lo verosimil en el relato fantástico (fr)

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    SBORNK PRACf FILOZOFICK F A K U L T Y BRNNSK UNIVERZITYSTUDIA MINORA FACULTATIS PHILOSOPHICAE UNIVERSITATIS BRUNENSIS

    L 51983 (TUDES ROMANES DEBRNOXIV)

    JIR SRAMEK

    L A V R A I S E M B L A N C E D A N S L E R C I TF A N T A S T I Q U E

    Dans sa Potique, A r i s t o t e dit que la tche du pote n'est pascelle de raconter ce qui s'est pass effectivement mais ce qui a pu sepasser ce qui est possible du point de vue de la vraisemblance (PoeticaIX, 1451, a b). Vraisemblables sont par consquent les faits qui peuventarriver, ou mieux encore qui arrivent le plus souvent, comme il le prcise dans sa Rhtorique en impliquant ainsi la thorie de la vraisemblancemathmat ique {Rhetorica I 2, 1357). Aristote est prt accepter l ' impossible dans la posie, condition que celui-ci soit mot iv par lesbesoins de la cration potique (Poetica X X V , 1461 b), tout en prfrantl'acceptable l' incroyable, parce qu'il faut que rien dans les vne ments ne s'oppose la raison (Poetica X V , 1454 b), et que le poterespecte la vraisemblance (ou la ncessit) dans le dve loppement del'action et dans la conduite des personnages ce qui implique le principe de la logique interne du rcit (Poetica X V , 1454 a). La notion devraisemblance -imitation du monde rel dans le conte fantastique fait, ct de celle de vraisemblance - cohsion du rcit, l'objet du prsentarticle.

    Le conte fantastique en France est son apoge dans le deux ime tiersdu XIX e sicle, et c'est de cette poque-l que nous avons tir, quelquesexceptions prs, les textes qui constituent notre corpus. Un examen decelui-ci montrera que les auteurs du fantastique puisent abondammentdans le fond des procds de vraisemblabilisation, de ceux qui sont misau service de ce que Charles G r i v e1appelle la vraisemblance ausensvulgaire, dfinie comme la supposition, implicite la lecture, que letexte reprsente avec approximation le monde.1Le fantastique, non seulement ne se trouve aucunement aux antipodes du rel, mais encore il estinsr dans le rcit d'une telle faon que la force reprsentative de celui-ci invitablement subvertie n'en soit pas trop rabaisse.

    Pour ce qui est de la vraisemblance-imitation du monde rel, il est

    1 Charles G r i v e l , Production de l'Intrt Romanesque. The Hague-Paris, Mouton 1973, p. 250.

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    possible de dire que chaque vnement qui chappe l 'exprience empirique et la saisie intellectuelle de l'homme est inadmissible et positivement irralisable et, par consquent, invraisemblable, voire absurde. L'introduction d'un tel vnement dans le rcit risque de compromettre touteillusion de la vrit de celui-ci. En ralit, le vraisemblable est, avecl'invraisemblable, une catgorie historique. Le problme de la vraisemblance, tel qu'il se posait pour la l ittrature fantastique du X I X e sicle, sesitue entre la conception de la vraisemblance issue de l 'poque du classicisme et de l'ge des lumires, et celle qui sera adopte par le ralismepositiviste. La critique du XVII e et duXVIII e sicles reprochait aux rcitsromanesques de l 'poque leur incroyabil i t due aux dbauches de la fiction, et plaidait pour le vrai et le naturel, en refusant en premier lieules jeux frquents du hasard qui facilitaient trop le travail du romancier.

    Ces hasards, cependant, avec leur caractre de concidences statistiquement invraisemblables, peu probables, mais empiriquement possibles, necomportaient aucun lment surnaturel. Pour les auteurs ralistes et naturalistes du X I X e sicle, la formule de la vraisemblance se laisse ramener la dfinition offerte par Ch. U r b a i n : La vraisemblance consiste prsenter des faits supposs, de telle manire qu'ils paraissent vrais, les environner de circonstances telles que s'ils eussent t rels, ils sefussent passs ainsi . 2

    Le conte fantastique du X I X e s icle se situe aussi entre le merveilleuxutopique d'une part, et celui de la science-fiction d'autre part. Dans lesutopies, le problme a tv i t enplaant l'action utopique dans unespaceimaginaire, ventue l l ement dans un avenir loign,o tout tait possible (etempiriquement non vrifiable) grce la supposition intrinsque de jamais encore et pas ici. La l ittrature de la fiction scientifique extrapolela connaissance scientifique, tout en respectant certaines limites en conformit avec les rgles du genre (cf. la dif frence entre science-fiction etsciencephantasy).

    Charles N o d i e r qui, aprs Jacques C a z o t t e , a inaugur la l ignedes conteurs fantastiques en France, s'imagine une histoire sans parureet sans dgu i sement 3 o il importe apparemment de prserver le principe de la val idit de la valeur rfrentie l le de l 'nonc, et l'auteur est

    invit mobiliser cet effet tous les moyens dont il dispose: ( . . . ) jen'ai pas renonc raconter des histoires auxquelles je suis souvent leseul croire, et je voudrois bien savoirpourquoi, mes histoires runissanttous les motifs de crance qu'on peut chercher dans les histoires, la vraisemblance des faits et la loyaut du tmoin dsintress qui les rapporte . 4 La campagne en faveur du vraisemblable dans le conte fantastiquea commenc ds les annes vingt du X I X e sicle. Comme l'a formulA m p r e dans son article publi dans Le Globe en 1828, le conte fantastique devait cesser de porter (comme le roman noir) unper pt uel dfi la raison et au bon sens, et recourir ce qu'on appelait alors le mer-

    2

    IUd.,p. 246.3 Charles Nod ier , , Contes fantastiques.Paris, J.-M. Dent et fils, Londres, J. M.

