lde 170 novembre 2010

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Le mensuel d’information des élus étudiants SOMMAIRE Edito Association pour la Formation des Elus Etudiants unef.fr Une publication mensuelle de l’UNEF et de l’APFEE. N° de Commission Paritaire : 0108G82659 - ISSN : 1761-1547 — Directeur de publication : Sébastien Maurice Rédacteurs en chef : Emmanuel Zemmour, Benoit Soulier — courriel : [email protected] — Tél : 01 42 02 25 55 — Impression : imprimerie Grenier RCS Créteil B 622.053.189 APFEE Actualités locales Fiche pratique Améliorer le calen- drier universitaire pour les étudiants Interview Stéphane Jugnot, chef de département au CEREQ Dossier Fusions d’universités : où en est-on ? p. 7 p. 4 - 5 p. 2 p. 3 p. 6 Actualités nationales Aides sociales • L’université de Nîme vient de voter le passage en grand établissement, un risque pour les droits étudiants • Le décret sur les PRES sonne la fin du monopole des universités sur la délivrance des diplômes nationaux • Enquête du CEREQ sur l’insertion professionnelle : une enquête détourné • Protéger et gagner de nouveaux droits pour les étudiants étrangers Dans les années 90 de nouvelles universités voyaient le jour pour ac- cueillir un nombre d’étudiants toujours plus important et ainsi répondre aux besoins de la massification de l’enseignement supérieur. Cette trans- formation profonde de l’enseignement supérieur était le fruit d’un choix de société : il s’agissait à la fois d’élever le niveau de qualification de chacun mais aussi de rompre la reproduction sociale. Vingt ans plus tard, la carte universitaire se trouve à nouveau en ébul- lition mais les modalités ont bien changé. Rapprochements d’universi- tés, constitutions de PRES, diversification des statuts, c’est désormais la concurrence effrénée entre établissements qui guide les transforma- tions de la carte universitaire. Et cette concurrence est d’autant plus des- tructrice pour le service public d’enseignement supérieur qu’elle met aux prises des universités rendues autonomes par la loi LRU de 2007 sans aucun pilotage national. Pire, faute de cadre contraignant, le ministère de l’enseignement supérieur accélère ce mouvement en promettant aux plus ambitieux des financements supplémentaires. « Laisser faire » pour atteindre l’excellence, voilà le credo que semble avoir adopté la ministre. Parce que l’excellence restera une chimère si elle se fait sans les étu- diants, les élus « UNEF et associations étudiantes » ont choisi de faire le point sur ces bouleversements de la carte universitaire dans le dossier de ce mois-ci. Enfin, le Lettre des Elus de ce mois reviendra sur la question de l’in- sertion professionnelle et de l’emploi des jeunes en donnant la parole à Stéphane Jugnot, chef du département des entrées et des évolutions dans la vie active au CEREQ (Centre d’études et de recherches sur les qualifications). Bonne lecture ! Azwaw Djebara, Élu au CNESER p. 8 N° 170 - Novembre 2010 - 0,15 Euros

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La lettre des élus 170

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Le mensuel d’information des élus étudiants

SOMMAIRE Edito

Association pour la Formation des Elus Etudiants

unef.fr

Une publication mensuelle de l’UNEF et de l’APFEE. N° de Commission Paritaire : 0108G82659 - ISSN : 1761-1547 — Directeur de publication : Sébastien Maurice Rédacteurs en chef : Emmanuel Zemmour, Benoit Soulier — courriel : [email protected] — Tél : 01 42 02 25 55 — Impression : imprimerie Grenier RCS Créteil B 622.053.189

APFEELe mensuel d’information des élus étudiants

Actualités locales

Fiche pratique

Améliorer le calen-drier universitaire pour les étudiants

Interview

Stéphane Jugnot,chef de département au CEREQ

Dossier

Fusions d’universités : où en est-on ?

p. 7 p. 4 - 5

p. 2

p. 3

p. 6

Actualités nationales

Aides sociales

• L’université de Nîme vient de voter le passage en grand établissement, un risque pour les droits étudiants

• Le décret sur les PRES sonne la fi n du monopole des universités sur la délivrance des diplômes nationaux

• Enquête du CEREQ sur l’insertion professionnelle : une enquête détourné

• Protéger et gagner de nouveaux droits pour les étudiants étrangers

Dans les années 90 de nouvelles universités voyaient le jour pour ac-cueillir un nombre d’étudiants toujours plus important et ainsi répondre aux besoins de la massifi cation de l’enseignement supérieur. Cette trans-formation profonde de l’enseignement supérieur était le fruit d’un choix de société : il s’agissait à la fois d’élever le niveau de qualifi cation de chacun mais aussi de rompre la reproduction sociale.

Vingt ans plus tard, la carte universitaire se trouve à nouveau en ébul-lition mais les modalités ont bien changé. Rapprochements d’universi-tés, constitutions de PRES, diversifi cation des statuts, c’est désormais la concurrence effrénée entre établissements qui guide les transforma-tions de la carte universitaire. Et cette concurrence est d’autant plus des-tructrice pour le service public d’enseignement supérieur qu’elle met aux prises des universités rendues autonomes par la loi LRU de 2007 sans aucun pilotage national. Pire, faute de cadre contraignant, le ministère de l’enseignement supérieur accélère ce mouvement en promettant aux plus ambitieux des fi nancements supplémentaires. « Laisser faire » pour atteindre l’excellence, voilà le credo que semble avoir adopté la ministre. Parce que l’excellence restera une chimère si elle se fait sans les étu-diants, les élus « UNEF et associations étudiantes » ont choisi de faire le point sur ces bouleversements de la carte universitaire dans le dossier de ce mois-ci.

