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“Je crois à la ville durable pour aujourd’hui…» C’est par l’affirmation de cette conviction que Nathalie Kosciusko-Morizet a ouvert le colloque internatio- nal “Faire la ville durable, inventer une nouvelle urbanité”. Avant de souligner qu’il n’y avait pas meilleur cadre que la cité Descartes pour accueillir une telle rencontre. “Ici, a-t-elle ajouté, le dévelop- pement durable est à la fois pensé, conçu et mis en œuvre”. En effet, dans une ville nouvelle réalisée il y a bientôt quarante ans, dans l’objectif de consti- tuer des pôles de développement équilibré associant habitat, activités et loisirs, ces enjeux sont toujours d’actualité dans un “processus de métamorphose permanent”. La ministre de l’Écologie, du Dévelop- pement durable, des Transports et du Logement, a bien sûr évoqué les différentes initiatives de l’État dans le cadre du Plan ville durable (démarche ÉcoCité, s’inscrivant dans le cadre du programme des investissements d’avenir, second appel à pro- jets ÉcoQuartiers, cadre de référence européen…). Mais elle a insisté sur le besoin d’une “recherche de pointe en urbanisme”, dont le projet de cluster “ville durable” installé au cœur de la cité Descartes sera une composante essentielle (cf. encadré “Carrefour de la recherche”). À la suite de son intervention, Nathalie magazine mars-avril 2011 - N° 377 / URBANISME * Le colloque était organisé par le Commissariat général au Développement durable du ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, l’Établissement public d’aménagement de Marne-la-Vallée et le PRES Université Paris-Est, en partenariat avec la Caisse des Dépôts, avec le soutien de l’Association communication et information pour le développement durable (Acidd) et du bureau d’études Renaissance urbaine. En réunissant les 20 et 21 janvier 2011 à la cité Descartes à Marne-la-Vallée plusieurs centaines de chercheurs et de praticiens, d’universitaires et d’entrepreneurs,d’élus et de professionnels, le colloque international “Faire la ville durable, inventer une nouvelle urbanité* a réussi son pari : proposer une approche prospective, globale et systémique de la ville durable en décloisonnant les disciplines et en ouvrant des perspectives sur les démarches dans d’autres pays. Une manière de faire vivre pendant deux jours en temps réel, le cluster “ville durable” que souhaite devenir la cité Descartes. Compte-rendu des débats, avec le concours des rapporteurs des ateliers, et mise en perspective avec Michèle Pappalardo, commissaire générale au Développement durable. Arnaud Bouissou / MEDDTL Arnaud Bouissou / MEDDTL mars avril 2011 www.urbanisme.fr n 0 377 Tiré à part PENSER ET FAIRE LA VILLE DURABLE COLLOQUE INTERNATIONAL (20-21 JANVIER 2011 - CITÉ DESCARTES) Allocution d’ouverture par Nathalie Kosciusko-Morizet Ministre de l'Écologie, du Développement durable , des Transports et du Logement.

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Page 1: PENSERETFAIRELAVILLEDURABLE - DEAL de la Martinique

“Je crois à la ville durable pour aujourd’hui…» C’estpar l’affirmation de cette conviction que NathalieKosciusko-Morizet a ouvert le colloque internatio-nal “Faire la ville durable, inventer une nouvelleurbanité”. Avant de souligner qu’il n’y avait pasmeilleur cadre que la cité Descartes pour accueillirune telle rencontre. “Ici, a-t-elle ajouté, le dévelop-pement durable est à la fois pensé, conçu et mis enœuvre”. En effet, dans une ville nouvelle réalisée ily a bientôt quarante ans, dans l’objectif de consti-tuer des pôles de développement équilibré associanthabitat, activités et loisirs, ces enjeux sont toujoursd’actualité dans un “processus de métamorphosepermanent”. La ministre de l’Écologie, du Dévelop-pement durable, des Transports et du Logement, abien sûr évoqué les différentes initiatives de l’Étatdans le cadre du Plan ville durable (démarcheÉcoCité, s’inscrivant dans le cadre du programmedes investissements d’avenir, second appel à pro-jets ÉcoQuartiers, cadre de référence européen…).Mais elle a insisté sur le besoin d’une “recherche depointe en urbanisme”, dont le projet de cluster “villedurable” installé au cœur de la cité Descartes sera unecomposante essentielle (cf. encadré “Carrefour de larecherche”). À la suite de son intervention, Nathalie

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mars-avril 2011 -N°377 /URBANISME

* Le colloque étaitorganisé par leCommissariat général auDéveloppement durabledu ministère de l’Écologie,du Développementdurable, des Transportset du Logement,l’Établissement publicd’aménagement deMarne-la-Vallée et lePRES Université Paris-Est,en partenariat avec laCaisse des Dépôts, avecle soutien de l’Associationcommunication etinformation pour ledéveloppement durable(Acidd) et du bureaud’études Renaissanceurbaine.

En réunissant les 20 et 21 janvier 2011 à la citéDescartes àMarne-la-Vallée plusieurscentaines de chercheurs et de praticiens,d’universitaires et d’entrepreneurs,d’éluset de professionnels, le colloqueinternational“Faire la ville durable, inventerune nouvelle urbanité”* a réussi son pari :proposer une approche prospective,globaleet systémique de la ville durable endécloisonnant les disciplines et en ouvrantdes perspectives sur les démarches dansd’autres pays.Unemanière de faire vivrependant deux jours en temps réel, le cluster“ville durable”que souhaite devenirla cité Descartes.Compte-rendu des débats,avec le concours des rapporteurs des ateliers,etmise en perspective avecMichèle Pappalardo, commissaire généraleauDéveloppement durable.

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n0377Tiré à part

PENSER ET FAIRE LA VILLE DURABLECOLLOQUE INTERNATIONAL (20-21 JANVIER 2011 - CITÉ DESCARTES)

Allocution d’ouverture par Nathalie Kosciusko-MorizetMinistre de l'Écologie, du Développement durable ,des Transports et du Logement.

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URBANISME / mars-avril 2011 -N°377 mars-avril 2011 -N°377 /URBANISME

Kosciusko-Morizetad'ailleurs rencontré lesacteursdecepôled'excellence,qu'elleappelledesesvœux,autourde projets exposés à l'École des Ponts ParisTech.

Rendre la ville désirableAprès la ministre et le directeur de l’ESIEE,Dominique Perrin, souhaitant la bienvenue aux par-ticipants, deux interventions vigoureuses et pros-pectives ont contribué à donner le ton du colloque.Michel Lussault, géographe et président du PRESUniversité de Lyon, a ouvert le feu en mettant engarde contre le fait de sous-estimer le changementà l’œuvre depuis quarante ans : “Nous avonschangé de monde”, a-t-il affirmé. Or “nous conti-nuons de penser la ville, un objet qui n’existe plus,forgé aux XIXe et XXe siècles”. D’où le malaise despraticiens. Michel Lussault le reconnaît : “Nousn’avons pas fait le travail nécessaire pour penserles nouvelles organisations urbaines.”C’est pourquoi il propose, pour mettre en œuvre laville durable, de réfléchir aux liens d’un carrémagique : densité urbaine, diversité urbaine (fonc-tionnelle, sociale…), intensité urbaine, accessibilitéurbaine. Chacun des termes posant le problème deson “acceptabilité sociale” par les citoyens maisaussi leur déclinaison aux différentes échelles. Cequi débouche sur la nécessité de grands arbitragespolitiques. D’où un deuxième carré magique : effi-cacité urbaine (efficience) et soutenabilité urbaine(robustesse). Mais les politiques publiques en lamatière doivent s’appuyer sur la mobilisation desacteurs eux-mêmes pour inventer “une justice spa-tiale” – traduction dans l’espace de la justice sociale,sinon la ville durable ne sera pas acceptable.Dans un registre différent, à coups d’images chocsde villes du monde entier et de slogans chics“wrong way, go back” (mauvaise route, revenez enarrière), le consultant britannique, Charles Landry,directeur de Comedia et auteur d’un ouvrage deréférence sur la ville créative /1, a plaidé égale-ment pour un changement radical des modes depensée. “Nous ne pouvons plus construire les villes

que nous aimons à cause des règlements”, a-t-ilconstaté, incitant donc à sortir des approchesbureaucratiques et fragmentées pour produire des“joint visions” (des projets partagés), surtout enn’oubliant pas les jeunes qui vivront ce XXIe siècle.

