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le shofar REVUE MENSUELLE DE LA COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE DE BELGIQUE SYNAGOGUE BETH HILLEL BRUXELLES N° d’agréation P401058 AVRIL 2011 — N°323 / NISSAN 5771 PESSACH

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Page 1: le shofar€¦ · n°323 avril 2011/ NissaN 5771 N° d’agréation P401058 Le Shofar est édité par la COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE DE BELGIQUE A.S.B.L. N° d’entreprise :

le shofarr e v u e m e n s u e l l e d e l a c o m m u n a u t é i s r a é l i t e l i b é r a l e d e b e l g i q u e

s y n a g o g u e b e t h h i l l e l

b r u x e l l e s

N° d’agréation P401058 avril 2011 — n°323 / NissaN 5771

PESSaCH

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revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique

EDITEUR RESPONSABLE :

Philippe Lewkowicz

REDACTRICE EN CHEF :

Monique Ebstein

COMITÉ DE RÉDACTION :

Rabbi Abraham Dahan, Monique

Ebstein, Ralph Bisschops, Gilbert

Lederman, Philippe Lewkowicz,

Isabelle Telerman, Serge Weinber,

Emmanuel Wolf

Ont participé à ce numéro du Shofar :

Francisco (Paco) Bataller,

Henri Lindner, Inge Auerbacher.

SECRÉTAIRE(S) DE RÉDACTION :

Giny Susswein

MISE EN PAGE :

inextremis.be

DESSIN :

Richard Kenigsman

n°323 avril 2011/

NissaN 5771

N° d’agréation P401058

Le Shofar est édité par la

COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE

DE BELGIQUE A.S.B.L.

N° d’entreprise : 408.710.191

Synagogue Beth Hillel

80, rue des Primeurs,

B-1190 Bruxelles

Tél. 02 332 25 28

Fax 02 376 72 19

www.beth-hillel.org

[email protected]

CBC 192-5133742-59

IBAN : BE84 1925 1337 4259

BIC : CREGBEBB

RABBIN : Abraham Dahan

PRÉSIDENT ExÉCUTIF :

Philippe Lewkowicz

CONSEIL D’ADMINISTRATION :

Président : Gilbert Lederman

Avishaï Ben David, Luc Bourgeois,

Anne De Potter, Monique Ebstein,

Patrick Ebstein, Ephraïm Fischgrund,

Josiane Goldschmidt, Gilbert Lederman,

Willy Pomeranc, Elie Vulfs,

Pieter Van Cauwenberge,

Serge Weinber, Jacqueline Wiener,

Emmanuel Wolf.

Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs.

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Sommaire 5 EDiTOrial

6 lE MOT DU PrEsiDENT EXECUTiF

JUDaÏsME

10 De la conversion au Judaïsme (rabbi abraham Dahan)13 La conversion, pilier de l'Histoire juive (Gilbert lederman)15 L'Europe est-elle vraiment antisémite ?

Les thèses du Professeur Pinto (ralph Bisschops)

19 Moses Mendelssohn (3) (Monique Ebstein) 23 "Les protocoles des Sages de Sion"

et la permanence de l'antisémitisme (Henri lindner)

26 Shmuel, Berek, Gabriel, Michael et Henri, Chronique Familiale

30 agENDa

aCTUaliTE

32 Les ministres des cultes et l'article 181 de la Constitution, (Jacqueline Wiener)

viE COMMUNaUTairE

38 Seder communautaire de Pessach39 Rubrique Gourmande recettes de Pessach recueillies (Giny) 40 Carnet 41 Annonce Commémoration de Yom HaShoah

2011 à Beth Hillel

D’iCi ET D’ai llEUrs

42 Jewish revival in Ukraine (Francisco Bataller M)45 Ich bin ein Stern (inge auerbacher, traduit par Monique Ebstein)

lU POUr vOUs

46 Notes de lecture : Moacyr Scliar, (isabelle Telerman) 47 Guide historique d'Auschwitz, (Serge Weinber)48 Juifs d'élection, Se convertir au judaïsme, (Monique Ebstein)51 Le désir de conversion (Monique Ebstein)53 Françoise (Monique Ebstein)57 Humour

59 iNFOrMaTiONs UTilEs

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46

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TalMiDile Talmud Tora de Beth Hillel

Tous les mercredis de 14h00 à 16h45

30 véhicules de remplacement boîte manuelle5 véhicules de remplacement boîte automatique

2 camionnettesDisponibles et gratuits

Dépannage gratuit sur BruxellesPrise et remise à domicile gratuite

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Rue de Boetendael, 132 - 1180 UCCLETel 02.345.60.88 - Fax 02.343.55.66

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le shofarEDiTOrial

Chers Lecteurs,

Vous recevrez ce numéro juste avant Pessah, la Fête par excellence de notre Libération. Or, à cette même époque, je voudrais parta-ger avec vous l’immense espoir que suscitent en moi les révolutions et les changements de régime en Tunisie, en Egypte, peut-être bien-tôt en Lybie, au Yémen et ailleurs. J’ai envie de crier " I have a dream ! Oui, je rêve d’un Moyen Orient uni et libéré du joug des dictatures où Israël aura une place fraternelle et recon-nue. Je rêve que les pays qui composent cette région du monde soient solidaires, que leurs échanges soient économiques et culturels et non plus militaires, que chaque être humain soit reconnu en tant que citoyen libre et que son travail soit rémunéré avec justice, que la femme puisse tenir le rôle qui jusqu'à présent lui avait été refusé. C’est un rêve, certes, et je suis tout à fait consciente que bien des dangers devront être surmontés avant qu’il puisse être réalisé. Mais, lorsque Martin Luther King a lancé son célèbre " I have a dream ! ", il était bien loin de penser que 40 ans plus tard ce rêve se concrétiserait par l’élection d’un Président noir aux États-Unis. Osons rêver !

Autre nouvelle très positive dans ce numéro où, vous pourrez le constater, nous avons choisi comme thème principal la question des " conversions ". J’ai assisté récemment à un séminaire intitulé : " Les fractures du Judaïsme contemporain " au Centre Communautaire de Paris. Bien que le thème des conversions, en

tant que tel, n’ait pas été officiellement inscrit à l’ordre du jour, il en fut beaucoup question. Quatre orateurs, appartenant à des courants différents, (les Rabbins Gabriel Fahri, libé-ral, Yeshaya Dalsace, massorti, Rivon Krygier, massorti, et même Yves Marciano, Chef du département consistorial des conversions !) ont été d’accord pour affirmer avec force que les Juifs forment un peuple et non une eth-nie. En tant que peuple, ils doivent se garder d’adopter une attitude de fermeture vis-à-vis des candidats à la conversion, et les accueillir avec reconnaissance. Les courants, libéral et massorti, ont des positions très semblables sur la question. Mais le Rabbin Marciano lui-même, a dit et répété que les conversions sont une nécessité et un enrichissement pour le Judaïsme contemporain. Il semble donc que les orthodoxes soient actuellement en train d’assouplir la rigidité qui caractérisait jusqu'à présent chez eux le processus des conver-sions. Réjouissons-nous !

Avec quelques jours d’avance, je vous sou-haite, à tous et à toutes, " Hag same’ah " et bonnes vacances ! ■

Monique Ebstein

Par Monique Ebsteinrédactrice en chef

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lE MOT DU PrésiDENT EXéCUTiF

Les ayatollahs de Jérusalem

Notre judaïsme est composé de différents cou-rants du plus ultra-orthodoxe au plus progres-siste, si tant est qu’il soit possible de réduire à ces seuls mots des conceptions infiniment plus complexes. Chacun de ces courants a sa place, et tous devraient « normalement » coexister dans un respect mutuel.

Depuis un certain temps, cependant, les res-ponsables du judaïsme ultra-orthodoxe sont passés à la vitesse supérieure dans leurs actions, tant vis à vis du judaïsme non ortho-doxe qu’au sein de leurs luttes intestines.Naturellement, c’est principalement en Israël que ces actions ont lieu, et c’est logique puisque Israël est le seul état démocratique où vit une grande majorité de Juifs et où le système religieux est encore si prégnant sur la vie quotidienne des citoyens.

Les conséquences de cette montée en puis-sance ne sont pas négligeables pour la dias-pora juive puisque, de l’aveu même de ces responsables, le but est de faire modifier des lois israéliennes qui ont une influence sur le statut des Juifs en diaspora et pour qui le lien avec Israël est important.

Au-delà des poncifs de leurs discours, je suis persuadé que la recherche du pouvoir est une des motivations fondamentales des dirigeants du judaïsme religieux ultra- orthodoxe. Le principal enjeu de ce champ de bataille (y compris au sens propre si on se rappelle des récentes manifestions violentes en rue entre « ultras » sépharades et «ultras» ashkénazes) est l‘obtention de l’autorité suprême en matière

de conversion car celui qui détient cette auto-rité pourra demain décréter « qui est juif ».

A défaut de réponse, cette question, aussi vieille que le peuple juif lui-même, a toujours eu, des conséquences négatives voire drama-tiques pour les personnes concernées. Soit qu’elles aient été reconnues comme juives, soit qu’elles ne l’aient pas été. Etrangement, quand un acteur de l’histoire non-Juif pose la question – et c’est souvent le même qui donne aussi la réponse – on est très vite juif.1

Mais quand c’est un Juif qui pose cette même question, le résultat est inverse et de moins en moins de personnes le sont.

Depuis Amalek, notre peuple sait ce qui se passe dans le premier cas. Cette interrogation est quasi toujours fondée par un sentiment antisémite. On ne peut que le combattre de toutes nos forces et par tous les moyens, y compris et surtout par l’éducation.

Heureusement, dans le second cas, les consé-quences ne sont pas si dramatiques, et de loin, mais elles existent néanmoins. Elles concernent tous ceux qui sont impliqués dans un processus de conversion et/ou d’aliyah. Les candidats à la conversion orthodoxe sont les premières victimes de cette lutte de pouvoir.

Ainsi, au sein de Tzahal, l’armée de défense d’Israël, les rabbins orthodoxes accrédités par le Grand Rabbinat d’Israël ont converti nombre de jeunes recrues, avant que ce même Grand Rabbinat d’Israël n’invalide ces conversions. Au moment où j’écris ces

Par Philippe lewkowicz

1 Il est important de préciser ici que toute question, posée par un non juif sur la judéité d’une autre personne, n’est pas suspecte à priori et peut parfaitement être légitime dans un cadre privé. C’est pourquoi j’emploie l’expression « acteur de l’histoire ». En effet, quand un personnage public pose ce genre de questions, ce n’est presque jamais innocent.

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le shofarlE MOT DU PrésiDENT EXéCUTiF

lignes, le Grand Rabbin ashkénaze ne veut rien entendre et exige que le processus de conversion soit recommencé sous sa juridic-tion. Quant au Grand Rabbin sépharade, il est plus souple et ne demande que l’examen cas par cas de chaque conversion.2

Lorsqu’il s’agit de l’alyah, rappelons qu’en vertu de la «loi du retour», la citoyenneté israé-lienne est accordée à tout Juif qui la demande. L’examen du dossier, y compris celui relatif à la judéité de l’impétrant, dépend de l’Agence Juive, un organisme étatique. C’est naturelle-ment ce dernier point qui agace les ultras. Ils n’arrivent pas à accepter la reconnaissance par l’Agence Juive des conversions non ortho-doxes réalisées en diaspora.3

Sur base de faits avérés, on peut analyser leur stratégie, somme toute assez simple, pour ten-ter de contrer cette reconnaissance.

La première étape est de ne plus autoriser aucune conversion, même la plus ortho-doxe, nulle part dans le monde, si elle n’est pas faite par des Beth Din (Cours de justice rabbiniques) placés sous l’autorité du Grand Rabbinat d’Israël. Et ces Beth Din autorisés n’existent que dans trois pays : les Etats-Unis, la France et bien sûr Israël. Ainsi, il est pos-sible d’étudier en Belgique en vue de se conver-tir, mails il est obligatoire de se rendre à Paris ou en Israël pour la conversion elle-même4. L’ironie de la chose, est que si des rabbins orthodoxes ne se plient pas à ce diktat, comme c’est le cas actuellement aux Etats-Unis, les conversions qu’ils auront réalisées risquent

d’être refusées par l’Agence Juive, avec comme argument que l’autorité de tutelle des ortho-doxes – le Grand Rabbinat d’Israël – ne recon-naît pas ces conversions. Alors que les conver-sions non orthodoxes sont reconnues puisque les autorités des mouvements non orthodoxes les reconnaissent…5

Ensuite, dans un souci de cohérence, les ultra-orthodoxes demandent que toutes les conver-sions, donnant accès à la loi du retour, suivent ce même schéma et passent sous le contrôle de leurs tribunaux agréés. C’est le stade actuel de leur lobbying. Et il n’est pas demeuré sans suc-cès, puisqu’il y a quelques mois le parti « Israël Beiteinou », auquel appartient le ministre des affaires étrangères, a déposé un projet de loi qui attribuerait au Grand Rabbinat d’Israël l’exclusivité pour les conversions. Ceci signi-fierait la fin de la reconnaissance par l’Agence Juive des conversions réalisées en diaspora par des rabbins libéraux ou par d’autres mou-vements non orthodoxes.

Beth Hillel comme nombre de communau-tés affiliées à la World Union of Progressive Judaism a écrit au Premier Ministre Benjamin Netanyahu. Car comme le dit très juste-ment Jean Marc Brunschwig, président de la Communauté Libérale de Genève, établir un distinguo entre ceux qui sont nés juifs et ceux qui ont choisi de le devenir nous est insupportable.6 Le cabinet du Premier Ministre nous a répondu, vous trouverez copie de cette réponse à la suite de cet article. Le Premier Ministre a, en outre, déclaré à la Knesset qu’il

2 En réalité, même si le rabbinat aux armées est une institution qui observe scrupuleusement toutes les prescriptions de la législation religieuse (halakha), il est le seul qui soit encore géré par le sionisme religieux, ce qui ne convient pas aux ultras du Grand Rabbinat d’Israël, souvent anti étatiques et dont nombre de rabbins réfutent aujourd’hui l’idée d’Etat de droit au nom de la suprématie de la loi divine.

3 Les conversions non orthodoxes réalisées en Israël ne sont pas reconnues par l’Agence Juive. Ni donc par le ministère de l’intérieur. C’est naturellement au sujet du mariage que les conséquences sont les plus lourdes. Actuellement il n’y a toujours pas de mariage civil en Israël et c’est le Grand Rabbinat qui détient la clé pour la reconnaissance légale des mariages juifs conclus en Israël. Il en est de même pour les chrétiens et les musulmans en ce qui concerne leurs instances respectives. C’est pourquoi il n’y a pas de mariage mixte, ou de mariage avec un converti non orthodoxe, possible en Israël. La seule solution pour ces couples est de se marier civilement à l’étranger et de déclarer leur mariage au ministère de l’intérieur, sans passer par une instance religieuse. Rien ne les empêche de célébrer ensuite un mariage religieux non orthodoxe en Israël, mais celui-ci n’aura pas de valeur « légale ».

4 Même si cet interdit de conversions orthodoxes par des cours rabbiniques non autorisées est à l’origine motivé par la volonté de mieux contrôler les conversions orthodoxes en raison, entre autres, de certains abus. Il est évident qu’il sert ici parfaitement la stratégie engagée.

5 www.jta.org/news/article/2011/02/23/2743081/meeting-letter-address-orthodox-converts-aliyah-issues

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lE MOT DU PrésiDENT EXéCUTiF

ne soutiendrait pas ce projet de loi qui « risque de créer une déchirure au sein du peuple juif ». Pour le moment, ce lobbying ultra orthodoxe n’a pas réussi. D’abord en raison de la situation politique en Israël. Cependant, les marchandages de coalitions, et les concessions faites aux petits partis orthodoxes pour obtenir leurs soutiens, ne permettent pas d’exclure à l’avenir un ren-versement des tendances. Ensuite, le poids du judaïsme américain, en très grande majo-rité non orthodoxe, influence encore, d’une manière ou d’une autre, les gouvernements israéliens en cette matière.Une autre garantie est la séparation des pouvoirs. Tant que la Cour Suprême d’Israël

sera composée de juges intègres ne se lais-sant pas influencer par des arguments stric-tement religieux, elle ne laissera pas passer des lois contraires aux Droits de l’homme, en vertu desquels sont reconnues la liberté de conscience et l’égalité des droits.

Il n’empêche qu’il faut rester vigilants et continuer à exiger pour chacun la liberté de conscience, tant à l’extérieur de sa foi qu’au sein de celle-ci. En Israël, cette vigilance est exercée par l’IRAC (Israel Religious Action Center of the Israel Movement for Progressive Judaism) dont le site www.irac.org fournira d’utiles informations à ceux qui veulent en savoir plus. ■

6 Etablir ce distinguo est d’ailleurs aussi explicitement interdit par la halakha. Cela ouvre un nouveau débat : déterminer si une seule obédience est l’unique détentrice de l’interprétation de la halakha. Mais à partir du moment où les ultra-orthodoxes refusent la validité de tout ascte pratiqué par des non-orthodoxes, le texte n’a plus de champ d’application en la matière. Dans les faits, la conclusion est toujours la même, il y a de plus en plus d’exclusions - même entre ultra-orthodoxes – et le cercle n’en finit pas de rétrécir.

