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Revue internationale du Travail, vol. 149 (2010), n o 1 Copyright © Auteur(s) 2010 Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2010 Les pactes de non-concurrence après l’emploi aux Etats-Unis: cadre juridique et comportements sur le marché Richard L. HANNAH* Résumé. En réponse aux changements fondamentaux du marché qui donnent au travail un rôle beaucoup plus central sur le marché concurrentiel des produits, les employeurs cherchent souvent à prolonger leur contrôle sur le capital humain au- delà de la fin de la relation d’emploi. Bien que les études empiriques sur le sujet soient rares, le recours aux pactes de non-concurrence après l’emploi semble répan- du. Mais jusqu’où les employeurs peuvent-ils légalement restreindre la liberté de leurs anciens salariés? L’auteur examine les arguments que les tribunaux ont consi- dérés aux Etats-Unis pour équilibrer les intérêts économiques légitimes des em- ployeurs, l’efficacité du marché du travail, et la liberté et la mobilité des travailleurs après leur emploi. e nombreux juristes aux Etats-Unis sont fermement convaincus que les D clauses restrictives contenues dans les contrats d’emploi, par lesquelles les salariés s’engagent à ne pas concurrencer leur employeur lorsqu’ils cessent de travailler pour lui, connaissent une expansion rapide et constituent un frein excessif à la mobilité sur le marché du travail. Parmi les tenants de l’opinion op- posée se trouvent des chercheurs qui considèrent ces clauses comme un instru- ment nécessaire pour la protection d’intérêts commerciaux légitimes. Toutefois, ces deux écoles de pensée se fondent pour l’essentiel sur des considérations anec- dotiques, et ne sont pas étayées par des données factuelles. Cet article a pour objet de résumer le cadre juridique de ces clauses, afin de nous aider à mieux * Professeur d’économie, Middle Tennessee State University, Département d’économie et de finance; courriel: [email protected]. Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées, n’en- gagent que les auteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

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Page 1: Les pactes de non-concurrence après l'emploi aux Etats-Unis: cadre juridique et comportements sur le marché

Revue internationale du Travail, vol. 149 (2010), no 1

Les pactes de non-concurrenceaprès l’emploi aux Etats-Unis:

cadre juridique et comportements sur le marché

Richard L. HANNAH*

Résumé. En réponse aux changements fondamentaux du marché qui donnent autravail un rôle beaucoup plus central sur le marché concurrentiel des produits, lesemployeurs cherchent souvent à prolonger leur contrôle sur le capital humain au-delà de la fin de la relation d’emploi. Bien que les études empiriques sur le sujetsoient rares, le recours aux pactes de non-concurrence après l’emploi semble répan-du. Mais jusqu’où les employeurs peuvent-ils légalement restreindre la liberté deleurs anciens salariés? L’auteur examine les arguments que les tribunaux ont consi-dérés aux Etats-Unis pour équilibrer les intérêts économiques légitimes des em-ployeurs, l’efficacité du marché du travail, et la liberté et la mobilité des travailleursaprès leur emploi.

e nombreux juristes aux Etats-Unis sont fermement convaincus que lesD clauses restrictives contenues dans les contrats d’emploi, par lesquellesles salariés s’engagent à ne pas concurrencer leur employeur lorsqu’ils cessentde travailler pour lui, connaissent une expansion rapide et constituent un freinexcessif à la mobilité sur le marché du travail. Parmi les tenants de l’opinion op-posée se trouvent des chercheurs qui considèrent ces clauses comme un instru-ment nécessaire pour la protection d’intérêts commerciaux légitimes. Toutefois,ces deux écoles de pensée se fondent pour l’essentiel sur des considérations anec-dotiques, et ne sont pas étayées par des données factuelles. Cet article a pourobjet de résumer le cadre juridique de ces clauses, afin de nous aider à mieux

* Professeur d’économie, Middle Tennessee State University, Département d’économie etde finance; courriel: [email protected].

Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées, n’en-gagent que les auteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sontexprimées.

Copyright © Auteur(s) 2010Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2010

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comprendre leur portée et leur utilisation. Nous formulons ensuite quelques ob-servations sur l’interaction entre les normes juridiques et les normes de compor-tement sur le marché du travail.

La catégorie générale des clauses restrictives après une période d’emploienglobe non seulement les accords de non-concurrence (connus sous le nom de«pactes de non-concurrence», ou simplement de «clauses restrictives»), maisaussi les clauses de non-divulgation et de non-sollicitation et les autres contratsde même nature qui régissent les relations après une période d’emploi. Les ac-cords prévoyant le versement d’une indemnité de départ en font également par-tie, mais ils ne sont pas examinés ici (l’auteur en a expressément traité dansHannah, 2009). Le tableau 1 présente un instantané des types de pactes identi-fiés à l’occasion des litiges en la matière, qui surviennent pour la plupart au ni-veau juridictionnel des Etats.

