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CHAPITRE II - FIBRES DE RENFORT
I. PRESENTATION GENERALELe verre de type E constitue la majeure partie du tonnage de verre textile produit
actuellement. Les compositions exactes des verres étant susceptibles de légers réajustements
en fonction des nécessités techniques, il est seulement possible de donner des ordres de
grandeur des proportions de chacun des constituants (Tableau 1). Le Tableau 2 présente les
propriétés thermiques, mécaniques et physiques des fibres de verre E.
ConstituantsDénomination Symboles
Comp.Pondérale(%)
Silice SiO2 53-54Alumine Al2O3 14-15,5Chaux CaO 20,24Magnésie MgOOxyde de bore B2O3 6,5-9Fluor F 0-0,7Oxyde de Fer Fe2O3 <1Oxyde de titane TiO2Oxyde de sodium Na2O <1Oxyde depotassium
K2O
Tableau 1 – Composition des verres detypes E d’après 9(7527(; ������
PropriétésPropriétés physiquesMasse volumique 2,6 g.cm-3
Reprise d’humidité <0,1 %Propriétés thermiquesCapacité thermique massique 0,8 J.g-1.K-1
Conductivité thermique 1,0 W.m-1.K-1
Coef. dilatation linéique 5.10-6 K-1
Propriétés mécaniquesRésistance en traction 3,4 GPaModule d’élasticité 73 GPaCoefficient de Poisson 0,22Allongement à rupture 4,4 %
Tableau 2 - Propriétés thermiques,mécaniques et physiques des verres detypes E d’après 9(7527(; ������
Les filaments en sortie de filière soumis à une forte vitesse de tirage subissent une
trempe dans l’eau à la vitesse de 106 Ks-1. Après le dépôt de l’ensimage, les filaments sont
assemblés en roving. Outre les fonctions de promoteur d’adhésion et de protection,
l’ensimage permet également de moduler l’imprégnation des filaments par la résine lors de la
mise en œuvre de matériaux composites.
La quantité d’ensimage (extrait sec) déposée sur les fibres de verre est relativement
faible, de l’ordre de 0,3 à 3% selon les cas. Le liquide vecteur est l’eau permutée qui
représente 85 à 95% de la composition d’un ensimage. Celle-ci comprend essentiellement
�9(7527(; �����:
- des agents filmogènes collants qui interviennent sur la raideur, la protection et
l’imprégnation du fil. Ce sont généralement des polymères tels que le polyacétate de
vinyle, des polyesters, des prépolymères époxyde etc. Leur taux peut varier de 3 à 15%
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- des agents lubrifiants, qui apportent protection et lubrification à la surface du fil lors
des opérations de mise en œuvre. Il s’agit de tensio-actifs généralement cationiques (mono
ou diamines aliphatiques avec un radical lipophile, oxyalcoylamides, ou sels d’ammonium
quaternaire) ou non ioniques (polyéthoxyesters). Leur proportion est faible, de l’ordre de
0,5 à 2%
- des agents antistatiques tels que les sulfonates d’alkylaryl, les condensats d’acides ou
d’alcool gras sur oxyde d’éthylène, les sels d’ammonium quaternaire
- des agents de pontage dont le rôle consiste à servir de lien entre la matrice organique
et le verre. Il s’agit donc de molécules « hybrides », le plus souvent des organosilanes. La
proportion d’agent de pontage est de l’ordre de 0,5 à 1,5%
- des émulgateurs, colloïdes, plastifiants capables de stabiliser les émulsions et de régler
la viscosité de l'ensimage
Les fibres retenues pour cette étude ont été fournies par la société Vetrotex
International. Nous disposons de 4 types de fibres :
- des fibres ensimées à l’eau, c’est-à-dire ayant été traitées en sortie de filière par un
ensimage composé uniquement d'eau et d'agents anti-statiques
- des fibres traitées par un agent de pontage, le γ-aminopropyltriéthoxysilane (NH2-
(CH2)3-Si-(OC2H5)3 ou γ-APS, désignation A1100) à partir d’une solution à 1% en masse
- des fibres présentant un ensimage dit « universel », utilisable avec différents types de
matrices (polyépoxyde, polyester...). Cet ensimage contient des organosilanes de type γ-
APS, mais sa composition exacte ne nous a pas été fournie. Sa désignation commerciale est
P122
Nomenclature Ensimage Tex (*) Diamètre du filamentannoncé (µm)
Diamètre moyen mesuré(µm)
Fibres vierges eau 480 17 18,1 ± 1,4A1100 γ-APS 480 17 18,3 .± 1,7
P122 1200 Tex P122 1200 17 19,1 ± 1,4P122 2400 Tex P122 2400 - 26,6 ± 2,0
(*) Poids en grammes par km de fibres
Tableau 3- Types de fibres de verre E retenues pour cette étude
Le Tableau 3 résume les caractéristiques des quatre types de fibres. Outre la nature du
traitement de surface, le diamètre des fibres constituera également un paramètre d’étude, au
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travers des fibres ensimées P122. Les tuyauteries EDF sont en effet réalisées à partir des
fibres 1200 mais également 2400 Tex et la littérature ne fournit guère d’informations sur
l’influence du diamètre sur les propriétés mécaniques et leur évolution au cours du
vieillissement hydrothermique. Notons également la largeur de la distribution des diamètres.
