dorothée goetz to cite this version

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HAL Id: tel-01812090 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01812090 Submitted on 11 Jun 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La révision en matère pénale Dorothée Goetz To cite this version: Dorothée Goetz. La révision en matère pénale. Droit. Université de Strasbourg, 2015. Français. NNT : 2015STRAA036. tel-01812090

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Page 1: Dorothée Goetz To cite this version

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Submitted on 11 Jun 2018

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents whether they are pub-lished or not The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad or from public or private research centers

Lrsquoarchive ouverte pluridisciplinaire HAL estdestineacutee au deacutepocirct et agrave la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche publieacutes ou noneacutemanant des eacutetablissements drsquoenseignement et derecherche franccedilais ou eacutetrangers des laboratoirespublics ou priveacutes

La reacutevision en mategravere peacutenaleDorotheacutee Goetz

To cite this versionDorotheacutee Goetz La reacutevision en mategravere peacutenale Droit Universiteacute de Strasbourg 2015 FranccedilaisNNT 2015STRAA036 tel-01812090

2

La faculteacute nrsquoentend donner aucune approbation ni improbation aux opinions eacutemises dans les

thegraveses Ces opinions doivent ecirctre consideacutereacutees comme propres agrave leur auteur

3

A mes parents

4

Remerciements

Je remercie vivement ma directrice de thegravese Madame Veacuteronique Jaworski pour sa

disponibiliteacute sa patience et ses preacutecieux conseils qui furent deacuteterminants pour lrsquoavancement et

la reacutealisation de cette thegravese Jrsquoai eacuteteacute extrecircmement sensible agrave ses qualiteacutes humaines drsquoeacutecoute et

de compreacutehension tout au long de ce travail

Je souhaiterais exprimer ma tregraves sincegravere gratitude agrave Madame le Professeur Jocelyne Leblois-

Happe co-directrice de thegravese pour ses preacutecieux conseils et son aide Que ces lignes soient

lrsquoexpression de ma reconnaissance et de mon estime agrave son eacutegard

Jrsquoadresse encore mes plus vifs remerciements agrave mes amis pour leur amitieacute indeacutefectible leur

preacutesence et leurs encouragements

Enfin je ne peux clore ces remerciements sans mentionner mes parents pour leur soutien

inconditionnel

5

Principales abreacuteviations

Aff Affaire

AJDA Lrsquoactualiteacute juridique du droit administratif

AJ Peacutenal Actualiteacute juridique Peacutenal

Al Alineacutea

Art Article

Bull civ Bulletin des arrecircts des chambres civiles de la Cour de cassation

Bull crim Bulletin des arrecircts de la chambre criminelle de la Cour de cassation

Bull Joly Bulletin mensuel Joly drsquoinformation des socieacuteteacutes

C contre

CA Cour drsquoappel

Cass civ Cour de cassation chambre civile

Cass crim Cour de cassation chambre criminelle

CE Conseil drsquoEtat

CEDH Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Ch Chambre

Chap Chapitre

Chron Chronique

CIC Code drsquoinstruction criminelle

CJCE Arrecirct de la Cour de Justice des Communauteacutes europeacuteennes

CJM Code de justice militaire

Coll Collection

Comm Commentaire

Comm rev Commission de reacutevision

Concl Conclusions

6

Cons Const Conseil constitutionnel

CP Code peacutenal

CPP Code de proceacutedure peacutenale

D Recueil Dalloz

DC Deacutecision du Conseil constitutionnel

Deacutec Deacutecision

Dir Sous la direction de

DP Dalloz Peacuteriodique

DS Dalloz-Sirey

Doc Document

Ed Edition

Fasc Fascicule

Gaz Pal Gazette du Palais

Ibid Ibidem

Id Idem

IR Informations rapides

J Jurisprudence

JO Journal officiel

JCP Juris-classeur peacuteriodique (Semaine juridique)

LGDJ Librairie geacuteneacuterale de droit et de jurisprudence

N Numeacutero

7

Obs Observations

Op cit Opus citatum (ouvrage preacuteciteacute)

P Page

PUF Presses Universitaires de France

Rec Recueil

Reacutep Reacutepertoire

RIDP Revue internationale de droit peacutenal

RSC Revue de sciences criminelles

RTDCiv Revue trimestrielle de droit civil

RTDH Revue trimestrielle des droits de lrsquohomme

S Suivant(e)s

Somm Sommaire

Speacutec Speacutecialement

T Tome

TGI Tribunal de grande instance

TIPY Tribunal peacutenal international pour lrsquoex-Yougoslavie

Trad Traduction

Vol Volume

8

Sommaire

PREMIERE PARTIE

LA REVISION DE 1989 A REVISER UNE NECESSITE

TITRE 1 UNE APPROCHE TROP RESTRICTIVE DE LA REVISION

CHAPITRE 1 LA CONCILIATION POSSIBLE DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE

JUGEE ET DE LA REVISION

CHAPITRE 2 LA CONCILILATION DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE JUGEE ET DE

LA REVISION UN CHOIX NON RETENU EN 1989

TITRE 2 DES IMPERFECTIONS STRUCTURELLES ET CONJONCTURELLES

CHAPITRE 1 LES DIFFICULTES STRUCTURELLES

CHAPITRE 2 LES DIFFICULTES CONJONCTURELLES

SECONDE PARTIE

LA REVISION REVISEE DE 2014 UNE DECEPTION

TITRE 1 UNE REFORME INACHEVEE

CHAPITRE 1 UNE NOUVELLE STRATEGIE LEGISLATIVE DE LUTTE CONTRE

LrsquoERREUR JUDICIAIRE

CHAPITRE 2 LE MAINTIEN DrsquoUNE APPROCHE TROP RESTRICTIVE DE LA

REVISION

TITRE 2 UNE REFORME A PARACHEVER

CHAPITRE 1 LA RESOLUTION DES DIFFICULTES STRUCTURELLES ET

CONJONCTURELLES PERSISTANTES

CHAPITRE 2 LE CAS DrsquoOUVERTURE A REVISION REVISITE PAR UNE APPROCHE

MODERNE DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE JUGEE

9

laquo Srsquoil nrsquoest pas de mission plus haute que

celle de rendre la justice il nrsquoen est pas

de plus peacuterilleuse raquo1

1 L JARDIN Les erreurs judiciaires et leur reacuteparation Thegravese dactylographieacutee Caen 1897 p 1

10

INTRODUCTION GENERALE

1 laquoDa mihi factum dabo tibi jusraquo A la lecture de ce bel adage le juge demande au

justiciable de faire lrsquoexposeacute des faits agrave lrsquoorigine du litige en lui promettant en contrepartie

drsquoappliquer les regravegles de droit adeacutequates1 Cet eacutechange de bons proceacutedeacutes teacutemoigne de lrsquoideacutee a

priori rassurante qursquoune deacutecision judiciaire degraves lors qursquoelle est revecirctue de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee est la traduction sinon de la veacuteriteacute2 du moins de ce qui est juste3 Lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee est un concept geacuteneacuteral du droit applicable agrave tous les contentieux4 preacutesenteacute de

maniegravere iteacuterative comme devant reacutepondre agrave une exigence de stabiliteacute et de seacutecuriteacute5

Couramment ce concept est deacutefini comme le point final du parcours judiciaire agrave lrsquoissue drsquoun

procegraves ougrave les parties ont eacutepuiseacute les voies de recours ou laisseacute srsquoeacutecouler les deacutelais leacutegaux pour

les exercer6 Les deacutecisions deviennent donc agrave un moment donneacute irreacutevocables et acquiegraverent le

1 J BORE Da mihi factum dabo tibi jus une philosophie du procegraves toujours drsquoactualiteacute JCP G 2009 ndeg 41 p 319 2 Sur le sens du terme veacuteriteacute V G DALBIGNAT DEHARO Veacuteriteacute scientifique et veacuteriteacute judiciaire en droit priveacute LGDJ Coll Bibliothegraveque de lrsquoInstitut Andreacute Tunc 2004 ndeg 5 et s J PRONIER La proceacutedure de reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee obs sous cass crim 20 juillet 2011 ndeg 10-87326 AJ Peacutenal 2011 p 474 laquo Les notions dautoriteacute de la chose jugeacutee et darrecirct deacutefinitif deacutemontrent que notre systegraveme judiciaire considegravere leacutepuisement des voies de recours comme marquant du sceau de la veacuteriteacute la derniegravere deacutecision rendue raquo 3 Sur la distinction du juste et du vrai V G DALBIGNAT-DEHARO Veacuteriteacute scientifique et veacuteriteacute judiciaire en droit priveacute LGDJ Coll Bibliothegraveque de lrsquoInstitut Andreacute Tunc 2004 p 195-241 4 R GASSIN laquo Autoriteacute de la chose jugeacutee raquo in Dictionnaire des sciences criminelles dir G LOPEZ et S TZITZIS Paris Dalloz 2004 p 96 5 J-P DINTILHAC La veacuteriteacute de la chose jugeacutee in Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation La veacuteriteacute La documentation franccedilaise p 57 laquo Regravegle [hellip] destineacutee agrave assurer la stabiliteacute du droitraquo C MATHON Note technique relative agrave la reacutevision des deacutecisions peacutenales deacutefinitives disponible sur httpwwwclaudemathonfrpublicNote_sur_la_procedure_de_revisionpdf p 1 laquo un impeacuteratif de seacutecuriteacute et de stabiliteacute des situations juridiquesraquo K NAJARIAN Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel Paris LGDJ Bibliothegraveque de sciences criminelles 1973 p 2 laquo Il est de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral que les procegraves relatifs agrave la mecircme cause ne recommencent pas toujours Il en est de mecircme de la seacutecuriteacute des relations juridiques qui exigent que les jugements deacutefinitifs ne puissent ecirctre remis en question raquo 6 B BOULOC Proceacutedure peacutenale Dalloz 24egrave eacuted 2014 p 949 R MERLE et A VITU Traiteacute de droit criminel Proceacutedure peacutenale Paris Cujas 5egraveme eacuted 2001 ndeg 885 P BOUZAT et J PINATEL Traiteacute de droit

11

Graal de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee1 Sont deacutesigneacutes par cette expression laquo lrsquoensemble des

effets attacheacutes agrave la deacutecision juridictionnelle telle la force de veacuteriteacute leacutegale raquo2 ou encore

lrsquoautoriteacute laquo attacheacutee agrave un acte de juridiction servant de fondement agrave lexeacutecution forceacutee du

droit judiciairement eacutetabli et faisant obstacle agrave ce que la mecircme affaire soit agrave nouveau porteacutee

devant le juge raquo3

2 Crsquoest ainsi qursquoen 1851 il a eacuteteacute admis que laquo gracircce aux garanties que les lois peacutenales

franccedilaises ont creacuteeacutees au profit des accuseacutes la condamnation drsquoun innocent est devenue

aujourdrsquohui quasi impossible raquo4 Toutefois la deacutecision deacutefinitive du juge qui est agrave la

recherche drsquoun regraveglement entre les faits qui lui sont soumis et le droit mis agrave sa disposition ne

peut ecirctre consideacutereacutee comme infaillible5 En effet la veacuteriteacute judiciaire6 baseacutee sur lrsquointime

conviction du juge7 ne peut ecirctre que relative8 Monsieur le Professeur HUGONET souligne

que laquo dans tous les pays du monde la somme des angles drsquoun triangle est eacutegale agrave deux angles

droits Il nrsquoen est pas de mecircme dans les sciences du reacuteel ni surtout dans les sciences

normatives fondeacutees sur les jugements de valeur comme la morale le droit la politique raquo9 A

cela srsquoajoute que le deacuteploiement de lrsquoeffort de veacuteriteacute se diffeacuterencie en fonction des eacutetapes de

peacutenal et de criminologie Proceacutedure peacutenale tome 2 Paris Dalloz 2egraveme eacuted 1970 ndeg 1055 M-L RASSAT Proceacutedure peacutenale Paris PUF Droit fondamental 2egraveme eacuted 2002 ndeg 496 1 F HEacuteLIE Traiteacute de lrsquoinstruction criminelle ou theacuteorie du code drsquoinstruction criminelle Paris Henri Plon 2egraveme eacuted 1866 tome 3 2e partie p176 laquo Lautoriteacute des jugements nexiste que parce quils sont inattaquables toute leur souveraineteacute reacuteside dans leur fixiteacute Quel serait le sort des citoyens si leurs inteacuterecircts perpeacutetuellement agiteacutes ne trouvaient dans les jugements aucune garantie durable Quelle serait leur seacutecuriteacute sils ny rencontraient pas un refuge assureacute contre les poursuites dont ils pourraient faire lobjet Et la justice elle-mecircme quelle serait sa force si des deacutecisions neacutetaient revecirctues que dune autoriteacute contestable La justice a rempli sa mission lorsque le preacutevenu a subi leacutepreuve du jugement [hellip] Lexception constitue en second lieu une regravegle de la deacutefense Est-ce que la position de laccuseacute peut demeurer perpeacutetuellement incertaine [hellip] Ne faut-il pas un terme agrave toutes les poursuites et ce terme nest-il pas dans le jugement qui a prononceacute sur laction raquo 2 G CORNU Vocabulaire juridique eacutedition PUF Vendocircme 2014 10eme eacutedition Vdeg Chose jugeacutee 3 Lexique des termes juridiques dir S GUINCHARD et G MONTAGNIER 2010 Dalloz Vdeg Chose jugeacutee 4 Citeacute par E DE VALICOURT Lrsquoerreur judiciaire eacuted LrsquoHarmattan 2006 p 121 5 JF CESARO Le doute en droit priveacute Paris eacuted Pantheacuteon Assas 2003 ndeg 69 V HUGO Les miseacuterables T1 Le livre de poche Les classiques de poche 1998 p 376 laquo Crsquoeacutetait une vaste enceinte agrave peine eacuteclaireacutee tantocirct pleine de rumeur tantocirct pleine de silence ougrave tout lrsquoappareil drsquoun procegraves criminel se deacuteveloppait avec sa graviteacute mesquine et lugubre au milieu de la foule [hellip] De tout cela se deacutegageait une impression austegravere et auguste car on y sentait cette grande chose humaine que lrsquoon appelle la loi et cette grande chose divine que lrsquoon appelle la justice raquo 6 Pour une approche juridique de la veacuteriteacute judiciaire V G DALBIGNAT-DEHARO op cit p 16-43 Pour une approche philosophique V T PECH laquo Gide Mauriac Giono Lrsquohomme de lettres aux assises raquo Histoire de la justice ndeg 13 2001 p 193-211 7 S GUINCHARD et J BUISSON Proceacutedure peacutenale Paris Litec 10egraveme eacuted 2014 ndeg 519 F HELIE Traiteacute de lrsquoinstruction criminelle ou theacuteorie du code drsquoinstruction criminel op cit t IV ndeg 1764 et s R MERLE et A VITU Traiteacute de droit criminel t II op cit ndeg 132 8 L LETURMY La recherche de la veacuteriteacute et le droit peacutenal Thegravese Poitiers 1995 p 156 M WEBER Sociologie du droit PUF 1986 p 234 B EDELMAN laquo Le droit les vraies sciences et les fausses sciences raquo in Droit et sciences Arch Phil Dr 1991 p 55 9 P HUGONET La veacuteriteacute judiciaire Paris Litec 1986 p 21 et s

12

la proceacutedure peacutenale La laquo certitude policiegravere raquo1 nrsquoa pas la mecircme intensiteacute que la veacuteriteacute

judicaire Ce nrsquoest qursquoau stade du jugement deacutefinitif que srsquoappreacutecie lrsquoexpression la plus

aboutie de la veacuteriteacute judiciaire consacreacutee par lrsquoonction de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Crsquoest

pourquoi laquo au fur et agrave mesure que le procegraves peacutenal progresse la veacuteriteacute judiciaire apparaicirct

logiquement en termes plus preacutecis et plus absolus raquo2 Il en ressort que face agrave la relativiteacute de

cette veacuteriteacute FAUSTIN-HELIE preacutefegravere utiliser le terme de laquo certitude raquo3 en reacutefeacuterence agrave la

conviction du juge chargeacute de trancher le litige4

3 Toutefois srsquoagissant de veacuteriteacute judiciaire ou de certitude de la deacutecision deacutefinitive il

nrsquoen demeure pas moins vrai qursquoun paradoxe existe En effet alors que la dureacutee de la quecircte de

la veacuteriteacute judiciaire ou de la certitude peut ecirctre infinie il faut bien que les procegraves aboutissent

un jour agrave une deacutecision deacutefinitive qui clocircture et apure le litige5 La mission de la justice qui

poursuit lrsquoobjectif de mettre fin aux litiges6 se reacutevegravele dans lrsquoeacutetymologie du terme laquo arrecirct raquo

laquo Lrsquoarrecirct nrsquoa en effet drsquoautre vocation que drsquoarrecircter le litige raquo7

4 Degraves lors la vision quelque peu utopique de lrsquoadage latin laquo da mihi factum dabo tibi

jus raquo doit ecirctre relativiseacutee du fait qursquoune deacutecision deacutefinitive ne constitue pas une garantie

exclusive de veacuteriteacute Crsquoest pourquoi Monsieur le Professeur Philippe CONTE considegravere qursquo

laquo il faut sans doute repenser les finaliteacutes du procegraves peacutenal puisquil nest plus acquis quelles se

ramegravenent agrave la deacutecouverte de la veacuteriteacute Le modegravele europeacuteen privileacutegie en effet leacutegaliteacute des

armes de telle sorte que le reacutesultat du procegraves est secondaire et avec lui la question de

ladeacutequation de la veacuteriteacute judiciaire avec la veacuteriteacute des faits la prioriteacute est le rite proceacutedural

investi dune valeur en soi La deacutefinition du bien juger en est remise en cause ce nest pas

reacuteveacuteler la veacuteriteacute cest conduire la proceacutedure comme il le faut (hellip) raquo8

1 Expression emprunteacutee agrave P BOLZE in P BOLZE Le droit agrave la preuve contraire en proceacutedure peacutenale Thegravese Nancy 2 2010 p 5 2 P RAVIER Veacuteriteacute et veacuteriteacute judiciaire revue de la gendarmerie nationale 2egraveme trimestre 1976 ndeg 108 p 23 citeacute par P BOLZE op cit p 6 3 F HELIE op cit t 4 ndeg 1759 p 324 4 P THERY Les finaliteacutes du droit de la preuve en droit priveacute Droits ndeg 23 1996 p 48 5 P RICOEUR laquo Lrsquoacte de juger raquo in Le Juste tome 1 Paris Esprit 1995 (reacuteimpression 2001) p 185 MAFRISON-ROCHE laquo Les offices du juge raquo in Ecrits en hommage agrave J Foyer Paris PUF 1997 p 463 6 J LELIEUR La regravegle ne bis in idem du principe de lautoriteacute de la chose jugeacutee au principe duniciteacute daction reacutepressive eacutetude agrave la lumiegravere des droits franccedilais allemand et europeacuteen Thegravese Paris 1 2006 p 87 laquo Pour reacutesoudre les litiges la justice doit trancher Crsquoest le rocircle de la deacutecision de justice qui en mateacuterialisant le verdict du juge parvient agrave clore les litiges raquo 7 Ibid p 85 8 P CONTE Les propositions du preacute-rapport du comiteacute de reacuteflexion sur la justice peacutenale Dr peacutenal 2009 ndeg6 eacutetude 11

13

5 Aussi au nom drsquoune laquo justice juste1 raquo apparaicirct-il indispensable qursquoune deacutecision

mecircme deacutefinitive puisse ecirctre contesteacutee Cette remise en cause permet au justiciable

injustement condamneacute drsquoobtenir une reacuteparation morale et mateacuterielle et autorise le

deacuteclenchement drsquoeacuteventuelles poursuites contre le veacuteritable coupable

6 Il en ressort qursquolaquo il y a quelque chose de supeacuterieur au principe de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee crsquoest la justice elle-mecircme raquo2 Cette forte affirmation qursquoil convient

drsquoappreacutehender avec circonspection a toutefois lrsquoavantage de mettre lrsquoaccent sur la singulariteacute

de la reacutevision tirailleacutee entre laquo le juste et lrsquoutile3 raquo De fait lrsquoarticle 622 du Code de proceacutedure

peacutenale dispose laquo La reacutevision dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice

de toute personne reconnue coupable dun crime ou dun deacutelit lorsque apregraves une

condamnation vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la

juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute ou agrave faire naicirctre un

doute sur sa culpabiliteacute raquo

7 Face agrave cette particulariteacute il est indispensable avant toute deacutemonstration de mettre

en relief la singulariteacute de la reacutevision en matiegravere peacutenale (sect1)

8 Cette deacutemarche montre que la reacutevision nrsquoa pas toujours eacuteteacute admise par le droit

franccedilais Lrsquoaptitude drsquoun systegraveme judiciaire agrave reconnaicirctre la faillibiliteacute de ses deacutecisions

deacutefinitives est eacutetroitement lieacutee au modegravele de gouvernance deacutemocratique4 Selon Maicirctre Jean-

Denis BREDIN laquo lrsquoerreur judiciaire est en effet un concept qui ne peut exister que dans les

pays deacutemocratiques car pour eacuteclater elle a besoin drsquoun environnement judiciaire particulier

une Justice qui se donne pour but de rechercher la veacuteriteacute avec un minimum de garanties pour

les liberteacutes individuelles La remise en cause des deacutecisions judiciaires doit toutefois ecirctre

lrsquoexception pour ne pas risquer de discreacutediter la justice drsquoougrave lrsquoinstauration du recours en

1 Expression emprunteacutee agrave Y JEANCLOS in Injuste justice La dynamique peacutenale du XXIegraveme siegravecle LexisNexis 2013 p 27 et s 2 V ACHALME Des indemniteacutes agrave allouer aux victimes drsquoerreurs judiciaires Thegravese Lyon 1912 p 10 3 Y BONGERT Le juste et lutile dans la doctrine peacutenale dAncien Reacutegime 1982 Arch de philo du droit p 291 et s J TOUZET Le concept dutiliteacute fondement de la justice peacutenale Rev peacutenit et dr peacuten 1989 II p160 L MUCCHIELLI Criminologie hygieacutenisme et eugeacutenisme en France (1870-1914) deacutebats meacutedicaux sur leacutelimination des criminels reacuteputeacutes laquo incorrigibles raquo Rev dhist des Sciences humaines III 2000 p 85 P AUDEGEAN Les Lumiegraveres du peacutenal Revue de lrsquoinstitut Rhocircne Alpin de Sciences criminelles ndeg1 LrsquoHarmattan p 23 laquo Pour Beccaria la justice et le droit sont en effet ancreacutes dans la quecircte humaine de lrsquoutile leurs principes sont donc toujours justifieacutes en derniegravere analyse par des consideacuterations utilitaires raquo 4 J DANET Relire laquo la politique criminelle des Etats autoritaires raquo in Le champ peacutenal meacutelanges en lrsquohonneur du Professeur R Ottenhof Dalloz 2006 p 37 spec p45 laquo Lagrave ougrave la mission deacutelicate drsquoun gouvernement libeacuteral nous dit Donnedieu de Vabres est de concilier deux inteacuterecircts leacutegitimes celui de lrsquoEtat qui a inteacuterecirct agrave la rapiditeacute de la proceacutedure et celui de lrsquoindividu qui tient agrave la seacutecuriteacute de son droit lrsquoEtat autoritaire ne voit pas de conflit le caractegravere absolu de la souveraineteacute exclut entre lrsquoindividu et lrsquoEtat toute deacutelimitation de sphegraveres juridiques raquo

14

reacutevision un tel preacutealable ne pouvant se concevoir dans les pays ougrave la justice est au service du

pouvoir exeacutecutif Si elle reconnaissait ses erreurs elle mettrait alors directement en cause le

systegraveme politique qursquoelle a pour but essentiel de proteacuteger raquo1 En outre lrsquoeacutetat actuel du droit de

la reacutevision est le fruit drsquoune eacutevolution historique tirailleacutee degraves son origine entre lrsquoexigence

drsquoune justice en quecircte de la veacuteriteacute et la neacutecessaire garantie de la stabiliteacute des deacutecisions

deacutefinitives

9 CARBONNIER formule dans son ouvrage laquo Droit et passion du droit sous la Vegraveme

reacutepublique raquo lrsquoideacutee qui constitue la trame de cette thegravese laquo Il a toujours eacuteteacute difficile de

deacutecouper lrsquohistoire en peacuteriodes ceux qui sont teacutemoins drsquoun eacutevegravenement dramatique sont

prompts agrave le qualifier drsquohistorique et agrave srsquoeacutecrier tel Goethe agrave Valmy que rien ne sera plus

comme avant En fait souvent les peacuteriodes srsquoemboitent les unes dans les autres et le futur

trainera longtemps des paillettes du passeacute Crsquoest vrai en geacuteneacuteral mais davantage encore quand

le droit est en cause Car si le droit ce peut ecirctre la promulgation drsquoun texte donc une date qui

marque une franche coupure ce sont aussi des applications qui srsquoeacutetirent dans le temps des

coutumes qui se perpeacutetuent par drsquoimperceptibles reacutepeacutetitions raquo2 Toute reacuteflexion sur la reacutevision

exige donc de bien comprendre lrsquoeacutevolution historique de cette proceacutedure (sect2)

sect 1 La singulariteacute de la reacutevision en matiegravere peacutenale

10 Certaines deacutecisions deacutefinitives controverseacutees ont marqueacute lrsquoopinion publique3

Ainsi les affaires SEZNEC4 et RANUCCI5 suscitent encore des interrogations alors que la

reacutevision leur a eacuteteacute refuseacutee Dans drsquoautres cas la reacutevision a permis la reconnaissance de

lrsquoerreur judiciaire Il est donc indispensable de deacutefinir cette voie de recours extraordinaire qui

se distingue drsquoautres institutions et voies de recours Sa singulariteacute se manifeste tant au niveau

1 J-D BREDIN Justices ndeg 5 Dalloz 1997 p 163 2 J CARBONNIER Droit et passion du droit sous la Vegraveme reacutepublique Flammarion 2006 p 1 3 M-H RENAUT Reacutevision et reacuteexamen les condamnations sont de moins en moins deacutefinitives Petites affiches 18 mars 2003 p6 L BOLTANSKI Affaires scandales et grandes causes De Socrate agrave Pinochet Stock 2007 p 462 et s 4 1923 Deacutebut de lrsquoaffaire SEZNEC JCP G 2007 ndeg1 ndeg hors-seacuterie sommaire laquo Denis Seznec dans sa deacutefense acharneacutee de la meacutemoire de son grand-pegravere a transformeacute peu agrave peu lhistoire individuelle dun damneacute judiciaire en un combat symbolique pour la justice En demandant agrave linstitution judiciaire de rendre compte de son erreur il la reacuteinvestit dans sa fonction cathartique Cette affaire est caracteacuteristique du sentiment diffus chez nos concitoyens des vertus theacuterapeutiques du procegraves peacutenal Ny-a-t-il pas dans ce patheacutetique appel au juge de la part de la famille Seznec lexpression dun ideacuteal de justice dont les juges sont comptables dans une socieacuteteacute deacutemocratique Plus de quatre-vingt-trois ans apregraves les faits neacutetait-ce pas le seul enjeu du procegraves Seznec pour une opinion publique convaincue depuis longtemps agrave tort ou agrave raison de linnocence de Guillaume Seznec raquo 5 M DELMAS-MARTY laquoMort de la peine de mort raquo Libre propos JCP G 2007 ndeg 13 act 142 laquo Le problegraveme dune exeacutecution sil se posait ne peut concerner que des individus dont on est certain quils ont bien commis les faits quon leur reproche (raison pour laquelle quelle que soit le caractegravere farfelu de cette histoire de pull-over rouge il ne fallait pas exeacutecuter Christian Ranucci) raquo

15

de son objectif qui est la reacuteparation drsquoune erreur judiciaire (A) qursquoau niveau de sa

conseacutequence qui est la destruction drsquoune deacutecision deacutefinitive (B)

A Un objectif singulier la reacuteparation drsquoune erreur judiciaire

11 Rendre la justice srsquoavegravere ecirctre un exercice difficile Crsquoest pourquoi le magistrat en

charge de cette mission doit preacutesenter le maximum de garanties1 Les barriegraveres de protection

mises en place afin de garantir une bonne justice ne permettront pourtant pas drsquoeacutecarter

totalement le risque de lrsquoerreur judiciaire2 Premiegraverement le juge nrsquoest pas agrave lrsquoabri des

faiblesses humaines de certains preacutejugeacutes voire de carences professionnelles susceptibles

drsquoalteacuterer son jugement laquo Pour grands que soient les rois ils sont ce que nous sommes ils

peuvent se tromper comme les autres hommes Les juges ne sont pas drsquoune autre essence raquo3

Deuxiegravemement laquo toute deacutecision dommageable ne procegravede pas neacutecessairement dun

manquement ni mecircme dune faute Ce nest pas faire outrage agrave notre systegraveme judiciaire que de

consideacuterer que des eacuteleacutements nouveaux peuvent apparaicirctre inconnus au moment de la

deacutecision qui sont susceptibles de renverser les eacuteleacutements de preuve initialement retenus raquo4

Pour ces deux raisons lrsquoerreur judiciaire deacutesormais puissamment relayeacutee par les meacutedias5 est

une reacutealiteacute ancienne En dehors de son aspect theacuteologique la crucifixion du Christ preacutesente

aussi un inteacuterecirct juridique important puisqursquoelle est encore aujourdrsquohui consideacutereacutee par

certains6 comme une erreur judiciaire

1 V GUINCHARD S et autres Droit processuel droit commun et droit compareacute du procegraves eacutequitable Paris Dalloz 6egraveme eacuted 2011 ndeg 363 et s S GUINCHARD Le reacuteveil doctrinal dune belle au bois dormant trop longtemps endormie ou la proceacutedure civile entre droit processuel classique neacuteoclassique ou europeacuteaniste et technique dorganisation du procegraves in Meacutelanges Martin 1997 Universiteacute de NiceBruylantLGDJ p 97-109 2 A GIDE Souvenirs de la Cour drsquoassises Folio poche Paris 2009 p 664 Gide exprime le caractegravere ineacutevitable de lrsquoerreur judiciaire dans son recircve de la barque laquo Cette nuit je ne puis pas dormir lrsquoangoisse mrsquoa pris au cœur et ne desserre pas son eacutetreinte Je resonge au reacutecit que me fit un rescapeacute de La Bourgogne il eacutetait lui dans une barque avec je ne sais plus combien drsquoautres certains drsquoentre eux ramaient drsquoautres eacutetaient occupeacutes tout autour de la barque agrave flanquer de grands coups drsquoaviron sur la tecircte et les mains de ceux agrave demi noyeacutes deacutejagrave qui cherchaient agrave srsquoaccrocher agrave la barque et imploraient qursquoon les reprit Ou bien avec une petite hache ils leur coupaient les poignets On les enfonccedilait dans lrsquoeau car en cherchant agrave les sauver on eut fait chavirer la barque [hellip] Ce soir je prends en honte la barque et de mrsquoy sentir agrave lrsquoabri raquo 3 M MARTIN Proceacutedeacutes de rectification des erreurs dans les deacutecisions judiciaires Thegravese Nancy 1940 p 1 4 F FOURNIE laquo Reacuteviser la reacutevision raquo - agrave propos de la nouvelle proceacutedure de reacutevision et de reacuteexamen des condamnations peacutenales JCP G 2014 p 777 5 Pour les meacutedias modernes V J FRANCILLON Meacutedias et droit peacutenal Bilan et perspectives RSC 2000 p 59 Pour la litteacuterature classique V D LINDENBERG Lrsquoerreur judiciaire et lrsquoantijuridisme des intellectuels in A GARAPON (dir) Les juges un pouvoir irresponsable eacuted Nicolas Philippe 2003 p 39 et s 6 G DE VRIES laquo Le procegraves de Jeacutesus une erreur judiciaire raquo accessible sur httpwwwbvoltairefrgeoffroydevriesle-proces-de-jesus-une-erreur-judiciaire167875

16

12 Toutefois la propension de lrsquoecirctre humain agrave se retrancher dans une posture

victimaire1 voire agrave entretenir la laquo theacuteorie du complot2 raquo traduit une attitude susceptible de

favoriser la suspicion agrave lrsquoeacutegard de certaines deacutecisions mal comprises ou mal accepteacutees Aussi

cet eacutetat drsquoesprit peut-il conduire agrave un emploi inapproprieacute voire abusif de lrsquoexpression laquo erreur

judiciaire raquo Il est donc indispensable de bien identifier lrsquoerreur judiciaire que le pourvoi en

reacutevision se charge de reacuteparer (1) Ses caracteacuteristiques ne seront pas sans conseacutequences sur les

arrecircts rendus par la juridiction de reacutevision A nos yeux ceux-ci sont agrave consideacuterer comme des

arrecircts particuliers (2)

1 Identification de lrsquoerreur judiciaire reacutepareacutee par la reacutevision

13 Lrsquoerreur du latin error est selon la deacutefinition du petit Robert laquo un acte de lesprit

qui tient pour vrai ce qui est faux et inversement raquo3 Le dictionnaire clocircture la rubrique laquo

Erreur raquo par la deacutefinition de lerreur judiciaire deacutepeinte comme laquo une erreur de fait commise

par le juge et entraicircnant la condamnation dun innocent raquo4 La deacutefinition retenue par CORNU

dans son vocabulaire juridique srsquoen approche laquo une erreur de fait qui commise par une

juridiction de jugement dans son appreacuteciation de la culpabiliteacute dune personne poursuivie

peut si elle a entraicircneacute une condamnation deacutefinitive ecirctre reacutepareacutee sous certaines conditions au

moyen dun pourvoi en reacutevision raquo5 Il appert que lrsquoerreur judiciaire susceptible drsquoecirctre reacutepareacutee

par la reacutevision doit revecirctir certaines caracteacuteristiques indispensables

14 Tout drsquoabord elle est tenue de se manifester dans une deacutecision devenue deacutefinitive

au jour ougrave la commission drsquoinstruction statue6 La reacutevision ne peut donc srsquoexercer que

lorsque toutes les voies de recours classiques sont deacutefinitivement fermeacutees Toutefois cette

regravegle nrsquoimpose pas au requeacuterant lrsquoobligation drsquoavoir exerceacute toutes les voies de recours

ordinaires Il nrsquoen reste pas moins vrai que la requecircte en reacutevision sera deacuteclareacutee irrecevable agrave

partir du moment qursquoune voie de recours ordinaire est encore ouverte ou qursquoun tel recours est

1 D SALAS Preacutesence de la victime dans le procegraves et sens de la peine AJ Peacutenal 2004 p 430 2 P-A TAGUIEFF La foire aux laquo Illumineacutes raquo Esoteacuterisme theacuteorie du complot extreacutemisme Paris Mille et une nuits 2005 p 298-311 3 Petit Robert 1 Dictionnaire alphabeacutetique et analogique de la langue franccedilaise dir A Rey et J Rey-Debove Paris Le Robert 2015 V Erreur 4 Ibid 5 G CORNU Vocabulaire juridique op cit Vdeg Erreur judiciaire 6 Deacutecision de la commission de reacutevision du 24 septembre 2001 ndeg 01-99046 Lrsquoarticle 622 CPP vise la laquo reacutevision drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive raquo CEDH NIKITIN c Russie 20 juil 2004 req ndeg 5017899 RSC 2005 p 641 laquo une deacutecision est deacutefinitive lorsque conformeacutement agrave la deacutefinition traditionnelle elle a acquis lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Crsquoest le cas lorsqursquoelle est irreacutevocable crsquoest-agrave-dire lorsqursquoil nrsquoexiste pas de voies de recours ordinaires lorsque les parties ont exerceacute ces voies de recours ou lorsqursquoelles ont laisseacute expirer le deacutelai pour les exercer raquo

17

pendant1 Crsquoest ainsi qursquoil est impossible de reacuteviser une deacutecision susceptible drsquoappel ou de

pourvoi en cassation ou celle objet drsquoun pourvoi en cassation en cours drsquoexamen La

proceacutedure de reacutevision qui autorise la remise en cause drsquoune deacutecision deacutefinitive deacuteroge donc au

principe cardinal de lrsquoimmutabiliteacute des deacutecisions de justice revecirctues de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee2 Monsieur NAJARIAN eacutevoque dans sa thegravese lrsquo laquo incompatibiliteacute raquo3 entre le pourvoi

en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

15 Il en deacutecoule qursquoune deacutecision de justice non deacutefinitive quand bien mecircme mal

ressentie par le justiciable ne peut pas ecirctre qualifieacutee drsquoerreur judiciaire au sens du pourvoi en

reacutevision Madame le Professeur LAZERGES rappelle que laquo la douloureuse affaire dOutreau

nest pas une erreur judiciaire ils ont tous eacuteteacute acquitteacutes par une cour dassises jugeant en appel

Mais il peut y avoir deacutesastre judiciaire seacuteisme judiciaire catastrophe judiciaire fiasco

judiciaire sans erreur judiciaire au sens strict (hellip) raquo4 Elle ajoute qursquo laquo Outreau nest pas une

erreur judiciaire au sens strict mais en est une au sens large qualifiable de drame de la

deacutetention provisoire agrave la franccedilaise en partie imputable aux deacutelais daudiencement y compris

en premiegravere instance raquo5

16 Ensuite lrsquoerreur judiciaire eacuteligible agrave la reacutevision doit obligatoirement correspondre

agrave une erreur de fait tel un laquo un faux teacutemoignage une meacuteprise ou plus simplement un concours

de circonstances malheureuses raquo6 Lerreur de fait qui consiste agrave accorder une veacuteraciteacute agrave des

faits eacuteloigneacutes de la reacutealiteacute ou agrave nier lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements factuels se distingue de lerreur de

droit qui repose sur une mauvaise appreacuteciation de la regravegle de droit par le juge7

17 Pour FAUSTIN-HELIE la justice doit rechercher un eacutequilibre laquo entre deux inteacuterecircts

eacutegalement puissants eacutegalement sacreacutes qui veulent agrave la fois ecirctre proteacutegeacutes linteacuterecirct geacuteneacuteral de

la socieacuteteacute qui veut la juste et prompte reacutepression des deacutelits linteacuterecirct des accuseacutes qui est lui

1 Cass crim 8 avr 1967 Gaz Pal 1967 2 p 40 2 Lrsquoarticle 6 alineacutea 1 du CPP dispose laquo Laction publique pour lapplication de la peine seacuteteint par la mort du preacutevenu la prescription lamnistie labrogation de la loi peacutenale et la chose jugeacutee raquo 3 K NAJARIAN Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel op cit p 14 laquo Il faut encore distinguer entre les voies de recours incompatibles et les voies de recours compatibles avec lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee En effet tant qursquoune proceacutedure drsquoopposition drsquoappel de pourvoi ordinaire en cassation ou de renvoi apregraves cassation est ouverte ou en cours la deacutecision qui est menaceacutee ne peut acqueacuterir lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et quand celle-ci est acquise crsquoest que ces voies de recours sont eacutepuiseacutees Mais agrave lrsquoinverse le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi et le pourvoi en reacutevision peuvent permettre drsquoattaquer une deacutecision judiciaire ayant acquis lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et ainsi cette autoriteacute peut ecirctre acquise alors mecircme que subsiste la possibiliteacute de former lrsquoun ou lrsquoautre de ces pourvois raquo 4 C LAZERGES Reacuteflexions sur lrsquoerreur judiciaire RSC 2006 p 709 5 Ibid p 709 6 H ANGEVIN Les demandes en reacutevision Jurisclasseur Proc Peacuten art 622 ndash 626 Fasc 20 2015 ndeg 2 7 Pour une distinction entre lrsquoerreur de fait et lrsquoerreur de droit V F BUSSY Lrsquoerreur judiciaire D 2005 p 2552 ndeg 7 et s

18

aussi un inteacuterecirct social et qui exige une complegravete garantie des droits de la collectiviteacute et de la

deacutefense raquo1 Toutefois la reacutevision doit porter sur une erreur de fait contenue dans une deacutecision

deacutefinitive de condamnation Crsquoest pourquoi seules les deacutecisions de nature peacutenale rendues par

des juridictions reacutepressives entrent dans le champ de la reacutevision

18 En outre la deacutecision attaqueacutee doit admettre la culpabiliteacute du requeacuterant Lrsquoerreur

judiciaire susceptible drsquoecirctre reacutepareacutee par la reacutevision ne peut que concerner un innocent victime

drsquoune condamnation injuste alors qursquoagrave lrsquoinverse un coupable injustement acquitteacute ou relaxeacute

ne pourra pas se reacuteclamer de cette erreur Contrairement agrave lrsquoAllemagne qui reconnaicirct la

reacutevision tant par rapport aux deacutecisions de condamnations que drsquoacquittements ou de relaxes2

il srsquoagit obligatoirement en France drsquoune erreur in defavorem

19 laquo Mode privileacutegieacute de correction raquo3 de lrsquoerreur judiciaire le pourvoi en reacutevision est

une proceacutedure indispensable En effet il deacutecoule de la relativiteacute de la veacuteriteacute judiciaire que

laquo lerreur judiciaire constitue un pheacutenomegravene banal et quotidien qui ne meacuterite pas que lon sen

offusque Sil est en quecircte de la veacuteriteacute des faits le juge peut en effet seulement preacutetendre sen

approcher et sagissant de lappreacuteciation juridique agrave laquelle il procegravede toute opinion

divergente eacutemise par la juridiction de recours caracteacuterise son erreur comme la veacuteriteacute

judiciaire lerreur preacutesente donc elle-mecircme un caractegravere relatif Loin de se trouver releacutegueacutee

dans les zones inavouables du droit lerreur se situe au cœur du systegraveme judiciaire lune des

finaliteacutes de celui-ci eacutetant de preacutevenir son apparition et agrave deacutefaut de la mettre en eacutevidence afin

den permettre la correction raquo4

20 Axeacutes sur lrsquoerreur judiciaire les arrecircts de reacutevision sont des arrecircts particuliers

2 La particulariteacute des arrecircts de reacutevision

21 Monsieur FOURNIE relegraveve que les arrecircts de reacutevision laquo sont toujours un moment

particulier du temps judiciaire Ils sont loccasion pour tous les membres de linstitution

judiciaire dune vertigineuse mise en abicircme et dune reacuteflexion sur leur rocircle et la maniegravere de

servir Ils sont eacutegalement loccasion privileacutegieacutee dune interrogation toujours anxieuse sur la

1 F HELIE Traiteacute de lrsquoinstruction criminelle ou theacuteorie du Code drsquoinstruction criminelle op cit t 1 p 4 2 V sect 369 StPO pour la reacutevision en faveur du condamneacute sect 362 StPO pour la reacutevision en sa deacutefaveur 3 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur judiciaire JORF du 21 feacutevrier 2014 ndeg2 4 F BUSSY op cit ndeg3

19

question de lerreur judiciaire raquo1 Aussi pour bien comprendre la particulariteacute de ces arrecircts

convient-il de distinguer la reacutevision drsquoautres proceacutedures

22 Tout drsquoabord le caractegravere extraordinaire de la reacutevision2 a pour conseacutequence de

distinguer cette proceacutedure des voies de recours ordinaires comme lrsquoappel dont lrsquoexercice

deacutebouche sur un nouvel examen du fond de lrsquoaffaire3 Ensuite parmi les autres voies de

recours extraordinaires le pourvoi en reacutevision exprime aussi sa diffeacuterence Drsquoun point de vue

mateacuteriel il se distingue du recours en reacutevision propre agrave la matiegravere civile qui reacutegi par les

articles 593 agrave 603 du Code de proceacutedure civile4 autorise la contestation drsquoun jugement civil

deacutefinitif Cette voie de recours favorable agrave la reacutetractation drsquoune deacutecision deacutefinitive vicieacutee

dune erreur de fait est irrecevable devant les tribunaux reacutepressifs alors mecircme qursquoils

statueraient sur les inteacuterecircts civils5 Il est eacutegalement diffeacuterent du pourvoi en cassation (pourvoi

de droit commun6 ou pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi7) dont lrsquoobjet consiste agrave corriger une

erreur de droit8 preacuteciseacutement une erreur dans lrsquoapplication ou lrsquointerpreacutetation de la loi Enfin

il est utile de le distinguer du reacuteexamen conseacutecutif au prononceacute drsquoun arrecirct de la Cour

europeacuteenne des droits de lrsquohomme qui poursuit le but de rectifier les violations des

dispositions de la CEDH que recegravele la deacutecision attaqueacutee9 Ces proceacutedures ne concernent pas

lrsquoerreur judiciaire au sens ougrave nous lrsquoavons deacutefinie ci-dessus

23 Notre eacutetude se limitera agrave la reacutevision en matiegravere peacutenale au niveau du droit interne

excluant de fait la reacutevision des arrecircts de la CEDH preacutevue agrave lrsquoarticle 80 du regraveglement de la

Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme10 Elle srsquointeacuteressera exclusivement au pourvoi en

1 F FOURNIE laquo Aime la veacuteriteacute mais pardonne agrave lerreur raquo Libres propos relatifs agrave la reacutevision des condamnations peacutenales AJ peacutenal 2011 p 326 2 C RIBEYRE Comment mieux corriger lrsquoerreur judiciaire Dr peacutenal 2014 eacutetude 17 3 R MERLE et A VITU Traiteacute de droit criminel Proceacutedure peacutenale op cit ndeg 877 p 1031 4 Article 593 du Code de proceacutedure civile laquo Le recours en reacutevision tend agrave faire reacutetracter un jugement passeacute en force de chose jugeacutee pour quil soit agrave nouveau statueacute en fait et en droit raquo 5 Cass crim 19 janvier 1982 ndeg 80-94321 Bull crim ndeg18 6 Articles 567 et s CPP 7 Pour le pourvoi du procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation V article 621 CPP pour le pourvoi du procureur geacuteneacuteral pregraves la cour drsquoappel V article 597 CPP pour le pourvoi sur ordre du Garde des sceaux V article 620 CPP 8 J BORE et L BOREacute La cassation en matiegravere peacutenale Dalloz action 2012-2013 ndeg 60 et s 9 Article 626-1 CPP laquo Le reacuteexamen dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacute au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dune infraction lorsquil reacutesulte dun arrecirct rendu par la Cour europeacuteenne des droits de lhomme que la condamnation a eacuteteacute prononceacutee en violation des dispositions de la convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales ou de ses protocoles additionnels degraves lors que par sa nature et sa graviteacute la violation constateacutee entraicircne pour le condamneacute des conseacutequences dommageables auxquelles la satisfaction eacutequitable alloueacutee sur le fondement de larticle 41 de la convention ne pourrait mettre un terme raquo 10 Article 80 alineacutea 1 du regraveglement de la Cour laquo En cas de deacutecouverte drsquoun fait qui par sa nature aurait pu exercer une influence deacutecisive sur lrsquoissue drsquoune affaire deacutejagrave trancheacutee et qui agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoarrecirct eacutetait inconnu

20

reacutevision de droit commun en eacutecartant le pourvoi speacutecial initieacute par la Socieacuteteacute des gens de

lettres aujourdrsquohui devenu pratiquement sans objet En effet laquo lrsquoinfraction drsquooutrage aux

bonnes mœurs ayant eacuteteacute supprimeacutee depuis le 1er mars 1994 et le recours ne pouvant ecirctre

exerceacute que dans un deacutelai de vingt anneacutees cette proceacutedure est voueacutee agrave srsquoeacuteteindre tregraves

prochainement raquo1 Neacutee de la loi ndeg 46-2064 du 25 septembre 19462 cette proceacutedure autorise

la reacutevision de certaines deacutecisions de justice prononceacutees agrave la suite drsquoun outrage aux bonnes

mœurs par voie du livre Elle a permis drsquoeffacer la disgracircce de certains eacutecrivains qui devenus

ceacutelegravebres avaient eacuteteacute condamneacutes pour outrage aux bonnes mœurs On se souviendra de la

reacutevision du jugement du Tribunal correctionnel de la Seine du 27 aoucirct 1857 qui avait

condamneacute Charles Baudelaire pour deacutelit drsquooutrage agrave la morale publique et aux bonnes mœurs

du fait de la publication du recueil laquo Les fleurs du mal raquo3

24 Srsquoagissant des arrecircts de reacutevision qui nous inteacuteressent lrsquoorigine de leur particulariteacute

est agrave rechercher dans deux explications

25 La premiegravere est inheacuterente agrave la speacutecificiteacute juridique du pourvoi en reacutevision

Srsquoagissant drsquoune voie de recours extraordinaire dirigeacutee contre une deacutecision revecirctue de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee son exercice reste suspendu agrave des cas drsquoouverture preacutevus par la

loi4 Ces cas drsquoouverture ont le devoir impeacuterieux de faire coexister sereinement laquo ce noble

sentiment qui germe et grandit dans nos cœurs et que lrsquoon nomme justice raquo 5 avec laquo cette

convention sociale qui nrsquoest autre que la justice eacutecrite et que lrsquoon nomme la loi raquo6 Aussi en

matiegravere de reacutevision le leacutegislateur et les juges sont-ils de vrais eacutequilibristes chargeacutes de

garantir drsquoun cocircteacute la seacutecuriteacute juridique lieacutee agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et de lrsquoautre cocircteacute

lrsquoimpeacuterieuse neacutecessiteacute de reconnaicirctre et de reacuteparer les erreurs judiciaires

de la Cour et ne pouvait raisonnablement ecirctre connu drsquoune partie cette derniegravere peut dans le deacutelai de six mois agrave partir du moment ougrave elle a eu connaissance du fait deacutecouvert saisir la Cour drsquoune demande en reacutevision de lrsquoarrecirct dont il srsquoagit raquo 1 Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 en conclusion des travaux drsquoune mission drsquoinformation sur la reacutevision des condamnations peacutenales A TOURRET et G FENECH Disponible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rap-infoi1598asp p 15 2 Loi ndeg 46-2064 du 25 septembre 1946 ouvrant un recours en reacutevision contre les condamnations prononceacutees pour outrages aux bonnes mœurs commis par la voie du livre 3 Cass crim 31 mai 1949 Gaz Pal 1949 II p 121 J HAMELIN La reacutehabilitation judiciaire de Baudelaire D 1949 chron p 187 4 P GERBAY et N GERBAY Entretien Cibler les questions sans neacutegliger les deacutebats doctrinaux Proceacutedures 2012 ndeg 1 laquo La voie de recours ordinaire est ouverte sauf disposition contraire de la loi alors que la voie de recours extraordinaire nrsquoest recevable que dans les cas speacutecifieacutes par la loi Sur cette distinction V E JEULAND Droit processuel op cit p 406 ndeg 477 et s 5 Juge TOLLY Discours agrave lrsquoaudience du Tribunal de Troyes du 4111846 citeacute par E DE VALICOURT op cit p 17 6 Ibid

21

26 La seconde explication de la particulariteacute des arrecircts de reacutevision reacuteside dans leur

faiblesse en nombre Sur les 150 requecirctes en reacutevision deacuteposeacutees chaque anneacutee1 seules de rares

condamnations sont annuleacutees Contrairement au foisonnement du nombre des arrecircts de

cassation rendus la reacutevision en matiegravere criminelle srsquoest soldeacutee depuis 1945 par seulement

onze deacutecisions positives Il srsquoagit des reacutevisions des procegraves de Jean DESHAYS Jean Marie

DEVAUX Roland AGRET Guy MAUVILLAIN Rida DAALOUCHE2 Patrick DILS3

Guilherme VENTURA4 Marc MACHIN5 Loiumlc SECHER6 Abdelkader AZZIMANI et

Abderrahim EL-JABRI7 et enfin Christian IANOCO8 Cette liste pourrait srsquoaccroicirctre si la

requecircte de Monsieur Raphaeumll MAILLANT actuellement pendante devant la Cour de reacutevision

et de reacuteexamen venait agrave ecirctre accepteacutee9

27 Les noms des onze personnes innocenteacutees tardivement font naicirctre un sentiment

diffus Il se partage entre drsquoun cocircteacute la fierteacute drsquoune justice finalement victorieuse et de lrsquoautre

cocircteacute une gecircne lieacutee agrave la difficulteacute du parcours judiciaire parfois assimileacute agrave un veacuteritable chemin

de croix Lrsquoeacutevocation de cette chronique judiciaire peut aussi nourrir un certain malaise par

rapport aux deacutecisions de rejet intervenues dans le cadre de certaines affaires On se souviendra

des cas DOMINICI10 SEZNEC11 MIS et THIENNOT12 TURQUIN13 RADDAD14 ou

encore LEPRINCE15

1 Cour de cassation Rapport annuel drsquoactiviteacute Paris 2012 Bilan de lrsquoactiviteacute de la commission de reacutevision des condamnations peacutenales accessible sur httpswwwcourdecassationfrpublications_26rapport_annuel_36rapport_2012_4571 2 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 14 octobre 1998 ndeg 96-85082 3 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 3 avril 2001 ndeg 99-84584 4 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 24 mai 2006 ndeg 05-86081 5 Deacutecision de la Cour de reacutevision 13 avril 2010 ndeg 09-84531 6 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 13 avril 2010 ndeg 10-80196 7 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 15 mai 2013 ndeg 12-84818 8 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 18 feacutevrier 2014 ndeg 13-85286 C FONTEIX laquo Recours en reacutevision annulation conseacutecutive agrave la reacutetractation de la victime raquo obs sous cass crim 18 feacutevrier 2014 Dalloz actualiteacutes 04 mars 2014 9 E BASTIE La Cour de reacutevision examine la requecircte de Raphaeumll Maillant Le figaro 18 juin 2015 10 Sur cette affaire V C CORNEVIN 60 ans apregraves lrsquoaffaire DOMINICI reste un mystegravere Le Figaro 03 aout 2012 J GIONO Notes sur lrsquoaffaire Dominici suivies de Essai sur le caractegravere des personnages Gallimard 1955 p 154 11 Sur cette affaire V D LANGLOIS Pour en finir avec lrsquoaffaire SEZNEC Ed de la diffeacuterence 2015 12 Sur cette affaire V L BOIZEAU Ils sont innocents Lrsquoaffaire Mis et Thiennot Ed La Bouinotte 1993 E ALLAIN Les vielles affaires op cit p 165 13 Sur cette affaire V M WEITZMANN Mariage mixte Le livre de poche 2000 14 Sur cette affaire V C DELOIRE et R-M MOREAU Omar Raddad Contre-enquecircte pour la reacutevision drsquoun procegraves manipuleacute Ed R Castells 1998 15 Sur cette affaire V F JOHANNES Le couteau jaune lrsquoaffaire Dany Leprince Calmann-Leacutevy 2012

22

28 Toutefois il ne srsquoagit pas de rendre la proceacutedure de reacutevision responsable de tous

les maux dont souffre la justice peacutenale1 Destineacutee agrave aneacuteantir une deacutecision entacheacutee drsquoune

erreur la reacutevision doit ecirctre clairement distingueacutee drsquoautres proceacutedeacutes juridiques qui conduisent

au pardon ou agrave lrsquooubli

B Une conseacutequence singuliegravere la destruction drsquoune deacutecision

deacutefinitive entacheacutee drsquoune erreur

29 La reacuteussite drsquoun pourvoi en reacutevision a pour conseacutequence de deacutetruire une deacutecision

deacutefinitive entacheacutee drsquoune erreur2 Lrsquointensiteacute de cette ambition deacutepasse largement celle du

pardon ou de lrsquooubli Au regard de leur deacutefinition respective il est aveacutereacute que la reacutevision les

surpasse largement (1) Aussi faudra-t-il bien seacuteparer la reacutevision drsquoautres institutions

srsquoinspirant elles du pardon ou de lrsquooubli (2)

1 Le surpassement par la reacutevision du pardon et de lrsquooubli

30 Pour ce qui est de lrsquooubli il est deacutefini par le petit Robert comme une laquo deacutefaillance

de la meacutemoire portant soit sur des connaissances ou aptitudes acquises soit speacutecialement sur

des souvenirs raquo ou encore comme un laquo eacutetat caracteacuteriseacute par lrsquoabsence ou la disparition de

souvenirs dans la meacutemoire individuelle ou collective3 raquo Dans sa thegravese Madame

HARDOUIN-LE GOFF explique que si en principe le droit peacutenal conserve la meacutemoire des

choses il ne lui est pas pour autant interdit drsquooublier En effet le droit peacutenal est un droit

fortement curieux du passeacute des individus Le casier judiciaire qui reacutepertorie les anteacuteceacutedents

judiciaires le principe de la personnalisation des peines ou encore lrsquoaggravation de la peine en

cas de reacutecidive sont les teacutemoins de cette meacutemoire judiciaire4 Cependant lrsquoauteure deacutemontre

que les sciences criminelles srsquoinscrivant dans une laquo ineacuteluctable dialectique de la meacutemoire et

de lrsquooubli raquo5 doivent parfois savoir oublier

1 Sur cette question V M DELMAS-MARTY Les chemins de la reacutepression Lectures du Code peacutenal Droit drsquoaujourdrsquohui PUF 1980 A PEYREFITTE Les chevaux du lac Ladoga PLON 1981 R GASSIN La crise des politiques criminelles occidentales in Problegravemes actuels de science criminelle 1985 PUAM p 25 2 C HARDOUIN-LE GOFF Lrsquooubli de lrsquoinfraction LGDJ Coll Bibliothegraveque des sciences criminelles 2008 ndeg 1005 p 480 3 Petit Robert 1 Dictionnaire alphabeacutetique et analogique de la langue franccedilaise op cit V Oubli 4 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p13 ndeg 22 5 Ibid

23

31 Srsquoagissant du pardon le petit Robert fournit la deacutefinition suivante laquo tenir une

offense pour non avenue ne pas en garder de ressentiment renoncer agrave en tirer vengeance raquo1

Pour ce qui est de la passerelle jeteacutee entre les sciences criminelles et le pardon SALEILLES

remarquait que laquo partout ougrave existe une autoriteacute disciplinaire que ce soit dans la famille au

profit du pegravere ou dans les administrations au profit des supeacuterieurs hieacuterarchiques la premiegravere

loi de la bonne discipline si lrsquoon veut en effet faire de la bonne discipline crsquoest presque

toujours agrave moins de cas absolument graves le pardon pour la premiegravere faute raquo2 Quant agrave

Madame HARDOUIN-LE GOFF elle explique que le pardon se manifeste agrave diffeacuterents

niveaux de la reacutepression selon une eacutechelle de geacuteneacuterositeacute fluctuante En effet une application

purement meacutecanique du droit peacutenal serait de nature agrave remettre en cause lrsquoideacutee selon laquelle

laquo celui qui a subi sa peine ne doit pas ecirctre consideacutereacute comme deacutechu de son humaniteacute mais au

contraire appeleacute agrave la retrouver raquo3

32 En deacutepit de ces deacutefinitions distinctes lrsquoexpression laquo pardonner agrave quelqursquoun raquo

signifie aussi drsquoapregraves le dictionnaire laquo oublier ses fautes ses torts absoudre raquo Aussi

Madame HARDOUIN-LE GOFF deacuteclare-t-elle que le langage courant entretient une

confusion4 Toutefois la diffeacuterence entre le pardon et lrsquooubli est bien reacuteelle En effet il faut

preacutealablement au pardon drsquoune faute pouvoir srsquoen souvenir pour que celle-ci puisse ecirctre

reacuteellement pardonneacutee5 Crsquoest ainsi que la finaliteacute du pardon ne rejoint pas celle de lrsquooubli

Madame HARDOUIN-LE GOFF deacutemontre que laquo lrsquooubli est sans doute une deacutemarche des

plus eacutegoiumlstes servant la socieacuteteacute ou celui qui oublie et qui souhaite ainsi ne plus encombrer sa

meacutemoire de souvenirs gecircnants et inconfortables Oublier pour pouvoir vivre et reconstruire

penser creacuteer et eacuteviter la prison des mauvais souvenirshellip Le pardon en revanche est une

deacutemarche altruiste charitable un effort fait dans lrsquointeacuterecirct de celui agrave qui lrsquoon pardonne une

proposition de deacutelivrance drsquoune culpabiliteacute eacutecrasante et de reacutetablissement de lrsquoindividu

pardonneacute dans lrsquoestime de lui-mecircme ainsi que dans lrsquoestime publique Indeacuteniablement le

pardon a une signification morale que lrsquooubli nrsquoa pas raquo6

33 Il en deacutecoule que lrsquooubli et le pardon sont des reacutefeacuterences ignoreacutees par la reacutevision

En effet dans leur diverses manifestations en droit peacutenal le pardon et lrsquooubli reposent sur des

1 Petit Robert 1 Dictionnaire alphabeacutetique et analogique de la langue franccedilaise op cit V Pardon 2 R SALEILLES Lrsquoindividualisation de la peine eacuted Alcan 3eme eacuted 1927 p 196 3 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 20 ndeg 29 4 Ibid p 16 ndeg 25 5 A ABECASSIS Lrsquoacte de meacutemoire in Le pardon Briser la dette et lrsquooubli Revue Autrement Seacuteries morales avril 1991 ndeg 4 p 140 citeacute par C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 18 note ndeg 85 6 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 19

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situations de fait ou de droit dont lrsquoexistence nrsquoest pas contesteacutee A lrsquoinverse la reacutevision drsquoune

condamnation deacutefinitive aneacuteantit une situation judiciaire passeacutee qui srsquoinspirait drsquoeacuteleacutements

factuels inexistants Les agissements injustement reprocheacutes agrave la personne innocenteacutee ne

peuvent donc donner lieu agrave un pardon ou agrave un oubli

34 Crsquoest pourquoi la reacutevision se distingue drsquoautres institutions qui se fondent sur le

pardon ou lrsquooubli

2 Distinction de la reacutevision des institutions fondeacutees sur le pardon et lrsquooubli

35 Le pardon des fautes dont toutes les manifestations ne seront pas eacutenumeacutereacutees1 ne

doit pas se confondre avec la reacutevision dont lrsquoaction a pour conseacutequence lrsquoaneacuteantissement

drsquoune deacutecision entacheacutee drsquoune erreur

36 Il en est ainsi de la dispense de peine2 ou laquo absolution judiciaire3 raquo issue de la loi

du 11 juillet 19754 qui autorise le juge agrave appreacutecier souverainement en matiegravere

contraventionnelle et correctionnelle lrsquoopportuniteacute drsquoaccorder une dispense de peine agrave lrsquoauteur

de lrsquoinfraction Le beacuteneacuteficiaire de cette impuniteacute dit le dispenseacute se voit accorder une

seconde chance lorsqursquoil offre des conditions de reclassement satisfaisantes La dispense de

peine a eacuteteacute gratifieacutee de la qualification de laquo modaliteacute la plus acheveacutee du pardon judiciaire raquo5

Dans ce mecircme esprit le relegravevement preacutevu aux articles 132-21 alineacutea 2 du Code peacutenal6 et 702-

1 du Code de proceacutedure peacutenale7 est consideacutereacute comme un signe de pardon libeacuterateur de la

sanction de nature agrave effacer certaines conseacutequences des condamnations peacutenales8 Enfin la

1 Ibid ndeg 1009 et s 2 J PRADEL Le recul de la courte peine demprisonnement avec la loi ndeg 75-624 du 11 juillet 1975 D 1976 chron 63 J ROBERT Les lois du 11 juillet et du 6 aoucirct en matiegravere peacutenale JCP 1975 I p 2729 A DECOCQ Les modifications apporteacutees par la loi du 11 juillet 1975 agrave la theacuteorie geacuteneacuterale du droit peacutenal RSC 1976 p 5 M GIACOPELLI reacuteforme du droit de lrsquoapplication des peines (dispositions de la loi ndeg 2004-204 du 9 mars 2004 relatives agrave lrsquoexeacutecution des peines privatives de liberteacute) D 2004 p 2595 3 G LEVASSEUR laquo Lrsquoabsolution en droit peacutenal raquo in Liber amicorum Herman Bekaert Gand Snoek-Ducaju 1977 p 209 4 Loi ndeg 75-624 du 11 juillet 1975 modifiant et compleacutetant certaines dispositions de droit peacutenal 5 B VAREILLE Le pardon du juge reacutepressif RSC 1988 p 676 6 laquo Toute personne frappeacutee dune interdiction deacutecheacuteance ou incapaciteacute quelconque qui reacutesulte de plein droit en

application de dispositions particuliegraveres dune condamnation peacutenale peut par le jugement de condamnation ou par jugement ulteacuterieur ecirctre releveacutee en tout ou partie y compris en ce qui concerne la dureacutee de cette interdiction deacutecheacuteance ou incapaciteacute dans les conditions fixeacutees par le code de proceacutedure peacutenale raquo 7 laquo Toute personne frappeacutee dune interdiction deacutecheacuteance ou incapaciteacute ou dune mesure de publication quelconque reacutesultant de plein droit dune condamnation peacutenale ou prononceacutee dans le jugement de condamnation agrave titre de peine compleacutementaire peut demander agrave la juridiction qui a prononceacute la condamnation ou en cas de pluraliteacute de condamnations agrave la derniegravere juridiction qui a statueacute de la relever en tout ou partie y compris en ce qui concerne la dureacutee de cette interdiction deacutecheacuteance ou incapaciteacute raquo 8 B VAREILLE op cit p 676

25

reacutevision est totalement eacutetrangegravere agrave la gracircce laquo vestige drsquoun droit reacutegalien raquo1 qualifieacutee de

pardon par BECCARIA2 Il srsquoagit drsquoune mesure de cleacutemence accordeacutee par le Preacutesident de la

Reacutepublique qui inscrite agrave lrsquoarticle 17 de la Constitution3 entraine pour le condamneacute la

dispense drsquoexeacutecuter en tout ou en partie la peine deacutefinitivement prononceacutee agrave son encontre4

Cette mesure peut aussi se traduire la commutation de celle-ci en une peine plus douce5 Ces

efforts de pardon qursquoils eacutemanent du leacutegislateur du juge ou du Preacutesident de la Reacutepublique ne

libegraverent pas le justiciable de sa condamnation A lrsquoinverse la reacutevision implique une annulation

de la condamnation

37 Toutefois drsquoautres formes de pardon apparaissent plus difficiles agrave distinguer de la

reacutevision car elles nrsquoeffacent que pour lrsquoavenir les condamnations concerneacutees Ces mesures

sont qualifieacutees par Madame HARDOUIN-LE GOFF de laquo pardons oublieux6 raquo Lrsquoauteure

srsquoen explique en preacutecisant que laquo (hellip) lrsquooubli nrsquoest ici qursquoun prolongement de la mesure de

pardon tout au plus un oubli de conseacutequence et non un oubli qui vient fonder agrave la source ces

institutions raquo7

38 Crsquoest ainsi que la reacutehabilitation entraine lrsquoeffacement drsquoune condamnation inscrite

au bulletin numeacutero 2 3 voire 1 du casier judiciaire Ce pardon peut avoir lieu au greacute du temps

passeacute ou faire suite agrave une deacutecision juridictionnelle ayant constateacute la reacuteinsertion et

lrsquoamendement de linteacuteresseacute8 La jurisprudence deacutefinit la reacutehabilitation comme laquo une mesure

de bienveillance institueacutee par la loi en faveur des individus qui se sont rendus dignes drsquoecirctre

replaceacutes dans lrsquointeacutegraliteacute de leur eacutetat ancien raquo9 Aussi conviendra-t-il de diffeacuterencier cette

proceacutedure de la reacutevision qui deacutebouche sur lrsquoaneacuteantissement reacutetroactif dune condamnation

injuste alors que la reacutehabilitation consiste agrave effacer une condamnation dont le principe nrsquoest

pas contesteacute Lrsquoambition de la reacutehabilitation nrsquoest pas de modifier le passeacute mais plutocirct de

laquo servir lrsquoavenir drsquoun deacutelinquant qui a racheteacute ses fautes raquo10

1 Expression emprunteacutee agrave Madame HARDOUIN-LE GOFF 2 C BECCARIA Des deacutelits et des peines trad M Chevalier preacuteface R Badinter Paris reacuteimpression Flammarion 2006 p 177-178 3 Article 17 de la Constitution du 4 octobre 1958 laquo Le Preacutesident de la Reacutepublique a le droit de faire gracircce agrave titre individuel raquo 4 Article 133-7 CP laquo La gracircce emporte seulement dispense dexeacutecuter la peine raquo 5 M-H RENAUT Reacutep Peacuten Dalloz 2013 ndeg 1 V laquo Gracircce raquo 6 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 26 7 Ibid 8 M HERZOG EVANS Reacutep Peacuten Dalloz 2010 ndeg 1 V laquo Reacutehabilitation raquo 9 Cass crim 12 feacutevrier 1963 Bull crim ndeg 72 10 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 32

26

39 Il est aussi important de bien seacuteparer la reacutevision de lrsquoamnistie Srsquoagissant de cette

derniegravere la position de la doctrine oscille entre le pardon et lrsquooubli laquo Pardon peacutenal par

excellence raquo pour Monsieur le Professeur JEANDIDIER1 laquo antithegravese du pardon raquo pour

DECOCQ2 laquo amneacutesie institutionnelle raquo pour Paul RICOEUR3 ou encore laquo processus drsquooubli

volontaire4 raquo pour Monsieur le Professeur PY Lrsquoeacutetymologie duale du terme est agrave cet eacutegard

eacuteclairante5 Crsquoest pourquoi Monsieur le Professeur PY distingue laquo lrsquoamnistie preacutesidentielle raquo

qualifieacutee de laquo gestion par lrsquooubli raquo de laquo lrsquoamnistie eacutevegravenementielle raquo qui exprime un

laquo apaisement par le pardon raquo6

40 Pour Madame HARDOUIN-LE GOFF la perte de souvenir lieacutee agrave lrsquoamnistie

permet de consideacuterer que cette institution poursuit un but drsquooubli Toutefois la reacuteponse ne

saurait ecirctre trancheacutee7 en raison laquo des eacutevolutions conseacutequentes qursquoa connues lrsquoamnistie au

point drsquoailleurs que certains eacutevoquent sa deacuterive et qursquoil faille en outre deacutesormais parler des

amnisties raquo8

41 Lrsquoamnistie se diffeacuterencie de la reacutevision dans le sens ougrave lrsquooubli nrsquoest pas un gage de

remise en cause de la veacuteriteacute judiciaire9 Lrsquooubli peut drsquoailleurs parfois constituer une gecircne

pour son beacuteneacuteficiaire dont la culpabiliteacute reste entiegravere Crsquoest pourquoi lorsque lrsquoamnistieacute

srsquoestime innocent il est de son inteacuterecirct drsquoactiver la survivance de lrsquoinfraction oublieacutee afin de

solliciter une annulation de sa condamnation par le biais drsquoune demande de reacutevision Depuis

1921 le leacutegislateur considegravere que laquo lamnistie ne peut en aucun cas mettre obstacle agrave laction

en reacutevision devant toute juridiction compeacutetente en vue de faire eacutetablir linnocence du

condamneacute10 raquo Par le passeacute la jurisprudence a manifesteacute son hostiliteacute au motif que lrsquoamnistie

en reacuteputant non avenue la condamnation avait pour conseacutequence de vider le pourvoi en

1 W JEANDIDIER Droit peacutenal geacuteneacuteral Montchrestien 2eme eacuted 1991 p 299 ndeg 274 2 A DECOCQ Droit peacutenal geacuteneacuteral A Colin coll U 1971 p 361 3 P RICOEUR laquo Sanction reacutehabilitation pardon raquo in Le juste op cit p 205 4 B PY Reacutep Peacuten Dalloz 2012 ndeg 2 V laquo Amnistie raquo 5 Ibid 6 BPY Amnistie le choix dans les dates Dr peacutenal 2002 chron ndeg 12 7 Ibid laquo Force de loubli volontaire ou instrument du pardon de la nation lamnistie est le plus radical et le plus efficace des moyens dont dispose le leacutegislateur lorsquil souhaite arrecircter le bras armeacute de la reacutepression pour entrer en voie de mansueacutetude raquo 8 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 33 ndeg 43 9 En ce sens V J-F SEUVIC Loi du 6 aoucirct 2002 portant amnistie RSC 2002 p 847 laquo Apregraves chaque eacutelection preacutesidentielle lamnistie reste une tradition pourtant de plus en plus contesteacutee (laquo amnistie mortelle raquo en raison de lindiscipline routiegravere quelle suscite dans les mois qui la preacutecegravedent laquo amnistie sisyphienne raquo qui vide des prisons pour permettre de les remplir dans les mois qui suivent laquo amnistie politicienne raquo qui par reacutedaction laquo sur mesure raquo eacutetoufferait discregravetement des affaires gecircnantes) raquo 10 Loi ndeg 66-396 du 17 juin 1966 portant amnistie dinfractions contre la sucircreteacute de lEtat ou commises en relation avec les eacuteveacutenements dAlgeacuterie

27

reacutevision de son sens1 FAUSTIN-HELIE partageait cette position laquo en effet le deacutelit degraves

qursquoil est amnistieacute nrsquoexiste plus il ne peut donc devenir lrsquoobjet drsquoaucune poursuite Sans

doute il y a quelque chose drsquoinjuste agrave ravir agrave un preacutevenu qui se croit innocent le droit de faire

proclamer cette innocence Mais lrsquoamnistie est un acte politique elle nrsquoapparaicirct que lorsque

de graves complications sociales la reacuteclament et les inteacuterecircts priveacutes doivent fleacutechir devant cet

inteacuterecirct plus grave Que deviendrait lrsquoeffet de cette mesure srsquoil eacutetait loisible agrave chacun des

amnistieacutes drsquoen marchander le bienfait de remuer les faits qursquoelle a voulu eacutetouffer drsquoagiter les

questions qursquoelle a voulu eacuteteindre raquo2

42 La reconnaissance drsquoune possibiliteacute de reacutevision faisant suite agrave une amnistie

laquo ressuscite raquo3 opportuneacutement lrsquoinfraction tombeacutee dans lrsquooubli Madame HARDOUIN-LE

GOFF apporte dans sa thegravese son soutien agrave cette solution Elle explique que lrsquoamnistie qui

ne constitue pas une proclamation drsquoinnocence peut se transformer en un aiguillon de

preacutesomption de culpabiliteacute Lrsquooubli accordeacute par lrsquoamnistie nrsquoa pas pour effet drsquoentrainer le

pardon ou lrsquoexcuse En principe cette mesure nrsquoa pas pour conseacutequence de reacutetablir

automatiquement lrsquoamnistieacute dans ses droits (avantages honorifiques administratifs ou

professionnels comme la reacuteinteacutegration dans lrsquoordre de la Leacutegion drsquohonneur ou dans les

fonctions ou emplois publics) Dans lrsquohypothegravese ougrave celui-ci solliciterait la reacutevision de son

procegraves il se retrouvera en cas de succegraves replaceacute dans sa situation passeacutee Il pourra donc

reacuteclamer la restitution des amendes et des frais de justice ainsi que la publication du jugement

drsquoannulation de la condamnation et le versement de dommages-inteacuterecircts Crsquoest pourquoi il est

leacutegitime de faire droit agrave la demande de reacutevision qui pour lrsquoamnistieacute ouvre la perspective drsquoun

passage de lrsquooubli vers la veacuteriteacute4

43 Cela nous renforce dans la conviction que lrsquooubli et a fortiori le pardon ne

pourront jamais remplacer le rocircle de purification du pourvoi en reacutevision seul garant de la

proclamation de lrsquoinnocence en aneacuteantissant la deacutecision entacheacutee drsquoerreur Toutefois

lrsquoeacutevolution historique de la reacutevision en matiegravere peacutenale montre que le leacutegislateur et les juges

ont toujours fait preuve de beaucoup de prudence agrave lrsquoeacutegard de cette proceacutedure exceptionnelle

1 V cass crim 10 juin 1831 S 1831 1 p 412 cass crim 6 deacutecembre 1919 Dr peacutenal 1920 1 p 23 2 F HELIE Traiteacute de lrsquoinstruction criminelle ou theacuteorie du Code drsquoinstruction criminelle op cit Tome 2 p 722 ndeg 1091 3 Expression emprunteacutee agrave C HARDOUIN LE GOFF 4 C HARDOUIN-LE GOFF op cit ndeg 1007

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sect2 Lrsquoeacutevolution historique de la reacutevision en matiegravere peacutenale

44 Lrsquoanalyse du droit positif de la reacutevision ne peut srsquoeffectuer qursquoune fois retraceacutee

lrsquoeacutevolution historique de cette proceacutedure exceptionnelle et singuliegravere Cette approche1 qui

nrsquoa pas la preacutetention de se livrer agrave une eacutetude exhaustive de lrsquoeacutevolution de la reacutevision2 permet

de mieux cerner les changements drsquoattitude du leacutegislateur au fil du temps3 Cet examen aura

toute son utiliteacute pour deacutemontrer que la reacutevision reacutecemment reacuteformeacutee est toujours placeacutee sous

lrsquoinfluence de son passeacute Ainsi apregraves le rappel des origines historiques de la proceacutedure de

reacutevision (A) notre regard se portera sur la peacuteriode charniegravere de son eacutedification allant de 1789

agrave 1989 (B)

A Les origines historiques de la reacutevision

45 La recherche des origines de la proceacutedure de reacutevision conduit agrave srsquointeacuteresser au

droit romain berceau de notre droit4 Madame DE VALICOURT souligne que le droit romain

ne faisait pas de distinction entre lrsquoappel et la reacutevision et en conclue que ce recours

exceptionnel nrsquoapparaissait pas explicitement5 (pas plus drsquoailleurs qursquoil ne le faisait du temps

des barbares ougrave le jugement de Dieu eacutecartait toute voie de recours6) Bien que les trois

proceacutedures romaines de la laquo provocatio ad populum raquo7 laquo lrsquointercessio raquo8 et la laquo restitutio in

1 HEGEL Leccedilons sur la philosophie de lrsquohistoire cours de 1822 La pochothegraveque Le livre de poche p 111 laquo On dit aux gouvernants aux hommes dEtat aux peuples de sinstruire principalement par lexpeacuterience de lhistoire Mais ce quenseignent lexpeacuterience et lhistoire cest que peuples et gouvernements nont jamais rien appris de lhistoire et nont jamais agi suivant des maximes quon en aurait pu retirer Chaque eacutepoque chaque peuple se trouve dans des conditions si particuliegraveres constitue une situation si individuelle que dans cette situation on ne peut et on ne doit deacutecider que par elle Dans ce tumulte des eacuteveacutenements du monde une maxime geacuteneacuterale ne sert pas plus que le souvenir de situations analogues qui ont pu se produire dans le passeacute car une chose comme un pacircle souvenir est sans force dans la tempecircte qui souffle sur le preacutesent il na aucun pouvoir sur le monde libre et vivant de lactualiteacute [] Seule lintuition approfondie libre compreacutehensive des situations [] peut donner aux reacuteflexions de la veacuteriteacute et de linteacuterecirct raquo 2 Pour une eacutetude historique V ROUX Droit peacutenal et proceacutedure peacutenale Sirey 1920 p 773 et s 3 Pour Madame GUILLEMAIN laquo parce quelle est subordonneacutee agrave des regravegles intangibles la reacutevision peacutenale ne se precircte guegravere agrave une eacutevolution denvergure raquo Nous ne le pensons pas V C GUILLEMAIN Reacutevision et criminaliteacute deacutependante ndash la porteacutee des deacutecisions de justice inconciliables JCP G 2001 I ndeg6 p 295 speacutec ndeg2 4 M HUMBERT La peine en droit romain Rec Soc Jean Bodin LV 1989 p 135 M DELMAS-MARTY Les grands systegravemes de politique criminelle 1992 PUF p 45 et 5 E DE VALICOURT op cit p 125 en sens inverse V C GUILLEMAIN op cit speacutec ndeg1 6 J GAUDEMET Eglise et citeacute histoire du droit canonique Montchrestien 1994 p 322 7 A MAGDELAIN Publications de lrsquoeacutecole franccedilaise de Rome Jus imperium auctoritas Etudes de droit romain 1990 p 567 M HUMBERT Le tribunat de la Plegravebe et le tribunal du peuple remarques sur lrsquohistoire de la provocatio ad populum in Meacutelanges de lrsquoeacutecole franccedilaise de Rome-Antiquiteacute 1998 Volume 100 ndeg 100-1 p 431 8 G HUGO Histoire du droit romain Trad de lrsquoallemand par Jourdan Bruxelles Socieacuteteacute belge de libraire 1940 p 119

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integrum raquo1 aient eu pour objectif de faire triompher une innocence meacuteconnue lrsquoideacutee de

reacutevision dans son sens actuel nrsquoapparaissait pas car la deacutemonstration drsquoune erreur nrsquoeacutetait pas

requise

46 La laquo provocatio ad populum raquo qui se rapprochait de lrsquoideacutee de pardon accordeacute par

le peuple en signe drsquoapaisement et drsquoencouragement agrave la bonne conduite correspond

davantage au relegravevement actuel qursquoagrave la reacutevision Lrsquo laquo intercessio raquo qui autorisait un tribun

inviolable agrave srsquoopposer sans motif agrave lrsquoexeacutecution drsquoune condamnation recouvrait le droit

reconnu agrave tout magistrat romain de geler les deacutecisions rendues par un juge infeacuterieur Ce

pouvoir appliqueacute uniquement agrave lrsquoexeacutecution drsquoune condamnation eacutetait indeacutependant de toute

deacutemonstration drsquoinnocence ou mecircme de doute sur la culpabiliteacute puisque lrsquoexercice de ce

laquo droit de veacuteto raquo2 eacutetait arbitraire La laquo restitutio ad integrum raquo enfin eacutetait lrsquoillustration drsquoune

faveur exceptionnelle que le magistrat pouvait accorder discreacutetionnairement au plaideur par le

biais de lrsquoannulation pure et simple de la sentence quand bien mecircme celle-ci eacutetait revecirctue de

lrsquoautoriteacute de chose jugeacutee Lrsquoeacuteventuel beacuteneacutefice de cette proceacutedure eacutetait subordonneacute agrave la

formulation drsquoune requecircte agrave lrsquoempereur sous la forme drsquoune laquo supplicatio raquo Drsquoapregraves Madame

DE VALICOURT cette proceacutedure peut srsquoapparenter implicitement agrave une reacutevision3 Toutefois

lrsquoauteure ajoute que laquo lrsquoabsence de terminologie preacutecise et uniforme sur ce point empecircche de

savoir drsquoune faccedilon absolue si la laquo supplicatio raquo eacutetait bien une veacuteritable reacutevision ou si elle

remplaccedilait seulement lrsquoappel agrave lrsquoeacutegard des sentences du preacutefet du preacutetoire sentences non

susceptibles drsquoappel parce que rendues nomine principis vice sacra raquo4

47 Crsquoest plutocirct dans lrsquoAncien droit que les contours de la proceacutedure de reacutevision ont

eacuteteacute dessineacutes Ponctueacutee par de nombreuses eacutetapes lrsquohistoire du pourvoi en reacutevision srsquoest

consolideacutee au fil du temps Deacutejagrave jusqursquoen 1667 les voies de recours mises en œuvre pour

lutter contre lrsquoerreur judiciaire eacutetaient les mecircmes en matiegravere civile qursquoen matiegravere criminelle

De plus jusqursquoen 1670 la reacutevision ne se distinguait pas nettement de lrsquoappel5 Enfin jusqursquoagrave

lrsquoeacutepoque de Saint Louis durant laquelle le duel judiciaire a eacuteteacute aboli par une ordonnance de

12586 le rachat du crime et la reacuteparation de lrsquoerreur se reacuteglaient au prix du sang

1 F MACKELDEY Manuel de droit romain contenant la theacuteorie des Institutes Trad de lrsquoallemand par J BEVING Bruxelles Socieacuteteacute typographique belge 1837 p405 et s 2 F MACKELDEY op cit p 408 3 E DE VALICOURT op cit p 126 4 Ibid p 126 5 Ibid p 127 6 M NICODEME Une enquecircte sur le duel judiciaire en France (deacutebut du XIVdeg siegravecle) in Revue belge de philologie et drsquohistoire 1925 Vol 4 numeacutero 4-4 p 715

30

48 Crsquoest ainsi que le regravegne de Saint Louis a constitueacute une eacutetape importante pour ce

qui est de la proclamation drsquoinnocence conseacutecutive agrave une deacutecision deacutefinitive de culpabiliteacute

entacheacutee drsquoune erreur Cette eacutepoque a transformeacute les mœurs juridiques dans le domaine des

voies de recours en geacuteneacuteral et a servi de catalyseur agrave la proceacutedure des lettres de proposition

drsquoerreurs apparue en 1344 en remplacement des lettres de gracircce de dire contre les arrecircts en

nostre Parlement 1 Lrsquoordonnance de 1344 preacutevoyait que laquo ceux qui veulent proposer

erreurs doivent mettre les erreurs par eacutecrit et les bailler aux maitres ordinaires de lrsquoHocirctel raquo2

49 Cette proceacutedure aboutissait agrave lrsquoannulation drsquoune deacutecision conceacutedeacutee par le

souverain qui faisait droit agrave la protestation drsquoinnocence drsquoune partie se deacuteclarant victime

drsquoune erreur de fait et se consideacuterant comme injustement condamneacutee par une deacutecision

deacutefinitive Ce recours contenait deacutejagrave en germe les deux plus importants eacuteleacutements de la

reacutevision drsquoaujourdrsquohui la deacutecision deacutefinitive et lrsquoerreur de fait Toutefois afin drsquoeacuteviter des

atteintes inconsideacutereacutees agrave la chose jugeacutee cette proceacutedure eacutetait conditionneacutee par de stricts deacutelais

drsquoaction et par le paiement drsquoune caution

50 Supprimeacutee en 1667 la proposition drsquoerreur a reacuteapparu dans lrsquoordonnance

criminelle de 16703 sous lrsquoappellation de lettre de reacutevision deacutesormais propres agrave la matiegravere

criminelle Le titre XVI de lrsquoordonnance de 1670 intituleacute laquo des Lettres drsquoabolition reacutemission

de pardon pour ester agrave droit rappel de ban ou de galegraveres commutations de peines

reacutehabilitation et reacutevision de procegraves raquo disposait en son article 8 que laquo pour obtenir des lettres

de reacutevision de procegraves le condamneacute sera tenu drsquoexposer le fait avec les circonstances par

requecircte qui sera rapporteacutee en notre Conseil et renvoyeacutee srsquoil est jugeacute agrave propos aux Maitres de

Requecirctes de notre Hocirctel pour avoir leur avis que nous voulons ensuite ecirctre rapporteacute en notre

Conseil Et si les lettres sont justes il sera ordonneacute par arrecirct qursquoelles seront expeacutedieacutees et

scelleacutees et par cet effet elles seront signeacutees par un secreacutetaire de nos commandements raquo

51 Dans son Traiteacute de la justice criminelle de France JOUSSE preacutecise qursquoil srsquoagit de

laquo lettres que le Roi accorde pour revoir et examiner de nouveau le procegraves criminel drsquoune

personne condamneacutee contradictoirement par arrecirct ou jugement en dernier ressort afin de

reacutevoquer la condamnation srsquoil y a lieu et de renvoyer le condamneacute ou sa meacutemoire absous des

1 Sur cette proceacutedure V H DE PANSEY De lrsquoautoriteacute judiciaire des juges en France suivie de la compeacutetence des juges de paix CJ De Mat Bruxelles 1829 p 162 2 Ibid p 164 3 Texte inteacutegral accessible sur httpledroitcriminelfreefrla_legislation_criminelleanciens_textesordonnance_criminelle_de_1670htm

31

cas qui lui ont eacuteteacute imposeacutes avec restitution et reacutetablissement de ses biens confisqueacutes et de sa

reacuteputation et bonne renommeacutee raquo1

52 Les lettres de reacutevision muettes quant aux cas drsquoouverture ne srsquoappliquaient qursquoen

preacutesence drsquoune condamnation injuste lieacutee agrave une erreur sur la personne En reacutealiteacute il srsquoagissait

de la condamnation drsquoun innocent agrave la place du veacuteritable auteur de lrsquoinfraction2 A la suite de

plusieurs chroniques judiciaires controverseacutees lrsquoembleacutematique affaire CALAS a servi de

deacuteclencheur agrave la mise en perspective du caractegravere restrictif de la leacutegislation en vigueur Le

droit moderne est alors venu au secours de la reacutevision en apportant par des lois de

circonstance des modifications agrave lrsquoordonnance de 1667 De fait la peacuteriode charniegravere de

lrsquoeacutedification du droit positif de la reacutevision se situe entre 1789 et 1989

B La peacuteriode charniegravere de lrsquoeacutedification de la reacutevision 1789-1989

53 Durant la peacuteriode srsquoeacutetalant de 1789 agrave 1989 la proceacutedure de reacutevision a subi de

nombreux ameacutenagements Influenceacutes par les Lumiegraveres les reacutevolutionnaires en affirmant que

la raison du citoyen une fois deacutebarrasseacutee de lrsquooppression des tyrans se porterait

automatiquement vers la veacuteriteacute ont contribueacute au recul de la prise en compte des erreurs

judiciaires3 La Constituante a supprimeacute la reacutevision au nom de lrsquoinfaillibiliteacute du jury

populaire par un deacutecret des 3 octobre et 3 novembre 1789 portant reacuteforme provisoire de la

jurisprudence criminelle

54 En 1793 une affaire judiciaire a fortement heurteacute lrsquoopinion publique Un vol de

mouchoir avait donneacute lieu agrave la condamnation de deux individus jugeacutes seacutepareacutement pour les

mecircmes faits Or il paraissait eacutevident que cette infraction nrsquoavait pu ecirctre commise que par un

seul auteur et que les deux condamnations devenues deacutefinitives eacutetaient inconciliables

55 Dans un souci drsquoapaisement de lrsquoopinion publique les parlementaires de lrsquoeacutepoque

ont reacuteintroduit timidement la proceacutedure de reacutevision par un deacutecret du 15 mai 1793 relatif aux

accuseacutes condamneacutes comme auteurs de mecircmes deacutelits et dont les condamnations ne peuvent se

concilier et font la preuve de lrsquoinnocence de lrsquoune ou de lrsquoautre des parties Monsieur FAZY

souligne dans sa thegravese que laquo le point de deacutepart timoreacute et mesquin adopteacute par les juristes

1 JOUSSE Traiteacute de la Justice criminelle de France Paris eacuted Debure pegravere 1771 Partie III Liv II titre 39 p777 2 E DE VALICOURT op cit p 137 3 Sur ce point voir le reacutecit de HUGO V HUGO Claude Gueux in Le dernier jour drsquoun condamneacute Le livre de poche p 69 et s

32

franccedilais de ce siegravecle et qui a consisteacute agrave nrsquoadmettre un cas de reacutevision qursquoagrave mesure de la

deacutecouverte drsquoune erreur judiciaire nouvelle et irreacuteparable faisait toucher du doigt aux plus

volontairement aveugles lrsquoinsuffisance de la loi raquo1

56 A nouveau abrogeacutee par le Code du 3 brumaire An IV la reacutevision fut reacutetablie par le

Code drsquoinstruction criminelle de 1808 agrave la suite de lrsquoarrecirct de la Cour de cassation rendu le 9

Vendeacutemiaire An IX dans le cadre de lrsquoaffaire FISCHER2 Dans cette affaire le tribunal

criminel du Haut-Rhin avait successivement prononceacute deux condamnations pour un seul et

mecircme deacutelit Inspireacute par la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme lrsquoexposeacute des motifs du Code

drsquoinstruction criminelle de 1808 reconnaissait courageusement que laquo la confiance dans

lrsquoinfaillibiliteacute des jureacutes devait ecirctre des plus modeacutereacutee qursquoil fallait ne pas se faire de cette

magistrature une opinion trop favorable car il nrsquoy a pas de garantie absolue contre lrsquoerreur des

Hommes raquo

57 Crsquoest ainsi que le Code drsquoinstruction criminelle dans les articles 443 agrave 447

deacutefinissait trois cas drsquoouverture agrave reacutevision en matiegravere criminelle en omettant toutefois

drsquoaborder la question de la reacuteparation peacutecuniaire On pensait alors que lrsquoerreur eacutetait reacutepareacutee

par le seul fait que la justice avait reconnu sa faute

58 Lrsquoarticle 443 du Code drsquoinstruction criminelle srsquoinspirant du deacutecret du 15 mai

1793 autorisait la reacutevision laquo lorsqursquoun accuseacute aura eacuteteacute condamneacute pour un crime et qursquoun

autre accuseacute aura aussi eacuteteacute condamneacute par un autre arrecirct comme auteur du mecircme crime raquo La

jurisprudence a preacuteciseacute qursquoil devait srsquoagir de deux deacutecisions deacutefinitives inconciliables de

nature agrave apporter la preuve de lrsquoinnocence de lrsquoun ou de lrsquoautre condamneacute3

59 Lrsquoarticle 444 du Code drsquoinstruction criminelle qui nrsquoa jamais eacuteteacute utiliseacute preacutevoyait

la reacutevision laquo lorsqursquoapregraves une condamnation pour homicide il sera de lrsquoordre expregraves du

Grand juge Ministre de la justice adresseacute agrave la Cour de cassation section criminelle des

piegraveces repreacutesenteacutees posteacuterieurement agrave la condamnation et propres agrave faire naicirctre de suffisants

indices sur lrsquoexistence de la personne dont la mort supposeacutee aurait donneacute lieu agrave la

1 R FAZY De la reacutevision en matiegravere peacutenale Thegravese Genegraveve 1899 p 27 citeacute par E DE VALICOURT op cit p 142 note ndeg 718 2 Tribunal de Cassation section criminelle 9 vendeacutemiaire an IX arrecirct FISCHER c Ministegravere Public 3 Cass crim 24 juin 1830 S 1830 I p 309

33

condamnation raquo Dans le seul cas de lrsquoarticle 444 la requecircte en reacutevision pouvait aussi ecirctre

deacuteposeacutee au nom drsquoun condamneacute deacuteceacutedeacute1

60 Enfin lrsquoarticle 445 du Code drsquoinstruction criminelle autorisait la reacutevision

laquo lorsqursquoapregraves une condamnation un ou plusieurs des teacutemoins qui avaient deacuteposeacute agrave charge

contre lrsquoaccuseacute seront poursuivis pour avoir porteacute un faux teacutemoignage dans le procegraves raquo

61 Le retentissement de lrsquoaffaire ELLENBERG a eacuteteacute une nouvelle incitation agrave

modifier les textes Le Sieur ELLENBERG fut condamneacute le 18 juillet 1806 agrave 16 ans de fer

pour compliciteacute de vol infraction dont lrsquoauteur principal eacutetait un certain Sieur GARCON En

1808 tous deux furent ensuite traduits devant les tribunaux pour crime de garrottage Acquitteacute

au moment de ce procegraves le Sieur ELLENBERG a reacuteussi en outre agrave prouver son innocence

dans lrsquoaffaire GARCON ougrave il fut condamneacute pour compliciteacute de vol en 1806 Il put produire

lrsquoidentiteacute du veacuteritable coupable qui ne fut drsquoailleurs pas inquieacuteteacute peacutenalement en raison de la

prescription de lrsquoaction publique2 La preuve de lrsquoinnocence nrsquoa pas suffi agrave la reacutevision de

lrsquoaffaire ELLENBERG car ce cas de figure nrsquoeacutetait preacutevu par aucun texte En effet lrsquoerreur

de fait commise par les juges de 1806 nrsquoentrait pas dans le cadre du caractegravere inconciliable de

deux deacutecisions (le veacuteritable complice nrsquoayant pu ecirctre condamneacute) et de la condamnation pour

faux teacutemoignage de lrsquoun des teacutemoins

62 Face agrave ce vide juridique Napoleacuteon a deacutecreacuteteacute le 10 deacutecembre 1813 que lrsquoaffaire

ELLENBERG laquo serait soumise agrave lrsquoexamen de la Cour de cassation sections reacuteunies pour

indeacutependamment de toute irreacutegulariteacute ou vice de forme entrer dans lrsquoexamen des faits et

casser srsquoil y avait lieu dans lrsquointeacuterecirct drsquoEllenberg lrsquoarrecirct de la Cour drsquoAnvers raquo3 Les motifs

du deacutecret preacutecisaient que laquo que lrsquoeacutetat actuel de la leacutegislation nrsquooffrant aucun recours agrave

lrsquoinnocent condamneacute dans le cas dont il srsquoagissait lrsquoempereur avait jugeacute neacutecessaire de

suppleacuteer agrave cette insuffisance de la loi Il avait donc deacutelivreacute des lettres de reacutevision gracieuseraquo4

Le cas ELLENBERG meacuterite drsquoecirctre mis en avant car il srsquoagit de la seule application effective

des lettres de reacutevision gracieuse

63 Ensuite sous lrsquoimpulsion de philosophes Voltaire en particulier et sous la

pression de lrsquoopinion publique les articles 443 agrave 447 du Code drsquoinstruction criminelle donneacute

lieu agrave plusieurs modifications favorables au renforcement de la reacutevision

1 E DE VALICOURT op cit p 145 2 Ibid p 146 3 Ibid p 146 4 Ibid p 146

34

64 Crsquoest sous lrsquoeffet de lrsquoeacutemotion provoqueacutee par lrsquoaffaire LESURQUES1 que la loi du

29 juin 1867 a eacuteteacute adopteacutee Cette affaire dite du courrier de Lyon se rapporte agrave lrsquoattaque en

1796 de la diligence reliant le trajet de Paris agrave Lyon Outre lrsquoassassinat du postillon furent

aussi deacuterobeacutes les sept millions dassignats or destineacutes agrave larmeacutee de Bonaparte Parmi les mis en

cause lun drsquoentre eux le Sieur Joseph LESURQUES a toujours protesteacute de son innocence

Cependant il fut condamneacute agrave mort et exeacutecuteacute sur la foi de teacutemoins qui ont cru le reconnaicirctre agrave

travers sa chevelure blonde Lun des veacuteritables auteurs du crime a reconnu au moment de

son exeacutecution que le malheureux Joseph LESURQUES nrsquoavait pas participeacute agrave lrsquoattaque de la

diligence Il a expliqueacute qursquoil sagissait dune meacuteprise des teacutemoins qui srsquoest produite en raison

de la ressemblance physique du Sieur LESURQUES avec lrsquoun des veacuteritables auteurs du

crime

65 La loi du 29 juin 1867 est alors venue modifier lrsquoarticle 443 du Code drsquoinstruction

criminelle afin de geacuteneacuteraliser en matiegravere criminelle le droit drsquoagir post mortem aux proches

du condamneacute et drsquoeacutetendre lrsquooffre de reacutevision aux deacutelits2 Toutefois la famille de Joseph