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le shofar

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JUDaÏsME

De la conversion au Judaïsme

par rabbi abraham Dahan

Dans la littérature rabbinique, le regard des rabbins sur les nations est parfois peu tendre. Leurs valeurs sont dominées par le pouvoir, le culte du chef, de la force, du territoire, du nombre, de l’empire avec la violence qui découle de tous ces facteurs : « La voix, c’est la voix de Jacob et les mains sont celles d’Esaü. » (Gn 27.2)1La voix, disent les rabbis, c’est le question-nement, le dialogue : c'est ce qui caractérise Israël.Les mains, l’affrontement, la lutte, la violence c’est Esaü, le père du monde chrétien.« Si l’on te dit qu’il y a de la science chez les nations, tu peux le croire. Mais si l’on te dit qu’il y a de la Tora, de l’humain chez les nations, ne le crois pas ». (Lm rabbah 2) « 10 mesures de stupidité et de cruauté sont descendues sur le monde, les descendants d’Ismaël en ont pris 9 » (Esther Rabbah 1).Il n’y a pas de doute que ces jugements peu amènes et si tranchés sont la conséquence des oppressions, des écrasements et des exclu-sions que le peuple juif a subis sans pitié ni répit dans tous les pays de ses exils.

Cependant d’autres textes, tout aussi nom-breux expriment une valorisation des nations. Ce qui est critiqué et rejeté, ce sont leurs cultes absurdes. Même par rapport à Rome qui a détruit Jérusalem, le temple et exilé Israël, il y a des textes positifs : « Et voici que c’était très bien » Genèse 1.Rabbi Shimon Ben Lakish dit: " Il s’agit de Rome, et c’est parce que Rome a donné la primauté à la loi sur la croyance religieuse ". Berechit rabbah 9Rabban Gamliel : « J’admire les Perses pour

plusieurs raisons, leurs manières délicates de se comporter à table, ils sont pudiques dans leurs relations et en amour…» (Bérechit Rabbah 8)Les Grecs dépassent les Romains dans trois domaines, la politesse, les constructions et la langue. » (Béréchit rabbah 15)Rabbi Hiya bar Abba : "Les rois de Médie étaient bons, l’unique chose que le Saint béni soit-Il peut leur reprocher, c’est leur idolâtrie." (Esther rabbah 1)Elya enseignait : " Je prends à témoin les cieux et la terre pour affirmer qu’on ne doit faire aucune discrimination entre un Juif et un non-Juif, entre un homme ou une femme, un esclave ou une servante : tout dépend de leurs actes. Seul l’acte ouvre ou ferme l’âme à l’esprit de Dieu. (Tana derabbi Eliezer 10).« Le Saint béni soit-Il n’exclut aucune créature. Toutes peuvent être accueillies, les portes sont ouvertes à toute heure et chacun peut entrer » (Shemot rabbah 19).« Un non-Juif qui s’intéresse à la Tora est com-parable au Cohen Gadol ». Il est écrit « Voici les commandements qui donnent la vie à l’homme qui les met en pratique » (Lév 18.5). Il n’est pas dit le Cohen, le Lévite ou le Juif mais l’Homme, de quelque nation qu’il soit ». (Shemot rabbah 19)« Tes prêtres seront vêtus de justice ». (Ps118.20). Il s’agit des Justes des nations qui sont les vrais prêtres du Saint béni soit-Il dans ce monde » (Tana béné Elyahou Zouta 20).« Voici la porte de l’Eternel, les Justes y entre-ront »(Plus.118). Les Justes de quelque horizon ou de quelque nation qu’ils soient ! (Shémot rabbah 19).

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le shofar

La Tora elle-même est la source de cette atti-tude positive : Ismaël et Isaac sont certes diffé-rents, deux univers comme les deux jumeaux Jacob et Esaü que tout oppose, mais qui n’en sont pas moins frères. Le texte souligne a maintes reprises cette fraternité de manière significative.

Le beau père de Moïse, Ytro est prêtre de Madian (l’Arabie ?). Pourtant, c’est par son nom que s’ouvre la Sidra des "Dix Paroles", parce qu’il a compris l’aventure des Hébreux et qu’il se réjouit de leur libération, la première de l’histoire.Ytro critiquera Moïse quant à sa manière de gouverner Israël et de gérer son peuple, et Moïse, l’homme de Dieu, suivra point par point les conseils du prêtre étranger et païen.La femme de Joseph était la fille du grand prêtre d’On. Jacob, le vieux patriarche, adop-tera les enfants Efraïm et Menashé qu’elle donnera à Joseph. Non seulement ils seront à l’origine de 2 des 12 tribus d’Israël, mais Jacob prescrira que c’est en mentionnant leurs noms que les enfants d’Israël béniront leurs enfants de génération en génération (Gn 48,20) : or, c'est exactement ce que nous faisons encore aujourd’hui.Et pourtant, les noms donnés par Joseph à ses 2 fils révèlent comme un désir de couper les ponts avec sa famille, d’oublier son père et ses frères par lesquels il se croyait trahi (Gn 41.45).Lorsque Moïse libère les Hébreux d’Egypte, il leur prescrira : " Ne hait pas l’Edomite, il est ton frère, ne hait pas l’Egyptien car tu as été étranger chez lui. Leurs enfants pourront entrer dans la communauté d'Israël " (Deut 23.8), et encore : " Vous allez passer près de la frontière de vos frères, les descendants d’Esaü … ne les provoquez pas, car je ne vous accor-derai de leur pays pas même la largeur d’une semelle. La montagne de Séir, c’est l’héritage d’Esaü. (Deut 2.4) Même chose pour Moab (Deut 2.9) et les habi-tants d’Amon (Deut 17). Alors que la possibi-lité d’appartenir au peuple juif reste ouverte à

toutes les nations, deux en sont exclues Amon et Moab : « Ils vous ont refusé le pain et l’eau, à votre passage au sortir de l’Egypte, et ils ont stipendié contre vous le prophète Bilam pour vous maudire (Deut 23.4)L’exclusion de ces deux peuples par la Tora dérangera les Sages d’Israël : " On ne condamne pas un peuple entier ". Leur exclusion était valable aux temps de Moise. Ils écriront le livre de Ruth la Moabite, pour affirmer que l’on ne peut exclure aucun peuple. Or, non seulement Ruth sera un modèle pour tous les convertis, mais elle sera l’ancêtre du roi David, l’ancêtre du Messie. Les Sages institueront la lecture de ce livre à Shavouot, la fête du don de la Loi au Sinaï, comme pour suggérer, de façon on ne peut plus éclatante, que ni l'ethnie, ni la nation, ni même la religion ne sont détermi-nantes. C’est l'esprit qui porte et anime toute la Tora. Ce sont le comportement et les actes qui importent. (Lév,18,2-3).Ces dispositions sont partout présentes dans la législation rabbinique.Dans la Tora, l'étranger est désigné par le mot " guer " (Gn.23,4 ; Ex.20,22 ; Deut. 14,29 ; Ps.119,19…) Les exemples abondent.

Par contre, dans la littérature rabbinique "guer" désignera le converti, peut-être pour indiquer que tout étranger peut choisir d’entrer dans la communauté d'Israël. Le verbe " léhi-tgayer " (s'étrangéifier) signifie " se convertir ". Peut-être aussi pour suggérer qu'en choisis-sant le judaïsme on se met un peu à part, on devient un peu étranger…La conversion est donc possible et valorisée, tout en excluant le prosélytisme. Le midrash la fonde dans la plus haute antiquité. Les trois patriarches, Abraham, Isaac et Jacob ont converti et ont rapproché des idolâtres du service du Dieu Un (Berechit rabba 84.4).On trouve même dans le Talmud de Babylone (Brakhot 4) l'histoire d'un Ammonite qui cherchait à entrer dans la communauté d'Is-raël et auquel Ramban Gamliel opposait un refus catégorique sous prétexte qu'Amonites et Moabites sont exclus par la Tora. Rabban

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JUDaÏsME

Gamliel sera démissionné pour sa rigueur, et rabbi Eléazar, son successeur, acceptera d'intégrer immédiatement l'Ammonite au peuple d'Israël. Il justifiera sa décision, qui sera acceptée par ses collègues.Quant au prosélytisme de masse, une seule fois dans la longue histoire des Juifs, il y eut une conversion forcée. Ce fut à l'époque des Maccabées qui convertirent les Iduméens pour des raisons territoriales et politiques. Les rab-bis condamneront très fermement cet acte et le considèreront comme une faute. La conver-sion au judaïsme n'est pas liée à la récitation d'une profession de foi ou d'un credo, mais à l'étude et à l'acceptation des commandements essentiels qui fondent et accompagnent la vie juive. De nombreux textes du midrash - trop peu connus hélas - montrent une grande ouverture par rapport à cette problématique.

Voici le texte du Talmud qui fixe les conditions d'acceptation du prosélyte :"Si quelqu'un veut se convertir au judaïsme, on ne l'accueillera pas aussitôt ; mais on lui dira : « Pourquoi veux-tu te convertir ? Tu vois que cette nation est opprimée et malheureuse plus que toute autre nation, que des maladies mau-vaises et des souffrances s’abattent sur elle, que ceux d'Israël ensevelissent leurs enfants et les enfants de leurs enfants, qu'on les tue à cause de la circoncision, du bain rituel et des autres commandements, et qu'on les empêche de pratiquer ouvertement leur religion comme les autres peuples. » — S'il répond : « Je ne suis pas digne de mettre ma nuque sous le joug de Celui qui, d'une parole, créa le monde », on l'accueillera aussitôt ; mais s'il ne répond rien; on le congédiera. — Lorsqu'il aura reçu le joug du ciel, on le conduira au bain rituel et, quand il en sera remonté, on lui expliquera certaines particularités des commandements, entre autres l'obligation où il se trouve désormais de pratiquer les préceptes relatifs à la glane, à la gerbe oubliée, au coin du champ et aux dîmes... Puis, on lui dira de bonnes paroles, des paroles de consolation : « Le salut soit avec toi. Sais-tu à qui tu t'es allié ? A Celui qui n'eut qu’à parler pour que fût fait le monde ;

car le monde fut créé pour l'amour d'Israël, et Israël est à la première place dans l'amour de Dieu ; nos avertissements pour t’éloigner de nous ne voulaient qu'augmenter ton mérite. » (Guerim, I.)

De nos jours, il y a un durcissement par rap-port à cette approche, et souvent la conversion devient un parcours du combattant. Cela est dû à plusieurs facteurs, le poids d'une histoire terrible et la peur de retournements possibles. On ne peut pas non plus exclure une tentation élitiste ou des jeux de pouvoir entre certains rabbins…Dans nos communautés, il y a un accueil, une écoute réelle de la demande, le temps nécessaire à l'étude, pour faire comprendre, aimer et conduire à la pratique qui caracté-rise et éclaire un foyer juif. Aucune mitzvah n'est négligée, mais elle est toujours, comme l'exige la tradition authentique, réinterprétée, et actualisée pour notre temps. Israël est un peuple, pas une tribu, un peuple dont la fidélité ne s'est jamais traduite par l’inertie et par la fermeture à l'autre.Il y a, dit le midrash, trois types de conver-tis : celui qui vient au judaïsme parce qu'il s'attache à l’un de ses aspects, le Shabbat par exemple ou la cuisine… Celui ou celle qui vient au judaïsme parce qu'il (ou elle) veut se marier avec un juif, et enfin celui qui, comme Abraham a étudié, interrogé, comparé, cher-ché et a fini par être convaincu de la singula-rité d'Israël et de la lumière de ses traditions. Les trois types existent et " le Saint béni soit-Il dit à Israël :" Mes enfants, de même que ces gens vous aiment et veulent s'attacher à vous, accueillez-les et aimez-les." Tana debeth Elyahou 27- yakult Shimoni shelach 14 " ■

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le shofar

La conversion, pilier de l’Histoire juive

par Gilbert lederman Président du Conseil d’administration

Aujourd’hui, face à une démographie déci-mée par le génocide nazi et une croissance menacée par l’assimilation, le judaïsme doit répondre au défi qui menace le peuple juif de disparaître. Favoriser la conver-sion n’est-ce pas un des moyens pour lut-ter contre cette disparition ? Face à cette vaste problématique, cet article se pro-pose de survoler les étapes importantes de la conversion dans l’Histoire juive, de son origine à nos jours.

La conversion signifie le passage d’une confession religieuse à une autre. Aux temps bibliques, un converti au judaïsme était appelé guer tzedek (en hébreu : prosélyte juste) ou simplement guer (prosélyte). Dans ses fon-dements, le peuple juif est endogame, c’est-à-dire qu’il est interdit par la Tora aux Juifs de se mélanger par mariage à d'autres peuples : « Tu ne contracteras point de mariage avec ces peuples, tu ne donneras point tes filles à leurs fils, et tu ne prendras point leurs filles pour tes fils » (Deut 7:3). A l’origine de son histoire, il suffisait, pour un non-Juif qui dési-rait entrer dans la maison d’Israël, d’attester de sa foi en un Dieu unique, un Dieu qui n’est jamais représenté par des images ni par des statues. Quant aux hommes, ils devaient accepter un signe physique distinctif radical : la circoncision.

La Bible, dans un de ses livres, raconte la conversion de Ruth la Moabite, l’ancêtre du roi David. Ce fut elle qui prononça cette pro-fession de foi sublime : « Ton peuple est mon peuple, ton Dieu est mon Dieu » (Ruth 1:1-22). Sous le règne de David, de nombreuses conversions eurent lieu parmi les Jébuséens, les habitants d’une peuplade de la terre de Canaan avec pour capitale Jebus (plus tard Jérusalem). Dans l'Antiquité, le judaïsme fut traversé par de nombreux courants, et chacun d’entre eux adopta sa propre position à l'égard des conversions. Par exemple, les Sadducéens y furent fermement opposés, alors que les Pharisiens, dont nous sommes les héritiers spirituels, les acceptèrent. Vers l’An 100 avant l'ère commune, les conquérants hasmonéens convertirent la tribu iduméenne d’Hérode. Le fait que dans l'Empire Romain, 10 % de la popu-lation ait été juive, ne peut s'expliquer sans qu’il y ait eu de nombreuses conversions. Au cours des siècles, la religion juive fixa des lois et des règles précises sur la base de la Tora. Celles-ci furent élargies au cours des siècles par les interprétations rabbiniques. La position des différents courants du judaïsme concer-nant les conversions évoluera au fil du temps, et l’on pourra même constater des conversions de masse jusqu'au Moyen Âge : celles d'une partie des Francs ripuaires (Ve siècle), des Khazars dans l’actuel sud de l’Ukraine (IXe

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JUDaÏsME

siècle) ou celles des Berbères (+/- XIVe siècle). Plus tard, des phénomènes identiques appa-rurent chez les Subbotniks, juifs d'Azerbaïd-jan et d'Arménie, dont les ancêtres étaient des paysans convertis au judaïsme pour des raisons inconnues (XIXe siècle), ou encore la Communauté Bnei Menashe, d'ethnie Mizo, en Inde. Ces derniers prétendaient descendre de l’une des dix tribus perdues d’Israël, exi-lées par l’Empire assyrien, il y a plus de 27 siècles. Citons également, les Juifs de la petite commune agricole de San Nicandro dans les Pouilles, vingt-trois familles auto-converties en 1930 par un paysan-prophète. Il voulait faire renaître le peuple hébreu qu'il croyait disparu à jamais. Beaucoup d’entre eux émi-grèrent en Israël.Aujourd’hui, la question de la conversion est un sujet de véritable polémique parmi les courants du judaïsme. Elle fait rage en Israël entre orthodoxes et laïcs. Dans la mouvance libérale, le candidat à la conversion suit un programme avant de se présenter devant un Beth Din (tribunal rabbinique) composé de 3

rabbins. Le programme consiste notamment en une période d’étude de 12 mois minimum, comprenant l’enseignement de l’histoire juive, l’explication des rites et des fêtes, l’apprentis-sage de l’hébreu orienté vers la compréhen-sion des prières. Le processus de conversion implique des entretiens réguliers avec les rabbins, la participation à des cours collec-tifs, la présence obligatoire du conjoint juif dans le cas où la raison de la conversion est le mariage, la participation active à la vie de la communauté, ainsi que la pratique des rites et des fêtes à la maison. Le candidat doit convaincre de son engagement à partager la foi et la destinée du peuple d’Israël. Dans le but de fonder l’identité juive de familles issues de mariages mixtes, le mouvement libéral encou-rage la conversion au judaïsme. Soulignons que cet acte de conversion n’est pas reconnu par le Consistoire puisque celui-ci ne recon-naît pas les rabbins libéraux. En revanche, cet acte est valide pour les autres communautés libérales du monde, soit la majorité actuelle des Juifs attachés à la religion. ■

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L’Europe est-elle vraiment antisémite ?Les thèses du Professeur Diana Pinto1

par ralph Bisschops

Le moment-clef du congrès de la European Union for Progessive Judaism qui se tint à Paris du 3 au 7 mars 2010 fut la conférence

de Diana Pinto, professeur d’histoire italienne et ancienne consultante pour le Conseil de l’Europe. Sa thèse centrale se résume comme suit : l’Europe actuelle ne serait pas antisémite, ni philosémite. Elle deviendrait a-sémite. Les leaders juifs européens rechigneraient à s’ac-commoder de cette nouvelle tendance et continueraient à penser dans l’optique d’une vision bipolaire.

RÉSUMÉ DES THESES DE DIANA PINTO

Une réconciliation ratéeA la fin du siècle précédent et au début des années 2000 l’optimisme semblait de mise. La Shoah occupait une place centrale dans les esprits, aussi bien juifs que non juifs. Le monde européen se rendit pleinement compte de l’ampleur de l’horreur de l’holo-causte. Les gouvernements prenaient une part active dans la commémoration des

victimes. L’histoire et la culture juive furent l’objet d’une attention médiatique vive. Nous assistâmes à la création de musées juifs (à Berlin, Paris et Munich). La réconciliation entre l’Europe et les Juifs semblait s’appro-cher. Ensuite vinrent la deuxième intifada et la guerre en Iraq. Les leaders européens, par leur indécision, firent ressurgir le « spectre de Munich ». L’Europe fut stigmatisée comme le cheval de Troie de l’Islamisme. Le mot « Eurabie » apparut. Les efforts de l’Europe envers les JuifsBeaucoup d’universités mirent en place des centres d’études juives, et les gouvernements européens s’engagèrent dans la restitution des biens spoliés pendant l’occupation nazie. Et pourtant, estime Diana Pinto, les efforts de l’Europe envers les Juifs, au cours de cette période, n’ont pas été appréciés à leur juste valeur.