Nous n’utiliserons pas la valeur du diamètre moyen pour les traitements numériques, mais
celle-ci sera mesurée pour chaque expérience dans la mesure du possible.
II. PROPRIETES DES TRAITEMENTS DE SURFACE PAR DES
ORGANOSILANES
II.1. Les organosilanes en solution
La formule générale de ces composés est R-Si(OCnH2n+1)3 où R représente le ligand
organique du silane portant une fonction réactive vis-à-vis des comonomères du mélange
réactif utilisé. Pour le γ-aminopropyltriéthoxysilane qui nous intéresse plus particulièrement,
R = NH2-(CH2)3. L’efficacité du silane en tant qu’agent de pontage dépend de son degré de
condensation, qui lui-même affecte la structure de l’interphase dans le composite final. La
compréhension des cinétiques d’hydrolyse et de condensation est donc particulièrement
importante, et dépend de nombreux paramètres tels que le pH et la température, mais
également la concentration en silane de la solution et la nature du ligand organique
�3/8(''0$11 ����� ,6+,'$ ��������������� 267(5+2/= ����� 68=8., ������
La famille des aminosilanes dans laquelle s’intègre le γ-APS se distingue par une
grande solubilité en phase aqueuse et par la grande stabilité de l’agent de couplage au sein de
la solution �3/8(''0$11 �����. Celle-ci serait attribuée à la formation d’espèces
zwitterioniques et/ou cycliques qui stabilisent la structure moléculaire et en limitent la
condensation. Dans des conditions de pH acide, le silane est rapidement hydrolysé et se
trouve principalement sous forme de silanol pour des concentrations relativement faibles
�,6+,'$ ���������������. La condensation est limitée, et l’hydrolyse est totale jusqu’à des
concentrations relativement élevées de l’ordre de 40% en masse �,6+,'$ �����. A partir d’une
concentration critique de silane en solution aqueuse, de l’ordre de 0,15% pour le γ-APS, les
espèces trisilanol s’associent sous forme de micelles qui forment ensuite des agrégats dont la
taille peut atteindre plusieurs centaines de nanomètres (Figure 1).
,6+,'$ (7 $/� ������ ont montré qu’une partie des trisilanols se condensaient au sein
des agrégats, et qu’ainsi cette concentration critique pouvait être associée à une transition
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monomère isolé – oligomères. L’influence d’agents filmogènes collants et autres composants
de l’ensimage sur ce comportement n’est pas connu. Le silane jouerait un rôle de surfactant à
l’interface entre les particules colloïdales de polymère et l’eau �-21(6 �����.
0
100
200
300
400
0 5 10 15 20
Concentration (% en masse)
Ray
on h
ydro
dyna
miq
ue (
nm)
Figure 1– Rayon hydrodynamique du γ-APS en solution aqueuse en fonction de laconcentration mesuré par diffusion quasi-élastique de la lumière : (■) sans traitementparticulier et (●) distillé sous vide d’après ,6+,'$ ������
II.2. Structure du dépôt sur fibre de verre
a) FACTEURS INFLUENÇANT LA STRUCTURE DU TRAITEMENT DE SURFACE
La structure du réseau organominéral déposé à partir d’une solution aqueuse de silane
sur la fibre de verre dépend d’un grand nombre de paramètres, dont la structure du silane en
solution, mais également des conditions de séchage, de la topologie et des propriétés de la
surface du verre. Il est généralement admis que le silane sous forme hydrolysé réagit avec les
silanols du verre pour former des liaisons covalentes ou hydrogène �3/8(''0$11 �����
,6+,'$ �����. De nombreux mécanismes sont proposés pour décrire l’interaction du silane
avec la surface du verre. Le γ-APS se déposerait essentiellement sous forme cyclisée à la
surface du verre �3/8(''0$11 �����, les études les plus récentes mettant en lumière le rôle
prépondérant joué par la fonction amine du groupement organique �75(16 ����� $525$ �����.
Le réseau organominéral est formé au cours du séchage, généralement à des températures
supérieures à 100°C. Les conditions dans lesquelles est effectué ce traitement thermique ont
une influence considérable sur la structure moléculaire du réseau minéral en surface �&8//(5
�����. La moitié des amines primaires peuvent former un sel de bicarbonate au contact de
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l’humidité et du dioxyde de carbone. Ce phénomène est néanmoins réversible et le sel se
décompose par un traitement thermique à des températures supérieures à 95°C. &8//(5 ������
a également montré que les amines primaires du groupement organique sont oxydées en imine
à des températures supérieures à 120°C. Ces deux phénomènes diminuent bien entendu
l’efficacité de l’agent de couplage en limitant la formation de liaisons avec les groupements
oxirane du prépolymère époxyde de la matrice.
Fibre Diamètre (µm) Perte de masse (%) Epaisseur du revêtement (nm)Vierges 18,1 0,14 -γ-APS 18,3 0,17 21
P122 1200 Tex 19,1 0,77 86P122 2400 Tex 26,6 0,55 86
Tableau 4 – Perte de masse mesurée par analyse thermique gravimétrique à 5°C/min sousatmosphère inerte et épaisseur du revêtement calculée en considérant un dépôt d’agent decouplage uniforme
La quantité d’agent de couplage déposée augmente avec la concentration de celui-ci en
solution �-($11( �����. Le dépôt γ-APS représente ainsi moins de 0,2% de la masse totale de
la fibre (Tableau 4), ce qui correspond moyennant certaines hypothèses (voir annexe IV.1 p.
