conduite stratégique des relations pour la
présente étude étaient inférieurs aux normes pour les détenus et bien inférieurs aux
résultats moyens produits par les étudiants qui, dans leurs réponses, ont fait valoir leurs
bons points; ils étaient toutefois supérieurs aux résultats moyens produits par les
étudiants qui ont répondu honnêtement. Cela signifie que les délinquants ne se
présentaient que marginalement sous un jour favorable.
Les résultats obtenus pour le RMC ont révélé une seule différence significative entre les
tests préalables et les tests postérieurs : il y a eu baisse des résultats moyens obtenus
sur la sous-échelle de l'intériorisation de la colère. Cela voudrait dire que les
délinquants étaient moins susceptibles d'intérioriser leur colère après avoir participé au
traitement. Celui-ci semble donc les avoir aidés sur ce plan.
Il est intéressant de constater l'existence d'une corrélation négative entre les résultats
obtenus sur le RMC et la désirabilité sociale tant avant le traitement qu'après celui-ci.
Autrement dit, plus les résultats obtenus sur ce test étaient élevés (traduisant des
niveaux élevés de colère et l'existence de problèmes de maîtrise de la colère), moins le
délinquant était susceptible de vouloir se présenter sous un jour favorable. Les
corrélations négatives sont demeurées constantes entre la période préalable au
traitement et la période postérieure à celui-ci. Cela signifie que la question de la
désirabilité sociale n'influe pas sur ces résultats.
De très faibles pourcentages d'hommes ont dit s'être trouvés dans les situations
décrites dans les sous-échelles de l'IMC, tant au test préalable qu'au test postérieur au
traitement. Les faibles taux de violence constatés aux tests préalables et aux tests
postérieurs reflètent peut-être le fait que ces hommes sont incarcérés et n'ont pas
81
beaucoup de rapports avec leur conjointe. La violence psychologique a été signalée
moins souvent après le traitement, mais la diminution n'était pas significative. Toutefois,
le nombre de délinquants qui ont dit avoir eu recours à la violence physique était
beaucoup plus faible après le traitement qu'avant celui-ci. Il est difficile d'interpréter
cette baisse étant donné que les délinquants étaient incarcérés durant le traitement. Ce
changement peut avoir été attribuable au traitement, dans le cas des participants qui
ont reçu des visites familiales au cours de cette période. Mais la baisse du recours à la
violence physique peut aussi avoir été attribuable au fait que les participants n'ont guère
ou pas eu de contacts avec leur conjointe durant et après le traitement.
En général, les résultats moyens pour le ROVC étaient faibles tant avant qu'après le
traitement. On a constaté des baisses significatives entre les deux périodes quant au
résultat total et aux résultats obtenus sur trois des cinq sous-échelles servant à mesurer
l'opinion des participants au sujet des affirmations suivantes : la violence profite aux
femmes, l'agresseur est responsable, l'agresseur doit être puni. Aux tests postérieurs
au traitement, les délinquants étaient plus susceptibles de penser que les femmes ne
retiraient rien de la violence et que l'agresseur était responsable et devait être puni. On
peut considérer ces résultats comme une preuve du fait que le traitement a amélioré
l'attitude des délinquants envers les femmes.
PROGRAMME COMMUNAUTAIRE À L'INTENTION DES HOMMES Après leur mise en liberté, les délinquants pouvaient participer au volet communautaire
du programme Healthy Relationships ou au programme de traitement général offert par
les responsables du Victoria Family Violence Project. Le volet communautaire du
programme Healthy Relationships a été conçu expressément à l'intention des
délinquants lorsqu'on a constaté, avec le temps, que le programme communautaire ne
convenait pas à cette population. On a constaté que les délinquants de ressort fédéral
s'adaptaient mal aux autres hommes, notamment sur le plans des compétences
sociales. De plus, les délinquants étaient aux prises avec une foule de problèmes au
moment de leur mise en liberté, ce qui exigeait une attention spéciale.
82
Le volet communautaire du programme Healthy Relationships visait à aider les
délinquants à entretenir une relation non violente et à régler d'autres problèmes pouvant
entraîner leur incarcération. Ce volet consistait en 10 à 12 séances. Les techniques
employées et l'information transmise au cours de celles-ci ressemblaient beaucoup au
programme Healthy Relationships en établissement. Le principal objectif du groupe était
d'appuyer les hommes pendant leur réintégration.
Le volet communautaire du programme Healthy Relationships consistait en 10 à 12
séances destinées à être constamment répétées. À caractère éducatif et thérapeutique,
il visait également l'acquisition de certaines compétences. On a conçu un programme
pour groupe ouvert afin de permettre aux hommes de s'y joindre quand ils le voulaient
et de quitter le programme lorsqu'ils n'avaient plus besoin des services offerts. Le volet
communautaire du programme était coanimé par l'équipe composée d'un thérapeute et
d'une thérapeute qui animaient le programme en établissement.
Comme nous l'avons déjà signalé, 50 délinquants qui ont achevé le programme avaient
obtenu leur élargissement le 31 mars 1995. Parmi ce groupe, 30 hommes ont été mis
en liberté dans la région de Victoria et 27 ont profité du volet communautaire du volet
Healthy Relationships. La plupart des participants habitaient dans des maisons de
transition et certains d'entre eux entretenaient des relations permanentes.
Dans les maisons de transition, le programme a été offert le jour et le soir. En général,
les délinquants ne participaient pas régulièrement à l'un ou l'autre des programmes,
probablement parce. que leur participation ne constituait pas une des conditions de
l'ordonnance de mise en liberté. La plupart des services communautaires étaient offerts
dans le cadre de séances personnelles par le conseiller du sexe masculin, malgré des
efforts concertés en vue de constituer des groupes de délinquants.
Les séances de groupe et individuelles ont été fréquentées par 14 délinquants, tandis
83
que les 13 autres hommes ont assisté uniquement aux séances individuelles. Signalons
également que six autres délinquants venant d'établissements fédéraux et mis en liberté
dans la région de Victoria ont participé au volet communautaire du programme Healthy
Relationships. À la fin du projet pilote, neuf délinquants avaient achevé le programme
de traitement communautaire. Ce nombre était trop faible pour permettre de faire des
analyses significatives.
La participation aux programmes communautaires aurait pu être plus forte si cela avait
été une condition de mise en liberté. Les responsables ont fait par la suite des efforts
pour faire comprendre à la Commission canadienne des libérations conditionnelles
l'importance du traitement communautaire pour les délinquants à risque élevé.
PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES Ce programme était destiné aux conjointes des hommes participant au volet offert en
établissement ou dans la collectivité du programme. Une conseillère était chargée de
communiquer par téléphone avec les femmes et de mener le programme de soutien.
Les buts du programme à l'intention des femmes de Victoria, tels que les définissent les
responsables, étaient les suivants :
• Sensibiliser les femmes aux attitudes et comportements malsains (violents) et les
amener à attacher plus de valeur aux relations saines (non violentes).
• Amener les femmes à mieux assumer leur rôle de mère et de conjointe et accroître
leur confiance dans leurs moyens.
• Diriger les femmes vers des services communautaires à leur intention et à l'intention
de leurs enfants.
a) AIGUILLAGE
Les femmes ont été dirigées vers le programme Healthy Relationships par leur conjoint.
Initialement, on a demandé aux hommes de donner un numéro de téléphone pour leur
84
conjointe au début du programme, mais cette mesure n'a pas été efficace étant donné
qu'elle a permis d'obtenir des numéros de téléphone pour la moitié seulement des
conjointes. Dans les groupes suivants, on a demandé aux délinquants de fournir le
numéro de téléphone de leur conjointe avec la permission de cette dernière, mais cela
s'est révélé encore moins efficace. Enfin, dans les derniers groupes, on a demandé aux
hommes de donner le numéro de téléphone de leur conjointe à l'intervieweur, au cours
de l'interview initiale, et cette façon de procéder s'est révélée plus efficace.
Les femmes pouvaient être dirigées vers le programme à leur intention même si leur
conjoint ne participait pas au programme à l'intention des hommes. Les agents de
gestion des cas pouvaient également diriger les conjointes vers le programme à
l'intention des femmes. De plus, il y avait, dans l'entrée du secteur des visites de
l'établissement William Head, des affiches sur lesquelles étaient énumérés les genres
de services de soutien offerts aux femmes par les responsables du Victoria Family
Violence Project et les numéros de téléphone à composer pour communiquer avec la
conseillère chargée du programme à l'intention des femmes.
b) CONTACT INITIAL
Les responsables du projet de Victoria ont rencontré plusieurs problèmes dans leur
tentative de communiquer avec les femmes. Comme nous l'avons signalé, beaucoup de
participants n'ont pas fourni le numéro de téléphone de leur conjointe. Quant aux
numéros qui ont été fournis, ils étaient souvent incorrects ou vieux. Enfin, certaines des
femmes avec lesquelles on a communiqué ont dit ne plus avoir de rapports avec le
délinquant.
