l’envers des syllabes : une Étude comparative de la syllabe … · 2002. 6. 5. · l’envers...
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L’ENVERS DES SYLLABES : UNE ÉTUDE COMPARATIVEDE LA SYLLABE DU VERLAN ET DU FRANÇAIS.
Fannie L’Abbé
Le verlan est un jeu linguistique qui consiste à inverser les syllabes, d’où son nom« verlan » soit ‘ l’envers’. En apparence, la règle de ce jeu est bien simple : un mot de deuxsyllabes S1 S2 devient S2 S1 en verlan, par exemple, [puri] > [ripu]. Dans notre corpus, nousremarquons toutefois l’existence de mots ayant subi plusieurs transformations. Cette étude apour but d’examiner le processus de l’inversion des syllabes en tenant compte du nombre desyllabes des mots de départ en français et de l’implication d’autres procédés linguistiques quiviennent s’ajouter à l’inversion. Il ne s’agit pas d’une étude quantitative, mais plutôt d’uneétude qualitative où les cas les plus frappants en verlan sont analysés.
Cette recherche s’inscrit dans le cadre de la théorie du gouvernement qui permetd’expliquer certains phénomènes observés. Cette théorie, contrairement à d’autres approchesphonologiques, permet la présence de noyaux vides (Empty Category Principle) qui de concertavec le principe de la légitimation de la coda (Coda licensing) favorisent les syllabes de typeCV (Kaye 1990). Par exemple, le mot femme [fam] devient [mf] en verlan. Nous sommes enprésence en français d’un noyau final non-réalisé phonétiquement, donc inaudible. En verlan,nous assistons à la prononciation du chwa suite à l’inversion des syllabes, suivi de l’effacementde la dernière voyelle.
Nous montrons que la théorie du gouvernement permet d’expliquer certaines suitesconsonantiques particulières au verlan tout en rendant compte du phénomène de l’inversion dessyllabes.
1 Introduction
Le verlan est un jeu linguistique qui consiste à inverser les syllabes, d’où son nom
« verlan » soit ‘l’envers’. Les expressions du verlan que plusieurs Québécois connaissent
sont laisse béton ‘laisse tomber’, chanté par Renaud ; les ripoux ‘les pourris’, un film
mettant en vedette Philippe Noiret et Thierry Lhermitte ; et quelques autres comme meuf
‘femme’, keuf ‘flic’, feuj ‘juif’ qui apparaissent maintenant dans le Petit Robert (1996). On
peut aussi lire dans La Presse, le jeudi 8 février 2001, que le verlan est toujours actuel à
Je voudrais remercier Anne Rochette et Mohamed Guerssel pour leur aide dans la réalisation de cetterecherche.
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Paname et qu’il permet de s’infiltrer sans risque chez les tops branchés. Paname, aussi
chanté par Édith Piaf, correspond aujourd’hui aux Banlieues de Paris, soit les cités,
communément appelées les téci en verlan.
Cette recherche a pour but d’examiner le processus d’inversion des syllabes qui
permet de créer le verlan, en tenant compte du nombre de syllabes et de la structure
syllabique des mots de départ en français et du fait que d’autres procédés linguistiques
viennent s’ajouter à l’inversion tels l’effacement de consonnes et de voyelles, la métathèse,
la suffixation et quelques autres. Notre hypothèse de départ est que le verlan devrait
essentiellement partager la même structure syllabique que le français puisqu’il est le
résultat d’un jeu linguistique consistant à inverser les syllabes. Néanmoins, suite à toutes
ces opérations, les mots de départ ne sont pas toujours facilement identifiables, ce qui nous
donne souvent l’impression que le verlan ne vient pas du français. De plus, nous observons
parfois des suites de consonnes particulières telles [ft] dans [ftobi] biffeton ‘billet de
correspondance entre prisonniers ou billet de banque’ ou [stp] dans [kistpa] Pakistanais qui
ne sont pas des suites attestées en français.
Quelques auteurs comme Vivienne Méla et Marc Plénat ont étudié les règles
régissant les déplacements syllabiques du verlan. Pour ces auteurs, la règle de base du
verlan consiste à inverser les syllabes d’un mot de deux syllabes, c’est-à-dire d’un mot
dissyllabique. Le problème que le verlanisant doit résoudre, selon Méla (1991), est de faire
entrer le plus de mots possible dans cette catégorie. Pour elle, la solution se trouve dans
une règle de resyllabification en français qui, grâce à la prononciation du e muet ou à
l’adjonction d’un chwa épenthétique, va permettre la production de mots dissyllabiques, ce
qui permettrait à un mot monosyllabique se terminant par une consonne de devenir un mot
de deux syllabes en verlan. Plénat (1995) remet toutefois en question cette dernière règle et
propose plutôt l’association de la mélodie du mot d’origine à un schème prosodique. Méla
(1991) et Plénat (1995) observent aussi que la coda, en position finale d’un mot, devient
souvent l’attaque en verlan. À partir de ces observations au sujet de la règle d’épenthèse et
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de l’analyse de la coda, nous étudierons plus particulièrement la règle de l’inversion des
syllabes en tentant de déterminer quelle est la structure syllabique des mots servant d’input
à la règle.