Transformer le quotidienAprès les penseurs du monde de demain, Jean-Marc Michel, directeur général de l’Aménagement,du Logement et de la Nature au ministère duDéveloppement durable, et Alain Weber, directeurdu département de la politique de la Ville et dudéveloppement urbain à la Caisse des Dépôts,avaient la tâche difficile de ramener le débat sur desperspectives d’action plus concrètes. Ils l’ont faitavec cependant le souci partagé avec les interve-nants précédents de rendre la ville durable dési-rable. Pour ce faire, Jean-Marc Michel a souligné lanécessité de savoir changer d’échelle – du grandterritoire à l’immeuble – pour se mettre à la portéedes différents acteurs. Et, dans le même sens, il ainsisté sur la transformation au quotidien des condi-tions de vie des citadins, comme le prouve l’expé-rience de la rénovation urbaine.Pour Alain Weber, la ville est fondamentalement“un geste politique, pas une collection d’objets iso-lés, d’immeubles”. Pour rendre la ville enviableautant que viable, il faut donc concevoir des pro-jets d’aménagement adaptés. Dans cette perspec-tive, la Caisse des Dépôts intervient en soutien àtrois programmes d’intervention publique : la réno-vation urbaine (avec l’ANRU, elle promeut notam-ment une démarche d’urbanisme durable dans lesquartiers concernés), les ÉcoQuartiers (avec desmoyens financiers et d’ingénierie permettant la réa-lisation d’objets démonstrateurs) et les ÉcoCités(avec la mobilisation d’un milliard d’euros de prêtsdans le cadre des investissements d’avenir). Le toutsans oublier la préoccupation de l’évaluation,notamment le référentiel européen de la villedurable en cours d’expérimentation dans 70 villesdont 5 en France. l Antoine Loubière

Pas de doute, pour Bertrand Ousset, directeur géné-ral adjoint d’Epamarne/Epafrance, le site de Marne-la-Vallée articule tous les ingrédients pour dessynergies exceptionnelles. Il existe à la citéDescartes un cluster opération-nel qui repose sur une dyna-mique à la fois scientifique - avecun pôle de recherche d’envergureinternationale au sein du PRES,et économique avec le pôle decompétitivité Advancity et unparc d’affaires pour l’économieverte (projets Green vallée etGreennov, filière européenne surla rénovation durable). Ce clusterà vocation métropolitaine s’ins-crit dans le cadre du développe-ment de la Région-capitale pro-posé par le président de laRépublique/1. Structuré selonun schéma multipolaire (5 pôlesidentifiés), il couvre un territoire de 7 000 ha sus-ceptible d’accueillir 3 millions de m2 de bureaux. Leprojet d’urbanisme et d’aménagement a fait l’ob-jet d’une consultation dont le lauréat est Yves Lion.En écho, Bernard Saint-Girons, président du PRESUniversité Paris-Est, a souligné la diversité et larichesse de ses composantes dont témoignait lecarrefour de la recherche (cf. encadré page précé-dente). Le PRES, qui accueille de nouvelles institu-tions comme l’IFSTTAR, est notamment partie pre-nante du projet d’Institut des métropoles durables,portée par la Ville de Paris et la Région Île-de-France.Et s’apprête à développer avec ses partenaires des“living labs”, des expérimentations en grandeurnature, dont la cité Descartes elle-même qui seraainsi “l’objet de sa propre recherche”.Le tout dans le département francilien le plus

étendu, la Seine-et-Marne, où se créent le plusd’emplois mais où se consomment aussi 1 000 hec-tares de terres agricoles chaque année. S’appuyantsur ces chiffres, Vincent Eblé, le président du conseil

général, a estimé que la Seine-et-Marne devait changer de “modèlede développement”. D’autant quece développement urbain en “archi-pel” ne dresse pas de frontièrerigide entre la ville et les espacesnaturels. Le modèle de la villedurable compacte ne peut donc pasfonctionner sur ce territoire. D’où,selon Vincent Eblé, la nécessité d’in-venter un nouveau modèle pro-mouvant l’éco-construction et uneautre approche de l’agriculture, quipassera notamment par une label-lisation des initiatives.Dans ce contexte, le pôle de compé-titivité Advancity “Ville et mobilité

durable” est un atout essentiel, comme l’a soulignéson président, Michel Ray, par ailleurs directeur tech-nique et innovation du groupe Egis /2. D’autant quedepuis sa création en 2005, le pôle a plus que tripléses membres : près de 200 fin 2010 contre 60 à l’ori-gine. Il est une véritable “usine à projets” dans diffé-rents domaines : technologies urbaines de l’environ-nement et de l’énergie, accessibilité et environnementurbain de la santé, nouveaux usages et mobilités, effi-cience des transports urbains collectifs, bâtimentsdurables, infrastructures et réseaux, éco-organisationde la ville… Le souhait de Michel Ray est que les “cul-tures se rapprochent” entre les chercheurs des diffé-rentes disciplines. Ce qui, a-t-il reconnu, n’est pas tou-jours facile. Reste, comme Bernard de Saint-Gironsl’a dit en conclusion, qu’ici se construit la ville del’avenir”. l A.L.

La deuxième table ronde de lamatinée du 20 janvier amis en valeur les atouts du site deMarne-la-Vallée comme futur cluster ville durable.

Vers un cluster métropolitain

1/Dans son discours du 29novembre 2009, leprésident de laRépublique proposaitd’organiser ledéveloppement de laRégion-capitale surplusieurs décennies àpartir de 7 clustersmajeurs entourant Paris.

2/Egis (groupe Caisse desDépôts) s’est rapprochéde Iosis, l’autre leaderfrançais de l’ingénierie,pour constituer au1er janvier 2011 un nouveaugroupe conservant le nomd’Egis, dont le capital estréparti entre le personnel(25 %) et la Caisse desDépôts (75 %).

Un Carrefour de la rechercheParallèlement au colloque, s’est tenu pendant deux jours un Carrefourde la recherche,dans le hall de l’ESIEE.Une manifestation conjointe duPôle scientifique et technique duministère duDéveloppement durable,du PRES Université Paris-Est et du pôle de compétitivité Advancity,sous la forme de six “villages” thématiques (environnement-énergie,génie urbain,mobilités,éco-ville, le vivant dans la ville, formes urbaineset architecture durable) avec des stands et des panneaux didactiques.Elle a permis de présenter le potentiel des organismes de recherche dupôle Paris-Est et la réalisation, via de jeunes start-up d’applicationséconomiques innovantes.À noter la création début 2011 du nouvel Institut français des sciences ettechnologies des transports de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR),qui résulte de la fusion duLaboratoire central des Ponts et Chaussées (LCPC) et de l’Institut national de recherche sur lestransports et leur sécurité (INRETS),dont le siège est désormais à la cité Descartes.

B“Greencity-Business” : 140 entreprises participantesC’est sur le thème “Conception et construction de la ville durable” que s’est tenu, en marge ducolloque, la convention d’affaires internationale organisée par Seine-et-Marne Développement,enpartenariat avec l’Agence Marne-la-Vallée Descartes Développement, la CCI de Seine-et-Marne,Epamarne/Epafrance, le pôle de compétitivité Advancity et l’ESIEE Paris. Un succès pour cettepremière édition avec huit pays présents (Algérie,Allemagne,Égypte,Espagne,Italie,Liban,Maroc,Suède) et la participation de 140 entreprises de toutes tailles (PME,cabinets conseil,prescripteurs)– dont 41 françaises – spécialisées dans les domaines de l’architecture durable, des technologiesnumériques,de l’efficacité énergétique de la construction,de la gestion de la ville,de lamobilité ouencore des énergies renouvelables.Selon les organisateurs,environ 800 rendez-vous d’affaires ontété générés,dont 525 organisés pendant l’événement lui-même.www.greencity-business.com

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1/The Creative City :A Toolkit for UrbanInnovators, Londres,2000, édition Earthscan.

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Sculpture L’Axe de la Terreaux abords de l’ESIEE.