Au cours du premier entretien par téléphone, on informait les femmes des services mis
à leur disposition. Elles étaient également informées de l'existence du programme de
soutien tenant des réunions hebdomadaires à Victoria. Quant aux femmes qui
n'habitaient pas dans la région de Victoria, on leur offrait des services de soutien par
85
téléphone, en ajoutant qu'elles pouvaient communiquer en personne avec les
responsables du programme ou assister aux séances du groupe lorsqu'elles se
trouvaient dans la région de Victoria. Le manuel employé dans le programme à
l'intention des hommes du programme Healthy Relationships a été offert à titre
d'information aux femmes et leur a souvent été envoyé par la poste.
c) SERVICES INDIVIDUELS
Un soutien individuel a été offert aux femmes de façon informelle seulement. Les
femmes qui connaissaient des problèmes de longue date ou qui habitaient à l'extérieur
de la région de Victoria ont été dirigées vers d'autres organismes communautaires plus
en mesure de les aider.
d) GROUPE À L'INTENTION DES FEMMES
Les séances du groupe à l'intention de femmes ont eu lieu à un endroit privé. Ce
groupe ouvert avait pour but d'assurer aux femmes un soutien et des services
d'éducation. Le contenu des séances était basé sur le manuel employé dans le
programme à l'intention des hommes du programme Healthy Relationships, mais les
séances n'étaient pas aussi structurées. Au cours des séances, les femmes étaient
incitées à discuter de leurs expériences de la violence familiale et à faire part de
préoccupations qui pouvaient être explorées au cours des séances. On a aussi
renseigné les femmes sur les organismes locaux de lutte contre la violence familiale
susceptibles d'offrir divers services aux femmes et à leurs enfants. Les femmes étaient
libres de se joindre au programme quand elles le voulaient et pouvaient aussi continuer
à participer même après que leur conjoint avait cessé d'assister aux séances du
programme à l'intention des hommes.
86
e) PARTICIPATION AU PROGRAMME
À la fin du projet de démonstration, on avait communiqué avec 99 femmes, auxquelles
on avait offert des services. En tout, 16 femmes ont assisté aux séances du groupe de
soutien au cours du projet. Le nombre maximum de femmes qui ont assisté aux
séances a été de quatre. On ne connaît pas le nombre de femmes qui ont profité des
services de soutien offerts par téléphone.
SERVICE D'AIGUILLAGE À L'INTENTION DES ENFANTS Les responsables du Victoria Family Violence Project avaient prévu initialement d'offrir
un programme à l'intention des enfants victimes ou témoins de violence familiale.
Toutefois, l'absence de demande a incité les responsables à diriger à la place les
enfants vers d'autres programmes communautaires.
RÉSUMÉ Le programme Healthy Relationships offert à Victoria (Colombie-Britannique) incluait
diverses composantes : un programme de traitement à l'intention des hommes
incarcérés à l'établissement William Head, un volet communautaire du programme de
traitement, un groupe de soutien et de services d'extension à l'intention des femmes et
un service d'aiguillage pour les enfants. Les responsables du Victoria Family Violence
Project entretiennent de nombreuses relations dans la collectivité puisqu'ils offrent des
séances de traitement à l'intention des hommes violents depuis le milieu des années
1980.
L'animateur du programme était un ex-détenu de l'établissement William Head. Il avait
reçu une formation intensive grâce au projet de Victoria relatif à la violence familiale
pour travailler comme animateur de groupe non professionnel. Il jouissait donc de
crédibilité auprès des participants. L'effectif du programme était constitué dans une
large mesure de bénévoles.
87
Le programme à l'intention des hommes a été présenté de façon intensive, c'est-à-dire
deux fois par semaine, ce qui a permis d'obtenir des taux d'achèvement élevés, vu la
probabilité moindre de transfèrements ou de mises en liberté au cours de la durée de 10
semaines (plutôt que de 20 semaines) du programme, en plus de libérer des ressources
permettant d'amorcer de nouveaux groupes. Les responsables du projet de Victoria ont
recommandé d'organiser des groupes de suivi en établissement à l'intention des
hommes qui ont achevé le programme pour leur permettre de mieux absorber les
notions acquises au cours du traitement en groupe.
Le participant type au programme Healthy Relationships avait terminé l'école
secondaire et avait fait certaines études postsecondaires, était marié ou vivait dans une
union de fait ou était célibataire, et avait des enfants. Il avait été témoin dans son
enfance de violence psychologique et physique, en plus d'avoir été victime de violence
psychologique et physique. Il n'avait pas été incarcéré pour avoir commis des voies de
fait contre sa conjointe ou ses enfants.
Une comparaison des résultats des tests administrés avant et après le traitement a
révélé des différences statistiquement significatives. On constate notamment qu'après
avoir participé au traitement, les délinquants pouvaient plus facilement maîtriser leur
colère intériorisée. Ils disaient également commettre moins d'actes de violence
physique après le traitement. Enfin, après le traitement, les délinquants étaient plus
susceptibles de penser que la violence ne rapportait rien aux femmes et que l'agresseur
était responsable et devait être puni.
Le volet communautaire du programme à l'intention des hommes n'a pas attiré
beaucoup de délinquants, ce qui peut avoir été dû au fait que leur ordonnance de mise
en liberté n'obligeait pas les hommes à assister aux séances. L'animateur a proposé
diverses possibilités aux hommes pour favoriser la participation.
88
Les séances du programme à l'intention des femmes ont eu lieu à un endroit privé.
Toutefois, les responsables du programme Healthy Relationships n'ont pas réussi à
communiquer avec beaucoup de femmes. Souvent, la communication était impossible
parce que les femmes avaient déménagé. Quant aux femmes avec lesquelles on a
réussi à communiquer, elles ne se sont guère montrées intéressées au programme, soit
parce que leur conjoint était encore incarcéré et que la relation était terminée, soit parce
qu'elles n'étaient pas obligées d'avoir des rapports suivis avec leur conjoint.
89
PROGRAMME D'ENRICHISSEMENT FAMILIAL : SOCIÉTÉ JOHN
HOWARD D'OTTAWA
La première étape du projet pilote du Programme d'enrichissement familial réalisé par la
Société John Howard d'Ottawa a débuté en décembre 1990. Le présent rapport ne
rend compte que des résultats de la deuxième étape, qui a commencé le 1 er avril 1992
et s'est terminée le 31 mars 1995.
Les objectifs du programme d'Ottawa ont été définis en ces termes :
• faciliter la diminution des comportements violents et caractérisés par la recherche de
contrôle
• inciter les hommes à assumer la responsabilité de leur comportement violent
• donner une information constante à la femme sur les progrès accomplis par l'homme
et sur sa participation au programme
• donner de l'information et un soutien aux conjointes
• donner une information constante à l'agent de liberté conditionnelle sur les progrès
accomplis par l'homme et sur sa participation au programme
• assurer des partenariats entre organismes et des liens entre la Société John Howard
et d'autres services communautaires
• participer à plusieurs comités locaux qui s'efforcent de mettre fin à la violence contre
les femmes
Le Programme d'enrichissement familial se composait de plusieurs éléments : un
programme pour les hommes violents, des groupes de soutien pour les femmes, un
groupe de soutien général pour les enfants et un groupe de soutien spécialisé à
l'intention des enfants exposés à la violence familiale. Un programme destiné aux
couples et un programme d'information pour les parents ont été proposés dans les cas
où aucun problème de violence n'était décelé. S'il est vrai que la Société John Howard a
90
une vaste expérience dans l'aide aux détenus, elle en avait peu dans les programmes
de lutte contre la violence familiale. Elle a donc dû concevoir, mettre au point et
appliquer des programmes adaptés à la clientèle des délinquants et de leurs familles.
PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES Le programme destiné aux hommes comprenait un groupe d'information ouvert et un
groupe de thérapie fermé. Étaient admis au programme des hommes qui étaient ou
avaient été violents avec des membres de leur famille ou qui avaient des antécédents
de comportement violent. Étaient exclus du programme, par contre, les délinquants qui
éprouvaient des problèmes d'alcoolisme ou de toxicomanie pour lesquels ils n'étaient
pas traités ou qui avaient commis des infractions à caractère sexuel pour lesquels ils
n'avaient pas suivi de thérapie.
PERSONNEL DU PROGRAMME Les animateurs du programme destiné aux hommes étaient une équipe formée d'un
homme et d'une femme. Les qualités requises des animateurs ont été définies de
manière à assurer la conformité à des normes minimales. Les . groupes de femmes, par
ailleurs, étaient animés par deux conseillères. Une surveillance était exercée par un
psychologue clinicien. -
FORMATION Au début du projet pilote, le personnel du Programme d'enrichissement familial a reçu
une formation sur la violence familiale et a été informé de la nécessité d'une intervention
ancrée dans la collectivité. Il prenait part chaque semaine à des réunions d'équipe
consacrées à la discussion de cas. Une réunion de bilan suivait chaque séance avec un
groupe de thérapie ou de soutien.
LIENS AVEC LA COLLECTIVITÉ Presque au début du projet pilote, le personnel a rencontré les agents de liberté
conditionnelle et fait des exposés dans des maisons de transition et des établissements
fédéraux. La Société John Howard d'Ottawa a noué de solides relations avec d'autres
91
organismes locaux et avec le système de justice pénale. Par exemple, elle a eu des
représentants à divers sous-comités du comité régional de coordination d'Ottawa-
Carleton pour mettre fin à la violence contre les femmes. Ces relations et d'autres liens
avec la collectivité ont aidé la Société John Howard d'Ottawa à mettre l'accent sur la
sécurité des femmes et des enfants, et sur la responsabilité envers les victimes de
violence.
Tout au long du projet pilote, le Programme d'enrichissement familial a fourni aux
agents qui avaient aiguillé des délinquants vers le programme un rapport mensuel sur
les progrès accomplis par ces derniers. Ces rapports précisaient le nombre de séances
auxquelles le délinquant avait participé et son degré de participation et donnaient
d'autres observations sur les progrès enregistrés par le délinquant. En outre, les
responsables du Programme d'enrichissement familial ont présenté, à tous les six mois,
des exposés sur les résultats généraux du programme au bureau local des libérations
conditionnelles.
ÉVALUATION C'est habituellement un agent de liberté conditionnelle qui aiguillait le délinquant vers le
programme, mais il est arrivé aussi que ce soit le bureau central de la Société John
Howard d'Ottawa, une maison de transition ou la Société de l'aide à l'enfance. Il est
arrivé aussi, au début du projet, que des délinquants se présentent d'eux-mêmes, mais
on a renoncé à cette formule, parce que ces personnes étaient moins fidèles aux
séances et que leur nombre était peu élevé. Après une première évaluation du
participant, le personnel du Programme d'enrichissement familial rencontrait l'intéressé
pour s'assurer que le programme pouvait lui convenir.