LESURQUES nrsquoa pas pu beacuteneacuteficier des nouvelles dispositions jugeacutees inapplicables au motif

que la condamnation de Monsieur Joseph LESURQUES nrsquoeacutetait pas inconciliable avec celles

des autres auteurs de lrsquoinfraction3

66 Srsquoagissant drsquoun veacuteritable progregraves ce texte nrsquoa pas pour autant permis drsquoeacuteviter les

eacutecueils inheacuterents agrave la leacutegislation anteacuterieure Les affaires VAUX 4et BORRAS5 en sont les

teacutemoins Bien que srsquoagissant de deux cas diffeacuterents ils sont sur le plan juridique tregraves proches

lrsquoun de lrsquoautre Aussi seule lrsquoaffaire VAUX relative agrave un conflit communal sera-t-elle

eacutevoqueacutee

67 A lrsquooccasion du partage de biens communaux de graves dissensions ponctueacutees

drsquoincendies criminels ont vu le jour dans la commune de Longepierre En raison de son

profond deacutesaccord avec le maire des soupccedilons se sont aussitocirct porteacutes vers Monsieur VAUX

conseiller municipal drsquoailleurs deacutejagrave impliqueacute dans plusieurs rixes avec lrsquoeacutedile Deacutesigneacute par le

maire comme eacutetant lrsquoauteur des incendies lrsquoinstituteur VAUX suspendu de ses fonctions

avait eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoune deacutenonciation de la part du nommeacute BALLEAUT Confronteacute

1 Sur cette affaire V A FOUQUIER Histoire du procegraves Lesurques Hachette 2013 2 C MATHON op cit p5 3 Cass crim 17 deacutec 1868 Dr peacutenal 1869 1 p 41 rapp F HELIE 4 Sur cette affaire V L DEVANCE Entre les mains de lrsquoinjustice lrsquoaffaire Vaux et Petit (1851-1897) Editions universitaires de Dijon 2000 5 Sur cette affaire V J HURET Le dossier de lrsquoaffaire Borras-Pradies Les grands procegraves Elibron Classics 2001

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agrave ces fausses accusations lrsquoenseignant avait vainement protesteacute de son innocence et fut

condamneacute aux travaux forceacutes agrave perpeacutetuiteacute le 25 juin 1852 Dix-huit mois plus tard la

perpeacutetration de nouveaux incendies criminels a permis drsquoidentifier les veacuteritables auteurs des

faits agrave savoir le maire et son complice Monsieur BALLEAUT Bien qursquoayant reconnu

lrsquoensemble des faits ils nrsquoont eacuteteacute condamneacutes que pour les seules mises agrave feu posteacuterieures agrave la

condamnation de Monsieur VAUX En lrsquoeacutetat du droit de lrsquoeacutepoque lrsquoinnocence de Monsieur

VAUX deacuteceacutedeacute en captiviteacute nrsquoa jamais pu ecirctre proclameacutee En effet cette situation ne

reacutepondait agrave aucun cas drsquoouverture preacutevu par le texte surtout que Monsieur BALLEAUT

nrsquoavait pas eacuteteacute poursuivi pour faux teacutemoignage

68 Un recours en reacutevision formeacute par les enfants de lrsquoinstituteur a eacuteteacute rejeteacute le 9

janvier 1886 au motif de lrsquoabsence de caractegravere inconciliable entre les condamnations de

Monsieur VAUX et celles du maire et de son complice Lrsquoarrecirct VAUX a finalement pu ecirctre

reacuteviseacute en 1897 au beacuteneacutefice de lrsquoeacutevolution de la loi de 189 qui reconnait le fait nouveau1 En

effet cette loi a preacutevu un cas geacuteneacuterique drsquoouverture agrave reacutevision2 Voteacutee dans le contexte

douloureux de lrsquoaffaire DREYFUS elle est un marqueur important de lrsquohistoire de la reacutevision

Drsquoune part elle consacre un droit drsquoindemnisation aux victimes des erreurs judiciaires et

drsquoautre part le nouvel alineacutea de lrsquoarticle 443 du Code drsquoinstruction criminelle a admis que la

reacutevision est possible quand laquo apregraves une condamnation un fait nouveau viendrait agrave se

produire ou agrave se reacuteveacuteler ou lorsque des piegraveces inconnues lors des deacutebats seraient de nature agrave

eacutetablir lrsquoinnocence du condamneacute raquo

69 Le Code de proceacutedure peacutenale de 1959 a repris en lrsquoeacutetat en son article 622 les

dispositions des articles 443 agrave 447 du Code drsquoinstruction criminelle de 1808 Ce texte

preacutevoyait donc que laquo la reacutevision peut ecirctre demandeacutee quelle que soit la juridiction qui ait

statueacute au beacuteneacutefice de toute personne reconnue auteur dun crime ou dun deacutelit 1deg Lorsque

apregraves une condamnation pour homicide des piegraveces sont repreacutesenteacutees propres agrave faire naicirctre

de suffisants indices sur lexistence de la preacutetendue victime de lhomicide 2deg Lorsque apregraves

une condamnation pour crime ou deacutelit un nouvel arrecirct ou jugement a condamneacute pour le

mecircme fait un autre accuseacute ou preacutevenu et que les deux condamnations ne pouvant se concilier

leur contradiction est la preuve de linnocence de lun ou de lautre condamneacute 3deg Lorsquun

des teacutemoins entendus a eacuteteacute posteacuterieurement agrave la condamnation poursuivi et condamneacute pour

1 Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p13 2 LE BERTRE De ladmission de la reacutevision et de la mateacuterialiteacute du fait nouveau dans la loi du 8 juin 1895 Thegravese Paris 1901 p 123 et s

36

faux teacutemoignage contre laccuseacute ou le preacutevenu le teacutemoin ainsi condamneacute ne peut pas ecirctre

entendu dans les nouveaux deacutebats 4deg Lorsque apregraves une condamnation un fait vient agrave se

produire ou agrave se reacuteveacuteler ou lorsque des piegraveces inconnues lors des deacutebats sont repreacutesenteacutees

de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute raquo

70 Monsieur Claude MATHON observe qursquolaquo il nrsquoy aura pas drsquoautre reacuteforme de la

proceacutedure de reacutevision pendant 104 ans avant la loi du 23 juin 1989 raquo1

71 Crsquoest agrave nouveau en reacuteponse agrave lrsquoactualiteacute judiciaire concernant lrsquoaffaire SEZNEC

que la loi du 23 juin 19892 a modifieacute le texte en autorisant lrsquoouverture de la reacutevision degraves que

laquo vient agrave se produire ou agrave se reacuteveacuteler un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu de la juridiction

au jour du procegraves de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute raquo

Durant 25 ans la loi de 1989 a reacutegi le droit de la reacutevision Malgreacute les importants progregraves de la

police scientifique3 la reacutevision nrsquoa pas connu une progression du nombre des deacutecisions

annuleacutees Cette situation laissait penser qursquo laquo un certain nombre dameacuteliorations4 raquo pouvaient

encore ecirctre reacutealiseacutees Le rejet de la requecircte de Monsieur Dany LEPRINCE deacutecideacute le 6 avril

20115 par la Cour de reacutevision a eacutegalement largement contribueacute agrave alimenter le deacutebat quant agrave la

justesse de la loi de 1989

72 Srsquoagissant de lrsquoaffaire LEPRINCE en 1994 les corps de quatre individus avaient

eacuteteacute retrouveacutes dans une maison de la campagne sarthoise Cette demeure se trouvait agrave une

quinzaine de megravetres de distance du domicile de lun des fregraveres de lune des quatre victimes

Suspecteacutes les occupants de la maison voisine avaient eacuteteacute placeacutes en garde agrave vue Il srsquoagissait

de Dany LEPRINCE sa femme Martine LEPRINCE et leur fille aicircneacutee Ceacutelia Dany

LEPRINCE a eacuteteacute accuseacute des faits par son eacutepouse au terme de plus de trente heures de garde agrave

vue Condamneacute deacutefinitivement celui-ci a toujours protesteacute de son innocence Sa requecircte en

reacutevision a eacuteteacute instruite durant cinq ans par la commission Celle-ci avait alors suspendu au vu

de certains eacuteleacutements lrsquoexeacutecution de la condamnation du requeacuterant et avait transmis le dossier

agrave la Cour de reacutevision Monsieur Dany LEPRINCE avait beacuteneacuteficieacute drsquoune remise en liberteacute au

1 C MATHON op cit p5 2 Loi ndeg 89-431 du 23 juin 1989 relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales 3 N LE DOUARIN La preuve scientifique des empreintes digitales aux empreintes geacuteneacutetiques un siegravecle de deacutecouvertes en biologie in La Preuve dir C PUIGELIER Paris Economica 2004 p 29 4 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur judiciaire op cit ndeg 9 5 Deacutecision de la Cour de reacutevision 6 avril 2011 ndeg 10-85247

37

terme drsquoune deacutetention de seize anneacutees Ensuite la Cour de reacutevision avait rejeteacute la requecircte et

ordonneacute sa reacuteincarceacuteration1

73 Monsieur Franck JOHANNES a deacutecrit la situation le jour de lrsquoaudience de la Cour

de reacutevision laquo Personne nrsquoa lrsquoair de comprendre Dany Leprince tend ses poignets agrave son

escorte Les gendarmes poussent fermement le public vers les portes battantes il faut sortir

immeacutediatement raquo2 Lrsquoauteur cite ensuite les propos de Maicirctre BAUDELOT avocat de Dany

Leprince laquo On passe en ce moment les menottes agrave Dany Leprince dit lrsquoavocat bouleverseacute et

terrible Crsquoest un drame que je considegravere comme un eacutechec personnel terrifiant Je nrsquoai pas su

convaincre les juges Mais crsquoest aussi un eacutechec pour la justice A neuf mois drsquointervalle deux

juridictions de la Cour de cassation ont dit exactement le contraire alors que pas une virgule

du dossier nrsquoa changeacute raquo3

74 Afin drsquoeacutevaluer la maniegravere dont la loi de 1989 conciliait laquo lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et le respect des droits de lrsquohomme raquo4 la commission des lois a deacutecideacute en juillet 2013

de creacuteer une mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales dont les

travaux ont eacuteteacute rendus publics le 4 deacutecembre 20135 La singulariteacute de cette proceacutedure et la

lourde tacircche de trouver un eacutequilibre entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et lrsquoideacutee de Justice ont

confeacutereacute agrave cette mission drsquoinformation un caractegravere exceptionnel Srsquoagissant de la recherche de

cet eacutequilibre les rapporteurs ont fait la distinction entre lrsquoerreur de fait et lrsquoerreur de droit La

premiegravere correspond agrave une erreur judiciaire susceptible drsquoecirctre reacutepareacutee par la reacutevision Pour ce

qui est de la seconde les rapporteurs ont consideacutereacute que laquo lorsqursquoune erreur de droit a eacuteteacute

commise au meacutepris des liberteacutes garanties il convient de sanctionner cette violation et de

rejuger la personne conformeacutement aux regravegles de droit en vigueur indeacutependamment de toute

consideacuteration sur sa culpabiliteacute crsquoest le but du reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive

conseacutecutivement au prononceacute drsquoun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme raquo6

Crsquoest pourquoi leurs travaux ont viseacute les deux proceacutedures le pourvoi en reacutevision et le

reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale conseacutecutif agrave un arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de

1 F JOHANNES op cit 2 F JOHANNES op cit p 10 3 Ibid p 10 4 Site internet de lrsquoAssembleacutee Nationale Preacutesentation de la mission drsquoinformation texte accessible sur httpwww2assemblee-nationalefr14commissions-permanentescommission-des-loismissions-d-informationrevision-des-condamnations-penalesa-la-unepresentation-de-la-mission-d-information 5 Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit 6 Assembleacutee Nationale rapport ndeg 1807 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la Reacutepublique sur la proposition de loi ndeg 1700 relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive A TOURRET Accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rapportsr1807asp p9

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lrsquohomme En ce qui nous concerne comme le reacuteexamen ne suppose pas une erreur judiciaire

au sens de la reacutevision1 il ne sera pas eacutetudieacute en profondeur dans cette thegravese consacreacutee agrave la

reacutevision en matiegravere peacutenale

75 Les travaux de la mission drsquoinformation ont deacuteboucheacute sur la loi ndeg 2014-640 du 20

juin 2014 qui constitue deacutesormais le nouveau fondement du droit de la reacutevision2 Quelques

mois avant lrsquoadoption du texte lrsquoaffaire HADERER a deacutefrayeacute la chronique judiciaire

Principal suspect du meurtre de Nelly HADERER Jacques MAIRE avait eacuteteacute deacutefinitivement

acquitteacute en 2004 Toutefois 27 ans apregraves que la deacutepouille mortelle de Nelly HADERER ait

eacuteteacute retrouveacutee dans une deacutecharge de Nancy des traces ADN de Jacques MAIRE ont pu ecirctre

isoleacutees sur le pantalon de la victime3 Cette affaire a donneacute lieu en vain au deacutepocirct drsquoun

amendement en faveur de la reconnaissance de la reacutevision in defavorem4

76 La loi du 20 juin 2014 devrait selon les rapporteurs permettre aux demandes de

reacutevision drsquo laquo aboutir toutes les fois que la demande est leacutegitime5 raquo et trouver un laquo meilleur

eacutequilibre entre la neacutecessiteacute drsquoune part de reacuteparer lrsquoerreur judiciaire drsquoautre part de ne pas

remettre abusivement en cause la chose jugeacutee6 raquo Notre thegravese se fixe comme objectif de

veacuterifier si le nouveau texte est bien agrave la hauteur des ambitions afficheacutees

77 Lrsquoanalyse historique de la reacutevision permet de constater que jusqursquoagrave la loi de 2014

lrsquoeacutevolution de la reacutevision srsquoest souvent opeacutereacutee sous le seul effet de lrsquoactualiteacute judiciaire

maicirctresse du calendrier leacutegislatif La reacutevision perccedilue comme une menace pour lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee a de ce fait eacuteteacute fortement encadreacutee par le leacutegislateur afin drsquoen limiter

consideacuterablement sa porteacutee Enfin les interventions du leacutegislateur se sont souvent effectueacutees

dans la preacutecipitation au greacute de lrsquoactualiteacute judiciaire et de lrsquoeacutemoi populaire7 La modification

1 V F RENUCCI Le reacuteexamen drsquoune deacutecision de justice deacutefinitive dans lrsquointeacuterecirct des droits de lrsquohomme D 2000 p 655 ndeg 3 2 Loi ndeg 2014-640 du 20 juin 2014 relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive Pour la premiegravere demande en reacutevision examineacutee par la nouvelle juridiction creacuteeacutee par la reacuteforme V C FLEURIOT laquo Cour de reacutevision irrecevabiliteacute de la demande relative agrave lrsquoaffaire Mis et Thiennot raquo Dalloz actualiteacutes 17 mars 2015 3 27 ans apregraves lrsquoADN relance le mystegravere du meurtre de Nelly HADERER Le Monde 30 janvier 2014 4 Assembleacutee Nationale 14 feacutevrier 2014 Amendement ndeg CL 6 accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14amendements1700CION_LOISCL6pdf 5 Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 17 6 Assembleacutee Nationale rapport ndeg 1807 op cit p10 7 A MONTAGNE De la fiction au reacuteel les grandes affaires criminelles franccedilaises et leurs censures cineacutematographiques in Franccediloise Puaux (sd) La justice agrave lrsquoeacutecran CineacutemAction ndeg 105 novembre 2002 p 82-86

39

de la loi pouvait ecirctre ressentie laquo moins comme la conseacutequence drsquoun besoin que comme une

reacuteponse agrave un appel raquo1

78 Pour CARBONNIER le droit peacutenal laquo appelle des coups de theacuteacirctre raquo2

Finalement agrave force de coups de theacuteacirctre la loi de 1989 a vu le jour au greacute des affaires

FISCHER ELLENBERG VAUX BORRAS et DREYFUS Ainsi la loi de 1989 comme lrsquoa

souligneacute Monsieur le Professeur LIBCHABER agrave propos drsquoautres textes laquo tend agrave la socieacuteteacute un

miroir ougrave se reacutevegravelent les traits du preacutesent par-delagrave ceux dun passeacute quelle reconstitue raquo3 Elle

eacutetait le fruit drsquoune intervention leacutegislative meneacutee dans lrsquourgence pour faire face aux attentes

de lrsquoaffaire SEZNEC Ce texte srsquoexposait au risque drsquoecirctre bacircti sur des fondations fragiles

issues des laquo coups de theacuteacirctre raquo4 preacuteceacutedents et de porter en son sein les stigmates des erreurs

du passeacute Crsquoest pourquoi il sera deacutemontreacute que reacuteviser la reacutevision eacutetait neacutecessaire (premiegravere

partie)

79 Il a peseacute sur les eacutepaules du leacutegislateur de 2014 une bien lourde et belle mission Il

lui a eacuteteacute offert la possibiliteacute de deacutepassionner le deacutebat de la reacutevision en se libeacuterant du poids des

errements du passeacute Crsquoest pourquoi nous avons fait le choix drsquoexaminer la reacutevision sous

lrsquoangle de son fonctionnement tel qursquoil eacutetait preacutevu dans la loi de 1989 puis de sa

transformation par la reacuteforme de 2014

80 Primo ce raisonnement a aussi eacuteteacute adopteacute par le leacutegislateur au moment de

lrsquoeacutelaboration de sa reacuteforme En effet tout changement de la loi suppose de se pencher au

preacutealable sur les dispositions existantes afin de bien en cerner les points positifs et neacutegatifs

Si les faiblesses de la loi de 1989 meacuteritent drsquoecirctre surmonteacutees la reacuteforme ne devrait pas le cas

eacutecheacuteant toucher aux aspects positifs du texte Cet axe de reacuteflexion partageacute avec le leacutegislateur

nous permettra de veacuterifier srsquoil existe une concordance entre nos conclusions respectives Cette

approche a aussi lrsquoavantage de pouvoir mieux appreacutecier lrsquoefficaciteacute de la reacuteforme Secundo ce

modus operandi constitue aujourdrsquohui le seul moyen pour comprendre la reacutevision dont la

nouvelle refondation remonte agrave un peu plus drsquoun an En effet lrsquoexamen de la loi de 1989

reacutevegravelera que les problegravemes de la reacutevision ne proceacutedaient pas uniquement du leacutegislateur La

jurisprudence de lrsquoeacutepoque a largement contribueacute au manque drsquoaccessibiliteacute de la reacutevision Elle

srsquoinscrivait dans le droit fil drsquoune vieille tradition favorable agrave une vision restrictive de la

1 J CARBONNIER Droit et passion du droit sous la Vegraveme reacutepublique op cit p 270 2 Ibid p 135 3 R LIBCHABER LrsquoHistoire aux prises avec le droit RTD Civ 1999 p 245 4 J CARBONNIER op cit p 270

40

reacutevision Crsquoest ainsi qursquoil est indispensable de srsquointeacuteresser eacutetroitement au rocircle de la

jurisprudence Or la premiegravere deacutecision (irrecevabiliteacute) de la commission drsquoinstruction de la

Cour de reacutevision et de reacuteexamen des condamnations peacutenales issue de la loi du 20 juin 2014

remonte au 16 mars 20151 De fait le manque de nouvelles expeacuteriences ne nous permettra pas

drsquoanalyser le comportement de la jurisprudence face aux nouveaux textes Lrsquoeacutetude de la

jurisprudence issue de la loi de 1989 constituera donc un outil preacutecieux drsquoeacutevaluation des

probabiliteacutes de sa perte drsquoinfluence ou de son renforcement au niveau du nouveau texte

81 Notre thegravese reacutevegravelera que malgreacute de reacuteels progregraves le leacutegislateur nrsquoa pas profiteacute de

lrsquoopportuniteacute de reacuteformer en profondeur la reacutevision et de la deacutebarrasser de ses laquo vieux

deacutemons raquo Lrsquoeacutevidence de la reacutevision agrave reacuteviser cegravede donc le pas agrave la deacuteception de la reacutevision

reacuteviseacutee Deacutesillusion que nous tenterons drsquoatteacutenuer agrave la faveur de plusieurs propositions

(deuxiegraveme partie)

- Premiegravere partie La reacutevision de 1989 agrave reacuteviser une neacutecessiteacute

- Seconde partie La reacutevision reacuteviseacutee de 2014 une deacuteception

1 Commission drsquoinstruction de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen des deacutecisions peacutenales 16 mars 2015 ndeg 13 REV 037 E ALLAIN Les vieilles affaires AJ Peacutenal 2015 p 165

41

PREMIERE PARTIE

LA REVISION DE 1989 A REVISER

UNE NECESSITE

42

82 Dans cette premiegravere partie il srsquoagira drsquoidentifier les faiblesses de la proceacutedure de

reacutevision issue de la loi du 23 juin 1989 qui ont conduit agrave la reacuteforme de cette laquo grande

oublieacutee raquo1 de la proceacutedure peacutenale par la loi du 20 juin 2014

Deux raisons majeures rendaient eacutevidente la neacutecessiteacute drsquoune reacuteforme

83 Premiegraverement la proceacutedure de reacutevision preacutevue par la loi de 1989 eacutetait trop

marqueacutee par lrsquoempreinte drsquoune dualiteacute oppositionnelle entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et

lrsquoideacutee mecircme de reacutevision Monsieur Claude MATHON avocat geacuteneacuteral agrave la Cour de cassation

a souligneacute que laquo la probleacutematique de la reacutevision des deacutecisions peacutenales deacutefinitives se situe

dans le contexte de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo2 Aussi est-il indispensable drsquoexaminer les

liens qui unissaient le pourvoi en reacutevision agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee tels qursquoils eacutetaient

tisseacutes par la loi de 1989 Ces liens qui srsquoordonnaient autour drsquoune logique oppositionnelle

favorisant la preacuteeacuteminence de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee traduisaient la volonteacute du leacutegislateur

et des juges de nrsquoadmettre que tregraves strictement la reacutevision3 (Titre 1)

84 Deuxiegravemement cette articulation des rapports entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et

la reacutevision a eu pour conseacutequence de creacuteer des zones drsquoombre entretenues par la jurisprudence

qui constituaient pour le requeacuterant un veacuteritable obstacle agrave la reacutevision de son procegraves En effet

la proceacutedure de reacutevision preacutevue par la loi de 1989 preacutesentait de multiples imperfections tant

structurelles que conjoncturelles (Titre 2)

1 P COUVRAT Commentaire de la loi ndeg89-431 du 23 juin 1989 relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales RSC 1989 p 785 2 C MATHON Note technique relative agrave la reacutevision des deacutecisions peacutenales deacutefinitives op cit p 1 3 H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg2

43

Titre 1

Une approche trop restrictive de la

reacutevision

44

85 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision sont unies par des liens eacutetroits En effet

lrsquoexistence mecircme de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est agrave lrsquoorigine de la creacuteation drsquoune proceacutedure

destineacutee agrave permettre la remise en cause drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive Parallegravelement le

caractegravere extraordinaire de la reacutevision deacutecoule de lrsquoessence de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui

est garante de la stabiliteacute des deacutecisions de justice1 Ce lien tregraves fort entre lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et la reacutevision place ineacutevitablement le leacutegislateur dans un rocircle drsquoarbitre entre drsquoun cocircteacute

la volonteacute drsquoassurer la meilleure justice possible et de lrsquoautre cocircteacute la neacutecessiteacute de garantir la

seacutecuriteacute et la stabiliteacute des situations juridiques Monsieur Claude MATHON a mis en avant

lrsquoexistence de ces deux impeacuteratifs contradictoires2 Ainsi il oppose le souci de

perfectionnisme du leacutegislateur toujours agrave la recherche drsquoune justice irreacuteprochable (drsquoougrave

lrsquoexistence du pourvoi en reacutevision reacuteparateur des erreurs de fait commises par les juridictions

reacutepressives) agrave une tendance seacutecuritaire et de stabiliteacute impliquant que les voies de recours ne

puissent se transformer en une eacutepeacutee de Damoclegraves suspendue ad vitam eternam sur la tecircte des

justiciables La seacutereacuteniteacute de la justice exige que la parole du juge soit agrave un moment donneacute

deacutefinitivement reconnue Ainsi la reacutevision serait un champ de bataille ougrave srsquoaffronteraient le

perfectionnisme et la seacutecuriteacute Elle se situerait laquo agrave lrsquointersection de deux prioriteacutes essentielles

de tout systegraveme deacutemocratique tirailleacute entre deux exigences contradictoires la volonteacute de

proteacuteger les liberteacutes individuelles et la neacutecessiteacute drsquoassurer le respect de lrsquoordre public raquo3

86 Une confrontation entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision permettra

drsquoillustrer la possibiliteacute drsquoun rapprochement entre ces deux laquo fregraveres ennemis raquo susceptibles de

se concilier (Chapitre 1) Cependant cette conciliation ne srsquoeacutetait pas entiegraverement reacutealiseacutee

sous les auspices de la loi de 1989 qui donnait lrsquoavantage agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

(Chapitre2)

1Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p8 laquo La proceacutedure de reacutevision constitue preacuteciseacutement cette soupape de seacutecuriteacute dont tout systegraveme judiciaire a besoin pour contrebalancer le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo 2 C MATHON laquo Note technique relative agrave la reacutevision des deacutecisions peacutenales deacutefinitives raquo op cit V eacutegalement J-M LE MASSON laquo La recherche de la veacuteriteacute judiciaire dans le procegraves civil raquo Thegravese Nantes 1991 p 1 3 E DE VALICOURT op cit p 124

45

CHAPITRE 1 LA CONCILIATION POSSIBLE

DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE

JUGEE ET DE LA REVISION

laquo Ah Crsquoest un grand malheur quand on a le cœur

tendre Que ce lien de fer que la nature a mis

Entre lacircme et le corps ces fregraveres ennemis

Ce qui meacutetonne moi cest que Dieu lait permis

Voilagrave le nœud gordien quil fallait quAlexandre

Rompicirct de son eacutepeacutee et reacuteduisicirct en cendre1 raquo

87 Dans ce chapitre la contradiction entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision sera surmonteacutee Dans un premier temps nous mettrons en eacutevidence leur opposition

apparente (Section 1) La dialectique enseigne que dans tout domaine il convient drsquoaborder

avec doigteacute les situations reacuteputeacutees inconciliables afin de deacutepasser les paradoxes qui parfois

ne sont qursquoapparence Effectivement entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision il

srsquoavegravere que laquo rivaliteacute nrsquoest pas neacutecessairement hostiliteacute raquo 2 et qursquoun rapprochement est

possible (Section 2)

Section 1 Lrsquoapparente opposition entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et la reacutevision

88 A lrsquoimage du mariage impossible entre la carpe et le lapin lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et la reacutevision semblent poursuivre respectivement un objectif contradictoire Lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee a vocation agrave mettre deacutefinitivement fin au procegraves (sect1) tandis que la reacutevision

favorise quant agrave elle la renaissance du procegraves (sect2)

1 A DE MUSSET laquo Contes drsquoEspagne et drsquoItalie poeacutesies diverses un spectacle dans un fauteuil poeacutesies nouvelles raquo Paris Charpentier-libraire eacutediteur 1840 p 277 2 S FREUD Malaise dans la civilisation 1979 PUF Paris p 100

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sect1 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee ou la fin du procegraves

89 La difficulteacute concernant lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est que laquo tout le monde ne

met pas la mecircme chose derriegravere les mecircmes mots raquo1 En fonction de la matiegravere juridique

qursquoelle concerne lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee srsquoadapte aux particulariteacutes du procegraves diffeacuterentes

selon qursquoil srsquoagit drsquoune instance peacutenale civile ou administrative En raison de la

laquo particulariteacute tregraves accuseacutee du procegraves peacutenal raquo2 lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee revecirct dans ce

domaine un aspect binaire en eacutetant agrave la fois neacutegative et positive3 Ce deacutedoublement reacutesulte de

reacuteflexions doctrinales qui ont libeacutereacute la vision peacutenale de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en lui

permettant de se deacutetacher de la conception civiliste4 La doctrine civiliste deacutefinit lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee comme une laquo qualiteacute incontestable raquo5 une laquo immutabiliteacute raquo6 ou encore une

laquo protection de la deacutecision raquo7 Tous ces qualificatifs montrent que lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

vise agrave empecirccher que ce qui a eacuteteacute deacutefinitivement jugeacute le soit de nouveau En matiegravere peacutenale

positivement lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee impose au juge civil de se conformer aux deacutecisions

du juge peacutenal (crsquoest lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur civil) Il srsquoagit de mettre fin

aux contestations porteacutees au civil sur le volet peacutenal de lrsquoaffaire Neacutegativement elle srsquooppose agrave

lrsquoexercice de nouvelles poursuites peacutenales pour des mecircmes faits deacutejagrave sanctionneacutes

(crsquoest lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel) Il srsquoagit ici de mettre fin au

procegraves

90 Crsquoest pourquoi la contradiction apparente entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le

pourvoi en reacutevision sera expliqueacutee en tenant compte de lrsquoaspect binaire de lrsquoautoriteacute de la

1 T LEBARS Autoriteacute positive et autoriteacute neacutegative de chose jugeacutee proceacutedures 2007 ndeg8 eacutetude 12 2 R GASSIN laquo Autoriteacute de la chose jugeacutee raquo in Dictionnaire des sciences criminelles dir G LOPEZ et S TZITZIS op cit p 96 3 Certains auteurs se reacutefegraverent agrave la distinction entre autoriteacute interne (deacuteploiement de lrsquoautoriteacute dans le mecircme ordre judiciaire) et autoriteacute externe (par reacutefeacuterence aux juridictions civiles exteacuterieures aux juridictions reacutepressives) V en ce sens J PRADEL Proceacutedure peacutenale op cit ndeg 1020 4 La thegravese du Professeur VALTICOS (N VALTICOS Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le civil Thegravese Paris Sirey 1954) est agrave notre connaissance la premiegravere agrave avoir inviteacute agrave un questionnement sur lrsquoaffinement neacutecessaire du concept drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee appliqueacute agrave la matiegravere peacutenale Les travaux du Professeur FOYER (J FOYER De lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en matiegravere civile ndash Essai drsquoune deacutefinition Thegravese Paris 1954) ont poursuivi ce questionnement dont le point culminant est la thegravese du Professeur TOMASIN (D TOMASIN Essai sur lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en matiegravere civile Thegravese Toulouse LGDJ 1975) 5 J FOYER op cit p 166 6 D TOMASIN op cit no 343 7 C BLEacuteRY Lefficaciteacute substantielle des jugements civils LGDJ coll Bibliothegraveque de droit priveacute 2000 tome 328 no 193

47

chose jugeacutee1 Nous mettrons en relief lrsquoobjectif de fin tel qursquoil se dessine dans lrsquoautoriteacute

positive (A) puis dans lrsquoautoriteacute neacutegative (B)

A Lrsquoobjectif de fin de lrsquoautoriteacute positive

91 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil est un principe neacute au XIXegraveme

siegravecle2 en lrsquoabsence de toute assise textuelle3 qui srsquoentend comme la garantie du respect de la

chose jugeacutee au peacutenal dans toute instance civile ou agrave des fins civiles porteacutee devant un juge civil

lato sensu4 La Cour de cassation rappelle que cette regravegle laquo srsquoattache agrave ce qui est

deacutefinitivement neacutecessairement et certainement deacutecideacute par le juge peacutenal sur lrsquoexistence du fait

qui forme la base commune de lrsquoaction civile et de lrsquoaction peacutenale sur sa qualification ainsi

que sur la culpabiliteacute de celui agrave qui le fait est imputeacute raquo5 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal

sur le civil srsquoapplique agrave un domaine relativement eacutetendu puisqursquoelle concerne toutes les

deacutecisions des juridictions reacutepressives de jugement quels que soient leur degreacute6 et leur nature7

92 Deux remarques srsquoimposent afin de preacuteciser le sens du terme laquo deacutecision peacutenale raquo

Tout drsquoabord la jurisprudence fait reacutefeacuterence agrave une conception mateacuterielle du droit peacutenal dans

lrsquoattribution de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le civil Monsieur le Professeur

BOTTON affirme dans sa thegravese que laquo le critegravere du peacutenal reacuteside en pratique moins dans la

nature de lrsquoorgane de jugement que dans celle de la matiegravere jugeacutee raquo8 Il en reacutesulte que par

autoriteacute du peacutenal il ne faut pas entendre autoriteacute de la chose jugeacutee par une juridiction

reacutepressive mais plus largement autoriteacute de la chose jugeacutee sur une question peacutenale En ce 1 Lrsquoarticle 4 alineacutea 1 CPP dispose laquo Laction civile en reacuteparation du dommage causeacute par linfraction preacutevue par larticle 2 peut ecirctre exerceacutee devant une juridiction civile seacutepareacutement de laction publique raquo V eacutegalement R MERLE La distinction entre le droit de se constituer partie civile et le droit drsquoobtenir reacuteparation du dommage causeacute par lrsquoinfraction (consolidation mise au point ou fluctuations ) in Droit peacutenal contemporain Meacutelanges en lrsquohonneur drsquoAndreacute VITU Cujas 1989 p 397 2 Selon certains auteurs il aurait deacutejagrave existeacute dans lrsquoAncien droit Toutefois cette croyance serait erroneacutee et proviendrait drsquoune confusion avec la regravegle selon laquelle laquo le criminel emporte le civil raquo V en ce sens P COURTEAUD Essai sur lrsquoeacutevolution dans la jurisprudence reacutecente du principe de lrsquoautoriteacute au civil de la chose jugeacutee au criminel Thegravese Grenoble 1938 p 3-4 citeacute par A BOTTON Contribution agrave lrsquoeacutetude de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil LGDJ Coll Bibliothegraveque des sciences criminelles 2010 tome 49 3 Le principe a eacuteteacute poseacute par lrsquoarrecirct QUERTIER Cass crim 7 mars 1855 D 1855 I p 181 laquo le jugement intervenu sur [lrsquo] action [publique] mecircme en lrsquoabsence de la partie priveacutee a neacutecessairement envers et contre tous lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee quand il affirme ou nie clairement lrsquoexistence du fait qui est la base commune de lrsquoune ou lrsquoautre action ou la participation du preacutevenu agrave ce fait raquo 4 A BOTTON op cit p 5 ndeg 6 5 Cass civ 1ere 24 octobre 2012 ndeg 11-20442 6 J-P MARGUENAUD Retour sur la motivation de lrsquoarrecirct de Cour drsquoassises RCS 2013 p 158 7 V CA Lyon 3 juin 1920 D 1921 II p 5 (pour une juridiction militaire) CA Lyon 16 deacutecembre 1948 JCP 1949 II p 4863 (pour une juridiction pour mineurs) Casscom 29 octobre 1963 D 1964 p 137 (pour un tribunal maritime commercial) 8 A BOTTON op cit p 2 ndeg 4

48

sens la jurisprudence affirme que les deacutecisions rendues par une juridiction administrative en

matiegravere de contraventions de grande voirie font autoriteacute sur le civil1 Ensuite les points de

droit trancheacutes par des deacutecisions peacutenales sur des inteacuterecircts civils nrsquoauront agrave lrsquoeacutegard des deacutecisions

civiles agrave venir qursquoune autoriteacute de la chose jugeacutee au civil sur le civil Ce volet eacutetranger agrave notre

eacutetude devra respecter les exigences de lrsquoarticle 1351 du Code civil2 Toutefois la

jurisprudence teacutemoigne drsquoun changement de donne lorsque lrsquoeacuteleacutement concerneacute dans le

jugement peacutenal bien qursquoeacutetant de nature civile ou commerciale nrsquoen constitue pas moins une

condition preacutealable de lrsquoinfraction3 (par exemple un contrat dans lrsquoabus de confiance) Dans

de tels cas la chose jugeacutee au peacutenal bien qursquoeacutetant de nature civile et soumise aux regravegles

probatoires propres au droit civil aura autoriteacute sur le juge civil Cet aspect est qualifieacute par

Madame le Professeur RASSAT de laquo grotesque raquo4

93 Trois raisons au moins conduisent agrave srsquointeacuteresser agrave lrsquoaspect positif de la chose

jugeacutee

Primo lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est le socle sur lequel repose le pourvoi en reacutevision La

mise en perspective de ce principe par rapport agrave la reacutevision suppose de srsquointeacuteresser agrave son

entier deacuteploiement dans le procegraves peacutenal Un raisonnement inverse entrainerait une vision

parcellaire de la question Ainsi Madame Juliette LELIEUR souligne dans sa thegravese agrave propos

de lrsquoaspect neacutegatif du principe qursquolaquo il est [hellip] impossible de le consideacuterer seul raquo5 Secundo

lrsquoaspect positif du principe confegravere une autoriteacute aux deacutecisions du juge peacutenal qui deviennent

opposables au juge civil Un frein est ainsi mis agrave leur contestation devant le juge civil

Tertio lrsquoannulation drsquoune deacutecision deacutefinitive sur la base drsquoun pourvoi en reacutevision a un effet

erga omnes Rien ne subsistera de la condamnation initiale qui ne pourra plus ecirctre invoqueacutee

devant le juge civil Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le civil ne peut donc pas

eacutechapper agrave nos investigations La remise en cause de cette autoriteacute par la reacutevision a

ineacutevitablement des conseacutequences sur le juge civil qui srsquoeacutetait fondeacute dans sa deacutecision sur une

veacuteriteacute qui nrsquoen est plus une6

1 CE 27 juillet 1988 Bellay Rec p 301 AJDA 1988 p 763 note J-B AUBY 2 Lrsquoarticle 1351 du Code civil dispose laquo Lautoriteacute de la chose jugeacutee na lieu quagrave leacutegard de ce qui a fait lobjet du jugement Il faut que la chose demandeacutee soit la mecircme que la demande soit fondeacutee sur la mecircme cause que la demande soit entre les mecircmes parties et formeacutee par elles et contre elles en la mecircme qualiteacute raquo 3 M-L RASSAT Traiteacute de proceacutedure peacutenale Paris Puf Droit fondamental 2001 p 846 4 Ibid p 847 ndeg 523 5 J LELIEUR La regravegle ne bis in idem (hellip) op cit p 98 ndeg 112 6 J-P DINTILHAC op cit p 49-57 spec p 54

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94 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil se trouve agrave hauteur drsquoun carrefour

entre la chose jugeacutee (au peacutenal) et la chose agrave juger (au civil) Deux des conditions1 que doit

revecirctir la chose jugeacutee pour srsquoimposer agrave la chose agrave juger illustrent lrsquoopposition entre lrsquoautoriteacute

positive de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision2 Il srsquoagit du caractegravere national (1) et

irreacutevocable (2) que doit avoir la chose jugeacutee

1 Le caractegravere national de la chose jugeacutee vu sous lrsquoangle de la reacutevision

95 Il est de jurisprudence constante3 que les deacutecisions reacutepressives eacutetrangegraveres ne

srsquoimposent pas au juge civil franccedilais Cette jurisprudence approuveacutee par une partie de la

doctrine4 se fonde sur la souveraineteacute de lrsquoEtat franccedilais Drsquoune part elle se heurte aux

orientations leacutegislatives prises en 20055 et reacuteaffirmeacutees en 20106 qui prennent en compte au

titre de la reacutecidive les condamnations prononceacutees par les juridictions peacutenales dun Etat

membre de lUnion Europeacuteenne7 Drsquoautre part cette jurisprudence peut se trouver en

contradiction avec la deacutefinition de la souveraineteacute

96 A la lumiegravere des arguments deacuteveloppeacutes par Monsieur le Professeur BOTTON8

cette position jurisprudentielle encourt en effet le grief de ne pas respecter la notion de

souveraineteacute En principe la deacutecision de reconnaissance de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

incombe au seul juge du lieu de son effectiviteacute Autrement dit seul le juge civil franccedilais est agrave

mecircme drsquoattribuer lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee agrave une deacutecision eacutetrangegravere En conseacutequence

confeacuterer une autoriteacute de la chose jugeacutee agrave lrsquoeacutetranger loin drsquoattenter agrave la souveraineteacute de la

France constituerait au contraire une marque de volonteacute souveraine des juges ou du

1 Pour une eacutetude complegravete de cette question V notamment E MERLE et A VITU op cit p 1058 et s B BOULOC op cit p 982 N VALTICOS op cit ndeg 48 et s A BOTTON op cit p 162 et s 2 Ces deux caractegraveres (une deacutecision nationale et irreacutevocable) se retrouvent en matiegravere drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel Toutefois elles ne sont abordeacutees ici que sous lrsquoangle de lrsquoaspect positif 3 V par exemple Casscrim 17 octobre 1889 DP 1890 I p 138 Casscrim 26 janvier 1966 ndeg 65-92410 Bull Crim ndeg 23 Casscrim 6 deacutec 2005 D 2006 Somm 617 speacutec 622 obs J PRADEL Casscrim 26 sept 2007 Bull crim ndeg 224 D 2008 Jur 1179 note D REBUT 4 V notamment E AUDINET De lrsquoautoriteacute au civil de la chose jugeacutee au criminel en droit franccedilais Thegravese Poitiers 1883 p 172 agrave 174 Pour une opinion en sens inverse V P HEBRAUD Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le civil Thegravese Toulouse Sirey 1929 p 138 - 139 citeacute par ABOTTON op cit p 162 ndeg 289 H DONNEDIEU DE VABRES Traiteacute eacuteleacutementaire de droit criminel et de leacutegislation peacutenale compareacutee Sirey 1938 p 343-355 J DANET Reacutep Peacuten laquo Chose jugeacutee (autoriteacute de) raquo Dalloz 2013 ndeg 146 5 Loi ndeg 2005-1549 du 12 deacutecembre 2005 relative au traitement de la reacutecidive des infractions peacutenales 6 Loi ndeg 2010-242 du 10 mars 2010 tendant agrave amoindrir le risque de reacutecidive criminelle et portant diverses dispositions de proceacutedure peacutenale 7 Lrsquoarticle 132-23-1 du CP dispose laquo Pour lapplication du preacutesent code et du code de proceacutedure peacutenale les condamnations prononceacutees par les juridictions peacutenales dun Etat membre de lUnion europeacuteenne sont prises en compte dans les mecircmes conditions que les condamnations prononceacutees par les juridictions peacutenales franccedilaises et produisent les mecircmes effets juridiques que ces condamnations raquo 8 A BOTTON op cit ndeg 276 agrave 290

50

leacutegislateur Degraves lors nous ne partageons pas lrsquoideacutee selon laquelle lrsquoattribution drsquoune autoriteacute

de chose jugeacutee aux deacutecisions peacutenales eacutetrangegraveres conduirait ipso facto agrave une remise en cause de

la souveraineteacute nationale

97 Pour que la chose jugeacutee (au peacutenal) ait autoriteacute sur la chose agrave juger (au civil) elle se

doit aussi drsquoecirctre irreacutevocable

2 Le caractegravere irreacutevocable de la chose jugeacutee vu sous lrsquoangle de la reacutevision

98 Afin de beacuteneacuteficier drsquoune autoriteacute sur la chose agrave juger au civil la deacutecision peacutenale

doit selon la jurisprudence ecirctre insusceptible de recours ordinaire comme extraordinaire

Cela signifie qursquoelle doit ecirctre irreacutevocable1 en ce sens qursquoelle ne doit plus pouvoir faire lrsquoobjet

drsquoaucune voie de recours et ce pour se preacutemunir contre toute contradiction deacutecisionnelle La

doctrine classique par la voix du Doyen HEBRAUD justifie cette exigence par le fait que

seules les deacutecisions peacutenales irreacutevocables peuvent influencer une instance civile agrave venir2 Crsquoest

pourquoi il ne serait pas leacutegitime que le juge civil se soumette agrave une chose jugeacutee encore

susceptible drsquoeacutevoluer

99 Confronteacutee agrave la proceacutedure de reacutevision cette condition drsquoirreacutevocabiliteacute eacuteveille notre

curiositeacute En effet elle impliquerait que lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil soit

subordonneacutee agrave lrsquoextinction des deacutelais de recours en reacutevision Or le deacuteclenchement drsquoun

pourvoi en reacutevision depuis la loi de 7 juin 19493 nrsquoest encadreacute dans aucun deacutelai ou limite

temporelle Aussi est-il impossible drsquoappliquer la condition de lrsquoirreacutevocabiliteacute de la chose

jugeacutee au pourvoi en reacutevision qui par nature est inextinguible Lrsquoannulation drsquoune

condamnation peacutenale par la reacutevision a pour reacutesultat drsquoaneacuteantir reacutetroactivement tous les effets -

notamment civils- passeacutes de cette condamnation4 Dans lrsquohypothegravese absurde de lrsquoapplication

1 Un jugement peut ecirctre deacutefinitif sans ecirctre irreacutevocable La Cour de cassation rappelle cette distinction en preacutecisant que laquo la notion de deacutecision deacutefinitive qui peut ecirctre attaqueacutee par une voie de recours doit ecirctre distingueacutee de celle de deacutecision irreacutevocable qui ne peut plus ecirctre remise en cause par lexercice dune voie de recours ordinaire ou extraordinaire raquo V Cass civ 2e 8 juill 2004 RTD civ 2004 775 obs PERROT V eacutegalement J LELIEUR op cit p 86 ndeg 98 2 P HEBRAUD op cit p 138-139 3 La loi ndeg 49-736 du 7 juin 1949 a supprimeacute lrsquoancien article 444 du Code drsquoinstruction criminelle qui disposait laquo La demande sera non recevable si elle nrsquoa eacuteteacute inscrite au Ministegravere de la Justice ou introduite par le Ministre sur la demande des parties dans le deacutelai drsquoun an agrave dater du jour ougrave celles-ci auront connu le fait donnant ouverture agrave reacutevision raquo En pratique le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu peuvent apparaitre longtemps apregraves les faits (dans le cas de Monsieur AGRET le fait nouveau est apparu 10 ans apregraves sa condamnation) 4 Cass 2e civ 1 juillet 1954 D 1955 jurisp p 45

51

de la condition drsquoirreacutevocabiliteacute agrave la reacutevision lrsquoeffectiviteacute du principe de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee disparaitrait1

100 Analyseacutee sous le prisme du pourvoi en reacutevision lrsquoautoriteacute positive de la chose

jugeacutee soulegraveve donc certaines interrogations Il srsquoagit drsquoun inventaire partiel des nombreux

griefs formuleacutes agrave lrsquoencontre de ce principe2 En effet lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee a de

nombreux deacutetracteurs qui depuis bien longtemps deacutenoncent les faiblesses de la regravegle3 On

remarque drsquoailleurs que le leacutegislateur lui-mecircme eacutegratigne le principe en reacuteduisant

progressivement son peacuterimegravetre drsquoaction4 Les juges font aussi preuve drsquoune position de repli5

faisant de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil un principe en deacuteclin

101 Lrsquoaspect positif poursuit lrsquoobjectif de mettre un terme aux contestations porteacutees

au civil sur le volet peacutenal de lrsquoaffaire Lrsquoaspect neacutegatif quant agrave lui est destineacute agrave mettre un

terme agrave la proceacutedure

B Lrsquoobjectif de fin de lrsquoautoriteacute neacutegative

102 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le peacutenal est une technique

juridictionnelle ancienne6 empecircchant la remise en cause perpeacutetuelle de ce qui a eacuteteacute jugeacute7 Bien

1 A BOTTON op cit p 186 ndeg 332 laquo Subordonner lrsquoeffectiviteacute drsquoune regravegle agrave lrsquoextinction drsquoun recours inextinguible revenant neacutecessairement agrave la supprimer raquo 2 Ce principe suscite de nombreuses reacuteserves La critique la plus seacutevegravere est relative au sacrifice du contradictoire et des droits de la deacutefense V en ce sens S GUINCHARD et J BUISSON op cit ndeg 2605 DECOQ note sous Paris 29 avril 1997 Gaz Pal 15-17 feacutevr 1998 p 8 F STASIAK Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee drsquoune deacutecision de relaxe sur lrsquoinstance prud-homale en licenciement disciplinaire RSC 1994 p 267 Cass soc 6 octobre 1998 JCP 1999 II 10020 note C PUIGELIER J-H ROBERT Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil proceacutedures aout-septembre 2007 Etudes ndeg 19 A CHAVANNE Les effets du procegraves peacutenal sur le procegraves engageacute devant le tribunal civil RSC 1954 p 239 3 V notamment J GRANIER La partie civile au procegraves peacutenal RSC 1958 1 et s V TELLIER En finir avec la primauteacute du criminel sur le civil RSC 2009 p 797 Propositions de reacuteforme du Code de proceacutedure peacutenale Rapport au Garde des Sceaux Ministre de la Justice M-L RASSAT 1997 la Documentation franccedilaise Disponible sur httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics974035000pdf Ceacuteleacuteriteacute et qualiteacute de la justice La gestion du temps dans le procegraves Rapport au Garde des Sceaux Ministre de la justice J-C MANGENDIE 2004 La documentation franccedilaise p 117-122 Disponible sur httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics044000433 4 V la loi ndeg 2000- 647 du 10 juillet 2000 tendant agrave preacuteciser la deacutefinition des deacutelits non intentionnels et la loi ndeg 2007-291 du 5 mars 200 tendant agrave renforcer lrsquoeacutequilibre de la proceacutedure peacutenale 5 D PORTOLANO et F BOULAN laquo Drsquoune nouvelle alteacuteration de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil la conseacutecration de la preacutevalence de lrsquoarticle 618 du code de proceacutedure civile en cas de contrarieacuteteacute de deacutecisions civiles et peacutenales ndashagrave propos de lrsquoarrecirct chambre mixte du 11 deacutecembre 2009 raquo Dr peacutenal 2010 ndeg 5 eacutetude 10 M-C AMAUGER-LATTES laquo Lrsquoexistence du contrat de travail lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal raquo Revue de droit du travail 2006 p 382 6 Pour des deacuteveloppements historiques V JOUSSE Traiteacute de la justice criminelle op cit t III p 13 et s K NAJARIAN op cit p 3 agrave 48 F HELIE op cit ndeg 978 s 7 R GARRAUD et P GARRAUD Traiteacute theacuteorique et pratique dinstruction criminelle et de proceacutedure peacutenale 1929 Sirey ndeg 2244

52

que sa neacutecessiteacute ne fasse aucun doute il nrsquoen est pas moins vrai que ses contours mal

dessineacutes sont de nature agrave compliquer lrsquointervention du leacutegislateur en matiegravere de reacutevision

103 Preacutevu par le Code de proceacutedure peacutenale1 ce principe se fonde sur la neacutecessiteacute de

mettre fin agrave un moment donneacute aux contestations eacutemanant tant des parties souvent enclines agrave

faire rejuger lrsquoaffaire que du juge tenteacute de revenir sur sa deacutecision laquo Le repos des familles et

de la socieacuteteacute toute entiegravere se fonde non seulement sur ce qui est juste mais sur ce qui est fini raquo

disait Montesquieu2 La speacutecificiteacute du droit peacutenal reacuteclame lrsquoimpeacuterieuse garantie de

lrsquoimmutabiliteacute des jugements3 crsquoest-agrave-dire leur fin La doctrine unanime estime aujourdrsquohui4

que la remise en cause perpeacutetuelle des deacutecisions reacutepressives nourrirait parmi le public un

doute neacutefaste de nature agrave mettre en cause lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure peacutenale laquo qui paraitrait

incapable de parvenir agrave une veacuteriteacute suffisante on multiplierait les proceacutedures sans inteacuterecirct pour

personne et on deacutesarmerait la reacutepression en lui enlevant les principales conditions de son

efficaciteacute la rapiditeacute et la certitude raquo5 Ainsi laquo sans avoir le culte de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee il est fondamental [hellip] de savoir aussi mettre un terme agrave une proceacutedure raquo6

104 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est deacutefinie par de nombreux auteurs7 comme

lrsquoexpression de la regravegle ne bis in idem8 Ce lien indeacutefectible entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

et ne bis in idem se resserre sous lrsquoaction de lrsquoaspect neacutegatif de la chose jugeacutee portant

interdiction pour le juge drsquoenclencher de nouvelles poursuites fondeacutees sur les mecircmes faits

apregraves une condamnation deacutefinitive Lrsquoaspect neacutegatif se marierait donc en quelque sorte avec

la regravegle ne bis in idem Crsquoest ainsi que Madame le Professeur RASSAT considegravere que laquo

lrsquoaspect neacutegatif interdit de recommencer une poursuite peacutenale pour des faits deacutejagrave sanctionneacutes

crsquoest lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le peacutenal raquo9 Dans sa thegravese Madame Juliette

LELIEUR reacutesume lrsquoeacutetat de la doctrine contemporaine dans les termes suivants 1 Pour lrsquoapplication interne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee V articles 6 188 et 368 du CPP Pour lrsquoapplication de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee agrave lrsquoeacutetranger V article 692 CPP et article 133-9 CP Pour un exemple drsquoapplication V Cass crim 23 octobre 2013 ndeg 13-83499 2 Citeacute par D MOUGENOT Principes de droit judiciaire priveacute Larcier 2009 p 238 3 C BLERY op cit p 118 ndeg 173 4 Lautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee avait eacuteteacute contesteacutee par leacutecole positiviste au XIXegraveme et XXegraveme siegravecle V E FERRI Sociologie criminelle trad L Terrier F Alcan 2egraveme eacuted franccedilaise 1914 ndeg 73 p 497 5 R MERLE et A VITU op cit p 1043 ndeg 886 6 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur B COTTE p 199 7 J ORTOLAN Eacuteleacutements de droit peacutenal 5e eacuted 1886 Plon ndeg 1775 R GARRAUD et P GARRAUD op cit ndeg 2260 H DONNEDIEU DE VABRES op cit ndeg 1855 M-L RASSAT op cit ndeg 516 S GUINCHARD et J BUISSON op cit ndeg 2441 8 laquo Ne bis in idem raquo signifie litteacuteralement laquo pas deux fois dans la mecircme affaire raquo Le respect de la grammaire latine exige que lrsquoon utilise lrsquoexpression laquo ne bis in idem raquo et non pas laquo non bis in idem raquo V en ce sens L BRUTSCH C FAVEZ A OLTRAMARE Grammaire latine Paris Librairie Payot et Cie 1923 p 278 citeacute par J LELIEUR op cit note ndeg 4 9 M-L RASSAT op cit ndeg 496

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laquo lrsquointerdiction de proceacuteder agrave plusieurs poursuites pour les mecircmes faits exprimeacutee par la regravegle

ne bis in idem est lrsquoun des effets de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Parce qursquoil y a chose jugeacutee il

est interdit de poursuivre agrave nouveau De plus la regravegle ne bis in idem incarne lrsquoaspect neacutegatif

du principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qursquoon appelle encore autoriteacute neacutegative de la chose

jugeacutee Et comme au sein de lrsquoordre judiciaire reacutepressif lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoest que

neacutegative drsquoassimilation en assimilation lrsquohabitude a eacuteteacute prise drsquoutiliser lrsquoexpression laquo autoriteacute

de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel raquo pour eacutevoquer lrsquoautoriteacute neacutegative attacheacutee aux

deacutecisions rendues par des juridictions peacutenales et empecircchant la tenue de nouvelles poursuites

pour les mecircmes faits crsquoest-agrave-dire comme synonyme de la regravegle ne bis in idem raquo1

105 Une lente eacutevolution doctrinale dont le point culminant est la thegravese de Madame

Juliette LELIEUR2 srsquoemploie agrave remettre en cause le rapprochement entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee plus preacuteciseacutement son aspect neacutegatif et ne bis in idem3 Lrsquoauteure fait la

deacutemonstration que leur association artificielle est agrave lrsquoorigine des faiblesses de la regravegle ne bis in

idem Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a pour objectif la protection de la deacutecision judiciaire

Quant agrave la regravegle ne bis in idem elle se fixe comme but la protection de la personne

poursuivie Infeacuteodeacutee agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee la maxime latine ne peut pas srsquoeacutepanouir

pleinement dans ce scheacutema Madame Juliette LELIEUR propose donc drsquoaccorder

lrsquoautonomie agrave ne bis in idem en lui attribuant un fondement propre le principe drsquouniciteacute

drsquoaction reacutepressive Les conclusions retenues par lrsquoauteur fournissent des arguments utiles agrave

notre deacutemonstration

106 Cette association deacuterangeante entre ne bis in idem et lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee nuit au pourvoi en reacutevision En effet lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est la base

sur laquelle repose la proceacutedure de reacutevision Il est donc indispensable que les contours de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee soient preacuteciseacutement deacutelimiteacutes Lrsquoamalgame contesteacute entre ne bis in

idem et lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee entretient un flou quant au concept

drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Cette situation place le leacutegislateur dans une position

inconfortable qui lrsquooblige agrave eacutedifier la reacutevision sur des fondations fragiles

1 J LELIEUR op cit p 60 ndeg 67 2 Ibid La premiegravere partie de la thegravese srsquointitule laquo critique du rattachement de la regravegle ne bis in idem au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo 3 FAUSTIN-HELIE op cit ndeg 982 A LEacuteGAL note sous cass crim 30 janv 1937 S 1939 1 p 193 C GAVALDA Aspects actuels du problegraveme de lautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel JCP 1957 I p 1372 R GASSIN Les destineacutees du principe de lautoriteacute de chose jugeacutee au criminel sur le criminel dans le droit peacutenal contemporain RSC 1963 p 239

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107 Aussi ces deacuteveloppements deacutemontrent-ils que la notion de fin est indissociable

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee prise en compte sous le couvert de ses deux aspects (positif et

neacutegatif) A lrsquoinverse le pourvoi en reacutevision nrsquoexiste que par la seule ideacutee drsquoune renaissance

sect 2 La reacutevision ou la renaissance du procegraves

108 La renaissance voulue par la reacutevision se manifeste tant dans la loi de 1989 que

dans celle de 2014 par deux dispositions Premiegraverement lrsquoarticle 624-7 du Code de

proceacutedure peacutenale qui reprend agrave lrsquoidentique les termes de lrsquoancien article 625 alineacutea 2 preacutevoit

que laquo si elle (la Cour de reacutevision et de reacuteexamen) estime la demande fondeacutee elle annule la

condamnation prononceacutee raquo La technique de lrsquoannulation qui sanctionne une laquo maladie raquo1 du

jugement plus preacuteciseacutement une erreur de fait entraine lrsquoeffacement de la deacutecision La

condamnation et toutes ses conseacutequences sont reacutetroactivement aneacuteanties (A) Deuxiegravemement

apregraves lrsquoannulation de la deacutecision la loi fait place agrave la reacuteparation (B)

A Lrsquoaneacuteantissement reacutetroactif de la condamnation et de toutes

ses conseacutequences

109 Lrsquoannulation revecirct une symbolique tregraves forte puisqursquoelle deacutebouche sur la

disparition de la condamnation et de tous les effets qui srsquoy rattachent2 La condamnation est

donc reacuteputeacutee nrsquoavoir jamais existeacute Cette annulation de la sentence vicieacutee est drsquoune

importance capitale pour la personne injustement condamneacutee qui retrouve alors sa liberteacute et

son honneur Crsquoest ainsi que lrsquoexeacutecution de la dureacutee de la peine non encore accomplie ou

suspendue devient sans objet et que la libeacuteration immeacutediate de lrsquoinnocenteacute srsquoimpose si

lrsquoexeacutecution de la peine est en cours3

110 La reacutevision a eacutegalement pour conseacutequence que laquo toute condamnation agrave des

dommages-inteacuterecircts exclusivement fondeacutee sur la culpabiliteacute originairement retenue de ces

1 Expression emprunteacutee J-M MOUSSERON agrave propos de lrsquoannulation du contrat Techniques contractuelles eacuteditions F LEFEBVRE 2010 p 625 ndeg 1706 2 Seront restitueacutes de plein droit les amendes ou les droits de proceacutedure acquitteacutes Dans le mecircme ordre drsquoideacutees les peines accessoires ou compleacutementaires seront eacutegalement effaceacutees Lrsquoeffacement reacutetroactif de la condamnation ne peut jamais preacutejudicier aux tiers V en ce sens J PRADEL op cit p 915 ndeg 1022 Par exemple le divorce qui a pu ecirctre prononceacute agrave la suite de la condamnation reste valable Ce maintien valide un eacuteventuel remariage contracteacute ulteacuterieurement par le conjoint divorceacute V H ANGEVIN op cit ndeg 214 3 La reacutevision nentraicircne pas la disparition de la peine prononceacutee lorsque celle-ci la eacuteteacute pour plusieurs infractions dont une seule a fait lobjet de la reacutevision La peine prononceacutee doit alors ecirctre maintenue si elle est justifieacutee par les infractions non reacuteviseacutees V Cass crim 29 janv 1958 Bull crim no 106

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preacutevenus ou accuseacutes se trouve effaceacutee de plein droit raquo1 Au plan civil le caractegravere reacutetroactif

de lrsquoannulation dispense donc la personne innocenteacutee du versement des dommages et inteacuterecircts

dus agrave la victime Prononceacutee par une juridiction reacutepressive ou civile cette condamnation aux

dommages et inteacuterecircts disparaicirct degraves lors que la juridiction srsquoest exclusivement fondeacutee sur la

constatation de la culpabiliteacute peacutenale Si le condamneacute a deacutejagrave reacutegleacute les dommages et inteacuterecircts il

peut se preacutevaloir de lrsquoaction en reacutepeacutetition de lrsquoindu inscrite agrave lrsquoarticle 1377 du Code civil pour

en demander le remboursement2

111 Mais lrsquoannulation drsquoune condamnation deacutefinitive est aussi un signal fort envoyeacute agrave

la socieacuteteacute qui souvent perturbeacutee voire scandaliseacutee par les erreurs judiciaires se pose des

questions sur la creacutedibiliteacute de lrsquoinstitution de la justice laquo un innocent condamneacute est lrsquoaffaire

de tous les honnecirctes gens raquo3 En faisant le choix de lrsquoannulation reacutetroactive de la

condamnation vicieacutee le leacutegislateur lance un signal courageux agrave la socieacuteteacute

112 Enfin drsquoun point de vue plus juridique lrsquoannulation drsquoune deacutecision deacutefinitive

consacre la victoire sur un adversaire redoutable lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Drsquoailleurs la

doctrine ne reconnaicirct que lrsquoannulation dans lrsquohypothegravese du succegraves drsquoune reacutevision laquo Sil est

malheureusement impossible dorganiser la justice reacutepressive de faccedilon agrave eacuteviter toute erreur

judiciaire du moins faut-il que les condamnations qui ont frappeacute des innocents puissent ecirctre

effaceacutees raquo4 La jurisprudence rappelle la force des effets de la reacutevision en preacutecisant

que laquo lannulation par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cour de reacutevision) dune

deacutecision de condamnation prononceacutee par une juridiction reacutepressive a pour reacutesultat daneacuteantir

reacutetroactivement tous les effets passeacutes de cette condamnation raquo5

113 Lrsquoancien article 625 du Code de proceacutedure peacutenale preacutevoyait deux modaliteacutes

drsquoannulation qui ont eacuteteacute reprises par la loi de 2014 agrave lrsquoarticle 624-7 du Code de proceacutedure

peacutenale Ainsi laquo sil est possible de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats contradictoires la

formation de jugement de la cour de reacutevision et de reacuteexamen renvoie le requeacuterant devant une

juridiction de mecircme ordre et de mecircme degreacute mais autre que celle dont eacutemane la deacutecision

annuleacutee raquo

1 Cass 2e civ 1er juill 1954 D 1955 p 45 concl LEMOINE 2 Lrsquoarticle 1377 du Code civil alineacutea 1 dispose laquo Lorsquune personne qui par erreur se croyait deacutebitrice a acquitteacute une dette elle a le droit de reacutepeacutetition contre le creacuteancier raquo 3 LA BRUYERE Les caractegraveres De quelques usages Les classiques de poche Le livre de poche 1976 p 52 4 R GARRAUD op cit ndeg 1995 5 Cass crim 1er juill 1954 op cit

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114 Dans le cas de lrsquoannulation sans renvoi1 la Cour de reacutevision et de reacuteexamen

reconnaicirct sur le champ lrsquoinnocence du demandeur Cette deacuteclaration drsquoinnocence se suffit agrave

elle-mecircme pour replacer dans ses droits lrsquoinnocenteacute2 Dans celui de lrsquoannulation avec renvoi

la Cour de reacutevision et de reacuteexamen agit comme en matiegravere de cassation Elle ne se prononce

que sur le rescindant3 pour confier le rescisoire4 agrave la juridiction de renvoi qui rejuge lrsquoaffaire

au fond Devant cette juridiction le demandeur nrsquoest plus consideacutereacute comme un condamneacute

Redevenu un preacutevenu ou un accuseacute il peut agrave nouveau beacuteneacuteficier de la preacutesomption

drsquoinnocence qualiteacute que sa condamnation passeacutee en force de chose jugeacutee lui avait fait perdre5

La technique du renvoi preacutesente de plus lrsquointeacuterecirct laquo de comprendre comment lrsquoerreur

judiciaire srsquoest construite [hellip] le nouveau procegraves est un moyen pour la justice de remettre les

choses dans lrsquoordre par lrsquoeacutetablissement drsquoun paralleacutelisme des formes entre la condamnation et

lrsquoacquittement raquo6 La juridiction de renvoi dispose dune tregraves grande liberteacute dappreacuteciation

pouvant soit proclamer linnocence du condamneacute soit confirmer la deacutecision annuleacutee soit

prononcer une nouvelle condamnation7 Elle peut mecircme fonder sa deacutecision sur un motif autre

que ceux retenus par la Cour de reacutevision et de reacuteexamen agrave lrsquooccasion de lrsquoannulation du

jugement initial8 Une seule limite srsquoimpose la prohibition de la reacuteformation in pejus

principe commun agrave toutes les voies de recours dans lrsquointeacuterecirct du condamneacute9 Crsquoest ainsi que la

nouvelle sanction ne peut pas ecirctre supeacuterieure agrave celle preacutevue par la condamnation annuleacutee10

1 Monsieur LAMANDA qualifie les hypothegraveses drsquoannulation sans renvoi drsquolaquo annulations segraveches raquo V Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit p181 2 Ibid p 42 laquo 65 des deacutecisions drsquoannulation ne donnent pas lieu agrave renvoi (essentiellement en matiegravere correctionnelle) raquo 3 G CORNU op cit V rescindant laquo Le rescindant laquo du latin rescindere seacuteparer en deacutechirant est la premiegravere des deux phases de la proceacutedure de reacutevision qui consiste en lrsquoexamen [] de la recevabiliteacute et du bien-fondeacute du pourvoi raquo 4 G CORNU op cit V rescisoire laquo Le rescisoire est la phase destineacutee agrave rejuger lrsquoaffaire qui srsquoouvre apregraves annulation au rescindant de la deacutecision reconnue erroneacutee soit devant la juridiction de renvoi soit dans le cas ougrave le renvoi est exclu devant la chambre criminelle (auquel cas la distinction du rescindant et du rescisoire srsquoestompe) raquo H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 191 laquo (hellip) partie de lrsquoarrecirct que jadis les juristes qualifiaient de rescindant raquo Lrsquoemploi du passeacute et du terme jadis signifient que pour Monsieur Angevin cette distinction nrsquoa plus lieu drsquoecirctre en sens contraire V Reacutevision la distinction du rescindant et du rescisoire agrave propos de cass crim ndeg13042010 ndeg 09-84531 AJ Peacutenal 2010 p 349 5 H ANGEVIN op cit ndeg 192 6 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit p44 7 Dans ce cas la partie de la peine subie en vertu de la premiegravere condamnation simpute sur celle prononceacutee par les juges de renvoi 8 Cass crim 6 aoucirct 1945 Bull crim no 94 9 V R MERLE et A VITU op cit ndeg 838 P BOUZAT et J PINATEL op cit ndeg 1523 p 1466 J PRADEL op cit ndeg 651 p 618 PD de BOISVILLIERS La regravegle de lrsquointerdiction drsquoaggraver le sort du preacutevenu RSC 1993 p 694 J LEBLOIS-HAPPE Le libre choix de la peine par le juge un principe deacutefendu bec et ongles par la chambre criminelle (agrave propos de lrsquoarrecirct rendu le 4 avril 2002) Dr peacutenal 2003 chron 11 speacutec ndeg 10-13 10V Cass crim 31 juill 1909 Dr peacutenal 1902 I p 79 L PRIOU-ALIBERT laquo Reacutevision vers un nouvel acquittement raquo Dalloz Actualiteacutes 23 mai 2013

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115 Se posent donc les questions de savoir quel est le critegravere du choix entre ces deux

modaliteacutes drsquoannulation (avec ou sans renvoi) (1) ainsi que de lrsquoeacutevaluation des conseacutequences

de ce choix (2)

1 Le critegravere du choix entre lrsquoannulation avec ou sans renvoi

116 Tant dans la loi de 1989 que dans celle de 2014 le choix entre lrsquoannulation avec

ou sans renvoi repose sur le critegravere des laquo nouveaux deacutebats raquo Divers cas sont preacutevus par le

leacutegislateur afin de deacuteterminer si la situation exige ou non un renvoi

a Lrsquoimpossibiliteacute immeacutediate de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats

117 Lrsquoarticle 624-7 du Code de proceacutedure peacutenale qui reprend les termes de lrsquoancien

article 625 dispose laquo Sil y a impossibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats notamment en

cas damnistie de deacutecegraves de contumace ou de deacutefaut dun ou de plusieurs condamneacutes

dirresponsabiliteacute peacutenale en cas de prescription de laction ou de la peine la formation de

jugement de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen apregraves lavoir expresseacutement constateacutee statue

au fond en preacutesence des parties civiles sil y en a au procegraves et des curateurs nommeacutes par elle

agrave la meacutemoire de chacun des morts dans ce cas elle annule seulement celles des

condamnations qui lui paraissent non justifieacutees et deacutecharge sil y a lieu la meacutemoire des

morts raquo

118 Ce texte non exhaustif1 liste une seacuterie drsquoobstacles de nature agrave empecirccher

lrsquoorganisation de nouveaux deacutebats La Cour de reacutevision et de reacuteexamen qui constate

lrsquoimpossibiliteacute drsquoorganiser de nouveaux deacutebats se doit drsquoannuler purement et simplement la

condamnation en excluant ainsi le renvoi Les applications jurisprudentielles auxquelles a

donneacute lieu ce texte sous lrsquoempire de la loi de 1989 teacutemoignent de la rigueur de la Cour de

reacutevision qui apregraves avoir constateacute et qualifieacute lrsquoimpossibiliteacute se reacutesignait ensuite agrave rendre

elle-mecircme la deacutecision sans renvoi2

1 Utilisation du terme laquo notamment raquo 2 Pour lrsquoamnistie V Cass crim 2 feacutevr 1950 Bull no 40 Pour le deacutecegraves au moment de lrsquointroduction du recours V Cass crim 11 juin 1869 Bull crim ndeg 138 S 1870 1 p 140 Cass crim 26 nov 1920 Bull ndeg 456 ndash Cass crim 17 juin 1935 Bull ndeg 12 Pour le deacutecegraves en cours drsquoinstance V Cass crim 5 mars 1931 Bull ndeg 65 pour la deacutecharge de la meacutemoire du mort V Casscrim 25 novembre 1991 op cit pour le deacutecegraves de lrsquounique teacutemoin V Cass crim 26 juin 1991 ndeg 90-85925 Bull crim ndeg 284 Pour la prescription V Cass crim 15 mars 1900 Bull ndeg 117 pour lrsquointerruption de la prescription par un preacuteceacutedent recours en reacutevision infructueux V Cass crim 29 mars 1984 Bull ndeg 133 Pour la deacutemence V Cass crim 9 juill 1917 Bull Crim ndeg 165 Cass crim 15 juin 1918 Bull ndeg 135 Cass crim 3 juill 1919 Bull ndeg 151 Cass crim 12 sept 2007 ndeg 06-87290

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119 laquoLrsquoimpossibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats raquo regroupe lrsquoimpossibiliteacute

mateacuterielle comme le deacutecegraves et des obstacles juridiques comme la prescription de lrsquoaction ou

de la peine Un eacutevegravenement impossible est mateacuteriellement irreacutealisable et ne peut pas exister

Or le seul obstacle preacutevu par le texte qui reacutepond avec justesse agrave cette deacutefinition est le deacutecegraves

En revanche pour ce qui est des autres points eacutenonceacutes dans le texte il srsquoagit drsquoune

impossibiliteacute plus juridique1 que mateacuterielle plus proche drsquoune interdiction drsquoorganiser de

nouveaux deacutebats que drsquoune impossibiliteacute immeacutediate

b Lrsquoimpossibiliteacute posteacuterieure agrave une deacutecision de renvoi de proceacuteder agrave de nouveaux

deacutebats

120 Lrsquoarticle 624-7 du Code de proceacutedure peacutenale reprend les anciennes dispositions

de 19892 et dispose que laquo si limpossibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats ne se reacutevegravele

quapregraves larrecirct de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen annulant larrecirct ou le jugement de

condamnation et prononccedilant le renvoi la cour sur la reacutequisition du ministegravere public

rapporte la deacutesignation par elle faite de la juridiction de renvoi et statue comme il est dit au

troisiegraveme alineacutea raquo

121 Ce texte preacutevoit lrsquoannulation sans renvoi lorsqursquoun eacutevegravenement rendant

impossible les nouveaux deacutebats intervient apregraves la deacutecision prononccedilant le renvoi et avant

lrsquoaudience Crsquoest donc entre autres lrsquohypothegravese du deacutecegraves du condamneacute intervenu dans ce

laps de temps ou avant la deacutecision de renvoi mais ignoreacute par la Cour de reacutevision et de

reacuteexamen3 Dans un tel cas le deacutecegraves rend de fait impossible la tenue des deacutebats Cet alineacutea

srsquoappliquait aussi sous lrsquoempire de la loi de 1989 dans le cas ougrave posteacuterieurement agrave la

deacutecision de renvoi le demandeur se trouvait confronteacute agrave des troubles psychiques ou

neuropsychiques graves4 Lrsquoutilisation du terme interdiction pourrait donc aussi paraicirctre plus

approprieacutee

1 Lrsquoarticle 6 alineacutea 1 du CPP dispose laquo Laction publique pour lapplication de la peine seacuteteint par la mort du preacutevenu la prescription lamnistie labrogation de la loi peacutenale et la chose jugeacutee raquo 2 Lrsquoancien article 625 CPP disposait laquo (hellip) Si limpossibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats ne se reacutevegravele quapregraves larrecirct de la cour de reacutevision annulant larrecirct ou le jugement de condamnation et prononccedilant le renvoi la cour sur la reacutequisition du ministegravere public rapporte la deacutesignation par elle faite de la juridiction de renvoi et statue comme il est dit agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo 3 Cass crim 24 janv 1919 Bull ndeg 22 4 Cass crim 28 feacutevr et 15 juin 1918 Bull ndeg 135 S 1919 1 p 145 note ROUX Dr peacutenal 1920 1 p 182

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c Lrsquoinutiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats

122 Srsquoinspirant tregraves fortement du texte de 19891 lrsquoarticle 624-7 du Code de proceacutedure

peacutenale dispose que laquo si lannulation de la deacutecision agrave leacutegard dun condamneacute vivant ne laisse

rien subsister agrave sa charge qui puisse ecirctre peacutenalement qualifieacute aucun renvoi nest prononceacute raquo

123 La mise en œuvre de cet alineacutea exige de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen

acquise agrave la thegravese de lrsquoinnocence du condamneacute une eacuteclatante conviction Lrsquoarrecirct de reacutevision

du capitaine DREYFUS en est lrsquoillustration laquo Attendu en derniegravere analyse que de

laccusation porteacutee contre Dreyfus rien ne reste debout et que lannulation du jugement du

conseil de guerre ne laisse rien subsister qui puisse agrave sa charge ecirctre qualifieacute crime ou

deacutelit2 raquo Sous la loi de 1989 la proclamation de lrsquoinnocence srsquoeacutetait manifesteacutee agrave lrsquooccasion

des quatre cas suivants la disparition drsquoun eacuteleacutement constitutif de lrsquoinfraction3 la disparition

de lrsquoinfraction4 lrsquoimpossibiliteacute de la commission de lrsquoinfraction par le condamneacute5 et le

caractegravere inconciliable des condamnations6 Face agrave de telles situations de nouveaux deacutebats

sont en effet sans objet et lrsquoinutiliteacute du renvoi srsquoavegravere eacutevidente

d La possibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats

124 Lrsquoarticle 624-7 du Code de proceacutedure peacutenale qui reprend agrave nouveau les termes

du leacutegislateur de 19897 dispose laquo sil est possible de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats

contradictoires la formation de jugement de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen renvoie le

requeacuterant devant une juridiction de mecircme ordre et de mecircme degreacute mais autre que celle dont

eacutemane la deacutecision annuleacutee raquo

1 Ancien article 625 CPP laquo(hellip) Si lannulation du jugement ou de larrecirct agrave leacutegard dun condamneacute vivant ne laisse rien subsister agrave sa charge qui puisse ecirctre qualifieacute crime ou deacutelit aucun renvoi nest prononceacute raquo 2 Cass ch reacuteunies 12 juill 1906 Bull ndeg 283 Dr peacutenal 1909 1 p 553 Dr peacutenal 19081553 rapp BALLOT-BEAUPRE 3 Ce fut notamment le cas pour un individu de nationaliteacute franccedilaise condamneacute pour infraction agrave la leacutegislation sur les eacutetrangers pour drsquoautres exemples V notamment Cass crim 28 deacutec 1929 Bull ndeg 300 Cass crim 27 avr 1951 Bull ndeg 234 Cass crim 29 janv 1958 Bull ndeg 106 Cass crim 10 avr 1959 Bull ndeg 200 Cass crim 8 juin 1988 Bull ndeg 265 Cass crim 17 juin 1998 Bull ndeg 197 4 Cass crim 1er mars 1945 Bull crim 1945 ndeg 23 5 Crsquoest le cas si agrave la date de linfraction le requeacuterant eacutetait hospitaliseacute loin du lieu de commission des faits (affaire R DAALOUCHE) V cass crim 14 octobre 1998 op cit 6 Cass crim 9 juill 1917 Bull ndeg 165 Cass crim 15 juin 1918 Bull ndeg 135 Cass crim 3 juill 1919 Bull ndeg 151 Cass crim 3 deacutec 1937 Bull ndeg 226 Cass crim 3 mai 1994 ndeg 93-85663 7 Ancienne reacutedaction laquo Elle (la Cour de reacutevision) appreacutecie sil est possible de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats contradictoires Dans laffirmative elle renvoie les accuseacutes ou preacutevenus devant une juridiction de mecircme ordre et de mecircme degreacute mais autre que celle dont eacutemane la deacutecision annuleacutee raquo

60

125 La possibiliteacute de nouveaux deacutebats justifie donc un renvoi Aussi la jurisprudence

issue de la loi de 1989 affirme-t-elle que lannulation de la condamnation doit deacuteboucher sur

un renvoi degraves lors que de nouveaux deacutebats contradictoires sont possibles1 Pourtant

lrsquoannulation peut aussi avoir lieu sans renvoi lorsque les nouveaux deacutebats bien que possibles

srsquoavegraverent inutiles2 Ainsi agrave la faveur drsquoune interpreacutetation a contrario du texte il semble que

les deacutebats en plus drsquoecirctre possibles doivent ecirctre neacutecessaires La jurisprudence tregraves dense sur

le sujet au moment de lrsquoapplication de la loi de 1989 a de nombreuses fois motiveacute une

annulation avec renvoi en se reacutefeacuterant agrave la possibiliteacute et agrave la neacutecessiteacute de proceacuteder agrave de

nouveaux deacutebats contradictoires Monsieur Henri ANGEVIN eacutevoque des nouveaux deacutebats

laquo neacutecessaires3 raquo En 2014 il aurait donc eacuteteacute souhaitable de lever les ambiguiumlteacutes du texte en

mentionnant la possibiliteacute et la neacutecessiteacute drsquoorganiser de nouveaux deacutebats contradictoires

126 La deacutefinition drsquoune frontiegravere preacutecise entre les critegraveres de choix concernant drsquoun

cocircteacute lrsquoannulation sans renvoi et de lrsquoautre cocircteacute lrsquoannulation avec renvoi est indispensable

En effet il existait en 1989 entre ces deux choix (annulation avec ou sans renvoi) une

diffeacuterence notable par rapport au degreacute du doute requis La reconduction en 2014 des textes

relatifs aux modaliteacutes drsquoannulation et le maintien du doute4 laissent entrevoir une survivance

de la situation anteacuterieure

2 Les conseacutequences du choix entre lrsquoannulation avec ou sans renvoi

127 La diffeacuterence du degreacute du doute requis entre une annulation sans renvoi et une

annulation avec renvoi ressort expresseacutement de certaines anciennes jurisprudences

Srsquoagissant drsquoune annulation avec renvoi la Cour de reacutevision consideacuterait que laquo lorsquil

[pouvait] ecirctre proceacutedeacute agrave de nouveaux deacutebats contradictoires il [suffisait] pour justifier la

reacutevision que le fait nouveau fasse naicirctre des doutes seacuterieux sur la culpabiliteacute et deacutetruise la

preacutesomption de certitude reacutesultant de la chose jugeacutee5 raquo Pour ce qui est de lrsquoannulation sans

renvoi la Cour de reacutevision nrsquoannulait la condamnation laquo que sil [eacutetait] eacutetabli quelle [avait]

eacuteteacute injustement prononceacutee6 raquo

1 Cass crim13 avr 2010 ndeg 10-80196 AJP 2010 p 349 obs C GIRAULT 2 V supra ndeg 122 et 123 3 H ANGEVIN op cit ndeg 194 4 V infra ndeg 601 agrave 616 5 Cass crim 9 feacutevr 1934 Bull ndeg 31 6 Cass crim 3 janv 1930 Bull ndeg 1 Cass crim 28 juin 1930 Bull ndeg 195

61

128 Certains preacutetendront que la distinction de cette diffeacuterence de degreacute nrsquoa plus lieu

drsquoecirctre depuis la loi de 1989 qui a deacuteplaceacute lrsquoexigence drsquoune certitude de lrsquoinnocence vers celle

drsquoun doute sur la culpabiliteacute1 et a fortiori depuis la confirmation de ce souhait pas la loi de

20142 Nous deacutemontrerons plus tard la survivance de cette distinction

129 Lrsquoexistence drsquoune diffeacuterenciation du degreacute de doute requis pourrait ecirctre de nature

agrave faire naicirctre une ineacutegaliteacute des armes entre le demandeur beacuteneacuteficiaire drsquoun renvoi et celui qui

en est priveacute laquo La question est drsquoimportance car chacun sait que les juges du renvoi nrsquoosent

jamais (lrsquoaffaire DILS introduit deacutesormais une exception au principe) deacutejuger les plus hauts

Magistrats et accabler celui que la presse a deacutejagrave acquitteacute ou relaxeacute3 raquo Les deacuteputeacutes FENECH et

TOURRET font eacutegalement la remarque que laquo si lrsquoon observe les condamnations

correctionnelles et criminelles qui ont fait lrsquoobjet drsquoune annulation avec renvoi depuis 1990 il

est clair que la deacutecision de la Cour de reacutevision [conduisait] le plus souvent agrave une relaxe ou agrave

un acquittement raquo4

130 Srsquoagissant de lrsquoeacutetendue de lrsquoannulation cette question ne soulegraveve guegravere de

difficulteacutes dans le cas drsquoune situation peacutenale simple dans laquelle le demandeur en reacutevision

est le seul condamneacute pour une infraction unique5 Dans ce cas lrsquoannulation de la

condamnation est de toute eacutevidence totale6 En revanche si le demandeur est condamneacute pour

plusieurs crimes ou deacutelits par une mecircme deacutecision la reacutevision peut nrsquoecirctre admise que pour

certains dentre eux7 (annulation partielle) La situation peut se compliquer en preacutesence drsquoune

pluraliteacute de demandeurs (situation peacutenale complexe) Dans ce cas-lagrave lrsquoannulation peut nrsquoecirctre

que partielle8 sauf si lrsquoinnocence de chacun est reconnue9

131 La reconnaissance de lrsquoerreur obtenue par lrsquoannulation de la condamnation peut

ensuite entrainer la reacuteparation inteacutegrale du preacutejudice subi

1 V infra ndeg 215 agrave 238 2 V infra ndeg 601 agrave 616 3 E DE VALICOURT op cit p 222 4 Rapport drsquoinformation op cit p 44 laquo Ainsi sur les six affaires criminelles renvoyeacutees cinq requeacuterants ont eacuteteacute acquitteacutes agrave lrsquoissue de la proceacutedure judiciaire Quant aux affaires correctionnelles renvoyeacutees devant les juges du fond au nombre de douze six drsquoentre elles ont drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute rejugeacutees et cinq relaxes ont eacuteteacute prononceacutees raquo 5 V Cass crim 29 mars 1995 Bull ndeg 138 6 V notamment Cass crim 28 avr 1975 Bull ndeg 112 Cass crim 5 nov 1987 Bull ndeg 392 RSC 1988 p 550 obs BRAUNSCHWEIG Cass crim 8 feacutevr 1989 ndeg 88-83906 Bull ndeg 6 Cass crim 29 mai 1974 Bull ndeg 205 Cass crim 9 nov 1976 Bull ndeg 321 RSC 1977 p 607 obs J ROBERT 7 Cass crim 11 mars 1904 Dr peacutenal 10981 p17 8 Cass crim 24 deacutec 1875 Bull ndeg 365 9 Cass crim 29 mars 1995 ndeg 94-84944 Bull ndeg 138

62

B La reacuteparation inteacutegrale du preacutejudice subi

132 Selon le dictionnaire reacuteparer quelque chose crsquoest laquo le fait de le faire revenir agrave

son eacutetat normal raquo1 En drsquoautres termes reacutetablir lrsquoeacutequilibre deacutetruit Une telle vision de la

reacuteparation est pourtant inapplicable agrave la victime drsquoune erreur judiciaire et mecircme au droit peacutenal

en geacuteneacuteral puisque le retour au statut quo ante nrsquoest qursquoune fiction juridique En effet

comment recreacuteer une situation agrave lrsquoidentique de celle qui existait avant le prononceacute de la

condamnation vicieacutee SHAKESPEARE a exprimeacute avec beaucoup de justesse dans laquo le

marchand de Venise raquo le caractegravere irreacuteparable du preacutejudice subi Le personnage Shylock mis

en scegravene par lrsquoauteur teacutemoigne de lrsquoimperfection de lrsquoindemnisation en reacuteclamant la

restitution en nature drsquoune livre de chair chose impossible Le Code de proceacutedure peacutenale a

reacutepondu agrave cette situation en reconnaissant agrave lrsquoarticle 626-1 le droit2 agrave lrsquoinnocent injustement

condamneacute drsquoobtenir de lEacutetat une reacuteparation inteacutegrale morale et peacutecuniaire3

133 Certains ont soutenu que la reacuteparation pouvait srsquoexpliquer par un devoir

drsquoassistance de lrsquoEtat Il est vrai qursquoau XVIIIegraveme siegravecle la reacuteparation du dommage constituait

une faveur de la royauteacute qui se voulait charitable laquo pour les innocents ayant subi sur de faux

indices les rigueurs drsquoune poursuite criminelle raquo4 Elle consistait agrave eacutevaluer le montant de

lrsquoindemnisation par rapport aux revenus de la victime sans prise en compte reacuteelle du

dommage subi Face agrave une mecircme situation de fait un individu deacutesargenteacute ou dans le besoin

eacutetait mieux indemniseacute qursquoune personne aux bons revenus La loi de 1895 a abandonneacute cette

conception Depuis lrsquoEtat est tenu drsquoaccorder une reacuteparation morale et peacutecuniaire agrave la victime

drsquoune erreur judiciaire en compensant le dommage subi Le caractegravere obligatoire de la

reacuteparation srsquoest substitueacute au pouvoir discreacutetionnaire anteacuterieur5

134 Lrsquo article 626-1 du Code de proceacutedure peacutenale pose comme en 19896 un principe

(laquo Sans preacutejudice du chapitre unique du titre IV du livre Ier du code de lorganisation

1 Petit Robert 1 Dictionnaire alphabeacutetique et analogique de la langue franccedilaise op cit V reacuteparation 2 Jusqursquoagrave la loi ndeg 89-431 du 23 juin 1989 la reacuteparation du preacutejudice eacutetait facultative et devait ecirctre expresseacutement demandeacutee par le requeacuterant 3 C LAZERGES Reacuteflexions sur lrsquoerreur judiciaire op cit laquo Il est certainement excessif sauf en un sens strictement juridique de parler de reacuteparation inteacutegrale car une deacutetention injustifieacutee sindemnise plus quelle ne se reacutepare raquo 4 E de VALICOURT op cit p240 5 R MERLE et A VITU op cit ndeg 930 6 La reacutedaction initiale de la loi de 1989 preacutevoyait comme exception au droit agrave reacuteparation laquo la non-repreacutesentation de la piegravece nouvelle ou la non-reacuteveacutelation de lrsquoeacuteleacutement inconnu en temps utile raquo lorsqursquoil eacutetait prouveacute qursquoelle eacutetait laquo imputable en tout ou partie raquo au condamneacute Crsquoest agrave lrsquoappui de ce texte que toute indemnisation a eacuteteacute refuseacutee agrave Rida DAALOUCHE agrave qui il eacutetait reprocheacute de ne pas avoir preacutesenteacute en temps utile un certificat drsquohospitalisation qui aurait permis de lrsquoinnocenter Suite agrave cette affaire la loi ndeg 2000-1354 du 30 deacutecembre 2000 tendant agrave

63

judiciaire un condamneacute reconnu innocent agrave la suite dune reacutevision ou dun reacuteexamen accordeacute

en application du preacutesent titre a droit agrave reacuteparation inteacutegrale du preacutejudice mateacuteriel et moral

que lui a causeacute la condamnation1 raquo) nuanceacute par une exception (laquo Toutefois aucune

reacuteparation nest due lorsque la personne a eacuteteacute condamneacutee pour des faits dont elle sest

librement et volontairement accuseacutee ou laisseacute accuser agrave tort en vue de faire eacutechapper lauteur

des faits aux poursuites raquo)

135 Quel que soit le montant de lrsquoindemnisation les stigmates drsquoune erreur judiciaire

ne seront jamais complegravetement effaceacutes Lrsquoargent verseacute ne pourra pas renouer les liens briseacutes2

Ainsi le preacutejudice est de jure inteacutegralement reacutepareacute bien que demeurant de facto

irreacuteparable En effet la dureteacute de la vie carceacuterale drsquoun innocent qui agrave juste titre nrsquoaccepte pas

la sanction constitue autant de blessures qursquoune indemnisation ne peut compenser A cela

srsquoajoute les difficulteacutes que lrsquoinnocenteacute eacuteprouve pour se reconstruire socialement Le doute

peut persister dans lrsquoopinion publique qui a tendance agrave srsquoeacuteriger en juge permanent feignant

drsquoignorer le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee3

136 Bien que lrsquoerreur judiciaire ne conduise plus agrave lrsquoeacutechafaud les dommages restent

consideacuterables et difficilement reacuteparables Conscient de la situation le leacutegislateur preacutevoit agrave

lrsquoarticle 626-1 du Code de proceacutedure peacutenale que laquo Si le demandeur le requiert larrecirct ou le

jugement de reacutevision dougrave reacutesulte linnocence du condamneacute est afficheacute dans la ville ougrave a eacuteteacute

prononceacutee la condamnation dans la commune du lieu ougrave le crime ou le deacutelit a eacuteteacute commis

dans celle du domicile des demandeurs en reacutevision dans celles du lieu de naissance et du

dernier domicile de la victime de lerreur judiciaire si elle est deacuteceacutedeacutee dans les mecircmes

conditions il est ordonneacute quil soit inseacutereacute au Journal officiel et publieacute par extraits dans cinq

journaux au choix de la juridiction qui a prononceacute la deacutecision Les frais de la publiciteacute ci-

dessus preacutevue sont agrave la charge du Treacutesor raquo

faciliter lindemnisation des condamneacutes reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matiegravere de proceacutedure peacutenale a modifieacute lrsquoancien article 626 du CPP 1 Lrsquoalineacutea 2 eacutetend le peacuterimegravetre de cette reacuteparation agrave laquotoute personne justifiant du preacutejudice que lui a causeacute la condamnation raquo En pratique il srsquoagit essentiellement des enfants et du conjoint du condamneacute mais les termes employeacutes par le leacutegislateur laissaient place agrave drsquoautres hypothegraveses 2 Sur la souffrance endureacutee V G CANIVET et D KARSENTY Reacuteflexions pratiques sur la commission nationale de reacuteparation des deacutetentions in Le droit peacutenal agrave lrsquoaube du troisiegraveme milleacutenaire Meacutelanges offerts agrave Jean Pradel Cujas 2006 p 219 V eacutegalement A GIUDICELLI Lrsquoindemnisation des personnes injustement deacutetenues ou condamneacutees RSC 1998 p 11 3 Sur ce point V A MARECAUX Chronique de mon erreur judiciaire eacutedition Flammarion Paris 2005

64

137 Il est vrai qursquoen mettant cocircte agrave cocircte lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision il en reacutesulte un antagonisme1 En effet la mise en opposition de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee (fin du procegraves) et du pourvoi en reacutevision (renaissance du procegraves) permet de mieux

comprendre Monsieur NAJARIAN qui eacutevoque dans sa thegravese une laquo incompatibiliteacute raquo De

mecircme comprendra-t-on mieux la position de Madame DE VALICOURT qui considegravere que la

proceacutedure de reacutevision est laquo tirailleacutee entre deux exigences contradictoires raquo2 Pour autant cette

dualiteacute oppositionnelle nrsquoest qursquoune apparence Une vision eacutetroite reacuteduisant lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision en deux blocs opposeacutes a pour effet de meacuteconnaicirctre les

liens reacuteels qui les unissent Crsquoest ainsi que mecircme si tout porte agrave croire que le pourvoi en

reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee poursuivent des objectifs antinomiques le leacutegislateur et

les juges ne devraient pas pour autant se fier aux apparences souvent trompeuses

Section 2 Lrsquoopposition trompeuse entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et la reacutevision

138 Lrsquoantinomie ressentie entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

a en reacutealiteacute pour origine des justifications de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee que nous ne

partageons pas Par le mot justification il est fait reacutefeacuterence aux arguments qui permettent

drsquoeacutetablir la leacutegitimiteacute drsquoune regravegle ou drsquoun principe Le terme est ici employeacute dans ses deux

acceptions Premiegraverement son sens originel agrave savoir la base sur laquelle repose quelque

chose Deuxiegravemement son sens philosophique crsquoest agrave dire lrsquoensemble des postulats drsquoun

systegraveme

139 Les justifications traditionnelles de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee sont de nature agrave

fausser la ligne de partage entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision (sect1) En

effet elles incitent agrave les opposer dans un scheacutema conflictuel et ne sont pas sans incidence sur

la repreacutesentation que se fait le leacutegislateur de cette proceacutedure extraordinaire Cette rivaliteacute est

en reacutealiteacute infondeacutee puisque lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision unis par un

destin commun (la preacuteservation de la paix sociale) peuvent ecirctre rapprocheacutes (sect2)

1 J LELIEUR op cit ndeg 673 laquo Il faut donc concilier deux exigences antagoniques la justice de la deacutecision reacutepressive revendiqueacutee par lrsquoindividu condamneacute et la seacutecuriteacute juridique agrave laquelle aspire la collectiviteacute raquo 2 E DE VALICOURT op cit p 124

65

sect 1 La remise en cause des justifications traditionnelles de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

140 Les deux aspects de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee (neacutegatif et positif) seront

examineacutes seacutepareacutement Geacuteneacuteralement la doctrine ne fait pas cette distinction lorsqursquoelle

eacutevoque les justifications de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee consideacuterant plutocirct le principe dans son

ensemble1 Pourtant sur cette question Monsieur le Professeur VALTICOS fait la distinction

entre laquo le principe geacuteneacuteral de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo et laquo la regravegle de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee au criminel sur le civil2raquo Cela nous conforte donc dans lrsquoideacutee de scruter drsquoune

part les justifications de lrsquoaspect neacutegatif (assimileacute par le Professeur VALTICOS au concept

geacuteneacuteral drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee3) et drsquoautre part celles de lrsquoaspect positif Toutefois

lrsquoobjet de notre propos nrsquoest pas de reacutepertorier lrsquoensemble des justifications mises en avant

pour la deacutefense de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Il conviendra de se tourner vers les auteurs qui

ont traiteacute la question4 En revanche nous reacuteveacutelerons que les justifications tregraves souvent

invoqueacutees comme eacutetant agrave lrsquoorigine de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee se concilient difficilement

avec lrsquoesprit de la proceacutedure de reacutevision Elles alimentent faussement la thegravese de lrsquoexistence

drsquoune contradiction entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

141 Dans la mesure ougrave laquo les probleacutematiques de lrsquoune et de lrsquoautre question sont bien

diffeacuterentes raquo5 nous envisagerons drsquoabord les justifications apporteacutees en deacutefense de lrsquoautoriteacute

positive de la chose jugeacutee (A) puis celles en faveur de lrsquoautoriteacute neacutegative (B)

A Les justifications doctrinales de lrsquoautoriteacute positive de la chose

jugeacutee

142 En lrsquoabsence drsquoun texte reconnaissant expresseacutement lrsquoaspect positif de la chose

jugeacutee la doctrine a envisageacute de rattacher ce principe agrave des fondements textuels deacutejagrave

existants6 Parmi les principaux7 figurent lrsquoarticle 1351 du Code civil1 et lrsquoarticle 4 alineacutea 2

1 Pour un exemple V F TERRE Introduction geacuteneacuterale du droit Paris Dalloz 9egraveme eacuted 2012 ndeg 610 2 N VALTICOS op cit ndeg 465 3 Pour le Professeur VALTICOS les fonctions de lrsquoaspect neacutegatif constituent laquo lrsquoexplication fondamentale raquo de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee 4 Pour lrsquoaspect positif pour une distinction entre les fondements textuels et les theacuteories doctrinales justificatives V A BOTTON op cit p81 et s pour une approche chronologique V P HEBRAUD op cit p 19 et s Pour lrsquoaspect neacutegatif V J LELIEUR-FISCHER op cit ndeg 112 et s N VALTICOS op cit ndeg 52 et s 5 J DANET op cit ndeg2 6 V sur cette question le deacutebat entre MERLIN et TOULIER deacuteveloppeacute par R et P GARRAUD op cit ndeg 556 7 Pour une eacutetude en profondeur V A BOTTON op cit p 79 agrave 132

66

du Code de proceacutedure peacutenale2 Aucun de ces fondements ne parait satisfaisant et ils ont tous

deux eacuteteacute largement remis en cause par la doctrine3

143 De ce silence textuel deacutecoule lrsquoeacutelaboration de theacuteories justificatives de lrsquoautoriteacute

positive de la chose jugeacutee entreprise par la doctrine Ces theacuteories baseacutees sur la supeacuterioriteacute du

peacutenal sur le civil (1) et sur la crainte des contradictions deacutecisionnelles (2) entretiennent lrsquoideacutee

drsquoune incompatibiliteacute entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi et reacutevision