Ces pactes visent à dissuader les ex-salariés d’exercer certaines activités,susceptibles de porter atteinte à la position concurrentielle de leur ancien em-ployeur. Ces activités sont associées à des connaissances et à des informationsspécifiques sur les avantages concurrentiels de l’entreprise, comme les proces-sus de production et les relations avec la clientèle, voire les relations profession-nelles au sein de la société. Des menaces de poursuites judiciaires, ou une actionen justice pour violation de contrat, constituent alors l’issue probable lorsquel’employeur estime, à tort ou à raison, que la concurrence de son ex-salarié luicause une perte de clientèle. Les tribunaux qui instruisent l’affaire tentent en-suite d’équilibrer ce pacte en se basant sur des considérations telles que l’effica-cité et la mobilité sur le marché du travail.

Les pactes de non-concurrence après l’emploi précisent particulièrementtrois types de restrictions: la durée, l’aire géographique et le type d’activité dumarché (par exemple, l’interdiction de solliciter des clients). Ces contrats doi-vent être écrits et signés. Leur exécution juridique nécessite un échange écono-mique, l’ex-salarié obtenant un avantage (matériel) en contrepartie duquel ilconvient de ne pas exercer certaines activités spécifiées, après la fin de son em-ploi. Pour être valide, un tel contrat ne doit pas imposer de contraintes exces-sives au salarié, ni contrevenir à l’intérêt public. Les tribunaux examinent dansces cas si la véritable motivation de l’employeur est de protéger ses intérêts com-merciaux légitimes (son avantage concurrentiel); ces critères sont généralementconnus sous le nom de test Solari-Whitmyer 1.

Les universitaires conviennent que ces conventions restrictives sont large-ment utilisées et que le phénomène est en expansion. Toutefois, si l’on excepteles analyses juridiques des précédents judiciaires et quelques considérationsanecdotiques, ces études ne sont pas fondées sur un examen global et récent dela nature et de l’étendue des marchés du travail où ces clauses sont utilisées (voirBishara, 2006).

1 Maw c. Advanced Clinical Communications, Inc., A-99, session de septembre 2002, Cour su-prême du New Jersey, 179 N.J. 439; 846 A.2d 604; 2004 N.J. Lexis 461; 13 A.L.R. 6th 825; 21 I.E.R.Cas. (BNA) 471. Jugement du 4 mai 2004.

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Cadre juridiqueBlake (1960) et Hannes (2001) ont décrit l’évolution de ces pactes restrictifspostemploi. Blake souligne surtout la nécessité d’effectuer des recherches surles conflits latents entre les clauses restrictives et les valeurs sociales: la libertépersonnelle sur le marché du travail, la liberté de contracter et l’éthique com-merciale. Hannes fournit un excellent résumé chronologique, partant de lacommon law britannique en 1414 et suivant son évolution aux Etats-Unis.

La première affaire concernant de telles clauses restrictives aux Etats-Unis date de 1866. Dès cette époque, les décisions judiciaires se fondaient surdes arguments économiques, ce qui suscitait des tensions juridiques entre lesrestrictions déraisonnables au commerce, perçues comme autant d’atteintes àl’intérêt public, d’un côté, et l’équilibre raisonnable à atteindre entre les difficul-tés économiques vécues par l’ex-salarié et le préjudice causé à l’employeur enl’absence de clauses restrictives, de l’autre.

Vers le milieu du XXe siècle, la jurisprudence américaine intégrait cer-taines justifications concernant ces conventions restrictives, notamment: les re-lations du salarié avec les clients, l’achalandage futur attribué au salarié, saconnaissance des méthodes commerciales de l’employeur et des listes de clients,et l’aire géographique du marché en cause. Vers la fin du siècle, l’investissementde l’employeur dans la formation des salariés a été ajouté à la liste des justifica-tions autorisant l’exécution judiciaire de ces conventions.

Les cinq domaines énoncés ci-après représentent les critères toujours plusnombreux justifiant la validité de ces clauses, comme en témoignent des juge-ments récents, fondés sur des interprétations juridiques novatrices. Ils apportentun éclairage sur la façon dont les considérations socio-économiques peuventexercer une influence supplémentaire sur le contexte juridique.

Technologie. Les réseaux mondiaux d’information permettent aux salariéset ex-salariés de communiquer facilement des informations commerciales auxconcurrents. Gabel et Mansfield (2003) ont effectué une analyse approfondie surce thème. L’intérêt légitime de l’employeur à contrôler les informations confi-dentielles obtenues dans le cadre de la relation d’emploi (et donc pouvant fairel’objet d’une protection économique) a été analysé dans l’affaire EarthWeb en

Tableau 1. Affaires instruites en première instance, en appel et devantla Cour suprême

Mots-clés Nombre d’affaires déclarées

Pactes postemploi 339

Clauses de non-divulgation 229

Clauses de non-sollicitation 235

Clauses de non-concurrence 39

Source: Données extraites et compilées par l’auteur à partir de la base de données LexisNexis ® Academic,mars 2008. Recherche effectuée en fonction de toutes les dates disponibles.