SOUTIEN INDIVIDUEL Les rencontres individuelles duraient environ une heure. Elles étaient proposées aux
délinquants qui n'avaient pas les qualités pour travailler en groupe. Au début du projet
pilote, beaucoup de délinquants qui se présentaient d'eux-mêmes n'étaient pas
92
disposés à participer à des rencontres de groupe. Le personnel du Programme
d'enrichissement familial, dans un effort pour en inciter un plus grand nombre à travailler
en groupe, a rencontré le personnel du bureau des libérations conditionnelles et pris
des dispositions pour que les hommes soient envoyés aux séances de groupe.
GROUPE D'ACCUEIL Le groupe d'accueil n'a été ajouté au Programme d'enrichissement familial que
tardivement dans le déroulement du projet pilote. Ce groupe était ouvert et un maximum
de six personnes y participaient. Il était obligatoire pour les délinquants, avant qu'ils ne
puissent se joindre au groupe de thérapie. Les séances duraient 90 minutes et avaient
lieu une fois par semaine. Il s'agissait de préparer les délinquants au travail en groupe,
de les inciter à commencer à assumer la responsabilité de leur violence et de donner un
aperçu du programme de thérapie.
PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES Au départ, la Société John Howard avait prévu des groupes de moindre durée (soit de
12 à 14 séances), après quoi le délinquant participait à des programmes ordinaires au
niveau communautaire. Cette formule a échoué parce que les participants avaient des
besoins beaucoup plus importants que ceux des autres hommes. C'est pourquoi la
version finale comprenait 20 séances de 90 minutes chacune, et chaque groupe était
composé de quatre à six participants.
Le programme proposé aux hommes était fondé sur l'acquisition de compétences et de
connaissances et sur la thérapie. Chaque séance commençait par une récapitulation de
la séance précédente et une vue d'ensemble de la séance du jour. Les participants
pouvaient, en début de séance, parler de leur comportement violent au cours de la
semaine écoulée. Les sujets étaient abordés pendant les séances avec l'aide de
documents, de tableaux de papier, de travaux, de vidéos et de discussions. Chaque
séance s'achevait par un aperçu de la séance suivante.
93
Les séances donnaient de l'information sur les sujets suivants :
• les types de violence, en utilisant la roue du pouvoir et du contrôle
• les mythes au sujet de la violence contre les femmes
• la manière dont la société tolère le recours à la violence par les hommes pour
exercer un contrôle sur les femmes, dans la culture nord-américaine
• les stéréotypes sur les rôles des deux sexes
• les coûts de la violence familiale
• les effets à court et à long termes du comportement violent et du comportement non
violent
• les effets de la violence sur les femmes et les enfants
• la violence et le respect au plan sexuel
• les modèles de violence transmis de génération en génération
• les solutions à appliquer à la place de la violence
Avec le temps, il est devenu évident qu'il fallait des séances de suivi. Une fois terminé le
programme pour hommes, des séances de rappel ont été proposées aux délinquants
pour les aider à maintenir les changements opérés pendant la thérapie.
CARACTÉRISTIQUES DES DÉLINQUANTS Pendant le projet pilote, 142 délinquants de ressort fédéral ont été aiguillés vers le
programme à l'intention des hommes. Un total de 85 délinquants ont assisté à au moins
une séance du programme, et 29 p. 100 d'entre eux (25 délinquants) ont fait tout le
programme. À la fin du projet pilote, 19 p. 100 (16 délinquants) participaient toujours au
programme, et 52 p.100 (49 personnes) avaient décroché.
Étant donné le nombre limité de délinquants qui avaient été aiguillés vers le programme
au début du projet et que la plupart des délinquants qui s'étaient présentés de leur
propre initiative ne voulaient pas participer à un programme de groupe, un grand
nombre d'hommes ont eu des rencontres individuelles. En fait, 65 p. 100 d'entre eux
94
n'ont assisté qu'à des rencontres individuelles. Un total de 17,5 p. 100 des délinquants
ont participé seulement à des séances de groupe et le même pourcentage, soit 17,5 p.
100, ont participé à la fois à des rencontres individuelles et à des séances de groupe.
Les caractéristiques démographiques des hommes qui ont pris part au programme sont
présentées à l'annexe B. L'âge moyen des participants était de 31 ans. Environ le tiers
des délinquants avaient terminé leurs études secondaires. Un total de 63 p. 100 étaient
mariés ou vivaient avec une conjointe de fait. Un grand nombre des participants (75 p.
100) avaient des enfants. Seulement 13 p. 100 étaient sous le coup d'une accusation
de voies de fait sur une conjointe ou un enfant ou avaient été accusés de voies de fait
antérieurement.
TESTS PRÉALABLES ET POSTÉRIEURS AU TRAITEMENT Les délinquants se sont soumis à une batterie de tests, commune à tous les projets
pilotes, avant et après le programme destiné aux hommes. Ces tests, déjà décrits dans
le présent rapport, sont le Questionnaire sur les réactions souhaitables (QRS), le
Répertoire multidimensionnel de la colère (RMC), l'Indice de maîtrise du comportement
(IMC) et le Répertoire des opinions tenues à propos de la violence faite aux conjointes.
Malheureusement, cette batterie de tests n'a été utilisée que pendant la dernière année
du projet pilote, ce qui explique le petite taille de l'échantillon. D'autres tests ont été
utilisés par le délinquant, le thérapeute ou la conjointe du délinquant pendant les quatre
années du projet. Ces tests donnent une image plus exacte des résultats obtenus.
Ceux-ci sont exposés dans le rapport de recherche final sur le projet, The Development,
Implementation, and Evaluation of the Family Enrichment Program: Final Report (Van
Dieten et Walker, 1995). Les résultats donnés ici ont été adaptés essentiellement à
partir du rapport de recherche fourni par les responsables du projet d'Ottawa (Van
Dieten et Walker, 1995).
Pour les détenus qui ont été soumis au test ORS (N = 12), les résultats des sous-
échelles d'autoduperie et de conduite stratégique des relations ont été légèrement plus
95
bas que ceux d'un échantillon de 182 étudiants d'université qui ont été invités à
répondre honnêtement aux questions (Paulhus, 1991). C'est dire que les délinquants
de l'échantillon n'essayaient pas de donner une image flatteuse d'eux-mêmes. Aucune
donnée de test postérieur au programme n'était disponible.
Les délinquants n'ont pas été soumis à des tests avant et après le programme. En
réalité, ils n'ont subi que le test RMC soit avant, soit après le programme. Il n'a donc
pas été possible d'analyser les différences entre leur état d'avant et d'après le . programme. Il demeure que les résultats moyens aux sous-échelles du RMC étaient
plus faibles avant qu'après le programme. Comme on ne possède des données que
pour 11 délinquants, après le programme, il n'est pas possible d'avancer une
interprétation.
La plupart des délinquants n'ont subi le test IMC qu'avant ou après le programme. Les
résultats complets des sous-échelles avant et après le programme ne sont disponibles
que pour sept et deux personnes respectivement. Les résultats moyens, avant et après
le programme, montrent un faible taux de maîtrise du comportement. Comme
l'échantillon est extrêmement petit, il est impossible de proposer une interprétation
significative.
En général, les délinquants ont eu des résultats faibles au test ROVC. Toutefois,
comme seulement quatre délinquants se sont soumis à ce test avant le programme et
qu'aucun résultat n'est disponible après le test, il est impossible de donner une
interprétation.
Outre les tests qu'on vient d'évoquer, le Programme d'enrichissement familial a mesuré
les besoins des participants à l'arrivée au moyen de la méthode d'évaluation des
besoins de la Société John Howard. Cette mesure a donné un résultat total qui peut se
subdiviser en quatre niveaux de besoin : très grands besoins, grands besoins, besoins
moyens, faibles besoins. Ces catégories reflètent la difficulté d'adaptation des
96
participants dans les domaines suivants : antécédents criminels; emploi et études;
finances; logement; loisirs; relations familiales et conjugales; problèmes d'alcool et de
drogues; compagnons; vie affective et personnelle; attitudes. Le groupement selon le
niveau des besoins sert ensuite à établir les domaines d'intervention qui conviennent.
Sur les 117 participants qui se sont soumis à des tests à l'arrivée, 87 p. 100 se situaient
dans les catégories des grands ou des très grands besoins. Le résultat moyen des
participants au Programme d'enrichissement familial s'établissait à 25,4, contre 18,0
pour la clientèle générale de la Société John Howard. Trois mois après les services, 60
p. 100 des 78 délinquants qui ont participé au Programme étaient dans la catégorie des
très grands besoins et 33 p. 100 dans celle des grands besoins. Après six mois, 48 p.
100 des 52 délinquants restants étaient dans la catégorie des très grands besoins et 38
p. 100 dans celle des grands besoins. Enfin, au moment du suivi des neuf mois, 48 p.
100 des 27 détenus étaient dans la première catégorie et 33 p. 100 dans la seconde.
Par conséquent, sur une certaine période, le niveau des besoins des délinquants
s'abaisse lorsqu'ils peuvent profiter d'une intervention appropriée.
PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES Le programme destiné aux femmes s'adressait aux femmes qui vivaient ou avaient vécu
avec des délinquants de ressort fédéral une relation marquée par la violence. Dans un
cas, une femme condamnée, de ressort fédéral, a également participé au programme.