    Dentand Sons^Ltd., New York, E. P. Duttan andCo., sine, p. U89.4 Ibid.,p. 185.

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    veilleux naturel (rves, hallucinations, influence de drogues, etc.).5 Nodier distingue l'histoire fantastique fausse (les contes de fes), vague(celle qui laisse l 'me suspendue dans un doute rveur) , 6 et vraie (c'est-

    -dire celle qui relate un fait tenu pour matr ie l lement impossible quis'est cependant accompli la connoissance de tout le monde) . 7 Ladernire dfinition met en relief ce qui semble tre le problme crucial dugenre fantastique: la vraisemblabilisation du merveilleux. Pourreprendreles paroles de F . - M . D o s t o e v s k i , le fantastique doit s'approchertellement du rel qu'on soit presque oblig d'y croire, 8 et N. G o g o lparle du fantastique devenu persuasif au moment o il entre dans laralit quotidienne.9

    Pour ce qui est de la vraisemblance-cohsion du rcit, le pan-dterminisme, terme lanc par Tzvetan T o d o r o v , 1 0 n'empche pas que toutes

    les donnes soient engages dans la logique de la narration, le contefantastique restant f idle ses prmisses . Le pan-dterminisme rend possible des rapprochements surprenants, mais le rcit fantastique ne secontente pas d'un hasard, il ne cumule pas non plus des vnementsdiscontinus. Du point de vue des lois de la logique, la condition sine quanon de la val idit de toute conclusion est la relevance de prmisses: l'antcdent doit tre relevant au consquent. Pour que le rcit soit vraisemblable (logique) il faut bien veiller cette relevance sans laquelle ilperdrait sa cohrence interne et ne serait plus fantastique, mais absurde.Or, dans de nombreux textes, la logique interne du rcit est accentuepar diverses ides sous-jacentes ou thories dveloppes l'appui de la

    dicibilit et de la l isibil it des vnements fantastiques relats. Qu'ilsuffise de citer la prise la lettre de la phrase d'introduction de Vra(L'Amour est plus fort que la mort, a dit Salomon: oui, son mystr ieuxpouvoir est i l l imit) , 1 1 phrase qui est ralise dans le rcit (les Idessont des tres v ivants) , 1 2 ou ce que Jean D e c o t t i g n i e s appelle leprojet directeur dans La Morte amoureuse, savoir que la nouvelle estbase sur l'avis du prtre Romuald que l'amour ne peut tre partagqu'avec un tre en perdition, et qui confre la figure de Clarimondeles prrogatives d'un objet vraisemblable et lisible,1 3la philosophie pytha-

    5

    Jules M a r s a n , Introduction, in: Grard de N e r v a l , Nouvelles et fantaisies. Paris, Librairie AncienneHonor Champion1928, P. VI.6 Charles Nodier , op . cit., p. 16.7 Charles N o d i e r , op.cit.,p.il T.8 Lettre J.-F.Abazova du 17 juin 1880, in: F . -M. D o s t o e v s k i , Pisma,

    Moscou-Leningrad ,1959, p. 176. Cit par A.-S. B o u c h e m i n e , Kontinuita ve vy-voji literatury (La Continuit dans l'volution de la littrature). Praha,, Lidov-nakladatlstvf 1977, p. 302.

    9 Cit par V o l k e n s t e i n, Vdec a literaturao Poznmky fyzikovy (Le Savantet la littrature, Notes d'un physicien), in: Umleck a vdeck tvorba (La Crationartistiqueet scientifique). Praha,Odeon 1977, p. 111.

    1 0 Tzvetan T o d o r o v , Introduction la littrature fantastique.Paris, Seuil 1970,p. 118-119.

    u V i l l i e r s d-e l ' I s l e -A d a m , Oeuvres compltes II, Contes cruels. Paris,Mercure de France, sine, p. 21.

    , 2 Ibid., p. 32.u Jean D e c o t t i g n i e s , propos de La Morte amoureuse de Thophile

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    goricienne invoque par le diable (La Mtempsychose), les thses sur latranssubstantion expl iques lord Ewald par Edison (Eve future) ou lesavoir occulte du docteur Cherbonneau(Avatar).

    La vraisemblance ne s'identifie pas avec la vrit . Les discussions surle ral isme l'ont d'ailleurs suffisamment p r o u v . 1 4 Il est peine indispensable de rpter que la vracit (ou la fausset) d'une oeuvre littrairene se trouve pas dans un accord exact du texte avec la ralit extratextuelle. Par ses modalits diffrentes, la catgorie du vraisemblabledans le rcit ne se situe pas l'un des ples opposs des paires anto-nymiques: rel irrel, possible impossible, ralisable irralisable,vrai faux, mais elle se classe plutt entre les catgories du ncessaire(= ce qui est indispensable, ce qui doit se produire dans le systme donn)et ducontingent (= ce qui peut tre ou n'tre pas). Ce classement permet

    une distinction plus nuance, savoir: ncessaire > vraisemblable s

    contingent. Laspcificit du genre fantastique consiste prsenter une actionmatr ie l lement impossible ce niveau intermdiaire. Les auteurs dufantastique l'obtiennent par le biais de divers procds de vraisembla-bilisation qui, il faut le dire ds le dbut, ne sortent pas du cadre p h n o mnologique. Voil pourquoi les conteurs fantastiques voquent destmoignages, rassemblent des prcisions exactes en matire de dateset de lieux, et cherchent une formule qui permettrait de faire passerl ' vnement fantastique pour exceptionnel mais quandm m e advenu.