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19992. Ce jugement constituait un revirement manifeste par rapport à la jurispru-dence traditionnelle de common law, qui consistait à analyser la nature des infor-mations communiquées par le salarié concerné (Arnow-Richman, 2001).

Droit à l’image personnelle. Le développement et le contrôle de ce critèrese rencontrent le plus souvent dans le secteur des médias, où les entreprises in-vestissent dans la promotion de la popularité des personnalités. S’appuyant surdes clauses restrictives, justifiées par les investissements consentis pour pro-mouvoir les célébrités, les entreprises de ce secteur très compétitif tentent d’em-pêcher ces dernières d’aller travailler pour des concurrents (O’Connor, 2003).

Arbitrage et renoncement conditionnel aux droits. Les principes d’arbi-trage et les clauses restrictives ont en commun l’idée de la faculté de renoncerconditionnellement à certains droits. Estlund (2006) préconise cette approche,la considérant comme un point d’équilibre viable entre les applications tradi-tionnelles du droit du travail et le besoin d’une flexibilité intégrant l’intérêt pu-blic et les droits des salariés.

Analogie avec les contrats prématrimoniaux. Arnow-Richman (2003)ajoute des considérations dérivées des similitudes entre les accords prématrimo-niaux et les pactes de non-concurrence, deux formes de contrats qui envisagentla possibilité d’une dissolution, compte tenu des doutes sur la pérennité de larelation. Les contrats de mariage et de travail ont d’autres caractéristiquescommunes: l’inégalité du pouvoir de négociation, découlant du déséquilibred’information des parties; et l’équité du processus contractuel.

Propension des employeurs à imposer des contrats iniques. Arnow-Rich-man (2003) décrit également pourquoi les employeurs confrontés à la perteéventuelle de bons salariés ont tendance à leur imposer des clauses restrictivesaprès leur période d’emploi. Les pactes de non-concurrence sont rédigés entermes extrêmement larges dans les juridictions où les tribunaux sont suscep-tibles de dissocier les clauses illégales dans ces accords (pratique connue sous lenom de «blue penciling»). Les tribunaux peuvent également amender les dispo-sitions du pacte qu’ils estiment déraisonnables. Ainsi, même si les tribunaux ap-portent des modifications importantes aux pactes de non-concurrence de façonà leur conférer un caractère plus raisonnable, les rares cas qui sont contestés de-vant les tribunaux ne sont pas d’un grand secours pour la majorité des salariésqui acceptent ces clauses restrictives par crainte de poursuites judiciaires de leurex-employeur. Si Arnow-Richman a raison sur ce point, cette forme de dissua-sion constitue un mécanisme invisible de restrictions à leur liberté, que les sala-riés acceptent tout simplement, plutôt que de risquer une action en justice quipourrait entraver leurs perspectives de progrès économique ou les priver de leurmoyen de subsistance.

2 EarthWeb, Inc. c. Mark Schlack, 71 F. Supp. 2d 299, 313 (Southern District of New York,1999).

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Fréquence d’utilisation des pactes de non-concurrenceSelon Sullivan (1977), les données observables concernant les pactes restrictifsne sont que «la partie émergée de l’iceberg». Bien que cette observation com-mande encore le consensus partagé chez les juristes, un seul auteur a essayé dequantifier ces contrats: Whitmore (1990) a examiné cent cinq jugements rendusen appel par différentes juridictions, et comparé les décisions rendues des an-nées 1960 à 1980, afin d’identifier les tendances de la jurisprudence. Les conclu-sions de cette étude étaient toutefois strictement descriptives.

Whitmore (1990) en a conclu que les tribunaux considèrent la relation avecles clients comme une «considération primordiale» pour l’employeur, qui s’étendaux secrets commerciaux et aux informations confidentielles. L’accès aux infor-mations connexes, plutôt que leur utilisation effective, constituait souvent un ar-gument décisif dans les décisions judiciaires rendues en faveur des employeurs.Whitmore a également noté un décalage entre les deux périodes étudiées: il nes’agissait pas tant de limitations de durée, ou d’aire géographique, que de restric-tions quant aux types d’activités pouvant être exercées (par exemple, la sollicita-tion d’anciens collègues de travail). Enfin, Whitmore a élaboré une typologie desgrandes catégories professionnelles visées dans les cent cinq affaires analysées,dont les aspects essentiels sont présentés au tableau 2, et comparés avec des don-nées plus récentes du Bureau of National Affairs (BNA), rapportées par Mals-berger (2006)3. Le tableau 2 indique qu’entre la moitié et deux tiers des affairesconcernent les mêmes professions. Le reste représente un large éventail de mé-tiers (par exemple, les esthéticiennes, les travailleurs manuels, les exterminateursd’animaux nuisibles, etc.).