Le programme comprenait des contacts et un soutien par téléphone, des conseils
individuels, la phase I du Programme à l'intention des femmes, la phase II de ce même
programme (mesures positives). La première phase était un groupe de soutien qui
gravitait surtout autour des questions de violence tandis que la deuxième visait à fournir
un environnement favorable pour encourager la conscience de soi et la croissance
personnelle. Pour les deux phases, la formule était ouverte. Les objectifs du programme
à l'intention des femmes, définis par la Société John Howard d'Ottawa, étaient les
suivants :
97
• aider les femmes à élaborer des plans pour assurer leur sécurité personnelle et leur
protection
• donner de l'information sur les types de violence, les causes de la violence contre
les femmes, les effets de la violence sur les femmes et les enfants, le blâme dirigé
contre la victime, les droits et le processus juridiques, et les ressources du milieu
• donner de l'information sùr la participation des hommes (fréquentation, attitude
générale, lacunes dans les réactions au traitement, impressions des animateurs)
• fournir des conseils individuels ou en groupe pour aider les femmes à récupérer un
certain pouvoir et un certain contrôle dans leur vie
• donner aux femmes l'occasion d'exprimer leurs préoccupations librement et en toute
sécurité et de rompre leur isolement en nouant des relations avec d'autres femmes
victimes de violence
• assurer la liaison avec d'autres groupes du milieu qui fournissent des services aux
femmes
a) AIGUILLAGE
Les femmes se sont présentées d'elles-mêmes pour participer au programme ou elles
ont été aiguillées par des agents locaux de liberté conditionnelle, le bureau central de la
Société John Howard, des maisons de transition ou la Société d'aide à l'enfance. Le cas
le plus fréquent a été celui des femmes qui ont été dirigées vers le programme parce
que leur conjoint y participait. Les hommes devaient donner le numéro de téléphone de
leur conjointe passée ou actuelle lorsqu'ils étaient eux-mêmes dirigés vers le
programme. On communiquait par téléphone avec les femmes pour les informer des
services mis à leur disposition et leur parler de l'importance des plans à prévoir pour
assurer leur sécurité et leur protection. Elles ont aussi été invitées à participer à des
séances de soutien en groupe ou individuelles. Si elles n'étaient pas intéressées à venir
au bureau de la Société John Howard, il leur était proposé un soutien par entretien
téléphonique. Il y a également eu de fréquents contacts téléphoniques avec les
femmes prenant part à des séances individuelles ou en groupe pour voir si elles étaient
98
en sécurité et faire le point sur les progrès accomplis par leur conjoint dans le
programme destiné aux hommes. Les femmes étaient renseignées sur l'assiduité de
leur conjoint aux séances, les faits qu'ils divulguaient et les impressions des animateurs.
Si des femmes ne souhaitaient pas participer au programme prévu à leur intention, on
leur donnait le numéro de téléphone d'autres services communautaires.
b) ÉVALUATION
Les femmes ont été encouragées, sans obligation de leur part, à se prêter à des tests
d'évaluation de la violence familiale pendant l'entrevue initiale et à diverses étapes
pendant et après la thérapie de leur conjoint.
c) SERVICES INDIVIDUELS
Avant de s'intégrer dans un groupe, les femmes étaient invitées à participer à quelques
séances individuelles. Ces conseils personnels étaient également à la disposition des
femmes en plus ou à la place des séances de groupe. Il leur suffisait d'en faire la
demande.
d) PHASES DU PROGRAMME À L'INTENTION DES FEMMES
De manière à assurer la sécurité des participantes, les séances du programme destiné
aux femmes n'étaient pas offertes, à la Société John Howard, le même jour que les
séances pour les hommes. Les enfants participaient au même moment que leurs mères
à leur propre programme. Chaque séance des phases I et II commençait par une
récapitulation de la séance précédente et se terminait par un aperçu de la suivante. Elle
se concluait sur une activité ou un exercice de relaxation. Les divers sujets étaient
abordés au cours des séances au moyen de documents, de tableaux de papier, de
vidéos, de chants, d'exercices et de discussions.
99
- Phase 1 du Programme à l'intention des femmes
La phase I était un groupe de soutien fermé qui examinait avant tout les problèmes de
violence. Elle comprenait 16 séances de deux heures.
Contenu des séances (grands thèmes)
• planification de la sécurité et de la protection
• historique de la violence contre les femmes et mythes au sujet de ce phénomène
• définition de la violence au moyen de la roue du pouvoir et du contrôle
• stéréotypes sexuels et rôle joué par la société dans le problème de la violence
envers les femmes
• effets de la violence sur les femmes et les enfants
• exploration des émotions comme la colère
• colère et honte comme réactions émotives
• pourquoi les femmes ne mettent pas fin à des relations de violence
- Phase II du Programme à l'intention des femmes (mesures positives)
Au cours de la phase II, l'accent était mis sur l'aide à l'acquisition d'aptitudes pouvant
contribuer à améliorer le sort des femmes. Groupe fermé; 15 séances de deux heures
chacune. Il fallait d'abord terminer la phase I avant de passer à la phase II.
Contenu de la séance (grands thèmes)
• comment les femmes peuvent apprendre à s'affirmer davantage
• identification des influences qui peuvent les soutenir
• comment atténuer l'anxiété et éviter l'autopersuasion négative
• examen des styles de communication efficaces
• différents types de relations : indépendantes, interdépendantes et dépendantes
• moyens efficaces de faire des demandes
100
• comment faire et recevoir des critiques et des compliments
• ce qui constitue une relation saine
e) PARTICIPATION AUX PROGRAMMES
L'âge moyen des participantes était de 30 ans. En tout, 49 femmes ont participé à la
phase I, et 24 p. 100 d'entre elles (12) ont terminé cette phase, et 37 p. 100 (18
participantes) assistent encore à des séances. Pendant la durée du projet pilote, cinq
femmes ont participé à la phase II et 80 p.100 d'entre elles (quatre) sont allées jusqu'au
bout.
Plus de la moitié des femmes (52 p. 100) n'ont reçu que des conseils individuels dans le
cadre du Programme d'enrichissement familial. En tout, 27 p. 100 d'entre elles ont
assisté à des séances de groupe tandis que 21 p. 100 ont profité à la fois des conseils
individuels et des séances de groupe.
PROGRAMME À L'INTENTION DES ENFANTS Le Programme à l'intention des enfants comprenait deux groupes distincts, un groupe
de soutien général pour les enfants, et un autre groupe pour les enfants qui ont été en
contact avec la violence dans le cadre familial. Dans les deux cas, il s'agissait de
groupes fermés. Les enfants pouvaient aussi recevoir des consultations individuelles en
plus ou à la place des séances de groupe.
,a) GROUPE GÉNÉRAL
Ce groupe était c - nçu pour des enfa -ts de moins de 16 ans qui avaient des problèmes
généraux sur le pian des émotions ou du comportement qui pouvaient être déclenchés
par le retour d'un père délinquant au foyer. Le programme se composait de 12 séances
offertes en même temps que celles de la phase II du Programme à l'intention des
femmes. Les séances commençaient par une récapitulation de la séance précédente et
101
un aperçu de la séance du jour. Les sujets étaient présentés au moyen de chants, de
vidéos, d'illustrations, d'objets artisanaux, de dessins, de tableaux de papier,
d'anecdotes et de discussions.
Les séances ont donné de l'information sur les sujets suivants :
• comment se faire des amis
• comment prendre conscience de ses propres sentiments
• comment remplacer des réflexions et des croyances fausses par d'autres qui sont
raisonnables
• comment faire face aux injures et aux taquineries
• comment accepter ses erreurs
• comment une réflexion rationnelle mène à des actes raisonnables
• comment faire face à la colère
• manières saines de faire face à la perte d'une personne
• qualités constructives dans le cadre familial
À la fin de la séance, le conseiller demandait aux enfants de parler des éléments qui les
avaient intéressés au cours de la séance.
- PARTICIPATION AU PROGRAMME
L'âge des enfants variait entre cinq et 16 ans, et la moyenne était de 9,7 ans. Quinze
enfants ont participé au programme. De ce nombre, sept ont participé uniquement aux
séances de groupe, un a participé aux séances de groupe et eu des consultations
individuelles et sept ont fait le programme en consultations individuelles.
102
b) ENFANTS EN CONTACT AVEC LA VIOLENCE FAMILIALE
Ce groupe était conçu pour les enfants de moins de 16 ans qui avaient été témoins ou
victimes de comportements violents. Les séances se tenaient en même temps que
celles de la phase I du Programme à l'intention des femmes. Les six premières séances
visaient à donner de l'information tandis que les autres portaient sur des problèmes et
inquiétudes spécifiques des 'participants. Les séances commençaient par une
récapitulation de la séance précédente et un aperçu de la séance du jour. Parmi les
thèmes abordés, notons ceux-ci : description des sentiments, la violence dans la famille
et les types de violence, l'accent étant mis sur les expériences personnelles et
l'élaboration d'un plan de sécurité. Les moyens utilisés : art et artisanat, dessins,
tableaux de papier, anecdotes et discussion. Enfin, le thérapeute demandait à chaque
enfant de parler de ce qu'il avait appris au cours de la séance.
- PARTICIPATION AU PROGRAMME
L'âge des enfants variait entre six et douze ans, et la moyenne était de 8,8 ans. Il y a eu
six participants en tout. De ce nombre, trois ont assisté seulement aux séances de
groupe, un enfant a suivi le programme en séances individuelles, et deux frères ont été
vus ensemble.
PROGRAMME À L'INTENTION DES COUPLES Le programme à l'intention des couples offert dans le cadre du Programme
d'enrichissement familial était proposé à tous les délinquants de ressort fédéral et à leur
conjointe. S'il y avait des antécédents de violence dans la relation conjugale, le
délinquant devait participer au programme destiné aux hommes et avoir évité tout
comportement violent pendant six mois avant d'être admis au programme à l'intention
des couples. De plus, comme condition préalable à sa participation au programme des
couples, la femme ne devait accepter aucune responsabilité à l'égard de la violence,
avoir un plan pour assurer sa sécurité et sa protection, et être prête à faire appel aux
services communautaires pour se protéger.