Pour réaliser cette recherche, nous avons créé un corpus de 367 mots à partir de
trois dictionnaires parus en France : Le dico du français qui se cause, Comment tu
tchatches! et Tchatche de Banlieue. Le dico du français qui se cause se veut un outil de
compréhension et de décodage des mots inconnus. Comment tu tchatches! se décrit comme
un dictionnaire contemporain des mots parlés en Banlieue de Paris. L’avantage de ce
dernier lexique est qu’il fournit fréquemment l’étymologie et la transcription phonétique
des mots. Le troisième, Tchatche de Banlieue, est un lexique de mots utilisés par les jeunes
de la région parisienne. Les mots qui y apparaissent sont le fruit d’une enquête réalisée
dans les cités. Tel que le déclarent les auteurs : « (…) ce livre ne saurait être exhaustif. Le
temps que cet ouvrage soit rédigé, imprimé et parvienne entre vos mains, de nouveaux mots
auront vu le jour, d’autres auront disparu. » (p.7) Suite à ce commentaire, nous ajouterons
que cette étude se veut une étude qualitative et non quantitative du verlan puisque les mots
du corpus peuvent différer de ceux utilisés par certains locuteurs.
Dans la prochaine section, nous introduisons brièvement le verlan de ses origines à
aujourd’hui, puis nous expliquons la règle de l’inversion. Les principaux phénomènes
syllabiques observés y sont décrits. Dans la section 3, nous analysons certains processus
linguistiques comme la troncation, l’effacement du chwa et la suffixation.
2 La règle de l’inversion
On ne sait pas à quel moment précis est apparu le verlan, mais on en trouve quelques traces
au seizième siècle. Il perd sa popularité pendant plusieurs années, sans toutefois disparaître
complètement, et revient surtout dans la langue de communication orale depuis les années
soixante-dix dans certaines périphéries de Paris (Merle 1997).
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Le verlan est une sorte de code secret qui, pour un non-initié, s’apparente à l’argot.
Son premier rôle sert à mystifier l’interlocuteur indésirable, ce qui ne le rend pas accessible
à tous. C’est aussi un phénomène se popularisant et s’étendant un peu partout en France et
ailleurs : auprès des jeunes et des chanteurs de musique Hip Hop, et à travers des films
comme La Haine, Ma cité va craquer… Il comporte certaines règles qui lui permettent de
se transformer au gré de ceux le parlant. Comme nous l’avons mentionné, la règle de base
apparaît simple, il s’agit d’inverser les syllabes d’un mot dissyllabique : S1 S2 S2 S1.
Mentionnons que les mots verlanisés sont généralement des mots couramment utilisés en
français ou en argot.
Dans cette section, nous analysons la règle d’inversion dans la formation des mots
en verlan en tenant compte de l’analyse syllabique du mot initial en français et de son
résultat final en verlan. En 2.1, nous illustrons un cas simple du phénomène de l’inversion
applicable sur la majorité des mots du corpus ; puis, nous introduisons une théorie qui nous
permet d’expliquer le phénomène de l’inversion sur des mots qui sont, en apparence, des
mots monosyllabiques fermés de type CVC. Dans la section 2.2, nous voyons que
l’inversion peut s’appliquer à des mots de plus de deux syllabes et que le résultat en verlan
donne lieu à des suites consonantiques parfois étranges. La section 2.3 rend compte du
phénomène de l’inversion sur des monosyllabes de type CV tandis que la section suivante
traite du cas des semi-voyelles.
2.1 Les mots de deux syllabes
Comme nous venons de le mentionner dans l’introduction de cet article et de cette section,
la règle de l’inversion s’applique généralement à des mots dissyllabiques de type CVCV et
est valable pour des mots comme [puri] ‘pourri’, [fobu] ‘bouffon’, [tesi] ‘cité’, [rpa]
‘parent’ et bien d’autres. L’exemple (1) sert de modèle pour ces mots. Dans cet exemple,
le mot pourri s’analyse en deux syllabes, chacune étant constituée d’une attaque et d’une
rime simple, c’est-à-dire non-branchante. La règle d’inversion permute les deux syllabes
pour donner [ripu].