L’Europe « a-sémite »La croissance de l’antisémitisme dans les milieux islamiques et le repli récent du Vatican sur lui-même pourraient, en effet, démentir les espoirs des années 2000.Mais Diana Pinto perçoit une autre ligne directrice dans l’histoire européenne. La cen-tralité des « choses juives » serait terminée.

1 La version originale (anglaise) du texte se trouve sous le lien http://www.eupj.org/paris-2010/69-dr-diana-pinto.html

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JUDaÏsME

L’Europe ne peut pas rester fixée sur la période la plus noire de son passé. Elle doit se tourner vers d’autres priorités face à un monde profondément changé.Beaucoup d’immigrants, qui savent combien l’Europe a honoré ses Juifs dans les dernières années, réclament maintenant le même traite-ment bienveillant.L’intolérance religieuse pra-tiquée par les musulmans, mais aussi contre eux, ainsi que la menace terroriste auraient détourné l’attention de la Shoah, dont la mémoire semble s’étioler face aux menaces actuelles. Il ne fau-drait pas être choqué par ce glissement des priorités, estime Diana Pinto. Bien au contraire, ce changement exigerait de nous, Juifs, une façon différente de penser. Nous devrions nous accommoder du fait que le monde européen n’est plus antisémite ou philosémite, mais a-sémite.

La tâche du Judaïsme LibéralNous, en tant que Juifs, devrions nous rendre à l’idée que dorénavant nous ne sommes qu’une minorité parmi d’autres qui ont leur propre histoire, leur propre souffrance et leur propre isolement diasporique. Parce que nous et notre histoire avons été pendant un quart de siècle au centre de l’intérêt européen, nous sommes appelés à être des chefs de file (« trend setters ») et devons nous opposer au retour actuel d’un repli ethnique et d’une vision étroite de l’identité juive. Le judaïsme libéral, selon Pinto, serait particulièrement apte à s’acquitter de cette tâche, car, en tant que minorité dans la communauté juive, il n’a pu se développer que grâce au pluralisme de la société ambiante.

Le cauchemar des leaders juifsCependant, Diana Pinto croit constater que les leaders communautaires juifs ne sont pas encore habitués à vivre dans un

contexte neutre (« neutral context »). Ils s’accommodent mal du fait que, dans un cadre pluriculturel, le monde environnant fait de moins en moins de distinction entre

les différents groupes reli-gieux ou ethniques. Cette « indifférence », que Diana Pinto trouve « bénigne » serait ressentie par les leaders com-munautaires comme une néga-tion de l’unicité du vécu et de l’identité juifs, bref : comme un « cauchemar. » Perdre, parmi les autres minorités, le statut particulier dont les Juifs ont joui à partir des années 70 serait, certes, une expérience douloureuse. Il serait surtout très difficile de

se rendre compte que « la tragédie du passé ne suffira plus pour octroyer un statut par-ticulier aux Juifs dans le futur. » Cependant, pour Pinto l’a-sémitisme actuel est un phé-nomène positif qui ouvre le chemin vers une plus grande intégration des Juifs dans une société pluriculturelle.

L’Europe et IsraëlIl est vrai, note Diana Pinto, que l’attitude cri-tique de l’Europe face à Israël pose problème dans les milieux juifs. Cependant, l’on doit également tenir compte du fait, que l’Europe protège les Juifs sur son propre territoire. La notion du « danger » qui menacerait la communauté juive est définie autrement en Europe qu’en Israël.

« L’oreille du prince »Dans nos désaccords avec les autres actants de l’Europe nous devons être prudents en utilisant le terme « d’antisémitisme ». Il ne faut jamais oublier qu’avant et pendant le nazisme ce terme était perçu comme com-pliment. De nos jours, par contre, personne ne veut être taxé d’ « antisémite, » exception faite pour quelques marginaux. Ce glisse-ment des valeurs, en tant que tel, doit nous inspirer la prudence dans le maniement de

« Les Juifs ne sont plus entourés par la lumière noire de l’holocauste et l’oreille du prince ne leur accorde plus d’attention particulière. »

(Diana Pinto)

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cette accusation lourde. Notamment dans la sphère publique, où des actants de toutes origines et convictions interfèrent, nous devrions réduire nos exigences quant à la manière dont les autres s’expriment sur nous. Avec une pointe de vitriol, Diana Pinto ajoute que les Juifs doivent apprendre à ne plus vivre protégés par « la lumière noire de l’holocauste » (« the black light of the holo-caust »), et sans que « l’oreille du prince » (« the ear of the Prince ») leur accorde une attention particulière.

COMMENTAIRE

Un discours amerLe discours de Diana Pinto traduit une pro-fonde amertume face à l’éloignement gran-dissant entre Juifs en non-Juifs depuis la seconde intifada. L’on peut en effet constater que certains leaders et éditorialistes juifs per-çoivent comme « anti-sémites », tous ceux qui ne sont pas incon-ditionnellement pour Israël, ou qui s’expri-ment à propos des Juifs avec insouciance, voire légèreté, (comme le fit récemment Karel De Gucht). Ces réactions, parfois épidermiques, ont pour effet que les actants non-juifs se voient confrontés à des exigences qu’ils ressentent comme exces-sives. Ce phénomène génère une rancœur et un grincement de dents qui trouvent leur échappatoire dans un humour mordant dont on entend l’expression dans les bistrots et les cabarets. Il convient cependant de noter que, dans son apologie de l’Europe, Diana Pinto vise surtout l’Europe des dirigeants. Ce qui se passe dans la rue ne semble pas l’intéresser. Son discours, dont il faut cer-tainement apprécier le courage, présente le désavantage, la faiblesse et le risque d’être invalidé par le prochain incident antisémite sur le sol européen.

« Le plat préféré » : collision entre sen-sibilité juive et « a-sémitisme » La notion d’a-sémitisme me paraît pourtant importante et innovatrice sur le plan socio-logique. En effet, les propos réellement anti-sémites se font rares (ou marginaux), dans la mesure où l’on entend par « antisémitisme » la discrimination inconditionnelle de chaque personne de naissance ou de croyance juive. Les propos, par contre, qui ne tiennent plus compte des sensibilités juives se font de plus en plus nombreux et inquiètent les milieux juifs. Un exemple frappant de cette inquiétude fut la suppression, sous la pression du pério-dique anversois « Joods actueel, » d’un épisode de l’émission « Le plat préféré » (VRT, 2008), qui présente de manière humoristique les pré-férences culinaires de certains personnages historiques. L’épisode en question fut consa-crée à " la truite sauce au beurre " dont Hitler

aurait été friand. L’initiative engagée contre la diffusion de l’émission fut motivée par la banalisation, voire l’huma-nisation de Hitler. Si nous suivons le raisonnement de Diana Pinto, nous avons assisté dans ce cas-ci à une collision entre la sensibilité juive d’une part, et une ini-tiative à caractère a-sémite de l’autre, car l’émission en

question ne se voulait pas un plaidoyer en faveur de l’antisémitisme. La conséquence de la suppression de cette émission fut, il importe de le noter, perçue comme une censure inac-ceptable et se révéla catastrophique pour l’image des Juifs de Belgique. Elle se manifeste encore aujourd’hui en Flandre par un réper-toire de blagues grinçantes. Si l’émission fut a-sémite, les réactions de certains spectateurs ne furent pas éloignées de l’antisémitisme. Un exemple d’un a-sémitisme explicite fut le film « Inglorious Basterds » (2009) par le réalisateur Quentin Tarantino. Dans cette production, un officier SS figure comme per-sonnage drôle, voire sympathique, même si les horreurs de la Shoah n’y sont nullement

« L’Europe d’aujourd’hui n’est pas antisémite, ni philosémite, mais

a-sémite. » (Diana Pinto)

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minimisées. Après une polémique virulente, le film fut accueilli comme un coup de génie, (comme d’ailleurs toutes les autres produc-tions de Tarantino), et devint un immense succès. Dans l’optique de Pinto, ceci est peut-être un signe du temps.

Des polémiques contra-productricesDans l’esprit de Diana Pinto l’on pourrait égale-ment se demander si les affirmations de Karel De Gucht (VLD), qui laissa échapper dans une interview radiophonique que les Juifs de la diaspora auraient un comportement épider-mique et même irrationnel par rapport à toute critique d’Israël, méritent d’être condamnées comme « antisémites. » Ce qui s’avère en tout cas évident est le fait que la vive polémique contre De Gucht a généré plus de judéophobie que les propos eux-mêmes de De Gucht ont pu provoquer. Ses affirmations peuvent être jugées inadéquates, elles traduisent en effet une ignorance par rapport à la variété des opinions dans le monde juif, (pensons entre autres à « J-Street » et « J-Call », mouvements qui s’opposent précisément à cette attitude épidermique). L’appellation « antisémite, » par contre, me paraît trop lourde et même néfaste pour désigner sa maladresse.

Mais indépendamment des questions de principe, certaines réactions du côté juif risquent d’être contre-productrices pour ce qui concerne notre entente avec l’environ-nement non-juif. Je conviens que l’approche adoptée ici est sociologique et pragmatique.

Evitons la double mesureMême si l’on souscrit aux constatations de Diana Pinto, l’on devrait pourtant se demander si l’a-sémitisme doit être valo-risé comme tendance positive. Il est, peut-être un fait accompli, mais faut-il le saluer pour autant? Evitons les doubles mesures. Certains actants européens ne se limitent pas à la parole ou la polémique, ils ont recours à la violence si une opinion émise par des contradicteurs ne leur convient pas. Ceci a comme conséquence que, sous l’effet de la peur, les sensibilités des derniers sont beau-coup plus ménagées que celles des Juifs. Les divers actants européens diffèrent considé-rablement dans leurs méthodes de pression. Pourquoi ne pas œuvrer pour que l’Europe devienne tout simplement a-confessionnelle et a-ethnique? Cette approche nous amène-rait vers l’idéal de la neutralité, voire de la laïcité radicale, dans la sphère publique. ■

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Moses Mendelssohn (3) (1729-1786)

Mariage et années de célébritépar Monique Ebstein

Après avoir décrit le climat intellectuel et philosophique du siècle où naquit Moses Mendelssohn, tracé les grandes lignes de sa vie pendant sa jeunesse, et la manière dont il orienta sa position philosophique dans le tourbillon des idées de l’Aufklärung (les Lumières), nous l’accompagnerons main-tenant au cours de ses années de maturité et de célébrité.

D’après les normes en vigueur dans la société de son temps, Moses Mendelssohn se maria relativement tard, à 32 ans. Il s’était rendu à Hambourg, au printemps 1761, pour y rencontrer son vieil ami, Aron Gumpertz. Celui-ci l’introdui-sit dans la famille Gugenheim qui lui était apparentée, et Mendelssohn y rencontra Fromet Gugenheim dont il s’éprit immédiatement. Vers la mi-mai, il écrivit à son ami Lessing qui avait exactement le même âge que lui, et était lui aussi encore célibataire : " J’ai commis la folie de tom-ber amoureux dans ma 30ème année. Vous riez ? Et bien oui, riez ! Qui sait ce qui peut encore vous arriver ? Peut-être la 30ème année est-elle la plus dangereuse, et vous ne l’avez pas encore atteinte ! La jeune femme que je

m’apprête à épouser n’a pas de fortune, elle n’est ni belle, ni érudite, et pourtant, elle m’impressionne tellement, moi, son amou-reux transi, que je me crois capable de vivre heureux avec elle ". Au mois de juillet 1762, peu de temps après son mariage, il s’adresse à son autre ami, Thomas Abbt1 : " Voilà quelques semaines que je n’ai parlé ni écrit à aucun ami, que je n’ai ni réfléchi, ni lu. J’ai seulement batifolé, festoyé et observé nos saintes coutumes… Une jeune fille aux yeux bleus a fait fondre le cœur de glace de votre

ami, et distrait son esprit de mille façons…" Le ton quelque peu léger et désinvolte de ces lettres adressées à ses deux amis célibataires, ne traduit pas les sentiments réels que Mendelssohn exprime dans les 66 lettres à sa future épouse, écrites du 15 mai 1761 au 25 mai 1762.2 Malheureusement, les lettres écrites par Fromet au cours des f iançailles sont aujourd'hui perdues. Cependant, on peut déduire leur contenu des réponses pleines de tendresse de Moses : " Ma bien-aimée ", " cher ange… " " J’envie, ma

très chère Fromet votre manière si heureuse d’exprimer vos sentiments. Même vos lettres les plus courtes sont pleines d’amour…" Avec

« J’ai envie de baiser la main

qui vous permet d’exprimer de si belles pensées »

1 Thomas Abbt (1738 – 1766), philosophe, ami de Mendelssohn.2 Moses Mendelssohn,"Brautbriefe" Schocken Verlag, Berlin, 1936

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beaucoup d’humour, il adresse une de ses lettres à " Mam’sell Braut " (Mademoiselle ma fiancée) ! A l’un de ses correspondants, il écrit : " Son cœur est la chose la plus précieuse que je possède et que je désire posséder sur terre ". Et s’adressant à elle, il dit encore " Quand vous écrivez de façon si exquise comme vous le fîtes dans votre dernière lettre, j’ai envie de baiser la main qui vous permet d’exprimer de si belles pensées ". Et pourtant, les lettres pleines d’amour qu’échangent les fiancés, ne sont pas ce qu’ordinairement on appelle des " lettres d’amour". En effet, l’allemand, mêlé d’expressions yiddish (en écriture hébraïque) ne se prête guère à des déclarations enflam-mées, mais permet par contre un côté enjoué et plein d’hu-mour. De plus les nombreuses références à des coutumes pieuses et traditionnelles n’ont rien de romantique. Ce qui est frappant, c’est que Mendelssohn, le philosophe reconnu, l’écrivain admiré par le tout Berlin, s’enthou-siasme pour les lettres d’une jeune fille qui ne cherche en rien à être intellectuellement son égale. De plus, l’on peut constater une innovation très étonnante, lorsque l’on sait ce qu’avaient été jusqu'à ce jour la vie tradi-tionnelle juive, ses contraintes religieuses et sociales : alors que Mendelssohn était à Hambourg, le couple avait pu converser quotidiennement pendant plusieurs heures, et après le retour de Mendelssohn à Berlin, ils correspondirent chaque semaine tout au long de l’année de leurs fiançailles. L’intérêt de ces lettres ne réside pas uniquement dans l’expression des sentiments des futurs époux, mais elles reflètent aussi le déroulement quo-tidien de leur vie sociale et Mendelssohn y parle très librement de son cercle d’amis.Cette correspondance donne déjà le ton de leur vie conjugale qui sera très heureuse jusqu'à la mort de Mendelssohn en 1786. Leur amour gagna en profondeur au fil des années ;

lors d’un voyage de Moses en 1773, Fromet lui écrit : " Certes, je suis très bien entourée, mais je vous assure que tout me semble vide lorsque vous êtes absent ". Elle mit au monde 10 enfants dont quatre moururent en bas âge.

Thomas Abbt et le Prix de l’AcadémieL’amitié entre Mendelssohn et le jeune phi-losophe Thomas Abbt (1738-1766) marque le début d’une nouvelle période dans sa vie. Cette amitié était d’une nature totalement dif-férente de celle qui le liait à Lessing dont il avait immédiatement reconnu le génie, et pour qui il éprouvait une immense admiration, tout en se sentant parfaitement libre de le criti-

quer lorsqu’il l’estimait néces-saire. Abbt avait neuf ans de moins que Mendelssohn, et ne pouvait en rien être comparé à Lessing en tant que philo-sophe et homme de lettres. Mais, Mendelssohn dans sa maturité, pouvait exercer un rôle de guide et d’ami envers un philosophe plus jeune, qui ne demandait pas mieux que de se laisser guider. Dans un certain sens, Abbt sut com-

bler le vide laissé par le départ et les longs silences de Lessing. Il fit dès lors partie, avec Lessing et Nicolai, du cercle intime des amis de Mendelssohn.

Ce fut au cours de la période 1759-1765 qu’avec ces mêmes amis, il entreprit une œuvre de critique littéraire et philosophique dont Lessing était l’initiateur. Ce fut cependant Mendelssohn qui suggéra de publier ces écrits, sous forme de lettres, les fameuses Literaturbriefe, soi-disant adressées au front à un soldat qui y aurait été blessé. La Guerre de Sept Ans battait alors son plein.3 Ces lettres étaient une présentation des nouvelles publications littéraires et philo-sophiques, accompagnées de critiques et de commentaires. Mendelssohn voulait au départ limiter sa contribution à l’analyse des

« Les vérités métaphysiques

peuvent-elles être créditées de la même évidence que les vérités

mathématiques ?»

3 Guerre de 7 ans: 1756-1763. Elle opposa la Grande-Bretagne et la Prusse à la France, à l’Autriche et à leurs alliés.

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textes philosophiques, mais l’on peut consta-ter que, bien vite, Lessing et lui soumirent à une analyse fouillée toute la production litté-raire de leur temps.