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“La démocratie participative appliquée au dévelop-pement durable nous a permis de qualifier les besoinsde Loos-en-Gohelle depuis le début des années 2000,dans un contexte économique, social et environne-mental sinistré par le système de la mine.L’exploitation des corons a créé d’innombrablesrichesses matérielles, dont nous n’avons pas hérité.Les sols sur l’ensemble du bassin s’affaissent, lescanalisations se fracturent, la teneur de l’eau en nitrates’élève au-dessus des taux bretons, la silicose faitencore des ravages chez les hommes, sans parler desaccidentés de la mine et du taux de chômage. Maisnous arrivons à un changement de civilisation où tousdoivent se réapproprier la chose publique après le sys-tème très normatif de la mine. J’ai donc intégré le

développement durable dans tous les domaines, dansune logique d’agenda 21, en appliquant le conceptd’habitant-acteur. Nous objectivons nos résultats : 200réunions publiques tenues pendant le mandat, 100 %des eaux infiltrées recupérées, 15 km de ceinture vertecrées ; des indicateurs nous montrent le retour de labiodiversité, du commerce local et des métiers de l’in-génierie ou du tourisme ; une centrale solaire ainsiqu’une plateforme de recherche ont été installées, lescharges énergétiques des ménages ont largementbaissé du fait d’une construction neuve intégralementen HQE depuis 1997. La police constate une diminu-tion significative des incivilités et des plaintes entrevoisins et le taux électoral du Front national estdevenu le plus faible de tout le bassin minier… Le ter-ritoire est entré en résilience. Il nous reste à assumernotre héritage culturel avec le dépôt de la candida-ture du bassin minier pour une inscription auPatrimoine mondial de l’UNESCO. L’héritage desmineurs vaut bien celui des rois ou des papes.” l

“Réintroduire l’eau dans La Nouvelle-Orléans per-mettra de mieux lutter contre les inondations pourfaire émerger une ville deltaïque durable.L’American Planning Association (APA) a repenséle master plan dans ce sens : nous créerons uneflexibilité dans le rapport à l’eau en nous inspirantde l’expérience hollandaise. Nous avons étroite-ment associé la population au projet par uneméthode de dialogue avec les décideurs politiques,les chercheurs, les hydrographes, les architectes... :visites de terrain, ateliers projets, éducation auxbonnes pratiques, etc. L’implication des habitantsrépondait à une double nécessité : la pédagogie

indispensable au retour de l’eau au sein de lieux devie ravagés par les inondations causées par l’oura-gan Katrina en 2005, mais aussi l’appropriation col-lective de la reconstruction. Les habitants avaienten effet rejeté le premier master plan, non concerté,où chacun pouvait reconstruire n’importe où, surpilotis. Donner une place à l’eau au cœur des îlotset des voiries permettrait d’orienter les inondations,en prévoyant des zones inondables de sécurité par-tout en ville et d’éviter les effets dramatiques d’unerupture de digue. L’endiguement du Mississippiavait par ailleurs condamné les marais et fragiliséles côtes qui freinaient l’arrivée des ouragans surles terres. L’APA mise également sur la revalorisa-tion des quartiers grâce à l’eau et à la végétalisa-tion qui en découle. Trois principes s’appliquentdonc : intégration, sécurité, valorisation.” l

Vers de nouvelles solidaritésurbaines ?

ATELIER 1

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COLLOQUE INTERNATIONAL

tion polycentrique des agglomérations davantagequ’une limitation de leurs tailles”. L’accès aux trans-ports en commun conditionne par exemple la santédes habitants : un lien entre obésité et déplacementen voiture pour les habitants de quartiers résiden-tiels de périphérie a été récemment démontré. Lesurbains de centre-ville marchent davantage…Muriel Boulmier, de la Fédération européenne dulogement social et directrice du groupe Ciliopée, asouligné que la solidarité intergénérationnelle consti-tue l’une des conditions de la durabilité de nos socié-tés vieillissantes : “Nous devons concevoir les loge-ments en design for all avec une subsidiaritépossible de l’usage de certaines pièces afin de per-mettre le maintien à domicile des personnes âgéesdépendantes dans leur propre famille”. l K.G.

Les intervenantsGrand témoin : Edwin Zaccaï(Université libre de Bruxelles).Session 1 :Christian Garnier (FranceNature Environnement), John Reinhardt(American Planning Association).Session 2 : Jean-François Caron(Loos-en-Gohelle),Muriel Boulmier(groupe Ciliopée),Rinus Penninx(université d’Amsterdam).

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L’atelier animé parLydie Laigle (CSTB,université Paris-Est) asouligné l’impor-tance des politiquespubliques et de laprise en compte dudésir des populationsdans la mise en placede la ville durable,sans autoritarisme niségrégation, maisbien dans unelogique bottom up.Edwin Zaccaï, profes-

seur à l’Université libre de Bruxelles, a relevé lesinégalités sociales liées aux problématiques envi-ronnementales, inégalités qui ne sont “pas suffi-samment prises en compte dans les politiquespubliques” : les différences dans l’exposition auxpollutions, dans l’importance de la pollution selonla consommation et, enfin, l’impact majeur de lahausse des prix de l’énergie sur les plus pauvres.Les politiques d’urbanisme ont un rôle central àjouer en la matière.Christian Garnier, porte parole de France NatureEnvironnement (FNE), a insisté sur l’égalité d’accèsaux services urbains, qui nécessite “une structura-

John Reinhardt ,(American Planning Association),directeur du projet Delta Urbanism(La Nouvelle-Orléans)

Jean-François Caron,maire de Loos-en-Gohelle,vice-président de la communautéd’agglomération de Lens-Liévin.

“Le phénomène d’immigration en Europe occa-sionne des processus lourds d’intégration qui fontpression sur le logement, la santé, l’éducation...Pourtant nos sociétés – qui ne sont pas basées surl’immigration, à la différence de l’Amérique du Nord– ne veulent pas en entendre parler et ne créent pasde réelles politiques d’intégration. C’est la recettedu désastre. Pour en sortir, les villes ont peut-êtreplus d’atouts que les institutions nationales.Certaines, comme Amsterdam, l’ont compris dèsles années 1980. Elles peuvent mettre au point des

indicateurs d’intégration qui les guideront dansleurs politiques : être intégré à une société impliquetrois dimensions de l’acceptation – légal, écono-mique et culturel – et doit intervenir à trois niveaux– individus, groupes et institutions. Chaque villedoit définir ses propres critères – l’intégration à Parisa par exemple plus de sens à l’échelon de l’arron-dissement que de la ville elle-même, un cadre légald’intégration, une ambition, éviter simplement l’ex-clusion ou être plus active. Elle peut utiliser lesleviers d’intégration disponibles comme le loge-ment et les transports, mobiliser les individus maisaussi les groupes de migrants qu’elle doit pour celaidentifier – les statistiques ethniques deviennent unoutil important.” l

Rinus Penninx,professeur d’études ethniquesà l’université d’Amsterdam

FOCUS

La ville durable: défi à la démocratieATELIER 2

L’atelier animé par José-Frédéric Deroubaix (Écoledes Ponts Paris Tech, université Paris-Est) était encharge de sonder les nouvelles formes de gouver-nance, les pratiques innovantes de démocratielocale, le recours aux nouvelles technologies et leursarticulations avec les exigences de l’anticipation etde stratégies à grande échelle et de long terme.De la diversité des expériences et pratiques localesprésentées, il est difficile de tirer des enseignementsprécis : une pratique de participation et d’engagementsur 25 ans pour transformer un petit quartier popu-laire d’Amsterdam en un “paradis retrouvé” (projet

Les intervenantsGrands témoins :Élisabeth Masse-Bourgain(ville de l’Île-Saint-Denis) et Cécile Blatrix(Université Paris 13)Session 1 :Cyria Emelianoff (universitédu Maine),Diego Pos (Amsterdam),Souheil Soubra (CSTB,université Paris-Est),StéphaneVincent (agence d’innovationla 27e Région).Session 2 : Jean Haëntjens (Urbatopie),Kimberley Schneider (ville de Portland,États-Unis), Joe Ravetz (université deManchester)

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territoires en mouvement”. L’exemple du SCOT duDijonnais présenté par Jean-Patrick Masson, vice-président du Grand Dijon pour l’environnement, etl’évolution des documents d’urbanisme dans lecadre de la loi Grenelle 2, évoquée par Martine

Villes et territoires :un changement de nature ?

ATELIER 4

URBANISME / mars-avril 2011 -N°377

COLLOQUE INTERNATIONAL

ATELIER 3

Les intervenantsGrand témoin :Olle Zetterberg, secrétairegénéral, agence de développement deStockholm.Session 1 : Lamial Kamal-Chaoui (OCDE),Jean-Yves le Coz (Institut de la mobilité durable,Renault Paris Tech) Bernard Salha (EDF),Session 2 : Vincent Renard (IDDRI-Sciences Po),Lalou Khelifi (Stam Europe), Jean-Louis Amar(SEMTerritoires,Rennes).

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Les intervenantsGrand témoin :Michel Desvigne,paysagiste.Session 1 : Sabine Barles (universitéParis-Est), Daniel Boulens (Ville de Lyon),Philippe Clergeau (Museum nationald’histoire naturelle de Paris).Session 2 : Jean-Patrick Masson (Villede Dijon,Grand Dijon),Martine Meunier-Chabert (CERTU),MartinVanier (universitéde Grenoble),Peter Zlonicky (architecteurbaniste / Munich).