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(1)
‘pourri’ [puri] : [puri] [ripu]
A R A R A R A R
N N N N
X X X X X X X X
p u r i r i p u
S1 S2 S2 S1
Il existe une deuxième catégorie de mots pour lesquels le résultat obtenu en verlan
est de type CVCV quoique les mots de départ en français soient des mots monosyllabiques
de type CVC. Il s’agit pour la plupart de mots qui historiquement se terminaient par un e
muet. Le statut phonologique de ce e muet a fait l’objet de nombreux débats selon les
différentes approches théoriques en phonologie. Nous adoptons dans cette recherche
l’approche proposée par la théorie du gouvernement qui nous permet de mieux rendre
compte du comportement dissyllabique de ces mots en apparence monosyllabiques. Ainsi,
dans l’exemple (2), le mot dingue [d] se verlanise en [ød] et est analysé comme un mot
dissyllabique où les deux syllabes sont [d] et [].
(2)
‘dingue’ [d] : [d] [ød]
A R A R A R A R
N N N N
X X X X X X X X
d ø d
S1 S2 S2 S1
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Selon la théorie du gouvernement, les trois constituants de la syllabe sont l’attaque,
la rime et le noyau. Cette théorie examine les diverses circonstances pour lesquelles deux
positions, reliées à un constituant, peuvent être adjacentes. Elle nous permet également
d’établir qu’un noyau peut être non-réalisé phonétiquement, donc inaudible s’il est
proprement gouverné, c’est-à-dire s’il satisfait au principe du noyau vide (ECP pour Empty
Category Principle) (Kaye 1990). Un noyau est proprement gouverné s’il est
immédiatement précédé ou suivi par un autre noyau (le gouverneur). Selon Charette
(1990), un noyau vide non-gouverné se réalise en français par un chwa ou e muet (ajoutons
qu’en français parisien, le chwa est représenté par les phonèmes /ø/ ou //). Certaines
langues, comme le français, légitime de prime abord la présence d’un noyau vide final.
Ainsi, ce principe du noyau vide nous permettra d’expliquer plus loin la présence de ce que
Méla (1991) appelle le e épenthétique.
Dans cette théorie, on retrouve aussi un principe de légitimation de la coda (Coda
licensing). Ainsi, compte tenu que la coda en tant que constituant n’existe pas, la
consonne d’une syllabe fermée appartient parfois à la rime mais plus généralement à
l’attaque qui est alors suivie d’un noyau vide (Kaye 1990). Ce principe favorise les
syllabes de type CV et rend compte aussi de l’observation de Méla selon laquelle la coda
devient souvent l’attaque en verlan.
L’exemple (2) illustre ces deux principes du noyau vide et de légitimation de la
coda, où le phonème // est analysé comme formant l’attaque d’une deuxième syllabe dont
le noyau est vide. La règle d’inversion peut alors s’appliquer à ce mot dissyllabique pour
donner le résultat attendu en verlan [ød].
Ce même type d’analyse s’applique aussi à d’autres mots comme femme où la
deuxième attaque est suivie d’un noyau vide. Ainsi, en appliquant l’inversion, nous
obtenons le résultat [mfa] où le phonème // est réalisé phonétiquement. Au mot [mfa]
vient s’ajouter l’effacement de la voyelle finale, ce qui donne [mf].
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(3)
‘femme’ [fam] : [fam] [mfa] [mf]
A R A R A R A R A R A R
N N N N N N
X X X X X X X X X X X X
f a m m f a m f
S1 S2 S2 S1 S1 S2
Cet exemple est d’autant plus intéressant qu’il donne lieu à une reverlanisation1, un
processus utilisé par certains locuteurs qui consiste à inverser une deuxième fois un mot
populaire en verlan. Ainsi, dans l’exemple (4), le mot [mf] conserve son statut
dissyllabique même après la troncation du /a/ afin d’obtenir, après l’inversion, [fømø], un
mot de deux syllabes. Certains locuteurs prononcent aussi [føm] en appliquant de nouveau
la troncation Nous retrouvons en (5) d’autres exemples de mots reverlanisés.
(4)
‘femme’ [fam] : [fam] [mfa] [mf]
[mf] [fømø] [føm]
A R A R A R A R A R A R
N N N N N N
X X X X X X X X X X X X
m f f ø m ø f ø m
S1 S2 S2 S1 S1 S2
1 On retrouve l’appellation veul dans certains ouvrages pour définir un mot ou une locution ayant subiplusieurs transformations, mais aussi l’appellation reverlanisation.
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(5)
Français Verlan Reverlanisation
‘flic’ : [kf] [føkø]
‘femme’ : [mf] [fømø]
‘mère’ : [rm] [mørø]
‘arabe’ : [br] [røbø]
Précisons que ces inversions se produisent sur des mots en verlan qui peuvent avoir
subi une première inversion à partir du mot français, une troncation et peut-être d’autres
transformations linguistiques.
