droit des obligations iii, l3 droit

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Droit des obligations Introduction au droit des obligations Source des obligations : comment né une obligation. Le régime des obligations c’est l’effet des obligations, transfert des obligations (créances), l’extinction des obligations. Bibliographie : - Mr Flour et Savaux : « Les obligations, le rapport d’obligations » Sirey 6 ème édition. - « Droit civil : les obligations » - Le code civil Partie 1 : Les effets des obligations Présupposé : une obligation a pris naissance. Un lien s’est donc crée entre le créancier et le débiteur de l’obligation. Obligation a une existence et une valeur propre. L’obligation sera soumise à des règles qui vont déterminer ses effets. Sous réserve de quelques exceptions, ce sont des règles communes à toutes les obligations. Les effets des obligations : - Les effets généraux - Les effets particuliers Chapitre 1 : Les effets généraux Le créancier d’une obligation dispose du droit d’exiger l’exécution de celle-ci. Pour assurer l’efficacité de ce droit essentiel, le code civil a conféré au créancier les moyens de sauvegarde de son droit de créance. Section 1 : Les moyens de sauvegarde du droit de créance Le créancier bénéficie d’un droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur. Ce droit lui permet de faire saisir et vendre les biens de son débiteur, mais ne lui confère pas de droit de préférence ou de suite. Ce droit ne s’exerce que sur le droit existant au jour de l’exécution. 1

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Cours du Droit des obligations III, L3 droit, université de Strasbourg

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Page 1: Droit Des Obligations III, L3 Droit

Droit des obligations

Introduction au droit des obligations

Source des obligations : comment né une obligation. Le régime des obligations c’est l’effet des obligations, transfert des obligations (créances), l’extinction des obligations.

Bibliographie : - Mr Flour et Savaux : « Les obligations, le rapport d’obligations »

Sirey 6ème édition. - « Droit civil : les obligations » - Le code civil

Partie 1 : Les effets des obligations

Présupposé : une obligation a pris naissance. Un lien s’est donc crée entre le créancier et le débiteur de l’obligation. Obligation a une existence et une valeur propre. L’obligation sera soumise à des règles qui vont déterminer ses effets. Sous réserve de quelques exceptions, ce sont des règles communes à toutes les obligations. Les effets des obligations :

- Les effets généraux- Les effets particuliers

Chapitre 1 : Les effets généraux

Le créancier d’une obligation dispose du droit d’exiger l’exécution de celle-ci. Pour assurer l’efficacité de ce droit essentiel, le code civil a conféré au créancier les moyens de sauvegarde de son droit de créance.

Section 1 : Les moyens de sauvegarde du droit de créance

Le créancier bénéficie d’un droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur. Ce droit lui permet de faire saisir et vendre les biens de son débiteur, mais ne lui confère pas de droit de préférence ou de suite. Ce droit ne s’exerce que sur le droit existant au jour de l’exécution.

Le code civil a voulu éviter que le risque de dépérissement soit accru ou réalisé du fait du débiteur. Ex : débiteur néglige d’exercer ses droits contre un tiers pour ne pas faire bénéficier son créancier. L’action qui va permettre au créancier d’agir : action oblique et action paulienne.

Le législateur a conféré une action directe à certains créanciers : permet d’agir directement contre le débiteur de son débiteur.

Action oblique : art 1166 C.Civ. « Les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, sauf ceux qui sont attachés exclusivement à la personne ». La nature juridique de cette action a donné

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lieu à de nombreuses controverses : c’est une mesure conservatoire ou déjà un acte d’exécution ? C’est plus qu’une mesure conservatoire, car elle vise à reconstituer le patrimoine du débiteur tel qu’il devrait être, mais c’est moins qu’une mesure d’exécution car l’action oblique ne confère pas de satisfaction directe au créancier.

I. Domaine de l’action oblique

A. Le principe : tous les droits et actions du débiteur

L’action de se limite pas aux actions en paiement, on peut exercer toutes les actions de caractère patrimonial : ex : action en nullité ou en partage.

Il faut distinguer les droits des simples facultés. Art 1166 autorise-t-il le créancier à s’imisser dans la gestion du patrimoine de son débiteur pour passer des actes que le créancier considérerait comme opportuns. NON. Ce droit d’ingérence ne concerne que des droits patrimoniaux déjà nés.

B. Les exceptions

Droits attachés exclusivement à la personne. Quels sont ces droits ? Il faut exclure les actions extrapatrimoniales. Les actions extrapatrimoniales ne peuvent pas êtres exercés par une action oblique. Ex : action en révision ou en suppression d’une pension alimentaire. Une donation peut être révoqué pour cause d’ingratitude, cette action ne peut pas faire objet d’une action oblique. Or, des actions obliques ont été admises pour des actions en nullités passés par un incapable.

II. Les conditions de l’exercice de l’action oblique

A. Les conditions relatives au débiteur

Il faut une inaction de la part du débiteur. L’insolvabilité du débiteur. Il faut que la négligence du débiteur compromette les droits des créanciers.

B. Les conditions relatives à la créance

La nature de l’action oblique. Ce n’est pas un acte d’exécution, le créancier n’a donc pas besoin d’un titre exécutoire. Mais c’est plus qu’une mesure conservatoire, la créance doit être liquide, exigible et certaine.

III. Les effets de l’action oblique

A. Les effets à l’égard du défendeur à l’action (d2)

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Le créancier agit au nom de son débiteur. Le débiteur du débiteur est placé dans la même situation que si c’état son créancier qui exerçait l’action. Le défendeur à l’action peut opposer au demandeur à l’action les mêmes moyens de défense que ceux qu’il aurait pu invoquer si c’était son créancier qui avait agi. Si le créancier agi au nom de son débiteur, il n’y a pas pour autant représentation, car le créancier n’agit pas pour le compte de son débiteur, mais dans son intérêt personnel.

B. Les effets à l’égard du débiteur dont le droit est exercé (d1)

L’action du créancier ne dessaisit pas d1, il pourrait lui-même agir contre d2 pour obtenir le paiement de sa créance. La décision qui va intervenir n’aura pas l’autorité de chose jugée à l’égard de d1. Arrêt 1804. Cette solution est-elle encore actuelle ?

C. Les effets à l’égard des autres créanciers du débiteur d1

Si l’action exercée est oblique, elle est exercée au nom du débiteur, même s’il n’y a pas de représentation au sens juridique, l’effet de l’action oblique sera identique à celui d’une action qui aurait été exercée pat le débiteur. L’action a pour effet de reconstituer le patrimoine de d1, parce que le bénéfice de l’action rentre dans le patrimoine de d1. C’est un inconvénient majeur pour le créancier qui agit. Car les autres créanciers profiteront de l’action. Il existe une solution. Dans le cadre de la même action, il va agir en action oblique et en même temps demander le paiement de sa créance. Condition : il faut que d1 ait été mis en cause dans la procédure.

Pour les créances d’argent, il existe un autre moyen plus simple : agir par voie de saisi conservatoire ou de saisi arrêt entre les mains de d2. L’action oblique n’a de véritable intérêt que pour l’exercice de droits et actions non monétaires.

Sou - Section 2 : L’action paulienne

Art 1167 C.Civ. « les créanciers peuvent aussi en leur nom personnel attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits ». Ce texte permet au créancier d’attaquer les actes frauduleux produits par son débiteur. Ces actes frauduleux d’appauvrissement seront déclarés inopposables au créancier agissant. Cette action ne débouche pas sur une nullité, elle bénéficie qu’au créancier demandeur. L’acte attaqué n’est pas fictif, mais réel. Cette action était soumise au délai de prescription de 30 ans, aujourd'hui ramené à 5 ans. C’est une action personnelle car fondée sur un droit de créance et ne bénéficie qu’au créancier agissant.

I. Les conditions de l’action paulienne

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A. Les conditions relatives à la créance

La créance doit être antérieure à l’acte attaqué. Si la créance est postérieure à l’acte, le créancier ne pourra pas attaquer l’acte. L’acte attaqué doit avoir causé un préjudice au créancier.

La créance n’a pas besoin d’être constatée par un acte de force exécutoire. La créance ne doit pas être liquide, exigible et certaine. Il suffit que la créance existe de façon certaine en son principe avant l’acte contesté. Arrêt 1 chambre civile C.Cassation 13 avril 1988. L’obligation de la caution (bancaire) né dès le jour où l’on s’engage autant que caution.

Exception de l’exigence d’antériorité : dans le cas où une fraude est organisée en vue de porter préjudice à un créancier futur. 1ère chambre civile C.Cass. 7 janvier 1982 N 80-15960.

La preuve de l’antériorité incombe au créancier et peut être rapportée par tout moyen.

B. Les conditions relatives à l’acte

1. Un acte d’appauvrissement

- Les actés visés : Il faut un acte d’appauvrissement, soit un qui diminue la valeur d’un droit, soit un qui modifie la substance. Ex : vente à un prix dérisoire. Actes qui emportent une dépréciation du patrimoine. Ex : remise d’une dette importante faite à un créancier. Actes qui modifient la consistance du patrimoine en diminuant les chances de paiement du créancier. Ex : vente d’un fond de commerce qui permet au commerçant de disposer d’espèces pour les faire disparaître plus facilement. Ex : apports en société, car il est plus difficile de vendre les parts de la société, plutôt que les biens de la société. C.Cass. : « le créancier dispose de l’action paulienne lorsque la cession d’un bien même faite à un prix normal a pour effet de le faire échapper aux poursuites en le remplaçant par des fonds difficiles à appréhender ».

- Les actes exclus : Les partages de communauté et de succession, car il existe des règles spécifiques dans ces deux hypothèses. Impossibilité d’attaquer les actes qui augmentent le passif et les paiements. On considère que cela ne touche pas à l’actif. Les actes qui augmentent le passif : le débiteur reste libre de contracter de nouvelles dettes, sauf si, l’acte est accompli frauduleusement au préjudice du créancier. Le paiement est une opération neutre. Il y a une augmentation de l’actif et une diminution du passif. Exception : paiement est anormal. Ex : paiement d’une dette non exigible, alors qu’il y a des dettes exigibles. Ex :

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dation en paiement. Ex : paiement par compensation et les cessions de créance. C. Cass. 4 avril 2008. Il existe des règles spéciales dans le cadre du droit des procédures collectives.

Nota : FD : l’arrêt n’est pas publié. P : publié dans le bulletin annuelPB : publié dans le bulletin annuel et bimestriel PBR : rapport annuel de la C.Cass (commentaire de l’arrêt)PBRI : info spéciale. C.Cass y accorde une grande importance

2. L’acte préjudiciable et frauduleux

- Caractère préjudiciable de l’acte :L’acte doit avoir causé un préjudice au créancier. Ex préjudice : pas pouvoir être payé. L’acte doit avoir causé ou aggravé l’insolvabilité du débiteur. Cet état d’insolvabilité doit exister au jour de l’acte attaqué. Cet état doit exister au jour où l’action est intentée. La preuve doit être fournie par le demandeur à l’action. Cette preuve est difficile à apporter. La jurisprudence se contente de la preuve d’insolvabilité apparente. Le défendeur doit prouver qu’il dispose de bien de valeur suffisante pour payer son créancier. Il existe des exceptions à cette exigence d’insolvabilité :

> Remplacement d’un bien aisément saisissable par un bien qui l’est moins

> Les créanciers sont investis d’un droit particulier sur certains biens de leur débiteur. Ex : créancier hypothécaire. Pour le bénéficiaire d’un tel droit, l’action paulienne est admise qd l’acte diminue la valeur du bien ou entrave son exécution en nature.

- Un acte frauduleux :La fraude ne suppose pas l’intention de nuire, il suffit de démontrer que le débiteur avait conscience du préjudice qu’il causait au créancier en se rendant insolvable, ou en augmentant son insolvabilité.

3. La complicité du tiers

La fraude paulienne consiste pour un débiteur D de conférer des droits à un tiers C pour porter préjudice à son créancier A. Ce tiers doit-il être complice ?

- Acte à titre gratuit : le tiers acquéreur subi l’action, même s’il est de bonne foi. Le demandeur à l’action n’a pas à démontrer la complicité du

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tiers. Le donataire ne lutte que pour conserver un gain, alors que le créancier veut limiter une perte. - Acte à titre onéreux : il faut démontrer que le tiers a été complice de la fraude. Il faut démontrer qu’il avait conscience de participer à un acte portant préjudice à un créancier.

Si le tiers n’est pas resté en possession du bien et l’a transmis à un autre tiers. L’action peut-elle encore être intentée à l’égard du sous-acquéreur? Si le bien est transmis à un sous-acquéreur celui ci sera toujours à l’abri d’une action paulienne si son auteur C y échappait lui même. Dans le cas contraire, il est possible d’agir contre le sous-acquéreur.

II. Les effets de l’action paulienne

Objet : protéger le créancier contre les actes frauduleux de son débiteur. Sanction : inopposabilité. Le créancier pourra agir comme si cet acte n’avait pas été passé. Il pourra donc saisir et vendre l’immeuble qui a été donné en donation. Si c’est un droit consenti, le prononcé de l’inopposabilité de l’acte permettra au créancier de poursuivre la vente forcée du bien libre du droit consenti frauduleusement. 1ète chambre civile 12 juillet 2005 N 0218298.

Cette sanction n’a qu’un effet relatif. Elle ne bénéficie qu’au créancier qui a agi. Pour le tiers acquéreur et les autres créanciers, l’acte reste valable. Le tiers acquéreur dispose d’un moyen d’éviter la restitution en désintéressant le créancier. Il dispose d’une action contre le débiteur au titre de la garantie d’éviction.

Sous - Section 3 : Les actions directes

Le créancier qui veut exercer son droit de gage sur le patrimoine de son débiteur peut le faire par le biais d’une action oblique, si le débiteur est lui-même le créancier de qqn. Ce créancier va pouvoir agir directement contre le débiteur de son débiteur dans le cadre d’une action directe.

La différence est que l’action directe confère au créancier un droit propre contre le débiteur se son débiteur. Ex : action du propriétaire contre le sous-locataire pour se faire payer par le sous-locataire les loyers qui lui sont dus par le locataire. Ex : action du sous-traitant contre le maître de l’ouvrage (propriétaire) pour obtenir le paiement des sommes dues par l’entrepreneur principal au titre du contrat de sous-traitance qui lie l’entrepreneur principal avec son sous-traitant. Il s’agit d’un mécanisme dérogatoire de droit commun car confère un droit propre au bénéficiaire qui va lui permettre d’agir pour son bénéfice exclusif. L’action directe constitue un privilège. Cela déroge au principe d’égalité entre les créanciers, et à l’effet relatif des contrats.

L’action directe ne peut exister qu’en vertu de la loi. Il existe des exceptions.

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Art 1798 code civil : action directe des maçons et des charpentiers contre le maître de l‘ouvrage. Moi 31 décembre 1975 : au profit des sous-traitants contre le maître de l’ouvrage. Art 123-3 code des assurances : de la victime contre l’assureur en responsabilité de l’auteur de l’accident. Loi 31 décembre 1982 : le routier sous-traitant peut agir directement contre le donneur d’ordre.

Actions directes dégagées par la jurisprudence :- Action du propriétaire contre le sous-locataire - Action du sous mandataire contre le mandant pour le remboursement de ses frais

Les effets des actions directes

- L’action directe crée un droit propre au profit du créancier qui va en bénéficier. Le bénéficiaire échappe au concours avec les autres créanciers, même privilégiés. Ce droit propre n’existe que parce que le débiteur du titulaire de l’action directe est lui-même créancier à l’égard d’un tiers. Le droit propre du sous-traitant n’existe que parce qu’il y a une créance du sous-traitant à l’égard de l’entrepreneur principal.

> L’action directe ne peut être exercée que dans la mesure de ce qui est encore dû par le tiers au débiteur du titulaire de l’action directe. Si le maître de l’ouvrage a totalement payé l’entrepreneur principal ne sous-traitant ne peut plus exercer d’action directe à son encontre. > Le tiers débiteur pourra opposer au créancier agissant les exceptions qu’il aurait pu faire valoir contre son propre créancier, à condition que ces moyens de défense soient antérieurs à l’exercice de l’action directe. Ex : action directe en responsabilité de la victime d’un dommage contre l’assureur, l’assureur peut opposer à la victime la nullité du contrat de l’assurance.

- L’action directe simplifie les paiements- L’action directe constitue un mode d’action privilégiée car elle a

pour effet d’immobiliser et d’affecter une créance au paiement d’une certaine dette. Cet effet est plus ou moins énergique selon les cas.Il faut distinguer 2 types d’actions directes :

> Action directe imparfaite : l’immobilisation et l’affectation ne se produisent qu’au moment où l’action directe est exercée. > Action directe parfaite : la créance du bénéficiaire de l’action est immédiatement et de plein droit affectée exclusivement a bénéficiaire de l’action directe. Ex : art 124-3 code des assurances : l’assureur ne peut payer à une autre personne que le tiers payé tout ou partie de la somme due par lui, tant que le tiers bénéficiaire de l’action directe n’a pas été désintéressé.

Section 2 : L’exécution de l’obligation

Sous – Section 1 : Le paiement volontaire

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Art 1235 et 1266 code civil. Le paiement est le mode normal d’exécution d’une obligation, c’est aussi le mode d’extinction d’une obligation du fait de son exécution. En matière juridique il y a paiement à chaque fois qu’il y a exécution de l’obligation quel que soit l’objet de l’obligation.

Le paiement est un acte ou un fait juridique ? Art 1108 code civil : conditions de validité de l’acte juridique. La conception retenue : acte juridique d’une nature particulière.

I. Les parties

Celui qui paie : SOLVENS. Celui qui reçoit : l’ ACCIPIENS

A. Le Solvens

Qui peut valablement payer ? Art 1236 Code civil : une obligation peut être acquittée par toute personne qui en a un intérêt (coobligé ou une caution), par un tiers qui n’y est point intéressé pourvu que ce tiers agisse au nom et en l’acquit du débiteur, ou que s’il agit en son nom propre il ne soit pas subrogé en droit du créancier ».

Principe : l’indifférence de la personnalité du solvens. S’il y a paiement par un tiers, il peut agir au nom du débiteur : gestion d’affaire. En son nom propre, sauf si le paiement est effectué par erreur, il paie soit parce qu’il est intéressé (caution ou le coobligé), soit car elle est animée d’une attention libérale (donation) ou parce qu’elle trouve un intérêt indirect (salarié qui paie une dette de son employeur). Si le tiers n’est pas intéressé : il ne doit pas être subrogé au droit du créancier. Cependant, rien n’interdit au créancier de consentir une subrogation : subrogation conventionnelle.

Sauf dans l’hypothèse où le solvens est le débiteur, et, sauf si le paiement procède d’une attention libérale, le tiers qui a payé, bénéficie d’un recours contre le débiteur. Le tiers devra démontrer que la cause dont procède le paiement implique une obligation de remboursement de la part du débiteur. 1ère Chambre civile C. Cass. 30 mars 2004 Dalloz 2004 p. 1125.

Art 1237 code civil : une obligation de faire ne peut être acquittée par un tiers, contre le grés du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le débiteur lui-même.

Obligation de payer = obligation de donner et non une obligation de faire.

JP ancienne a admis le refus de la part du créancier dans le cas d’un paiement causant un préjudice. Affaire : vente avec rente viagère. Il y a eu des impayés de la rente, un tiers avait voulu payer à la place du débiteur. C.Cass. a admis que le refus du créancier a été justifié : si le tiers avait

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payé, le créancier n’aurait pas pu agir en résolution de la vente avec rente viagère.

Art 1238 al 1 code civil : le solvens doit avoir la capacité d’aliéner la chose donnée en paiement, il doit être propriétaire de la chose qu’il donne en paiement.

B. L’Accipiens

Art 1239 code civil : le paiement n’est libératoire que s’il est effectué entre les mains du créancier. Ce paiement n’est valable que si le créancier lui-même est capable de recevoir.

Art 1241 code civil : le paiement fait à un incapable est nul sauf si l’incapable en a tiré profit.

Art 1239 et 1240 : le paiement est valable s’il est effectué entre d’autres mains que celles du créancier. Paiement effectué entre les mains du mandataire du créancier. Le mandat peut être express ou tacite, conventionnel, légal ou judiciaire. Paiement effectué entre les mains du créancier apparent : art 1240 code civil : paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable. Hypothèse : paiement effectué entre les mains du créancier originaire, alors que celui-ci a cédé sa créance par ex à une banque. Dans le cas, le solvens est de bonne foi s’il n’a pas été averti de la cession, pour lui le paiement est libératoire.

Cas où le paiement est effectué entre les mains d’une autre personne (autre que celles dont on a parlé) : on est en principe en présence d’un paiement nul, sauf si le créancier a ratifié le paiement ou s’il en a profité : art 1239 al 2 : « le paiement fait à celui qui n’avait pas pouvoir de le recevoir est valable se celui-ci le ratifie ou s’il en a profité ».

II. L’objet du paiement

A. Les règles générales

Le créancier ne peut être contraint de recevoir en paiement une autre chose que ce que lui est dû. Il peut refuser tout paiement partiel.

a. Le créancier doit recevoir la chose même

Art 1243 code civil : le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose que celle qui lui est due, quoi que la chose qui lui est offerte soit égale, ou même plus grande. Si ce qui est du est une chose de genre, il doit fournir une chose de genre convenue et de qualité moyenne (art 1246 code civil), sauf convention contraire. Si c’est un corps certain, le débiteur est libéré par la remise de la chose en l'état où elle se trouve le jour de la livraison, sauf détérioration résultant

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de sa faute (art 1245 code civil). L’acheteur assume le risque. Le transfert de propriété s’opère au moment de la signature.

Hypothèse où la chose remise ne sera pas exactement celle qui a été prévue : obligation alternative. Lorsque le créancier ou le débiteur a le choix entre plusieurs obligations. Ex : remise d’un meuble ou d’une somme d’argent.

Hypothèse de l’obligation facultative : le débiteur doit remettre un meuble pour se libérer de sa dette, mais il peut également se libérer en remettant une somme d’argent.

Pour une obligation facultative, si l’objet de l’obligation disparaît, l’obligation disparaît toute entière. Dans le domaine de l’obligation alternative, on n’est pas libéré de l’obligation si l’une d’elles disparaît.

La dation en paiement : après avoir convenu que ce serait telle chose qui constiturait l’obligation, le créancier et le débiteur seraient d’accord pour que le débiteur se libère d’une autre manière.

b. La totalité de la chose

Art 1244 al 1 code civil : le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d’une dette qui est divisible. Art 1244-1 code civil  : possibilité d’obtenir un délai de grâce (paiement échelonné) En matière de cheques ou de lettre de change : toutes les personnes qui ont signés ces documents sont tenus solidairement.

B. Les règles particulières aux sommes d’argent

1. Les règles légales

La monnaie joue un rôle primordial. C’est un instrument de mesure de la valeur des choses, un moyen de paiement et un bien. La monnaie est un bien dont la valeur est variable en fonction de l’évolution de l’économie et de la confiance qu’inspire cette monnaie.

a. La monnaie de paiement

Distinction entre la monnaie de paiement et le monnaie de compte. - Monnaie de compte : sert à fixer le montant de la dette. Pour un

paiement devant avoir lieu en France, il doit être effectué en monnaie française. Ceci même si le montant de la dette est stipulé en une monnaie étrangère. Question : à quelle date faut-il se placer pour faire la conversion. Il faut se placer au jour de l’échéance. Si le jour de paiement effectif est différent de la date de l’échéance, il faudra prendre en compte le jour du paiement, sauf si le retard est imputable à l’une des parties.