Enfi n, le Lettre des Elus de ce mois reviendra sur la question de l’in-sertion professionnelle et de l’emploi des jeunes en donnant la parole à Stéphane Jugnot, chef du département des entrées et des évolutions dans la vie active au CEREQ (Centre d’études et de recherches sur les qualifi cations).

Bonne lecture !

Azwaw Djebara,Élu au CNESER

p. 8

N° 170 - Novembre 2010 - 0,15 Euros

2 La Lettre Des Élus n°170 - Novembre 2010

L’université de Nîmes vient de voter le passage en grand établissement : un risque pour les droits étudiants

Actualités localesNîmes. Le 17 novembre 2010, le conseil d’université de l’université de Nîmes a voté le passage au Grand Établissement.

En hausse

Depuis deux ans, la carte universitaire subit de profondes transformations. Constitutions de Pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), fusions d’universités, changements de statuts sont autant de bou-leversements importants qui s’enchaînent sans aucun pilotage national ni concerta-tion avec les étudiants. Ces réorganisations, dont le seul et unique moteur est la mise en concurrence, mettent en danger la continuité du service public d’enseignement supérieur. En particulier la question de l’uniformité des statuts des universités est remise en cause dans ce mouvement de restructuration. En effet, la course à l’excellence organisée par le ministère de l’enseignement supérieur pousse les universités à se démarquer les unes des autres pour rester du côté des éta-blissements dits compétitifs. Ainsi, de plus en plus d’établissements cherchent à s’exonérer des règles nationales qui régissent l’ensei-gnement supérieur et cela aux dépens des étudiants.

C’est le cas de l’université de Nîmes qui a voté, le 17 novembre 2010 le passage au statut de « grand établissement ». Ce vote constitue une régression sans précédent pour les étudiants nîmois. Le statut de grand établissement permet aux universités de sor-tir des cadres légaux qui régissent le service public d’enseignement supérieur, notamment en termes de sélection et frais d’inscription. L’exemple de l’université de Paris 9 est fl a-grant. Cette université est devenue un grand établissement en 2004, ce qui a permis une augmentation des frais d’inscription jusqu’à

4000 euros par an et d’une sélection en pre-mière année. Or l’introduction de sélection ou l’augmentation des droits universitaires pour l’université de Nîmes aurait des consé-quences catastrophiques pour l’ensemble des étudiants de la région. L’implantation de fi lières non sélectives et aux frais d’inscrip-tion régulés nationalement à Nîmes permet d’accueillir un public avec une mixité sociale forte. Toute augmentation des frais d’ins-cription ou toute sélection des étudiants à l’entrée de l’université serait non seulement injuste mais surtout fermerait les portes de l’enseignement supérieur au public actuel des étudiants nîmois.

Mobilisation pour les vacataires de l’université de Strasbourg

Un collectif de contractuels et vacataires de l’Uni-versité de Strasbourg (CONVACS) appuyé par de nombreux syndicat a lancé une pétition pour la titularisation des vacataires de l’université. En effet dans un contexte de suppressions massives de postes et de désengagement de l’Etat dans le fi nancement des universités, de nombreux ensei-gnants sont recrutés au titre de vacataires alors qu’ils exercent au même titre que les titulaires. Le collectif exige la titularisation de ces enseignants au 1er janvier 2011.

En baisseLe budget de la licence dans le PLF 2011

Les résultats de la 4ème étude PISA (Pro-gramme pour l’évaluation internationale des élèves) ont été rendus publics par l’OCDE. Ce programme évalue les connaissances en ma-thématique lecture, et expression des jeunes de 15 ans, quelle que soit leur situation sco-laire et sociale dans l’ensemble des pays de l’OCDE. Les résultats de la France (en 18ème position) révèlent non seulement un part crois-sante d’élèves en grande diffi culté (20% contre 15% en 2000) mais surtout un creusement des inégalités scolaires très largement expliqué par le milieu social des élèves selon l’OCDE. Il est impératif de prendre ces résultats au sérieux pour remettre en marche l’ascenseur social à l’école.

Les élus « UNEF et associations étudiantes» dénoncent fermement le passage de l’univer-sité de Nîmes au statut de grand établisse-ment. Par ailleurs, conscients que les rappro-chements non régulés entre universités pour constituer des pôles d’excellence (comme à Montpellier) mettent en péril l’avenir des pe-tites universités et les poussent à se doter de statuts dérogatoires pour ne pas disparaitre, les élus « UNEF et associations étudiantes » exigent un moratoire sur les processus de res-tructuration actuels, ainsi que l’ouverture d’un débat national sur la carte universitaire.

Maria CotoraÉlue au CNESER

Brèves du CNESER

CNESER du 25 octobre 2010

Une motion adoptée sur les fusions pour un « débat démocratique national sur la carte universitaire »

Lors du CNESER du mois d’octobre, le minis-tère a fait savoir sa décision de contractualiser avec les universités sur une durée de 5 ans (contre 4 actuellement). Il a aussi fait part de sa volonté d’élargir les compétences des PRES par le biais de contrat entre les pôles et le mi-nistère. Cette mesure a été prise sans concer-tation et s’applique dans l’opacité la plus totale. Ainsi le principe a consisté à solliciter un à un les présidents de certaines universités pour déterminer les établissements participant à une cinquième vague de contractualisation laissant dans l’ignorance les représentants élus des personnels et des étudiants. Ce procédé est la marque d’un profond mépris pour la démocratie universitaire et ses acteurs.