1 La supeacuterioriteacute du peacutenal sur le civil

144 De nombreux auteurs acquis agrave la cause de la primauteacute des juridictions

reacutepressives4 font de cette supeacuterioriteacute la justification de lrsquoexistence de lrsquoautoriteacute positive de la

chose jugeacutee Cette theacuteorie met lrsquoaccent sur le rocircle particulier des tribunaux criminels dans

lrsquoordonnancement juridique seuls agrave pouvoir mettre en cause la liberteacute et lrsquohonneur des

personnes qursquoils jugent5 Logiquement leurs deacutecisions devraient donc revecirctir une autoriteacute plus

large que celles des juridictions civiles en charge du regraveglement drsquointeacuterecircts particuliers De

plus les moyens drsquoinvestigations mis agrave la disposition du juge peacutenal par rapport agrave la modestie

de ceux offerts au juge civil semblent militer en faveur de la supeacuterioriteacute du peacutenal sur le civil

Lorsque le procegraves civil fait suite agrave un procegraves reacutepressif la victime de lrsquoinfraction reacuteclame

souvent le versement du dossier peacutenal agrave lrsquoinstance civile Il srsquoagirait lagrave drsquoune sorte

drsquohommage rendu agrave la supeacuterioriteacute des moyens deacuteployeacutes par la justice peacutenale dans la recherche

1 laquo Lautoriteacute de la chose jugeacutee na lieu quagrave leacutegard de ce qui a fait lobjet du jugement Il faut que la chose demandeacutee soit la mecircme que la demande soit fondeacutee sur la mecircme cause que la demande soit entre les mecircmes parties et formeacutee par elles et contre elles en la mecircme qualiteacute raquo 2 laquo La mise en mouvement de laction publique nimpose pas la suspension du jugement des autres actions exerceacutees devant la juridiction civile de quelque nature quelles soient mecircme si la deacutecision agrave intervenir au peacutenal est susceptible dexercer directement ou indirectement une influence sur la solution du procegraves civil raquo 3 Pour lrsquoarticle 1351 du Code civil V A BOTTON op cit p 24 ndeg 33 R et P GARRAUD op cit p 1154 ndeg 556 Pour lrsquoarticle 4 alineacutea 2 CPP V M PRALUS Observations sur lapplication de la regravegle laquo le criminel tient le civil en leacutetat raquo RSC 1972 31 s S GUINCHARD et J BUISSON op cit ndeg1199 M-L RASSAT op cit p 844 ndeg 522 A BOTTON op cit p 5 ndeg 6 et p 89 ndeg 143 et s A BOTTON Une conseacutecration en trompe lrsquoœil de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil op cit et V en sens contraire J KARILA DE VAN laquo Chose jugeacutee raquo Reacutep Civ Dalloz 2013 ndeg 253 4 V notamment P HEBRAUD op cit p 76 agrave 82 H DONNEDIEU DE VABRES op cit ndeg 1549 P CONTE et P MAISTRE DU CHAMBON op cit ndeg 669 R MERLE et A VITU op cit ndeg 898 5 Lrsquoarrecirct QUERTIER op cit affirme explicitement que laquo lorsque la justice reacutepressive srsquoest prononceacutee il ne saurait ecirctre permis au juge civil de meacuteconnaicirctre lautoriteacute de ses souveraines deacuteclarations ou de nen faire aucun compte [hellip] lordre social aurait agrave souffrir dun antagonisme qui en vue seulement dun inteacuterecirct priveacute aurait pour reacutesultat deacutebranler la foi due aux arrecircts de la justice criminelle (crsquoest nous qui soulignons) et de remettre en question linnocence du condamneacute quelle aurait reconnu coupable ou la responsabiliteacute du preacutevenu quelle aurait deacuteclareacute ne pas ecirctre lauteur du fait imputeacute raquo

67

de la veacuteriteacute Enfin lrsquoarticle 34 de la Constitution1 consacrerait expresseacutement la supreacutematie de

la proceacutedure peacutenale sur la proceacutedure civile en preacutecisant que les regravegles de proceacutedure peacutenale

relegravevent essentiellement du domaine de la loi contrairement aux regravegles de proceacutedure civile qui

sont pour lrsquoessentiel de nature regraveglementaire2

145 Cette thegravese instille une confusion des genres entre deux propositions diffeacuterentes

Nul ne remet en cause le caractegravere preacutedominant du droit peacutenal dans lrsquoordonnancement

juridique Toutefois la sureacutevaluation de lrsquoimportance du droit peacutenal impliquant le glissement

vers une preacutedominance des jugements reacutepressifs semble excessive3

146 A cela srsquoajoute que par rapport au pourvoi en reacutevision cette theacuteorie de la

supeacuterioriteacute du peacutenal sur le civil est gecircnante Elle semble faire oublier qursquoun jugement peacutenal

rendu par des hommes peut comme tout autre jugement ecirctre entacheacute drsquoune erreur Crsquoest

pourquoi cette theacuteorie peut ecirctre perccedilue comme une offense agrave lrsquoutiliteacute du pourvoi en reacutevision

en contribuant agrave accreacutediter lrsquoideacutee selon laquelle la justice peacutenale est une justice supeacuterieure qui

ne commettrait pas ou tregraves peu drsquoerreurs

147 La theacuteorie justificative de lrsquoautoriteacute positive baseacutee sur la crainte des

contradictions deacutecisionnelles nrsquoest pas plus satisfaisante

2 La crainte des contradictions deacutecisionnelles

148 Certains auteurs perccediloivent dans lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee une maniegravere

drsquoeacuteviter les contradictions deacutecisionnelles et de preacuteserver la creacutedibiliteacute de la justice4 Drsquoapregraves

eux il serait inconvenant que sur un point souleveacute simultaneacutement devant le juge peacutenal et le

juge civil la deacutecision du second vienne contredire les conclusions du premier (juge peacutenal)

Lrsquoincoheacuterence juridique issue du rapprochement des deacutecisions se traduirait par laquo des effets

concregravetement inconciliables par une impossibiliteacute drsquoexeacutecution simultaneacutee des deux deacutecisions

dont lrsquoune ordonne une chose alors que lrsquoautre prescrit son contraire raquo5 La creacutedibiliteacute de la

justice souffrirait de lrsquoincoheacuterence manifeste entre un acquittement au peacutenal et une

1 Article 34 de la Constitution laquo La loi fixe les regravegles concernant [hellip] la deacutetermination des crimes et deacutelits ainsi que les peines qui leur sont applicables la proceacutedure peacutenale lamnistie la creacuteation de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats raquo 2 Cass crim 9 deacutecembre 1980 ndeg 80 92 313 Bull ndeg 340 3 V en ce sens SAVEY-CASARD Le reacutegime de laction civile survivant agrave laction publique RSC 1976 p 319 V TELLIER op cit ndeg 797 A BOTTON op cit p 109 agrave 131 4 FAUSTIN-HEacuteLIE op cit ndeg 983 5 D PORTOLANO et F BOULAN op cit

68

condamnation au civil ou entre une condamnation criminelle et une irresponsabiliteacute proclameacutee

sur lrsquoaction en dommage et inteacuterecircts

149 Or primo cette justification est contredite par la loi du 10 juillet 20001 qui a

remis en cause le principe de lrsquouniteacute des fautes civile et peacutenale qui fut consacreacute par la

jurisprudence degraves 19122 Lrsquoarticle 4-1 du Code de proceacutedure peacutenale permet deacutesormais dans

lhypothegravese dun fait mateacuteriel unique de retenir une faute civile lagrave ougrave la faute peacutenale est

eacutecarteacutee en labsence dun comportement suffisamment grave3 La contradiction deacutecisionnelle

paraicirct donc admise par le leacutegislateur4 Secundo Madame le Professeur RASSAT deacutemontre

qursquoil existe en reacutealiteacute une impossibiliteacute fonctionnelle de contradiction entre un jugement peacutenal

et un jugement civil La contradiction deacutecisionnelle suppose une identiteacute drsquoobjet entre les

actions5 Or lrsquoaction publique et lrsquoaction civile ou agrave des fins civiles mecircme exerceacutees agrave propos

du mecircme fait mateacuteriel ne sont pas identiques ni mecircme voisines6 rendant ainsi mateacuteriellement

impossible la naissance drsquoune contradiction Toujours selon elle laquo lrsquoaction publique a pour

but social de deacuteterminer la culpabiliteacute et la responsabiliteacute drsquoun deacutelinquant dont le sort ne doit

nullement ecirctre influenceacute par la consideacuteration de ce qui risque drsquoarriver en conseacutequence agrave la

victime Le but de lrsquoaction civile est drsquoindemniser une victime si son preacutejudice deacutecoule drsquoune

faute dont il est indiffeacuterent agrave notre avis qursquoelle constitue ou non et en outre une infraction

peacutenale Nous persistons agrave ne pas voir ideacutealement la moindre contradiction entre une relaxe

peacutenale et une condamnation civile pour faute agrave propos du mecircme fait raquo7

150 En revanche si les deux actions ont un objet identique une contradiction

deacutecisionnelle peut se produire et poserait effectivement un problegraveme Dans lrsquohypothegravese drsquoune

telle contradiction crsquoest preacuteciseacutement en matiegravere peacutenale le pourvoi en reacutevision qui constitue

lrsquooutil proceacutedural adeacutequat Ce constat eacutetait particuliegraverement mis en relief par la loi de 1989

qui preacutevoyait agrave lrsquoarticle 622 2deg du Code de proceacutedure peacutenale que laquo la reacutevision dune

1 Loi ndeg 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant agrave preacuteciser la deacutefinition des deacutelits non intentionnels 2 Cass civ 18 deacutec 1912 S 1914 p 249 note R-L MOREL 3 Article 4-1 du Code de proceacutedure peacutenale laquo Labsence de faute peacutenale non intentionnelle au sens de larticle 121-3 du code peacutenal ne fait pas obstacle agrave lexercice dune action devant les juridictions civiles afin dobtenir la reacuteparation dun dommage sur le fondement de larticle 1383 du code civil si lexistence de la faute civile preacutevue par cet article est eacutetablie ou en application de larticle L 452-1 du code de la seacutecuriteacute sociale si lexistence de la faute inexcusable preacutevue par cet article est eacutetablie raquo - Pour un exemple drsquoapplication V cassciv 1re 30 janv 2001 ndeg 98-14368 Bull civ I ndeg 19 laquo Attendu que la deacuteclaration par le juge reacutepressif de labsence de faute peacutenale non intentionnelle ne fait pas obstacle agrave ce que le juge civil retienne une faute civile dimprudence ou de neacutegligence raquo 4 N RIAS Retour sur la porteacutee de la loi du 10 juillet 2000 tendant agrave preacuteciser la deacutefinition des infractions non intentionnelles D 2012 p 1316 5 M-L RASSAT op cit p 842 ndeg 521 6 Ce qui explique drsquoailleurs le rejet du rattachement de lrsquoautoriteacute positive agrave lrsquoarticle 1351 du Code civil 7 M-L RASSAT op cit p 842 ndeg 521

69

deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue

coupable dun crime ou dun deacutelit lorsque apregraves une condamnation pour crime ou deacutelit un

nouvel arrecirct ou jugement a condamneacute pour le mecircme fait un autre accuseacute ou preacutevenu et que

les deux condamnations ne pouvant se concilier leur contradiction est la preuve de

linnocence de lun ou de lautre condamneacute raquo1

151 Il ne faut pas precircter agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil les atouts du

pourvoi en reacutevision (sanction de lrsquoincoheacuterence deacutecisionnelle) Ce rapprochement complique

la ligne de partage entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision et ajoute des

difficulteacutes au niveau de lrsquointerpreacutetation des liens qui les unissent De plus cette interpreacutetation

se concilie difficilement avec la tendance au perfectionnisme de la justice mise en avant par

Monsieur Clause MATHON2 En effet comment preacutetendre vouloir rendre la meilleure justice

possible si la raison drsquoecirctre de lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee nrsquoest que de preacuteserver le

creacutedit de la justice

152 Les justifications doctrinales de lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee nrsquoemportent

donc pas notre adheacutesion Elles accentuent lrsquoideacutee drsquoune union impossible entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision Les mecircmes conclusions srsquoimposent sur lrsquoaspect neacutegatif

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

B Les justifications doctrinales lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose

jugeacutee

153 Srsquoagissant de la conciliation des justifications doctrinales de lrsquoaspect neacutegatif de la

chose jugeacutee avec lrsquoesprit du pourvoi en reacutevision lrsquoeacuteclairage sera porteacute sur deux des theacuteories

deacutefendues par la doctrine La premiegravere avanceacutee par les auteurs classiques meacuterite drsquoecirctre revue

et adapteacutee agrave la reacutealiteacute Il srsquoagit drsquoune justification fondeacutee sur la maxime latine laquo res judicata

veritate habitur raquo (1) La seconde centreacutee sur le contrat social porteacutee par tregraves peu drsquoauteurs

nrsquoapporte pas de reacuteponse satisfaisante (2)

1 Crsquoest nous qui soulignons 2 C MATHON op cit p1

70

1 laquo Res judicata veritate habitur raquo

154 Les auteurs classiques1 considegraverent que les deacutecisions deacutefinitives dites

inattaquables sont laquo des oracles des veacuteriteacutes absolues indiscutables2 raquo La doctrine

classique tregraves attacheacutee agrave la preacutesomption de veacuteriteacute a porteacute au pinacle la force de cette veacuteriteacute

leacutegale en la qualifiant de veacuteriteacute absolue POTHIER dans un commentaire de lrsquoordonnance de

1667 srsquoexprimait en ces termes laquo les jugements dont il nrsquoy a pas drsquoappel interjeteacute ont de

mecircme que ceux rendus en dernier ressort une espegravece drsquoautoriteacute de chose jugeacutee qui donne

droit drsquoen poursuivre lrsquoexeacutecution Ils forment une espegravece de preacutesomption de veacuteriteacute qui exclut

la partie contre laquelle ils ont eacuteteacute rendus de pouvoir rien proposer contre raquo3 Dans ce

commentaire se dessine la force du reacutealisme judiciaire qui penche vers une confusion entre

veacuteriteacute judiciaire et reacutealiteacute mateacuterielle4 Le caractegravere deacutefinitif de la deacutecision fige la scegravene

judiciaire au preacutetexte que toute la veacuteriteacute a eacuteteacute faite Le caractegravere absolu de la preacutesomption de

veacuteriteacute entraicircne dans son sillage la nature absolue de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee agrave savoir son

laquo rayonnement au-delagrave de lrsquoobjet et des parties en cause dans le jugement raquo5 En effet si la

veacuteriteacute est absolue6 elle srsquoimposera agrave tous sans pouvoir ecirctre contesteacutee tant par les tiers au litige

que par les parties eacuteventuellement engageacutees dans un autre litige Or le droit positif ne

reconnaicirct pas agrave lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee un caractegravere absolu7

155 La preacutesomption de veacuteriteacute est un adversaire redoutable du pourvoi en reacutevision En

procircnant la veacuteriteacute de la justice cette preacutesomption ferme la porte agrave la reacutevision des procegraves8 Pour

bacirctir une proceacutedure de reacutevision efficace il convient de se deacutetourner de lrsquoideacutee selon laquelle

lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee srsquoagregravege autour de la maxime laquo res judicata veritate

habitur raquo Cette maxime se reacutesume agrave la phrase dite agrave Jeacutesus par Pilate laquo si je te condamne

1 J ORTOLAN op cit ndeg 1777 D TOMASIN op cit p 174 ndeg 227 Madame LELIEUR deacutefend la thegravese du rattachement de cette maxime agrave lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en expliquant que cette association a permis drsquointroduire laquo le principe postulant qursquoune affaire qui a eacuteteacute jugeacutee ne peut plus lrsquoecirctre agrave nouveau crsquoest-agrave-dire le principe de lrsquoautoriteacute neacutegative (crsquoest nous qui soulignons) de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo J LELIEUR-FISCHER op cit p104 ndeg 120 dans un mecircme sens V K NAJARIAN op cit p 54 2 E de VALICOURT op cit p17 3 Voir note anonyme sous cass civ 7 juillet 1890 Dr peacutenal I 301 citeacute par G DALBIGNAT-DEHARO Veacuteriteacute scientifique et veacuteriteacute judiciaire en droit priveacute op cit p 371 ndeg 500 4 R JAPIOT Traiteacute eacuteleacutementaire de proceacutedure civile et commerciale 1916 p 185 ndeg 622 5 J LELIEUR op cit p 106 6 SAVIGNY proposa sans grand succegraves drsquoatteacutenuer la force de cette veacuteriteacute V en ce sens SAVIGNY Systegraveme de droit romain traduction Guenoux de lrsquoeacutedition allemande tome VI 1847 sect 280 citeacute par J LELIEUR op cit note 276 7 V R MERLE et A VITU op cit ndeg 899 M-L RASSAT op cit ndeg 522 P HEBRAUD op cit p 149-150 8 J CARBONNIER Sociologie juridique op cit p 402 laquo Les hommes sont la faiblesse du droit raquo F DEFFERRARD Le droit et ses doubles D 2001 chr 1409 laquo Tout jugement est en soi affecteacute drsquoune aptitude congeacutenitale agrave la fragiliteacute Il est friable et fondamentalement inconstant raquo

71

mecircme agrave tort ta condamnation fera la veacuteriteacute raquo1 En effet cette preacutesomption qui srsquoinspire des

articles 1350 et 1351 du Code civil2 ne peut preacutejuger de la conformiteacute drsquoune deacutecision avec la

veacuteriteacute3 Pourtant laquo bon ou mauvais ce qui a eacuteteacute deacutefinitivement jugeacute nrsquoen a pas moins

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo4

156 Pour toutes ces raisons auxquelles se rajoutent certains archaiumlsmes lieacutes agrave la

preacutesomption de veacuteriteacute5 la doctrine actuelle srsquoeacuteloigne peu agrave peu de lrsquoideacutee du rattachement de

lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee agrave la preacutesomption de veacuteriteacute Certains auteurs

contemporains persistent cependant agrave deacutefendre le principe de lrsquoautoriteacute neacutegative en srsquoappuyant

sur cette preacutesomption6 Une partie de la doctrine moderne conteste aujourdrsquohui lrsquoideacutee drsquoune

preacutesomption leacutegale de veacuteriteacute en se reacutefeacuterant agrave une inexactitude historique tireacutee drsquoune

interpreacutetation incorrecte drsquoune phrase drsquoULPIEN7 reprise par DOMAT laquo Les choses jugeacutees

tiennent lieu de veacuteriteacute agrave lrsquoeacutegard de ceux avec qui elles ont eacuteteacute jugeacutees srsquoils nrsquoont appeleacute ou srsquoil

ne peut y avoir appel 8raquo Monsieur le Professeur LAGARDE considegravere que laquo la reacutefeacuterence agrave

lrsquoideacutee de veacuteriteacute sert agrave accroicirctre la leacutegitimiteacute des deacutecisions de justice elle nrsquoa pas pour fonction

de justifier lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee [hellip] Crsquoest lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui sert agrave

justifier la preacutesomption de veacuteriteacute raquo9

157 Dans cet ordre drsquoideacutees Madame DALBIGNAT-DEHARO analyse dans sa thegravese

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee comme une laquo preacutesomption de reacutegulariteacute du processus

1 La Bible Evangile selon Jean 18 34 2 Lrsquoarticle 1350 qualifie lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee de laquo preacutesomption leacutegale raquo Lrsquoarticle 1351 expose les conditions que doit revecirctir cette preacutesomption De telles indications eacutetant absentes du Code de proceacutedure peacutenale la doctrine srsquoest appuyeacutee sur le Code civil pour fonder lrsquoaspect neacutegatif de la chose jugeacutee sur une preacutesomption de veacuteriteacute 3 S COTTA laquo Quidquid latet apparebit Le problegraveme de la veacuteriteacute du jugement raquo Archives de philosophie du droit Tome 39 ndash Le procegraves 1995 p 219-228 laquo Trois raisons ndash lrsquoextraneacuteiteacute de la conscience du juge agrave la veacuteriteacute temporellement syntheacutetique de lrsquoeacuteveacutenement sa solitude dans lrsquoeacutetablissement deacutefinitif de la veacuteriteacute sa finale impuissance agrave reacutetablir la continuiteacute des personnes ndash montrent lrsquoindeacutepassable imperfection du jugement humain sous lrsquoaspect de sa conformiteacute agrave la veacuteriteacute et donc agrave la justice en leur pleacutenitude Et pourtant le juge ne peut se refuser de juger [hellip] Il doit donc se reacutesigner et avec lui les disputants et la socieacuteteacute entiegravere agrave ce que son verdict ndash le verdict de tout juge ndash ne soit pas entiegraverement veacuteridique mais une sorte de veacuteriteacute par provision pourrait-on dire en paraphrasant Descartes raquo 4 R VOUIN Cours de doctorat de droit peacutenal geacuteneacuteral et de proceacutedure peacutenale 1963- 1964 p 2 5 N VALTICOS op cit p 28 29 47 J LELIEUR op cit p 526-530 6 R MERLE et A VITU op cit p 1041 ndeg 884 laquo On dit encore qursquoelles acquiegraverent lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et qursquoune veacuteritable preacutesomption de veacuteriteacute srsquoattache agrave elles (hellip)raquo M BENCIMON O BERNABE P HARDOUIN P NABOUDET-VOGEL O PASSERA Autoriteacute de chose jugeacutee et immutabiliteacute du litige justices 1997 ndeg 5 p 157 7 C BLERY op cit p 120 ndeg 177 D TOMASIN op cit p 242 ndeg 328 P MAYER Reacuteflexions sur lautoriteacute neacutegative de chose jugeacutee Meacutelanges Heacuteron 2008 LGDJ p 331 s ndeg 6 8 J DOMAT Les lois civiles dans leur ordre naturel 1772 p 247 9 X LAGARDE Recevabiliteacute et fond dans la theacuteorie du droit de la preuve Thegravese Paris LGDJ Bibliothegraveque de droit priveacute 1994 p 383 ndeg 244

72

drsquoeacutelaboration de la deacutecision judiciaire raquo1 De ce raisonnement il deacutecoule que la laquo finaliteacute

veacuteritative raquo2 de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoest qursquoune vue de lrsquoesprit Elle se destine

uniquement agrave preacuteserver le creacutedit de la justice en mettant en avant la haute vraisemblance de

veacuteriteacute forgeacutee sur lrsquoenclume de lrsquoexercice des voies de recours Madame DALBIGNAT-

DEHARO deacutemontre que lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee ne confegravere agrave la solution qursquoune validiteacute

de pure forme Degraves lors lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee ne devrait pas ecirctre entendue comme la

veacuteriteacute mais plutocirct comme le point final drsquoun processus de veacuterification exerceacute par le juge

Ainsi laquo la proceacutedure ne leacutegitime certes pas la deacutecision mais elle fonde une preacutesomption de

justesse normative en faveur de son contenu raquo3

158 La seconde justification doctrinale de lrsquoautoriteacute neacutegative repose sur lrsquoideacutee du

contrat social

2 Le contrat social

159 Une justification plus marginale de lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee repose

sur le contrat social Une voix srsquoeacutelegraveve dans ce sens celle de Madame le Professeur RASSAT

laquo La socieacuteteacute a le droit de se deacutefendre et de deacutefendre ceux qui la composent contre les

infractions peacutenales Elle peut et doit poursuivre les deacutelinquants Mais compte tenu de la

disproportion existant entre la socieacuteteacute et lrsquoindividu celui-ci doit beacuteneacuteficier des maladresses et

de lrsquoinefficaciteacute de celle-lagrave parce que ce sont pour elle des fautes Ce qui a eacuteteacute jugeacute

conformeacutement aux regravegles proceacutedurales normales (qursquoil appartient agrave la socieacuteteacute de modifier si

elles ne sont pas bonnes) doit apurer les rapports respectifs de la collectiviteacute et du deacutelinquant

De mecircme que le doute profite agrave la personne poursuivie de mecircme la chose jugeacutee creacutee agrave son

profit un droit agrave la tranquilliteacute raquo4 Cette justification est a priori preacutefeacuterable agrave celle fondeacutee sur

la preacutesomption de veacuteriteacute car elle ne repose pas sur une fiction en reconnaissant que les lois

doivent ecirctre changeacutees laquo si elles ne sont pas bonnes raquo Cependant confronteacutee agrave la reacutevision

elle nrsquoenvisage pas que ce changement puisse intervienne trop tard crsquoest-agrave-dire apregraves que la

deacutecision est devenue deacutefinitive Dans ce cas la chose jugeacutee ne peut pas creacuteer un droit agrave la

tranquilliteacute

160 Au travers de cette analyse des justifications de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee il

apparaicirct que celles-ci sont difficilement conciliables avec la raison drsquoecirctre du pourvoi en 1 G DALBIGNAT-DEHARO op cit p 371 ndeg 500 et s 2 Expression emprunteacutee agrave Madame DALBIGNAT-DEHARO 3 N LUHMANN La leacutegitimation par la proceacutedure Cerf PU Laval 2001 p 13 4 M-L RASSAT op cit p 834 ndeg 516

73

reacutevision En outre elles contribuent agrave rendre moins visible le rapprochement entre le pourvoi

en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee (sect 2)

sect 2 Le rapprochement entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee

161 La proceacutedure de reacutevision positionneacutee au carrefour de deux inteacuterecircts en apparence

divergents place le leacutegislateur devant un dilemme En regraveglementant la reacutevision il lui incombe

de trouver le juste eacutequilibre entre le perfectionnisme et la stabiliteacute de la justice (A)

Nonobstant leurs diffeacuterences le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee poursuivent

en reacutealiteacute un objectif commun la preacuteservation de la paix sociale (B)

A La recherche drsquoun juste eacutequilibre entre le perfectionnisme et la

stabiliteacute de la justice

162 Le cas de conscience auquel se heurte le leacutegislateur est le suivant Trop de

faciliteacutes accordeacutees au pourvoi en reacutevision risquent drsquoalteacuterer lrsquoefficaciteacute du systegraveme des voies

de recours qui se verrait supplanteacute par le pourvoi en reacutevision consideacutereacute non plus comme un

recours exceptionnel mais comme un troisiegraveme degreacute de juridiction A lrsquoinverse la fermeture

de la porte de la reacutevision reviendrait agrave ignorer lrsquoexistence mecircme de possibles erreurs de fait

Lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision reste donc suspendue agrave la conception de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee du leacutegislateur et de la jurisprudence

163 Une conception large de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee1 complique la remise en

cause drsquoune deacutecision deacutefinitive et limite la porteacutee de la reacutevision agrave de rares cas Dans une telle

conception laquo lrsquoautoriteacute de la chose explicitement jugeacutee [est] eacutetendue agrave ce qui ressort

implicitement du jugement raquo2 Crsquoest ainsi que le justiciable peut se voir refuser au moment de

lrsquoexercice des voies de recours lrsquoexamen de la contestation sur un point qui nrsquoa pas encore eacuteteacute

eacutevoqueacute par les premiers juges (risque de deacuteni de justice) Cette conception pose eacutegalement un

problegraveme au regard du principe du contradictoire laquo car les parties pourront se trouver

surprises en srsquoapercevant tardivement apregraves lrsquoexpiration des deacutelais de recours qursquoune chose

qursquoelles nrsquoavaient pas soupccedilonneacutee se trouve implicitement jugeacutee ou que la chose

1 C MATHON op cit p2 2 Ibid

74

explicitement jugeacutee a des conseacutequences qursquoelles nrsquoavaient pas envisageacutees raquo1 Placer lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee sur un pieacutedestal annihilerait toutes les chances drsquoexistence du pourvoi en

reacutevision

164 A lrsquoinverse enfermer lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee dans une sphegravere trop eacutetroite

faciliterait lrsquoexercice du pourvoi en reacutevision au prix drsquoune grande instabiliteacute juridique et

entretiendrait une confusion entre les voies de recours ordinaires et extraordinaires Un

pourvoi en reacutevision trop ouvert aurait pour conseacutequence de deacutegrader les fonctions de lrsquoappel

et de remettre en cause les deacutelais de recours Quel serait lrsquointeacuterecirct de respecter ces deacutelais alors

que la voie de la reacutevision resterait entrouverte en permanence La stabiliteacute juridique reste

indispensable au maintien du lien social Une application par lrsquoabsurde de cette conception

eacutetroite de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee aurait pour conseacutequence une remise en cause de

lrsquoirrecevabiliteacute des moyens nouveaux invoqueacutes devant la Cour de cassation En effet celle-ci

serait contourneacutee par le justiciable fondeacute agrave formuler sa requecircte devant la juridiction de

reacutevision En drsquoautres termes un pourvoi en reacutevision trop faciliteacute enlegraveverait agrave lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee toute sa force

165 Il parait eacutevident qursquoil est neacutecessaire de trouver un compromis entre ces deux

conceptions afin de faire coexister sans heurts lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision La reacutesolution de cette difficulteacute reacuteside dans la prise en consideacuteration de lrsquoexistence

drsquoun point commun agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et au pourvoi en reacutevision En effet tous

deux poursuivent le mecircme objectif la preacuteservation de la paix sociale

B La preacuteservation de la paix sociale un objectif commun agrave

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et agrave la reacutevision

166 Neacutee de besoins purement pratiques2 lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee vise agrave confeacuterer le

seacutesame de lrsquoimmutabiliteacute aux deacutecisions dans un but de pacification sociale3 La pacification

sociale est un argument reacuteguliegraverement invoqueacute par les auteurs pour justifier le concept

drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en particulier son volet neacutegatif4 Ainsi les Professeurs BOUZAT

et PINATEL preacutecisent que laquo la paix sociale exige que tout procegraves prenne fin un jour et que

1 Ibid 2 P HEBRAUD op cit p 148 3 J NORMAND RTDC 1995 p177 4 Selon le Professeur VALTICOS les fonctions de lrsquoaspect neacutegatif constituent laquo lrsquoexplication fondamentale raquo de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee De ce fait notre raisonnement concerne la conciliation entre le concept drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee dans son ensemble et la proceacutedure de reacutevision V en ce sens N VALTICOS op cit ndeg 465

75

lorsqursquoil a eacuteteacute deacutefinitivement jugeacute il ne puisse plus tard ecirctre remis en question raquo1 Lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee qui interdit de remettre en cause une deacutecision deacutefinitive met un terme aux

contestations et clocirct deacutefinitivement les litiges2 Aucune alternative ne srsquooffrant plus aux

parties elles seront contraintes drsquoaccepter la deacutecision deacutefinitive

167 Crsquoest alors le point de deacutepart drsquoun cheminement psychologique dont les eacutetapes

deacuteboucheront sur lrsquoacceptation de la deacutecision et sur la reconstruction du lien social En effet

la blessure provoqueacutee par lrsquoauteur de lrsquoinfraction agrave la socieacuteteacute et agrave ses eacuteventuelles victimes une

fois reconnue au moment du prononceacute de la deacutecision deacutefinitive pourra mieux se cicatriser

Crsquoest pourquoi laquo lrsquoeffet de clocircture drsquoune deacutecision deacutefinitive tient un rocircle essentiel raquo3 Il

permet agrave la socieacuteteacute la victime et lrsquoauteur des faits drsquoentamer un travail de reconnaissance de

reconstruction et dans le meilleur des cas de reacuteconciliation4 Lrsquoaboutissement de ce

processus a pour but de deacutepasser les limites du litige pour se diriger vers la paix sociale Le

philosophe Paul RICOEUR srsquoest exprimeacute en ces termes laquo Trancher on lrsquoa dit crsquoest seacuteparer

tirer une ligne entre le tien et le mien La finaliteacute de la paix sociale fait apparaicirctre en filigrane

quelque chose de plus profond qui touche agrave la reconnaissance mutuelle ne disons pas

reacuteconciliation parlons encore moins drsquoamour et de pardon qui ne sont plus des grandeurs

juridiques parlons plutocirct de reconnaissance raquo5

168 Cette deacutemarche intellectuelle justifie le rattachement de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee agrave la paix sociale Sans deacutecision deacutefinitive pas de reconnaissance pas de reconstruction

du lien briseacute Sans reconstruction pas de reacutetablissement de la paix sociale Donc sans

deacutecision deacutefinitive pas de paix sociale Voici lrsquoaxiome sur lequel repose lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee La preacuteservation de la paix sociale justifie-t-elle pour autant de ne jamais faire ceacuteder

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Il est permis drsquoen douter

1 P BOUZAT et J PINATEL op cit ndeg 1529 2 M-A FRISON-ROCHE laquo Les offices du juge raquo in Ecrits en hommage agrave J Foyer op cit p 463-476 laquo Le jugement [hellip] fait cesser la recherche de la veacuteriteacute raquo 3 J LELIEUR op cit p 88 ndeg 99 4 D SALAS La volonteacute de punir essai sur le populisme peacutenal Hachette 2005 p 256 Lrsquoauteur illustre lrsquoimportance de la reacuteconciliation en commentant le tableau laquo le retour du fils prodige raquo de Rembrant laquo Toile qui saisit un moment de paix inteacuterieure apregraves le long tourment de la seacuteparation dont chacun porte le stigmate (le pegravere est aveugle le fils en haillons) Sur cette scegravene nul nrsquoest victime nul nrsquoest coupable Peu importe la faute du fils et le reniement du pegravere Chacun est visiblement briseacute par le conflit Chacun a renonceacute agrave livrer bataille A genoux le fils tremble encore Mais de quoi Est-ce la surprise de la rencontre Lrsquoattente drsquoun pardon inespeacutereacute Son visage dans le clair-obscur preacuteserve lrsquoeacutenigme Seule sa nuque ses eacutepaules captent un peu de lumiegravere Lourdes du pardon qursquoelles portent les mains du pegravere appellent une paix retrouveacutee Mains larges et lumineuses qursquoun obscur silence enveloppe Gestes lourds drsquoeacutepreuves que chacun a ducirc traverser afin que fleacutechisse lrsquoorgueil et que srsquoouvre la reacuteconciliation raquo 5 P RICOEUR laquo Lrsquoacte de juger raquo Le Juste tome 1 op cit p 185

76

169 Au sujet du lien entre paix sociale et justice Paul RICOEUR eacutecrit que laquo la justice

qui veut la paix ne se limite pas agrave des parts justes mais elle exige encore des prises de

participation et des actes drsquohumaniteacute raquo1 La justice et la paix supposent pour sortir de la

theacuteorie la prise de mesures concregravetes des attitudes et positions courageuses2 Dans

lrsquohypothegravese drsquoune condamnation entacheacutee drsquoune erreur de fait le prononceacute de la deacutecision

deacutefinitive enlegraveve toute chance de reconnaissance de reconstruction et a fortiori de

reacuteconciliation Prenons lrsquoexemple drsquoun individu condamneacute deacutefinitivement pour un crime qursquoil

nrsquoa pas commis Dans le cas ougrave lrsquoerreur est aveacutereacutee la reconstruction du lien entre le

condamneacute et la socieacuteteacute ou entre lui-mecircme et sa victime supposeacutee devient impossible En effet

lrsquoabsence de relation entre les faits et lrsquoauteur injustement condamneacute ferme la porte dans ce

cas preacutecis agrave toute reconstruction du lien social Drsquoabord entre lui-mecircme et la socieacuteteacute puis agrave

lrsquoeacutegard de sa victime supposeacutee en raison de son innocence Degraves lors fonder lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee sur la paix sociale apparaicirct dans cette hypothegravese illogique Bien au contraire la

paix sociale exige la remise en cause de cette deacutecision deacutefinitive frappeacutee drsquoune erreur de fait

170 Crsquoest pourquoi lrsquoapproche habituelle qui vise agrave opposer lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et le pourvoi en reacutevision doit ecirctre battue en bregraveche En effet leur objectif commun de

preacuteservation et de restauration de la paix sociale constitue un trait drsquounion entre eux Bien

que la paix sociale exige la proclamation du caractegravere deacutefinitif des deacutecisions elle reacuteclame

eacutegalement la possibiliteacute de revenir sur ce caractegravere dans le cas drsquoune injustice Autant il est

souhaitable que les procegraves aient une fin au nom de la paix sociale autant il serait inacceptable

que la quecircte de veacuteriteacute puisse srsquoeacuteteindre laquo Tant que les hommes nrsquoauront aucun caractegravere

certain pour distinguer le vrai du faux une des premiegraveres sucircreteacutes qursquoils se doivent

reacuteciproquement crsquoest de ne pas admettre sans une neacutecessiteacute deacutemontreacutee des peines

absolument irreacuteparables raquo3 Vu sous cet angle le pourvoi en reacutevision constitue un laquo facteur

drsquoennoblissement raquo4 de la justice en contribuant comme lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee agrave la

preacuteservation de la paix sociale laquo Une justice qui reconnaicirct ses erreurs et les corrige sans

srsquoefforcer de les maintenir et de les dissimuler par de vaines formules est une justice

eacutedifiante qui ne peut inspirer que de la confiance et du respect raquo5

1 P RICOEUR Amour et Justice Paris Points Coll laquo Points Essais raquo 2008 accessible sur wwwlacademiewordpresscom 2 ES AVONYO Quelle deacuteontologie de la justice pour une paix sociale durable Lrsquoacadeacutemie de philosophie accessible sur wwwlacademiewordpresscom 3 J BENTHAM Traiteacute de leacutegislation civile et peacutenale op cit p 162 4 Expression emprunteacutee agrave J-A ROMEIRO laquo La reacutevision comme facteur drsquoennoblissement de la justice raquo RSC 1970 p 623 et s 5 Ibid

77

Conclusion du chapitre 1

171 Ce chapitre a eacuteteacute consacreacute agrave lrsquoanalyse des liens qui unissent la reacutevision agrave lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee En effet lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee reste eacutetroitement lieacutee au pourvoi en

reacutevision Lrsquoexistence mecircme de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee constitue lrsquoessence de la proceacutedure

de reacutevision mise en mouvement dans le but de contester une deacutecision peacutenale deacutefinitive Or

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee laisse apparaicirctre tant dans son aspect neacutegatif que positif des

zones drsquoombre en particulier par rapport agrave ses justifications Cette situation entretient une

relation conflictuelle entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision qui eacutevoluent

dans un contexte jalonneacute de nombreuses oppositions Une remise en cause des justifications

traditionnelles de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee tant neacutegative que positive nous a permis

drsquoaplanir ces contradictions Crsquoest ainsi qursquoil a eacuteteacute reacuteveacuteleacute qursquoen reacutealiteacute lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et le pourvoi en reacutevision poursuivent un objectif commun la preacuteservation de la paix

sociale

172 En deacutefinitive deux approches diffeacuterentes permettent drsquoaborder la question des

liens qui unissent lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au pourvoi en reacutevision Tout drsquoabord une

approche traditionnelle srsquoappuyant sur des justifications de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

auxquelles nous nrsquoadheacuterons pas et dont le deacuteveloppement alimente lrsquoantagonisme entre le

pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Ensuite une approche plus moderne qui

met en avant la preacuteservation de la paix sociale trait drsquounion entre la reacutevision et lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee

173 La question se pose donc de deacuteterminer laquelle de ces deux approches le

leacutegislateur 1989 avait choisi Nous deacutemontrerons que la loi et la jurisprudence avaient preacutefeacutereacute

se retrancher dans une position ougrave lrsquoaffrontement entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le

pourvoi en reacutevision prospeacuterait Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a beaucoup beacuteneacuteficieacute de cette

situation qui a deacuteboucheacute sur sa sacralisation laquo quasi feacutetichiste raquo1 De nombreux obstacles agrave la

mise en œuvre de la proceacutedure de reacutevision nuisaient fortement agrave la manifestation de la veacuteriteacute

et agrave la reconnaissance des erreurs judiciaires En effet laquo lrsquoinstitution de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee socialement indispensable pour eacuteviter que les procegraves ne srsquoeacuteternisent nrsquoen est pas moins

1 P MONGIBEAUX op cit p 11

78

entacheacutee drsquoun vice congeacutenital elle fait triompher la valeur de seacutecuriteacute sur la valeur de

justice raquo1

1 H MOTULSKY Pour une deacutelimitation plus preacutecise de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee D 1968 chr 1

79

CHAPITRE 2 LA CONCILIATION DE

LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE

JUGEE ET DE LA REVISION

UN CHOIX NON RETENU EN

1989

laquo Lrsquohomme le plus honnecircte le plus respecteacute peut ecirctre

victime de la Justice Vous ecirctes bon pegravere bon eacutepoux peu

importe Quelle fataliteacute pourrait vous faire passer pour

un malhonnecircte homme voir un criminel Cette fataliteacute

existe elle porte un nom lrsquoerreur judiciaire raquo1

174 Dans ce chapitre seuls les anciens articles 622 agrave 626 du Code de proceacutedure

peacutenale serviront de base agrave la reacuteflexion Monsieur le deacuteputeacute Alain TOURRET remarque que

laquo durant les trois premiegraveres anneacutees qui ont suivi lrsquointroduction des appels en cour

drsquoassises cinquante-quatre condamneacutes en premiegravere instance ont eacuteteacute innocenteacutes en appel A

coup sucircr il reste encore des innocents en prison raquo2 La question se pose de comprendre

pourquoi la loi de 1989 donneacute lieu qursquoagrave peu de cas de reacutevisions Deux reacuteponses sont

possibles soit peu drsquoerreurs judiciaires ont entacheacute le bon fonctionnement de la justice sur

une peacuteriode de vingt-cinq ans soit cette loi srsquoaveacuterait trop restrictive

175 Srsquoagissant de la premiegravere explication la prudence srsquoimpose Le corps judiciaire

est repreacutesenteacute par des hommes qui ne peuvent se retrancher derriegravere le rempart de

lrsquoinfaillibiliteacute Intrinsegravequement le juge est humainement habiteacute par le risque de pecirccher par

excegraves de confiance Le regard porteacute par Paul RICOEUR sur lacte de juger laisse transparaicirctre

le caractegravere ineacuteluctable de lrsquoerreur judiciaire laquo Dabord au sens faible juger cest opiner

une opinion est exprimeacutee portant sur quelque chose En un sens un peu plus fort juger cest

1 R FLORIOT op cit p 5 2 H BEKMEZIAN La proceacutedure de reacutevision des deacutecisions peacutenales sera simplifieacutee Le monde 19 feacutevrier 2014

80

estimer un eacuteleacutement hieacuterarchique est ainsi introduit exprimant preacutefeacuterence appreacuteciation

approbation Un troisiegraveme degreacute de force exprime la rencontre entre le cocircteacute subjectif et le cocircteacute

objectif du jugement cocircteacute objectif quelquun tient une proposition pour vraie bonne juste

leacutegale cocircteacute subjectif il y adhegravere Enfin agrave un niveau plus profond qui est celui ougrave se tient

Descartes dans la laquo Quatriegraveme meacuteditation raquo le jugement procegravede de la conjonction de

lentendement et de la volonteacute lentendement qui considegravere le vrai et le faux la volonteacute qui

deacutecide Nous avons ainsi atteint le sens fort du mot juger non seulement opiner estimer

tenir pour vrai mais en dernier ressort prendre position Cest de ce sens usuel que nous

pouvons partir pour rejoindre le sens proprement judiciaire de lacte de juger [] Cest dans

lacte du procegraves que lacte de juger reacutecapitule toutes les significations usuelles opiner

estimer tenir pour vrai ou juste enfin prendre position raquo1

176 Madame le Professeur LAZERGES a preacuteciseacute que laquo les conditions drsquoouverture [de

la proceacutedure de reacutevision] [eacutetaient] draconiennes lrsquoimperfection originelle drsquoune justice

humaine [eacutetait] reconnue sans excegraves de modestie raquo2 Cette situation reacutesultait du choix drsquoavoir

voulu maintenir la reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee dans une logique oppositionnelle

En effet lrsquohypothegravese drsquoune conciliation a eacuteteacute eacutecarteacutee tant par le leacutegislateur que par la

jurisprudence De fait le parcours judiciaire emprunteacute par le candidat agrave la reacutevision srsquoen

trouvait affecteacute

177 Tout drsquoabord des conditions preacutealables devaient ecirctre remplies (Section 1) La

demande devait ensuite correspondre agrave lrsquoun des cas drsquoouverture preacutevus par le Code de

proceacutedure peacutenale (Section 2)

Section 1 La reacuteunion de conditions preacutealables agrave

lrsquoexercice du pourvoi en reacutevision

178 Lrsquoancien article 622 alineacutea 1 du Code de proceacutedure peacutenale disposait que laquo la

reacutevision drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive [pouvait] ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice de toute

personne reconnue coupable drsquoun crime ou drsquoun deacutelit raquo Ainsi le cumul de quatre conditions

eacutetait un preacutealable agrave toute reacutevision Ces conditions preacutealables pouvaient ecirctre regroupeacutees en

deux blocs drsquoun cocircteacute des exigences drsquoordre technique (une deacutecision peacutenale deacutefinitive

1 Paul RICOEUR Le juste op cit p 185 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame C LAZERGES p 137

81

deacuteclarative de culpabiliteacute) (sect 1) et de lrsquoautre cocircteacute une exigence drsquoordre mateacuteriel (la

commission drsquoun crime ou drsquoun deacutelit) (sect 2)

sect 1 Les exigences drsquoordre technique

179 Concernant les caracteacuteristiques techniques exigeacutees de toute deacutecision susceptible

de faire lrsquoobjet drsquoun pourvoi en reacutevision il devait srsquoagir drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive (A)

et comportant une deacuteclaration de culpabiliteacute (B)

A Une deacutecision peacutenale deacutefinitive

180 Lrsquoancien article 622 alineacutea 1 permettait laquo La reacutevision drsquoune deacutecision [hellip]

deacutefinitive1raquo Lrsquoouverture du pourvoi en reacutevision eacutetait subordonneacutee agrave lrsquoacquisition par la

deacutecision contesteacutee de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee En effet la proceacutedure de reacutevision nrsquoa pas

vocation agrave devenir un troisiegraveme degreacute de juridiction Lrsquoancien article 622 alineacutea 1 preacutecisait en

outre qursquoil srsquoagissait de laquo la reacutevision drsquoune deacutecision peacutenale2 raquo

181 Lrsquoexigence drsquoune deacutecision peacutenale meacuterite des eacuteclaircissements La question du

sens agrave accorder agrave lrsquoexpression laquo deacutecision peacutenale raquo a deacutejagrave eacuteteacute poseacutee agrave lrsquooccasion de lrsquoeacutetude de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le civil3 Nous avons vu que lrsquoexpression devait

ecirctre comprise au sens mateacuteriel Nous pourrions donc leacutegitimement penser que la laquo deacutecision

peacutenale raquo mentionneacutee par lrsquoancien article 622 alineacutea 1 du Code de proceacutedure peacutenale revecirctait le

mecircme sens que la laquo deacutecision peacutenale raquo viseacutee par lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le

civil

182 Selon la jurisprudence une deacutecision peacutenale au sens de lrsquoancien article 622 alineacutea

1 eacutetait consideacutereacutee comme une laquo deacutecision eacutemanant dune juridiction reacutepressive de droit

commun ou dexception et statuant sur des inteacuterecircts exclusivement drsquoordre peacutenal4raquo Ainsi les

deacutecisions rendues par les juridictions pour mineurs5 les juridictions militaires et en lrsquoabsence

de texte contraire par la Cour de Justice de la Reacutepublique eacutetaient susceptibles drsquoecirctre reacuteviseacutees

Lrsquoexigence drsquointeacuterecircts exclusivement peacutenal eacutetait en opposition avec la jurisprudence anteacuterieure

agrave 1989 qui avait autoriseacute la reacutevision drsquoune deacutecision qui eacutemanant drsquoune juridiction reacutepressive

1 Crsquoest nous qui soulignons 2 Crsquoest nous qui soulignons 3 V supra ndeg 92 4 H ANGEVIN op cit ndeg 19 Cour de reacutevision 29 janvier 1990 ndeg 81-94006 5 Casscrim 13 mars 1931 Bull crim ndeg 79

82

srsquoeacutetait prononceacutee sur les seuls inteacuterecircts civils1 Avec la loi de 1989 un pourvoi en reacutevision ne

pouvait donc plus concerner une condamnation portant exclusivement sur des inteacuterecircts civils

(dommages et inteacuterecircts restitutionhellip) quand bien mecircme elle aurait eacuteteacute prononceacutee par une

juridiction peacutenale2

183 La mecircme formulation (une deacutecision peacutenale) nrsquoa donc pas le mecircme sens srsquoagissant

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee ou du pourvoi en reacutevision Crsquoest ainsi que pour lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee lrsquoapproche de lrsquoexpression laquo deacutecision peacutenale raquo est mateacuterielle alors qursquoelle est

formelle pour la reacutevision3 Etaient donc exclues les reacutevisions des condamnations prononceacutees

par des juridictions peacutenales concernant des seuls inteacuterecircts civils

184 A priori il est permis de croire que le requeacuterant utilisait en pareils cas le recours

en reacutevision propre agrave la matiegravere civile preacutevu aux articles 593 et suivants du Code de proceacutedure

civile4 En effet lrsquoarticle 749 du Code de proceacutedure civile5 vise les articles 593 et suivants en

preacutecisant que ces dispositions laquo sappliquent devant toutes les juridictions de lordre

judiciaire statuant en matiegravere civile (hellip) raquo Les juridictions reacutepressives appartiennent agrave lrsquoordre

judiciaire et statuant sur des inteacuterecircts civils elles statuent en matiegravere civile Cependant la

jurisprudence refusait drsquoappliquer le recours en reacutevision des articles 593 et suivants du Code

de proceacutedure civile aux deacutecisions des juridictions peacutenales statuant sur des inteacuterecircts civils6

Cette position eacutetonnante avait pour effet drsquointerdire en pratique tout recours en reacutevision

dirigeacute contre le volet drsquoune deacutecision peacutenale qui statuait sur des inteacuterecircts civils La voie de la

reacutevision peacutenale eacutetait fermeacutee au motif que les inteacuterecircts en cause nrsquoeacutetaient pas drsquoordre peacutenal

Parallegravelement la reacutevision civile eacutetait eacutecarteacutee sous le preacutetexte qursquoil existait en matiegravere peacutenale

un recours speacutecial Il ne paraissait laquo pas possible dopeacuterer une distinction entre dispositions

peacutenales et dispositions civiles de ces deacutecisions [les deacutecisions reacutepressives statuant sur des

inteacuterecircts civils] et deacutetendre en labsence de dispositions leacutegislatives speacutecifiques aux deacutecisions

1 Cass crim 27 avr 1989 Bull crim 1989 ndeg 172 2 Comm reacutevision 4 nov 1996 ndeg 95-00077 Bull crim 1996 Comm reacutevision ndeg 390 3 Avant la loi de 1989 le texte preacutecisait laquo quelle que soit la juridiction qui ait statueacute raquo ce qui entrouvrait la voie agrave une approche plus mateacuterielle V en ce sens cass crim 13 mars 1931 Bull ndeg 79 S 1932 1 p 33 note HUGUENEY au sujet de la reacutevision drsquoune deacutecision drsquoun tribunal civil se prononccedilant sur la culpabiliteacute drsquoun enfant pour vol (la loi du 22 juillet 1912 donnait compeacutetence aux tribunaux civils pour la reacutepression des infractions commises par des enfants de moins de 13 ans) 4 Article 593 du Code de proceacutedure civile laquo Le recours en reacutevision tend agrave faire reacutetracter un jugement passeacute en force de chose jugeacutee pour quil soit agrave nouveau statueacute en fait et en droit raquo 5 Article 749 du Code de proceacutedure civile laquo Les dispositions du preacutesent livre sappliquent devant toutes les juridictions de lordre judiciaire statuant en matiegravere civile commerciale sociale rurale ou prudhomale sous reacuteserve des regravegles speacuteciales agrave chaque matiegravere et des dispositions particuliegraveres agrave chaque juridiction raquo 6 Cass crim 19 janvier 1982 ndeg 80-94321 D 1983 inf rap p 74 obs G ROUJOU DE BOUBEE

83

statuant sur inteacuterecircts civils le recours en reacutevision de nature reacuteglementaire propre aux

deacutecisions civiles raquo1

185 Pour ecirctre susceptible de faire lrsquoobjet drsquoun pourvoi en reacutevision la deacutecision peacutenale

deacutefinitive devait encore comporter une deacuteclaration de culpabiliteacute

B Une deacutecision comportant une deacuteclaration de culpabiliteacute

186 Lrsquoancien article 622 alineacutea 1 ouvrait la reacutevision agrave laquo toute personne reconnue

coupable 2raquo La reacutevision ne concernait donc que les personnes reconnues injustement

coupables qursquoelles aient ou non exeacutecuteacutees effectivement leur peine3 En effet si la mise en

cause de la responsabiliteacute peacutenale drsquoun agent restait essentielle en revanche sa condamnation

effective agrave une peine nrsquoeacutetait pas retenue par le leacutegislateur comme un critegravere de recevabiliteacute

de la reacutevision A lrsquoinverse le leacutegislateur visant laquo toute personne reconnue coupable raquo cela

revenait agrave exclure la prise en compte de la reacutevision in defavorem4 Lrsquoautoriteacute de cette regravegle ne

pouvait ecirctre contourneacutee quand bien mecircme de nouveaux eacuteleacutements (ex recherche ADN)

apparaissaient et eacutetaient de nature agrave confondre le relaxeacute ou lrsquoacquitteacute placeacute deacutefinitivement agrave

lrsquoabri de toute nouvelles poursuites pour les mecircmes faits5

187 Premiegraverement la neacutecessiteacute drsquoune culpabiliteacute du demandeur serait inheacuterente agrave la

nature du pourvoi en reacutevision proceacutedure exceptionnelle consideacutereacutee comme une faveur

accordeacutee agrave lrsquoindividu injustement condamneacute6 Or agrave nos yeux lrsquoambition de la reacutevision

consiste plutocirct dans lrsquoaneacuteantissement drsquoune deacutecision entacheacutee drsquoune erreur judiciaire7

1 P BERCHON laquo Reacutegime de la reacuteparation ndash action en reacuteparation Action en reacutevision ndash recours en reacutevision raquo Jurisclasseur Civil Code Art 1382 agrave 1386 Fasc 225-10 2010 ndeg 46 2 Crsquoest nous qui soulignons 3 Comm reacutevision 5 mai 1994 ndeg 94-00002 4 Certains auteurs utilisent eacutegalement lrsquoexpression drsquo laquo erreur pro societate raquo V par exemple J A ROMEIRO op cit p 623 5 Lrsquoarticle 368 du Code de proceacutedure peacutenale dispose laquo Aucune personne acquitteacutee leacutegalement ne peut plus ecirctre reprise ou accuseacutee agrave raison des mecircmes faits mecircme sous une qualification diffeacuterente raquo 6 R MERLE et A VITU op cit ndeg 876 p 1031 7 P BOUZAT laquo A propos de lrsquoarticle de M Gassin laquo Les destineacutees du principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel dans le droit peacutenal contemporain raquo RSC 1964 p 359 laquo Nous avons contre nous la doctrine la jurisprudence reacutecente et le Code de proceacutedure peacutenale Seul contre tous Sans doute Mais [hellip] nrsquooublions pas que [hellip] si le droit franccedilais probablement toujours sous lrsquoinfluence de cette conception pseudo-libeacuterale et anti-scientifique du procegraves-duel deacutecide que lrsquoerreur commise agrave lrsquoavantage de lrsquoindividu qui a beacuteneacuteficieacute drsquoun acquittement immeacuteriteacute est irreacuteparable certaines leacutegislations eacutetrangegraveres et les positivistes deacutecident le contraire raquo

84

188 Deuxiegravemement la regravegle ne bis in idem sert drsquoargument agrave la deacutefense de

lrsquointangibiliteacute des deacutecisions de relaxe ou drsquoacquittement1 Or Madame Juliette LELIEUR qui

propose de lier la regravegle ne bis in idem au principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive preacutecise que laquo

(hellip) fondamentalement la reacuteouverture [du procegraves] reacutepond au souci de ne pas laisser

srsquoappliquer une deacutecision injuste Lrsquoexigence de justice doit donc toujours guider sa mise en

œuvre [hellip] Par conseacutequent nous suggeacuterons que la reacuteouverture du procegraves soit toujours

envisageacutee agrave travers le prisme de lrsquoexigence de justice crsquoest-agrave-dire qursquoelle soit uniquement

permise apregraves qursquoil a eacuteteacute veacuterifieacute que la deacutecision rendue comporte une injustice que la

reacuteouverture est agrave mecircme de corriger2 raquo Srsquoagissant de lrsquoidentification de la deacutecision injuste

lrsquoauteure apporte certains eacuteclaircissements Elle reconnaicirct qursquo laquo il semble se deacutegager une

tendance selon laquelle la sanction trop cleacutemente est moins injuste que la sanction trop

forte En effet la sanction trop cleacutemente est consideacutereacutee comme injuste uniquement par les

partisans drsquoune application pure de la theacuteorie de la reacutetribution tandis que la sanction trop forte

est geacuteneacuteralement consideacutereacutee comme une sanction injuste Globalement et malgreacute toute la

prudence avec laquelle il faut prendre ce propos la disproportion en deacutefaveur de la personne

condamneacutee paraicirct donc plus injuste que la disproportion en sa faveur3 raquo Pour ce qui est de

lrsquoacquittement deacutefinitif drsquoun coupable Madame Juliette LELIEUR estime qursquoau regard du

principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive il srsquoagit drsquoune injustice laquo moyennement grave raquo4

Ainsi le principe drsquouniteacute drsquoaction reacutepressive permettrait laquo si une occasion de corriger une

telle injustice se preacutesente [de ne pas] lrsquoexclure par principe5 raquo

189 Troisiegravemement la regravegle de la prohibition de la reformatio in pejus viendrait

appuyer lrsquoexigence drsquoune deacutecision de condamnation en matiegravere de reacutevision6 Cependant

lrsquoobjectif de lrsquointerdiction de la reformatio in pejus est de ne pas aggraver le sort du

demandeur qui intente un recours en sa faveur Cette regravegle nrsquoapporte aucune justification agrave

1 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame V ROSANO p 273 CNCDH Avis compleacutementaire sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur judiciaire JORF du 12 avril 2014 texte ndeg 47 ndeg2 2 J LELIEUR op cit p 518 ndeg 646 3 Ibid ndeg 655 dans le mecircme sens Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame V ROSANO op cit p 273 laquo Aussi deacutesagreacuteable que puisse ecirctre la liberteacute drsquoun coupable ce sentiment est sans commune mesure pour la paix sociale avec la condamnation drsquoun innocent raquo 4 Elle qualifie la condamnation drsquoun innocent drsquoinjustice laquo tregraves grave raquo V J LELIEUR op cit ndeg 660 5 J LELIEUR op cit ndeg 679 6 H ANGEVIN op cit ndeg 5 CNCDH Avis sur la reacutevision des deacutecisions peacutenales op cit ndeg 23 laquo Pour reacuteparer les conseacutequences des erreurs judiciaires la loi franccedilaise connaicirct une voie de recours extraordinaire qui en vertu du principe de la prohibition de la reformatio in pejus ne peut sexercer quen faveur du condamneacute raquo Rapport drsquoinformation op cit Contribution de M Bruno COTTE p 199 laquo La question a parfois eacuteteacute poseacutee srsquoil convenait en sens inverse de preacutevoir la reacutevision des arrecircts drsquoacquittement (hellip) je crains qursquoau niveau des principes cette proposition se heurte agrave la regravegle de lrsquoabsence de reacuteformation in pejus raquo

85

lrsquoexclusion de la reacutevision in defavorem En effet elle ne peut srsquoappliquer car lrsquoacquitteacute

nrsquointentera pas lui-mecircme un recours en sa deacutefaveur

190 Quatriegravemement la remise en cause drsquoun acquittement au moyen de la reacutevision

pourrait nuire agrave la paix sociale Le deacuteputeacute TOURRET explique devant lrsquoAssembleacutee Nationale

que laquo la vie deviendra[it] insupportable pour les personnes acquitteacutees raquo1 Or selon nous

lrsquoambition de la reacutevision consiste justement en la preacuteservation de la paix sociale Donc

lrsquoexplication du deacuteputeacute TOURRET ne se calque pas sur celle eacutevoqueacutee agrave lrsquooccasion de la paix

sociale par Paul RICOEUR2 Effectivement la stabiliteacute drsquoune deacutecision deacutefinitive

drsquoacquittement contribue agrave la paix sociale en ouvrant un droit agrave la tranquilliteacute pour la personne

acquitteacutee Mais ce droit agrave la tranquilliteacute doit cesser lorsqursquoil a eacuteteacute conquis par une deacutecision

drsquoinnocence indue Dans cette hypothegravese la paix sociale exige la remise en cause de la

deacutecision deacutefinitive injuste Le pourvoi en reacutevision srsquoen trouverait enrichi et plus largement la

justice garante de la veacuteriteacute De plus fonder le rejet de la reacutevision in deacutefavorem sur la paix

sociale est un signe de la logique drsquoaffrontement entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la

chose Enfin lrsquointeacuterecirct de la victime voudrait que lrsquoacquitteacute ou le relaxeacute formellement

confondu par de nouveaux eacuteleacutements puisse ecirctre rejugeacute Srsquoagissant de la reacuteflexion de Madame

LEBRANCHU concernant les victimes et parties civiles qui srsquoemploieraient sans fin agrave faire la

deacutemonstration de la culpabiliteacute drsquoune personne acquitteacutee ou relaxeacutee3 il est eacutevident que la

reacutevision in defavorem si elle eacutetait admise par le leacutegislateur devrait ecirctre fortement encadreacutee

pour eacuteviter ce risque

191 Cinquiegravemement Monsieur le deacuteputeacute GEOFFROY proclame laquo Jrsquoai toujours

consideacutereacute que la deacutecision drsquoacquittement eacutetait le corollaire ndash et mecircme le corollaire puissant ndash

du principe fondamental de la preacutesomption drsquoinnocence Remettre en cause apregraves une

deacutecision drsquoacquittement devenue deacutefinitive lrsquoideacutee que la personne ait eacuteteacute acquitteacutee est drsquoune

certaine maniegravere une remise en cause de lrsquoexistence mecircme du principe de preacutesomption

drsquoinnocence raquo4 Se fonder sur la preacutesomption drsquoinnocence pour justifier lrsquoexclusion de la

reacutevision in devaforem parait audacieux Cela revient agrave faire preacutevaloir lrsquoinnocence deacutefinitive

sur la veacuteriteacute Pourtant agrave lrsquoinverse la recherche de la veacuteriteacute lrsquoemporte sur le caractegravere deacutefinitif

drsquoune deacutecision de condamnation Quelles sont les justifications de cette distinction Pour

1 Assembleacutee Nationale commission des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la reacutepublique mercredi 4 deacutecembre 2013 Seacuteance de 10 h compte rendu ndeg 25 2 V infra ndeg 101 3 Assembleacutee Nationale compte rendu ndeg 25 op cit 4 Ibid

86

quelles raisons une bonne administration de la justice devrait-elle consideacuterer qursquoun doute

pesant sur un coupable en liberteacute est moins grave que celui pouvant exister agrave lrsquoeacutegard drsquoun

innocent emprisonneacute Chacun drsquoentre eux a beacuteneacuteficieacute au cours de son parcours judiciaire de

la preacutesomption drsquoinnocence Si celle-ci a eacuteteacute malmeneacutee dans un sens ou dans lrsquoautre la

reacutevision doit selon nous reacuteparer1

192 Sixiegravemement un autre argument invoqueacute reacuteside dans la possibiliteacute offerte au

parquet de faire appel drsquoune deacutecision drsquoacquittement Cette voie de recours permettrait de

reacuteparer les eacuteventuelles erreurs relatives aux deacuteclarations drsquoinnocence injustifieacutees Crsquoest

pourquoi laquo lorsque la justice srsquoest prononceacutee par deux fois en faveur de lrsquoacquittement agrave

lrsquoissue drsquoune proceacutedure longue ougrave chaque eacuteleacutement a eacuteteacute passeacute au crible de lrsquoaccusation il

semble inopportun de permettre la reacuteouverture dudit procegraves raquo2 En effet depuis la loi du 4

mars 20023 le ministegravere public peut laquo faire appel des arrecircts drsquoacquittements4 raquo Seul le

procureur geacuteneacuteral5 pregraves la cour dappel peut exercer ce recours quil sagisse dun

acquittement6 total ou partiel7 Toutefois la confirmation drsquoun acquittement prononceacutee en

appel nrsquoest pas une garantie absolue de veacuteriteacute quant agrave lrsquoinnocence Ce constat srsquoapplique aussi

aux deacutecisions de culpabiliteacute frappeacutees drsquoappel qui quant agrave elles ne sont pas intangibles

puisque la voie de la reacutevision leur est ouverte Pourquoi lrsquoarrecirct drsquoacquittement confirmeacute en

appel devrait-il avoir une valeur laquo veacuteritative raquo plus importante que celui qui comporte une

condamnation Et ceci surtout que la technique drsquoappel en matiegravere drsquoassises agrave savoir lrsquoappel

dit circulant ou tournant fait lrsquoobjet de critiques8 Lrsquoadoption de cette voie de recours est en

effet critiqueacutee par certains membres de la doctrine qui admettent mal son vrai rocircle drsquoappel9

La faculteacute offerte au ministegravere public drsquointerjeter appel des deacutecisions drsquoacquittement ne

constitue pas un reacuteel argument pour justifier le rejet de la reacutevision in deacutefavorem Au contraire

1 Pour une opinion inverse V CNCDH Avis compleacutementaire op cit ndeg 2 2 Rapport drsquoinformation op cit p 75 3 Loi ndeg 2002-307 du 4 mars 2002 compleacutetant la loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption dinnocence et les droits des victimes 4 V Articles 380-2 CPP et 380-12 CPP 5 La jurisprudence adopte toutefois une lecture extensive de lrsquoarticle 380-2 CPP en autorisant lrsquoappel interjeteacute par lrsquoavocat geacuteneacuteral V cass crim 31 mai 2007 ndeg 3309-F-P-F 6 Cass crim 26 juin 2002 ndeg02-84335 7 Cass crim 15 janvier 2003 ndeg 02-88207 8 Cette forme drsquoappel a deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee par le droit canonique (ougrave lrsquoappel drsquoune juridiction eacutepiscopale est porteacute devant le siegravege voisin) et par les tribunaux de district sous la Reacutevolution V en sens JF CHASSAING laquo Lrsquoappel des arrecircts des cours drsquoassises le poids de lrsquohistoire raquo in la Cour drsquoassises bilan drsquoun heacuteritage deacutemocratique association franccedilaise pour lrsquohistoire de la justice la documentation franccedilaise 2001 ISBN 2-11-004721-6 9 J PRADEL La loi ndeg 2002-307 du 4 mars 2002 un placebo pour gueacuterir certains maux de la reacuteforme du 15 juin 2000 sur la preacutesomption dinnocence D 2002 p 1693

87

son admission pourrait srsquoinscrire dans la logique du prolongement de lrsquoappel des arrecircts

drsquoacquittement1

193 Enfin septiegravemement le fait de revenir sur les deacutecisions drsquoacquittement relegraveverait

davantage du domaine de lrsquoaction publique que de la reacutevision2 en raison de sa proximiteacute avec

la reacuteouverture pour charges nouvelles conseacutecutive agrave une deacutecision de non-lieu3 Or la reacutevision

et la reacuteouverture pour charges nouvelles constituent deux moyens dont la finaliteacute ultime est de

rectifier une deacutecision manifestement injuste4 en se rapprochant de la veacuteriteacute Crsquoest ainsi que les

charges nouvelles peuvent ecirctre rapprocheacutees des faits nouveaux (pourvoi en reacutevision)

proximiteacute qui ne doit pas ecirctre consideacutereacutee comme un amalgame ou une confusion En effet sur

le plan mateacuteriel un non-lieu bien que revecirctu de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoest pas

intangible et ne saurait ecirctre compareacute avec une deacutecision deacutefinitive de relaxe ou

drsquoacquittement5 Toutefois il srsquoagit dans les deux cas et dans des domaines diffeacuterents drsquoune

atteinte agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee6 Lrsquoarticle 6 du Code de proceacutedure peacutenale poursuit

drsquoailleurs le mecircme objectif en autorisant la reprise de lrsquoaction publique eacuteteinte par la

production drsquoun faux7 Lrsquoadmission de la reacutevision in defavorem pourrait ecirctre le prolongement

de ces entorses agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee par rapport agrave la reprise de lrsquoaction publique laquo La

notion drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee face agrave la survenance drsquoeacuteleacutements nouveaux propres agrave

modifier la religion du juge srsquoil en avait eu connaissance au moment de sa deacutecision meacuterite

drsquoecirctre revisiteacutee Car crsquoest aussi la grandeur de la justice de ne jamais srsquoarrecircter dans la quecircte de

la veacuteriteacute et de savoir rebrousser chemin si la veacuteriteacute drsquoaujourdrsquohui vient contredire la veacuteriteacute

drsquohier8 raquo

194 Lrsquoexigence drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive deacuteclarative de culpabiliteacute nrsquoeacutetait pas

suffisante agrave lrsquoouverture drsquoun pourvoi en reacutevision Une condition preacutealable suppleacutementaire

drsquoordre mateacuteriel srsquoy ajoutait 1 V en sens inverse CNCDH Avis compleacutementaire op cit ndeg 2 2 Rapport drsquoinformation op cit p75 3 Voir articles 188 189 190 196 CPP 4 Pour qursquoune deacutecision soit injuste Paul RICOEUR estime neacutecessaire la reacuteunion de 3 conditions cumulatives une ineacutegaliteacute une disproportion une trahison des promesses V P RICOEUR Le juste I op cit avant-propos p 11 5 CNCDH Avis compleacutementaire op cit ndeg 2 J LELIEUR op cit n deg 620 6 M-L RASSAT estime que le non-lieu laquo nrsquoa qursquoune autoriteacute provisoire qui ne persiste qursquoautant qursquoil nrsquoy a pas de raison de le remettre en cause () jusqursquoagrave la prescription acquise un non-lieu peut toujours ecirctre lrsquooccasion drsquoune reacuteouverture de lrsquoinformation sur charges nouvelles Cela contredit toute ideacutee drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui comporte une notion de caractegravere deacutefinitif raquo in Traiteacute de proceacutedure peacutenale op cit ndeg 515 p 832 7 Disposition qui nrsquoa jamais eacuteteacute appliqueacutee agrave notre connaissance 8 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-O VIOUT p 241

88

sect 2 Lrsquoexigence drsquoordre mateacuteriel

195 Srsquoagissant du champ drsquoapplication du pourvoi en reacutevision lrsquoancien article 622 du

Code de proceacutedure peacutenale preacutecisait que laquo la reacutevision dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre

demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dun crime ou dun deacutelit raquo Les

infractions peacutenales se divisent en trois cateacutegories les crimes les deacutelits et les contraventions

Non mentionneacutees par le leacutegislateur les contraventions eacutetaient exclues du champ de la

reacutevision La reacutevision drsquoune contravention eacutetait donc irrecevable alors mecircme que celle-ci aurait

eacuteteacute prononceacutee par un tribunal correctionnel1 La seule exception agrave cette regravegle concernait

lrsquohypothegravese drsquoune indivisibiliteacute de fait srsquoagissant drsquoune condamnation pour un deacutelit ou un

crime et une contravention2 (exemple drsquoune contravention de deacutefaut de maitrise drsquoun veacutehicule

associeacutee au deacutelit drsquohomicide involontaire) Dans ce cas de figure lrsquoannulation subseacutequente agrave

la reacutevision valait pour le tout3

196 Lrsquoexclusion des contraventions avait pour origine le caractegravere exceptionnel et

extraordinaire du pourvoi en reacutevision qui devrait concerner exclusivement les infractions les

plus graves Dans le cas drsquoune contravention dresseacutee agrave tort le ressenti du trouble pour la

socieacuteteacute eacutetait consideacutereacute moins aigu qursquoen cas de crime ou de deacutelit4 Lrsquoeacutetroitesse de la marge de

manœuvre du juge saisi drsquoune contestation en matiegravere contraventionnelle a conduit le

leacutegislateur agrave penser que lrsquoappel et le pourvoi en cassation suffisaient agrave reacuteparer une eacuteventuelle

erreur En somme une fois deacutefinitive la condamnation pour contravention devait ecirctre juste et

toutefois si une erreur srsquoy glissait celle-ci ne causait qursquoun trouble mineur De minimis non

curat praetor

197 Pourtant laquo la reacutevision est une voie de recours [hellip] admise dans lrsquointeacuterecirct

supeacuterieur drsquoeacutequiteacute et drsquohumaniteacute raquo5 Les contraventions notamment celles de cinquiegraveme

classe peuvent entrainer des peines drsquoamendes eacuteleveacutees avec inscription au casier judiciaire

Monsieur VIOUT soulegraveve que laquo rien ne justifie au plan des principes qursquoune condamnation

peacutenale ne puisse pas ecirctre reacuteviseacutee quelle que soit sa nature degraves lors qursquoelle est entacheacutee drsquoune

1 Cass crim 5 mai 1899 S 1901 1 p 297 note ROUX Comm reacutevision 5 mai 1994 ndeg 94-00013 Bull crim 1994 Comm reacutevision ndeg 172 Comm reacutevision 7 feacutevr 2005 ndeg 04-85708 Bull crim 2005 Comm reacutevision ndeg 2 2 Cass crim 5 nov 1987 ndeg 87-80662 Bull crim 1987 ndeg 392 RSC 1988 p 550 3 Comm reacutevision 12 juin 2006 ndeg 05 REV 071 Bull crim 2006 Comm reacutevision ndeg 1 4 V en ce sens R MERLE et A VITU op cit p 1031 5 Casscrim 22 janvier 1898 op cit

89

erreur de fait raquo1 Madame le Professeur LAZERGES et Monsieur VIOUT pour qui laquo il ne

saurait y avoir de degreacute dans la correction et la reacuteparation des erreurs judiciaires raquo2 ont donc

proposeacute drsquoeacutetendre la reacutevision aux contraventions de cinquiegraveme classe voire agrave toutes les

cateacutegories de contraventions A propos de lrsquoouverture de la reacutevision agrave la matiegravere

contraventionnelle Monsieur Claude MATHON a craint pour sa part que laquo la pugnaciteacute des

requeacuterants [soit] telle en matiegravere de contraventions que la juridiction de reacutevision qui doit

deacutejagrave reacutepondre aux demandes en reacutevision en matiegravere drsquourbanisme et drsquoexcegraves de vitesse

deacutelictuel [soit] probablement noyeacutee par lrsquoafflux de demandes raquo3

198 En ce qui nous concerne il faudrait soit maintenir lrsquoexclusion des contraventions

soit les admettre toutes sans distinction de degreacute agrave lrsquoeacutelection du pourvoi en reacutevision En effet

en se reacutefeacuterant agrave Madame le Professeur LAZERGES qui suggegravere que lrsquoadage laquo de minimis non

curat praetor raquo nrsquoa pas vocation agrave srsquoappliquer la logique voudrait que le recours concerne

toutes les contraventions sans distinction aucune car elles forment un tout indivisible Mais

en raison de lrsquoappeacutetit des consommateurs de droit nous craignons comme Monsieur Claude

MATHON que les contraventions ne deviennent un puissant multiplicateur des demandes en

reacutevision Pour cette raison pratique il nous semble que la loi de 1989 avait fait preuve de

sagesse en les eacutecartant de la reacutevision

199 Une deacutecision peacutenale deacutefinitive deacuteclarative de culpabiliteacute portant sur un crime ou

un deacutelit qui drsquoapregraves le justiciable eacutetait entacheacutee drsquoune erreur de fait ne pouvait suffire agrave la

mise en œuvre de la reacutevision Il ne srsquoagissait que de conditions preacutealables Il eacutetait

indispensable que les faits viseacutes dans la requecircte correspondent agrave lrsquoun des cas drsquoouverture

limitativement4 preacutevus par le Code de proceacutedure peacutenale

1 Rapport drsquoinformation op cit p 73 En 1990 Monsieur GENDREL remarquait deacutejagrave laquo Notre regret est tregraves vif que le parlement nrsquoait pas profiteacute de la reacuteforme pour eacutelargir la possibiliteacute de pourvoi en reacutevision aux condamnations prononceacutees pour contraventions de police de la 5eme classe Malgreacute une jurisprudence connue et une doctrine trop timide aucune voix ndashfut-elle deacutefavorable- ne srsquoest mecircme fait entendre agrave cet eacutegard devant les assembleacutees [hellip] Deacuteplorons donc sans doute avec drsquoautres que lrsquoeacutelargissement reacutealiseacute en 1867 au profit des condamnations deacutelictuelles nrsquoait pas trouveacute en 1989 sa logique prolongation par une nouvelle assimilation du reacutegime des contraventions de la 5eme classe agrave celui des deacutelits correctionnels raquo op cit ndeg15 2 Rapport drsquoinformation op cit p 74 3 Ibid 4 Toute demande ne correspondant pas agrave lun de ces cas eacutetait deacuteclareacutee irrecevable V en ce sens Cass crim 1er aoucirct 1901 S 1904 1 p 159 Comm reacutevision 16 deacutec 2002 ndeg 01-99154 Bull crim 2002 Comm reacutevision ndeg 2 Comm reacutevision 19 mars 2007 ndeg 05 REV 084 Bull crim 2007 Comm reacutevision ndeg 1

90

Section 2 Les cas drsquoouverture du pourvoi en reacutevision

200 Lancien article 622 du Code de proceacutedure peacutenale dressait une liste de quatre cas

dans lesquels la reacutevision pouvait ecirctre demandeacutee Les trois premiers cas sont les plus anciens et

teacutemoignent de lrsquoeacutevolution historique du droit de la reacutevision Deacutejagrave preacutevus par le Code

drsquoinstruction criminelle de 1808 ils ont traverseacute les siegravecles sans reacuteelles modifications Pour

chacun drsquoentre eux il existait des conditions bien preacutecises Cest ainsi qursquoils eacutetaient qualifieacutes

de cas deacutetermineacutes douverture agrave reacutevision par opposition au quatriegraveme cas qualifieacute de cas

indeacutetermineacute1 et qui visait des situations plus diverses

201 Le regroupement des trois premiers cas drsquoouverture permettra de les eacutetudier dans

leur globaliteacute (sect1) Le cas indeacutetermineacute (le quatriegraveme cas) fera lrsquoobjet drsquoun examen particulier

en raison des nombreuses requecirctes qursquoil a engendreacutees (sect2)

sect 1 Les cas deacutetermineacutes drsquoouverture agrave reacutevision

202 Les trois hypothegraveses preacutevues par lrsquoancien article 622 du Code de proceacutedure

peacutenale seront successivement examineacutees Elles concernaient la production drsquoune preuve de

vie de la victime en cas de condamnation pour homicide (A) lrsquoincompatibiliteacute deacutecisionnelle

(B) et le cas du faux teacutemoignage (C)

A La preuve de vie

203 Lrsquoancien article 622-1deg du Code de proceacutedure peacutenale visait lrsquohypothegravese ougrave

laquo apregraves une condamnation pour homicide [eacutetaient] repreacutesenteacutees des piegraveces propres agrave faire

naicirctre de suffisants indices sur lrsquoexistence de la preacutetendue victime de lrsquohomicide raquo Il se deacuteduit

de lrsquoexigence de la consommation de lrsquoinfraction qursquoil fallait exclure de la possibiliteacute drsquoun

recours une condamnation pour tentative drsquohomicide En effet dans ce cas la victime nrsquoest

pas deacuteceacutedeacutee du fait du crime2 En revanche agrave deacutefaut de preacutecisions mentionneacutees dans le texte

ce cas drsquoouverture pouvait ecirctre activeacute en preacutesence drsquoune infraction intentionnelle ou non

intentionnelle

1 H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 36 2 E DAURES op cit p 3 ndeg 24

91

204 La repreacutesentation de la victime en personne nrsquoeacutetait pas exigeacutee au moment de

lrsquointroduction du pourvoi en reacutevision1 Il srsquoagit lagrave de pure logique la victime supposeacutee ayant

pu disparaicirctre (deacutecegraves) pour drsquoautres motifs En revanche il eacutetait neacutecessaire de produire des

piegraveces justifiant la preacutesomption de vie de la victime preacutetendue apregraves la condamnation pour

homicide Ces eacuteleacutements devaient laisser apparaicirctre des laquo indices suffisants de nature agrave faire

admettre que le supposeacute deacutefunt se trouvait encore en vie au moment du prononceacute de la

condamnation2 raquo

205 Ce cas drsquoouverture speacutecifique aux laquo homicides sans cadavre raquo nrsquoa jamais eacuteteacute

utiliseacute Il semblerait qursquoune telle requecircte nrsquoaurait pu ecirctre deacuteclareacutee recevable qursquoen preacutesence de

faits laquo reacuteellement nouveaux raquo3 et dont la preuve eacutetait drsquoune laquo eacutevidente eacutevidence raquo4 Crsquoest

ainsi que la seule preuve acceptable aurait eacuteteacute la comparution de la preacutetendue victime

206 Prenons lrsquoexemple de deux affaires drsquohomicide sans cadavre lrsquoaffaire SEZNEC

et lrsquoaffaire TURQUIN qui soulegravevent ineacutevitablement la question de savoir si lrsquoancien article

622 1deg du Code de proceacutedure peacutenale eacutetait reacuteellement applicable Dans lrsquoaffaire SEZNEC des

teacutemoins avaient deacuteclareacute avoir aperccedilu le preacutetendu deacutefunt encore en vie apregraves srsquoecirctre seacutepareacute de

SEZNEC Toutefois les juges nrsquoont pas entendu les teacutemoins estimant qursquoil srsquoagissait drsquoune

confusion5 Lrsquoaffaire TURQUIN concerne la condamnation drsquoun veacuteteacuterinaire niccedilois pour le

meurtre de son fils dont le cadavre nrsquoa jamais eacuteteacute retrouveacute La reacutevision a eacuteteacute demandeacutee car

certains teacutemoignages laissaient penser que lrsquoenfant aurait eacuteteacute cacheacute en Israeumll par sa megravere Pour

les juges cette requecircte ne se fondait sur aucun eacuteleacutement seacuterieux Dans ces deux cas nrsquoy avait-

il pourtant pas des laquo piegraveces propres agrave faire naicirctre de suffisants indices sur lrsquoexistence de la

preacutetendue victime de lrsquohomicide raquo

207 Le texte visait ensuite le cas drsquoouverture agrave reacutevision relatif agrave une incompatibiliteacute

deacutecisionnelle

B Lrsquoincompatibiliteacute deacutecisionnelle

208 Lrsquoancien article 622-2deg du Code de proceacutedure peacutenale concernait lrsquohypothegravese ougrave

laquo apregraves une condamnation pour crime ou deacutelit un nouvel arrecirct ou jugement [avait]

1 V R GARRAUD op cit ndeg 2018 F HELIE op cit ndeg 1008 2 E DAURES op cit p 3 ndeg 24 3 E de VALICOURT op cit p 184 4 Ibid 5 D LANGLOIS Pour en finir avec lrsquoaffaire SEZNEC op cit p 12

92

condamneacute pour le mecircme fait un autre accuseacute ou preacutevenu et que les deux condamnations ne

pouvant se concilier leur contradiction [eacutetait] la preuve de lrsquoinnocence de lrsquoun ou de lrsquoautre

condamneacute raquo Il srsquoagissait du cas ougrave en preacutesence drsquoune mecircme infraction deux deacuteclarations de

culpabiliteacute diffeacuterentes revecirctues de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee avaient eacuteteacute prononceacutees agrave

lrsquoencontre de deux individus

209 Ce cas drsquoouverture ne srsquoappliquait que dans les rares cas1 ougrave deux condamnations

inconciliables reacutepondaient agrave trois caracteacuteristiques cumulatives Premiegraverement deux

condamnations distinctes2 devaient avoir eacuteteacute prononceacutees Deuxiegravemement lrsquoidentiteacute de fait

eacutetait obligatoire malgreacute de possibles qualifications peacutenales diffeacuterentes3 Toute la difficulteacute

consistait agrave laquo rapporter la preuve incontestable que deux condamnations [avaient] eacuteteacute rendues

pour les mecircmes faits et que les dits faits [nrsquoavaient] eacuteteacute ou [nrsquoavaient] pu ecirctre commis que

par une seule personne alors mecircme que deux personnes [avaient] eacuteteacute condamneacutees raquo4 En

drsquoautres termes il fallait deacutemontrer que lrsquoun drsquoeux eacutetait innocent en raison de la culpabiliteacute

de lrsquoautre5 Troisiegravemement pour ecirctre inconciliables laquo lrsquoabsence de lien de parenteacute raquo6 entre les

deacutecisions eacutetait requise eacutecartant de fait toute coopeacuteration ou concert frauduleux entre les

preacutevenus

210 Lrsquoarticle 622 envisageait ensuite lrsquohypothegravese du faux teacutemoignage

C Le faux teacutemoignage

211 Lrsquoancien article 622 ndash 3deg du Code de proceacutedure peacutenale faisait droit agrave la reacutevision

lorsqursquo laquo un des teacutemoins entendus [avait] eacuteteacute posteacuterieurement agrave la condamnation poursuivi

et condamneacute pour faux teacutemoignage contre lrsquoaccuseacute ou le preacutevenu le teacutemoin ainsi condamneacute

ne [pouvait] pas ecirctre entendu dans les nouveaux deacutebats raquo La reacutealiteacute drsquoun faux teacutemoignage7

1 Cinq annulations sans renvoi toutes relatives agrave la matiegravere correctionnelle ont eacuteteacute prononceacutees par la Cour de reacutevision sur ce fondement 2 En cas de deacuteclarations de culpabiliteacute contradictoires contenues dans un seul jugement il srsquoagissait drsquoune erreur de droit et non drsquoune erreur de fait 3 Cass crim 21 juill 1906 Bull crim 1906 ndeg 297 Cass crim 4 feacutevr 1911 Bull crim 1911 ndeg 84 Cass crim 25 juill 1936 S 1936 1 p 316 Casscrim 24 deacutecembre 1923 Bull crim ndeg 446 Casscrim 8 feacutevrier 1989 Bull crim ndeg 62 4 E de VALICOURT op cit p 189 5 B BOULOC op cit p 941 ndeg 962 H ANGEVIN op cit ndeg 49 6 Expression emprunteacutee agrave E de VALICOURT 7 Lrsquoarticle 434 ndash 13 du CP dispose laquo Le teacutemoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exeacutecution dune commission rogatoire est puni de cinq ans demprisonnement et de 75 000 euros damende Toutefois le faux teacutemoin est exempt de peine sil a reacutetracteacute spontaneacutement son teacutemoignage avant la deacutecision mettant fin agrave la proceacutedure rendue par la juridiction dinstruction ou par la juridiction de jugement raquo

93

auquel la jurisprudence assimile la subornation de teacutemoin1 eacutetait une condition preacutealable2 Ce

cas drsquoouverture ne srsquoappliquait donc pas lorsque les poursuites engageacutees pour faux

teacutemoignage avaient deacuteboucheacute sur une deacutecision de relaxe3 La condamnation pour faux

teacutemoignage devait ecirctre posteacuterieure agrave la deacutecision de justice contesteacutee et revecirctir lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee Il appartenait au juge de rechercher si le faux teacutemoignage avait vraiment

influenceacute la deacutecision de condamnation et eacutetait de laquo nature agrave vicier lrsquoensemble des charges

retenues par la preacutevention raquo4

212 Toutefois il est assez difficile drsquoobtenir une condamnation pour faux teacutemoignage

infraction qui reacuteclame la preuve de la deacutemonstration des propos tenus devant la juridiction de

jugement et de la connaissance par celui qui les a tenus du caractegravere inexact des deacuteclarations

Apparaissait donc une difficulteacute lieacutee aux eacuteleacutements constitutifs de lrsquoinfraction et plus

particuliegraverement agrave la preuve de lrsquointention coupable ce qui limitait consideacuterablement

lrsquoefficaciteacute de ce cas de reacutevision De plus la victime du faux (le condamneacute) devait intenter

son action dans le deacutelai de prescription imparti aux deacutelits Srsquoil soupccedilonnait un teacutemoin agrave charge

de faux teacutemoignage il devait engager les poursuites dans un deacutelai de 3 ans

213 Il nous semble que ces trois cas drsquoouverture eacutetaient finaliseacutes bien que le texte ne

le preacutecise pas degraves lors que les magistrats eacutetaient convaincus de lrsquoinnocence du demandeur

Pour ce qui est du premier cas il semblerait que seule la comparution de la victime supposeacutee

deacuteceacutedeacutee eacutetait de nature agrave convaincre les juges Pour le second le caractegravere inconciliable devait

eacutetablir de maniegravere manifeste lrsquoinnocence Srsquoagissant du troisiegraveme cas la condamnation pour

faux teacutemoignage devait conduire directement agrave la reconnaissance de lrsquoinnocence de la victime

du mensonge

214 A ces trois cas drsquoouverture deacutetermineacutes srsquoajoutait un cas drsquoouverture indeacutetermineacute

preacutevu par lrsquoancien article 622- 4 du Code de proceacutedure peacutenale

1 Casscrim 17 mars 1965 ndeg 64-92945 2 Sur la neacutecessiteacute drsquoune condamnation V Cass crim 26 janv 1994 ndeg 91-81552 Bull crim 1994 ndeg 37 Cass ch reacuteunies 15 mars 1900 Bull crim 1900 ndeg 117 S 1902 1 p 476 Sur lrsquoindiffeacuterence du prononceacute drsquoune peine agrave lrsquoeacutegard du teacutemoin menteur V Cass crim 2 mars 1934 Bull crim 1934 ndeg 51 3 Cass crim 26 janvier 1994 Bull crim ndeg 37 4 E DAURES op cit p 4 ndeg 39 Ce cas drsquoouverture a donneacute lieu en 1999 agrave la reacutevision partielle de la condamnation drsquoun homme pour le viol de sa belle-fille et pour un attentat agrave la pudeur commis agrave lrsquoencontre drsquoune amie de cette derniegravere Celle-ci ayant eacuteteacute condamneacutee pour faux teacutemoignage la condamnation relative agrave lrsquoattentat agrave la pudeur nrsquoeacutetait plus justifieacutee En revanche la Cour de reacutevision a consideacutereacute que le faux teacutemoignage nrsquoavait pas eu drsquoinfluence sur la condamnation pour viol et que celle-ci devait degraves lors ecirctre maintenue V Deacutecision de la Cour de reacutevision 14 avril 1999 ndeg 98-87055

94

sect 2 Le cas indeacutetermineacute drsquoouverture agrave reacutevision

215 Le quatriegraveme cas de reacutevision eacutetait preacutevu par lrsquoancien article 622- 4deg du Code de

proceacutedure peacutenale lorsque laquo apregraves une condamnation [venait] agrave se produire ou agrave se reacuteveacuteler

un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de nature agrave faire

naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute raquo Ce cas drsquoouverture eacutetait le plus

freacutequemment invoqueacute

216 Cette disposition modifieacutee en profondeur par la loi du 23 juin 1989 se voulait

dans sa conception plus libeacuterale que le Code drsquoinstruction criminelle qui nrsquoadmettait la

reacutevision qursquoen cas de fait nouveau ou piegravece inconnue de nature agrave eacutetablir lrsquoinnocence du

condamneacute (A) Toutefois toute loi se forge sur lrsquoenclume de la pratique et de son

interpreacutetation jurisprudentielle En lrsquoespegravece laquo non seulement la volonteacute du leacutegislateur

[nrsquoavait] pas eacuteteacute respecteacute mais pire le texte [nrsquoeacutetait] pas appliqueacute raquo1 En effet lrsquoeacutepeacutee de

Damoclegraves de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee incitait les juges agrave interpreacuteter le texte de maniegravere

plutocirct restrictive srsquoattaquant ainsi aux ambitions du leacutegislateur de 1989 (B)

A Lrsquoassouplissement leacutegislatif de 1989

217 La compreacutehension de lrsquoassouplissement de ce cas drsquoouverture ne peut ecirctre perccedilue

qursquoen confrontant la rigiditeacute textuelle du Code drsquoinstruction criminelle (1) agrave la modification

du texte par la loi du 23 juin 1989 (2)

1 La rigiditeacute textuelle du Code drsquoinstruction criminelle

218 La loi du 8 juin 1895 a reconnu explicitement le laquo fait nouveau raquo en ajoutant un

quatriegraveme alineacutea agrave lrsquoarticle 443 du Code drsquoinstruction criminelle Cet article disposait alors

que laquo la reacutevision pourra[it] ecirctre demandeacutee lorsque apregraves une condamnation un fait

nouveau viendra[it] agrave se produire ou agrave se reacuteveacuteler ou lorsque des piegraveces inconnues lors des

deacutebats [seraient] repreacutesenteacutees de nature agrave eacutetablir lrsquoinnocence du condamneacute raquo

219 Aussi la preacutesomption de veacuteriteacute se rattachant aux deacutecisions deacutefinitives ne pouvait-

elle ecirctre contesteacutee que par la preuve de lrsquoinnocence du condamneacute2 Lrsquoeacuteleacutement deacuteclencheur de

la prise en consideacuteration de lrsquoinnocence eacutetait soit un fait nouveau soit une piegravece inconnue lors

des deacutebats La datation de lrsquoexistence du fait ou de la piegravece pouvait ecirctre anteacuterieure agrave la 1 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame V ROSANO op cit p 273 2 Cass crim 20 feacutevrier 1896 S I 1899 p 425

95

deacutecision de condamnation tout en eacutetant reacuteveacuteleacutee posteacuterieurement agrave celle-ci Les commentateurs

de lrsquoarticle 443 ndash 4 du Code drsquoinstruction criminelle deacutecrivaient cette formule comme laquo assez

extensive pour comprendre toutes les hypothegraveses drsquoerreur assez restrictive pour nrsquoautoriser la

reacutevision que quand elle est commandeacutee par la certitude de lrsquoerreur raquo1 Or la preuve de la

certitude de lrsquoinnocence paraissait difficile agrave eacutetablir2 Une jurisprudence audacieuse qui a

obtenu ses lettres de noblesses agrave lrsquooccasion de lrsquoaffaire DREYFUS a permis de laquo douter du

fait3 raquo

220 La loi de 1989 prenant acte de ce glissement jurisprudentiel a deacuteplaceacute dans la

loi lrsquoexigence de la certitude de lrsquoinnocence vers celle du doute sur la culpabiliteacute

2 La modification du Code drsquoinstruction criminelle par la loi de 1989

221 Lrsquoancien article 622 ndash 4 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecisait que laquo la reacutevision

[pouvait] ecirctre demandeacutee lorsque apregraves une condamnation [venait] agrave se produire ou agrave se

reacuteveacuteler un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de nature agrave

faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute raquo

222 Cette nouvelle mouture qui eacutelargit les conditions drsquoouverture de la reacutevision est

plus libeacuterale que lrsquoancien texte sur deux points lrsquoadjonction au laquo fait nouveau raquo de

lrsquolaquo eacuteleacutement inconnu raquo (qui impliquait de fait la disparition du terme laquo piegravece raquo) (a) et le

remplacement de la notion drsquoinnocence par celle de doute sur la culpabiliteacute (b) Ce dernier

point a toujours susciteacute la curiositeacute des commentateurs qui pendant longtemps estimaient que

la porteacutee de la loi de 1989 se limitait au seul aspect de lrsquoabandon de laquo lrsquoinnocence raquo au profit

du laquo doute sur la culpabiliteacute raquo A lrsquoinverse le remplacement du mot laquo piegravece raquo par laquo lrsquoeacuteleacutement

inconnu raquo nrsquoeacutetait que tregraves peu eacuteteacute commenteacute

223 Les deux modifications intervenues en 1989 ne peuvent pourtant pas ecirctre

dissocieacutees lrsquoune de lrsquoautre et font partie drsquoun mecircme raisonnement En effet les juges devaient

se pencher sur les questions suivantes Premiegraverement le fait ou lrsquoeacuteleacutement est-il reacuteellement

nouveau ou inconnu4 Deuxiegravemement si oui est-il de nature agrave faire naicirctre un doute sur la

culpabiliteacute5

1 E de VALICOURT op cit p 199 2 Ibid p 199 3 F DEFFERRARD laquo Le doute le suspect et lrsquoinnocence raquo op cit p 2227 4 Appreacuteciation objective 5 Appreacuteciation subjective

96

a Lrsquoadjonction au laquo fait nouveau raquo de lrsquo laquo eacuteleacutement inconnu raquo

224 La jurisprudence ne distinguait pas toujours nettement lrsquoeacuteleacutement inconnu du fait

nouveau1 De son cocircteacute la doctrine eacutetait encline agrave les amalgamer2 Pourtant lrsquoeacuteleacutement

inconnu en 1989 est venu srsquoajouter au fait nouveau creacuteant ainsi un nouvel espace pour le

juge Le terme laquo piegraveces raquo en vigueur jusqursquoen 1989 a eacuteteacute abandonneacute

225 Avant 1989 le juge devait choisir entre laquo un fait [qui] viendra agrave se produire ou agrave

se reacuteveacuteler raquo et laquo des piegraveces inconnues lors des deacutebats raquo A partir de 1989 son choix devait

porter soit sur laquo un fait nouveau raquo soit sur laquo un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du

procegraves raquo Le laquo fait nouveau raquo a eacuteteacute conserveacute en lrsquoeacutetat alors que la laquo piegravece inconnue raquo a eacuteteacute

modifieacutee pour devenir laquo lrsquoeacuteleacutement inconnu raquo Pourquoi le leacutegislateur en 1989 parlait-il drsquoun

eacuteleacutement inconnu Peut-il ecirctre assimileacute agrave un fait Lrsquoadjectif laquo nouveau raquo recouvre-t-il la

mecircme signification qursquo laquo inconnu raquo

226 Un fait est un eacutevegravenement qui surgit et modifie le caractegravere drsquoune situation

initiale un teacutemoignage une expertise une reconstitution priveacutee la deacutecouverte drsquoun nouvel

eacuteleacutement factuel comme une arme une lettrehellip Un eacuteleacutement est une information utile agrave la

compreacutehension drsquoune situation Il nrsquoexistait donc pas de redondance terminologique entre le

fait et lrsquoeacuteleacutement La deacutefinition de laquo lrsquoeacuteleacutement raquo est plus eacutetendue3 que celle du laquo fait raquo et a

fortiori que celle de la laquo piegravece raquo De plus le fait et lrsquoeacuteleacutement nrsquoavaient pas le mecircme objet La

conjonction ou deacutelimitait deux terrains diffeacuterents (un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu)