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C.Cass. 20 mai 2009.

b. Principe du nominalisme monétaire

Malgré l’instabilité réelle de la monnaie, sa valeur ne varie pas en fonction du temps. Ce principe n’est annoncé par aucun texte. Mais différents textes du code civil e font application. Art 1895 code civil relatif au prêt d’argent : « l’obligation qui résulte d’un prêt d’argent, elle né toujours que de la somme numérique énoncée au contrat ». On ne tient pas compte de la dépréciation monétaire.

Ce mécanisme ne s’applique pas aux dettes de valeur. Une notion qui consiste à utiliser l’argent non pour évaluer l’obligation, mais uniquement pour la question du paiement. Ex : problème de responsabilité qui fait naître un préjudice. La créance de dommages et intérêts est née le jour où le préjudice est né. Le montant du préjudice sera fixé qu’au jour du paiement des dommages et intérêts. On tient compte de la dépréciation monétaire. Cette notion est utilisée en matière d’indivision ou de régimes matrimoniaux.

c. Les instruments de paiement

Art L 111- et suivant du Code monétaire et financier : « on peut payer soit en espèces soit en monnaie scripturale ». Cheques, effets de commerce, virements, cartes de paiement ou de crédit. Paiement par cheque : la simple remise du cheque ne vaut pas paiement. Il y a certains arrêts qui admettent que la remise du cheque vaut paiement sous condition de son encaissement effectif. Hypothèse où il fallait une certaine somme dans un certain délai (ex : le tiers provisionnel).

Le virement : le paiement se réalise au moment de l’inscription de la somme au compte du bénéficiaire. 1ère chambre civile 23 juin 1973. Chambre commerciale 3 février 2009 N 0631184 : le virement vaut paiement dès réception des fonds par le banquier du bénéficiaire, qui détient les fonds pour le compte de son client. Le banquier du bénéficiaire reçoit les fonds en tant que mandataire du bénéficiaire.

2. Les clauses relatives au paiement

Distinction entre les paiements internes et internationaux.

a. Les paiements internes

Volonté de la part du créancier de se prémunir contre les effets de l’érosion monétaire.

- Clauses or : obligent à payer en or- Clauses adoptant une monnaie de compte- Clauses d’indexation

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Les deux premières clauses sont la même chose que les clauses d’indexation. Il existe un droit commun des clauses d’indexation et des règles particulières pour es dette d’aliments.

Art L 112-1 CMF : les clauses d’indexation sont valables si l’indice retenu est un indice spécial (pas général type SMIC) et il doit être en relation avec l’objet du contrat ou avec l’activité de l’une des parties. Ex : indice national du coût de la construction. C’est une réglementation qui relève de l’ordre public de direction, on veut éviter l’aspect inflationniste de ces clauses. S’il y a violation de cette règle : nullité absolue.

b. Les paiements internationaux

Lorsqu’il y a transfert de fond d’un pays à un autre. Un très grand libéralisme. Toutes les clauses monétaires sont valables. Le but est de favoriser le développement du commerce international.

III. La réalisation du paiement

A. Lieu, moment et frais du paiement

Art 1267 code civil : lieu normal est celui qui est fixé par la convention. S’il n y a pas de convention et il s’agit d’un corps certain, c’est le lieu où se trouve la chose au moment où le contrat donnant lieu au paiement a été conclu. Pour les autres dettes, la paiement est guérable, c’est au créancier d’aller chercher l’argent chez le débiteur sauf pour les dettes d’aliments où le paiement est portable.

Il faut payer à l’échéance prévue. Un paiement anticipé est-il possible ? C’est possible que si le terme a été institué dans l’intérêt du débiteur.

Art 1248 code civil : les frais sont à la charge du débiteur, sauf convention contraire.

B. La preuve du paiement

On considère que le paiement est plutôt un acte juridique, il doit se prouver par écrit avec les exceptions de droit commun. C.Cass. 6 juillet 2004 N 01-14618 qui dit le contraire : la preuve du paiement qui est un fait peut être rapportée paiement tout moyen. D’autres arrêts de la C.Cass. sont revenus à la solution traditionnelle : paiement est un acte juridique. 11 janvier 2006, 27 février 2008.

Mode traditionnel de preuve : la quittance qui fait foi à l’égard des tiers jusqu’à preuve du contraire.

C. Les incidents du paiement

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1. Refus du créancier

Chaque fois que la dette est assortie d’intérêts. Le débiteur soit passer outre le refus du créancier.

Dette de somme d’argent : procédure des offres réelles et de la consignation (art 1257 à 1264 code civil). Le débiteur offre le paiement au créancier par l’intermédiaire d’un officier ministériel. Si le créancier persiste dans son refus, le débiteur consigne la somme à la caisse des dépôts et consignations. Si le créancier persiste dans son refus, le débiteur pourra alors l’assigner devant le Tribunal pour faire valider ses offres de paiement.

Dette de corps certain art 1264 code civil : cette règle a été étendue aux choses de genre. Le débiteur fait sommation au créancier de prendre livraison et en cas de refus, le débiteur pourra se faire autoriser à déposer la chose en un lieu déterminé, cela vaudra paiement.

2. Opposition du tiers au paiement

Le fait d’un tiers par lequel celui ci interdit au débiteur de se libérer entre els mains de son créancier. Cette interdiction produit-elle un effet ? La règle : une opposition de payer n’emporte interdiction de payer que dans les cas prévus par la loi. Ex : vente de fonds de commerce, les créanciers du vendeur du fond peuvent faire opposition au paiement du prix de vente entre les mains du vendeur.

En dehors des cas prévus par la loi, le tiers qui veut s’opposer au paiement ne peut le faire que par le biais d’une saisi.

D. L’imputation des paiements

Art 1253 à 1256 code civil : paiement partiel et le créancier l’accepte. Les règles sont différentes selon qu’il y a une ou plusieurs dettes.

Hypothèse : il y a une seule dette. En cas de paiement partiel, celui ci s’impute d’abord sur les intérêts et ensuite sur le capital, car les intérêts ne peuvent pas produire d’intérêts.

S’il s’agit d’une dette qui n’est garantie que partiellement, le paiement s’impute d’abord sur la partie qui n’est pas garantie.

Toutes convention contraire est valable.

S’il y a plusieurs dettes, art 1253 code civil : c’est au débiteur de déclarer quand il paie la dette qu’il entend acquitter. Si le débiteur ne choisi pas , c’est au créancier de déterminer cette imputation. Si cette imputation

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effectuée par le créancier est refusée par le débiteur, il faudra appliquer les règles posés par le code civil. > Une dette échue et une dette non échue : on impute d’abord sur la dette qui est échue > Toutes le dettes sont échues : on impute d’abord que la dette . le débiteur a plus intérêt à éteindre.Si les dettes échues sont pareillement onéreuses, on impute sur la plus ancienne, si elles ont étés contractées le même jour, on procède à l’imputation proportionnelle.

Sous-section 2 : le paiement forcé

S’il s’agit d’un simple retard, on peut demander des dommages et intérêts moratoires. S’il s’agit d’une inexécution avéré, se pose la question de l’exécution forcée en nature.

Les dommages et intérêts moratoires peuvent être obtenus quelle que doit la source de l’obligation. Pour les obtenir, il faut une mise en demeure. La dette doit être certaine et exigible. Pour les dettes d’argent, il faut également qu’elle soit liquide. Une dette est liquide quand elle est déterminée dans son montant ou si le titre contient toutes les modalités de son évaluation. Certaine : pas contestée. Art 1153 al 3 code civil fixe le poins de départ des intérêts moratoires au jour de la sommation de payer. Ça peut être un acte équivalent. Sauf si la loi fait courir ce délai de plein droit. Il faut que les conditions de la responsabilité soient réunies : faute et un préjudice avec un lien de causalité. Le retard doit être imputable au débiteur. Ce retard doit avoir causé un préjudice. L’exigence de la preuve du préjudice : une exception qui concerne les dettes d’argent art 1153 al 2. Les intérêts de retard se calculent au taux légal, sauf convention contraire. On applique les règles de responsabilité civile sauf en matière de sommes d’argent. Art 1153 al 4 permet d’obtenir des dommages et intérêts supplémentaires si on arrive à démontrer la mauvaise foi du débiteur, et que cette mauvaise foi a causé un préjudice indépendant du retard. Existence d’un dommage indépendant de la perte de jouissance de la somme d’argent pendant une certaine période. Ex : pour une entreprise le fait d’être obligé à déposer son bilan à cause du retard dans le paiement.

On peut obtenir la capitalisation des intérêts art 1154 code civil. Pour que celle-ci soit ordonnée par le juge, il faut que cela soit demandé. Cette capitalisation ne peut être demandé que pour une année entière. Ces règles ne sont pas d’ordre public, il est possible de prévoir des clauses pénales ou limitatives de responsabilité. On peut stipuler la capitalisation des intérêt sur une année entière.

Inexécution avérée : 2 possibilités. Cas où l’exécution forcée en nature n’est pas possible parce que la chose a été détruite par ex. il peut y avoir qu’une exécution par équivalent qui se fera sous la forme du paiement d’une somme d’argent qui va remplacer l’obligation inexécutée : dommages et intérêts compensatoires. Cela ne concerne que l’exécution des obligations. Pour la jurisprudence, cette exécution par équivalent

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relève de la responsabilité contractuelle. Il s’agit de la conception traditionnelle qui fait objet de critiques. Huet a été le premier à mettre en évidence le fait que cette responsabilité contractuelle a une double fonction : fonction de paiement car son objet est de réaliser une exécution forcée par équivalent ; fonction de réparation en cas d’indemnisation du dommage causé par l’inexécution ou la mauvaise exécution. Certains auteurs vont plus lois : M. Remy « Responsabilité ctuelle : histoire d’un faux concept ». Il nie l’existence d’une responsabilité ctuelle. Le débiteur qui n’exécute pas ou qui exécute mal doit des dommages et intérêts non pas en raison du dommage qu’il a causé, mais parce qu’il n’a pas exécuté son obligation. Tout ce qui ne relève pas de l’exécution forcée relève de la responsabilité délictuelle. Dans le cadre de la théorie classique on se base sur la responsabilité contractuelle qui raisonne sur la responsabilité : fait générateur, préjudice et un lien de causalité entre les deux. Théorie de Rémy : pas besoin de démontrer une faute du débiteur, ni un préjudice.

L’exécution par équivalent ne relève pas du paiement forcé car, dans ce cas, il n’y a pas d’exécution forcée de l’obligation elle-.

Hypothèse où l’exécution forcée en nature est concevable. Il peut se poser un problème : cette exécution peut porter atteinte à la liberté individuelle. En droit anglais, l’exécution forcée en nature ne peut jouer que dans des cas exceptionnels. En droit français, le principe d’exécution forcée en nature est admis sauf en cas d’atteinte à la liberté individuelle du débiteur. Cette exécution forcée en nature aboutit à une contrainte directe. Si cette contrainte n’est paiement possible, la seule possibilité reste de recourir à des moyens de contrainte indirecte : condamnation à payer une astreinte.

I. La contrainte directe : exécution forcée en nature

Lorsqu’elle est possible, l’exécution forcée en nature procède d’un choix qui n’appartient qu’à la victime de l’inexécution. Cour de Cassation 3ème

civile 28 septembre 2005 N 04-14586.

A. Domaine de l’exécution forcée en nature

Est refusés à chaque fois que cela porterait atteinte à la liberté physique ou intellectuelle, ou lorsque cette exécution est matériellement ou juridiquement impossible. S’il s’agit d’une obligation de payer une somme d’argent : procédure d’exécution, voir de saisie. S’il s’agit de l’obligation de transférer la propriété d’un bien : pas de problème d’exécution forcée en nature car le transfert de propriété résulte du simple accord de volontés. Il peut y avoir un problème s’il n’y a pas d’exécution de l’obligation de livrer la chose. Violation d’une obligation de faire ou de ne pas faire. Art 1142 code civil : tout obligation de faire ou de ne pas faire se résout en cas d’inexécution par des dommages et intérêts.

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Mais la réalité est différente. La jurisprudence admet l’exécution forcée en nature chaque fois que celle-ci est matériellement et juridiquement possible et n’implique aucune contrainte sur la personne du débiteur. Pour une obligation de faire, par ex livrer une chose, l’exécution forcée en nature est possible. S’il s’agit d’une obligation d’accomplir une prestation de service, et l’obligation qui pèse qui le débiteur est une obligation intuitu personae, on considère que l’exécution forcée en nature n’est pas possible : dommages et intérêts. Si l’obligation peut être exécuté par un tiers, il est possible de là faire exécuter par ce tiers aux frais du débiteur : art 1144 code civil. Il faut avoir obtenu une autorisation de justice préalable. Lorsque le tiers exécute, il ne s’agit pas de l’exécution forcée en nature, c’est une exécution par équivalent.

Une partie de plus en plus important de la doctrine adopte une position radicale. Point de départ de la réflexion : Cour de Cassation a décidé que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsque celle-ci est possible. Cour de Cassation N 03-21136, N 06-13983. Quelle est la notion d’impossibilité ? Pour ces auteurs, il peut y avoir une impossibilité juridique : le tiers acquiert un droit qui interdit l’exécution forcée, il faut que le tiers soit de bonne foi. L’impossibilité morale ne concernerait que les obligations à caractère personnel pour lesquelles contraindre à exécution entraverait la liberté individuelle du débiteur. Principe qui se situe à l’inverse de l’art 1142 code civil.

En matière de promesse de contrat, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a une conception stricte en matière de rétractation d’une promesse de vente avant que l’option ait été levée. Cour de Cassation  : pas de rencontre de l’offre et de l’acceptation : il ne peut pas y avoir d’exécution forcée en nature.

Obligation de ne pas faire : art 1143 code civil « chaque fois que cela est possible le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait en violation de l’engagement soit détruit ». Il s’agit d’une exécution par équivalent et pas d’une exécution forcée en nature. Ex : violation d’une clause de non-concurrence, le créancier pourra demander la fermeture de l’établissement ouvert par le débiteur au mépris de l’obligation de non-concurrence. Ce type de mesure n’est pas toujours possible. Ex : violation d’une obligation de confidentialité. La seule sanction possible ce sont des dommages et intérêts. Cour de Cassation 16 janvier 2007 N 06-13983 : la victime de l’inexécution a la faculté de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsque celle-ci est encore possible, le créancier a un droit en exécution forcée en nature. Cour de Cassation 31 mai 2007 N 05-19978 « si l’obligation est une obligation de ne pas faire celui qui y contre vient doit des dommages et intérêts par le seul fait de cette contravention ».

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B. Les conditions de l’exécution forcée en nature

Une créance certaine, liquide et exigible Constatation de la créance dans un acte exécutoire Une mise en demeure, sauf stimulation contraire

La détermination des mesures propres à réaliser cette exécution relève des pouvoirs des juges du fond.

II. La contrainte indirecte

En dehors des clauses pénales moratoires prévues dans le contrat, le législateur a prévu un autre moyen : les astreintes judiciaires (loi 9 juillet 1991). Le juge peut là prononcer pour toute obligation. En pratique, on trouve souvent dans les contrats les clauses relatives aux pénalités de retard. Ces clauses sont des clauses pénales : le juge peut y exercer son pouvoir d’appréciation et de régulation.

Chapitre 2 : Les effets particuliers attachés à certaines modalités de l’obligation

Concernent les obligations simples : sans terme ni condition.

Section 1 : Le terme

Art 1185 à 1188 code civil.

I. La notion de terme

Un événement futur et certain dont dépend l’exigibilité ou l’extinction de l’obligation. La certitude est importante. Cela permet de distinguer le terme de la condition.

On peut établir plusieurs distinctions : Terme suspensif et le terme extinctif  Terme certain et terme incertain : est certain lorsque l’événement

est situé dans le temps avec précision (date, délai, durée). Le terme incertain lorsque l’événement se produira certainement mais la date à laquelle cela arrivera est incertaine (ex : décès). Il est délicat de distinguer ce qui relève du terme incertain ou de la condition. La tendance de la jurisprudence est d’opter pour la qualification de terme incertain chaque fois que cela est possible pour faire échapper l’obligation à la nullité de l’art 1174 code civil qui sanctionne les conditions potestatives. Art 1901 code civil (à voir).

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Terme stipulé dans l’intérêt d’une des parties ou d’une seule partie. Dans l’intérêt d’une seule des parties : cette partie peut toujours y renoncer. Si c’est en faveur du débiteur, il peut y renoncer et donc rembourser par anticipation. Dans l’intérêt des deux parties : il ne peut pas y avoir de renonciation unilatérale, il faut un accord des deux.

Distinction en fonction de l’origine du terme : origine conventionnelle, légal, délai de grâce (émane des tribunaux).

II. Les effets du terme

Question d’exigibilité. Si le terme est suspensif, le créancier ne pourra pas faire pratiquer des actes d’exécution tant que le terme n’est pas échu, mais il pourra effectuer des actes conservatoires (action paulienne). Terme extinctif : échéance du terme fait disparaître l’obligation. La disparition opère pour l’avenir.

Les effets normaux du terme peuvent disparaître en cas de déchéance du terme dans 3 cas :

En cas de liquidation judiciaire du débiteur art 122-22 code de commerce

Art 888 code civil lorsque le débiteur diminue par son fait les sûretés du créancier

Une clause de déchéance du terme figurant dans le contrat : survenance de tel événement entraînera immédiatement la déchéance du terme

Ces clauses sont paralysées en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement juridique art L 622-29 code de commerce.

Le terme permet de qualifier le contrat au regard de la distinction entre le CDI et CDD. S’il y a un terme, même incertain, le contrat est à durée déterminée. Ce qui veut dire qu’en pratique c’est un contrat qui ne pourra être résilié unilatéralement par une des parties avant la survenance de ce terme.

Section 2 : La condition art 1168 à art 11

Art 1168 : l’obligation est conditionnelle lorsqu’elle fait dépendre l’obligation d’un événement futur et incertain. On peut soit subordonner la naissance de l’obligation à la réalisation de la condition : il s’agit d’une condition suspensive, ou on peut résilier une obligation du fait de la survenance de la condition : condition résolutoire. Ex condition suspensive : achat d’un terrain sous condition suspensive d’obtention d’un permis de construire. Ex condition résolutoire : achat d’un terrain sous condition résolutoire de la non obtention d’un permis de construire. Il y a résolution du contrat en cas de non obtention du permis de construire.

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La différence entre les 2 : dans la 2nde hypothèse il y a transfert de propriété immédiatement et si la condition joue il y a 2ème transfert. Dans le cadre de la condition suspensive, le transfert de propriété est subordonné à la réalisation de la condition.

I. La notion de condition conditionnelle

Une modalité de l’obligation. L’obligation doit pouvoir exister sans cette modalité, de ce fait la condition ne peut pas porter sur un élément constitutif de l’obligation (ex : le consentement). La vente conclue sous condition que l’acquéreur confirme son consentement n’est pas une vente conditionnelle, il n y a ni vente ni obligation. L’obligation conditionnelle constitue un problème distinct de celui des conditions de validité de l’obligation.

Cette modalité de l’obligation dont la volonté des parties fait dépendre la formation ou la survie de l’obligation, doit présenter certains caractères :

A. Événement futur et incertain 

Il se peut que l’événement soit déjà arrivé mail qu’il ait été inconnu des parties au moment où elles contracté, dans le cas l’obligation existe dès le jour de la survenance de cet événement. L’événement doit être incertain dans son existence même. Cour de Cassation 13 avril 1999 : engagement pris par une société immobilière de supporter certaines charges relatives à des cinémas au lieu et place du distributeur tant que le nombre d’entrées annuelles de ces cinémas ne dépasse pas un certain chiffre. Sommes nous en présence d’un terme ou d’une condition ? Cour de Cassation a considérés qu’il s’agit d’une condition et non d’un terme: événement futur et incertain.

Autre affaire : comment on apprécie la certitude ? Ou bien on raisonne de manière objective ou de manière subjective (en tenant compte de la volonté des parties). Il importe peu que les parties aient considérés que la réalisation de l’événement était certaine, car il faut procéder à une appréciation objective. Cour de Cassation 20 mars 2007.

Dans que délai cet événement doit se produire ou ne pas se produire ? En général cela est stipulé dans la convention. Si aucun délai n’a été stipulé, l’obligation ne tombe pas sous le coup de la prohibition des engagements à titre perpétuel. Art 1176 civile : tant que la condition n’est pas réalisée le débiteur ne doit rien. S’il n’y a pas de délai fixé, ce sera au juge de trancher et fixer le délai, il doit se fonder sur ce que les parties ont vraisemblablement voulus, à moins qu’on soit certains que l’événement de se produire jamais.

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B. L’événement ne doit pas être potestatif 

Ex : je suis engagé si je le veux. Code civil a opéré plusieurs distinctions. Condition casuelle est celle qui dépend du hasard et ne dépend nullement ni du pouvoir du créancier ni de celui du débiteur. Art 1169 code civil. Ex : la météo. Condition potestative : dépend de la volonté de l’une des parties qui peut en provoquer ou en empêcher la réalisation : art 1170 code civil. Condition mixte : dépend à la fois de la volonté de l’une des parties et de celle d’un tiers (ex : obtention d’un prêt bancaire).

La doctrine a cherchée à restreindre le plus possible la prohibition des conditions potestatives de l’art 1174 code civil : toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige. La doctrine classique a donc distingué les obligations purement potestatives : celles qui ne dépendent que de la volonté du débiteur, des obligation simplement potestatives : celles qui dépendent d’un fait du débiteur qui lui est extérieur. La doctrine applique la prohibition que pour les conditions suspensives qui sont potestatives de la part du débiteur. Aujourd'hui, la plupart de ces solutions sont écartés par la doctrine et la jurisprudence. Art 1174 code civil est un instrument de protection des parties contre l’arbitraire du cocontractant. Il n’y a pas de distinction a établir entre les contrats synallagmatiques et unilatéraux, pas de distinction entre condition suspensive et résolutoire, il faudra appliquer la prohibition chaque fois que la condition stipulée permet à un débiteur de se dégager arbitrairement de ses obligations sans que cela nuise à ses propres intérêts et sans contrôle possible de la part du créancier. Fondement : l’absence d’engagement sérieux.

Ex : Cour de Cassation 9 décembre 1980 N 79-11550.

C. L’événement ne doit pas être immoral ou illicite

II. Les effets de la condition conditionnelle

Manque 2h

Solidarité

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Les effets secondaires : Tout acte qui interrompt la prescription à l’égard d’un coobligé,

l’interromps à l’égard des autres. La mise en demeure adressée à l’un des coobligés transfère les

risques à l’égard des autres coobligés. Art 1205 code civil. La demande d’intérêts moratoires faite à l’encontre de l’un des

débiteurs, fait courir ces intérêts à l’égard de tous les codébiteurs. L’autorité de chose jugée à l’égard de l’un des codébiteurs s’impose

aux autres si un seul a été assigné.

Volonté de faciliter l’action du créancier. Cela ne joue pas en matière de présomption de solidarité en matière commerciale.

b.Rapport entre les débiteurs solidaires

Art 1213 code civil : l’obligation contractée solidairement se subdivise de plein droit entre les débiteurs qui n’en sont tenus entre eux, chacun que pour sa part et potion.