2.2 Les mots de plus de deux syllabes
L’inversion peut aussi s’appliquer à des mots de plus de deux syllabes. Toutefois, nous
remarquons qu’elle ne semble s’appliquer qu’à des mots de trois syllabes, les mots de
quatre syllabes étant considérés rares en verlan (et sont absents de notre corpus). Un mot
de quatre syllabes au départ en français sera réduit en verlan à trois ou même deux syllabes
par l’application de la troncation. Il devient alors difficile d’analyser le processus de
l’inversion. Par exemple, l’analyse d’un mot tel Pakistanais, qui a subi plusieurs
transformations par ses locuteurs pour devenir [kistpa], est complexe. Nous supposons que
la troncation s’est produite avant l’inversion. Donc, Pakistanais une fois tronqué devient
Pakist- , et puis vient ensuite l’inversion pour donner kistpa en verlan. Cet exemple nous
montre que certains mots nous laissent l’impression de subir une transformation avant
l’inversion, mais rien ne prouve cette ordonnance des règles, car la troncation aurait bien pu
se produire après l’inversion comme montré en (6).
(6)
‘Pakistanais’ [pakistan] : [pakistan] [pakist] [kistpa]
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ou : [pakistan] [kistanpa] [kistpa]
Lorsqu’il y a trois syllabes, un dilemme survient à savoir quelles syllabes seront
inversées et dans quel ordre. Nous remarquons deux types d’inversion pour les mots de
notre corpus de trois syllabes. Le premier sert de modèle pour les mots commençant par
une voyelle et le deuxième, pour les mots commençant par une consonne. Toutefois, les
autres types d’inversion ne sont pas exclus. Nous remarquons que pour le mot calibre, il
existe deux formes de verlanisation, soit [librøka] et [brølika]. Ce dernier exemple vient
appuyer les observations de Plénat (1995) selon lesquelles l’ordre des syllabes d’un mot
123 peut être modifié en 312, 231 et 321. Par contre, il ajoute que les autres formes ne sont
pas exclues et ont été observées par d’autres auteurs comme Lefkowitz (1987:142 ;
1991:81) et Paul (1985).
2.2.1 Mots commençant par une voyelle
Nous avons remarqué dans notre corpus que les mots de trois syllabes commençant par une
voyelle, c’est-à-dire les mots ayant une attaque vide dans la première syllabe, suivent
généralement le modèle S1 S2 S3 S1 S3 S2, comme dans l’exemple (7a). Dans
l’exemple (7b), nous analysons un mot en apparence dissyllabique [afr] comme un mot
trisyllabique, car le résultat obtenu en verlan est de trois syllabes [arf]. Dans ce mot, en
plus de l’inversion vient s’ajouter l’effacement de la dernière voyelle [] ce qui donne
[arf].
(7) a.
‘enculé’ [kle]: [kle] [lek]
R A R A R R A R A R
N N N N N N
X X X X X X X X X X
k l e l e k
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88
S1 S2 S3 S1 S3 S2
b.
‘affaire’ [afr] : [afr] [arf] [arf]
R A R A R R A R A R R A R A R
N N N N N N N N N
X X X X X X X X X X X X X X X
a f r a r f a r f
S1 S2 S3 S1 S3 S2 S1 S3 S2
2.2.2 Mots commençant par une consonne
Dans notre corpus, les mots de trois syllabes commençant par une consonne subissent une
inversion du type S1 S2 S3 S2 S3 S1 : biffeton se verlanise en [ftobi], braquage en
[kaøbra], et capote ‘condom’ devient [potøka]. Nous analysons aussi des mots tels
boulette ‘coup’ [ltbu] et barrette ‘joint’ [rtba] comme des mots trisyllabiques grâce à la
théorie du gouvernement. Elle nous permet d’analyser les cas particuliers de la façon
suivante2.
(8)
‘biffeton’ [bif(ø)to] : [bifto] [ftobi]
A R A R A R A R A R A R
N N N N N N
X X X X X X X X X X X X
b i f t o f t o b i
2 Il faut noter que des inversions du type S1 S2 S3 > S3 S2 S1 ne sont pas exclues.
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S1 S2 S3 S2 S3 S1
Cette représentation en (8) montre que l’attaque doit être légitimée par le noyau qui
la suit et la coda qui la précède. Ainsi, /f/ ne peut pas se trouver en position de coda à cause
de l’attaque /b/, ce qui nous ramène au principe de la légitimation de la coda. Il ne peut pas
non plus être une attaque branchante avec /t/ selon les règles phonotactiques du français et
la théorie du gouvernement qui dit que dans une attaque branchante, la position de droite ne
peut être occupée que par une consonne liquide ou une glide (semi-voyelle). Donc, /f/ doit
se trouver en position d’attaque suivi d’un noyau vide ou inaudible qui pourrait se réaliser
par le phonème /ø/. Cet analyse nous permet aussi de justifier la suite consonantique plutôt
rare en français [ft]. Une telle suite consonantique particulière est possible suite à
l’effacement du chwa en autant que certaines règles soient respectées, comme le principe
du noyau vide (ECP), comme nous l’avons mentionné en 2.1 ci-dessus.