Monsieur MATHON explique qursquo laquo un fait est quantifiable mesurable preacutecis Il se constate

et sappreacutehende objectivement Un eacuteleacutement induit une notion plus large et subjective moins

preacutecise une partie dun ensemble Cest pourquoi en visant un eacuteleacutement le leacutegislateur a

incontestablement voulu eacutetendre le champ de la reacutevision faire en sorte que sil y a un doute

mecircme sur un simple eacuteleacutement il y ait reacutevision lrsquoappreacuteciation du doute eacutetant elle-mecircme

1 Certaines deacutecisions ne se reacutefegraverent qursquoau laquo fait nouveau raquo V Cass crim 24 juin 2009 ndeg 08-86070 Cass crim 15 mai 2013 ndeg 12-84818 Drsquoautres deacutecisions eacutevoquent laquo lrsquoeacuteleacutement nouveau ou inconnu raquo sans le distinguer nettement du laquo fait raquo V Cass crim 25 nov 1991 Bull crim ndeg 434 Cass crim 16 mars 1993 Bull crim ndeg 116 2 Lorsque la doctrine traite du quatriegraveme cas drsquoouverture elle inclut geacuteneacuteralement les deacuteveloppements relatifs agrave l laquo eacuteleacutement inconnu raquo dans ceux concernant le laquo fait nouveau raquo Voir notamment H ANGEVIN Demandes en reacutevision op cit ndeg 69 et s E DAURES op cit ndeg 44 et s 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de B COTTE op cit p 199 laquo Le mot eacuteleacutement se veut agrave dessein tregraves large en tout cas plus large que le mot fait et il ne srsquoimpose donc pas agrave mon sens que le fait nouveau absorbe lrsquoeacuteleacutement inconnu Et il me parait devoir en ecirctre de mecircme de lrsquoinverse raquo

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eacuteminemment subjective raquo1 Ces consideacuterations terminologiques impliquent que le fait ne soit

pas assimileacute agrave lrsquoeacuteleacutement

227 Le quatriegraveme cas drsquoouverture se divisait donc en deux reacutealiteacutes mateacuterielles

distinctes un fait nouveau qui se produit ou un eacuteleacutement inconnu qui se reacutevegravele Toutefois

elles avaient pour condition commune de devoir laquo faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du

condamneacute raquo comme en teacutemoignait selon Monsieur Bruno COTTE lrsquoemplacement de la

virgule apregraves le mot procegraves Srsquoagissant du fait il devait ecirctre nouveau signifiant ainsi agrave

deacutefaut drsquoautres preacutecisions qursquoil eacutetait posteacuterieur agrave la condamnation contesteacutee En revanche

lrsquoeacuteleacutement devait avoir eacuteteacute inconnu de la juridiction au jour du procegraves (le mot inconnu est

employeacute au singulier) Une seule reacuteveacutelation pouvait donc suffire Contrairement au fait seul

lrsquoeacuteleacutement pouvait exister voire preacuteexister au moment du premier procegraves Lrsquoeacuteleacutement

preacutesentait donc de nombreux avantages Son champ drsquoapplication est plus large par rapport agrave

celui du fait et sa nouveauteacute nrsquoest pas exigeacutee Monsieur MATHON en deacuteduisait mecircme que

laquo leacuteleacutement a pris la place du fait [hellip] ce qui devrait donc assouplir consideacuterablement les

conditions dadmission de la reacutevision raquo Lrsquoambition afficheacutee par ce changement

terminologique engageacute par la loi de 1989 eacutetait drsquoeacutelargir les possibiliteacutes drsquoadmission des

demandes en reacutevision

228 Ensuite en preacutesence drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu aveacutereacute il

convenait pour le juge de deacuteterminer si ce fait ou cet eacuteleacutement faisait naicirctre un doute sur la

culpabiliteacute du demandeur

b Le remplacement de lrsquoinnocence par le doute sur la culpabiliteacute

229 La justice peacutenale qui a pour fonction de deacutemecircler le vrai du faux doit savoir faire

une place au doute propre agrave toute penseacutee humaine et le surmonter2 laquo La justice crsquoest le

doute sur le droit qui sauve le droit raquo3 Le doute est preacutesent du deacutebut de la proceacutedure jusqursquoagrave

sa fin ultime lors de la reacutevision du procegraves4 En matiegravere de reacutevision le doute sur la culpabiliteacute

1 C MATHON op cit p8 2 Lrsquoarticle 4 du Code civil dispose laquo Le juge qui refusera de juger sous preacutetexte du silence de lobscuriteacute ou de linsuffisance de la loi pourra ecirctre poursuivi comme coupable de deacuteni de justice raquo G CORNU Rapport de synthegravese in La veacuteriteacute et le droit Actes des confeacuterences Journeacutees canadiennes agrave Montreacuteal 1987 eacuteditions Association Henri Capitant Economica 1989 p 6 et 7 laquo (hellip) dans lrsquoobligation ougrave il est de statuer le juge nrsquoest pas en droit de suspendre sa deacutecision jusqursquoagrave ce qursquoil accegravede agrave une certitude parfaite reacuteduit agrave se prononcer en faveur de la meilleure preuve raquo 3 ALAIN Propos sur le bonheur Gallimard Folio essais 2004 4 Au stade policier de la proceacutedure lrsquoOPJ ou le procureur de la Reacutepublique peut deacutejagrave douter entre deux qualiteacutes celle de suspect ou drsquoinnocent Il doute ainsi de son soupccedilon Au stade de lrsquoinformation judiciaire srsquoil en existe

98

neacute drsquoun eacuteleacutement inconnu ou drsquoun fait nouveau est salvateur Il doit profiter au condamneacute

deacutefinitif de la mecircme maniegravere qursquoil profite agrave lrsquoaccuseacute selon la regravegle in dubio pro reo consacreacutee

par lrsquoarticle 304 du Code de proceacutedure peacutenale

230 Le doute de la loi de 1989 (eacutevoqueacute dans ce deacuteveloppement) est celui que la Cour

de reacutevision devait jauger La proceacutedure de reacutevision eacutetait biceacutephale (commission de reacutevision ndash

Cour de reacutevision) La commission laquo avant de prendre la deacutecision de transmettre ou de ne pas

transmettre le dossier agrave la cour ne se [bornait] pas agrave veacuterifier la nouveauteacute et la reacutealiteacute du fait

ou de lrsquoeacuteleacutement invoqueacute mais elle [recherchait] quelle [avait] pu ecirctre son influence au regard

des eacuteleacutements existant au dossier qui avaient fondeacute la deacuteclaration de culpabiliteacute1 raquo Pour

lrsquoheure le doute sera eacutetudieacute par rapport agrave la Cour de reacutevision seule agrave pouvoir prononcer

lrsquoannulation de la condamnation

231 Le doute constitue la laquo pierre angulaire de la proceacutedure de reacutevision raquo2 Pas de

doute pas de reacutevision Crsquoest pourquoi le sens et le degreacute accordeacutes au doute sont des facteurs

deacuteterminants quant agrave lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision Le doute est lrsquoeacutetat de quelqursquoun

qui ne sait que croire qui heacutesite agrave prendre parti Crsquoest une notion subjective ineacutepuisable tant il

est difficile de deacutefinir agrave partir de quel moment nous nourrissons une certitude agrave propos drsquoun

fait ou drsquoune chose et agrave partir duquel le doute srsquoinstallera3 La perception du doute varie selon

chacun des ecirctres humains chacun placeacute dans son contexte eacuteducatif social politiquehellip

Appliqueacute au magistrat le doute est laquo cet eacutebranlement de la conscience reacutesultant de la

mobilisation de son intelligence des ecirctres et des choses que lui a reacuteveacuteleacute la proceacutedure engageacutee agrave

lrsquoencontre drsquoun individu en posture de deacuteni et qui ne lui a pas procureacute lrsquoabsolue certitude lui

permettant de demander ou de prononcer une condamnation raquo4

232 Le leacutegislateur dans lrsquoancien article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoa pas

qualifieacute le doute se gardant bien de fournir des indications aux juges quant au degreacute

drsquointensiteacute du doute qursquoexigeait la reacutevision Ce silence a donneacute lieu agrave de nombreuses

une le juge peut heacutesiter pareillement Le propre du juge drsquoinstruction est de douter en jugeant agrave charge et agrave deacutecharge Au stade du jugement une interrogation de mecircme nature peut surgir dans la recherche de lrsquointime conviction (qursquoil srsquoagisse ou non drsquoun juge professionnel) Pour reprendre lrsquoexpression de Pierre TRUCHE il y aurait dans toute deacutecision un tiers de doute et deux tiers de probabiliteacute Citeacute par J-P ANCEL La reacutedaction de la deacutecision de justice en France Revue internationale de droit compareacute 1998 volume 50 ndeg 3 p 841 1 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame M ANZANI p 263 Sur le questionnement de la commission sur le doute V infra ndeg 320 agrave 327 2 Ibid 3 V G CORNU La veacuteriteacute et le droit in Lrsquoart du droit en quecircte de sagesse PUF coll Doctrine juridique 1998 p 211 et s 4 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-O VIOUT op cit p 241

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interrogations Drsquoaucuns preacutetendaient que le laquo simple doute [devait] justifier la reacutevision du

procegraves raquo1 Nous pensons que lrsquoancien article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale eacutetait moins

permissif afin de ne pas alteacuterer lrsquoesprit de la proceacutedure de reacutevision En effet le doute peut

srsquoinstaller partout Il est le propre de la nature humaine voire de la sagesse La matiegravere

juridique reste un terrain propice au doute et au questionnement Le doute fait partie du

cheminement intellectuel de celui qui refusera de se deacutecider laquo pour de faibles raisons raquo2 et a

fortiori pour le juge qui recherche la veacuteriteacute3 Reacuteduit agrave son plus faible degreacute lrsquouniversaliteacute du

doute aurait pour conseacutequence de deacutenaturer le pourvoi en reacutevision en lui enlevant ainsi son

caractegravere exceptionnel Les partisans de la theacuteorie du simple doute sont aux prises agrave une

confusion entre le doute judiciaire et des consideacuterations meacutetaphysiques ou philosophiques De

plus il parait logique que lrsquointensiteacute du doute exigeacute en matiegravere de reacutevision soit pour le moins

la mecircme que pour le doute favorable agrave lrsquoaccuseacute En effet il srsquoagit de deux doutes profitables

qui se diffeacuterencient uniquement par rapport au moment de leur apparition sur la scegravene

judiciaire

233 Or le doute profitable agrave lrsquoaccuseacute deacutepasse les frontiegraveres du doute leacuteger Une prise

en compte de lrsquoensemble des doutes leacutegers qui srsquoinsinuent reacuteguliegraverement au niveau des centres

deacutecisionnels aurait pour conseacutequence de paralyser le systegraveme Crsquoest pourquoi le doute

profitable agrave lrsquoaccuseacute doit ecirctre encadreacute et reacutepondre agrave plusieurs conditions Madame

NAGOUAS-GUERIN deacutemontre dans sa thegravese que le doute profitable au sens de laquo in dubio

pro reo raquo repose sur deux conditions le caractegravere insurmontable4 et le caractegravere rationnel La

rationaliteacute du doute profitable agrave lrsquoaccuseacute permet drsquoexpliquer que le doute viseacute par lrsquoancien

article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetait pas un blanc-seing agrave la prise en compte de

toutes les formes de doute

234 Srsquoagissant du caractegravere rationnel du doute de laquo in dubio pro reo raquo la chambre

criminelle casse reacuteguliegraverement pour insuffisance de motifs entacheacutes de contradiction les

arrecircts de relaxe au beacuteneacutefice du doute qui se bornent agrave eacutenoncer lrsquoexistence drsquoun doute sans

aucune justification alors que par ailleurs ils eacutenumegraverent de lourdes charges de culpabiliteacute

tireacutees drsquoeacuteleacutements de preuve apparemment deacutecisifs5 Encore faut-il que le juge ne se contredise

1 Ibid Contribution de S NOACHOVITCH p 193 2 R DESCARTES Discours de la meacutethode 1637 Gallimard 1991 p 94 3 J-B BREDIN Le doute et lrsquointime conviction Droits 1996 ndeg 23 La preuve p 21 4 Le caractegravere insurmontable implique qursquoun doute ne soit favorable agrave la personne poursuivie qursquoagrave la condition que toutes les investigations utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute aient eacuteteacute effectueacutees 5 V par exemple Cass crim 22 juin 1960 Bull crim ndeg 339 p 684 Cass crim 17 mai 1939 Bull crim ndeg115 p 209

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pas tel serait le cas si apregraves avoir eacutenumeacutereacute des eacuteleacutements apparemment deacutecisifs ou des

charges tregraves lourdes de culpabiliteacute il relaxait sur le fondement drsquoun tregraves leacuteger doute1 Le

doute favorable doit ecirctre fondeacute sur une appreacuteciation rationnelle des moyens de preuve Sont

ainsi insuffisants les motifs de certains arrecircts de relaxe indiquant que laquo srsquoil existe agrave lrsquoencontre

du preacutevenu des charges tregraves lourdes de culpabiliteacute releveacutees par le tribunal il subsiste

neacuteanmoins en sa faveur un tregraves leacuteger doute qui doit lui profiter 2 raquo Seule la rationaliteacute du

doute peut valablement fonder une relaxe peu importe drsquoailleurs que celui-ci soit exprimeacute

sous la forme drsquoun doute leacuteger ou seacuterieux du moment qursquoil est rationnel La rationaliteacute

srsquoentend comme lrsquoadheacutesion que le doute peut emporter au sein drsquoun auditoire Degraves lors

admettre que nrsquoimporte quel doute puisse deacuteboucher sur une reacutevision valoriserait des doutes

irrationnels Il serait paradoxal de valider pour le condamneacute deacutefinitif un doute drsquoun degreacute

infeacuterieur agrave celui reacuteclameacute agrave lrsquoeacutegard de lrsquoaccuseacute

235 Crsquoest pourquoi nous nous rallions agrave lrsquoopinion de Monsieur Jean-Luc

MOIGNARD conseiller agrave la Cour de cassation qui parle pour la reacutevision de laquo doute

raisonneacute raquo3 dans le sens drsquoune laquo impression raisonneacutee qursquoont produit les eacuteleacutements de preuve

contradictoirement deacutebattus raquo Ce raisonnement rejoint ainsi le doute rationnel eacutevoqueacute par

Madame NAGOUAS-GUERIN Monsieur Bruno COTTE deacuteclare laquo pardonnez-moi mais

quand on doute on doute et lrsquoon en tire les conseacutequences a fortiori lorsque lrsquoon est juge et si

lrsquoon ne doute pas crsquoest que lrsquoon est certain4 raquo En drsquoautres termes il ne peut exister une

eacutechelle du doute pour reacuteviser agrave lrsquoinstar de lrsquoeacutechelle de la douleur dans le domaine meacutedical

236 Selon cette vision du doute la juridiction de reacutevision eacutetait tenue par la loi de 1989

drsquoappreacutecier les faits in concreto pour deacuteterminer si les eacuteleacutements nouveaux eacutetaient

suffisamment solides et de nature agrave instaurer un doute rationnel quant agrave la culpabiliteacute du

demandeur

237 En 1989 le basculement de lrsquoinnocence vers le doute aurait donc ducirc sensiblement

faciliter lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision Le chemin qui a conduit de la certitude de

lrsquoinnocence vers le doute sur la culpabiliteacute traduisait au niveau des textes la manifestation

drsquoun glissement ontologique de lexigence probatoire En effet plutocirct que de placer la preuve

1 Cass crim 15 juin 1973 Bull ndeg 268 Cass crim 3 feacutevrier 1992 Bull crim ndeg 47 2 Cass crim 3 feacutevrier 1992 op cit 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de J-L MOIGNARD op cit p 221 4 Ibid Contribution de B COTTE op cit p 199

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sur le terrain de linnocence que le condamneacute devait reacutetablir avec certitude devant les juges de

la reacutevision il lui suffisait de mettre en doute sa culpabiliteacute au moyen du fait nouveau

238 Pourtant cet aspect libeacuteral de la loi de 1989 nrsquoa jamais pu veacuteritablement

srsquoaffirmer en raison du fort attachement des juges agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

B Lrsquoattachement de la jurisprudence agrave lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee

239 Les deux modifications introduites par la loi de 1989 nrsquoont pas reccedilu lrsquoaccueil

jurisprudentiel souhaiteacute Srsquoagissant du doute son degreacute drsquoacceptation avait eacuteteacute renforceacute par la

jurisprudence au-delagrave de la volonteacute du leacutegislateur (1) Le fait nouveau quant agrave lui precirctait le

flanc agrave une interpreacutetation discutable (2)

1 Lrsquoexigence drsquoun haut degreacute de doute

240 Tregraves attacheacutee agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee la jurisprudence ne se contentait pas

toujours drsquoun doute rationnel Pour Maicirctre Sylvie NOACHOVITCH la preuve de la certitude

de lrsquoinnocence eacutetait toujours drsquoactualiteacute dans lrsquoapplication de la loi de 19891 Selon nous cette

exigence de lrsquoinnocence se limitait aux cas deacutetermineacutes de reacutevision2 Concernant le cas

drsquoouverture indeacutetermineacute il srsquoagissait plutocirct de lrsquoexigence drsquoun doute seacuterieux La mention du

doute seacuterieux preacutevue dans la reacutedaction initiale de la proposition de loi de 1989 avait

pourtant eacuteteacute supprimeacutee par un amendement au Seacutenat3 A lrsquoeacutepoque le deacuteputeacute DREYFUS-

SCHMIDT avait œuvreacute efficacement pour lrsquoabandon du terme seacuterieux en deacuteclarant qursquo laquo il y a

doute ou il nrsquoy a pas doute Degraves lors qursquoil y a doute la reacutevision doit ecirctre possible (hellip) raquo4

241 Etaient pourtant annuleacutees les condamnations qui en raison drsquoun fait nouveau ou

drsquoun eacuteleacutement inconnu eacutetaient laquo de nature agrave faire naicirctre un doute seacuterieuxraquo5 sur la culpabiliteacute

du demandeur ou un doute laquo le plus seacuterieux6 raquo La jurisprudence consideacuterait qursquoil fallait

laquo pour justifier la reacutevision que le fait nouveau fasse naicirctre des doutes seacuterieux sur la culpabiliteacute

et deacutetruise la preacutesomption de certitude reacutesultant de la chose jugeacutee raquo7 Cette jurisprudence

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit Contribution de S NOACHOVITCH op cit 2 V supra ndeg 202 agrave 214 3 JO avr 1989 p 152 4 E DE VALICOURT op cit note ndeg 887 5 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 29 mars 1984 ndeg 83-94105 6 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 9 novembre 1955 Bull crim 1955 ndeg 474 7 Cass crim 9 feacutevr 1934 Bull ndeg 31

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restrictive maintenait laquo malgreacute la reacuteforme de 1989 qui se reacutefeacuterait au doute sur la culpabiliteacute

du condamneacute lrsquoexigence drsquoun doute seacuterieux raisonnable ou important raquo1

242 Faire reacutefeacuterence au doute seacuterieux plutocirct qursquoau doute rationnel reacutetreacutecissait le

peacuterimegravetre de la reacutevision En effet un doute rationnel ressenti par la commission de reacutevision

nrsquoentraine pas automatiquement lrsquoadheacutesion de la Cour de reacutevision Dans le mecircme ordre

drsquoideacutees un doute rationnel perccedilu par la Cour de reacutevision peut ecirctre contesteacute par la juridiction

de renvoi le jugeant insuffisamment seacuterieux A contrario un doute seacuterieux sera toujours

consideacutereacute comme rationnel

243 Cette exigence du doute seacuterieux placcedilait le magistrat dans une situation

inconfortable Elle le conduisait agrave fermer la porte de la reacutevision malgreacute un doute rationnel qui

pouvait lrsquohabiter Selon Monsieur VIOUT cette attitude eacutetait contraire agrave lrsquoobligation

drsquoimpartialiteacute du juge Pour le magistrat agrave partir du moment ougrave un doute rationnel habite le

juge il lui incombe de srsquoabstenir laquo de soutenir une accusation agrave laquelle par deacutefinition il ne

croit pas totalement puisqursquoune partie de sa conscience est habiteacute par un doute mecircme

infime raquo2 Sous lrsquoeffet de cette jurisprudence la reacutevision ne devenait possible qursquoen cas de

probabiliteacute eacuteleveacutee de lrsquoinnocence du condamneacute (Reacutevision DILS3) Cette forte probabiliteacute

eacuteleveacutee passait par la deacutecouverte de la culpabiliteacute drsquoautres personnes (reacutevision MACHIN4) et

de fait srsquoeacutecartait du doute rationnel (rejet des demandes en reacutevision de Messieurs

LEPRINCE5 et SEZNEC6 )

244 Le second point drsquoachoppement de la jurisprudence issue de la loi de 1989

concernait lrsquoappreacuteciation seacutevegravere du fait nouveau

2 Lrsquoappreacuteciation seacutevegravere du fait nouveau

245 De nombreux arrecircts dont lrsquoeacutenumeacuteration ne preacutesente aucun inteacuterecirct ont eu agrave

connaicirctre de cette question En effet le fait nouveau peut concerner une multitude de

situations toutes tregraves diffeacuterentes les unes des autres Un cas particulier retiendra notre

attention lrsquohypothegravese dite de la criminaliteacute deacutependante entre lrsquoauteur principal et son

complice 1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit p16 2 Ibid Contribution de Monsieur J-O VIOUT op cit p 241 3 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 3 avril 2001 op cit 4 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 13 avril 2010 op cit 5 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 6 avril 2011 op cit 6 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 14 deacutecembre 2006 op cit

103

246 Lrsquoideacutee drsquoune deacutependance entre lrsquoacte de compliciteacute et lrsquoinfraction principale est

inspireacutee par lrsquoarticle 121-7 du Code peacutenal1 CARBONNIER eacutecrivait que laquo le sort de lrsquoauteur

principal et du complice sont cousus dans le mecircme sac raquo2 Dans quelle mesure la deacutependance

de ce type de criminaliteacute peut-elle influer sur la reacutevision Lrsquohypothegravese qui va nous inteacuteresser

est la suivante celle dans laquelle un complice condamneacute deacutefinitivement fonde sa requecircte

en reacutevision sur un fait nouveau constitueacute par lrsquoinnocence de lrsquoauteur principal deacuteclareacutee en

appel par le jeu des voies de recours qursquoil est seul agrave avoir actionneacutees3

247 La relaxe ou lrsquoacquittement de lrsquoauteur principal par application des regravegles de

droit peacutenal de fond nrsquoest pas toujours incompatible avec la condamnation du complice En

effet la deacutecision de relaxe ou drsquoacquittement de lrsquoauteur principal fondeacutee sur son absence de

participation agrave une infraction constitueacutee nrsquoefface pas la condamnation du complice4 Seule une

deacutecision se fondant sur la non-constitution de lrsquoinfraction permet de remettre en cause la

condamnation du complice

248 Une fois la deacutecision de condamnation devenue deacutefinitive la tentation peut ecirctre

grande pour le complice condamneacute de se tourner vers le pourvoi en reacutevision La seconde

juridiction ayant remis en cause la nature des circonstances sur lesquelles se sont fondeacutees les

premiers juges il srsquoagit bien drsquoune erreur de fait5 Sa demande srsquoappuyait alors sur lrsquoancien

article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale La jurisprudence reliait la relaxe ou

lacquittement en appel de lauteur principal de linfraction au fait nouveau ou agrave lrsquoeacuteleacutement

inconnu6 puisqursquoaucun des trois autres cas drsquoouverture ne correspondait agrave la situation

1 Ce texte deacutefinit le complice drsquoune infraction comme laquo la personne qui sciemment par aide ou assistance en a faciliteacute la preacuteparation ou la consommation raquo Il en deacutecoule que la compliciteacute sassoit neacutecessairement sur lexistence dun fait principal punissable 2 J CARBONNIER Du sens de la reacutepression applicable aux complices selon larticle 59 du code peacutenal JCP 1952 I p 1034 3 Deux autres hypothegraveses plus marginales peuvent se rencontrer 1- le complice est condamneacute contradictoirement par un tribunal correctionnel alors que lrsquoauteur principal condamneacute par deacutefaut par le mecircme jugement est par la suite relaxeacute sur son opposition V Cass crim 17 juin 1998 Bull crim ndeg 197 2 le complice est deacutefinitivement condamneacute en appel alors qursquoun ou plusieurs autres co-preacutevenus srsquoeacutetant pourvus en cassation sont plus tard relaxeacutes par la cour de renvoi Cass crim 14 novembre 1985 Bull crim ndeg 357 4 V Cass crim 16 feacutevr 2000 op cit La relaxe de la personne poursuivie comme auteur principal des faits dabus de biens sociaux ne suffit pas agrave exclure que cette infraction ait eacuteteacute commise degraves lors quil y a eu plusieurs dirigeants sociaux au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La responsabiliteacute du complice ou du receleur subsistera si linfraction a pour auteur un individu tiers diffeacuterent de la personne qui a beacuteneacuteficieacute dune relaxe 5 En ce sens V C GUILLEMAIN op cit pour une opinion inverse V W JEANDIDIER note sous Comm reacutevision 16 novembre 1998 JCP G 26 ndash 30 juin 1999 II 10118 p 1245 6 G ROYER laquo Reacutevision de la condamnation deacutefinitive du complice en cas drsquoacquittement en appel de lrsquoauteur principal de lrsquoinfraction raquo note sous cass crim 24 mai 2006 AJ Peacutenal 2006 p 369

104

249 Dans une telle hypothegravese un arrecirct du 11 deacutecembre 19461 avait rejeteacute une

demande de reacutevision du complice articuleacutee sur la relaxe de lrsquoauteur principal2 Cet arrecirct

preacutecise que laquo la cour drsquoappel ne constate pas qursquoelle ait eacuteteacute saisie de faits nouveaux elle a

seulement interpreacuteteacute autrement que les premiers juges des faits dont ceux-ci avaient eu

connaissance le tribunal ayant releveacute agrave la charge du complice des actes qui lui eacutetaient

personnels et qui eacutetaient de nature agrave eacutetablir sa culpabiliteacute raquo

En drsquoautres termes si la deacutecision de relaxe ou drsquoacquittement eacutetait fondeacutee sur un eacuteleacutement

exteacuterieur au dossier drsquoorigine ignoreacute des premiers juges et donc nouveau la requecircte en

reacutevision du complice eacutetait recevable A contrario si elle eacutetait fondeacutee sur une nouvelle

appreacuteciation des charges la requecircte en reacutevision du complice eacutetait irrecevable3

250 En somme laquo lrsquoinconciliabiliteacute apparente des deacutecisions ne [constituait] pas un fait

nouveau et la reacutevision [eacutetait] subordonneacutee agrave la preuve distincte dune erreur portant sur

lexactitude des faits soumis aux premiers juges raquo4 Cette solution se justifiait par la nature

exceptionnelle du pourvoi en reacutevision dont le but nrsquoest pas contrairement agrave lrsquoappel de

permettre une laquo appreacuteciation renouveleacutee des faits raquo5 Degraves lors laquo si on ne veut pas confondre

lrsquoappel et la reacutevision il est neacutecessaire que la demande en reacutevision puise sa cause en dehors des

piegraveces du dossier dans un fait exteacuterieur venant deacutetruire lrsquointerpreacutetation supposeacutee vraie donneacute

agrave celle-ci raquo6 Lrsquoappreacuteciation nouvelle faite agrave partir de donneacutees identiques apparaissait comme

une laquo simple peacuteripeacutetie judiciaireraquo7

251 Sous lrsquoempire de la loi de 1989 dans un premier temps la distinction poseacutee par

lrsquoarrecirct de 1946 entre un fait exteacuterieur au dossier et une nouvelle appreacuteciation des charges

semblait srsquoeacutetioler En teacutemoignent plusieurs arrecircts qui consideacuteraient la relaxe ou lrsquoacquittement

ou lrsquoacquittement de lrsquoauteur principal comme un fait nouveau de nature agrave faire naicirctre un

doute sur la culpabiliteacute du complice8

1 Cass crim 11 deacutec 1946 S 1947 1 p 50 2 Etait concerneacute un auteur principal et son complice reconnus coupables drsquoune tentative drsquoavortement et drsquoun homicide involontaire La deacutecision rendue en premiegravere instance a eacuteteacute frappeacutee drsquoappel par lrsquoauteur principal agissant seul Il a beacuteneacuteficieacute drsquoune mesure de relaxe au beacuteneacutefice drsquoun laquo leacuteger doute raquo qui a peseacute sur la reacutealiteacute de la tentative drsquoavortement 3 V sur la distinction entre le fait nouvellement reacuteveacuteleacute et la preuve nouvelle V J LELIEUR op cit ndeg 670 4 C GUILLEMAIN op cit ndeg 4 5 V Cass crim 20 feacutevr et 26 juin 1896 6 aoucirct et 16 deacutec 1897 et 7 avr 1898 S 1899 1 p 425 6 W JEANDIDIER note sous Comm reacutevision 16 novembre 1998 JCP G 26 ndash 30 juin 1999 II 10118 p 1245 7 Expression emprunteacutee agrave Monsieur W JEANDIDIER 8Cass crim 20 juin 1994 Bull crim ndeg 246 B BOULOC laquo Compliciteacute et relaxe de lrsquoauteur raquo note sous cass crim 8 janvier 2003 RSC 2003 p 553 cass crim 21 juin 2001 ndeg 90-83185 Dalloz jurisprudence ndeg 85-

105

252 Dans un arrecirct du 16 novembre 1998 la Commission de reacutevision relevait que laquo la

relaxe de lauteur principal prononceacutee par une autre juridiction quel que soit le motif de

cette deacutecision est un fait nouveau de nature agrave exclure la culpabiliteacute de celui qui a eacuteteacute

condamneacute comme complice dun abus de biens sociaux et de recel raquo1 De mecircme un audacieux

arrecirct du 24 mai 2006 exprimait clairement que laquo lrsquoacquittement de lrsquoauteur principal par

une cour drsquoassises de renvoi constitue un fait nouveau de nature agrave permettre la reacutevision du

procegraves du complice deacutefinitivement condamneacute en premiegravere instanceraquo2

Ces arrecircts ont consideacutereacute que la divergence drsquoappreacuteciation eacutetait un facteur de doute qui ne

pouvait ecirctre ignoreacute et devait entrainer le laquo repecircchage judiciaire du complice raquo3 La

constatation drsquoune divergence drsquoappreacuteciation devenait un signe concret drsquoerreur qursquoil

srsquoagisse ou non drsquoune meacuteprise des premiers juges Cette situation entrainait neacutecessairement

la naissance drsquoun doute rationnel sur la culpabiliteacute du complice condamneacute Crsquoest pourquoi la

demande devait ecirctre recevable et transmise agrave la Cour de reacutevision quitte agrave ecirctre ensuite rejeteacutee

253 Cette jurisprudence a encouru des critiques dont les plus seacutevegraveres ont eacuteteacute souleveacutees

par Monsieur le Professeur JEANDIDIER Pour lui le caractegravere inconciliable des deacutecisions

ne constitue pas en soi une preuve formelle au sens drsquoun fait nouveau De plus il estime que

ce repecircchage judiciaire du complice peut paraitre curieux dans la mesure ougrave le complice nrsquoa

pas contesteacute sa condamnation par la voie de recours usuelle4 Enfin le verdict drsquoacquittement

ou de relaxe de la juridiction drsquoappel ne constitue pas neacutecessairement un fait nouveau mecircme si

certains eacuteleacutements sont preacutesenteacutes sous un nouvel eacuteclairage par rapport au procegraves anteacuterieur En

ce sens laquo il faut espeacuterer que lacquittement de lauteur principal sappuie en reacutealiteacute sur de

nouveaux eacuteleacutements deacuteterminants le fait nouveau neacutetant pas tant la deacutecision de relaxe ou

dacquittement que les modifications dont sest enrichi le dossier raquo5

254 Mesdames CARON et MENOTTI conseillers reacutefeacuterendaires agrave la Cour de

cassation ont insisteacute sur le risque que cette jurisprudence pouvait engendrer notamment agrave

travers toutes sortes darrangements et collusions entretenus entre co-preacutevenus et co-accuseacutes

Certains drsquoentre eux pourraient interjeter appel pour le compte dautres qui sen abstiendraient

94411 Bull crim ndeg 357 cass crim17 janvier 2007 ndeg 06-87833 Bull crim ndeg 11 17 juin 1998 ndeg 97-85568 Bull crim ndeg 197 1 W JEANDIDIER note sous Comm reacutevision 16 novembre 1998 op cit ndeg 11 2 Cass crim 24 mai 2006 pourvoi ndeg 05-86081 3 Expression emprunteacutee agrave Monsieur W JEANDIDIER 4 V note W JEANDIDIER op cit ndeg 10 5 C GIRAULT laquo Acquittement en appel de lrsquoauteur principal et reacutevision de la condamnation du complice raquo note sous cass crim 24 mai 2006 AJ Peacutenal 2006 p 316

106

deacutelibeacutereacutement puis se manifesteraient ensuite en cas de succegraves en saisissant la commission de

reacutevision1 Ce repecircchage judiciaire du complice eacutetait pourtant motiveacute par lrsquoexigence drsquoune

bonne justice En effet lrsquoimage de la Justice symbole de la sagesse ne devrait pas

srsquoenorgueillir du maintien de deux deacutecisions inconciliables La paix sociale exige que lrsquoon

revienne sur cette contradiction Crsquoest pourquoi selon nous cette nouveauteacute meacuteritait pour le

moins drsquoecirctre examineacutee par la Cour de reacutevision en reacutefeacuterence agrave lrsquoancien article 622-4deg qui

eacutevoquait drsquoun laquo fait nouveau raquo sans autre preacutecision

255 Srsquoabritant derriegravere une dialectique ambigueuml2 la jurisprudence srsquoest

progressivement eacuteloigneacutee de cette solution Deux arrecircts de rejet du 22 mai 20083 affirme qursquo

laquo attendu que les mecircmes faits ont eacuteteacute soumis agrave lexamen du tribunal correctionnel puis de la

cour dappel et que chacune de ces juridictions les a diffeacuteremment appreacutecieacutes au regard des

eacuteleacutements constitutifs des infractions poursuivies raquo Cette position conduisait agrave limiter

sensiblement le nombre de requecirctes en reacutevision Un retour en arriegravere agrave la jurisprudence de

1946 semblait se dessiner sous lrsquoimpulsion de la Commission de reacutevision qui refusait de

reconnaicirctre ipso facto lrsquoexistence drsquoun fait nouveau Elle consideacuterait qursquoil srsquoagissait plutocirct

drsquoune appreacuteciation diffeacuterente des faits qui ne saurait en soi constituer un fait nouveau4

256 Un arrecirct de rejet du 29 juin 2011 a renforceacute cette position5 Dans cette affaire la

Cour dappel avait relaxeacute lauteur principal en soulignant que les eacuteleacutements constitutifs de

lrsquoinfraction nrsquoeacutetaient pas tous caracteacuteriseacutes tant sur le plan mateacuteriel qursquointentionnel Le

complice condamneacute en premiegravere instance et agrave deacutefaut drsquoavoir interjeteacute appel se reacutesigna agrave

formuler une demande en reacutevision au motif que la relaxe de lrsquoauteur proceacutedait de lrsquoabsence

drsquoeacuteleacutements constitutifs de lrsquoinfraction La Cour de reacutevision a consideacutereacute quil nexistait pas de

fait nouveau au sens de lancien article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale Ces faits avaient

1 D CARON et S MENOTTI obs sous cass crim 22 mai 2009 ndeg 06-80525 et ndeg 07-83761 D 2008 AJ peacutenal 1768 p 1719 2 B BOULOC laquo Compliciteacute et relaxe de lrsquoauteur raquo note sous cass crim 8 janvier 2003 op cit 3 Cass crim 22 mai 2008 ndeg 06-80525 et ndeg 07-83761 D 2008 AJ 1768 ibid Chron 1719 obs D CARON et S MENOTTI AJ peacutenal 2008 426 obs C SAAS Dans le premier arrecirct la Cour de reacutevision avait eacuteteacute saisie par une personne condamneacutee pour faux usage de faux et compliciteacute drsquoabus de biens sociaux alors qursquoune deacutecision de relaxe avait eacuteteacute rendue en faveur de son comparse seul appelant poursuivi quant agrave lui des chefs de faux usage de faux et abus de biens sociaux Dans le second arrecirct la Cour avait eacuteteacute saisie dune demande en reacutevision drsquoune condamnation pour deacutenonciation calomnieuse alors qursquoun arrecirct de la cour dappel rendu agrave lrsquoinitiative de son co-auteur avait relaxeacute lrsquoappelant Dans ce cas la relaxe a eacuteteacute prononceacutee par la cour qui a estimeacute linfraction de deacutenonciation calomnieuse comme non constitueacutee 4 C SAAS laquo Requecircte en reacutevision fait nouveau et criminaliteacute deacutependante raquo note sous cass crim 22 mai 2008 AJ Peacutenal 2008 p 426 5 L PRIOU-ALIBERT laquo Reacutevision la relaxe nrsquoest pas un fait nouveau pour le complice raquo casscrim 29 juin 2011 ndeg 1088322 Dalloz actualiteacutes 22 juillet 2011

107

eacuteteacute examineacutes par le tribunal et par la Cour dappel sous un angle diffeacuterent sans que pour

autant un fait nouveau ne soit apparu au cours de lrsquoaudience

257 Cette jurisprudence illustre le rigorisme de la Cour de cassation dans

lrsquoappreacuteciation du fait nouveau Cette position nrsquoeacutetait pas exclusivement lieacutee agrave la pluraliteacute de

participants agrave lrsquoinfraction puisque les mecircmes conclusions srsquoappliquaient dans lrsquohypothegravese

drsquoune demande en reacutevision baseacutee sur lrsquoannulation drsquoun acte administratif posteacuterieur agrave la

condamnation alors que celui-ci en eacutetait le fondement1 Lrsquointroduction de lrsquoeacuteleacutement inconnu

par la loi de 1989 nrsquoa donc pas reacuteussi agrave modifier la position de la jurisprudence qui a continueacute

agrave srsquoappuyer sur le fait nouveau en tournant le dos agrave lrsquoeacuteleacutement inconnu dont lrsquoassiette eacutetait

pourtant plus large2

1 V en ce sens Cass crim 5 aoucirct 1915 Bull crim ndeg 168 H ANGEVIN op cit ndeg 87-89 W JEANDIDIER op cit ndeg 9 2 Rappelons les propos du Preacutesident de lrsquoAssembleacutee Nationale prononceacutes agrave lrsquooccasion de lrsquoaffaire SEZNEC et rappeleacutes par Denis SEZNEC lors de son audition devant la commission des Lois laquo Les leacutegislateurs que nous sommes ne peuvent pas se deacutesinteacuteresser du suivi de la loi Pas drsquointerfeacuterence avec le pouvoir judiciaire- indeacutependant respecteacute ndashmais en mecircme temps pas drsquoindiffeacuterence agrave lrsquoapplication de la loi faute de quoi nous nrsquoaurions fait qursquoune partie de notre travail raquo

108

Conclusion du chapitre

258 Ce chapitre nous a permis de deacutemontrer qursquoen 1989 tant au travers des

conditions preacutealables agrave la reacutevision que des cas drsquoouverture la logique oppositionnelle entre le

pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee lrsquoavait emporteacute Lrsquoexigence de la reacuteunion de

conditions preacutealables au pourvoi en reacutevision eacutetait de nature agrave restreindre le nombre de

deacutecisions susceptibles drsquoecirctre reacuteviseacutees puisqursquoil devait srsquoagir drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive

criminelle ou deacutelictuelle deacuteclarative de culpabiliteacute Cette restriction concernant les seules

deacutecisions peacutenales deacutefinitives criminelles ou deacutelictuelles trouvait sa justification dans le but de

preacuteserver le caractegravere extraordinaire de la reacutevision et de ne surtout pas lrsquoeacuteriger en un troisiegraveme

degreacute de juridiction En revanche lrsquoexclusion de la reacutevision in defavorem apparaissait moins

convaincante Pour ce qui est des cas drsquoouverture le choix drsquoune conception plutocirct restrictive

de la reacutevision eacutetait confirmeacute sous lrsquoeffet de la jurisprudence En effet mecircme si tout portait agrave

croire que la modification apporteacutee par la loi de 1989 au niveau de la reacutedaction du cas

indeacutetermineacute drsquoouverture constituait une avanceacutee elle nrsquoa toutefois pas eu lrsquoeacutecho

jurisprudentiel souhaiteacute

109

Conclusion du titre 1

259 Ce titre nous a permis de deacutemontrer que lrsquoanalyse du pourvoi en reacutevision se

heurte agrave une premiegravere difficulteacute qui consiste agrave deacutemecircler les liens qui lrsquounissent agrave lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee Les divers modes drsquointerpreacutetation de cette relation ont des conseacutequences sur la

proceacutedure de reacutevision qui selon la position adopteacutee par le leacutegislateur et la jurisprudence sera

soit plutocirct restrictive soit plutocirct libeacuterale En effet deux eacutecoles se disputent le choix drsquoopposer

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au pourvoi en reacutevision ou au contraire de priser leur proximiteacute

La premiegravere tendance qui se rattache aux fonctions traditionnelles de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee apparaicirct plutocirct deacutesuegravete car une vision plus moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

laisse entrevoir une conciliation possible entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision Crsquoest ainsi que la reacutevision ne srsquoexercerait plus contre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

mais pour une autoriteacute juste de la chose jugeacutee Srsquoagissant drsquoappreacutehender la reacutevision sous la

forme de deux angles drsquoattaque radicalement opposeacutes il nous est apparu inteacuteressant de nous

interroger sur le choix que la loi de 1989 avait pu faire

260 Crsquoest ainsi que nous pourrons au fil de notre eacutetude juger utilement des qualiteacutes

et des faiblesses de la reacuteforme de 2014 selon une meacutethodologie enseigneacutee par DESCARTES

laquo il faut commencer par la recherche de ces premiegraveres causes crsquoest-agrave-dire des principes et

que ces principes doivent avoir deux conditions lrsquoune qursquoils soient si clairs et si eacutevidents

que lrsquoesprit humain ne puisse douter de leur veacuteriteacute lorsqursquoil srsquoapplique avec attention agrave les

consideacuterer lrsquoautre que ce soit drsquoeux que deacutepende la connaissance des autres choses en

sorte qursquoils puissent ecirctre connus sans elles mais non pas reacuteciproquement elles sans eux

qursquoapregraves cela il faut tacher de deacuteduire de ces principes la connaissance des choses qui en

deacutependent raquo1

261 Dans la loi de 1989 le leacutegislateur a manifesteacute son attachement agrave une approche

plutocirct restrictive de la reacutevision Un signal drsquoouverture avait toutefois eacuteteacute lanceacute au moment de

la modification de la reacutedaction du cas drsquoouverture indeacutetermineacute de reacutevision Toutefois il nrsquoa

pas eacuteteacute entendu par la jurisprudence Le choix de cette approche ne fut pas sans conseacutequences

en raison des nombreux eacutecueils tant structurels que conjoncturels que contenait le texte

1 R DESCARTES Les principes de la philosophie Livre premier (1er eacuted 1885) Hachette 2012 preacuteface

110

Titre 2

Des imperfections structurelles et

conjoncturelles

111

laquo Sur mes cahiers drsquoeacutecolier

Sur mon pupitre et les

arbres

Sur le sable de neige

Jrsquoeacutecris ton nom

(hellip)

Et par le pouvoir drsquoun mot

Je recommence ma vie

Je suis neacute pour te connaicirctre

Pour te nommer

Liberteacute raquo1

262 La liberteacute se place au cœur de la proceacutedure de reacutevision Communeacutement opposeacutee agrave

lrsquoenfermement elle beacuteneacuteficiera en cas du succegraves de la reacutevision au condamneacute qui dans

lrsquohypothegravese drsquoune deacutetention recouvrera ses droits et lrsquoentiegravere liberteacute de ses mouvements

Largement deacuteveloppeacutee par les philosophes la liberteacute implique aussi drsquoapregraves les travaux de La

Boeacutetie2 lrsquoabsence drsquoune force exteacuterieure et injuste susceptible de contredire la volonteacute de

lrsquohomme Crsquoest ainsi que liberteacute et justice sont eacutetroitement lieacutees

263 La proceacutedure peacutenale est consideacutereacutee comme le droit des honnecirctes gens par

opposition au droit peacutenal qui appartiendrait aux malhonnecirctes gens Aux divers stades de

lrsquoavancement de la proceacutedure la manifestation de la veacuteriteacute se renforce pour deacuteboucher sur un

constat drsquoinnocence ou de culpabiliteacute3 Le pourvoi en reacutevision est le deacutemolisseur de lrsquoeacutedifice

drsquoune culpabiliteacute erroneacutee et deacutefinitive bacirctie sur les fondations de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

Il srsquoagit donc par excellence du recours des honnecirctes gens

264 Toutefois combattre une deacutecision deacutefinitive ne saurait ecirctre une chose facile pour

celui qui engage une bataille pour la liberteacute Crsquoest pourquoi le succegraves du pourvoi en reacutevision

est conditionneacute par le franchissement de divers obstacles proceacuteduraux qui se dressent sur la

route du requeacuterant La mise en place de ces obstacles se justifie par lrsquoobjet du pourvoi en

1 P ELUARD Poeacutesies et veacuteriteacutes Les eacuteditions de la main agrave plume 1942 p 1 2 E DE LA BOETIE Discours de la servitude volontaire Petite bibliothegraveque Payot 1574 3 F FOURMENT Proceacutedure peacutenale op cit p1 ndeg2

112

reacutevision qui ne constitue pas un troisiegraveme degreacute de juridiction Toutefois sous lrsquoempire de la

loi de 1989 les embucircches eacutetaient drsquoune telle importance qursquoelles ont transformeacute le pourvoi en

reacutevision en une forteresse presque imprenable

265 Ce titre sera consacreacute agrave la mise en relief des imperfections contenues dans la loi

de 1989 et reacutepertorieacutees sous deux rubriques

Inheacuterente agrave lrsquoarticulation des eacuteleacutements constitutifs drsquoun systegraveme la structure touche agrave

lrsquoorganisation mecircme drsquoun ensemble ou drsquoun concept La structure drsquoune entreprise constitue

le centre de graviteacute de son organisation cleacute de voucircte de son efficaciteacute Compareacutee agrave une

entreprise la proceacutedure de reacutevision dont lrsquoarchitecte est le leacutegislateur reposait dans la loi de

1989 sur de deux piliers la commission de reacutevision et la Cour de reacutevision Lrsquoanalyse des

imperfections structurelles de la proceacutedure de reacutevision portera donc sur lrsquoarticulation des

relations entre ces deux organes Quant agrave la conjoncture il srsquoagit drsquoun ensemble de

circonstances qui ont preacutesideacute agrave une situation preacutesente passeacutee ou future Lrsquoanalyse des

imperfections conjoncturelles de la proceacutedure de reacutevision issue de la loi de 1989 portera donc

sur lrsquoeacutetude de situations dont lrsquoexistence nrsquoeacutetait pas intimement associeacutee agrave lrsquoeacutedifice juridique

du recours

266 Seront donc drsquoabord envisageacutees les difficulteacutes structurelles qui ressortaient de la

loi de 1989 (chapitre 1) puis les difficulteacutes conjoncturelles (chapitre 2)

113

CHAPITRE 1 LES DIFFICULTES

STRUCTURELLES

267 La reacutepartition des compeacutetences entre la commission et la Cour de reacutevision avait

pour origine lrsquoalineacutea 5 de lrsquoarticle 623 du Code de proceacutedure peacutenale qui preacutevoyait que laquo la

demande en reacutevision est adresseacutee agrave une commission (hellip) raquo Ensuite le texte preacutecisait que

laquo cette commission saisit la chambre criminelle qui statue comme Cour de reacutevision des

demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises raquo La commission eacutetait lrsquoorgane qui

intervenait en premier lieu dans la proceacutedure Destinataire exclusive des requecirctes elle eacutetait la

seule autoriseacutee agrave saisir la Cour de reacutevision1 Le requeacuterant ne pouvait donc pas srsquoaffranchir du

passage obligeacute devant la commission en srsquoadressant directement agrave la Cour de reacutevision2 La

commission jouait un rocircle de filtrage des requecirctes

268 Le filtrage des requecirctes eacutetait une laquo bonne mesure raquo3 qui a pour but de preacuteserver

le caractegravere extraordinaire de la reacutevision et de se preacutemunir contre une inflation des requecirctes

Etaient donc eacutecarteacutees les demandes laquo teacutemeacuteraires abusives ou deacutepourvues de justification raquo4

Ce filtre se faisait lrsquointerpregravete drsquoune meacutefiance du leacutegislateur agrave lrsquoeacutegard du comportement de

certains condamneacutes5 En effet toute personne deacutefinitivement condamneacutee pour un crime ou un

deacutelit pouvait sans condition de forme de deacutelai et mecircme en lrsquoabsence de conseil deacuteposer une

requecircte en reacutevision Il apparaissait donc indispensable de trier les demandes et drsquoeacuteliminer

celles qui laquo [paraissaient] ne pas pouvoir ecirctre admises raquo pour eacuteviter un engorgement inutile

de la Cour de reacutevision Ensuite bien que les condamneacutes aient eacuteteacute les plus nombreux agrave se

1 Le caractegravere obligatoire du passage devant la commission srsquoinspirait de la formule laquo la demande en reacutevision est adresseacutee agrave une commission raquo qui ne souffrait drsquoaucune option ou exception 2 Sur lrsquoirrecevabiliteacute drsquoune telle requecircte V Cass crim 28 feacutevr 1901 Bull crim no 67 S 19021 p 477 3 M RUDLOFF rapporteur Seacutenat 11 avr 1989 p 151 4 H ANGEVIN op cit ndeg 121 5 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame MRADENNE op cit p 213 laquo Beaucoup de demandes eacutemanent de personnes en grandes deacutetresses psychologiques [hellip] Certains requeacuterants deacuteposent systeacutematiquement une nouvelle demande dans les jours qui suivent la deacutecision ayant rejeteacute ou deacuteclareacute irrecevable la preacuteceacutedente raquo V eacutegalement H ANGEVIN Premiegraveres applications de la loi 89-431 du 23 juin 1989 relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 7 laquo La forte proportion des deacutecisions dirrecevabiliteacute rendues par la commission (97 sur 180) fait apparaicirctre le caractegravere fantaisiste de nombre de demandes eacutemanant de condamneacutes qui introduisent un recours en reacutevision comme sil constituait un degreacute suppleacutementaire de juridiction Dans la plupart des cas les requecirctes deacuteclareacutees irrecevables bien que se reacuteclamant du quatriegraveme cas de reacutevision preacutevu par larticle 622 du Code de proceacutedure peacutenale narticulent aucun fait ou eacuteleacutement quelconque le demandeur se bornant agrave affirmer son innocence ou agrave preacutetendre quil a eacuteteacute trop seacutevegraverement condamneacute raquo

114

pourvoir devant la commission le recours restait ouvert agrave drsquoautres demandeurs qui venaient

encore grossir les rangs du nombre de requecirctes deacuteposeacutees1 Preuve de son utiliteacute le rocircle de la

commission eacutetait laquo quantitativement important raquo2

269 Lrsquoimportance de la mission de la commission exigeait un cadrage preacutecis de son

peacuterimegravetre drsquointervention et des attributions qui lui eacutetaient deacutevolues Crsquoest pourquoi le preacutesent

chapitre traitera plus de la commission laquo cheville ouvriegravere raquo3 de la proceacutedure que de la Cour

de reacutevision Dans la loi de 1989 le leacutegislateur eacutetait impreacutecis sur la reacutepartition des

compeacutetences confieacutees aux deux organes et surtout en ce qui concernait la commission

(Section 1) Ce flou compliquait les relations entre la commission et la Cour de reacutevision qui

au fil du temps se sont deacutegradeacutees (Section 2)

Section 1 Lrsquoimpreacutecision de la reacutepartition des

compeacutetences entre la commission de reacutevision

et la Cour de reacutevision

270 La proceacutedure de reacutevision srsquoarticulant autour de deux organes il faut

obligatoirement srsquointeacuteresser agrave la question du partage des compeacutetences Le manque de

preacutecision de la loi par rapport agrave lrsquoeacutetendue du pouvoir de filtrage de la commission (sect1) avait

eu pour conseacutequence drsquoentretenir des incertitudes quant agrave son rocircle reacuteel (sect 2)

sect 1 La deacutelimitation impreacutecise de lrsquoeacutetendue du filtrage de la

commission

271 Srsquoagissant du peacuterimegravetre drsquoaction de la commission le leacutegislateur apportait un

faible eacuteclairage se contentant de preacuteciser que laquo cette commission saisit la chambre

criminelle qui statue comme Cour de reacutevision des demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre

1 Lrsquoancien article 623 du CPP disposait laquo La reacutevision peut ecirctre demandeacutee 1deg Par le ministre de la justice 2deg Par le condamneacute ou en cas dincapaciteacute par son repreacutesentant leacutegal 3deg Apregraves la mort ou labsence deacuteclareacutee du condamneacute par son conjoint ses enfants ses parents ses leacutegataires universels ou agrave titre universel ou par ceux qui en ont reccedilu de lui la mission expresse raquo 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur B LOUVEL op cit p 227 laquo En 2012 la commission de reacutevision a eacuteteacute saisie de 139 requecirctes dont 46 en matiegravere criminelle et 93 en matiegravere correctionnelle Il est agrave noter que 28 de ces derniegraveres concernaient des condamnations pour infraction aux regravegles sur la distillation et contestaient en reacutealiteacute leur interpreacutetation donneacutee agrave une regravegle de droit par la Cour de cassation La commission a prononceacute 74 deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute dont 28 dans les dossiers susviseacutes 25 de rejet Elle a saisi agrave 2 reprises la cour de reacutevision [hellip] Depuis sa creacuteation en 1989 et jusqursquoau 16 septembre 2013 la commission de reacutevision a saisi la Cour de reacutevision agrave 84 reprises dont 13 fois en matiegravere criminelle raquo 3 Expression emprunteacutee agrave Monsieur ANGEVIN

115

admises raquo Apregraves avoir deacutemontreacute lrsquoambivalence de cette formule malheureuse qui srsquoest

traduite par la reconnaissance drsquoun pouvoir de filtrage ambigueuml agrave la commission (A) cette

ambiguiumlteacute sera leveacutee agrave lrsquoeacutepreuve drsquoune interpreacutetation teacuteleacuteologique du texte De cette maniegravere

nous deacutecouvrirons les veacuteritables attentes du leacutegislateur par rapport agrave lrsquoeacutetendue du filtrage et

nous deacutevoilerons sur quelle reacutealiteacute aurait ducirc reposer lrsquoexpression laquo les demandes qui lui

paraissent pouvoir ecirctre admises raquo (B)

A Lrsquoambiguiumlteacute du pouvoir de filtrage

272 Le principe de leacutegaliteacute impose au leacutegislateur lrsquoobligation de reacutediger des textes

clairs et preacutecis Il en deacutecoule que laquo quels que soient le contenu et la viseacutee dun texte leacutegislatif

le spectre de son ambiguumliteacute ne cesse de hanter la genegravese de sa formulation raquo1 Selon

DESCARTES la clarteacute dune information se reconnaicirct agrave lrsquoaptitude drsquoun destinataire attentif agrave

en saisir le contenu2

273 Or le passage concernant laquo les demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre

admises raquo manquait de preacutecision quant agrave son contenu et ce quel que soit le degreacute drsquoattention

du destinataire Quel eacutetait le point de deacutepart de lrsquoadmission drsquoune demande Quelle eacutetait

lrsquoeacutetendue du droit de regard de la commission Concernant le cas drsquoouverture indeacutetermineacute la

commission devait-elle saisir la Cour de reacutevision degraves lors qursquoelle constatait la preacutesence drsquoun

fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu Devait-elle refuser de saisir la Cour drsquoune requecircte au

motif que bien que mettant en avant un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu celui-ci nrsquoeacutetait

pas de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute Lrsquoarticle 622 4deg du Code

de proceacutedure peacutenale preacutecisait que laquo lorsque apregraves une condamnation vient agrave se produire ou agrave

se reacuteveacuteler un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de

nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute raquo la reacutevision eacutetait permise Mais

qui devait appreacutecier ce doute La commission La Cour de reacutevision La juridiction de

renvoi Avant mecircme lrsquoapplication de la loi de 1989 Monsieur ANGEVIN signalait deacutejagrave que

les termes du passage contesteacute laquo ne manqueront pas de discuter de deacutelicats problegravemes

dinterpreacutetation raquo3

1 Theacuteodore IVANIER Qursquoest-ce qursquoun texte clair (Essai de matheacutematisation) Paris PUF 1983 p 150 2 Descartes Principes L 45 AT IX 44 3 H ANGEVIN La reacuteforme de la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 17

116

274 La reacuteponse aux diverses questions poseacutees passe neacutecessairement par un effort

drsquoanalyse des motivations du leacutegislateur Pour ce faire nous nous baserons sur une

interpreacutetation teacuteleacuteologique1 de la formule en question

B Lrsquoapport drsquoune interpreacutetation teacuteleacuteologique des textes

275 Pour lever lrsquoambiguiumlteacute du texte nous nous sommes inteacuteresseacutees aux travaux qui

ont preacutesideacute agrave lrsquoadoption de la loi de 1989 tels les rapports les deacutebats parlementaires et autres

interventions Selon les deacuteclarations de Monsieur MARCHAND rapporteur de la commission

des lois en 19882 le passage concernant les laquo demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre

admises raquo a pour objet drsquoeacutecarter les requecirctes laquo manifestement irrecevables ou mal fondeacutees raquo

Lrsquoemploi par le rapporteur de la conjonction laquo ou raquo signifie que la commission pouvait se

trouver confronteacutee agrave deux types de mises agrave lrsquoeacutecart des requecirctes soit la requecircte eacutetait

manifestement irrecevable soit elle eacutetait mal fondeacutee

276 Concernant la requecircte manifestement irrecevable le caractegravere manifeste de

lrsquoirrecevabiliteacute se traduisait par une reacuteaction rapide de la commission de reacutevision qui pouvait

degraves la reacuteception de la requecircte se forger une opinion sans pour autant recourir agrave des moyens

drsquoinvestigation crsquoest lrsquoirrecevabiliteacute ab initio encore appeleacutee le laquo filtre du filtre raquo3 Elle eacutetait

preacutevue depuis le 19 mai 20114 par le dernier alineacutea de lrsquoancien article 623 du Code de

proceacutedure peacutenale qui disposait laquo lorsque la demande en reacutevision est manifestement

irrecevable le preacutesident de la commission de reacutevision ou son deacuteleacutegueacute peut la rejeter par

ordonnance motiveacutee raquo Les veacuterifications drsquoordre formel meneacutees par la commission portaient

sur la deacutecision faisant lrsquoobjet de la requecircte Il convenait de veacuterifier qursquoil srsquoagissait bien dune

condamnation peacutenale deacutefinitive concernant un crime ou un deacutelit et quil nexistait aucun autre

moyen de droit susceptible de reacuteparer lerreur invoqueacutee ou encore de srsquoassurer que le

1 Mode drsquointerpreacutetation encore appeleacute interpreacutetation finaliste ou deacuteclarative qui repose sur laquo la recherche des objectifs poursuivis par la loi crsquoest-agrave-dire le but qursquoelle souhaite atteindre [hellip] Elle se fonde sur la ratio legis la volonteacute deacuteclareacutee ou preacutesumeacutee du leacutegislateur en faisant primer lrsquoesprit du texte sur la lettre raquo V C GHICA-LEMARCHAND op cit R GARRAUD op cit p 106 P CORLAY laquo Reacuteflexions sur les reacutecentes controverses relatives au domaine et agrave la deacutefinition du vol raquo JCP 1984 I p 3160 F HELIE op cit p 13 G DI MARINO laquo Le recours aux objectifs de la loi peacutenale dans son application raquo RSC 1991 p 505 2 httparchivesassemblee-nationalefr9cri1988-1989-ordinaire1079pdf Rapport ndeg 220 (1988-1989) de M Marcel RUDLOFF fait au nom de la commission des lois deacuteposeacute le 1er mars 1989 3 Expression emprunteacutee agrave Madame RADENNE in Rapport drsquoinformation op cit p 213 4 Disposition issue de la loi ndeg 2011-525 du 17 mai 2011 dite loi de simplification et drsquoameacutelioration de la qualiteacute du droit V Rapport annuel drsquoactiviteacute 2011 de la Cour de cassation Commission de reacutevision des condamnations peacutenales laquo Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte le 19 mai 2011 il en a deacutejagrave eacuteteacute fait application agrave vingt-cinq reprises notamment lorsque le demandeur se borne agrave contester la condamnation sans invoquer drsquoeacuteleacutement nouveau ou agrave reprendre exactement la mecircme argumentation que celle deacutejagrave rejeteacutee lors drsquoune preacuteceacutedente demande raquo

117

requeacuterant figurait bien parmi les personnes autoriseacutees agrave exercer le recours Il pouvait arriver

que lrsquoirrecevabiliteacute soit deacutecouverte un peu plus tard au cours des premiegraveres mesures

drsquoinvestigations Lrsquoabsence de lrsquoimmeacutediateteacute de la deacutecouverte de lrsquoirrecevabiliteacute eacutetait dans ce

cas de nature agrave en relativiser le caractegravere manifeste1

277 Pour ce qui est de la requecircte mal fondeacutee elle eacutetait rejeteacutee au fond2 Les deacutecisions

de rejet eacutetaient motiveacutees soit par la constatation que le fait ou lrsquoeacuteleacutement invoqueacute dans la

requecircte nrsquoeacutetait pas de nature agrave deacuteboucher sur une reacutealiteacute et qursquoil ne srsquoagissait drsquoapregraves

lrsquoinstruction que drsquoune simple alleacutegation soit que les faits eacutetaient connus des juges du fond

au moment du prononceacute de la condamnation attaqueacutee En conseacutequence il ne pouvait srsquoagir de

faits nouveaux

278 Le respect de la volonteacute du leacutegislateur qui srsquoest exprimeacute dans la formule laquo les

demandes qui lui paraissent devoir ecirctre admises raquo impose donc lrsquointerpreacutetation suivante

Pour le premier cas drsquoouverture la commission devait simplement veacuterifier que la victime

supposeacutee eacutetait en vie apregraves la condamnation du requeacuterant Pour le deuxiegraveme cas drsquoouverture

il lui incombait uniquement de veacuterifier la reacutealiteacute de la condamnation du teacutemoin Pour le

troisiegraveme cas drsquoouverture ses veacuterifications devaient se concentrer sur le caractegravere

inconciliable des deux deacutecisions peacutenales Enfin pour le quatriegraveme cas drsquoouverture seule la

reacutealiteacute du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu devait occuper la commission

279 Le respect de la proceacutedure telle qursquoelle a eacuteteacute deacutecideacutee par le leacutegislateur de 1989

supposait donc que par rapport au cas drsquoouverture indeacutetermineacute le rocircle de la commission se

limite au constat de lrsquoexistence et du seacuterieux du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu

Ensuite crsquoeacutetait agrave la Cour de reacutevision de deacutecider srsquoil srsquoagissait drsquoun fait nouveau deacuteterminant

En pratique premiegraverement la commission devait srsquoattacher agrave savoir si le fait ou lrsquoeacuteleacutement

invoqueacute eacutetait soit inexistant au moment de la condamnation soit ignoreacute par la juridiction au

jour du procegraves Deuxiegravemement elle devait constater le cas eacutecheacuteant agrave lrsquoaide de moyens

drsquoinvestigations si ce fait ou eacuteleacutement eacutetait fiable et seacuterieux3 Le leacutegislateur voulait

circonscrire la mission de la commission agrave ce seul rocircle Il ne lui revenait donc pas de prendre

1 On ne parlera alors pas drsquoirrecevabiliteacute laquo ab initio raquo mais simplement drsquoirrecevabiliteacute 2 Le rapport drsquoinformation utilise dans cette hypothegravese lrsquoexpression irrecevabiliteacute V Rapport drsquoinformation op cit p 35 Les auteurs parlent plutocirct dans ce cas drsquoun rejet de la demande V par exemple E DE VALICOURT op cit p 215 H ANGEVIN Premiegraveres applicationshellip op cit ndeg 8 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame M ANZANI op cit p 263

118

position sur la porteacutee de ce fait et de chercher agrave savoir srsquoil faisait naicirctre un doute sur la

culpabiliteacute du condamneacute Par exemple face au cas drsquoun nouveau teacutemoignage agrave deacutecharge

invoqueacute dans une requecircte en reacutevision la commission devait veacuterifier srsquoil srsquoagissait bien drsquoun

nouveau teacutemoignage et srsquoil ne figurait pas deacutejagrave au dossier (eacutetape 1) Elle devait ensuite

srsquoassurer de la fiabiliteacute de la preuve testimoniale (eacutetape 2) Au terme de ces deux eacutetapes elle

devait pour respecter la volonteacute du leacutegislateur transmettre la requecircte agrave la Cour de reacutevision

280 Seul ce partage des rocircles entre la commission et la Cour de reacutevision reacutepond agrave

lrsquoambition du leacutegislateur qui souhaitait eacutecarter les requecirctes laquo manifestement irrecevables ou

mal fondeacutees raquo En ce sens Monsieur MARIN deacuteclare que laquo la commission de reacutevision

transmet agrave la Cour de reacutevision les requecirctes qui lui paraissent devoir ecirctre admises lorsqursquoil

nrsquoest pas eacutevident qursquoelles doivent ecirctre rejeteacutees1 raquo Selon nous le leacutegislateur de 1989 nrsquoavait

pas voulu accorder drsquoautre alternative agrave la commission que celle de devoir saisir la Cour de

reacutevision lorsque les conditions de recevabiliteacute eacutetaient remplies (eacutetapes 1 et 2) Il srsquoagissait

drsquoun droit pour le condamneacute degraves lors que sa requecircte nrsquoeacutetait pas manifestement irrecevable ou

mal fondeacutee

281 Certaines deacutecisions de la commission se font lrsquoeacutecho de cette position

laquo Attendu que si la commission de reacutevision a pleacutenitude de juridiction pour estimer que les

conditions de la loi ne sont pas remplies et rejeter les requecirctes qui lui sont soumises elle a

eacutegalement pour mission de saisir la chambre criminelle statuant comme cour de reacutevision

des demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises apregraves quoi il revient agrave la cour de

reacutevision de deacutecider sil y a ou non doute au sens de la loi raquo2 Ou encore laquo Attendu en

deacutefinitive que larrecirct de la cour dassises non motiveacute ne permettant pas de savoir sur quels

eacuteleacutements la cour et les jureacutes ont fondeacute leur intime conviction lappreacuteciation de ces eacuteleacutements

nouveaux ne saurait relever de la seule commission de reacutevision raquo3

282 Il en deacutecoule que la commission portait un regard plus conciliant sur la requecircte

que la Cour de reacutevision Cette derniegravere ne devait donc pas reacuteserver systeacutematiquement une

suite favorable agrave une requecircte transmise par la commission Un acquiescement systeacutematique de

la Cour de reacutevision aurait drsquoailleurs souligneacute le caractegravere trop restrictif du filtrage de la

commission Srsquoagissant du filtrage il est compris comme une premiegravere eacutepreuve de tri Au-

1 Ibid 2 Comm reacutevision 25 juin 2001 ndeg 01-99012 3 Comm reacutevision 11 avr 2005 ndeg 01 REV 065 Bull ndeg 3

119

delagrave la commission se transformerait en un organe de laquo preacute-jugement raquo et non plus de

filtrage Crsquoest pourquoi nous ne partageons pas lrsquoanalyse de Monsieur Roland AGRET pour

qui laquo une commission de reacutevision qui dit oui et une Cour de reacutevision qui dit non crsquoest un

deacutesordre insupportable accompli crsquoest un trouble agrave lrsquoordre public qui ne comprend pas qui

nrsquoaccepte pas de tels atermoiements manifesteacutes par de grands eacutecarts drsquointerpreacutetation illisibles

incompreacutehensibles et souvent drsquoune grande cruauteacute raquo1 Dans lrsquoaffaire SEZNEC la Cour de

reacutevision a rejeteacute la requecircte appreacutecieacutee favorablement par la commission au motif que le doute

sur la culpabiliteacute nrsquoeacutetait pas eacutetabli Cette situation nous parait conforme agrave lrsquoesprit de la loi de

1989 et nrsquoa rien drsquoanormale La commission est laquo chargeacutee de filtrer celles-ci [les requecirctes]

en se prononccedilant sur leur recevabiliteacute et en assurant la mise en eacutetat des dossiers afin de

permettre leur examen par la Cour de reacutevision raquo2

283 La mise en eacutetat des dossiers srsquoeffectuait par la commission au moyen de

pouvoirs proches de ceux du juge drsquoinstruction La doctrine parlait de la commission de

reacutevision comme drsquoune juridiction drsquoinstruction3 Crsquoest ainsi que Monsieur Bertrand LOUVEL

remarque qursquo laquo il convient de rappeler la diffeacuterence de nature entre la commission de reacutevision

et la Cour de reacutevision la premiegravere est une juridiction drsquoinstruction la seconde une juridiction

de jugement Leur regard sur les faits est donc distinct et il nrsquoest pas anormal que lrsquoavis porteacute

sur des faits identiques puisse ecirctre diffeacuterent raquo4 Il poursuit son raisonnement en se reacutefeacuterant agrave

lrsquoinstruction ordinaire laquo De mecircme qursquoil appartient au juge drsquoinstruction drsquoordonner le renvoi

drsquoune personne mise en examen devant la juridiction lorsqursquoil estime que les faits qui lui sont

reprocheacutes constituent un deacutelit [hellip] ou constituent une infraction qualifieacutee crime par la loi [hellip]

il appartient agrave la juridiction de jugement de se prononcer en dernier lieu sur la reacutealiteacute de ces

infractions5 raquo Bien souvent les conclusions de culpabiliteacute de lrsquoinstruction ordinaire sont

contredites par la juridiction de jugement qui prononce agrave lrsquoeacutegard du preacutevenu ou de lrsquoaccuseacute

une deacutecision de relaxe ou drsquoacquittement6 Cette situation ne provoque aucune reacuteaction

neacutegative de nature agrave blacircmer les contradictions naturelles de la justice Cette attitude devrait se

retrouver dans le cas drsquoune dissonance entre les deacutecisions contradictoires de la commission et

de la Cour de reacutevision La comparaison peut paraicirctre asymeacutetrique srsquoagissant dans le premier

1 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur R AGRET p 171 2 Ibid Contribution de Monsieur V LAMANDA op cit p 181 3 V notamment H ANGEVIN Les demandeshellip op cit ndeg 2 E DE VALICOURT op cit p 215 4 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur B LOUVEL op cit p 227 5 Ibid 6 La commission de suivi de la deacutetention provisoire annonce pour lrsquoanneacutee 2005 1 100 cas de deacutetentions provisoires nrsquoayant pas donneacute lieu agrave une condamnation V Rapport drsquoinformation op cit Contribution de D INCHAUSPE p 157

120

cas drsquoune deacutecision drsquoinnocence et dans le second drsquoune confirmation de culpabiliteacute

Toutefois malgreacute cette diffeacuterence il srsquoagit drsquoaffirmer dans les deux cas la volonteacute drsquoeacuteviter le

preacute-jugement de lrsquoinstruction En deacutefinitive la saisine de la Cour de reacutevision par la

commission de reacutevision ne signifie pas que la reacutevision est acquise

284 La penseacutee du leacutegislateur relative agrave lrsquoeacutetendue de lrsquoaction du filtrage de la

commission se trouvait alteacutereacutee par lrsquoambiguumliteacute de la formule laquo les demandes qui paraissent

devoir ecirctre admises raquo En effet le texte preacutesentait le risque drsquoaccroicirctre le pouvoir de filtrage

de la commission en srsquoeacuteloignant ainsi de la ligne initialement traceacutee par le leacutegislateur

285 La seconde zone drsquoombre du texte concerne le rocircle de la commission de reacutevision

sect 2 Le rocircle mal deacutefini de la commission de reacutevision

286 Les ouvrages de proceacutedure peacutenale preacutesentent traditionnellement la commission

comme une juridiction drsquoinstruction et la Cour de reacutevision comme une juridiction de

jugement Cette distinction accreacutedite lrsquoideacutee drsquoune proceacutedure biceacutephale comprenant une phase

drsquoinvestigation secondeacutee drsquoune phase deacutecisionnelle Crsquoest drsquoailleurs en nous reacutefeacuterant agrave cette

distinction que lrsquoexistence de possibles divergences drsquoappreacuteciation entre la commission et la

Cour de reacutevision a pu ecirctre justifieacutee1 Lrsquoinstruction est au procegraves peacutenal laquo ce que les

fondations sont agrave une maison Les malfaccedilons qui laffectent entraicircnent geacuteneacuteralement

leffondrement du dossier et sont difficilement reacuteparables raquo2 Lrsquoinstruction se deacutefinit comme

une laquo mise en eacutetat preacutealable du dossier consistant agrave recueillir les indices de la commission des

faits reprocheacutes afin instruisant agrave charge et agrave deacutecharge drsquoidentifier la ou les personnes

susceptibles de les avoir commis agrave titre de coauteur ou de complices et dire si les dits indices

peuvent constituer des charges suffisantes pour renvoyer ces personnes devant une juridiction

de jugement ou au contraire aboutissent au prononceacute drsquoun non-lieu raquo3

287 Lrsquoancien article 623 du Code de proceacutedure peacutenale disposait laquo Apregraves avoir

proceacutedeacute directement ou par commission rogatoire agrave toutes recherches auditions

confrontations et veacuterifications utiles et recueilli les observations eacutecrites ou orales du

requeacuterant ou de son avocat et celles du ministegravere public cette commission saisit la chambre

criminelle qui statue comme cour de reacutevision des demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre

admises raquo Le leacutegislateur identifiait en quelque sorte lrsquoarticle 623 du Code de proceacutedure 1 V supra ndeg 282 et 283 2 F DESPORTES L LAZERGES-COUSQUER op cit p 8 3 S GUINCHARD J BUISSON op cit p 829

121

peacutenale au contenu du titre III du mecircme Code concernant les juridictions drsquoinstruction

particuliegraverement lrsquoarticle 81 qui dispose laquo le juge dinstruction procegravede conformeacutement agrave la

loi agrave tous les actes dinformation quil juge utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute (hellip) raquo

288 Bien que le leacutegislateur nrsquoavait pas jugeacute utile de faire expresseacutement ce parallegravele

les auteurs srsquoinspirant des deacutebats parlementaires preacuteceacutedant lrsquoadoption de la loi de 19891

avaient pris pour habitude de qualifier la commission de reacutevision de juridiction drsquoinstruction2

A premiegravere vue deux arguments permettaient drsquoadheacuterer agrave cette thegravese Premiegraverement les

relations entre la commission et la Cour de reacutevision eacutetaient proches de celles existant entre

une juridiction drsquoinstruction et une juridiction de jugement (A) Deuxiegravemement la

commission de reacutevision disposait de pouvoirs pouvant srsquoidentifier agrave ceux du juge drsquoinstruction

(B)

A Des fonctions proches de celles drsquoune juridiction drsquoinstruction

289 Les relations qursquoentretiennent les juridictions drsquoinstruction avec les juridictions

de jugement sont proches de celles qui pouvaient exister entre la commission et la Cour de

reacutevision Trois arguments soutenaient cette thegravese

290 Tout drsquoabord Madame le Professeur RASSAT deacutefinit lrsquoinstruction preacuteparatoire

dans la proceacutedure ordinaire comme laquo la recherche opeacutereacutee par une juridiction speacutecialiseacutee en

vue de deacuteterminer srsquoil existe des charges suffisantes pour justifier le renvoi en jugement des

personnes en cause raquo3 Lrsquoexpression laquo la recherche opeacutereacutee raquo fait eacutecho aux termes de lrsquoancien

article 623 du Code de proceacutedure peacutenale qui preacutecisait qursquo laquoapregraves avoir proceacutedeacute directement

ou par commission rogatoire agrave toutes recherches auditions confrontations et veacuterifications

utiles et recueilli les observations eacutecrites ou orales du requeacuterant ou de son avocat et celles du

ministegravere public raquo Les pouvoirs drsquoinvestigation de la commission se confondaient avec la

recherche que deacutecrit Madame le Professeur RASSAT Celle-ci parlant de laquo juridiction

speacutecialiseacutee raquo agrave propos de la juridiction drsquoinstruction ordinaire cette qualification peut ecirctre

eacutetendue agrave la commission de reacutevision En effet bien que figurant dans le reacutepertoire de la Cour

1 Devant le Seacutenat le rapporteur du projet de loi avait qualifieacute les pouvoirs de la commission de laquo veacuteritables preacuterogatives drsquoinstruction raquo propos rapporteacutes par H ANGEVIN op cit 2 V en ce sens H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 123 laquo Doteacutee de veacuteritables pouvoirs dinformation cette commission qui a seule celui de saisir la cour de reacutevision quand le recours lui paraicirct recevable et admissible exerce la fonction dune veacuteritable juridiction dinstruction en matiegravere de reacutevision raquo C MATHON op cit p9 laquo Elle est mal nommeacutee et devrait srsquoappeler la commission drsquoinstruction des demandes en reacutevision des condamnations peacutenales raquo 3 M-L RASSAT Traiteacute de proceacutedure peacutenale op cit ndeg 328

122

de cassation sous la rubrique laquo commission administrative raquo la commission de reacutevision srsquoeacutetait

deacuteclareacutee agrave lrsquooccasion de lrsquoexamen de QPC ecirctre une juridiction au sens de la Constitution1

De plus il srsquoagissait bien drsquoune juridiction speacutecialiseacutee puisque son domaine drsquointervention se

limitait agrave la reacutevision

291 Par rapport agrave lrsquoexpression laquo en vue de deacuteterminer srsquoil existe des charges

suffisantes raquo la commission de reacutevision srsquoinscrivait dans cette logique en veacuterifiant la

recevabiliteacute des requecirctes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises Les termes laquo pour justifier

le renvoi en jugement des personnes en cause raquo eacutevoquent ceux de lrsquoancien article 623 du Code

de proceacutedure peacutenale qui preacutevoyait que laquo cette commission saisit la chambre criminelle qui

statue comme cour de reacutevision raquo laquelle pouvait ensuite proceacuteder au laquo renvoi [des] accuseacutes

ou preacutevenus devant une juridiction de mecircme ordre et de mecircme degreacute mais autre que celle

dont eacutemane la deacutecision annuleacutee raquo Il existe donc bien une similitude au niveau des liens qui

pouvaient exister entre une juridiction drsquoinstruction et une juridiction de jugement et ceux

unissant les acteurs de la proceacutedure de reacutevision

292 Ensuite lrsquoancien article 625 alineacutea 1 du Code de proceacutedure peacutenale mentionne

lrsquolaquo affaire pas en eacutetat raquo concernant une requecircte transmise par la commission et dont lrsquoexamen

aurait eacuteteacute jugeacute incomplet par la Cour de reacutevision Une formulation presque identique se

retrouve dans le cadre de lrsquoinstruction preacuteparatoire ougrave il srsquoagit drsquoune laquo mise en eacutetat

preacutealable raquo2

293 Enfin les laquo recherches et veacuterifications utiles raquo preacutevues par lrsquoancien article 623 du

Code de proceacutedure peacutenale semblaient dans les faits se rapprocher des laquo actes drsquoinformations

utiles raquo de lrsquoarticle 81 du Code de proceacutedure peacutenale Par exemple des eacutecoutes teacuteleacutephoniques

sont des moyens drsquoinvestigations utiliseacutes par le juge drsquoinstruction comme par la commission

de reacutevision Les nombreuses mesures drsquoinformations mises en œuvre dans le cadre des

affaires RADDAD3 et SEZNEC4 sont lrsquoillustration drsquoun mode de fonctionnement proche de

celui du juge drsquoinstruction A la demande de la commission lrsquoaffaire RADDAD a donneacute lieu

agrave de nombreuses expertises (meacutedecins graphologues) et auditions Il srsquoagit bien lagrave

1 Commission de reacutevision 4 juillet 2013 ndeg 13REV078 Monsieur LOUVEL en conclut laquo Ainsi dans lrsquohypothegravese ougrave une QPC serait consideacutereacutee comme seacuterieuse la commission serait ameneacutee agrave la renvoyer agrave la chambre criminelle raquo V Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur B LOUVEL op cit p 227 2 Le chapitre du manuel de Messieurs GUINCHARD et BUISSON consacreacute agrave lrsquoinstruction srsquointitule laquo La mise en eacutetat preacutealable du dossier de la proceacutedure lrsquoinstruction raquo op cit p 829 3 Comm reacutevision 25 juin 2001 ndeg 01-99012 Bull crim 2001 Comm reacutevision ndeg 157 V J-P BROUILLAUD laquo Point de vue sur lrsquoaffaire Omar Raddad raquo D 2003 Point de vue p 627 4Comm reacutevision 11 avr 2005 ndeg 01 REV 065 Bull crim 2005 Comm reacutevision ndeg 3

123

drsquoinvestigations figurant au laquo reacutepertoire ordinaire raquo1 des mesures prises par un juge

drsquoinstruction Crsquoest pourquoi nous partageons lrsquoanalyse de Monsieur Henri ANGEVIN qui

estime que laquo doteacutee de veacuteritables pouvoirs dinformation cette commission qui [avait] seule

celui de saisir la Cour de reacutevision quand le recours lui [paraissait] recevable et admissible

[exerccedilait] la fonction dune veacuteritable juridiction dinstruction en matiegravere de reacutevision raquo2

294 Le parallegravele avec une juridiction drsquoinstruction pouvait aussi srsquoexpliquer par une

convergence drsquoapparence entre les pouvoirs drsquoinvestigation de la commission et ceux du juge

drsquoinstruction

B Des pouvoirs proches de ceux du juge drsquoinstruction

295 Les pouvoirs drsquoinstruction revenaient le plus souvent agrave la commission

Neacuteanmoins la Cour de reacutevision en disposait eacutegalement3 En effet lrsquoancien article 625 du

Code de proceacutedure peacutenale preacutevoyait que laquo si la cour de reacutevision estime que laffaire nest pas

en eacutetat elle procegravede comme il est dit au sixiegraveme alineacutea de larticle 623 raquo Aussi la question

de lrsquoeacutetendue des pouvoirs drsquoinstruction pouvait-elle ressurgir au niveau de la Cour de

reacutevision4

296 Le leacutegislateur autorisait la commission agrave proceacuteder laquo directement ou par

commission rogatoire agrave toutes recherches auditions confrontations et veacuterifications utiles raquo

En comparaison agrave lrsquoarticle 81 du Code de proceacutedure peacutenale qui autorise le juge drsquoinstruction agrave

proceacuteder laquo conformeacutement agrave la loi agrave tous les actes drsquoinformation qursquoil juge utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute raquo les pouvoirs de la commission bien que ressemblants eacutetaient

plus limiteacutes Ils proceacutedaient drsquoune eacutenumeacuteration plutocirct floue des actes mis agrave sa disposition (1)

Malgreacute cette impreacutecision il convient de deacuteterminer quels eacutetaient les actes concrets que la

commission pouvait ordonner et de deacutefinir dans le silence du texte la conduite agrave tenir en cas

de deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers dans les faits reprocheacutes au demandeur (2)

1 Expression emprunteacutee agrave Messieurs GUINCHARD et BUISSON op cit ndeg 1856 2 H ANGEVIN op cit ndeg 123 3 Monsieur ANGEVIN utilise le terme de laquo mesures compleacutementaires drsquoinstruction raquo op cit ndeg 139 4 Dans la mesure ougrave la commission doit lui transmettre un dossier en eacutetat la Cour de reacutevision utilise plus rarement les pouvoirs drsquoinvestigations dont elle dispose Pour un exemple V Cass crim 26 feacutevrier 1997 ndeg 96-85082 Bull ndeg80

124

1 Le listage impreacutecis des pouvoirs drsquoinstruction de la commission

297 Il srsquoagit de deacutefinir les eacuteleacutements figurant dans la liste de lrsquoancien article 623 du

Code de proceacutedure peacutenale Srsquoagissant des recherches et veacuterifications la question peut se poser

de savoir si une perquisition ou une saisie se deacutefinissent comme tels De mecircme il y a lieu de

srsquointerroger sur la possibiliteacute drsquoeffectuer une comparaison ADN entre les empreintes

retrouveacutees sur des scelleacutees et celles figurant au fichier national automatiseacute des empreintes

geacuteneacutetiques1 ou encore sur la possibiliteacute de recourir agrave des eacutecoutes teacuteleacutephoniques2 Se reacutefeacuterant

au juge drsquoinstruction nous pourrions citer de nombreux exemples lieacutes aux moyens

drsquoinvestigations mis en œuvre par le magistrat instructeur Lrsquoeacutenumeacuteration approximative des

pouvoirs drsquoinvestigation de la commission placcedilait les magistrats de la commission face agrave un

laquo vide juridique sideacuterant et sideacuteralraquo3 Ces questions alimentaient une autre interrogation celle

de savoir agrave qui incombait lrsquoinitiative des actes drsquoinvestigations agrave la commission ou agrave son

rapporteur Pour ce qui est des auditions et confrontations le leacutegislateur nrsquoapportait aucune

information sur leur deacuteroulement

298 Se posait donc la question de la deacutecouverte par la commission de lrsquoimplication

drsquoun tiers ayant agi aux cocircteacutes du demandeur en reacutevision (qui demeure de facto coupable) ou agrave

la place de celui-ci (qui est de facto innocent)

2 Le silence sur la deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers par la commission

299 Il srsquoagissait de lrsquohypothegravese dans laquelle au cours de ses investigations la

commission deacutecouvrait ou suspectait lrsquoidentiteacute du veacuteritable auteur des faits ou lrsquoapparition

drsquoun complice aux cocircteacutes de lrsquoauteur principal le demandeur Par exemple des reacuteveacutelations

importantes pouvaient ecirctre faites agrave lrsquooccasion drsquoune audition ou confrontation et apporter un

nouvel eacuteclairage sur lrsquoaffaire Un individu pouvait reconnaicirctre ecirctre lrsquoauteur des faits

injustement reprocheacutes au demandeur ou avouer avoir participeacute agrave la commission de lrsquoinfraction

comme complice ou coauteur La personne entendue pouvait aussi deacutenoncer un tiers

deacutesignant ainsi un nouveau suspect susceptible drsquoinnocenter le demandeur Enfin des

veacuterifications ou recherches pouvaient aboutir notamment en raison des progregraves de la science

agrave des soupccedilons de culpabiliteacute porteacutes sur un tiers et de nature agrave innocenter le demandeur

1 La commission srsquoy refusait V CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 18 2 La commission estimait pouvoir recourir agrave cette mesure V Ibid ndeg 18 3 Rapport drsquoinformation op cit p 69

125

300 Au cours de lrsquoinstruction ordinaire lorsque des indices laissent preacutesager qursquoune

ou plusieurs personnes ont pu participer agrave la commission de lrsquoinfraction le juge drsquoinstruction

peut librement1 srsquointeacuteresser agrave ces individus nrsquoagissant pas dans le cadre drsquoune saisie in

personam2 Les teacutemoins ou les personnes soupccedilonneacutees beacuteneacuteficient drsquoun laquo encadrement

juridique protecteur des droits de la personne3 raquo Crsquoest dans ce cadre-lagrave que lrsquoinstruction

donne naissance aux statuts de teacutemoin assisteacute ou de mis en examen Le mis en examen peut

ecirctre maintenu dans certaines circonstances agrave la disposition de la justice au moyen du controcircle

judiciaire ou de la deacutetention provisoire deacutecideacutee par le juge des liberteacutes et de la deacutetention4 Or

contrairement agrave une juridiction drsquoinstruction la commission ne disposait pas en vertu des

textes de pouvoirs coercitifs privatifs de liberteacute De plus nrsquoagissant pas comme une autoriteacute

de poursuite elle ne pouvait pas appreacutecier les charges existantes contre un tiers

301 Lors de ses investigations la commission pouvait donc se retrouver dans une

position inconfortable Crsquoest ainsi qursquoelle eacutetait autoriseacutee agrave entendre une personne dont les

deacuteclarations recueillies au cours de son audition pouvaient ecirctre de nature agrave justifier sa laquo mise

en examen raquo Or le beacuteneacutefice de ce statut protecteur ne pouvait ecirctre octroyeacute que dans le cadre

drsquoune instruction preacuteparatoire Madame ANZANI ancienne preacutesidente de la commission de

reacutevision a drsquoailleurs exprimeacute ce malaise de la maniegravere suivante laquo On jongle On le fait

assister drsquoun avocat mais il nrsquoest pas mis en examen il nrsquoa pas accegraves au dossier raquo5 La

conduite de certaines auditions pouvait donc se transformer en un exercice drsquoeacutequilibriste

302 Dans lrsquohypothegravese ougrave une audition deacutebouchait sur un aveu la commission

interrompait ses investigations pour porter ces nouveaux eacuteleacutements agrave la connaissance du

parquet Celui-ci avait lrsquoentiegravere liberteacute drsquoouvrir ou de ne pas ouvrir une nouvelle information

judiciaire6 Or laquo la tentation pour lacteur de la chaicircne judiciaire qui intervient dans la

proceacutedure de confirmer purement et simplement la position de son preacutedeacutecesseur par confort

intellectuel ou par manque de temps nest manifestement pas un cas deacutecole dans le systegraveme

1 Il ne peut toutefois informer que sur des faits pour lesquels il a eacuteteacute saisi par un reacutequisitoire introductif ou suppleacutetif V article 80 CPP laquo Le juge dinstruction ne peut informer quen vertu dun reacutequisitoire du procureur de la Reacutepublique raquo 2 S GUINCHARD et J BUISSON op cit ndeg 1630 3 Expression emprunteacutee agrave Messieurs S GUINCHARD et J BUISSON 4 Ibid ndeg 1680 et s 5 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Madame M ANZANI 7 novembre 2013 Accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission 6 Solution identique dans lrsquoinstruction preacuteparatoire en cas de deacutecouverte de faits nouveaux par le juge drsquoinstruction Pour une illustration V Cass crim 4 juin 1996 Bull ndeg 230

126

judiciaire franccedilais raquo1 Ce risque eacutetait accentueacute lorsqursquoeacutetaient solliciteacutes les mecircmes acteurs du

dossier judiciaire et pouvait laisser penser que laquo la manifestation de la veacuteriteacute deacutepend de la

bonne ou mauvaise volonteacute des parquets et des enquecircteurs compeacutetents raquo2 En deacutefinitive les

zones drsquoombre de lrsquoancien article 623 du Code de proceacutedure peacutenale incitaient la commission agrave

une forme laquo drsquoautocensureraquo3 lors de ses investigations

303 Le vide juridique en cas drsquoimplication drsquoun tiers a particuliegraverement eacuteteacute ressenti

dans les affaires DILS et MACHIN

Dans lrsquoaffaire DILS le fait nouveau a eacuteteacute la deacutecouverte de la preacutesence sur les lieux au

moment des faits de Monsieur Francis HEAULME La commission a proceacutedeacute agrave lrsquoaudition de

lrsquointeacuteresseacute en srsquoentourant drsquoinfinies preacutecautions sachant qursquoune mise en examen eacutetait

impossible Lrsquoacquittement de Monsieur Patrick DILS nrsquoa pas eu lieu lors du premier procegraves

qui srsquoest tenu devant la juridiction de renvoi Son acquittement est intervenu plus tard en

appel devant la cour drsquoassises des mineurs du Rhocircne Ce nrsquoest qursquoapregraves ce verdict qursquoune

information a eacuteteacute ouverte agrave lrsquoencontre de Monsieur Francis HEAULME par le parquet de

Metz Il a donc fallu attendre lrsquoacquittement de Monsieur Patrick DILS pour ouvrir cette

information Il aurait eacuteteacute preacutefeacuterable drsquoordonner ce suppleacutement drsquoinformation au moment de la

deacutecouverte du fait nouveau

Dans lrsquoaffaire MACHIN le cas eacutetait diffeacuterent mais les mecircmes conclusions peuvent srsquoimposer

Un tiers avait avoueacute ecirctre lrsquoauteur du crime alors que Monsieur Marc MACHIN avait eacuteteacute

deacutefinitivement condamneacute pour ces faits Les aveux de Monsieur David SAGNO qui ont

donneacute lieu agrave une ouverture drsquoinformation srsquoinscrivaient en dehors du cadre drsquoune requecircte en

reacutevision Apregraves avis du parquet de Nanterre le Garde des sceaux a saisi de ce fait nouveau la

commission de reacutevision Le dossier drsquoinstruction concernant David SAGNO eacutetait deacutejagrave monteacute

au moment du lancement des investigations de la commission Agissant en aval de

lrsquoinstruction elle nrsquoa pas eacuteteacute agrave lrsquoorigine de la deacutecouverte du fait nouveau Ainsi il lui suffisait

drsquoattendre les reacutesultats de lrsquoenquecircte en cours Dans la pratique un eacutechange drsquoinformations a

eu lieu entre la commission et le magistrat instructeur4 Toutefois Monsieur Marc MACHIN

nrsquoa pas eacuteteacute aussitocirct innocenteacute apregraves la condamnation de David SAGNO La Cour de reacutevision

1 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 3125 au nom de la commission drsquoenquecircte chargeacutee de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans lrsquoaffaire dite drsquoOutreau et de formuler des propositions pour eacuteviter leur renouvellement p 277 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame M RADENNE op cit p 213 3 Ibid 4 Commission des Lois Audition de Madame ANZANI

127

saisie par la commission a reacuteexamineacute le dossier pour le renvoyer devant une cour drsquoassises

qui a finalement pu innocenter Marc MACHIN La question se pose de savoir si un tel

parcours judiciaire reacutepondait vraiment agrave lrsquoesprit de la reacutevision

304 Les zones drsquoombre du texte empecircchaient donc de deacuteterminer avec preacutecision la

ligne de deacutemarcation qui seacuteparait les deux organes Cette impreacutecision a eu pour conseacutequence

de transformer la nature des rapports qursquoentretenaient la commission et la Cour de reacutevision Il

en a reacutesulteacute un chevauchement de compeacutetences rendant difficile de savoir laquo qui faisait quoi raquo

Section 2 La transformation des relations entre la

commission et la Cour de reacutevision

305 Dans la pratique du filtrage la commission manifestait une seacuteveacuteriteacute plus

importante que celle qui eacutetait voulue par le leacutegislateur provoquant un eacutelargissement de son

champ de compeacutetences en empieacutetant sur celui de la Cour de reacutevision (sect 1) Cette pratique

inspireacutee par la jurisprudence nrsquoeacutetait pas sans conseacutequences sur le deacuteroulement de la proceacutedure

de reacutevision (sect 2)

sect1 Le filtrage seacutevegravere de la commission

306 Srsquoagissant de lrsquoeacutetendue du filtrage les intentions du leacutegislateur ont eacuteteacute

malmeneacutees (A) de sorte que lrsquoon se trouvait confronteacute agrave un chevauchement de compeacutetences

entre la commission et la Cour de reacutevision Sous cette influence persistante la Cour de

reacutevision srsquoeacutetait progressivement transformeacutee en juridiction de controcircle de la commission (B)

A La mauvaise interpreacutetation des intentions du leacutegislateur

307 Drsquoune part lors de lrsquoexamen du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu la

commission allait au-delagrave des souhaits du leacutegislateur en faisant montre drsquoune grande seacuteveacuteriteacute

quant agrave la pertinence des faits ou eacuteleacutements invoqueacutes (1) Drsquoautre part apregraves avoir eacutetabli cette

pertinence elle srsquoemparait de la question relative au doute que pouvait faire naicirctre le fait

nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu sur la culpabiliteacute du demandeur (2)

128

1 Un regard seacutevegravere sur le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnu

308 Premiegraverement la commission rejetait toute demande qui se fondait sur un

eacuteleacutement connu mais non deacutebattu bien qursquoil ait pu srsquoagir drsquoun eacuteleacutement deacuteterminant (a)

Deuxiegravemement la reconnaissance de la pertinence du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu

eacutetait subordonneacutee agrave des exigences plutocirct restrictives (b)

a Le rejet des demandes fondeacutees sur un eacuteleacutement connu mais non deacutebattu

309 La commission estimait qursquoun eacuteleacutement mecircme deacuteterminant qui figurait au dossier

sans pour autant avoir eacuteteacute deacutebattu devait ecirctre consideacutereacute comme connu Degraves lors qursquoil en avait

eacuteteacute fait mention au dossier cet eacuteleacutement bien qursquoabsent des deacutebats nrsquoeacutetait pas consideacutereacute

comme laquo inconnu de la juridiction au jour du procegravesraquo En effet les magistrats professionnels

en avaient connaissance au moment de la communication du dossier Crsquoest ainsi qursquoune

requecircte en reacutevision fondeacutee sur un eacuteleacutement connu mais non deacutebattu mecircme srsquoil eacutetait de nature agrave

faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute eacutetait deacuteclareacutee irrecevable En pratique il pouvait srsquoagir

drsquoun eacuteleacutement ignoreacute par le juge drsquoinstruction ou omis par lrsquoavocat de la deacutefense ou bien

encore drsquoun indice qui avait eacutechappeacute agrave la vigilance des magistrats professionnels Ces

eacuteleacutements du dossier nrsquoeacutetaient donc pas porteacutes agrave la connaissance des jureacutes drsquoassises qui

prennent leur deacutecision sur la base des deacutebats drsquoaudience

310 La doctrine dans sa majoriteacute soutenait cette exclusion en estimant que

lrsquoadmission de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu reviendrait agrave reconnaicirctre comme moyen drsquoouverture le

laquo mal-jugeacute raquo alors que la proceacutedure de reacutevision nrsquoa vocation agrave reacuteparer que les seules erreurs de

fait1 Ainsi la fermeture de la reacutevision agrave lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu a pour origine la volonteacute de ne

pas rejouer le procegraves devant la Cour de reacutevision qui ne constitue pas un troisiegraveme degreacute de

juridiction A deacutefaut la reacutevision serait assimileacutee agrave lrsquoappel qui permet deacutejagrave de soulever des

eacuteleacutements connus du dossier et non deacutebattus en premiegravere instance

311 Toutefois lrsquointroduction en 1989 aux cocircteacutes du fait nouveau de lrsquoeacuteleacutement

inconnu aurait ducirc permettre selon nous de reconsideacuterer la situation En effet leacuteleacutement

devait avoir eacuteteacute laquo inconnu de la juridiction au jour du procegraves raquo Une interpreacutetation de lrsquoancien

article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale permet drsquoaffirmer que le fait laquo se produit raquo et que

lrsquoeacuteleacutement laquo se reacutevegravele raquo Ceci signifie que bien que deacutejagrave connu lrsquoeacuteleacutement peut ecirctre reacuteveacuteleacute

posteacuterieurement agrave la condamnation Monsieur MATHON deacuteclare que laquo lrsquoexpression non