On applique le système de parts viriles avec l’exception de l’art 1216 code civil : le cas du codébiteur solidaire qui n’était pas intéressé à la dette et qui n’est intervenu qu’à titre de garant. Celui qui a payé alors qu’il n’était pas intéressé à la dette peut se retourner contre le débiteur intéressé qui est tenu pour le tout. Le débiteur non intéressé est dans la même situation q’une caution.

Celui qui a payé pour les autres dispose d’un recours conte les coobligés. 2 types de recours :

Action personnelle : mandat est son fondement. Solidarité conventionnelle et gestion d’affaires s’il s’agit d’une solidarité légale.

Action subrogatoire : subrogation légale. Celui qui a payé sera subrogé dans les droits du créancier qu’il a désintéressé.

Art 1213 et 1214 code civil : celui qui a payé pour les autres ne peut recourir contre chacun des codébiteurs que pour la part contributive de celui-ci. S’il y a insolvabilité de l’un des codébiteurs, art 1214 al 2 code civil : la perte se repartit entre les autres codébiteurs solidaires et celui qui a fait le paiement.

B.L’obligation in solidum

But : éviter les inconvénients qui résultent de la règle selon laquelle la solidarité ne se présume pas. Les cas de solidarité légale sont limitatifs.

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C’est gênant en matière de responsabilité civile. Tous les coauteurs d’un même dommage sont tenus solidairement d’indemniser la victime. Chacun des coauteurs est tenu à réparation intégrale. En matière d’obligation alimentaire : le père et la mère sont tenus solidairement pour le tout en ce qui concerne l’obligation d’entretenir leurs enfants, mais dans leurs rapports il y aura lieu à répartition proportionnelle à leurs ressources.

L’obligation infraction solidum a pour effet de permettre au créancier de réclamer l’intégralité de la dette à l’un de codébiteurs infraction solidum. Les mêmes effets principaux que l’obligation solidaire, pour ce qui concerne les effets secondaires, ils ne s’appliquent pas dans cette hypothèse. Recours entre les coobligés : même système que dans le cadre d’une obligation solidaire.

c. L’obligation indivisible

Art 1217 à 1225 code civil : l’obligation indivisible n’est pas susceptible de division, doit être exécuté pour le tout en une seule fois. Cette notion doit être distingué de l’indivisibilité des obligations nées dans un même contrat, et des obligations nées de plusieurs contrats. Question de l’incidence de la nullité ou de l’inexécution de l’une des obligations sur les autres. Incidence de la disparition de l’un des contrats sur les autres.

L’indivisibilité entre les obligations issues d’un même contrat : l’incidence de la nullité de l’une des obligations sur l’autre.

Art 1217 à 1225 code civil : indivisibilité de l’obligation unique. L’indivisibilité ne présence aucun intérêt lorsqu’on est en présence d’un créancier et d’un débiteur. Car le créancier est toujours en droit de refuser un paiement partiel. Il y a un intérêt où il y a plusieurs créanciers ou débiteurs. L’indivisibilité empêche alors le fractionnement de la dette. Ex : décès d’un des sujets de l’obligation. La créance ou la dette même solidaire, se divise de plein droit entre les héritiers. `

Les sources de l’indivisibilité Indivisibilité objective ou matérielle : l’objet même de l’obligation

n’est pas susceptible de division. Ex : vente d’un bête vivante. Ne peut pas jouer pour ce qui concerne les sommes d’argent. Peut concerner les obligations de faire, les obligation de ne pas faire. Ces hypothèses son assez rares.

Indivisibilité conventionnelle : les parties vont rendre indivisible une obligation qui naturellement ou objectivement est divisible. Ex : obligation en somme d’argent. Si l’indivisibilité est stipulée, c’est dans un but de garantie de créancier. Seul le créancier peut y renoncer. En général, l’indivisibilité est stipulée en même temps que a solidarité : la solidarité stipulée n’emporte pas l’indivisibilité.

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Les effets de l’indivisibilité : Indivisibilité stipulée isolément : elle produit les effets principaux de

la solidarité, mais pas ses effets secondaires. Chacun des débiteurs d’une obligation indivisible est tenu pour le tout. Il en va de même pour les héritiers du ou des créanciers d’une obligation indivisible, ainsi que pour les héritiers du ou des débiteurs. Pour les créanciers d’une obligation indivisible on retrouve les mêmes effets que pour la solidarité active, pour les débiteurs on retrouve les effets principaux de la solidarité passive. Celui qui a payé pour les autres, a un recours contre les autres.

Partie 2 : La circulation des obligations

Si une obligation n’est considérée que comme un lien entre 2 personnes, elle ne peut pas être transmise. Toute l’évolution postérieure s’est faite dans le sens de la patrimonialisation de l’obligation. L’obligation pourra alors circuler : être transféré à un tiers. Ex : intention libérale, en paiement d’une obligation, en garantie d’exécution d’une autre obligation. Les parties disposent de techniques neutres (payer, donner ou garantir) car ces instruments permettent de réaliser l’une ou l’autre des obligations en fonctions des objectifs poursuivis.

Distinction à faire : dans une première série de cas, c’est l’obligation préexistante qui est transférée telle qu’elle est sans qu’il y ait création d’une obligation nouvelle (ex : cession du bail). Dans une seconde série de cas, une obligation nouvelle, mais identique, va lier l’initiateur du transfert avec le bénéficiaire de celui-ci (ex : conclusion d’un nouveau bail avec le nouveau locataire, mais aux mêmes conditions).

Chapitre 1 : La circulation par voie de transmission de l’obligation originelle

Section 1 : Les cessions de créances

1689 et le suivant du code civil : le mécanisme prévu est trop lourd et inadapté.

Sous-section 1 : La cession de créance des art 1689 et le suivant code civil

Cession de créance : convention par laquelle un créancier (le cédant A) transmet à son cocontractant (le cessionnaire B) sa créance préexistante sur une 3ème personne (le débiteur cédé C). But de cession de créance ex : vente. Raison de vente d’une créance : besoin immédiat de trésorerie.

On peut aussi procéder à une donation de créance. On peut réaliser un paiement par la remise de la créance.

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La créance peut remplir une fonction de garantie. La cession est faite sans prix ni intention libérale, mais, dans le seul but de garantir le paiement de la créance : c’est une cession fiduciaire. Peut-on procéder à des cessions fiduciaires en dehors des cas prévus par la loi ? Cour de Cassation 19 décembre 2006 : « en dehors des cas prévus par la loi, l’acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier à tire de garantie tous ses droits sur des créances constitue un nantissement (gage sur créance) de créance ». En dehors des cas prévus par la loi, on ne peut pas procéder à une cession fiduciaire. Cette décision intervient avant la loi sur la fiducie.

§ 1. Les conditions

A. Conditions de fond

La cession de créance résulte d’un accord antre A et B. art 1108 code civil. Il y a un lien personnel au niveau de la créance qui doit être cédée. Il faut un accord entre A et B, le consentement de C est indifférent. La personne du créancier est peu importante. Pour le débiteur cédé le changement consiste en changement de la personne de créancier.

Quelles sont les créances qui peuvent cédés ? Toutes les créances peuvent êtres cédés. Cour de Cassation 20 mars 2001 : les créances futures ou éventuelles peuvent faire l’objet d’un contrat sous réserve de leur suffisante indentification. Ce principe comporte des exceptions : créances déclarées comme insaisissables par la loi (créances alimentaires) ; créances déclarées incessibles dans le contrat.

La convention de cession doit satisfaire aux conditions de fond de l’opération qui doit être réalisée.

B. Conditions de forme

Il faut appliquer les conditions de forme prévues pour l’opération que la cession de créance doit permettre de réaliser (ex : donation, vente…).

§ 2. La publicité

Art 1690 code civil : le créancier n’est saisi à l’égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Al 2 : l’acceptation du transport par le débiteur par acte authentique équivaut à cette signification.

A. Le fondement

Le contrat de cession art 1165 code civil n’intéresse que le cèdent et le cessionnaire, il ne peut profiter ou nuire aux tiers (y/c au débiteur cédé).

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Pour que la cession puisse produire les effets à l’égard de C il faut lier le débiteur cédé au cessionnaire, ou du moins lui rendre opposable ladite cession. Il faut recueillir le consentement du débiteur cédé, s’il consent pas de problème.

On peut aussi procéder à la saisine : l’accomplissement d’une formalité qui va investir le cessionnaire du droit qu’avait le cédant à l’égard du cédé. Art 1690 code civil : le débiteur n’est saisi… C’est l’accomplissement de a formalité qui va établir le lien de droit entre B et C. cette saisine devient inutile si on considère que la convention de cession a pour effet de transférer automatiquement la propriété de la créance du cédant au cessionnaire. Le transfert de propriété est opposable erga omnes donc au débiteur cédé. La cession doit être considéré comme inopposable au débiteur cédé car celui ci peut toujours valablement se libérer entre les mains du cédant tant qu’il n’a pas été informé de la cession.

Art 1690 a pour rôle de permettre l’information du débiteur cédé et l’information des tiers qui s’adresseraient au débiteur cédé pour faire valoir leur droit sur la créance.

B. Les formalités de publicité

Signification par voie d’huissier. Acceptation du transport par le débiteur par acte authentique. L’acceptation ne signifie par que le débiteur cédé a donné son consentement à la cession. C’est un simple visa attestant de ce que le débiteur a été alerté de la cession ? L’intérêt est d’économiser les frais de signification.

Cette formalité est lourde. La jurisprudence admet des atténuations : Pour la signification elle-même : il n’est pas nécessaire de signifier

l’acte de cession de créance lui-même. Il peut s’agit d’une assignation ou un acte de procédure si celle li contient des éléments nécessaires à une parfaite information du débiteur cédé pour ce qui concerne le transfert.

Pour l’acceptation, la jurisprudence admet des équivalents, mais seulement dans les rapports avec le débiteur cédé. Ex : lorsque le débiteur cédé a accepté par acte sous seing privé. Débiteur qui a su et accepté la créance de façon certaine et non équivoque ne peut s’en prévaloir du défaut des formalités. La simple connaissance de la cession par le débiteur cédé est insuffisante à lui rendre opposable la cession, sauf si le débiteur cédé s’est rendu complice d’une fraude au droit du cessionnaire.

C. Le domaine

La formalité a vocation à s’appliquer à toute cession de créance, sauf texte contraire ou utilisation d’un mécanisme dérogatoire.

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Pas exigible dans l’hypothèse de cession de créance résultant de la cession et de la transmission d’une universalité de droit. Ex : opération de fusion absorption entre 2 sociétés. Tout le patrimoine de la société absorbée passe dans le patrimoine de la société absorbante. Dans ce patrimoine, il peut y avoir des créances, on exclu l’application de l’art 1690 si la cession de création résulte d’une transmission universelle de patrimoine.

Si les droits de créances font partie de l’universalité de fait, art 1690 devra être respecté.

§ 3. Les effets

A. Les effets entre les parties

a. L’effet translatif

Il y a un changement de créancier. Le rapport d’obligation reste le même. Le créancier A cède sa position de créancier à B. la propriété de la créance est transmise au cessionnaire. Le cessionnaire pourra exiger le paiement du montant nominal de la créance alors même qu’il l’aurait acquis à un prix moindre. Exception art 1699 le retrait litigieux. Pour qu’il joue, il faut qu’il y ait eu une cession de droits litigieux (litige entre le créancier et le débiteur). Dans ce cas, le débiteur cédé peut faire cesser les poursuites exercées par le cessionnaire en remboursant au cessionnaire le prix d’acquisition augmenté des frais exposés.

Il doit exister au jour de la cession une contestation portant sur le fond, l’existence ou la validité de la créance. Le retrait litigieux est une expropriation du propriétaire de la créance. Conséquence : le retrait ne peut être exercé que par le défendeur à l’instance qui conteste le droit litigieux.

L’effet translatif joue également pour les accessoires de la créance. Les sûretés attachées au service de la créance constituent des accessoires : toutes les prérogatives conférées au créancier qui sont au service de la créance.

Clauses relatives au traitement des litiges Actions en justices qui étaient attachées à cette créance

Cour de Cassation 10 janvier 2006 et 19 juin 2007. Affaire : inscription de 2 hypothèques pour garantir cette créance, par faute du notaire, l’inscription n’a pas eu lieu, la banque a mené une action en responsabilité contre le notaire, au cours de l’action, la banque a cédé la créance à un tiers. La Cour de Cassation a considéré que l’action en responsabilité est un accessoire de la créance, seul de cessionnaire peut agir. La banque, suite à la cession de la créance, n’avait plus qualité à agir contre le notaire.

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Cour de Cassation 5 février 2008 N 06-17029.

b. Les garanties particulières en cas de cession à titre onéreux

Est traité comme une vente dans le code civil : art 1693 à 1695 code civil. Art 1693 : le cédant garantie qu’au moment de la cession il est bien créancier du cédé. Il garantit que la créance est valable et s’étend aux accessoires de la créance (hypothèque). Cette garantie ne joue plus si l’anéantissement est la conséquence d’événements survenus postérieurement à la cession. Ex : la solvabilité du débiteur cédé.

Il est possible de déroger à ces règles : il peut y avoir une exclusion de toute garantie de la part du cédant, le cessionnaire acquiert la créance à ses risques.

Il peut y avoir un élargissement de la garantie : le cédant peut garantir la solvabilité présente (au moment de la cession), solvabilité future du débiteur cédé (il faut que cela soit expressément stipulé). En cas d’extension de la garantie : la garantie ne va jouer qu’à concurrence du prix qui a été payé par le cessionnaire.

B. Les effets à l’égard des tiers

La cession ne produit d’effet à l’égard des tiers qui si il y a eu signification ou acceptation dans un acte authentique. Un tiers (art 1690 code civil), Cour de Cassation 4 décembre 1985 : ne sont tiers que ceux qui n’ont pas étés parties à l’acte de cession et qui ont intérêt à ce que le cédant soit encore créancier.

La formule exclut les tiers absolus (aucun lien de droit avec les parties), les créanciers chirographaires du cédant et du cessionnaire (subissent de plein droit les fluctuations de patrimoine qui faut l’objet de leur droit de gage général), les ayants cause universels du cédant (qui sont les continuateurs de la personne du cédant).

Il reste le débiteur cédé : il n’a pas été parti et peut avoir intérêt à ce que le cédant soit encore le créancier, surtout s’il peut jouer la compensation. Il y a les éventuels cessionnaires de la même créance : qui ont tout intérêt à ce que le cédant soit encore le créancier. Il y a les créanciers du cédant : s’ils ont pratiqué une saisie, ont un droit particulier portant sur la créance.

Les créanciers saisissants du cédant et les autres créanciers de la créance sont des ayants cause à titre particulier du cédant : ils ont acquis du chef de l’une des parties un droit sur l’objet du contrat.

1. Les effets à l’égard du débiteur cédé

La cession n’a d’effet à l’égard du débiteur cédé qu’à compter de la signification de la cession ou de son acceptation par acte authentique : art

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1690 code civil. L’accomplissement des formalités va rendre la cession opposable au débiteur cédé, il ne peut plus méconnaître la cession qui est intervenue, mais il peut opposer au cessionnaire les exceptions qu’il aurait pu faire valoir à l’encontre du cédant.

a. L’opposabilité de la cession

Avant la signification : la cession est inopposable au débiteur cédé qui ne peut pas refuser le paiement au cédant. La jurisprudence admet que le paiement volontaire entre les mains du cessionnaire est valable. En payant le débiteur cédé a accepté tacitement la cession. La jurisprudence admet également que le cessionnaire puisse valablement poursuivre le débiteur cédé à condition que le paiement exigé ne fasse grief à aucun droit advenu depuis la naissance de la créance soit au débiteur cédé, soit à une autre personne demeurée étrangère à la cession. Cour de Cassation 26 février 1985. Le cessionnaire peut poursuivre le débiteur cédé. Explication : l’assignation vaut elle-même signification car elle est délivrée par un officie ministériel.

Après signification : seul le cessionnaire peut poursuivre le débiteur cédé. Si le débiteur cédé paye le cédant il s’expose à payer 2 fois.

b. L’opposabilité des exceptions

La créance est transmise avec toutes ses vertus et ses vices. Le débiteur cédé pourra opposer au cessionnaire tous les moyens de défense qu’il aurait pu opposer au cédant. Ex : la nullité de la créance, la prescription de la créance, une exception d’inexécution. Il y a une seule condition : les exceptions doivent êtres nés avant que la cession ne soit opposable au débiteur cédé. Parmi ces exceptions, la compensation joue le plus souvent. Art 1295 et suivant code civil. si le débiteur cédé a accepté purement et simplement (par acte authentique) sans se réserver la possibilité d’invoquer la compensation il ne peut plus opposer au cessionnaire la compensation légale qu’il aurait pu opposer au cédant. S’il y a une simple signification : le débiteur cédé conserve la possibilité d’invoquer la compensation légale qui serait intervenue après la cession, mais avant la signification. Si la compensation est postérieure à la signification celle-ci ne pourra pas opérer valablement, elle sera inopposable au cessionnaire. La jurisprudence a apportée des correctifs à ces règles s’il s’agit de créances connexes : la compensation joue même si elle intervient après la signification.

2. Les effets à l’égard d’un autre cessionnaire de la même créance

Ex : A cède la même créance à B et à C. on peut raisonner à partir des dates de cession : le premier cessionnaire dans le temps triomphe. On raisonne à partir de la date d’accomplissement des formalités : celui qui les a accomplis e premier triomphe. Art 1690 code civil écarte le principe chronologique : impose les dates d’accomplissement des

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formalités. Exception : coalition fraudeuse entre le cédant et l’un des cessionnaire.

3. Les effets à l’égard des créanciers du cédant

La cession est opposable au créancier chirographaire. Le créancier peut pratique une saisie pour améliorer sa situation.

a. Les effets à l’égard du créancier saisissant du cédant

Pour saisir une créancier, voie normale : la saisine attribution loi 9 juillet 1991 art 43 de la loi : a un effet d’attribution immédiate au profit du créancier. Dès que la saisie est opérée : transfert du patrimoine de la créance de la saisie (le cédant) vers le saisissant. Hypothèse : la saisie attribution est antérieure à la signification ou formalités : la saisie est opposable au cessionnaire qui ne pourra percevoir que l’éventuel reliquat. Hypothèse : la saisie est postérieure aux formalités : la cession de créancier est pleinement opposable au créancier saisissant, la saisie est inefficace car elle porte sur une créance indisponible puisque sortie du patrimoine du cédant.

Saisie conservatoire : entraîne un effet de blocage. Les mêmes solutions que pour la saisie attribution.

b. Les effets à l’égard du créancier gagiste du cédant

Conflit entre créancier gagiste et cessionnaire. Le créancier gagiste est celui qui a un gage sur la créance. Pour qu’il y ait un conflit avec le cessionnaire, il faut que le cédant ait consenti un droit de gage sur la créance faisant l’objet de la cession. Le conflit se résout selon les mêmes principes qu’en cas de conflit entre deux cessionnaires d’une même créance. Cette solution est possible car l’art 2075 code civil relatif au gage soumet les gages sur créance aux mêmes formalités que celles prévues par l’art 1690 code civil. C’est donc celui qui a signifié en premier qui est préféré : Si la cession est signifiée en premier, le gage est inopposable au cessionnaire ; Si le gage a été signifié antérieurement, la cession porte sur une créance gagée et le gage est opposable au cessionnaire qui ne pourra toucher que l’éventuel surplus par rapport au montant gagé.Les modes simplifiés de cession de créance

Justification des modes simplifiés. La cession de créance au sens du Code civil présente trois inconvénients majeurs : la lourdeur des formalités (qui nécessitent le passage systématique par un huissier), l’opposabilité des exceptions, et l’absence de garantie de la part du cédant sauf stipulation expresse. La cession de créance du droit civil est donc fondamentalement inadaptée aux besoins de la vie financière.

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Techniques simplifiées. Des techniques plus adaptées ont été mises en place, qui imposent un formalisme plus simple mais érigé en condition de validité, et des effets plus énergiques. Deux solutions existent : les titres négociables et le bordereau de cession de créances professionnelles ou cession-Dailly.

Titres négociables

Les titres négociables ou créances négociables connaissent trois formes différentes.

Titres au porteur

Ces titres se transmettaient à l’origine par tradition, c'est-à-dire de la main à la main ; l’exemple type était constitué par les actions au porteur. La transmission par tradition se justifiait par l’idée que la créance était incorporée dans le titre. Ces titres existent encore aujourd’hui, mais pas pour les valeurs mobilières (titres émis par les sociétés : actions, obligations etc…). Nominalement, la catégorie des titres au porteur existe toujours ; mais les actions au porteur n’ont plus que le nom, puisqu’elles se transmettent par virement de compte à compte, effectué en conséquence d’un ordre de mouvement. Les valeurs mobilières au porteur se caractérisent aujourd’hui par le fait que le compte sur lequel est inscrite l’action est tenu par un intermédiaire agréé qui n’est jamais la personne morale émettrice ; cela distingue les titres au porteur des titres nominatifs.

Titres nominatifs

Les titres nominatifs (eg actions nominatives) se transmettent également par virement de compte à compte, à la suite d’un ordre de mouvement, la grande différence avec les titres au porteur résidant dans le fait que le compte est tenu par la personne morale émettrice (qui peut donc savoir à tout moment qui est propriétaire de la valeur mobilière).

Titres à ordre

Il s’agit des titres qui contiennent une clause à ordre ; le débiteur, à partir du moment où il a signé le titre, s’engage à payer la personne désignée dans la clause à ordre ou toute personne que celui-ci désignerait. Ce titre à ordre se transfère par endossement, qui est la mention (généralement au dos du titre) de la personne à laquelle le titre est transmis (l’endossataire, ou bénéficiaire de l’engagement) suivi de la signataire de l’endosseur.

Caractéristiques. Les titres à ordres ont trois caractéristiques principales : l’extrême simplicité de la transmission, l’inopposabilité des exceptions (le débiteur ne peut pas faire valoir à l’encontre de l’endossataire les moyens qu’il aurait pu faire valoir contre l’endosseur), et le fait que tous les signataires sont solidairement responsables à l’égard du porteur. Ce

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système peut permettre de combler facilement des besoins de trésoreries, en cédant une créance sur un client.

Applications. Sauf texte législatif contraire, ces mécanismes peuvent être utilisés en droit civil.Exemples. Ainsi, les polices d’assurance sur la vie ne peuvent être au porteur, mais peuvent être rendues transmissibles par le biais d’une clause à ordre. De même, les copies exécutoires de créances hypothécaires (titre permettant d’exécuter sans passer par une décision de justice) peuvent être à ordre sous certaines conditions.

Bordereau de cession de créance professionnelle

A côté des titres négociables, il existe un autre mécanisme : le bordereau de cession de créance professionnelle, ou cession-Dailly. Cette cession est régie par les a L313-23s cmf. Le but poursuivi par cette technique est de permettre aux professionnels de mobiliser leurs postes clientèles.

Fonctionnement et modalités

Le professionnel qui a un certain nombre de créances payables à terme (30, 60 ou 90 jours) et a des besoins de trésorerie peut, pour faire face à ces besoins, céder les créances à un banquier qui avance la somme (moins sa commission) immédiatement. Cette cession de créance est réservée aux créances professionnelles et aux établissements de crédit. La cession peut être faite à titre d’escompte (l’escompte étant l’achat par la banque de la créance) ou à titre de garantie (eg cession en garantie d’un découvert).