De plus, permettre aux PRES de contractua-liser avec l’Etat est une profonde remise en cause de l’égalité entre les universités sur le territoire.

Le CNESER a ainsi adopté une motion dénon-çant la méthode employée par le ministère pour passer à la contractualisation quinquennale et demandant l’ouverture sans délai d’un débat national sur la carte universitaire.

3La Lettre Des Élus n°170 - Novembre 2010

Actualités nationales

La reconnaissance de diplômes nationaux est un monopole d’Etat. Seules les universités publiques sont habilitées à délivrer ces diplômes. Cette disposition est une garantie de la qualité des di-plômes et de l’égalité de tous devant la formation. En effet le diplôme est une protection pour tous contre le chômage dès lors que deux conditions sont remplies : son contenu (c’est-à-dire les qualifi-cations qu’il sanctionne) doit être reconnu nationa-lement et son accès doit être garanti pour tous les étudiants, quel que soit leur milieu social d’origine. A l’origine destinés à promouvoir la collaboration des équipes de recherche, les PRES regroupent à l’heure actuelle des établissements publics et pri-vés (par exemple l’institut catholique de Lyon fait partie du PRES de Lyon). Par le décrèt adopté le 17 novembre, l’État permet désormais aux PRES de délivrer des diplômes nationaux, on permet par

conséquent aux établissements privés rattachés à ces PRES d’obtenir la reconnaissance de leur offre de formation par des diplômes nationaux. Or contrairement aux universités publiques, les universités privées n’offrent aucune garantie en matière de neutralité, de contenu pédagogique de formation ou de modalités d’examens mais aussi d’absence de sélection et de frais d’inscription. Priver les universités publiques de leur principal atout qui est la reconnaissance nationale revient à organiser une véritable concurrence déloyale alors que les universités assurent une mission de service public.

C’est pour celà que les élus « UNEF et associa-tions étudiantes » demandent la suppression de l’article 2 du projet de loi.

Emmanuel Zemmour, Élu au CNESER

PRES. Le 17 novembre une proposition de loi concernant l’immobilier universitaire a été examinée par le Sénat. L’article 2 de cette loi donne la possibilité aux PRES (Pôles de recherche et d’enseignement supérieur) de délivrer directement des diplômes nationaux.

Le décret sur les PRES sonne la fin du monopole de la délivrance des diplômes nationaux par les universités

Le service public de l’enseignement supérieur doit permettre à chacun de réussir une insertion professionnelle durable. A l’heure où le chômage touche 25% des jeunes des jeunes et où le pre-mier emploi stable est décroché en moyenne à 27 ans, il y a une réelle urgence à donner les moyens à chaque université de remplir cette mission. L’enquête annoncée par le ministère de l’enseignement supérieur en lien avec le Centre d’étude et de recherche sur les qualifications (CE-REQ) devait fournir des informations précieuses pour identifier précisément les difficultés rencon-trées par l’ensemble des 18-25 ans sur le marché de l’emploi.

Malheureusement il n’en est rien. A l’inverse des enquêtes annuelles « Générations » du CEREQ, l’enquête du ministère présente des résultats université par université, filière par filière du taux d’insertion professionnelle. Ces chiffres compa-

ratifs doivent, selon la ministre, permettre de révéler les performances de chaque établisse-ment et servir « d’instrument de pilotage » pour l’Etat « qui en tiendra compte dans ses dota-tions financières aux campus. ».

Le ministère pense que c’est en mettant en concur-rence les universités que l’on pourra résoudre les problèmes d’insertion des jeunes. Cette idée est non seulement fausse mais surtout dangereuse. Le CEREQ a lui-même publié une note consécu-tive à l’enquête insistant sur le fait que les diffé-rences de résultats sont dues non aux différences entre établissements mais aux situations locales de l’emploi. La ministre préfère ainsi laisser la situation des jeunes s’aggraver tout en creusant les inéga-lités entre universités plutôt que de prendre ses responsabilités.

Les élus « UNEF et associations étudiantes »

Insertion. Pour la première fois le ministère de l’enseignement supérieur a publié des chiffres sur l’insertion professionnelle des jeunes diplômés de master. Les élus « UNEF et associations étudiantes » dénoncent une opéra-tion de communication dont l’objectif est moins de fournir des réponses aux inquiétudes des étudiants que d’accentuer la mise en concurrence.

Enquête du CEREQ sur l’insertion professionnelle : une enquête détournée

dénoncent le déchargement de responsabilité du ministère de l’enseignement supérieur et exigent :

• Un financement fléché nationalement pour les bureaux d’aide à l’insertion professionnelle (BAIP)

• Des règles contraignantes d’encadrement péda-gogique des stages, et en particulier l’interdiction des stages hors cursus

• La systématisation des stages obligatoires en troisième année de licence

Yannick Sabau, Élu au CNESER

4 La Lettre Des Élus n°170 - Novembre 2010

DossierCarte universitaire. Alors qu’aucun débat national n’a été ouvert sur l’aménagement du territoire universitaire, les processus de fusions d’universités s’amplifi ent renforçant ainsi les craintes des étudiants. Les élus « UNEF et associations étudiantes » reviennent sur une situation créatrice d’inégalités, mais également sur ses propositions.