A-19) à 27 ± 11 monocouches réparties sur une vingtaine de nm. Le revêtement issu d’une
solution d’ensimage industriel représente de 0,5 à 0,8% de la masse totale suivant le diamètre
de la fibre, et conduit à la formation de nombreux « îlots » en surface des fibres (Figure 2).
(a) (b)
Figure 2 – Observation du dépôt γ-APS (a) et P122 (b) par microscopie électronique àbalayage
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b) UN RESEAU ORGANOMINERAL DE DENSITE DE RETICULATION VARIABLE
L’analyse viscoélastique in-situ proposée par 0,//(5 ������ permet d’étudier les
relaxations mécaniques du réseau organominéral déposé en surface des fibres avant de les
intégrer dans une matrice polymère. L’exploitation des résultats reste qualitative, puisque la
valeur absolue de l’amortissement et du module dépendent de la prétension, de l’alignement
des fibres et de la géométrie, qui sont difficiles à contrôler précisément.
0
0.4
0.8
1.2
1.6
-150 -100 -50 0 50 100 150 200
Température (°C)
Tan
del
ta
(a)
0
0.1
0.2
0.3
-150 -100 -50 0 50 100 150
Température (°C)
Tan
del
ta
(b)
Figure 3 – Spectre viscoélastique des fibres γ-APS (a), P122 (b) et vierges (en gris) déterminépar analyse mécanique dynamique en flexion encastrée à 1 Hz
Les propriétés mécaniques du verre représentées par le spectre des fibres vierges (en
gris sur la Figure 3) restent constantes de –150 à 200 °C. La Figure 3 présente les spectres
viscoélastiques des fibres γ-APS et P122 respectivement. On n’observe pas de pics de
relaxation clairement défini dans le domaine de température exploré, mais une relaxation très
large. Ce résultat est similaire à celui obtenu par $+/67520 ������ sur des fibres traitées par
une solution à 0,5% en masse de γ-APS, mais également par (&.67(,1 ������ qui a étudié
l’influence de la concentration du γ-méthacryloxypropyltriéthoxysilane en solution sur les
propriétés viscoélastiques des fibres. L’interprétation du spectre viscoélastique est rendue
délicate par la possible condensation additionnelle du réseau au cours de la montée en
température. L’évolution de l’angle de perte jusqu’à la température ambiante est néanmoins
caractéristique d’un réseau organominéral de densité de réticulation variable. Ceci rejoint les
observations de ',%(1('(772 ������� -($11( ������ et:$1* -21(6 �����$�%�&������. Ces
derniers ont mis en évidence par spectrométrie de masse d’ions secondaires à temps de vol un
réseau γ-APS de densité de réticulation croissante au fur et à mesure que l’on se rapproche de
la fibre. Il est possible de distinguer, selon la résistance aux extractions successives à
différents solvants :
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- une zone d’oligomères physisorbés
- une zone d’oligomères/réseau chimisorbés
- une monocouche en surface du verre résistant à l’extraction
La seconde relaxation mécanique de plus faible intensité observée à basse température
a été attribuée par (&.67(,1 ������ à des groupements pendants de type RSiOX. La structure
du revêtement obtenu à partir d’une solution d’ensimage est quant à elle méconnue, bien que
certains auteurs la considèrent similaire à celle obtenue avec un agent de couplage seul �-21(6
�����. L’observation de deux relaxations sur le spectre des fibres P122 confirme cette
hypothèse. La présence d’oligomères/polymères au sein de l’ensimage peut également
conduire à une réticulation additionnelle au cours de la montée en température. Les
températures correspondant au début de chaque relaxation (α1 et α2) sont présentées dans le
Tableau 5 pour les deux types de fibres et sont du même ordre de grandeur.
O
Al
OH
OH
O
R O
R
SiO
SiO O
Al
O
O
OSi
OR
Al
RO
OSi
OSi
OR Al
Si
O
OSi
OH
RR
OH
O
OR
OH Si
O O
OH
O Si O Si
O
SiR OH
OH
O
SiO
SiR
Si Si OOR
OH
OH
R
OH
SiO
Si OH
R
OHR
Si
R
OH
O Si O Si
SiO
SiO
O
R
OH
ROH
SiOH
SiO
SiO
R
OHOH
O Si
O
SiR
OH
Si
O
O Si O Si
O
OSi
O
Si
O
SiOH OH
R
OH
R
O
OSi
O
Si
O
Si
OR
OH
R
OH
OH
Si
OH
RR
OH
Si
R
OH
R
OH
Si
OHR
Si
R R
OH
R
OOOSi
R
OH
R
Si
OH
OH
OSi
R
OSi
R
OOH
OHOH
OH
OH
OH
OHOH
O
Si
O
Si
O O
SiA1
O
SiSi
O O
AlSi
O
SiSi
OHOH
OHOH
CO
UC
HE
S D
E S
ILA
NE
CO
ND
EN
SE
ES
SURFACEDU VERRE
VERRE
CO
NT
INU
UM
Figure 4 – Représentation schématique du réseau γ-aminopropyltriéthoxysilane en surfaced’une fibre de verre E : (---) liaisons hydrogènes; R = NH2(CH2)3
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Nous proposons une représentation schématique du dépôt issu d’un aminosilane sur la
Figure 4 à partir de ces résultats et des travaux de la littérature présentés précédemment. Cette
représentation reste simpliste, car d’autres éléments sont également présents à la surface du
verre �-($11( �����. La migration d’ions aluminium du verre dans le réseau organominéral a
notamment été observée par :$1* -21(6 �����$�%�&�������
c) M ODIFICATION DU TRAITEMENT DE SURFACE EN ENVIRONNEMENTHYGROTHERMIQUE
Les spectres des fibres γ-APS et P122 après vieillissement à différents temps à 60°C et
98% d’humidité relative sont présentés sur la Figure 5 a et b. Les températures de relaxation
α1 et α2 augmentent sensiblement avec le temps de vieillissement pour les fibres γ-APS
(Tableau 5), traduisant une condensation additionnelle très importante du réseau
organominéral au cours du vieillissement, et donc une grande sensibilité à l’humidité.