Formalisme

Le formalisme est simplifié mais rigoureux. Il est simplifié, puisqu’il n’y a pas de signification, la cession de créance résultant d’un bordereau qui récapitule les créances cédées et sur lequel doivent impérativement figurer certaines mentions (eg le fait qu’il s’agit d’une cession de créance à titre professionnel). Il est plus rigoureux, car si les mentions obligatoires manquent, la cession n’est pas valable.

Opposabilité

La cession sera opposable aux tiers à compter de la date figurant sur le bordereau, apposée par l’établissement de crédit. En revanche, cette cession n’est pas opposable au débiteur cédé : le débiteur va donc pouvoir valablement se libérer entre les mains du cédant. Cela n’a rien d’anormal, car le cédant reçoit les fonds au titre d’un mandat tacite de recouvrement au profit de l’établissement de crédit. Cela signifie que le professionnel reçoit l’argent en tant que mandataire de la banque, à laquelle il doit ensuite rétrocéder les fonds.

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L’établissement de crédit peut vouloir sécuriser la créance acquise, en notifiant la cession de créance au débiteur cédé, par tous moyens. Cette notification remet en cause le mandat de recouvrement : elle vaut interdiction pour le cédé de payer en d’autres mains que celles de l’établissement de crédit.

Solidarité

Enfin, le cédant reste garant solidaire du paiement par le débiteur cédé.

Section 2 : La cession de dette

I. Notion

L’opération envisagée ici est l’opération symétrique mais inverse de la cession de créance : un débiteur A (le cédant) va transmettre sa dette envers un créancier B (le créancier cédé) à C (le cessionnaire), par accord entre A et C. On exclura ici tout transfert de dette accessoire à un bien (eg la servitude attachée à un terrain), ainsi que les cessions de dettes résultant de la cession d’un contrat synallagmatique (cf infra, Section 3).

1. Doctrine minoritaire

Pour une minorité de la doctrine, la cession de dette n’existe pas.Selon certains auteurs, la cession de dette ainsi conçue est une opération radicalement impossible, parce que les dettes ne constituent pas un élément du patrimoine dans la mesure où elles ne constituent pas un bien. L’objection que l’on peut formuler à cette doctrine minoritaire est que son argumentation est fondée sur une conception dépassée du patrimoine, puisqu’en réalité celui-ci comporte un actif et un passif (dont font partie les dettes).

Pour d’autres auteurs, l’impossibilité résulterait de ce qu’en cas de cession de dette, l’obligation de celui qui accepte de payer à la place du débiteur initial a nécessairement une autre cause, et à partir de là constitue une obligation nouvelle. Il n’y aurait donc pas de transmission de la dette telle quelle, mais création d’une nouvelle obligation, différente. L’argument n’est pas véritablement décisif, puisqu’on peut imaginer des hypothèses où il n’y a pas de changement de cause (eg reprise de prêt : une personne contracte un prêt pour acheter une maison, et avant le remboursement du prêt, vend la maison à un acquéreur qui reprend, outre la maison, le reste du prêt).

A l’encontre de tous ces auteurs, on peut objecter que leurs positions ne correspondent pas à la réalité économique : la cession de contrat est une opération reconnue et pratiquée qui emporte nécessairement cession de dette.

2. Doctrine majoritaire.

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Pour la majorité de la doctrine, l’opération est possible, mais elle nécessite toujours l’accord du créancier. L’intervention obligatoire du créancier se justifie par le fait que dans la cession de dette, la dimension de lien obligatoire entre deux personnes reste prépondérante car pour le créancier la considération de la personne du débiteur reste fondamentale (notamment en raison de la solvabilité de celui-ci).

II. Utilisation de techniques de substitution

Le Code civil est muet sur cette question, au contraire de codes étrangers (eg le code suisse des obligations ; code civil italien ; ces codes exigent toujours l’accord du créancier). L’absence de réglementation explique que la réalisation d’une cession de dette nécessite d’emprunter des techniques de substitution.

1. Variété des techniques.

Diverses techniques sont envisagées pour réaliser une cession de dette.

a. Reprises interne de dette. La technique dite de la reprise interne de dette est l’engagement pris par un tiers envers le débiteur de payer sa dette à l’égard du créancier. C’est possible sans l’accord du créancier s’il s’agit d’une obligation qui n’est pas contractée intuitu personæ ; mais cet accord ne lien en rien le créancier, qui peut donc exiger le paiement du débiteur.

b. Indication de paiementDans le procédé dit de l’indication de paiement (art 1277, al 2 code civil), le débiteur avise le créancier qu’une autre personne paiera à sa place. Cette indication de paiement ne libère pas le débiteur et ne crée pas de droit au profit du créancier à l’encontre du tiers.

c. Reprise cumulative de dette

La technique de la reprise cumulative de dette prévoit l’acceptation par le créancier du nouveau débiteur, lequel sera tenu à son encontre, mais le débiteur primitif reste garant.

d. Stipulation pour autrui

Lorsqu’à l’occasion d’une convention quelconque le stipulant (ie le débiteur initial) obtient du promettant (ie le nouveau débiteur) l’engagement de payer sa dette à l’égard du tiers bénéficiaire (ie le créancier). Si le mécanisme de la stipulation pour autrui est utilisé, l’obligation du promettant à l’égard du tiers bénéficiaire constitue une obligation nouvelle par rapport à la dette originaire.

e. Délégation, novation.

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Une cession de dette peut encore être réalisée par le biais de la délégation simple ou imparfaite, de la délégation parfaite, ou de la novation par changement de débiteur (cf infra). Dans tous ces cas, il y aura création d’une obligation nouvelle par rapport à la dette originaire.

2. Caractéristiques communes.

Dans tous ces substituts, ou bien il n’y a pas d’accord du créancier, et donc aucun effet juridique à son égard, ouou bien il y a accord du créancier, mais alors il y a absence d’effet translatif car soit le premier débiteur reste garant, soit il y a création d’une obligation nouvelle.

3. Véritable cession de dette.

Si l’on veut réaliser une cession de dette, il faut donc nécessairement l’accord du créancier ; mais sur le fondement de la simple liberté contractuelle il est tout à fait possible d’organiser une cession parfaite – sans avoir recours à ces substituts – résultant de l’accord des trois protagonistes. Par cette opération, il pourra alors y avoir transfert de la dette même du cédant au cessionnaire avec tous ses accessoires, moyennant la libération du cédant. Il s’agit là de la véritable cession de dette.

Section 1 La cession de contrat

Notion

La cession de contrat est l’opération par laquelle une personne (le cédant) cède sa position de contractant à une autre personne (le cessionnaire), de telle sorte que cette dernière devienne partie au contrat à sa place.

Cette opération ne comporte de véritable spécificité que si le contrat cédé est un contrat synallagmatique. En effet, s’il s’agit d’un contrat unilatéral (eg contrat de prêt) la cession se ramène à une cession de créance si l’on se place du côté du créancier (eg le prêteur) ou à une cession de dette si l’on se place du côté du débiteur (eg l’emprunteur).

Existence dans la pratique.

Contrairement à la cession de créance ou à la cession de dette, la cession de contrat est une opération très pratiquée et d’une importance économique considérable. Eg le commerçant qui arrête son activité et cède son carnet de commande ; cession de contrat de fourniture et d’approvisionnement ; cession de bail ; transmission des contrats de travail en cas de cession d’entreprise (a L122-12 ct) ; cession d’un contrat de séjour ou de voyage conclu avec une agence de voyage.

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Absence de réglementation générale.

Il n’y a aucune réglementation générale de la cession de contrat dans le Code civil, mais de très nombreux statuts législatifs spéciaux existent (eg a L122-12 ct ; a 1743 cc qui impose la continuation des baux en cas de vente d’une chose louée ; a L121-10 cass qui prévoit le principe de la transmission du contrat d’assurance avec la chose assurée).

C. Position de la doctrine.

Ce type de cession existe, alors qu’en doctrine son existence même est discutée (depuis 1985). Schématiquement, trois conceptions s’opposent. Le choix de l’une ou l’autre conception a des conséquences quant aux effets de la cession.

Conception analytique.

La conception qui est historiquement la plus ancienne est la conception dite analytique, qui consiste à décomposer l’opération en une double cession de créance et de dette. Cela signifie donc que la cession de contrat n’est possible que si l’on admet la cession de dette ; la cession de contrat devra alors remplir à la fois les conditions de la cession de créance et de dette.

Conception unitaire.

La conception unitaire, incarnée par Philippe MALAURIE et Laurent AYNÈS, s’oppose à la conception analytique. Selon cette conception, la dette serait indissociable de la créance ; l’opération aurait donc un caractère unitaire. Il y a donc cession de la qualité de contractant, et l’accord du cédé n’est pas en principe nécessaire.

Cette conception a pour objectif de faire disparaître l’obstacle que constitue le consentement nécessaire du cédé ; elle aboutit à mettre l’accent sur l’aspect patrimonial du contrat, plutôt que sur son aspect de lien entre les parties. Mais cette conception ne permet pas de faire disparaître l’obstacle de l’effet relatif du contrat de cession de contrat, passé entre le cédant et le cessionnaire.

Conception « négationniste ».

La conception « négationniste » nie l’existence des cessions de contrat. L’idée avancée par MM. BILLIAU, JAMAIN, et GHESTIN est que le contrat n’est pas un bien mais un lien entre deux personnes. Dans cette conception, même s’il y a acceptation par le cédé, il ne s’agit pas d’une véritable cession de contrat car le cédé, en acceptant l’offre de changement de contractant, va former un nouveau contrat avec le cessionnaire. On peut objecter à cette conception que rien n’empêche que l’accord tripartite ait pour objet la continuation du premier contrat que l’on veut transférer.

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D. Emergence d’un régime jurisprudentiel.

Il y a aujourd’hui émergence d’un régime juridique en jurisprudence, mais ce régime n’est pas encore stabilisé. Ce régime concerne trois problèmes : celui des conditions (§1), de la publicité (§2) et des effets (§3), que nous envisagerons sans considération quelconque statut législatif spécial.

§ 1) Les conditions

E. Conditions du droit commun.

La cession résulte d’un accord de volontés entre le cédant et le cessionnaire, donc d’un contrat de cession. Ce contrat devra bien sûr répondre aux conditions de droit commun de validité des contrats.

F. Consentement du cédé.

Le véritable problème est de savoir s’il faut le consentement du cédé pour que la cession puisse produire ses pleins effets.

Clause autorisant ou interdisant la cession.

La question peut avoir été prévue et réglée dans le contrat faisant l’objet de la cession. Le contrat originaire peut en effet contenir une clause interdisant ou au contraire autorisant la cession, ou bien soumettant une éventuelle cession à l’agrément du cédé. Si une telle clause figure dans le contrat faisant l’objet de la cession, elle devra être respectée : s’il s’agit d’une clause d’interdiction, le contrat ne sera pas cessible.

Absence de clause.

La question est plus complexe lorsqu’il n’y a aucune stipulation de cet ordre dans le contrat à céder. Une réponse nette a été apportée en 1997, par deux arrêts de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass com, 06/05/1997, Dalloz 1997 p. 588 note BILLIAU et JAMAIN, Defrénois 1997 p. 977 note D. MAZEAUD, deux arrêts).

Dans ces arrêts, rendus sur le fondement a 1134 cc, la Cour de cassation juge que « n’a pas donné de base légale à sa décision la cour d'appel qui a condamné le contractant cédé à payer les factures émises par le cessionnaire sans rechercher si, dans le contrat conclu entre le cédant et le cédé ou ultérieurement, ce dernier avait donné son consentement à la substitution de contractant ».

Le consentement du cédé est donc nécessaire ; mais ce consentement peut intervenir de façon anticipée, dans le contrat originaire.

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§ 2) Les formalités

G. Formalités de l’a 1690 cc.

Par analogie avec la cession de créance, on peut se demander s’il faut respecter les formalités de l’a 1690 cc.

Acceptation non équivoque du cédé.

Si la cession a été acceptée par le cédé, au moment de la cession du contrat ou après, la Cour de cassation écarte le formalisme de l’a 1690 cc, à condition que l’acceptation soit dépourvue de tout équivoque. La solution se justifie pleinement, puisque dans l’hypothèse de la cession de contrat (et contrairement à la cession de créance) il n’y a pas le problème du conflit entre ayants cause à titre particulier ; et le cédé ayant accepté, il n’a pas besoin d’être informé.

Absence d’acceptation : information.

Si la cession n’a pas été acceptée mais est néanmoins valable (dans l’hypothèse où le contrat était librement cessible, aux termes d’une de ses clauses), le cédé doit être informé – il doit savoir à qui il doit payer et à qui il peut réclamer l’exécution des obligations. Dans cette hypothèse, la plupart des arrêts considèrent qu’il faut appliquer l’a 1690 cc, sauf bien sûr si un mode simplifié de signification a été stipulé dans le contrat faisant l’objet de la cession.

§ 3) Les effets

Sur ce point, la jurisprudence a beaucoup évolué et la matière n’est pas encore certainement fixée. Les effets concernent chacun des protagonistes.

H. Effets à l’égard du cessionnaire.

Le cessionnaire va être placé dans la même situation que le cédant, dont il prend la place. Cela signifie que le cessionnaire recueille les droits du cédant, et assume les obligations que celui-ci assumait auparavant ; mais ces effets ne vont se produire que pour l’avenir.

I. Effets à l’égard du cédant.

Le cédant reste tenu des obligations antérieures, et corrélativement bénéficie de tous les droits résultant antérieurement du contrat faisant l’objet de la cession. Pour les obligations postérieures à la cession à l’égard du cédé, il n’y a de jurisprudence qu’en matière de bail commercial – même si cette solution devrait s’appliquer dans toutes les hypothèses. On considère que le cédant est libéré pour l’avenir, sauf clause contraire (Cass

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3ème civ, 15/01/1992, JCP E 1993 I n. 234 note IZORCHE). Cette solution a été critiquée par certains auteurs, qui considèrent que pour qu’il y ait libération du cédant il faudrait à tout le moins qu’il y ait consentement du cédé pour cette libération.

J. Effets à l’égard du cédé.

Le cédé va pouvoir agir contre le cédant pour tout ce qui concerne les obligations contractées par le cédant antérieurement à la cession. Il peut également agir contre le cessionnaire pour la période postérieure à la cession. Il devrait également pouvoir opposer au cessionnaire les exceptions qu’il aurait pu faire valoir à l’égard du cédant – même si la jurisprudence n’a pas encore tranché cette question.

Section 2 La subrogation personnelle

Notion.

La subrogation personnelle est une transmission de créance qui s’effectue sur le fondement de son paiement. Eg X paie la dette de A à l’égard de B, et de ce fait, X est substitué dans les droits de B à l’égard de A.

Paiement.

Par définition, la subrogation personnelle suppose un paiement ; on parle de paiement avec subrogation.

Cette subrogation peut être examinée sous l’angle du paiement. Sous cet angle, la subrogation personnelle est originale puisqu’il n’y a pas d’effet extinctif du paiement ; l’obligation ne disparaît pas du fait du paiement, mais le payeur va exercer les droits du payé.

Le Code civil traite de la subrogation personnelle comme d’une modalité du paiement (a 1249 à 1252 cc). Mais aujourd’hui, la subrogation personnelle est avant tout, dans son utilisation quotidienne, un mode de transfert des créances.

Paiement par un tiers.

La subrogation personnelle suppose non seulement un paiement, mais que l’obligation soit exécutée par un tiers, et plus précisément par une autre personne que le débiteur définitif (ce n’est donc pas le cas de la caution).

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Effets.

Par application des règles relatives au paiement, celui qui paie la dette d’autrui a un recours contre ce dernier, sauf s’il avait une intention libérale. En droit commun, ce recours sera fondé sur la notion de mandat ou celle de gestion d’affaires selon les hypothèses. Ce recours est cependant en droit commun purement chirographaire ; c’est notamment cette lacune que la subrogation personnelle vise à combler.

En matière de subrogation personnelle, le solvens, en payant, acquiert la créance même du créancier désintéressé. Cela permet donc au solvens de bénéficier des garanties qui avaient pu être constituées au profit du créancier désintéressé.

La subrogation personnelle ne nuit pas au débiteur, qui va ainsi éviter les poursuites du créancier désintéressé. Elle a également pour effet d’inciter le créancier à intervenir, qui a tout intérêt à consentir la subrogation puisqu’il sera désintéressé.

§ 1) Les sources

L’a 1249 cc indique que la subrogation personnelle peut procéder soit d’une convention (A), soit de la loi (B).

A. Subrogation conventionnelle

Cette subrogation conventionnelle procède d’un accord entre le solvens ou subrogé, et celui qui est désintéressé ou subrogeant. Dans la plupart des cas, le subrogeant est le créancier – mais cela peut également être le débiteur.

1. Subrogation consentie par le créancier

Conditions.

Cette subrogation est aussi appelée subrogation ex parte creditoris. Elle suppose la réunion de quatre conditions. La subrogation suppose un accord entre le subrogeant et le

subrogé, donc un accord du subrogeant pour que le solvens puisse bénéficier de la subrogation.

La subrogation doit être expresse ; elle doit donc résulter sans équivoque de l’accord.

La subrogation doit intervenir en même temps que le paiement (a 1250, 1° cc) : ni avant, ni après.

La jurisprudence apporte un assouplissement à cette condition en considérant que la subrogation peut résulter d’un acte antérieur au paiement par lequel le subrogeant manifeste expressément sa volonté de subroger son cocontractant dans

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ses créances à l’instant même du paiement (Cass com, 29/01/1991, BC IV n. 48, RTD Civ. 1991 p. 531 obs. MESTRE).

En revanche, la jurisprudence ne tolère aucune subrogation consentie après le paiement. Du fait du paiement, la créance est en effet éteinte – il n’y a alors plus de subrogation possible.

Cela a des conséquences quant à la preuve : c’est au subrogé de rapporter la preuve de la subrogation. Généralement, la preuve est établie par une quittance subrogative qui n’est opposable aux tiers que si elle a date certaine. Mais le subrogé doit également rapporter la preuve de la concomitance du paiement et de la subrogation (cf eg Cass 2ème civ, 23/03/1999, RTD Civ. 2000 p. 330 obs. MESTRE).

Le paiement doit être effectué par le subrogé ou par son mandataire (a 1250, 1° cc). Cela signifie que si le débiteur paye le créancier avec des fonds prêtés par un tiers, ce tiers ne peut être subrogé dans les droits du créancier (sauf bien sûr si le tiers avait constitué le débiteur comme son mandataire). Cette condition est interprétée strictement, selon une jurisprudence ancienne (aujourd’hui critiquée).

Absence de formalités.

Ces conditions sont suffisantes : il n’est pas nécessaire d’accomplir des formalités analogues à celles prévues par l’a 1690 cc. Il n’y a donc pas besoin de notifier la subrogation au débiteur ; celle-ci lui est pleinement opposable. L’absence de formalité s’explique par le fait que les ayants cause du créancier n’ont pas à être protégés, puisque par définition le subrogeant est payé (or l’une des principales raisons de l’a 1690 est la protection des ayants cause à titre particulier du créancier cédant). En pratique toutefois, le débiteur est généralement informé, pour éviter que le débiteur de bonne foi ne paie entre les mains du subrogeant, ce qui aurait pour effet d’éteindre la dette, le débiteur s’étant valablement libéré. Du fait de l’absence de formalité, cette technique de transfert de créance est beaucoup plus souple et plus simple que la cession de créance de l’a 1690 cc.

Application : affacturage.

Cela explique son utilisation dans le cadre des opérations d’affacturage (factoring). L’affacturage est une technique de mobilisation des créances à court terme, mise en œuvre par des organismes de crédit spécialisés. Le fournisseur qui a besoin de fonds peut donc recourir à l’escompte, à la cession-Dailly, ou à un contrat d’affacturage. L’un des plus grands organismes d’affacturages (ou factors) est Eurofactor.

Le client du factor, aussi appelé l’adhérent, qui veut mobiliser ses créances va lui céder celles-ci. Le factor va payer le montant nominal de la créance, déduction faite de sa commission, et en même temps qu’il paye, se fait subroger dans les droits de l’adhérent par ce dernier à l’encontre du

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débiteur ; à l’échéance, le factor va recouvrer le montant nominal de sa créance sur le client débiteur de l’adhérent.

En théorie, le factor garantit la bonne fin de l’opération : il assume les risques d’impayé. En réalité, le contrat d’affacturage prévoit généralement une possibilité de recours du factor contre l’adhérent ; si tel n’est pas le cas, la prise de risque par le factor va évidement se monnayer.

2. Subrogation consentie par le débiteur

Notion

La subrogation ex parte debitoris, prévue par l’art 1250-2 cc, est consentie par le débiteur à un tiers qui lui a fourni des fonds pour se libérer.

Pour certains, cette possibilité a un caractère totalement exorbitant puisqu’elle signifierait que le débiteur va disposer de la créance de son créancier sans le consentement de ce dernier. Mais en fait, le recours à cette technique n’est possible qu’autant que le paiement anticipé l’est (c'est-à-dire si le terme est consenti en faveur du débiteur, cf supra).

Origine

Ce texte s’explique par l’histoire : à la fin des guerres de religion, en raison d’une baisse des taux d’intérêts, de nombreuses personnes voulaient emprunter au nouveau taux, plus bas, pour rembourser leur dette – ce que les créanciers ne souhaitaient évidemment pas. Depuis une dizaine d’années, les taux d’intérêts sont en baisse (eg en matière de crédit immobilier : en 1990, 10 à 12 % pour 15 ans ; aujourd’hui, 3,3% pour 10 ans), rendant ce texte d’actualité (cf sur ce point : MALAURIE, Baisse des taux d’intérêts…, Dalloz 1998, chron. p. 317 ; HUET, Un bienfait de l’histoire : l’a 1250-2 cc, Dalloz 1999 chron. p. 303).

Formalités

Les formalités de la subrogation consentie par le débiteur sont très strictes : L’acte d’emprunt et la quittance subrogative doivent être

établis par acte notarié ; etet L’acte d’emprunt doit déclarer que l’emprunt a été contracté pour payer

une dette ; et La quittance doit indiquer que le paiement a été effectué avec les fonds

fourni par le nouveau créancier.

Fraude

Les formalités ont pour but d’éviter la fraude. En effet on peut imaginer qu’un débiteur acquitte l’une des ses dettes avec son argent propre. La dette acquittée était accompagnée d’une sûreté qui, lors du paiement, n’a pas été radiée et qui, par conséquent, existe toujours. La fraude consisterait, pour le débiteur, à contracter une nouvelle dette en

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antidatant l’acte. Ceci ferait alors revivre au profit du prêteur la sûreté de premier rang. Ce mécanisme préjudicierait alors aux créanciers ayant une sûreté d’un rang inférieure.

B. La subrogation légale

Principe

Dans certaines situations, le législateur accorde la subrogation personnelle à certaine personne ; cette subrogation se produisant alors de plein droit. Si tel est le cas, il n’y a pas besoin de convention de subrogation. A l’origine la plupart des cas de subrogation légale se trouvaient dans l’art 1251 code civil mais il y a de nombreux autres textes qui instituent de telle subrogation. Règle de l’art 1251 code civil

L’a 1251 cc prévoit quatre cas, dont trois que l’on n’abordera pas car ils relèvent de situations particulières. Le cas étudié est de portée plus générale. Ainsi, l’a 1251, al 3 cc prévoit que « la subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui était tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette et avait donc intérêt à l’acquitter ». Ce texte a été prévu pour régler les problèmes des co-obligés ou des cautions. La caution bénéficie donc d’un recours contre le débiteur principal à partir du moment où elle a payé la somme.