103
Le programme comprenait dix séances d'une heure. Elles portaient sur les moyens de
communication, la responsabilité et le rôle de chaque conjoint à l'intérieur de la relation,
les méthodes de prise de décision et d'autres aptitudes en relations humaines.
Un total de 21 personnes ont participé au programme. De ce nombre, 29 p. 100 sont
allés jusqu'au bout. À la fin du projet pilote, 14 p. 100 (trois personnes) poursuivaient
encore le programme tandis que 57 p. 100 (12 personnes) avaient laissé tomber.
PROGRAMME D'ÉDUCATION DES PARENTS Le programme d'éducation des parents offert par le Programme d'enrichissement
familial était proposé aux personnes ou couples préoccupés par le comportement de
leur enfant. S'il y avait des antécédents de violence dans la famille, l'homme violent
devait suivre une thérapie avant d'être admis au programme d'éducation des parents.
Le programme comprenait de dix à douze séances de groupe. Les séances, de deux
heures, avaient lieu une fois par semaine. Des consultations individuelles étaient
également proposées. De l'information était donnée aux participants sur les techniques
de communication, la façon d'encourager ou de décourager des comportements,
l'éducation des enfants dans des quartiers à risque élevé et les moyens d'aider les
enfants à faire face à l'incarcération d'un de leurs parents.
À la fin du projet pilote, 18 parents avaient participé au programme. De ce nombre, 55
p. 100 (10 personnes) étaient allés jusqu'au bout tandis que 39 p. 100 (7 personnes)
avaient décroché. Pendant le programme, 67 p.100 des participants ont assisté
seulement aux séances de groupe, 28 p. 100 seulement à des consultations
individuelles et 5 p. 100 à des consultations individuelles et aux séances de groupe.
104
RÉSUMÉ Le projet d'Ottawa a été l'un des deux premiers projets pilotes qui ont démarré en 1990.
Le Programme d'enrichissement familial comptait non seulement un programme de
thérapie pour les hommes, deux groupes de soutien pour les femmes, un groupe de
soutien général pour les enfants et un groupe spécial à l'intention des enfants qui
avaient été en contact avec la violence familiale, mais aussi un programme destiné aux
couples et un programme d'éducation des parents. Une fois la théràpie terminée, des
séances de renforcement étaient offertes aux hommes pour les aider à maintenir les
attitudes constructives acquises au cours du traitement. La Société John Howard
d'Ottawa a conçu, élaboré et offert une gamme complète de programmes pour lutter
contre la violence familiale.
Malheureusement, vu le grand nombre de délinquants qui ont refusé la thérapie en
groupe, la plupart des participants n'ont pas suivi la démarche de groupe pendant le
projet. Il aurait été bénéfique de rendre la thérapie obligatoire dès le début du
programme pour assurer la participation au travail en groupe. Le personnel chargé du
projet a fait des efforts en ce sens. Le traitement en groupe peut être avantageux pour
briser les attitudes et les croyances qui encouragent la violence envers les femmes
(Edelson et Tolman, 1992; Sakai, 1991).
Le délinquant type qui a participé au Programme d'enrichissement familial n'avait pas
terminé ses études secondaires, il était marié ou vivait avec une conjointe de fait depuis
plus de trois ans et avait un ou plusieurs enfants. Il était probable qu'il ait été victime de
violence physique dans son enfance, mais il n'avait jamais été mis en accusation pour
voies de fait sur la personne de sa conjointe ou de son enfant.
Les mesures préalables et postérieures à la thérapie ont fait ressortir des tendances
encourageantes. Selon les résultats, évalués selon le QRS, les délinquants
n'essayaient pas de se présenter sous un jour socialement acceptable. En outre, ils
semblaient avoir des niveaux de colère peu élevés après avoir suivi la thérapie. Les
105
résultats ont montré qu'ils avaient un contrôle faible de leur comportement avant et
après la thérapie.
Les deux phases du programme destiné aux femmes visaient à leur donner un soutien
face aux problèmes de violence et à les aider à prendre des mesures constructives pour
améliorer leur sort. Les femmes étaient mises au courant de l'assiduité de leur conjoint
aux séances, des progrès qu'il faisait et des impressions des animateurs. Il s'agissait
d'informer les femmes de l'évolution de leur conjoint. De toutes les femmes qui ont
participé au programme, environ la moitié n'ont assisté qu'à des rencontres
individuelles.
Les séances offertes aux enfants se donnaient en même temps que celles des femmes.
L'âge des enfants qui ont participé au programme prévu pour eux variait beaucoup.
Environ la moitié des participants n'ont eu que des consultations individuelles.
106
CONTRECOUPS : Laval (Québec)
La mise à l'essai de ce projet a débuté le 2 mars 1992 et a pris fin le 31 mars 1995.
L'organisme Option de Montréal avait été chargé de concevoir le programme
Contrecoups et de l'instaurer à l'établissement Montée Saint-François (sécurité
minimale) situé à Laval. Les intervenants d'Option avaient une longue expérience de
travail en milieu communautaire auprès des victimes et des auteurs de violence
familiale. Trois employés du SCC ont été formés pour qu'ils deviennent thérapeutes
autonomes pouvant opérer le programme au-delà de la fin de l'initiative.
Dans le cadre de ce programme, les intervenants se concentraient sur les rapports
violents entre le détenu et sa famille, sur les expériences qu'il avait vécues enfant et sur
l'interaction entre ces deux facteurs. Pour être admis au programme, les hommes
devaient reconnaître minimalement une partie des gestes violents posés et accepter de
faire une démarche de changement et de remise en question de leur propre violence.
D'après les objectifs définis par les intervenants du programme de Laval, on voulait
aider les délinquants :
• à cesser d'user de violence et à recourir moins à d'autres types de mauvais
traitements (violence verbale ou psychologique, domination sur le plan financier,
etc.);
• à reconnaître l'étendue au système de contrôle et de domination mis en place dans
leur relation conjugale et (ou) familiale;
• à reconnaître et à exprimer une plus vaste gamme d'émotions;
• à reconnaître l'effet de leur comportement violent sur les membres de leur famille et
sur eux-mêmes;
• à remettre en question les croyances qui servent à justifier le recours à la brutalité;
107
• à comprendre le ou les rapports qui existent entre leur comportement violent, leurs
expériences d'enfant et leur vie actuelle.
Le programme à l'intention des hommes violents consistait en un groupe de traitements
d'abord animés par des psychothérapeutes de la firme Option et, par la suite, prodigués
par deux membres du personnel du SCC formés à cet effet. Option n'a pas mis sur
pied de programme analogue à l'extérieur du pénitencier parce que les autorités du
bureau régional du Québec souhaitaient avoir accès à un éventail de programmes
similaires_déjà existants en milieu communautaire. Le projet pilote ne comportait pas
non plus la formation de groupes de soutien pour les femmes et les enfants des
participants, puisque la mise sur pied de tels groupes ne figurait pas dans le mandat
d'Option.
Cependant, dans l'optique que nous considérons la sécurité des conjointes importante,
une lettre était envoyée à chacune des conjointes pour les informer que leur partenaire
avait été admis dans un groupe de thérapie. Une deuxième lettre était adressée aux
conjointes afin de les inviter à participer à une séance d'informations. Une trousse de
survie était distribuée, on y retrouvait : objectifs de thérapie, information sur le
traitement, listes de Ressources d'aide et de support aux conjointes et enfants, mesures
de sécurité à prendre pour elle et pour leurs enfants, advenant d'autres incidents de
violence familiale, etc.
LE PROGRAMME À L'INTENTION DES HOMMES VIOLENTS Le programme consistait en un groupe de traitement fermé dont les intervenants
utilisaient des techniques de psychothérapie. Pour être admis à ces groupes, les
détenus devaient: reconnaître (ne serait-ce qu'en partie) les gestes de violence passés
dans un contexte conjugal/familial et accepter de faire une démarche de changement
par rapport à leur propre violence. Les détenus qui se trouvaient dans les situations
suivantes n'étaient pas acceptés :
108
• les délinquants sexuels, exception faite des pères incestueux qui avaient déjà suivi
un programme reconnu de traitement de la délinquance sexuelle et fait des progrès
satisfaisants;
• les délinquants qui éprouvaient des problèmes multiples ou qui étaient des criminels
endurcis (la violence conjugale et familiale n'était dans leur cas qu'une facette d'un
comportement violent généralisé);
• les toxicomanes non traités;
• les individus souffrant de troubles psychiatriques, sauf si le psychiatre qui les
soignait avait recommandé qu'ils participent à une thérapie de groupe;
• les détenus condamnés pour meurtre, à moins que la victime ait été leur conjointe
ou un membre de leur famille.
De plus, pour être admis au programme, les délinquants devaient reconnaître qu'ils
usaient de violence; ils devaient être prêts à discuter de leur problème et souhaiter
corriger leur comportement. Il nous faut préciser qu'il acceptait des cas qui, tout en
reconnaissant avoir posé certains gestes, n'estimaient pas qu'il s'agissait-là pour autant
de gestes de violence. À ce moment, le travail consistait en groupe à amener ces
derniers à modifier leur perception à ce niveau. Les délinquants résistent souvent au
changement, pour diverses raisons: la fin de leur peine approche, ils ont l'impression
que le traitement leur est imposé; les actes de violence remontent à plusieurs années
ou il y a eu rupture du couple.
INTERVENANTS DU PROGRAMME Le programme à l'intention des hommes violents était coanimé par deux thérapeutes,
qui étaient soit un homme et une femme, soit deux hommes. Au moins un des
thérapeutes devait être un homme. Les responsables du projet Contrecoups ont fait
remarquer que les participants considéraient les thérapeutes un peu comme leurs
« parents », peu importe le sexe des intervenants, et que cette attitude facilitait la
démarche thérapeutique. Les thérapeutes de Contrecoups devaient avoir suivi une
formation spéciale en psychothérapie et en intervention auprès d'hommes violents. Ils
109
devaient également comprendre la dynamique de groupe et d'autres aspects de
l'intervention auprès de clients dans le contexte d'un groupe. Un thérapeute
expérimenté d'Option assurait la supervision clinique de Contrecoups.