    Le conte fantastique du X I X e s icle met ainsi en doute la sret d'elle-m m ede la science positive dans la mesure o il ne respecte pas le modle

    scientiste du monde et, en plus, compromet les outils de connaissancedvelopps l 'poque du positivisme. Malgr les paroles de Nodier citesci-dessus, les auteurs du fantastique sont les premiers ne pas croire leurs fictions. Les procds dont le fantastique est accueilli, interprtou expliqu dans le texte, travers les filtres cognitifs et affectifs despersonnages-acteurs, doivent tre considrs en premier lieu comme des.artifices l ittraires. Cela ne les empche pas cependant de montrer lecaractre phnomnologique et agnostique de la pense positive, en retournant contre e l l e -mme ses propres armes, comme Grard de N e r v a ll'a formul avec une grande lucidit: Les causes matriel les ne sont que

    des effets; l'homme n'arrivera jamais la vraie science des choses .

    1 5

    En fait, d'aprs la formule courante du fantastique, l'auteur s'efforce deprsenter le fantastique comme un phnomne, virtuellement possible etempiriquement prouv.

    Parmi 42 contes fantastiques incorpors, la rflexion, dans notrecorpus, 25 sont rdigs par le je-narrateur, 15 sont crits du point de

    Gautier: fiction et idologie dans le rcit fantastique,, in ; Revue d'Histoire Litt-rairede la France, M4, juillet-aot 1972, p. 618.

    1 4 Le problme du ralisme dans l'utopie littraire et la science-fiction fait l'objetd'une vaste tude de Hartmut L c k (Fantastik, Science Fiction, Utopie, Das

    Realismusproblem der utopisch-fantastischen Literatur. Lahn-Giesaen, Focus-Verlag19717). L'auteur laisse cependant ct le conte fantastique qui est au centre denotre intrt.

    1 5 Grard de N e r v a l . Paradoxe et vrit-, im:Nouvelles et fantaisies. Paris,Librairie AncienneHonor Champion 1908, p.2523.

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    vue d'un narrateur objectif (le rcit est m e n la trois ime personne),et 4 entrent dans une catgorie mixte o le narrateur, trs discret, se

    cache sous les prnoms nous-, ventuellement on-, sporadiquementemploys . La perspective subjective y domine nettement, bien que la partqui revient au narrateur objectif soit loin d'tre ngligeable. Qu'il s'agissedu je-narrateur ou non, dans le conte fantastique le narrateur n'estpresque jamais extrieur. Il n'est pas seulement une fonction indispensable au rcit (celui qui fait la narration possible), mais un acteur direct(celui qui raconte sa propre exprience) ou indirect (celui qui narre l'exprience autorise d'une tierce personne): le je-hros (le je-tmoin-),le narrateur-mdiateur (le narrateur-tmoin) . La catgorie mixte est assezfloue. Elle penche tantt du ct du narrateur objectif, quand l'effet dutmoignage direct, pour diverses raisons, s'affaiblit, tantt du ct du

    je-narrateur, quand il arrive que la perspective discrte ne sert que decadre formel dans lequel s'introduit la narration d'un personnage-narrateur (subjectif). Si le narrateur apostrophe quelqu'un (comme par exemplele narrateur de Lui? qui parle son cher ami, ou celui d'Omphale quis'adresse ses lectrices, ou mieux encore celui d'Avatar qui s'adresseau vous de chaque lecteur tout simplement), il prtend ainsi qu'il passed'un souvenir la rf lexion sur un vnement remmor, non imagin,et le contact s'tablit entre le narrateur et le lecteur, devenu son confident.Le rsultat de ce mange est le renforcement de l'illusion de la vrit dela narration. La perspective du je-narrateurgagne en authenticit encoregrce au fait qu'elle reprsente le point de vue du rcit autobiographiquedont la valeur de t moignage est universellement accepte. Dans le rcitautobiographique le narrateur n'a pas besoin d'inventer des histoires,tout y est cens tre rel, vrai. Les je-hros de certains contes fantastiques de Maupassant (Lui?, Le Horla),deGautier(La Morte amoureuse,Omphale), de Grard de Nerval (La Mtempsychose), donnent m m e l'impression d'avoir un secret dont ils aspirent se dlivrer, rappelant ainsicette l igne de la l ittrature d'inspiration autobiographique qu'on appellela littrature de l ' aveu . 1 6

    Les narrateurs n'hsitent pas mettre l 'exprience trange l'preuvede la vrit . Ils continuent douter, chercher ass idment une explica

    tion rationnelle et acceptable ce qui leur est arriv. M. Bermutier, aucours de l 'enqute sur l'assassinat de SirJohnRewell qu'on dirait tranglpar un squelette constate que la main dessche de l'ennemi inconnude la victime, et qui avait tr ive la paroi l'aide d'une norme chaned'or, a disparu, et il trouve un des doigts decettemain disparue, apparemment coup par les dentsde la victime, dans la bouche de celle-ci(La Main).Le protagoniste du Horla dcrit en dtail dans son journal diverses expriences qu'il a faites avec de l'eau et du lait bus, pour vrifier s'il a euune hallucination, ou s'il se trouve vraiment en prsence d'un personnagemystr i eux qui le menace. Le jeune homme qui fait l'amour avec un

    lf> Jacques B o r e l , Problmes de l'autobiographie, in:Positions etoppositionssur le roman contemporain (Actesdu Colloque organis par le Centre de Philologieet de la Littrature romanesde Strasbourg,Avril 1970). Paris, d. Klinksieek. 1971,p. BOv-il.