2.3 Les mots monosyllabiques de type CV
Nous remarquons que tous les mots monosyllabiques de type CV de notre corpus ont le
même comportement en verlan. Il s’agit d’une inversion de constituants attaque-rime
rime-attaque. Par contre, selon la théorie du gouvernement, le résultat rime-attaque n’est
pas possible, car l’attaque A doit être légitimée par le noyau R. Ainsi, on devrait avoir
rime-attaque-rime (RAR) où le deuxième noyau serait un noyau vide et inaudible. Cette
analyse s’applique à des mots tels [f] ‘faim’, [s] ‘sein’, [ik] ‘qui’, [ok] ‘con’, [uf] ‘fou’,
[r] ‘rue’.
Dans ce cas-ci, la théorie du gouvernement ne semble pas aussi pertinente que pour
l’analyse des mots monosyllabiques de type CVC. Elle nous force à resyllaber un mot
monosyllabique en français en un mot dissyllabique en verlan. Cette réanalyse nous laisse
perplexe. Ce phénomène pourrait s’expliquer plus simplement par une inversion de deux
constituants syllabiques.
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(9)‘faim’ [f] : [f] [f]
A R R A R
N N N
X X X X X
f f
2.4 L’analyse des semi-voyelles
Les semi-voyelles peuvent appartenir soit à l’attaque soit à la rime. À l’intérieur de la rime,
elles peuvent être rattachées au noyau en tant que premier élément d’une diphtongue légère
ou directement reliées à la rime comme une consonne en position de coda.
Les mots monosyllabiques à syllabe ouverte qui contiennent une semi-voyelle en
position pré-vocalique ont un comportement semblable aux mots de deux phonèmes
expliqués plus tôt. L’exemple (10) illustre l’inversion des deux constituants : attaque et
rime. La semi-voyelle est analysée comme le premier élément d’une diphtongue légère de
la voyelle et est donc rattachée au même point X du squelette que celle-ci. Ici aussi,
l’inversion des deux constituants implique la présence (voire l’ajout) d’un noyau vide afin
de légitimer la présence de /b/ selon la théorie du gouvernement. Les mots tels [j]
‘chien’, [jp] ‘pied’, [w] ‘joint’, [wam] ‘moi’, [wil] ‘lui’ suivent ce même schéma.
(10)
‘bien’ [bj] : [bj] [jb]
A R R A R R A R
N N N N N
X X X X X X X X
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b j j b j b
Lorsqu’il s’agit de mots disyllabiques, deux cas principaux se présentent : soit la
semi-voyelle apparaît en position prévocalique et est analysée comme une attaque en (11a),
soit elle apparaît en position postvocalique et est reliée à la rime en (11b). En (11b), nous
analysons la semi-voyelle comme une coda; toutefois, rien ne nous indique dans le résultat
obtenu en verlan qu’elle occupe cette position, il serait aussi possible d’analyser le mot
[famij] en trois syllabes où la semi-voyelle serait analysée comme une attaque de la
troisième syllabe.
(11) a.
‘caillasse’ [kajas] : [kajas] [jaska]
A R A R A R A R
N N N N
X X X X X X X X X X
k a j a s j a s k a
b.
‘famille’ [famij] : [famij] [mijfa]
A R A R A R A R
N N N N
X X X X X X X X X X
f a m i j m i j f a
3 Autres phénomènes linguistiques en verlan
Fannie L’Abbé
92
Nous avons observé en verlan plusieurs phénomènes linguistiques comme la troncation, la
suffixation, la substitution de voyelle, la métathèse, la réduplication, l’effacement du chwa
et bien d’autres. Nous analysons quelques-uns de ces phénomènes dans cette section.
3.1 La troncation
Le phénomène de l’effacement ou troncation est très présent en verlan, que ce soit par
l’apocope, la syncope ou l’aphérèse. La règle de troncation est facultative, dans la mesure
où elle n’est pas appliquée systématiquement ; elle est pourtant obligatoire au niveau
stylistique (Méla 1991). L’exemple (12) montre différents types de troncations observés
en verlan.
(12) a. Aphérèse : la chute d’une consonne [z] en début de mot
‘bizarre’ [bizar] : [bizar] [zarbi] [arbi]
b. Apocope : la chute d’une voyelle [i] en fin de mot
‘chibre’ ( pénis) [ibr] : [ibrø] [brøi] [brø]
Apocope : l’effacement de plusieurs phonèmes [øra] en fin de mot
‘racaille’ [rakaj] : [rakajø] [kajøra] [kaj]
c. Syncope : la chute d’une voyelle [e] en milieu de mot
‘dégoûté’ [deute] : [deute] [utede] [utde]
3.2 Analyse des mots en verlan où il y a effacement du chwa
Nous avons remarqué que certains mots en verlan, comme en français, subissent
l’effacement du chwa ; par exemple : [slp] ‘pucelle’, [pø] ‘pêche’, [sistra] ‘raciste’,
[lopsa] ‘salope’, etc. Il y a aussi certains mots où les deux prononciations coexistent, avec
et sans le chwa, par exemple: [kaøbra] ou [kabra] ‘braquage’; [vajøtra] ou [vajtra]
‘travaille’.