Ses écrits concernant la philosophie et la littérature firent connaître Mendelssohn au public. Il attira encore davantage son attention lorsqu'il se décida à participer au concours ouvert, pour l’année 1763, par l’Académie des Sciences de Berlin. La question posée était : " Les vérités métaphysiques peuvent-elles être créditées de la même évidence que les véri-tés mathématiques ? " Ce sujet était d’un très grand intérêt pour tous les philosophes du siècle. Parmi le grand nombre de ceux qui avaient décidé de participer au concours, se t rouva ient , outre Mendelssohn, un jeune phi-losophe encore assez peu connu, Immanuel Kant. Son ami Thomas Abbt qui, depuis 1961, n’était plus à Berlin, mais enseignait à l’université de Rinteln, en Westphalie s’était éga-lement inscrit. C’est la raison pour laquelle Mendelssohn apprit tar-divement, alors que son propre travail était déjà presque achevé, qu’il allait concourir contre son ami. Cela le troubla énormément, au point qu’il voulut retirer sa candidature, mais Nicolai l’en dissuada : il conseilla tant à Mendelssohn qu’à Thomas Abbt de mainte-nir leur participation, et d’échanger plus tard leurs écrits. Après plusieurs tours de vote, Mendelssohn remporta le 1er Prix devant Kant qui obtint cependant de grands éloges de la part du jury. Voilà ce qu’écrit Mendelssohn à Abbt, et qui prouve sa loyauté : "Ne croyez surtout pas que, parce que l’Académie m’a octroyé le Prix, je m’imagine être le gagnant. Je sais très bien que dans une guerre, il arrive assez souvent que ce soit le moins bon géné-ral qui remporte la victoire. Il faut que nous poursuivions la discussion entre nous. Si je

n’arrive pas à vous convaincre, ce sera la preuve que mes arguments ne possèdent pas l’évidence souhaitée. "

L’influence de Thomas Abbt sur Mendelssohn fut réelle, car l’on peut affirmer que sans leurs discussions, Mendelssohn n’aurait jamais écrit son Phédon. Pendant deux ans, de 1759 à 1760, il avait étudié le grec : la première année, il avait lu Homer, la deuxième, Platon. Et dans une de ses lettres, nous apprenons qu’en 1763, il avait traduit trois livres de la République.

Son œuvre, " Phédon ou Entretiens sur l’immortalité de l’âme", parue en 1767, rendit Mendelssohn célèbre dans toute l’Europe. On le nomma le " Socrate berlinois " ! Mendelssohn éprouvait une énorme admiration pour Platon dont il avait d’abord songé à traduire le Phédon. Il avait finalement opté de couler ses propres idées philosophiques et reli-gieuses dans la même forme littéraire, c'est à

dire un dialogue entre Socrate et ses amis, le jour de la mort du philosophe grec, quelques heures avant qu’il ne boive la cigüe. Le livre est composé de trois entretiens dont le premier fut écrit en un an, de 1762 à 1763. Mendelssohn y apporte les preuves de l’immatérialité (Unverweslichkeit) de l’âme, et annonce que dans l’entretien sui-vant il apportera celles de son immuabilité (Unvergänglichkeit). Il ne se remit à l’écriture de son Phédon qu’en 1766, poussé par Thomas Abbt. Il lui écrit alors : " Vos questions m’ont stimulé à terminer l’étude que j’avais entre-prise, il y a plusieurs années, sur l’immorta-lité de l’âme. Je mets mes arguments dans la bouche de Socrate…" Dans son Phédon, Mendelssohn voulait défendre rationnelle-ment l’immortalité de l’âme contre le danger du facteur irrationnel de la foi, et surtout

« Dans son Phédon, Mendelssohn

voulait défendre rationnellement

l’immortalité de l’âme contre le danger

du facteur irrationnel de la foi »

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contre la menace d’une forte montée de l’in-croyance chez les penseurs occidentaux. Malheureusement, Thomas Abbt mourut pré-maturément, à l’âge de vingt-huit ans, avant la parution du Phédon que Mendelssohn lui dédia en exprimant à la fois son amitié et son admiration : " Il a plu à la Providence de retirer de la terre ce génie en pleine éclosion… Quels fruits pouvions-nous espérer d’un arbre dont les fleurs étaient à ce point parfaites !... Ces beaux espoirs sont évanouis ! L’Allemagne perd avec lui un philosophe aimable dont la noblesse des sentiments était égale à la clarté de sa raison. Ceux qui l’aimaient perdent le plus affectueux des amis, et moi je perds celui qui m’accompagnait sur le chemin vers la vérité, et qui a su m’empêcher de commettre des erreurs ".

Le succès extraordinaire du Phédon de Mendelssohn auprès de du public est dû à plusieurs facteurs : en premier lieu la clarté et l’intelligibilité de l’argumentation concernant un problème tel que l’immortalité de l’âme. Ensuite on admira la forme et le style du dia-logue, entre prose et poésie.

Dans son troisième entretien, Mendelssohn s’écarte de son modèle platonicien pour apporter la preuve de l’immortalité (Unsterblichkeit) de l’âme. Si l’âme était mor-telle, " être en vie serait le bien suprême ". Si la mort accorde à l’homme ce que la vie ne pouvait pas lui donner, cela signifie que le des-tin de l’homme est de mourir. La vie serait alors la mesure de toute chose. Mais si tous les hommes vont vers une même destination, s’ils sont tous soumis au plan de la Création, il faut en conclure que les êtres doués de pensée

et de volonté sont perfectibles à l’infini, qu’ils sont destinés à se rapprocher de la perfection de Dieu. Le destin serait cruel, Dieu lui-même sans amour et sans justice, si la pulsion vers le perfectionnement n’était qu’une fiction, un mirage de l’imagination. "Si l’on ne peut espérer de vie future, la Providence divine serait aussi peu justifiable lorsqu'elle agit contre l’oppresseur que lorsqu'elle agit contre l’opprimé".

Le Phédon de Mendelssohn devint très vite une œuvre fondamentale de l’Aufklärung alle-mande et européenne, et le philosophe reçut de toute part un abondant courrier à la fois pour louer son livre et demander à l’auteur des explications supplémentaires. Des critiques concernant les preuves et la méthode l’indui-sirent à apporter quelques ajouts et modifi-cations à la 3ème édition. " J’ai procédé çà et là à certains changements, j’ai essayé d’être plus clair, ailleurs j’ai ajouté des notes... Je n’ai certes pas pu répondre à toutes les objections. Parfois, les arguments de mes critiques ne m’ont pas convaincu, parfois, leurs exigences allaient au-delà de mes possibilités ". ■ (A suivre)

Sources:• " Moses Mendelssohn " Alexander

Altmann, Ed. The Jewish Publication Society of America, 1973

• " Moses Mendelssohn " Julius Schoeps, Jüdischer Verlag, 1979

• " Brautbriefe " Moses Mendelssohn, Schocken Verlag, Berlin, 1936

• " Phédon ou entretiens sur l’immortalité de l’âme " Moses Mendelssohn, Ed. Alcuin, 2000

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Nous sommes conscients de vivre une époque où, autour de nous, l’antisémitisme renaît, ou plutôt se réveille. Pour en avoir une idée, je vous propose de lire l’éditorial de « Contact J » du mois d’octobre 2010, signé par William Racimora. Tout s’y trouve.

N’empêche, il y a des détails du passé auxquels on ne pense pas souvent. A notre dernière ren-contre du « Café-Klatsch » une dame a évoqué « Les Protocoles des Sages de Sion ». Que sont-ils au juste ? Un faux, inventé et rédigé par le Service Russe de Renseignements et présenté au tzar Nicolas II, au début de son règne, à la fin du 19èmes.

Ces « Protocoles » étaient destinés à provo-quer et à « justifier » de nouvelles mesures anti-juives qui devaient s’ajouter aux anciennes, déjà prises par une dynastie impériale dont l’antisémitisme était connu depuis longtemps Ils prétendaient être le compte-rendu d’une réunion secrète de dirigeants juifs qui conspi-raient pour renverser le règne de l’aristocra-tie chrétienne et arriver à ce que le monde soit dirigé par les Juifs. Ils « prouvaient » que les Juifs étaient à l’origine du mouvement

révolutionnaire et qu’ils le dirigeaient contre la noblesse et le christianisme. En conclu-sion : pour combattre efficacement ce danger, il fallait absolument s’attaquer aux Juifs.

Une vingtaine d’années plus tard, un jour-naliste – non juif ! - démontra que ces « Protocoles » n’étaient que le plagiat d’une satire publiée en 1865 et dirigée contre Napoléon III. Cela ne diminua en rien leur succès, assuré par l’antisémitisme dont la popularité restait toujours au goût du jour. Même après la défaite hitlérienne, ces « Protocoles » continuèrent à être édités comme, par exemple, en Arabie Saoudite où ils furent traduits en arabe.

D’autres publications dont on ne parle pas ou peu, ont précédé les « Protocoles », et ont, probablement, influencé et encouragé leur apparition. La plus connue est sans doute « L’Essai sur l’inégalité des races humaines » de Gobineau, parue en 1853-55, qui donnait à l’antisémitisme un fondement pseudo-scien-tifique. Mais il est une œuvre dont on ne parle pas du tout : « La Non-Divine Comédie » d’un écrivain-poète polonais, Zygmunt Krasinski.

« Les Protocoles des Sages de Sion » et la permanence de l’antisémitisme

par Henri lindner

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Or, elle préfigure « Les Protocoles », sous forme d’un drame théâtral. L’auteur, né à Paris en 1812, où il a vécu jusqu’à sa mort en 1859, était le fils d’un aristocrate ayant pro-bablement fui la Pologne en proie, entre 1772 et 1918, à des guerres, des occupations, des partages et des soulèvements.

Zygmunt Krasinski était le témoin des sou-lèvements révolutionnaires en France et en Europe. C’étaient des mouvements de masses opprimées qui voulaient s’emparer du pouvoir détenu jusqu'alors par les classes aristocra-tiques, privilégiées par les structures sociales anciennes. Il écrivit en 1835 « La Non-Divine Comédie » où il présente le mouvement révo-lutionnaire comme étant principalement com-posé de paysans et d’ouvriers, mais auquel participa aussi toute la basse couche écono-mique et culturelle de son temps. Dans cette pièce, les révolutionnaires ont déjà vaincu la classe dirigeante, sauf… sauf un dernier nid: un château-fort défendu par des aris-tocrates et un groupe de paysans, tous bien armés. Ce sont en premier lieu des chrétiens, catholiques profondément croyants, opposés aux « révolutionnaires » généralement non-croyants, ou croyant en un Dieu mal défini. Parmi eux, certains « croyants » s’étaient enfuis du camp adverse pour sauver leur vie.

Les révoltés ont un chef ainsi qu’un « prophète » dont les discours les inspirent, les rassurent et les encouragent. Mais ce que les rebelles ne savent pas, c’est que ceux que Zygmunt Krasinski appelle « les convertis » (au chris-tianisme), et qui se seraient convertis pour être comme tous les autres, sont des Juifs res-tés fidèles au judaïsme et à leur religion. Dans la 3ème partie de la pièce, on les présente étudiant, ensemble et en cachette, le Talmud. Ils sont les instigateurs de cette révolution, et ils espèrent s’emparer du pouvoir à la place de l’aristocratie chrétienne, afin d’instaurer le règne du judaïsme sur le monde.Cette pièce de théâtre se termine par la mort du « prophète » révolutionnaire. Il succombe et meurt dans les bras du chef militaire en

s’écriant : « Galiléen, tu as vaincu » car il a vu, s’approchant dans les nuages, la figure rayon-nante du Christ.

Cette pièce de théâtre était archiconnue en Pologne. Elle était même inscrite au pro-gramme scolaire, de 1918 à 1939, pendant les années de l’entre - deux guerres. Il est quasi certain qu’il y avait, dans le Service Russe de Renseignements, des hommes qui connais-saient bien la langue polonaise. C’était une nécessité puisque, depuis la chute de Napoléon, et jusqu’en 1914, la Russie occupait plus de la moitié de l’ancienne Pologne. Ces hommes connaissaient sûrement, non seule-ment le polonais mais également « La Non-Divine Comédie », si populaire en Pologne et qui a pu inspirer les auteurs des « Protocoles ».Tous ces antisémites – ou simplement racistes ou ultranationalistes -, écrivains, orateurs, propagandistes, producteurs de haine, ont existé depuis la Haute Antiquité et existeront probablement pendant longtemps encore.

Une petite histoire que j’ai lue il y a long-temps, et qui, paraît-il, est véridique, peut aider à comprendre ce phénomène. Un ami de Sacha Guitry raconta qu’un jour, alors qu’ils se promenaient tous deux dans les rues de Paris, ils croisèrent un monsieur à qui Sacha Guitry adressa un très cordial « bonjour » auquel l’autre ne répondit pas. Là-dessus, Sacha Guitry, très étonné, dit à son copain : « Je ne comprends pas... Pourquoi m’en veut-il ? Je ne lui ai jamais rendu service, ni fait du bien ». Cette anecdote nous fait comprendre une des causes de la durée de l’antisémitisme à travers les siècles.

Les Juifs ont été les premiers qui, à l’échelle nationale, introduisirent le monothéisme. Quel culot de refuser de reconnaître les autres divinités ! Ils ont été les premiers à pratiquer un jour de repos sur sept. Des fainéants ! Leurs lois interdisaient de tuer par vengeance, mais seulement après qu’un procès ait eu lieu, que des témoins aient été entendus et que le coupable ait été condamné.

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Aimer son prochain ! Aimer l’étranger ! Quelle exagération ! Ce prochain, cet étranger, ce n’est pas un Juif tout de même !… De plus, tous les régimes dictatoriaux ont absolument besoin d’un ennemi. Or, les émigrés juifs rem-plissent très, très bien ce rôle.

Quand on réfléchit à tout cela, on se rend compte que l’antisémitisme est en quelque sorte, et selon Sacha Guitry, une réaction normale et naturelle (cf. Gn. 8, 21) sauf... sauf si ceux qui réagissent « naturellement » prennent conscience que, chez l’homme, le Mal est aussi naturel que le Bien, et qu’avant de s’engager, il faut choisir selon un code moral préalablement adopté.Marek Halter a dit que, sous l’occupation alle-mande, il suffisait parfois d’un seul dénon-ciateur pour faire perdre la vie à 500 Juifs, mais qu’il fallait 500 « Justes » pour sauver un seul Juif.

Nous touchons ainsi à la légende des 36 Justes, dont l’existence sauve l’humanité. Ils sont bien plus nombreux que 36, et sauvent non seulement l’humanité mais, en même temps qu’elle, un bon nombre de Juifs.

Faisons un effort et exprimons un vœu : essayons, par notre comportement et par la parole, de mieux faire connaître autour de nous la morale biblique, et de la rendre plus attrayante. Car, ce que nous vivons actuel-lement n’est qu’un épisode de la longue, très longue histoire de l’antisémitisme. Mais soyons sûrs et convaincus qu’un jour viendra où l’antisémitisme sera aussi rare que l’est aujourd’hui le cannibalisme. Ce n’est pas pour demain ? Je ne le verrai pas de mon vivant ? Ce sera alors pour mes arrière-petits-enfants... Je l’espère et je continue… ■

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Qui ne connaît aujourd'hui le nom d’Henri Bergson (1859-1941) ? Quel est le potache qui, en fin de parcours scolaire, n’a pas dis-serté sur " l’intuition bergsonienne " confron-tée à la " logique cartésienne " ? Ce philo-sophe français, Prix Nobel de Littérature en 1928, a laissé une œuvre importante. Quelque peu oubliée durant la 2ème moitié du 20ème siècle, elle connaît actuellement un regain d’intérêt. Bergson fut attiré par le catholicisme, renonça cependant à se convertir, car, écrit-il dès 1937," J’ai voulu rester parmi ceux qui demain seront persé-cutés ". Il mourut le 4 janvier 1941. Dominique Mesa nous envoie un extrait de ses recherches concernant l’oeuvre musicale de Michael Bergson, le père du philosophe. Nous ne pouvons malheureusement pas retenir la partie musicologie de ce travail très intéressant et novateur, mais avec l’au-torisation de l’auteur, nous en extrayons l’histoire singulière de la famille Bergson, afin de vous la présenter. M.E.

Le compositeur polonais Michael Bergson, père d’Henri Bergson, est né à Varsovie en 1820 et mort à Londres en 1898. Il ne reste aujourd’hui que très peu de traces de son œuvre et de sa vie. Il est tombé dans l’oubli

quelque dix années après sa mort, et il reste dans les mémoires surtout parce qu’il fut le père du philosophe français Henri Bergson et un élève de Chopin. Michael Bergson, se fit assez jeune une répu-tation de virtuose du piano à Varsovie. On l’envoya, dès l’âge de douze ans, pour étudier dans une classe de composition à Dessau. Puis, il partit à Paris où, entre 1840 et 1842, il reçut un enseignement de Frédéric Chopin dont il resta un fervent admirateur jusqu’à la fin de sa vie. Il épousa Käte Levinson, née en Angleterre, fille d’un médecin du Yorkshire et cousine de Proust. Certaines de ses com-positions témoignent de l’immense nostalgie qu’il garda pour sa Pologne natale, ce « mal du pays » que les Polonais nomment « mojal ». En effet, le lien tissé durant plusieurs géné-rations entre l’histoire de sa famille et celle de la Pologne ne pouvait que le hanter dans son exil. Reconnu pianiste virtuose dès Varsovie, Michael Bergson devint directeur du Conservatoire de piano de Genève. Il fut l’auteur de nombreux lieds très populaires, de pièces polonaises et également de trois opéras. L’un d’entre eux connut un tel succès en Italie, que l’Opéra de Hambourg le réclama. Il s’intéressa aux musiques traditionnelles, au répertoire populaire polonais, au folk-lore slave dans son ensemble, ainsi qu’aux musiques liturgiques juives. Ses recherches

Shmuel, Berek, Gabriel, Michael et Henri

Chronique familiale

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sur la musique juive s’intensifièrent durant les vingt dernières années de sa vie, exprimant ainsi le désir d’un retour à ses origines, car Michael Bergson était issu d’une lignée qui fait partie de l’histoire polonaise autant que de l’histoire juive. Shmuel Zbitkower, son grand-père, fut pro-bablement la plus grosse fortune de Pologne entre la fin du XVIIIième et le début du XIXième. Si bien que, avant même l’annexion de la Pologne par la Russie, Catherine II fit per-sonnellement appel à lui pour renflouer les caisses de l’Etat. Mais Zbitkower est surtout resté dans les mémoires pour son engage-ment envers son pays et ses coreligionnaires. Dans la mémoire polonaise d’abord, pour avoir financé en majeure partie la révolte de Kosciusko de 1794 contre l’invasion cosaque. Et aussi dans la mémoire juive, pour avoir sauvé bon nombre de Juifs lors de cette révolte en remplissant les casques des soldats de pièces d’or, suivant le calcul « une pièce pour un Juif ».