Fusions d’universités : Où en est-on ?Deux ans après la fusion des universités de Stras-bourg et alors même qu’aucun bilan n’a été tiré de cette expérience, on assiste a un développement des processus de fusions. Ainsi les universités d’Aix Marseille, de Lorraine, du Nord, de Montpel-lier…se sont engagées dans la voie de la fusion. Cependant, l’accélération des fusions d’universi-tés n’est pas un enjeu anodin : au-delà de bous-culer totalement la carte universitaire et donc de menacer le maillage territorial, ces fusions recou-vrent également d’autres conséquences qui ne peuvent être simplement éludées sous peine de mettre en danger le service public d’enseignement supérieur. Le système actuel d’enseignement su-périeur n’a en effet pas été conçu pour supporter des changements de cette ampleur. Aucune règle nationale n’existe aujourd’hui pour encadrer ces transformations, laissant ainsi une liberté quasi-totale aux établissements pour fi xer les contours de leur fusion (gouvernance, statuts, répartition du budget, maintien ou pas des sites de chaque université…).

Le gouvernement pousse les universités au regroupement

L’enseignement supérieur subit à l’heure actuelle une mutation profonde. L’objectif affi ché par Valé-rie Pécresse est clair : favoriser, par le regroupe-ment de différents établissements, l’émergence d’une dizaine de grands pôles d’excellence qui auraient ainsi une visibilité internationale et se-raient à même de rivaliser avec les grands pôles universitaires étrangers. Afi n de pousser aux regroupements universitaires, Valérie Pécresse

a mis en place une série d’outils y incitant. Ainsi le Plan Campus prévoit d’augmenter les fi nances des universités qui font le choix de se rapprocher. De même le grand emprunt national sera réservé aux établissements sous conditions de mettre en place des initiatives d’excellence.

Les fusions précarisent les droits des étudiants

Les fusions d’universités posent aujourd’hui de sérieux problèmes car la constitution de masto-dontes universitaires de 80000 étudiants (contre en moyenne 15000 aujourd’hui) n’est pas possible dans le cadre de la législation actuelle. En effet les mécanismes qui garantissent la qualité du service public dans les universités ne sont pas conçus pour une telle masse d’étudiants. En particulier la démocratie au sein des universités, la répartition égalitaire des formations sur le territoire, le fi nan-cement selon les besoins des établissements sont autant d’éléments incontournables pour la réus-site de tous à l’université mais qui risquent pourtant d’être profondément remis en cause.

La démocratie. La fusion d’université induit de manière automatique une baisse de la représen-tativité étudiante, en maintenant un maximum de 5 élus étudiants au CA et 16 au CEVU pour une masse d’étudiants qui augmente automati-quement du fait de la fusion. Un élu étudiant sera amené à représenter jusqu’à 20 000 étudiants ! Cela constitue une atteinte grave à la démocratie à l’université.

Le maillage territorial des formations. Les fusions entre universités de villes différentes (comme Nancy-Metz, Dijon-Besançon, Reims-Amiens…) regroupent des établissements qui proposent parfois les mêmes formations, au sein d’un seul grand pôle. Dans un contexte de pénurie budgétaire ces nouveaux établissements seront tentés de faire des économies en rationnalisant leur offre de formation, c’est-à-dire en ne gardant qu’un seul site pour chaque fi lière et en fermant les formations qui existent dans deux villes diffé-rentes. Les fusions risquent donc de provoquer la suppression d’un grand nombre de fi lières, privant de formation les centaines d’étudiants qui n’auront pas les moyens de déménager. A l’heure actuelle, l’Etat dispose d’outils pour contrôler l’offre de formation dans chaque université. En effet une université ne peut dispenser une formation qu’en recevant une habilitation du ministère et en s’enga-geant vis-à-vis de l’Etat par le biais des contrats pluriannuels. Ce cadre de régulation ne permettra pas à l’Etat d’obliger ces nouveaux établissements de concentrer leur formation sur une seule ville et de prendre en compte les besoins des étudiants.

Le fi nancement. Depuis que la loi LRU a suppri-mé les fl échages budgétaires contraignant fi lière par fi lière, et dans un contexte de course à l’excel-lence, les sciences humaines voient leur fi nan-cement fondre au profi t des fi lières scientifi ques. Seules les universités dispensant essentielle-ment des enseignements de sciences humaines (comme Montpellier 3 par exemple) parviennent à préserver les budgets de ces fi lières. En intégrant ces établissements à des grands pôles universi-taires sans imposer de règle de fi nancement pour préserver les sciences humaines, on risque d’as-sister à une véritable absorption de ces formations au profi t des fi lières scientifi ques, comme l’a déjà démontré l’exemple de l’université de Strasbourg.

La fongibilité asymétrique. Depuis la mise en place du budget global, les universités ont la pos-sibilité de transformer un poste statutaire (person-nel BIATOS, enseignant) en crédits budgétaires. C’est ce qu’on appelle la fongibilité asymétrique. A l’heure actuelle chaque université comporte des services administratifs d’entretien et d’accompa-gnement (SCUIO, BAIP…) qui permettent aux

5La Lettre Des Élus n°170 - Novembre 2010

DossierCarte universitaire. Alors qu’aucun débat national n’a été ouvert sur l’aménagement du territoire universitaire, les processus de fusions d’universités s’amplifient renforçant ainsi les craintes des étudiants. Les élus « UNEF et associations étudiantes » reviennent sur une situation créatrice d’inégalités, mais également sur ses propositions.