Jurisprudence

Ce texte a été étendu par la jurisprudence à l’hypothèse d’un débiteur qui, bien que tenu d’une dette personnelle fondée sur une cause qui lui est propre, libère, en acquittant sa dette, un autre débiteur tenu à un titre différent. La jurisprudence tire de ce texte un principe très général qui permet d’assurer dans tous les cas le report automatique du poids de la dette sur celui qui en est le débiteur final.

Exemple

Une transaction conclue entre un créancier et un débiteur qui vient à être inexécutée par la faute de l’avocat du créancier. L’avocat a commis une faute professionnelle pour laquelle il est assuré. A ce titre l’assureur de l’avocat doit indemniser le créancier. En indemnisant le créancier, l’assureur libère le débiteur alors que c’est sur ce dernier que doit peser la charge définitive de la dette. Du fait du recours de l’assureur le débiteur ne doit alors plus rien. Dans une telle hypothèse la charge définitive de la dette doit peser sur le débiteur. Ainsi l’assureur va pouvoir invoquer la subrogation légale. La jurisprudence nous dit ainsi que « le débiteur (l’assureur) qui s’acquitte d’une dette qui lui ai personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation s’il a libéré par son paiement, envers leur créancier commun, celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette », cf Cass 1ère civ, 07/11/1995, BC I n. 397.

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Autres textes

D’autres textes traitent de la subrogation légale. Ils procèdent tous de la même idée : permettre à des organismes de garantie d’exercer des recours (eg fonds de garantie automobile, l’assureur ou la Sécurité sociale…). Ces textes permettent à l’organisme garant d’être subrogé dans les droits de la victime qu’ils ont indemnisé.

Exemple

En cas d’accident de circulation avec un autre véhicule non assuré, c’est le fonds de garantie automobile qui va intervenir pour dédommager la victime. Le fonds de garantie automobile va alors bénéficier d’une subrogation légale des droits de la victime à l’égard de celui qui a commis l’accident.

§ 2) Les effets

Principe

L’effet principal de la subrogation est la transmission de la créance au subrogé dans la mesure de ce qui a été payé par le subrogé au subrogeant. Cette transmission signifie que la créance initiale est transmise au subrogé, c’est donc toujours la même créance. La créance va donc conserver les caractères (eg civil ou commercial), sa date et les accessoires (eg sûretés, clause d’indexation ou d’intérêts, clause de compétence juridictionnelle…) qui y sont attachés.

La Cour de cassation élargit encore l’effet translatif en décidant que la subrogation confère la créance au subrogé « qui dispose de toutes les actions qui appartenaient au créancier et qui se rattachaient à cette créance immédiatement avant le paiement », cf Cass 1ère civ, 15/03/1983, BC I n. 96.

Limites

La subrogation ne s’opère que dans les limites du paiement : elle est à la mesure du paiement. La situation est différente selon que le créancier donne quittance au subrogé ou non.

Quittance complète

Il s’agit du cas normal où le créancier donne au subrogé une quittance complète : le subrogé est débiteur pour le tout vis-à-vis du créancier. Mais s’il ne paye à ce dernier qu’une partie de la dette, il ne peut réclamer au débiteur initial que ce qu’il a payé augmenté de l’intérêt légal1.

1 Cf Cass 1ère civ, 29/10/2002, BC I n. 257 : en l’espèce il s’agissait d’une caution qui avait payé une dette assortie d’intérêts conventionnels. Elle a réclamé le paiement de la dette et des intérêts conventionnels ; la Cour de cassation a affirmé que la caution ne pouvait demander que le paiement des intérêts au taux légal.

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Ceci s’explique par le fait que l’idée de spéculation est étrangère à la subrogation, qui n’est qu’une garantie donnée au solvens pour le remboursement de ses avances.

Pas de quittance

Il s’agit du cas où le créancier, qui a reçu paiement par le subrogé d’une partie de la dette, reste créancier, vis-à-vis du débiteur initial, du reste de la dette. Dans ce cas, il y aura concours entre deux créanciers du débiteur : le subrogeant et le subrogé.

Par dérogation au droit commun, l’art 1252 code civil prévoit que la subrogation ne peut pas nuire au subrogeant, et donc que pour ce qui lui reste dû, il peut exercer ses droits par préférence au subrogé, sauf renonciation de sa part. La jurisprudence limite toutefois l’application de cette règle aux cas de créance hypothécaire ou privilégiée.

Subrogé tenus avec d’autres

Lorsque le débiteur initial était tenu avec d’autres, le subrogé devra diviser son recours en tenant compte de la part qu’il doit payer lui-même.

Opposabilité des exceptions

La créance est transmise avec ses vices et vertus ; le nouveau débiteur pourra donc opposer au subrogé toutes les exceptions que l’ancien débiteur aurait pu invoquer pour se libérer à l’encontre du subrogeant. Il doit toutefois s’agir d’exceptions inhérentes à la dette (eg la prescription) ou antérieures à la subrogation (eg la compensation doit être antérieure).

Le débiteur pourra même opposer le paiement fait de bonne foi au subrogeant, par application des règles relatives au paiement. Ceci montre l’intérêt d’avertir le débiteur de la subrogation – car une fois averti il ne peut plus payer de bonne foi.

Créance inexistante

Lorsque la créance payée n’existait pas, se pose le problème du recours du subrogé à l’encontre du subrogeant. Dans le système du Code civil, la subrogation est avant tout un paiement, dont le transfert de droit n’est que l’accessoire. Le subrogé, s’il veut récupérer la somme qu’il a versé au subrogeant, devra placer son action sur le terrain de la répétition de l’indu.

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Chapitre 2 La circulation par voie de création d’obligation nouvelle

Section 1 La novation

Principe

La novation est régie par les art 1271 à 1281 code civil. La novation est la voie par laquelle les parties essayent de substituer une obligation nouvelle à une obligation préexistante, la nouvelle obligation ne naissant que pour remplacer l’ancienne. Du fait de ce remplacement, l’obligation préexistante sera éteinte. L’élément fondamental de la novation résulte donc de l’indivisibilité entre l’extinction de l’obligation ancienne et de la création de l’obligation nouvelle.

Application

Selon l’art 1271 code civil la novation s’opère de trois manières : Lorsque le débiteur contracte, envers son créancier, une nouvelle dette

qui est substituée à l’ancienne, laquelle est alors éteinte. Lorsqu’un nouveau débiteur est substitué à l’ancien qui est déchargé

par le créancier. Lorsque, par l’effet d’un nouvel engagement, un nouveau créancier est

substitué à l’ancien envers lequel le débiteur est déchargé.

§ 1) Conditions de la novation

La novation résulte d’un accord qui doit satisfaire aux conditions de droit commun des contrats. De plus, la novation implique la réunion de trois conditions : l’existence d’une obligation ancienne (A), la naissance d’une obligation nouvelle (B) et l’intention de nover (C).

A. Une obligation ancienne

Principe

L’existence d’une obligation ancienne est une évidence qui mérite d’être rappelé car la nouvelle obligation ne peut remplacer l’ancienne que si celle-ci existait. Cela signifie que l’obligation ancienne constitue la cause de l’obligation nouvelle. Dès lors, si l’obligation ancienne vient à être annulée, la nouvelle obligation sera dépourvue de cause et ne pourra donc pas produire d’effets.Exemple. Une personne s’était portée caution au profit d’une banque mais ne pouvait pas payer. Afin de régler le problème, elle conclut un accord avec la banque pour racheter son obligation de caution en souscrivant un prêt auprès de celle-ci. La caution échange donc ses obligations de caution contre celles d’emprunteuse. Le problème résulte du fait que la caution a fait valoir que son engagement de caution était nul et que, par conséquent, cela entraînait la nullité du prêt, cf Cass 1ère civ, 07/11/1995, BC I n. 387.

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Nullité relative

Si l’ancienne obligation est frappée de nullité relative et que la convention de subrogation est passé en connaissance de cause il y aura confirmation de l’obligation. Dès lors, l’obligation ancienne étant confirmée, l’obligation nouvelle ne pourra pas tomber.

B. Une obligation nouvelle

Principe. La novation suppose la naissance d’une obligation nouvelle.

Nullité de l’obligation nouvelle. Si l’obligation nouvelle est entachée de nullité, la novation ne pourra pas se produire, l’obligation ancienne ne sera donc pas éteinte et continuera à s’appliquer. En effet, la nullité entraînant l’annulation rétroactive de l’obligation, l’obligation ancienne revivra.

Résolution de l’obligation nouvelle. La solution est la même que pour la nullité, la novation ne pouvant se produire, l’obligation ancienne ne sera pas éteinte et continuera à s’appliquer.

Nouveauté de l’obligation. Elle peut résulter soit du changement de l’une des parties, soit d’un changement de l’obligation.

1. La novation par changement de créancier

K. Principe. La novation par changement de créancier suppose : L’accord du débiteur, etet La volonté de l’ancien créancier de se décharger, etet L’accord du nouveau créancier, etet La création d’une obligation nouvelle.

L. Distinction. Cette opération se distingue de la cession de créances et est moins souple que celle-ci.

2. La novation par changement de débiteur M. Principe. La novation par changement de débiteur nécessite que le

nouveau débiteur soit substitué à l’ancien qui se trouve déchargé par le créancier. On distingue deux cas :

L’hypothèse de l’expromission. Elle est régie par l’a 1274 cc. Selon cette hypothèse, un tiers accepte de s’engager envers un créancier à condition que celui-ci libère le débiteur primitif. Il faut préciser que l’accord du débiteur primitif n’est pas nécessaire à l’opération.

La délégation parfaite. Elle est régie par l’a 1275 cc a contrario. Selon cette hypothèse, un débiteur (A) demande à un tiers (B) de s’engager envers un créancier (C) qui de ce fait accepte de décharger (A). Il faut donc un double accord : l’un pour créer l’obligation nouvelle, l’autre pour éteindre l’obligation ancienne. L’accord des trois personnes est donc nécessaire. Exemple, un vendeur (A) demande à son acheteur (B) de

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s’engager envers un de ses créanciers (C) pour le prix de la vente, le créancier (C) déchargeant corrélativement son débiteur primitif (A).

3. La novation par changement de l’obligation N. Principe. Les parties restent les mêmes mais conviennent de

substituer une obligation ancienne à une obligation nouvelle. C’est la novation qui pose le plus de problème car le changement doit être important, une simple modification étant insuffisante. On distingue trois mécanismes.

Novation par changement d’objet. Il s’agit de l’hypothèse où le créancier accepte l’engagement de son débiteur de lui fournir une prestation différente (eg substituer une rente viagère à une dette de capital). La novation par changement d’objet peut poser un problème de distinction par rapport à la dation en paiement. Le critère de distinction entre ces deux mécanismes réside dans le fait que la novation suppose une obligation nouvelle. Dès lors, si la prestation nouvelle est exécutée même temps que la prestation prévue à l’origine il n’y a pas de création d’une obligation nouvelle et il s’agit alors d’une dation en paiement.

Novation par changement de cause. Le débiteur s’engage envers le créancier pour une prestation dont l’objet ne change pas, mais l’engagement est fait sur le fondement d’un titre différent. L’intérêt réside dans le fait que chaque obligation est soumise à des règles distinctes.

Exemple. Un locataire est en retard pour le paiement de ses loyers. Le bailleur accepte que le locataire conserve le montant correspondant au retard des loyers mais à titre de prêt. Le locataire recevra donc une quittance pour les loyers en retard mais sera obligé de rembourser, au titre d’un prêt, le montant correspondant aux loyers en retard. Les obligations au titre des loyers en retard sont donc remplacées par des obligations au titre d’emprunteur).

Novation par changement dans les modalités. La jurisprudence n’admet la novation que si le changement affecte l’existence même de l’obligation (cf Cass Req, 08/11/1875, Dalloz 1876 I p. 438). En pratique la novation par changement dans les modalités ne peut pas être l’augmentation ou la diminution d’une dette, la fixation d’un terme plus long ou plus cours, l’ajout ou le retranchement d’une hypothèque ou d’une sûreté ou même le changement de l’espèce d’une obligation. Toutefois, les parties peuvent exprimer la solution contraire.

C. L’intention de noverO. Notion. L’intention de nover correspond à la volonté des parties

de créer une obligation nouvelle et de supprimer ainsi l’obligation ancienne. La seule succession d’une obligation ancienne et d’une obligation nouvelle est insuffisante, car il faut en plus cette volonté de lier définitivement les deux opérations. L’a 1273 cc dispose que la novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l’opérer résulte clairement de l’acte. Ce texte exige donc une volonté claire, dénuée d’équivoque ; cette volonté peut être tacite, lorsqu’elle est certaine.

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L’existence de cette volonté relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve du contrôle par la Cour de cassation des conséquences tirées par eux de leurs constatations.

P. Influence d’une modification de l’objet de l’obligation. Si cette condition est nécessaire, on peut se demander si elle est suffisante. Il s’agit de savoir ce qu’il en est en cas de modification mineure de l’objet de l’obligation par les parties lorsque ces parties ont néanmoins exprimé clairement leur intention de procéder à une novation.

La question de savoir ce qui prédomine entre l’importance du changement opéré et l’intention reste discutée en doctrine ; l’arrêt de 1875 de la Chambre des requêtes posait la solution selon laquelle en cas d’intention de nover clairement exprimée alors que le changement est mineur, c’est l’intention qui doit prévaloir. Cette solution semble contredite par un arrêt de 1967 (Cass 1ère civ, 20/11/1967, BC I n. 335).

La solution de l’arrêt de 1875 devrait pourtant prévaloir, puisque par application du principe de la liberté contractuelle, rien n’interdit aux parties à un contrat de supprimer une obligation ancienne pour la remplacer par une opération nouvelle, en établissant expressément un lien entre les deux opérations. Dans ce cas là, il y aura bien novation – rien ne semble s’y opposer.

§ 2) Effets de la novation

Effets principaux

Les effets principaux sont déjà connus : extinction de l’obligation ancienne, création de l’obligation nouvelle. Ces deux effets sont liés : l’obligation ancienne n’est éteinte que si l’obligation nouvelle est valablement créée, et inversement la création de l’obligation nouvelle est subordonnée à la disparition de l’ancienne.

Effets secondaires

De ces effets principaux découlent des effets secondaires, qui concernent le principe de l’opposabilité des exceptions et la question des sûretés.

1. Opposabilité des exceptions (non).

Puisqu’il y a création d’une obligation nouvelle, le débiteur ne peut pas opposer au créancier, pour refuser de payer l’obligation nouvelle, la ou les exceptions susceptibles de paralyser l’exécution de l’ancienne.

Ce principe d’inopposabilité connaît toutefois une exception, dans l’hypothèse de la nullité de l’obligation ancienne : si l’obligation ancienne est nulle, l’obligation nouvelle est dépourvue de cause (la raison d’être de l’obligation nouvelle est de remplacer l’ancienne) et est donc privée d’effet. Mais si l’obligation ancienne était atteinte d’une nullité relative et si la convention novatoire a été conclue en connaissance de cause du vice,

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elle vaudra confirmation ; dans ce cas là, le débiteur ne pourra plus faire valoir la nullité de l’obligation ancienne.

En outre, les parties peuvent faire échec à l’inopposabilité des exceptions en convenant de réserver telle ou telle exception – mais pas toutes, car si toutes les exceptions sont réservées il n’y aurait pas création d’une obligation nouvelle.

2. Sûretés

Les sûretés attachées à l’obligation ancienne vont logiquement disparaître en même temps que celle-ci (puisqu’elles en sont l’accessoire). Cela peut être fâcheux dans certaines hypothèses, aussi l’art 1278 code civil permet de se réserver ces sûretés dans la convention novatoire.

S’il s’agit de sûretés consenties par des tiers, cette réserve est insuffisante à elle seule ; pour qu’il y ait maintien de cette sûreté, il faudra qu’il y ait également accord du tiers. Eg le tiers s’est porté caution au titre de telle obligation, et non au titre de l’obligation nouvelle.

Dans les cas où il y a novation avec changement de débiteur (art 1279, al 2 code civil), il faudra l’accord de l’ancien débiteur pour le maintien des sûretés que celui-ci avait consenties. Eg le débiteur a consenti une hypothèque conventionnelle sur ces biens pour garantir sa dette ; s’il y a changement de débiteur, pour que les biens garantissent la dette souscrite par le nouveau débiteur il faut évidemment accord de l’ancien débiteur).

Section 2 La délégation

Définition

La délégation est l’opération juridique par laquelle une personne, le délégué, s’oblige sur instruction d’une autre personne, le délégant, envers une troisième, le délégataire.

Dans le cas le plus fréquente, cette délégation est mise en place entre des personnes qui sont liées par des rapports juridiques préexistants. Le délégant, s’il peut donner un ordre au délégué, c’est parce qu’il est déjà créancier du délégué ; et s’il donne cet ordre au délégué, c’est parce que lui-même est débiteur du délégataire.

Délégant

EngagementOrdre

Délégué

Délégataire

La délégation

Eventuel rapport juridique préexistant

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Si le délégué s’exécute, il va y avoir à la fois extinction de la dette du délégant à l’égard du délégataire, et de celle du délégué à l’égard du délégant, si les deux dettes sont d’un même montant. Il n’est toutefois pas nécessaire que de tels rapports juridiques préexistent pour mettre en œuvre une délégation.

La délégation n’est traitée que de façon incidente dans le Code civil, parmi les dispositions relatives à la novation (art 1275, 1276 code civil). La délégation, qui doit être distinguée de mécanismes distincts, connaît certaines formes et certaines applications.

I. Différenciation entre la délégation et les autres mécanismes

La délégation doit être distinguée des mécanismes voisins que sont l’indication de paiement, la stipulation pour autrui et la cession de créance.

1. Délégation et indication de paiement

L’indication de paiement est prévue par l’art 1277 code civil , qui dispose que « la simple indication faite par le débiteur d’une personne qui doit payer à sa place n’opère point novation. Il en est de même de la simple indication faite par le créancier d’une personne qui doit recevoir pour lui ». L’indication de paiement est tout simplement un mandat de payer ou de recevoir paiement, qui ne fait naître aucune obligation nouvelle ou aucun droit nouveau au profit du créancier, contrairement à la délégation (puisque le rapport de droit entre délégué et délégataire est nouveau).

2. Délégation et stipulation pour autrui

Dans la stipulation pour autrui, tant que le bénéficiaire de la stipulation n’a pas accepté, celle-ci est révocable. Au contraire, la délégation suppose dès l’origine l’accord des trois personnes ; il n’y a véritablement de délégation qu’à partir du moment où il y a accord. En outre, en cas de stipulation pour autrui acceptée par le bénéficiaire, le promettant peut toujours opposer au bénéficiaire les exceptions qu’il aurait pu opposer au stipulant. Au contraire, la délégation fait naître une obligation nouvelle à la charge du délégué.

3. Délégation et cession de créance

Par ses effets, la délégation se rapproche d’une cession de créance puisque dans l’une et l’autre opération le bénéficiaire, c'est-à-dire le délégataire ou le cessionnaire, pourra agir contre un débiteur, respectivement le délégué ou le débiteur cédé. Il y a toutefois deux importantes différences : concernant les conditions d’abord, dans la cession de créance, le débiteur cédé joue un rôle purement passif (puisqu’il n’a même pas besoin d’accepter) alors que dans le cadre de la délégation, il y a un engagement spécial du délégué qui, de surcroît, va être accepté par le délégataire. Au niveau des effets ensuite, la cession de

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créance transmet la créance originaire, alors que dans l’hypothèse de la délégation il y a création d’un droit nouveau au profit du délégataire à l’encontre du délégué – ce qui a évidemment des conséquences sur l’opposabilité ou l’inopposabilité des exceptions.

II. Types de délégation

Il y a deux distinctions fondamentales en matière de délégation.

1. Délégations parfaite, imparfaite

La première distinction fondamentale est opérée par le Code civil entre la délégation simple ou imparfaite et la délégation novatoire ou parfaite. La délégation simple constitue le principe : si la délégation n’est pas décrite comme parfaite, on va la considérer imparfaite. Il y a délégation simple lorsque l’engagement du délégué à l’égard du

délégataire ne libère pas le délégant. Au contraire, dans la délégation parfaite, il y a libération du délégant

(puisqu’elle produit les effets de la novation). Pour qu’il y ait délégation parfaite, il faut une volonté expresse du délégataire de décharger le délégant. Dans ce cas, la délégation produit les mêmes effets que la novation.

2. Délégation certaine, incertaine

La seconde distinction sépare délégation certaine et délégation incertaine. Il y a délégation certaine lorsque l’obligation du délégué est totalement

détachée des rapports juridiques préexistants (c'est-à-dire de l’obligation du délégant à l’égard du délégataire et de celle du délégué à l’égard du déléguant). Lorsque l’obligation du délégué est détachée, on parle d’obligation autonome. Eg une délégation dans laquelle le délégué s’engage à payer 100k € au délégataire.

Par opposition, il y a délégation incertaine lorsque l’obligation du délégué à l’égard du délégataire est définie par les parties en fonction des rapports juridiques préexistants. Eg une délégation dans laquelle le délégué s’engage à payer au délégataire ce que lui-même doit au déléguant ; ou s’engage à payer au délégataire ce que le déléguant doit au délégataire.

III. Fonctions de la délégation

Ces différents types de délégation, ainsi que la souplesse du mécanisme, permettent à la délégation de remplir de multiples fonctions ; cela explique le fait que la délégation donne lieu à de nombreuses utilisations. Eg le système de la carte bancaire, qui comporte une garantie de paiement de la part de l’établissement émetteur, relève du mécanisme de la délégation.

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1. Instrument de paiement simplifié

Si on met de côté le cas de la délégation qui a pour objet une libéralité, la délégation peut être un instrument de paiement simplifié, lorsqu’avant l’opération de délégation le délégué était débiteur du délégataire. Lorsque le délégué paye le délégataire, cela entraîne l’extinction de l’obligation des deux rapports juridiques préexistants.

2. Instrument de transfert d’obligations

La délégation peut être un instrument de transfert d’obligations, c'est-à-dire de transfert de créance et de dettes.

a. Transfert de créance.

Elle permet de réaliser un transfert de créance – mais avec création d’une obligation nouvelle – lorsque par la délégation le délégant transfert au délégataire la créance qu’il avait à l’encontre du délégué.

b.Transfert de dette.

La même opération considérée sous l’angle du délégué se rapproche d’une cession de dette. En effet en fin de compte, le délégué qui avant était débiteur du délégant devient débiteur du délégataire, dans l’hypothèse où le délégué s’oblige à payer au délégataire ce que le délégant devait au délégataire.

c. Instrument de garantie

Elle peut aussi être un instrument de garantie : cas lorsque l’engagement nouveau du délégué s’ajoute à celui du délégant. Dans ce cas, le délégué s’engage à titre de garant du délégant et il le fera dans le cadre d’une délégation simple. S’il n’y avait pas d’obligation préalable du délégué à l’égard du délégant et si le délégué s’engage à l’égard du délégataire, ce peut être tout simplement pour se porter garant du délégant à l’égard du délégataire.

§ 2) Conditions de la délégation

A. Conditions relatives à la délégation simple

1. Formalités (non)

Aucune formalité n’est requise, ni comme condition de validité ni au titre d’opposabilité aux tiers.