Une autre étude spécifique par branche d’activité est celle de Schwab etThomas (2006). Ils ont examiné 375 contrats d’emploi entre d’importantes so-ciétés publiques et leurs directeurs généraux. Les plus importants groupes d’en-treprises de leur échantillon sont le secteur manufacturier (37,07 pour cent) etun ensemble comprenant les transports, les communications, et la distributiond’électricité et de gaz (13,07 pour cent). Environ les deux tiers des 375 contratscomportaient des clauses de non-concurrence qui précisaient une durée allantjusqu’à cinq ans après la cessation d’emploi4.

Les écrits sur ce sujet mentionnent également les pressions efficaces exer-cées par certaines associations médicales afin de déroger à ces clauses restrictivesaprès une période d’emploi, par exemple: l’American Medical Association5;l’American Dental Association6; la profession de conseils (Wyatt, Daniels et

3 Nous avons reformaté les données et créé des catégories pour les données du BNA, sur labase de 3 106 observations tirées de procédures judiciaires en provenance des 50 Etats et du Districtde Columbia.

4 Leur source était une base de données exclusive, The Corporate Library, disponible àl’adresse <www.thecorporatelibrary.com>.

5 Avis E-9.02, disponible à l’adresse <www.ama-assn.org>.6 Disponible à l’adresse < www.ada.org>.

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White, 2000); les infirmières en néphrologie (Rabetoy, 2005); et les praticiens ensoins infirmiers aigus (Kleinpell et Perez, 2006).

Une autre façon d’analyser la prévalence des pactes de non-concurrencedans l’ensemble de l’économie américaine consiste à examiner la répartition desprécédents judiciaires dans les différents Etats (tableau 3). Même dans ces ré-gimes très divers, tant par la nature de la législation que par les principes decommon law applicables, il reste possible d’ajouter des observations qualita-tives. On peut ainsi observer la répartition géographique au niveau des Etats, eten tirer des conclusions concernant la prévalence de ces clauses sur le marché dutravail. Le tableau 3 s’appuie sur 2 933 observations tirées des données du BNAde l’étude de Malsberger (2006) et utilisées au tableau 2. Le tableau 3 présentemoins d’observations afin d’éviter les ambiguïtés de compétence juridiction-nelle et seules celles des Etats comptant plus de 1 pour cent du total des obser-vations sont répertoriées.

En plus du classement par profession et géographique des affaires, lesdonnées de Malsberger (2006) étaient aussi présentées par secteur. Ainsi,les données des tableaux 2 et 3 ont été triées à nouveau pour établir la réparti-tion par secteur. Les plus fortes concentrations de poursuites judiciaires se trou-vent dans les secteurs de la santé (14,5 pour cent) et des assurances (9,6 pourcent), suivis par la comptabilité (2,8 pour cent) et les professions juridiques(2,7 pour cent). Le taux de poursuites est inférieur à 2,5 pour cent pour tous les

Tableau 2. Répartition des affaires traitées par les tribunaux en fonctiondes catégories professionnelles (les pourcentages sont calculéssur un total de 3 106 affaires)

Catégorie professionnelle Nombre d’observations(pourcentage entreparenthèses)

Comparaisonsavec les donnéesde Whitmore (%)*

Préposé(e)s aux ventes 809 (26,0) 51

Cadres 426 (13,9) 14

Membres de conseils d’administration 300 (9,7) 7

Médecins 265 (8,5) 9

Avocats 81 (2,6) —

Comptables 72 (2,3) —

Ingénieurs 53 (1,7) 2

Consultants 50 (1,6) —

Recruteurs 46 (1,5) —

Exterminateurs d’animaux nuisibles 44 (1,4) —

Employés de la radiodiffusion 39 (1,3) —

Comptes-clients (cadres et chargés de compte) 18 (0,6) —

Tous les autres 903 (29,1) —

* Autres catégories examinées par Whitmore, qui ne pouvaient être appariées: travailleurs spécialisés (9%); artsde la scène (1%); et autres (8%). Les pourcentages ne sont pas exacts parce que les chiffres ont été arrondis.Source: Données reformatées et compilées à partir des études de Malsberger (2006) et Whitmore (1990).