Fusions d’universités : Où en est-on ?étudiants d’être encadrés tout au long de leur par-cours. La fongibilité asymétrique risque de pous-ser les universités à concentrer ces services (par exemple en ne gardant qu’un seul SCUIO pour l’ensemble des universités qui auront fusionné) pour obtenir des crédits supplémentaires, dégra-dant ainsi le taux d’encadrement des étudiants.

La tentation du grand établissement

La volonté à peine masquée du gouvernement de déréguler l’enseignement supérieur laisse la porte ouverte aux dérives les plus dangereuses pour les étudiants. Ainsi des présidents d’uni-versités ont fait part de leurs souhaits de passer sous statut de grand établissement. Le passage au statut de grand établissement est certaine-ment le statut dérogatoire le plus dangereux pour les étudiants envisagé à l’heure actuelle dans le cadre de fusions. Il permet en effet de revenir sur deux acquis fondamentaux pour les étudiants : la libre inscription à l’université, sans sélection, et la régulation nationale des frais d’inscriptions. Il per-met également de déroger aux règles du service public d’enseignement supérieur en matière de gouvernance et de représentation des étudiants dans les instances de décision.

Le blanc-seing accordé par la ministre jusqu’à ce jour aux établissements ayant annoncé leur volonté de sortir du système universitaire pour passer au statut de grand établissement est un signal grave envoyé aux étudiants. La ministre, en ne mettant pas un coup d’arrêt immédiat à ces velléités, assumera la responsabilité de voir notre système d’enseignement supérieur dérégulé.

Les élus « UNEF et associations étudiantes » se battent pour une nouvelle régulation de la carte universitaire

Les élus « UNEF et association étudiantes » alertent la ministre sur l’urgence d’une régulation nationale des fusions en cours, qui, si elle n’a pas lieu, risque de conduire à un recul de la démocra-tisation.

Pour cela, un moratoire doit être instauré sur les fusions en cours pour ouvrir un débat national sur la carte universitaire avec l’ensemble de la com-munauté universitaire et fixer les outils permettant de garantir dans le cadre des fusions l’accès de tous à une formation de qualité.

Cette régulation doit ainsi permettre de garantir un cadre national pour l’enseignement supérieur et l’égalité entre étudiants.

Toutes les universités doivent avoir le même statut

Le maintien d’un seul et même statut pour toutes les universités est ce qui permet d’assurer l’égalité d’accès et de traitement entre les étudiants d’une université à l’autre, mais aussi d’imposer un cer-tain nombre de règles aux universités liées aux missions de service public de celles-ci : non sélec-tion des étudiants, fonctionnement démocratique, existence de droits étudiants…

Assurer un aménagement équilibré du territoire

Si les élus « UNEF et associations étudiantes » sont favorables à une réflexion et à une redéfini-tion de la carte universitaire, celles-ci doivent se faire tout en garantissant à tous les jeunes l’ac-cès à l’enseignement supérieur. Pour poursuivre la dynamique de démocratisation l’Etat doit se donner les moyens d’assurer des implantations universitaires en nombre important réparties de manière équilibrée sur le territoire.

• Pour éviter l’apparition de déserts universitaires par l’effet de suppressions de certaines filières, les élus « UNEF et associations étudiantes » reven-diquent l’ouverture d’un débat national sur l’aména-gement du territoire pour assurer à chaque jeune l’accès à une formation supérieure dans la filière de son choix à moins de 100 km de son lieu de vie.

• Une instance académique présidée par le recteur et composée sur le modèle du CNESER doit être créée afin de définir la carte des formations au niveau académique ainsi que la politique de site dans un cadre démocratique.

• Pour éviter le développement d’une concur-rence effrénée entre les universités, les fusions doivent intégrer tous les établissements publics de l’académie.

Définir des critères nationaux concernant les fusions

L’Etat doit encadrer les processus de fusions afin que celles-ci ne se traduisent pas par une régres-sion des droits pour les étudiants ou par des iné-galités budgétaires accrues entre les filières. Pour cela les élus « UNEF et associations étudiantes » revendiquent :

• L’harmonisation des droits étudiants par le haut pour les étudiants d’une même université.

• Un fléchage national des crédits budgétaires vers les grands secteurs de formation doit être restauré pour assurer de bonnes conditions d’étude dans toutes les filières.

Créer de nouveaux outils démocratiques

Afin de permettre à la communauté universitaire et notamment aux étudiants d’être pleinement acteurs des choix effectués par l’université, de nouvelles règles démocratiques doivent permettre d’intégrer les étudiants à tous les échelons de déci-sion et de leur assurer une représentation juste et proportionnelle :

• Le nombre d’étudiants siégeant en conseil d’ad-ministration des universités doit être augmenté pour compenser l’augmentation du nombre d’étu-diants représentés.

• Le CNESER doit être consulté sur la redéfinition de la carte universitaire et les avis qu’il prononce doivent être rendus contraignants.