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Cet atelier était composé de deux sessions d’espritassez distinct (“les villes, lieu de déploiement de nou-velles filières” et “quels mécanismes financiers pourasseoir la durabilité urbaine ?”). Son animateur,Blaise Desbordes (Caisse des Dépôts), l’a introduiten en soulignant l’enjeu : nous ne ferons sortir deterre que ce que nous saurons financer. Les exposésn’aborderont pas cette question de front, mais appor-teront des éclairages utiles, soit sur le financement,soit sur des conditions de maîtrise des coûts.Olle Zetterberg a présenté la politique exemplairede Stockholm, première Green Capital choisie en2010 par l’Union européenne, notamment enmatière d’investissements publics. Il a insisté surle développement depuis quelques années d’entre-prises cleantech, soutenues par la Ville dans tousles domaines urbains. Pour Lamial Kamal-Chaoui(OCDE), “personne ne sait ce qu’est une croissanceverte, mais tout le monde travaille dessus”. Jean-Yves le Coz (Renault) et Bernard Salha (EDF) ont

La première session de cet atelier animé par GillesHubert (université Paris-Est) a abordé “Les res-sources des territoires à l’épreuve du développe-ment durable”, en s’interrogeant sur la place de lanature en ville, avant la seconde centrée sur “Les

Cet atelier animé par Jacques Theys, responsablede la prospective au ministère du Développementdurable, rendait compte de nouvelles approchesprospectives. Il s’agissait de réfléchir sur l’objectifd’une “ville post-carbone” et sur les cheminementspour y parvenir que sont “les villes en transition”ou “les villes réversibles”.Jacques Theys a fait remarquer que, depuisquelques années, les visions sur la ville du futur semultiplient, sont de plus en plus portées par les villeselles-mêmes et intègrent le concept de développe-ment durable. Il pose trois questions : à quelsbesoins répondent ces visions ? Quel est leurcontenu ? Quels sont leurs rapports avec les poli-tiques urbaines ? Il a évoqué le travail en cours surune ville post-carbone ou bas-carbone à l’horizon2050. Trois scénarios sont explorés : réactivité auxsignaux prix et valorisation intelligente des oppor-tunités externes ; renouvellement massif des infra-structures urbaines et énergétiques ; reconfigura-tion forte des territoires urbains sous contrainteclimatique et énergétique (reconfiguration desformes urbaines et des modes de vie). Ce dernierscénario est le plus tentant mais nécessiterait destransitions difficiles à conduire.

Valérie David, directeur du développement durabledu groupe Eiffage, a présenté le projet Phosphoremené en interne, avec l’objectif de se doter d’un réfé-rentiel pouvant répondre à l’appétit de croissanceurbaine, à la montée en puissance des éco-quartierset au contexte de densification à l’horizon 2030. Lecroisement de tous les champs d’analyse aboutit à112 possibilités qu’il faut ensuite retravailler pourmettre au point des référentiels de construction etd’aménagement permettant d’assurer la transitionvers une ville plus durable.Un autre exercice prospectif à l’horizon 2050, pré-senté par Mathieu Baisez, chef de projet à GDF-Suez,

GWL Terrein), un travail empirique et expérimentalen France “de prototype” de politiques et d’actionspubliques locales très ciblées visant à prendre encompte “ce qui se passe du côté des gens”, unerecherche d’un outil innovant (la ville numérique) pourfaciliter la mise en débat, une pratique nouvelle degouvernance et de mobilisation des citoyens pour unprojet à 25 ans de ville durable à Portland (Oregon,États-Unis), une démarche à Manchester pour allervers “une intelligence écologique et urbaine”.Dans sa contribution “L’ingérence habitante dansl’urbanisme durable : un bain de jouvence ?”, CyriaEmilianoff, maître de conférences à l’université duMaine (Le Mans), a souligné quatre idées : une fortedemande de cadre de vie écologique préfigurant

un droit à la ville durable, l’avènement d’un urba-nisme sobre, l’émergence de modes de vie urbainsécologiques et politiques, un processus d’empor-wement (responsabilisation) écologique.Sur la gouvernance, Jean Haëntjens, consultant(Urbatopie), a pointé la difficulté à affronter : plusd’acteurs, plus de composantes techniques, plus decontraintes, plus de complexité mais pas plus detemps pour s’adapter. La clef se trouve d’abord dansla volonté politique. L’enjeu est de tout faire en mêmetemps : définir l’ambition, établir un projet, concré-tiser un plan d’actions, mobiliser les acteurs, com-muniquer. Les points de passage sont, entre autres,la clarification de la gouvernance et des niveaux dedécision et une culture partagée. l F.-X. R. de Munich, a présenté la démarche des IBA (expo-

sitions internationales d’architecture et d’urba-nisme) allemandes, qui se sont révélées des labo-ratoires du développement durable, en particulierdans la Ruhr (Emscher Park), et maintenant àHambourg (Sprung über die Elbe). Les IBA, qui ontune durée limitée (8 à 10 ans) permettent l’expéri-mentation dans différents domaines et un bon équi-libre entre les stratégies urbaines, écologiques etsociales. l A. L.

Meunier-Chabert du CERTU, ont alimenté laréflexion sur le jeu des acteurs et la place des dis-positifs de planification. Pour le géographe MartinVanier, la question du développement durableconduit à celles de l’articulation des échelles et dela mise en cohérence des politiques. Mais cela nerésout pas le problème des outils et des modes degouvernance qui doivent désormais être fondés surdes négociations inter-territoriales.En matière d’outil, Petez Zlonicky, directeur dubureau d’étude en urbanisme et recherche urbaine

Les intervenantsGrand témoin : Thierry Gaudin.Session 1 : Valérie David (groupe Eiffage),Rob Hopkins (“Villes en transition”,Grande-Bretagne), Jacques Theys(ministère du Développement durable),Linus Theorin (ville de Göteborg).Session 2 :Mathieu Baisez (GDF-Suez),Vincent Fouchier (IAU Île-de-France),Bettina Laville (Comité 21),Hidestoshi Ohno (université de Tokyo)

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Villes et métropoles :moteurs de l’économie verte ?

souligné la volonté d’innovation de leurs sociétés,notamment pour les véhicules électriques, en rele-vant la nécessité d’une vision systémique prenanten compte les pratiques des usagers. Quant à l’hy-pothèse de la vertu du marché, notamment immo-bilier, allant spontanément vers la durabilité, défen-due par Lalou Khelifi, senior advisor (Stam Europe),elle a fait l’objet de vifs échanges... l J.-P.O. / A. L.

“Visions de la ville du futur”ATELIER 5

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Bunker converti en station d’énergie solaire à Wilhemsburg.

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mars-avril 2011 -N°377 /URBANISME

ATELIER 6

URBANISME / mars-avril 2011 -N°377

COLLOQUE INTERNATIONAL

“Le XXe siècle a été celui de la croissance urbaine,le XXIe verra le rétrécissement des villes sous l’effetdu vieillissement des populations à l’échelle plané-taire. Le projet Fiber City Tokyo 2050, sur lequelnous travaillons depuis 1999, se fonde sur l’accom-

pagnement du phénomène de rétrécissement enl’utilisant comme levier de la ville durable, bas car-bone et antisismique, bénéficiant d’un habitatrestructuré autour des transports et irrigués par denombreux espaces végétaux. L’agglomération deTokyo, avec ses 30 millions d’habitants, se trouveparticulièrement concernée par cette stratégie.Fiber City utilise la propension des “lignes” decontact, des frontières, des espaces linéaires – bap-tisés “fibres” – à décupler les échanges, la créati-vité et donc la revitalisation de la ville avec un mini-mum de moyens : restructurer un espace vert“carré” en étendant ses franges en longueur au seindu bâti donne plus de zones de contact et d’impactsur l’environnement par la simple extension de sonpérimètre. Il en va de même pour les rues commer-çantes telles que Ginza, les réseaux de transports

en commun ou de télécommunications qui consti-tuent autant de “fibres” urbaines favorisant la flui-dité et la multiplication des échanges. Nous avonsthéorisé cette intervention urbaine planifiée aumoyen de fines manipulations des “lignes/fibres”

existantes : quatre stratégies endécoulent.La stratégie du “doigt vert”(Green Finger) convertit ainsi enceinture verte les espaces situéstrop loin à pied des gares detransports de commun pour per-mettre une mobilité facile à unepopulation vieillissante. Le“réseau vert” (Green Web) per-met par exemple de transformerla portion d’autoroute métropo-litaine qui sera bientôt obsolèteen un parc linéaire qui permettraégalement d’assurer l’accès dessecours en cas de catastrophesnaturelles.Séparer les quartiers résidentielstrès peuplés du centre-ville par dessegments verts – “Segmentationverte” (Green Partition) – assure-

rait l’évacuation des populations et éviterait la propa-gation de l’énorme incendie qui menacerait Tokyo encas de tremblement de terre majeur. Environ 8 % desquartiers centraux denses devraient être ainsi recon-vertis.Enfin, les interventions en “plissage urbain” (UrbanWrinkle) consistent à requalifier les espaces linéairesexistants mais en déclin, devenus difficilesd’accès et invisibles dans l’ombre des tours :vieux canaux et leurs berges, boulevards plan-tés, espaces autour des viaducs, berges derivières… L’abondance de ces plis ou “rides”devient synonyme de richesses, dans l’urba-nisme que propose Fiber City Tokyo 2050. Le pro-jet a été publié et présenté en 2005 et devrait êtretesté à de petites échelles autour de Tokyo prochai-nement.” l Propos recueillis par K.G.