0
0.4
0.8
1.2
1.6
-150 -100 -50 0 50 100 150 200
Température (°C)
Tan
del
ta
-(a)
24h 72hEtat initial
0
0.1
0.2
0.3
-150 -100 -50 0 50 100 150
Température (°C)
Tan
del
ta
(b)
Etat initial
72h
0.05
0.1
0.15
0.2
0.25
-150 -100 -50 0 50
Température (°C)
Tan
del
ta
(c)
Figure 5 - Spectre viscoélastique des fibresγ-APS (a),(c) et P122 (b) déterminé enflexion encastrée à 1 Hz à l’état initial (■)et après exposition à 60°C et 98% HRpendant 24h (▲) et 72h (●)
Ceci est en accord avec les observations de ',%(1('(772 ������ réalisées par SIMS.
Ces derniers attribuent la disparition de la couche d’oligomères γ-APS à une condensation au
cours du vieillissement. L’ensimage hybride P122 présente un comportement totalement
différent ; les variations des températures de relaxation sont beaucoup moins marquées
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(Tableau 5), indiquant une plus grande stabilité de ce traitement de surface hybride en
atmosphère humide. Ce phénomène est attribué par ,6+,'$ ������ aux liaisons organiques
polymère/γ-APS qui apportent une stabilité hydrolytique à l’agent de couplage. D’autre part,
si la température de relaxation α2 à haute température augmente légèrement, traduisant une
stabilisation de la condensation de la partie minérale par les autres composants de l’ensimage,
la température de relaxation α1 diminue, indiquant probablement une plastification de la
phase organique présente dans l’ensimage par l’eau. Le décalage de la transition principale du
réseau γ-APS après vieillissement dévoile une relaxation additionnelle à basse température
(Figure 5c). Il est donc délicat d’interpréter les spectres dans cette zone de température.
γ-APS P122Initial Vieilli 24h Vieilli 72h Initial Vieilli 72h
Relaxation α1 (°C) -88 -8 66 -90 -102
Relaxation α2 (°C) -32 40 105 -16 -8
Tableau 5 – Température de début de relaxation mécanique des fibres γ-APS et P122déterminées à 1 Hz en flexion encastrée à l’état initial et après une exposition de 24h et 72h à60°C et 98% HR
II.3. Influence du traitement de surface sur les propriétés mécaniques desfibres de verre
La caractérisation mécanique des fibres est généralement réalisée pour obtenir la
contrainte à rupture moyenne à des longueurs inaccessibles expérimentalement, telle que la
longueur critique du test de fragmentation (application du modèle de Kelly-Tyson) ou encore
la longueur critique de transfert de charge pour la modélisation de la rupture de composites
unidirectionnels. Son utilisation à des fins d’analyse du traitement de surface est beaucoup
moins répandue �$+/67520 ���������� *20(= �����, et présente un domaine d’investigation
intéressant. $+/67520 ����������� parvient ainsi à caractériser l’influence de traitements de
surface de type élastomère, alors que *20(= ������ met en lumière le rôle bénéfique du
nombre de groupements alcoxy lié à l’atome de silicium dans un agent de pontage
alcoxysilane sur les propriétés mécaniques des fibres. Nous attirons l’attention sur
l’importance de cette démarche. Les traitements de surface sont généralement optimisés
uniquement à des fins de promotion d’adhésion et leur influence sur les propriétés mécaniques
des fibres est souvent négligée. Un exemple pertinent est donné par les traitements
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d’oxydation des fibres de carbone qui fonctionnalisent la surface et améliorent ainsi
l’adhésion. %$+/ ������ a montré que les propriétés mécaniques du composite pouvaient
diminuer avec le traitement d’oxydation en raison des dommages créés en surface de la fibre,
et ce malgré l’augmentation du nombre de liaisons chimiques à l’interface.