Dossier réalisé par Florent Voisin, Élu au CNESER

6 La Lettre Des Élus n°170 - Novembre 2010

Aide sociale

Accueil et séjour des étudiants étrangers : un système injuste et incohérent

En France, l’accueil et le séjour des étudiants étrangers sont encadrés par un système in-juste et incohérent. Injuste car les étudiants subissent de plein fouet une triple précarité :

• une précarité sociale : les étudiants étrangers n’ont pas accès au système d’aide social en France(en dehors de l’aide d’urgence ponc-tuelle du CROUS).

• une précarité administrative : les étudiants étrangers subissent une lourdeur des dé-marches pour l’obtention et le renouvellement du titre de séjour.

• une précarité pédagogique : des diffi cultés sociales et administratives qui entrainent les étudiants dans la spirale de l’échec et qui sont aggravées par l’absence de dispositifs d’aide pédagogique.

Alors que les étudiants français et étrangers sont égaux dans les amphis, ils restent inégaux face à la loi.

Cette situation alarmante dans laquelle se trouvent les étudiants étrangers s’inscrit dans un contexte chargé de préjugés xé-nophobes véhiculés par le gouvernement. L’immigration serait synonyme de menace pour l’identité nationale. Et ce débat nau-séabond amorcé par Brice Hortefeux n’est que l’illustration d’un véritable harcèlement du gouvernement envers les étrangers, qui se traduit par « une politique du chiffre ». Des quotas d’expulsions et de contrôle des cursus pédagogiques des étudiants étran-

gers sont fixés pour les préfectures par le ministère.

Comment un préfet peut-il juger de la réussite d’un parcours pédagogique ? Sous couvert de vouloir respecter les chiffres de reconduite à la frontière dictés par le ministère les préfets accentuent considérablement la précarité ad-ministrative des étudiants étrangers.

Quelle feuille de route pour les élus étudiants ?

Le rôle des élus étudiants est d’agir pour per-mettre aux étudiants étrangers de gagner de nouveaux droits collectifs mais aussi d’interve-nir pour les accompagner et les défendre dans leurs démarches individuelles.

Obtenir des droits pour les étudiants étrangers c’est tout d’abord leur permettre d’avoir accès à l’éducation et à l’université.

Ainsi, les élus « UNEF et associations étu-diantes » à Nanterre ou encore à Versailles St Quentin, ont fait voter une motion dans laquelle était inscrit que l’université ne devait plus rendre le contrôle du titre de séjour obligatoire lors de l’inscription.

Pour faciliter les démarches administratives et améliorer l’accueil des étudiants étrangers, il faut mettre en place et développer les guichets uniques. Ces guichets ont vocation à regrouper sur l’université ou dans les CROUS l’ensemble des services dont l’étudiant étranger a besoin (CROUS, université, CAF, Préfecture…).

Par ailleurs, à ces droits collectifs doivent s’ajouter une défense individuelle. Dès l’ins-cription, les étudiants étrangers rencontrent

des diffi cultés liées à la procédure de demande d’admission préalable (DAP).

En effet, nombreux sont les étudiants qui ont été admis dans une université qui ne corres-pond pas au lieu d’hébergement qu’ils ont en France ou tout simplement les étudiants qui n’ont pas, pour diverses raisons, pu faire la DAP à temps. Contrairement à ce que peuvent dire certaines universités, les dérogations sont possibles. Lorsqu’il n’existe pas de commis-sions de dérogation dans l’université, les élus étudiants peuvent aider, au cas par cas, auprès du président de l’université, les étudiants étran-gers à déroger à la DAP.

Tout au long de l’année, les étudiants étrangers doivent être défendus, notamment en ce qui concerne les diffi cultés liées au renouvellement du titre de séjour. Les élus « UNEF et associa-tions étudiantes » développent des cycles de formation pour les élus étudiants.

Laure DelairÉlue au CA de Paris 12-Créteil

Étudiants étrangers. Plusieurs milliers d’étudiants étrangers s’inscrivent chaque année à l’université mais pour beaucoup l’université française s’apparente au parcours du combattant... Face à cette situation les élus ont un rôle majeur pour les aider et les accompagner dans leurs démarches.

Protéger et gagner de nouveaux droits pour les étudiants étrangers !

7La Lettre Des Élus n°170 - Novembre 2010

Fiche pratique

Le calendrier universitaire est un élément clé de la vie et de la réussite des étudiants. Semaines de cours, semaines de révisions, semaines de partiels ou de vacances sont autant de temps qui déterminent le rythme de vie des étudiants, et donc la possibilité ou non pour eux de faire face aux nombreux obstacles qui jonchent le chemin de la réussite. C’est donc une attention toute par-ticulière que les élus doivent porter au calendrier universitaire.

L’élaboration des calendriers commence en général au mois de novembre de l’année pré-cédente. Il est particulièrement important de les mettre rapidement à l’ordre du jour des CEVU et des CA pour préparer un calendrier qui participe à la réussite de tous. Dans un contexte général où la tendance est à l’allongement des calendriers universitaires, il faut veiller à ce que ceux-ci ne se fassent pas contre la réussite du plus grand nombre.

Concernant l’année universitaire les règles légis-latives sont assez simples : l’année se décom-pose en deux semestres, chacun de ces deux se-mestres doit comporter au minimum 10 semaines d’enseignement. Sur ce dernier point la norme est plus proche de 13 semaines. Cet allonge-ment des cours est plutôt favorable aux étudiants puisque cela permet d’étaler l’apprentissage des connaissances sur un temps plus long et donc de mieux les assimiler.