Hidestoshi Ohno,professeur à l’université de Tokyo

Les intervenantsGrands témoins : José Manuel Gonçalves,directeur du CentQuatre (Paris) et PaoloPissarello,adjoint au maire de Gênes (Italie).Session 1 :Michel Ladet (Sociovision),Fabienne Cresci (Grand Lyon),ChrisYounès(philosophe,enseignante),Pier GiorgioOliveti (Slow Cities International, Italie).Session 2 :Maurice Culot (architecte ethistorien), Jean-Luc Poidevin (Nexity),Yves Lion (architecte,urbaniste).

BFOCUS

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présenté plusieurs en cours de réalisation, avec unfocus particulier sur le Val d’Europe commeexemple d’une nouvelle urbanité résultant de laconjonction de trois composantes : une program-

mation urbaine reposant sur unemixité sociale et fonctionnelle, unurbanisme d’ilots mitoyens, derues, de places, de squares direc-tement inspiré des grandes villeseuropéennes, et enfin une archi-tecture référentielle néo-hauss-mannienne, néo-classique. Cestrois composantes contribuent àcréer une identité urbaine valori-sante, facteur majeur de cohésionsociale et donc de durabilitéurbaine.En écho, Jean Luc Poidevin, direc-teur général délégué de Nexity, aillustré cette recherche d’urbanitéavec la présentation de réalisa-tions de sa société intitulées “Leschemins de l’urbanité”, visant àrendre la ville désirable pour tous.De son côté, l’architecte urbanisteYves Lion s’est attaché à montrerquel type d’urbanité il propose

dans son projet urbain pour le cluster Descartes àMarne-la-Vallée, notamment pour donner uneidentité propre à un territoire vaste et hétérogène.Tout au long de cet atelier, en contrepoint des autresintervenants, José Manuel Goncalvès a témoignécombien la présence de l’action culturelle au cœurde la ville, ainsi que des interventions artistiquesemblématiques peuvent être des vecteurs majeurs,des catalyseurs de l’identité territoriale, à partir desexemples de l’estuaire de Nantes Saint Nazaire, del’opération Depayz’art en Seine-et-Marne et de sonprojet pour le “CentQuatre” à Paris. l A. L.

La ville durable est désirableCet atelier doté d’un intitulé affirmatif avait cepen-dant pour vocation, rappelée par son animateur,Alain Bourdin (IFU, université Paris-Est), de s’inter-roger sur “le désirable”, en évoquant dans sapremière session “Les modes de vie, moteurs detransformation de la ville” et envisageant dans laseconde “ Des projets urbains attractifs”.Côté modes de vie, le consultant Michel Ladet n’apas caché que ceux-ci seraient demain encore pluscontraints que ce soit du fait de l’économie ou dudéveloppement durable. L’enjeu est donc bien de“réconcilier les contraintes et le désir”, en s’ap-puyant sur de nouveaux groupes sociaux commeles “éco-solidaires”, plus présents cependant enAllemagne qu’en France. Pour Fabienne Cresci,déléguée générale au développement urbain duGrand Lyon, le défi pour les collectivités est savoir

conjuguer la ville désirable, la ville souhaitable etla ville solvable dans les documents de planifica-tion et les politiques publiques.La philosophe Chris Younès le dira à sa façon : lapuissance du désir d’habiter chez l’humain met entension la ville durable et la ville désirable. Laréponse est à chercher du côté de “la sagesse del’habiter ensemble”… Pour Pier Giorgio Oliveti,directeur de l’ONG Slow Cities International, cettesagesse passe de toute évidence par une redécou-verte de la lenteur, qui doit constituer un nouveauparadigme dans la gestion des territoires.Côté projets urbains attractifs, Maurice Culot en a

se traduit par trois scénarios : la ville privatisée (quise transforme par le marché, avec des formesurbaines inchangées), la ville dominée par la nature(où les habitants s’impliquent et veulent réconciliernature et urbain, en extension urbaine) et la ville“anneau” (polycentrique avec une ceinture urbainerenouvelée).

Thierry Gaudin, président de la Fondation 2100, aattiré l’attention sur de grandes tendances déjà enœuvre dans certains pays (Japon, cf. p. 30) quiconduiront à la diminution de population : celanécessitera de mettre en œuvre des stratégies derepli en bon ordre. Les villes qui survivront serontcelles qui miseront sur l’enseignement, la recherche,la culture, les zones d’excellence. l F.-X. R.

www.fibercity2050.net

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Val d’Europe, place d’Ariane à Serris.

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mars-avril 2011 -N°377 /URBANISMEURBANISME / mars-avril 2011 -N°377

COLLOQUE INTERNATIONAL

“L’étude lancée en 2000 par le gouvernement bri-tannique, Breakthroughs for 21st century [Percéespour le XXIe siècle - Ndlr] a fait émerger des idéesinnovantes pour changer durablement et profon-dément nos pratiques. En 2008, nous avons invitédes experts, des praticiens, des jeunes, des citoyensà soumettre des propositions dans ce sens : près de300 sont apparues, nous en avons pré-sélectionné40. 19 démarches étaient au final susceptibles d’ins-pirer véritablement un changement, d’avoir un réelimpact sur la durabilité, dans un laps de temps detrois à cinq ans. Traditionnelles ou technologiques,elles couvrent un large spectre du développement

durable à l’échelon individuel, du quartier, de la ville,de la région ou du pays. Souvent inspirées de pra-tiques locales, elles nécessitent cependant uneaction gouvernementale pour modifier les façonsde vivre, les lieux et l’économie. Quelques exemplesde ces actions : encourager les urbains à cultiverlocalement, comme à Todmorden où des légumespoussent dans des bacs le long du canal – c’est unmerveilleux moyen d’impliquer écoles et riverains ;développer des zones “bas carbone” pour luttercontre la pauvreté énergétique, les problèmes desanté et le réchauffement climatique en rénovantdes habitats en haute performance énergétique ;utiliser la participation publique dans la Royal Bankof Scotland pour créer une banque qui soutienne latransition vers une économie durable et bas-car-bone. Les projets concrets avancent.” l

“L’urbanisme expérimental facilite la réalisation dela ville durable par la co-création urbaine. Monexpérience dans la planification de villes commeVancouver, Rotterdam, Dallas, Oakland ou AbouDhabi m’a montré que ce qui paraît évident dans

les villes d’Europe de l’Ouest et représente le cœurde la durabilité urbaine – densité, mixité des popu-lations et des fonctions, transports alternatifs à lavoiture, “walkability”… ne coule pas de source dansd’autres cultures. En Amérique du Nord en particu-lier, les cités sont distendues, rarement dessinéespar des urbanistes. Les Nord-Américains ne dési-rent pas vivre dans la densité, synonyme pour euxd’espaces mal conçus. Pour les faire changer d’avis,l’urbanisme expérimental vise à dessiner les villes,mais sans plan rigide prédéterminé, en les co-créantavec la population. Cinq éléments permettent deparvenir à cette croissance urbaine intelligente : unevision urbaine forte portée par les pouvoirs publicset par une agence de planification compétente,capable par exemple de localiser emplois et loge-ments à proximité pour faciliter la politique de trans-ports ; un cadre réglementaire pertinent ; la com-préhension des besoins et des pratiques de lapopulation et son implication durable et profondedans le projet ; l’association des cultures publiqueset privées ; un design urbain explicite et soigné.Commerces de proximité et équipements publics,art urbain, qualité des espaces publics, échelle derues à taille humaine permettent aux habitants d’ap-précier la densité dans leur quartier.” l Proposrecueillis par K.G .

Larry Beasley,Beasley & Associates Planning Inc.,ancien directeur de l’urbanismeà Vancouver

Pour en savoir plus :www.sd-commission.org.ukB

FOCUS

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Les intervenantsGrands témoins :Colin Harrison(IBMCorporation),Éric Lesueur (2EI,Veolia Environnement).Session 1 : Eurico Neves (INOVA + SA,URBACT),Thierry Marcou (philosophe,FING),Fabien Leurent (École des Ponts Paris Tech),Jean Laterrasse (université Paris-Est),Julien Desplat (Météo France).Session 2 : Frans-AntonVermast(Ville d’Amsterdam),Bruno Berthon(Accenture),Dr BelindaYuen (Banquemondiale),Kristian Kloeckl (MIT / États-Unis).