Shmuel Zbitkower fut l’un des plus importants soutiens financiers de ce que Martin Buber nomme la « première génération » hassi-dique. Il offrit son aide au Grand Maggid de Mezeritch pour permettre la propagation du mouvement, après la mort du Baal Chem Tov dont il était l’un des disciples directs. C’est à lui qu’il confia l’éducation religieuse de son fils Berek. Il finança la première yeshiva du Rabbin de Schmelke, permettant ainsi qu’elle devienne l’un des centres d’étude les plus importants du Hassidisme. Aux yeux des autorités locales, Zbitkower était le chef de la communauté juive hassidique de Varsovie, aussi est-ce grâce à ces liens privilégiés et à ses affaires, que Zbitkower permit à de nom-breux tsaddikim de créer leur école. Il fut très justement surnommé « l’homme du Livre » à cause de sa foi sincère.Ses rapports étroits avec des autorités poli-tiques changeantes, furent souvent l’objet de polémiques. Ils permirent cependant à Zbitkower de consacrer toute son énergie à ses affaires, et d’arriver à ce que les Juifs

de sa région accèdent à une meilleure situa-tion grâce au travail et au salaire décent qu’il leur assurait dans ses industries de plus en plus nombreuses. A une époque où des travailleurs qui désiraient y être engagés affluaient de toute la Pologne, de Lituanie et même de Russie, Zbitkower entreprit de faire construire des lotissements pour que tous puissent profiter de logements à loyer modéré. Par commodité, ces lotissements étaient regroupés dans un même quartier de la ville. Et, ironie du sort ou cynisme de l’Histoire, ce même quartier, deux siècles plus tard, fut circonscrit par les autorités alle-mandes et rebaptisé « ghetto de Varsovie ». Les Polonais se souviennent de l’obstination de Zbitkower à vouloir sauver son pays de l’impérialisme russe : aujourd’hui tout un quartier de Varsovie porte son nom. Les livres d’histoire et les commentateurs le décrivent souvent, ainsi que sa descendance, comme une famille « juive et patriote », signifiant ainsi qu’il appartenait autant à la culture polonaise qu’à la culture juive, à une époque où les Juifs ne disposaient pas encore pleinement du droit de cité. Cet attachement patriotique fut transmis par Zbitkower à sa descendance. De même les liens étroits qu’entretenait la famille avec le mouvement hassidique perdurèrent au cours des générations suivantes. En 1798, après le partage de la Pologne qui eut lieu en 1795, l’administration prussienne lui imposa le patronyme de Sonnenberg.

Berek Sonnenberg, fils de Zbitkower, père de Gabriel et grand-père de Michael Bergson, ainsi que son épouse Tamar Horowitz, dont la famille comptait parmi ses membres le Voyant de Lublin, financèrent à leur tour différents chefs de communauté en leur permettant d’établir leur propre yeshiva. Les enfants de Berek choisirent le patronyme de Berekson, fils de Berek, d’où le nom de Bergson. Berek et Tamar furent, en 1807, à l’origine de l’établis-sement du premier cimetière juif de Varsovie. Ils construisirent la première synagogue has-sidique et un Beth Hamidrash, jusqu’alors éta-blis dans leur propre maison. Amie proche

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du prince Poniatowski, héritier légitime de la couronne polonaise, Tamar Horowitz était parfois désignée par le surnom de « Tsadikka ha hassida », alors que l’on désignait son époux par celui de « prince consort ». Curieusement, si la famille contribua acti-vement à l’établissement du Hassidisme en Pologne et à sa propagation hors de ses frontières, Shmuel Zbitkower par son troi-sième mariage avec la jeune Judith Levi, la fit entrer également dans le mouvement de la « Aufklärung » (Lumières allemandes) et de la Haskala. Fille d’un banquier ber-linois, Judith Levi était très cultivée. Elle avait grandi dans une maison que fréquen-taient Lessing, Meyerbeer et Mendelssohn. Or, la Haskala qui débuta en Allemagne, se proposait d’ouvrir aux Juifs la voie vers la modernité, provoquant de vives réactions de la part des Juifs orthodoxes et surtout des Hassidim qui voyaient ce mouvement avec hostilité, craignant la disparition de la pra-tique religieuse et l’assimilation des Juifs à la société chrétienne. En effet, nombre de Juifs " éclairés " se convertirent au christianisme.

Judith Levi, en quittant Berlin pour entrer dans la famille Zbitkower-Sonnenberg-Bergson, à Varsovie, avait certainement emporté dans ses bagages des idées de l’Aufklärung. Comme beaucoup d’autres familles juives qui avaient consolidé pendant plusieurs générations leurs assises dans le commerce la banque et les finances, celle des Bergson pouvait à présent, prétendre accéder au rang des artistes et des intellectuels. On peut donc imaginer qu’à la mort de Zbitkower, en tant que dernière épouse du patriarche, elle encouragea la famille à soutenir la voca-tion musicale de son petit-fils Michael, et à l’envoyer à Berlin.

De Berlin, il emportera à Genève et à Paris des souvenirs des mélodies hassidiques entendues dans sa jeunesse, il les intégrera dans ses lieds populaires et dans des mélo-dies aux accents mystiques qui chantent à la fois la beauté de la nature et son Créateur. Et, lorsqu’à la fin de sa vie, Michael Bergson se mit à composer en s’inspirant de la liturgie juive, il choisit les psaumes 116 et 130, signi-fiant ainsi très clairement sa foi dans l’œuvre divine.

Ce fut donc cet homme, ce musicien, à la fois juif et polonais, pétri à la fois par l’enseigne-ment hassidique, et les idées de la modernité, qui fut le père d’un très grand philosophe français, Henri Bergson, dont on comprendra peut-être mieux l’œuvre lorsque l’on connaî-tra la richesse et la complexité de son héritage familial. ■

A lire: « Bergson » de Philippe Soulez et Frédéric Worms, PUF collection Quadrige, 2002

Note:Dominique Mesa nous signale que ses recherches entrent dans le cadre de la rédaction d’une monographie sur Michael Bergson, en collaboration avec la Société Historique et Littéraire Polonaise de Paris et l’Institut Chopin de Varsovie, dont le but serait d’effacer l’image où Michael Bergson est trop souvent enfermé, à savoir celle d’un musicien d’importance secondaire. Un concert est projeté lorsqu’un nombre suf-fisant de ses partitions seront retrouvées et décryptées.

TalMiDile Talmud Tora de Beth Hillel

Tous les mercredis de 14h00 à 16h45

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Par sympathie

Famille Hirschfeld-Gradom

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agENDa

Avril 2011Vendredi 1 avril 2011 20h00 Office de Kabbalat Shabbat

Samedi 2 avril 2011 27 Adar II 5771 Tazria – Shabbat HaChodesh9h15 : Etude de Rachi sur la paracha 10h30 : Office

Lundi 4 avril 201119h00 : Hébreu avec Rabbi Dahan20h00 : Judaïsme, Pensée et Pratiques avec

Rabbi Dahan20h00 : Rikoudei Am (danses folkloriques)

Mardi 5 avril 2011Rosh Chodesh Nisan15h00:Café Klatch pour les seniors

Mercredi 6 avril 2011 14h00 à 16h45 : TALMIDI

Jeudi 7 avril 201119h30 : Cours de cuisine

« Kippah & Fourchette » avec Catherine Danelski- Neiger (voir rappel)

20h00 : Midrach dans le texte avec Rabbi Dahan

Vendredi 8 avril 2011 18h30 : office de Kabbalat Shabbat familial

« leDor vaDor » (attention horaire!)

Samedi 9 avril 2011 5 Nisan 5771 – Metzora9h15 : Etude de Rachi sur la paracha 10h30 : Office

Lundi 11avril 201119h00 : Hébreu avec Rabbi Dahan20h00 : Judaïsme, Pensée et Pratiques

avec Rabbi Dahan20h00: Rikoudei Am (danses folkloriques)

Mercredi 13 avril 2011ATTENTION congés scolaires PAS de TALMIDI

Vendredi 15 avril 2011 20h00 Office de Kabbalat Shabbat

Samedi 16 avril 201112 Nisan 5771 – Acharei Mot – Shabbat HaGadol9h15: Etude de Rachi sur la paracha 10h30: Office

Lundi 18avril 2011le matin : recherche du Hametz19h00: Office de Pessach20h00: Seder Communautaire de Pessach

avec rabbi Dahan et Marc Neiger (voir annonce)

Mardi 19 avril 2011PESSACH I10h00: Office de Pessach

Mercredi 20 avril 2011PESSACH II1er jour de l’OmerATTENTION congés scolaires PAS de TALMIDI

Jeudi 21 avril 2011PESSACH III2ème jour de l’Omer20h00 : Midrach dans le texte

avec Rabbi Dahan

Vendredi 22 avril 2011 PESSACH IV3ème jour de l’Omer20h00:Office de Kabbalat Shabbat

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ADAR II – NISAN 5771Samedi 23 avril 201119 Nisan 5771 – Chol Hamoed PessachPESSACH V – 4ème jour de l’Omer9h15: Etude de Rachi sur la paracha 10h30 : Office

Dimanche 24 avril 2011PESSACH VI5ème jour de l’Omer19h00 : Office de Pessach

Lundi 25 avril 2011– PESSACH VII6ème jour de l’Omer10h00 : Office du dernier jour de Pessach 19h00 : Hébreu avec Rabbi Dahan20h00 : Judaïsme, Pensée et Pratiques

avec Rabbi Dahan20h00 : Rikoudei Am (danses folkloriques)

Mercredi 27 avril 20118ème jour de l’Omer14h00 à 16h45 : TALMIDI

Jeudi 28 avril 20119ème jour de l’Omer8h30 pose des Tefillin : Daniel Finn

Vendredi 29 avril 2011 10ème jour de l’Omer20h00: Office de Kabbalat Shabbat

Samedi 30 avril 201126 Nisan 5771– Kedoshim11ème jour de l’Omer10h30 : Office Bar Mitzvah de Daniel FINNkiddush offert par la famille Finn

RappelsCafé Klatch pour les seniorsMardi 5 avril à 15h00

Kippah & Fourchette le jeudi 7 avril à 19h30inscriptions par mail : [email protected] ou Tél.: 02 332 25 28

Au mois de mai

Commémoration de YOM HASHOAH à Beth Hilleldimanche 1er mai et lundi 2 mai 2011 (détails voir annonce page 41)

Office de Kabbalat Shabbat familial « leDor vaDor »Vendredi 6 mai 2011 à 18h30

Commémoration Yom Hazikaron et erev Yom Haatzmaout en collaboration avec l’association des israéliens en BelgiqueDimanche 8 mai 2011

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aCTUaliTé

Les interminables débats politiques de ces derniers mois sur la répartition future des charges financières entre Etat fédéral, Communautés et Régions, révèlent la complexité du saucissonnage ins-titutionnel de notre pays jusque dans les domaines les plus inat-tendus, tel celui de l’exercice public des croyances ph i loso -phiques et religieuses reconnues. Le prochain gouverne-ment aura, sans doute, à connaître de la refonte du système cultuel belge en vigueur, dans le prolongement d’une réflexion ouverte à ce sujet au cours des deux dernières législatures.Cette actualisation souhaitée par cer-tains a notamment pour fondement les

modifications significatives intervenues ces dernières décennies dans les caracté-ristiques socio-culturelles de notre pays. Dans ce contexte, se pencher sur le sys-

tème du financement des cultes en Belgique et, plus particulière-ment, sur le statut juri-dique des ‘ ministres des cultes ’ -lequel pose actuellement pro-blème- n’est pas dénué d’intérêt.

La Constitution belge garantit une séparation entre l’Eglise et l’Etat. Mais elle n’est pas stricte comme en France1. En effet, s’agissant des relations entre le pouvoir temporel et le pouvoir

spirituel, les constituants de 1830 eurent à satisfaire les deux composantes politiques de l’époque : la catholique et la libérale.

Les ministres des cultes et l’article 181 de la Constitution

par Jacqueline Wiener

1 La République française possède un système strict de séparation entre l’Eglise et l’Etat: une loi datant de 1905 interdit tout financement des cultes. Aucun traitement n’est payé par les autorités publiques, excepté dans des secteurs particuliers tels que les prisons ou l’armée ; quant à l’enseignement officiel, il n’y est dispensé aucun cours de religion. La France connaît des exceptions à ces règles : les DOM-TOM bénéficient de subsides particuliers en faveur du clergé, et l’Alsace-Lorraine vit toujours à l’heure du concordat napoléonien (l’Etat y nomme toujours les évêques). L’arrivée de la religion islamique dans le paysage français a modifié la donne car sans financement public, les populations immigrées pauvres de confession musulmane ne peuvent assumer l’exercice de leur religion. Cette situation favorise tantôt le déversement d’argent dans les mosquées de France aux conditions de donateurs étrangers, tantôt le navrant spectacle de fidèles priant dans la rue à défaut de bénéficier d’un lieu de culte décent.

Les autorités publiques ne peuvent

interférer dans le droit interne de

l’Eglise ni intervenir dans la nomination des ministres d’un culte quelconque (anc. art.16 C.

devenu art.21 C.).

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le shofar

La liberté fut le mot d’ordre, ou plutôt un savant équilibre dans la non-ingérence réciproque saucée de liberté des cultes, de liberté de manifester ses opinions (art.19 C.), de liberté de ne pas devoir concourir d’une manière quelconque aux actes et cérémonies d’un culte, ni d’en observer les jours de repos (art.20 C.). L’influence de l’Eglise dans les affaires civiles ne put s’exercer dorénavant qu’à travers le suffrage d’électeurs qui lui étaient acquis. Les autorités publiques, quant à elles, se virent interdites d’interférer -comme elles le faisaient sous le régime français puis orangiste - dans le droit interne de l’Eglise et donc d’intervenir dans la nomination des ministres du culte (anc. art.16 C. devenu art.21 C.). Fini, notamment, le concordat napoléonien qui accordait le pouvoir de nomination des évêques à l’autorité civile.Cependant en même temps, il fallait ne pas faire dépendre le clergé de sa hiérarchie pour sa subsistance matérielle, et surtout empêcher de rendre ce clergé dépendant de donateurs qui auraient pu être tentés de subordonner leurs apports à des exigences particulières. L’Etat aurait donc à prendre en charge les traitements et pensions des ministres des cultes reconnus2 (anc.art.117 C. devenu art.181 C.) Les modifications constitutionnelles succes-sives reprirent à leur compte ces principes. Sauf à en changer les numérotations3. Au départ, l’État finança la seule Église catholique ; temples protestants et Judaïsme

suivirent bientôt. Laïcité et mosquées atten-dirent leur tour.Aujourd’hui, la désaffection des églises catholiques, cumulée aux revendications du monde laïque et à l’accroissement démogra-phique de populations immigrées de culture musulmane, a ouvert la porte aux débats sur l’objet de ce financement, la manière de le répartir et sur les critères quantitatifs qui devraient présider à leur répartition. Dans ce cadre, les derniers gouvernements ont mis en place des structures de réflexion

ad hoc. En attendant une refonte éventuelle du système, voici en résumé com-ment, pour l’heure, il se présente.

Le financement global des cultes touche quasiment tous les niveaux des pou-voirs existant en Belgique. Il porte sur quatre postes :Le premier concerne

les bâtiments. Ceux qui sont antérieurs à la Révolution française sont la propriété de l’Etat (Etat fédéral, provinces, com-munes…), et sont considérés comme faisant partie du patrimoine culturel du Royaume. Ceux, postérieurs à la Révolution française, sont souvent la propriété des « fabriques d’église » dont l’organisation a été transfé-rée aux Régions4. Celles-ci sont notamment compétentes pour tout ce qui concerne le patrimoine immobilier.Le second concerne les frais de fonction-nement du culte (chauffage, traitement des divers intervenants en dehors du ministre du culte proprement dit) pris en charge par les « fabriques d’église » et « consistoires ». Les

2 Outre la laïcité, 6 cultes sont actuellement reconnus en Belgique, à savoir les cultes catholique, protestant, israélite, anglican, musulman et orthodoxe. Les quatre premiers cultes sont organisés sur une base territoriale communale, les deux derniers sur une base territoriale provinciale. La reconnaissance des cultes catholique, protestant et israélite découle d’actes antérieurs à 1830, (culte israélite : décret du 17 mars 1808). L’Église anglicane a été reconnue en 1870, l’islam en 1974, l’Eglise orthodoxe en 1985 et la laïcité en 1993.