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    personnage f minin d'un tableau, personnage qui s'anime la nuit, vrifiele matin la tapisserie pour voir si vraiment la matresse d'Hector a quitt

    sa place, et dcouvre que plusieurs fils sont rompus dans le morceau deterrain o portaient les pieds d'Omphale. Il n'en peut plus douter ds lemoment o son oncle qui, s'apercevant de ce qui se passe et ayant faitsans aucun doute la mme expr ience avec le fantme, se fche contre lamarquise de T***qui figure dans le tableau sous le costume d'Omphale,laisse dcrocher la tapisserie, la rouler et porter au grenier (Omphale).Le narrateur de La Neuvaine de la Chandeleur remplit toutes les obligations de la neuvaine pour connatre sa future femme. Il croit avoir rvlorsqu'une belle jeune fille venait le voir. Rvei l l , il commence s'assurerque les deux brins de myrthe que la jeune fille a emports dans son rveavec elle ne peuvent pas tre retrouvs. Ensuite, il dcouvre que la jeune

    fille existe, qu'elle habite Montbliard, qu'elle s'appelle Ccile Savernier,et finalement, qu'elle a pratiqu elle aussi la neuvaine de la Chandeleuret connat le narrateur grce cette m m e rencontre mystr ieuse . Laformule est donc courante, et nous tudierons de prs ce qu'on peutappeler le procd de vrification dans les exemples suivants dont troiss'inspirent en plus d'unmm e thme, celui de la mtempsychose .

    Frdric Stadt, le je-hros de La Mtempsychose, refuse longtempsde croire au changement qu'il a subi. Il faut le persuader qu'il est devenuun autre, un personnage de sa connaissance, Wolstang. Il y a au dbutle frmissement trange que Frdric a prouv en entrant dans la cour

    intrieure du col lge de Gott ingue. Au m m e instant il s'est senti plusgrand, moins leste et cependant plus vigoureux que de coutume (impression subjective). Dans le collge, les col lgues qu'il y rencontre, et leprvt, le docteur Dedimus Dunderhead lu i -mme, lui donnent le nomde Wolstang, tandis que le malheureux ne sait pas que penser d'unepareille extravagance-.*7 Stadt, qui dcide d'aller voir Wolstang pourclaircir le malentendu, entend de la bouche de Barnabe, servant deWolstang:M. Wolstangn'est autre que vous -mme (p. 37). Le narrateurretrouve ces impressions subjectives et expr iences objectives dans sadiscussion sur les problmes philosophiques qu'il entame dans la chambrede Wolstang avec un vieillard qui attend Wolstang lui aussi. Le vieux

    dfend Pythagore, alors que Frdric est d'avis que le pre de la m t e m psychose est le fondateur du plus absurde sy s t me philosophique quiait jamais exist (p. 43). Le vieillard riposte qu'il va plus loin quePythagore, savoir qu'il est d'avis que m m e des corps vivants peuventchanger leurs mes, en donnant ainsi une base thorique au changementfantastique dont Stadt a t la victime. Il va jusqu' poser Frdric laquestion s'il est sr qu'il n'a pas perdu son corps, et se met parlerdu physique de Frdric qui lui rappelle, dit-il, plutt celui de Wolstang.Ils passent aux balances dans une chambre voisine et Frdric constate, se grande surprise, qu'il pse effectivement plus que son poids normal(vrification objective). Au moment o le lecteur ne doute plus depuislongtemps de ce quoi l'auteur veut en venir, Frdric, lui en s'aperce-

    1 7 Grard de N e r v a l , Nouvelleset fantaisies.Paris, Librairie Ancienne HonorChampion 1928, p. 312. (Les rfrences ultrieures renvoient cette dition.)

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    vant dans la glace et y voyant la figure de Wolstang, finit parcomprendre (preuve matriel le finale). Lesmotifs de ce changement, savoirle pacte s ign entre Wolstang, unmauvais sujet, et levieillard(le diable),

    seront dvoi ls Frdric aucours de sa deux ime recontre du viellard.Selon cepacte, Frdric nepourra reprendresoncorps quequarante-huitheures aprs lamort de Wolstang. Celui-ci meurt subitement des suitesd'une bagarre avec Stadt ce qui metcependant Frdric devant unchoixpnible : soit s'veiller enterr vif, soit signer un pacte avec le diable.Il refuse, en bon chrtien, lespropositions duvieillard,et se rsigne sonsort. Heureusement, il est sauv, par un hasard, tant dterr par lespourvoyeurs clandestins du thtre d'anatomie de l 'Universit. Sur lademande expresse dudocteur Dunderhead,qui lecroit simplement revenu la vie, Frdric rdige un rapport dtaill de ses sensations. Il ne luireste que

    d'voquer son

    honntet et son bonsens: Jene puis attester

    que sur ma propre parole la vrit des vnements que je viens deraconter (p. 91).