FORMATION Le groupe Option a donné une formation sur les questions liées à la violence familiale à
tous les intervenants de Contrecoups; on a également formé des animateurs
supplémentaires pour pouvoir assurer la rotation. Pendant le projet pilote, deux
employés du SCC ont reçu la formation d'animateur. Ils ont suivi 15 séminaires de
formation sur l'intervention psychothérapeutique auprès d'hommes violents et ont
assisté à 24 séances (8 séances de 3 groupes différents); ils ont ensuite animé eux-
mêmes deux groupes (24 séances en tout). L'encadrement était assuré par un
superviseur qui observait et commentait leur travail enregistré sur bande vidéo.
COORDINATION DU PROGRAMME Des réunions de coordination du programme Contrecoups ont été organisées. .L'agente
de développement régional, un représentant du groupe Option ainsi qu'une
psychothérapeute de l'établissement Montée Saint-François ont assisté à ces réunions.
Le Comité a été créé afin de faciliter la diffusion de l'information et favoriser la
discussion entre l'administration centrale, régionale et de l'unité. Des membres de
chacune de ces instances faisaient partie de ce Comité directeur. L'équipe d'Option
est d'avis que la coordination du programme aurait dû être mieux définie avant que le
projet démarre. Une meilleure planification initiale aurait favorisé la circulation de
l'information et permis de régler plus efficacement certains problèmes.
RENVOI DE CANDIDATS AU PROGRAMME C'était l'agent de gestion des cas ou la Commission nationale des libérations
conditionnelles qui dirigeait les délinquants vers le programme. Certains détenus ont
demandé à y participer de leur propre initiative. Dans ce cas, l'équipe de gestion des
cas devait évaluer si le détenu était apte à faire partie du groupe de traitement et s'il
110
était disposé à subir les évaluations prévues. Si le participant était jugé apte, sa
demande était transmise à l'équipe de Contrecoups.
Au début du projet pilote, peu de délinquants étaient dirigés vers le projet parce que les
agents de gestion des cas n'avaient pas reçu de formation sur la sélection des
candidats appropriés. Souvent, les délinquants qui étaient adressés aux intervenants
du programme n'avaient aucun antécédent de violence familiale ou refusaient
d'admettre qu'ils avaient un problème. Une autre difficulté tenait au fait qu'une fois le
groupe formé et complet, les agents de gestion des cas n'envoyaient pratiquement plus
de personne pendant une certaine période. Les responsables du programme ont su
pallier à ces difficultés en organisant des réunions régulières avec les agents de gestion
des cas pour veiller à ce que le renvoi de délinquants à Contrecoups reste une priorité.
ÉVALUATION Les détenus intéressés à participer au programme ont été rencontrés en entrevues
individuelle au moins deux reprises avant le début des séances de groupe. La
personne qui les avait dirigés vers le programme était invitée à assister au premier
entretien du délinquant avec le thérapeute. Au début de cette première rencontre, elle
était invitée à expliquer pourquoi elle avait proposé que le détenu participe au
programme et à décrire les antécédents criminels de l'intéressé. Cette collaboration
initiale a favorisé une meilleure communication entre la personne qui avait proposé la
participation du délinquant, le délinquant lui-même et les intervenants du programme.
Ensuite, pendant cette première rencontre et la deuxième, l'intervenant expliquait au
détenu ce qu'est leprogramme Contrecoups. Il l'interrogeait ensuite au sujet des
relations empreintes de violence qu'il avait entretenues par le passé. Enfin, le
thérapeute évaluait le détenu en tâchant de savoir, entre autres, s'il assumait la
responsabilité de son comportement violent et s'il était décidé à s'amender.
111
THÉRAPIE DE GROUPE POUR HOMMES VIOLENTS La thérapie de groupe pour les hommes violents s'étendait sur 24 séances de 2 heures,
à raison de 2 séances par semaine. Chaque groupe comptait de 6 participants
minimum à 8 participants maximum.
Le programme Contrecoups repose sur la psychothérapie de groupe, contrairement aux
autres projets pilotes qui sont fondés sur une approche d'apprentissage social
d'inspiration féministe. La nature de l'intervention psychothérapeutique auprès des
délinquants était essentiellement semblable à celle des autres projets pilotes, mais les
méthodes de traitement étaient différentes. L'intervention de groupe était quand même
basée sur l'acquisition de compétences et sur l'éducation, mais l'accent était mis sur la
psychothérapie. La thérapie se déroulait dans une ambiance rassurante qui n'excluait
cependant pas la confrontation nécessaire pour amener les délinquants à remettre en
question les justifications qu'ils emploient pour refuser d'admettre leur violence et pour
en minimiser l'effet sur autrui. Par conséquent, lorsqu'un des intervenants confrontait le
délinquant au sujet de son comportement violent, le deuxième thérapeute lui offrait du
soutien en invitant les autres participants à se reconnaître dans les propos du
délinquant. Le thérapeute consignait sur papier les progrès réalisés par chaque
participant au cours de la thérapie de groupe ainsi que toùt autre renseignement
pertinent.
Si on compare Contrecoups aux autres projets pilotes, on constate une différence : le
contenu des séances de Contrecoups n'a pas été le même dans tous les groupes de
traitement, bien que certains sujets aient toujours été abordés à un moment ou l'autre
du programme. Les thérapeutes du programme Contrecoups se rencontraient avant
chaque séance pour planifier le contenu des séances, à partir des questions soulevées
pendant la séance précédente. Ils tenaient également compte des besoins de chaque
participant au moment de planifier le contenu des séances. Certains thèmes sont
revenus tout au long de la thérapie. Pour traiter de différents sujets, on s'est servi
112
d'exercices, de tableaux de papier, de jeux de rôles et de discussions. Les participants
ont également tenu un journal de responsabilisation pendant toute la durée du
traitement.
Thèmes abordés:
• relations entre le délinquant et sa conjointe et ses enfants (conflits, sujets de
satisfaction et de mécontentement, exercice de l'autorité, etc.)
• expériences dans la famille d'origine (relations avec les parents et les frères et
soeurs ou expériences de violence ou traumatisantes pendant l'enfance)
• relations du délinquant avec les personnes incarnant l'autorité
• cycle de la violence
• responsabilité à assumer à l'égard du comportement violent
• solutions à substituer au comportement violent
Les intervenants de Contrecoups rencontraient l'agent de gestion des cas au moins une
fois pendant le traitement pour discuter de l'évolution du délinquant. Lorsque le
programme tirait à sa fin, les thérapeutes remettaient aux participants un rapport sur les
progrès réalisés par le groupe et par chacun de ses membres. La dernière séance de
chaque thérapie de groupe s'est terminée par un rite qui en marquait la fin. Le groupe a
un lien privilégié d'échanges, de dévoilements, de remises en question et de
confidences; il importe de souligner symboliquement la fin de ce lien singulier sous
forme d'un rituel lors de la dernière séance. Par exemple, on peut demander à chacun
d'écrire un mot à chaque participant qu'il remettra à la dernière séance; il peut s'agir
d'un souhait pour l'avenir, d'une réflexion sur sa participation au groupe, d'une
métaphore sur sa manière d'être en relation, etc. Une variante de ce rituel pourrait être
que chacun note ce qu'il a retiré de chacun des autres participants au cours de la
thérapie et que, tour à tour, on en fasse mention dans le groupe. Il peut aussi s'agir
d'un objet symbolique que chaque participant présente au groupe et qui illustre ce que
ce groupe a représenté pour lui.
113
CARACTÉRISTIQUES DES DÉTENUS Pendant le projet pilote, 72 détenus ont été dirigés vers le programme. Après
l'évaluation initiale, 68 d'entre eux ont été admis. En tout, 45 détenus ont assisté à au
moins une séance; 76 % de ces participants (34 détenus) ont persévéré jusqu'à la fin,
tandis que 11 d'entre eux ont abandonné en cours de route. Deux de ces décrocheurs
ont été mis en liberté, quatre ont été exclus du programme parce qu'ils compromettaient
la sécurité du groupe et les cinq autres ont refusé d'admettre qu'ils avaient un problème.
Les données démographiques sur les hommes ayant participé au programme sont
présentées à l'annexe B. L'âge moyen était de 39 ans. La majorité des hommes étaient
séparés ou divorcés (45 p. 100) et 78 p. 100 des délinquants avaient des enfants. Près
des deux tiers (64 p. 100) avaient été témoins de violence familiale pendant leur
enfance et beaucoup avaient été maltraités psychologiquement (82 p. 100) et
physiquement (86 p. 100). La plupart des hommes (82 p. 100) avaient été inculpés pour
des infractions liées à la violence familiale.
TESTS ADMINISTRÉS AVANT ET APRÈS LE PROGRAMME On a administré à certains des détenus une batterie de tests, avant et après le
programme. Ces tests étaient les mêmes pour tous les projets pilotes. Il s'agissait des
instruments suivants : le Questionnaire sur les réactions souhaitables, le Répertoire
multidimensionnel de la colère, l'Indice de maîtrise du comportement et le Répertoire
des opinions tenues à propos de la violence faite aux conjointes. Comme une batterie
de tests différents a été utilisée pour les groupes 1 et 2, ces résultats ne seront pas
préséntés dans ces pages. La série de tests utilisée dans les projets pilotes a été
administrée aux groupes 3, 4 et 5 du 20 avril 1994 au 31 mars 1995. Comme pour la
plupart des autres projets pilotes, les échantillons sont donc très faibles. En outre, seuls
les résultats des tests préalables au traitement sont disponibles pour le groupe 5. Ces
résultats seront donc présentés séparément, après les résultats des tests préalables et
postérieurs des groupes 3 et 4.