Un calendrier universitaire peut être modifi é après la rentrée universitaire, mais pas au-delà d’un

mois après la reprise des enseignements. De manière générale il vaut mieux éviter de modifi er le calendrier d’une année entamée. En effet, des informations périmées ou contradictoires sont souvent génératrices de stress pour les étudiants qui ont les yeux rivés sur leurs dates d’examen.

Comment faire du calendrier universitaire un outil pour la réussite de tous ?

Semaine pédagogique. Ce temps pédagogique a été introduit dans les cursus licences par le plan réussite en licence (PRL). Cette semaine s’inter-cale normalement lors de la semaine de la Tous-saint. Elle a pour objectif de réunir les enseignants référents de chaque fi lière et de leur donner le temps d’échanger entre eux pour repérer les pro-blèmes pédagogiques et les étudiants en diffi cul-té pour les orienter vers le tutorat. Il faut s’appuyer sur le PRL pour éviter que cette semaine ne soit qu’une simple semaine de vacances, car la possi-bilité de réserver une semaine du calendrier pour faire le point sur le semestre est indispensable pour la réussite de chacun.

La question des rattrapages. Un des éléments central dans les discussions sur le calendrier universitaire est la question de la place des rat-trapages dans l’organisation de l’année. Il n’y a pas de solution idéale. En les mettant en sep-tembre ou en juin les résultats sont généralement identiques (avec un taux de présence plus faible en septembre). Par contre les taux de réussite augmentent quand les universités mettent des moyens pédagogiques suffi sants pour encadrer les révisions des étudiants. C’est pourquoi il faut lier la question des rattrapages à celle des semaines blanches de révision. Dans les univer-sités avec un contrôle continu intégral il faut se battre pour maintenir un temps de rattrapages (en plus d’un temps d’examens pour les étudiants en contrôle terminal) pour respecter la règles des deux sessions y compris pour les étudiants en contrôle terminal. Enfi n quelque soit la date de la session de rattrapage il faut veiller à ce que

soit maintenue la possibilité pour les étudiants en Master de soutenir leur mémoires en septembre sans être pénalisés ou obligés de se réinscrire !

Semaine blanche de révisions. Il est important de se battre pour que les calendriers comprennent un maximum de temps pédagogiques de révision. Ce que nous entendons par semaine blanche de révision n’est pas une semaine de vacances mais un temps pédagogique durant lequel des plages de tutorat sont ouvertes et toutes les bibliothèques sont accessibles. Durant ces semaines il ne doit plus y avoir de cours en amphi et l’ensemble des plages horaires de travaux dirigés doivent être maintenues, sans obligation d’assiduité, pour per-mettre aux enseignants de rendre et/ou de corri-ger un certain nombre de travaux, de faire de la méthodologie ou de répondre aux questions. Pour éviter que certains enseignants ne se servent de ce temps pour faire du contrôle continu il suffi t de demander la fermeture du logiciel de rentrée des notes (APOGE) le lundi de la première semaine de révision. Ces semaines de révisions doivent être intercalées dans le calendrier à minima avant chaque session d’examen, et également avant les rattrapages (soit 4 semaines blanches de révisions en tout sur l’année).

Quelques éléments pour aller plus loin :

Dans l’élaboration et la discussion d’un calendrier qui permettent la réussite d’un maximum d’étu-diants, il est important de prendre un compte la question des personnels enseignants dont le travail est également déterminé par le calendrier universitaire. Il faut s’assurer que les semaines pédagogiques soient bien comptées comme des semaines d’enseignements (et donc rémuné-rées) et non de vacances pour les enseignants et les personnels non-enseignants concernés.

Sébastien ChaillouÉlu au CNESER

Fiche pratique. C’est durant les mois de novembre et de décembre que commencent à s’élaborer les calendriers universitaires de l’année suivante. Il est donc particulièrement important d’avoir rapidement des discussions dans les CEVU et les CA pour préparer un calendrier qui participe à la réussite de tous.

Améliorer le calendrier universitaire pour les étudiants

8 La Lettre Des Élus n°170 - Novembre 2010

La Lettre des Élus : Pouvez-vous nous présen-ter en quelques mots le CEREQ et l’enquête «insertion professionnelle» des diplômés de master publiée récemment par le ministère de l’enseignement supérieur?

Stéphane Jugnot : Le centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) est un établissement public sous la tutelle des ministères en charge de l’Education nationale et de l’Emploi. Il étudie notamment le lien entre formation, accès à l’emploi et trajectoires professionnelles.

Pour étudier les conditions d’accès à l’emploi des jeunes, le CEREQ a mis en place un dispo-sitif d’enquêtes régulières auprès de jeunes sortis de formation initiale : les enquêtes « Génération ». Des jeunes sortis la même année du système éducatif, diplômés ou non, de tous niveaux de for-mation, sont interrogés trois ans après leur sortie sur leur parcours professionnels.

L’enquête « insertion professionnelle » des diplô-més de master publié récemment par le ministère en charge de l’enseignement supérieur s’inscrit dans les suites de la loi « LRU », qui a fait de l’insertion professionnelle, un objectif important de l’Université. Pilotée par le ministère, elle est collec-tée sur le terrain par les universités, via leurs obser-vatoires. Son objectif est de produire des indica-teurs par filière, par université, avec plus de détail que les enquêtes du Céreq ne le permettent. En revanche, son questionnaire beaucoup plus court, ne permet pas d’aborder l’insertion dans toutes ses dimensions. Par ailleurs, ses résultats ne sont pas comparables avec ceux d’autres enquêtes de même type réalisées sur d’autres champs, comme par exemple les enquêtes d’insertion des écoles de commerce et des écoles d’ingénieur.