BCet atelier, animé par Michel Ray, présidentd’Advancity, a abordé dans sa première session lesprocédés et processus “Vers des villes plus intelli-gentes et plus ouvertes ?”, avant de traiter dans laseconde “Des solutions pour passer des idées àl’action”. D’Amsterdam à Singapour en passant parMasdar City (éco-ville d’Abou Dabi) et le Senseablecity lab du MIT à Boston, de multiples innovationsurbaines sont testées voire disponibles pour ledéveloppement durable. Mais Éric Lesueur, PDGde 2EI (Veolia Environnement) a mis en gardecontre “la culture de l’ingénieur” et souligné l’im-portance des facteurs culturels face aux nouvellestechnologies. Pour mettre en œuvre le programmeSmart City visant à réduire les consommationsénergétiques et les émissions de gaz à effet deserre, la Ville d’Amsterdam a créé une plate-formeréunissant les différents acteurs – pouvoirs publics,habitants, entreprises. Jean Laterrasse, professeur(université Paris-Est), a posé la question du référen-

Innover dans des systèmes urbainscomplexes

Créer, inventer,vivre autrement la ville de demain

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L’atelier animé par Ludovic Halbert (CNRS, univer-sité Paris-Est) a exploré la créativité spontanée dansles usages de la société civile, et les moyens qu’ontles décideurs de la capitaliser pour la transformeren espaces et en services urbains. Et vice versa.La ville durable ne se décrète pas, elle s’invente, sou-vent avec les habitants. L’Institut pour la ville en mou-vement (IVM) a ainsi repéré des pratiques “invi-sibles” dans le champ de la mobilité de personnesen insertion et en a tiré des recommandations auxpouvoirs publics. Sa déléguée générale, MireilleApel-Muller, a expliqué comment l’IVM avait tiré del’expertise des associations des solutions d’accès àla formation, à l’emploi ou encore à la santé pour lespersonnes malades ou au chômage : apprentissagedu vélo, location sociale de véhicules…Autres comportements spontanés identifiés cette foispar Jérôme Monnet, professeur à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée, les services “furtifs” de la “villeinformelle” –affichage culturel sauvage, ventes de“snacks”... – rendus aux usagers à la sortie du métroBibliothèque François-Mitterrand à Paris par exemple,répondent de façon souple à un besoin réel, mais auprix de la précarité des vendeurs et autres afficheurs...La Ville formelle durable gagnerait économiquementet socialement à leur donner plus de place.À l’opposé, George Amar, directeur de la prospec-tive à la RATP, et Nicolas Buchoud, du cabinet deconseil Renaissance urbaine, explorent les trans-

ports de demain qui influenceront les pratiquesdurables notamment par l’utilisation des temps etdes lieux de transports pour créer du lien et échan-ger de l’information. La vitesse ne fera pas tout, aucontraire. Pour se restructurer de façon durable, ter-ritoires et individus ont besoin d’alterner rapidité etlenteur, ancrage fort et “légèreté”.L’analyse de Gilles Berhault, président d’Acidd, vadans ce sens : “Les nouvelles mobilités impliquentde vivre léger : être usager automobile et non pluspropriétaire, travailler en télé-travail dans desespaces de “co-working”, se déplacer grâce auxréseaux intelligents. Des métamorphoses conver-gentes émergent à la croisée des limites environ-nementales et sociales du système, de la civilisa-tion numérique et de la globalisation.” l K.G.

Les intervenantsGrands témoins : Larry Beasley,Beasley& Associates Planning Inc., ancien directeurde l’urbanisme àVancouver, et Rudolf Schicker,adjoint au maire deVienne (Autriche).Session 1 :Mireille Apel-Muller (Institut pourla ville en mouvement), Sue Dibb (Commissiondu développement durable/ Royaume-Uni),JérômeMonnet (université Paris-Est).Session 2 :George Amar (RATP),Gilles Berhault(Comité 21 et Acidd),Nicolas Buchoud(Renaissance urbaine).

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tiel d’évaluation de ces initiatives et de la cohérenceentre planification urbaine et développementdurable. En effet, le pilotage de projets complexesnécessite une gouvernance adaptée et des outilsd’évaluation fiables, qui restent encore à mettre aupoint. l A. L.

Sue Dibb,responsable du commerce et de laconsommation durable, Commissiondu développement durable britannique

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Autour de deux thématiques extrêmement diffé-rentes a priori, les deux ateliers ont mis en évidencecomment la ville durable amenait à réinventer lefonctionnement de la ville, au plan de la démocra-tie locale comme de la technologie. Dans les deuxcas, ces évolutions proviennent de moteurs locauxqui se réapproprient les enjeux globaux, de manièreà favoriser l’attractivité de la ville au travers du bien–ou du mieux-être de ses citoyens d’une part, vis-à-vis du monde économique d’autre part. Ainsi, ledéveloppement local de la ville durable, au traversde l’attractivité, implique une compétition entre lesvilles, de l’échelle régionale à l’échelle mondiale,dont on peut se demander si elle n’est pas, àl’échelle de la planète, contre-productive.Cette réinvention du fonctionnement de la villepasse d’abord par le dépassement de la méfianceet du scepticisme des citoyens.Sur le plan de la démocratie locale, cela impliquede travailler sur le temps long, parfois difficilementcompatible avec le rythme des échéances électo-rales, et d’inventer de nouvelles formes de partici-pation. De nombreuses expérimentations sont encours, visant à aller vers les citoyens et à partager

une information qui permette d’appréhender demanière commune les questions de multiplicité deséchelles temporelles et spatiales d’action et dessavoirs multiples entrant en interaction.Sur le plan de la technologie, cela implique de repo-sitionner le citoyen au cœur des préoccupations del’innovation, en ne se limitant pas à un cœur de cibleque constitueraient les catégories favorisées et enintégrant les risques relatifs à la liberté individuellequi sont liés à la multiplication des systèmes decontrôle visant à optimiser le fonctionnementurbain. Plus généralement, cela impose que soitconcertée la question du référentiel d’évaluation,qui seul permettra l’articulation du développementdurable et de la planification urbaine et la prise encompte de la complexité inhérente au systèmeurbain.Il existe un risque de simplification de la villedurable autour d’un discours technique et d’inno-vations technologiques, qui peuvent amener à uneposture idéologique et qui ne correspondent pasdu tout aux aspirations des habitants. Il importe quetous les acteurs de la ville durable aient perpétuel-lement ce risque à l’esprit. l Bruno Tassin

Deux sujets récurrents sont revenus dans les dis-cussions et les contributions des deux ateliers. Lepremier est la définition du “bon périmètre” d’éla-boration et de décision de la ville : le paysagistedésigne l’aire régionale, l’élu préfère les limites duSCOT et l’écologue considère les territoires de labiodiversité. Les interdépendances entre ces péri-mètres montrent que l’enjeu est désormais de tra-vailler d’une manière simultanée et systémique suret à plusieurs échelles. La recherche pour com-prendre les flux de matières de Paris finit par consi-dérer la France, l’Europe et l’Amérique Latine(Sabine Barles). Le décideur et le concepteur doi-vent négocier et contractualiser avec les différentesinstances de pouvoir à plusieurs échelles (MartinVanier). Le deuxième sujet est le passage du par-ticulier au général. Beaucoup de réalisations dudéveloppement durable en milieu urbain prennentla forme de projets ponctuels : éco-quartiers, smartgrids, parcelles d’agriculture urbaine, expérimen-tations des TIC destinées à la mobilité, etc.

L’interrogation (parfois la critique) des décideurset des chercheurs porte sur la montée en généra-lité. Le responsable politique demande commentpasser de ces périmètres particuliers aux politiquespubliques. L’industriel cherche à transiter du pro-totype à la série. Le chercheur s’interroge sur lagénéralisation des enseignements livrés par ces“îlots de ville durable”. Les propositions de“visions urbaines” se multiplient pour situer cesréalisations ponctuelles dans des perspectives pluslarges (Jacques Theys) : prospectives, projets anti-cipateurs, simulations de scénarii. Ces deux sujetsindiquent deux défis au moins. Sur le plan théo-rique, la ville durable est-elle réductible au para-digme du “systémique” et de sa “complétude” ?Du point de vue de la décision, faut-il nécessaire-ment généraliser ? La ville durable est-elle autrechose que le produit de l’industrie du prototype,de la politique des exceptions et de la collectiondes terrains d’observation et d’expérimentation ?

l Taoufik SouamiURBANISME / mars-avril 2011 -N°377

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Les ateliers 1 et 6 ont mis l’éclairage sur la dimen-sion sociale (inégalité, solidarités) et sociétale(nature du lien social et quelle société voulons-nous ?)du développement durable dans ses modalitésurbaines. Ils en ont fait ressortir des visions assezcontrastées. En effet, les contributions s’ordonnent,peu ou prou, autour de la tension entre deuxgrands idéaux types de la ville durable : l’un quel’on pourrait qualifier de “communautaire” et l’autrede “sociétaire”, au risque d’être quelque peu sché-matique ; ces visions contrastées ont cependant encommun de poser la question du statut du politiqueet des fondements de l’action publique.