1 Rapport drsquoinformation op cit p 80

129

deacutebattu nrsquoest pas bonne raquo parce qursquoelle creacuteeacutee une confusion en introduisant faussement au

niveau de la reacutevision lrsquoideacutee du mal-jugeacute Crsquoest pourquoi Monsieur MATHON propose de

parler plutocirct drsquolaquo un eacuteleacutement qui vient agrave se reacuteveacuteler et qui si il avait eacuteteacute pris en consideacuteration

lors du procegraves aurait vraisemblablement entraineacute un verdict diffeacuterent raquo Cette deacutefinition a

pour avantage drsquoeacutepouser le concept de reacuteveacutelation preacutevu par le leacutegislateur srsquoagissant de

lrsquoeacuteleacutement1 La reacuteveacutelation transcende le distinguo entre connu et inconnu une chose connue

pouvant ecirctre reacuteveacuteleacutee par la suite

312 Ensuite pour ses opposants lrsquoadmission de ce moyen drsquoouverture laisserait agrave

penser qursquoun nombre important de condamneacutes pourrait exhumer malicieusement de leur

dossier certains eacuteleacutements non deacutebattus et ainsi multiplier inutilement le nombre des pourvois

en reacutevision Sont particuliegraverement viseacutees les affaires financiegraveres qui selon Monsieur MARIN

pourraient constituer une laquo source de difficulteacutes inextricables raquo2 Toutefois Maicirctre

FLORAND a relativiseacute cette crainte en raison du peu de chance qursquoil existe de trouver encore

un eacuteleacutement non deacutebattu apregraves une condamnation deacutefinitive3 En effet le jeu des voies de

recours ordinaires permet tregraves souvent drsquoexplorer au beacuteneacutefice du suspect tous les arcanes du

dossier Il semble difficile drsquoimaginer un justiciable se garder volontairement drsquoinvoquer un

eacuteleacutement au cours de son parcours judiciaire afin de se meacutenager avec la reacutevision une ultime

porte de sortie

313 Enfin pour ses pourfendeurs lrsquoirrecevabiliteacute de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu trouverait

sa justification dans le fait que le pourvoi en reacutevision nrsquoa pas pour vocation de pallier les

deacutefaillances des acteurs du procegraves Cet argument ne nous parait pas convaincant lrsquoerreur

judiciaire eacutetant souvent le reacutesultat drsquoune laquo succession de deacutefaillances raquo4 drsquoordres tregraves divers

Pour preuve le rapport de la commission drsquoenquecircte mise en place suite agrave lrsquoaffaire dite

drsquoOutreau a reacutealiseacute dans sa premiegravere partie la laquo radiographie drsquoun deacutesastre judiciaire raquo

Srsquoagissant du juge drsquoinstruction le rapport parle de laquo contradictions nombreuses mais

ignoreacutees raquo5 laquo drsquoeacuteleacutements agrave deacutecharge parfois eacutecarteacutes raquo6 Du cocircteacute des avocats de la deacutefense

Maicirctre DUPONT-MORETTI signale qursquo laquo il a existeacute des dysfonctionnements parmi les

1 Elle srsquoinspire du Statut du tribunal peacutenal international pour lrsquoex Yougoslavie (article 26) et du Statut de la Cour peacutenale internationale (article 84) qui visent respectivement laquo la deacutecouverte drsquoun fait nouveau lors du procegraves et qui aurait pu ecirctre un eacuteleacutement deacutecisif de la deacutecision raquo et laquo la deacutecouverte drsquoun fait nouveau qui nrsquoeacutetait pas connu au jour du procegraves et qui srsquoil avait eacuteteacute eacutetabli aurait vraisemblablement entraineacute un verdict diffeacuterent raquo 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-C MARIN p 125 3 Commission des Lois Audition de Maicirctre FLORAND 4 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 3125 op cit p 237 5 Ibid p 118 6 Ibid p 130

130

avocats raquo1 Le rapport conclut que laquo si les dysfonctionnements en amont de la chaicircne

judiciaire sont une reacutealiteacute ils nont pas eacuteteacute corrigeacutes par les instances de controcircle ulteacuterieur

[hellip]Ces deacutefaillances sexpliquent eacutegalement plus largement par labsence dune culture de

controcircle raquo2 Heureusement dans lrsquoaffaire dite drsquoOutreau les deacutefaillances des acteurs ont eacuteteacute

reacuteveacuteleacutees avant que la deacutecision ne devienne deacutefinitive Il nrsquoen reste pas moins vrai que les

dysfonctionnements de la justice peuvent exister et ecirctre deacutecouverts apregraves une condamnation

deacutefinitive

314 Degraves lors il nous semble injuste drsquoaccabler le condamneacute deacutefinitif victime drsquoune

eacuteventuelle deacutefaillance du magistrat instructeur ou de son avocat Il parait difficile drsquoeacutecarter

toute possibiliteacute de reacutevision au seul motif que les eacuteleacutements non deacutebattus eacutetaient connus mais

mal exploiteacutes agrave un moment de la proceacutedure Cette situation est encore plus deacuterangeante

lorsque ces eacuteleacutements inexploiteacutes font naicirctre apregraves leur reacuteveacutelation un doute sur la culpabiliteacute

du condamneacute Pourtant srsquoagissant de la CNCDH la commission ne devait pas proceacuteder agrave

laquo un nouvel examen des charges sur lesquelles la juridiction a fondeacute sa conviction de la

culpabiliteacute raquo3 Or la conviction en matiegravere criminelle est celle des jureacutes drsquoassises qui se

fondent uniquement sur les eacuteleacutements deacutebattus et la deacutecision de culpabiliteacute ne procegravede que du

deacutebat Or la reacuteveacutelation drsquoun eacuteleacutement figurant au dossier mais non deacutebattu peut influer sur le

verdict4 En effet les jureacutes auraient pu une fois cet eacuteleacutement connu prononcer un verdict

diffeacuterent voire un acquittement Crsquoest pourquoi drsquoaucuns souhaitent que lrsquoeacuteleacutement non

deacutebattu puisse agrave certaines conditions donner lieu agrave reacutevision Maicirctres NOACHOVITCH et

FLORAND ou encore Messieurs COTTE et BILGER indiquent que laquo si cet eacuteleacutement peut

eacuteviter une erreur judiciaire il parait difficile de lrsquoignorer raquo5

315 Lors de son audition devant la Commission des lois Monsieur BILGER

magistrat honoraire a citeacute lrsquoexemple de lrsquoaffaire DEPERROIS pour deacutemontrer lrsquointeacuterecirct de

lrsquoadmission de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu comme un eacuteleacutement nouveau6 Dans cette affaire dite de

laquo la Josacine empoisonneacutee raquo certains eacuteleacutements contenus dans les eacutecoutes teacuteleacutephoniques

nrsquoavaient pas eacuteteacute exploiteacutes laquo ni par le magistrat instructeur pas plus que par la deacutefense ni au

1 Ibid p 212 2 Ibid p 237 3 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur judiciaire op cit ndeg 14 4 Commission des lois Reacuteunion du 19 feacutevrier 2014 agrave 10 heures Intervention de Monsieur P MOLAC 5 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur B COTTE op cit p 199 6 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Monsieur Ph BILGER 3 octobre 2013 accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission

131

cours du procegraves drsquoassises raquo1 En particulier Monsieur Jean-Michel DUMAY a releveacute une

phrase adresseacutee au pegravere de la victime par lrsquoun de ses amis laquo Tu vas passer agrave la teacuteleacute toi avec

ton produit quta mis dans la Josacine raquo2 Cet eacuteleacutement passeacute sous silence lors des deacutebats

devant la cour drsquoassises a eacuteteacute agrave lrsquoorigine drsquoune demande en reacutevision Celle-ci a eacuteteacute rejeteacutee au

motif qursquoil ne srsquoagissait pas drsquoun eacuteleacutement inconnu mais simplement drsquoun eacuteleacutement non deacutebattu

Pourtant cet eacuteleacutement une fois deacutebattu aurait peut-ecirctre pu changer le cours du procegraves Pour

Maicirctre ROSANO laquo sa prise en compte aurait permis drsquoenvisager une autre issue au procegraves raquo3

316 La seacuteveacuteriteacute de la commission srsquoexpliquait par lrsquoignorance de la piste de la

reacuteveacutelation et par une interpreacutetation stricte du mot laquo inconnu raquo isoleacutee du contexte (connu du

dossier mais inconnu des jureacutes) Or une interpreacutetation dynamique du texte aurait permis de

mieux se conformer agrave lrsquoesprit de la loi laquo marqueacute par une tendance constante agrave ouvrir de plus

en plus libeacuteralement la reacutevision au deacutetriment du respect de la chose jugeacutee raquo4 A nos yeux le

leacutegislateur a fait reacutefeacuterence en 1989 agrave la reacuteveacutelation de lrsquoeacuteleacutement inconnu pour entrevoir une

ouverture vers lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

317 Enfin il apparaissait difficile drsquoapporter la preuve qursquoun eacuteleacutement ait eacuteteacute ou non

deacutebattu En effet devant les tribunaux correctionnels les deacutebats ne font lrsquoobjet drsquoaucun

enregistrement sonore ni audiovisuel Srsquoagissant des cours drsquoassises la motivation reste

lacunaire et eacutetait drsquoailleurs inexistante jusqursquoen 2012 Lors de son audition Maicirctre

FOUSSARD a eu lrsquooccasion de deacuteclarer que laquo lrsquoincapaciteacute de la commission [hellip] agrave acqueacuterir

la certitude qursquoun fait nrsquoeacutetait pas connu de la juridiction de fond conduit agrave preacutesumer qursquoil

lrsquoeacutetait et donc agrave rejeter un certain nombre de demandes faute drsquoinformation suffisante raquo En

drsquoautres termes les imperfections de la proceacutedure peacutenale srsquoaveacuteraient preacutejudiciables aux

inteacuterecircts du demandeur en reacutevision

318 La seacuteveacuteriteacute de la commission se manifestait eacutegalement par rapport agrave un haut degreacute

drsquoexigences relatives au fait nouveau et agrave lrsquoeacuteleacutement inconnu

b Les exigences relatives au fait nouveau et agrave lrsquoeacuteleacutement inconnu

318 La commission de reacutevision qui ne se limitait pas agrave acter la reacutealiteacute du fait portait

eacutegalement un regard veacutetilleux sur la pertinence du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu

1 Ibid Contribution de Madame V ROSANO op cit p 273 2 Documentation accessible sur wwwdeperroisfreefr 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame V ROSANO op cit p 273 4 H ANGEVIN La reacuteformehellip op cit ndeg 3

132

Primo elle avait tendance agrave restreindre le peacuterimegravetre du fait nouveau susceptible de revecirctir de

multiples facettes La qualiteacute de fait nouveau aurait pu ecirctre reconnue agrave lrsquoapparition de

nouvelles conclusions obtenues lors drsquoune reconstitution priveacutee ou drsquoune expertise priveacutee1

Pourtant ces moyens nrsquoavaient que peu de chances drsquoaboutir devant la commission de

reacutevision2

Secundo elle avait de fortes exigences concernant le critegravere de la pertinence du fait nouveau

ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu Prenons lrsquoexemple du rejet en 2005 de la requecircte formuleacutee par

Monsieur TURQUIN Le veacuteteacuterinaire niccedilois a eacuteteacute condamneacute pour le meurtre de son fils dont la

deacutepouille nrsquoa jamais eacuteteacute deacutecouverte La requecircte en reacutevision se fondait sur le teacutemoignage du

deacutetenu Pierre BUCHEIT qui avait livreacute les confidences drsquoun codeacutetenu qui srsquoeacutetait vanteacute davoir

fait emprisonner un laquo docteur pour animaux raquo agrave Nice Celui-ci expliquait que durant la nuit de

la disparition de lenfant il se trouvait en compagnie drsquoun complice agrave bord drsquoune voiture

voleacutee afin drsquoeffectuer une reconnaissance preacutealable agrave un cambriolage Selon ses dires son

veacutehicule qui circulait devant la villa des TURQUIN a percuteacute lrsquoenfant qui tueacute sur le coup se

trouvait sur la route en pyjama Lrsquoauteur de lrsquoaccident aurait placeacute le corps de lrsquoenfant dans

son veacutehicule afin de le transporter vers une cimenterie pregraves de Marseille ougrave il a eacuteteacute abandonneacute

Pierre BUCHEIT a par peur de repreacutesailles toujours refuseacute de livrer lrsquoidentiteacute de lrsquoauteur des

faits ce qui lui a valu drsquoecirctre condamneacute de maniegravere surprenante3 pour laquo absence de

teacutemoignage en faveur drsquoune personne que lrsquoon sait innocente des faits pour lesquels elle est

poursuivie ou condamneacute raquo4 Malgreacute la laquo vraisemblance raquo5 et la laquo creacutedibiliteacute raquo6 des reacuteveacutelations

rapporteacutees par Monsieur Pierre BUCHEIT la commission de reacutevision a rejeteacute la demande

sans ordonner aucune information compleacutementaire Madame le Professeur RASSAT srsquoeacutetait

trouveacutee surprise par cette solution qursquoelle laquo a un certain mal agrave comprendre raquo7 en concluant

que laquo laffaire Turquin apparaicirct comme un caillou dans la chaussure de la justice caillou qui

risque un jour (en un certain sens il faut le souhaiter pour J-L Turquin) de se transformer en

bombe et que cette justice gagnerait beaucoup agrave eacuteliminer raquo8

1 Comm reacutevision 16 deacutec 2002 Bull ndeg 2 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution M FLORAND op cit p 167 Sur lrsquoexpertise V H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 90-93 3 Pour une critique de la condamnation de P BUCHEIT V M-L RASSAT Lrsquoinfraction drsquoabsence de teacutemoignage en faveur drsquoun innocent une nouvelle peacuteripeacutetie de lrsquoaffaire TURQUIN JCP 2005 II p 10065 4 CA Nancy 4e ch corr 2 feacutevr 2005 Min publ c Bucheit Juris-Data ndeg 2005-269407 5 V sur ce point lrsquoanalyse de M-L RASSAT laquo Lrsquoinfraction drsquoabsencehellip raquo op cit 6 Ibid 7 Ibid 8 Ibid

133

319 A la seacuteveacuteriteacute inheacuterente agrave la reconnaissance du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement

inconnu srsquoajoutait la difficulteacute lieacutee au fait que la commission srsquoeacutetait empareacutee de lrsquoeacutetude de

lrsquoanalyse du doute sur la culpabiliteacute

2 Lrsquoappreacuteciation du doute par la commission

320 La requecircte susceptible drsquoecirctre prise en compte (donc qui nrsquoeacutetait pas manifestement

irrecevable) eacutetait examineacutee au fond par la commission Or la commission avait tendance agrave

srsquoemparer de la question du doute prenant ainsi quelques liberteacutes par rapport aux intentions

du leacutegislateur

321 En 1991 soit deux anneacutees apregraves la mise en œuvre de la loi de 1989 Monsieur

Henri ANGEVIN notait que laquo la commission de reacutevision se [montrait] dune extrecircme

prudence mdash et lon ne saurait que len approuver mdash quant agrave lappreacuteciation du laquo doute raquo que

[pouvait] faire naicirctre le fait ou eacuteleacutement dont la nouveauteacute [eacutetait] eacutetablie et quelle [estimait]

que cette appreacuteciation agrave moins que leacuteleacutement nouveau soit manifestement sans rapport avec la

culpabiliteacute ou linnocence du demandeur [relevait] de la compeacutetence de la Cour de

reacutevision raquo1 Il est reacuteel qursquoagrave cette eacutepoque la plupart des attendus de la commission de reacutevision

eacutetaient formuleacutes de maniegravere explicite Il eacutetait ainsi indiqueacute que laquo compte tenu de cet eacuteleacutement

inconnu de la juridiction au jour du procegraves la demande en reacutevision paraicirct pouvoir ecirctre

admise raquo2

322 Mais agrave lrsquoeacutepreuve du temps la position de la commission srsquoest rigidifieacutee A la

lecture de certaines de ses deacutecisions il semble que le doute intervenait au niveau des

motivations des deacutecisions de rejet comme de transmission3 Dans une deacutecision de 2007 la

commission srsquoeacutetait prononceacutee de la maniegravere suivante laquo Attendu quil reacutesulte de ce qui

preacutecegravede que certains des eacuteleacutements de fait invoqueacutes agrave lappui de la demande en reacutevision ne

sont pas nouveaux ayant eacuteteacute connus lors des deacutebats devant la cour dassises et que ceux qui

pourraient ecirctre tenus pour nouveaux ne sont pas de nature agrave faire naicirctre un doute sur la

culpabiliteacute du condamneacute raquo4 Cet attendu deacutevoile clairement que la commission srsquointeacuteressait agrave

la fois au caractegravere nouveau du fait et au doute que celui-ci faisait rejaillir sur la culpabiliteacute du

condamneacute

1 H ANGEVIN laquo Premiegraveres applicationshellip raquo op cit ndeg 11 22 Comm reacutevision 9 mai 1994 ndeg 93-84852 Comm reacutevision 3 juin 1996 no 00-96016 3 V par exemple Comm reacutevision 12 juin 2006 ndeg 05 REV 071 Comm reacutevision 29 sept 2008 ndeg 08 REV 031 4 Comm reacutevision 19 mars 2007 ndeg 05 REV 084

134

323 Monsieur Henri ANGEVIN a eacutecrit quelques anneacutees plus tard laquo la commission

qui [devait] deacuteterminer si la demande [paraissait] pouvoir ecirctre admise [appreacuteciait] la

possibiliteacute drsquoun doute sur la culpabiliteacute du requeacuterant1 raquo Quant agrave Madame DE VALICOURT

elle considegravere qursquo laquo agrave lrsquoanalyse de la jurisprudence on constate que le controcircle effectueacute par la

Commission ne se [limitait] pas agrave un controcircle minimum de leacutegaliteacute mais qursquoelle [effectuait]

un controcircle a maxima du doute2 raquo

324 Dans la pratique lrsquoambiguiumlteacute du texte de 1989 avait servi de catalyseur agrave

lrsquoappeacutetence de la commission Se pose donc la question de savoir sur quel doute reposaient les

exigences de la commission Etaient-elles semblables agrave celles de la Cour de reacutevision ou la

commission se satisfaisait-elle drsquoun doute alleacutegeacute Dans lrsquoaffirmative comment eacutetait-t-il

possible de mesurer lrsquointensiteacute du doute acceptable et de le distinguer des exigences de la

Cour de reacutevision En reacuteponse agrave toutes ces questions relatives au partage de lrsquoexamen du

doute entre la commission et la Cour de reacutevision il est difficile mecircme si pour Maicirctre

NOACHOVITCH laquo la commission de reacutevision ne renvoie devant la Cour de reacutevision que si

elle est convaincue du doute seacuterieux raquo3 drsquoapporter une solution purement juridique La

logique voudrait que la commission agissant comme instance de filtrage appreacutecie plus

souplement le doute que la Cour de reacutevision Toutefois il parait difficile de mesurer la

subjectiviteacute du doute Cette observation deacutejagrave faite au sujet de la Cour de reacutevision4 est donc

reformuleacutee agrave lrsquoadresse de la commission Crsquoest ainsi que le doublement de lrsquoexamen du doute

ne faisait qursquoaggraver les difficulteacutes relatives agrave son eacutevaluation

325 Lrsquoaffaire RANUCCI dont la derniegravere demande en reacutevision a eacuteteacute rejeteacutee en 1991

illustre bien le malaise qui pouvait en deacutecouler Dans lrsquoaffaire RANUCCI la commission de

reacutevision a rejeteacute le 29 novembre 1991 la requecircte en reacutevision en eacutecartant un agrave un les eacuteleacutements

nouveaux produits par la deacutefense Dans sa deacutecision inaccessible dans sa version inteacutegrale

elle srsquoest deacutetermineacutee notamment par rapport agrave une laquo deacutefaillance de meacutemoire onze ans apregraves

les faits raquo Madame le Professeur RASSAT dans son propos au sujet de la peine de mort

eacutevoque le doute qui pegravese sur lrsquoaffaire RANUCCI Pourtant celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute pris en compte

par la commission lui reprochant sucircrement certaines faiblesses laquo Le problegraveme dune

exeacutecution sil se posait ne peut concerner que des individus dont on est certain quils ont bien

commis les faits quon leur reproche raison pour laquelle quel que soit le caractegravere farfelu de

1 H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 112 2 E DE VALICOURT op cit p 199 3 Ibid Contribution de S NOACHOVITCH op cit p 193 4 V supra ndeg 230 agrave 238

135

cette histoire de pull-over rouge il ne fallait pas exeacutecuter Christian RANUCCI raquo1 Dans son

plaidoyer pour labolition de la peine de mort devant lrsquoAssembleacutee Nationale le Garde des

Sceaux Monsieur BADINTER a aussi eacutevoqueacute lrsquoaffaire RANUCCI en mettant lrsquoaccent sur le

doute quant agrave la culpabiliteacute du condamneacute agrave mort laquo Christian RANUCCI je naurais garde

dinsister il y a trop dinterrogations qui se legravevent agrave son sujet et ces seules interrogations

suffisent pour toute conscience eacuteprise de justice agrave condamner la peine de mort 2raquo La

commission nous semble-t-il a fait preuve de seacuteveacuteriteacute et a peut-ecirctre pris certaines liberteacutes

avec lrsquoesprit de la loi en refusant de transmettre le dossier agrave la Cour de reacutevision

Surmeacutediatiseacutee lrsquoaffaire du pull-over rouge srsquoest compliqueacutee au fil du temps et a susciteacute de

nombreux deacutebats utiles ou moins utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute pour deacuteboucher

aujourdrsquohui sur un veacuteritable imbroglio judiciaire La commission aurait malgreacute tout ducirc

laisser prospeacuterer le recours jusqursquoagrave la Cour de reacutevision charge agrave cette derniegravere de le rejeter

326 Mecircme si lrsquoerreur judiciaire ne conduit plus agrave lrsquoeacutechafaud laquo lappreacuteciation du

doute sur la culpabiliteacute [aurait ducirc] ecirctre lapanage de la Cour de reacutevision juge de la valeur du

fait nouveau et aussi de sa deacutefinition Quant agrave la commission elle [aurait ducirc] avoir pour seule

tacircche de controcircler la recevabiliteacute de la demande ce qui implique lappreacuteciation du caractegravere

nouveau ou non du fait invoqueacute raquo3 Lrsquointeacuterecirct que portait la commission au doute lui permettait

drsquoeacutelargir son champ de compeacutetence en srsquoarrogeant un rocircle plus deacuteterminant que souhaiteacute dans

son pouvoir de filtrage Elle effectuait un choix au moment de sa deacutecision alors que

lrsquoobligation de transmission srsquoimposait en cas de fait nouveau ou drsquoeacuteleacutement inconnu jugeacute

fiable

327 Le doute qui constituait le critegravere de transmission des demandes agrave la Cour de

reacutevision avait pour conseacutequence de fragiliser la pertinence de lrsquoargumentation deacutecrivant la

commission comme une juridiction drsquoinstruction4 puisque les deacutecisions de la commission se

situaient agrave la lisiegravere de celles qui sont rendues par une juridiction de jugement En poussant ce

raisonnement agrave lrsquoextrecircme on aurait pu consideacuterer que les missions drsquoinstruction et de

jugement eacutetaient concentreacutees entre les mains drsquoun mecircme pouvoir Cette situation srsquooppose agrave la

1 M-L RASSAT laquo Mort de la peine de mort raquo (hellip) op cit 2 Assembleacutee Nationale Seacuteance du 17 septembre deacutebats accessibles sur httpwwwassemblee-nationalefrevenementsJO-debatsP1140PDF 3 W JEANDIDIER op cit p 1245 4 Sur le rocircle du juge drsquoinstruction V F-LCOSTE Lrsquoinstruction agrave la recherche des fondamentaux AJ Peacutenal 2010 p 422 Lrsquoauteur qualifie le juge drsquoinstruction de laquo juge des moyens sur lesquels laccusation et la deacutefense entendent se fonder raquo et preacutecise qursquo laquo instruire nest pas juger la cause raquo

136

regravegle de la seacuteparation des fonctions drsquoinstruction et jugement selon laquelle tout acte

dinstruction est incompatible avec la mission du jugement1

328 La liberteacute prise par la commission eacutetait de nature agrave compliquer les rapports

entretenus avec la Cour de reacutevision et agrave creacuteer une confusion des genres Il se deacutegageait

lrsquoimpression que les juridictions de reacutevision crsquoest-agrave-dire la commission et la Cour de reacutevision

fonctionnaient comme un double degreacute de juridiction Une fois destinataire drsquoune demande

de reacutevision transmise par la commission la Cour de reacutevision pouvait se transformer en

juridiction de controcircle

B La transformation de la Cour de reacutevision en juridiction de

controcircle

329 Lrsquoeacutelargissement des compeacutetences de la commission a eacuterigeacute la Cour de reacutevision en

une juridiction de controcircle Selon les affaires elle controcirclait soit le doute sur la culpabiliteacute (1)

soit lrsquoinnocence (2)

1 Le controcircle du doute sur la culpabiliteacute

330 La commission srsquoeacutetant deacutejagrave saisie du doute la question se posait en cas de

transmission de la requecircte de savoir ce que la Cour de reacutevision pouvait faire de plus En effet

laquo qursquoon le veuille ou non et mecircme si officiellement [crsquoeacutetait] la Cour de reacutevision qui [deacutecidait]

srsquoil y [avait] un doute ou non au sens de la loi il y [avait] un double controcircle du doute ce qui

[eacutetait] insupportable pour le justiciable raquo2

331 En pratique le doute eacutetait examineacute en premier lieu par la commission (eacutetape 1)

Dans lrsquohypothegravese drsquoun examen favorable le doute eacutetait examineacute en second lieu par la Cour

de reacutevision (eacutetape 2) En cas de confirmation du doute la Cour de reacutevision pouvait saisir une

juridiction de renvoi qui examinait une troisiegraveme fois le doute sur la culpabiliteacute du condamneacute

(eacutetape 3)

332 La forte intensiteacute du doute que semblait neacutecessiter le franchissement de la

premiegravere eacutetape constituait un premier obstacle dont le handicap pouvait encore srsquoalourdir

devant la Cour de reacutevision En cas de rejet drsquoune requecircte par la Cour de reacutevision qui

reacuteexaminait le doute apregraves la commission tout portait agrave croire que le degreacute drsquointensiteacute du

1 Cass crim 7 janv et 6 nov 1986 D 1987 253 note PRADEL 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de S NOACHOVITCH op cit p 193

137

doute exigeacute eacutetait supeacuterieur agrave celui de la commission Crsquoest ainsi que lrsquoexamen du doute se

transformait en une eacutepreuve de seacutelection rigoureuse tant au niveau de la commission que de la

Cour de reacutevision Ce double questionnement srsquoapparentait agrave un controcircle exerceacute par la Cour de

reacutevision agrave lrsquoimage drsquoun second degreacute de juridiction ce qui contribuait en plus agrave allonger les

deacutelais de la proceacutedure de reacutevision

333 Toutefois ce controcircle ne srsquoeffectuait que dans un seul sens et ne pouvait pas

jouer en faveur du condamneacute confronteacute au rejet de sa demande par la commission Dans cette

hypothegravese il eacutetait priveacute de ce second degreacute de juridiction En effet il eacutetait preacuteciseacute agrave lrsquoancien

article 623 du Code de proceacutedure peacutenale que la deacutecision de la commission laquo nrsquo[eacutetait]

susceptible drsquoaucun recours raquo Crsquoest ainsi que lorsque la commission eacutetait favorable agrave la

reacutevision le doute eacutetait reacuteexamineacute En revanche lrsquoavis deacutefavorable eacutetait sans appel Mecircme si

des demandes successives pouvaient ecirctre deacuteposeacutees la motivation des rejets ne pouvait donner

lieu agrave aucune forme de controcircle

334 La reacutepartition des attributions entre la commission et la Cour de reacutevision toutes

deux inteacuteresseacutees par le doute eacutetait de nature agrave troubler le jeu La seacuteveacuteriteacute des deacutecisions de la

commission pouvait srsquoassimiler agrave un accaparement de lrsquointeacutegraliteacute du contentieux celles-ci se

drapant laquo des atours drsquoune deacutecision terminale de reacutevision raquo1

Paul RICOEUR a ainsi deacutecrit lrsquoacte de juger laquo non seulement opiner estimer tenir pour vrai

mais en dernier ressort prendre position raquo2 La commission en srsquoeacutetant approprier lrsquoexamen du

doute sur la culpabiliteacute opinait En veacuterifiant si les conditions formelles eacutetaient reacuteunies elle

estimait En appreacuteciant le caractegravere nouveau du fait et sa reacutealiteacute elle tenait pour vrai Enfin

elle prenait position en se questionnant sur le doute En drsquoautres termes elle se deacuteterminait

par rapport agrave la culpabiliteacute ou agrave lrsquoinnocence du requeacuterant

Les ordonnances du juge drsquoinstruction aussi ameneacutees agrave prendre position peuvent ecirctre

attaqueacutees devant la chambre de lrsquoinstruction3 Logiquement consideacuterant que la Cour de

reacutevision srsquoeacutetait transformeacutee en organe de controcircle elle agirait donc comme une sorte de

1 W JEANDIDIER op cit p 1245 laquo Degraves que la commission prend parti sur lincidence du fait nouveau sur la culpabiliteacute elle sempare de linteacutegraliteacute du contentieux de la reacutevision avec le risque soit de court-circuiter la chambre criminelle soit de rendre une deacutecision ambigueuml de saisine de cette chambre raquo 2 Paul RICOEUR Le juste op cit p 185 3 J-L COSTE op cit p 422 laquo Le juge drsquoinstruction nrsquoest pas juge de la culpabiliteacute ou de lrsquoinnocence de la personne qursquoil met en examen raquo

138

chambre de lrsquoinstruction1 par rapport aux deacutecisions de la commission2 Cependant elle nrsquoavait

pas agrave connaicirctre des deacutecisions de rejet de la commission fondeacutees sur lrsquoinsuffisance du doute sur

la culpabiliteacute Dans cette hypothegravese il srsquoagissait drsquoun jugement de culpabiliteacute3 qui eacutechappait

au controcircle de la Cour de reacutevision

335 En dehors du controcircle du doute la Cour de reacutevision pouvait aussi se prononcer

sur lrsquoinnocence du condamneacute preacutealablement constateacutee par la commission Pourtant la

deacutecouverte de lrsquoinnocence lieacutee agrave un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu nrsquoavait pas eacuteteacute

envisageacutee par le texte de 1989 qui ne visait que le laquo fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu de la

juridiction au jour du procegraves de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du

condamneacute raquo

2 Le controcircle de lrsquoinnocence

336 Afin drsquoeacutelargir le peacuterimegravetre drsquoaction de la reacutevision le texte de 1989 srsquoest eacutecarteacute de

la notion de lrsquoinnocence pour privileacutegier le doute sur la culpabiliteacute La certitude de

lrsquoinnocence nrsquoeacutetait plus neacutecessaire au succegraves du recours le doute sur la culpabiliteacute pouvait

suffire Toutefois lrsquoabandon de lrsquoinnocence avait pour conseacutequence drsquoignorer des situations

qui sous lrsquoeffet des progregraves scientifiques4 se sont multiplieacutees et agrave lrsquooccasion desquelles le fait

nouveau deacutevoilait sans ambages lrsquoeacuteclatante innocence du condamneacute

337 Le silence de la loi relatif agrave la constatation de lrsquoinnocence eacutetait de nature agrave

embarrasser la commission confronteacutee agrave une telle situation Crsquoest ainsi que srsquoapercevant de

lrsquoinnocence elle ne pouvait pas la formaliser et devait saisir en lrsquoeacutetat la Cour de reacutevision

Celle-ci bien que convaincue de lrsquoinnocence du demandeur ne lrsquoexprimait pas formellement

et saisissait une juridiction de renvoi qui proclamait finalement lrsquoinnocence Dans ce cas

1 Madame le Professeur RASSAT deacutefinit la mission de la chambre de lrsquoinstruction comme suit laquo Le juge drsquoinstruction eacutetant doteacute de pouvoirs consideacuterables et la proceacutedure qursquoil megravene ayant sur la suite de lrsquoaffaire une influence souvent deacuteterminante il importait de confier agrave une autre autoriteacute si possible supeacuterieure dans la hieacuterarchie des juridictions un pouvoir de controcircle Crsquoest la chambre de lrsquoinstruction de la cour drsquoappel qui a eacuteteacute investie agrave lrsquoeacutegard de lrsquoinstruction preacuteparatoire meneacutee par le juge drsquoinstruction du devoir drsquoen controcircler la marche drsquoen redresser les erreurs drsquoen combler les lacunes et drsquoen assurer lrsquoaboutissement satisfaisant raquo M-L RASSAT Traiteacute de proceacutedure peacutenale op cit ndeg 423 2 Monsieur le Professeur PRADEL eacutevoque la comparaison entre la Cour de reacutevision et une chambre de lrsquoinstruction dans son audition du 31 octobre 2013 devant la commission des lois Accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission 3 Il convient de bien comprendre le terme de jugement et de lrsquoentendre dans le sens de la deacutefinition philosophique donneacutee par Monsieur Paul RICOEUR En effet la commission drsquoun point de vue juridique ne se deacutefinit pas comme une juridiction de jugement 4 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-L MOIGNARD op cit p 221 laquo Depuis quelques temps nous avons des affaires ou ce nrsquoest pas le constat drsquoun doute qui motive la deacutecision de la commission mais une eacutevidence rapporteacutee par les progregraves scientifiques Notamment en qui concerne lrsquoADN raquo

139

preacutecis face agrave lrsquoinnocence manifeste du demandeur deacutejagrave constateacutee par la commission quelle

eacutetait lrsquoutiliteacute du controcircle de la Cour de reacutevision et voire mecircme du renvoi La commission

aurait ducirc pouvoir ecirctre autoriseacutee agrave saisir directement la juridiction de renvoi ou mieux encore

comme le deacuteclare Madame ANZANI agrave annuler elle-mecircme la condamnation1

338 Le leacutegislateur en 1989 entendait faciliter lrsquoexercice du pourvoi en reacutevision en

confiant agrave la Cour de reacutevision une fonction de compleacutementariteacute plutocirct que celle de controcircle

Toutefois cette compleacutementariteacute srsquoaveacuterait difficile voire impossible au regard du principe de

la seacuteparation des fonctions drsquoinstruction et de jugement qui leur interdit toute interaction

Neacuteanmoins Madame ANZANI srsquoest expliqueacutee sur le sujet dans son audition devant la

commission des lois Elle a deacuteclareacute que dans le cas de la reacutevision lrsquoeacutetancheacuteiteacute entre les deux

juridictions nrsquoest pas neacutecessairement une garantie de bonne justice Par exemple srsquoagissant de

la derniegravere demande en reacutevision de lrsquoaffaire SEZNEC le dossier avait un volume total drsquoun

megravetre cube comprenait 29 liasses de plusieurs centaines de pages Au terme drsquoune instruction

soutenue le dossier a eacuteteacute transmis sans succegraves par la commission agrave la Cour de reacutevision

reacutecalcitrante Celle-ci isoleacutee de la commission de reacutevision srsquoest livreacutee agrave un nouvel examen de

lrsquoaffaire car laquo une lecture aussi attentive soit-elle du dossier drsquoinstruction ne saurait suppleacuteer agrave

son examen agrave une audience au cours de laquelle tous ses eacuteleacutements seraient deacutebattus raquo La

tacircche peut paraicirctre immense par rapport au volume de certains dossiers2 La question se pose

mecircme de lrsquoefficaciteacute de cette eacutetancheacuteiteacute qui nrsquoeacutetait pas de nature agrave faciliter le travail de la

Cour de reacutevision

1 Ibid Contribution de M ANZANI op cit p 263 2 Nous avons fait un parallegravele entre le controcircle de la Cour de reacutevision et celui exerceacute par les chambres de lrsquoinstruction La mecircme difficulteacute relative au volume des dossiers se retrouve devant les chambres de lrsquoinstruction Monsieur VIOUT a exposeacute cette difficulteacute sans deacutetour lors de son audition devant la commission parlementaire faisant suite agrave lrsquoaffaire dite drsquoOutreau laquo la chambre de linstruction est dans lincapaciteacute absolue dappliquer les dispositions du code de proceacutedure peacutenale Totalement submergeacutees par les proceacutedures les chambres de linstruction ne peuvent rendre leurs arrecircts dans le bref laps de temps preacutevu par la loi Les trois malheureux magistrats qui composent la chambre de linstruction de la cour dappel de Lyon ont rendu lan dernier 1 741 deacutecisions Comment serait-il possible dans un dossier aussi volumineux que celui dOutreau quapregraves quune premiegravere option a eacuteteacute prise et agrave chacun des passages devant la chambre de linstruction le magistrat se replonge dans le dossier Les chambres de linstruction sont donc obligeacutees de sen tenir agrave une approche sommaire Or elles sont tregraves importantes parce quelles devraient assurer la liaison le dialogue permanent avec le magistrat instructeur raquo Dans le mecircme sens devant la commission denquecircte Monsieur Pierre MARTEL a exprimeacute les doutes que pouvait ressentir un deacutetenu devant la chambre de linstruction sur lutiliteacute de sa demande de liberteacute laquo On vient vous chercher et on vous preacutesente devant le preacutesident de la cour dappel qui vous demande ce que vous avez agrave dire La premiegravere fois vous criez votre innocence vous ecirctes plein despoir Vous vous dites que si le juge dinstruction na pas vu certaines choses les magistrats qui exercent en appel vont les voir ils sont lagrave pour ccedila Ils sont lagrave pour deacuteterminer si vous preacutesentez toutes les garanties neacutecessaires pour une eacuteventuelle mise en liberteacute mais ils ne sont pas lagrave pour aller au fond du dossier Par conseacutequent je ne pense pas quils servent agrave grand-chose raquo

140

339 En deacutefinitive les propos de Monsieur Guy CANIVET relatifs agrave lrsquoinstruction

preacuteparatoire pourraient ecirctre appliqueacutes agrave la reacutevision laquo la deacutecision nest finalement imputable agrave

personne [hellip] La deacutecision est partageacutee entre de multiples intervenants chacun sen remettant

finalement agrave lrsquoautre En deacutefinitive cest de la bureaucratie judiciaire1raquo Cette ambiguiumlteacute des

relations entre la commission et la Cour de reacutevision nrsquoeacutetait pas voulue par le leacutegislateur

Maicirctre NOACHOVITCH a mecircme deacuteclareacute que laquo la loi de 1989 a eacuteteacute deacutevieacutee raquo2 Cette

mutation des rapports entre la commission et la Cour de reacutevision ne fut pas sans

conseacutequences

sect 2 Les conseacutequences de la transformation des relations entre la

commission et la Cour de reacutevision

340 Drsquoune part le partage de lrsquoexamen du doute entre la commission et la Cour de

reacutevision provoquait un certain trouble intellectuel en cas de divergence drsquoappreacuteciation entre la

commission et la Cour de reacutevision car ces divergences eacutetaient difficilement justifiables En

effet cette situation qui aurait pu ecirctre parfaitement justifieacutee dans lrsquohypothegravese ougrave le rocircle de la

commission se serait limiteacute au seul examen de la recevabiliteacute des requecirctes devenait deacutelicate

puisque la commission srsquoeacuterigeait en premier juge du doute (A) Drsquoautre part la juridiction de

reacutevision ne disposait pas des moyens suffisants lui permettant drsquoappreacutecier le doute sur la

culpabiliteacute Ainsi lrsquoexamen du doute par les juridictions de reacutevision srsquoaveacuterait ecirctre en reacutealiteacute

une eacutepreuve des plus difficiles (B)

A La justification difficile des divergences drsquoappreacuteciation

341 Srsquoagissant de la Cour de reacutevision lrsquoancien article 623 du Code de proceacutedure

peacutenale disposait laquo Elle rejette la demande si elle lestime mal fondeacutee Si au contraire elle

lestime fondeacutee elle annule la condamnation prononceacutee Elle appreacutecie sil est possible de

proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats contradictoires Dans laffirmative elle renvoie les accuseacutes ou

preacutevenus devant une juridiction de mecircme ordre et de mecircme degreacute mais autre que celle dont

eacutemane la deacutecision annuleacutee raquo

1 Audition du 11 avril 2006 de Monsieur Guy CANIVET par la commission drsquoenquecircte chargeacutee de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans lrsquoaffaire dite drsquoOutreau et de formuler des propositions pour eacuteviter leur renouvellement 2 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Madame S NOACHOVITCH 10 octobre 2013 accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission

141

342 Crsquoest donc la Cour de reacutevision qui deacutecidait drsquoannuler la condamnation Crsquoest

pourquoi elle est qualifieacutee dans le rapport drsquoinformation de juridiction de jugement Elle

jugeait le doute Toutefois apregraves avoir expliqueacute que le doute faisait lrsquoobjet drsquoun premier

examen ou laquo jugement raquo devant la commission1 il est difficile drsquoaffirmer que la phase

deacutecisionnelle incombait exclusivement agrave la Cour de reacutevision A nos yeux il srsquoagissait plutocirct

drsquoun partage des pouvoirs deacutecisionnels entre les deux organes

343 Cette situation nourrissait un laquo malentendu fondamental dans lrsquoesprit des

requeacuterants et de leurs conseils2 raquo par rapport au rocircle veacuteritable de la commission de reacutevision

Lorsque la Cour de reacutevision saisie par la commission deacutecidait de mettre un terme agrave la

proceacutedure (rejet) sa deacutecision pouvait ecirctre perccedilue laquo comme si les magistrats de la Cour de

cassation [deacutecidaient] pour les uns qursquoil y [avait] lieu agrave reacutevision et pour les autres qursquoil ne

saurait en ecirctre question raquo3 Lrsquoattitude de la Cour de reacutevision risquait de provoquer un malaise

comme ce fut le cas agrave lrsquooccasion de lrsquoaffaire LEPRINCE ougrave la commission favorable au

recours avait mecircme suspendu lrsquoexeacutecution de la condamnation La deacutecision de la Cour de

reacutevision srsquoest donc traduite par le retour en prison de Monsieur Dany LEPRINCE

344 Le leacutegislateur est en quelque sorte lrsquoartisan du flou qui enveloppait la proceacutedure

de reacutevision En effet la formule laquo les demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises raquo

pouvait ecirctre interpreacuteteacutee agrave tort signifiant que la demande eacutetait examineacutee successivement par

deux organes distincts mais selon des critegraveres identiques Or cette interpreacutetation nrsquoeacutetait pas

conforme aux souhaits du leacutegislateur

345 De plus le fait drsquoexaminer le doute aboutissait neacutecessairement agrave srsquointerroger sur

la culpabiliteacute ou lrsquoinnocence du demandeur Degraves lors faut-t-il se poser la question de savoir si

les juridictions de reacutevision disposaient vraiment de tous les moyens pour se prononcer sur la

culpabiliteacute ou lrsquoinnocence Il nous semble que lrsquoappreacuteciation du doute eacutetait une laquo mission

impossible raquo4

1 V supra ndeg 320 agrave 327 2 Rapport drsquoinformation op cit p 68 3 Ibid Contribution de Monsieur J-O VIOUT op cit p 241 4 Expression emprunteacutee agrave Madame ANZANI

142

B Lrsquoexamen du doute par les juridictions de reacutevision

laquo Matamore [] savanccedila vers

Leacuteandre quil toisa des pieds agrave la tecircte le plus

insolemment quil put mais ceacutetait bravade pure

car on entendait claquer ses dents et lon voyait

flageoler et trembler ses minces jambes comme

des roseaux au vent de bise raquo1

346 Devant les juridictions de reacutevision la proceacutedure eacutetait peu encadreacutee et en grande

partie eacutecrite par reacutefeacuterence aux regravegles applicables devant la Cour de cassation juge du droit

(1) Toutefois les magistrats des juridictions de reacutevision en se saisissant de la question du

doute sur la culpabiliteacute eacutetaient susceptibles de se transformer en des juges du fait Crsquoest ainsi

que la proceacutedure eacutecrite se trouvait en inadeacutequation avec la mission de ces magistrats qui en

charge de juger le doute se trouvaient quelque peu deacutemunis face agrave une laquo boite agrave outils raquo

inadapteacutee (2)

1 Une proceacutedure peu encadreacutee et largement eacutecrite

347 Les magistrats de la commission et de la Cour de reacutevision eacutetaient issus des rangs

de la Cour de cassation Le deacuteroulement de la proceacutedure de reacutevision nrsquoeacutetait pas preacuteciseacutement

regraveglementeacute par le Code de proceacutedure peacutenale Toutefois il eacutetait preacutevu agrave lrsquoarticle 625-1 du

Code de proceacutedure peacutenale que le demandeur2 pouvait devant les juridictions de reacutevision ecirctre

laquo repreacutesenteacute ou assisteacute par un avocat au Conseil dEtat et agrave la Cour de cassation ou par un

avocat reacuteguliegraverement inscrit agrave un barreau raquo A deacutefaut de preacutecisions le requeacuterant ne pouvait

pas beacuteneacuteficier de la deacutesignation drsquooffice drsquoun avocat charge eacutetait pour lui de le trouver Crsquoest

pourquoi bien que lrsquoaide juridictionnelle fut possible en matiegravere de reacutevision3 il pouvait

arriver qursquoun requeacuterant agisse sans lrsquoassistance drsquoun avocat Face agrave la complexiteacute de la

reacutevision une telle deacutemarche avait pour effet drsquoaccentuer les difficulteacutes inheacuterentes agrave la

constitution drsquoun dossier de reacutevision 1 T GAUTIER Le Capitaine Fracasse 1863 Folio Classique nouvelle eacutedition de 2002 p 118 2 La partie civile elle ne pouvait ecirctre assisteacutee que par un avocat au Conseil drsquoeacutetat ou agrave la Cour de cassation V ANGEVIN op cit ndeg 179 V Cass crim 20 nov 2002 ndeg 01-85386 3 Loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative agrave lrsquoaide juridique

143

348 Srsquoagissant de la commission de reacutevision aucun deacutecret en Conseil drsquoEtat nrsquoa eu agrave

connaicirctre de la question comme ce fut le cas pour drsquoautres commissions relevant de la Cour

de cassation Lrsquoancien article 623 alineacutea 6 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoapportait que cette

seule preacutecision1 apregraves avoir laquo (hellip) recueilli les observations eacutecrites ou orales du requeacuterant

ou de son avocat et celles du ministegravere public2 cette commission saisit la chambre criminelle

(hellip) raquo Etaient passeacutes sous silence les droits du demandeur pendant lrsquoinstruction de sa

demande Face agrave cette situation la commission srsquoeacutetait inspireacutee des regravegles relatives agrave

lrsquoinstruction des recours en cassation en matiegravere criminelle3 et des regravegles preacutevues en matiegravere

de deacutetention provisoire4 pour creacuteer de maniegravere preacutetorienne sa propre proceacutedure Le

requeacuterant srsquoest donc vu confeacuterer certains droits comme la transmission drsquoune copie du dossier

agrave son avocat5 De mecircme bien que non preacutevu par le texte la commission acceptait drsquoentendre

les experts et teacutemoins Toutefois les deacutebats eacutetaient laconiques6 lrsquoessentiel de lrsquoargumentation

eacutetant deacuteveloppeacute par eacutecrit dans les meacutemoires Inspireacutee de la Cour de cassation la proceacutedure

eacutetait en grande partie eacutecrite

349 Srsquoagissant de la Cour de reacutevision lrsquoancien article 625 du Code de proceacutedure

peacutenale eacutenonccedilait les grandes lignes de la proceacutedure agrave suivre laquo sont recueillies les observations

orales ou eacutecrites du requeacuterant ou de son avocat celles du ministegravere public ainsi que si elle

intervient agrave lrsquoinstance apregraves en avoir eacuteteacute ducircment aviseacutee celles de la partie civile constitueacutee

au procegraves dont la reacutevision est demandeacutee ou de son avocat raquo Devant la Cour de reacutevision un

droit avait eacuteteacute reconnu agrave la partie civile dont lrsquoabsence est remarqueacutee agrave lrsquoancien article 623 du

Code de proceacutedure peacutenale7 Pour ce qui est du caractegravere contradictoire de la proceacutedure la

pratique en usage permettait de ceacuteder au requeacuterant ou agrave son conseil la parole en dernier

apregraves les reacutequisitions du parquet Toutefois laquo les teacutemoins les experts les services de police

1 Lexposeacute des motifs de la proposition de loi de 1989 preacutecisait laquo dans certains cas des observations eacutecrites sont suffisantes et il est alors opportun deacuteviter dimposer au requeacuterant ou agrave son avocat un deacuteplacement injustifieacute Le demandeur deacutesireux de preacutesenter des observations orales personnellement ou par son conseil devra en aviser la commission en temps utile raquo 2 Le caractegravere eacutecrit ne srsquoimposait pas concernant les reacutequisitions du ministegravere public qui pouvaient ecirctre orales V en ce sens Cass crim 20 nov 2002 ndeg 01-85386 3 V Articles 601 et s CPP 4 V Articles R 26 et s CPP 5 La transmission devait intervenir dans un deacutelai suffisant pour lui permettre de laquo preacuteparer son intervention raquo H ANGEVIN op cit ndeg 149 6 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Madame ANZANI opcit 7 La commission acceptait que les parties civiles indirectement informeacutees de la proceacutedure soient aviseacutees de la date de lrsquoaudience et puissent y assister eacuteventuellement accompagneacutees de leur avocat pour preacutesenter toutes observations utiles V H ANGEVIN laquo Les demandes en reacutevisionhellip raquo op cit ndeg 151 Madame RADENNE remarque cependant laquo qursquoen pratique peu de parties civiles font cette deacutemarche susceptible drsquointervenir essentiellement dans les affaires meacutediatiques puisque dans les autres elles ignorent tout de la demande (hellip) raquo Pour un exemple V Comm reacutevision 16 deacutec 2002 ndeg 01 REV 154

144

nrsquointerviennent pas au cours de [lrsquo] audience alors mecircme que leurs deacuteclarations peuvent ecirctre

drsquoune importance capitale pour resituer le fait nouveau (hellip) 1raquo Le rapport drsquoinformation sur

la reacutevision des condamnations peacutenales indique que la proceacutedure devant la Cour de reacutevision

eacutetait eacutegalement calqueacutee sur celle de la Cour de cassation dont le rocircle nrsquoest pas de rejuger les

affaires Sa mission consiste agrave veacuterifier si les regravegles de droit ont eacuteteacute correctement appliqueacutees

par rapport aux faits constateacutes il ne srsquoagit pas drsquoun troisiegraveme degreacute de juridiction Crsquoest un

juge du droit2

350 Les juridictions de reacutevision enfermeacutees dans une proceacutedure en grande partie

eacutecrite disposaient-elle des moyens suffisants pour rendre leurs deacutecisions et en particulier

prendre position sur le doute Il est permis drsquoeacutemettre des reacuteserves car agrave compter du moment

ougrave elles se positionnaient sur le doute elles devenaient des juges du fait en se prononccedilant en

reacutealiteacute sur la culpabiliteacute ou lrsquoinnocence du requeacuterant

2 Une laquo boicircte agrave outils raquo inadapteacutee

351 Lorsque les juridictions de reacutevision appreacuteciaient le doute notion subjective elles

eacutetaient immanquablement conduites agrave se prononcer sur la culpabiliteacute ou lrsquoinnocence de

requeacuterant Elles ne jugeaient pas la bonne application des regravegles de droit mais plutocirct des faits

Dans lrsquohypothegravese ougrave le doute nrsquoeacutetait pas pris en compte la deacuteclaration de culpabiliteacute eacutetait

confirmeacutee En effet le rejet du doute consistait pour la commission agrave ne pas saisir la Cour de

reacutevision Pour la Cour de reacutevision un avis deacutefavorable sur la question deacutebouchait sur un refus

drsquoannuler la condamnation A contrario une fois le doute reconnu la commission saisissait la

Cour de reacutevision qui pouvait confirmer lrsquoexistence de celui-ci en annulant la condamnation et

reconnaicirctre de fait lrsquoinnocence du requeacuterant qui eacutetait en principe rejugeacute par une juridiction

de renvoi Dans certains cas la Cour de reacutevision deacuteclarait drsquoailleurs deacutefinitivement

lrsquoinnocence du demandeur sans renvoi de lrsquoaffaire vers un juge du fond Crsquoeacutetait donc elle qui

prononccedilait un acquittement ou une relaxe Concernant le doute soumis agrave lrsquoappreacuteciation de la

1 Rapport drsquoinformation op cit p 41 2 V article L 411-2 COJ J BORE et L BORE Reacutep Peacuten Cassation (pourvoi en) op cit ndeg 225 laquo Lincompeacutetence de la Cour de cassation pour connaicirctre du fond des affaires conduit dabord agrave deacuteclarer irrecevables les moyens de pur fait qui tendent ouvertement agrave rediscuter les eacuteleacutements de fait sur lesquels les juges du fond se sont prononceacutes souverainement et qui noffrent agrave juger aucune question de droit raquo Ibid ndeg 241 laquoLirrecevabiliteacute du moyen nouveau est une regravegle speacutecifique du deacutebat en cassation dont lorigine est tregraves ancienne et qui deacutecoule directement de linterdiction faite agrave la Cour de cassation de connaicirctre du fond des affaires raquo Pour un exemple V cass crim 7 mai 2003 no 03-80975

145

juridiction de reacutevision Madame ANZANI a fait la remarque suivante laquo on demande agrave la

juridiction de reacutevision de dire coupable ou non coupable raquo1

352 En appreacuteciant le doute sur la culpabiliteacute la Cour de cassation sieacutegeant comme

juridiction de reacutevision srsquoapparentait agrave une cour drsquoassises ou agrave un tribunal correctionnel en

suivant toutefois les regravegles de la Cour de cassation Il incombait aux magistrats de la Cour de

cassation en srsquoappuyant sur une proceacutedure essentiellement eacutecrite de deacutecider de la culpabiliteacute

ou de lrsquoinnocence du demandeur en leur intime conviction2 laquo en leur acircme et conscience raquo3

Au sujet de lrsquoaffaire SEZNEC Monsieur CANIVET a deacuteclareacute que laquo le rocircle de la Cour de

reacutevision est de rapprocher autant que possible le sentiment commun de justice de la veacuteriteacute

judiciaire raquo4 Ce rocircle peut aussi ecirctre attribueacute agrave la commission qui se prononccedilait eacutegalement sur

le doute Or cette tacircche srsquoaveacuterait particuliegraverement difficile en raison de la preacutedominance de

lrsquoeacutecrit par rapport agrave lrsquooraliteacute des deacutebats qui devant une cour drsquoassises ou un tribunal

correctionnel facilite lrsquoeacutemergence de la veacuteriteacute5 Deacutejagrave souligneacute par PLATON le lien qui unit

lrsquooraliteacute agrave la veacuteriteacute est souvent eacutevoqueacute par la doctrine6 Ce corsetage eacutetait un frein agrave lrsquoenvol

du dossier qui souffrait de la proceacutedure eacutecrite En effet le procegraves en reacutevision a pour finaliteacute de

corriger une erreur de fait et la manifestation de la veacuteriteacute suppose un eacutechange entre les parties

et la reconnaissance par le leacutegislateur drsquoun deacutebat contradictoire entre les diffeacuterents acteurs

Preacutevu par le leacutegislateur lrsquoexamen du doute meneacute par la Cour de reacutevision eacutetait drsquoautant plus

deacutelicat que les regravegles de proceacutedure peacutenale mises en œuvre devant les juridictions de jugement

(audition des parties teacutemoins experts enquecircteurs discussion contradictoire des preuves

oraliteacute des deacutebats hellip) nrsquoexistaient pas en la matiegravere

353 En deacutefinitive la commission ne disposait pas de tous les moyens pour examiner

le doute et la Cour de reacutevision semblait quelque peu deacutesarmeacutee quant agrave elle pour effectuer le

controcircle du doute Toutefois les deacutecisions de la Cour de reacutevision eacutetaient motiveacutees Crsquoest ainsi

que malgreacute toutes ces difficulteacutes laquo les magistrats doivent srsquoexpliquer clairement sur ce qui les

a conduits agrave prendre telle ou telle deacutecision Les arrecircts rendus par la Cour de reacutevision sont

1 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Mme M ANZANI opcit 2 V T FOSSIER et LEVEQUE Le laquo presque vrai raquo et le laquo pas tout agrave fait faux raquo probabiliteacutes et deacutecisions juridictionnelles JCP 2012 ndeg 14 doctr p 427 J-D BREDIN Le doute et lrsquointime conviction Droits 1996 ndeg 23 p 21 et s 3 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Mme M ANZANI opcit 4 Le monde 22 avril 2005 5 R MERLE et A VITU op cit ndeg 611 6 J-L COSTE op cit p 422 laquo Cest donc lors du deacutebat contradictoire au moment ougrave prend forme lintime conviction des juges quil est permis de parler de preuve raquo

146

longuement motiveacutes Ils ne sont pas toujours compris mais avant drsquoecirctre critiqueacutes ils doivent

ecirctre lus attentivement objectivement et dans leur inteacutegraliteacute Jrsquoinsiste sur le fait que les juges

accomplissent cette tacircche au stade de la commission puis de la Cour de reacutevision avec

conscience et beaucoup plus drsquoouverture drsquoesprit qursquoon ne le dit ils savent douter car le

doute est au cœur mecircme de leur pratique professionnelle et ils ne craignent pas de se remettre

mutuellement en cause raquo1 Il ne convient pas ici de remettre en cause la capaciteacute des juges de

la Cour de cassation agrave douter Il srsquoagit de leur travail quotidien lorsqursquoils cassent et annulent agrave

la faveur drsquoun pourvoi en cassation des deacutecisions rendues par des cours drsquoappel ou lorsqursquoils

interviennent plus rarement dans le cadre de la proceacutedure de reacuteexamen2 Toutefois dans ces

cas leurs deacutecisions interviennent agrave propos drsquoun doute sur la bonne application des regravegles de

droit sans pour autant tenir compte des faits

354 Il en deacutecoule une conseacutequence paradoxale Drsquoun cocircteacute il eacutetait exigeacute de la part de

la juridiction de reacutevision une motivation tregraves deacutetailleacutee des deacutecisions3 alors qursquoelle ne disposait

pas de tous les atouts de la proceacutedure ordinaire pour se prononcer et se forger son intime

conviction De lrsquoautre cocircteacute est accordeacute agrave la cour drsquoassises temple du deacutebat contradictoire une

plus grande latitude quant agrave la motivation du verdict Finalement seule la juridiction de

renvoi disposait des moyens pour juger en son intime conviction agrave lrsquoissue drsquoun veacuteritable

deacutebat En deacutefinitive dans la loi de 1989 la reacutevision srsquoarticulait autour drsquoune laquo boicircte agrave

outils raquo inadapteacutee dont les eacuteleacutements srsquoaffairaient agrave lrsquointeacuterieur drsquoune structure quelque peu

deacutepasseacutee

1 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur B COTTE op cit p 199 2 V article 626-1 CPP 3 Pour un exemple V Cass crim 15 mai 2013 ndeg 12-84818

147

Conclusion du chapitre 1

355 Ce chapitre a eacuteteacute consacreacute agrave lrsquoeacutetude de la charpente proceacutedurale de la reacutevision qui

dans la loi de 1989 reposait sur deux piliers la commission de reacutevision et la Cour de

reacutevision Le but eacutetait de deacuteterminer si la ligne de deacutemarcation entre lrsquoorgane filtrant et la

juridiction de jugement eacutetait clairement deacutelimiteacutee et de savoir si les juridictions de reacutevision

disposaient des outils approprieacutes agrave lrsquoexercice de leur mission En effet si la loi de 1989 avait

eacuteteacute efficace il faudrait srsquoen inspirer dans la reacuteforme de 2014 En revanche si la structure de la

reacutevision issue de la loi de 1989 nrsquoeacutetait pas satisfaisante il parait impeacuterieux de ne pas

reproduire les eacuteventuels lacunes ou dysfonctionnements du droit anteacuterieur

356 Le manque de preacutecision du leacutegislateur par rapport agrave la question du partage des

compeacutetences entre la commission de reacutevision et la Cour de reacutevision eacutetait de nature agrave fragiliser

les fondamentaux de la reacutevision Ce flou a eacuteteacute agrave lrsquoorigine drsquoun deacutevoiement de la structure de

la reacutevision qui au fil du temps srsquoest eacuteloigneacutee de la volonteacute originelle du leacutegislateur En effet

dans son rocircle de filtre des requecirctes laquo qui paraissent ne pas pouvoir ecirctre admises raquo la

commission faisait montre de plus de seacuteveacuteriteacute que le leacutegislateur ne lrsquoavait voulu Cette attitude

a engendreacute un eacutelargissement du champ de compeacutetences de la commission dont les limites

deacutebordaient sur celles de la Cour de reacutevision Cette situation a eu pour conseacutequence drsquoeacuteriger

la Cour de reacutevision en juridiction de controcircle par rapport agrave la commission

357 Ce chevauchement de compeacutetences a deacuteboucheacute sur une confusion des rocircles entre

la commission et la Cour de reacutevision qui se partageaient lrsquoexamen du doute Cette situation

facirccheuse entretenait un climat drsquoincompreacutehension surtout lorsque les points de vue des deux

juridictions srsquoopposaient De surcroicirct srsquoagissant de la commission et de la Cour de reacutevision

ces deux juridictions disposaient dans le cadre de lrsquoexamen du doute drsquooutils pour le moins

inadapteacutes

358 Crsquoest donc plutocirct avec seacuteveacuteriteacute que nous avons jugeacute la structure de la reacutevision

telle qursquoelle eacutetait preacutevue dans la loi de 1989 Nous nous inteacuteressons agrave preacutesent aux difficulteacutes

drsquoordre conjoncturel

148

CHAPITRE 2 LES DIFFICULTES

CONJONCTURELLES

359 Srsquoagissant des eacutecueils drsquoordre conjoncturel contenus dans la loi de 1989 deux

points meacuteritent drsquoecirctre eacuteclaircis Premiegraverement nous nous inteacuteresserons aux obstacles

proceacuteduraux qui barraient la route au requeacuterant (section 1) Deuxiegravemement sera abordeacutee la

question de la composition de la juridiction de reacutevision (Section 2)

Section 1 Les obstacles proceacuteduraux agrave la reacutevision

360 La route de la reacutevision dans la loi de 1989 eacutetait jalonneacutee de deux difficulteacutes

drsquoordre conjoncturel La premiegravere eacutetait relative agrave lrsquoeacutetablissement difficile du fait nouveau ou

de lrsquoeacuteleacutement inconnu (sect 1) La seconde concernait la deacutecision de la commission de suspendre

ou non lrsquoexeacutecution de la condamnation (sect 2)

sect 1 Lrsquoeacutetablissement difficile du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement

inconnu

361 Le renversement de la charge de la preuve (A) impliquait pour le requeacuterant la

lourde tacircche de devoir produire seul devant la commission la preuve du fait nouveau ou de

lrsquoeacuteleacutement inconnu de nature agrave faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute (B)

A Le renversement de la charge de la preuve

362 En matiegravere peacutenale la preacutesomption drsquoinnocence est une regravegle probatoire

fondamentale agrave valeur constitutionnelle qui fait peser sur lrsquoaccusation la charge de la preuve

de la culpabiliteacute de la personne mise en cause Aussi en reacutesulte-t-il de nombreux avantages

pour son beacuteneacuteficiaire (1) Toutefois en matiegravere de reacutevision le demandeur devait prouver son

innocence (2)

149

1 Les avantages de la preacutesomption drsquoinnocence

363 La preacutesomption drsquoinnocence recouvre deux choses 1 crsquoest une regravegle probatoire et

un droit de la personnaliteacute2 proteacutegeacute en tant que tel en dehors de toute instance peacutenale3 Elle

est freacutequemment preacutesenteacutee comme eacutetant le principe originel des regravegles de proceacutedure peacutenale

voire comme le creuset dans lequel elles ont grandi4 Dans le preacutesent deacuteveloppement seule la

preacutesomption drsquoinnocence en tant que regravegle probatoire nous inteacuteressera

364 Elle conduit agrave faire peser sur lrsquoaccusation la deacutemonstration de la culpabiliteacute de la

personne mise en cause Plus simplement il srsquoagit pour lrsquoauteur de lrsquoalleacutegation de prouver ce

qursquoil avance En reacutealiteacute lrsquoobjectif principal du procegraves peacutenal consiste agrave extraire de soupccedilons et

indices qui ont eacuteteacute agrave lrsquoorigine des poursuites des certitudes qui devraient finalement suffire agrave

justifier une condamnation ou une deacutecision de relaxe ou drsquoacquittement5 La regravegle a pour

conseacutequence que si lrsquoaccusation nrsquoarrive pas agrave prouver lrsquoexistence drsquoune infraction imputable

agrave la personne poursuivie celle-ci se verra acquitteacutee ou relaxeacutee6 La preacutesomption drsquoinnocence

peut ecirctre consideacutereacutee comme un correctif au caractegravere fondamentalement deacuteseacutequilibreacute du

procegraves peacutenal7 La justice est couramment symboliseacutee par la repreacutesentation statufieacutee drsquoune

femme dont les yeux sont masqueacutes Elle tient un glaive dans lrsquoune de ses mains symbole de la

force et dans lrsquoautre une balance dont les deux plateaux chacun placeacute agrave une hauteur eacutegale

donnent la vision drsquoune symeacutetrie et drsquoun eacutequilibre parfait Or le procegraves peacutenal est caracteacuteriseacute

1 E DERIEUX laquo La loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption dinnocence et les droits de la victime et droit de la communication raquo JCP G 2000 act p 1463 C AMBROISE CASTEROT op cit ndeg 1 et s 2 Lrsquoarticle preacuteliminaire du CPP dispose laquo les atteintes agrave sa preacutesomption drsquoinnocence sont preacutevenues reacutepareacutees et reacuteprimeacutees dans les conditions preacutevues par la loi raquo En parlant de laquo sa raquo preacutesomption drsquoinnocence le leacutegislateur a voulu mettre ici lrsquoaccent sur la reconnaissance drsquoun droit de la personnaliteacute La reacuteparation des atteintes faites agrave ce droit est garantie par lrsquoarticle 9-1 du code civil et par la loi de 1881 sur la liberteacute de la presse V par exemple C BIGOT Les modifications reacutecentes du droit de la presse gaz pal 1993 I p 1067 F DESPORTES et L LAZERGES-COUSQUER op cit p 134 P AUVRET Le droit au respect de la preacutesomption drsquoinnocence JCP G 1994 I 3802 C BIGOT Lrsquoapplication de lrsquoarticle 9-1 du code civil en cas de condamnation non deacutefinitive Dalloz 2000 p 409 B BOULOC op cit p 106 P CONTE Droit peacutenal speacutecial op cit p 236 H BUREAU laquo La preacutesomption dinnocence devant le juge civil Cinq ans dapplication de larticle 9-1 du code civil raquo JCP 1998 I p166 3 Sur le caractegravere inapproprieacute de lrsquoexpression laquo preacutesomption drsquoinnocence raquo pour deacutesigner un droit subjectif extra patrimonial V C AMBROISE CASTEROT op cit ndeg 3 et ndeg 64 et s 4 V F DESPORTES et L LAZERGES op cit p 121 ndeg 231 B BOULOC op cit p 103 ndeg 122 5 P CONTE Pour en finir avec une preacutesentation caricaturale de la preacutesomption dinnocence Gaz Pal 1995 1 Doctr 22 6 H HENRION La nature juridique de la preacutesomption drsquoinnocence ndash comparaison franco-allemande eacuted Universiteacute Montpellier 1 Coll Thegraveses 2006 p 392 ndeg 246 7 La combinaison des deux regravegles traditionnelles actori incumbit probatio et reus in excipiendo fit actor ne permet pas agrave elle seule de contrebalancer la supeacuterioriteacute de lrsquoaccusation V C AMBROISE-CASTEROT op cit ndeg 18 et s R MERLE et A VITU Traiteacute de droit criminel op cit no 143 E CALVEZ Linculpation et la preacutesomption dinnocence Gaz Pal 1987 2 Doctr 681 F-J PANSIER Le juge et linnocence Gaz Pal 1995 2 1003

150

par la preacuteeacuteminence de lrsquoaccusation en particulier lrsquoavantage du ministegravere public sur la

deacutefense La personne poursuivie est en situation drsquoinfeacuterioriteacute voire de soumission par rapport

agrave lrsquoenvironnement judiciaire1 Le caractegravere inquisitorial de la proceacutedure confie

lrsquoadministration des preuves celles de la culpabiliteacute ou de lrsquoinnocence agrave lrsquoorgane judiciaire et

peut placer le justiciable dans une situation inconfortable La contribution personnelle de la

personne poursuivie agrave lrsquoadministration de la preuve est souvent reacuteduite Ainsi la preacutesomption

drsquoinnocence qui implique pour le ministegravere public la charge laquo drsquoeacutetablir tous les eacuteleacutements

constitutifs de lrsquoinfraction2 raquo constitue un levier pour reacutetablir lrsquoeacutequilibre entre les pouvoirs des

acteurs du procegraves

365 Degraves lors il est indispensable de savoir si la preacutesomption drsquoinnocence srsquoapplique au

demandeur en reacutevision La reacuteponse agrave cette question est deacuteterminante srsquoagissant de la charge de

la preuve qui pegravesera sur les eacutepaules du demandeur Le beacuteneacutefice drsquoune eacuteventuelle preacutesomption

drsquoinnocence pourrait dispenser le demandeur drsquoapporter la preuve du fait ou eacuteleacutement nouveau

de nature agrave faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute Dans le cas contraire la charge de la

preuve lui incombera

2 Le demandeur en reacutevision priveacute du beacuteneacutefice de la preacutesomption drsquoinnocence

366 Les ouvrages de proceacutedure peacutenale parlent de laquo suspect raquo pour deacutesigner la

personne qui beacuteneacuteficie de la preacutesomption drsquoinnocence Le demandeur en reacutevision peut-il ecirctre

consideacutereacute comme un suspect

367 La notion de suspect apparaissait jusqursquoagrave la loi du 27 mai 20143 quelque peu

neacutegligeacutee dans le paysage juridique En effet ni la loi interne4 ni la jurisprudence5 ne

srsquointeacuteressaient vraiment agrave la deacutefinition du protagoniste du procegraves Il srsquoen deacuteduisait qursquoagrave partir 1 Ce deacuteseacutequilibre entre accusation et deacutefense se retrouve eacutegalement au niveau de la conception mecircme du CPP Le code adopte une approche chronologique de la proceacutedure peacutenale Les dispositions leacutegislatives ou regraveglementaires se calquent sur le deacuteroulement du procegraves peacutenal Le plan du code de proceacutedure peacutenale deacutebute en abordant lrsquoexercice de lrsquoaction publique se poursuit avec les enquecirctes continue avec la phase de jugement agrave laquelle succegravedent les voies de recours et srsquoachegraveve avec lrsquoexeacutecution de la peine eacuteventuellement prononceacutee Les manuels et les traiteacutes consacreacutes agrave la discipline adoptent geacuteneacuteralement la mecircme construction La vision peacutenaliste du procegraves est domineacutee par une logique presque filmique qui retrace scegravene apregraves scegravene le processus reacutepressif Configureacute de cette maniegravere le cheminement peacutenal srsquoimpose agrave la personne poursuivie 2 Cass crim 24 mars 1949 bull crim ndeg 144 3 Loi ndeg 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 201213UE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit agrave linformation dans le cadre des proceacutedures peacutenales 4 Lrsquoarticle preacuteliminaire du Code de proceacutedure peacutenale dispose sans donner de deacutefinition du suspect que laquo toute personne suspecteacutee ou poursuivie est preacutesumeacutee innocente tant que sa culpabiliteacute na pas eacuteteacute eacutetablie raquo 5 Pour des illustrations V cass crim 20 deacutecembre 1995 ndeg 95-81 250 cass crim 27 janvier 1987 ndeg 86-93278 cass crim 14 septembre 2004 ndeg 04-83793

151

du moment ougrave une infraction pouvait ecirctre imputeacutee agrave un individu il se transformait en suspect

eacutetat juridique intermeacutediaire entre lrsquoinnocent et le coupable1 Soucieuse du renforcement des

droits du mis en cause la loi du 27 mai 2014 a enfin reconnu le statut juridique du suspect2

368 Il nrsquoen demeure pas moins que le point de reacutesiliation de la preacutesomption

drsquoinnocence se situe au moment du prononceacute drsquoune condamnation deacutefinitive laquo La

preacutesomption drsquoinnocence signifie que toute personne poursuivie est consideacutereacutee comme

innocente des faits qui lui sont reprocheacutes aussi longtemps qursquoelle nrsquoa pas eacuteteacute deacuteclareacutee

coupable par une deacutecision deacutefinitive raquo3 Seule une deacutecision de justice peut clarifier la situation

du suspect (coupable ou innocent) en renversant la preacutesomption drsquoinnocence dont il beacuteneacuteficie

La situation du condamneacute qui conteste sa condamnation au moyen drsquoun pourvoi en reacutevision

est donc parfaitement lisible par rapport agrave la preacutesomption drsquoinnocence Srsquoagissant drsquoun

individu deacutefinitivement condamneacute il ne peut plus pas se preacutevaloir de cette protection

juridique Le demandeur en reacutevision laquo dont la culpabiliteacute a eacuteteacute leacutegalement eacutetablie au sens de

larticle 6 sect 2 de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme ne peut plus se preacutevaloir

de la preacutesomption dinnocence4raquo En drsquoautres termes laquo si laccuseacute est preacutesumeacute innocent le

condamneacute est lui preacutesumeacute coupable5 raquo

369 La difficile preuve du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu de nature agrave faire

naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute sera donc agrave sa charge Cette obligation appeleacutee

lrsquoarticulation eacutetait pour le requeacuterant une veacuteritable eacutepreuve difficilement surmontable

B La preuve du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu

370 Apregraves avoir expliqueacute en quoi consiste lrsquoeacutetape dite de lrsquoarticulation (1) nous nous

attegravelerons aux difficulteacutes pratiques engendreacutees pour le requeacuterant par la reacutealisation de cette

eacutetape (2)

1 B REPIK laquo Reacuteflexions sur la jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme concernant la preacutesomption drsquoinnocence raquo in Liber amirocum Marc-Andreacute ESSEN Bruylant LGDJ 1995 p 331 et s 2 M TOUILLIER Le statut du suspect agrave lrsquoegravere de lrsquoeuropeacuteanisation de la proceacutedure peacutenale entre laquo petites raquo et laquo grandes raquo reacutevolutions RSC 2015 p 127 3 S TZITZIS laquo Philosophie peacutenale et philosophie du droit peacutenal Essai de clarification raquo Essais de Philosophie Peacutenale et de Criminologie La Preacutesomption drsquoInnocence Paris Eska 2004 p187-204 4 Cass crim 20 nov 2002 Bull crim ndeg 209 V eacutegalement CEDH 10 feacutevrier 1995 Allenet de Ribemont c France ndeg 1517589 CEDH Minelli c Suisse 25 mars 1983 ndeg 1499102 5 Cass ch reacuteunies 3 juin 1899 op cit

152

1 Lrsquoeacutetape de lrsquoarticulation

371 Le deacutepocirct drsquoune requecircte en reacutevision nrsquoeacutetait subordonneacute agrave aucune condition de

forme preacutevue par le leacutegislateur Il eacutetait neacuteanmoins indispensable que la requecircte fournisse

toutes les indications utiles quant agrave la date la nature et la juridiction concerneacutee par la deacutecision

de condamnation contesteacutee1 Ensuite devait ecirctre indiqueacutes le cas drsquoouverture viseacute2

lrsquoeacutenumeacuteration de toutes les piegraveces justificatives utiles et enfin laquo lrsquoarticulation preacutecise des

faits alleacutegueacutes au soutien du recours raquo3 Ce point concernant lrsquoarticulation qui srsquoadresse

entiegraverement au condamneacute constituait pour lui un veacuteritable challenge Priveacute de la

preacutesomption drsquoinnocence le condamneacute eacutetait dans lrsquoobligation drsquoapporter la preuve de lrsquoerreur

judiciaire en faisant dans lrsquoabsolu la deacutemonstration de la deacutefaillance de trois juridictions

diffeacuterentes (premiegravere instance cour drsquoappel Cour de cassation)

372 Partant de lrsquoideacutee que lors de sa mission de filtrage la commission srsquointerrogeait

sur le doute la culpabiliteacute du requeacuterant eacutetait confirmeacutee en cas de rejet motiveacute par une

articulation insuffisante Il en reacutesulte que le requeacuterant devait prouver son innocence devant la

commission et laquo combattre par le fait nouveau les fondements mecircmes de sa

condamnation raquo4 Crsquoest pourquoi lrsquoarticulation srsquoapparentait en pratique agrave une veacuteritable

eacutepreuve

2 Les difficulteacutes pratiques rencontreacutees par le requeacuterant

373 Aucune disposition leacutegislative ne reacutegissant les preacuterogatives dont disposait le

demandeur pendant lrsquoinstruction de sa demande il devait apporter seul et en amont de la

saisie de la commission la preuve drsquoun doute sur sa culpabiliteacute au moyen du fait nouveau ou

de lrsquoeacuteleacutement inconnu Il srsquoagissait drsquoune tacircche difficile surtout qursquoil ne disposait pas

contrairement agrave la commission et agrave la Cour de reacutevision de moyens eacutetatiques dinvestigation Il

ne pouvait donc pas afin de prouver le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu solliciter aupregraves de

la commission le deacuteclenchement drsquoactes drsquoinvestigations tels son audition celle drsquoun teacutemoin

lrsquoorganisation drsquoune reconstitution la reacutealisation drsquoune expertise hellip

1 H ANGEVIN op cit ndeg 116 2 Sur la substitution drsquoun cas drsquoouverture par la commission agrave celui invoqueacute par le requeacuterant V Cass crim 12 mai 1933 Bull crim 1933 ndeg 107 H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 163 3 Ibid ndeg 116 4 Rapport drsquoinformation op cit p 34

153

374 En pratique tregraves souvent incarceacutereacute le requeacuterant devait pour eacutetablir lrsquoexistence

drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu de nature agrave faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute

disposer de ressources financiegraveres et humaines suffisantes pour mener agrave bien son projet de

reacutevision (avocat enquecircteur priveacutehellip) Afin de prouver le fait nouveau lrsquoavocat ou le requeacuterant

se tournaient principalement vers deux techniques drsquoenquecircte tregraves souvent deacutecrieacutees par le juge

agrave savoir les expertises priveacutees (a) et les enquecirctes priveacutees (b)

a Les expertises priveacutees

375 Depuis laffaire Marie BESNARD agrave la fin des anneacutees 1950 et le procegraves des

meacutedecins de Poitiers en 19881 ougrave les avis dexperts priveacutes mandateacutes par la deacutefense avaient

permis drsquoobtenir lrsquoacquittement des demandeurs les expertises priveacutees ont connu un certain

essor

376 En matiegravere de reacutevision les expertises priveacutees peuvent preacutesenter un inteacuterecirct Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese ougrave le demandeur tente de contester les conclusions de certaines

expertises judiciaires qui sont agrave lrsquoorigine de sa condamnation deacutefinitive ou encore de pallier

certaines carences en provoquant une expertise Le requeacuterant peut donc avoir inteacuterecirct agrave

apporter un eacuteclairage nouveau sur son dossier (fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu) au moyen

drsquoune expertise ou drsquoune contre-expertise priveacutee Les copies des rapports drsquoexpertises

judiciaires2 sont communiqueacutees par le requeacuterant ou son deacutefenseur agrave un technicien speacutecialiseacute

aux fins de veacuterifications3

377 Or la commission de reacutevision a toujours teacutemoigneacute drsquoune certaine meacutefiance agrave

lrsquoeacutegard des expertises priveacutees En effet lrsquoimpartialiteacute de ces experts priveacutes reacutemuneacutereacutes par le

demandeur4 precircte agrave critiques par rapport agrave lrsquohonorabiliteacute de lrsquoexpert judiciaire5 A ce sujet

Monsieur MANGIN remarque laquo un certain climat de deacutefiance par rapport agrave lintervention de

1 V J FAVREAU-COLOMBIER Marie-Besnard le procegraves du siegravecle Privat 1999 et L DUROY Laffaire de Poitiers Barrault citeacutes par F SAINT PIERRE 2 Article 114 alineacutea 6 CPP laquo Seules les copies des rapports dexpertise peuvent ecirctre communiqueacutees par les parties ou leurs avocats agrave des tiers pour les besoins de la deacutefense raquo 3 Sur les difficulteacutes de seacutelection du contre-expert V P MANGIN Expertise meacutedico priveacutee en marge de lrsquoenquecircte peacutenale AJ Peacutenal 2009 p 436 4 P MANGIN op cit p 436 laquo Il nexiste pas dans ce cas de tarifs preacuteeacutetablis par voie reacuteglementaire Les honoraires sont donc laisseacutes agrave lappreacuteciation de lexpert priveacute Pour cette raison il est dusage de demander agrave lexpert priveacute une estimation du montant de ses honoraires compte tenu du nombre dheures preacutevisibles pour reacutealiser le travail demandeacute auxquels sajoutent eacutevidemment les frais annexes usuels de deacuteplacement de secreacutetariat etc On conccediloit que le tarif horaire sera fonction de la notorieacuteteacute et du statut professionnel de lexpert priveacute solliciteacute raquo 5 F SAINT-PIERRE Investigations priveacutees en deacutefense questions de meacutethode et difficulteacutes de pratique AJ peacutenal 2009 p 433

154

lexpert priveacute raquo alors qursquo laquo au Royaume-Uni en Irlande et dans les pays du Commonwealth

lexpertise priveacutee est de pratique courante voire parfois systeacutematique1 raquo Crsquoest ainsi que les

conclusions drsquoune expertise priveacutee mecircme pertinentes ne constituent pas ipso facto un fait

nouveau ou un eacuteleacutement inconnu Plus preacuteciseacutement laquo une expertise officieuse reacutealiseacutee agrave la

demande du condamneacute ne saurait entrer dans les preacutevisions de larticle 622 4deg du Code de

proceacutedure peacutenale que si elle ne constitue pas seulement une appreacuteciation diffeacuterente voire

critique dun rapport expertal mais si elle apporte un eacuteleacutement nouveau que les experts

judiciaires navaient pu ou su deacutecouvrir et qui neacutetait pas apparu au procegraves raquo2

378 Il parait difficile de faire la distinction entre laquo une appreacuteciation diffeacuterente voire

critique raquo drsquoun rapport drsquoexpertise judiciaire et lrsquoapport de la preuve drsquoun eacuteleacutement nouveau

Tous ces eacuteleacutements assez subjectifs et souvent tregraves techniques3 eacutetaient laisseacutes agrave lrsquoappreacuteciation

des magistrats de la commission juges de la recevabiliteacute

b Les enquecirctes priveacutees

379 La difficulteacute du pourvoi en reacutevision consiste dans lrsquoapport de la preuve de la

deacutecouverte drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu Cette situation nrsquoest pas sans rappeler

certaines seacuteries teacuteleacuteviseacutees ameacutericaines ougrave lrsquoavocat megravene sa propre enquecircte pour prouver

lrsquoinnocence de son client Or en France le deacutefenseur laquo ne saurait sans enfreindre une regravegle

deacuteontologique et proceacutedurale fondamentale conduire de lui-mecircme une enquecircte

approfondie raquo4 Crsquoest pourquoi le demandeur ou son avocat peuvent srsquoadresser aux fins

drsquoenquecircte agrave un agent de recherche priveacute5 dont lrsquoactiviteacute laquo consiste agrave collecter par des

enquecirctes pour le compte de personnes physiques ou morales des informations en vue de la

deacutefense des inteacuterecircts dune clientegravele qui recherche geacuteneacuteralement des eacuteleacutements de preuve ou de

preacutesomption conduisant agrave la manifestation de la veacuteriteacute raquo6

380 Toutefois la pratique des enquecirctes priveacutees se heurte agrave lrsquoeacutetat de notre droit7 Deux

hypothegraveses concregravetes illustrent bien cette situation Premiegraverement imaginons que le requeacuterant

veuille confier agrave lrsquoagent de recherche priveacute la surveillance drsquoun teacutemoin susceptible drsquoecirctre 1 P MANGIN laquo Expertise meacutedico priveacutee en marge de lrsquoenquecircte peacutenale raquo AJ Peacutenal 2009 p 436 2 Comm reacutevision 16 deacutec 2002 Bull crim 2002 Comm reacutevision ndeg 2 3 H MARGANNE Lrsquoexpert judiciaire et le droit JCP G 2007 I p 103 4 Ibid 5 Larticle 20 de la loi 83-629 du 12 juillet 1983 relative aux agences de recherches priveacutees deacutefinit lrsquoARP comme laquo la profession libeacuterale qui consiste pour une personne agrave recueillir mecircme sans faire eacutetat de sa qualiteacute ni reacuteveacuteler lobjet de sa mission des informations ou renseignements destineacutes agrave des tiers en vue de la deacutefense de leurs inteacuterecircts raquo 6 M-F HOLLINGER laquo Qui sont les ARP raquo AJ Peacutenal 2009 p 440 7 Ibid

155

reconnu comme le veacuteritable auteur des faits de lrsquoinfraction La Cour de cassation a jugeacute le

caractegravere illicite de telles filatures qursquoelles considegraverent de nature agrave violer le droit agrave la vie

priveacutee proteacutegeacute par lrsquoarticle 9 du code civil1 Deuxiegravemement imaginons qursquoun deacutefenseur ait

eacuteteacute informeacute par un agent de recherche priveacute de lrsquoexistence drsquoun teacutemoin susceptible

drsquoinnocenter son client Dans cette situation lrsquoavocat ne pourra pas se charger de

lrsquointerrogatoire du teacutemoin car laquo entendre soi-mecircme un teacutemoin est rapidement associeacute agrave une

tentative de subornation et fait perdre toute validiteacute au teacutemoignage raquo2

381 Crsquoest pourquoi agrave moins que le fait nouveau laquo tombe du ciel 3raquo le condamneacute se

trouvait rarement en situation de pouvoir le faire eacutemerger Dans lrsquoaffaire Marc MACHIN

jugeacutee en 2001 le recours en reacutevision nrsquoa eu lieu qursquoen 2008 le condamneacute ne disposant

jusqursquoalors drsquoaucun eacuteleacutement nouveau Le fait nouveau eacutetait dans ce cas laquo tombeacute du ciel raquo

puisque David SAGNO a reconnu spontaneacutement ecirctre lrsquoauteur du crime La lourde charge de

la preuve explique que la commission eacutetait destinataire de nombreuses requecirctes en reacutevision

qui mal articuleacutees eacutetaient deacuteclareacutees irrecevables Le problegraveme de lrsquoapport de la preuve

pouvait ecirctre agrave lrsquoorigine drsquoune certaine ineacutegaliteacute entre les requeacuterants Ceux qui disposaient de

ressources financiegraveres suffisantes et ceux dont lrsquoaffaire beacuteneacuteficiait drsquoun fort eacutecho meacutediatique

eacutetaient certainement avantageacutes Il parait essentiel drsquooffrir au condamneacute les garanties

proceacutedurales lui permettant de prouver le doute sur sa culpabiliteacute Le salut du condamneacute

passait par le Garde des sceaux susceptible drsquointroduire lui-mecircme la requecircte ce qui

dispensait le requeacuterant de la difficile tacircche de lrsquoarticulation Toutefois ce type drsquoinitiatives

demeurait trop peu nombreux

382 En second lieu drsquoun point de vue conjoncturel le requeacuterant avait agrave subir le choix

de la juridiction de reacutevision de suspendre ou de ne pas suspendre lrsquoexeacutecution de sa

condamnation

sect 2 Le caractegravere discreacutetionnaire de la suspension de lrsquoexeacutecution de

la condamnation

383 Laisseacutee degraves le deacutepart de la proceacutedure au libre arbitrage de la commission (A)

cette preacuterogative deacutebouchait sur une deacutecision incontestable qui srsquoimposait agrave tous (B) 1 Civ 2e 3 juin 2004 Bull civ II ndeg 273 et Civ 1re 6 mars 1996 Bull civ I ndeg 124 laquo Est illicite toute immixtion arbitraire dans la vie priveacutee dautrui raquo 2 F SAINT-PIERRE Investigations priveacutees en deacutefense questions de meacutethode et difficulteacutes de pratique op cit p 433 3 Expression emprunteacutee agrave Monsieur B COTTE

156

A Une preacuterogative de la commission

384 Lrsquoancien article 624 du Code de proceacutedure peacutenale disposait que laquo la commission

saisie dune demande de reacutevision peut agrave tout moment ordonner la suspension de lexeacutecution

de la condamnation Il en est de mecircme pour la Cour de reacutevision lorsquelle est saisie raquo

Srsquoagissant de la Cour de reacutevision juridiction de jugement son pouvoir de suspension de

lrsquoexeacutecution de la condamnation eacutetait une conseacutequence de son droit drsquoannuler la condamnation

prononceacutee En revanche la commission agissant comme une juridiction dite drsquoinstruction ne

pouvait pas annuler une condamnation Aussi son pouvoir de suspension de lrsquoexeacutecution de la

condamnation pouvait-il paraitre surprenant

385 En usant dans lrsquoancien article 624 du verbe laquo pouvoir raquo le leacutegislateur a voulu

indiquer le caractegravere facultatif de la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation La loi de

1989 avait modifieacute le droit anteacuterieur selon lequel laquo lorsque lrsquoarrecirct ou le jugement nrsquoavait pas

encore eacuteteacute mis agrave exeacutecution la condamnation eacutetait suspendue de plein droit agrave compter de la

demande formeacutee par le Ministre de la justice agrave la Cour de cassation raquo Le fait drsquoaccorder

automatiquement un effet suspensif agrave toute requecircte en reacutevision formeacutee par un condamneacute qui

nrsquoavait pas encore commenceacute agrave exeacutecuter sa peine revenait agrave mettre agrave sa disposition un proceacutedeacute

dilatoire lui permettant de prendre la fuite ou de faire disparaitre des preuveshellip Cest pourquoi

que la condamnation soit ou non mise agrave exeacutecution sa suspension eacutetait dans les deux cas

facultative et non automatique La suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation pouvait ecirctre

deacutecideacutee sans condition aucune ou bien ecirctre depuis la loi du 10 mars 20101 conditionneacutee agrave

laquo lobligation de respecter tout ou partie des conditions dune libeacuteration conditionnelle

preacutevues par les articles 731 et 731-1 y compris le cas eacutecheacuteant celles reacutesultant dun

placement sous surveillance eacutelectronique mobile raquo Il pouvait srsquoagir comme dans lrsquoaffaire

LEPRINCE de fixer la reacutesidence du requeacuterant chez une personne deacutesigneacutee de lui enjoindre

de reacutepondre aux convocations judiciaires et de lui interdire de paraicirctre dans certains lieux ou

drsquoentrer en relation avec certaines personnes2

386 Le bien-fondeacute de la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation deacutecideacutee par la

commission se pose diffeacuteremment selon les sources qui ont motiveacute cette deacutecision fondeacutee soit

sur la constatation de lrsquoinnocence soit sur la deacutecouverte drsquoun doute sur la culpabiliteacute La

reconnaissance au beacuteneacutefice de la commission du pouvoir de suspension de lrsquoexeacutecution de la 1 Loi ndeg 2010-242 du 10 mars 2010 tendant agrave amoindrir le risque de reacutecidive criminelle et portant diverses dispositions de proceacutedure peacutenale 2 Commrevision 1er juillet 2010 ndeg 05-REV145

157

condamnation eacutetait preacutecieuse et neacutecessaire lorsqursquoelle constatait lrsquoinnocence aveacutereacutee du

requeacuterant (1) En revanche lorsque la transmission de la requecircte agrave la Cour de reacutevision se

fondait sur un seul doute sur la culpabiliteacute la question de la suspension de lrsquoexeacutecution de la

peine eacutetait plus contestable (2)

1 La neacutecessaire suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation en cas

drsquoinnocence

387 Srsquoagissant de la constatation de lrsquoinnocence par la commission situation non

preacutevue par le leacutegislateur celle-ci se produisait de plus en plus freacutequemment sous lrsquoeffet des

progregraves de la science1 Au travers drsquoexemples concrets nous expliquerons qursquoen cas

drsquoinnocence la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation par la commission revecirctait un

reacuteel inteacuterecirct

388 Si dans la majoriteacute des cas la demande de suspension de lrsquoexeacutecution de la

condamnation concernait une peine privative de liberteacute une telle demande pouvait ecirctre

formuleacutee au regard drsquoautres types de condamnations notamment en matiegravere correctionnelle

(ex condamnation agrave la deacutemolition drsquoun ouvrage2)

Inteacuteressons-nous agrave une requecircte en reacutevision qui jugeacutee en 2005 concernait le deacutelit de deacutetention

drsquoun chien de premiegravere cateacutegorie non steacuteriliseacute auquel srsquoajoutaient des contraventions connexes

agrave la regraveglementation sur les chiens dits dangereux3 Lrsquoauteur de lrsquoinfraction avait eacuteteacute

condamneacute agrave une peine drsquoemprisonnement avec sursis agrave une amende et agrave lrsquoeuthanasie du

chien Le demandeur en reacutevision avait soumis son chien agrave un examen veacuteteacuterinaire dont les

conclusions indiquaient que laquo lanimal eacutetait morphologiquement proche dun labrador et non

comme indiqueacute drsquoun rottweiler croiseacute staff et qursquoil ne relevait donc daucune des deux

cateacutegories de chiens dangereux deacutefinies par l article L 211-1 du Code rural et par l arrecircteacute

ministeacuteriel du 27 avril 1999 raquo4 Ce reacutesultat ayant eacuteteacute confirmeacute par une expertise deacutecideacutee par

la commission de reacutevision le chien a eu la vie sauve gracircce agrave la suspension de la condamnation

(lrsquoeuthanasie du chien) La condamnation fut ensuite annuleacutee par la Cour de reacutevision

389 De mecircme la suspension de la condamnation par la commission srsquoaveacuterait utile

dans lrsquohypothegravese de la reconnaissance de lrsquoinnocence drsquoun demandeur condamneacute agrave une peine

1 G DEHARO laquo Lrsquoarticulation du savoir et du pouvoir dans le preacutetoire raquo Gaz Pal 2005 ndeg 265 p 3 speacutec4 2 V article L 480-5 du code de lrsquourbanisme 3 V article L 211-11 du code rural et de la pecircche maritime 4 Cass crim 8 feacutevrier 2005 ndeg 04-85708

158

privative de liberteacute Le maintien en deacutetention drsquoun individu dont lrsquoinnocence jaillissait devant

la commission eacutetait injustifieacute Lrsquointeacuterecirct de la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation

par la commission paraissait donc eacutevident dans le cas drsquoune deacutecouverte de lrsquoinnocence du

requeacuterant

390 Toutefois la commission srsquoeacutetait empareacutee de lrsquoexamen du doute sur la culpabiliteacute

sans qursquoil soit possible drsquoeacutevaluer avec preacutecision le degreacute drsquointensiteacute de doute qursquoelle exigeait1

Les affaires dont les requecirctes eacutetaient transmises agrave la Cour de reacutevision par rapport agrave un doute

sur la culpabiliteacute pouvaient eacutegalement donner lieu agrave une suspension de lrsquoexeacutecution de la

condamnation Deacutecideacutee par la commission cette prise de deacutecision paraissait quant agrave elle plus

discutable

2 La suspension contesteacutee de lrsquoexeacutecution de la condamnation en cas de doute

sur la culpabiliteacute

391 Lorsque la commission suspendait lrsquoexeacutecution de la condamnation en dehors du

cas de lrsquoinnocence cette deacutecision eacutetait motiveacutee par un doute sur la culpabiliteacute du demandeur

Aussi un risque de divergence drsquoappreacuteciation du doute entre la commission et la Cour de

reacutevision eacutetait-il possible En effet si face agrave lrsquoeacutevidence de lrsquoinnocence les deux organes de

reacutevision pouvaient aiseacutement se retrouver il nrsquoen eacutetait pas forceacutement ainsi en preacutesence drsquoun

doute sur la culpabiliteacute A partir du moment ougrave la commission suspendait lrsquoexeacutecution drsquoune

peine privative de liberteacute il fallait proceacuteder agrave la reacuteincarceacuteration du demandeur lorsqursquoil

existait quant au doute une divergence entre les deux organes Lrsquoaffaire LEPRINCE2 a

donneacute lieu agrave cette situation qualifieacutee de laquo scandale raquo3 par Monsieur COTTE

392 Ce pouvoir de suspension semblait justifieacute par le parallegravele entre la commission et

une juridiction drsquoinstruction En effet le juge drsquoinstruction peut valider une demande de mise

en liberteacute et lever le placement en deacutetention provisoire4 Ce point de vue accreacutediterait donc le

pouvoir de suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation de la commission La

reacuteincarceacuteration peut avoir lieu dans le cadre du deacuteroulement drsquoune proceacutedure judiciaire

1 V supra ndeg 320 agrave 327 2 M BOMBLED laquo Rejet drsquoune requecircte en reacutevision controverseacutee raquo obs sous cass crim ndeg 10-85247 Dalloz actualiteacutes 13 avril 2011 3 Propos rapporteacutes par Monsieur FENECH lors de lrsquoaudition de Madame ANZANI op cit 4 Sur ce point V article 148 CPP Dans la deacutecision ndeg 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 le Conseil constitutionnel rappelle que laquo quel que soit le reacutegime de deacutetention qui est applicable au mis en examen celui-ci peut agrave tout moment preacutesenter une demande de mise en liberteacute dans les conditions preacutevues par lrsquoarticle 148 du CPP raquo

159

ordinaire placement en deacutetention provisoire ndash remise en liberteacute accordeacutee par le juge

drsquoinstruction ndash condamnation par la cour drsquoassises et reacuteincarceacuteration La reacuteincarceacuteration du

demandeur deacutebouteacute par la Cour de reacutevision srsquoinscrirait donc dans la mecircme logique