114
Le QRS a été administré aux délinquants dans le cadre de la série de tests du projet
pilote avant le traitement. Ces résultats n'ont toutefois pas été présentés dans le rapport
du programme Contrecoups (Fortin et Devault, 1995).
Les résultats du RMC avant et après le traitement montrent que, en général, les
délinquants ont une moyenne plutôt faible. La sous-échelle des situations suscitant une
réaction de colère fait ressortir une augmentation significative entre les résultats d'avant
et d'après le traitement. Cette augmentation s'explique peut-être par le fait que les
délinquants sont plus en mesure de prendre conscience de leur colère après la
thérapie. Quant à la sous-échelle de l'hostilité, on n'a observé aucune différence. Les
sous-échelles de l'éventail des situations suscitant une réaction de colère et de la colère
renfermée ont montré une diminution, non significative il est vrai, entre les tests
préalables et postérieurs. La sous-échelle de la colère extériorisée est la seule où le
résultat moyen était élevé et où il y a eu une diminution significative. Les résultats des
sous-échelles du RMC, avant et après le traitement, montrent que le traitement 'semble
avoir avivé la prise de conscience de la colère, réduit le nombre de situations suscitant
une réaction de colère, diminué le niveau de colère renfermée en soi et diminué
également le niveau de colère extériorisée. Quant aux résultats préalables du groupe 5,
comprenant six délinquants, ils ont été analogues à ceux des groupes 3 et 4, mais les
résultats moyens aux subtests ont été le plus souvent plus élevés.
Les résultats des tests préalables et postérieurs au ROVC des groupes 3 et 4 ont été
établis à partir des notes de quatre délinquants. Les résultats moyens au ROVC ont été
faibles aussi bien après qu'avant le traitement. Aucun des délinquants n'avait déclaré
avoir commis des actes de violence physique ou sexuelle dans les six mois précédant
les tests. Cela s'explique peut-être par le fait que la plupart des délinquants des
groupes 3 et 4 avaient été incarcérés pendant cette période. Il n'y avait pas de
différences appréciables entre les cas de violence psychologique ou verbale déclarés
avant et après le traitement. Il y a eu amélioration en ce qui concerne le recours au
115
raisonnement et aux démarches constructives face aux différends, ce qui est une
évolution encourageante. La plupart des participants du groupe 5 ne vivaient pas une
relation de vie commune depuis au moins six mois. C'est pourquoi on leur a demandé
si, oui ou non, ils avaient jamais eu des comportements décrits dans le ROVC. Presque
tous ont dit avoir eu recours au raisonnement et à la résolution constructive des
différends.
Les notes moyennes des 13 délinquants des groupes 3 et 4 à la sous-échelle "il est
justifié de battre sa femme" et la sous-échelle "les femmes profitent des mauvais
traitements" ont été faibles avant le traitement et encore plus faibles après. Les
délinquants étaient plus d'accord avant qu'après le traitement pour dire qu'ils sont
responsables de leur comportement. Entre les deux séries de tests, il y a eu une
progression appréciable de l'impression que les délinquants doivent être punis. Les
résultats du groupe 5, avant le traitement, ont été semblables à ceux des groupes 3 et 4
avant le traitement.
RÉSUMÉ La durée de ce programme pour hommes était un peu comprimée puisqu'il y avait deux
séances par semaine. Même si les séances se sont toujours articulées autour des
mêmes thèmes, elles n'étaient pas structurées de façon uniforme; il sera donc difficile
de reprendre le programme dans l'avenir, puisqu'il s'agit non pas d'un cours
d'orientation cognitive béhaviourale, mais bien d'une psychothérapie de groupe. Il sera
toutefois difficile de reprendre cette expérience.
Le délinquant type du programme Contrecoups n'avait pas terminé l'école secondaire, il
était séparé ou divorcé, et il avait des enfants. Il était plus probable qu'il ait été témoin
de violence familiale pendant son enfance et qu'il ait été lui-même victime de violence
physique et psychologique. Le délinquant type avait également été inculpé d'agression
sur la personne de son conjoint ou d'un enfant.
116
Les résultats des tests préalables et postérieurs au traitement ont fait ressortir des
tendances positives. En général, les délinquants disaient avoir un niveau de colère plus
faible, niveau de colère qui avait diminué après la thérapie. En moyenne, les
délinquants ont déclaré peut de comportements de domination avant la thérapie et
encore moins après le traitement. En général, les idées sur la violence conjugale étaient
presque acceptables avant le début de la thérapie et encore plus acceptables après.
Toutefois, comme les échantillons étaient de petite taille, il faudrait reproduire
l'expérience avant de tirer des conclusions fermes sur ces constatations. _
Le projet de Laval ne proposait pas de programme de soutien pour les conjointes ou les
enfants des délinquants, mais les femmes ont eu droit à une séance d'information
décrivant Contrecoups, et on leur a remis une liste des ressources communautaires à
leur disposition pour assurer leur protection.
117
BIBLIOGRAPHIE
Adams, D. (1988), « Counselling men who batter: A profeminist analysis of five treatment models »,Feminist Perspectives on VVife Abuse, sous la direction de M. Bograd et K. Yllo, Beverly Niais (Califomie), Sage Publications.
Alkanis, C., et Taylor, T. (1994), Étre victime ou témoin de violence familiale pendant son enfance: Conséquences surie comportement de l'enfant et de l'adulte, Ottawa, Service correctionnel du Canada, Division de la recherche.
Andrews, D. A., Zinger, I., Hoge, R. D., Bonta, J., Gendreau, P., & Cullen, F. T. (1990). Does correctional treatment work? A clinically relevant and psychologically informed meta-analysis. Criminology, 28, 369-404.
Burns, N., et Meredith, C. (1991), Programmes de traitement pour/es hommes violents: une analyse qui témoigne de leur succès, Ottawa, Abt Associates.
Buys, L. (1995), Annual Report: lnterpersonal and Family Skills Program, Edmonton, Alberta Hospital Edmonton.
Contrecoups: Rapport - Bilan (1995), Laval (Québec), Option.
Service correctionnel du Canada (1994), La stratégie correctionnelle, Ottawa, Service correctionnel du Canada.
Currie, D. (1988), Le Mari violent: une approche de l'intervention, Centre national d'information sur la violence sur la famille, Santé et Bien-Être social Canada.
Cyr, D. (1988), Modèle théorique: programmes de lutte contre la violence familiale en milieu correctionnel, Service correctionnel du Canada, Unité de violence familiale.
DeMaris, A., et Jackson, J.K. (1987), « Batterers' reports of recidivism after counselling », Social Casework: The Journal of Contemporary Social Work, 68(8); p. 458-465.
Dobash, R.P., Dobash, R.E., Wilson, M. et Daly, M. (1992), « The myth of sexual symmetry in marital violence », Social Problems, 39; p. 71-84.
Edelson, J.L. et Brygger, M.P. (1986), « Gender differences in reporting of battering incidences », Family Relations, 35; p. 377-382.
Edelson, J.L. et Syers, M. (1990), « Relative effectiveness of group treatments for men who batter », Social Work Research & Abstracts, 26; p. 10-17.
Edelson, J.L. et Tolman, R.M. (1992), Intervention for Men Who Batter: An Ecological Approach, Newbury Park, Sage Publications.
Edelson, J.L. et Miller, D.M.. Stone, G.W. et Chapman, D.G. (1985), « Group treatment for men who batter », Social Work Research & Abstracts, 21; p. 18-21.
Eisikovits. Z.C. et Edelson, J.L. (1989), « Intervening with men who batter: A critical review of the literature », Social Service Review, 63; p. 384-414.
Fortin, D. & Devault, A. (1995). Programme Contrecoups: Rapport Semestriel. Laval, (Québec), Option.
Ganley, A. (1981), Court-Mandated Counselling for Men Who Batter: A Three Day Workshop for Mental Health Professionals, Washington (D.C.), Centre for Women's Policy Studies.
Gondolf, E.W. (1987), « Evaluating programs for men who batter: Problems and prospects », Journal of Family Violence, 2(1); p. 95-108.
Gondolf, E.W. (1988), « How some men stop their abuse: An exploratory program evaluation », Coping With Family Violence : Research and Policy Perspective, sous la direction de G.T. Hotaling, D. Finkelhor, J.T. Kirkpatrick et M.A. Straus, Beverly Hills (Californie), Sage; p. 129-144.
Hart, S.D., Dutton, D.G. et Newlove, T. (sous presse), « The prevalence of personality disorder among wife assaulters », Journal of Personality Disorders.
Hazel, J.S., Schumaker, J.B., Sherman, J.A. et Sheldon-Wildgren, J. (1980), ASSET: A Social Skills Program for Adolescents, Champaign (Ilinois), Research Press, Institute for Human Resource Development (1995)
Jouriles, E.N. et O'Leary, K.D. (1985), « Interspousal reliability of reports of marital violence », Journal of Consulting and Clinical Psychology, 53(3); p. 419-421.
Lipsey, M. W. (1995). VVhat do we learn for 400 research studies on the effectiveness of treatment with juvenile delinquents. In J. McGuire (Ed.). What Works: Reducing Reoffending. Chichester: John Wiley & Sons.
McGreggor, B., Dutton, D., Hamilton, A., Svec, B., Panzer, C. Hodginkson, M., Robson, J. et Kirk, J. (1995), Healthy Relationships : Research and Program Development Report #5, Victoria, Victoria Family Violence Project.
Meredith, C. et Burns, N. (1990), L'indice de maîtrise du comportement, Ottawa, Abt Associates.
Myers Avis, J. (1992), « VVhere are all the farnily therapists? Abuse and violence within families and family therapy's response », Journal of Marital and Family Therapy, 18(3); p. 225-232.