L’envers des syllabes : une étude comparative de la syllabe du verlan et du français
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Charette (1990) illustre par deux exemples les cas où un noyau est réalisé
phonétiquement en français ou ne l’est pas3. En (13a), le noyau final est proprement
gouverné en français, donc non réalisé phonétiquement. L’avant-dernier noyau, //, doit se
réaliser : ce qui lui permet de gouverner le noyau de gauche. Il y a donc effacement du
chwa pour le premier noyau de gauche. Dans l’exemple (13b), la flèche indique que la tête
de l’attaque [k] doit gouverner la liquide à sa droite [r]. La présence d’une attaque
branchante bloque la légitimation entre les deux noyaux (Kaye 1990 et Charette 1990), ce
qui explique pourquoi le chwa n’est pas réduit.
(13) a. A R A R A R
N N N ‘semaine’ > [s mn ]
X X X X X X
s m n
b. A R A R
N N ‘secret’ > [søkr]
X X X X X * [s kr]
s ø k r
Charette (1990 : 239, (6) a. et b.)
L’exemple (14) est particulier en ce que le résultat obtenu en verlan s’éloigne de la
prononciation française standard. Il peut toutefois s’expliquer par des processus
linguistiques possibles dans le français parlé, dont l’effacement du chwa. Cet exemple
implique une inversion S1 S2 S2 S1, donc [p] se verlanise en [øp]. Le chwa, étant
légitimé par le phonème final, devient inaudible, mais le phonème // se voit réduit à son
tour. Ce dernier laisse derrière lui la trace d’un noyau vide et le phonème /ø/ se réalise
3 Nous n’illustrons pas dans les exemples ce que Charette appelle the Nuclear projection.
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donc phonétiquement. Nous observons que le chwa n’a pas tout à fait le même
comportement en verlan et en français. En verlan, le chwa n’est pas toujours réduit en fin
de mot comme en français. En milieu de mot, il est parfois réalisé phonétiquement là où il
serait effacé en français. Dans l’exemple (14), on aurait aussi pu s’attendre au résultat
[øp] en verlan, mais nous avons observé [pø] dans notre corpus.
(14)
‘pêche’ [p] : [p] [øp] [pø]
A R A R A R A R A R A R
N N N N N N
X X X X X X X X X X X X
p ø p p ø
S1 S2 S2 S1 S1 S2
3.3 La suffixation en verlan
La suffixation en verlan existe pour marquer le genre et le nombre ou tout simplement pour
une question de style et d’originalité. Les suffixes ajoutés sont généralement empruntés au
français, mais ne semblent pas toujours être porteurs de sens. On retrouve aussi des
suffixes empruntés à d’autres langues ou à d’autres jeux linguistiques. Il est à noter que la
suffixation (ou l’ajout de terminaisons) se fait à partir d’un mot en verlan et vient souvent
remplacer un ou plusieurs phonèmes. L’exemple (15) montre quelques cas de suffixation
observés dans le corpus.
(15)
[o] : ‘arabe’ (masc.) [arab] : [arab] [braa] [br] [bro]
[t] : ‘arabe’ (fém.) [arab] : [arab] [braa] [br] [brt]
L’envers des syllabes : une étude comparative de la syllabe du verlan et du français
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[av] : ‘putain’ [pt] : [pt] [tp] [tp] [tpav]
[] : ‘pétasse’ [petas] : [petas] [taspe] [tas] [tasp]
Vous trouverez également en annexe d’autres exemples de mots ayant subi plusieurs
transformations et d’autres locutions ou syntagmes verlanisés.
4 Conclusion
Comme nous l’avons vu dans cet article, le verlan ne résulte pas toujours d’une simple
inversion des syllabes. En fait, nous avons pu constater que d’autres procédés linguistiques
peuvent interagir et masquer davantage un mot.
Nous avons choisi la théorie du gouvernement pour comparer les syllabes du verlan
et du français. Cette théorie s’est avérée très efficace pour l’analyse du verlan favorisant la
forme CV.
Nous observons que le verlan respecte les règles phonotactiques du français, car les
suites de consonnes respectent en tout temps la légitimation du noyau et de la coda (ECP et
Coda licensing). Il est vrai que certaines suites de consonnes sont particulières en verlan et
très rares en français, mais il est à noter que toutes les consonnes utilisées sont des
consonnes qui existent en français4. Le verlan utilise aussi tous les processus linguistiques
accessibles au français oral comme l’effacement du chwa, la troncation des constituants
finaux, la suffixation et autres. Nous croyons que le verlan et le français partagent donc la
même structure syllabique.