    En fait, m m e si les v nem ent s tranges rapports sont misdansuncadre objectif, ce n'est apparemment que la parole du narrateurquipuisse garantir en dernier ressortlavaleur dutmoi gnage . Or, lenarrateurqui dit -je peut (se) tromper. Si l'on carte l 'hyp oths e d'un fauxtmoignage (ce quiserait contraire aux rgles adopt es dugenre), il esttoujours permis de supposer une sorte d'illusion d'optique. Cela obligele narrateur dvelopper dans son rcit un mcan i sme de vrificationet d'explication des vnements tranges, mcanisme quiest sys tmat ique

    ment labor dans les souvenirs d'enfance du je-narrateur de Jean-Franois-les-Bas-Bleus. D'autant plus puissante est la capitulation finaledevant l ' impossibilit de trouver uneexplication naturel le aux vne ments attests . Leprocd devrif icat ion est encore plus suggestif s'il estbas sur la gradation, comme dans ce conte justement, o les diffrentescomposantes de la figure rhtorique gagnent en intens i t au fur et mesure de leur introductionsuccessive. (Il est vrai cependant que lagradation n'estpas derigueur.) A udbut, le pre dunarrateur trouveuneexplication plausible la maladie mentale qui a atteint Jean-Franois.Le malhereux garon, auparavant trs intelligent, sait discuter longuementet correctement des problmes scientifiques, alors qu'il se perd compltement dans une conversation normale, sans importance. D'aprs l'explication propose par le pre, le jeune homme s'est imbu des folies tiresdes livres de Swedenborg, Saint-Martin et Cazotte. Jean -Fra noi s rpo ndavec justesse quant aux choses qu'il a lentement apprises, et i l se met draisonner surtoutes celles l'gard desquellesil ne s'est pas prmunid'une formule exacte. Quand Jean-Franois a fait preuve de sa clairvoyance aumoment m m e de l 'excution deMarie-Antoinette,le pre serclame d'une concidence, fait empirique explicable mathmat iquement .Ilsevoit oblig d'abandonner cette thorie devant uneautre visiondeJean-Franois qui, cette fois, avcu, descentaines deki lomtres de distance,

    l 'excution s imultane Paris de la jeune fille noble qu'il avait aimeet quiavait tlacause involontaire et innocente de sonmalheur. Jean-Franois, devenu ainsi t moin de la mort de sa bien-a ime, veut larejoindre dans son sort; et il meurt au m m e moment qu'elle. Le pre

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    reconnat qu'il est vaincu. Tout en acceptant sa dfaite, il conseille sonfils: Si jamais tu racontes cette histoire, quand tu seras homme, ne ladonne pas pour vraie, parce qu'elle t'exposerait au r id icule . 1 8

    Le thme de La Mtempsychose, ou plus exactement celui d'Amphy-trion, est repris dans Avatar. Thophile G a u t i e r qui parle de sonconte fantastique comme d'un roman tout court, 1 9 y dve loppe un double sujet: l'histoire romantique d'une passion inassouvie qui prside l'agencement de l'intrigue, et l'action fantastique qui permet aux hrosd'changer leurs mes. la diffrence de la rgle gnrale du genre, c'estle rel qui l'emporte sur le fantastique: l'amour se montre plus fort queles pratiques de l'occultisme. Le double sujet vise une double perspectivenarrative. L'action fantastique est prsente par un narrateur discret qui,s'il prend la parole, recourt au pronom personnel on, la (pr)-histoi-

    re de l'amour d'Octave est

    raconte par ce

    personnage-l qui est le

    protagoniste du rcit. Octave de Saville est perdument amoureux de lacomtesse Prascovie Labinska qui le refuse constamment sans lui laisserle moindre espoir. Le docteur Cherbonneau, consult au sujet des causesde la maladie d'Octave, dcouvre la vrit et propose de lui procurer, a-vec l'aide des sciences occultes asiatiques auxquelles il est initi, le corpsdu mari de Prascovie. Le comte Olaf Labinski obtiendrait en change lecorps d'Octave. C'est la seule possibilit pour le jeune homme d'obtenirl'amour de la comtesse. la diffrence de La Mtempsychose, dans lesavoir du docteur Cherbonneau qui l'tal tout ouvertement devant Octave,il n'y a rien de diabolique. Ses thories sur la mtempsychose sont plus

    pousses, plus scientifiques (et plus probables) que le pacte avec lediable qui est au centre du conte de Grard de Nerval. La narration desexpriences faites par le docteur en Asie et concernant la mtempsychosedoit, avec les descriptions naturalistes du laboratoire du docteur Cherbonneau, persuader Octave et vraisemblabiliser l'action venir. La m t e m psychose est opre au cours d'une sance en prsence d'Olaf Labinskiqui, lui, ne se doute de rien. Octave part chez Prascovie dans le corpsd'Olaf, alors que le comte qui joue le rle du perdant parcourt les mmestapes de la prise de conscience de son nouvel tat que Frdric Stadt.Cependant, la tentative d'Octave choue. Comme si la femme qui aimesincrement son mari devinait la vrit. Vaincu,Octave se dcide rendreson corps au comte. L'me d'Octave profite de la nouvelle m t e m p s y chosepour ne plus rentrer dans le corps, et Octave meurt.