2. Accord des trois parties

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Les conditions se rattachent à l’idée selon laquelle la délégation est une opération à trois personnes, qui nécessite l’accord des trois.

a. Accord du délégant

Il faut l’accord du délégant, ce qui ne pose pas de problèmes puisque c’est lui qui est l’initiateur de l’opération.

b. Accord du délégué

L’accord du délégué, c'est-à-dire l’engagement du délégué à l’égard du délégataire, est nécessaire. Cet engagement peut être pur et simple ou assorti de modalités, de conditions2.

c. Accord du délégataire

Il faut enfin que le délégataire accepte l’engagement du délégué, de façon expresse ou tacite. S’il ne l’accepte pas, l’opération n’est qu’une stipulation pour autrui, une indication de paiement voire une simple offre de délégation. L’acceptation du délégataire peut être donnée dans le cadre d’un accord tripartite ou dans un acte distinct passé entre le délégué et le délégataire ; cet acte peut être postérieur à l’accord entre le délégant et le délégué.

Absence d’autres conditions. Aucune autre condition que l’accord des trois protagonistes n’est requise. Il n’est donc pas nécessaire que la délégation se greffe sur des rapports juridiques préexistants (ie qui existe avant la mise en place de la délégation).

Ainsi il n’est pas nécessaire qu’il y ait une dette préexistante du délégant envers le délégataire. Dans un tel cas, la délégation pourra tout de même être utile afin de permettre réalisation d’une donation indirecte du délégant au délégataire.

De même il n’est pas nécessaire qu’il existe une dette du délégué à l’égard du délégant ; c’est notamment le cas lorsque la délégation est utilisée comme instrument de garantie.

B. Conditions relatives à la délégation parfaite

Les conditions de la délégation parfaite sont liées au fait qu’il s’agit à la fois d’une délégation et d’une novation ; c’est une délégation qui va notamment produire les effets de la novation. En conséquence, la délégation parfaite doit respecter les conditions de la délégation et celles de la novation.

Conditions de la délégation. Ce sont les mêmes qu’en matière de délégation simple (cf supra).

2 Cf eg Cass 1ère civ, 09/12/1981, BC I p. 1974 : une personne s’engager à l’égard du délégué à la condition qu’une opération immobilière dégage un bénéfice.

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Conditions de la novation. Pour les conditions de la novation, il faut ajouter l’intention de nover. Selon l’a 1275 cc, le délégatoire doit avoir expressément déclaré qu’il entend décharger son débiteur qui a fait la délégation, c'est-à-dire le délégant. La lettre de ce texte exige une déclaration expresse, ce qui exclut les manifestations de volonté tacite, même si en matière de novation l’intention de nover peut être tacite.

Ainsi que l’a rappelé en plusieurs occasions la Cour de cassation, la simple acceptation par le créancier d’un nouveau débiteur, même si elle n’est assortie d’aucune réserve, n’implique pas en l’absence de déclaration expresse qu’il ait entendu décharger son premier débiteur (cf eg Cass 3ème civ, 12/12/2001, BC III n. 153).

Rapports préexistants. Il résulte de la définition même de la délégation parfaite que celle-ci ne peut se concevoir sans l’existence d’une dette préalable du délégant à l’égard du délégataire.

§ 3) Effets de la délégation

Il convient de préciser les effets de la délégation dans les rapports entre délégant et délégué (A), entre délégant et délégataire (B), ainsi qu’entre délégué et délégataire (C).

A. Les rapports délégant/délégué

1. Dans le cadre d’une délégation simple

Il faut distinguer selon que le délégant était ou non créancier du délégué en vertu d’un rapport juridique préexistant.

Délégant antérieurement créancier du délégué. L’engagement ancien qui est contracté par le délégué à l’égard du délégant n’est pas éteint puisqu’il n’y a pas de novation dans ce rapport ; cela signifie que le délégant est toujours créancier du délégué.

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Dans cette hypothèse, on peut se demander si le délégant peut toujours exiger du délégué qu’il exécute cette obligation antérieure. La réponse affirmative se heurte au fait qu’au moins implicitement le délégant a renoncé à ses droits contre le délégué sous la condition que ce dernier s’exécute de l’obligation nouvelle contractée avec le délégataire.

La jurisprudence considère que la créance du délégant sur le délégué n’est pas éteinte du fait de la mise en place de la délégation, mais seulement par l’exécution de l’obligation du délégué à l’égard du délégataire. (Cass com, 16/04/1996, BC IV n. 120 : jugé que « si la créance du délégant sur le délégué s’éteint non pas du fait de l’acceptation par le délégataire de l’engagement du délégué à son égard mais seulement par le fait de l’exécution de la délégation, ni le délégant ni ses créancier ne peuvent, avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger paiement »). En conséquence tant que l’obligation n’est pas exécutée, le délégant reste créancier du délégué bien qu’il ne puisse pas, avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger paiement. Il en va de même pour les créanciers du délégant, qui ne peuvent pratiquer de saisie entre les mains du délégué.

Mais cette solution n’est plus certaine, car la Cour de cassation a jugé dans un arrêt plus récent et contradictoire qu’un créancier du délégant pouvait pratiquer une saisie entre les mains du délégué, au motif que cette créance n’est pas sortie du patrimoine du délégant (Cass com, 22/04/2002, BC IV n. 72). Cet arrêt entre en contradiction avec le précédent, et il n’y a pas pour le moment de solution certains sur ce point.

Quoi qu’il en soit, lorsque le délégué exécute son obligation nouvelle envers le délégataire, il se libère également de sa dette initiale envers le délégant à due concurrence.

Délégant non antérieurement créancier du délégant. On se place ici dans l’hypothèse de l’utilisation de la délégation à titre de garantie. Le délégué, une fois qu’il a payé le délégataire, peut se retourner contre le délégant, sauf si le délégué a agi à titre gratuit (le délégant étant alors le bénéficiaire de la libéralité).

Délégant

Engagement

Ordre

Délégué

Délégataire

Les effets de la délégation simple lorsque le délégant est antérieurement créancier du délégué

Créance préexistante

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2. Dans le cadre d’une délégation parfaite

Maintien des rapports juridiques préexistants. En principe, l’obligation qui liait le cas échéant le délégué au délégant subsiste. Cette obligation n’est pas touchée par l’effet novatoire de la délégation parfaite puisque cet effet ne concerne que les rapports entre le délégant et le délégataire. Il est impossible de considérer que l’effet novatoire concernerait également les rapports délégant/délégué puisque la novation ne se présume pas. Donc, sauf volonté contraire des parties, la libération du délégant envers le délégataire n’emporte pas libération du délégué envers le délégant.

Cette solution est juridiquement fondée, mais a un côté paradoxal puisque c’est grâce à l’engagement du délégué à l’égard du délégataire que le délégant est libéré à l’égard du délégataire.

B. Les rapports délégant/ délégataire

Cette question ne va se poser que dans le cas où le délégataire est créancier du délégant.

1. Dans le cadre d’une délégation simple

Survie de la créance du délégataire. Il y a survie de la créance du délégataire à l’encontre du délégant. Le délégué est en quelque sorte chargé de payer à la place du délégant mais ce dernier reste quand même tenu de la dette.

Délégant

Engagement exécutéOrdre

Délégué

Délégataire

Les effets de la délégation simple lorsque le délégant n’est pas antérieurement créancier du délégué

Possibilité d’action, sauf en cas de libéralité

Délégant

Engagement exécuté

Délégué

Délégataire

Les effets de la délégation parfaite entre délégant et délégué

Rapport juridique préexistant qui disparaît

Rapport juridique pré-existant qui demeure sauf volonté contraire

Ordre

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Qualité de débiteur principal ou accessoire du délégant. Une fois que la délégation est mise en place, on peut se demander si le délégant reste tenu en tant que débiteur principal ou en tant que débiteur accessoire.

Sur ce point la doctrine se divise et la jurisprudence n’est pas claire, mais les principes conduisent à penser qu’à défaut de précisions contraires de la part des parties, le délégant reste tenu au titre de débiteur principal.

Le délégant ne pourra pas faire valoir à l’égard du délégataire des exceptions tirées de ses rapports avec le délégué.

Libération en cas d’exécution par le délégant. Si le délégué s’exécute, le délégant est libéré de son obligation envers le délégataire. Cette solution admise en jurisprudence, mais les solutions divergent en doctrine quant à la justification de cette solution.

Certains auteurs justifient cette solution en disant que le délégataire a deux débiteurs mais qu’une seule créance. D’autres auteurs, tels BILLIAU, font valoir qu’il y aurait deux créances mais le délégataire n’a droit qu’à un seul paiement. Le paiement effectué par le délégué emporte remise de la dette du délégant envers le délégataire.

2. Dans le cadre d’une délégation parfaite

Extinction immédiate de l’obligation du délégant. En raison de l’effet novatoire, il y a extinction immédiate de l’obligation du délégant envers le délégataire (ie dès que la délégation est mise en place).

Délégant

EngagementOrdre

Délégué

Délégataire

Les effets de la délégation simple entre délégant et délégataire

Rapport juridique préexistant qui demeure

tant que le délégué ne s’est pas exécuté

Délégant

EngagementOrdre

Délégué

Délégataire

Les effets de la délégation parfaite entre délégant et délégataire

Rapport juridique préexistant qui disparaît dès

la mise en place de la délégation

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Limites. Cet effet novatoire comporte deux limites posées par l’a 1276 cc. Le délégataire pourra exercer un recours contre le délégant :

Dans le cas où l’opération a eu lieu à un moment ou le délégué était déjà en faillite ou en déconfiture. Le délégant garantit quand même la solvabilité du délégué au moment où celui-ci prend son engagement.

Lorsque le délégataire s’est réservé ce recours dans la convention de délégation. Ce recours est subsidiaire.

C. Les rapports délégué/délégataire

Création d’une obligation nouvelle.

L’effet de la délégation dans les rapports délégué/délégataire touche à la création d’une obligation nouvelle, et en principe autonome, à la charge du délégué. Cette caractéristique n’a d’intérêt véritable que dans le cas où il y a des rapports juridiques préexistants.

1. Dans le cadre d’une délégation simple

La conséquence majeure de la nouveauté de l’obligation est l’inopposabilité des exceptions.

Inopposabilité des exceptions tirées du rapport délégué/délégant. Cela signifie que le délégué ne peut pas opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégué et le délégant ; cette solution est posée par jurisprudence de façon constante depuis 1872 (cf eg Cass com, 22/04/1997, JCP II p. 1050).

Inopposabilité des exceptions tirées du rapport délégant/délégataire. En outre, le délégué ne peut pas opposer au délégataire les exceptions que le délégant aurait pu opposer au délégataire. En fin de compte le délégataire est placé dans une situation très favorable. Toutefois il y a, au moins en apparence, des solutions de jurisprudence discordantes.

Dans un arrêt de 1992, la Chambre commerciale a jugé qu’en cas de délégation simple le délégué ne peut, sauf clause contraire, opposer au délégataire les exceptions dont le délégant pouvait se prévaloir à l’égard de celui-ci (Cass com, 25/02/1992, JCP 1992 II n. 21922 note BILIAU).

Mais immédiatement après, la Chambre civile a considéré que sauf convention contraire le délégué est seulement obligé au paiement de la dette du délégant envers le délégataire, et il se trouve dégagé de son obligation lorsque la créance de ce dernier est atteinte par la prescription (Cass 1ère civ, 17/03/1992, Dalloz 1992 p. 481 note AYNÈS).

Il y a opposition manifeste entre ces deux arrêts, qui ont donné lieu à de nombreux commentaires et explications. L’explication du deuxième arrêt n’est pas très convaincante, car elle signifierait en fin de compte que le principe de l’inopposabilité des exceptions tirées des relations entre le délégant et le délégataire ait une portée plus que réduite – puisqu’en cas

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de délégation incertaine il serait toujours possible de faire valoir toutes les exceptions relatives à l’obligation elle-même.

Un arrêt plus récent affirme que l’obligation du délégué est une obligation personnelle et indépendante de l’obligation du délégant (à l’égard du délégataire) de sorte que l’extinction de la créance du délégataire à l’encontre du délégant pour défaut de déclaration au passif de la liquidation judiciaire du délégant laisse subsister l’obligation distincte du délégué (Cass com, 07/12/2004, BC IV n. 214, Dalloz 2005 AJ p. 79). Il résulte de cet arrêt que la Chambre commerciale maintient sa position de l’arrêt du 25/02/1992.

Deux explications sont possibles : soit l’arrêt de la Chambre civile suivant l’arrêt de 1992 était une erreur, soit les deux chambres sont en opposition ; pour l’instant, il est impossible de trancher.

2. Dans le cadre d’une délégation parfaite

Effets identiques à la délégation simple. Il n’y a en principe aucune raison pour que les choses changent par rapport à une délégation simple ; en pratique, les mêmes solutions vont trouver à s’appliquer.

Problème de la nullité d’une l’obligation ancienne. Il reste tout de même un problème : si l’on considère que la délégation parfaite produit les effets d’une novation, il faut faire application de la solution selon laquelle il n’y a pas de novation en cas de nullité de l’obligation ancienne ; si en revanche l’on applique les règles relatives à la délégation, du fait même de celle-ci il y a création d’une obligation nouvelle, qui interdit au délégué d’opposer au délégataire toute exception tirée soit des rapports entre délégué et délégant, soit des rapports entre délégant et délégataire.

Si l’on faisait prévaloir l’effet novatoire, cela aurait pour conséquence de permettre au délégué d’invoquer la nullité de l’obligation primitive pour échapper à ses obligations dans l’hypothèse d’une délégation parfaite – alors que cela serait impossible au même délégué dans l’hypothèse d’une délégation imparfaite, solution peu heureuse.

En doctrine, certains tirent argument de cette situation pour nier tout effet novatoire en cas de délégation parfaite. D’autres (tels SIMLER) proposent la solution suivante : la nullité de l’obligation primitive (dans le rapport délégant/délégataire) empêche l’effet novatoire de se produire, mais la délégation n’est pas atteinte par cette nullité pour autant – il s’agira tout simplement d’une délégation simple et non plus d’une délégation parfaite.

Partie 3 : L’extinction des obligations

Causes d’extinction. L’a 1234 code de commerce énumère les causes d’extinction des obligations : le paiement (cf supra), la novation (cf supra), la remise volontaire, la compensation, la confusion, la perte de la chose, la nullité, l’effet de la condition résolutoire ou de la prescription (cf RonRon).

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Hormis celles déjà étudiées, on peut classer les causes en trois catégories : L’extinction par satisfaction directe : le créancier reçoit ce qui lui est dû

(paiement). L’extinction par satisfaction indirecte : le créancier reçoit autre chose

mais se trouve désintéressé (eg novation, dation en paiement). L’extinction sans satisfaction du créancier (eg prescription)

Chapitre 1 : L’extinction des obligations par satisfaction indirecte du créancier

Situations. C’est le cas chaque fois que le créancier obtient satisfaction du fait de l’exécution d’une autre obligation que celle qui était initialement prévue.

Il y a satisfaction indirecte dans des cas divers (novation, dation en paiement, parfois délégation) ; notamment par le biais d’une compensation : le créancier ne reçoit rien mais ne doit plus rien, ou dans l’hypothèse d’une confusion (ie la réunion des qualités de créancier et de débiteur d’une même dette sur une même tête).

Section 1 : Dation en paiement

C’est le fait pour le débiteur, en accord avec le créancier, de remettre en paiement une chose autre que celle qui était prévue aux termes de la convention. Ex : le débiteur d’une somme d’argent se libère en remettant des marchandises.

La dation en paiement constitue une exception à l’art 1243 code de commerce (qui dispose que le créancier ne peut être contraint à recevoir autre chose que la chose qui lui est due), aussi nécessite-t-elle l’accord du créancier.

Le Code civil ne donne aucune réglementation d’ensemble de la dation en paiement : seuls quelques textes épars y font allusion. Dans le silence des textes, la jurisprudence a défini les règles applicables à la dation en paiement.

La doctrine s’oppose quant à la nature juridique de la dation en paiement. Il existe schématiquement trois opinions.

VenteLa première consiste à considérer la dation en paiement comme une vente, puisqu’en fin de compte un bien est remis à la place d’une somme d’argent. On considère alors que le bien remis au créancier lui est en réalité vendu pour un prix égal au montant de la créance. De ce fait, le débiteur devient créancier de ce prix, et cette créance va se compenser avec sa dette. Cette analyse aboutit cependant à scinder la dation en deux

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opérations en deux temps (vente et compensation) alors que dans la volonté des parties il s’agit d’une opération unique.

PaiementLa seconde consiste à considérer la dation comme un paiement. Elle n’est certes pas un paiement régulier, mais la permission qui est donnée par le créancier va régulariser l’opération par rapport à l’a 1243 cc et permettre l’assimilation de la dation à un paiement.

Novation par changement d’objetLa troisième consiste à considérer la dation comme une novation par changement d’objet. Le créancier accepte que son ancienne créance soit éteinte parce que remplacée par une obligation nouvelle ayant un objet différent.

Conclusion : un mécanisme sui generis. Aucune de ces analyses ne rend compte intégralement des règles applicables à la dation. En fait, la dation en paiement a une nature propre : elle est un mécanisme sui generis, car relevant à la fois des trois mécanismes que sont la vente, le paiement et la novation.

En tout état de cause, les règles de la dation peuvent être regroupées en trois idées : la dation est une convention destinée à réaliser un paiement (§1), elle est une convention qui emporte une modification du mode d’exécution de l’obligation (§2), et elle est une convention qui a un effet translatif (§3).

§ 1. La dation en paiement est une convention destinée à réaliser un paiement

Conditions de validité des conventions. L’essence même de la dation est d’éteindre une dette comme le ferait un paiement véritable. En tant qu’exception à l’art 1243 code de commerce, la dation suppose un accord de la part du créancier, donc une convention qui est soumise aux conditions de validité de droit commun des actes juridiques (art 1108 code de commerce).

Cela signifie par exemple que si un créancier a fait pression sur un débiteur pour le contraindre à livrer un objet hors de proportion avec le montant de la dette, le débiteur pourra faire annuler cette dation en paiement sur le fondement du dol (s’il a été victime de manœuvres frauduleuses pour le tromper sur la valeur de l’objet) ou de la violence (s’il a été victime d’une violence matérielle ou morale). L’annulation de la dation en paiement ne prive évidemment pas le débiteur de payer la dette originaire.

Capacité de réaliser un paiement ; dette préexistante non éteinte. Comme cette convention a pour objet de réaliser un paiement, c’est la capacité nécessaire pour réaliser un paiement qui est requise, tant de la

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part de celui qui reçoit que de celui qui fait la dation. Fondamentalement, cela signifie qu’il faut de part et d’autre la capacité de disposer. Pour la même raison, il faut une dette préexistante non éteinte.

Effet : libération du débiteur. Enfin la dation, lorsqu’elle est effectuée valablement, va avoir pour effet de libérer le débiteur dans la mesure où elle procure satisfaction au créancier, ainsi que l’éventuelle caution (art 2038 code de commerce).

§ 2. La dation en paiement emporte modification du mode d’exécution de l’obligation

La dation est fondamentalement un paiement modifié, par la volonté des parties, par rapport au mode d’exécution de l’obligation initialement prévu. Du fait de cette modification, la dation présente pour le législateur un caractère suspect.

Modification du mode d’exécution initialement prévu. De nombreuses décisions de jurisprudence concernent cette exigence de modification du mode d’exécution de l’obligation. Ainsi il n’y a pas de dation en paiement dans l’opération – pourtant souvent qualifiée de dation par la pratique – où l’on convient de la cession d’un terrain à un promoteur contre remise d’appartement. De même, il n’y a pas dation en paiement dans l’hypothèse d’une obligation alternative ou même facultative. Dans ces deux cas, l’absence de dation en paiement résulte du fait qu’il n’y a pas eu de modification puisque le mode d’exécution avait été prévu dès l’origine.

En revanche, il y aura dation en paiement lorsque pour éteindre une dette d’argent il y aura remise de marchandises, de titres de créances ou encore d’immeuble. Il y aura encore dation en paiement lorsqu’à la place du corps certain promis le débiteur remet un autre corps certain de même nature (eg lorsqu’il est prévu la remise d’un appartement identifié, mais un autre appartement du même immeuble sera remis ; cf Cass Plén, 22/04/1974, Dalloz 1974 p. 613). La solution ne s’applique évidemment pas aux choses de genre.

Caractère suspect de la modification. La modification du mode de paiement a pour le législateur un caractère suspect, car elle peut constituer une fraude ou être la conséquence d’un abus. Cette constatation explique plusieurs solutions.

Recevabilité de l’action paulienne. D’abord, l’action paulienne est admise en matière de dation alors qu’un paiement normal ne peut être remis en cause par ce biais. En matière de dation, il faudra donc démontrer une disproportion matérielle entre l’étendue de la dette et la chose remise en dation, ainsi bien sûr que les autres éléments de la fraude paulienne.

Procédures collectives.

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Ensuite, dans le cadre des procédures collectives d’apurement du passif, les dations en paiement effectuées par le débiteur alors qu’il est en état de cessation des paiements sont considérées comme un mode anormal de paiement et peuvent donc être annulées (art L621-107 code de commerce, puis art L632-1 code de commerce à partir du 1er janvier 2006).

Prohibition des pactes commissoires. Enfin, le pacte commissoire est interdit en matière de gage (art 2078 code de commerce). Le pacte commissoire est la convention par laquelle, au moment de la constitution de la sûreté, il est convenu que la chose donnée en gage appartiendra de plein droit au créancier si la dette garantie par le gage n’est pas payée à l’échéance. Cela s’explique par la crainte que le débiteur, acculé au moment de la constitution du gage car placé en état de dépendance par rapport à son créancier, soit en quelque sorte contraint d’accepter une telle stipulation.

§ 3. La dation en paiement est une convention translative

Transfert de la propriété. Lorsque la dation a pour objet une chose, et qu’elle n’est pas affectée d’un terme, l’obligation de livrer cette chose est parfaite du seul fait du consentement des parties à la convention de dation. Autrement dit cette dernière entraîne le transfert de la propriété de la chose, exactement comme une vente. Cette question, autrefois discutée, est aujourd’hui tranchée (Cass 1ère civ, 27/01/1993, JCP 1994 II n. 22195).

Rescision pour lésion en matière immobilière. Parce qu’à certains égards la dation relève de la vente, la Cour de cassation admet encore la rescision pour lésion supérieure aux 7/12èmes en matière de dation en paiement d’un immeuble (Cass 3ème civ, 04/07/1968, BC III n. 324). Cette solution est d’autant plus remarquable que les textes relatifs à la lésion ne visent que la vente et le partage…

Garantie d’éviction. Enfin, parce que la dation en paiement est un acte translatif à titre onéreux, la jurisprudence considère que celui qui a reçu la chose en dation bénéficie de la garantie d’éviction posée par l’a 1626 cc pour la vente.

Section 3 La compensation

Notion. La compensation est régie par les art 1289 à 1299 code de commerce. L’art 1289 code de commerce dispose que lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles une compensation qui éteint les dettes réciproques. La compensation va jouer à due concurrence : si les dettes sont égales, elles sont annulées ; la dette la plus importante va subsister pour la partie qui n’aura pas été compensée.