La démarche couramment utilisée consiste à qualifier l’influence du traitement de
surface sur les paramètres décrivant la distribution des contraintes à rupture, comme le
module de Weibull m par exemple. Les travaux de 6&+0,7= 0(7&$/)( ������ ����� ont
montré que la rupture des fibres de verre est gouvernée par 3 types de défauts selon la
longueur de jauge. Ces travaux, qui datent de plus de 35 ans, sont désormais tombés dans
l’oubli et la plupart des études actuelles portant sur la statistique de rupture des fibres de verre
considèrent une distribution unique de défauts menant à rupture. Nous allons pourtant voir
que la multi-modalité est un atout pour la compréhension des mécanismes de renforcement
des fibres de verre par un organosilane. Nous proposons ici une méthodologie d’étude de
l’influence du traitement de surface basée sur la complémentarité de l’approche dite
« probabiliste» (Weibull par exemple) qui décrit la rupture en terme de probabilité sans tenir
compte de la forme ou de la localisation des défauts et d’une approche « déterministe »
(mécanique linéaire élastique de la rupture) qui prévoit la rupture d’après la forme des
défauts, mais qui en contrepartie est incapable de décrire l’effet de taille observé dans la
rupture des matériaux fragiles �:$*1(5 ����� : plus le volume testé est important, plus la
probabilité de rencontrer un défaut sévère est importante et plus la contrainte à rupture
diminue.
a) TRAITEMENT DES DONNEES EXPERIMENTALES
Afin de déterminer la taille d’échantillonnage nécessaire à l’obtention d’informations
pertinentes, nous avons utilisé la méthode d’$6/281 ������ qui consiste à suivre l’évolution de
la contrainte à rupture moyenne et de son écart-type en fonction du nombre d’échantillons
testés. Cette évolution est représentée sur la Figure 6 pour les fibres 2400 Tex. Nous avons
donc effectué en moyenne 35 à 40 tests par type de fibres et longueur de jauge. Les résultats
sont présentés dans le Tableau 6 en terme de contrainte moyenne.
A diamètre équivalent, les contraintes à rupture moyennes sont du même ordre pour
les fibres vierges et γ-APS. Les fibres P122 1200 Tex présentent une valeur légèrement plus
faible, bien que toujours dans la fenêtre d’incertitude. Nous verrons ci-après que la contrainte
à rupture moyenne n’est pas un critère suffisant pour discuter de l’influence du traitement de
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surface. Les fibres P122 2400 Tex présentent une résistance à rupture moyenne inférieure à
leur homonymes 1200 Tex, ce qui est conforme à l’hypothèse d’un nombre supérieur de
défauts dans un volume testé plus grand. On retrouve ici l’effet de taille transversal �:$*1(5
������ Nous ne disposons pas de fibres vierges ou ensimées de diamètre équivalent pour ce
type de fibre. Celles-ci ne seront donc pas traitées en détails dans les paragraphes suivant au
cours desquels nous nous efforcerons de caractériser l’influence du traitement de surface sur
les propriétés mécaniques des fibres.
1
1.1
1.2
1.3
1.4
1.5
1.6
0 20 40 60 80 100
Taille de l'échantillonnage
Con
trai
nte
à ru
ptur
e m
oyen
ne (
GP
a)
0.2
0.3
0.4
0.5
0.6
0.7
0.8
Eca
rt-t
ype
(GP
a)
Figure 6 – Evolution de la contrainte à rupture moyenne (■) et de l’écart-type (●) enfonction du nombre d’échantillons testés – Fibres P122 2400 Tex – Longueur de jauge 20 mm
Fibre Contrainte à rupturemoyenne (GPa)
Ecart-type (GPa)
Vierges 1,92 0,64
γ-APS 2,02 0,53
P122 1200 Tex 1,75 0,34
P122 2400 Tex 1,42 0,47
Tableau 6 – Contrainte à rupture moyenne et écart-type des différents types de fibres testées à0,5 mm/min en atmosphère contrôlée (22°C, 50% HR) à une longueur de jauge de 20 mmpour une taille d’échantillonnage de 40 environ.
b) APPROCHE PROBABILISTE
L’écart-type important observé dans le Tableau 6 est dû à la présence de défauts
présentant des caractéristiques différentes (localisation, taille, sévérité). L’approche
probabiliste propose de décrire la rupture en terme d’homogénéité et de sévérité de ces
défauts. La démarche consiste ensuite à comparer ces deux caractéristiques pour les différents
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traitements de surface pour en tirer des informations. Concrètement, les contraintes à rupture
obtenues pour un même type de fibre et une même longueur de jauge sont classées par ordre
croissant et une probabilité de rupture leur est associée. Différents types d’estimateurs sont
utilisés pour le calcul de la probabilité de rupture expérimentale. L’influence de ces
estimateurs a fait l’objet de plusieurs travaux �%(5*0$1 ���������� $6/281 �����. Il est
recommandé d’utiliser l’estimateur suivant pour un échantillonnage N inférieur à 50 :
Equation 1N
iPi
5,0−=
La comparaison quantitative des informations passe ensuite par l’ajustement de la
probabilité expérimentale par une fonction de distribution. La plus répandue dans la rupture
des solides fragiles est celle proposée par l’ingénieur Suédois :(,%8// ������ :
Equation 2
−−−=
m
uP0
exp1)(σ
σσσ
où P est la probabilité de rupture cumulative d’une fibre à la contrainte σ, m est un
paramètre de forme ou module de Weibull, σ0 et σu sont les paramètres d’échelle et de seuil
de contrainte en-dessous duquel la probabilité de rupture est nulle, respectivement.