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autres groupes professionnels. Il convient de rappeler que la catégorie «tous lesautres» regroupe un éventail de professions très variées, y compris l’extermina-tion des animaux nuisibles, le secteur de la beauté, et les services de blanchisse-rie, et de noter que le classement par secteur ne correspond pas exactement avecle classement par profession parce que les professions sont réparties entre lessecteurs. Par exemple, la profession «exterminateur d’animaux nuisibles» faitpartie de la «désinfestation». D’une manière plus générale, les professionstelles que «comptable» sont représentées dans presque tous les secteurs, mais la

Tableau 3. Répartition de l’ensemble des affaires, par Etat*

Etat Nombre d’affaires Nombre total d’affaires (%)

New York 232 7,91

Géorgie 223 7,60

Illinois 182 6,21

Pennsylvanie 157 5,35

Texas 128 4,36

Floride 127 4,33

Indiana 123 4,19

Caroline du Nord 99 3,38

Montana 96 4,27

Missouri 95 3,24

Virginie 89 3,03

Alabama 87 2,97

Louisiane 83 2,83

Ohio 78 2,66

Connecticut 66 2,25

Minnesota 64 2,18

Missouri 63 2,15

New Jersey 61 2,08

Kansas 57 1,94

Iowa 53 1,81

Californie 51 1,74

Arkansas 46 1,57

Maryland 43 1,47

Tennessee 42 1,43

Delaware 42 1,43

Oregon 37 1,26

Wisconsin 35 1,19

Wyoming 34 1,16

Nouvelle-Angleterre 33 1,13

Caroline du Sud 32 1,09

Colorado 31 1,06

* Les Etats comptant moins de 1 pour cent des affaires ne figurent pas dans la liste.Source: Données reformatées et compilées à partir de l’étude de Malsberger, 2006.

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«comptabilité» est à elle seule un secteur. Les définitions de Malsberger sontquelque peu arbitraires, mais la complémentarité des répartitions par profes-sion, géographique et par secteur fournit un cadre d’observation pour une pre-mière approximation.

Normes juridiques et comportements sur le marchéLe tableau 4 présente un canevas des normes juridiques qui encadrent les com-portements sur le marché aux Etats-Unis. Les quatre premières rangées, quimettent l’accent sur la législation fédérale, sont incluses dans le tableau pour il-lustrer l’éventail des juridictions potentielles. Toutefois, le droit fédéral neconstitue pas l’essentiel de la législation applicable en matière d’examen judi-ciaire des clauses de non-concurrence, sujet réglementé essentiellement au ni-veau des Etats.

La loi Uniform Trade Secrets Act, qui a été transposée dans la législationde quarante-cinq Etats, est le texte législatif le plus pertinent en ce qui concerneles clauses de confidentialité contenues dans les pactes de non-concurrence. Parexemple, on trouve des dispositions assez représentatives à cet égard dans leCode civil de Californie, dont les articles 3426-3426.11 prévoient que les secretscommerciaux comprennent les informations (y compris une formule, un mo-dèle, une compilation, un programme, un dispositif, une méthode, une tech-nique ou un procédé) qui ont une valeur réelle ou potentielle, parce qu’elles nesont pas connues du public. En d’autres termes, la caractéristique essentielle dessecrets commerciaux tient au fait qu’ils ne font pas l’objet de transactions sur lemarché du travail. Par conséquent, les pactes restrictifs après l’emploi contien-nent souvent des clauses interdisant la divulgation des secrets commerciaux.

La légalité de ces pactes s’interprète à la lumière des lois spécifiques et desrègles de common law applicables dans les différents Etats. Comme l’a résuméMalsberger (2006), seuls dix-huit Etats ont promulgué des lois d’applicationgénérale visant ce type de contrat. L’objectif de ces lois est variable: certainesdisposent simplement qu’il y a des professions (par exemple, en Alabama, la phy-siothérapie, la comptabilité, la médecine, la médecine vétérinaire) qui ne sontpas assujetties à ces clauses restrictives; d’autres, comme en Californie, vontjusqu’à déclarer nuls tous les pactes de non-concurrence. Toutefois, d’unemanière générale, que la jurisprudence soit guidée par la législation ou essentiel-lement par la common law ou encore par un mélange des deux, les critèresconsidérés ont fréquemment pris en compte la condition de «caractère raison-nable», comme le fait le test de Solari-Whitmyer (voir tableau 4 pour une liste descritères).