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Intérêts. La compensation joue un rôle important dans la vie des affaires, car elle présente deux intérêts majeurs. D’abord, elle simplifie les paiements puisqu’elle évite un double paiement. Ensuite, elle joue le rôle d’une garantie ; en effet le créancier qui peut invoquer la compensation, du fait même de celle-ci, évite d’avoir à procéder au recouvrement de sa créance, et voit disparaître le risque de l’insolvabilité de son débiteur ainsi que celui d’avoir à entrer en concours avec d’autres créanciers, même privilégiés. Considérée sous l’angle d’une garantie, la compensation va donc à l’encontre du principe d’égalité entre les créanciers ; ceci explique que la compensation soit écartée, dans une certaine mesure, dans le cadre des procédures collectives d’apurement du passif.

Le Code civil ne traite que d’une forme de compensation : la compensation légale (Sous-section 1). La pratique a toutefois développé d’autres formes de compensation : la compensation conventionnelle et la compensation judiciaire (Sous-section 2).

Sous-section 1 La compensation légale

§ 1) Conditions

Conception du Code civil. Dans le Code civil, la compensation est conçue comme un double paiement automatique. Pour que la compensation puisse se produire, il faut que certaines conditions positives soient remplies (A), et que n’existent pas certains obstacles (B).

A. Conditions positives

Il existe quatre conditions positives.

1. L’existence de dettes réciproques

Dettes ou créances réciproques. L’existence de dettes (ou de créances) réciproques implique qu’il est nécessaire que les deux personnes entre lesquelles doit jouer la compensation soient simultanément et personnellement créancières et débitrices l’un de l’autre.

Cette condition pose problème dans l’hypothèse où l’une des personnes agit en deux qualités différentes. Si une personne agit d’une part à titre personnel et d’autre part en tant que gérante d’une société. Dans une telle situation, il ne peut y avoir de compensation entre la créance d’une personne sur une société et la créance du gérant de la société sur cette même personne.

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De même, il n’y a pas de réciprocité si l’une des créances réciproques est sortie du patrimoine de son titulaire avant que la compensation n’ait pu produire ses effets.

2. Les dettes réciproques doivent être fongibles entre elles

Principe : condition de fongibilité. Cette condition résulte de l’art 1291, al 1 code civil qui dispose que la compensation n’a lieu qu’entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d’argent ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce.

L’exigence de la fongibilité se justifie par le fait que les parties doivent en définitive être placées dans la même situation, après la compensation, que si elles avaient reçu un paiement classique : chacune des parties doit recevoir ce à quoi elle a droit.

Il ne peut donc pas y avoir de compensation légale entre une somme d’argent et la créance résultant du prêt à usage d’une chose (créance de restitution de cette chose). De même, la Cour de cassation a considéré qu’il ne pouvait y avoir de compensation entre une somme d’argent et des bons de caisse anonymes (Cass 1ère civ, 24/02/1993, BC I n. 82).

Exception. L’art 1291, al 2 code civil prévoit une exception ; la compensation peut intervenir entre une somme d’argent et une créance de grains ou de denrées dont le prix est fixé par des mercuriales (barèmes officiels). L’idée est que pour le créancier de denrées il est indifférent de recevoir de l’argent ou des denrées si le cours de celles-ci est déterminé ou déterminable par un barème officiel.

Par analogie, cela signifie que chaque fois que la valeur d’une chose est déterminé ou déterminable par rapport à un barème officiel, on devrait pouvoir admettre la compensation. La jurisprudence a cependant refusé ce raisonnement, considérant que le texte étant exceptionnel, il doit être interprété restrictivement.

3. Les dettes réciproques doivent être liquides et certaines

Dettes liquides, certaines. Cette condition résulte de l’art 1291 code civil. Une dette ou une créance est liquide lorsqu’elle est déterminée dans

son montant, ouou du moins lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation.

Une dette ou une créance est certaine lorsqu’elle n’est pas conditionnelle, etet lorsqu’elle n’est pas contestée. Une simple contestation dilatoire ne suffit toutefois pas pour empêcher le jeu de la compensation ; il faut au moins une contestation sérieuse pour que la créance devienne incertaine.

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4. Les dettes réciproques doivent être exigibles

Principe : condition d’exigibilité. Cette condition d’exigibilité (art 1291 code civil) s’explique par la conception de la compensation comme un paiement. Elle fait qu’il est impossible pour un débiteur d’échapper à son obligation de payer sa dette exigible en invoquant à l’encontre de son créancier une créance non encore exigible.

Exception : délais de grâce. La condition d’exigibilité est toutefois écartée par l’art 1292 code civil en cas de délai de grâce (la dette d’une des deux personnes n’étant donc pas immédiatement exigible). Cette solution s’explique par le fondement du délai de grâce, qui est accordé à une personne qui n’a pas les moyens de s’acquitter de sa dette – or ici le débiteur a les moyens de s’acquitter, puisqu’il dispose d’une créance à l’égard de l’autre partie.

B. L’absence d’obstacles interdisant le jeu de la compensation

Dans un certain nombre de cas, le législateur va interdire le jeu de la compensation légale. Certains cas sont visés par l’art 1293 code civil, un autre par le Code du travail, et un dernier concerne les créances fiscales. Dans tous ces cas, l’exclusion de la compensation s’explique par la nature et/ou les caractères de l’une des créances. Enfin certaines exclusions se justifient par la protection des droits des tiers.

Cas visés par l’art 1293 code civil. L’art 1293 code civil vise deux cas dans lesquels la compensation ne peut jouer.

Créances alimentaires, insaisissables. La compensation ne joue pas en matière de créances alimentaires. Le caractère vital de la créance alimentaire interdit donc que le créancier d’aliments puisse se voir opposer la compensation par son débiteur. Cet obstacle a pour objet de protéger le créancier d’aliments ; celui-ci peut donc toujours se libérer en invoquant la compensation. Cette solution est étendue à toutes les créances insaisissables.

Créances de restitution. La compensation ne joue pas non plus en matière de créances de restitution résultant d’un dépôt ou d’un prêt à usage, ou encore de créances de restitution de choses dont on a été dépouillé de façon illite.

Cas visé par le Code du travail. L’art L144-1 code du travail exclut en principe la compensation en matière de créances de salaire, même pour la fraction saisissable, saufsauf s’il s’agit de créances pour fournitures d’outils ou

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d’instruments de travail. Le législateur a voulu empêcher que l’employeur fasse jouer à l’égard du salarié la compensation entre la créance de salaire et les fournitures que l’employeur aurait livrées à crédit au salarié. En effet au 19ème siècle l’employeur fournissait au salarié un certain nombre de biens à crédit, afin d’éviter que le salarié puisse se libérer (cette méthode a ainsi été pratiquée aux Etats-Unis après la guerre de sécession pour poursuivre l’esclavage).

Créances fiscales. La compensation est exclue en matière de créances fiscales de l’Etat et des collectivités.

Préjudice aux tiers. Il y a également exclusion de la compensation lorsque celle-ci préjudicie aux tiers, aux termes de l’art 1298 code civil. Les droits acquis par les tiers sont ceux qui rendent une des créances indisponible ou qui font sortir une des créances du patrimoine de l’une des personnes à laquelle la compensation est opposée.

Saisie sur une des créances avant la compensation. Le texte donne l’exemple de la saisie : c’est le cas où une saisie (cf supra) a été effectuée sur l’une des créances avant que la compensation ait eu lieu. C’est le cas en cas de saisie conservatoire (puisque celle-ci entraîne l’indisponibilité de la créance) ou de saisie-attribution (puisque celle-ci a un effet de transfert immédiat de la créance) pratiquée sur l’une des créances que l’on veut compenser avant que la compensation ne puisse produire effet.

Cession de créance. Il en va de même, en cas de cession de créance (cf supra), à compter de la signification de cette cession au débiteur cédé, sisi cette signification intervient avant que la compensation légale n’ait pu produire ses effets (la cession est opposable aux tiers à compter de la signification).

Subrogation. La solution est identique en cas de subrogation (cf supra), sisi le paiement subrogatoire est intervenu avant que la compensation légale n’ait pu produire ses effets (la subrogation est opposable aux tiers à partir du moment où il y a eu paiement).

Procédure collective d’apurement du passif. Il ne peut y avoir compensation lorsqu’une procédure collective d’apurement du passif a été ouverte à l’encontre de l’une des parties à la compensation. Si la procédure collective est ouverte avant que les conditions de la compensation légale soient réunies, celle-ci ne pourra plus avoir lieu. Autrement dit, la compensation légale, pour pouvoir produire effet, doit opérer avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.

§ 2) Effets

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Effet extinctif. L’effet de la compensation légale est un effet extinctif. L’art 1290 code civil précise que « la compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs ; les deux dettes s’éteignent réciproquement jusqu’à concurrence de leur quotités respectives ».

Mesure de l’extinction. Si les deux dettes sont d’un montant différent, la plus forte subsistera partiellement. L’effet extinctif concerne à la fois la créance et ses accessoires (ie les sûretés). Comme il s’agit d’un paiement, la compensation légale interrompt la prescription. Lorsqu’il y a plusieurs dettes compensables dues par une même personne, on doit suivre les règles relatives à l’imputation des paiements (a 1297 cc). Si toutes les dettes ne peuvent être compensées, il s’agit de savoir quelle dette sera compensée (à montant égal, la plus ancienne ; à montant différent, la plus forte). Cf eg Cass com, 24/06/2003, JCP E 2004 p. 426, RTD Civ. 2004 p. 512.

Effet de plein droit. L’art 1290 code civil précise avec insistance que la compensation s’opère de plein droit. Ces termes laissent à penser, à tort, que la compensation va jouer de façon automatique.

Invocation par un des débiteurs. En réalité, la compensation légale ne va jouer que si l’un des débiteurs s’en prévaut.

Caractère personnel de la compensation. En outre l’exception de compensation est personnelle : seul le débiteur peut en principe l’invoquer (dans l’hypothèse où l’on aurait d’un côté des codébiteurs solidaires dont l’un pourrait invoquer la compensation à l’égard du créancier commun) ; par exception à ce caractère personnel, la caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal (a 1294, al 1 cc) – la solution est fondée sur le caractère accessoire du cautionnement, qui n’existe que s’il existe une dette principale.

Renonciation. Enfin, l’expression du Code civil est encore trompeuse puisque le débiteur peut renoncer à la compensation, ce qui ne se conçoit pas en cas de véritable automaticité. Cette renonciation peut être expresse ouou tacite ; elle peut résulter notamment de l’acceptation sans réserve d’une cession de créance (a 1295 cc : le débiteur qui accepte une cession de créance sans réserve renonce par là même à opposer au cessionnaire la compensation qu’il aurait pu lui opposer).

Cette renonciation ne peut nuire aux tiers, par application de l’a 1299 cc3 ; en effet, le créancier qui, en connaissance de cause, n’a pas invoqué la compensation légale dont il bénéficiait et a donc payé la

3 L’a 1299 cc dispose que « [c]elui qui a payé une dette qui était, de droit, éteinte par la compensation, ne peut plus, en exerçant la créance dont il n’a point opposé la compensation, se prévaloir, au préjudice des tiers, des privilèges ou hypothèques qui y étaient attachés, à moins qu’il n’ait eu une juste cause d’ignorer la créance qui devait compenser sa dette ».

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dette qu’il devait à son débiteur perd les sûretés qui garantissaient sa créance.

Moment de l’effet de la compensation. Si la compensation légale est invoquée et les conditions sont réunies les créances sont réputées éteintes au jour où les conditions de la compensation sont réunies, et non pas au jour du jugement ou de l’accord constatant la compensation. Ainsi, la compensation sera opposable au cessionnaire d’une créance si les conditions de la compensation étaient réunies avant que la compensation ne soit opposable au débiteur cédé. De même, la compensation légale pourra être invoquée une fois que le délai de prescription de l’une des créances est écoulé, ceci si les conditions de cette compensation étaient réunies avant le moment où le délai de prescription était écoulé (Cf eg Cass Com, 30/03/2005, RTD Com. 2005 p. 599). La compensation joue donc au moment où les deux créances sont liquides, exigibles et certaines.

Sous-section 2 Les compensations conventionnelles et judiciaires

§ 1) La compensation conventionnelle

Principe. Par l’application du principe de la liberté contractuelle, les parties peuvent accord décider d’une compensation entre leurs créances lorsque certaines conditions de la compensation légale font défauts (eg : les deux dettes ne sont pas encore exigibles, elles ont un objet différent…).

Limites. La compensation conventionnelle n’est pas possible en l’absence de réciprocité ouou de disponibilité.

Effets. Contrairement à la compensation légale, la compensation conventionnelle ne produira effet qu’à compter de la date de la convention. Cette compensation conventionnelle constitue un mécanisme qui pourrait permettre au débiteur d’avantager l’un de ses créanciers. C’est pour cela qu’elle est considérée comme un mode anormal de payement qui peut être annulé s’il intervient en période suspecte dans le cadre du droit des procédures collectives.

§ 2) La compensation judiciaire

Notion. Comme la compensation conventionnelle, la compensation judiciaire permet à la compensation de produire ses effets alors que toutes les conditions de la compensation légale ne sont pas réunies. Il faut distinguer la compensation judiciaire proprement (A) dite de l’hypothèse d’une compensation pour dettes connexes (B) qui est une forme spéciale de compensation judiciaire.

A. La compensation judiciaire proprement dite

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Demande reconventionnelle en compensation. Cette compensation est apparue sur la scène juridique grâce au Nouveau Code de procédure civile. Les dispositions du Nouveau Code de procédure civile permettent au défendeur de former une demande reconventionnelle (ie une demande nouvelle en sens contraire, qui est recevable si elle se rattache à la demande principale par un lien suffisant4). Le même Code autorise également la demande reconventionnelle en compensation, en l’absence de liens suffisants avec l’action principale.

Non respect des conditions de la compensation légale. La compensation, dont on parle dans le Nouveau Code de procédure civile, n’est pas la compensation légale telle que prévue par le Code civil puisque celle-ci peut toujours être invoquée. Elle est donc nécessairement une compensation qui doit intervenir alors que les conditions de la compensation légale ne sont pas réunies. En conséquence le juge peut accorder la compensation demandée reconventionnellement alors même que les conditions de la compensation légale ne sont pas réunies.

Exemple. Le cas le plus fréquent est l’absence de liquidité d’une créance de dommages-intérêts dont le montant n’est pas encore fixé. Si le juge prononce la compensation c’est que qu’il a parfait les caractères de la créance en la liquidant, c'est-à-dire qu’il crée les conditions de la compensation légale.La Cour de cassation est allée plus loin, en considérant que les juges peuvent également ordonner la compensation judiciaire lorsque la compensation légale ne peut jouer par application de l’a 1293 cc (cf supra).

Limites. En revanche, le juge ne peut pas passer outre les obstacles qui tiennent à l’absence de réciprocité, de fongibilité et de certitude. Ceci veut dire que certaines conditions doivent obligatoirement être réunies.

Caractère facultatif. La compensation judiciaire ne constitue qu’une faculté pour le juge et la Cour de cassation considère que le juge du fond à un pouvoir discrétionnaire.

Effets. De plus, lorsque la compensation judiciaire est prononcée elle ne produit ses effets qu’à compter du jour du jugement (il a un caractère constitutif et non pas déclaratif).

B. Le cas particulier de la compensation pour dettes connexes

4 Eg si une demande principale en payement est formée par un créancier à l’encontre d’une caution, cette dernière peut former une demande reconventionnelle en mettant en jeu la responsabilité du créancier pour souscription d’un montant disproportionné.

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Compensation pour dettes connexes en cas de procédure collective. Dans le cadre des procédures collectives, il s’est développé une solution particulière ; en cas de connexité entre les créances réciproques, la compensation peut produire ses effets (notamment extinctif) postérieurement à l’ouverture de la procédure collective à l’encontre de l’une des parties, ceci même si les conditions de la compensation ne sont pas réunies.

Cette solution a été consacrée, en matière de procédure collective, en 1994 par le législateur (a L621-24 ccom, à partir du 1er janvier 2006 : a L622-5 ccom).

Il faut ajouter que pour que la compensation pour dettes connexes puisse jouer, il faut que la créance invoquée à l’encontre de la personne qui est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire soit déclarée. Autres applications. Cette solution déborde le cadre des procédures collectives puisque la compensation pour connexité est également admise en matière de subrogation, de cession de créance de droit commun ou Dailly ou encore en cas de saisie. La Cour de cassation admet la possibilité de faire jouer la compensation chaque fois qu’il y a connexité (Cass soc, 07/05/1987, BC V n° 294 p. 188 : en matière de subrogation ; Cass 3ème civ, 12/07/1995, Dalloz 1997 p. 95 : en matière de créance). En adoptant cette solution, la jurisprudence et le législateur favorisent celui qui peut invoquer cette connexité.

Notion de connexité. En fait, il y a certainement connexité chaque fois que les créances réciproques sont issues d’un même contrat, mais la Cour de cassation admet également la connexité entre « les créances et les dettes nées de ventes et d’achats, conclus en exécution d’une convention ayant défini entre les parties le cadre du développement de leurs relations d’affaires, ou de plusieurs conventions constituant des éléments d’un ensemble contractuel unique servant de cadre à ces relations ».

Conditions, effets. La connexité permet d’écarter les conditions de liquidité ou d’exigibilité, ce qui diffère par rapport à la compensation judiciaire au sens classique est l’obligation du juge, en cas de connexité, de constater le jeu de la compensation s’il estime que les conditions de la connexité sont réunies (pas de pouvoir d’appréciation). De plus, la compensation pour dettes connexes a un effet rétroactif, c'est-à-dire qu’elle remonte au jour où les créances ont coexistées.

Fondement. Le fondement de cette solution a été exprimé par la Cour de cassation (Cass 1ère civ, 18/01/1967, Dalloz 1967 p. 258 note MAZEAUD) ; la compensation est fondée sur l’idée selon la quelle la connexité constitue une garantie pour les parties.

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Section 4 La confusion

Notion. La confusion est prévue par les a 1300, 1301 cc. Il y a confusion lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne. Cette confusion opère de droit et éteint la créance.

Situations. La confusion peut se produire dans le cas où l’une des parties à l’obligation devient héritière de l’autre5. Elle peut s’opérer dans l’hypothèse de la circulation d’une créance, lorsqu’en fin de course le débiteur devient cessionnaire de cette créance (eg : achat par un locataire de l’immeuble qui lui est loué, il y a donc extinction du bail par confusion). Enfin, dans l’hypothèse d’une fusion de sociétés ou une opération assimilée, c'est-à-dire en cas de transmission universelle de patrimoine.

Conditions. Créance et dette issues d’un même rapport d’obligation réunies dans un seul patrimoine. Il doit s’agir d’une créance et d’une dette issues d’un même rapport d’obligation qui se retrouvent dans un seul patrimoine6.

Disponibilité de la créance. Pour que la confusion puisse opérer, il faut que la créance soit disponible, ce qui ne serait pas le cas en cas de saisie conservatoire de cette créance pratiquée par un tiers.

Effet extinctif. D’après l’a 1300 cc la confusion a un effet extinctif en ce qui concerne le rapport d’obligation et entraîne la disparition des sûretés qui garantissaient cette créance (a 1301 cc7 à propos du cautionnement).

Extinction partielle. L’extinction peut toutefois n’être que partielle, ainsi, en présence de plusieurs débiteurs solidaires une confusion qui joue pour l’un d’entre eux, la confusion ne jouera que pour le codébiteur solidaire sur la tête duquel sera réunie la créance et la dette, les autres ne pouvant faire valoir cette confusion. Le libéré pourra réclamer à chacun des autres débiteurs solidaires sa part contributive car la confusion ne profitera aux autres débiteurs solidaires que pour la portion éteinte par confusion.

Caractère relatif de l’effet extinctif. L’effet extinctif doit être précisé car il n’est que relatif. Une partie de la doctrine considère qu’il n’y a pas un véritable effet extinctif, mais simplement une neutralisation, une impossibilité d’exécution. L’effet relatif signifie que l’on doit tenir compte de la créance, ou de la dette, chaque fois que

5 B est l’héritier de A ; si B est le seul héritier il y a extinction totale mais si B n’est héritier que pour partie il y aura extinction partielle.6 Eg hypothèse du locataire qui achète l’immeuble ; mais la condition n’est pas remplie lorsqu’il existe un contrat de bail et un contrat de sous location (Cass 1ère civ, 02/10/2002, Dalloz 2003 p. 937 : la réunion dans la même personne des qualités de propriétaire et de locataire principal n’opérant pas au sens de l’a 1300 cc réunion des qualités de créancier et de débiteur des obligations nées du contrat de sous location, la disparition du bail principal n’a pas entraîné la résiliation de la sous location).7 La confusion qui s’opère dans la personne du débiteur principal profite à la caution.

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l’impossibilité d’exécution n’est pas en cause. Cette idée permet de comprendre certaines solutions. Prise en compte de la créance ou dette éteinte. En ce qui concerne

l’évaluation des droits de succession, il faut tenir compte de la créance ou de la dette éteinte par confusion (eg : A décède avec quatre enfants, A était créancier de B, il va donc y avoir confusion dans les rapports entre A et B. Doit-on, ou non, tenir compte dans la succession, de la portion éteinte par confusion ?).

La réponse de la doctrine et qu’il faut tenir compte de la créance éteinte dans la succession dans le calcul de la quotité disponible ( ie la portion qui peut être librement léguée par le défunt, qui ne doit donc pas revenir automatiquement aux héritiers réservataires).

Opposabilité du droit éteint par la confusion. La confusion n’éteint pas de manière absolue le droit qu’elle concerne car elle laisse au titulaire de celui-ci, la faculté de l’opposer aux tiers qui voudraient porter atteinte aux droits découlant de la situation antérieure à la confusion.

Il faut se référer à l’affaire du 02/10/2002 (op cit) dans laquelle A louait à B et B sous louait à C. Il y a eu fusion entre A et B, ce qui entraînait la disparition du contrat de bail principal à cause de la confusion. C voulait tirer argument de cette confusion au niveau du bail principal et prétendait être dégagé de ses obligations liées au contrat de sous location. La Cour de cassation dit qu’il ne peut pas y avoir de confusion au niveau du contrat de sous location et que la disparition du contrat principal n’entraîne pas celle du contrat de sous location car A peut opposer à C la situation telle qu’elle existait avant que la confusion opère.

A l’inverse, la personne sur la tête de laquelle a opéré la confusion ne peut pas invoquer cette confusion pour porter atteinte à des droits acquis légitimement par des tiers avant la confusion (A ne peut pas dire à C qu’a cause de la confusion le contrat n’existe plus).

Caractère exceptionnellement provisoire de l’effet. Dans certains cas la confusion n’a qu’un effet provisoire, et les droits éteints par voie de confusion vont « renaître ». C’est le cas lorsque la confusion est anéantie rétroactivement. En outre, dans un cas exceptionnel, les droits peuvent renaître alors que

la confusion n’a cessé que pour l’avenir (a 1696s cc), en matière de vente par un héritier de ses droits successifs (eg : la personne hérite mais vend l’héritage à un tiers).

L’a 1698 cc envisage une hypothèse particulière : c’est le cas où l’héritier était créancier du défunt, il y a donc eu confusion ; mais si l’hériter vend ses droits dans la succession à un tiers, il peut exiger le paiement de sa créance alors que celle-ci était éteinte par voie de confusion du fait de l’ouverture de la succession.