393 Toutefois nous ne souscrivons pas agrave cette deacutemonstration Contrairement au juge

drsquoinstruction qui laquo nrsquoest pas juge de la culpabiliteacute ou de lrsquoinnocence de la personne qursquoil met

en examen raquo1 la commission en srsquoemparant du doute prenait position par rapport agrave

lrsquoinnocence ou agrave la culpabiliteacute du demandeur De plus il parait difficile de justifier la

divergence de points de vue entre les deux organes qui composeacutes de magistrats du mecircme

grade examinaient finalement la mecircme chose le doute sur la culpabiliteacute Degraves lors laquo le fait

que la suspension de la condamnation soit arrecircteacutee par la commission tend agrave conforter lrsquoideacutee

selon laquelle les deacutecisions de cette instance constitueraient une sorte de preacute-jugement que la

cour serait appeleacutee agrave valider raquo2 Dans lrsquohypothegravese ougrave la Cour de reacutevision ne validerait pas la

deacutecision de la commission entrainant ainsi une reacuteincarceacuteration du demandeur que dire

Maicirctre Franccedilois FOURNIE srsquoest deacuteclareacute laquo extrecircmement choqueacute du traitement et du sort

reacuteserveacute agrave Dany LEPRINCE 3raquo

394 En outre srsquoil existe drsquoun point de vue mateacuteriel (remise en liberteacute) une similitude

entre la commission qui suspend lrsquoexeacutecution de la condamnation et le juge drsquoinstruction

favorable agrave une demande de mise en liberteacute ces deux situations sont diffeacuterentes srsquoagissant des

motivations intrinsegraveques du juge drsquoinstruction et de la commission Paradoxalement il serait

plus juste de comparer la situation de la commission qui suspend lrsquoexeacutecution drsquoune

condamnation avec celle du placement en deacutetention provisoire drsquoun mis en examen A

premiegravere vue laquo la comparaison semble asymeacutetrique puisque dans un cas il srsquoagit de deacutetention

et dans lrsquoautre de liberteacute raquo4 Mais agrave bien y reacutefleacutechir elle apparaicirct plutocirct judicieuse car dans les

deux cas la deacutecision devra ecirctre prise en eacutevitant laquo la tentation du preacute jugement raquo5 Crsquoest pour

eacuteviter ce preacute jugement que durant lrsquoinstruction le placement en deacutetention provisoire est

deacutecideacute non par le juge drsquoinstruction mais par le juge des liberteacutes et de la deacutetention6 La loi du

15 juin 2000 a laquo retireacute au juge drsquoinstruction la compeacutetence pour placer en deacutetention provisoire

1 J-L COSTE op cit p 422 2 Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur LAMANDA p 181 3 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Monsieur F FOURNIE 17 octobre 2013 accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission 4 Ibid 5 V Deacutecision ndeg 2010-62 QPC 6 Loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la preacutesomption dinnocence et les droits des victimes

160

ou pour refuser une demande de mise en liberteacute1 raquo Cette reacuteforme a eu lieu laquo afin de

preacutevenir lrsquoutilisation de celle-ci [la deacutetention provisoire] agrave des fins de pression sur la

juridiction de jugement qui eacutetait tregraves souvent conduite agrave couvrir la deacutetention provisoire

(hellip)2 raquo Appliqueacute agrave la reacutevision il conviendrait drsquoeacuteviter que la libeacuteration de la personne qui a

fait lrsquoobjet drsquoune condamnation en principe irreacutevocable ne fournisse agrave la commission

drsquoinstruction un moyen drsquoinfluencer la deacutecision de la Cour de reacutevision Monsieur

LAMANDA premier preacutesident de la Cour de cassation remarque que lrsquoon ne pourrait

admettre durant lrsquoinstruction laquo que celui qui instruit une affaire puisse prendre une deacutecision

privative de liberteacute au motif qursquoil connait lrsquoaffaire mieux que personne raquo3

395 En deacutefinitive hormis le cas de lrsquoeacutevidente innocence drsquoailleurs ignoreacute par le

leacutegislateur il nous semble que le respect de la chose jugeacutee et la preacuteservation de la paix sociale

aurait ducirc inciter agrave confier la deacutecision de suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation agrave la Cour

de reacutevision seule agrave pouvoir annuler la condamnation prononceacutee Monsieur Franccedilois

FOURNIE reacutesume ainsi notre position laquo ccedila fait perdre du temps ccedila impose qursquoun condamneacute

reste plus longtemps en prison mais ccedila eacutevite lrsquoaffaire Dany LEPRINCE raquo4

396 Laisseacutee au libre arbitre de la commission cette preacuterogative ne pouvait faire

lrsquoobjet drsquoaucun recours Crsquoest ainsi que le choix de suspendre ou de ne pas suspendre

lrsquoexeacutecution de la condamnation pouvait srsquoapparenter agrave un fait du prince puisque cette

deacutecision srsquoimposait agrave tous

B Une deacutecision incontestable

397 La deacutecision de la commission drsquoordonner ou de ne pas ordonner la suspension de

lrsquoexeacutecution de la condamnation srsquoimposait au parquet et au requeacuterant qui priveacutes de tout

recours devaient srsquoincliner Srsquoagissant le plus souvent drsquoune peine privative de liberteacute le

parquet ne pouvait pas srsquoopposer agrave la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation et de son

cocircteacute le requeacuterant ne pouvait pas attaquer une deacutecision de refus de suspension Il srsquoagissait

pour eux drsquoune deacutecision sans appel (1) Quant agrave la partie civile elle eacutetait mise

complegravetement agrave lrsquoeacutecart de cette phase deacutecisionnelle (2)

1 Deacutecision ndeg 2010-62 QPC ndash 17 deacutecembre 2010 Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel Cahier ndeg 30 2 Ibid 3 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur V LAMANDA opcit p 181 4 Commission des Lois Audition de Monsieur F FOURNIE op cit

161

1 Lrsquoabsence de recours pour les parties

398 Pour ce qui est du parquet la situation eacutetait la suivante Lors de lrsquoaudience

devant la commission le ministegravere public preacutesentait ses reacutequisitions A cette occasion il

pouvait lorsqursquoil jugeait la requecircte irrecevable reacuteclamer sa non transmission agrave la Cour de

reacutevision Ignorant les reacutequisitions du parquet la commission pouvait toujours transmettre la

requecircte et suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation

399 Une situation similaire peut se retrouver dans le cadre drsquoune instruction ordinaire

Toutefois lrsquoarticle 185 alineacutea 1 du Code de proceacutedure peacutenale permet au procureur drsquointerjeter

appel laquo de toute ordonnance du juge drsquoinstruction et du juge des liberteacutes et de la deacutetention raquo

et son alineacutea 2 confegravere aussi ce droit au procureur geacuteneacuteral Ce texte est interpreacuteteacute par la

doctrine comme une disposition de nature agrave srsquoappliquer agrave toutes les ordonnances

juridictionnelles crsquoest-agrave-dire laquo celles qui tranchent une contestation au terme drsquoune proceacutedure

organiseacutee raquo1 Sont donc concerneacutees les ordonnances rendues en matiegravere de deacutetention

provisoire2 La liberteacute eacutetant la regravegle lrsquoappel interjeteacute par le procureur est sans effet suspensif3

Crsquoest pourquoi parallegravelement agrave son appel le procureur peut eacutelever devant le premier preacutesident

de la cour drsquoappel un reacutefeacutereacute-deacutetention afin de suspendre les effets de lrsquoordonnance de remise

en liberteacute et maintenir le mis en examen en deacutetention (le temps de la deacutecision drsquoappel)4 Un

dispositif semblable nrsquoexistait pas en matiegravere de reacutevision

400 Bien que srsquoagissant drsquoune part drsquoun preacutesumeacute innocent et drsquoautre part drsquoun

condamneacute deacutefinitif on retrouve du point de vue mateacuteriel la mecircme reacutealiteacute ne pas permettre

la remise en liberteacute du mis en examen et ne pas permettre la remise en liberteacute du condamneacute en

suspendant lrsquoexeacutecution de sa peine Que ce soit dans le domaine de la reacutevision ou dans celui

de lrsquoinstruction il est impeacuterieux drsquolaquo eacuteviter que [hellip] lirreacuteparable saccomplisse [hellip] -

disparition de linteacuteresseacute reacuteiteacuteration de linfraction raquo5

401 Pour ce qui est du requeacuterant dans lrsquohypothegravese ougrave la commission est toujours

compareacutee agrave une juridiction drsquoinstruction lrsquoarticle 186 du Code de proceacutedure peacutenale autorise le

1 G CORNU Vocabulaire juridique op cit V Ordonnance 2 Cass crim 6 juillet 1993 JCP 1993 II 22115 3 Sur ce point V S GUINCHARD J BUISSON op cit ndeg 2107 cass crim 22 avril 1985 JCP 1986 II 20594 note W JEANDIDIER D 1985 p 464 note J PRADEL 4 J BUISSON Le reacutefeacutereacute-deacutetention du Procureur de la Reacutepublique issu de la loi ndeg2002-1138 du 09 septembre 2002 (CPP art1486161 et 187-3 nouv) Proceacutedures Novembre 2002 p 7 V eacutegalement articles 148-1-1 CPP et 187-3 CPP 5 Preacutesentation des dispositions relatives au reacutefeacutereacute-deacutetention issues de la loi ndeg 2002-1138 du 9 septembre 2002 dorientation et de programmation pour la justice CRIM 2002-14 E830-10-2002 NOR JUSD0230174C

162

mis en examen agrave interjeter appel des ordonnances relatives agrave sa deacutetention provisoire Lappel

de lordonnance de placement en deacutetention provisoire peut agrave la demande expresse de la

personne mise en examen ecirctre soumis agrave une proceacutedure acceacuteleacutereacutee il srsquoagit du reacutefeacutereacute-liberteacute

preacutevu par les articles 187-1 et 187-2 du Code de proceacutedure peacutenale laquo qui a pour effet de faire

leacuteconomie des deacutelais de la mise en eacutetat raquo1 Le parallegravele entre les deux juridictions lrsquoune

ordinaire lrsquoautre exceptionnelle aurait pu inviter le leacutegislateur agrave accorder au condamneacute le

droit de contester un refus de suspension drsquoexeacutecution de la condamnation

402 Enfin concernant la partie civile alors que sa place est largement reconnue par la

justice laquo ordinaire raquo quant agrave lrsquoexeacutecution des peines elle eacutetait inexistante dans le cadre de la

suspension drsquoexeacutecution de la condamnation

2 Lrsquoeacuteviction de la partie civile

403 Srsquoagissant de la partie civile lrsquoarticle 186 du Code de proceacutedure peacutenale lui

reconnaicirct durant lrsquoinstruction le droit drsquointerjeter appel de toute ordonnance faisant laquo grief agrave

ses inteacuterecircts civils raquo Le Conseil constitutionnel a neacuteanmoins rappeleacute qursquo laquo il est toutefois

interdit agrave la partie civile de former appel des mesures de sucircreteacute prises contre le mis en

examen (deacutetention provisoire ou controcircle judiciaire) raquo2 Crsquoest ainsi qursquoil est interdit agrave la

partie civile laquo drsquointerjeter appel des mesures des ordonnances qui inteacuteressent directement le

mis en examen dans sa deacutetention ou son controcircle judiciaire raquo3 Sur ce point le traitement qui

lui eacutetait reacuteserveacute dans le cadre de la proceacutedure de reacutevision eacutetait similaire et entiegraverement justifieacute

404 En revanche son exclusion du deacutebat par rapport agrave la deacutecision de la commission

de suspendre ou de ne pas suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation nous parait discutable

La partie civile pouvait mecircme ignorer lrsquoexistence drsquoune proceacutedure de reacutevision Lrsquoarticle

preacuteliminaire du Code de proceacutedure peacutenale dispose pourtant sans distinguer que laquo lrsquoautoriteacute

judiciaire veille agrave linformation et agrave la garantie des droits des victimes au cours de toute

proceacutedure peacutenale raquo

405 Lrsquoabsence de la partie civile eacutetait en contradiction avec la place qui lui est

reacuteserveacutee au moment des prises de deacutecision sur lrsquoexeacutecution des peines dans la proceacutedure

ordinaire En effet il existe agrave ce stade un reacuteel eacutechange entre la partie civile et le juge de

lrsquoapplication des peines Ce magistrat dispose de pouvoirs dinvestigations qui lui permettent

1 F-L COSTE op cit ndeg 89 et s 2 Deacutecision ndeg 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 3 S GUINCHARD J BUISSON op cit ndeg 2067

163

drsquoeacutevaluer les conseacutequences drsquoune mesure drsquoindividualisation de la peine sur la personne de la

victime Une des ambitions de la loi du 15 juin 2000 a eacuteteacute que laquo les inteacuterecircts des victimes

soient mieux pris en consideacuteration dans la phase dexeacutecution de la peine raquo Il en deacutecoule que

laquo toute mesure dindividualisation de la peine concernant un condamneacute doit prendre en

compte linteacuterecirct de la victime tant en ce qui concerne les inteacuterecircts patrimoniaux de celle-ci que

ses inteacuterecircts moraux et sa seacutecuriteacute [hellip] le fait que les victimes ne soient pas juridiquement

parties agrave la proceacutedure deacutesormais juridictionnaliseacutee de lapplication des peines ne doit en effet

pas avoir pour conseacutequence de porter atteinte agrave leurs inteacuterecircts1raquo Lrsquoarticle D 526 du Code de

proceacutedure peacutenale met agrave la disposition du juge de lrsquoapplication des peines les moyens

drsquoinvestigations utiles agrave lrsquoinstruction des demandes de libeacuteration conditionnelle laquo Lenquecircte

meneacutee agrave cette fin peut porter sur les conseacutequences dune libeacuteration conditionnelle au regard

de la situation de la victime Les informations recueillies constituent lun des eacuteleacutements

dappreacuteciation pris en compte par selon le cas le juge de lapplication de la peine ou la

juridiction reacutegionale de la libeacuteration conditionnelle non seulement pour deacutecider sil doit ecirctre

fait droit agrave la demande mais aussi pour deacutefinir les mesures de controcircle auxquelles doit ecirctre

soumis le condamneacute raquo La prise en compte des inteacuterecircts de la victime dans lrsquoexeacutecution de la

condamnation srsquoeacutetait arrecircteacutee au seuil de la proceacutedure de reacutevision Une deacutecision de suspension

de lrsquoexeacutecution de la condamnation ne devrait-elle pas pouvoir pour le moins donner lieu agrave

des observations eacutecrites ou orales formuleacutees par la partie civile

406 La composition des juridictions de reacutevision soumise agrave des consideacuterations drsquoordre

conjoncturel posait elle aussi question

Section 2 La composition des juridictions de reacutevision

407 Pour ce qui est de la commission lrsquoalineacutea 5 de lrsquoancien article 623 du Code de

proceacutedure peacutenale preacutevoyait que la mission de filtrage eacutetait assureacutee par cinq magistrats de la

Cour de cassation Srsquoagissant de la Cour de reacutevision lrsquoancien article 623 du Code de

proceacutedure peacutenale indiquait simplement que la commission de reacutevision laquo saisit la chambre

criminelle qui statue comme Cour de reacutevision raquo Les dispositions relatives agrave la composition

de ces deux organes eacutetaient incomplegravetes (sect 1) Cette situation eacutetait de nature agrave entretenir un

climat de soupccedilon srsquoagissant de lrsquoimpartialiteacute de ces deux instances (sect 2)

1 Preacutesentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption dinnocence et les droits des victimes relatives aux victimes CRIM 2001-07 F114-05-2001 NOR JUSD0130065C

164

sect 1 Des dispositions leacutegislatives incomplegravetes

408 La composition de la commission eacutetait abordeacutee de maniegravere laconique par le

leacutegislateur (A) Concernant celle de la Cour de reacutevision il ne srsquoeacutetait pas exprimeacute sur sa

structuration (B)

A La composition de la commission de reacutevision

409 La composition de la commission de reacutevision eacutetait preacutevue par lrsquoancien article 623

alineacutea 5 du Code de proceacutedure peacutenale qui disposait laquo La demande en reacutevision est adresseacutee agrave

une commission composeacutee de cinq magistrats de la Cour de cassation deacutesigneacutes par

lassembleacutee geacuteneacuterale de cette juridiction et dont lun choisi parmi les membres de la chambre

criminelle en assure la preacutesidence Cinq magistrats suppleacuteants sont deacutesigneacutes selon les mecircmes

formes Les fonctions du ministegravere public sont exerceacutees par le parquet geacuteneacuteral de la Cour de

cassation raquo Cette disposition eacutetait un des principaux apports de la loi de 1989 qui a

laquo judiciariseacute raquo1 le filtrage des requecirctes en mettant fin agrave une pratique attentatoire agrave la seacuteparation

des pouvoirs En effet par le passeacute le Garde des sceaux avait la mainmise sur le filtrage des

requecirctes Nonobstant le fait que la judiciarisation du filtrage eacutetait un reacuteel progregraves de la loi de

1989 (1) le texte demeurait encore trop impreacutecis quant agrave la composition de la commission de

reacutevision (2)

1 La judiciarisation du filtrage un progregraves de la loi de 1989

410 Afin de mieux comprendre les effets de la judiciarisation de 1989 sur

lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision il est utile de rappeler le droit anteacuterieur En effet par le

passeacute le filtrage des requecirctes srsquoeffectuait diffeacuteremment par le Garde des sceaux selon qursquoil

srsquoagissait drsquoune demande fondeacutee sur un cas deacutetermineacute ou sur le quatriegraveme cas drsquoouverture agrave

reacutevision En preacutesence drsquoun cas drsquoouverture deacutetermineacute dont la demande eacutetait recevable le

Ministre de la justice se trouvait dans lrsquoobligation de saisir la Cour de cassation2 A lrsquoinverse

face agrave une requecircte introduite sur le fondement drsquoun fait nouveau le Ministre de la justice

veacuteritable laquo juge de lrsquoopportuniteacute raquo3 pouvait agrave lrsquoissue drsquoune proceacutedure secregravete et non

contradictoire saisir ou ne pas saisir la Cour de cassation Apregraves avis drsquoune commission

consultative composeacutee de trois magistrats professionnels et de trois directeurs issus du 1 Terme employeacute par lrsquoexposeacute des motifs de la proposition de loi en 1988 V HANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 12 2 Cass crim 23 avril 1896 op cit 3 Expression emprunteacutee agrave Eliane de VALICOURT

165

Ministegravere de la Justice la transmission de la demande avait lieu sous lrsquoeacutegide du Garde des

sceaux seul juge La pratique a deacutemontreacute que le directeur des affaires criminelles et des

gracircces choisissait ses deux assistants Selon Monsieur Bruno COTTE directeur de la

Direction des Affaires Criminelles et des Gracircces de 1984 agrave 1990 laquo le directeur pouvait

orienter la deacutecision choisissant des personnes hostiles agrave la reacutevision raquo1 Aussi deacutecideacutees de

maniegravere discreacutetionnaire par le Garde des sceaux les transmissions agrave la Cour de cassation

eacutetaient-elles perccedilues comme le fait du prince comportant un eacutevident risque drsquoarbitraire2 Cet

laquo acte de haute administration raquo3 placeacute entre les mains du Ministre de la justice nrsquoeacutechappait

pas agrave des consideacuterations politiques4 susceptibles de nuire agrave la prospeacuteriteacute de certaines

demandes5

411 Crsquoest pourquoi la loi de 1989 a mis un terme agrave cette phase administrative en

attribuant la mission de filtrage des requecirctes agrave une commission exclusivement composeacutee de

magistrats6 et ceci quels que soient les cas drsquoouverture7 La lecture de lrsquoancien alineacutea 5 de

lrsquoarticle 623 du Code de proceacutedure peacutenale laissait entrevoir une vision manifestement plus

libeacuterale de la proceacutedure de reacutevision Toutefois il ne srsquoagit que drsquoune vision theacuteorique quelque

peu idyllique

412 En effet nous avons mis lrsquoaccent sur la seacuteveacuteriteacute du filtrage tel qursquoil eacutetait meneacute par

la commission juge du doute Statistiquement les pourvois en reacutevision nrsquoont pas vraiment

prospeacutereacute depuis 1989 Alors que le Garde des Sceaux adressait environ 32 requecirctes par an agrave

la Cour de cassation seulement 34 demandes ont eacuteteacute en moyenne annuellement transmises agrave

la Cour de reacutevision par la commission de reacutevision8 De plus les dispositions leacutegislatives

relatives agrave la composition de la commission manquaient de preacutecision Cette imperfection eacutetait

1 E de VALICOURT op cit p 204 2 BOUZAT et PINATEL op cit p 1465 en sens contraire V M GENDREL op cit ndeg 14 laquo En veacuteriteacute le changement de laquo filtre raquo ainsi reacutealiseacute ne simposait pas en eacutequiteacute nul abus de lexeacutecutif neacutetait concregravetement deacutenonceacute non seulement il ny avait pas de laquo Monsieur Veacuteto raquo mais on peut relever bien des arrecircts reacutecents deacuteclarant irrecevables des demandes preacutesenteacutees pour fait nouveau par le ministre de la Justice Lideacutee dune chancellerie sefforccedilant dlaquo occulter raquo les erreurs judiciaires eacutetait aussi preacuteconccedilue et inexacte que lest (et lagrave encore le leacutegislateur a suivi) la conception dun jury dassises laquo manipuleacute raquo par des magistrats professionnels sans pitieacute ou encore celle dun parquet visant systeacutematiquement agrave la reacutepression raquo 3 F HELIE op cit p 535 4 Monsieur GENDREL qualifiait la reacuteforme de 1989 de laquo deacutepolitisation raquo de la reacutevision V M GENDREL op cit ndeg 14 5 Degraves son arriveacutee agrave la Chancellerie Robert BADINTER avait fortement encourageacute la suppression du filtre exerceacute par le Ministre de la justice V P CASSIA Robert Badinter Un juriste en politique 2009 eacutedition Fayard 6 Rapport ndeg 630 fait devant lAssembleacutee Nationale au nom de la commission des lois par M Philippe MARCHAND deacuteputeacute le 23 novembre 1988 (2e sdeg 1988-89) 7 M GENDREL op cit ndeg 11 laquo La loi de 1989 introduit un laquo filtre raquo judiciaire toujours requis se substituant au filtre ministeacuteriel partiel traditionnel raquo 8 Rapport drsquoinformation op cit p 16

166

de nature agrave eacuteriger une sorte de barriegravere agrave lrsquoaccessibiliteacute de la proceacutedure pourtant voulue par le

leacutegislateur de 1989

2 Lrsquoinsuffisante preacutecision des regravegles eacutetablies

413 Composeacutee seulement de cinq magistrats la commission eacutetait un petit eacutechantillon

de la pleacutenitude de la Cour de cassation qui comporte six chambres Toutefois lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee socle de la proceacutedure de la reacutevision eacutetant diffeacuteremment appreacutecieacutee au civil qursquoau

peacutenal la remarque eacutevoqueacutee ci-dessus restait marginale En revanche la question de la

reacutepartition des membres au sein de la commission srsquoaveacuterait plus deacutelicate En effet le texte ne

faisait reacutefeacuterence qursquoau Preacutesident qui eacutetait issu de la chambre criminelle sans apporter drsquoautres

preacutecisions quant agrave lrsquoorigine du corps des quatre autres membres

414 Ensuite bien que le filtrage exerceacute par la commission fucirct proche de lrsquoinstruction

ordinaire aucune reacutefeacuterence nrsquoeacutetait faite agrave ce sujet par rapport aux fonctions anteacuterieures des

membres de la commission (anciennement juge drsquoinstruction) Depuis 1949 la phase

drsquoinstruction de la proceacutedure peacutenale fait lrsquoobjet de commissions de reacuteflexion qui reconnaissent

dans le juge drsquoinstruction laquo le Janus du monde judiciaire raquo1 La loi du 5 mars 20072 dont

lrsquoentreacutee en vigueur a encore eacuteteacute reporteacutee drsquoune anneacutee par la loi de finances pour 20143 a

modifieacute en profondeur lrsquoinstruction preacuteparatoire Degraves lors il aurait paru utile que certains

membres de la commission de reacutevision assimileacutes agrave des magistrats instructeurs aient deacutejagrave

occupeacute une telle fonction au cours de leur carriegravere

415 Enfin le texte ne se prononccedilait pas sur la dureacutee des fonctions des membres de la

commission les possibles incompatibiliteacutes ou encore les modaliteacutes concregravetes qui deacutefinissaient

la deacutesignation du Preacutesident celles des quatre autres membres et des suppleacuteants Toutes ces

impreacutecisions ont eacuteteacute surmonteacutees par la commission elle-mecircme lors de la constitution de la

premiegravere commission4 En reacuteponse agrave toutes ces questions la commission avait deacutecideacute que ses

membres seraient eacutelus par lAssembleacutee Geacuteneacuterale de la Cour de cassation et choisis parmi les

conseillers ou conseillers reacutefeacuterendaires des diverses chambres de la haute juridiction Le

Preacutesident et son suppleacuteant appartenaient obligatoirement aux effectifs de la chambre

criminelle et eacutetaient eacutelus selon les mecircmes modaliteacutes Il avait eacuteteacute eacutegalement deacutecideacute que les

1 Expression emprunteacutee agrave Renaud VAN RUYMBEKE 2 Loi ndeg 2007-291 du 5 mars 2007 tendant agrave renforcer leacutequilibre de la proceacutedure peacutenale C GUERY La loi du 5 mars 2007 et lrsquoinstruction preacuteparatoire AJ Peacutenal 2007 p 105 3 Loi ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 de finances pour 2014 article 129 4 M-L RASSAT op cit p 824

167

fonctions des membres de la commission eacutetaient peacuterennes et ne prenaient fin qursquoune fois que

le magistrat avait quitteacute ses fonctions au sein de la Cour de cassation ou qursquoil avait demandeacute

son eacuteloignement de la commission1 LrsquoAssembleacutee Geacuteneacuterale se reacuteunissait alors pour proceacuteder

agrave son remplacement Il eacutetait eacutegalement admis par la commission elle-mecircme ainsi que par la

doctrine que les magistrats de la chambre criminelle parties prenantes agrave lexamen de laffaire

en commission ne sieacutegeaient plus agrave la Cour de reacutevision2

416 Les modaliteacutes de composition de la commission de reacutevision eacutetaient donc

davantage drsquoorigine preacutetorienne que leacutegislative Cela aurait pu ecirctre eacuteviteacute si le leacutegislateur

srsquoeacutetait inspireacute des modaliteacutes relatives agrave la composition drsquoautres commissions dont les

membres sont issus de la Cour de cassation (par exemple la commission drsquoindemnisation

pour deacutetention provisoire abusive la commission de retrait drsquohabilitation des policiers de

police judiciaire ou la commission drsquoinstruction de la haute cour de justice) Elles ont toutes

fait le choix de nominations annuelles eacutemanant du bureau de la Cour

417 Le leacutegislateur impreacutecis quant agrave la composition de la commission de reacutevision

eacutetait mecircme absent du deacutebat srsquoagissant de lrsquoorganisation de la Cour de reacutevision

B La composition de la Cour de reacutevision

418 Pour ce qui est de la composition de la Cour de reacutevision lrsquoancien article 623

alineacutea 6 du Code de proceacutedure peacutenale apportait cette seule preacutecision laquo (hellip) cette commission

saisit la chambre criminelle qui statue comme cour de reacutevision (hellip) raquo Srsquoagissant de la

composition de la chambre criminelle statuant comme Cour de reacutevision rien nrsquoavait eacuteteacute preacutevu

par le leacutegislateur A ce sujet Monsieur VIOUT eacutevoque un laquo malaise raquo3 La chambre

criminelle est composeacutee drsquoun preacutesident et de quarante conseillers et conseillers reacutefeacuterendaires

soit un nombre total de 41 magistrats Se reacutefeacuterant agrave la formule laquo la chambre criminelle qui

statue comme cour de reacutevision raquo on aurait pu penser que la Cour de reacutevision regroupait les 41

magistrats de la chambre criminelle car il nrsquoy a pas lieu de distinguer lagrave ougrave la loi ne distingue

pas

419 Or laquo le nombre de magistrat qui compose la cour de reacutevision nrsquoa jamais eacuteteacute le

mecircme pour chacun des dossiers qursquoelle a eu agrave connaicirctre Ils eacutetaient 8 le 7 novembre 2006 9 le

2 mai 2011 10 le 12 deacutecembre 2011 11 le 16 septembre 2003 12 le 28 mai 2003 13 le 29 1 Ibid 2 H ANGEVIN laquo Les demandeshellip raquo op cit ndeg 167 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-O VIOUT op cit p 241

168

juin 2011 16 le 22 mai 2008 et 33 pour lrsquoaffaire Seznec le 14 deacutecembre 2006 raquo 1 Dans les

faits crsquoest le Preacutesident de la chambre criminelle qui selon lrsquoimportance des affaires deacutecidait

souverainement de la composition de la Cour de reacutevision qui se reacuteunissait soit en formation

pleacuteniegravere soit sous la forme drsquoune section Monsieur VIOUT remarque que laquo de fait la

pratique des preacutesidents successifs de la chambre criminelle a semble-t-il varieacute Si certains

avaient eacutetabli des regravegles tenant agrave la complexiteacute du dossier ndash les affaires simples eacutetaient traiteacutees

au sein de la section de la chambre criminelle deacutedieacutee aux deacutecisions des cours drsquoassises tandis

que les affaires complexes relevaient de lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere ndash drsquoautres ont preacutefeacutereacute proceacuteder

au cas par cas ou laisser sieacuteger les membres de la chambre criminelle qui le souhaitaient raquo2

Ainsi la composition de la Cour de reacutevision variait drsquoune affaire agrave lrsquoautre en dehors de tout

cadre leacutegislatif

420 Le manque de preacutecision au sujet de la composition de la juridiction de reacutevision

laquo [paraissait] fragile au regard des exigences de la Convention europeacuteenne des droits de

lrsquohomme raquo3 Cette fragiliteacute alimentait des soupccedilons quant agrave leur impartialiteacute (sect 2)

sect 2 La question de lrsquoimpartialiteacute des juridictions de reacutevision

421 Srsquoagissant de la commission Madame le Professeur LAZERGES fait la

remarque qursquoune meilleure codification de la composition de celle-ci laquo aurait pour avantage

de preacutemunir les hauts magistrats de tout soupccedilon de partialiteacute ou de manque dobjectiviteacute agrave

une eacutepoque ougrave les meacutedias par leur emprise preacuteoccupante sur les procegraves criminels exploitent

reacuteguliegraverement le thegraveme de la deacutenonciation du juge ou celui dune institution judiciaire

corporatiste replieacutee sur elle-mecircme et ne reconnaissant pas ses erreurs raquo4 Monsieur VIOUT

signale par rapport agrave la Cour de reacutevision que le dispositif laquo [nrsquoeacutetait] pas satisfaisant en terme

de fixiteacute et de preacutevisibiliteacute de la composition des juridictions peacutenales Car toute composition

de juridiction peacutenale au fil de lrsquoeau eacuterode lrsquoimage drsquoimpartialiteacute objective dont elle doit

beacuteneacuteficier raquo5

422 Apregraves avoir deacutegageacute les raisons qui preacutesidaient aux soupccedilons de partialiteacute de la

commission et de la Cour de reacutevision (A) nous en eacutetudierons les conseacutequences pour en

deacuteduire qursquoil eacutetait fondamental drsquoeacutevacuer ces soupccedilons (B)

1 F JOHANNES op cit p 427 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-O VIOUT op cit p 241 3 C MATHON op cit p 10 4 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur judiciaire op cit ndeg 26 5 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit

169

A Les raisons des soupccedilons de partialiteacute

423 Notre deacutemonstration deacutepassera neacutecessairement les frontiegraveres telles qursquoelles ont

eacuteteacute dessineacutees par le Code de proceacutedure peacutenale En effet le droit objectif de la proceacutedure

peacutenale franccedilaise est soumis aux contraintes drsquoun mouvement de subjectivisation inspireacutee par

la CEDH Ce mouvement est guideacute par le souci permanent drsquoameacuteliorer la qualiteacute de la

justice1

424 Lrsquoimpartialiteacute est viseacutee agrave lrsquoarticle 6 de la CEDH qui dispose laquo toute personne a

droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et dans un deacutelai

raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui deacutecidera soit des

contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-fondeacute de toute

accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle (hellip) raquo Le texte ayant preacuteciseacute un laquo tribunal

[hellip] impartial raquo ceci signifie que lrsquoimpartialiteacute et plus largement le droit agrave un procegraves

eacutequitable suppose que le requeacuterant puisse acceacuteder agrave une juridiction2 En effet ce nrsquoest qursquoagrave

partir du moment ougrave le droit drsquoaccegraves agrave un tribunal a eacuteteacute reconnu au justiciable que srsquoimposera

ensuite le droit drsquoecirctre entendu par un bon juge qui doit neacutecessairement ecirctre impartial3 Il a eacuteteacute

deacutejagrave deacutemontreacute que la commission eacutetait une juridiction La Cour de reacutevision formation de la

chambre criminelle de la Cour de cassation se preacutesentait eacutegalement comme une juridiction

425 Degraves 1982 la CEDH a deacuteclareacute que le principe drsquoimpartialiteacute revecirct deux

aspects laquo On peut distinguer entre une deacutemarche subjective essayant de deacuteterminer ce que

tel juge pensait en son for inteacuterieur en telle circonstance et une deacutemarche objective amenant

agrave rechercher srsquoil offrait des garanties suffisantes pour exclure agrave cet eacutegard tout doute 1 V LAMANDA Lrsquoinfluence de la CEDH sur lrsquoorganisation et le fonctionnement de la cour de cassation Accessible sur httpswwwcourdecassationfrpublications_26autres_publications_discours_2039discours_2202europeenne_droits_11482html 2 CEDH X c Royaume-Uni 21 feacutevrier 1975 requecircte ndeg 445170 3 CEDH GOLDER c Royaume-Uni 21 feacutevrier 1975 req ndeg445170 Le laquo droit agrave un tribunal raquo comprend drsquoune part le droit agrave ce qursquoun tribunal connaisse de toute contestation relative aux droits et obligations du justiciable et drsquoautre part laquo des garanties prescrites par lrsquoarticle 6sect1 quant agrave lrsquoorganisation et agrave la composition du tribunal et quant au deacuteroulement de lrsquoinstance raquo Le droit drsquoaccegraves agrave un juge ne doit pas ecirctre perccedilu sous lrsquoangle du pourvoi en reacutevision comme une autorisation de remise en cause systeacutematique des deacutecisions deacutefinitives La CEDH eacutenonce que laquo le droit agrave un procegraves eacutequitable devant un tribunal garanti par larticle 6 sect 1 doit sinterpreacuteter dapregraves le preacuteambule de la Convention qui eacutenonce la preacuteeacuteminence du droit comme eacuteleacutement du patrimoine commun des Etats contractants Un des eacuteleacutements fondamentaux de la preacuteeacuteminence du droit est le principe de la seacutecuriteacute des rapports juridiques qui veut entre autres que la solution donneacutee de maniegravere deacutefinitive agrave tout litige par les tribunaux ne soit plus remise en cause raquo V CEDH Brumărescu c Roumanie ndeg 2834295 Dans le mecircme sens V Sovtransavto Holding Ukraine 25 juillet 2002 req ndeg 4855399 sect 77 laquo un systegraveme judiciaire marqueacute par hellip la possibiliteacute drsquoannulations reacutepeacuteteacutees drsquoun jugement deacutefinitif raquo est laquo incompatible avec le principe de seacutecuriteacute des rapports juridiques qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de la preacuteeacuteminence du droit au sens de lrsquoarticle 6 sect 1 raquo

170

leacutegitime raquo1 Le lien entre lrsquoimpartialiteacute objective et la composition du tribunal a eacuteteacute

expresseacutement reconnu dans un arrecirct de 2013 laquo Lrsquoimpartialiteacute se deacutefinit drsquoordinaire par

lrsquoabsence de preacutejugeacute ou de parti pris et peut srsquoappreacutecier de diverses maniegraveres Selon la

jurisprudence constante de la Cour aux fins de lrsquoarticle 6 sect 1 lrsquoimpartialiteacute doit srsquoappreacutecier

selon une deacutemarche subjective en tenant compte de la conviction personnelle et du

comportement de tel juge crsquoest-agrave-dire du point de savoir si celui-ci a fait preuve de parti pris

ou preacutejugeacute personnel dans tel cas et aussi selon une deacutemarche objective consistant agrave

deacuteterminer si le tribunal offrait notamment agrave travers sa composition des garanties

suffisantes pour exclure tout doute leacutegitime quant agrave son impartialiteacuteraquo2 Crsquoest donc lrsquoaspect

objectif de lrsquoimpartialiteacute3 qui retiendra notre attention concernant la commission (1) et la Cour

de reacutevision (2)

1 La commission cible des soupccedilons

426 Srsquoagissant de la commission deux situations concregravetes eacutetaient de nature agrave susciter

des interrogations quant agrave lrsquoimpartialiteacute objective du juge Le point commun agrave ces deux cas

est qursquoils eacutetaient tous deux relatifs agrave une situation dans laquelle un mecircme juge avait par deux

fois agrave connaicirctre le mecircme dossier Il srsquoagit tout drsquoabord du cas ougrave le mecircme magistrat avait

deacutejagrave eu connaissance de lrsquoaffaire agrave lrsquooccasion du rejet drsquoun pourvoi en cassation contentieux

qursquoil retrouvait ensuite au moment de lrsquoinstruction drsquoune requecircte en reacutevision (a) Le second

cas concerne le renouvellement drsquoune demande en reacutevision qui eacutetait examineacutee par les mecircmes

juges que ceux agrave lrsquoorigine drsquoun premier examen neacutegatif (rejet ou irrecevabiliteacute de la demande)

(b)

a Un mecircme magistrat juge du rejet du pourvoi en cassation et de la recevabiliteacute

drsquoune requecircte en reacutevision

427 Il pouvait arriver qursquoun juge sieacutegeant dans la commission de reacutevision ait deacutejagrave eu agrave

connaicirctre de lrsquoaffaire dans le cadre de sa fonction de magistrat au sein de la chambre

criminelle Il srsquoagissait de lrsquohypothegravese suivante membre de la chambre criminelle il avait

participeacute agrave la deacutecision de rejet du pourvoi en cassation au sujet drsquoune affaire qursquoil avait agrave

1 CEDH PIERSACK c Belgique 1er octobre 1982 Requecircte ndeg 869279 2 CEDH MORICE c France Requecircte ndeg 2936910 3 Madame KOERING-JOULIN suggegravere de parler plutocirct drsquoimpartialiteacute fonctionnelle (objective) et drsquoimpartialiteacute personnelle (subjective) V KOERING-JOULIN La notion europeacuteenne de tribunal indeacutependant et impartial au sens de lrsquoarticle 6 amp1 de la CEDH RSC 1990 p 765 Lrsquoarrecirct MOREL c France du 6 juin 2000 utilise les expressions de convictions personnelles et de raison leacutegitime de craindre un deacutefaut drsquoimpartialiteacute pour viser respectivement lrsquoimpartialiteacute subjective et objective

171

nouveau agrave connaicirctre dans le cadre de sa fonction au sein de la commission de reacutevision (soit en

qualiteacute de preacutesident soit de membre ordinaire ou de suppleacuteant) Il devait porter sur le dossier

deacutejagrave rejeteacute en cassation le regard drsquoun magistrat instructeur Il peut se poser la question de

savoir srsquoil nrsquoexistait pas une atteinte au principe de la seacuteparation des fonctions drsquoinstruction et

de jugement Dans une telle hypothegravese selon Monsieur Roland AGRET laquo il nrsquoest pas sain

que la mecircme institution (la chambre criminelle) soit conduite agrave rejeter un pourvoi puis ensuite

agrave dire qursquoil y a lieu ou non agrave reacutevision raquo1 Ce nouvel examen se ferait donc agrave travers le prisme

drsquoun regard quelque peu fausseacute la justice nrsquoaurait pas laquo les yeux bandeacutes raquo2

428 Cette situation pouvait conduire le requeacuterant agrave douter de lrsquoimpartialiteacute du juge

dont il avait deacutejagrave croiseacute le chemin devant la Cour de cassation lors du rejet de son pourvoi

Srsquoagissant des appreacutehensions du justiciable la CEDH estime que laquopour se prononcer sur

lrsquoexistence dans une affaire donneacutee drsquoune raison leacutegitime de redouter chez un juge un deacutefaut

drsquoimpartialiteacute lrsquooptique de lrsquoaccuseacute entre en ligne de compte mais ne joue pas un rocircle deacutecisif

Lrsquoeacuteleacutement deacuteterminant consiste agrave savoir si les appreacutehensions de lrsquointeacuteresseacute peuvent passer

pour objectivement justifieacutees raquo3 De plus la CEDH considegravere que le cumul de lrsquoinstruction et

du jugement nrsquoest pas ipso facto contraire agrave lrsquoarticle 6sect1 En effet dans ce cas il faut que la

partialiteacute supposeacutee du juge cumulard se manifeste agrave travers une attitude subjectivement

partiale4

429 Concernant lrsquohypothegravese drsquoun mecircme magistrat juge du rejet du pourvoi en

cassation puis juge de la recevabiliteacute drsquoune requecircte en reacutevision elle ne remet pas en cause

lrsquoimpartialiteacute du magistrat concerneacute Le rejet du pourvoi en cassation se fonde sur des

consideacuterations exclusivement juridiques agrave la diffeacuterence de la reacutevision qui se saisira de

questions de fait Lrsquointerdiction drsquoune certaine polyvalence des juges pourrait conduire en

raison du manque de moyens humains de la justice agrave une amplification de la lenteur de la

justice Cette inertie serait en quelque sorte de nature agrave nuire aux garanties fondamentales du

procegraves peacutenal ndash tel le droit agrave ecirctre jugeacute dans un deacutelai raisonnable - surtout que le chemin de la

proceacutedure de reacutevision est deacutejagrave particuliegraverement long Crsquoest pourquoi une bonne

administration de la justice ne faisait pas obstacle agrave cette pratique

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur AGRET p 171 2 M-A FRISON-ROCHE op cit p 463 3 CEDH Hauschildt c Danemark du 24 mai 1989 Requecircte ndeg 1048683 4 CEDH 24 aoucirct 1993 NORTIER c Pays Bas confirmeacute par cass crim 8 novembre 2000 Dr peacutenal 2001 ndeg 15

172

430 En revanche une autre situation posait problegraveme relativement agrave lrsquoimpartialiteacute du

juge Il srsquoagissait de la succession de plusieurs requecirctes en reacutevision drsquoune mecircme

condamnation soumises agrave lrsquoexamen drsquoun mecircme magistrat

b Un mecircme magistrat juge de plusieurs requecirctes en reacutevision drsquoune mecircme

condamnation

431 La chambre criminelle estime laquo quaucune disposition leacutegale ou conventionnelle

ne fait obstacle agrave ce quun mecircme magistrat puisse faire partie de la commission appeleacutee agrave

connaicirctre de requecirctes successives tendant agrave la reacutevision dune mecircme condamnation raquo1 Cette

pratique semblait pourtant ne pas ecirctre en adeacutequation avec lrsquoexigence drsquoimpartialiteacute objective

preacutevue agrave lrsquoarticle 6 de la CEDH

432 Un arrecirct de la CEDH en rupture avec a position anteacuterieure2 a condamneacute la

France en 20103 concernant une affaire eacutetrangegravere agrave la reacutevision mais qui peut neacuteanmoins servir

drsquooutil de travail et de base de reacuteflexion Il srsquoagissait de poursuites pour prise illeacutegale

dinteacuterecircts et de compliciteacute Un premier arrecirct rendu en appel fut casseacute par la chambre criminelle

de la Cour de cassation laquelle a deacutesigneacute une juridiction de renvoi Contesteacute le second arrecirct

a fait lrsquoobjet drsquoun nouveau pourvoi en cassation qui srsquoest vu rejeter par la chambre criminelle

A ce stade une demande de reacutecusation avait eacuteteacute formuleacutee par les deux justiciables afin de

faire obstacle agrave la preacutesence de sept des neuf conseillers ceux-ci ayant deacutejagrave appartenu agrave la

formation de la chambre criminelle qui srsquoeacutetait reacuteunie lors du premier pourvoi Il y a dans

cette affaire plusieurs similitudes avec lrsquohypothegravese qui nous inteacuteresse mecircme justiciable

mecircme degreacute de juridiction mecircme faits Dans cet arrecirct la France a eacuteteacute condamneacutee par la

justice europeacuteenne pour violation de larticle 6 (partialiteacute objective) en estimant

laquo objectivement justifieacutes [] les doutes chez les requeacuterants quant agrave limpartialiteacute de la Cour

de cassation raquo La CEDH a veacuterifieacute si laquo compte tenu de la nature et de leacutetendue du controcircle

juridictionnel incombant agrave ces magistrats [hellip] ces derniers ont fait preuve ou ont pu

leacutegitimement apparaicirctre comme ayant fait preuve dun parti pris quant agrave la deacutecision quils

ont ensuite rendue lors du pourvoi contre larrecirct de condamnation raquo Un laquo parti pris raquo ou des

laquo preacutejugeacutes raquo sont contraires agrave lexigence dimpartialiteacute objective ou pour le moins sources de

doutes objectivement justifieacutes lorsque laquo les questions que les mecircme juges avaient eu agrave

1 Cass crim 15 feacutevr 2005 Bull crim ndeg 59 2 CEDH 2e Sect 10 feacutevrier 2004 DP c France Req ndeg 5397100 et CEDH 2e Sect 22 novembre 2005 Golinelli et Freymuth c France Req ndeg 6582301 3 CEDH 24 juin 2010 Mancel et Branquart c France Req ndeg 2234906

173

traiter agrave loccasion du second pourvoi [sont] analogues agrave celles sur lesquelles ils ont statueacute

lors du premier raquo

433 Dans le cas qui nous preacuteoccupe un ou plusieurs membres de la commission ont agrave

nouveau agrave connaicirctre une demande en reacutevision qui objet drsquoun premier rejet a eacuteteacute examineacutee

par les mecircmes magistrats Sous reacuteserve qursquoil ne soit pas invoqueacute un nouveau fait nouveau ou

eacuteleacutement inconnu la commission se saisit exactement de la mecircme affaire et srsquointerroge une

seconde fois sur les mecircmes questions en particulier celle du doute sur la culpabiliteacute

434 La Cour de reacutevision eacutetait eacutegalement la cible de soupccedilons concernant son

impartialiteacute

2 La Cour de reacutevision cible des soupccedilons

435 La question de lrsquoimpartialiteacute de la Cour de reacutevision avait pour origine le silence

du leacutegislateur sur sa composition Lrsquoaveu en a eacuteteacute fait par les rapporteurs de la proposition de

loi pour qui laquo il est clair que lrsquoimpreacutecision du texte ne peut que favoriser les soupccedilons de

partialiteacute agrave lrsquoeacutegard de cette juridiction raquo1

436 Se fondant sur lrsquoarticle 6sect1 de la Convention EDH la jurisprudence europeacuteenne

estime qursquo laquo un organe nrsquoayant pas eacuteteacute eacutetabli conformeacutement agrave la volonteacute du leacutegislateur serait

neacutecessairement deacutepourvu de la leacutegitimiteacute requise dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour

entendre la cause des particuliers raquo2 Lrsquoarticle 6 exige un laquo tribunal indeacutependant et impartial

eacutetabli par la loi raquo Si agrave travers cette formule laquo eacutetabli par la loi raquo on entend se reacutefeacuterer agrave une

base leacutegale par rapport agrave la composition drsquoun tribunal il en ressort qursquoune juridiction

impartiale ne saurait se structurer autour de magistrats qui srsquoauto deacutesignaient lors de

lrsquoaudiencement des dossiers Cette maniegravere de faire contestable concernerait donc les

magistrats de la Cour de reacutevision qui sieacutegeaient selon laquo le deacutesir des magistrats et lrsquointeacuterecirct

qursquoils portent agrave tel ou un tel dossier3 raquo En 2011 ces soupccedilons ont conduit Monsieur Dany

LE PRINCE agrave saisir la CEDH sur la base drsquoune violation de lrsquoarticle 6-1 Ses avocats avaient

invoqueacute laquo une composition aleacuteatoire de la Cour de reacutevision en fonction de critegraveres totalement

opaques raquo En 2012 cette deacutemarche a deacuteboucheacute sur une deacutecision dirrecevabiliteacute non motiveacutee

1 Rapport drsquoinformation op cit p 40 2 CEDH Lavents c Lettonie 28 novembre 2002 req ndeg1839091 3 F JOHANNES Op cit p 426 laquo Le simple fait qursquoen se portant volontaires les conseillers et conseillers reacutefeacuterendaires se soient auto deacutesigneacutes pour juger la requecircte en reacutevision de Dany Leprince ne peut que faire naicirctre un doute sur leur impartialiteacute raquo

174

437 Les soupccedilons de partialiteacute qui pegravesent sur la juridiction de reacutevision posent question

et doivent ecirctre leveacutes

B La neacutecessaire leveacutee des soupccedilons

438 Mecircme si ces soupccedilons pouvaient paraitre reacuteels agrave la lueur de lrsquoarticle 6 de la

CEDH la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme nrsquoa pour autant jamais condamneacute la France

(1) Ce malentendu entretenait un climat de deacutefiance entre les justiciables et leur justice (2)

1 Lrsquoabsence de condamnation europeacuteenne

439 La question qui se pose est de savoir si lrsquoarticle 6sect1 de la Convention EDH

constitue reacuteellement une bonne reacuteplique face agrave ces soupccedilons de partialiteacute Cette disposition est

relative aux obligations drsquoindeacutependance drsquoimpartialiteacute et agrave lrsquoexistence leacutegale drsquoun laquo tribunal

qui deacutecidera du bien-fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale raquo Seul le tribunal appeleacute agrave

se prononcer sur une accusation est donc soumis agrave lrsquoexigence drsquoimpartialiteacute La jurisprudence

constante de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme considegravere que larticle 6 sect 1 ne

srsquoapplique pas agrave une proceacutedure de reacutevision au motif que le requeacuterant deacutefinitivement

condamneacute nest plus laquo accuseacute dune infraction raquo au sens dudit article1 Il srsquoagit donc drsquoune

conception stricte de la notion drsquoaccusation2

440 Cette conclusion ne doit cependant pas ecirctre entendue comme un blanc-

seing deacutelivreacute au leacutegislateur Cette situation a contribueacute agrave accentuer lrsquoacuiteacute du regard critique

des justiciables sur la proceacutedure de reacutevision

2 La perte de confiance des citoyens en la justice

441 A propos de lrsquoaffaire LEPRINCE Madame ANZANI srsquoest exprimeacutee de la

maniegravere suivante laquo dans cette affaire la justice nrsquoest pas passeacutee raquo3 Monsieur MATHON a

deacuteclareacute agrave la presse laquo Je ne supporte pas que quelqursquoun ne soit pas jugeacute correctement raquo4

Quant agrave Maicirctre Yves BAUDELOT il a affirmeacute laquo crsquoest un eacutechec pour la justice raquo5

1 CEDH Fischer c Autriche no 2756902 CEDH Dankevich c Ukraine no 4067998 CEDH 25 mai 1999 Sonnleitner c Autriche no 3481397 CEDH 6 janvier 2000 et Kucera c Autriche no 4007298 2 CEDH 12 mai 2005 Oumlcalan c Turquie no 4622199 3 Accegraves agrave lrsquoarticle de presse sur httptempsreelnouvelobscomsociete20111004OBS1688dans-l-affaire-leprince-la-justice-n-est-pas-passeehtml 4 Ibid 5 F JOHANNES op cit p 10

175

442 Prononceacutees par des professionnels du droit ces remarques contribuaient agrave

entretenir le climat de deacutefiance de lrsquoopinion publique agrave lrsquoeacutegard de lrsquoorganisation judiciaire1

Crsquoest dans ce sens que les rapporteurs de la proposition de loi se sont deacuteclareacutes laquo convaincus

comme Madame Christiane Taubira garde des Sceaux Ministre de la justice que la

confiance des citoyens dans lrsquoinstitution judiciaire ne [pouvait] qursquoecirctre renforceacutee par la

correction des erreurs judiciaires raquo2 Lrsquoexemplariteacute de la proceacutedure de reacutevision est la garante

drsquoun bon fonctionnement de la justice et le moteur de la confiance de lrsquoopinion

443 Dans notre socieacuteteacute le juge et plus particuliegraverement celui de la reacutevision doit ecirctre

le laquo bras armeacute du citoyen raquo3 Il a pour mission de reacuteparer les erreurs judiciaires en annulant

une deacutecision deacutefinitive erroneacutee quel que soit le temps eacutecouleacute depuis son prononceacute Crsquoest

pourquoi la beauteacute de cette mission ne devrait surtout pas ecirctre entacheacutee par le moindre

soupccedilon de partialiteacute4 Or le peuple franccedilais au nom duquel la justice est rendue aviseacute de

lrsquoactualiteacute judiciaire5 pouvait du temps de la loi de 1989 srsquointerroger sur le bien-fondeacute de

certaines deacutecisions rendues par les juridictions de reacutevision Crsquoest ainsi que les deux deacutecisions

de rejet rendues dans le cadre des affaires LEPRINCE et SEZNEC ont eacuteteacute mal comprises par

lrsquoopinion publique Cette incompreacutehension eacutetait de nature agrave compliquer les relations

qursquoentretient la population avec sa justice

444 Le philosophe HABERMAS eacutecrivait que laquo pour remplir la fonction dinteacutegration

sociale qui revient agrave lordre juridique et pour satisfaire agrave lexigence de leacutegitimiteacute du droit les

jugements rendus doivent en mecircme temps remplir les conditions dune deacutecision coheacuterente et

celles dune acceptabiliteacute rationnelle raquo ce qui suppose qulaquo ils soient concregravetement fondeacutes en

raison raquo6 Or les soupccedilons de partialiteacute pouvaient ecirctre de nature agrave porter atteinte agrave la

leacutegitimiteacute du droit Degraves lors le pourvoi en reacutevision srsquoexposait au risque drsquoabandonner son rocircle

de laquo facteur drsquoennoblissement de la justice raquo7

1 En ce sens V E ALLAIN laquo La justice humaine et implacable raquo AJ Peacutenal 2013 p 239 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit p 17 3 Expression emprunteacutee agrave R SANVITI Site internet Justice et deacutemocratie accessible sur wwwjusticeetcemocratiefr 4 Les usagers de la justice citent lrsquoimpartialiteacute comme la premiegravere qualiteacute attendue drsquoun juge avant la compeacutetence la bonne compreacutehension du problegraveme poseacute et lrsquohonnecircteteacute V Enquecircte de satisfaction aupregraves des usagers de la justice Mission de recherche droit et justice 2001 p 19 accessible sur httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics0140005890000pdf 5 F BUSSY op cit ndeg 2 Cet inteacuterecirct est positif laquo agrave condition drsquoecirctre exempt de manipulation meacutediatique [hellip] Il ne suffit pas davoir juridiquement raison pour ecirctre meacutediatiquement compris raquo 6 J HABERMAS Droit et deacutemocratie p 218 Gallimard 1997 citeacute par F BUSSY ibid 7 J A ROMEIRO op cit

176

Conclusion du chapitre 2

445 Dans ce chapitre ont eacuteteacute eacutevoqueacutees les difficulteacutes drsquoordre conjoncturel que recelait

la loi de 1989 Au preacutealable nous avions deacutemontreacute que la reacutevision eacutetait construite sur les

bases drsquoune structure contestable dont la fragiliteacute avait pour origine le choix drsquoopposer le

pourvoi en reacutevision agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Cette situation nrsquoa pas eacuteteacute sans

conseacutequences sur lrsquoorganisation de la reacutevision preacutevue par la loi de 1989 puisqursquoelle a

contribueacute agrave lrsquoapparition de difficulteacutes drsquoordre conjoncturel

177

Conclusion du titre 2

446 Dans ce titre lrsquoaccent a eacuteteacute mis sur les faiblesses structurelles et conjoncturelles

de la proceacutedure de reacutevision fragiliseacutee par les lacunes et impreacutecisions de la loi de 1989 dans

lesquelles srsquoeacutetait engouffreacutee la jurisprudence Il est donc indispensable que la reacuteforme de la

reacutevision agisse sur ces deux leviers En effet un regraveglement des difficulteacutes lieacutees agrave la structure

mecircme de la proceacutedure proceacutedant drsquoune meilleure organisation des rapports entre la Cour de

reacutevision et la commission ne serait pas suffisant Lrsquoefficaciteacute drsquoune reacuteforme exige aussi de

srsquointerroger sur les aspects conjoncturels comme la question de la composition de ces deux

organes

178

Conclusion de la premiegravere partie

447 Cette premiegravere partie montre la neacutecessaire reacuteforme de la reacutevision issue de la loi de

1989

448 La mise en œuvre drsquoune reacuteflexion sur la reacutevision doit srsquoaccompagner drsquoun

questionnement sur les liens qui unissent cette proceacutedure agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee La loi

de 1989 inscrivait lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision dans une logique

drsquoaffrontement eacutecartant ainsi la possibiliteacute drsquoune conciliation Pourtant la preacuteservation de la

paix sociale constitue la preacuteoccupation majeure de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et du pourvoi

en reacutevision De surcroicirct une conception moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee favorise un

rapprochement entre ce principe et la reacutevision de nature agrave former une reacuteelle alliance

449 Cette approche de la reacutevision a provoqueacute dans la loi de 1989 un amoncellement

de difficulteacutes tant structurelles que conjoncturelles Crsquoest ainsi qursquoune transformation

importante de la reacutevision eacutetait souhaiteacutee et attendue agrave la veille de la reacuteforme de 2014

Toutefois pour ecirctre efficace cette initiative reacuteformatrice doit srsquoaccompagner drsquoun

changement de regard sur les rapports entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision En effet la loi de 1989 a deacutemontreacute que la tentative de libeacuteralisation du cas

drsquoouverture indeacutetermineacute srsquoeacutetait soldeacutee par un eacutechec en raison de lrsquointerpreacutetation tregraves restrictive

du doute par la jurisprudence La tendance de la jurisprudence agrave opposer lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee au pourvoi en reacutevision a ainsi eacuteteacute preacutejudiciable agrave la promotion des aspects

libeacuteraux du texte de 1989 A ce niveau une reacutevolution copernicienne apparaicirct donc comme

indispensable Reacuteviser la reacutevision srsquoavegravere ecirctre un exercice difficile qui doit se fixer comme

objet la preacuteservation de la paix sociale par le biais drsquoun rapprochement eacutetroit entre lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

450 La neacutecessiteacute de la reacuteforme ayant eacuteteacute eacutetablie il convient donc deacutesormais drsquoen

mesurer les performances

179

SECONDE PARTIE

LA REVISION REVISEE DE 2014 UNE

DECEPTION

180

451 Dans cette partie nous deacutemontrerons que la loi ndeg 2014-640 du 20 juin 20141

mecircme si elle constitue une avanceacutee nrsquoest pas pleinement satisfaisante Un paradoxe sous-tend

la proceacutedure de reacutevision drsquoun cocircteacute lrsquoimpossibiliteacute drsquoaccepter la condamnation deacutefinitive

drsquoun innocent2 laquo summa injuria raquo3 que les meacutedias traditionnels appuyeacutes par les nouveaux

moyens de communication tels les laquo tweet drsquoaudience raquo4 srsquoemploient agrave deacutenoncer drsquoailleurs

souvent avec beaucoup de ferveur de lrsquoautre cocircteacute une certaine inertie du leacutegislateur qui

jusqursquo agrave tregraves reacutecemment se satisfaisait de la situation juridique deacutepeinte dans la premiegravere

partie5 De surcroit en dehors de lrsquoeacutemotion susciteacutee par lrsquoactualiteacute judiciaire la question du

pourvoi en reacutevision nrsquoa pas susciteacute entre 1989 et 2013 un inteacuterecirct particulier tant au niveau

des commentaires juridiques que des forces de propositions Les dispositions de la loi de 1989

nrsquoont pas donneacute lieu au moment de leur discussion agrave des commentaires et deacutebats6 comme il

en est drsquousage au moment de lrsquoadoption des grands textes de proceacutedure ou de droit peacutenal7

452 Dans le mecircme sens il est inteacuteressant de remarquer que la proceacutedure de reacutevision

est geacuteneacuteralement abordeacutee de maniegravere marginale agrave lrsquooccasion du cursus universitaire et

demeure mecircme parfois meacuteconnue des eacutetudiants qui laquo nen discutent pas avec passion (comme

1 Loi ndeg 2014-640 du 20 juin 2014 relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen dune condamnation peacutenale deacutefinitive 2 Proposition de loi ndeg 3770 visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales enregistreacutee agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee Nationale le 13 mars 2007 p3 laquo lrsquoideacutee qursquoun innocent continue agrave subir les effets drsquoune condamnation heurte notre conscience et par le sentiment drsquoinjustice qursquoelle reacutepand trouble violemment lrsquoordre public raquo Accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr12pdfpropositionspion3770pdf 3 Expression emprunteacutee agrave Monsieur GENDREL op cit ndeg1 laquo Mais quel engrenage laquo diabolique raquo que celui qui suite agrave des fautes reacutepeacuteteacutees au sein de lappareil judiciaire conduit ce dernier agrave condamner peacutenalement un innocent Lagrave paraicirct se trouver la summa injuria raquo 4 Entretien avec F SAINT PIERRE Lrsquoaffaire Agnelet une eacutevolution majeure de la justice criminelle JCP G 2014 p 551 J FRANCILLON Meacutedias et droit peacutenal op cit p 59 J PRADEL La proceacutedure peacutenale franccedilaise agrave lrsquoaube du troisiegraveme milleacutenaire D 2000 p 1 A REINHARD Lrsquoaffichage meacutediatique nouvelles sources du droit peacutenal instinct et institution RSC 2003 p 543 5 V supra premiegravere partie la reacutevision de 1989 agrave reacuteviser une neacutecessiteacute 6 La principale contribution est agrave notre sens celle de Monsieur ANGEVIN 7 Entre 1999 et 2004 dix lois majeures de proceacutedure peacutenale ont eacuteteacute adopteacutees et ont toutes fait lrsquoobjet de nombreux commentaires loi ndeg 99-515 du 23 juin 1999 renforccedilant lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure peacutenale loi ndeg 99-929 du 10 novembre 1999 portant reacuteforme du Code de justice militaire et du Code de proceacutedure peacutenale loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption drsquoinnocence et les droits des victimes loi ndeg 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant agrave preacuteciser la deacutefinition des deacutelits non intentionnels loi ndeg 2000-1354 du 30 deacutecembre 2000 tendant agrave faciliter lrsquoindemnisation des condamneacutes reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matiegravere de proceacutedure peacutenale loi ndeg 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative agrave la seacutecuriteacute quotidienne loi ndeg 2002-307 du 4 mars 2002 compleacutetant la loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 loi ndeg 2002-1138 du 9 septembre 2002 drsquoorientation et de programmation pour la justice dite loi laquo Perben raquo loi ndeg 2003-239 du 18 mars 2003 pour la seacutecuriteacute inteacuterieure loi ndeg 2004-404 DC du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux eacutevolutions de la criminaliteacute Pour une illustration de lrsquointeacuterecirct porteacute par la doctrine pour ces textes V F FOURMENT Proceacutedure peacutenale op cit ndeg 3 et suivants

181

jadis pour la peine de mort aujourdhui encore la deacutetention provisoire ou la garde agrave vue)

lorsquils nen ignorent pas jusquau nom raquo1

453 Les dispositions de la loi de 1989 nrsquoont connu que tregraves peu de modifications et

celles-ci ne consistaient qursquoen des retouches ponctuelles La loi ndeg 2010-242 du 10 mars

20102 avait eu pour objet de faciliter la suspension de lrsquoexeacutecution de la peine qui pouvait ecirctre

assortie drsquoobligations semblables agrave celles de la liberteacute conditionnelle La loi ndeg 2011-525 du

17 mai 20113 a inaugureacute la pratique dite laquo du filtre du filtre4 raquo qui autorisait le preacutesident de la

commission agrave rejeter par ordonnance motiveacutee toute demande en reacutevision manifestement

irrecevable La CNCDH note donc que la laquo matiegravere [connaissait] au moins en substance une

reacuteelle stabiliteacute juridique les reacuteformes intervenant de maniegravere tregraves ponctuelle depuis la

promulgation du code dinstruction criminelle raquo5 Une ouverture leacutegislative aurait pu se faire

jour en 2007 agrave la faveur drsquoune proposition de loi visant agrave accroicirctre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure

de reacutevision des condamnations peacutenales6 Celle-ci nrsquoa toutefois pas eacuteteacute adopteacutee Ainsi lrsquoeacuteternel

deacutebat sur lrsquoinflation leacutegislative7 ne concerne en rien le domaine de la reacutevision Il aura fallu

attendre 2014 pour enfin assister agrave une prise en compte par le leacutegislateur des problegravemes lieacutes

au pourvoi en reacutevision

454 La reacutecente reacuteforme ne paraicirct toutefois pas avoir eacutevacueacute toutes les critiques

formuleacutees agrave lrsquoadresse de la loi de 1989 En effet il semble qursquoelle nrsquoait pas reacuteussi agrave reacutesoudre

1 M GENDREL op cit ndeg 3 laquoLes meilleurs [eacutetudiants] sont davantage soucieux de satisfaire le professeur en eacutevitant par exemple la trop classique confusion avec la reacutehabilitation raquo 2 Loi ndeg 2010-242 du 10 mars 2010 tendant agrave amoindrir le risque de reacutecidive criminelle et portant diverses dispositions de proceacutedure peacutenale 3 Loi ndeg 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et dameacutelioration de la qualiteacute du droit 4 Expression emprunteacutee agrave Madame RADENNE in Rapport drsquoinformation op cit p 213 5 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales deacutefinitives op cit ndeg6 6 Proposition de loi ndeg 3770 visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales op cit 7 J PRADEL laquo Notre Code peacutenal vingt ans agrave peine et deacutejagrave des deacuterives qui nrsquoont pas attendu le nombre des anneacutees - Libre propos par Jean Pradel raquo JCP G 2014 Actualiteacutes p 259 H CROZE Information juridique ndash comment conserver le cap Proceacutedures 2009 Repegravere p 3 D MARTIN Choc de simplification ndash nouvelle incantation ou reacuteelle reacutevolution JCP G 2013 doctrine p 722 E DREYER Le conseil constitutionnel et la matiegravere peacutenale la QPC et les attentes deacuteccedilueshellip JCP G 2011 doctrine p 976 M PARIGUET et O MANSION Impasses et perspectives du risque en matiegravere de responsabiliteacute JCP G 2011 doctrine p 838 laquo (hellip) la norme est deacutevoyeacutee par une inflation leacutegislative sans limite (hellip) raquo J LEBLOIS-HAPPE Continuiteacute et discontinuiteacute dans les nouvelles reacuteformes de la proceacutedure peacutenale JCP G 2007 I p 181 laquoLa proceacutedure peacutenale vient decirctre reacuteformeacutee Laffirmation fait immanquablement naicirctre un sourire sur le visage de tous ceux qui observent eacutetudient ou pratiquent la proceacutedure peacutenale franccedilaise depuis une quinzaine danneacutees Il en va en effet des changements de notre proceacutedure comme des enfants dans certaines familles il y en a un par an et deux les bonnes anneacutees raquo

182

les difficulteacutes lieacutees agrave la preacuteeacuteminence de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la persistance dans la

proceacutedure de reacutevision de lacunes tant structurelles que conjoncturelles

455 Cette reacuteforme inacheveacutee (Titre 1) aurait meacuteriteacutee drsquoecirctre paracheveacutee (Titre 2)

183

Titre 1

Une reacuteforme inacheveacutee

184

456 Monsieur GENDREL fait le lien entre lrsquoindiffeacuterence qui frappait jusqursquoagrave 2014

la reacutevision et une mutation de lrsquoeacutetat drsquoesprit de la socieacuteteacute Lrsquoauteur explique qursquo laquo il y a peu

danneacutees encore la seule affirmation laquo erreur judiciaire raquo mobilisait lopinion publique

juristes et non juristes eacutetroitement unis [hellip] Et voici quaujourdhui lindiffeacuterence geacuteneacuterale

leacutegoiumlsme institutionnaliseacute semble atteindre jusquagrave ce havre eacutemotionnel [hellip] Chacun

recherchera les raisons de ce manque actuel dinteacuterecirct qui dans labolition de la peine capitale

et donc labsence de conseacutequences eacuteventuellement sanglantes de lerreur qui dans la rigueur

scientifique dune proceacutedure peacutenale laquo positive raquo agrave laquelle agrave la Faculteacute mecircme demeurent

reacutefractaires des cerveaux qui se veulent uniquement litteacuteraires qui dans le nombre des recours

en reacutevision (laquo seacuterieux raquo) trop faible pour retenir autrement que ponctuellement lattention des

meacutedias et susciter degraves lors linteacuterecirct populaire raquo1

457 Nous ne partageons pas la position trancheacutee de lrsquoauteur En effet malgreacute lrsquoinertie

du leacutegislateur par rapport agrave la reacutevision lrsquoerreur judiciaire a toujours paradoxalement susciteacute

son inteacuterecirct et celui de lrsquoopinion publique Dans le chapitre 1 nous soulignerons que le

leacutegislateur a toujours deacuteployeacute des efforts pour eacuteviter les erreurs judiciaires Mais eacutetait-il

vraiment possible de lutter efficacement contre lrsquoerreur judiciaire tout en maintenant durant de

longues anneacutees une leacutegislation et une jurisprudence restrictives en matiegravere de reacutevision Le

leacutegislateur a confirmeacute agrave travers la loi ndeg 2014-640 du 20 juin 2014 que le renforcement de la

reacuteparation de lrsquoerreur judiciaire devait srsquoorganiser autour drsquoune reacuteforme du pourvoi en

reacutevision Ainsi la reacuteforme traduit un revirement dans la strateacutegie leacutegislative (Chapitre 1)

458 Les nouvelles dispositions sont-elles agrave mecircme drsquoassouplir les conditions drastiques

drsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision contenues dans la loi de 1989 et surtout entraicircneront-

elles un changement de cap jurisprudentiel A priori nous serions tenteacutes de reacutepondre

affirmativement agrave cette question En effet la reacuteforme retouche la loi de 1989 tant sur le plan

structurel que conjoncturel Toutefois les solutions proposeacutees nrsquoeffacent pas les stigmates

issus de lrsquoenracinement de la logique oppositionnelle entre la reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee (Chapitre 2)

1 M GENDREL op cit ndeg3

185

CHAPITRE 1 UNE NOUVELLE STRATEGIE

LEGISLATIVE DE LUTTE CONTRE LrsquoERREUR

JUDICIAIRE

459 Lrsquoanneacutee 2014 a eacuteteacute un tournant en matiegravere de reacutevision Lrsquoimmobilisme anteacuterieur

du leacutegislateur en matiegravere de reacutevision sera mis en avant (Section 1) et nous permettra

drsquoexpliquer lrsquoavegravenement de la loi du 20 juin 2014 perccedilu comme le signal drsquoune rupture avec

le positionnement anteacuterieur (Section 2)

Section 1 1989 ndash 2013 lrsquoimmobilisme du leacutegislateur en

matiegravere de reacutevision

460 Pendant de longues anneacutees la proceacutedure de reacutevision a eacuteteacute la laquo grande oublieacutee raquo1

de la proceacutedure peacutenale (sect 1) En reacutealiteacute il ne srsquoagissait pas drsquoun veacuteritable oubli mais plutocirct du

choix du leacutegislateur qui se refusait agrave intervenir dans le domaine du pourvoi en reacutevision Ce

silence a eacuteteacute compenseacute par drsquoautres moyens juridiques tendant agrave seacutecuriser en amont la

proceacutedure peacutenale de maniegravere agrave limiter les effets de lrsquoinertie du leacutegislateur en matiegravere de

reacutevision Ces succeacutedaneacutes ne se sont pas toujours aveacutereacutes drsquoune tregraves grande efficaciteacute En effet

les moyens mis en place en amont de la reacutevision se sont aveacutereacutes insuffisants pour eacutecarter le

risque de lrsquoerreur judiciaire (sect2)

sect 1 La reacutevision laquo grande oublieacutee raquo de la proceacutedure peacutenale

461 Pourquoi a-t-il fallu attendre 2014 pour connaicirctre une eacutevolution du droit de la

reacutevision Cette question est leacutegitime en raison des multiples faiblesses de la loi de 1989 Ces

atermoiements srsquoexpliquent par le fait que toute intervention leacutegislative dans le domaine de la

reacutevision srsquoavegravere deacutelicate2 Il nrsquoest donc pas inutile de srsquointerroger sur les raisons de cette

laquo regrettable indiffeacuterence raquo3 (A) Meilleure sera la compreacutehension des raisons ayant inciteacute le

1 Expression emprunteacutee agrave P COUVRAT op cit p785 2 P ARPAILLANGE JO deacutebats Assembleacutee Nationale 29 nov 1988 p 2844 3 Expression emprunteacutee agrave Monsieur M GENDREL op cit ndeg4

186

leacutegislateur agrave ne pas intervenir plus tocirct mieux les effets de la reacuteforme pourront ecirctre appreacutecieacutes

Le pourvoi en reacutevision est le seul outil qui offre la possibiliteacute de reacuteparer lrsquoerreur judiciaire

Aussi faudrait-il en conclure que le temps perdu traduisait un deacutesinteacuterecirct du leacutegislateur pour la

cause de lrsquoerreur judiciaire

462 Ce deacutesinteacuterecirct agrave lrsquoeacutegard du pourvoi en reacutevision ne signifie pas pour autant de la

part du leacutegislateur une volonteacute drsquoeacuteluder la question Malgreacute son attentisme en matiegravere de

reacutevision il srsquoest toujours employeacute agrave prendre en amont des preacutecautions utiles au combat de

lrsquoerreur judiciaire (B)

A Les raisons de lrsquoindiffeacuterence du leacutegislateur

463 Deux raisons peuvent expliquer lrsquoindiffeacuterence que le leacutegislateur a pu afficher agrave

lrsquoeacutegard du pourvoi en reacutevision une explication drsquoordre juridique consistant en un

attachement tregraves fort agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee (1) et une raison drsquoordre plus

psychologique ou subjective lieacutee agrave la difficulteacute pour lrsquoHomme et lrsquoinstitution judiciaire de

reconnaicirctre ses erreurs (2)

1 Une explication drsquoordre juridique

464 Le leacutegislateur en matiegravere de reacutevision intervient dans un domaine sensible qui

touche agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee1 En effet toute intervention sur la reacutevision est perccedilue

comme ayant pour effet drsquoeacutegratigner ce principe cardinal Monsieur GENDREL a deacutecrit la

situation du leacutegislateur qui se trouve laquo placeacute agrave chaque instant devant leacutepeacutee de Damoclegraves de

leffondrement de la chose jugeacutee raquo2

465 Le deacutesinteacuterecirct du leacutegislateur pour la proceacutedure de reacutevision et ce malgreacute une

jurisprudence hostile agrave lrsquoesprit de la loi pouvait ecirctre interpreacuteteacute comme une volonteacute de proteacuteger

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Ce manque drsquoinclination pour la reacutevision a mecircme pu ecirctre perccedilu

comme une censure le leacutegislateur srsquointerdisant de srsquoattaquer agrave la chose jugeacutee Monsieur

MONGIBEAUX dans sa thegravese parlait drsquoune sacralisation laquo quasi feacutetichiste raquo 3 de lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee Une telle vision des choses est particuliegraverement deacuterangeante car

laquo lrsquoinstitution de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee socialement indispensable pour eacuteviter que les

procegraves ne srsquoeacuteternisent nrsquoen est pas moins entacheacutee drsquoun vice congeacutenital elle fait triompher la

1 C PAUL-LOUBIERE laquo Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee gage de la seacutecuriteacute juridique raquo D 2009 p 1060 2 M GENDREL op cit ndeg4 3 P MONGIBEAUX op cit p 11

187

valeur de seacutecuriteacute sur la valeur de justice raquo1 Pousseacute agrave lrsquoextrecircme ce raisonnement eacuterige cette

autoriteacute en un dogme quasi intouchable et pourrait conduire agrave preacutefeacuterer lrsquoinjustice au deacutesordre2

donnant ainsi tout son sens agrave lrsquooxymore emprunteacute agrave Maicirctre BREDIN laquo deacutetruits au nom de la

justice raquo3 Entre deux maux affaiblir cette autoriteacute ou maintenir en lrsquoeacutetat un droit non

satisfaisant le leacutegislateur srsquoagissant de la reacutevision avait preacutefeacutereacute donner lrsquoavantage agrave lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee

466 Les difficulteacutes auxquelles le leacutegislateur se trouve confronteacute degraves lors qursquoil

intervient agrave propos de la reacutevision sont lieacutees aux justifications traditionnelles de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee tant positive que neacutegative Celles-ci contribuent largement agrave entretenir des

relations conflictuelles entre les deux protagonistes Crsquoest ainsi que le leacutegislateur se retrouve

dans une position drsquoarbitre entre deux enjeux contradictoires drsquoun cocircteacute la preacuteservation de la

stabiliteacute et de lrsquoautre cocircteacute lrsquoindispensable reacuteparation des erreurs judiciaires Or srsquoagissant de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee les justifications habituellement mises en avant suscitent des

interrogations sur le plan juridique

467 Leur remise en cause et plus particuliegraverement celles concernant lrsquoaspect neacutegatif

permettrait drsquoentrevoir la rupture du lien unissant traditionnellement lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee agrave la regravegle ne bis in idem Cette seacuteparation favoriserait le retour agrave la conception

originelle de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la fin de la deacuteformation de ses fonctions Cette

nouvelle approche pourrait mettre fin au malaise existant

468 A cette raison drsquoordre juridique viennent srsquoajouter des consideacuterations plus

subjectives

2 Une explication drsquoordre psychologique

469 Il peut exister des freins drsquoordre psychologique qui sont de nature agrave entraver

lrsquoaction du leacutegislateur voire des juges en matiegravere de reacutevision

470 Le terme laquo reacuteviser raquo permet de revenir sur une situation anteacuterieure faussement

appreacutecieacutee Srsquoagissant des magistrats des juridictions de reacutevision il leur revient drsquoadmettre

laquo que lrsquoinstitution judiciaire ndash avec laquelle ils font corps ndash a failli raquo4 Ainsi peuvent-ils

1 H MOTULSKY op cit p1 2 JW Von GOETHE Le siegravege de Mayence eacuted La bibliothegraveque digitale laquo Jaime mieux une injustice quun deacutesordre raquo 3 J - D BREDIN laquo La justice et lerreur raquo Le Monde 1er juill 1989 p 1 et 2 4 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de J-Y LE BORGNE p 165

188

ressentir un certain malaise Selon Maicirctre LE BORGNE cette situation serait en drsquoautres

circonstances qualifieacutee de conflit drsquointeacuterecirct Lrsquoavocat ajoute que laquo chaque reacutevision qursquoon

laisse srsquoouvrir est un soupccedilon sur la fiabiliteacute de la Justice et sur la compeacutetence de ceux qui

srsquoexpriment en son nom Chaque reacutevision qursquoon admet est un constat de faillite un coup porteacute

agrave lrsquoinstitution une deacutevalorisation de tous les jugements et arrecircts porteacutes au fil du temps raquo1

Pour ce qui est du leacutegislateur toute intervention dans le domaine de la reacutevision le conduit agrave

reconnaicirctre les imperfections de la justice voire ses faiblesses et celles des juges dans la quecircte

de veacuteriteacute

471 La reconnaissance drsquoune erreur commise par la justice peacutenale nrsquoest pas propre agrave

la reacutevision2 Lrsquoerreur peut se reacuteveacuteler agrave lrsquooccasion drsquoun appel3 conduisant agrave lrsquoinfirmation drsquoune

condamnation rendue en premiegravere instance Cette situation se retrouve dans le cadre de la

proceacutedure de reacuteparation du dommage mateacuteriel et moral causeacute par une deacutetention provisoire agrave la

suite drsquoune deacutecision de non-lieu relaxe ou acquittement4 ou encore dans la proceacutedure de

reacuteparation des dysfonctionnements de la justice conseacutecutifs agrave une faute lourde ou agrave un deacuteni de

justice5 Toutefois srsquoagissant du pourvoi en reacutevision la particulariteacute est que lrsquoerreur entache

une deacutecision deacutefinitive Aussi cette erreur repeacutereacutee qursquoau stade ultime du cheminement

judiciaire apparaicirct-elle plus deacuterangeante que lrsquoinfirmation drsquoun jugement en appel

472 La difficulteacute agrave reconnaicirctre une erreur de quelque type qursquoelle soit a eacuteteacute eacutevoqueacutee

au plan philosophique par KANT dans laquo critique de la raison pure raquo6 Lrsquoeacutevaluation de la

contribution philosophique kantienne par rapport agrave la reacutevision neacutecessite de mettre en relation

la doctrine du philosophe allemand avec la cosmologie grecque des stoiumlciens avec laquelle

elle a rompu

473 Drsquoapregraves les anciens philosophes grecs lrsquounivers peut se deacutefinir comme un

cosmos7 laquo un ordre comparable agrave ce qursquoun biologiste ou un meacutedecin observe lorsqursquoil ouvre

le ventre drsquoun lapin ou drsquoune souris et qursquoil examine agrave quoi ressemble un organisme

1 Ibid 2 Y MAYAUD op cit p 144 laquo Les manifestations de lrsquoerreur en droit peacutenal sont nombreuses et varieacutees Le constat est trop grave pour ne pas entrainer de reacuteaction tant au regard des faits que du droit raquo 3 Pour lrsquoappel en matiegravere correctionnelle V articles 496 et s CPP pour lrsquoappel en matiegravere criminelle V articles 380-1 et s CPP 4 V articles 149 agrave 150 et R 26 agrave R 40-22 CPP 5 V article L 141-1 COJ 6 E KANT Critique de la raison pure Traduction de J BARNI Ed G Bailliegravere Paris 1869 7 L FERRY deacutefinit le cosmos comme laquo un ordre magnifique et merveilleusement bien fait raquo

189

vivant raquo1 Cette repreacutesentation du monde fait de la connaissance une laquo simple activiteacute de

deacutevoilement raquo2 donnant ainsi lrsquoillusion aux hommes de pouvoir acceacuteder facilement agrave la

connaissance et ce dans quelque domaine que ce soit Appliqueacute au juge cela signifie que la

mission de juger consiste agrave lever le voile sur quelque chose de preacuteexistant Cette philosophie

place le juge dans un rocircle essentiellement contemplatif par rapport agrave une situation donneacutee Le

philosophe Gaston BACHELARD reacutesume ainsi cette vision de la connaissance laquo tout est

donneacute rien nrsquoest construit raquo3 Pousseacutee agrave lrsquoextrecircme cette philosophie exclut pour le

leacutegislateur tout questionnement sur le pourvoi en reacutevision en vertu de lrsquoimpossible erreur du

juge contemplatif Or selon KANT la situation est inverseacutee rien nrsquoest donneacute tout est

construit Ce postulat modifie consideacuterablement la repreacutesentation du juge et donne tout son

sens agrave la neacutecessiteacute de disposer de textes et drsquoune jurisprudence qui ne soient pas hostiles par

principe agrave lrsquoideacutee de reacutevision KANT a deacutemontreacute que contrairement au monde clos du cosmos

lrsquoespace et le temps sont infinis Le monde apparaicirct en reacutealiteacute comme un chaos deacutenueacute de

sens4 Chaque ecirctre humain et a fortiori le juge laquo eacutevolue deacutesormais dans un monde infini et

chaotique ougrave le sens fait deacutefaut En cela il se trouve logeacute agrave la mecircme enseigne que ce libertin

de Pascal que laquo le silence des espaces infinis effraie5raquo

474 Cette nouvelle perception du monde a profondeacutement bouleverseacute les grands esprits

du XVII siegravecle car laquo elle rend tout incertain raquo6 et modifie consideacuterablement le sens de

lrsquoactiviteacute de juger Pour remettre de lrsquoordre dans le chaos le juge ne peut plus ecirctre seulement

contemplatif il doit laquo introduire de lrsquoexteacuterieur raquo7 crsquoest-agrave-dire de la subjectiviteacute Son rocircle ne

consiste plus dans laquo la contemplation passive drsquoun ordre deacutejagrave lagrave elle (la mission de juger)

devient au contraire une pratique une activiteacute de lrsquoesprit [hellip] qui dans ce non-sens absolu

qui nous entoure consistera agrave introduire presque de force en tout cas de lrsquoexteacuterieur des

liaisons senseacutees et coheacuterentes entre les choses entre les eacutevegravenements [hellip] On reliera des

causes et des effets et crsquoest lrsquohomme qui sur un mode actif reliera entre eux les pheacutenomegravenes

1 L FERRY Kant et les Lumiegraveres ndash la science et la morale Ed Figaro Collection sagesse drsquohier et drsquoaujourdrsquohui 2013 p 9 2 Ibid p 11 3 G BACHELARD La formation de lrsquoesprit scientifique Paris Librairie philosophique Vrin 1999 (1er eacutedition 1938) Chapitre 1 4 KOYRE Du monde clos agrave lrsquounivers infini (1957) laquo La reacutevolution scientifique engendre la destruction de lrsquoideacutee de cosmos [hellip] la destruction du monde conccedilu comme un tout fini et bien ordonneacute dans lequel la structure spatiale incarnait une hieacuterarchie des valeurs et de perfection [hellip] et la substitution agrave celui-ci drsquoun Univers indeacutefini et mecircme infini ne comportant plus aucune hieacuterarchie naturelle et uni seulement par lrsquoidentiteacute des lois qui le reacutegissent raquo citeacute par L FERRY op cit p 15 5 L FERRY op cit p 8 6 Ibid 7 Ibid

190

[hellip] Lrsquoesprit nrsquoest plus cette sorte de boite de conserve ougrave les ideacutees seraient disposeacutes comme

des petits pois lrsquoesprit se fait praxis il prend la forme drsquoune activiteacute voueacutee agrave relier les choses

entre elles raquo1 De facto le juge peut se tromper Cette nouvelle approche a ouvert la voie aux

philosophies du soupccedilon en instillant le doute sur la veacuteriteacute et la justesse des jugements rendus

par des hommes Aussi la penseacutee de KANT peut-elle contribuer agrave expliquer la prudence du

leacutegislateur en matiegravere de reacutevision Monsieur NAJARIAN srsquoen inspirant souligne dans thegravese

que laquo le danger et crsquoest le seul crsquoest de croire qursquoen reacutepeacutetant le mecircme procegraves peacutenal on

arriverait agrave un meilleur reacutesultat raquo2

475 Pour autant lrsquoattitude reacuteserveacutee voire timoreacutee du leacutegislateur ne doit pas ecirctre

obligatoirement interpreacuteteacutee comme de lrsquoindiffeacuterence face agrave lrsquoerreur judiciaire Celle-ci a

toujours eacuteteacute combattue en agissant en amont de lrsquoacquisition du caractegravere deacutefinitif de la

deacutecision En quelque sorte le leacutegislateur voulait en matiegravere de reacutevision pallier ses propres

faiblesses en multipliant les garde-fous proceacuteduraux afin de garantir la manifestation de la

veacuteriteacute La consolidation continuelle des garanties proceacutedurales du procegraves a renforceacute pour le

leacutegislateur la conviction de pouvoir se passer drsquoune reacuteforme de la reacutevision Crsquoest pourquoi

plutocirct que de se pencher sur la reacutevision il a longtemps preacutefeacutereacute srsquoabriter derriegravere divers

ameacutenagements du procegraves peacutenal De cette faccedilon il a pu contourner la difficulteacute lieacutee au caractegravere

deacutefinitif drsquoune deacutecision

B La seacutecurisation de la proceacutedure peacutenale en amont de la reacutevision

476 Madame le Professeur LAZERGES eacutevoque trois principaux garde-fous pour se

proteacuteger du risque de lrsquoerreur judiciaire3 la preacutevention par lrsquoeacutethique du juge le principe de

colleacutegialiteacute et les voies de recours

477 Srsquoagissant de lrsquoeacutethique Madame le Professeur LAZERGES fait reacutefeacuterence au

discours de la rentreacutee judiciaire de 2006 tenu par le premier preacutesident de la Cour de cassation

Monsieur CANIVET qui a insisteacute sur lindispensable culture du doute de lhumaniteacute et de

lhumiliteacute chez les magistrats laquo Pour tout juge le prochain son prochain cest le justiciable la

femme ou lhomme qui est devant lui qui deacutepend de lui quil le veuille ou non entre eux se

tisse un lien seacutechange un regard qui oblige le juge agrave ecirctre juste agrave rendre justice Attendre de

lui ce comportement exige une qualiteacute essentielle la justesse (hellip) raquo Au fil du temps le

1 Ibid p18 2 K NAJARIAN op cit p 292 3 C LAZERGES op cit p 709

191

leacutegislateur a constitueacute un laquo bloc eacutethique raquo1 qui srsquoarticule autour de larticle 6 de lordonnance

du 22 deacutecembre 1958 relative au statut de la magistrature2 larticle 353 du Code de proceacutedure

peacutenale concernant la proceacutedure dassises3 larticle 304 du mecircme code4 ainsi que de son article

preacuteliminaire

477 Mais lrsquoeacutethique du magistrat agrave elle seule ne peut suffire agrave preacutevenir les erreurs

judiciaires Elle doit srsquoaccompagner de garanties concregravetes susceptibles drsquoeacuteviter les accidents

judiciaires Crsquoest pourquoi le renforcement de la colleacutegialiteacute et des voies de recours souhaiteacute

par Madame le Professeur LAZERGES ont eacuteteacute pris en compte par le leacutegislateur au moment de

lrsquoinstauration de lrsquoappel criminel (1) et de la reacuteforme de lrsquoinstruction (2)

1 Lrsquoinstauration de lrsquoappel criminel

478 Jusqursquoen 2000 la cour drsquoassises se singularisait par le caractegravere de ses arrecircts

rendus sans appel possible5 Il srsquoagissait lagrave drsquoun eacutetrange paradoxe En effet il eacutetait possible

drsquointerjeter appel drsquoune deacutecision drsquoun tribunal civil prononccedilant un jugement de divorce ou

drsquoun jugement correctionnel Les lourdes peines criminelles rendues par une cour drsquoassises ne

pouvaient quant agrave elles ecirctre frappeacutees drsquoappel

479 Le leacutegislateur srsquoeacutetant engageacute en 1989 agrave libeacuteraliser le pourvoi en reacutevision par

rapport au Code drsquoinstruction criminelle a pris une deacutecision paradoxale en interdisant

parallegravelement lrsquoappel pour les arrecircts drsquoassises Ce paradoxe reacutevegravele une contradiction entre le

1 Expression emprunteacute agrave Madame le Professeur LAZERGES laquo De lrsquoeacutecriture agrave lrsquousage de lrsquoarticle preacuteliminaire du Code de proceacutedure peacutenale raquo in Meacutelanges en lhonneur de R OTTENHOF op cit p 71 2 laquo Je jure de bien et fidegravelement remplir mes fonctions de garder religieusement le secret des deacutelibeacuterations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat raquo 3 laquo Avant que la cour dassises se retire le preacutesident donne lecture de linstruction suivante qui est en outre afficheacutee en gros caractegraveres dans le lieu le plus apparent de la chambre des deacutelibeacuterations Sous reacuteserve de lexigence de motivation de la deacutecision la loi ne demande pas compte agrave chacun des juges et jureacutes composant la cour dassises des moyens par lesquels ils se sont convaincus elle ne leur prescrit pas de regravegles desquelles ils doivent faire particuliegraverement deacutependre la pleacutenitude et la suffisance dune preuve elle leur prescrit de sinterroger eux-mecircmes dans le silence et le recueillement et de chercher dans la sinceacuteriteacute de leur conscience quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapporteacutees contre laccuseacute et les moyens de sa deacutefense La loi ne leur fait que cette seule question qui renferme toute la mesure de leurs devoirs Avez-vous une intime conviction raquo 4 laquo Le preacutesident adresse aux jureacutes debout et deacutecouverts le discours suivant Vous jurez et promettez dexaminer avec lattention la plus scrupuleuse les charges qui seront porteacutees contre X de ne trahir ni les inteacuterecircts de laccuseacute ni ceux de la socieacuteteacute qui laccuse ni ceux de la victime de ne communiquer avec personne jusquapregraves votre deacuteclaration de neacutecouter ni la haine ou la meacutechanceteacute ni la crainte ou laffection de vous rappeler que laccuseacute est preacutesumeacute innocent et que le doute doit lui profiter de vous deacutecider dapregraves les charges et les moyens de deacutefense suivant votre conscience et votre intime conviction avec limpartialiteacute et la fermeteacute qui conviennent agrave un homme probe et libre et de conserver le secret des deacutelibeacuterations mecircme apregraves la cessation de vos fonctions Chacun des jureacutes appeleacute individuellement par le preacutesident reacutepond en levant la main Je le jure raquo 5 laquo Derniegravere condamnation avant linstitution de lappel des deacutecisions dassises raquo ndash Cour de cassation crim 22 novembre 2000 ndash D 2001 p 523

192

dogme de lrsquoinfaillibiliteacute du jury1 et lrsquoesprit leacutegislatif de 1989 Aujourdrsquohui les articles 380 ndash

1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale2 preacutecisent les conditions dans lesquelles sont

interjeteacutes les appels contre les arrecircts drsquoassises Lrsquoarticle preacuteliminaire III alineacutea 5 du Code de

proceacutedure peacutenale aux termes duquel laquo toute personne a le droit de faire examiner sa

condamnation par une autre juridiction raquo srsquoarroge enfin tout son sens3

480 Lrsquoinstauration de lrsquoappel en cour drsquoassises constitue lrsquoun des principaux moyens

pour lutter contre les erreurs judiciaires laquo Cest la volonteacute de preacutevenir les erreurs judiciaires

qui a conduit le leacutegislateur agrave remettre en cause lideacutee eacuterigeacutee en principe de linfaillibiliteacute

populaire raquo4

481 Un deuxiegraveme levier a eacuteteacute actionneacute par le leacutegislateur pour atteacutenuer la dureteacute du

pourvoi en reacutevision Il srsquoagit de reacuteformer lrsquoinstitution du juge drsquoinstruction personnage

central de la matiegravere criminelle qui sort de sa solitude

2 La colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction

482 Certaines affaires judiciaires fortement meacutediatiseacutees et exposeacutees agrave un climat

passionnel encouragent agrave reacutefleacutechir sur le rocircle de la Justice Ce fut le cas de lrsquoaffaire Outreau5

veacuteritable laquo cataclysme judiciaire 6raquo du printemps 2004 Malgreacute toutes les critiques dont a fait

lrsquoobjet la commission drsquoenquecircte parlementaire deacutesigneacutee agrave la suite de cette affaire7 elle a

permis de soulever divers dysfonctionnements constateacutes agrave tous les eacutechelons de lrsquoappareil

judiciaire8

1 M LEMONDE laquo Lrsquoappel en matiegravere criminel le beurre et lrsquoargent du beurre raquo in Justices Justice et double degreacute de juridiction ndeg 4 1996 Dalloz p 96 2 Loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption dinnocence et les droits des victimes qui fut compleacuteteacutee par la loi ndeg 2002-307 du 4 mars 2002 compleacutetant la loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption dinnocence et les droits des victimes 3 Cependant ce texte nrsquoapporte pas de deacutefinition preacutecise sur le sens du nouvel examen (en fait ou en droit) ni sur la supeacuterioriteacute de la juridiction caractegravere pourtant laquo inheacuterent raquo agrave la notion drsquoappel V F FOURMENT Proceacutedure peacutenale op cit p 311 4 Rapport drsquoinformation ndeg 3501 sur lrsquoeacutevaluation de la loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption drsquoinnocence et les droits des victimes preacutesenteacute par Mme C LAZERGES 20 deacutecembre 2001 p 17 Accessible sur httpwwwassemblee-nationalefrrap-infoi3501asp 5 D LEGRAND Regard critique sur les propositions de reacuteforme de lrsquoinstruction AJ Peacutenal 2006 p 333 laquo On regrettera quil ait fallu cette affaire effectivement deacutesastreuse par lampleur des preacutejudices humains quelle a causeacutes pour que les parlementaires laquo deacutecouvrent raquo les conditions de fonctionnement de la justice et la mise en œuvre des lois quils ont voteacutees raquo 6 S GUINCHARD laquo De lrsquoirresponsabiliteacute des juges drsquoinstruction pour combien de temps encore raquo in le droit peacutenal agrave lrsquoaube du droit troisiegraveme milleacutenaire meacutelanges offerts agrave Jean Pradel op cit p 349 et s 7 V en ce sens D LEGRAND op cit p333 8 F SAINT PIERRE laquoReacuteforme de linstruction judiciaire 2010 lanneacutee de la crise aigueuml AJ peacutenal 2010 p 427

193

483 En particulier elle srsquoest beaucoup questionneacutee sur le rocircle du juge drsquoinstruction

laquo Faut-il choisir la reacutevolution et ceacuteder ainsi agrave la tentation laquo jugicide raquo en supprimant purement

et simplement leacutepouvantail Le maintenir en leacutetat et pencher vers le statu quo en tendant

leacutechine Le remplacer par un composeacute colleacutegial de trois magistrats Nous voilagrave bien

embecircteacutes raquo1 Degraves les anneacutees cinquante des voix comme celle du Professeur DONNEDIEU DE

VABRES2 srsquoeacutetaient eacuteleveacutees pour faire sortir le juge drsquoinstruction de sa solitude et introduire

du contradictoire dans lrsquoinformation judiciaire La commission parlementaire avait enfin

entendu ce message et remis en cause la tradition franccedilaise qui fait du juge drsquoinstruction juge

unique laquo lrsquohomme le plus puissant de France raquo3 La loi du 5 mars 20074 avait donc preacutevu

qursquoagrave partir du 1er janvier 2010 les deacutecisions drsquoinstruction les plus graves appartiendraient agrave

un collegravege composeacute de trois magistrats permettant ainsi la colleacutegialiteacute pour les affaires les

plus importantes

484 Le 13 juin 2006 le Ministre Pascal CLEMENT dans son discours inaugural de

lrsquoexposition en meacutemoire du capitaine DREYFUS a deacuteclareacute laquo qursquoeacuteviter les erreurs judiciaires

crsquoest donner la possibiliteacute aux magistrats de travailler en eacutequipe et de pouvoir confronter leurs

avis avec des magistrats plus expeacuterimenteacutes raquo Crsquoest pourquoi selon lui laquo la creacuteation des

pocircles de lrsquoinstruction transformera la culture judiciaire et sera une garantie pour tous les

justiciables raquo Madame le Professeur LAZERGES exprime avec encore plus drsquoacuiteacute le lien

entre la colleacutegialiteacute et lrsquoerreur judiciaire en indiquant que laquo la preacutevention des erreurs

judiciaires passe par [hellip] la colleacutegialiteacute5 raquo Il existe donc un hiatus entre la reacuteforme de

lrsquoinstruction objet de toutes les attentions dans le cadre de la preacutevention des erreurs

judiciaires le pourvoi en reacutevision proceacutedure deacutelaisseacutee alors que son but consiste agrave reacuteparer les

erreurs judiciaires

485 Il convient donc de mesurer lrsquoefficaciteacute de la strateacutegie choisie jusque 2013 Les

moyens deacuteployeacutes au cours du procegraves peacutenal eacutetaient-ils suffisants pour eacuteviter tout malentendu

judiciaire Dans lrsquoaffirmative la situation juridique telle qursquoelle a eacuteteacute deacutecrite dans la premiegravere

partie aurait pu trouver gracircce agrave nos yeux Dans la neacutegative il faudra que toutes les faiblesses

de la loi de 1989 soient reacutepareacutees par la reacuteforme Il srsquoavegravere qursquoune action en amont de la

reacutevision ne peut suffire agrave eacuteradiquer lrsquoerreur judiciaire (sect 2)