4 Les locuteurs verlanisent des mots empruntés à d’autres langues comme l’anglais, le persan, l’arabe, letsigane et autres. Même si le mot de départ appartient à une langue étrangère, le résultat obtenu en verlan serappoche du français et s’éloigne de la prononciation de la langue d’origine.
Fannie L’Abbé
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Le verlan est un jeu linguistique créé à partir du français. C’est un phénomène très
actuel, considéré branché ou in par certains groupes de locuteurs français, situés surtout
dans la périphérie de Paris. Il demande une grande créativité, car la règle est bien simple,
plus un mot est populaire, plus il sera amené à se modifier ; et plus on se rapproche des
cités, plus on a accès à une grande variété de mots verlanisés. Alors à vous de jouer,
maintenant que vous en connaissez les règles ! Et, attention aux intrus, il faut rester aux
aguets, car les non-initiés seront vite repérés s’ils n’effectuent pas les transformations
appropriées selon les tendances de la saison !
L’envers des syllabes : une étude comparative de la syllabe du verlan et du français
97
ANNEXE
Résumé des connaissances : syllabation des locutions et syntagmes en verlan
Nous avons vu un aperçu des transformations possibles en verlan à partir des mots français.
Voyons maintenant comment s’appliquent ces transformations à des locutions ou
syntagmes :
He ! Gage-dé gosbo. Qu’est-ce que t’as à me téma asmoek ? T’as quéman la teuf
ferden chez Salid hier ! Il y avait de la meuf, j’te dis ap! C’tait ouf keum !
(He ! Dégage-de-là beau gosse. Qu’est-ce que t’as à me mater ‘regarder’ comme ça ?
T’as manqué la fête d’enfer chez Salid hier ! Il y avait de la femme, je te ne le dis pas !
C’était fou, mec !)
. La déverlanisation n’est pas toujours possible : il n’est pas toujours évident de faire le
parcours inverse pour revenir au mot initial. Les mots des exemples suivants ont subi
plusieurs transformations. Voyons les procédés linguistiques qui peuvent intervenir dans la
formation des mots en verlan.
(16)
‘comme ça’ [kom sa] : [kom as]
Comme as : inversion des deux mots et inversion des constituants du deuxième mot
sur le modèle des mots de deux phonèmes en verlan.
ou [kom as] [as kom] [as kom] [as mko] [as mk]
Asmeuk : inversion des deux mots et inversion des constituants de chacun des mots,
puis pour terminer apocope de [o]
Fannie L’Abbé
98
(17)
‘lâche-moi’ [la- mwa] : [la- mwa] [la-wam]
Cheula-wam : les deux mots gardent leur position, inversion simple du premier mot
et, pour le deuxième mot, inversion des deux constituants, sur le modèle des mots de
deux phonèmes avec une semi-voyelle.
(18)
‘qui se déguise’ [ki s deiz] : [kisødeiz] [kisde] [dekis]
Dékis : les trois derniers constituants sont tronqués [iz], et le chwa n’est pas réalisé
phonétiquement, donc on obtient [kisde] qui est ensuite inversé pour donner [dekis].
Ce mot est utilisé en verlan pour signifier ‘policier’.
(19)
‘vas-y’ [vazi] : [vazi] [ziva] ou [ziav]
[ziva] : ce qui est intéressant ici est l’inversion des constituants avec le phonème de
liaison.
[ziav] : on pourrait séparer l’expression en deux blocs [va] et [zi]. Il y a donc une
inversion des deux blocs, puis [va] subit une inversion de constituants sur le modèle
d’inversion des mots monosyllabiques de type CV. Ici aussi le phonème de liaison
est présent.
(20)
‘flombard’ [flobar] : [flobar] [blarf]
[flobar] : [b a r f l o] [blarfo] [blarf]
Blarf : garde l’attaque branchante en début de mot, donc le /l/, après l’inversion, se
déplace et retourne à sa position initiale, puis il y a apocope du phonème /o/.
L’envers des syllabes : une étude comparative de la syllabe du verlan et du français
99
(21)
‘marocain [marok] : [marok] [kamaro]
Camaro : change [] pour [a] (substitution de voyelle).
(22)
‘français’ [frse] : [frse] [sefr] ou [sef]
Céanf : syncope de [r] et inversion des deux derniers constituants AR RA de la
deuxième syllabe comme s’il s’agissait d’un mot monosyllabique ouvert (CV).
(23)
‘merde’ [mrd] : [mdø] [dømr] [dm] ou [drme]
Deurme : troncation de [r], puis le /r/ vient reprendre sa place initiale dans la
mélodie.
(24)
‘bouffon’ [bufo] : [bufo] [fobu] ou [foub]
Fon-oub : inversion des deux derniers constituants qui ne vient pas dans ce cas-ci
faciliter la prononciation.