L’application de l’Equation 2 à la rupture de fibres nécessite la formulation de certaines
hypothèses �$6/281 ����� :
- la rupture n’est due qu’à une seule population de défauts
- la force est considérée indépendante du temps
- les contraintes de compression n’exercent aucune influence sur la rupture
La densité de probabilité associée à la statistique de Weibull est donnée par :
Equation 3 ( )pm u
mu
m
σσ
σ σσ
σ σσ
=−
−
−
−
0 0
1
0
. exp
Le paramètre σu est généralement utilisé comme paramètre d’ajustement. Son
utilisation pratique peut néanmoins masquer le caractère bimodal de la distribution des
défauts menant à la rupture et peut conduire à des résultats biaisés �$6/281 ������ De plus, les
valeurs de σu sont parfois dénuées de sens physique �$+/67520 �����. Pour pallier à ces
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problèmes, la fonction de distribution de Weibull à deux paramètres est utilisée en pratique
�6&+0,7=0(7&$/)( ����� ����� en considérant σu = 0. Lorsque la rupture est gouvernée par
plusieurs populations de défauts (en surface et volume par exemple), l’utilisation d’une
fonction multimodale s’avère nécessaire. La fonction de distribution bimodale de Weibull à
deux paramètres est la suivante �%((7= ����� :
Equation 4 ( ) ( )
−−+
−−=
21
21
exp1exp1mm
sp
spP
σσσ
où m1, m2, s1 et s2 sont les paramètres de forme et d’échelle de chacune des deux distributions
de défauts respectivement. p est le paramètre représentant la proportion de rupture due aux
défauts les plus graves (type 1). L’Equation 4 considère qu’il n’y a aucune interaction entre
les deux types de défauts.
c) M ISE EN EVIDENCE DU CARACTERE BIMODAL DE LA DISTRIBUTION
Une forme linéarisée de l’Equation 2 avec σu = 0 est utilisée afin de vérifier si la
rupture des fibres peut être décrite à l’aide de la statistique de Weibull :
Equation 5 ( ) ( ) ( )ln ln ln ln1
1 0−
= −
Pm m
σσ σ
Si la rupture est provoquée par une catégorie unique de défauts, ln(-ln(1-P)) varie de
manière linéaire avec ln(σ) et le module de Weibull m est donné par la pente de la courbe.
Lorsque la distribution est bimodale, l’Equation 5 n’est plus linéaire, et un changement de
pente indique le passage d’une distribution de défauts à l’autre.
La Figure 7 présente la probabilité de rupture des différents types de fibres en forme
linéarisée. Le changement de pente observé implique que la rupture est due à deux catégories
de défauts. Dans la zone de changement de pente, les courbes ne sont plus linéaires ; les
distributions respectives des facteurs de concentrations de contraintes (FCC) se superposent.
La rupture des fibres à une longueur de jauge de 20 mm est donc gouvernée par deux
catégories de défauts, ce qui est en accord avec les résultats de la littérature sur les fibres de
verre. 6&+0,7= 0(7&$/)( ������ ����� observent 3 catégories de défauts en faisant varier la
longueur de jauge entre 0,5 et 100 mm, la troisième catégorie de défauts apparaissant à des
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longueurs inférieures à 1 mm. C’est également l’observation de deux catégories de défauts
pour des longueurs de jauge variant de 5 à 130 mm qui conduit 526(1 ������ à introduire la
fonction de distribution bimodale phénoménologique connue sous le nom de « double-box ».
Nous lui avons préféré la fonction Weibull bimodale �%((7= ����� pour le traitement des
données à ce stade.
-5
-4
-3
-2
-1
0
1
2
-1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0
ln(σ)
ln(-
ln(1
-P))
(a)
-5
-4
-3
-2
-1
0
1
2
0,0 0,3 0,6 0,9 1,2
ln(σ)
ln(-
ln(1
-P))
(b)
-5
-4
-3
-2
-1
0
1
2
0,1 0,3 0,5 0,7 0,9
ln(σ)
ln(-
ln(1
-P))
(c)
Figure 7 – Probabilité de rupture des fibres vierges (a), γ-APS (b) et P122 1200 Tex (c) enfonction de la contrainte appliquée - Forme linéarisée d’après l’Equation 5
d) M ODELISATION DES RESULTATS PAR LA FONCTION DE DISTRIBUTION DE
WEIBULL BIMODALE
L’ajustement des valeurs expérimentales a été réalisé par la méthode des moindres
carrés. Les valeurs des différents paramètres obtenus sont présentées dans le Tableau 7. La
Figure 8 permet d’apprécier la qualité de l’ajustement.
Fibre m1 s1 m2 s2 p
Vierge 99,9 0,8 4,0 9,4 0,10
γ-APS 163,2 1,4 5,1 7,5 0,09
P122 1200 Tex 175,5 1,5 5,5 5,0 0,12
Tableau 7 – Paramètres de forme et d’échelle issus de la modélisation de la rupture desdifférents type de fibres à une longueur de jauge de 20 mm.