    Le rle de la science, cette fois non plus occulte, est encore davantageprononc dans Eve future. La capacit scientifique d'Edison, sorcier deMenlo Park, et l'omnipotence de l 'lectricit doivent t moigner du pouvoir i l l imit de la science positive. Le rsultat de la transsubstantiationmontre cependant que c'est faire fausse route. L'Andride, la femme artificielle cre par Edison comme une rplique fidle de l'actrice AliciaClary, a ime par lord Ewald, ami de l'inventeur, chappe son crateur.L'Andride devait raliser l'idal du jeune lord:un beau corps (celui d'Ali-

    1 8 Charles Nodier,, op. cit., p. 15.1 9 Thophile Gautier, Autobiographie, in: Posies de Thophile Gautier. France,

    Imprimerie particulire 1873, p. 18.

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    cia) qui abrite une me noble (ce qui n'est pas le cas de Miss Clary).L'Andride tait donc conue, d s le dbut, comme plus que ce mtalqui marche, parle, rpond et"obit, plus qu'une entit m agnt o-le ct r ique ,

    2 0

    comme le formuleEdisonlorsqu'ilexplique leprincipeduprocd son ami anglais. Il se propose de faire un objet notre image, et quinous sera, par consquent, ce que nous sommes Dieu (p. 127). Contreles prvis ions de l'inventeur, une vision fluide s'incorpore l 'Andridequi est dsormais soumise deux influences ou pour reprendre les paroles d'Edison, une m e quim'est inconnue s'est superpose mon oeuvre(p. 148). Les descriptions dtaills du corps artificiel, par exemple cellesde la chair produite avec l'aide du Soleil (p. 120), compltent les explications prcises offertes par Edison l'intention de lord Ewald au coursde leurs nombreux dialogues. Dans une Prface primitivement crite pour

    Eve future, V i l l i e r s de F I s1e - A d a m laisse entendre que ce procd peut tre considr comme un moyen mis au service de la vraisem-blabilisation. L'auteur se trouvait plac devant l'alternative suivante: ou,pour demeurer intelligible de la plupart des lecteurs mondains, de fairescientifiquement divaguer le ct ingnieur de notre sorcier (c'est la formule qu'il a finalement adopte), ou de quitter la plume, et prenant lacraie, de passer au tableau noir, c'est--dire d'employer, tout d'un coup,dans une u v r e avant tout philosophique et littraire, la langue rigoureuse et svre de l'algbre (p. 429).

    En fait, il faut s'arrter un peu sur cet instrument dont le narrateurse sert, le langage. C'est l 'nonc finalement qu'appartient la manirespcifique de lire le conte fantastique dont parle Todorov, laquelle nedoit tre ni pot ique, ni a l lgor ique , 2 1 autant que l'aspect smant ique desvnements fantastiques.22 La question trancher n'est pas de savoir sice langage est scientifique ou potique, mais si les mots n'ont pas perduleur fonction propre, la facult de dsigner les choses et les rapports quiexistent dans le monde. Il faut y rpondre affirmativement, malgr l'existence non sporadique (ils figurent dans 24 contes de notre corpus) destres surnaturels ou fantomatiques (diable, apparitions, divers monstres,etc.). S'ils n'ont pas de rfrents dans le monde de notre connaissance,ils se recrutent dans une projection de celui-ci, de sorte que l'homme

    est capable de les conceptualiser. Plus encore, on trouve dans le contefantastique ces tres formaliss (tout comme l'action fantastique dans laquelle ils apparaissent) l'aide de divers lments emprunts au mondeperceptible commun dont la ral i t se trouve garantie. Il faut qu'ils deviennent perceptibles nos sens, c'est typique non seulement de Djalioh,homme-singe (Quidquid volueris?) ou de l'enfant vert avec des cornesrouges sur le front (Le Monstre vert), mais encore de la marquise de T***(Omphale) ou du Premier Janvier qui revt les traits de lord Edward,fianc de l 'hrone (Nuit du 31 dcembre). Procder au tri du rel et dufantastique ne servirait rien. Figurant dans des actions autrement vr i -

    2 0 V i l l i e r s de l ' I s l e - A d a m , Eve future. Paris, Mercure de France, sine,p. H8. (Les rfrences ultrieures renvoient cette dition.)

    2 1 Tzvetan T o d o r o v , , op.cit., p. 37.2 2 Tzvetan T o d o r o v , op. cit., p. 97 et sq.

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    diques, objets de descriptions pseudo-ral istes et partenaires dans desdialogues authentiques, ces tres sont insrs dans le texte de la mmemanire que les lments rel lement perceptibles. Le narrateur ne lesdonne jamais explicitement pour imaginaires. Si, une fois, le comte d'Atholsent et voit auprs de lui sa femme morte (Vra), c'est une affirmationde contenu perceptuel, et quand le prtre Romuald parle de sa passionpour Clarimonde (La Morte amoureuse), c'est bien une affirmation decontenu affectif. Letexte fantastique, quireprsente un sys tm e cohrent,apte fonctionner logiquement, ne se passe pas sans la supposition deson sy s t me de rfrences. Lamasse du vocabulaire est par ailleurs d"es-sence concrte, les mots appartiennent la zone lexicale rfre au mondede notre connaissance. Les termes abstraits ou ceux de coloration spirituelle, voire mystique, sont rares. Toutes nos remarques concernant le

    langage du narrateur convergent en une m m e constatation, savoir quele narrateur cherche utiliser une parole qui parat sre.