(25)
‘règles’ [rel] : [rel] [lre] ou [lr]
Glères : inversion simple, métathèse des deux voyelles // et /e/, puis le phonème
/e/ est remplacé par // (substitution de voyelle, selon la prononciation parisienne).
Fannie L’Abbé
100
(26)
‘tireur’ [tirr] : [tirrø] [rrøti] ou [rørøti]
Rueureti : question de style probablement, il y a d’abord inversion, puis le phonème
[] est ajouté au mot en verlan, il y a donc la création d’un nouveau noyau (rime).
A R A R A R A R R A R A R
N N N N N N N
X X X X X X X X X X X X X
r r ø t i r ø r ø t i
(27)
‘pute’ [pt] : [pt] [tp] [tp] ou [p]
Up : nous croyons que [p] dérive directement du mot français : il y aurait apocope
du dernier constituant de [pt], c’est-à-dire [t], suivit d’une inversion des deux
constituants restants (comme les mots monosyllabiques de type CV).
(28)
‘énervé’ [enrve] : [enrve] [venr]
‘crevé’ [krøve] : [krøve] [vekrø] [vekr]
[enrve] [venre] : il y a inversion, puis apocope du /e/, probablement pour le
différencier du mot déjà existant en français vénérer.
[krøve] [vekrø] [vekr] : ce mot a été verlanisé sur le modèle du mot
énervé; il y a inversion, puis la deuxième attaque, qui était branchante, se défait et
L’envers des syllabes : une étude comparative de la syllabe du verlan et du français
101
le phonème /r/ se déplace à la fin du mot pour former un nouveau constituant, qui
pourrait dans ce cas-ci être la rime (mentionnons que le point du squelette était
toujours existant) et le phonème // vient se substituer au phonème /e/.
A R A R A R A R
N N N N
X X X X X X X X X X
v e k r ø v e k r
(29)
‘copain(s)’ [kop] : [kop] [pko] [piko] [pik(s)]
Pinks : se rapproche d’une prononciation anglaise.
(30)
‘inspecteur’ [spktør] : [spktør] [tørspk] [tørspkt]
Teurinspeckt : inversion sur le modèle des mots de plus de deux syllabes et
phénomène semblable à l’ambivalence se réalisant par la présence du phonème /t/
en début et en fin de mot. Nous croyons que le [t] à la position finale ne doit pas
toujours être prononcé étant donné qu’il est précédé de deux consonnes.
(31)
‘à fond’ [a fo] : [a fo] [a dof]
À donf : inversion à partir de la graphie du mot en français ou inversion des deux
phonèmes et ajout du /d/ en attaque en début de mot ? Nous favorisons l’inversion à
partir de la graphie du mot, selon nous beaucoup plus simple.
Fannie L’Abbé
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(32)
‘rendez-vous’ [rde-vu] : [rde-vu] [vu-rde] [vurde] ou [vurd]
Vourd : inversion simple, puis syncope du deuxième noyau //, ensuite apocope de
/e/.
A R A R A R
N N N
X X X X X X
v u r d
(33)
‘dégage-de-là’ [dea- de- la] : [deaø- dø- la] [ade] ou [ade dal]
Gage-dé : ici n’est gardé que le premier mot du syntagme, puis ce mot est inversé
selon le modèle d’une inversion simple en verlan. Le chwa n’est pas prononcé.
Gage-dé-dal : même phénomène que pour gage-dé, mais à cela vient s’ajouter une
métathèse; c’est-à-dire que là où il y a un noyau vide à cause du e muet, le phonème
/a/ se déplace et prend la position libre, le dernier noyau devient donc vide et ne se
réalise pas phonétiquement.
(34)
‘celui-là’ [sølwi- la] : [sølwi la] [la sølwi] [la lwis] ou [la swi] ou [lølwis]
[la lwis] : inversion des deux mots, puis inversion des constituants du deuxième mot
et effacement du chwa.
L’envers des syllabes : une étude comparative de la syllabe du verlan et du français
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[la swi] : inversion des deux mots, inversion des constituants du deuxième mot et
troncation de /l/ ; ainsi la consonne restante s vient prendre la position de l’attaque
maintenant vide à cause de la syncope.
[lø lwis] : inversion des deux mots, inversion des constituants du deuxième mot et
métathèse, donc le phonème /a/ est tronqué et le phonème /ø/ est réalisé à sa
position.
(35)
‘baiser le cul’ [beze lø k] : [beze lø k] [zelbuk]
[zelbuk] : il y a d’abord aphérèse des deux premiers constituants [be] ; ensuite, il y
a syncope du phonème /ø/, qu’on pourrait aussi appeler e muet ; suivi d’une
inversion des deux derniers phonèmes [k] [k] ; puis la consonne b,
tronquée un peu plus tôt, est rajoutée là où il y a une position d’attaque vide devant
le noyau /u/.
Fannie L’Abbé
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Références
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