La liberté contractuelle privée est une composante centrale de l’idéologiequi associe l’efficacité du marché et l’intervention minimale des institutions. Lecontrat doit évidemment respecter les conditions de validité édictées dans la lé-gislation des Etats ou par la common law, et les Etats-Unis illustrent la diversitéremarquable de cette série de règles. Toutefois, les considérations relatives à laliberté du commerce, à la concurrence déloyale et à l’intérêt public constituent

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Tableau 4. Canevas juridique des pactes de non-concurrence aux Etats-Unis

Cadre juridique applicable Champ d’application Fondement de la législation ou de la règle de common law

Législation (fédérale)anticoalitions

Commerce interétatique Complot en vue de restreindrela concurrence

Cours d’appel fédérales Commerce interétatique Conflits entre les lois des Etatsou détermination de la loi du for

Economic Espionage Act(fédéral)

Compétences nationaleet extraterritoriale

Secrets commerciaux; espionnage industriel

Uniform Trade Secrets Act(modèle national,pour adoptionpar les Etats)

45 Etats Valeur économique découlantdes restrictions législatives légitimes concernant les secrets commerciaux

Législation des Etats 18 Etats Va de l’interdiction complètedes pactes de non-concurrence aux exceptions visant certaines professions. Certaines lois codifient également les doctrines de common law mentionnéesci-dessous

Systèmes judiciairesdes Etats.Application et interprétationde la législation et juris-prudence de common law

Même lorsque les pactes postemploi, notammentles conventions de non-concurrence, sont interdits (comme en Californie), les contestations judiciaires sonttrès courantes, et les recoursen common law possibles, notamment dans les conflitsde compétence pour lesquestions telles que le télétravail,ou les aspects de la période postemploi qui, techniquement, n’entrent pas dans la sous-catégorie des clauses de non-concurrence.

Liberté de contracter et validitédu contrat: considérationsde contrepartie, conditions spécifiques (liste limitative)Caractère raisonnabledes conditions: durée,aire géographique, période,investissement dans la formation des salariésConcurrence déloyale: ingérence illégale, contrats iniques,déséquilibre du pouvoirde négociation, avantageindu

Systèmes judiciairesdes Etats

Priorité absolue: protectionde l’intérêt public

Considérations économiques: liberté du commerceConsidérations sociales: intérêt public, par exemple, accèsaux soins de santé

Systèmes judiciairesdes Etats

Considérations relativesaux salariés

Préjudice excessif

Liberté de travailler pour assurer les moyens de subsistance

Systèmes judiciairesdes Etats

Considérations relativesaux employeurs

Protection des intérêts commerciaux légitimes

Systèmes judiciairesdes Etats

Recours Intervention de l’Etat dans les contrats: modification des clauses contractuelles; pouvoir des tribunaux de modifier ou d’annuler les clauses indûment restrictives («blue pencil rule»); divisibilité.

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un tronc juridique commun, applicable dans toutes les juridictions, permettantd’évaluer la validité de ces contrats. Pour autant, la concurrence et l’intérêt pu-blic sont également tributaires des incitations et des innovations que les entre-prises souhaitent protéger. Examiné à travers le prisme des pactes de non-concurrence, le cadre juridique global décrit au tableau 4 démontre toutefoisqu’il subsiste de nombreuses incertitudes dans ce domaine.

En dernier lieu, afin d’analyser les résultats des jugements rendus en cettematière, une recherche a été menée dans la base de données LexisNexis ® Aca-demic, en mettant l’accent sur les décisions en première instance et en appeldans les systèmes judiciaires des Etats, tels qu’identifiées par Malsberger (2006).Nous avons identifié 232 cas pour une enquête plus approfondie.

Le dispositif des jugements portés en appel dans les trois Etats comptant leplus grand nombre de cas (Illinois, 48; Texas, 28; et Géorgie, 25) est résumé autableau 5. Il faut noter à cet égard que l’Illinois ne possède pas de législation gé-nérale visant les pactes de non-concurrence. Le Texas a codifié la doctrine de di-visibilité («blue pencil rule»), qui permet aux tribunaux de dissocier les clausesabusives d’un contrat, tout en préservant son caractère exécutoire. L’Illinois etla Géorgie, pour leur part, observent strictement la règle «d’indivisibilité», c’est-à-dire que, si le tribunal conclut qu’une partie du contrat est invalide, il devientintégralement inexécutoire. Toutefois, la Géorgie dispose d’une loi spécifiquequi définit des limites raisonnables quant à la durée et à l’aire géographique desrestrictions.

Le tableau 5 subdivise les affaires en fonction de l’issue du litige, à savoir,si le tribunal a donné raison à l’employeur ou au salarié, ou s’il a rendu un juge-ment partagé. Cela signifie que le tribunal a statué en faveur de la partie men-tionnée, que ce soit en qualité d’appelante ou d’intimée. Les décisions partagéespeuvent avoir été rendues pour diverses raisons, comme l’application de la doc-trine de divisibilité des clauses («blue pencil rule»), ou en raison d’un renvoi surune question factuelle; le tribunal peut également statuer que la violation allé-guée n’avait aucun rapport avec le pacte en cause (par exemple, la violation d’undevoir fiduciaire) ou qu’il s’agissait manifestement de contrats distincts et quedifférentes parties ont obtenu gain de cause pour des contrats distincts. Cetteclassification de l’issue des jugements est rudimentaire, mais n’en constitue pasmoins une bonne indication du profond déséquilibre entre les parties devant lestribunaux. Bien qu’elles présentent un certain intérêt, les conséquences obser-vables de ces décisions ne sont pourtant pas forcément révélatrices de l’effet dis-suasif des clauses de non-concurrence. Seul un sondage effectué directementauprès des salariés permettrait de s’en assurer, mais aucune étude de ce genren’a été entreprise.