    En fait, si cet acte de la parole porte sur une sorte de ralit, chaqueacte de la parole peut tre considr comme une certaine mise en prsence. tant donn que l 'exprience fantastique est dcrite comme unfait empirique qui appartient la dure du narrateur-tmoin, le tempslogique- serait le pass. Le narrateur qui, dans son temps de souvenir,prend appui sur le prsent, s'enracine dans le pass. Or, le pass qui estici le temps de la temporalit vcue, est non seulement celui du genrepique, mais encore celui de l'historiographie. Il est permis de dire

    que l'emploi du pass intgre l'histoire fantastique dans l'Histoire.Le temps verbal du pass implique que, dans le maintenant dulocuteur, il s'agit d'un pass clos: je vois une apparition- letemps prsent qui se rapporte une situation que le sujet parlant esten train de vivre, est moins positif, moins persuasif que j'ai vu uneapparition. Lepass implique une certaine rf lexion sur l ' vnement rapport, situ dfinitivement dans la dure du locuteur: j'ai vu une apparition c'est mon avis maintenant comme auparavant, je n'y voispas d'autre explication, il n'y a rien ajouter. Pour Tzvetan Todorov lefantastique se situe au prsent, celui-ci correspondant le mieux l 'hsitation qui l'accompagne.2s En tant que partie intgrale de la dure, le pass

    n'est pas spar radicalement du prsent. En comparaison avec le futurqui est un temps en puissance, le pass, envisag d'un m m e momentprsent, est le temps d'un fait accompli. Comme le fait remarquer JeanPouillon, si le pass est moins suggestif que le prsent, il est plus authentique: Seul le pass est rel; le futur n'est pas et le prsent n'existequ'en devenant pass. 2' 1 L'histoire du pre Romuald est largement vrai-semblabil ise , et l'incertitude du prtre sensiblement affaiblie, par lefait justement que son expr ience est encadre tout d'abord comme uneexpr ience close et passe: Ce sont des vnements si tranges que jene puis croire qu'ils me soient arrivs. J'ai t pendant plus de trois ans

    2 3 Tzvetan T o d o r o v , op. cit.,p. 47.V l Jean P o u i l l o n , Tempset roman. Paris, Gallimard 1946, p. 166.

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    le jouet d'une illusion s ingulire et d iabol ique . 2 5 Ce n'est qu'aprs quele souvenir sera repris pour tre dvelopp plus en dtail comme uneexpr ience en train d'tre vcue par le narrateur. (Rappelons que l'in

    certitude du prtre reste toujours dans le plan phnomnologique: il nedoute pas du phnomne, mais seulement il n'y trouve pas d'explicationsre.) C'est peut- tre dans La Morte amoureuse que l'existence des deuxrythmes temporels diffrents, parfaitement synchroniss , est le plus clairement v i sual i se: dichotomie jour-nuit accompagne la dichotomie ral i t-rve, mais aucun des deux lments n'est dment i par la suite.Le bouclage temporel qui s'est produit dans, le vcu du narrateur faitvoir que pour lui il n'y a pas de dif frence entre temps du fantastiqueet temps du rel. Il n'y a qu'une seule dimension temporelle dans le rcit,dimension que le rel et le fantastique ont en commun. Ils peuvent

    concider, ils peuvent alterner, mais jamais ils ne s'opposent: les phnomnes perus par le narrateursont considrs tous comme ga lement vus,entendus, sentis, prouvs.

    L'insertion des impressions subjectives ou des t moignages rendus parun narrateur objectif dans un temps n o m m semble donner au fantastique le cachet de l'historicit. S'il est vrai que la datation exacte n'estque facultative, l'action de 39 parmi 42 contes de notre corpus se drouledans un moment dfini, d'une faon ou d'une autre. Lapremire formuledfinissant le moment pass est celle qui utilise des indications relatives,et convient le mieux au narrateur-tmoin direct: il y a dix ans, par unenuit de dcembre (La Peur), voici maintenant 56 ans de cette aventure(Apparition); celles-ci inaugurent et accompagnent une squence de souvenirs comme une introspection de la dure qui s'accroche quelquespoints tangibles de la temporal i t vcue. La deux ime formule employeest celle du temps du calendrier, base sur des indications temporellesd'une exactitude souvent mt iculeuse: le 1e r novembre 1561, 8 heuresdu soir (La Combe de l'hommemort), la datation minutieuse, du 8 maiau 10 septembre, des hallucinations maladives dont souffre le narrateur(Le Horla), etc. Lesdates historiques se trouvent le plus souvent dans lesrcits o l'effet du tmoignage direct du narrateur est affaibli par unediscordance trop grande entre le moment de la narration et l'action v o

    que. Voil pourquoi il faut se procurer une autre source authentique,en gnral les documents dont l'existence est soit dvoi le (La Main enchante, avec son action s i tue dans le Paris du XVII e sicle), soit seulement souponne (LeMonstre vert, avec une action qui se droule Paris sous Louis XIII). la dif frence de l'historiographie, quin'est jamaisclose df in i t ivement (il est toujours thor iquement possible d'obtenird'autres renseignements jusqu'ici inconnus), l'histoire fantastique vcueest toujours close. C'est la narration d'une exprience acheve, voire unique. Cela veut dire qu'il n'y a pas de fin ouverte du point de vue du d nouement: tout ce qui a dtredit, a t dit.

    Il existe des contes fantastiques (Soire d'automne, Rve d'enfer,A s'y

    mprendre, etc.) o l'espace donne l'impression d'un ddale o l'onse perd, mais la formule gnrale est celle qui semble donner copie con-

    2 5 Thophile G a u t i e r , Nouvelles.Paris, G.Charpentier18811,p. 261.