L’approche communautaireOn peut proposer cette première grille de lecture àpartir d’une certaine congruence entre les problé-matiques de la décroissance, des références tem-porelles dominées par le passé, dans une vision deretour à la nature libérée de l’influence négative dessciences et des techniques, et des référencessociales, spatiales et territoriales valorisant la proxi-mité, dans une représentation du champ d’actionmarqué par l’échelle locale voire micro-locale. Laville durable comme ville solidaire se joue dans larecherche d’un certain entre-soi, dans une certainecommunion de modes de vie et des valeurs. La villedurable comme ville désirable se joue dans la limi-tation de l’extension urbaine, dans un arrêt porté àla vitesse. Il en découle la vision d’une ville aux ver-tus plus protectrices que libératrices.

L’approche sociétaireL’approche sociétaire rassemble des éléments lar-gement opposés à la précédente : elle porte sesespoirs dans la poursuite de la croissance, mais fon-dée sur de nouveaux ressorts, de nouveaux modèleset de nouvelles dynamiques ; elle leur associe des

visions délibérément tournées vers le futur, dans unsociété articulant différentes échelles territoriales,dont l’échelle mondiale n’est pas exclue ; elle pensela transition d’un modèle de développement à l’autrecomme une véritable opportunité de libération denouvelles formes de créativité dans l’usage commedans la fabrique de la ville ; elle ne rejette pas la rela-tion des sciences à la nature mais elle lui associed’autres fondements d’action (la réflexivité notam-ment). La ville durable comme ville désirable est cellequi sait intégrer la diversité dans sa conception dela solidarité (ainsi de la place des politiques d’inté-gration des migrants qui se pose comme l’une desquestions clé en Europe). Mais c’est aussi celle quisait répondre aux multi-appartenances de l’individu,à son caractère pluriel. L’approche sociétaire peutnourrir à la fois une vision des futurs quelque peuenchantée, mais en l’associant le plus souvent à denouvelles capacités d’action.

Repenser le statut du politiqueLes deux lectures proposées (communautaire etsociétaire) s’accordent pour dénoncer le renforce-ment des inégalités et pour stipuler la nécessité derevoir le statut du politique et les fondements del’action publique. Les réponses apportées peuventcependant susciter de nouvelles inégalités ou ren-forcer celles qui existaient déjà. De même, elles par-tagent la même aspiration à fonder ou refonder l’ac-tion publique sur des démarches bottom up plutôtque top down, misant sur la créativité plutôt quesur la normativité.Toutefois, face à la complexité de l’action, il n’estpas toujours facile d’échapper à l’hégémonie desdiscours techniques et des recettes de l’ingénierie,au risque d’étouffer, sous la prégnance d’un éco-fonctionnalisme, toute idée de ville durable comme“ville désirable”. l Élisabeth Campagnac

Les tensions de la ville durablepar Élisabeth Campagnac(LATTS, École des Ponts Paris Tech, université Paris-Est Marne-la-Vallée)

Innovation technologiqueet défi démocratiquepar Bruno Tassin (École des Ponts Paris Tech, université Paris-Est)

SYNTHÈSE

Le (difficile) passage de la visionà l’actionpar Taoufik Souami (université Paris-Est Marne-la-Vallée)

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Pour être durable, la ville (appréhendée à l’échelledu bassin de vie) doit être désirable, a posé d’em-blée Bernard Poirier, vice-président de RennesMétropole. Dans ce sens, “la technique ne fait pastout” et seule “l’évolution des comportements per-mettra de changer les choses”. Il faut des outils deprojet, de planification, de mise en œuvre, mais cesoutils sont d’autant plus efficaces qu’existe unecontinuité d’action politique volontaire et soucieusede cohésion sociale. C’est l’exemple l’aménagementd’un éco-quartier dans la ZAC de la Courrouze entreRennes et Saint-Jacques de la Lalande qui s’inscritdans une stratégie urbaine menée depuis quaranteans. Dans un autre registre, 35 des 37 maires del’agglomération ont signé le manifeste européende la Convention des maires pour le climat.

Les politiques europénnes en questionDe son côté, Corinne Hermant de Callataÿ, admi-nistrateur à la direction générale politique régio-nale de la Commission européenne, a rappelé lesinitiatives européennes comme les actions Urban,le programme URBACT, l’élaboration du cadre deréférence pour la ville durable et solidaire, laconvention des maires pour le climat, les labels“Capitale verte” (Stockholm 2010, Hambourg2011)… Elle a également évoqué l’avenir de la poli-tique européenne régionale, qui peut évoluer soitvers des interventions plus sectorielles, par exempledans le domaine énergétique, ou vers des politiquesplus intégrées.

Les futurs possiblesLe regard d’Eduardo Lopez Moreno, directeur del’observatoire des villes ONU Habitat, a fait appa-raître différentes tendances d’évolution des villesdu monde. Certaines positives : nombre de villessont devenues plus riches et plus prospères. Mêmesi une tendance à la décroissance de certainesd’entre elles devrait se développer sensiblementdans les prochaines décennies. Parmi les tendancesnégatives appelées à se poursuivre : l’étalementurbain lié plus ou moins à la spéculation foncière,les fractures urbaines et économiques, l’augmen-tation du nombre de bidonvilles… Toutes ces évo-lutions rendent les villes plus vulnérables, à la foisphysiquement et socialement. Les nouvelles tech-nologies les rendront-elles plus viables, par

exemple en permettant l’essor des énergies renou-velables ? Quand on examine les futurs possibles,il apparaît nécessaire de mettre en avant plusieursobjectifs : valoriser les villes intermédiaires pourcontrer la croissance des grandes villes et réduireles déséquilibres régionaux, développer un nou-veau pacte social en mettant davantage l’accent surl’humain, reconfigurer le modèle de gouvernanceen s’ouvrant à une participation plus démocratique.Eduardo Lopez Moreno a également posé le pro-blème de l’orientation des interventions des insti-tutions financières comme la Banque mondiale.

De nouvelles promessesPierre Radanne, consultant international, présidentde Futur Facteur 4, a apporté un regard et uneapproche plus transversaux. Il note une vibrationde nos sociétés autour des exigences de démocra-tie et de protection sociale. Des expériences mon-trent (élaboration de Plans climat territoriaux)qu’une mise au travail des citoyens permettant uneco-construction et un accouchement collectif abou-tit, mais cela demande d’y consacrer du temps. Car“nous assistons au passage d’une société deconsommation à une société relationnelle”. Laconférence de Rio + 20 en 2012 est le grand rendez-vous des défis mondiaux, “un moment fondateur”d’une demande de régulation sociale de l’écono-mie à l’environnement, d’un débat planétaire ali-menté par l’expérimentation et l’imagination etpeut-être d’un futur convergent et de nouvelles pro-messes pour l’humanité. lA. L. et F.-X. R.

La table ronde de clôture, le 21 janvier après-midi, s’est interrogée :“Quelle place pourles villes durables dans l’agenda européen et dans la perspective de Rio + 10 ?”.

Agenda européen et Rio + 20

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Mobilis in mobile, cette caractéristique d’un monderéflexif est-elle aussi le lot d’un “durable” qui nepourrait durer qu’en évoluant ? C’est ce “fil rouge”que nous suivons pour rendre compte des deuxateliers. Ce choix implique de faire le deuil de larichesse des interventions au profit de la dialectiquedu visible et de l’invisible, du dit et du non-dit, desimages et des mots de la durabilité.