Les enseignements tirés de la base de données du BNA et de l’analyse desprécédents judiciaires de LexisNexis ® Academic permettent également d’iden-tifier des normes convergentes en ce qui concerne la rédaction et la validité juri-dique des pactes de non-concurrence. Premièrement, les critères élaborés dansles décisions judiciaires eu égard aux restrictions géographiques de non-concur-rence sont devenus très exigeants au fil des ans (par exemple, une délimitation

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très précise exprimée en distance ou des frontières politiques, comme un Etatou un comté). Cette interprétation restrictive des tribunaux a contraint les em-ployeurs à se montrer plus pragmatiques dans la définition de leur aire géogra-phique concurrentielle et du marché de leurs produits, tâche d’autant pluscomplexe sur les marchés d’aujourd’hui, reliés en réseau électronique.

Deuxièmement, compte tenu des restrictions considérées comme raison-nables par les tribunaux, il semblerait qu’une période de deux ans constitue ladurée maximale acceptable pour les clauses de non-concurrence (les secretscommerciaux faisant évidemment exception à cette règle). Cela soulève quel-ques interrogations intéressantes sur la notion d’obsolescence du capital hu-main, et sur la dépréciation de la valeur marchande des connaissances ou desinformations confidentielles obtenues d’un ex-employeur.

Troisièmement, les pactes de non-concurrence qui restreignent quelquesactivités bien précises après une période d’emploi sont de plus en plus utiliséspar les employeurs pour limiter certains comportements sur le marché du tra-vail: par exemple, le fait de communiquer avec des clients, la communicationd’informations sur les processus de production ou la sollicitation d’anciens col-lègues de travail. Puisque les travailleurs transportent les informations et lesconnaissances quelle que soit la façon dont elles ont été acquises, cela crée desconflits potentiels pour ceux qui doivent trancher entre les activités permises etcelles qui peuvent faire l’objet de restrictions.

Quatrièmement, l’inégalité entre les parties contractantes quant auxcontreparties éventuelles dans les pactes de non-concurrence peut constituer unfacteur d’appréciation important, les tribunaux se montrant particulièrementattentifs aux situations où un employeur ou un salarié se livrent à des pratiquesconcurrentielles déloyales, comme celles qui sont énumérées au tableau 4.

On peut enfin tenter d’esquisser un cadre global de gouvernance en cettematière. Les tribunaux appliquent le critère du caractère raisonnable pour éla-borer un cadre tridimensionnel permettant de définir les conditions de validitédes pactes de non-concurrence. Les trois volets de ce triptyque sont l’intérêt pu-blic, les intérêts commerciaux légitimes et la liberté d’activité économique.Vient ensuite la détermination de la validité du contrat, à la fois dans une pers-pective d’échanges économiques et conformément à la loi applicable de l’Etat,qui détermine si l’Etat doit intervenir pour amender les contrats, de façon à leurdonner un caractère raisonnable.

Tableau 5. Issue des jugements en appel concernant les clausesde non-concurrence, Illinois, Texas et Géorgie

Salarié Employeur Décision partagée

Illinois 20 22 6

Texas 14 12 2

Géorgie 16 7 2

Total 50 41 10

Source: compilé par Malsberger (2006) et avec la base de données LexisNexis ® Academic.

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ConclusionLes pactes de non-concurrence après l’emploi sont révélateurs des forces insti-tutionnelles émergentes sur les marchés du travail au XXIe siècle. Les règlescontractuelles sont extrêmement variées, mais on peut y discerner plusieurs ten-dances communes, qui démontrent une certaine convergence des normes juridi-ques. Toutefois, l’attitude des entreprises et des travailleurs face à ces clauses denon-concurrence reste très incertaine, parce que ces pratiques se généralisent etont un caractère dynamique.

Alors que les conventions collectives restent la norme dans de nombreu-ses autres économies, le contrat individuel est probablement devenu une insti-tution essentielle dans les relations de travail aux Etats-Unis. Comme cet articles’est appliqué à le démontrer, ce phénomène s’étend maintenant aux «rela-tions» après l’emploi. D’autres contrats comportent des clauses particulières surles indemnités de départ et les avantages connexes, voire des primes incitant lessalariés à rester au service de l’employeur.

Il semble également que des notions de droit commercial viennent se su-perposer au droit du travail, un point de vue logique si l’on considère que le mar-ché du travail et celui des produits sont étroitement liés. Ce phénomène n’estpas nouveau dans le domaine de la négociation collective où les contrats com-merciaux à long terme sont souvent liés aux conventions collectives pour la dé-termination des prix des produits ou l’impossibilité d’exécuter le contrat (parexemple, en raison d’une grève), mais les contrats individuels sont beaucoupplus diversifiés.