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    forme d'un rassurant quotidien. C'est que l'espace -naturel, pr vi sib le ,du je-narrateur est son microcosme, le monde immdiat du narrateur,avec des objets familiers, bref, son milieu de tous les jours. Par cons

    quent, cet espace n'est ni physiquement, ni topographiquement neutre,et en tant que cadre d'une histoire trange, il ne peut qu'augmenter l'authentic it du t moignage: l'auberge de Toussaint Houdard (La Combe del'hommemort), la maison de Sir John Rewell (La Main), la villa de M.Peyrehorade (La Vnus d'Ille) ou le pavillon maussade du chevalier de***(Omphale). Les thmes de voyage, si caractristique de l'utopie littraireaussi bien que de la science-fiction, sont pratiquement inexistants. Lemilieu exotique ou utopique se voit ainsi remplac dans le conte fantastique par un macrocosme clairement dfini: Londres, Paris,Venise(Portraitdu diable), Paris (Nuit du 31 dcembre) ou Augsbourg(La Sonate du di

    able). Les descriptions du milieu et les indications topographiques sontcouramment employes . Les coordonnes spatiales de l'action fantastiqueimitent le rel dans une mesure qui ne cde en rien l'insertion de l'action dans la chronologie gnrale . Le fantastique ne vise ni la mta --historicit, ni la mta-spatial i t . Le procd de vraisemblabilisationde l'espace de l'action fantastique est assez simple et il serait inutile d'enmultiplier les exemples.

    Pour rsumer les procds de vraisemblabilisation raliss dans les catgories analyses, celles de la logique interne, du narrateur et de sonlangage, du temps et de l'espace, la question se pose en fait d'une formulesommaire qui permettrait de concilier le possible et l'impossible, et grce

    laquelle le fantastique devient dicible (lisible).Serait-il possible de lire le conte fantastique comme une l ittrature

    qui choque pour faire rflchir? Est-ce peut- tre un acte imaginatif ludique?Y-a-t-il finalement une autre formule, plus hereuse?S'il tait pro-grammatiquement une sorte de provocation, le conte fantastique devaitrevtir obligatoirement des ambitions philosophiques plus ou moins nettes ce quin'est pas le cas. Lathorie du fantastique comme jeu combi-natoire est elle aussi inacceptable, parce qu'un tel procd repose sur ledivorce radical de l'univers l ittraire et du monde rel, ce qui se trouveaux antipodes de l'ide constitutive du genre. En outre, le principe du

    jeu manque de prdictabilit,

    la notion m m e

    de jeu supposant l ' imprvisible. Le jeu est prt annuler, chaque moment, le pass, il manque

    donc de cohrence, alors que dans le rcit fantastique la causalit (lisibilit, cohsion du rcit) en est l'un des traits caractristiques. Celle-ciexclut toute discontinuit entre cause et effet, voire l'absence d'une cause.Le rcit fantastique tend constamment la vrit, au bon sens,sans pouvoir y jamais aboutir. L a vraisemblance est une catgorie quin'a pas l'ambition de reflter la ral i t et la vrit telles qu'elles sont,dans leur complexit, historicit et devenir. Elle se laisse rduire unartifice l ittraire qui permet aux auteurs du fantastique, qui n'ont pas lamoindre intention de dmolir notre image du monde et de la remplacer

    par une pure fiction, de s'en servir comme d'une armature l'actionfantastique, absolument trangre ce monde. En m m e temps, ils sebornent saisir les aspects superficiels des choses, en rduisant le monderel son image phnomnologique . Cen'est que dans le cadre ainsi d-

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    l imit qu'ils peuvent recourir la formule qui permet d'incorporer lefantastique dans le sy s t me narratif. Nous avons vu que les auteurs dufantastique cherchaient vraisemblabiliser leurs noncs en s'efforantde leur trouver une sorte de pied ferme dans le monde rfrentiel . Dansla plupart des rcits fantastiques il suffit d'accepter une seule prmisse, titre d'exception, afin que le texte puisse fonctionner. Il n'est pas difficile de nommer cette formule qui ne met pas en doute la val idit dusystme, tout en permettant d'y intgrer un nouvel lment. Cet lmenttranger qui figure dans le rcit comme un fait empiriquement attestse prsente comme une anomalie. L'anomalie peut tre envisage commeun phnomne advenu qui se situe justement entre le ncessaire et lecontingent selon le sy s t me en vigueur, et qui implique une ngation partielle dudit sy s t me . Comme si le conte fantastique s'offrait de complterle modle courant du monde, en remplissant les cases vides de celui-ci.Le fantastique y joue le rle d'une hypothse nouvellement apparue quine vient pas abolir l 'hypo thse prcden te. Le respect du vraisemblabledans la l i t trature fantastique lui a interdit toute expr imentat ion lamanire des textes qui se suffisent eux -mmes , textes dont Les Septchteaux du roi de Bohme, histoire fantasque et fantaisiste, publie parNodier en 1830, semblent donner l'un des premiers exemples. Grce la

    figure de l'anomalie, qui rsulte son tour d'une orchestration labore

    et soigne de divers lments de vraisemblabilisation, la l ittrature fantastique, tout en jouant sur l 'ambigut de son nonc narratif, parvient se prsenter comme une littrature dupossible,exemple d'un art reprsentatif dans la tradition de l'art-imitation du monde rel.

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