3 Constitution coordonnée du 17 février 19944 Loi spéciale du 13 juillet 2001. Celle loi transfert également aux Régions les funérailles et sépultures. Depuis 2001, la Région de

Bruxelles-Capitale, la Région wallone, la Communauté flamande et la Communauté germanophone ont plus ou moins modifié la législation antérieure applicable aux cultes reconnus.

art. 181 de la Constitution :

L’Etat fédéral possède dans ses attributions

la prise en charge de la rétribution des ministres des cultes

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aCTUaliTé

communes sont tenues de porter à leur bud-get annuel les secours en cas d'insuffisance constatée des moyens de ces établissements.Le troisième procède d’une spécificité du système scolaire belge : outre les subsides alloués aux établissements scolaires de l’en-seignement libre, les écoles du réseau officiel sont tenues de dispenser des cours de reli-gion ou de morale laïque et, pour les pouvoirs organisateurs, il y a obligation d’assurer le pluralisme de ces cours. Les enseignants qui les dispensent relèvent des Communautés flamande, française ou germanophone.Le quatrième, qui découle de l’art. 181 de la Constitution, constitue le gros poste du budget : il s’agit du traitement des ministres du culte. L’Etat fédéral possède dans ses attribu-tions la prise en charge de la rétribution des ministres des cultes, des délégués laïques et les subsides au Conseil Central Laïque (CCL) ainsi qu’à l’Exécutif des Musulmans de Belgique (EMB). Ce quatrième poste émarge du budget du SPF Justice, Division Organique 59 « Cultes et Laïcité ».L’Etat fédéral n’inter-vient que pour finan-cer les traitements des ministres du culte ou des délégués laïques ; il ne finance donc pas les cultes en tant que tels. Ce principe présente plusieurs avantages, dont celui de donner aux ministres du culte une indépendance financière vis-à-vis de leur autorité reli-gieuse. En revanche, ce système ne permet pas aux cultes « minoritaires » de financer

des besoins spécifiques tels que, pour ce qui concerne le judaïsme par exemple, le coût de formation des rabbins. Il existe une exception à la compétence de l’Etat fédéral en matière de traitement des ministres des cultes qui servent une commu-nauté locale reconnue : en vertu de l’article 255,12° de la loi communale, les communes sont tenues d’allouer à ces derniers une indemnité de logement, lorsque celui-ci n’est pas fourni en nature (logement qu’elles possè-dent ou qu’elles louent). Cette obligation des communes ne vaut que pour un seul ministre d’un culte par paroisse ou communauté ; les communes sont, par ailleurs, tenues de mettre à disposition autant de logements ou d’attribuer autant d’indemnités de logement qu’il y a de paroisses ou de communautés locales sur leur territoire.

La Constitution fut adoptée par le Congrès National le 7 février 1831 - ici : prestation de serment de Léopold 1er reçu par le Congrès National le 21 juillet 1831 sur la Place Royale – peinture de F. De Braekeleer, M.R.B.A

Le principe étant posé que l’Etat fédéral supporte le coût des traitements (et pensions) des ministres des cultes, conformé-ment à l’article 181 de la Constitution, encore faut-il

savoir que le système actuel comporte des vides juridiques. En effet, que faut-il entendre par « traite-ment des ministres des cultes »? Quel est le régime juridique dévolu à ces personnes exerçant des fonctions qui ne participent ni

En application du principe de

non ingérence, il n'appartient pas aux autorités publiques

(qu’elles soient civiles ou judiciaires) de

définir le contenu des fonctions exercées au

sein des cultes.

5 A titre indicatif, les moyens budgétaires de la DO 59 « Cultes et laïcité » du SPF Justice se répartissent selon les proportions suivantes : culte israélite : ~ 0,8 % contre ~75,5 % pour le culte catholique, ~ 4,1 % pour le culte évangélique ou ~ 6,5 % pour le culte islamique

6 Pour ce qui concerne les cultes catholique, protestant, israélite, anglican. Les cultes musulman et orthodoxe étant organisés sur une base territoriale provinciale et non communale, la prise en charge est provinciale ; pour ces deux derniers cultes, la Région de Bruxelles-Capitale s’est substituée, sur son territoire, à la défunte Province de Brabant.

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de l’essence du service public, ni de la per-manence de l’administration publique, mais qui concourent par l’exercice de leur fonction au devenir des cultes reconnus en Belgique, et qui se voient appliquées des dispositions légales relevant tantôt du droit administratif, tantôt du droit social, tantôt du droit civil ?Commençons par la notion de traitement. Elle n'a pas, ici, un sens claire-ment délimité par rapport au droit de la fonction publique ou au droit social.

Mais il y a une constante : la référence systématique au sec-teur public, qu’il s’agisse des instructions administratives7, de la protection sociale8, du régime des pensions9 ou du fait que le prin-cipe contenu à l'article 181 de la Constitution trouve son application dans la loi du 2 août 1974 relative aux traitements des titulaires de certaines fonctions publiques. Cette loi fixe le montant10 du traitement annuel des ministres des cultes reconnus (art. 26 à 29ter). Elle précise que les traitements annuels ne peuvent être inférieurs au montant minimum garanti pour le personnel des ministères (art.29quater) et prévoit des allocations de résidence, familiales, de fin d'année et un pécule de vacances en faveur des ministres des cultes, dans les conditions fixées pour les

agents des services publics généraux (art.30). Continuons avec la notion de ministres des cultes. En application du principe de non ingérence du temporel dans le cultuel, il n'appartient pas aux autorités publiques (qu’elles soient

civiles ou judiciaires) de définir le contenu des fonctions exer-cées au sein des cultes. De même, il ne revient pas non plus à ces mêmes autorités publiques de fixer les modalités de nomi-nation et de révoca-tion à ces fonctions : seules, les autorités religieuses sont com-pétentes en la matière.

De ce fait, le lien juridique qui lie le ministre du culte à l’autorité religieuse n’est pas celui du contrat d’emploi, au sens de la loi du 3 juil-let 1978 relative au contrat de travail, puisque ce lien résulte d’une investiture que l’Etat n’a pas à connaître.

En conclusion, les ministres des cultes possèdent un statut juridique sui gene-ris : ils ne sont ni des agents de la fonction publique, (bien que possédant un régime pécuniaire, sur le plan des principes, fort semblable), ni des travailleurs salariés. Ce statut est le résultat direct du libre exercice

Les ministres des cultes possèdent un statut juridique ‘sui generis’ : ils ne sont ni des agents de la fonction publique, ni des travailleurs

salariés

7 Exemple : instruction administrative ONSS du 20 octobre 2004 concernant la régularisation après licenciement dans le secteur public : « En vertu des dispositions légales en matière de sécurité sociale, l'application de la loi est limitée pour certaines personnes à l'une ou l'autre branche de la sécurité sociale (…) Cette situation concerne principalement le personnel nommé à titre définitif dans le secteur public et le personnel enseignant. Un système particulier d'assujettissement a été instauré en vue de permettre à ces personnes de bénéficier en cas de licenciement, sous certaines conditions, des allocations de chômage et des indemnités de l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité. (…) Sont assimilés aux personnes occupées par un service public ou un organisme de droit public : (…) les ministres des cultes »

8 En matière de sécurité sociale, les ministres des cultes sont repris dans la section consacrée aux personnes du secteur public (AR 28.11.1969). Ils ne cotisent qu’aux soins de santé. En cas d’invalidité définitive, ils sont mis à la retraite. Par ailleurs, pour bénéficier d’une protection sociale minimale en matière de chômage, d’assurance maladie et d’assurance maternité, la loi (21.6.2002) assimile les ministres des cultes aux agents du secteur public dont la relation de travail prend fin parce qu'elle est rompue unilatéralement par l'autorité, ou parce que l'acte de nomination est annulé, retiré, abrogé ou non renouvelé (loi 20.7.1991)

9 Art.181 C. Loi 20.3.1958 concernant les pensions de retraite afférentes à des fonctions multiples : application des mêmes dispositions aux ministres des cultes qu’aux fonctionnaires de l'Etat

10 Le montant des traitements annuels varie en fonction des cultes concernés (ex. : rabbin : 14.397 euros - imam 1er en rang : 18.652 euros - pasteur : 15.840 euros). Ce sont les délégués laïques qui perçoivent les traitements les plus élevés, exception faite pour les deux plus hautes fonctions du culte catholique. La loi n’a nulle part retenu le niveau de formation comme critère.

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des confessions reconnues en Belgique, et garanti par la non ingérence des pouvoirs publics dans les relations entre les autorités religieuses et leurs acteurs financièrement à charge de l’Etat fédéral. Ce statut génère une insécurité juridique aux conséquences multiples. A titre d’exemple, les ministres des cultes ne bénéficient d’au-cun droit particulier en matière de durée du travail : chaque autorité cultuelle fixe en toute liberté les horaires de prestations des ‘services’ qu’ils rendent, de même que leurs jours de repos ou de congé. Autre réalité : lorsqu’une instance religieuse met un terme, pour quelque raison que ce soit, aux fonctions d’un ministre de son culte, la rétribution prise en charge par l’Etat fédéral cesse immédiate-ment, sans dédommagement particulier. Avec comme conséquence probable d’abandonner,

après son éviction, le ministre du culte à une situation soudaine de précarité financière. A moins, bien entendu, que le culte concerné n’alloue, sur ses propres deniers, un montant compensant un « préavis » qu’aucun texte légal ne prévoit, ni a fortiori ne l’oblige à respecter. A vrai dire, le libre exercice des cultes recon-nus constitue pour l’ensemble des habitants du Royaume un immense privilège, même si le régime légal actuellement en vigueur com-porte des lacunes. Parmi d’autres mesures, sans doute l’application de l’article 181 de la Constitution gagnerait-elle en modernité, si les ministres des cultes étaient légalement dotés d’un statut juridique clairement défini qui garantirait une réglementation protectrice de leur travail. ■

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COMMUNaUTé

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GATEAU AUX AMANDESPréparation : 1h05Cuisson : 45 à 50 min

Ingrédients (pour 10 personnes) :• 6 oeufs• 1,5 verre d'amandes moulues

ou de noisettes moulues• 1,5 verre de farine azymes pilées

(en magasin cacher ou bio)• 2 verres de sucre semoule

Préparation :Séparer les jaunes et les blancs d'oeufs.Mélanger le sucre et jaunes jusqu'à ce que le mélange soit mousseux puis ajouter les amandes et la farine, l'ensemble est très compact.Battre les blancs en neige ferme puis ajou-ter progressivement les blancs au premier mélange délicatement.Mettre au four préchauffé à 175°C (thermostat 6) pendant 45 min et piquer en fin de cuisson pour vérifier que le gâteau est bien cuit (la lame du couteau doit ressortir sans pâte col-lée dessus).

GATEAU D'AMANDES AU CHOCOLATIngrédients :

• 200g de chocolat noir (il en existe cacher pour pessah)

• 120g de sucre en poudre• 190g d'amandes en poudre (ou noisettes)• 6 oeufs• 2 cuillers à soupe d'huile• 2 cuillers à soupe de farine de pain azyme (très fin spécial gâteau)

Préparation:Faire fondre le chocolat au bain-marie avec un peu d'eau.Battre les jaunes d'oeuf avec le sucre jusqu'à ce que le mélange blanchisse.Ajouter le chocolat tiédi, l'huile, les amandes et la farine de pain azyme.Battre les blancs en neige et les incorporer délicatement à la préparation.Garnir le fond du moule d'une feuille de papier sulfurisé huilé légèrement et y verser la préparation.Faire cuire environ 20/30mn à four chaud (190°-200°).Sortir le moule du four et le couvrir d'une feuille de papier aluminium.

RUBRIQUE GOURMANDE:RECETTES DE PESSACH

recettes de Pessach recueillies par Giny

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COMMUNaUTé

Naissancse: Elie Fazio, fils de nos amis Sandra et Emmanuel Fazio, est né le 17 février 2011. A ses parents, nous souhaitons un chaleureux Mazal Tov.

Le 8 mars 2011 est née la petite Ellie Polakowski, fille d'Audrey et Anthony Polakowski - Neuman. Un chaleureux Mazal

Tov aux parents ainsi qu'aux grands parents, nos amis Solange et Loulou Polakowski et Max et Line Neuman – Van Emden. Bar Mitsva:Samedi 30 avril 2011 - 26 Nissan 5771 – Paracha Kedochim : Daniel Finn

CARNET

TalMiDile Talmud Tora de Beth Hillel

Tous les mercredis de 14h00 à 16h45

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D'iCi ET D'aillEUrs

Wasn't Jewish life supposed to be extinct now in Ukraine, after its Jews were victims of atrocious Nazi massacres, themselves grounded in the entrenched anti-Semitism of this country?

Except for three imposing synagogues and a large sculptural memorial in the middle of an out-of-the way and largely unvisited park on the same Babi Yar ravine where nearly 35 000 Jews were shot savagely in a single operation in 1941, there are not many visible traces in Kiev, Ukraine’s capital, of the vibrant Jewish life which had distinguished this country for many centuries. A country in which Hassidic Judaism was born and flourished, and which also was the birth place of many influential contemporary Jews, from Sholem Aleichem and Lee Strasberg to Simon Wiesenthal. A country in which, in spite of its tragic history, over 300 000 Jews, and perhaps as many as 500 000, still live today!

And, at first sight, also Odessa, the country’s second largest and charming city on the Black Sea, and also witness to another major mass extermination of Jews during World War II, gives the impression of been oblivious to its Jewish heritage.

Yet, a recent visit to this city during the Sukkoth period had an impact as strong as

finding colorful ceramic tiles inscribed with berachot written in Hebrew and hidden from view in a diminutive “antiquarian shop” in war-torn Kabul, or meeting a Kippah-wearing man sitting on a sidewalk chair and reading, attentively and unperturbed, a Jewish prayer book in the Teheran of the Ayatollahs.

An unannounced evening visit to the Orthodox synagogue of Odessa (no Reform shuls exist there as of yet), known as the Great Choral Synagogue, led to the amazing contemplation of an attractively-lighted and vibrant large prayer room in which, about forty minutes before Maariv was to start, more than 250 men, young and old, in black suits, white shirts and tsit-tsit, were discussing spiritedly, studying in Hevrutah mode or reading aloud prayer books or the Talmud.

If this had not been sufficient proof of social and religious dynamism and commitment, the next development was equally striking. With the evening service finished, everyone in the shul and a large number of children and wives moved to the sukkah, on an adjacent rented parking lot, accommodating a massive tent with several rows of very long tables on which no less than 700 people were getting ready ani-matedly to start their dinner. And companions at the table pointed out that this was only one of the three tents which the community

Jewish revival in Ukraine By Francisco BaTallEr M.

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had set up for its members to have lunch and dinner every day of Sukkoth – the other two Sukkot had 750 young people altogether!

Behind much of this community’s strength is the work of Refael Kruskal, a youngish, wel-coming and charismatic figure, about whose work, enthusiasm and dedication his pupils speak adoringly. He is carrying forward the

work started by Rabbi Schlomo Baksht, who did much to revive the Jewish community of Odessa and launched in the 1990s an orpha-nage in which about 325 Jewish boys and girls now receive physical sustenance and education. These two figures and the overall community have also established and support a Jewish University in town, an amazing feat in and by itself! ■

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A la gare du nord de Stuttgart, la capitale du Bade-Wurttemberg, il y a un lieu de commémoration de la Shoa :"Zeichen der Erinnerung" (traces de souvenirs). Son adresse : Nordbahnhof, Otto Umfridstrasse. C’est là que furent rassemblés les Juifs de la ville, et c’est de là que les trains partirent pour les emmener vers les camps de concentration ou d’extermination. C’est aujourd'hui un mémorial où, sur les murs, est conservé le souvenir de nombreuses victimes. Parmi ces noms, ces pho-

tos, ces dessins, se trouve un poème écrit par une petite fille de 7 ans qui eut la chance de revenir de Theresienstadt. Née en 1935, Inge Auerbacher fut déportée en 1942, et libérée en 1947. Elle vit aujourd'hui aux Etats-Unis où elle est chimiste. Elle a publié un livre intitulé "Ich bin ein Stern"

Ich bin ein Stern

Sterne am Himmel, ein Stern an der Brust Mama, ich weiss, ich habe es längst gewusst, Kein Zeichen der Schande ist er, mein Stern, Ich trage ihn mit Stolz, ich trage ihn gern.

Ein Stern als Lohn, der höchste Preis,So war es immer, ja, Papa, ich weiss, Es ist mir egal, was die anderen sagen,Ich will ihn für mich und trotz allen tragen

Ich bin ein Stern

Wenn sie über mich lachen, wenn sie mich schelten,für mich soll der Stern etwas anderes gelten.Sie starren mich an, sie zeigen auf mich,Sie sind ohne Stern, der Stern bin ich.

Sie sind von Gott, die Sterne der Nacht. Auch mich, auch mich hat er gemacht.Weine nicht, Mama, hör mein Versprechen,Niemand wird meine Seele zerbrechen.

Ich bin ein Stern

Je suis une étoile

Des étoiles au ciel, une étoile sur ma poitrine,Maman, je le sais, je l’ai toujours su,Mon étoile n’est pas un signe d’infamie,J’en suis fière, je suis heureuse de la porter

Une étoile comme récompense, elle est la plus belle,Il en a toujours été ainsi, oui, Papa, je le sais,Ce que les autres disent m’est indifférent,Je veux mon étoile, je veux la porter malgré eux.

Je suis une étoile

S’ils se moquent de moi, s’ils m’insultent,Mon étoile a un sens qu’ils ne connaissent pas. Ils me fixent, me montrent du doigt,Eux n’ont pas d’étoile, l’étoile c’est moi.

Elles sont créées par Dieu, les étoiles de la nuit.Moi aussi, il m’a créée moi aussi.Ne pleure pas, Maman, écoute ma promesse,Personne ne parviendra à briser mon âme.

Je suis une étoile

(Traduction M.E.)