Le cadre théorique de ces contrats est bien connu. Il reste toutefois denombreuses questions empiriques à explorer, par exemple: les enquêtes directesauprès des salariés, des employeurs ou des associations professionnelles; la mo-bilité internationale du travail et le respect des contrats; ainsi que la très vastesous-catégorie des activités contractuelles exercées en société, comme le droit,la comptabilité et les soins de santé.

Les pactes de non-concurrence viennent s’ajouter à la longue liste d’institu-tions juridiques telles que: la servitude pour dettes, la négociation collective, lescontrats par lesquels un futur salarié s’engage à ne pas adhérer à un syndicat(«yellow dog contracts»), les contrats d’exclusivité entre studios et artistes, l’in-terdiction du statut d’agent libre dans le sport, et tous les mécanismes juridiquesélaborés au fil des ans pour s’adapter à l’évolution du marché du travail. Les clau-ses restrictives sont intéressantes parce qu’elles représentent une réponse à deschangements fondamentaux dans nos interactions économiques, notammentceux qui attribuent au facteur travail un rôle beaucoup plus important dans laconcurrence sur le marché des produits, ainsi que la volonté affichée des em-ployeurs d’étendre leur contrôle sur le capital humain et intellectuel, et sur les in-formations ayant une valeur économique, après la fin de la relation de travail.

Le concept de pacte de non-concurrence après l’emploi comprend dessubdivisions, qui envisagent le capital humain dans ses relations avec la positionconcurrentielle de l’entreprise et tiennent compte de la concurrence qu’il peutleur livrer. Il est intéressant de souligner ici la norme de deux ans pour la validité

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de ces clauses, de plus en plus souvent acceptée ou imposée par les tribunaux,qui semblent juger raisonnable ce délai d’adaptation pour le marché et les ajus-tements du marché des produits par l’ex-employeur.

La mondialisation des marchés du travail, des produits et de l’informationnous oblige à envisager la perspective d’une utilisation croissante des pactes denon-concurrence, bien qu’il n’y ait pas eu beaucoup de recherches dans ce do-maine à ce jour. Toutefois, le document de l’OCDE (2006) qui traite des clausesde non-concurrence dans le secteur public fournit des pistes intéressantes uni-quement sur des aspects périphériques au thème traité, alors que le sujet le pluspertinent abordé par l’OIT est «Indemnité de départ et autres formes de protec-tion du revenu» (BIT, 1995, chap. 6). En Europe, les clauses de «mise au vertavec indemnisation» («garden leave») constituent un bon exemple. Aux Etats-Unis, il existe deux types d’accords de licenciement avec indemnité. Le premierfreine le départ des cadres, qui ont un savoir de grande valeur, spécifique à l’en-treprise, vers des entreprises concurrentes. Des contrats de ce type sont en géné-ral très généreux et ont pour but de «neutraliser» la menace concurrentielle. Lesecond type de contrat s’assimile plus à un plan d’indemnisation qui couvre leplus grand nombre d’employés. Ces contrats comportent plusieurs niveaux decompensations selon l’ancienneté ou la durée de services dans l’entreprise, maisils sont encore associés avec les pactes de non-concurrence après l’emploi.

Enfin, s’agissant des approches législatives en cette matière, la Chine aabordé le problème frontalement. La nouvelle loi chinoise sur les contrats detravail, entrée en vigueur le 1er janvier 2008, contient des dispositions intéres-santes en ce qui concerne les clauses de confidentialité et de non-concurrence,qui obligent l’employeur à verser une compensation financière mensuelle autravailleur pendant la durée des restrictions de concurrence, après la résiliationou la fin du contrat de travail (Pagnattaro, 2007, p. 5).

Nous conclurons en revenant à l’analogie de l’iceberg. Seules les affairesportées en justice sont actuellement perceptibles, ce qui n’autorise qu’une éva-luation approximative de la portée et des modalités du régime institutionnelsous-jacent, puisque de nombreux litiges font probablement l’objet d’un règle-ment extrajudiciaire par voie de négociation, de médiation ou d’arbitrage. Lapartie immergée représente les cas d’exécution volontaire et les violations decontrat qui ne donnent pas lieu à contestation. Par ailleurs, le fait que les em-ployeurs recourent systématiquement à ces clauses de non-concurrence peutégalement avoir un effet dissuasif encore plus marqué sur les comportementsdes salariés et des ex-salariés sur le marché du travail. Nous espérons que cet ar-ticle stimulera la curiosité intellectuelle d’autres chercheurs et les incitera à ex-plorer plus avant ce sujet.

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