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Pro
babi
lité
de r
uptu
re
100 1000 10000Contrainte à rupture (MPa)
0.02
0.01
0.10
0.86
0.50
0.26
(a)
0.001
0.98
0.05
Pro
babi
lité
de r
uptu
re
100 1000 10000Contrainte à rupture (MPa)
(b)
0.02
0.01
0.10
0.86
0.500.26
0.001
0.98
0.05
Pro
babi
lité
de r
uptu
re
100 1000 10000Contrainte à rupture (MPa)
(c)
0.02
0.01
0.10
0.86
0.500.26
0.001
0.98
0.05
Figure 8 – Probabilité de rupture des fibres vierges (a), γ-APS (b) et P122 1200 Tex (c) enfonction de la contrainte appliquée et modélisation par la fonction de distribution de Weibullbimodale
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e) LES PARAMETRES DE FORME ET D’ECHELLE
Que représente une variation des paramètres de forme et/ou d’échelle ? Selon 6&+0,7=
0(7&$/)( ������ �����, la description d’une population de défauts nécessite l’utilisation de
deux paramètres, caractéristiques de l’homogénéité et de la sévérité des défauts, qui sont la
valeur moyenne et l’écart - type dans le cas d’une distribution Gaussienne. Le formalisme de
Weibull est cependant différent et ces auteurs ont montré que le module de Weibull m seul ne
peut pas être considéré comme représentatif des propriétés de la fibre. Les facteurs de forme
et d’échelle ont une interprétation cinétique et le lecteur est invité à consulter les travaux de
:$*1(5 ������ pour plus de détails. Nous nous limiterons ici à interpréter les variations
relatives de ces deux facteurs.
0 0.5 1 1.5 2Contrainte (GPa)
p(x)
m=1,5
m=2,5
m=3,44
m=5
m=7
m=10
s = 1
0 3 6 9 12 15Contrainte (GPa)
p(x)
m=1,5
m=2,5
m=3,44
m=5
m=7
m=10
s = 7
0 5 10 15
Contrainte (GPa)
p(x)
m=4
s = 3
s = 11s = 9
s = 7
s = 5
s = 4
0 0.5 1 1.5 2
Contrainte (GPa)
p(x)
m=100s=0,3
s=0,9
s=0,6
s=1,2s=1,8s=1,5
Figure 9 – Représentation de la densité de probabilité théorique de Weibull pour différentesvaleurs des facteurs de forme et d’échelle correspondant aux valeurs expérimentales obtenues
La Figure 9 présente la densité de probabilité théorique de Weibull pour différentes
valeurs des facteurs de forme et d’échelle correspondant aux valeurs expérimentales obtenues.
L’influence de m est similaire dans les deux cas : la sévérité de la distribution diminue lorsque
m augmente pour des faibles valeurs du facteur de forme, puis reste constante. Le facteur
d’échelle est donc représentatif du facteur de concentration de contrainte (FCC) moyen de la
distribution pour des valeurs de m supérieures à 4-5. Le module de Weibull est plutôt
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représentatif de l’homogénéité de la distribution, mais également de la symétrie. Pour m =
3,44, la distribution est normale. Lorsque m est constant, l’augmentation du facteur d’échelle
représente une diminution de l’homogénéité de la distribution.
Ainsi, les facteurs de forme et d’échelle sont tous deux liés à la sévérité et à
l’homogénéité de la distribution. Lorsque l’un des paramètres reste constant, une
interprétation qualitative est possible. Dans le domaine de nos valeurs expérimentales, le
facteur de forme est représentatif de l’homogénéité et le facteur d’échelle de la sévérité de la
distribution.
f) IDENTIFICATION DES DISTRIBUTIONS
Le comportement des fibres vierges et γ-APS est identique pour des contraintes
supérieures à 2 GPa (Figure 10). La distribution 1 contrôle la rupture jusqu’à environ 1,2 GPa
pour les fibres γ-APS et entre ces deux valeurs, les distributions sont superposées. La
principale différence entre ces deux types de fibres réside dans la distribution 1 qui est
translatée vers les contraintes élevées, et la pente importante caractérisée par le module de
Weibull des fibres γ-APS (Tableau 7). Si nous considérons que le traitement de surface
appliqué n’influe pas sur les défauts de volume, ou d’une manière négligeable, nous pouvons
attribuer la distribution 1 à des défauts situés en surface de la fibre et la distribution 2 à des
défauts internes ou de surface mais non influencés par la présence d’un ensimage.
-5
-4
-3
-2
-1
0
1
2
-1 -0.5 0 0.5 1ln (contrainte)
ln(-
ln(1
-p))
Figure 10 - Probabilité de rupture des fibres vierges (●), γ-APS (■) et P122 1200 Tex (▲) enfonction de la contrainte appliquée
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70
g) GUERISON DES DEFAUTS SUPERFICIELS DES FIBRES
Nous admettrons que les distributions de fibres de diamètre équivalent sont identiques
avant le dépôt de l’ensimage. Considérant les valeurs des facteurs de forme et d’échelle
(Tableau 7) et l’allure des courbes (Figure 10), les défauts de surface des fibres γ-APS et P122
sont plus homogènes et moins sévères que ceux des fibres vierges. L’approche probabiliste
ne prend pas en considération les caractéristiques des défauts. Nous allons donc faire appel à
la mécanique linéaire élastique de la rupture (MLER) pour décrire l’effet de l’ensimage sur la
distribution des défauts de surface.