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Chapitre 3 L’extinction de l’obligation sans satisfaction du créancier1. Domaine. Cette situation peut se produire dans plusieurs cas : perte de la chose par cas fortuit8, survenance d’une déchéance légale, remise de dettes ou encore du fait de l’écoulement du temps (jeu de la prescription extinctive).

Section 1 La remise de dette2. Définition. La remise de dette est l’acte par lequel le créancier libère volontairement le débiteur, de tout ou partie de sa dette, ceci sans avoir obtenu satisfaction. C’est un acte juridique, ce qui induit qu’elle suppose l’acceptation par le débiteur. Elle est régie par le Code Civil aux a 1282, 1283 cc. 3. Caractère de la remise de dette. Pour une grande partie de la doctrine la remise de dette est toujours un acte à caractère gratuit. Cette opinion n’est toutefois pas partagée par tous. En effet, certains font valoir que dans certains cas la remise de dette peut aussi avoir un caractère onéreux (eg : dans une transaction9 au sens de l’a 2044 cc, si la remise de dette s’insère dans le cadre d’une dation en paiement ou encore toutes les hypothèses dans lesquels le créancier accepte d’alléger la dette de son débiteur afin de mieux recouvrer le reste).4. Abandon partiel de créances. De la remise de dette conventionnelle il faut distinguer les abandons partiels de créances qui sont consentis dans le cadre de procédures collectives d’apurement du passif. Le problème se pose car dans le cas d’un redressement judiciaire certains créanciers peuvent abandonner une partie de leurs créances (car ils disposent d’un recours contre une caution). La Cour de cassation considère qu’il ne s’agit pas de remises conventionnelles et donc que les cautions ne peuvent se prévaloir des a 1282, 1283 cc. La justification est toutefois douteuse (cf Cass Com, 17/11/1992, BC IV n. 355 et concernant le surendettement Cass 1ère civ, 03/03/1998, Dalloz 1998 p. 421 note SAINT-ROSE).

§ 1) Conditions5. Validité. Comme il s’agit d’une convention la remise de dette doit remplir les conditions de validité du droit commun des conventions (a 1108 cc).

Consentement. Aucune forme particulière n’est exigée. Le consentement du créancier peut être tacite, tout comme celui du débiteur. On peut même faire valoir que le silence pourrait valoir acceptation pour le débiteur car l’offre de remise est faite dans son intérêt exclusif. Si le silence vaut acceptation, une fois celle-ci donnée, il ne peut plus y avoir de rétraction de la part du créancier.

Capacité. Elle dépend de la nature de l’opération telle qu’elle a été voulue par les parties (eg : si la remise s’insère dans une transaction il faut la capacité pour transiger, si la remise procède d’une intention libérale il faut la capacité de donner et de recevoir…).

§ 2) Preuve6. Système de preuve. La remise de dette étant une convention on applique les règles de preuve applicables aux actes juridiques dans le 8 La perte d’une chose par cas fortuit est régie par la théorie des risques (cf N. RONTCHEVSKY, Cours 2-2).9 La transaction, au sens juridique du terme, est l’acte par lequel les parties mettent fin à une contestation née ou provienne une contestation à naître. Pour qu’il y ait transaction il est donc nécessaire d’être en présence de concessions réciproques.

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domaine en question. Ainsi, en matière commerciale le système de la liberté de preuves prévaut alors qu’en matière civile on applique le système de la preuve écrite. 7. Présomption. Toutefois les a 1282, 1283 cc pose une présomption. L’idée fondamentale à la base de ces deux textes est que la remise volontaire du titre ne peut s’expliquer que par la renonciation à exercer des poursuites.

Remise du titre original sous seing privé. L’a 1282 cc dispose que la remise volontaire du titre original sous seing privé par le créancier au débiteur fait preuve de la libération. Il s’agit d’une présomption irréfragable de libération du débiteur. En effet, en remettant le titre original sous seing privé, se dessaisi du seul moyen de faire valoir sa créance.

Remise volontaire de la grosse. L’a 1283 cc prévoit que la remise volontaire de la grosse10 du titre fait présumer la remise de dette ou le paiement. Il ne s’agit ici que d’une présomption simple soit de payement, soit de remise de dette. Ceci s’explique par le fait que la remise de la grosse n’est en fin de compte que la remise d’une copie exécutoire, l’original restant toujours en la position soit du tribunal, soit du notaire.8. Conditions de la présomption.

Volonté. Il doit s’agir d’une remise volontaire, en connaissance de cause.

Parties à l’acte. La remise doit avoir été faite par le créancier ou son représentant au débiteur ou à son représentant.

Objet. On doit remettre l’original sous seing privé ou la copie exécutoire.9. Contestation. Les a 1282, 1283 cc dépassent la simple remise de dette, la présomption posée par ces textes est donc alternative, la remise fait présumer le paiement ou la remise de dette. En cas de contestation sur ce point, la preuve incombe au demandeur.

§ 3) EffetsLa remise de dette va produire les effets de l’opération que les parties

ont voulu réaliser (eg : s’il s’agit d’une libéralité on applique tous les effets d’un libéralité).

10. Effet extinctif. La remise de dette à un effet extinctif, elle éteint l’obligation et les sûretés qui y sont attachées. L’extinction pourra être totale ou partielle selon ce que les parties auront voulus.

11. Pluralité de débiteurs. Dette conjointe. S’il s’agissait d’une dette conjointe, la remise consentie

à l’un des débiteurs ne profite qu’à celui-ci. Dette solidaire. S’il s’agit d’une dette solidaire, la remise accordée à l’un

des débiteurs libère, en principe, les autres. Il est toutefois possible de stipuler le contraire pour le montant de la dette diminuée de la part du débiteur libéré (a 1285 cc).

Caution. En cas de cautionnement (a 1287 cc), la remise de dette accordée au débiteur principal libère la caution (puisque l’engagement de la caution n’est qu’accessoire, et que l’accessoire suit le principal). Si la remise est accordée à la caution, elle ne libère pas le débiteur principal.

10 La grosse est l’original d’un titre exécutoire d’un jugement ou d’un acte notarié.

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Enfin, la remise consentie à l’une des cautions ne libère pas les autres. Ces solutions ne valent que pour les remises conventionnelles et ne s’appliquent donc pas, au moins jusqu'au 01/01/2006, pour les procédures collectives (a 626-11 cc).

Section 2 La prescription extinctive12. Définition. La prescription extinctive ou libératoire est un mode

d’extinction des obligations qui résulte du défaut d’exercice des droits pendant un certain temps (a 2219 cc). Cette prescription s’oppose à la prescription acquisitive, qui permet de devenir titulaires d’un droit du fait de l’écoulement d’un certain délai.

13. Exclusions. La seule question envisagée ici est celle de la prescription extinctive des obligations, c'est-à-dire des droits de créance. La prescription des actions en nullité et les délais préfix sont donc exclus.

Prescription des actions en nullité. Celle-ci a pour effet d’éteindre le droit de critique d’une obligation irrégulièrement formée.

Délais préfix. Ce sont les délais – généralement très brefs – accordés par la loi pour accomplir un acte ou exercer une action en justice dont l’inobservation est sanctionnée par la forclusion ou la déchéance (eg l’a L313-37 ccons institue un délai de forclusion de 2 ans pour tous les litiges relatifs à un crédit à la consommation ; l’a 1676 cc institue un délai de 2 ans en matière de lésion). Les délais préfix sont des délais d’ordre public, que le juge peut donc relever d’office, insusceptibles d’interruption ou de suspension. Ils expriment la volonté du législateur d’obliger le titulaire d’un droit à faire diligence.

14. Distinction. Il n’existe pas de véritable critère de distinction entre les délais de prescription et les délais préfix. Certes, les délais préfix sont tous des délais brefs (2 ans maximum), mais certains délais de prescription sont de deux ans ou mois. En l’absence de mention expresse du législateur, il faut donc obtenir une réponse de la jurisprudence.

15. Fondement. Les prescriptions extinctives reposent sur un double fondement. D’abord, elles ont pour but de favoriser la paix sociale en évitant les procédures qui portent sur des faits trop lointains ; on considère que l’ordre social serait davantage perturbé par des revendications tardives que par la consolidation de certaines situations de fait qui seraient non-conformes au droit. Ensuite, elles ont un rôle probatoire ; en effet, si la prescription extinctive n’existait pas, le débiteur – et même sa succession – devrait conserver indéfiniment les preuves de chaque paiement ou de tout autre mode de libération.

Le régime juridique varie selon que l’un ou l’autre de ces fondements prédomine. La seule condition est celle de durée.

§ 1) La durée de la prescriptionA. Les délais

Les délais sont fixés par la loi, mais peuvent faire l’objet de certains aménagements conventionnels.

1. Délais légaux L’énumération des délais légaux serait fastidieuse ; on peut plus

simplement distinguer les longs, moyens et cours.16. Prescriptions longues. Il y a deux délais.

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Prescription trentenaire. La prescription trentenaire est le délai de droit commun qui s’applique pour toutes les obligations pour lesquelles une prescription plus brève n’a pas été prévue par la loi (a 2262 cc). Cette prescription est particulièrement critiquée, et beaucoup d’auteurs préconisent de revenir à un délai décennal.

Prescription décennale. La prescription décennale est importante en pratique, car elle s’applique en matière de responsabilité civile extracontractuelle (a 2270-1 cc), de responsabilité des constructeurs en matières immobilière (a 1792 cc), et en matière commerciale (a L110-4 ccom) pour tous les actes de commerce et les actes mixtes.

17. Prescriptions moyennes. Les prescriptions moyennes sont pour l’essentiel réparties en un délai de 5 et de 3 ans.

Prescription quinquennale. Le fondement de la prescription quinquennale est la volonté du législateur de « punir » le créancier pour avoir laissé s’accumuler trop d’arriérés dont le paiement ruinerait le débiteur.

Domaine. La prescription quinquennale (a 2277 cc) concerne les actions en paiement des créances périodiques, notamment en matière de salaires, d’arrérages de rentes, de loyers, de fermages, de charges locatives, d’intérêts des sommes prêtés, et plus généralement tout ce qui est payable par année ou à des termes plus courts.

Intervention législative. L’a 2277 cc vise les actions en paiement, aussi les tribunaux n’appliquent-ils pas cette prescription à l’action en répétition de l’indu de toute somme à caractère périodique11. Cette jurisprudence a entraîné une réaction du législateur par la loi du 18/01/2005, qui a complété l’a 2277 cc en précisant que se prescrivent également par 5 ans les actions en répétition des loyers, des fermages, et des charges locatives. Le champ d’application de cette modification est moins large que l’a 2277 cc : la prescription ne s’applique en effet que dans ces trois hypothèses, et donc pas, par exemple, en matière de répétition des intérêts12.

Caractères. Pour que cette prescription quinquennale puisse s’appliquer, il faut d’après une jurisprudence constante que le montant soit déterminé au moment de l’échéance, ou qu’il puisse l’être par référence à des éléments connus du créancier, ne dépendant pas de déclarations du débiteur. Eg le montant des cotisations à certaines mutuelles se calcule à partir de la déclaration par l’adhérent de ses revenus; tant que le débiteur n’a fait cette déclaration, le créancier ne peut pas réclamer, aussi la prescription de l’a 2277 cc ne va pas s’appliquer.

Portée. La prescription n’atteint que les créances exigibles depuis plus de 5 ans, mais pas le titre qui donne naissance à ces créances.

Prescription triennale. Le délai triennal est notamment celui qui s’applique en matière de nullité de société et d’actes de société (cf Droit commercial).

18. Prescriptions courtes. Il s’agit des prescriptions inférieures à 3 ans. Présomption de paiement. Parmi les prescriptions courtes, il faut

réserver une place particulière aux prescriptions prévues par les a 2271 à 2273 cc, qui sont fondées sur une présomption de paiement. 11 Cf Cass mixte, 12/04/2002, BCM n. 2, Dalloz 2002 p. 2433.12 Cf Cass 1ère civ, 01/03/2005, BC I n. 110.

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Règles. En raison de ce fondement, des règles particulières vont s’appliquer, notamment le fait de pouvoir déférer le serment au débiteur, et au niveau des effets, l’interversion de la prescription. Si le délai est écoulé, cela signifie que le débiteur est en principe libéré ; mais le créancier peut déférer le serment au débiteur, qui doit alors jurer qu’il ne doit plus rien – s’il ne jure pas, il est obligé de payer.

Domaine d’application. Ces prescriptions conceent toutes les dettes qu’il est d’usage de payer rapidement, sans exiger de quittance. Eg l’a 2271 cc prévoit une prescription de 6 mois pour les hôteliers et les traiteurs à raison du logement et de la nourriture qu’ils fournissent ; une prescription d’1 an pour l’action des maîtres de pension pour ce qui doit être versé au titre de la pension de l’enfant ; l’a 2272 cc prévoit une prescription de 2 ans pour les honoraires des médecins et chirurgiens, ainsi que pour l’action des marchands pour les marchandises qu’ils vendent aux particuliers non marchands.

Autres textes. De nombreux textes particuliers instituent de courtes prescriptions mais qui ne relèvent pas d’une présomption de paiement. Eg l’a L114-1 cass prévoit un délai de 2 ans pour les actions qui dérivent d’un contrat d’assurance ; l’a L145-60 ccom prévoit un délai de 2 ans en matière de baux commerciaux ; un texte inconnu prévoit une prescription d’1 an en matière de transport.

2. Possibilités d’aménagement conventionnelles 19. Principe. L’a 2220 cc interdit de renoncer par avance à la prescription,

mais permet d’y renoncer une fois que celle-ci est acquise. 20. Jurisprudence. La jurisprudence a pris position concernant

l’allongement ou le raccourcissement des délais. Allongement des délais. La jurisprudence considère que les clauses qui

allongent les délais sont interdites. Cette interdiction se justifie par le fait que l’allongement correspond à une renonciation limitée à la prescription voulue par les textes, ce qui va à l’encontre de l’a 2220 cc ; en outre, l’admission de telles clauses rendrait trop facile le contournement de la prohibition de ce texte.

Raccourcissement de délais. La Cour de cassation considère que sont en principe licites les clauses qui abrègent les délais. Ces clauses sont licites car elles sont favorables au débiteur. Ces clauses deviennent toutefois illicites si le délai stipulé est tellement bref qu’il ne permet pas au créancier d’agir13, ou s’il existe un texte d’ordre public contraire (eg l’a L114-2 cass interdit d’abréger le délai pour protéger l’assuré).

B. La computation des délaisIl faut connaître le point de départ ainsi que le mode de calcul.

1. Point de départ Dans de nombreux cas, la loi précise le point de départ. Dans les autres

cas, il faut appliquer les règles générales posées par le Code civil ou à défaut le principe contra non valentem dont l’application a été généralisée par la jurisprudence.

a. Les règles générales

13 Cf Cass Com, 17/12/1973, BC IV n. 567 : en l’espèce les conditions générales de vente prévoyaient « que les réclamations doivent être adressées dans les 8 jours suivant la livraison ». La Cour d’appel avait jugé irrecevable l’action introduite 29 mois après la livraison.

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21. Dettes sous condition suspensive. En matière de dette sous condition suspensive, l’a 2257 cc prévoit que le point de départ de la prescription est fixé au jour de réalisation de la condition. Pour tout droit découlant d’un évènement incertain, la prescription ne cours pas avant que cet évènement ne se soit produit.

22. Créance à terme. Pour les créances à terme, la prescription commence à courir avec l’arrivée du terme.

23. Applicabilité. Ces solutions ne sont applicables qu’en matière de créances contractuelles mais même pas pour toutes les créances contractuelles.

b. Le principe contra non valentem agere non courrit praescriptio24. Principe. De nombreux textes fixent un autre point de départ issu du

principe contra non valentem agere non courrit praescriptio. Ainsi, le point de départ de la prescription est fixé au jour où le titulaire de l’action est en mesure d’agir. La prescription fait un large usage de cet adage, chaque fois qu’une partie est dans l’impossibilité d’agir pour une certaine raison la prescription ne commencera à courir que lorsque l’impossibilité aura cessé.

Exemple. Cf Cass soc, 01/04/1997, BC V n.130 : en l’espèce un employeur qui avait omis de cotiser pour la retraite d’un de ses salariés. Celui-ci ne s’est aperçu du problème que le jour où il a fait valoir ses droits à la retraite. Il intente action en responsabilité contre son employeur. la Cour d’appel juge que l’action est prescrite puisque le délai court depuis plus de 30 ans. Mais, pour la Cour de cassation, la prescription d’une action en responsabilité résultant d’un manquement aux obligations nées du contrat de travail ne court qu’à compté de la date où le manquement est révélé à la victime si celle-ci établis qu’elle n’en avait pas précédemment connaissance.

2. Le mode de calcul 25. Principe. La matière est régie par les a 2260, 2261 cc.

Départ. L’a 2260 cc dispose que « la prescription se compte par jours et non par heures ». Dès lors, le jour du point de départ de la prescription sera exclut du décompte de celle-ci.

Arrivée. L’a 2261 cc dispose qu’ « elle [la prescription] est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli ». Dès lors, la prescription est acquise lorsque le dernier jour de celle-ci est achevé.

C. L’interruption et la suspension de la prescription 1. L’interruption

26. Principe. Elle peut résulter d’un acte du créancier qui affirme sa volonté de voir le paiement de sa créance ou d’une reconnaissance de sa dette par le débiteur.

a. Les actes du créancier interruptif de la prescription 27. Principe. La matière est régie par l’a 2244 cc14, la liste qu’il fournit est

limitative. Toutefois, les dispositions de l’a 2244 cc n’étant pas d’ordre public il est donc possible d’y déroger conventionnellement (eg une simple lettre peut être interruptive de prescription), sauf exceptions prévues par les textes.

14 L’a 2244 cc prévoit qu’ « une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ».

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28. Actes interrompant la prescription. Il faut distinguer entre le cas où le créancier bénéficie d’un titre exécutoire et le cas ou le créancier n’en bénéficie pas.

Titre exécutoire. Si le créancier bénéficie déjà d’un acte exécutoire un commandement de payer par acte extra judicaire ou une saisie suffiront à interrompre la prescription.

Absence de titre exécutoire. Si le créancier ne bénéficie pas d’un titre exécutoire, une assignation ou citation en justice seront nécessaires. Ces deux actions sont interruptible de prescription même s’il s’agit d’une citation devant une juridiction incompétente, dans l’hypothèse où la citation a été délivrée dans les conditions exclusive de toute bonne foi (cf Cass 2ème civ, 16/12/2004, BC II n. 531).

29. Délais préfix. Les délais préfix, par opposition aux délais de prescription, ne peuvent pas être interrompu.

b. La reconnaissance de sa dette par le débiteur 30. Principe. L’a 2248 cc prévoit que la prescription est interrompu par la

reconnaissance que le débiteur fait du droit contre lequel il prescrivait. Cette reconnaissance peut être expresse ou tacite (eg paiement d’un intérêt, demande d’un délai pour payer, invocation d’un compensation).

c. Les effets de l’interruption 31. Principe. En cas d’interruption, un nouveau délai commence à courir et,

en principe, la prescription nouvelle est de même nature que l’ancienne. 32. Interversion. Les courtes prescriptions des a 227115, 227316 cc sont

fondées sur présomption de paiement. Dès lors, si la prescription est interrompu pour l’une des cause limitativement prévue par l’a 2274 cc17, il y a interversion de la prescription. Ainsi le délai de prescription ancien va être remplacé par le délai trentenaire de droit commun. L’idée que l’aveu et l’engagement du débiteur prouvent que le paiement n’a pas eu lieu et qu’il existe un nouveau titre qui doit donc être soumis au droit commun.

2. La suspension 33. Principe. La suspension n’écarte pas le délai déjà couru ; elle arrête

temporairement le cours de a prescription qui recommence à courir lorsque la cause de la suspension a disparu. Selon l’a 2251 cc, seule la loi peut énoncer les causes de suspension d’une prescription. On distingue deux cas principaux, l’incapacité (a 2252 cc) et le fait d’être époux (a 2253 cc).

34. Jurisprudence. La jurisprudence en fait une interprétation extensive qui procède de l’application de l’adage contra non valentem.

Loi, convention, force majeure. Le caractère limitatif du code civil est comblé par l’interprétation extensive de la jurisprudence qui considère de manière générale que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l’impossibilité absolue d’agir par suite d’un empêchement quelque

15 L’a 2271 cc prévoit que « l'action des maîtres et instituteurs des sciences et arts, pour les leçons qu'ils donnent au mois; Celle des hôteliers et traiteurs à raison du logement et de la nourriture qu'ils fournissent, se prescrivent par six mois ».16 L’a 2273 cc dispose que « l'action des avoués [avocats] , pour le payement de leurs frais et salaires, se prescrit par deux ans, à compter du jugement des procès ou de la conciliation des parties, ou depuis la révocation desdits avoués [avocats]. A l'égard des affaires non terminées, ils ne peuvent former de demandes pour leurs frais et salaires qui remonteraient à plus de cinq ans ».17 L’a 2274 cc nous indique que « la prescription, dans les cas ci-dessus, a lieu, quoiqu'il y ait eu continuation de fournitures, livraisons, services et travaux. Elle ne cesse de courir que lorsqu'il y a eu compte arrêté, cédule ou obligation, ou citation en justice non périmée ».

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résultant soit de la loi, de la convention ou de la force majeure (cf Cass 1ère civ, 04/02/1987, JCP 1987 II n. 20818).

Impossibilité morale. La jurisprudence a considéré qu’il peut y avoir suspension en raison d’une impossibilité morale, dans le cas où le créancier est dans l’ignorance de ses droits ou dans le cas où le débiteur a obtenue un sursis d’exécution.

Fin de l’empêchement. La jurisprudence refuse d’appliquer l’adage contra non valentem une fois que la cause de l’empêchement a pris fin si le débiteur avait encore suffisamment de temps pour agir ensuite.

35. Délais préfix. En matière de délais préfix, contrairement aux délais de prescription, aucune suspension n’est possible.

§ 2) Les effets de la prescription 36. Principe. L’effet majeur de la prescription est l’extinction de l’obligation.

Toutefois, elle ne se produit que si le débiteur se prévaut de la prescription. Selon l’a 2223 cc18, le juge ne peut pas relever d’office le moyen tiré de la prescription. Procéduralement, la prescription est généralement invoquée en défense. Elle constitue une fin de non recevoir. De plus, elle peut être soulevée en tout état de cause devant le juge du fond (a 122 ncpc et a 2224 cc19).

37. Doctrine. En doctrine il existe une controverse sans grand intérêt pratique quant à la portée de l’effet extinctif de la prescription. Deux courants de pensées s’opposent :

Courant processualiste. La prescription n’atteint que l’action en justice et laisse subsister l’obligation elle-même. Autrement dit la prescription n’éteint pas l’obligation.

Thèse dite substantialiste. La prescription éteint à la fois l’action et l’obligation. Cette thèse est majoritaire en doctrine et correspond à la position de la jurisprudence. L’argument majeur invoqué est un raisonnement par l’absurde, si la prescription avait pour seul effet d’éteindre le droit d’agir en justice, cela aurait pour conséquence l’imprescriptibilité des obligations qui ne nécessite pas d’une action en justice.

18 L’a 2223 cc dispose que « les juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription ».19 L’a 2224 cc prévoit que « la prescription peut être opposée en tout état de cause, même devant la cour royale [la cour d'appel], à moins que la partie qui n'aurait pas opposé le moyen de la prescription ne doive, par les circonstances, être présumée y avoir renoncé ».

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