1 F DEFFERRARD Le juge drsquoinstruction retrouveacute D 2006 p 1908 2 H DONNEDIEU DE VABRES laquo La reacuteforme de linstruction preacuteparatoire raquo RSC 1949 p 499 3 Propos attribueacutes agrave Balzac ou agrave Napoleacuteon 4 Loi du 5 mars 2007 ndeg 2007-291 du 5 mars 2007 tendant agrave renforcer leacutequilibre de la proceacutedure peacutenale 5 C LAZERGES Reacuteflexions sur lrsquoerreur judiciaire op cit p 709

194

sect 2 Lrsquoinsuffisance drsquoune action en amont de la reacutevision

486 Les moyens deacuteployeacutes en amont de lrsquoacquisition de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

sont en reacutealiteacute insuffisants pour eacutecarter le risque de lrsquoerreur judiciaire A cette fin le pourvoi

en reacutevision constitue le seul outil de reacuteparation Les mesures de preacutecaution prises avant

lrsquoeacutecheacuteance du caractegravere deacutefinitif de la deacutecision devaient donc obligatoirement ecirctre

accompagneacutees drsquoune reacuteforme de la reacutevision

487 En effet le droit est une matiegravere perfectible Ni lrsquoappel criminel ni la colleacutegialiteacute

de lrsquoinstruction ne constitue un garde-fou parfaitement efficace contre lrsquoerreur judiciaire (A)

Une justice parfaite relegraveve drsquoun vœu pieu Aussi la veacuteriteacute judiciaire doit-elle ecirctre deacutemystifieacutee

(B)

A Des reacuteformes toujours perfectibles

488 Parmi les reacuteformes reacutealiseacutees en amont du pourvoi en reacutevision nous avons eacutevoqueacute

celles concernant lrsquoappel criminel (1) et la colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction (2) Nous pourrions

multiplier les exemples qui traduisent la volonteacute du leacutegislateur drsquoameacuteliorer lrsquoefficaciteacute de la

justice peacutenale Les deux reacuteformes citeacutees ont eacuteteacute choisies car elles se recoupent avec la

reacutevision Lrsquoappel criminel peut reacuteparer des faiblesses du dossier avant qursquoelles ne se

transforment en erreur judiciaire Lrsquoaction de la reacutevision a pour effet drsquoaneacuteantir une deacutecision

rendue par une juridiction de jugement Or pour les crimes et les deacutelits complexes leurs

auteurs sont renvoyeacutes devant les tribunaux par le juge drsquoinstruction1 Srsquoagissant de ces deux

reacuteformes lrsquointervention du leacutegislateur avait eacuteteacute plus aiseacutee En effet dans ces deux cas aucune

deacutecision deacutefinitive nrsquoa eacuteteacute remise en cause et il ne srsquoagissait pas de reconnaitre lrsquoexistence

drsquoune erreur judiciaire car agrave ce stade elle ne peut pas exister Toutefois lrsquoappel criminel (1) et

la colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction (2) sont des outils utiles dont lrsquoambition reste agrave prouver

1 Lrsquoappel criminel un outil utile mais insuffisant dans la lutte contre

lrsquoerreur judiciaire

489 La difficulteacute centrale consistait pour le leacutegislateur agrave concilier les inteacuterecircts de la

justice populaire avec la neacutecessiteacute de porter lrsquoappel devant une juridiction supeacuterieure2 Cette

1 Article 79 CPP laquo Linstruction preacuteparatoire est obligatoire en matiegravere de crime sauf dispositions speacuteciales elle est facultative en matiegravere de deacutelit raquo 2 F FOURMENT Proceacutedure peacutenale op cit p 313

195

conciliation a pu se faire agrave travers lrsquoinstauration drsquoun systegraveme drsquoappel original lrsquoappel dit

circulaire ou tournant1 qui consiste agrave faire rejuger lrsquoaffaire devant une nouvelle Cour

drsquoassises deacutesigneacutee par la chambre criminelle Cette pratique judiciaire offre une laquo nouvelle

chance raquo 2 au condamneacute par opposition agrave la proceacutedure classique de lrsquoappel plutocirct consideacutereacutee

comme un controcircle de la technique juridique utiliseacutee Contrairement agrave une juridiction drsquoappel

correctionnelle qui statue pour infirmer ou confirmer la deacutecision initiale la cour drsquoassises

drsquoappel rejuge lrsquoensemble de lrsquoaffaire ce qui peut conduire agrave opposer cet appel absolu agrave

lrsquoappel relatif classique3 laquoLrsquoappel traditionnel de controcircle induit lrsquoideacutee drsquoune veacuterification de

la technique juridique appliqueacutee par des magistrats agrave la compeacutetence institutionnellement

reconnue Au contraire lrsquoappel circulaire dit de nouvelle chance sous - tend lrsquoideacutee plus

pessimiste que la Justice quelles que soient la composition et lrsquoorganisation des tribunaux

reste une institution faillible4 raquo

490 De surcroicirct cet appel controverseacute se trouverait agrave la lisiegravere de la hieacuterarchisation

des juridictions dans le sens ougrave la preacutesence de trois jureacutes suppleacutementaires ne suffirait pas agrave

elle seule agrave confeacuterer agrave la juridiction drsquoappel une supeacuterioriteacute hieacuterarchique5 A cela srsquoajoute que

dans la plupart des cas les erreurs deacutenonceacutees de nature agrave porter le doute sur la pertinence de

la deacutecision ont eacuteteacute commises dans les premiers jours voir les premiegraveres heures des

investigations judiciaires6 Il est donc eacutevident qursquoune proceacutedure drsquoappel effective plusieurs

anneacutees apregraves le premier procegraves ne peut absorber ces difficulteacutes7

491 Enfin un autre motif de critique concerne les pouvoirs du preacutesident de la Cour

drsquoassises8 qui est tenu drsquoexercer son rocircle de maniegravere objective Il ne peut ecirctre ni lrsquoavocat de

lrsquoaccusation ni celui de la deacutefense laquo mais une balance placcedilant dans chacun de ses plateaux les

preuves de lrsquoune et de lrsquoautre avec pour seul objectif drsquoatteindre la veacuteriteacute sans exprimer ni

mecircme faire entrevoir son opinion raquo9 Or il a pu lui ecirctre reprocheacute notamment concernant la

1 W ROUMIER Pour en finir avec une reacuteforme inacheveacutee agrave propos de lrsquoappel des deacutecisions en matiegravere criminelle Dr peacutenal 2003 p 28 2 JFCHASSAING Lrsquoappel des arrecircts des cours drsquoassises le poids de lrsquohistoire op cit 3 Ibid 4 JF CHASSAING lrsquoappel des arrecircts des cours drsquoassises le poids de lrsquohistoire op cit 5 ML RASSAT propositions de reacuteforme du code de proceacutedure peacutenale op cit p 28 6 ML RASSAT propositions de reacuteforme du code de proceacutedure peacutenale op cit p 22 7 JLELIEUR op cit ndeg 665 laquo Plus le temps passe plus les chances de deacutecouvrir la veacuteriteacute srsquoamoindrissent Les preuves srsquoeacutemoussent srsquoaffaiblissent encourent le risque drsquoecirctre deacuteformeacutees Le souvenir humain perd en preacutecision gagne reacuteciproquement en subjectiviteacute Lrsquoexactitude des teacutemoignages peut en souffrir en deacutepit de la sinceacuteriteacute de leur auteur raquo 8 D ROETS impartialiteacute et justice peacutenale op cit p162 9 W ROUMER op cit p 295

196

condamnation drsquoOmar RADDAD1 drsquoeacutepauler lrsquoaction du ministegravere public et drsquouser des

avantages de sa position dominante2

492 Enfin la motivation encore trop lapidaire des deacutecisions entraicircne ineacutevitablement

des difficulteacutes dans lrsquohypothegravese du deacutepocirct drsquoune requecircte en reacutevision Une motivation preacutecise

des deacutecisions est une condition essentielle pour que les cours drsquoassises ordinaires et drsquoappel

constituent des juridictions transparentes outils efficaces dans la lutte contre les erreurs

judiciaires

493 Si lrsquoappel en cour drsquoassises ne srsquoavegravere pas toujours efficace dans la lutte contre

lrsquoerreur judiciaire cette remarque peut aussi srsquoappliquer agrave la colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction

2 La colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction un outil utile mais insuffisant dans la lutte

contre lrsquoerreur judiciaire

494 Si en theacuteorie la reacuteforme constitue une avanceacutee certaine sa porteacutee doit ecirctre

relativiseacutee En effet la loi du 5 mars 2007 nrsquoest pas encore inteacutegralement appliqueacutee Il eacutetait

preacutevu que les pocircles de lrsquoinstruction soient mis en place agrave partir du 1er janvier 2010 Toutefois

la loi ndeg 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et

dallegravegement des proceacutedures a reporteacute la mise en œuvre de la colleacutegialiteacute de linstruction au

1er janvier 2011 Puis larticle 163 de la loi de Finances pour 2011 a repousseacute au 1er janvier

2014 lentreacutee en vigueur du texte Ensuite larticle 129 de la loi de Finances pour 2014 a

repousseacute son entreacutee en vigueur au 1er janvier 2015

495 Les lourdes reacuteorganisations et le coucirct eacuteleveacute de la reacuteforme ont conduit au deacutepocirct

drsquoun projet de loi le 24 juillet 20133 destineacute agrave instaurer laquo drsquoune faccedilon coheacuterente reacutealiste et

eacutequilibreacutee une colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction permettant agrave lrsquoinstitution judiciaire de traiter les

affaires peacutenales les plus graves et les plus complexes drsquoune maniegravere tout agrave la fois plus efficace

et plus respectueuse des droits de la deacutefense et de la preacutesomption drsquoinnocence raquo4 La date du

vote de ce texte a eacuteteacute reporteacutee au 1er janvier 2017

496 Ces mesures attendues peuventndashelles ecirctre suffisantes pour surmonter la dureteacute du

pourvoi en reacutevision

1 W ROUMIER op cit p 296 2 D ROETS op cit 162 3 Assembleacutee Nationale ndeg 1323 Projet de loi relatif agrave la colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction 4 Ibid exposeacute des motifs

197

La colleacutegialiteacute et la co-saisine constituent des mesures inteacuteressantes auxquelles on ne peut

qursquoadheacuterer En effet sur de nombreux points la colleacutegialiteacute est un gage de bonne justice qui

srsquoarticule autour drsquoun centre deacutecisionnel impartial ouvert aux deacutebats Cependant le principe

mecircme de la colleacutegialiteacute peut ecirctre relativiseacute puisqursquoil srsquoagirait en reacutealiteacute drsquoune semi

colleacutegialiteacute En effet seules sont concerneacutees par la colleacutegialiteacute les deacutecisions les plus graves

La colleacutegialiteacute existe deacutejagrave pour les audiences des tribunaux correctionnels jugeant les affaires

les plus graves Or la pratique a deacutemontreacute que quelques fois les assesseurs ont tendance agrave se

rallier aux arguments deacuteveloppeacutes par le magistrat speacutecialement chargeacute drsquoeacutetudier lrsquoaffaire

497 Cette reacuteforme utile agrave la fin de lrsquoisolement du juge drsquoinstruction devrait

logiquement par ses effets favoriser une diminution du nombre des erreurs judiciaires et des

contestations (pourvois en reacutevision) En effet la colleacutegialiteacute pegravesera sur le corpus mecircme des

deacutecisions de justice qui mieux eacutelaboreacutees se rapprocheront de tregraves pregraves de la Veacuteriteacute

Toutefois pour lrsquoheure cette nouvelle pratique judiciaire qui se heurte agrave de nombreux

atermoiements et reste toujours pour le moins theacuteorique

498 Lrsquoeacutedifice judiciaire est aujourdrsquohui quelque peu eacutebranleacute1 et les nombreux

problegravemes qui le minent deacutepassent largement lrsquoobjet de notre propos2 La graviteacute des maux

dont souffre notre justice peacutenale nrsquoest pas reacutecente Toutefois le deacutesaveu dont elle fait lrsquoobjet

semble srsquoamplifier et donner lieu agrave de vifs deacutebats3 En matiegravere peacutenale toute deacutecision

judiciaire est lieacutee agrave des interventions qui ne sont pas exclusivement du ressort de la formation

de jugement tel les moyens drsquoenquecircte drsquoexpertise hellip Tous ces eacuteleacutements contribuent agrave

1J PRADEL Les suites leacutegislatives de lrsquoaffaire dite drsquoOutreau op cit laquo Le mal dont souffre notre justice peacutenale est ancien Il sacceacutelegravere aujourdhui raquo Y MAYAUD Lrsquoerreur en droit peacutenal in Lrsquoerreur (sous le direction de J FOYER F TERRE C PUIGELIER) PUF 2007 p 126 laquo La justice est aujourdrsquohui tregraves eacuteprouveacutee et lrsquoopinion relayeacutee par la repreacutesentation nationale srsquoest justement eacutemue de la maniegravere dont certaines affaires ont eacuteteacute poursuivies instruites voire jugeacutees Lrsquoerreur du juge nrsquoest pas comprise et ne saurait lrsquoecirctre parce qursquoil incarne la veacuteriteacute dans sa porteacutee la plus noble et le spectre de lrsquoinnocence bafoueacutee ne doit pas se substituer agrave lrsquoimage prometteuse du glaive et de la balance raquo 2 F SAINT PIERRE Reacuteforme de linstruction judiciaire 2010 lanneacutee de la crise aigueuml op cit p 427 laquo Une erreur historique fut commise en 1990 il y a maintenant plus de vingt ans lorsque le gouvernement de leacutepoque deacutecida de ne pas donner suite au projet de nouveau code de proceacutedure peacutenale quavait eacutelaboreacute la commission Delmas-Marty Henri Nallet eacutetait garde des Sceaux et Maicirctre Georges Kiejman son ministre deacuteleacutegueacute Erreur historique car ce projet de qualiteacute proposait une reacuteforme globale de notre justice peacutenale rompant enfin avec ce vieux systegraveme napoleacuteonien dont nous sommes heacutelas demeureacutes les tributaires Agrave sa place ce sont les structures dune proceacutedure moderne qui devaient ecirctre dresseacutees conformes au standard de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme le seul acceptable dans une deacutemocratie contemporaine Non raquo 3 Proposition de loi n deg 3770 op cit exposeacute des motifs p 3 laquo Depuis de nombreux mois la justice peine agrave sortir drsquoune crise majeure qui nrsquoa fait que renforcer la traditionnelle meacutefiance des Franccedilais agrave lrsquoeacutegard de cette institution Pour retrouver la confiance de nos concitoyens la justice doit notamment pouvoir deacutemontrer qursquoelle est en mesure de se remettre en cause de rectifier ses erreurs et autant que faire se peut drsquoen reacuteparer les conseacutequences raquo Ph BILGER Pour lhonneur de la justice Flammarion 2006 Eacute de MONTGOLFIER Le devoir de deacuteplaire Lafon 2006

198

faccedilonner la physionomie du procegraves peacutenal dont deacutependra la qualiteacute du jugement Selon Maicirctre

SAINT-PIERRE laquo la profondeur et la graviteacute de la crise qui frappe actuellement le systegraveme

judiciaire franccedilais le menace de paralysie Aucune reacuteforme structurelle ne paraicirct pouvoir ecirctre

meneacutee agrave son terme dans un tel contexte alors que des solutions claires doivent ecirctre apporteacutees

agrave des questions preacutecises raquo1

499 Une seconde raison illustre lrsquoinsuffisance de lrsquoaction uniquement meneacutee en amont

de la reacutevision La veacuteriteacute dont la reacuteveacutelation constitue un des objectifs de la justice2 peut ne pas

toujours correspondre agrave lrsquoauthenticiteacute des faits Il ne srsquoagit que drsquoune veacuteriteacute relative Crsquoest

ainsi que toutes les mesures encadrant le parcours judiciaire peuvent srsquoaveacuterer faillibles et

deacuteboucher malgreacute toutes les preacutecautions qui lrsquoentoure sur une injustice

B La relativiteacute de la veacuteriteacute judiciaire

500 La deacutemystification de la veacuteriteacute judiciaire (1) permet drsquoaffirmer que la justice reste

un ideacuteal irrationnel (2)

1 La deacutemystification de la veacuteriteacute judiciaire

501 La veacuteriteacute est le caractegravere de jugements et propositions laquoauxquels on ne peut

qursquoaccorder assentiment crsquoest agrave dire qui srsquoimposent agrave notre esprit et agrave tout autre esprit et qui

est le fondement de lrsquoaccord universel entre les esprits raquo elle est synonyme drsquo laquoobjectiviteacuteraquo

De cette deacutefinition il ressort que la veacuteriteacute doit se situer au-dessus des consideacuterations

subjectives Or toute deacutecision scientifique est le reacutesultat drsquoune activiteacute intellectuelle qui

consiste agrave relier entre eux sous lrsquoimpulsion de connecteurs des pheacutenomegravenes Dans

lrsquohypothegravese de la deacutefaillance drsquoun connecteur la liaison en sera neacutecessairement perturbeacutee

502 Maicirctre FLORAND estime qursquoil existe souvent des eacuteleacutements communs agrave la

formation des erreurs judiciaires laquo Ce sont des affaires dans lesquelles on ne trouve pas

immeacutediatement un coupable et pour lesquelles la police ou la gendarmerie commet un certain

nombre de petites erreurs La pression de lrsquoopinion publique et les victimes aneacuteanties en

quecircte de reacuteponses agrave leurs questions contribuent alors au basculement vers lrsquoerreur

judiciaire raquo3

1 F SAINT PIERRE op cit p 427 2 J LELIEUR op cit ndeg 662 laquo Tendre vers la justice doit certainement ecirctre la preacuteoccupation premiegravere de tout exercice de la reacutepression raquo 3 httpprisonsfreefrerreursjudiciaireshtm interview de Maicirctre Jean Marc FLORAND

199

503 La justice peut srsquoeacutegarer sous lrsquoinfluence de lrsquoinnocent lui-mecircme passeacute aux

aveux Le style de reacutedaction des procegraves-verbaux drsquoaudition peut aussi ecirctre une source de

malentendus Ensuite les rapports drsquoexpertise qui beacuteneacuteficient drsquoune onction scientifique

certes relative peuvent ecirctre sujets agrave caution Enfin lrsquoinstruction sous sa forme originelle (juge

unique) est un facteur de risque important Mais agrave ces sources srsquoajoutent une multitude

drsquoautres eacuteleacutements comme lrsquoexistence de facteurs drsquoinfluence agissant en peacuteripheacuterie du procegraves

Il srsquoagit essentiellement du rocircle de la presse et de la violation du secret de lrsquoinstruction Enfin

et ce dernier argument lui ne pourra ecirctre contreacute la faillibiliteacute de lrsquohomme donnera toujours

matiegravere agrave une eacuteventuelle erreur drsquoappreacuteciation ou de jugement

504 Les reacuteformes prises en amont de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee peuvent contribuer agrave

seacutecuriser la proceacutedure peacutenale et agrave maitriser le nombre drsquoerreurs judiciaires Mais une

disparition complegravete de lrsquoerreur restera toujours improbable La veacuteriteacute judiciaire construite

autour de lrsquoaddition drsquoopinions subjectives ne peut qursquoecirctre le reflet drsquoune objectivisation

relative Elle demeure particuliegravere en raison des contraintes qui lrsquoentourent Le juge a

lrsquoobligation de la deacutecouvrir pour pouvoir prendre position par rapport agrave un litige dans un laps

de temps limiteacute Il en reacutesulte une situation paradoxale Drsquoun cocircteacute la veacuteriteacute judicaire se trouve

sacraliseacutee par le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et par le poids des sanctions que la

reacuteveacutelation de la veacuteriteacute peut entrainer De lrsquoautre cocircteacute elle peut reposer sur des contradictions1

susceptibles de fragiliser la soliditeacute de ses bases Elle laquone consiste que dans la conviction du

juge formeacutee drsquoapregraves les regravegles leacutegales2 raquo

505 Pour que le juge puisse se forger sa conviction de nombreux moyens sont

deacuteployeacutes pour faire eacutemerger des preuves Toutefois comme lrsquoa souligneacute Madame Juliette

LELIEUR laquo il convient de prendre avec preacutecaution lrsquoideacutee geacuteneacuteralement reacutepandue selon

laquelle les preuves obligent le juge agrave trancher en conformiteacute avec la veacuteriteacute raquo3 Lrsquoauteure

srsquoappuie sur le raisonnement de Monsieur le Professeur THERY selon lequel laquo [l]a veacuteriteacute est

sans doute une valeur du procegraves Mais la finaliteacute essentielle des regravegles de preuve est plus

prosaiumlquement la conviction du juge [hellip] En geacuteneacuteral seule importe la perception que le juge

a de la veacuteriteacute La conviction autrement dit est la vraie fin des regravegles de preuve4 raquo

1 X LAGARDE op cit p 1034 laquola preuve juridique a un caractegravere neacutecessairement conflictuelraquo 2 MOTULSKY Principes drsquoune reacutealisation meacutethodique du droit priveacute D 1991 p 85 ndeg 1 3 J LELIEUR op cit p 527 4 P THERY laquo Finaliteacutes du droit de la preuve raquo Droits ndash Revue franccedilaise de theacuteorie juridique 1996 ndeg 23 p 41-52 speacutec p 46 et 48 citeacute par J LELIEUR

200

506 Finalement la veacuteriteacute judiciaire repose sur une conviction que partage un petit

nombre de personnes (les juges professionnels et les jureacutes pour les crimes)1 Srsquoagissant des

deacutelits les moins graves elle nrsquoest mecircme le fruit que de la reacuteflexion drsquoune personne le juge

unique La veacuteriteacute judiciaire dont la fermeteacute des effets est patente apparaicirct donc malgreacute tout

comme fragile dans ses fondements puisque le juge peacutenal dit laquo ce qursquoil croit ecirctre la veacuteriteacute

objectiveraquo2 Ainsi peut-on seulement parler de veacuteriteacute relative3 dont lrsquoambition premiegravere est de

mettre fin deacutefinitivement agrave un litige dans un but de pacification sociale et de reconstruction du

lien briseacute Lrsquoideacutee drsquoune justice laquo toujours juste raquo reste donc un ideacuteal

2 La justice un laquo ideacuteal irrationnel raquo

laquo Jeunesse Jeunesse Sois toujours avec la justice (hellip) Et je

ne te parle pas de la justice de nos Codes qui nrsquoest que la

garantie des liens sociaux Certes il faut la respecter mais il est

une notion plus haute la justice celle qui pose en principe que

tout jugement des hommes est faillible et qui admet lrsquoinnocence

possible drsquoun condamneacute sans croire insulter les juges 4raquo

507 Entendu par la commission des lois lrsquoavocat Franccedilois SAINT-PIERRE a conclu

son intervention en deacuteclarant que laquo laleacutea judiciaire est tregraves important alors que se pose

fondamentalement la question de la veacuteriteacute de la culpabiliteacute ou de linnocence de laccuseacute raquo

Derriegravere cette citation on retrouve la penseacutee de KELSEN qui qualifiait la justice drsquo laquo ideacuteal

irrationnel raquo5 Dans le mecircme ordre ideacutees CARBONNIER invite les penseurs juridiques agrave laquo

inventer quelques solutions plutocirct pacificatrices que justes plutocirct moins injustes que justes

afin de rendre toleacuterable la vie en socieacuteteacute raquo6 En drsquoautres termes les juristes doivent faire

montre de modestie et inteacutegrer qursquoil est difficile drsquoatteindre systeacutematiquement la veacuteriteacute7

Lrsquoinaccessibiliteacute du juste ne peut ecirctre qursquoaccepteacutee Il est drsquoailleurs acquis que le droit

1 G DALBINAT DEHARO op cit p 21 ndeg 7 laquo Le fondement consensuel de la veacuteriteacute affecte donc directement son contenu raquo 2 MOTUSLKY Droit processuel Cours Saint Jacques 1973 p 231 3 X LAGARDE op cit p 410 laquo lrsquoinstitution judiciaire nrsquoa [hellip] pas inteacuterecirct agrave mettre en avant lrsquoideacutee de veacuteriteacute objective raquo 4 E Zola Lettre agrave la jeunesse 14 deacutecembre 1897 5 H KELSEN Was ist Gerechtigkeit Wien Franz Deuticke 2egraveme eacuted 1975 p 40 citeacute par J LELIEUR op cit p 526 6 J CARBONNIER Flexible droit Pour une sociologie du droit sans rigueur Paris 10egraveme eacuted 2001 p 490 7 Y MAYAUD op cit p 144 laquo Crsquoest dire que toute erreur ne peut qursquoeacuteloigner la justice peacutenale de lrsquoideacuteal de veacuteriteacute qursquoelle se doit de poursuivre Lrsquoerreur judiciaire est sous-jacente agrave cette preacuteoccupation raquo

201

reconnaicirct la faiblesse de la veacuteriteacute judiciaire1 Dans cette perspective de multiples preacutecautions

sont prises pour que la veacuteriteacute judiciaire se trouve renforceacutee dans son objectiviteacute2 Les voies de

recours ouvertes dans le but de contester un premier jugement deacutemontrent la fragiliteacute de la

veacuteriteacute judiciaire

508 DESCARTES a mis lrsquoaccent sur les eacutecueils menaccedilant ceux qui sont agrave la recherche

permanente du vrai laquo les voyageurs qui se trouvant eacutegareacutes en quelque forecirct ne doivent pas

errer en tournoyant tantocirct drsquoun cocircteacute tantocirct drsquoun autre ni encore moins srsquoarrecircter en une place

mais marcher toujours le plus droit qursquoils peuvent vers un mecircme cocircteacute et ne le changer point

pour de faibles raisons encore que ce nrsquoait peut-ecirctre eacuteteacute au commencement que le hasard seul

qui les ait deacutetermineacutes agrave le choisir car par ce moyen srsquoils ne vont justement ougrave ils deacutesirent

ils arriveront au moins agrave la fin quelque part ougrave vraisemblablement ils seront mieux que dans

le milieu drsquoune forecirct Et ainsi les actions de la vie ne souffrant souvent aucun deacutelai crsquoest une

veacuteriteacute tregraves certaine que lorsqursquoil nrsquoest pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies

opinions nous devons suivre les plus probables raquo3

509 La recherche agrave tout prix de la veacuteriteacute se trouve mecircme quelque fois encadreacutee voir

brideacutee par la proceacutedure peacutenale elle-mecircme Crsquoest ainsi que des techniques drsquoenquecirctes

susceptibles drsquoapporter la veacuteriteacute sont eacutecarteacutees de notre droit car jugeacutees deacuteloyales ou

attentatoires agrave la vie priveacutee ou encore contraires agrave la digniteacute humaine (certaines meacutethodes

drsquointerrogatoires torturehellip)4

510 Ce questionnement sur la veacuteriteacute judiciaire deacutebouche sur la conclusion suivante

la proceacutedure de reacutevision doit ecirctre appreacutehendeacutee avec prudence et sans naiumlveteacute Mecircme en

devenant plus accessible elle sera toujours dans lrsquoimpossibiliteacute structurelle de deacutecouvrir la

veacuteriteacute de maniegravere systeacutematique Pour Madame le Professeur LAZERGES laquo inheacuterentes non

seulement agrave lacte mecircme de juger mais aussi au fonctionnement de linstitution judiciaire les

erreurs judiciaires ne peuvent toutes ecirctre preacutevenues raquo5

1 J CARBONNIER op cit p63 laquo La veacuteriteacute judicaire elle-mecircme nrsquoexclut pas qursquoelle est artificielle et qursquoil pourrait bien exister drsquoautres veacuteriteacutes raquo 2 Madame JOSSERAND a montreacute que lrsquoimpartialiteacute consiste en une deacutemarche de laquoremise en cause raquo S JOSSERAND Lrsquoimpartialiteacute du magistrat en proceacutedure peacutenale Bibl des sciences criminelles LGDJ tome 33 p 590 3 R DESCARTES Discours de la meacutethode op cit p 94 4 M DELMAS-MARTY laquo La preuve peacutenale raquo Droits ndash Revue franccedilaise de theacuteorie juridique 1996 ndeg 23 p 53-65 laquo Visite drsquoun atelier de recherche en droit peacutenal raquo Entretien avec M DELMAS-MARTY LrsquoAstreacutee ndeg 12 oct 2000 p 3-10 p 7 citeacute par J LELIEUR 5 C LAZERGES Reacuteflexions sur lrsquoerreur judiciaire op cit p 709

202

511 La proceacutedure de reacutevision est lrsquoultime moyen en droit interne mis agrave la disposition

du justiciable pour tenter de faire eacutemerger enfin la veacuteriteacute La reacuteforme de 2014 qui rompt avec

le passeacute prouve que son accessibiliteacute constitue un preacutealable indispensable agrave la reacuteussite du

reacutetablissement de la veacuteriteacute et agrave la reacuteparation des dommages causeacutes par lrsquoerreur (Section 2)

Aussi tout doit-il ecirctre mis en œuvre pour faciliter lrsquoaccegraves du justiciable ou ses ayants droits agrave

cette proceacutedure

Section 2 2014 le changement de strateacutegie leacutegislative

512 Malgreacute toutes les preacutecautions prises en amont le risque drsquoerreur judiciaire est

toujours possible Conscient du problegraveme le leacutegislateur a reacutecemment deacutecideacute de srsquointeacuteresser

au pourvoi en reacutevision pour y apporter certains ameacutenagements au travers de la loi ndeg 2014-

640 du 20 juin 2014 relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen dune

condamnation peacutenale deacutefinitive Le nouveau texte est porteur pour la premiegravere fois de

lrsquohistoire de la reacutevision drsquoune reacuteflexion globale puisqursquoil intervient tant sur le droit de la

reacutevision (sect 1) que sur les moyens drsquoadapter la proceacutedure peacutenale agrave la reacutevision (sect 2)

sect 1 Une intervention leacutegislative sur le droit de la reacutevision

513 La loi du 20 juin 2014 srsquoefforce de fournir des reacuteponses aux problegravemes drsquoordre

structurel (A) et conjoncturel (B) poseacutes par le droit de la reacutevision issu de la loi de 1989

A Les modifications structurelles

514 La loi du 20 juin 2014 srsquoest empareacutee de la question des faiblesses structurelles de

la reacutevision et a tenteacute drsquoy apporter des solutions La loi de 1989 se caracteacuterisait par une

reacutepartition plutocirct confuse des compeacutetences entre la commission et la Cour de reacutevision Aussi

le nouveau texte entend-il solutionner ce problegraveme (2) en laquo chamboulant lrsquoinstitution elle-

mecircme1 raquo (1) pour reconnaicirctre une meilleure protection des droits des parties (3)

1 Le chamboulement de lrsquoinstitution

515 La reacutepartition contestable des compeacutetences entre la commission et la Cour de

reacutevision avait pour origine lrsquoancien alineacutea 5 de lrsquoarticle 623 du Code de proceacutedure peacutenale qui

preacutevoyait que laquo la demande en reacutevision est adresseacutee agrave une commission (hellip) raquo et preacutecisait

1 J MUCCHIELLI La nouvelle proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales est entreacutee en vigueur Dalloz actualiteacutes 24 juin 2014

203

ensuite que laquo cette commission saisit la chambre criminelle qui statue comme cour de

reacutevision des demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises raquo Il a eacuteteacute deacutemontreacute que

lrsquoambiguiumlteacute structurelle deacutecoulait de la reacutedaction mecircme de lrsquoarticle dont les termes precirctaient agrave

controverse En effet lrsquoappreacuteciation du doute incombait dans les faits aux deux organes

alors qursquoagrave lrsquoorigine le leacutegislateur entendait confier ce rocircle agrave la seule Cour de reacutevision Le

filtrage des demandes deacutevolu agrave la commission srsquoeacutetait transformeacute au fil du temps En effet sa

seacuteveacuteriteacute deacutepassait largement le pouvoir que le leacutegislateur envisageait de lui confier par rapport

agrave lrsquoexamen de la recevabiliteacute de la demande1

516 La loi du 20 juin 2014 entend redresser la situation en creacuteant une nouvelle

structure Elle preacutevoit la creacuteation drsquoune juridiction unique statuant sur la reacutevision et le

reacuteexamen des deacutecisions peacutenales deacutefinitives (a) et la mise en place au sein de cet organe

drsquoune commission deacutesormais deacutenommeacutee laquo commission drsquoinstruction raquo (b)

a Une juridiction unique statuant sur la reacutevision et le reacuteexamen

517 La nouvelle leacutegislation a creacuteeacute une juridiction unique en charge de la reacutevision et du

reacuteexamen dune deacutecision peacutenale Cette modification peut paraicirctre surprenante car le reacuteexamen

nrsquoa pas eacuteteacute eacutevoqueacute dans nos deacuteveloppements preacuteceacutedents Il srsquoagit drsquoune voie de recours

extraordinaire preacutevue par larticle 89 de la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la

preacutesomption dinnocence et les droits des victimes Ce recours a pour objet le reacuteexamen drsquoun

jugement prononceacute en violation de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme fait

preacutealablement constateacute par la Cour europeacuteenne Il teacutemoigne de lrsquoinfluence grandissante du

droit europeacuteen sur le droit interne2 Ce dispositif a pour objectif de conforter lrsquoeffectiviteacute des

sanctions prononceacutees par la Cour europeacuteenne des droits de lhomme et de sanctuariser la

Convention europeacuteenne3

1 V supra ndeg 175 agrave 228 2 F DOROY laquo Le reacuteexamen dune deacutecision peacutenale conseacutecutif au prononceacute dun arrecirct de condamnation de la Cour europeacuteenne des droits de lHomme mise en oeuvre de la reacuteforme du 15 juin 2000 questions juridiques et problegravemes pratiques raquo Dr peacutenal 2003 chron no 18 3 B BONFILS op cit ndeg 1 V eacutegalement M HOTTELIER La proceacutedure suisse de reacutevision conseacutecutive agrave un arrecirct de condamnation par la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme RTDH 2001 p 743 et s E LAMBERT-ABDELGAWAD laquoLe reacuteexamen de certaines affaires suite agrave des arrecircts de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme RTDH 2001 p 715 F MASSIAS Le reacuteexamen des deacutecisions deacutefinitives intervenues en violation de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme RSC 2001 p 124 J-F RENUCCI Le reacuteexamen dune deacutecision de justice deacutefinitive dans linteacuterecirct des droits de lrsquohomme D 2000 chron 655 et s

204

518 Initialement un amendement au projet de loi relatif au reacuteexamen envisageait

mecircme drsquoen faire un cinquiegraveme cas de reacutevision1 Anciennement agrave la loi de 2014 cette

proceacutedure de reacuteexamen beacuteneacuteficiait drsquoun reacutegime particulier et drsquoune juridiction propre Bien

que srsquoagissant de deux voies de recours distinctes2 il est vrai qursquoil existe entre elles certains

points communs3 En effet comme la juridiction de reacutevision la commission de reacuteexamen

avait pour vocation de srsquoattaquer agrave lautoriteacute de la chose jugeacutee de rejeter les requecirctes non

fondeacutees de renvoyer les affaires devant une autre juridiction et enfin drsquoordonner le cas

eacutecheacuteant la suspension de la peine du condamneacute Il srsquoagissait dans les deux cas drsquooffrir agrave un

condamneacute deacutefinitif la possibiliteacute de remettre en cause lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee drsquoune

condamnation en principe incontestable A lrsquoeacutepoque de son instauration en 2000 le leacutegislateur

srsquoeacutetait largement inspireacute de la proceacutedure de reacutevision Certains ont mecircme preacutetendu que

conscient des faiblesses de la reacutevision il avait voulu srsquoentourer de toutes les garanties pour

doter la proceacutedure de reacuteexamen de tous les atouts drsquoefficaciteacute afin drsquoeacuteviter le renouvellement

des critiques deacutejagrave formuleacutees agrave lrsquoeacutegard de la commission de reacutevision 4

519 Ce rapprochement entre la reacutevision et le reacuteexamen transparaissait deacutejagrave des motifs

de la proposition de loi de 2007 qui qualifiait la proceacutedure de reacutevision de laquo proceacutedure de droit

commun raquo et la proceacutedure de reacuteexamen de laquo seconde proceacutedure de reacutevision 5raquo La loi de

2014 en creacuteant une cour unique appeleacutee la laquo Cour de reacutevision et de reacuteexamen raquo entend mettre

fin au laquo doublon6 raquo qui aurait pu exister entre les deux proceacutedures Cette nouvelle juridiction

remplace deacutesormais les trois juridictions preacuteceacutedentes - la commission de reacutevision - la Cour

de reacutevision et - la commission de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive conseacutecutif au

prononceacute drsquoun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme

520 Par ce biais le nouveau texte entend atteacutenuer le sentiment drsquoineacutegaliteacute que

pouvaient ressentir les justiciables selon qursquoils avaient ou non beacuteneacuteficieacute drsquoun arrecirct de la

1 laquo 5deg Apregraves un arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme constatant une violation de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 ou de ses protocoles lorsque la condamnation continue de produire ses effets et qursquoune reacuteparation eacutequitable du preacutejudice causeacute par cette violation ne peut ecirctre obtenue que par la voie de la reacutevision raquo Amendement ndeg 219 discuteacute au cours de la seconde lecture du projet de loi agrave lrsquoAssembleacutee nationale le 10 feacutevrier 2000 Pour plus de deacutetails sur les deacutebats parlementaires V C PETTITI laquo Lrsquoexamen drsquoune deacutecision franccedilaise apregraves un arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme la loi franccedilaise du 15 juin 2000 raquo RTDH 2001 p 3 et s 2 CNCDH op cit ndeg 16 et s 3 E DREYER laquo A quoi sert le reacuteexamen des deacutecisions peacutenales apregraves condamnation agrave Strasbourg raquo D 2008 p 1705 4 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit 5 Proposition de loi ndeg 3770 visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales enregistreacutee agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee Nationale le 13 mars 2007 p3 6 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 15

205

Cour europeacuteenne des droits de lhomme En effet le taux de reacuteussite de ces deux proceacutedures

nrsquoeacutetait pas comparable laquo alors qursquoune demande en reacutevision [avait] 15 de chances

drsquoaboutir une demande en reacuteexamen [aboutissait] dans 56 des cas raquo1 Deacutesormais en

confiant lrsquoexamen des requecirctes en reacutevision et en reacuteexamen agrave une cour unique le leacutegislateur

espegravere apporter plus de coheacuterence agrave la question de la reacuteformation des deacutecisions peacutenales

deacutefinitives sans pour autant effacer les critegraveres distinctifs des deux proceacutedures2

521 En effet ces deux proceacutedures preacutesentent entre elles des diffeacuterences majeures

dans le reacuteexamen la deacutecision deacutefinitive est vicieacutee par une erreur de droit3 dans la reacutevision il

srsquoagit drsquoune erreur de fait Les points de convergence ne sauraient donc justifier la confusion

des deux proceacutedures4 Aussi la juridiction unique ne recouvre-t-elle pas une uniciteacute de

proceacutedure Les deux voies de recours restent distinctes selon les articles 6225 et 622-16 du

Code de proceacutedure peacutenale Un mecircme recours ne pourrait drsquoailleurs avoir pour objet conjoint la

reacutevision et le reacuteexamen Notre reacuteflexion restera neacuteanmoins centreacutee sur le pourvoi en reacutevision

b La nouvelle appellation de la commission la commission drsquoinstruction

522 La nouvelle Cour de reacutevision et de reacuteexamen abrite en son sein une commission

drsquoinstruction chargeacutee du filtrage des demandes celui-ci eacutetant axeacute sur lrsquoeacutetude de leur

recevabiliteacute Lrsquoarticle 623-1 du Code de proceacutedure peacutenale dispose que laquo la cour de reacutevision et

de reacuteexamen deacutesigne en son sein pour une dureacutee de trois ans renouvelable une fois cinq

1 Ibid 2 F FOURNIE laquo reacuteviser la reacutevision hellip raquo op cit p 777 laquo Malgreacute des diffeacuterences marqueacutees (tenant au type derreurs agrave corriger au deacutelai pour agir aux domaines dapplication) le leacutegislateur a neacuteanmoins fait le choix de privileacutegier leur caracteacuteristique commune ndash permettre lannulation dune deacutecision peacutenale deacutefinitive entacheacutee derreurs ndash en uniformisant le reacutegime juridique de ces deux voies proceacutedurales dexception raquo 3 J AMAR Erreur sur le droit et parties au procegraves peacutenal Drpeacutenal 1999 Chron p 15 J-P COUTURIER Lerreur de droit invincible en matiegravere peacutenale RSC 1968 p 547 DECOTTIGNIES Lerreur de droit RTD civ 1951 p 309 DEVAUX Eacutetude critique sur ladage laquo nul nest censeacute ignorer la loi raquo RTD civ 1907 p 532 DOUCET Une discussion sur lerreur de droit RSC 1962 p 497 4 La jurisprudence rappelle reacuteguliegraverement que le motif de pur droit nentre pas dans les preacutevisions de larticle 622 du CPP V par exemple Comm reacutev 19 mars 2007 ndeg 05 REV 084 Comm reacutev 16 nov 2009 ndeg 09 REV 011 5 Article 622 CPP laquo La reacutevision dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dun crime ou dun deacutelit lorsque apregraves une condamnation vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute ou agrave faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute raquo 6 Article 622-1 CPP laquo Le reacuteexamen dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacute au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dune infraction lorsquil reacutesulte dun arrecirct rendu par la Cour europeacuteenne des droits de lhomme que la condamnation a eacuteteacute prononceacutee en violation de la convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales ou de ses protocoles additionnels degraves lors que par sa nature et sa graviteacute la violation constateacutee entraicircne pour le condamneacute des conseacutequences dommageables auxquelles la satisfaction eacutequitable accordeacutee en application de larticle 41 de la convention preacuteciteacutee ne pourrait mettre un terme Le reacuteexamen peut ecirctre demandeacute dans un deacutelai dun an agrave compter de la deacutecision de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme Le reacuteexamen dun pourvoi en cassation peut ecirctre demandeacute dans les mecircmes conditions raquo

206

magistrats titulaires et cinq magistrats suppleacuteants composant la commission dinstruction des

demandes en reacutevision et en reacuteexamen raquo

523 Il srsquoagit donc maintenant textuellement drsquoune commission drsquoinstruction des

demandes en reacutevision et en reacuteexamen Cette nouvelle appellation met un terme agrave une certaine

confusion des genres qui par le passeacute pouvait exister entre les deux organes juridictionnels1

Cette modification structurelle ne regravegle pas pour autant le problegraveme du partage des

compeacutetences entre la Cour de reacutevision et la commission Lrsquointervention la plus preacutegnante de

la loi concerne la commission drsquoinstruction dont le rocircle a eacuteteacute sensiblement remodeleacute

2 La reacutepartition des compeacutetences entre la commission et la Cour

524 Trois modifications sont intervenues dans la loi de 2014 au niveau de la

reacutepartition des compeacutetences entre la commission drsquoinstruction et la Cour Tout drsquoabord le rocircle

deacutevolu agrave la commission est recentreacute sur la recevabiliteacute des requecirctes (a) Ensuite les pouvoirs

qui lui sont confeacutereacutes sont clarifieacutes (b) Enfin la deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers par la

commission ou la Cour est prise en compte par le leacutegislateur (c)

a Le recentrage du rocircle de la commission sur la recevabiliteacute des requecirctes

525 Pour ne pas retomber comme en 1989 dans le piegravege drsquoune formulation

maladroite le leacutegislateur de 2014 a fait montre de plus drsquohabileteacute dans lrsquoexpression de la

ratio legis Le rocircle de la commission est maintenant expresseacutement limiteacute agrave lrsquoeacutetude de la

recevabiliteacute des demandes Lrsquoancienne formulation relative agrave la transmission des demandes

laquo qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises raquo a donc disparu Le nouvel article 624 du Code de

proceacutedure peacutenale a leveacute toutes les ambiguiumlteacutes laquo La demande en reacutevision ou la demande en

reacuteexamen est adresseacutee agrave la commission dinstruction des demandes en reacutevision et en

reacuteexamen qui se prononce sur sa recevabiliteacute raquo

526 Le leacutegislateur a souhaiteacute dessiner une ligne de deacutemarcation nette entre les

missions de la commission et celles de la Cour Le rocircle de la commission est limiteacute agrave lrsquoeacutetude

de la recevabiliteacute de la demande qui consiste agrave veacuterifier les conditions drsquoaccegraves nature de la

deacutecision caractegravere deacutefinitif de la deacutecision qualiteacute du requeacuteranthellip Est maintenue la distinction

entre lrsquoirrecevabiliteacute ab initio et lrsquoirrecevabiliteacute de la demande constateacutee par des mesures

1 V supra ndeg 295 agrave 304

207

drsquoinvestigations diligenteacutees par la commission Le rocircle de la commission identique agrave celui

souhaiteacute en 1989 est donc deacutesormais mieux formaliseacute

527 Lrsquoexamen de la question du doute sur la culpabiliteacute relegraveve expresseacutement de la

seule compeacutetence de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen en formation de jugement En effet

le leacutegislateur qui fait exclusivement reacutefeacuterence agrave la notion objective de recevabiliteacute srsquoest fixeacute

comme objectif de diffeacuterencier le rocircle de la commission de celui de la Cour en nrsquooffrant plus agrave

celle-ci la possibiliteacute de sinterroger sur limpact du fait nouveau ou de leacuteleacutement inconnu sur

la culpabiliteacute du condamneacute

528 Au terme de lrsquoexamen du dossier deux solutions srsquoimposent maintenant agrave la

commission soit deacuteclarer la demande irrecevable (ab initio ou apregraves une instruction) soit

deacutecider de sa transmission agrave la Cour de reacutevision et de reacuteexamen Donc si la demande est

recevable elle doit la transmettre Le leacutegislateur de 2014 affirme donc avec plus de fermeteacute

qursquoen 1989 que la commission est dans lrsquoobligation de saisir la Cour de reacutevision et de

reacuteexamen degraves lors que les conditions de recevabiliteacute sont reacuteunies

b La clarification des pouvoirs de la commission

529 Le nouvel article 624 du Code de proceacutedure peacutenale clarifie et renforce les

pouvoirs de la commission drsquoinstruction Par le passeacute on a pu srsquointerroger sur le fait que le

leacutegislateur srsquoeacutetait refuseacute de reconnaicirctre lrsquoexistence drsquoun parallegravele entre les pouvoirs du juge

drsquoinstruction preacutevus agrave lrsquoarticle 81 du Code de proceacutedure peacutenale et ceux de la commission1

Deacutesormais drsquoapregraves le nouveau texte cette derniegravere pourra recourir laquo agrave tout acte dinformation

utile agrave linstruction de la demande agrave lexception de laudition de toute personne agrave leacutegard de

laquelle il existe des raisons plausibles de soupccedilonner quelle a commis ou tenteacute de

commettre une infraction raquo

530 Lrsquoinfluence de lrsquoarticle 81 du Code de proceacutedure peacutenale est plus marqueacutee que

dans lrsquoancienne formulation de lrsquoarticle 623 Le rapport de lAssembleacutee nationale preacutecise que

le nouvel article laquo doit ecirctre interpreacuteteacute largement et de maniegravere compreacutehensive comme

embrassant tous les actes neacutecessaires agrave la manifestation de la veacuteriteacute raquo2 La commission peut

donc doreacutenavant proceacuteder sans ambages agrave des interrogatoires auditions de teacutemoin ou de la

partie civile confrontations reconstitutions eacutecoutes geacuteolocalisations surveillance Tel est

1 V supra ndeg 297 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 70

208

eacutegalement le cas pour la formation de jugement1 Contrairement au juge drsquoinstruction la

commission drsquoinstruction ne peut pas se livrer agrave des mesures coercitives comme une garde agrave

vue ou une mise en examen Ces actes privatifs de liberteacute ne relegravevent pas de la compeacutetence

des juridictions de reacutevision

c La deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers par les juridictions de reacutevision

531 Sous lrsquoempire de la loi ancienne lrsquoabsence de pouvoirs coercitifs propres agrave la

commission pouvait constituer un obstacle en cas de deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers2

Aussi le nouveau texte prend-il en compte cette reacutealiteacute en autorisant la commission agrave

solliciter aupregraves du parquet lrsquoouverture drsquoune information judiciaire Lrsquoarticle 624-2 du

Code de proceacutedure peacutenale dispose laquo Lorsque les eacuteleacutements nouveaux laissent apparaicirctre

quun tiers pourrait ecirctre impliqueacute dans la commission des faits la commission en avise sans

deacutelai le procureur de la Reacutepublique compeacutetent qui effectue les investigations neacutecessaires et

peut ouvrir une information judiciaire laquelle ne peut ecirctre confieacutee agrave un magistrat ayant deacutejagrave

connu de laffaire Le procureur de la Reacutepublique ou le juge dinstruction ne peut saisir un

service ou un officier de police judiciaire ayant participeacute agrave lenquecircte agrave lorigine de la

condamnation du demandeur raquo

532 Cette nouvelle disposition impose aux procureurs de la Reacutepublique certaines

contraintes pour mener agrave bien leurs investigations qui pourront ecirctre diligenteacutees dans le cadre

drsquoune enquecircte preacuteliminaire et deacuteboucher ensuite sur lrsquoouverture drsquoune information judiciaire

La commission apregraves avoir mis en œuvre tous les moyens neacutecessaires sera parfaitement

informeacutee sur la recevabiliteacute de la requecircte qursquoelle transmettra le cas eacutecheacuteant agrave la juridiction de

jugement Ensuite la Cour de reacutevision et de reacuteexamen aura la faculteacute de rejeter la demande

mal fondeacutee ou bien drsquoannuler la condamnation contesteacutee et deacutesigner selon les cas une

juridiction de renvoi Les modaliteacutes de renvoi demeurent identiques agrave celles preacutevues par la loi

de 1989 tout comme le dispositif drsquoindemnisation inchangeacute

Enfin la nouvelle loi se veut plus protectrice des droits des parties

1 Article 624-3 CPP laquo Si la formation de jugement de la cour de reacutevision et de reacuteexamen estime que laffaire nest pas en leacutetat elle ordonne lexeacutecution dun suppleacutement dinformation confieacute agrave lun ou agrave plusieurs de ses membres aux fins de proceacuteder directement ou par commission rogatoire dans les formes preacutevues au preacutesent code agrave tout acte dinformation utile agrave linstruction de la demande agrave lexception de laudition de toute personne agrave leacutegard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupccedilonner quelle a commis ou tenteacute de commettre une infraction raquo 2 V supra ndeg 299

209

3 Une meilleure protection des droits des parties

533 Lrsquoassistance drsquoun avocat est deacutesormais obligatoire afin dlaquo ameacuteliorer la qualiteacute

des recours [] qui seront deacuteposeacutes et [hellip] placer les justiciables sur un pied deacutegaliteacute devant la

cour de reacutevision et de reacuteexamen dans des affaires souvent complexes ou sensibles dans

lesquelles le conseil dun avocat nest pas superflu raquo1 Lrsquoarticle 624-4 du Code de proceacutedure

peacutenale dispose laquo Pour lapplication du preacutesent titre le requeacuterant est repreacutesenteacute dans la

proceacutedure et assisteacute au cours des deacutebats par un avocat choisi par lui ou agrave sa demande

commis doffice Si la demande en reacutevision ou en reacuteexamen na pas eacuteteacute deacuteclareacutee

manifestement irrecevable en application du deuxiegraveme alineacutea de larticle 624 et que le

requeacuterant na pas davocat le preacutesident de la commission dinstruction lui en deacutesigne un

doffice La victime peut ecirctre repreacutesenteacutee dans la proceacutedure et assisteacutee au cours des deacutebats

par un avocat choisi par elle ou agrave sa demande commis doffice raquo

534 Ainsi degraves le deacutepart de lrsquoinstruction le requeacuterant est obligatoirement repreacutesenteacute

ou assisteacute par un avocat qursquoil choisira ou agrave deacutefaut par un conseil commis doffice Toutefois

la commission drsquooffice nrsquointerviendra pas degraves qursquoil sera eacutetabli que la demande est

manifestement irrecevable En revanche srsquoagissant de la partie civile lassistance dun avocat

reste facultative Un avocat drsquooffice pourra ecirctre eacutegalement deacutesigneacute

535 Auparavant la juridiction de reacutevision disposait drsquooutils inapproprieacutes agrave sa mission

srsquoagissant essentiellement drsquoune proceacutedure eacutecrite srsquoinscrivant dans un contexte juridique

somme toute flou2 Deacutesormais les pratiques consacreacutees par la jurisprudence ont eacuteteacute retenues

par la nouvelle loi Ainsi le caractegravere contradictoire des audiences3 est maintenant codifieacute le

requeacuterant ou son conseil se voit confier la parole en dernier lieu qursquoil srsquoagisse de la formation

dinstruction4 ou de jugement5 Enfin lrsquoaccegraves aux piegraveces du dossier pour le requeacuterant son

avocat et la partie civile est maintenant expresseacutement preacutevu par le texte6

1 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit p 70 2 V supra ndeg 272 agrave 280 3 Article 624-3 du CPP laquo Le preacutesident de la cour peut au cours des deacutebats demander laudition par la formation de jugement de toute personne utile agrave lexamen de la demande raquo 4 Article 624 CPP laquo (hellip) Apregraves avoir recueilli les observations eacutecrites ou orales du requeacuterant ou de son avocat (hellip) raquo 5 Article 624-3 CPP laquo (hellip) la formation de jugement de la cour lexamine au fond et statue par un arrecirct motiveacute non susceptible de recours agrave lissue dune audience publique au cours de laquelle sont recueillies les observations orales ou eacutecrites du requeacuterant ou de son avocat (hellip) raquo 6 Article 624-6 CPP laquo Le requeacuterant et la partie civile peuvent se faire deacutelivrer copie de tout ou partie des piegraveces et actes du dossier raquo

210

536 Aux modifications structurelles srsquoajoutent des changements drsquoordre conjoncturel

B Les modifications conjoncturelles

537 Lrsquoaction du leacutegislateur srsquoest faite autour de trois axes - la facilitation pour le

requeacuterant de lrsquoeacutetablissement du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu (1) - une meilleure

justification de la deacutecision de suspendre ou de ne pas suspendre lrsquoexeacutecution de la

condamnation trop souvent assimileacutee par le passeacute agrave un fait du prince (2) - une composition

de la juridiction de reacutevision qui est deacutesormais deacutefinie par la loi (3)

1 Lrsquoeacutetablissement du fait nouveau faciliteacute

538 Par le passeacute le requeacuterant eacutetait confronteacute agrave des difficulteacutes pratiques dans

lrsquoeacutetablissement du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu1 Or la preuve de ces eacuteleacutements

conditionne le succegraves du recours Crsquoest pourquoi le nouveau texte autorise dans son chapitre

intituleacute laquo des demandes drsquoactes preacutealables raquo la sollicitation drsquoactes drsquoinvestigation en amont

de toute demande en reacutevision Selon lrsquoarticle 624-5 du Code de proceacutedure peacutenale il est offert

au justiciable les mecircmes avantages au cours de lrsquoinstruction de sa demande

539 Lrsquoarticle 626 du Code de proceacutedure peacutenale preacutevoit que le condamneacute deacutefinitif ou

toute personne autoriseacutee par la loi agrave preacutesenter une demande en reacutevision peut preacutealablement au

deacutepocirct de sa requecircte demander au procureur de la Reacutepublique la reacutealisation de tous les actes

qui lui paraissent utiles agrave la production dun fait nouveau ou agrave la reacuteveacutelation dun eacuteleacutement

inconnu le jour du procegraves

540 Cette preacuterogative est soumise agrave deux conditions Premiegraverement la demande doit

ecirctre eacutecrite et motiveacutee Deuxiegravemement elle doit porter sur des actes deacutetermineacutes et lorsquelle

concerne une audition preacuteciser lidentiteacute de la personne dont laudition est souhaiteacutee2

Monsieur TOURRET preacutecise que laquo la demande [doit] par exemple preacuteciser les actes qui

auraient pu ecirctre faits au cours de la premiegravere enquecircte mais qui ne lont pas eacuteteacute ou encore

inviter agrave exploiter des scelleacutes qui nauraient pas eacuteteacute analyseacutes une premiegravere fois ou que les

eacutevolutions technologiques permettraient de mieux exploiter ou deacuteclairer sous un jour

diffeacuterent (en exploitant des traces ADN que leacutetat des technologies navait pas permis

dexploiter agrave leacutepoque de lenquecircte) raquo3 Le procureur examine la demande et statue dans un

1 V supra ndeg 373 agrave 382 2 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit 3 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit p 71

211

deacutelai de deux mois1 par une deacutecision motiveacutee En cas de refus le procureur geacuteneacuteral se

prononce dans un deacutelai dun mois

541 Lrsquoarticle 624-5 du Code de proceacutedure peacutenale concerne la situation ougrave la

commission drsquoinstruction est deacutejagrave saisie drsquoune demande Pour faciliter lrsquoarticulation lrsquoarticle

624-5 du Code de proceacutedure peacutenale fait droit au requeacuterant de solliciter aupregraves de la

commission drsquoinstruction la reacutealisation de certains actes Celle-ci statue dans un deacutelai de 3

mois et rendra une deacutecision motiveacutee non susceptible de recours

2 Le pouvoir de suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation

542 La loi nouvelle a maintenu la possibiliteacute de suspendre lrsquoexeacutecution de la

condamnation agrave partir du moment ougrave la requecircte se trouve entre les mains de la commission

drsquoinstruction Il srsquoagit drsquoune solution inteacuteressante lorsque lrsquoinnocence se fait jour degraves

lrsquoouverture de lrsquoeacutetude de la recevabiliteacute Toutefois cette deacutecision incombe maintenant agrave la

chambre criminelle

543 Nous avons vu dans la premiegravere partie que sous lrsquoempire du droit anteacuterieur la

deacutecision de la commission ou de la Cour de suspendre ou de ne pas suspendre lrsquoexeacutecution

drsquoune condamnation srsquoimposait agrave tous et ceci sans possibiliteacute drsquoappel2 La reacuteincarceacuteration de

Monsieur Dany LE PRINCE a eacuteteacute lrsquoun des facteurs de la prise de conscience qursquolaquo il importe

dencadrer davantage les conditions dans lesquelles un organe chargeacute de linstruction des

requecirctes peut deacutecider de suspendre une condamnation influenccedilant ainsi le jugement de la

demande en reacutevision ou en reacuteexamen raquo3 Lrsquoouverture drsquoun droit drsquoappel de la deacutecision de

suspendre ou de ne pas suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation figurait dans la proposition

de loi Les deacuteputeacutes souhaitaient autoriser le parquet agrave faire appel de la deacutecision de la

commission dinstruction en accordant parallegravelement le mecircme droit au condamneacute Mais lrsquoideacutee

de lrsquoappel implique agrave lrsquoeacutegard de la commission la reacuteaffirmation drsquoun pouvoir de deacutecision Ce

pouvoir deacutecisionnel se heurte agrave lrsquoesprit de la loi nouvelle qui veut cantonner la commission

drsquoinstruction dans le rocircle drsquoun juge de la recevabiliteacute de la requecircte Crsquoest pourquoi la loi

nouvelle a preacutevu agrave lrsquoarticle 625 que laquo la commission dinstruction et la formation de

jugement peuvent saisir la chambre criminelle dune demande de suspension de lexeacutecution de

1 Le deacutelai initial eacutetait de 1 mois mais a eacuteteacute jugeacute insuffisant pour permettre un examen approfondi de la demande 2 V supra ndeg 397 agrave 405 3 Rapport du Seacutenat ndeg 467 concernant la proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive accessible sur httpwwwsenatfrrapl13-467l13-46712htmltoc105 p 37

212

la condamnation Le condamneacute peut eacutegalement demander la suspension de lexeacutecution de sa

condamnation agrave la commission dinstruction et agrave la formation de jugement qui transmettent

sa demande agrave la chambre criminelle Les membres de la chambre criminelle qui siegravegent au

sein de la cour de reacutevision et de reacuteexamen ne prennent pas part aux deacutebats ni agrave la deacutecision raquo

3 La nouvelle composition des juridictions de reacutevision

544 La question de la composition des juridictions de reacutevision eacutetait critiqueacutee1 En

effet le silence et les approximations du leacutegislateur pouvaient nourrir des soupccedilons de

partialiteacute Deacutesormais le nouvel article 623 du Code de proceacutedure peacutenale eacutenonce laquo la

demande en reacutevision ou la demande en reacuteexamen est adresseacutee agrave la cour de reacutevision et de

reacuteexamen Celle-ci est composeacutee de dix-huit magistrats de la Cour de cassation dont le

preacutesident de la chambre criminelle qui preacuteside la cour de reacutevision et de reacuteexamen Les dix-

sept autres magistrats sont deacutesigneacutes par lassembleacutee geacuteneacuterale de la Cour de cassation pour

une dureacutee de trois ans renouvelable une fois

Chacune des chambres de la Cour de cassation y est repreacutesenteacutee par trois de ses membres

Dix-sept magistrats suppleacuteants sont deacutesigneacutes dans les mecircmes conditions Le conseiller de la

chambre criminelle dont le rang est le plus eacuteleveacute est deacutesigneacute suppleacuteant du preacutesident de la

chambre criminelle raquo

545 Les requecirctes en reacutevision sont maintenant examineacutees par les cinq membres de la

commission dinstruction2 puis le cas eacutecheacuteant transmises aux treize autres membres qui

constituent la formation de jugement de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen La nouvelle

composition de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen srsquoinspire de la composition de lrsquoancienne

commission de reacuteexamen Lrsquoorganisation de cette cour regraveglementeacutee par la loi devrait effacer

les soupccedilons qui par le passeacute pesaient sur lrsquoimpartialiteacute de la juridiction Lrsquoapport de

laquo magistrats de la diversiteacute raquo issus des rangs de toutes les chambres de la Cour de cassation

constitue aussi un nouvel atout

546 Pour ce qui est des incompatibiliteacutes la loi se fixe comme objectif drsquointerdire agrave

tout magistrat de la juridiction de reacutevision de sieacuteger pour se prononcer sur une affaire dont il a

eu agrave connaicirctre par le passeacute Une deacuterogation agrave cette regravegle est preacutevue dans lrsquohypothegravese ougrave le

magistrat a pu prendre connaissance de lrsquoaffaire lors drsquoun preacuteceacutedent pourvoi en cassation

(juge du droit et non du fait) Une interpreacutetation trop stricte de lrsquointerdiction de sieacuteger aurait 1 V supra ndeg407 agrave 420 2 V Art 623-1 du CPP

213

eu pour conseacutequence de provoquer des problegravemes drsquoorganisation par rapport agrave la composition

de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen (de nombreuses affaires objets drsquoune demande en

reacutevision ont au preacutealable eacuteteacute examineacutees lors drsquoun pourvoi en cassation par la chambre

criminelle et donc par son preacutesident)

547 Deux dispositions sont preacutevues par la loi nouvelle pour eacuteviter qursquoun juge ait agrave

connaicirctre de maniegravere reacutepeacuteteacutee une mecircme affaire Dune part lrsquoarticle 623-1 du Code de

proceacutedure peacutenale preacutevoit que laquo les magistrats qui siegravegent au sein de la commission

dinstruction et leurs suppleacuteants ne peuvent sieacuteger au sein de la formation de jugement de la

cour de reacutevision et de reacuteexamen raquo Cette preacutecaution est conforme au principe de la seacuteparation

des fonctions dinstruction et de jugement rappeleacute par le Conseil constitutionnel dans sa

deacutecision du 8 juillet 2011 relative agrave la composition du tribunal pour enfants1 Deacutejagrave sous

lrsquoempire de la loi de 1989 les magistrats de la chambre criminelle qui avaient participeacute agrave

lexamen de laffaire par la commission de reacutevision ne sieacutegeaient pas agrave la Cour de reacutevision

Toutefois il sagissait dune pratique purement preacutetorienne Drsquoautre part lrsquoarticle 623 -1 du

Code de proceacutedure peacutenale preacutevoit que laquo Ne peuvent sieacuteger au sein de la commission

dinstruction et de la formation de jugement ou y exercer les fonctions du ministegravere public les

magistrats qui dans laffaire soumise agrave la cour de reacutevision et de reacuteexamen ont au sein

dautres juridictions soit fait un acte de poursuite ou dinstruction soit participeacute agrave une

deacutecision sur le fond relative agrave la culpabiliteacute du requeacuterant raquo

548 Toutefois lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision repose aussi sur drsquoautres

consideacuterations que celles preacutevues par les textes la concernant En effet les demandes de

reacutevision (particuliegraverement lrsquoeacutetape de lrsquoarticulation) se heurtaient souvent agrave des obstacles lieacutes agrave

certains aspects de la proceacutedure criminelle Une proceacutedure de reacutevision efficiente suppose un

renforcement des moyens mis agrave la disposition de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen Crsquoest

pourquoi le nouveau texte propose de mieux adapter la proceacutedure peacutenale agrave la reacutevision

sect 2 Lrsquoadaptation de la proceacutedure peacutenale agrave la reacutevision

549 Dans la premiegravere partie nous avons vu que le faible taux de reacuteussite en matiegravere

de reacutevision eacutetait lieacute agrave la difficulteacute de faire eacutemerger dans le temps un fait nouveau ou un

eacuteleacutement inconnu2 Ce constat eacutetait une conseacutequence de lrsquoorganisation de lrsquoensemble du

systegraveme peacutenal Aussi le leacutegislateur a-t-il preacutevu dans la loi de 2014 la mise en place de deux 1 Deacutecision ndeg 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 2 V supra ndeg 373 agrave 381

214

leviers destineacutes agrave encourager le surgissement drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu Le

premier consiste en lrsquoallongement de la dureacutee de conservation des scelleacutes (A) le second est le

renforcement de la meacutemoire de lrsquoaudience (B)

A Lrsquoallongement de la dureacutee de conservation des scelleacutes

550 La conservation des scelleacutes est essentielle pour augmenter les chances drsquoeacutelucider

une affaire criminelle ou deacutelictuelle1 En matiegravere de reacutevision la question de la conservation

des scelleacutes est primordiale srsquoagissant de preuves mateacuterielles susceptibles de servir de

fondement agrave une requecircte en reacutevision Lrsquoanalyse des scelleacutes srsquoest aveacutereacutee deacuteterminante dans

lrsquoaffaire MACHIN Le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu pouvant se manifester plusieurs

anneacutees apregraves la condamnation deacutefinitive le droit agrave la reacutevision pour le requeacuterant ne srsquoeacuteteint

jamais Crsquoest pourquoi il est important que les scelleacutes soient conserveacutes suffisamment

longtemps pour contribuer agrave la manifestation de la veacuteriteacute en cas de demande de reacutevision

551 Lrsquoancien article 41-4 du Code de proceacutedure peacutenale disposait que laquo si la

restitution na pas eacuteteacute demandeacutee ou deacutecideacutee dans un deacutelai de six mois agrave compter de la

deacutecision de classement ou de la deacutecision par laquelle la derniegravere juridiction saisie a eacutepuiseacute sa

compeacutetence les objets non restitueacutes deviennent proprieacuteteacute de lEtat sous reacuteserve des droits des

tiers 2raquo Dans un deacutelai de 6 mois apregraves le rendu drsquoun jugement deacutefinitif les scelleacutes concernant

lrsquoaffaire passeacutee pouvaient donc ecirctre deacutetruits Cette destruction drsquoordre pratique

(deacutesencombrement des greffes) soulevait de nombreuses questions En effet la disparition

preacutecipiteacutee de certains eacuteleacutements mateacuteriels du dossier pouvait constituer un obstacle agrave la

reacutevision Ainsi dans lrsquoaffaire LEPRINCE la destruction de lrsquoarme du crime en application de

lrsquoarticle 41-4 du Code de proceacutedure peacutenale a constitueacute un seacuterieux obstacle agrave la manifestation

de la veacuteriteacute

552 Il eacutetait donc regrettable que laquo la destruction rapide de ces scelleacutes [puisse

empecirccher] de faccedilon irreacutemeacutediable des investigations dont la neacutecessiteacute est aveacutereacutee raquo3 Crsquoest

pour cette raison que la commission de reacutevision a inviteacute en 2007 la Chancellerie agrave enjoindre

aux parquets de laquo conserver les scelleacutes dans les affaires les plus lourdes et deacutelicates raquo mais

1 V en ce sens Question orale avec deacutebat ndeg 0007A de M Jean-Patrick Courtois publieacutee dans le JO Seacutenat du 17102013 - page 2994 accessible sur httpwwwsenatfrquestionsbase2013qSEQ13100007Ahtml 2 Le deacutelai leacutegal de conservation des scelleacutes nrsquoa pas toujours eacuteteacute aussi bref Avant la loi ndeg 99-515 du 23 juin 1999 renforccedilant lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure peacutenale le deacutelai de conservation eacutetait de trois ans 3 Rapport de la Cour de cassation 2007 La documentation franccedilaise p 22

215

aussi dans celles laquo ougrave la culpabiliteacute du condamneacute est contesteacutee raquo et laquo tout particuliegraverement

quand le condamneacute ou son avocat en font la demande raquo1

553 Les progregraves scientifiques permanents et notamment ceux qui ont eacuteteacute reacutealiseacutes dans

le domaine geacuteneacutetique incitent fortement la justice agrave allonger la dureacutee de conservation des

scelleacutes2 Conscient de la situation le Garde des sceaux a indiqueacute dans une reacuteponse

ministeacuterielle que laquo les dispositions de lrsquoarticle 41-4 CPP nrsquoexcluent pas que certains scelleacutes

soient conserveacutes au-delagrave du deacutelai de 6 mois soit parce quun texte le preacutecise soit parce que le

procureur de la Reacutepublique en deacutecide ainsi notamment en cas de non-lieu sil nexclut pas la

reacuteouverture dune nouvelle information avant lexpiration du deacutelai de prescription raquo3 Il a eacuteteacute

preacuteciseacute dans une deacutepecircche du 16 mars 2011 diffuseacutee par la direction des affaires criminelles4 et

des gracircces que le deacutelai de conservation des scelleacutes pouvait ecirctre allongeacute au-delagrave de 6 mois

srsquoagissant de preuves mateacuterielles se rattachant agrave laquo - une proceacutedure dans laquelle une

deacutecision de non-lieu a eacuteteacute rendue mais pour laquelle la reacuteouverture dune nouvelle

information judiciaire avant lexpiration du deacutelai de prescription est envisageable - une

proceacutedure dans laquelle une deacutecision de classement sans suite de relaxe ou dacquittement a

eacuteteacute rendue mais pour laquelle la reacuteouverture dune enquecircte ou dune information judiciaire

avant lexpiration du deacutelai de prescription ne peut ecirctre exclue - une proceacutedure ayant fait

lobjet dune condamnation deacutefinitive mais pour laquelle la perspective dune demande de

reacutevision ou de reacuteexamen ne peut ecirctre exclueraquo5 Cet ameacutenagement faisait suite aux demandes

reacutecurrentes de la commission de reacutevision qui deacuteplorait officiellement chaque anneacutee

laquo la destruction de plus en plus freacutequente et de plus en plus rapide des piegraveces agrave conviction

apregraves deacutecision deacutefinitive en application des dispositions de lrsquoarticle 41-4 du code de

proceacutedure peacutenale interdisant toute expertise compleacutementaire qui aurait pourtant pu ecirctre utile

en raison notamment des progregraves scientifiques raquo

554 Toutefois comme lrsquoa souligneacute Madame le Professeur LAZERGES une deacutepecircche

ne constitue qursquo laquo un fondement textuel extrecircmement fragile pour preacutevoir une deacuterogation agrave un

article du code de proceacutedure peacutenale 6raquo De plus celle-ci ne comportait qursquoune

recommandation relative agrave la prolongation du deacutelai de conservation des scelleacutes dans des cas

1 Ibid Suggestions nouvelles ndash propositions de la commission de reacutevision p 20 2 G DEHARO Lrsquoarticulation du savoir et du pouvoir dans le preacutetoire Gaz Pal 2005 ndeg 265 p 3 speacutec4 3 Reacuteponse du 26 feacutevrier 2013 de la garde des Sceaux agrave la question ndeg 12574 de Mme Ceacutecile Untermaier 4 V Circulaire conjointe du 13 deacutecembre 2011 relative agrave la gestion des scelleacutes accessible sur httpwwwtextesjusticegouvfrart_pixJUSB1134112Cpdf 5 Crsquoest nous qui soulignons 6 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 85

216

particuliers Selon cette simple recommandation le deacutelai de conservation restait donc fixeacute agrave 6

mois

555 La loi du 20 juin 2014 a pris en compte cette attente Crsquoest ainsi que tout en

maintenant un deacutelai de principe de 6 mois le leacutegislateur a preacutevu une deacuterogation pour les

procegraves drsquoassises Il est deacutesormais preacuteciseacute par le nouvel article 41-6 du Code de proceacutedure

peacutenale que laquo Par deacuterogation aux articles 41-4 et 41-5 lorsquune proceacutedure sest acheveacutee

par une condamnation deacutefinitive prononceacutee par une cour dassises le procureur de la

Reacutepublique ou le procureur geacuteneacuteral qui envisage dordonner la remise au service des

domaines ou agrave lAgence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqueacutes ou la

destruction des objets placeacutes sous main de justice dans le cadre de cette proceacutedure en avertit

au preacutealable par eacutecrit le condamneacute Celui-ci dispose agrave compter de la notification de cet

avertissement dun deacutelai de deux mois pour lui faire part de son opposition En cas

dopposition si le procureur de la Reacutepublique ou le procureur geacuteneacuteral nentend pas renoncer

agrave la remise ou agrave la destruction des objets placeacutes sous main de justice il saisit par voie de

requecircte la chambre de linstruction qui se prononce dans un deacutelai dun mois Dans les cas

mentionneacutes au preacutesent article le procureur de la Reacutepublique ou le procureur geacuteneacuteral

reacuteexamine tous les cinq ans dans les mecircmes formes lopportuniteacute de proceacuteder agrave la remise ou

agrave la destruction des objets placeacutes sous main de justice raquo

556 Deacutesormais le deacutelai de conservation est de 5 ans renouvelable dans lrsquohypothegravese ougrave

le condamneacute informeacute par le procureur de leur destruction programmeacutee souhaite les

conserver Si la demande du condamneacute est rejeteacutee par le repreacutesentant du parquet un recours

est ouvert devant la chambre de lrsquoinstruction Le procureur de la Reacutepublique ou le procureur

geacuteneacuteral devra reacuteexaminer selon les mecircmes formes tous les cinq ans la possibiliteacute de

proceacuteder agrave la destruction des scelleacutes Le coucirct lieacute agrave la conservation des scelleacutes (482 millions

drsquoeuros en 2012) peut expliquer la porteacutee restrictive de cette regravegle qui ne concerne que les

crimes La situation est inchangeacutee pour les deacutelits Selon Monsieur TOURRET nouvelle

disposition laquo est eacutequilibreacutee elle ne renverse pas le principe geacuteneacuteral de conservation des

scelleacutes durant six mois mais se borne agrave ajouter une deacuterogation suppleacutementaire agrave celles

existantes limitant ainsi les investissements agrave reacutealiser pour leur stockage raquo1

1 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit p 54

217

557 Ensuite pour encourager le surgissement drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement

inconnu la loi nouvelle poursuit lrsquoadaptation de la proceacutedure peacutenale agrave la question de la

reacutevision en renforccedilant la meacutemoire de lrsquoaudience

B Le renforcement de la meacutemoire de lrsquoaudience

558 Lors de lrsquoexamen drsquoune requecircte en reacutevision la juridiction de reacutevision appreacutecie la

pertinence du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu invoqueacute Cette analyse srsquoeffectue en se

reacutefeacuterant au parcours proceacutedural anteacuterieur et surtout en srsquoattelant agrave lrsquoexamen des motivations

des deacutecisions qui ont eacuteteacute rendues Or la motivation des deacutecisions en particulier celles des

cours drsquoassises alors mecircme que la loi du 10 aout 2011 tendait vers une ameacutelioration srsquoavegravere

toujours insuffisante par rapport aux exigences de connaissance de la juridiction de reacutevision

(1) Plutocirct que drsquointervenir agrave nouveau sur la motivation en matiegravere criminelle le leacutegislateur a

preacutefeacutereacute opter pour lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats en cours drsquoassises (2)

1 Lrsquoinsuffisance de la motivation en matiegravere criminelle par rapport aux

besoins de connaissance du pourvoi en reacutevision

559 La motivation de la deacutecision permet de veacuterifier que celle-ci est laquo fondeacutee sur des

raisons logiques et non sur des motifs inavouables raquo et que laquo le tribunal nrsquoa pas statueacute en

fonction de preacutejugeacute personnel mais srsquoest fondeacute sur un raisonnement juridique et coheacuterent1 raquo

Devant les cours drsquoassises il a eacuteteacute longtemps admis que les dispositions de larticle 132-19

alineacutea 2 du Code peacutenal ne pouvaient srsquoappliquer aux deacutelibeacuterations drsquoun laquo tribunal

populaire 2raquo Crsquoest ainsi que larrecirct au fond ne comportait de motivation autre que la seule

reacuteponse aux questions poseacutees Cette pratique eacutetait jugeacutee par la France conforme aux exigences

du procegraves eacutequitable preacutevues agrave larticle 6 de la CEDH3 Cependant cette maniegravere de faire

srsquoopposait agrave la jurisprudence europeacuteenne4 Crsquoest pourquoi aujourdrsquohui la loi du 10 aoucirct 20115

a preacutevu agrave lrsquoarticle 365-1 du Code de proceacutedure peacutenale une obligation de motivation des

1 L BORE laquo La motivation des deacutecisions de justice et la CEDH raquo JCP G 2002 I p 104 2 A-S CHAVENT LECLERE Commentaire de la loi ndeg 2011-939 du 10 aoucirct 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice peacutenale et le jugement des mineurs Proceacutedures 2011 ndeg 11 eacutetude 11 laquo En matiegravere criminelle le droit franccedilais consacre une veacuteritable justice populaire en ce sens que les jureacutes ameneacutes agrave trancher des questions de culpabiliteacute et de peine sont des citoyens ordinaires raquo 3 Cass crim 12 mars 2008 ndeg 07-83965 Cass crim 10 deacutec 2008 ndeg 08-82880 Cass crim 7 janv 2009 ndeg 08-83672 4 CEDH Grande chambre 16 novembre 2010 Taxquet c Belgique Req ndeg 92605 5 Loi ndeg 2011-939 du 10 aoucirct 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice peacutenale et le jugement des mineurs

218

deacutecisions des cours drsquoassises dans une annexe agrave la feuille des questions dite laquo feuille de

motivation raquo1

560 En cas de condamnation la motivation de la deacutecision reprend les eacuteleacutements des

deacutelibeacuterations qui ont contribueacute agrave convaincre la cour drsquoassises de la culpabiliteacute de lrsquoaccuseacute2

Dans lrsquohypothegravese ougrave lrsquoaffaire est laquo drsquoune particuliegravere complexiteacute raquo la feuille de motivation

peut ecirctre reacutedigeacutee apregraves le prononceacute de la deacutecision et ce dans un deacutelai de trois jours

561 Toutefois cet ameacutenagement parait encore incomplet3 pour satisfaire pleinement

les exigences de transparence des deacutecisions une fois attaqueacutees en reacutevision4 En effet seuls les

laquo principaux raquo eacuteleacutements agrave charge ayant motiveacute la deacutecision de la cour drsquoassises sont

mentionneacutes dans la feuille de motivation Comme il est indiqueacute dans la

circulaire drsquoapplication de la loi seule est exigeacutee une laquo mise en forme syntheacutetique et

succincte raquo des eacuteleacutements agrave charge donc les plus importants Il srsquoagit surtout des eacuteleacutements qui

ont servi de fondement agrave la conviction du plus grand nombre de jureacutes La feuille de

motivation peut consister en une laquo simple eacutenumeacuteration de ces eacuteleacutements raquo qui est laquo beaucoup

plus concise si lrsquoaccuseacute a reconnu les faits raquo Elle ne contient laquo ni la deacutemonstration de la

culpabiliteacute de lrsquoaccuseacute ni lrsquoexposeacute de lrsquoensemble des eacuteleacutements agrave charge retenus contre lui raquo

ni laquo la liste de lrsquoensemble des eacuteleacutements agrave deacutecharge que la cour nrsquoaura par deacutefinition pas

retenus raquo De plus ces dispositions connaissent des applications diffeacuterentes selon les acteurs

au procegraves drsquoassises5

1 J PRADEL Aperccedilu rapide JCP G 2011 ndeg923 P De COMBLES DE NAYVES Un pas vers le controcircle des motivations des cours drsquoassises obs sous cass crim 20 novembre 2013 AJ Peacutenal 2014 p 81 2 C PAFFENHOFF La deacutelibeacuteration de la Cour drsquoassises Proceacutedures 2011 ndeg 3 dossier 7 3 A-S CHAVENT LECLERE op cit ndeg 14 laquo Conceptuellement il est difficile de percevoir agrave travers le peu de clarteacute de la disposition si la Cour dassises doit exposer les raisons qui lont convaincue ou si elle peut sen passer Le leacutegislateur semble avoir eu du mal ici agrave concilier le principe immuable de lintime conviction avec la reacutecente exigence de la motivation quand bien mecircme cette cohabitation na jamais poseacute de problegraveme sagissant des deacutecisions correctionnelles raquo 4 C LAZERGES Reacuteflexions sur lrsquoerreur judiciaire op cit p 709 laquo (hellip) la motivation est en effet aussi un instrument de preacutevention des erreurs judiciaires raquo 5 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 92 laquo Si certains magistrats se conforment a minima aux prescriptions leacutegales parfois par des formules sibyllines ou en eacutetablissant en quelques lignes les principaux eacuteleacutements agrave charge drsquoautres reproduisent partiellement la deacutecision de renvoi eacutemanant de la juridiction drsquoinstruction nettement plus deacutetailleacutee quant aux circonstances et aux faits susceptibles drsquoeacutetablir la culpabiliteacute de lrsquoaccuseacute Ni lrsquoune ni lrsquoautre de ces solutions nrsquoapparaissent tout agrave fait satisfaisantes bien qursquoil faille reconnaicirctre que dans le deacutelai imparti par la loi il soit difficile de faire autrement Comment expliciter dans le deacutetail lrsquointeacuterecirct preacutesenteacute par chacun des eacuteleacutements agrave charge au regard du verdict final quand la motivation doit ecirctre reacutedigeacutee immeacutediatement agrave lrsquoissue du deacutelibeacutereacute apregraves de longues heures de deacutebat et sous la pression leacutegitime drsquoun condamneacute dans lrsquoattente de son verdict Certes la loi preacutevoit que la reacutedaction peut ecirctre diffeacutereacutee mais cette faculteacute doit ecirctre reacuteserveacutee aux affaires les plus complexes et revecirct en reacutealiteacute un caractegravere exceptionnel raquo

219

562 La motivation trop lapidaire peut affaiblir le corpus de la deacutecision rendue En

lrsquoeacutetat la motivation des deacutecisions de cours drsquoassises ne reacutepond que marginalement aux

exigences de curiositeacute de la proceacutedure de reacutevision1 Toutefois reacuteformeacutee il y a de cela moins

de trois ans il parait encore preacutematureacute de dresser un bilan preacutecis des dispositions en vigueur

Crsquoest ainsi que la loi nouvelle a fait le choix de preacuteserver la meacutemoire de lrsquoaudience en optant

pour lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats aux assises

2 Lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats aux assises

563 Le succegraves drsquoune requecircte en reacutevision est conditionneacute par la deacutecouverte de la

preuve drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu Or il semble souvent difficile pour les

magistrats de la commission drsquoinstruction de deacuteterminer et ce mecircme depuis la loi du 10 aoucirct

2011 si lrsquoeacuteleacutement en question a deacutejagrave ou non eacuteteacute deacutebattu

564 En matiegravere correctionnelle larticle 453 du Code de proceacutedure peacutenale preacutevoit que

laquo le greffier tient note du deacuteroulement des deacutebats et principalement sous la direction du

preacutesident des deacuteclarations des teacutemoins ainsi que des reacuteponses du preacutevenu raquo Dans ce cas la

meacutemoire du contenu des deacutebats est preacuteserveacutee dans ses moindres deacutetails2 En revanche en

matiegravere criminelle loraliteacute des deacutebats des cours dassises interdit de reproduire avec

exactitude les deacuteclarations des teacutemoins experts ou autres intervenants au procegraves Lrsquoabsence

de compte rendu inteacutegral des deacutebats non combleacute par la feuille de motivation soulegraveve le

problegraveme de lrsquoapport de la preuve du fait nouveau et de lrsquoeacuteleacutement inconnu

565 On aurait pu penser que lrsquoarticle 308 du Code de proceacutedure peacutenale (ancienne

reacutedaction) apportait une solution agrave cette difficulteacute3 En effet il disposait laquo le preacutesident de la

cour dassises peut ordonner que les deacutebats feront lobjet en tout ou partie sous son controcircle

dun enregistrement sonore Il peut eacutegalement agrave la demande de la victime ou de la partie

civile ordonner que laudition ou la deacuteposition de ces derniegraveres feront lobjet dans les mecircmes

conditions dun enregistrement audiovisuel raquo Toutefois simple modaliteacute technique laisseacutee agrave

1 N FRICERO Motivation des arrecircts drsquoassises Proceacutedures 2013 comm 72 J NORMAND laquo Le domaine du principe de motivation raquo in La motivation Travaux de lrsquoassociation H Capitant LGDJ 2000 p18 2 La CNCDH laquorecommande de reacutefleacutechir agrave la deacutefinition drsquoune meacutethode rigoureuse de reacutedaction des notes et procegraves-verbaux drsquoaudience notamment dans le cadre drsquoun partenariat entre lrsquoEcole nationale des greffes et lrsquoEcole nationale de la magistrature raquo V CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 41 3 Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi ndeg 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et drsquoallegravegement des proceacutedures la commission de reacutevision dispose drsquoun accegraves libre agrave ces enregistrements

220

lrsquoappreacuteciation des preacutesidents de cours lenregistrement sonore ou audiovisuel des deacutebats eacutetait

somme toute rarement mis en place

566 Deacutesormais la nouvelle loi apporte la solution en imposant lrsquoenregistrement

systeacutematique des deacutebats drsquoaudience aux assises La nouvelle reacutedaction de lrsquoarticle 308 fait

deacutesormais obligation au preacutesident de recourir agrave cette technique laquo toutefois les deacutebats de la

cour dassises font lobjet dun enregistrement sonore sous le controcircle du preacutesident Le

preacutesident peut eacutegalement agrave la demande de la victime ou de la partie civile ordonner que

laudition ou la deacuteposition de ces derniegraveres fassent lobjet dans les mecircmes conditions dun

enregistrement audiovisuel raquo Le renouvellement des teacutemoignages en appel des proches et

des victimes consistait en un rendez-vous douloureux avec lrsquoauteur du crime rejugeacute

Lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats a donc comme autre avantage drsquoeacuteviter une nouvelle

eacutepreuve et de faciliter un eacuteventuel travail de deuil

221

Conclusion du chapitre 1

567 Lrsquoanneacutee 2014 a eacuteteacute le marqueur drsquoun veacuteritable bouleversement dans le domaine

de la reacutevision Elle a mis fin agrave une longue peacuteriode drsquoimmobilisme puisque le leacutegislateur a

enfin reconnu que la lutte contre lrsquoerreur judiciaire et sa reacuteparation impliquaient une prise en

compte conjointe de lrsquoexigence de seacutecurisation de la proceacutedure en amont du pourvoi en

reacutevision et drsquoune meilleure accessibiliteacute de ce recours

568 Force est de constater que les modifications intervenues en 2014 comportent de

reacuteelles avanceacutees comme la regraveglementation de la composition de la juridiction de reacutevision

Lrsquointervention heureuse du leacutegislateur a concerneacute tant lrsquoaspect structurel que conjoncturel de

la proceacutedure

569 Toutefois une reacuteforme de la reacutevision efficace implique un changement au niveau

de la perception des rapports entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision Crsquoest

donc en toute logique que le chapitre 2 traitera de cette question Nous nous apercevrons que

lrsquoantagonisme entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoa pas disparu

depuis la reacuteforme

222

CHAPITRE 2 LE MAINTIEN DrsquoUNE APPROCHE

TROP RESTRICTIVE DE LA REVISION

570 Le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a eacuteteacute preacutesenteacute comme le fondement de

la proceacutedure de reacutevision Le leacutegislateur soucieux de regraveglementer le pourvoi en reacutevision a eacuteteacute

contraint de reacutesoudre lrsquoeacutepineuse question de lrsquoarbitrage entre le perfectionnisme de la justice

et la stabiliteacute des deacutecisions La recherche de ce subtil eacutequilibre est agrave lrsquoorigine de bien des

difficulteacutes que la loi de 1989 nrsquoa jamais reacuteussi agrave reacutesoudre Les justifications traditionnelles de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee tant neacutegative que positive ont pour conseacutequence drsquoentretenir une

contradiction quasi inextricable entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision Crsquoest ainsi que

le leacutegislateur et la jurisprudence adoptaient par rapport agrave la reacutevision une attitude prudente

voire restrictive Or un repli de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee (plus particuliegraverement son volet

neacutegatif) vers ses veacuteritables fonctions serait le vecteur de la reconnaissance drsquoun

rapprochement entre la reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Crsquoest pourquoi toute reacuteforme

du pourvoi en reacutevision doit srsquoaccompagner drsquoun travail de questionnement sur lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee En effet comment ameacuteliorer la proceacutedure de reacutevision si la base de lrsquoeacutedifice

renferme elle-mecircme des fragiliteacutes

571 La loi du 20 juin 2014 se fixe comme objectif de faciliter lrsquoaccessibiliteacute de la

proceacutedure de reacutevision Atteindre cet objectif suppose que le leacutegislateur srsquoattegravele agrave travers cette

loi agrave eacutelargir son champ de vision sur le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee En lrsquoabsence

de cette reacuteflexion toute reacuteforme susceptible drsquoameacuteliorer lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision

serait vaine

572 Sur certains points le nouveau texte prend en compte le laquo vice congeacutenital de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui fait triompher la valeur de seacutecuriteacute sur la valeur de justice raquo1

Toutefois malgreacute ces efforts lrsquoattachement agrave la conception traditionnelle de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee reste bien preacutesent Il en reacutesulte qursquoentre les deux impeacuteratifs agrave concilier la

tendance agrave la stabiliteacute a de nouveau pris le pas sur celle du perfectionnisme de la justice

(section 1) Il nrsquoest nullement question drsquoenvisager un abandon de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

indispensable agrave la preacuteservation de la paix sociale Une telle solution deacutenaturerait le caractegravere

1 H MOTULSKY op cit

223

extraordinaire de la reacutevision Toutefois la paix sociale figurant aussi au cœur du pourvoi en

reacutevision elle devrait contribuer agrave nuancer la logique oppositionnelle Or la loi de 2014

srsquoinscrit dans le droit fil de la conception traditionnelle Cette vision risque drsquoentraver comme

ce fut le cas en 1989 lrsquoeacuteclosion des aspects libeacuteraux du texte (Section 2)

Section 1 Lrsquoattachement agrave la conception traditionnelle

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

573 Les rapporteurs de la loi de 2014 ont laquo acquis la conviction qursquoun changement

leacutegislatif eacutetait neacutecessaire raquo1 estimant que la proceacutedure de reacutevision nrsquoeacutetait pas suffisamment

accessible La nouvelle loi a donc eu pour ambition drsquoeacutelargir lrsquoaccegraves agrave la proceacutedure En

reacutealiteacute il srsquoagissait de srsquoattaquer au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee En effet le fait de

faciliter lrsquoaccegraves agrave la reacutevision a pour conseacutequence de modifier lrsquoeacutequilibre entre les deux

tendances qui se disputent la preacuteeacuteminence au sein de la proceacutedure de reacutevision celle du

perfectionnisme qui se caracteacuterise par la volonteacute afficheacutee de rendre la meilleure justice

possible et celle lieacutee agrave la stabiliteacute des deacutecisions de justice impliquant agrave un moment donneacute de

ne plus pouvoir remettre en cause une deacutecision Quelle est donc la porteacutee reacuteelle des

changements voulus par le nouveau texte Lrsquoaccessibiliteacute de la proceacutedure de reacutevision est-elle

deacutesormais mieux garantie Le texte est-il agrave la hauteur de ses ambitions

574 Le leacutegislateur tente de faciliter les conditions de lrsquoouverture du recours en

agissant sur deux leviers relatifs respectivement aux personnes pouvant initier la reacutevision et

aux cas drsquoouverture de la reacutevision Srsquoagissant du premier point lrsquoobjectif drsquoouverture paraicirct

atteint En effet deacutesormais un nombre plus important de personnes peut deacuteposer une requecircte

(sect 1) En revanche le traitement de la question ocirc combien cruciale de la facilitation des cas

drsquoouverture est deacutecevant (sect 2)

sect 1 Lrsquoouverture de la reacutevision agrave de nouveaux requeacuterants

575 Les condamneacutes sont les plus nombreux agrave se pourvoir devant la commission

Toutefois le recours est accessible agrave drsquoautres demandeurs Le leacutegislateur srsquoest preacutemuni contre

des abus en eacutetablissant une liste des personnes autoriseacutees agrave agir Les requecirctes formuleacutees par

des demandeurs non preacutevus sont donc rejeteacutees2 Lrsquoexistence drsquoune telle liste se justifie encore

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 61 2 V Cass crim 24 mars 1994 Bull ndeg 115 et eacutegalement Cass crim 14 deacutec 2006 ndeg 05-82943 Bull ndeg 315

224

faut-il qursquoelle ne soit pas au service exclusif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et de nature agrave

brider lrsquoexercice du droit drsquoagir Sur ce point le nouveau texte fait preuve drsquoune ouverture

(B) par rapport au caractegravere restrictif de lrsquoancienne leacutegislation de 1989 (A)

A Le caractegravere restrictif des dispositions de 1989

576 Lrsquoancien article 623 du Code de proceacutedure peacutenale disposait sans distinction du

cas drsquoouverture invoqueacute1 que laquo la reacutevision [pouvait] ecirctre demandeacutee 1deg Par le ministre de la

justice 2deg Par le condamneacute ou en cas dincapaciteacute par son repreacutesentant leacutegal 3deg Apregraves la

mort ou labsence deacuteclareacutee2 du condamneacute par son conjoint ses enfants ses parents ses

leacutegataires universels ou agrave titre universel3 ou par ceux qui en ont reccedilu de lui la mission

expresse raquo

577 Lrsquoimpact de cette liste exhaustive qui ouvrait theacuteoriquement la porte agrave un

foisonnement du nombre de requecirctes eacutetait en reacutealiteacute moins important que preacutevu

Lrsquoexplication de cette modeacuteration avait pour origine les restrictions lieacutees au cas du deacutecegraves ou

de lrsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacute (1) et lrsquoabsence de pouvoir drsquoagir reconnu au ministegravere

public (2)

1 Le cas du deacutecegraves ou de lrsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacute

578 En cas de deacutecegraves ou drsquoabsence du condamneacute lrsquoaction eacutetait limiteacutee dans le temps

Seuls les parents ou les repreacutesentants de la premiegravere geacuteneacuteration du deacutefunt ou de lrsquoabsent

pouvaient agir Cette limite se justifiait par lrsquoideacutee selon laquelle lrsquoeacutelargissement du champ

drsquoaction se heurterait agrave des difficulteacutes probatoires auxquelles se rajouterait lrsquoabsence drsquointeacuterecirct

agrave agir En ce sens il eacutetait consideacutereacute comme peu probable que la condamnation litigieuse ne

produise encore des effets sur la famille du condamneacute ou sur la socieacuteteacute Pourtant

lrsquointerdiction faite aux petits-enfants de former un recours eacutetait de nature agrave ignorer les

1 Avant la loi de 1989 la deacutetermination des requeacuterants autoriseacutes agrave deacuteposer une demande en reacutevision deacutependait du cas drsquoouverture invoqueacute Il fallait distinguer les cas deacutetermineacutes du quatriegraveme cas drsquoouverture V en ce sens H ANGEVIN Les demandeshellip op cit ndeg 69 agrave 102 2 Au sens de lrsquoarticle 122 du Code civil Cet article preacutevoit que laquo lorsquil se sera eacutecouleacute dix ans depuis le jugement qui a constateacute la preacutesomption dabsence soit selon les modaliteacutes fixeacutees par larticle 112 soit agrave loccasion de lune des proceacutedures judiciaires preacutevues par les articles 217 et 219 1426 et 1429 labsence pourra ecirctre deacuteclareacutee par le tribunal de grande instance agrave la requecircte de toute partie inteacuteresseacutee ou du ministegravere public Il en sera de mecircme quand agrave deacutefaut dune telle constatation la personne aura cesseacute de paraicirctre au lieu de son domicile ou de sa reacutesidence sans que lon en ait eu de nouvelles depuis plus de vingt ans raquo 3 Cass crim 17 juin 1996 ndeg 00-90154 Bull ndeg 255 Comm reacutevision 28 juin 1996 ndeg 00-99001 Bull ndeg 28 En revanche le deacutecegraves du condamneacute posteacuterieur au deacutepocirct de sa demande mettait fin agrave la proceacutedure si elle nrsquoeacutetait pas reprise par une des personnes eacutenumeacutereacutees V Comm reacutevision 10 janv 2000 ndeg 00-99047 Bull ndeg 6 H ANGEVIN op cit ndeg 105