Ich bin ein Stern inge auerbacher

(survivante du camp de Theresienstadt)

le shofar

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Notes de lecture : Moacyr ScliarJe suis heureuse de vous présenter ces " notes de lecture " qu’Isabelle Telerman nous avait promises bien avant que l’on apprenne le décès de Moacyr Scliar, le 27 février dernier. J’avoue qu’elle me fait découvrir un auteur que je ne connaissais absolument pas, et je me réjouis de combler au plus vite mes lacunes. L’œuvre de Moacyr Scliar élar-git l’horizon de nos lectures à un conti-nent quelque peu négligé d’habitude par le Shofar.

On vous dit Brésil et… vous pensez au Carnaval, au brassage ethnique, au coup de pied légendaire de Pelé ou encore aux amours charnelles de la belle Teresa Batista et d’Emi-liano, immortalisées par Jorge Amado.Mais, derrière les mirages du Nouveau Monde, se profile la misère de l’émigration qui charrie son lot de déceptions amères que la nécessité de survivre empêche de formuler. Aussi, c’est à la candeur de l’enfance que Moacyr Scliar confie la tâche de relater l’apprentissage rugueux de l’intégration.Dans « La Guerre de Bom Fim »1 , un enfant grandissant dans un quartier pauvre observe l’étrangeté de son milieu familial. Le déraci-nement de l’Europe de l’Est, la rudesse rela-tionnelle, l’absence d’intimité, l’inadéquation d’une mère chroniquement décalée par rap-port à la réalité, la santé fragile d’un frère trop tôt disparu, qui, tel une silhouette de Chagall, s’envole par-dessus les toits, emportant son violon.

Par son extraordinaire capacité d’absorption, l’enfant décode le brutal arrachement de ses parents au judaïsme européen d’avant-guerre. Dès lors, il imagine avec les gamins du quar-tier - chacun promis à un brillant avenir - une guerre fantasmatique contre les puissances exterminatrices. L’imaginaire infantile est en fin de compte le seul lieu où la mort n’existe pas.« Max et les Fauves »2 pose la question du rapport de l’individu face au Mal Absolu. Un jeune Berlinois quitte l’Allemagne à l’avène-ment du nazisme. Il s’embarque pour le Brésil à bord d’un étrange navire qui ne comporte comme autres passagers qu’un directeur de cirque et sa ménagerie. Celui-ci s’est entendu avec le capitaine pour provoquer le naufrage du bateau en pleine mer. Le héros saute dans une chaloupe avant de voir disparaître le bâti-ment sous les flots. Il est alors rejoint par un jaguar qui, rescapé de la noyade, saute dans la chaloupe et le fixe durant toute leur dérive sur l’océan.L’Amérique latine accueillera en grand nombre d’anciens dignitaires nazis, et les réfugiés continueront de porter en eux le visage de leur bourreau, avec l’impression insupportable d’être constamment poursui-vis, même après avoir échappé au pire. Fin artificier, Monacyr Scliar orchestre, dans « Le Carnaval des Animaux »3, un bouquet de nouvelles ciselées où la métaphore est reine. La réalité y côtoie l’absurde, le surnaturel infiltre le journalier et la sexualité revêt les aspects les plus archaïques.L’homme était-il doté d’une conscience morale, ce qui le distinguerait d’un animal sauvage. Mais le vernis civilisationnel mis en place n’est-il qu’un rempart dérisoire face à la férocité et à la barbarie ?

Lu pour vous

1 La Guerre de Bom Fim, Editions Folies d’Encre, 2010,181 p.2 Max et les Fauves, Editions Folies d’Encre, 2009, 95 p.3 Le Carnaval des Animaux, Editions Folies d’Encre, 2010, 122 p.4 Le Centaure dans le Jardin, Presses de la Renaissance, 1985

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Moacyr Scliar est né à Porto Alegre en 1938. Médecin de formation, il a été élu membre de l’Académie Brésilienne des Lettres en 2003.Son roman « Le Centaure dans le Jardin »4 a été nominé par le National Yiddish Book Center comme figurant parmi les cent œuvres majeures de la littérature juive contemporaine.Moacyr Scliar est décédé le 27 février 2011. (Isabelle Telerman)

Guide historique d’Auschwitz(Ed. Autrement, 2011, 288p)

Si un jour Auschwitz paraît muet, c’est que nous serons devenus sourds.

Chacun d’entre nous a déjà parcouru les rues d’une ville, les ruelles d’un village un guide à la main à la recherche d’un site touris-tique, d’un musée ou d’une bonne adresse. A quelques jours de l’anniversaire de la libéra-tion du camp d’Auschwitz, parait aux Editions Autrement, le « Guide historique d’Auschwitz et des traces juives de Cracovie »1.

Au premier abord, un tel ouvrage suscite une petite appréhension, vite dissipée. On est immédiatement rassuré par le sérieux du travail entrepris par deux historiens français, Jean-François Forges, auteur entre autre d’« Eduquer contre Auschwitz »2, et Pierre-Jérôme Biscarat. Tous deux font par-tie de l’équipe pédagogique du Mémorial de la Maisons d’Izieu, d’où 44 enfants furent dépor-tés sur ordre de Klaus Barbie. « Auschwitz ne se visite pas. Il faut y arriver chargé d’un savoir. Il faut voir et savoir, savoir et voir indissolublement.», c’est par cette citation de Claude Lanzmann que les auteurs expliquent leurs motivations.

Dans la préface, le Directeur du musée d’État d’Auschwitz-Birkeneau, Piotr Cywinski, s’in-terroge : « De la compréhension de la Shoah résulte pourtant la compréhension du passé, du présent et des enjeux de l’avenir. C’est bien d’un point de non-retour que nous parlons….. Comment dans ce cas montrer ce site ?…Comment l’aborder ?… Si un jour Auschwitz paraît muet, c’est que nous serons devenus sourds… ».

Rien ne peut remplacer le récit de survivants qui, aujourd’hui encore, accompagnent les groupes de visiteurs. Mais le temps approche où ces témoignages seront remplacés par l’exactitude historique, seule garante de la pérennité de la mémoire. Ces témoignages font d’ailleurs partie intégrante du guide qui donne un aperçu de tous les sites du vaste complexe : le camp de concentration d'Aus-chwitz, le camp d'extermination d’Auschwitz II Birkenau, le complexe industriel d’Aus-chwitz III Monowitz, et les camps alentours, souvent oubliés, dont les traces disparaissent inéluctablement. Les différents itinéraires reprennent un plan de situation dans lequel les fonctions successives de chaque bâtiment sont explicitées avec force détails. Ils sont resitués dans la fonction qui était la leur au cours du processus de destruction et d’exter-mination. Un témoignage de survivant com-plète la description de chaque lieu, en restitue l’horreur, la rend palpable.

Un dernier chapitre est consacré aux traces juives de Cracovie. Il s’attache à donner quelques repères sur la présence juive au cours de l’histoire et son imbrication entre juifs et catholiques polonais. De 64.000 Juifs en 1939, soit 25 % de la population, à environ 200 aujourd’hui, soit 0,02 %... que reste-t-il réellement ? Un " si peu " qui oscille d’une part entre le folklore pathétique de restau-rants pseudo yiddish, de festivals de musique, de figurines souvenirs, reflets de préjugés

1 Guide historique d’Auschwitz, Editions Autrement, 2011, 288p.2 Eduquer contre Auschwitz, Poche Agora, 2004, 278 p.

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encore vivaces et, d’autre part, un regard vrai porté sur une présence juive qui a duré mille ans. A l’heure actuelle encore, la Pologne balance entre une reconnaissance de l’apport de sa population juive au cours des siècles, et une obsessionnelle volonté de montrer à tout prix son innocence. De nombreux travaux d’his-toriens et d’intellectuels tentent de d’insuf-fler une compréhension nouvelle à l’histoire des Juifs de Pologne. Les préjugés et stéréo-types sont toujours manifestement présents dans la société polonaise. Le chemin reste long et parsemé de difficultés pour que soit enfin reconnu cet apport. Il ya peu encore, le ministre polonais de la Culture, Bogdan Zdrojewski a adressé une requête à trois sites Internet consacrés à des camps de concen-tration (Auschwitz, Maidanek, Stuthof) afin « qu’ils remplacent leur adresse « .pl » par une autre extension comme le « .eu » pour ne plus être associés avec la Pologne ».

Une traduction de ce guide en polonais serait certainement une contribution importante a cette confrontation indispensable de la Pologne avec son passé. (SergeWeinber)

Juifs d’électionSébastien Tank-StorperCNRS Editions, Paris 2007

Ce livre est issu d’une thèse de doctorat en sociologie. Il est le fruit d’une recherche approfondie sur le phé-nomène des conversions. Sébastien Tank-Storper se dit familier des querelles entourant la défi-nition de l’identité juive. En effet, sa mère est juive, son père, d’origine allemande et d’éducation luthérienne. Lui-même n’a reçu aucune éducation religieuse, et il s’auto-défi-nit comme étant non croyant.

Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une étude sociologique, et, en tant que telle, elle se heurte nécessairement à des limites. Son objet est de décrire différents profils de candidats, et si le sociologue peut espérer obtenir des informations et des explica-tions de la part des personnes interrogées, il ne pénètre pas pour autant dans l’âme de ceux qui envisagent d’abandonner leur vie antérieure pour adopter la voie du judaïsme. Le converti, ou le candidat à la conversion, est " celui qui, contre le déterminisme de la naissance et contre le poids des traditions, affirme sa volonté de se construire lui-même (...) et de forger son propre destin." (p.12) Or, contrairement au christianisme, le judaïsme ne peut être compris comme une religion qui se pratique dans une intimité essentiellement personnelle. Il implique l’entrée dans le sein du peuple d’Israël, un changement d’identité, et la participation à une vie communautaire. C’est pourquoi le candidat, s’il est marié ou s’il envisage le mariage, s’engage à mener une vie familiale juive, partagée avec un conjoint nécessairement juif. Le judaïsme n’est pas une religion prosélyte, il est plutôt réticent à admettre des candi-dats au processus de conversion. Sebastien

Tank-Storper a voulu étudier sur le terrain des cas concrets, ce qui l’a amené à rencontrer un grand nombre de candidats, en France, en Israël et en Amérique. Les interroger n’a pas toujours été facile, certains refusèrent,

Le judaïsme implique l’entrée dans le sein du peuple d’Israël, un changement d’identité, et la

participation à une vie communautaire.

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mais beaucoup furent heureux d’être écou-tés. La vingtaine de cas analysés par l’auteur pourrait se classer en 3 grandes catégories : conversion (giour en hébreu) en vue d’un mariage (il s‘agit de la très grande majorité), conversion de personnes dont seul le père est juif, enfin conversion de ceux qui sont en quête d’une nouvelle voie spirituelle. Le sociologue suit Hélène, Laurence, Magali et Daniel, Anna, Charles, Maud et bien d’autres pendant toute une partie de leur parcours, dont la durée peut varier de 6 mois (très rare) à 5 ans et plus. Il décrit leurs attentes, leurs espoirs, leurs découragements, leur abandon parfois, et, pour les plus persévérants d’entre eux, l’aboutissement après un long, très long cheminement.

Dans la 2ème partie de son livre, peut-être la plus révé-latrice, Sébastien Tank-Storper essaie de saisir comment s’établit un rap-port d’autorité dans la rela-tion qui se noue durant le processus de conversion, entre l’institution et le candidat. On pourrait s’at-tendre à ce que les candi-dats, proches idéologique-ment et religieusement de l’orthodoxie, fassent appel aux institutions ortho-doxes, et ceux ou celles qui s’identifient au judaïsme libéral ou conservative s’adressent à des rabbins libéraux ou conservative. Mais la conversion orthodoxe est un « billet d’entrée » dans le peuple juif en tant que tel, et donne accès à toutes les dimensions religieuses et séculières de l’identité juive, comme par exemple la « loi du retour » qui permet d’obte-nir la nationalité israélienne, le droit de se marier dans les synagogues israéliennes et le droit d’être enterré dans les cimetières orthodoxes. C’est pourquoi, certains candi-dats, bien qu’étant assez proches du courant libéral, souhaitent malgré tout une conver-sion orthodoxe. Sébastien Tank-Storper

décrit le processus de conversion auprès du Consistoire central de France et, pour le mou-vement conservative, auprès du Seminario Rabinico Latino-americano (en Argentine). Nous pouvons regretter qu’il n’ait pas aussi choisi une institution libérale, le MJLF ou la synagogue de la rue Copernic par exemple.

En ce qui concerne le Consistoire central de France, il nous faut préciser que ces enquêtes ont été réalisées dans les toutes premières années du 21ème siècle, alors que la sévérité, dans l’application de la réglementation, était à son paroxysme. Depuis, il paraît qu’elle se soit quelque peu adoucie. Il s’agit d’un système extrêmement bureaucratisé. Parmi les 1500 demandes par an adressées au Bureau des

conversions, seulement 50 % environ aboutissent. En premier lieu, le candi-dat doit écrire une lettre de motivation à laquelle il ne lui sera répondu que plusieurs mois, voire un an, plus tard. Il s’ensuit un échange de correspon-dance très formel. Pendant ce temps, le candidat est seul, et n’a pas de contact personnel avec un membre de la hiérarchie ; puis un premier rendez-vous lui est fixé. Ensuite, le pro-

cessus d’apprentissage est entamé : " être en conversion ", c’est accepter d’entrer dans une relation de disciple face à une autorité qui sait, qui prescrit et qui juge : " Fais et tu com-prendras ". La plupart du temps, le candidat ne reçoit de la part de la hiérarchie aucun sou-tien qui lui permette de s’intégrer dans la com-munauté. (Il m’a cependant été signalé, qu’à Strasbourg, une famille orthodoxe a accueilli, pendant des années, des groupes de candi-dats à la table familiale du Shabbat, et qu’elle les a accompagnés avec chaleur et dévoue-ment durant tout leur parcours. Cet exemple semble malheureusement assez rare). Le Consistoire impose une sorte de contrat au

Les traits distinctifs entre les courants orthodoxe d’une

part, conservative et libéral d’autre

part, sont fonction de définitions différentes de l’identité juive

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candidat : " Faites ce que je vous dis de faire, et je vous donnerai peut-être ce que vous vou-lez recevoir ". Le postulant est entièrement dépendant de l’autorité. " Quand je me suis convertie, dit Magali à la fin d’un entretien avec Sébastien Tank-Storper, je connaissais depuis cinq ans la partie pratique. Mais il me manquait la partie essentielle : le fond ".

Quant au Seminario Rabinico Latino-americano, d’obédience conservative, l’ap-proche des conversions est toute différente et très semblable à celle des libéraux. Les critères d’acceptation sont beaucoup moins stricts, et il est rare qu’un candidat soit rejeté. Une fois admis, il est informé du déroulement du processus : cours pen-dant un an, assistance aux offices du Shabbat et des Fêtes, intégration dans une famille ou un cercle de sociabilité afin d’être initié à la dimension vécue du judaïsme, casherout sans sévérité excessive. Les écarts par rapport aux normes halkhiques ne sont cependant pas le reflet d’une attitude laxiste vis-à-vis de la loi. Les traits distinctifs entre les courants orthodoxe d’une part, conservative et libéral d’autre part, ne doivent pas se comprendre comme une opposition entre rigueur et laxisme : ils sont fonction de définitions différentes de l’identité juive. Alors que le courant orthodoxe exige de ses candidats les preuves d’une pra-tique intégrale des prescriptions religieuses, les deux courants progressistes du judaïsme contemporain insistent davantage sur l’adhé-sion à l’éthique et sur l’intériorisation du sen-timent religieux. Pendant son processus de conversion, le candidat sera mis en contact avec trois personnes de la hiérarchie com-munautaire : le rabbin responsable qui repré-sente l’autorité. Il ne le rencontrera que trois fois au cours de sa conversion, au début car c’est lui qui juge de sa recevabilité, au milieu du processus afin qu’il l’évalue, et à la fin

lorsqu'il lui donnera l’autorisation de se pré-senter au beth din (tribunal rabbinique). Le deuxième interlocuteur est l’enseignant que le candidat rencontrera une fois par semaine, lors des cours, leur relation sera limitée au domaine des connaissances. Enfin, il y aura le rendez-vous mensuel avec la rabbina qui pourra instaurer une relation plus proche et plus personnelle. Elle ne fera pas passer des examens, mais procédera à des " évaluations ", c'est à dire qu’elle cherchera à sonder la per-sonnalité du candidat. Par rapport à celui du Consistoire central de France, où le candi-dat est " examiné " uniquement quant à ses connaissances et à sa pratique, le système conservative présente l’avantage de l’accom-

pagner, de le guider, de l’informer et de le rassu-rer dans sa démarche. Il est " évalué " dans sa sub-jectivité et dans ses dispo-sitions mentales et affec-tives, dans son adhésion aux valeurs essentielles du judaïsme.

Dans sa conclusion, Sébastien Tank-Storper

constate que les demandes de conversion, en augmentation constante, bouleversent pro-fondément le judaïsme. Elles mettent le doigt sur une question sensible : le judaïsme se définit-il prioritairement comme une éthique ou comme une filiation ? Qu’advient-il des candidats une fois convertis ? Trois options s’avèrent possibles : l’abandon, la suren-chère ou la stabilisation au sein de l’alliance. Les institutions libérales ou conservative gardent-elles davantage leurs convertis que les institutions orthodoxes ? Ceci pourrait être l’objet d’une enquête ultérieure. (Monique Ebstein)

Le judaïsme se définit-il

prioritairement comme une éthique

ou comme une filiation ?