Le rôle de la finance immobilièreLa ville d’abord. Elle doit être dense, mixte, sobre,bien sûr. Les quartiers précaires qui ceinturent lesgrandes villes du monde se retrouvent dans ces cri-tères, on peut y ajouter leur gouvernance innovanteet leur capacité à créer massivement des emploisde service. Les images des villes durables ico-niques, au top du hit-parade de la durabilité, sontau contraire celles d’espaces publics généreux etsouvent verts, produits d’un experiencial planningrecherchant attractivité et identité différenciatrice,de morceaux de villes qui sentent le propre, à lapopulation blanche, d’où les nappes pavillonnaires,les diasporas qui concourent à la globalisation sontabsentes.La densité des parcs de tours de bureaux, sponta-nément produite par l’argent sans frontière de lafinance immobilière, est visible. Cette financeest–elle une alliée du développement durable,quand l’habitat de ses employés – éloigné des zonesde haute pression des prix immobiliers ainsi créées– est lui invisible ? Invisible aussi, et pourtant utileet nécessaire, ce maillage off du territoire par desassociations organisant les mobilités, notammentde retour à l’emploi, de précaires à l’écart desréseaux publics de transport. Visibles et pourtantignorés, ces commerces ambulants, qui articulentles mondes formels du téléphone ou du rafraîchis-sement et l’informel de la survie durable dans larue et les métiers en mouvement. De quoi enrichirla liste des protagonistes d’un espace, qui est pluslongue que celle des “usagers” officiels…

Régles et innovationsL’innovation ensuite. L’icône en est-elle cesfameuses smart grids qui optimisent la relationentre des productions électriques décentralisées eterratiques et des usages variables, et exigent unmaximum d’intégration dans un contexte où l’iden-tification des segments de process créateurs devaleur et leur gestion autonome (l’unbundling) estla règle du renouveau libéral, à tel point qu’on nesait toujours pas qui finance les “pompes à électri-

cité” ? Est-elle dans l’éloge du métissage commeprocédé à part entière d’innovation, devant débou-cher, dans les transports par exemple, sur une mul-titude de modes hybrides conçus à partir de briquesélémentaires (les baskets, le véhicule individuel, lebus, le rail…) ? Est-elle dans la stratégie des déve-loppeurs de La Courrouze où des exigences dedurabilité sont financées par des compromis surd’autres fonctionnalités ? Ce “donnant donnant”local et vertueux ne doit-il pas nous rappeler quenombre de dispositions du droit hérité de l’urba-nisme et de financements incitatifs (le Scellier estcité) vont à l’encontre de la durabilité, et que la dura-bilité et son financement passent aussi par la des-truction créatrice, ce qui suppose quelque dialogueentre l’État et les collectivités ?

Le choix des motsLe vocabulaire des objectifs ensuite, pour lequel onse limitera ici à glaner quelques termes qui réincor-porent la vie dans le durable. Confiance, caractère,emotional appeal, guenuine city life, confort versusbrutalité des ingénieurs et architectes modernes,sérendipité versus fonctionnalisme, reliance ver-sus puissance.

Les questions orphelinesLa méthode enfin. Est-elle dans cette “strong andcompelling vision, strong regulatory framework,pervasive public involvment, explicit design”/1,synthèse d’un néo saint-simonisme vert ? Est-elledans la modestie du gouvernement de SaGracieuse Majesté lançant aux citoyens un appel àidées “décoiffantes” pour des vies plus soutenables ?Est-elle dans l’exigence du décentrement du regard,condition de reconnaissance des pratiques invi-sibles, des circulations non marchandes, des ques-tions orphelines à mettre à l’agenda et sur les-quelles on peut et doit construire l’avenir ? Peut-elleenfin se passer de pratiques d’évaluation, dont l’ab-sence est assourdissante et inquiétante dans uncontexte où ne se concrétiseront que les projetsqu’on saura financer ? l Jean-Pierre Orfeuil

1/Vision forte etconvaincante, cadrerégulateur puissant,implication publiqueà tous les niveaux,conception claire.

L’économie de l’invisibleet du désirpar Jean-Pierre Orfeuil (UPEC, université Paris-Est)

CLÔTUREATELIERS 3 ET 7

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BAnimation des séancesplénières :Denis Chessoux.

Synthèsedes interventionset comptes rendusdes ateliers,par Karine Grollier,François Xavier-Rousselet Antoine Loubière.

Page 9: PENSERETFAIRELAVILLEDURABLE - DEAL de la Martinique

URBANISME / mars-avril 2011 -N°377

COLLOQUE INTERNATIONAL

REGARD POST-COLLOQUE

“Susciterdes questionnements croisés”

Michèle Pappalardo *

Pour en savoir plusprogramme du colloque, interventions, interviews (vidéo) :www.developpement-durable.gouv.fr/colloquevilledurablebibliographie très complète sur la ville durable :www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Ville_durable_CRDD_01-2011.pdf

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Pour quelles raisons, avez-vous choisid’organiser ce colloque ?La ville durable est un thème mobilisateur, trans-versal, qui renvoie à de nombreuses initiatives tantà l’échelle locale que nationale ou européenne,notamment au plan Ville durable lancé par le minis-tère en octobre 2008. De manière complémentaire,il nous a paru important de redonner du sens auconcept de ville durable, de susciter des question-nements croisés entre le monde de la recherche etcelui de l’opérationnel. Et sa localisation à la CitéDescartes à Marne-la-Vallée, où se structure actuel-lement une communauté de recherche de premierplan, au niveau mondial, sur les questions urbainess’imposait.

Quelles leçons en tirez-vous a posteriori ?Le colloque m’a conforté dans l’idée qu’il n’y avaitpas un modèle de ville durable mais plutôt unediversité de visions qui répondent à des stratégiestrès différentes portées par des acteurs locaux. Onretrouve cependant un certain nombre de pointscommuns. J’en citerai plus particulièrement deux :d’abord, la nécessité d’associer toutes les partiesprenantes, aussi bien les milieux économiques,que les habitants ou leurs représentants. Le suc-cès des projets de Vancouver, de Portland (USA),de Stockholm ou plus près de chez nous de Loos-en-Gohelle en témoigne. Ensuite, la nécessité dedécloisonner les approches, de considérer la villecomme un système dont les différentes compo-santes (habitat, transport, urbanisme, activités éco-nomiques..) interagissent entre elles. De ce pointde vue, l’intégration des technologies doit favori-ser ce mouvement.

Quels sont les moyens de favoriser la fertilisationcroisée entre la recherche et la mise en œuvreopérationnelle ?La recherche et les activités opérationnelles n’ontpas la même dynamique : la première isole desquestions ; la deuxième repose sur des corpus d’en-semble. Par ailleurs, elles n’ont pas le même rapportau temps. Rapprocher le monde de la recherche decelui des projets opérationnels implique de nou-veaux espaces et méthodes de travail et de nou-velles formes de partenariat, comme la co-concep-tion des projets ou des expérimentations en vraiegrandeur. L’exemple des “living labs urbains” /1,laboratoires “in vivo” d’innovations urbaines asso-

ciant organismes de recherche et collectivités ter-ritoriales sur un site donné me paraît un très bonexemple.

Quelles suites concrètes allez-vous donner à cecolloque ?Le colloque a montré la nécessité non seulementpour la recherche, mais aussi pour les collectivitésterritoriales et les entreprises de mieux collaborer.Nous devons y répondre avec différents moyens.Les prochains Entretiens du CERTU /2 début 2012seront une occasion de rencontre et d’échange desavoir faire. Plus globalement les travaux menéspar le CERTU permettent de capitaliser et de diffu-ser des résultats de recherche, en les rendant acces-sibles aux collectivités territoriales ou aux profes-sionnels.Il me semble également essentiel de valoriser l’ou-verture internationale. Les contacts noués avec plu-sieurs participants, mais aussi lors du Symposiumde la Recherche Urbaine que nous avions organiséà Marseille en Juillet 2009 avec la Banque Mondialeet l’AFD /3 nous ont permis d’identifier des insti-tutions, de repérer des experts avec lesquels noussouhaitons poursuivre les échanges et s’associerdans des programmes de recherche et d’expéri-mentations. Au delà, ces échanges peuvent débou-cher sur la constitution de partenariats intégrantdes entreprises dans la perspective de proposerune offre “ville durable intégrée” à l’export.Enfin, le ministère investit des forces de rechercheconsidérables dans la constitution d’un pôle d’ex-cellence sur la ville durable à Marne-la-Vallée. Lecolloque a permis de donner de la visibilité à cepôle, mais nous devons poursuivre la collaborationavec les acteurs locaux (Epamarne, Advancity, PRESuniversité Paris-Est) comme avec le CERTU oud’autres acteurs nationaux pour favoriser sa mon-tée en puissance. Il s’agit de constituer à terme unevitrine de l’expertise française sur la ville durable.lPropos recueillis par A. L.

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Allocution de clôture par Michèle Pappalardo.

* Commissaire générale audéveloppement durable.

En partenariat avec

Avec le soutien de

1/Le concept des “living labsurbains” est mis en avantdans le projet d’Institutd’Excellence des EnergiesDécarbonnées, portéepar le PRES UniversitéParis-Est dans le cadre desinvestissements d’avenir.

2/Centre d’études sur lesréseaux, les transports,l’urbanisme et lesconstructions publiques.

3/Agence française dedéveloppement.