Le réseau déposé en surface de la fibre augmente le FCC moyen « apparent ». Avant
d’atteindre la valeur du facteur d’intensité de contrainte critique (FICC), il faut
déformer/rompre le réseau de liaisons siloxane avant d’atteindre le défaut critique. La partie
basse de la distribution est plus influencée que la partie haute, ce qui est en accord avec une
plus grande influence du réseau organominéral en surface sur les défauts les plus graves, et
donc un FCC apparent plus élevé. Pour des défauts moins sévères, le FICC du défaut peut
déjà être atteint alors que le réseau rompt, résultant en un FCC apparent équivalent. Ces
considérations peuvent également s’appliquer à la croissance sous-critique de fissures. Ce
phénomène de guérison peut être expliqué par un remplissage des défauts par l’organosilane,
résultant en une augmentation du rayon de fond de fissure. Le défaut serait après traitement de
surface plutôt de type elliptique. Ces considérations sont représentés schématiquement sur la
Figure 11.
La distribution des FCC est très étroite après le dépôt du réseau organominéral en
surface des fibres, et présente une sorte de seuil, en d’autres termes, un type de défaut unique
provoquerait la rupture. Il peut s’agir soit des défauts ayant été guéris par le traitement de
surface, soit de défauts non guéris pour des raisons de taille par exemple. Nous avons utilisé
un formalisme issu de la MLER pour élucider ce point et il s’agirait plutôt de défauts non
guéris par l’organosilane. Le formalisme utilisé est présenté en annexe IV.1 (p. A-20), et nous
proposons ici un aperçu qualitatif de cette démarche. Une analogie entre la fibre présentant un
défaut de surface et les éprouvettes couramment utilisées en MLER est proposée. En utilisant
la relation entre la ténacité du matériau (0.7 MN.m-3/2) et la contrainte à rupture, la dimension
d’un défaut en surface des fibres vierges est comprise entre 50 et 500 nm. Le seuil observé
pour les fibres traitées correspond à un défaut de 100 nm environ, ce qui nous conduit à
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71
affirmer que les défauts de taille inférieure à cette dimension critique ne sont pas affectés par
le traitement de surface et conduisent à l’observation du seuil. Pourquoi ces défauts ne sont-ils
pas guéris ?
0.5 µm
0.3 µm0.1 µm
Régions de hautedensité deréticulation
Gradient dedensité deréticulation
Couches physisorbéesCouches chimisorbées
Figure 11 – Représentation schématique des défauts de surface d’une fibre de verre – Modede dépôt du réseau organominéral lors d’un traitement de surface selon la taille des défauts –Augmentation du rayon de fond de fissure
Il s’agit tout simplement d’un problème géométrique. La taille des agrégats de γ-APS
en solution aqueuse à 1% en masse est comprise entre 100 et 200 nm suivant les conditions de
préparation de la solution (voir Figure 1). Ces derniers ne peuvent tout simplement pas
pénétrer dans des défauts de taille inférieure à leur propres dimensions. Il existe donc une
dimension critique dans le processus de guérison des fibres de verre par un traitement de
surface, qui explique le seuil observé sur les courbes de probabilité. Compte-tenu des
approximations inhérentes au formalisme de la MLER et de la sensibilité des organosilanes
aux conditions de mise en œuvre, les dimensions obtenues par l’approche déterministe (100
nm) sont en accord avec les mesures de rayons hydrodynamiques du γ-APS en solution (100 à
200 nm).
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72
III. CONCLUSION
La caractérisation initiale des fibres de renfort a permis de mettre en évidence les
propriétés des traitements de surface appliqués à la fibre. Le caractère inorganique de l’agent
de couplage, combiné à la technique de mise en œuvre conduit ainsi à un réseau de densité de
réticulation variable en surface de la fibre. La composition des ensimages industriels est
toujours méconnue, mais d’importantes différences ont été mises en évidence par l’analyse
mécanique dynamique des mèches de fibres. Le dépôt issu d’un agent de pontage seul est
ainsi bien plus sensible à l’humidité qu’un ensimage commercial classique, puisque les
réactions de condensation se poursuivent de manière importante au cours du vieillissement
hydrothermique. Ceci est expliqué par le caractère hybride O/I de l’ensimage P122, qui lui
confère une plus grande stabilité hydrothermique. La caractérisation du traitement de surface
par analyse mécanique dynamique est donc un outil intéressant pour l’étude des traitements de
surface et de leur sensibilité à l’humidité. La guérison des défauts de surface des fibres de
verre a été abordée en réalisant des essais de traction sur monofilaments. L’utilisation de
l’outil statistique a permis de mieux comprendre les mécanismes de renforcement des fibres
de verre par le traitement de surface. La combinaison de cet outil avec une approche
déterministe issue de la mécanique linéaire élastique de rupture permet d’observer
indirectement certains défauts qui ne peuvent pas être détectés par des méthodes non
destructives et de proposer un mécanisme de guérison des défauts superficiels. Ces deux
approches sont donc complémentaires : l’approche probabiliste permet de décrire l’effet de
taille, mais n’apporte aucune indication quant aux dimensions et formes des défauts. Ce
dernier point est rendu possible par l’utilisation d’un formalisme issu de la mécanique linéaire
élastique de la rupture.
Cette démarche, l’analyse du traitement de surface des fibres de verre par
caractérisation mécanique, est actuellement en cours d’application à l’étude d’ensimages
composés de différents agents de coulage et agents filmogènes collants dans le cadre d’une
coopération avec l’équipe de E. Maeder de l’Institut für Polymer Forschung à Dresde
(Allemagne).