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Le désir de conversionCatherine Chalier(Ed. Seuil 2011)

Qu'est-ce qu’une conversion ? Peut-on en donner une définition, la réduire à des géné-ralités ? Dans un livre qui vient de paraître, Catherine Chalier essaye de percer la nature de ce bouleversement de l’âme, d’en décou-vrir les causes et les aboutissements, sans gommer l’aspect tout à fait unique de chaque cas de conversion. Elle est intéressée non par l’aspect sociologique, mais uniquement par l’aspect spirituel, l’aventure qui conduit un être humain à se remettre en question, à remettre en question un héritage reçu, pour aboutir à une rupture qui, devenue publique, l’enga-gera pour le restant de ses jours. Afin d’étayer son analyse, elle étudie le cas de 5 personnalités bien connues que leur parcours individuel a conduites vers une conversion qui ne fut pas vraiment ce que laisse penser l’accep-tion ordinaire du terme : Franz Rosenzweig, Henri Bergson, Simone Weill, Thomas Merton et Etty Hillesum. Chacun d’entre eux, pour reprendre les termes de Catherine Chalier " a cherché à jouer une partition que lui seul, ou elle seule, pouvait déchiffrer parce qu’il, ou elle, était à l’écoute du plus caché de son âme. "

La parole du prophète Ezéchiel (18,4) " Col ha neshamot li " (toutes les âmes sont à moi), ne signifie pas une aliénation par Dieu de la liberté de l’homme, tout au contraire, elle libère chaque individu du joug familial ou social qui l’enferme dans une tradition plus ou moins imposée. L’âme est le siège d’une liberté qui rend chacun de nous unique et responsable. Les réponses, données en notre nom par nos parents à notre naissance, et plus ou moins imposées par la société au sein de laquelle nous avons vu le jour, ne sauraient nous dispenser de faire usage de notre liberté

et de notre intelligence pour écouter les ques-tions qui s’imposent à notre conscience et y répondre. Edith Stein, lorsqu'on l’interrogeait sur la raison de sa conversion au catholi-cisme, répondait : " Mon secret est à moi ": en effet lorsqu'il s’agit d’une conversion, aucune curiosité humaine ne saurait être satisfaite. L’acceptation respectueuse est la seule atti-tude qui puisse être adoptée face à une déci-sion prise en toute liberté.

Le critère essentiel d’une " vraie conversion " ne se trouve pas dans une croyance à laquelle ont conduit l’étude et l’enseignement. Le cri-tère premier est une inquiétude, profondément vivante et troublante, qui interdit à certaines

personnes de rester fidèles à la religion, à l’athéisme ou à l’agnosticisme reçus par héritage familial, sous peine de trahir la vie qui sourd au plus profond de leur âme. Catherine Chalier distingue deux sortes de conversions : la

conversion philosophique et la conversion religieuse. La conversion philosophique est en quelque sorte, comme Platon l’enseignait : " retourner le regard dans la bonne direction avec l’ensemble de son âme, jusqu'à ce qu’elle puisse contempler ce qui est vraiment ". La conversion religieuse, quant à elle, est dif-férente de ce modèle philosophique. Dans le judaïsme, nous distinguons principalement la " teshouva " et le " giour ".

La teshouva, mot hébreu dont le sens exact serait retour ou réponse, mais que l’on tra-duit généralement par repentir, est la prise de conscience par un Juif de la nécessité d’opérer un changement radical dans sa vie, sans toutefois quitter le judaïsme, mais bien au contraire, en se réappropriant le sens pro-fond de la religion ancestrale. Le giour par contre est l’adoption par un non-juif (guer) de la religion juive, entraînant son entrée dans le peuple juif, sa participation pleine et entière à son histoire et à son destin.

La conversion est une aventure qui conduit l’esprit humain à se remettre en question

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La teshouva , écrit Catherine Chalier, enseigne à quiconque a emprunté un chemin sans issue pour lui, qu’il doit d’abord revenir en arrière (par le repentir moral mais aussi par la réflexion, l’étude, la prière et le dialogue avec autrui) afin de repartir ensuite dans une bonne direction où son existence, en ce qu’elle a d’unique, puisse s’accomplir. La conversion au judaïsme, ou giour, se demande-t-elle, peut-elle être considérée comme une teshouva ? Oui, répond-elle, si on ne limite pas cette dernière à un repentir moral. Car, celui qui se convertit ne le fait pas pour se faire par-donner telle ou telle faute, mais pour des raisons qui tiennent à la signification profonde qu’il donne à son existence. La conversion, en effet, est une réponse à l’appel de Dieu qui incite à œuvrer pour délier en soi des nœuds qui s’opposent au dynamisme de la vie. C’est la réponse à cet appel que Franz Rosenzweig définira comme étant un " effondrement ".

Parmi les cinq itinéraires choisis par Catherine Chalier, nous n’en retiendrons que deux, ceux de Franz Rosenzweig (1886-1929) et d’Henri Bergson (1859-1942). Tous deux, nés au sein du judaïsme, empruntèrent, sous la poussée de cet " appel de Dieu ", des voies très différentes. Le premier écrit à l’âge de 20 ans qu’il avait tenté adorer Dieu de mul-tiples façons, " puérilement, hébraïquement, bibliquement, homériquement, naturellement, panthéistiquement, platoniquement, chré-tiennement et en athée ", sans qu’aucune de ces façons ne parvienne à lui faire entrevoir une issue, c'est à dire à toucher son âme. La certitude de devoir retourner (con-vertere) au judaïsme qui l’envahit un jour de Kippour, alors qu’il s’était proposé d’entrer une der-nière fois dans une synagogue avant de rece-voir le baptême, est effectivement une conver-sion une véritable teshouva : "Je descendis au fond de moi-même… puis, je remontai vers les

niveaux supérieurs et j'étalai les trésors rap-portés; la lumière du jour ne les priva pas de leur éclat. C'étaient mes trésors, ma propriété la plus intime, mon héritage…"

Henri Bergson fut par excellence le penseur de la liberté. Or, la liberté est toujours impré-visible. Elle est surprenante jusqu'au cœur des décisions les plus mûrement réfléchies.

Au soir de sa vie, nous dit Catherine Chalier, il évoque " son éducation juive de peu de durée ", puis son indiffé-rence religieuse qu’il juge pire que l’hostilité, sa pro-gressive découverte de la valeur des réalités spiri-tuelles, sa lecture des mys-tiques catholiques, ainsi que le sentiment d’être enfin mis en présence de

lui-même, mais aussi l’importance des " liens de famille " qui l’arrêtent devant le baptême, c'est à dire devant une conversion publique qui pourrait être instrumentalisée par les persécuteurs nazis du peuple au sein duquel il est né.

Une conversion rompt toujours avec les habi-tudes, elle consiste à " remonter la pente du tout fait ". C’est vrai lorsque l’on s’engage dans une religion différente, c’est aussi vrai à l’inté-rieur de sa propre religion. Dès les années 1881-83, Bergson découvre que les " états de conscience " sont vivants et dynamiques : sa première conversion consiste alors à cesser d’être l’adepte du temps abstrait, d’une phi-losophie qui sous prétexte de vérité écarte la durée propre au moi, c'est à dire le temps vécu par la conscience, cette " intuition berg-sonienne " formidable et simple qui lui fait entrevoir des terres nouvelles. Il découvre sa participation à un dynamisme partout présent, mais il la découvre en philosophe, de façon individuelle, en se détournant de la philosophie gréco-latine, sans pour autant se référer explicitement à des textes reli-gieux ou théologiques. Pour lui, la création

Celui qui se convertit le fait pour des

raisons qui tiennent à la signification

profonde qu’il donne à son existence.

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est d’abord une expérience intérieure. Il ne se réfère pas au récit de la Genèse. Il s’est converti philosophiquement à une évolution créatrice, et la science de son époque a joué dans sa pensée un rôle bien plus important que la tradition judéo-chrétienne. L’intuition d’un vaste mouvement créateur se substitue ici à la révélation de la création proposée par le récit biblique. Bergson médite comment l’esprit humain se conver-tit de l’intelligence à l’intui-tion qui seule lui permet de saisir le domaine propre de la vie.

Le mot Dieu vient la pre-mière fois sous sa plume dans l’Évolution créa-trice où il écrit : "...je parle d’un centre d’où tous les mondes jailliraient comme les fusées d’un immense bouquet, pourvu que je ne donne pas ce centre pour une chose, mais pour une continuité de jaillis-sement. Dieu ainsi défini n’a rien de tout fait ; il est vie incessante, jaillissement, liberté. La création ainsi conçue n’est pas un mystère, nous l’expérimentons en nous dès que nous agissons librement ". Cependant, cette reli-giosité ne présume encore rien du chemin ultérieur du philosophe vers le catholicisme. La relative méconnaissance du judaïsme par Bergson, lui fait considérer la religion de ses ancêtres comme une religion nationale et enfermée, et le Dieu de la Bible comme un Dieu qui prend partie pour le peuple juif. Par contre, il voit dans le christianisme une reli-gion qui, succédant au judaïsme, est capable de devenir une religion universelle, et dans son Dieu, " un Dieu qui aime l’humanité entière ".

Bergson n’était pas lui-même un mystique, mais il considérait les mystiques catholiques comme étant les grands artisans de l’intro-duction de l’amour de Dieu dans le monde. Peut-être, a-t-il, à son insu, trouvé en eux quelque chose de l’héritage hassidique légué par ses ancêtres polonais méconnus. Il est un

fait que Bergson n’est pas entré dans l’Eglise, il n’a pas reçu le baptême. Ce qui le concerne est un mystère qui relève de sa liberté person-nelle, devant laquelle nous ne pouvons que nous incliner.

Catherine Chalier conclut en affirmant que la signification des conversions est d’" aller vers Dieu ", ou plutôt de retourner vers Lui,

car Son appel, en chacun, est ineffaçable. Ce revenir n’a aucunement la rigidité d’un retour à des certitudes anciennes ou à un passé immuable. Ce " revenir " se produit aussi comme un " advenir ", car, comme l’énonce la Bible, la véri-table patrie est celle vers

laquelle on va, poussé par la force d’une pro-messe reçue. On va vers elle en allant vers soi-même, ou on va vers soi-même en allant vers elle, les deux étant indissociables, comme il fut enseigné à Abraham (Gn 12,1) : " Lekh lekha "… (Monique Ebstein)

FrançoiseLaure Adler(Ed. Grasset 2011)

Une biographie de Françoise Giroud de presque 500 pages, vient de paraître. Si je l’ai achetée et "avalée" en 3 jours, ce n’était certes pas parce que je pen-sais en faire une recension dans le Shofar. C’était bien plutôt parce que l’Express de Jean-Jacques Servan-Schreiber et de Françoise Giroud incarnait toute une partie de ma jeunesse et de l’enthousiasme de mes vingt ans. Jamais en effet, je n’ai retrouvé un journal et des journalistes qui incarnaient à un tel point mes idées, mes idéaux, mon hor-reur de la guerre d’Algérie et de la torture qui s’y pratiquait. Bien sûr, la petite provinciale

La véritable patrie est celle vers laquelle

on va, poussé par la force d’une

promesse reçue

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que j’étais ignorait tout de la vie parisienne au milieu de laquelle " Françoise " évolua sa vie entière. Peu de personnages importants du monde de la politique (Pierre Mendès-France, François Mit terrand, Valéry Giscard d’Es-taing), de la littérature, (Sartre, Malraux, Gide), du cinéma, (Marc Allégret, Louis Jouvet, Jean Renoir, parmi tant d’autres) n’ont croisé, à un moment ou l’autre, son chemin. Selon ses sympathies ou ses antipathies, ils ont été l’objet d’articles élogieux ou de coups de griffe acérés. Personne comme elle ne savait trou-ver le mot juste qui encensait ou fustigeait. Mais ce n’est pas cela non plus qui me conduit à parler de Françoise Giroud dans le Shofar. Ce dont je voudrais parler, c’est d’un pan de sa vie qu’elle a toujours caché. Françoise n’a, pour ainsi dire, jamais parlé de son enfance. Elle était née en 1916 de parents juifs, les Gourdji, son père originaire de Turquie, sa mère de Salonique. La famille vint en France juste avant la naissance de Françoise, et sa mère, Elda, la fit baptiser alors qu’elle était encore un nouveau-né. Son père disparut très vite, et sa mère ne mentionna jamais plus ses origines juives, si ce n’est, sur son lit de mort, en 1959, pour faire jurer à sa fille de ne jamais les révéler. Laure Adler, qui écrit avec beaucoup d’empathie cette excel-lente biographie, concède que Françoise Giroud avait certains problèmes avec la vérité. Parfois elle la cacha, parfois elle l’accommoda, peut-être sans savoir exactement où elle résidait. Françoise, en 1942, attendit un enfant. Dans ses livres de souvenirs, elle dit seulement que le père était un homme dont elle fut séparée par la débâcle. Or cet homme était un Juif nommé

Nahmias. Le contrat de mariage avait déjà été rédigé, et Françoise, qui était amoureuse, aurait voulu se marier, mais comme elle avait

affirmé qu’elle n’était pas juive, le futur époux, ainsi que toute sa famille, ne purent accepter une union avec… une soi-disant goy !!! La suite de l’histoire de cet enfant est très triste. Françoise essaya d’avor-ter, mais n’y parvint pas. Un petit garçon naquit et ce fut essentiellement la

mère de Françoise qui l’éleva. Devenu jeune homme, et bien qu’étant un excellent skieur, il mourut dans un accident de ski en faisant du hors piste dans les Alpes. Françoise qui, par la suite, avait beaucoup aimé son fils, se sentit toute sa vie coupable de ne pas avoir désiré cet enfant.

Le deuxième épisode, moins tragique, est tout à fait extraordinaire. En 1946, Françoise Giroud épouse Anatole Eliacheff, un Russe qui, écrit-elle, " sortait tout droit d’un roman de Dostoïevski ". Le mariage ne dura pas longtemps mais, en 1947, naquit une petite fille, Caroline, deuxième et dernier enfant de Françoise. Prise à plein temps par son travail, elle la confia également à sa mère. Caroline

épousa Robert Hossein, de 21 ans son aîné et, en janvier 1964, naîtra leur fils, Nicolas.

Et c’est à cause de l’étrange parcours de ce petit-fils que je vous pré-sente ce livre. Son arrière grand-mère, Elda, avait définitivement renié ses

origines juives, sa grand-mère Françoise, en fille obéissante, n’y a jamais fait allusion, et sa mère, Caroline, élevée par sa grand-mère ne pouvait certainement pas avoir transmis sciemment à son fils un message quelconque concernant sa judéité, et pourtant… Agé

Personne comme elle ne savait

trouver le mot juste qui encensait ou

fustigeait.

Personne comme elle ne savait

trouver le mot juste qui encensait ou

fustigeait.

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d’environ vingt ans, Nicolas décide d’étudier dans une yeshiva ! On lui demande s’il est juif. S’il ne l’est pas, il devra se convertir. Il s’adresse alors à sa grand-mère, la bombarde de lettres de plus en plus pressantes. La cor-respondance s’étend sur plusieurs années, mais jamais Françoise ne donnera la réponse d’une importance si capitale pour son petit-fils. Quatre ans plus tard, Nicolas tombe amoureux et veut se marier. Il redemande à sa grand-mère s’il est juif, et à ce moment, enfin, elle avoue ! Aujourd'hui, le rabbin Aron Eliacheff est père d’une famille nombreuse, il fait partie du rabbinat de Strasbourg où il enseigne la Bible et le Talmud.

Dans ce n° du Shofar où plusieurs articles traitent du problème des conversions, j’ai trouvé intéressant de faire connaître ce cas extraordinaire de " marranisme " ou de conversion que l’on pourrait qualifier de " transgénérationnelle ". Qu’il permette à ceux et à celles qui se désespèrent de constater que leurs enfants s’éloignent du judaïsme, parfois jusqu'à l’abandonner, de garder espoir que l’antique héritage finisse par refaire surface, pour le bien et la survie du peuple d’Israël. (Monique Ebstein)

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TriBUNE DEs lECTEUrs

Le célèbre philosophe Moses Mendelssohn, invité par le roi Frédéric II de Prusse à un dîner royal, était assis à côté d’un évêque catholique. Quand on lui présenta de la viande non casher, Mendelssohn, en Juif observant, demanda qu’on lui serve un plat de légumes à la place. L’évêque se pencha vers lui : - " Herr Moses, quand abandonnerez-vous ces

antiques superstitions, et mangerez-vous notre nourriture ?"

- " A votre repas de mariage ", répondit le philosophe.

Un jeune rabbin, récemment sorti du sémi-naire est engagé par une communauté. Son premier sermon porte sur l’observance du Shabbat. Après l’office, le président le prend à part :- " Rabbi, ce n’était pas un bon sujet, car aucun

d’entre nous n’observe le Shabbat ".La semaine suivante, il fit son sermon contre les jeux de cartes. Là encore, le président lui fait une remarque :- " Mais tout le monde ici joue aux cartes ! "- " Quel sujet dois-je donc choisir ? "- " Le Judaïsme ".

Un homme vint consulter Rabbi Yosef Ber, le rabbin de Bris, pour lui demander s’il pouvait utiliser du lait au lieu de vin pour les quatre coupes du Seder. Le rabbin prend 25 roubles de sa poche et les lui offre.- " Je ne suis pas venu demander une aumône ",

proteste l’homme.- " Que Dieu me pardonne, je vous les prête

seulement. Quand vos affaires iront mieux, vous me les rendrez ".

Après le départ de l’homme, la femme du rab-bin le réprimande :- " Mon cher mari, 25 roubles pour une bou-

teille de vin !"- " S’il souhaite utiliser du lait à la place du

vin, cela signifie qu’il n’a pas de viande pour le Seder ! "

("Kosher Humor" par H.R. Rabinowitz, Ed. Allia)

Humour juif

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le shofar

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