LDE : Quelles sont les principales conclusions de cette enquête sur l’insertion profession-nelle des jeunes diplômés de master ?

Stéphane Jugnot : Les principaux résultats de l’enquête « master » rejoignent les enseignements tirés de nos enquêtes. Globalement, la plupart des diplômés de master accède à l’emploi, avec quelques nuances selon les domaines et les spé-cialités. En revanche, les conditions d’emploi, le ni-

veau de responsabilité et la nature de l’employeur varient davantage entre spécialités. Par exemple, en Lettres comme en Gestion, neuf diplômés sur dix sont en emploi trente mois après leur sortie mais les diplômés de Lettres sont beaucoup moins souvent sur des postes de cadres ou de profes-sions intermédiaires et beaucoup moins en CDI. Ils sont par contre plus souvent dans la Fonction publique. Peut-on en tirer des conclusions sur l’efficacité ou l’utilité des formations elles mêmes ? Pas forcément. Par exemple, parce qu’un raison-nement utilitariste devrait aussi tenir compte des trajectoires de long terme, de la capacité à s’adap-ter à des nouveaux métiers dans un environne-ment économique et technologique en évolution constante. Parce qu’aussi, ce constat doit conduire à se poser la question d’existence possible de pré-jugés du côté des recruteurs.

LDE : Il apparaît, au regard des enquêtes pré-cédentes du CEREQ, que dans un contexte de fort chômage, le diplôme reste la meilleure arme contre le chômage. Existe t il pour autant des phénomènes de déqualification?

Stéphane Jugnot : Le diplôme reste en effet la meilleure arme contre le chômage. Près d’un jeune sur six sort chaque année de formation initiale sans aucun diplôme. Ce sont eux qui subissent le plus la précarité, les alternances d’emplois courts et de périodes de chômage. En période de chô-mage important, l’employeur peut plus facilement privilégier, même pour un emploi ne nécessitant pas de connaissances spécifiques, un demandeur d’emploi un peu plus diplômé. D’où, second ver-sant de cette réalité, une certaine « déqualification » et le débat induit sur une éventuelle « dévalo-risation » des diplômes. Repérer statistiquement l’ampleur du phénomène et son évolution est toutefois délicat parce qu’il suppose de fixer une norme pour dire qu’à telles formations devraient correspondre tels emplois. Or le marché du travail ne fonctionne pas de façon aussi mécanique. Il est plus souple. Même si le diplôme a sans doute plus d’importance en France que dans d’autres pays, surtout pour les diplômés de certaines écoles, le diplôme ne détermine pas une fois pour toute votre trajectoire professionnelle future.

LDE : Les résultats de l’enquête établissent une comparaison entre les taux d’insertion professionnelle université par université. Peut on pour autant opérer à l’appui de ces résultats un classement d’université?

Stéphane Jugnot : Je nuancerai votre lecture : l’enquête d’insertion des diplômés de master n’éta-blit pas comparaison, elle permet la comparaison. Ce n’est pas pour autant que classer a du sens. D’abord, parce que classer suppose de choisir un seul indicateur et d’assigner ainsi un objectif impli-cite aux établissements. Conduire à un emploi quel qu’il soit? Conduire à un emploi à responsabilité ? Conduire à un emploi bien rémunéré ? Etc. Seule une approche multi critère permet d’étudier les conditions d’accès à l’emploi. Ensuite, il faut savoir si les différences observées, par exemple sur les taux d’emploi, sont statistiquement significatives ou non. Pour cela, il faut tenir compte du fait que certains étudiants ne répondent pas à l’enquête. Il faut aussi tenir compte des différences de filières entre universités, pour comparer leurs écarts dans les taux d’emploi moyen. Si le diagnostic que l’on souhaite porter est en termes de valeur ajoutée de l’université, il faut aussi tenir compte d’autres aspects, comme la situation du marché du travail local ou la trajectoire scolaire antérieure. Comment comparer par exemple, un master sélectif alimen-té par des jeunes en double cursus avec une « grande école » à un master moins sélectif d’une université cherchant d’abord à conduire le plus loin possible les jeunes bacheliers de son territoire ? Les objectifs ne sont pas forcément les mêmes, les indicateurs d’évaluation non plus. De ce point de vue, les classements que publient la presse ne contribuent pas forcément, ni à une bonne infor-mation du public, ni à une bonne gouvernance du système.

Propos recueillis par Emmanuel Zemmour Élu au CNESER

Interview

3 questions à ... Stéphane Jugnot, chef de départementau CEREQ

Le Centre d’études et de recherches sur les qualifi-cations (CEREQ) est un établissement public fran-çais à caractère administratif qui réalise des études dans les domaines du marché du travail, des quali-fications et de la formation professionnelle.

Le Centre d’études et de recherches sur les qualifications est chargé d’examiner la situa-tion de l’emploi et de la formation en France de manière à veiller à une meilleure cohérence entre les deux. Il évalue notamment l’impact des évolutions techniques sur celle de la main d’œuvre et s’intéresse aux évolutions de la gestion des ressources humaines. Il apporte son expertise à la Commission nationale de la certification professionnelle et aux commis-sions professionnelles consultatives.