Paulus, D.L. (1991), « Measurement and control of response bias », Measurement of Personality and Social Psychological Attitudes, sous la direction de J.P. Robinson, P.R. Shaver et L.S. Wrightsmen, San Diego, Academic Press.
Pence, E., & Paymar, M. (1993). Education groups for men who batter: The Duluth Model. New York: Springer Publishing Company.
Pollock, N. et Sheridan, P. (1995), Opportunities Program: Final Report, Toronto, John Howard Society of Metropolitan Toronto.
Robinson, D. et Taylor, J. (1995), La violence familiale chez les délinquants sous responsabilité fédérale: étude fondée sur l'examen des dossiers, Service correctionnel du Canada, Division de la recherche.
Rondeau, G., Brochu, S. et Lemire, G. (1994), Examen des publications portant sur les programmes de traitement à l'intention des hommes qui se montrent violents dans leurs rapports familiaux, Montréal. Université de Montréal.
2
Rusinoff, I. (1990). Program Manual for Abusive Men. Domestic Abuse Project: Minnesota.
Sakai, C.E. (1991), « Group intervention strategies with domestic abusers », Families in Society. The Journal of Contemporary Human Services; p. 536-542.
Saunders, D.G., Lynch, A.B., Grayson, M. et Linz, D. (1987), « The Inventory of Beliefs About VVife Beating: The construction and validation of a measure of beliefs and attitudes », Violence and Victims. 2: p. 39-55.
Siegal, J.M. (1986), « The Multidimensional Anger Inventory », Journal of Personality and Social Psychology, 51; p. 191-200.
Sonkin, D.J. et Durphy, M. (1989), Leaming to Live VVithout Violence, Volcano (Californie), Volcano Press.
Statistique Canada (1993), « L'enquête sur la violence envers les femmes: Faits saillants », Le Quotidien, 18 novembre, Ottawa, Statistique Canada.
Straus, M. (1979), « Measuring intrafamily conflict and violence: The Conflict Tactics Scale », Journal of Marriage and the Family, 41; p. 75-88.
Tolman, R.M. et Edelson, J.L. (1989), « Cognitive-behavioral group treatment for men who batter », Behavioral Family Therapy, sous la direction de B.A. Thyer, Springfield, C.C. Thomas; p. 169-190.
Institute for Human Resource Development (1995), Treatment Program for Parolees Who Are Abusive Towards Women: Research Report, St. John's (Terre-Neuve).
Van Dieten, M. et Walker, L. (1995), The Development, Implementation, and Evaluation of the Family Enrichment Program: Final Report, Ottawa, La Société John Howard d'Ottawa.
Van Dieten, M., Rettinger, L.J., Graham, I. et Van Horn, G. (1992). The Development, Implementation, and Evaluation of the Family Enrichment Program: Quarterly Report, Ottawa, La Société John Howard d'Ottawa.
3
Annexe A - Modèle de réceptivité'
a) Accepter la responsabilité de son propre comportement
Si un homme accepte sa responsabilité, c'est qu'il reconnaît quels comportements spécifiques constituent de la violence, et il ne tente pas d'atténuer, de justifier ni de nier son comportement violent. Il ne rejette pas la responsabilité de son comportement ou de son attitude sur d'autres, comme les femme ou des facteurs comme l'alcool. Parmi les signes qui témoignent de sa capacité d'assumer la responsabilité de son comportement, notons ce qui suit : identification des facteurs qui déclenchent la violence; élaboration de solutions qui permettent d'éviter les comportements violents; amélioration des capacités de communication, pour pouvoir améliorer ses relations avec sa conjointe.
b) Éviter les relations de pouvoir et de domination
Si l'homme évite les relations de pouvoir et de domination avec sa conjointe, c'est qu'il ne recourt plus aux tactiques d'intimidation, à la coercition ou à la peur. Il est conscient que ces stratégies entraînent un déséquilibre du pouvoir et sont une forme de punition. Parmi les signes qui témoignent de sa capacité d'éviter les relations de pouvoir et de domination, notons ce qui suit : capacité de donner des exemples de comportements dépendants, indépendants et interdépendants; échange libre d'information importante avec sa conjointe; expression constructive de ses sentiments et de ses réflexions.
c) Manifester une capacité d'empathie avec la conjointe
Si l'homme manifeste une capacité d'empathie avec sa conjointe, il peut expliquer ce qui arrive à sa conjointe lorsqu'elle a peur de lui et il est capable d'accepter les sentiments et les besoins de sa conjointe comme distincts des siens. Parmi les signes qui témoignent de sa capacité d'empathie, notons ce qui suit : utilisation de sa capacité d'écoute dans les situations où sa conjointe a besoin de se faire entendre; définition de ses limites dans une relation intime; compréhension que sa conjointe a des besoins distincts des siens.
Description tirée directement du Treatment Manuel for Men's Groups de St. John's (Terre-Neuve),
mars 1995.
d) Comprendre comment les modèles précoces de comportement violent influencent son comportement actuel
Si l'homme comprend les modèles précoces de comportement violent, il peut reconnaître les problèmes de violence dans sa famille d'origine et entrer en contact avec les émotions, les réflexions et les comportements qui ont été les siens lorsqu'il a connu la violence dans son enfance. Il peut aussi faire le parallèle entre ces modèles précoces et leur influence sur ses relations d'aujourd'hui avec les femmes. Parmi les signes qui témoignent de la compréhension de l'influence de ces modèles précoces, notons ce qui suit : prise de conscience de la manière dont il a pris ses premières décisions sur la manière de faire face à la violence dans son enfance; prise de conscience de la manière dont il a appris ce que c'est qu'être un homme dans une relation intime; prise de conscience de la manière dont il a, pendant son développement, fait face aux questions de la sexualité, de l'estime de soi et de la confiance.
2
Annexe B - Caractéristiques démographiques et familiales des
participants
Projets pilotes St John's Edmonton I2rQD1Q ~ QttiYii J.il!i!
Âge moyen (ans) 33, N=57 34, N=29 35, N=76 35,N=67 31, N=99 39. N=223
Etendue des âges 20-66, N=57 20-44, N=29 23-57, N=76 21-57, N=67 19-70, N=99 25-64, N=223
(ans) Études Secondaire terminé 32%, N=64 41%. N=29 37%, N=76 64%, N=64 32%. N= 81 N.D. Secondaire non 22%. N=64 31%. N=29 52%, N=76 22%, N=64 26%. N= 81 N.D.
terminé Moins que la 10e 47%. N=64 24%, N=29
année 11%. N=76 14%. N=64 42%, N= 81 N.D.
Études 20%. N=63 21%. N=29 postsecondaires
49%. N=41 2 49%. N=74 16%, N= 91 18%, N=223
Etat civil Marié ou union de 38%. N=71 59%. N=29 40%, N=76 41%, N=70 63%, N= 99 32%, N=223
fait Célibataire Oamais 31%. N=71 17%. N=29 27%. N=76 39%. N=70 26%. N= 99 23%. N=223
marié) Divorcé, séparé. 26%, N=71 24%, N=29 33%, N=76 26%. N=70 12%, N= 99 45%, N=223
veuf Durée de la relation avec la conjointe actuelle Moins d'un an 10%, N=75 22%. N=23 10%, N=76 N.D. 17%, N= 71 N.D. 1 à 2 ans 27%. N=75 4%, N=23 25%, N=76 N.D. 28%, N= 71 N.D. 3 à 5 ans 27%, N=75 35%, N=23 23%. N=76 N.D. 30%, N= 71 N.D. 6 ans ou plus 36%. N=75 39%. N=23 42%, N=76 N.D. 25%. N= 71 N.D.
Nombre d'enfants Aucun 28%, N=75 21%, N=29 19%, N=76 36%, N=70 26%, N=101 23%. N=223 1 25%, N=75 28%. N=29 28%. N=76 36%. N=70 54%, N=101 14%. N=223 2 ou plus 46%, N=75 52%. N=29 53%, N=76 29%. N=70 21%. N=101 64%. N=223
Type de violence observée dans l'enfance Affective 51%, N=74 48%. N=29 32%. N=41 2
59%. N=74 28%. N=69 64%, N=223 Physique 43%, N=74 38%. N=29 20%. N=41 2 47%. N=74 38%, N=72 64%. N=223 Sexuelle 0%. N=72 0%. N=29 5%. N=41 2
7%. N=69 4%. N=68 N.D.
-
Violence affective 38%, N=73 55%, N=29 27%, N=41 2 67%. N=74 39%. N=99 82%, N=223
subie dans l'enfance Violence physique 32%. N=72 52%, N=29 22%, N=41 2 62%, N=74 46%. N=99 86%. N=223
subie dans l'enfance Violence sexuelle 18%, N=62 31%, N=29 2%, N=41 2 21%. N=73 11%. N=99 N.D. subie dans l'enfance Accusé d'agression 61%, N=75 31%, N=29 54%, N=41 2 24%. N=74 13%. N=62 82%. N=223
(conjoint ou enfant) 34%, N=41 2 Peine pour agression 58%, N=74 7%, N=24 16%. N=74 23%. N=36 N.D.
(conjoint ou enfant) Traitement antérieur 26%, N=77 34%, N=29 17%. N=41 2 11%. N=74 20%, N=55 23%, N=223
pour violence familiale
N.D. = non disponible
, Données concemant uniquement les hommes évalués dans la dernière année des projets pilotes (1994.1995)
2 Données recueillies sur un sous-ensemble de 41 hommes qui. à partir de mars 1994. ont participé au Opportunities Program et se sont soumis à une batterie de tests communs à tous les projets pilotes ..
3 Données concernant uniquement les hommes qui étaient dans les troisième. quatrième et cinquième groupes. d'avril 1994 à mars 1995.
2
HV 8886 .02 V3 1996 F Examen de l'élaboration des programmes relatifs a la iolence familiale : projets
DATE DUE
\• Là
PRIMMML1.8.A. GAY LORD