225

souffrances ou stigmates que pouvait provoquer sur la deuxiegraveme geacuteneacuteration des descendants

du condamneacute une condamnation jugeacutee injuste Les affaires DOMINICI et SEZNEC eacutetaient

lrsquoillustration de ces situations Crsquoest ainsi que de cette douleur pouvait mecircme rejaillir sur la

troisiegraveme geacuteneacuteration En effet les progregraves de la meacutedecine de la nutrition et de lrsquohygiegravene de

vie ont favoriseacute la baisse de la mortaliteacute infantile et lrsquoallongement de la dureacutee de vie sur

plusieurs geacuteneacuterations Parallegravelement lrsquoexclusion des fregraveres et sœurs empecircchait la reacutevision

drsquoune deacutecision de justice deacutefinitive concernant un condamneacute ceacutelibataire et sans enfants

deacuteceacutedeacute et dont les parents seraient eacutegalement disparus Dans le mecircme sens en cas de deacutecegraves

ou drsquoabsence deacuteclareacutee ce droit nrsquoeacutetait ouvert qursquoau seul conjoint Cette situation ignorait de

fait les mutations socieacutetales telles les nouveaux modes de communauteacutes de vie que sont le

concubinage et le PACS

579 La possibiliteacute offerte au Ministre de la justice de deacuteposer une requecircte pouvait ecirctre

un contrepoids agrave cette liste restrictive Toutefois il nrsquoest pas eacutevident que cette intervention

ministeacuterielle pouvait venir efficacement au secours des laquo oublieacutes raquo De 1989 agrave 2014 seules

neuf requecirctes en reacutevision avaient eacuteteacute deacuteposeacutees agrave lrsquoinitiative du Garde des sceaux

580 De plus cette liste eacutetait marqueacutee par lrsquoabsence du ministegravere public En effet il a

la charge de la deacutefense impartiale1 des inteacuterecircts de la socieacuteteacute Il est selon lrsquoarticle 66 de la

Constitution le garant des liberteacutes individuelles

2 Le ministegravere public priveacute du pouvoir drsquoagir

581 Cette absence eacutetait drsquoautant plus surprenante que le ministegravere public pouvait

drsquoune part solliciter le reacuteexamen drsquoune deacutecision deacutefinitive dans le cadre drsquoune condamnation

de la France par la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme2 et drsquoautre part former un

pourvoi en cassation dans lrsquointeacuterecirct de la loi contre une deacutecision deacutefinitive3 Le plein exercice

de ses preacuterogatives aurait donc supposeacute qursquoon lui reconnaisse le droit de demander la reacutevision

drsquoune condamnation deacutefinitive Lrsquoesprit de la loi du 25 juillet 20134 qui clarifie les rapports

1 Article 31 du CPP laquo Le ministegravere public exerce lrsquoaction publique et requiert lrsquoapplication de la loi dans le respect du principe drsquoimpartialiteacute auquel il est tenu raquo 2 Lrsquoancien article 626-2 CPP disposait laquo Le reacuteexamen peut ecirctre demandeacute par [hellip] le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation raquo 3 Article 621 CPP laquo Lorsquil a eacuteteacute rendu par une cour dappel ou dassises ou par un tribunal correctionnel ou de police un arrecirct ou jugement en dernier ressort sujet agrave cassation et contre lequel neacuteanmoins aucune des parties ne sest pourvue dans le deacutelai deacutetermineacute le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation peut doffice et nonobstant lexpiration du deacutelai se pourvoir mais dans le seul inteacuterecirct de la loi contre ledit jugement ou arrecirct raquo 4 Loi ndeg 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministegravere public en matiegravere de politique peacutenale et de mise en œuvre de laction publique

226

entre la Chancellerie et les magistrats du ministegravere public tendait drsquoailleurs vers cette

solution1

582 Il parait eacutevident que lrsquoexclusion du ministegravere public eacutetait deacuterangeante car elle

empecircchait lrsquoexercice drsquoun recours dans des situations dont lrsquointeacuterecirct eacutetait certain

583 Le leacutegislateur de 2014 a incontestablement ameacutelioreacute la situation en eacutelargissant le

spectre de la liste des personnes autoriseacutees agrave deacuteposer une requecircte en reacutevision Ces possibiliteacutes

nouvelles sont de nature agrave remettre en cause lrsquoheacutegeacutemonie de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

B Un nouveau texte plus libeacuteral

584 Deacutesormais le nouvel article 622-2 du Code de proceacutedure peacutenale dispose laquo La

reacutevision et le reacuteexamen peuvent ecirctre demandeacutes laquo 1deg Par le ministre de la justice 2deg Par le

procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation 3deg Par le condamneacute ou en cas dincapaciteacute

par son repreacutesentant leacutegal 4deg Apregraves la mort ou labsence deacuteclareacutee du condamneacute par son

conjoint le partenaire lieacute par un pacte civil de solidariteacute son concubin ses enfants ses

parents ses petits-enfants ou arriegravere-petits-enfants ou ses leacutegataires universels ou agrave titre

universel La reacutevision peut en outre ecirctre demandeacutee par les procureurs geacuteneacuteraux pregraves les

cours dappel raquo

585 Ce nouveau texte compareacute agrave lrsquoancien article 623 met en eacutevidence la

libeacuteralisation de la proceacutedure En effet la reacutevision drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive peut

deacutesormais ecirctre solliciteacutee par un nombre plus important de personnes Le leacutegislateur a multiplieacute

les possibiliteacutes de deacutepocirct drsquoune requecircte en cas de deacutecegraves ou drsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacute

(1) Il a eacutegalement affirmeacute le rocircle du ministegravere public qui peut enfin prendre lrsquoinitiative de

deacuteposer une requecircte en reacutevision (2)

1 Le cas du deacutecegraves ou de lrsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacute

586 Confronteacute aux eacutevolutions socieacutetales le leacutegislateur a eacutelargi la liste en direction du

du pacseacute et du concubin La mention inusiteacutee de laquo ceux qui en ont reccedilu de lui la mission

expresse raquo ne figure plus dans le nouveau texte2 De plus le droit agrave la reacutevision srsquoapplique

deacutesormais aux petits enfants et arriegraveres petits-enfants du condamneacute Crsquoest ainsi que le

1 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1047 relatif aux attributions du Garde des sceaux et des magistrats du ministegravere public en matiegravere de politique peacutenale et drsquoaction publique preacutesenteacute par Monsieur J-Y LE BOUILLONNEC 21 mai 2013 accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rapportsr1047asp 2 Cette possibiliteacute nrsquoavait jamais eacuteteacute utiliseacutee

227

leacutegislateur a ouvert la voie agrave la justice meacutemorielle en permettant de faire jaillir la veacuteriteacute dans

lrsquohypothegravese ougrave le fait nouveau interviendrait apregraves le deacutecegraves ou lrsquoabsence du condamneacute et

voire apregraves la disparition de la premiegravere geacuteneacuteration Srsquoagissant drsquoune reacuteelle avanceacutee ce

dispositif peut toutefois soulever certaines difficulteacutes quant agrave son application pratique1 En

effet pourrait se poser la question des soldats fusilleacutes pour lrsquoexemple durant la premiegravere

Guerre Mondiale Lrsquoouverture du recours agrave la deuxiegraveme et troisiegraveme geacuteneacuteration du condamneacute

permettrait drsquoaccueillir des demandes de reacutevision formeacutees contre les condamnations agrave mort

prononceacutees par les tribunaux militaires entre 1914 et 1918 Dans ce cas une reacuteformation

tardive des condamnations peacutenales deacutefinitives se heurterait agrave de nombreux obstacles

notamment ceux lieacutes agrave la preuve de lrsquoinnocence des soldats fusilleacutes dans des circonstances

troubleacutees

2 Le ministegravere public titulaire drsquoun droit drsquoagir

587 Le nouveau texte met fin agrave lrsquoabsence incompreacutehensible du ministegravere public qui

nrsquoeacutetait pas listeacute parmi les personnes autoriseacutees agrave agir Il permet au procureur geacuteneacuteral pregraves la

Cour de cassation de deacuteposer une requecircte en reacutevision agrave lrsquoinstar du pouvoir dont il disposait

deacutejagrave en matiegravere de reacuteexamen Sont eacutegalement autoriseacutes agrave agir les procureurs geacuteneacuteraux pregraves les

cours dappel

588 Avant 2014 le Ministre de la justice eacutetait la seule autoriteacute judiciaire habiliteacutee agrave

deacuteposer une requecircte en reacutevision A lrsquoeacutepoque le parquet qui voulait initier le deacutepocirct drsquoune

requecircte devait donc obligatoirement en reacutefeacuterer au garde des Sceaux laquo Dans les faits les

services de la chancellerie nrsquoont jamais refuseacute agrave un procureur geacuteneacuteral lrsquoexercice drsquoun tel

recours raquo2 Par exemple dans lrsquoaffaire Marc MACHIN la reacutevision a en reacutealiteacute eacuteteacute initieacutee par

le procureur geacuteneacuteral pregraves la cour drsquoappel de Versailles qui srsquoest adresseacute au Ministre de la

justice Toutefois le bien-fondeacute de cette situation ougrave le pouvoir politique eacutetait un acteur

incontournable de la proceacutedure pouvait paraicirctre pour le moins curieux Le nouveau texte a le

meacuterite drsquoapporter une clarification et de recentrer le pourvoi en reacutevision vers une pratique plus

conforme avec le principe de seacuteparation des pouvoirs

589 La preacutesence du ministegravere public a pour conseacutequence de faciliter lrsquoaction de celui

qui bien que ne figurant pas sur la liste des requeacuterants aurait inteacuterecirct agrave agir En effet il semble

plus commode de srsquoadresser au procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation ou la cour drsquoappel 1 Sur ce point V E ALLAIN Les vieilles affaires AJ Peacutenal 2015 p 165 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit ndeg 86

228

que de solliciter lrsquointervention du Ministre de la justice De plus les nouvelles preacuterogatives du

ministegravere public sont la conseacutequence logique de la possibiliteacute qui est deacutesormais offerte au

condamneacute de solliciter aupregraves du parquet la reacutealisation drsquoactes drsquoinvestigations1 Dans

lrsquohypothegravese ougrave les investigations deacutebouchent sur la deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers

susceptible drsquoecirctre identifieacute comme le vrai coupable la logique veut que le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel en soit informeacute et puisse en tirer les conseacutequences qui srsquoimposent

590 Srsquoagissant de cette nouvelle preacuterogative il faudra en lrsquoabsence de preacutecisions du

texte veiller agrave diffeacuterencier le membre du ministegravere public agrave lrsquoinitiative du deacutepocirct de la requecircte

de celui en charge des conclusions devant la commission drsquoinstruction puis devant la Cour de

reacutevision et de reacuteexamen En effet eacutetroitement lieacutee agrave des questions de fait la reacutevision implique

lrsquointervention drsquoun avocat geacuteneacuteral diffeacuterent aux divers stades de la proceacutedure permettant ainsi

de jeter un double voire un triple regard sur les faits Il aurait eacuteteacute neacutecessaire de mentionner

cette incompatibiliteacute agrave lrsquoarticle 623-1 du Code de proceacutedure peacutenale qui preacutevoit que laquo ne

peuvent sieacuteger au sein de la commission dinstruction et de la formation de jugement ou y

exercer les fonctions du ministegravere public les magistrats qui dans laffaire soumise agrave la cour

de reacutevision et de reacuteexamen ont au sein dautres juridictions soit fait un acte de poursuite ou

dinstruction soit participeacute agrave une deacutecision sur le fond relative agrave la culpabiliteacute du requeacuterant raquo

591 Le ministegravere public deacutesormais autoriseacute agrave formuler une requecircte en reacutevision se

pose donc la question de lrsquoopportuniteacute du maintien des attributions du Garde des sceaux

Depuis la loi ndeg 2013-669 du 25 juillet 20132 le garde des Sceaux ne peut plus dans le cadre

drsquoaffaires individuelles adresser des instructions aux magistrats du parquet Ainsi le principe

de seacuteparation des pouvoirs commanderait selon Monsieur VIOUT que le Garde des Sceaux

repreacutesentant de lrsquoexeacutecutif ne puisse plus agrave lrsquooccasion drsquoune demande de reacutevision drsquoune

condamnation interfeacuterer avec le cours de la justice3 Toutefois il ressort que laquo la possibiliteacute

drsquointroduire un recours en reacutevision ne saurait ecirctre analyseacutee comme une instruction

individuelle donneacutee par le garde des Sceaux raquo De plus la reconduction de cette preacuterogative

historique accordeacutee au Ministre de la justice preacutesente lrsquointeacuterecirct drsquooffrir un outil suppleacutementaire

agrave lrsquoexercice de la reacutevision

1 V supra ndeg 531 2 Loi ndeg 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministegravere public en matiegravere de politique peacutenale et de mise en œuvre de laction publique 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de J-O VIOUT p 241

229

592 La comparaison faite entre les deux textes deacutebouche sur le constat drsquoune

libeacuteralisation incontestable de la proceacutedure qui se trouve deacutesormais accessible agrave un plus grand

public Toutefois afin de garantir une meilleure accessibiliteacute de la proceacutedure de reacutevision

lrsquoeacutelargissement du nombre des demandeurs doit neacutecessairement srsquoaccompagner drsquoun

assouplissement des cas drsquoouverture du recours Ce postulat est indispensable agrave la reacuteussite de

la reacuteforme En effet la question des cas drsquoouverture constituait le principal point

drsquoachoppement de la loi de 19891 Il faut donc maintenant srsquointeacuteresser agrave lrsquoefficaciteacute de la

nouvelle loi qui se veut plus libeacuterale srsquoagissant du cas drsquoouverture Dans lrsquohypothegravese drsquoun

eacutelan libeacuteral lrsquoeacutelargissement de la liste des demandeurs aura un reacuteel inteacuterecirct Dans le cas

contraire lrsquoinitiative leacutegislative perdrait de sa vigueur et les droits nouveaux des requeacuterants

seraient reacuteputeacutes laquo theacuteoriques et illusoires2 raquo agrave deacutefaut drsquoecirctre laquo concrets et effectifs raquo3

593 Nous exprimerons nos doutes par rapport agrave la persistance de difficulteacutes relatives agrave

la question du cas drsquoouverture En effet malgreacute un progregraves sensible dans le domaine des

personnes autoriseacutees agrave agir la reacuteforme nrsquoest pas agrave la hauteur de ses ambitions srsquoagissant du

cas drsquoouverture du recours

sect 2 Le cas drsquoouverture agrave reacutevision

594 Srsquoagissant de la question des cas drsquoouverture lrsquoeffort de libeacuteralisation est

insuffisant En effet la fusion entre les cas drsquoouverture deacutetermineacutes et le cas indeacutetermineacute bien

qursquoelle ait eacuteteacute souhaiteacutee ne constitue qursquoune ouverture plutocirct symbolique sans reacuteelle efficaciteacute

pratique (A) En outre que drsquoespoirs deacuteccedilus par rapport agrave la reacuteeacutecriture du cas indeacutetermineacute qui

srsquoapparente plutocirct agrave un exercice de clarification de lrsquoancien texte qursquoagrave un veacuteritable virage en

faveur drsquoune meilleure accessibiliteacute de la proceacutedure de reacutevision (B)

A Une ouverture symbolique

595 Dans la premiegravere partie nous nous sommes inteacuteresseacutes agrave lancien article 622 du

Code de proceacutedure peacutenale qui preacutevoyait les quatre cas drsquoouverture de la proceacutedure de

reacutevision4 Les trois premiers qualifieacutes de cas deacutetermineacutes douverture agrave reacutevision srsquoopposaient

au quatriegraveme cas le cas indeacutetermineacute qui recouvrait des situations plus diverses Se posait la

1 V supra ndeg 202 agrave 238 et 320 agrave 328 2 CEDH 9 octobre 1979 Airey c Irlande op cit 3 Ibid 4 V supra ndeg 202 agrave 238

230

question de savoir si les cas deacutetermineacutes ne srsquoidentifient pas en reacutealiteacute agrave des faits nouveaux ou

agrave des eacuteleacutements inconnus

596 Lrsquoexamen attentif de lancien article 622 du Code de proceacutedure peacutenale illustre que

les quatre cas drsquoouverture se fondaient tous en reacutealiteacute sur lrsquoapparition dun eacuteleacutement factuel ou

juridique qui entretenait le doute sur la culpabiliteacute La preuve de lrsquoinexistence drsquoun homicide

la condamnation pour faux teacutemoignage ou la deacutecouverte drsquoune condamnation inconciliable

constituaient en reacutealiteacute des faits nouveaux ou eacuteleacutements inconnus de la juridiction au jour du

procegraves

Degraves lors quelle aurait eacuteteacute lrsquoutiliteacute de conserver les quatre cas drsquoouverture alors que les cas

deacutetermineacutes se confondaient avec le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu La loi de 2014 a pris

la bonne mesure de la situation en ne faisant plus que reacutefeacuterence au cas indeacutetermineacute insufflant

ainsi un nouvel essor agrave la proceacutedure de reacutevision devenue plus rationnelle

597 Bien qursquoenteacuterineacutee par la loi cette fusion avait toutefois rencontreacute la

deacutesapprobation des rapporteurs du texte Deux arguments contenus dans le rapport

drsquoinformation plaidaient contre la fusion des cas drsquoouverture Premiegraverement la disparition des

trois premiers cas drsquoouverture serait de nature agrave mettre fin au processus quasi automatique de

lrsquoannulation de la condamnation contesteacutee cas de figure propre aux cas deacutetermineacutes

Srsquoagissant du cas drsquoouverture indeacutetermineacute le doute doit donner lieu agrave un reacuteexamen de la

condamnation attaqueacutee et ne peut que rarement emporter une annulation sans renvoi de la

deacutecision deacutefinitive Toutefois les reacuteserves eacutemises par les rapporteurs paraissent infondeacutees En

effet lrsquohypothegravese drsquoune lrsquoannulation segraveche ne concernait pas exclusivement les seuls cas

deacutetermineacutes Lrsquoancien article 625 alineacutea 5 disposait sans distinction du cas drsquoouverture

invoqueacute que laquo Si lannulation du jugement ou de larrecirct agrave leacutegard dun condamneacute vivant ne

laisse rien subsister agrave sa charge qui puisse ecirctre qualifieacute crime ou deacutelit aucun renvoi nest

prononceacute raquo Cette disposition a eacuteteacute reprise par le nouvel article 624-7 du Code de proceacutedure

peacutenale De plus le nouveau texte fait eacutetat de lrsquoinnocence qui vient compleacuteter les dispositions

relatives au doute et offre ainsi la possibiliteacute drsquoune annulation sans renvoi en cas de fait

nouveau ou eacuteleacutement inconnu Deuxiegravemement la disparition de ces cas pourrait entraver

lrsquoaction de certains condamneacutes qui pourraient ignorer que leur situation relegraveve drsquoun cas

drsquoouverture deacutetermineacute nrsquoeacutetant plus expresseacutement deacutefini par la loi Cet argument ne nous

parait pas pertinent En effet lrsquoassistance drsquoun avocat devenue aujourdrsquohui obligatoire a

neacuteanmoins toujours eacuteteacute offerte au requeacuterant qui pouvait donc beacuteneacuteficier de tous les eacuteclairages

231

juridiques De plus en pratique les requecirctes visant un cas drsquoouverture deacutetermineacute eacutetaient bien

souvent deacutedoubleacutees par une deuxiegraveme option fondeacutee sur le cas indeacutetermineacute afin de renforcer

les chances de reacuteussite du pourvoi et de limiter les risques de rejet

598 La proposition de loi eacutecartait toute ideacutee de fusion Elle avait fait le choix

drsquoinverser lrsquoordre de preacutesentation des cas drsquoouverture en attribuant la premiegravere place au cas

indeacutetermineacute Ainsi les trois premiers cas drsquoouverture se trouvant releacutegueacutes aux derniegraveres

places servaient drsquoillustrations au fait nouveau et agrave lrsquoeacuteleacutement inconnu de la juridiction au

jour du procegraves (la production de piegraveces attestant que la victime drsquoun meurtre est vivante le

caractegravere inconciliable drsquoune seconde condamnation avec la premiegravere objet de la demande de

reacutevision ou encore la condamnation pour faux teacutemoignage drsquoun teacutemoin agrave chargehellip)

Toutefois le Seacutenat a consideacutereacute que laquo si les trois derniers cas douverture ont une valeur de

rappel historique ils sont tous contenus dans le premier renvoyant tous trois agrave un fait

nouveau Degraves lors ils nont pas de raison decirctre juridique raquo1

599 Le nouveau texte a donc supprimeacute la mention des trois premiers cas drsquoouverture

deacutesormais regroupeacutes dans une rubrique unique le cas indeacutetermineacute Concregravetement ce

regroupement ne devrait pas modifier la situation des requeacuterants La production de piegraveces

attestant que la victime drsquoun meurtre est vivante constituera toujours un moyen drsquoouverture de

la reacutevision tout comme la deacutemonstration du caractegravere inconciliable des deacutecisions ou la

condamnation pour faux teacutemoignage drsquoun teacutemoin agrave charge Cependant cette fusion illustre

une volonteacute de clarification de simplification et de libeacuteralisation du recours En effet la

disparition de lrsquoeacutenumeacuteration des cas drsquoouverture devrait contribuer agrave dissiper les aspeacuteriteacutes du

caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire de la proceacutedure de reacutevision laquo Les magistrats seraient

ainsi symboliquement inviteacutes agrave interpreacuteter la recevabiliteacute et le bien fondeacute des demandes de

reacutevision de maniegravere moins stricte voire moins restrictive et agrave initier une pratique laquo plus

ouverte raquo de cette proceacutedure2 raquo

600 Si la porteacutee de cette fusion reste symbolique la reacuteeacutecriture du cas indeacutetermineacute a

de son cocircteacute eacutetait preacutesenteacutee dans les travaux parlementaires comme une avanceacutee quasi

1 Rapport du Seacutenat ndeg 467 sur la proposition de loi adopteacutee par lrsquoAssembleacutee Nationale relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive op cit p 21 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit

232

historique vers la libeacuteralisation de la proceacutedure1 Toutefois une analyse textuelle permet

drsquoalimenter la controverse face agrave la reacuteeacutecriture plutocirct deacutecevante du texte

B Une reacuteeacutecriture deacutecevante

601 Lrsquounique cas drsquoouverture est deacutesormais preacutevu agrave lrsquoarticle 622 du Code de

proceacutedure peacutenale qui dispose laquo La reacutevision dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre

demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dun crime ou dun deacutelit lorsque

apregraves une condamnation vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement

inconnu de la juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute ou agrave

faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute raquo

602 Il srsquoagit drsquoune question centrale En effet lrsquoaccessibiliteacute de la proceacutedure est

conditionneacutee par les cas drsquoouverture Dans lrsquohypothegravese ougrave le cas drsquoouverture est trop restrictif

les autres ameacuteliorations (ameacuteliorations relatives agrave la composition de la juridiction au rocircle de

la commission ou agrave ses preacuterogatives) apparaicirctront leacutegegraveres Lrsquoarticle 622 du Code de

proceacutedure peacutenale eacutetant la cleacute de la reacutevision il est important drsquoen faciliter lrsquointrusion Crsquoest

dans cette optique que le leacutegislateur a reformuleacute le cas drsquoouverture indeacutetermineacute Selon

Monsieur Franccedilois FOURNIE laquo cette nouvelle formulation porte en elle lintention du

leacutegislateur de permettre une plus grande ouverture du recours et partant un plus grand nombre

de reacutevisions raquo2

603 Or lrsquoanalyse du nouveau texte sur le fait nouveau et sur lrsquoeacuteleacutement inconnu (1)

ainsi que sur la question du doute (2) et sur le retour de la mention de lrsquoinnocence (3)

contribue agrave mettre en eacutevidence ses faiblesses

1 Le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnu

604 Le cas drsquoouverture indeacutetermineacute preacutevu par lrsquoancien texte visait deux situations

celle drsquoun fait nouveau et celle drsquoun eacuteleacutement inconnu Le nouveau texte a maintenu cette

distinction Ce choix doit ecirctre approuveacute en raison de la diffeacuterenciation entre drsquoun cocircteacute le fait

et lrsquoeacuteleacutement et de lrsquoautre cocircteacute le caractegravere nouveau et le caractegravere inconnu Srsquoagissant du

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 78-80 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit p 28-30 Seacutenat Rapport ndeg 467 op cit p 21 2 F FOURNIE laquo Reacuteviser la reacutevision raquo (hellip) op cit p 777

233

fait il doit ecirctre nouveau Crsquoest ainsi qursquoagrave deacutefaut drsquoautres preacutecisions il doit ecirctre posteacuterieur agrave la

condamnation contesteacutee En revanche lrsquoeacuteleacutement doit avoir eacuteteacute inconnu de la juridiction au

jour du procegraves (le mot inconnu est employeacute au singulier) Crsquoest ainsi qursquoune seule reacuteveacutelation

pouvait deacutejagrave dans lrsquoancien texte suffire

605 Srsquoagissant de deux reacutealiteacutes diffeacuterentes le juge continue de devoir faire la

distinction entre le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnu Le leacutegislateur nrsquoa pas ceacutedeacute agrave la tentation

de suivre la jurisprudence et la doctrine qui entretenaient une certaine confusion entre

lrsquoeacuteleacutement inconnu et le fait nouveau Pourtant il y a lieu de craindre que les modifications

apporteacutees par le nouveau texte ne contribuent pas comme promis agrave laquo une plus grande

ouverture du recours et partant un plus grand nombre de reacutevisions raquo1

606 Pour bien comprendre notre raisonnement il est essentiel de comparer les deux

textes

Le nouvel article 622 du Code de proceacutedure peacutenale dispose laquo hellip apregraves une condamnation

vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au

jour du procegraves raquo Lrsquoancien texte indiquait laquo Apregraves une condamnation vient agrave se produire ou

agrave se reacuteveacuteler un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraveshellip raquo

En quoi le nouveau texte est-il diffeacuterent Les mecircmes termes que ceux utiliseacutes dans lrsquoancien

texte se retrouvent dans la nouvelle version Hormis lrsquoordre de leur preacutesentation aucun mot

nrsquoa eacuteteacute ajouteacute ou retrancheacute Dans lrsquoancien article les termes laquo faits nouveaux ou eacuteleacutements

inconnus raquo se situent en fin de phrase et les modaliteacutes de leur apparition (laquo vient agrave se

produire ou agrave se reacuteveacuteler raquo ) sont placeacutes en deacutebut de phrase sans que le leacutegislateur ne preacutecise

qui du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu se produit ou se reacutevegravele Nous avons vu que

pour le leacutegislateur de 1989 le fait nouveau se produisait alors que lrsquoeacuteleacutement inconnu se

reacuteveacutelait2

607 Le nouveau texte traduit de maniegravere plus explicite la mecircme approche du fait

nouveau et de lrsquoeacuteleacutement inconnu Sur ce point il srsquoagit drsquoun texte de clarification qui

nrsquoapporte aucune reacuteelle modification sur le fond

1 F FOURNIE op cit 2 V supra ndeg 224 agrave 228

234

608 Le fait nouveau qui se produit ou lrsquoeacuteleacutement inconnu qui se reacutevegravele ont pour point

commun de devoir faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute A preacutesent il srsquoagit de

srsquointeacuteresser agrave la question du toute telle qursquoelle est abordeacutee par la nouvelle loi

2 La question centrale du doute

609 Absence de doute absence de reacutevision Du temps de la loi de 1989 les

difficulteacutes drsquoaccessibiliteacute de la reacutevision avaient essentiellement pour origine la deacutefinition du

doute En effet cette notion eacutetait appreacutecieacutee de maniegravere tregraves rigoureuse par la jurisprudence qui

lrsquoentendait sous la forme drsquoun doute seacuterieux srsquoeacuteloignant de la lettre du texte qui eacutevoquait

simplement un doute1

610 Crsquoest pourquoi drsquoaucuns se sont interrogeacutes sur lrsquoopportuniteacute de qualifier le doute

dans la loi de 2014 La proposition de loi2 avait envisageacute de le qualifier en le deacutefinissant de

laquo moindre doute raquo3 Lrsquoobjectif eacutetait dinciter les magistrats agrave se montrer moins seacutevegraveres quils

ne sont supposeacutes lecirctre actuellement dans leur appreacuteciation du doute Le Seacutenat a ensuite

amendeacute le texte en supprimant lrsquoemploi de lrsquoadjectif moindre jugeacute insuffisamment juridique4

Ainsi le nouveau texte ne vise-t-il que le laquo doute raquo comme crsquoest le cas depuis 1989

611 Le fait drsquoavoir supprimeacute lrsquoadjectif laquo moindre raquo est-il le signe que le Seacutenat

approuve lrsquointerpreacutetation restrictive du doute veacutehiculeacutee par la jurisprudence Nous ne le

pensons pas Dans ce cas lrsquoabsence drsquoadjectif laquo est un message clair que le leacutegislateur

envoie agrave la cour de reacutevision en lui enjoignant de modifier son interpreacutetation du doute5 raquo Le

rapport du Seacutenat qui srsquoest refuseacute de qualifier le doute a mis lrsquoaccent sur la neacutecessiteacute de ne pas

exiger une gradation trop eacuteleveacutee du doute Pourtant le leacutegislateur srsquoest exprimeacute en utilisant les

mecircmes termes que ceux utiliseacutes en 1989

1 V supra ndeg 229 agrave 238 2 Texte adopteacute ndeg 319 Proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale adopteacutee par lrsquoAssembleacutee Nationale en premiegravere lecture 27 feacutevrier 2014 Accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14tata0319asp 3 Lrsquoarticle 626-4 CPP preacutevoyait que laquo la reacutevision drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable drsquoun crime ou drsquoun deacutelit lorsque 1deg Apregraves une condamnation vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir lrsquoinnocence du condamneacute ou agrave faire naicirctre le moindre doute (crsquoest nous qui soulignons) sur sa culpabiliteacute (hellip) raquo La qualification du doute nrsquoest selon nous pas souhaitable V supra ndeg 166 agrave 169 4 Seacutenat Compte rendu de la commission des lois Reacuteforme des proceacutedures et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive ndash examen du rapport et du texte de la commission mercredi 16 avril 2014 Accessible sur httpwwwsenatfrcompte-rendu-commissions20140414loishtmltoc3 5 F FOURNIE laquo Reacuteviser la reacutevision raquo (hellip) op cit p 777

235

612 A deacutefaut drsquoune modification du texte comment lrsquoappreacuteciation du doute pourrait-

elle aller dans le sens drsquoune ouverture Le leacutegislateur conscient du deacutevoiement de lrsquoancien

texte par rapport au doute ne srsquoest drsquoailleurs pas priveacute de le souligner1 A deacutefaut drsquoavoir pu

trouver un adjectif qui soit laquo suffisamment juridique raquo pour qualifier le doute il a preacutefeacutereacute ne

pas modifier le texte de 1989 Toutefois il espegravere ecirctre entendu bien qursquoil nrsquoait pas formaliseacute

son message drsquoouverture

613 Dans ces conditions peut-on reacuteellement penser que le nouveau texte deacutebouchera

sur une vision moins stricte du doute Depuis 1989 tous les acteurs du droit souhaitent un

assouplissement de lrsquoappreacuteciation du doute Par le passeacute le leacutegislateur a deacutejagrave preacuteciseacute en

rejetant une proposition de loi favorable agrave la notion de doute seacuterieux que le simple doute

(doute rationnel) devait suffire pour reacuteviser Pourtant cette volonteacute drsquoouverture du leacutegislateur

nrsquoa jamais eacuteteacute prise en consideacuteration par la jurisprudence partisane drsquoune appreacuteciation seacutevegravere

du doute Crsquoest pourquoi en lrsquoabsence drsquoune modification du texte il semble difficile de

changer les habitudes

614 Les magistrats et plus particuliegraverement les membres de la juridiction de reacutevision ont agrave

connaicirctre quotidiennement la pratique du doute Le doute non qualifieacute en faveur de lrsquoaccuseacute

est consideacutereacute comme un doute rationnel dont lrsquoefficaciteacute est reconnue Crsquoest pourquoi nous

nous rallions au choix du leacutegislateur qui srsquoest refuseacute de qualifier le doute en matiegravere de

reacutevision Tout porte agrave croire que la qualification de laquo moindre doute raquo se serait aveacutereacutee sans

effet Il srsquoagit davantage drsquoun problegraveme de mentaliteacute qui a pour origine lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee agrave laquelle les juges sont fortement attacheacutes La pratique du doute rationnel appliqueacutee agrave

lrsquoaccuseacute ne pose pas problegraveme car le doute de la justice concerne une deacutecision non deacutefinitive

En matiegravere de reacutevision lrsquoemploi du terme doute paraicirct plus difficile srsquoagissant drsquoune deacutecision

devenue deacutefinitive et reacuteputeacutee purgeacutee de toute erreur Lrsquoutilisation du mot doute qursquoil soit

qualifieacute ou non est de nature agrave enfermer le leacutegislateur dans une impasse Le deacutebat aurait donc

plutocirct ducirc porter sur la justesse du mot laquo doute raquo Son abandon au profit drsquoune nouvelle

reacutefeacuterence aurait pu ecirctre envisageacute

615 Si aucun changement nrsquoest intervenu au niveau du doute il a toutefois eu lieu par

le biais du retour de lrsquoinnocence dans le texte

1 V Rapport drsquoinformation op cit Rapport du Seacutenat op cit

236

3 Le retour de lrsquoinnocence dans le texte

616 La loi de 2014 marque le retour de la notion drsquoinnocence dans le cas drsquoouverture

indeacutetermineacute Cet ancien motif de reacutevision avait disparu du dispositif leacutegislatif en 1989 pour

ecirctre remplaceacute par le doute Lrsquoabandon de lrsquoinnocence a eu pour conseacutequence drsquoignorer des

situations qui sous lrsquoeffet des progregraves scientifiques se multipliaient Deacutesormais lrsquoarticle 622

du Code de proceacutedure peacutenale autorise la reacutevision lorsque le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu

est laquo de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute raquo En reacutehabilitant la notion drsquoinnocence le

leacutegislateur a exprimeacute la volonteacute de faciliter lrsquoaccegraves agrave la proceacutedure de reacutevision Ainsi la

juridiction de reacutevision sort de lrsquoembarras lorsqursquoelle constate lrsquoinnocence tant au stade de la

commission drsquoinstruction que devant la Cour Les deacutecisions drsquoannulation sans renvoi trouvent

deacutesormais leur pleine justification

617 En deacutefinitive le nouveau texte vient clarifier une situation (lrsquoeacuteleacutement inconnu se

reacutevegravele le fait nouveau se produit) maintient le doute en lrsquoeacutetat et fait reacuteapparaicirctre une ancienne

notion (lrsquoinnocence) Il faut donc relativiser la deacuteclaration selon laquelle la laquo nouvelle

formulation porte en elle lintention du leacutegislateur de permettre une plus grande ouverture du

recours et partant un plus grand nombre de reacutevisions1 raquo A nos yeux lrsquoeacutelargissement du

champ drsquoaction de la reacutevision reste toujours suspendu agrave la question de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee La reacuteforme aurait ducirc inciter agrave une reacuteflexion sur lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

Section 2 Une entrave agrave la libeacuteralisation de la reacutevision

518 Le deacutefaut de questionnement sur lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui contribue agrave

entretenir la logique oppositionnelle a pour effet drsquoignorer notre deacutesir de libeacuteralisation de la

reacutevision (sect 1) Il parait donc indispensable de redeacutefinir les rapports entre lrsquoautoriteacute de la chose

et la reacutevision (sect 2)

sect 1 La persistance de la logique oppositionnelle entre le

pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

619 Le deacutefaut de modification de la perception des liens que la reacutevision entretient

avec lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a eu deux conseacutequences Premiegraverement le leacutegislateur nrsquoa pas

1 F FOURNIE laquo Reacuteviser la reacutevision raquo op cit p 777

237

pu modifier le laquo profil type laquo de la deacutecision susceptible de reacutevision (A) Deuxiegravemement

lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu nrsquoa pas eacuteteacute pris en compte au titre de la reacuteveacutelation (B)

A La reconduction du laquo profil type raquo de la deacutecision susceptible de

reacutevision

620 Lrsquoattachement du leacutegislateur agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee se traduit par le

maintien en lrsquoeacutetat de toutes les conditions preacutealables agrave la reacutevision En effet lrsquoarticle 622 du

Code de proceacutedure peacutenale conserve lrsquoancienne formulation laquo la reacutevision dune deacutecision

peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dun

crime ou dun deacutelit raquo Srsquoagissant drsquoune proceacutedure extraordinaire la reprise de lrsquoaffirmation du

caractegravere deacutefinitif de la deacutecision se justifie pleinement En revanche retranscrit dans le

nouveau texte les maintiens de lrsquoexigence drsquoune deacutecision peacutenale (1) et de celle drsquoune deacutecision

criminelle ou deacutelictuelle (2) peuvent susciter des interrogations

1 Une deacutecision peacutenale

621 La deacutecision peacutenale au sens de lrsquoancien article 622 du Code de proceacutedure peacutenale a

eacuteteacute deacutefinie comme une laquo deacutecision eacutemanant dune juridiction reacutepressive de droit commun ou

dexception1 raquo et statuant sur des inteacuterecircts exclusivement drsquoordre peacutenal

622 Le nouveau texte nrsquoapporte aucune modification agrave cette deacutefinition donc

inchangeacutee Ainsi seront toujours exclues du domaine du pourvoi en reacutevision les requecirctes

formeacutees contre des condamnations prononceacutees par des juridictions peacutenales et portant sur les

seuls inteacuterecircts civils Cette exclusion trouve sa justification dans la mission de la justice

peacutenale qui est de sanctionner les auteurs drsquoinfractions Les conseacutequences de lrsquoinfraction sur la

victime sont pourtant parfois prises en compte dans la description des eacuteleacutements constitutifs

des faits reprocheacutes Crsquoest ainsi que la graviteacute de lrsquoITT interviendra dans le choix de la

qualification peacutenale par le juge2 La dureacutee de lrsquoITT deacuteterminera la nature de lrsquoinfraction (deacutelit

ou contravention) la peine encourue ainsi que la compeacutetence juridictionnelle Mais laquo le

traitement de ces conseacutequences est avant tout lrsquoaffaire de la responsabiliteacute civile3 raquo Degraves lors

la contestation des seuls inteacuterecircts civils contenus dans une condamnation peacutenale deacutefinitive ne

1 H ANGEVIN op cit ndeg 19 V en ce sens Cour de reacutevision 29 janvier 1990 ndeg 81-94006 2 Violences sans ITT R 624 ndash 1 CP ITT infeacuterieure ou eacutegale agrave 8 jours R 625-1 CP ITT supeacuterieure agrave 8 jours 222-11 CP 3 J LELIEUR op cit p 530

238

saurait entraicircner laquo le deacuteclenchement drsquoune nouvelle action reacutepressive (qui ne serait) pas

leacutegitime1 raquo

623 Cependant il conviendrait de reacutegler la question de lrsquoexclusion de ces deacutecisions

qui ne pourront donner lieu agrave lrsquoouverture drsquoun recours en reacutevision de la matiegravere civile Pour

autant peut-on reprocher au leacutegislateur de ne pas ecirctre intervenu sur cette question au moment

de sa reacuteforme du pourvoi en reacutevision Srsquoagissant drsquoune laquo affaire civile raquo cette probleacutematique

lui eacutechappe elle ne relegraveve pas de sa compeacutetence Toutefois la reacuteforme du pourvoi en

reacutevision devrait servir de guide agrave une plus ample reacuteflexion meneacutee dans le domaine du droit

civil (pour permettre la reacutevision du volet civil drsquoune deacutecision peacutenale dans le cadre du recours

en reacutevision propre agrave la matiegravere civile comme lrsquoy invite lrsquoarticle 749 du Code civil)

624 Le leacutegislateur de 2014 maintient lrsquoexigence drsquoune deacutecision de condamnation

criminelle ou deacutelictuelle

2 Une deacutecision de condamnation criminelle ou deacutelictuelle

625 Le nouveau texte nrsquoa pas eacutelargi le champ drsquoapplication du pourvoi en reacutevision qui

demeure circonscrit aux seules condamnations pour crimes et deacutelits

626 Pour ce qui est du maintien de lrsquoexclusion des contraventions des consideacuterations

drsquoordre pratique lieacutees au souci drsquoeacuteviter lrsquoengorgement des juridictions pour les infractions

reacuteputeacutees les moins graves sont agrave lrsquoorigine de cette restriction Ainsi agrave la lueur de ces

consideacuterations lrsquoexclusion des contraventions trouve une explication rationnelle

627 Concernant la reconduction de la neacutecessiteacute drsquoune deacutecision de condamnation elle

est directement lieacutee au refus du leacutegislateur de modifier les contours de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et sa perception des liens qui lrsquounisse au pourvoi en reacutevision

628 A la lueur des arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes2 la question de la reacutevision en cas

drsquoacquittement ou de relaxe meacuterite drsquoecirctre poseacutee3Le deacuteputeacute FENECH avait drsquoailleurs deacuteposeacute

1 Ibid 2 V supra ndeg 187 agrave 193 3 La reacutevision en deacutefaveur de la personne poursuivie existe en droit compareacute notamment en droit allemand Or laquo le droit reacutepressif drsquooutre-Rhin est agrave la fois suffisamment proche de notre droit pour que la comparaison soit aiseacutee et deacutenueacutee drsquoartifice et suffisamment eacuteloigneacute pour qursquoelle preacutesente un inteacuterecirct et se reacutevegravele fructueuse raquo J LEBLOIS-HAPPE Quelles reacuteponses agrave la petite deacutelinquance Etude du droit reacutepressif franccedilais sous lrsquoeacuteclairage compareacute du droit reacutepressif allemand Preacuteface R Koering-Joulin Presses universitaires drsquoAix-Marseille 2002 tome 1 ndeg 34

239

un amendement1 agrave la proposition de loi relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales

deacutefinitives entacheacutees drsquoune erreur judiciaire laquo permettant au parquet de reacuteouvrir une enquecircte

peacutenale sur charges nouvelles apregraves un acquittement ou une relaxe raquo Lrsquoouverture de la

reacutevision in defavorem eacutetait conditionneacutee par la fourniture drsquoune preuve indubitable de la

culpabiliteacute Lrsquoamendement a eacuteteacute rejeteacute le 27 feacutevrier 20142

629 Pourtant les progregraves scientifiques reacutealiseacutes notamment en matiegravere drsquoidentification

des auteurs drsquoinfractions imposent selon nous de repousser les limites de lrsquoattachement au

principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee impliquant laquo de ne pas revenir sur une deacutecision pour

des raisons eacutethiques ou philosophiques3 raquo Le 7 novembre 2013 le deacuteputeacute TOURRET

preacutealablement agrave lrsquoaudition de Monsieur MATHON devant lrsquoAssembleacutee Nationale a souligneacute

lrsquoimportance des progregraves reacutealiseacutes dans le domaine de la police scientifique (identification des

traces ADN conservation des odeurs veacuterification drsquoeacutecritures reconnaissance de la voixhellip)Il

deacuteclare aussi que laquo la police scientifique joue un rocircle important pour savoir qui a fait quoi Or

en France agrave la diffeacuterence des autres pays il nrsquoy a pratiquement eu aucune modification due agrave

lrsquoensemble des progregraves de la police scientifiqueraquo Une prise en compte de la reacutevision in

defavorem pourrait symboliser cette modification attendue

630 Pourtant la CNCDH se fonde pour justifier le refus de lrsquoadmission de la reacutevision

in defavorem sur une conception humanitaire de la proceacutedure peacutenale dont lrsquoorigine

remonterait au siegravecle des Lumiegraveres4 Elle cite la culture juridique franccedilaise qui a laquo depuis tregraves

longtemps interdit de remettre en cause le sort drsquoune personne ayant fait lrsquoobjet drsquoun

acquittement ou drsquoune relaxe deacutefinitifs raquo Dans sa deacutemonstration la CNCDH srsquoappuie sur

lrsquoesprit de lrsquoordonnance de 1670 le Code drsquoinstruction criminelle le siegravecle des Lumiegraveres la

philosophie humaniste ou encore la Deacuteclaration de 1789 A travers cette deacutemarche elle

souhaite deacutemontrer lrsquointangibiliteacute de lrsquohostiliteacute du droit franccedilais agrave la reacutevision in defavorem

Or ces reacutefeacuterences historiques bien qursquouniverselles sur un plan philosophique remontent agrave

une eacutepoque ougrave les techniques drsquoinvestigation eacutetaient encore rustiques Au fil du temps leur

1 Amendement ndeg CL6 preacutesenteacute par Messieurs FENECH et autres Assembleacutee Nationale 14 feacutevrier 2014 disponible sur httpwwwassemblee-nationalefr14amendements1700CION_LOISCL6pdf En deacutecembre 2013 date de la publication du rapport drsquoinformation Monsieur FENECH eacutetait opposeacute agrave la reacutevision des deacutecisions drsquoacquittement Il a changeacute drsquoavis sur la question apregraves lrsquoaffaire Nelly HADERER Au sujet de son changement drsquoopinion il a deacuteclareacute dans la presse laquo Cela ne me choque pas que lon sinspire de la reacutealiteacute pour faire progresser le droit raquo Le FIGARO Pourra-t-on rejuger des personnes acquitteacutees 26 feacutevrier 2014 2 A PECHARD et C FLEURIOT La reacutevision in defavorem ne se fera pashellipdans lrsquoimmeacutediat Dalloz actualiteacutes 3 mars 2014 3 C MATHON op cit p 4 4 CNCDH Avis compleacutementaire op cit ndeg2

240

modernisation a contribueacute agrave une meilleure efficaciteacute de la justice Crsquoest ainsi qursquoon ne saurait

affirmer avec certitude que les tenants de la philosophie humaniste deacutefendraient encore

aujourdrsquohui lrsquointransigeance de leur position sur la reacutevision in defavorem

631 Ensuite la CNCDH considegravere que la reacutevision in defavorem heurterait lrsquoarticle

41 du protocole 7 de la CEDH ratifieacute par la France 1 Interdisant de nouvelles poursuites pour

les mecircmes circonstances factuelles cet article seacutecurise les acquittements et relaxes deacutefinitifs

Toutefois cette difficulteacute peut ecirctre surmonteacutee en se reacutefeacuterant agrave lrsquoarticle 42 qui preacutevoit

que laquo les dispositions du paragraphe preacuteceacutedent nempecircchent pas la reacuteouverture du procegraves

conformeacutement agrave la loi et agrave la proceacutedure peacutenale de lEtat concerneacute si des faits nouveaux ou

nouvellement reacuteveacuteleacutes ou un vice fondamental dans la proceacutedure preacuteceacutedente sont de nature agrave

affecter le jugement intervenu raquo Selon ce texte il nrsquoest fait aucune distinction entre lrsquoinjustice

en faveur ou en deacutefaveur du justiciable Ce silence a drsquoailleurs permis agrave lrsquoAllemagne

signataire comme la France de lrsquoarticle 41 du protocole 7 drsquoadmettre la reacutevision in

defavorem

632 Nous deacuteplorons eacutegalement la probabiliteacute du renouvellement de lrsquoexclusion de

lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

B La reconduction de lrsquoexclusion de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

633 Lrsquoeffort de clarification reacutedactionnelle de la reacuteforme a confirmeacute lrsquoimportance de

la reacuteveacutelation de lrsquoeacuteleacutement inconnu posteacuterieurement agrave la condamnation deacutefinitive Malgreacute

lrsquointeacuterecirct de la prise en compte de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu le nouveau texte toujours en proie

avec la dualiteacute oppositionnelle entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

risque drsquoexclure agrave nouveau lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu (1) Une interpreacutetation plus dynamique du

texte associeacutee agrave une vision moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee permettrait pourtant de

renverser la situation (2)

1 Le mutisme du nouveau texte sur lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

634 Lrsquoancien texte somme toute moins explicite srsquointeacuteressait deacutejagrave agrave la reacuteveacutelation

Son interpreacutetation deacutebouchait sur la mecircme conclusion que celle qui est contenue dans le

nouvel article le fait nouveau se produit lrsquoeacuteleacutement inconnu se reacutevegravele Jusqursquoagrave preacutesent non

1laquo Nul ne peut ecirctre poursuivi ou puni peacutenalement par les juridictions du mecircme Etat en raison drsquoune infraction pour laquelle il a deacutejagrave eacuteteacute acquitteacute ou condamneacute par un jugement deacutefinitif conformeacutement agrave la loi et agrave la proceacutedure de cet Etat raquo V CNCDH Avis compleacutementaire op cit ndeg 3

241

reconnu lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu ne pouvait ecirctre assimileacute agrave une reacuteveacutelation Degraves lors il parait

peu probable que la situation puisse changer dans la mesure ougrave le nouveau texte nrsquoapporte

aucun changement en ce qui concerne la deacutefinition de la reacuteveacutelation Celle-ci ne vise qursquoun

eacuteleacutement dont lrsquoexistence aveacutereacutee eacutetait neacuteanmoins inconnue au jour du procegraves Selon la doctrine

et la jurisprudence le terme laquo inconnu raquo recouvre lrsquoideacutee drsquoeacuteleacutement inconnu du dossier et

inconnu des juges Srsquoagissant de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu il apparaicirct dans le dossier sans

toutefois avoir eacuteteacute exploiteacute et porteacute agrave la connaissance des jureacutes

635 Reacuteveacutelation et eacuteleacutement non deacutebattu constitueraient donc deux notions bien

seacutepareacutees dont le sort de lrsquoune est ignoreacute au motif du caractegravere extraordinaire de la reacutevision

Toutefois il existe sur le plan pratique une proximiteacute entre la reacuteveacutelation et lrsquoeacuteleacutement non

deacutebattu Il semble que la jurisprudence eacuteprouve quelques difficulteacutes agrave eacutetablir une frontiegravere

nette entre les deux

636 Dans lrsquoaffaire DILS la deacutecouverte de la preacutesence concomitante sur les lieux du

crime de Francis HEAULME a eacuteteacute consideacutereacutee comme une reacuteveacutelation1 Dans le cas preacutecis si

lrsquoeacuteleacutement reacuteveacuteleacute (la preacutesence de F HEAULME) a bien existeacute au moment du prononceacute de la

condamnation deacutefinitive il eacutetait toutefois inconnu de la juridiction au jour du procegraves Crsquoest

ainsi que ni Patrick DILS ni les avocats de la deacutefense ni le magistrat instructeur ou le

ministegravere public nrsquoavaient eacutevoqueacute cet eacuteleacutement En effet les acteurs du procegraves pouvaient

lrsquoignorer reacuteellement ou bien que connu son importance a pu ecirctre meacuteconnue au point de ne

jamais avoir eacuteteacute mentionneacutee Il eacutetait donc inconnu du dossier et des jureacutes et ce nrsquoest

qursquoulteacuterieurement qursquoil a eacuteteacute porteacute agrave la connaissance de la justice Il srsquoagit donc bien drsquoune

reacuteveacutelation posteacuterieure agrave la condamnation deacutefinitive

637 Il existe toutefois des situations plus compliqueacutees et plus deacutelicates agrave analyser

Monsieur Claude MATHON illustre cette question agrave travers lrsquoexemple jurisprudentiel suivant

laquo La circonstance que lrsquoordonnance ou lrsquoarrecirct de mise en accusation devant la cour

drsquoassises contienne des contre-veacuteriteacutes nrsquoest pas nouvelle mais peut avoir pour une raison ou

une autre y compris une deacutefaillance de la deacutefense eacuteteacute neacutegligeacutee Il en va ainsi par exemple

quand lrsquoarrecirct de mise en accusation devant la cour drsquoassises rapporte que lrsquoauteur a reconnu

quatre meurtres alors qursquoen reacutealiteacute il nrsquoen a reconnu qursquoun seulhellip Crsquoest agrave lrsquooccasion de la

proceacutedure de reacutevision que ce fait srsquoest reacuteveacuteleacute2 raquo

1 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 3 avril 2001 ndeg 99-84584 2 C MATHON op cit p 8

242

Il en retire la conclusion que la reacuteveacutelation doit laquo permettre de reacuteviser lorsqursquoil apparaicirct qursquoune

personne a eacuteteacute condamneacutee sur une base fragile1 raquo Cet exemple illustre la frontiegravere mouvante

et sensible qui seacutepare la reacuteveacutelation de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu Les divers aspects du cas

eacutevoqueacutes ci-dessus paraissent plus eacutepineux que les eacuteleacutements rapporteacutes dans lrsquoaffaire DILS

(eacuteleacutement inconnu du dossier et des jureacutes)

638 Dans lrsquoaffaire DEPERROIS certains eacuteleacutements contenus dans les eacutecoutes

teacuteleacutephoniques nrsquoont eacuteteacute exploiteacutes laquo ni par le magistrat instructeur pas plus que par la

deacutefense ni au cours du procegraves drsquoassises2 raquo En particulier Monsieur Jean-Michel DUMAY a

releveacute la phrase suivante dite au pegravere de la victime par lrsquoun de ces amis laquo Tu vas passer agrave la

teacuteleacute toi avec ton produit quta mis dans la Josacine 3raquo Cet eacuteleacutement passeacute sous silence lors

des deacutebats devant la cour drsquoassises a eacuteteacute agrave lrsquoorigine drsquoune demande en reacutevision Elle a eacuteteacute

rejeteacutee au motif qursquoil ne srsquoagissait pas drsquoun eacuteleacutement inconnu mais simplement drsquoun eacuteleacutement

non deacutebattu Pourtant le cas DEPERROIS est assez proche de lrsquoexemple de reacuteveacutelation citeacute

par Monsieur Claude MATHON Dans les deux cas lrsquoeacuteleacutement inexploiteacute eacutetait connu du

dossier mais laisseacute pour compte par lrsquoinstitution judiciaire Cet eacuteleacutement a ensuite servi

drsquoargument agrave une requecircte en reacutevision qui srsquoest fondeacutee sur le doute que celui-ci pourrait faire

naicirctre sur la culpabiliteacute Dans les deux cas il srsquoagit drsquoun laquo un eacuteleacutement (hellip) qui si il avait eacuteteacute

pris en consideacuteration lors du procegraves aurait vraisemblablement entraineacute un verdict

diffeacuterent raquo4

639 A nos yeux si lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu est de nature agrave faire naicirctre un doute sur la

culpabiliteacute et permet de deacutemontrer une injustice le trouble cause agrave la seacutecuriteacute juridique nrsquoaura

pas eacuteteacute inutile De plus lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu nrsquoayant pas contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration de la

conviction des jureacutes au jour du prononceacute de la condamnation sa prise en compte favoriserait

une meilleure objectivisation de la deacutecision

640 Pourtant ces deux exemples illustrent les difficulteacutes du juge qui confronteacute agrave

lrsquointeacuterecirct du pourvoi en reacutevision et aux exigences de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee doit se

positionner par rapport agrave deux objectifs contradictoires Drsquoun cocircteacute il exprime sa volonteacute de

rendre la meilleure justice possible en prenant en compte les laquo contre-veacuteriteacutes de lrsquoarrecirct de

mise en accusation raquo et de lrsquoautre cocircteacute il cherche agrave garantir la stabiliteacute des deacutecisions

1 Ibid 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 Contribution de Madame V ROSANO p 273 3 Documentation accessible sur wwwdeperroisfreefr 4 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 Contribution de Madame V ROSANO p 273

243

deacutefinitives laquo en faisant triompher la valeur de seacutecuriteacute sur la valeur de justice 1 raquo Crsquoest ainsi

qursquoil deacutelaisse lrsquoeacuteleacutement connu mais non deacutebattu qui laquo aurait permis drsquoenvisager une autre

issue au procegraves Un amendement agrave la proposition de loi de 2014 deacuteposeacute par Monsieur le

Deacuteputeacute Paul MOLAC eacutetait favorable agrave lrsquoadmission de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu2 Il a eacuteteacute retireacute

sous la pression de nombreuses critiques

641 Prisonnier de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui est reacuteputeacutee ecirctre un adversaire du

pourvoi en reacutevision le leacutegislateur continue drsquoeacuteprouver des difficulteacutes agrave se libeacuterer de cet

enfermement Une vision plus moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee aurait favoriseacute la

reconnaissance de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

2 Une vision moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee favorable agrave la prise en

compte de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

642 La reacutedaction actuelle du texte ne constitue pas forceacutement un obstacle

insurmontable agrave la reconnaissance de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu Une interpreacutetation plus large du

terme laquo inconnu raquo et de la notion de reacuteveacutelation pourrait faciliter son acceptation En deacutefinitive

crsquoest plutocirct la persistance de la conception traditionnelle de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui

srsquooppose agrave la reconnaissance de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu Madame Juliette LELIEUR distingue

dans sa thegravese le fait nouvellement reacuteveacuteleacute de la preuve nouvelle laquo Lrsquoun comme lrsquoautre

fournissent certes un eacuteleacutement probatoire nouveau Mais en ce qui concerne le fait

nouvellement reacuteveacuteleacute le nouvel eacuteleacutement probatoire est relatif agrave un fait qui nrsquoa nullement eacuteteacute

pris en consideacuteration par la juridiction lors de la premiegravere action reacutepressive La preuve

nouvelle porte quant agrave elle sur un fait qui a eacuteteacute envisageacute par le juge de la premiegravere action

reacutepressive Elle se contente de donner sur ce fait un eacuteclairage nouveau3 raquo Selon lrsquoauteur

laquo cette distinction est utile car lrsquoadmission de la reacuteouverture du procegraves pour la seule raison que

de nouvelles preuves sont invoqueacutees est une source particuliegraverement dangereuse drsquoinseacutecuriteacute

juridique4 raquo

643 Srsquoagissant de la reacuteouverture organiseacutee en faveur du condamneacute seul cas preacutevu par

le droit franccedilais lrsquoauteur estime que laquo la preacutefeacuterence doit aller agrave une large possibiliteacute de

reacuteouverture Par conseacutequent pour reacutesoudre lrsquoantagonisme entre les exigences de justice et de

1 H MOTULSKY op cit p 1 2 Amendement ndeg CL2 disponible sur httpwwwassemblee-nationalefr14pdfamendements1700CION_LOISCL2pdf 3 J LELIEUR op cit ndeg 670 4 Ibid

244

seacutecuriteacute juridique dans cette hypothegravese nous suggeacuterons de partir du principe que la

reacuteouverture est possible en nuanccedilant le propos par lrsquointroduction drsquoun controcircle de

proportionnaliteacute permettant la prise en consideacuteration de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique1 raquo

Ainsi selon nous Madame Juliette LELIEUR suggegravere par rapport agrave lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee de porter un nouveau regard qui ne manifesterait pas systeacutematiquement une hostiliteacute agrave

lrsquoencontre de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu surtout lorsqursquoil est susceptible de constituer un

laquo reacuteveacutelateur pertinent2 raquo drsquoun doute sur la culpabiliteacute ou de lrsquoinnocence du condamneacute

644 Ce nouveau regard sur les relations entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi

en reacutevision srsquoavegravere indispensable agrave lrsquoeacutevolution de la reacutevision

sect 2 Une indispensable redeacutefinition des rapports entre

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

645 Une reacuteforme de la proceacutedure de reacutevision reacuteussie doit srsquoaccompagner drsquoune

redeacutefinition des relations entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision Toutefois il ne

srsquoagira pas en ce qui nous concerne de reacuteformer lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Cette question a

deacutejagrave donneacute lieu agrave de nombreux travaux pas obligatoirement lieacutes au pourvoi en reacutevision Si le

leacutegislateur avait porteacute un plus grand inteacuterecirct agrave la chose la reacuteforme aurait pu gagner en

coheacuterence En effet dans la nouvelle loi le leacutegislateur srsquoenferme comme par le passeacute dans une

contradiction en facilitant drsquoun cocircteacute lrsquoouverture de la proceacutedure vers de nouveaux requeacuterants

tout en nrsquoapportant pas de lrsquoautre cocircteacute une vraie reacuteponse concernant le cas indeacutetermineacute

646 La prise en consideacuteration du deacutedoublement de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

pourrait nous amener a priori agrave rechercher les pistes favorables agrave un rapprochement tant pour

lrsquoautoriteacute neacutegative que positive Il est certain que les nombreuses zones drsquoombre qui entourent

lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee ne peuvent que favoriser la complication des relations

entre le pourvoi en reacutevision et le concept de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee appreacutecieacute dans son

ensemble3 Toutefois le poids de lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee qui pegravese sur le pourvoi

en reacutevision est nettement moins important que celui de lrsquoautoriteacute neacutegative qui impacte

fortement la reacutevision Nous nous concentrerons sur cet aspect pour deacuteterminer dans quelle

mesure les conclusions de la thegravese de Madame Juliette LELIEUR pourraient servir au

rapprochement entre lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision 1 Ibid ndeg 674 2 Expression emprunteacutee agrave Madame Juliette LELIEUR 3 V supra ndeg 140 agrave 160

245

647 La doctrine a une propension agrave rattacher lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee agrave

ne bis in idem Ce lien jugeacute deacuterangeant par Madame LELIEUR peut ecirctre consideacutereacute comme

neacutefaste agrave lrsquoeacutepanouissement du pourvoi en reacutevision (A) Sa disparition aurait pour

conseacutequence de libeacuterer la proceacutedure de reacutevision (B)

A Le lien entre laquo ne bis in idem raquo et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

un lien dommageable pour la reacutevision

648 Quelles sont les conseacutequences de lrsquoamalgame douteux entre ne bis in idem et

lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee1 sur le pourvoi en reacutevision Premiegraverement lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee est la base sur laquelle repose la proceacutedure de reacutevision De fait il est

indispensable que les contours de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee soient preacuteciseacutement deacutelimiteacutes

Lrsquoamalgame contesteacute entre ne bis in idem et lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

jette un voile sur le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Comme cet amalgame repose sur

une deacuteformation des fonctions de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee2 il en ressort un flou sur les

fonctions de la reacutevision Deuxiegravemement rompre le lien entre la regravegle ne bis in idem et

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee pourrait favoriser la prise en compte de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu En

lrsquoabsence drsquoune nouvelle vision de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee toute eacutevolution orienteacutee dans

cette direction risque drsquoecirctre compromise Crsquoest ainsi que laquo le rattachement de la regravegle ne bis in

idem au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoest pas seulement insatisfaisant en theacuteorie il

est eacutegalement nocif en pratique raquo3

649 En effet toutes les reacuteformes de la proceacutedure de reacutevision restent conditionneacutees aux

modaliteacutes de conception de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Madame Juliette LELIEUR

estime que laquo si lrsquoon veut une regravegle ne bis in idem qui assure la seacutecuriteacute juridique ndash en

particulier celle de lrsquoindividu qui a deacutefinitivement reacutepondu de ses actes devant la justice ndash au

lieu de se contenter de proteacuteger le creacutedit du juge fonction que remplit deacutejagrave le principe de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee il faut rompre le lien entre la regravegle ne bis in idem et le principe de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Osons ces termes il faut libeacuterer la regravegle ne bis in idem du carcan

dans lequel lrsquoenferme la logique de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee4 raquo Cette libeacuteration voulue par

lrsquoauteure est envisageacutee sous la forme du principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive envers la

mecircme personne pour les mecircmes faits

1 J LELIEUR op cit premiegravere partie 2 Ibid ndeg 187 3 J LELIEUR op cit p 335 4 Ibid ndeg 394

246

650 Le rattachement exclusif de la regravegle ne bis in idem agrave ce fondement mettrait fin agrave

la deacuteformation des fonctions de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Cette nouvelle conception

constituerait un gage de libeacuteralisation de la reacutevision

B La disparition du lien entre ne bis in idem et lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee un facteur de libeacuteralisation de la reacutevision

651 Libeacuterer la regravegle ne bis in idem de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee permettrait drsquoaplanir

la rivaliteacute ambiante entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision De cette

maniegravere la conciliation entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision dont

lrsquoobjectif partageacute est la preacuteservation de la paix sociale serait mieux assureacutee1

652 Lrsquoargument qui consiste agrave soutenir que cette nouvelle approche pourrait ouvrir la

porte agrave des abus et transformer la reacutevision en un troisiegraveme degreacute de juridiction ne reacutesiste pas

au raisonnement de lrsquoauteure En effet Madame Juliette LELIEUR estime que les proceacutedures

de reacuteouverture doivent demeurer des exceptions au principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive

Lrsquoexigence de justice requiert le respect de la stabiliteacute des deacutecisions et face aux difficulteacutes

lieacutees agrave la manifestation de la veacuteriteacute la possibiliteacute drsquoune reacuteouverture du procegraves baseacutee sur ce

fondement meacuterite drsquoecirctre appreacutehendeacutee avec une laquo grande prudence 2raquo

653 Vue sous cet angle la reacutevision reste lrsquoexpression de la traduction drsquoun effort de

dosage entre le perfectionnisme et la stabiliteacute En effet laquo il demeure essentiel de tenir compte

de la seacutecuriteacute juridique collective qui serait certainement en danger si les condamneacutes

pouvaient trop facilement demander la reacuteouverture du procegraves degraves lors que leur condamnation

leur paraicirct injuste Il faut donc concilier deux exigences [hellip] la justice de la deacutecision

reacutepressive revendiqueacutee par lrsquoindividu condamneacute et la seacutecuriteacute juridique agrave laquelle aspire la

collectiviteacute3 raquo

654 Lrsquoauteure poursuit la recherche drsquoun eacutequilibre entre la seacutecuriteacute juridique

collective et lrsquoexigence de justice en motivant sa deacutemarche par la faillibiliteacute intrinsegraveque de

toute deacutecision judiciaire et lrsquoimpossibiliteacute drsquoatteindre systeacutematiquement lrsquoideacuteal de la justice

Elle considegravere donc qursquoen matiegravere de reacutevision laquo lrsquoexigence de justice doit toujours guider sa

1 M-A FRISON-ROCHE D MAZEAUD laquo Avant propos raquo in Lrsquoexpertise Dalloz 1995 Le procegraves est un laquo meacutecanisme logique mis en place pour que soit eacutetabli agrave son terme le jugement le plus juste possible au regard de la situation litigieuse de la regravegle de droit adeacutequate et de la paix sociale qursquoil srsquoagit de retrouver raquo 2 J LELIEUR op cit ndeg 667 3 Ibid ndeg 673

247

mise en œuvre [hellip] si bien que le principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive ne doit pas

neacutecessairement lui faire obstacle1 raquo Le principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive ouvre donc la

voie agrave une nouvelle perception de la proceacutedure de reacutevision Celle-ci en reposant sur diffeacuterents

degreacutes drsquoinjustice contenus dans une classification des deacutecisions injustes2 pourrait se libeacuterer

de son carcan conceptuel sans pour autant plonger dans les abicircmes drsquoun troisiegraveme degreacute de

juridiction

1 Ibid p518 2 Ibid p 524

248

Conclusion du chapitre 2

655 Ce chapitre nous a permis de rechercher si la nouvelle leacutegislation srsquoeacutetait inspireacutee

drsquoune approche plus moderne des relations entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision Un tel changement aurait pu enteacuteriner un rapprochement entre lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et la reacutevision fondeacutee sur la preacuteservation de la paix sociale En effet la modification des

textes ne suffit pas pour atteindre lrsquoobjectif viseacute qui reste subordonneacute agrave lrsquoacceptation par les

acteurs judiciaires drsquoune conception plus moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

656 Le leacutegislateur de 2014 ne semble pas avoir voulu se precircter agrave cet exercice Certains

signaux semblant indiquer une cohabitation plus harmonieuse entre lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et le pourvoi en reacutevision ont eacuteteacute envoyeacutes dans la loi de 2014 Sont concerneacutees

lrsquoouverture de la reacutevision agrave de nouveaux requeacuterants ou encore la fusion des cas drsquoouverture Il

convient toutefois de les analyser avec prudence et circonspection les laquo vieux deacutemons raquo

nrsquoayant pas entiegraverement disparu En effet le profil type de la deacutecision susceptible drsquoecirctre

reacuteviseacutee a eacuteteacute reproduit dans la nouvelle loi ainsi que le probable refus drsquoadmettre lrsquoeacuteleacutement

non deacutebattu comme un eacuteleacutement nouveau

249

Conclusion du titre 1

657 Dans ce titre a eacuteteacute poseacutee la question de savoir si le leacutegislateur avait releveacute le deacutefi

meacutethodologique qui lrsquoinvitait agrave reacuteformer efficacement la reacutevision La partie eacutemergeacutee de la

reacuteforme teacutemoigne du regraveglement de certaines difficulteacutes structurelles et conjoncturelles

contenues dans la loi de 1989 Le leacutegislateur a pris conscience de la neacutecessiteacute de reacuteformer

sensiblement la proceacutedure de reacutevision Toutefois lrsquoefficaciteacute de la reacuteforme reacuteside eacutegalement

dans des consideacuterations plus subtiles et moins voyantes touchant agrave la volonteacute de se diriger

vers une conception plus moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee indispensable agrave la

libeacuteralisation de la reacutevision La reacuteussite sur ce point est plus discregravete car le changement relegraveve

agrave la fois du leacutegislateur et du juge

658 Le manque de recul par rapport agrave la loi nouvelle ne permet pas de savoir si la

jurisprudence voudra srsquoinscrire dans ce nouvel eacutelan ou srsquoen eacuteloigner

250

Titre 2

Une reacuteforme agrave parachever

251

659 La loi de 2014 dont les travaux parlementaires ont souligneacute le caractegravere restrictif

du texte de 1989 avait pour ambition drsquoouvrir les portes de la reacutevision1 Toutefois cette

libeacuteralisation connaicirct des limites qui sont de nature agrave restreindre la porteacutee des modifications

apporteacutees par le nouveau texte Malgreacute des avanceacutees reacuteelles celui-ci accuse un retard tant par

rapport aux objectifs afficheacutes des rapporteurs qursquoaux nouvelles possibiliteacutes drsquoouverture de la

reacutevision Crsquoest pourquoi le preacutesent titre sera consacreacute agrave lrsquoeacutetude des aspects neacutegatifs de la loi

du 20 juin 2014

660 Notre deacutemarche ne consiste pas agrave remettre en cause lrsquointeacutegraliteacute du travail du

leacutegislateur de 2014 En effet il a accompli de reacuteelles avanceacutees On compte parmi elles -

lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats en assises - le retour de la mention de lrsquoinnocence -

lrsquoeacutelargissement de la liste des personnes pouvant agir - la clarification des pouvoirs de la

juridiction drsquoinstruction - les demandes drsquoactes preacutealables - la question de lrsquoimplication drsquoun

tiers et enfin - la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation Drsquoautres aspects de la

reacuteforme precirctent davantage le flan agrave la critique Celle-ci laisse subsister certaines difficulteacutes

tant drsquoordre structurel que conjoncturel qursquoil conviendrait de reacutegler (chapitre 1) Cependant

afin de ne pas reproduire les erreurs du passeacute la reacutevision devrait srsquoaffranchir de lrsquoeacutetreinte de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee (chapitre 2)

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit

252

CHAPITRE 1 LA RESOLUTION DES

DIFFICULTES STRUCTURELLES ET

CONJONCTURELLES PERSISTANTES

661 Fidegravele agrave la distinction que nous avons faite depuis le deacutebut de notre eacutetude nous

eacutetudierons drsquoabord les difficulteacutes drsquoordre structurel (section 1) puis celles drsquoordre conjoncturel

(section 2) telles qursquoelles subsistent dans la reacuteforme

Section 1 Les difficulteacutes structurelles persistantes

662 Nous nous concentrerons sur deux points drsquoordre structurel qui suscitent toujours

des interrogations Premiegraverement il srsquoagit de se pencher sur lrsquoefficaciteacute de lrsquoarticle 624 du

Code de proceacutedure peacutenale dont le but est de recentrer le rocircle de la commission sur lrsquoeacutetude de

la recevabiliteacute des requecirctes (sect 1) Deuxiegravemement se pose la question de la reacuteelle opportuniteacute

de la creacuteation drsquoune juridiction unique pour la reacutevision et le reacuteexamen (sect 2)

sect 1 Le recentrage du rocircle de la commission

663 La loi de 1989 entretenait une confusion des compeacutetences entre la commission et

la Cour de reacutevision1 La loi de 2014 srsquoest atteleacutee agrave sortir de lrsquoambiguiumlteacute en supprimant

lrsquoancienne version de lrsquoarticle 623 du Code de proceacutedure peacutenale2 Ainsi le nouvel article 624

legraveve-t-il a priori tous les malentendus relatifs au partage des compeacutetences entre la

commission et la Cour en preacutecisant que laquo la demande en reacutevision ou la demande en reacuteexamen

est adresseacutee agrave la commission dinstruction des demandes en reacutevision et en reacuteexamen qui se

prononce sur sa recevabiliteacute raquo

664 Accueilli favorablement ce nouvel article teacutemoigne de la volonteacute de dessiner une

ligne de deacutemarcation plus nette entre les pouvoirs de la commission et ceux de la Cour Drsquoun

point de vue theacuteorique cette avanceacutee ne peut ecirctre nieacutee Toutefois deacutejagrave en 1989 le leacutegislateur

avait lrsquointention et ce malgreacute un texte maladroitement reacutedigeacute de faire de la commission le

juge de la seule recevabiliteacute des requecirctes3 Le texte dans sa nouvelle forme reacutedactionnelle

1 V supra ndeg 320 agrave 328 2 Le texte disposait laquo cette commission saisit la chambre criminelle qui statue comme Cour de reacutevision des demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises raquo 3 V supra

253

poursuivant le mecircme but que lrsquoancienne loi sera-t-il en pratique agrave la hauteur de ses

ambitions Cette question meacuterite drsquoecirctre poseacutee car la loi de 2014 revendique la poursuite drsquoun

objectif cibleacute et concret agrave savoir permettre un nombre plus important de reacutevisions leur

multiplication eacutetant la conseacutequence logique des avanceacutees scientifiques des derniegraveres anneacutees1

665 Aussi nous semble-t-il neacutecessaire au regard de lrsquoobjectif de la reacuteforme de porter

le deacutebat au-delagrave du seul constat theacuteorique de lrsquoavanceacutee reacutedactionnelle de lrsquoarticle 624 du Code

de proceacutedure peacutenale La clarification dans la loi du partage des compeacutetences entre la

commission et la Cour facilitera-t-elle reacuteellement le filtrage des requecirctes et la reacuteparation de

lrsquoerreur judiciaire2 Selon nous agrave lrsquoexception des hypothegraveses drsquoirrecevabiliteacute ab initio3 il

restera difficile pour la commission de se limiter agrave lrsquoeacutetude de la seule recevabiliteacute de la

requecircte (A)

666 En effet il ne serait pas juste de faire uniquement le lien entre le faible nombre de

reacutevisions et le problegraveme inheacuterent agrave la seacuteveacuteriteacute du filtrage de la commission Par le passeacute

lrsquoexplication de cette seacuteveacuteriteacute avait aussi pour origine le partage de lrsquoeacutetude du doute par la

commission et la Cour4 De fait la difficulteacute reacutesidait dans lrsquoappreacuteciation du degreacute de doute

neacutecessaire agrave la reacutevision Or il est agrave craindre que la nouvelle reacutedaction du texte nrsquoempecircche pas

la commission de continuer de srsquointerroger sur le doute sur la culpabiliteacute On se retrouverait

alors dans la mecircme configuration que dans le droit anteacuterieur Le maintien dans la loi du cas

drsquoouverture fondeacute sur le laquo doute sur la culpabiliteacute raquo peut ainsi constituer un obstacle au

deacuteploiement de lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale En drsquoautres termes avec le

nouveau texte laquo la science du droit en est purifieacutee mais pas la pratique raquo5 En conseacutequence

il apparaicirct indispensable drsquoaborder de maniegravere diffeacuterente le droit de la reacutevision en utilisant un

outil mieux agrave mecircme drsquoatteindre le but drsquoouverture que se fixe la loi (B)

1 N LE DOUARIN op cit p 29 C PUIGELIER laquo Observations sur le droit peacutenal scientifique agrave lrsquoaube du troisiegraveme milleacutenaire raquo in Le droit peacutenal agrave lrsquoaube du troisiegraveme milleacutenaire Meacutelanges offerts agrave Jean Pradel Cujas 2006 p 473-498 2 P JESTAZ FGENY op cit p 37 CARBONNIER J Sociologie juridique op cit p 319 DI MARINO G Le recours aux objectifs de la loi peacutenale dans son application op cit 3 V supra ndeg 276 4 V supra ndeg 320 agrave 327 5 Expression emprunteacutee agrave O JOUANJAN O JOUANJAN laquo Preacutesentation du traducteur raquo in Friedrich MUumlLLER Discours de la meacutethode juridique Paris Presses universitaires de France 1996 p 6

254

A Des dispositions difficilement applicables

667 Le nouvel article 624 du Code de proceacutedure peacutenale faisant reacutefeacuterence agrave la seule

recevabiliteacute lrsquoanalyse du doute sur la culpabiliteacute ne devrait en theacuteorie en aucun cas inteacuteresser

la commission (1) Toutefois des difficulteacutes sont agrave craindre agrave lrsquoeacutepreuve de la pratique (2)

1 La theacuteorie

668 Larticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale qui limite le rocircle de la commission

drsquoinstruction au seul pouvoir drsquoexamen de la recevabiliteacute des requecirctes est renforceacute par lrsquoarticle

624-2 du Code de proceacutedure peacutenale dont lrsquoobjet consiste agrave preacuteciser les conditions dans

lesquelles la commission dinstruction peut appreacutecier le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu La

commission dinstruction laquo prend en compte lensemble des faits nouveaux ou eacuteleacutements

inconnus sur lesquels ont pu sappuyer une ou des requecirctes preacuteceacutedemment preacutesenteacutees raquo Elle

doit donc saisir la Cour de reacutevision lorsqursquoelle estime qursquo laquo un fait nouveau sest produit ou

quun eacuteleacutement inconnu au jour du procegraves srsquoest reacuteveacuteleacute raquo Le leacutegislateur postule clairement que

seule la formation de jugement peut se prononcer sur lrsquoinfluence du fait nouveau ou de

lrsquoeacuteleacutement inconnu sur la culpabiliteacute du condamneacute1

669 Imaginons comme dans de lrsquoaffaire DILS2 qursquoun condamneacute deacutefinitif pour

meurtre invoque dans sa requecircte en reacutevision lrsquoeacuteleacutement jusqursquoici meacuteconnu de la preacutesence sur

les lieux du crime et au moment des faits drsquoun tueur en seacuterie Dans lrsquohypothegravese ougrave la requecircte

ne serait pas manifestement irrecevable la commission jugerait de la recevabiliteacute srsquoattelant agrave

veacuterifier la reacutealiteacute du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu en srsquointerrogeant sur la nouveauteacute

du fait ou sur le caractegravere inconnu de lrsquoeacuteleacutement et sur son seacuterieux Dans un premier temps la

commission srsquoassurerait que le fait ou lrsquoeacuteleacutement invoqueacute eacutetait soit inexistant au moment de la

condamnation soit ignoreacute par la juridiction au jour du procegraves Dans un tel cas elle

srsquoemploierait agrave eacutetablir le cas eacutecheacuteant agrave lrsquoaide de moyens drsquoinvestigations la fiabiliteacute et le

seacuterieux de ce fait ou de cet eacuteleacutement Concregravetement dans notre exemple la commission devrait

se poser la question suivante la deacutecouverte de la preacutesence sur les lieux au moment du crime

du tueur en seacuterie est-elle un eacuteleacutement nouveau seacuterieux Lrsquointerpreacutetation stricte du texte exclut

toute prise de position de sa part sur la porteacutee du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu sur la

culpabiliteacute En drsquoautres termes la recherche du doute eacutechappe agrave la commission

1 Seacutenat Proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive examen des articles op cit p 15 et 32 2 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 3 avril 2001 ndeg 99-84584 op cit

255

670 Cependant que faut-il entendre par fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu seacuterieux A

partir de quel moment un fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu devient-t-il seacuterieux Peut-il ecirctre

seacuterieux sans pour autant faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute Ces questions laisseacutees sans

reacuteponse par le texte seront selon nous agrave lrsquoorigine de difficulteacutes dans sa mise en œuvre

2 La pratique

671 Lrsquoexamen du caractegravere seacuterieux du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu implique

neacutecessairement pour la commission drsquoappreacutecier la reacutealiteacute des liens susceptibles drsquounir les

eacuteleacutements nouveaux avec lrsquoaffaire Elle srsquointerrogera sur le fait de savoir si la connaissance de

ce nouvel eacuteclairage aurait pu permettre agrave lrsquoeacutepoque agrave la juridiction de jugement de prononcer

un verdict diffeacuterent Aussi cette deacutemarche revient-elle agrave se poser la question de savoir si ce

fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu seacuterieux est de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute

du condamneacute Crsquoest ainsi que bien que le nouveau texte se retranche derriegravere la notion

objective de recevabiliteacute lrsquoeacutelimination de toute appreacuteciation de la porteacutee du fait nouveau ou

de lrsquoeacuteleacutement inconnu semble irreacutealisable

672 En conseacutequence le rocircle de la commission srsquoinscrit dans un contexte difficile La

solution pourrait consister afin de lui faciliter la tacircche agrave lui retirer le questionnement sur le

caractegravere seacuterieux Toutefois cette piste ne paraicirct pas reacutealisable En effet une transmission agrave la

Cour de reacutevision des requecirctes concernant lrsquoexistence drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement

inconnu ignorant le questionnement relatif agrave son seacuterieux conduirait la commission agrave

transmettre agrave la Cour des requecirctes fantaisistes Il pourrait srsquoagir de la deacutecouverte de la

preacutesence sur les lieux et au moment du crime drsquoune personne X connue deacutefavorablement des

services de police et de la justice agrave qui on reprocherait drsquoavoir eacuteventuellement pu commettre

le crime sans toutefois pouvoir fournir hormis sa situation judiciaire passeacutee aucune preuve

ou indice seacuterieux Ou encore la preacutesence sur les lieux et au moment du crime de lrsquoex-eacutepouse

de la victime ou de celle drsquoun voisin ou drsquoun collegravegue avec lesquels la victime vivait en

meacutesintelligencehellip

673 Cette situation aurait pour conseacutequence drsquoeacuteriger le pourvoi en reacutevision en un

troisiegraveme degreacute de juridiction au meacutepris du principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee La Cour

de reacutevision se verrait rapidement submergeacutee de nombreuses requecirctes dont lrsquoissue serait plus

qursquoincertaine Crsquoest ainsi qursquohormis les requecirctes manifestement irrecevables le rocircle de

filtrage de la commission deviendrait sans inteacuterecirct

256

674 Lrsquoexamen du caractegravere seacuterieux de lrsquoeacuteleacutement inconnu ou du fait nouveau fait partie

inteacutegrante du filtrage Crsquoest pourquoi nous rejoignons lrsquoanalyse de Madame Juliette

LELIEUR laquo Il est vrai que lorsqursquoune deacutecision a eacuteteacute rendue en lrsquoignorance de certains faits

[hellip] la probabiliteacute qursquoelle ne soit pas juste est augmenteacutee Neacuteanmoins mecircme dans ces

situations lrsquoexistence drsquoune injustice nrsquoest que supposeacutee elle nrsquoest pas eacutetablie Or la

reacuteouverture du procegraves eacutetant per se contraire agrave la seacutecuriteacute juridique elle nrsquoest admissible agrave

notre sens que srsquoil existe de seacuterieuses1 raisons de penser qursquoelle permettra de corriger une

injustice2 raquo

675 Comment la commission peut-elle srsquointeacuteresser agrave lrsquoexistence et au seacuterieux drsquoun

eacuteleacutement inconnu ou drsquoun fait nouveau sans srsquointerroger sur sa porteacutee A notre sens cette

question se posera de maniegravere cruelle agrave la commission Elle ne srsquoest pas poseacutee au moment de

la premiegravere deacutecision rendue le 16 mars 2015 par la commission drsquoinstruction dans le cadre

drsquoun nouveau recours en reacutevision deacuteposeacute par les heacuteritiers de Messieurs Raymond MIS et

Gabriel THIENNOT En effet la deacutecision drsquoirrecevabiliteacute rendue par la commission est

motiveacutee par le fait qursquo laquo il ressort des deacuteveloppements qui preacutecegravedent que la question des

violences deacutenonceacutees par les personnes gardeacutees agrave vue et des conditions dans lesquelles leurs

deacutepositions ont eacuteteacute recueillies par les enquecircteurs a eacuteteacute deacutebattue devant la cour drsquoassises de la

Gironde Les violences ne peuvent donc pas en tant que telles constituer un fait nouveau ou

un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves au sens de lrsquoarticle 622 du Code de

proceacutedure peacutenale raquo Comme le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu au jour du procegraves nrsquoexistait

pas la question de sa porteacutee ne se posait pas

676 Il nrsquoen demeure pas moins vrai que malgreacute une reacuteelle clarification du texte la

reacuteaffirmation du cas drsquoouverture fondeacute sur la notion de doute sur la culpabiliteacute est de nature agrave

compliquer le deacuteploiement de lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale et agrave entretenir une

confusion des rocircles entre la commission drsquoinstruction et la Cour de reacutevision La condition du

laquo seacuterieux raquo ouvre la voie agrave lrsquoexamen du doute sur la culpabiliteacute par la commission et risque de

deacuteboucher sur un double controcircle du doute Dans ce cas-lagrave la situation serait identique agrave celle

qui existait sous lrsquoempire de la loi de 1989

1 Crsquoest nous qui soulignons 2 J LELIEUR op cit ndeg 669

257

677 Une eacutecriture plus inductive de la loi1 srsquoinspirant de la theacuteorie structurante du droit

de Friedrich MULLER aurait pu eacuteviter ce nouvel imbroglio juridique et offrirait une

alternative inteacuteressante

B Une eacutecriture plus inductive de la loi

678 La meacutethode juridique proposeacutee par Monsieur Friedrich MULLER repose sur le

postulat suivant laquo la meacutethodologie structurante [hellip] nait du constat drsquoinadeacutequation de la

repreacutesentation traditionnelle de la norme juridique aux exigences pratiques que les principes

de lrsquoEtat de droit et de la deacutemocratie imposent raquo2 Ce mode de raisonnement pourrait

permettre drsquoatteindre de maniegravere concregravete lrsquoobjectif rechercheacute par la loi nouvelle agrave savoir une

libeacuteralisation de la proceacutedure de reacutevision (1) Ainsi en srsquoinspirant des travaux de Monsieur

Friedrich MULLER nous verrons que lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale malgreacute sa

justesse et sa pertinence risque de ne pas pouvoir reacutepondre aux attentes du leacutegislateur et ce

aussi longtemps que le cas drsquoouverture agrave reacutevision reposera sur le doute sur la culpabiliteacute (2)

1 Lrsquoapport drsquoune eacutecriture plus inductive

679 Dans la meacutethode structurante du droit le point de deacutepart de la reacuteflexion de

Monsieur Friedrich MULLER consiste agrave revisiter la meacutethode drsquoeacutelaboration de la norme telle

qursquoelle est actuellement meneacutee par le leacutegislateur Le cheminement intellectuel classique

repose drsquoabord sur la conceptualisation de la theacuteorie qui sert ensuite de creuset agrave une

reacuteflexion sur les conseacutequences pratiques A lrsquoinverse la meacutethode de Monsieur Friedrich

MULLER suggegravere la mise en place drsquoun proceacutedeacute inductif drsquoeacutelaboration de la norme

680 Monsieur le Professeur JOUANJAN preacutecise que laquo Ralph CHRISTENSEN lrsquoun

des meilleurs continuateurs de lrsquoœuvre de Friedrich MULLER a parfaitement preacutesenteacute ce

mode drsquoapproche agrave la diffeacuterence de la theacuteorie pure du droit ou de la pheacutenomeacutenologie

juridique la theacuteorie structurante du droit ne cherche pas agrave plaquer lrsquoun des courants de la

1 En sens contraire V C DE SECONDAT baron de Montesquieu De lesprit des lois les grands thegravemes eacutediteacute par JP MAYER et AP KEN Paris Gallimard 1970 R KOLB Interpreacutetation et creacuteation du droit international - Esquisses dune hermeacuteneutique juridique moderne pour le droit international Bruxelles Bruylant 2006 F GENY laquo Meacutethode drsquointerpreacutetation et sources en droit priveacute positif (hellip) raquo op cit Sur leurs limites V F MUumlLLER laquo Travail de textes travail de droit raquo in O JOUANJAN et F MUumlLLER Avant dire droit Queacutebec Presses de lrsquoUniversiteacute Laval 2007 p 23 Pour une critique de la conception de F MULLER V C LE COUSTUMER laquo Texte norme et Eacutetat de droit chez Friedrich Muumlller raquo accessible sur httpwwwtheoriedudroitnetnotesindexphp2008031829-texte-et-norme-chez-friedrich-muller 2 O JOUANJAN laquo Preacutesentation du traducteur raquo in Friedrich MUumlLLER Discours de la meacutethode juridique Paris Presses universitaires de France 1996 p 6

258

theacuteorie de la science sur le domaine juridique Contrairement agrave ce genre de transpositions de

forme neacutecessairement deacuteductive la theacuteorie structurante srsquoefforce de partir de maniegravere

inductive des problegravemes pratiques1 raquo Cette approche a pour avantage de renforcer

lrsquoopeacuterationnaliteacute du droit puisqursquoelle srsquoappuie sur laquo une analyse critique (hellip) de la pratique

juridique reacuteelle2 raquo

681 Cette vision des choses pourrait contribuer agrave ameacuteliorer les dispositions de la loi

de 2014 par rapport agrave la reacutepartition des compeacutetences entre la commission et la Cour En effet

malgreacute le souhait du leacutegislateur de libeacuteraliser la reacutevision les mecircmes critiques que celles qui

ont eacuteteacute formuleacutees agrave lrsquoencontre de lrsquoapplication de la loi de 1989 risquent de se manifester

Srsquoagissant de lrsquoexamen de la recevabiliteacute des requecirctes par la commission drsquoinstruction la

lettre de la loi 2014 ne pose aucun problegraveme Les difficulteacutes surgissent plutocirct au moment de

son application concregravete

682 Les justifications fournies par Monsieur le Professeur JOUANJAN quant au bien-

fondeacute de la theacuteorie structurante du droit semblent parfaitement adapteacutees agrave la situation laquo On

comprendra que lrsquoenjeu de cette theacuteorie structurante du droit et de sa meacutethodologie srsquoinscrit

preacuteciseacutement dans ce deacutefi consistant agrave se deacutefaire du positivisme objectiviste qui laisserait croire

que dans lrsquoapplication de la regravegle de droit cette regravegle srsquoapplique sans tomber dans

lrsquoirrationalisme du subjectivisme qui nous semble-t-il nrsquoest pas capable de supporter les

exigences de lrsquoeacutetat de droit Elle nrsquoest pas la seule agrave se confronter agrave ce deacutefi Mais si ce deacutefi est

marquant pour le deacutebat juridique contemporain alors la theacuteorie structurante du droit doit

trouver sa place dans ce deacutebat3 raquo

683 En nous inspirant de la meacutethode de Monsieur Friedrich MULLER les

laquo problegravemes pratiques raquo constitueront le point de deacutepart de notre raisonnement

Ce nrsquoest pas lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale sui generis qui geacutenegravere des difficulteacutes

En effet il traduit lrsquoexpression de la volonteacute du leacutegislateur drsquoencadrer le rocircle de filtrage de la

commission pour eacuteviter un chevauchement de compeacutetences avec la juridiction de jugement

Cette volonteacute avait deacutejagrave eacuteteacute afficheacutee par le leacutegislateur de 1989 qui souhaitait aussi limiter le

rocircle de la commission au seul examen de la recevabiliteacute de la requecircte En revanche les

problegravemes pratiques risquent de surgir sous lrsquoeffet de sa combinaison avec lrsquoarticle 622 qui

1 Ibid p12 2 Ibid p 12 3 Ibid p 21

259

maintient le doute sur la culpabiliteacute comme cas drsquoouverture1 Une reacuteeacutecriture plus inductive de

la loi suggegravererait donc selon nous lrsquoabandon de toute reacutefeacuterence au doute sur la culpabiliteacute en

matiegravere de cas drsquoouverture agrave reacutevision

2 Lrsquoabandon de la reacutefeacuterence au doute sur la culpabiliteacute

684 En srsquoappuyant sur la notion objective de recevabiliteacute le nouveau texte a clarifieacute la

situation anteacuterieure Il srsquoagit drsquoun reacuteel progregraves qui meacuterite drsquoecirctre maintenu Toutefois cette

avanceacutee risque de ne pas suffire agrave lrsquoabandon deacutefinitif du double controcircle du doute Face agrave

cette situation plusieurs pistes peuvent ecirctre envisageacutees afin drsquoeacuteviter tout risque de double

controcircle du doute

685 Premiegraverement deacutecharger la commission drsquoinstruction de lrsquoeacutetude du seacuterieux de

lrsquoeacuteleacutement inconnu ou du fait nouveau Or comme il a eacuteteacute deacutemontreacute cette solution aurait pour

conseacutequence de reacuteduire quasi agrave neacuteant lrsquoutiliteacute du filtrage

686 Deuxiegravemement maintenir en lrsquoeacutetat la conception actuelle de la recevabiliteacute tout

en preacutecisant expresseacutement dans la loi lrsquoindeacutependance du caractegravere seacuterieux du fait nouveau ou

de lrsquoeacuteleacutement inconnu par rapport au doute sur la culpabiliteacute Deux raisons nous permettent de

douter de la justesse de ce choix Drsquoabord lors de lrsquoexamen du seacuterieux il apparaicirct difficile

deacuteliminer en pratique toute appreacuteciation de la porteacutee du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement

inconnu Ensuite la dissociation entre lrsquoappreacuteciation du caractegravere seacuterieux et celle du doute

quand bien mecircme jamais preacuteciseacutee dans la loi avait deacutejagrave eacuteteacute souhaiteacutee en 1989 Cette position

a eacuteteacute rappeleacutee agrave maintes reprises dans les rapports annuels de la Cour de cassation et agrave

lrsquooccasion des diverses interventions devant la commission des lois de lrsquoAssembleacutee Nationale

Srsquoagissant deacutejagrave drsquoune exigence bien connue il semble donc peu probable que la mention de

cette dissociation soit efficace

687 Troisiegravemement maintenir la cohabitation de lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure

peacutenale avec lrsquoarticle 622 dans lrsquoespoir que toutes les requecirctes soient fondeacutees sur des certitudes

sur lrsquoinnocence Dans ce cas drsquoeacutecole la cohabitation nrsquoest pas deacuterangeante En effet dans

lrsquohypothegravese ougrave le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu est de nature agrave eacutetablir lrsquoinnocence du

condamneacute son seacuterieux ne fait aucun doute Toutefois mecircme si le retour de la mention de

1 D DE BEacuteCHILLON laquo Lrsquoordre juridique est-il complexe raquo in Les deacutefis de la complexiteacute Vers un nouveau paradigme de la connaissance Paris Eacuteditions LrsquoHarmattan 1994 p 42 et s

260

lrsquoinnocence dans le texte est particuliegraverement heureux notamment par rapport aux progregraves

scientifiques de nombreuses requecirctes restent fondeacutees sur le doute sur la culpabiliteacute1

688 Quatriegravemement maintenir en lrsquoeacutetat lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale en

prenant le soin de supprimer de lrsquoarticle 622 toute reacutefeacuterence agrave la notion de doute sur la

culpabiliteacute Cette solution a lrsquoavantage de mettre deacutefinitivement un terme agrave tout risque de

double controcircle du doute La suppression du doute qui depuis 1989 constitue un problegraveme

reacutecurrent prend en consideacuteration le principal laquo problegraveme pratique raquo de la reacutevision

lrsquoappreacuteciation du doute sur la culpabiliteacute

689 Le deuxiegraveme grief drsquoordre structurel formuleacute agrave lrsquoadresse de la loi de 2014

concerne la fusion des juridictions chargeacutees de la reacutevision et du reacuteexamen

sect 2 La creacuteation drsquoune juridiction unique pour la reacutevision et le

reacuteexamen

690 La loi nouvelle bouleverse la structure de la reacutevision en instituant une juridiction

unique en charge de la reacutevision et du reacuteexamen dune deacutecision peacutenale conseacutecutif au prononceacute

dun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme2 La creacuteation de cette juridiction

unique suscite de notre part des critiques que nous deacutevelopperons autour de deux ideacutees En

premier lieu les motivations du leacutegislateur par rapport agrave cette fusion semblent peu

convaincantes (A) En second lieu le rapprochement entre la reacutevision et le reacuteexamen nrsquoest pas

pertinent du point de vue juridique (B)

A Les raisons peu convaincantes de la fusion

691 Il ressort des travaux parlementaires que deux raisons ont justifieacute le choix de la

fusion La premiegravere est que la creacuteation drsquoune juridique unique pour la reacutevision et le reacuteexamen

pourrait atteacutenuer le sentiment drsquoineacutegaliteacute ressenti auparavant par les justiciables selon qursquoils

avaient ou non beacuteneacuteficieacute drsquoun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme (1) La

seconde est que la fusion devrait confeacuterer une coheacuterence drsquoensemble agrave la reacuteformation des

deacutecisions peacutenales deacutefinitives (2)

1 Les reacutevisions des procegraves de Rida DAALOUCHE Patrick DILS Guilherme VENTURA Marc MACHIN Loiumlc SECHER Abdelkader AZZIMANI et Abderrahim EL-JABRI et Christian IANOCO reposaient toutes sur des faits nouveaux ou des eacuteleacutements inconnus de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute 2 V infra

261

1 Lrsquoatteacutenuation du sentiment drsquoineacutegaliteacute entre les justiciables

692 Les motivations de la creacuteation drsquoune juridiction unique pour la reacutevision et le

reacuteexamen trouvent leur source dans les racines de la reacuteforme Lrsquoadoption de la loi du 20 juin

2014 eacutetait justifieacutee par les difficulteacutes drsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision et par le faible

taux de reacuteussite de cette proceacutedure

693 Le constat avait deacutejagrave eacuteteacute clairement eacutetabli en 2007 par les rapporteurs de la

proposition de loi visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations

peacutenales qui ne srsquoest jamais concreacutetiseacutee En 2007 lrsquoexposeacute des motifs de la proposition de loi

commenccedilait ainsi laquo ( hellip) Depuis de nombreux mois la justice peine agrave sortir drsquoune crise

majeure qui nrsquoa fait que renforcer la traditionnelle meacutefiance des Franccedilais agrave lrsquoeacutegard de cette

institution Pour retrouver la confiance de nos concitoyens la justice doit notamment pouvoir

deacutemontrer qursquoelle est en mesure de se remettre en cause de rectifier ses erreurs et autant que

faire se peut drsquoen reacuteparer les conseacutequences1 raquo Les rapporteurs soucieux de renouer des liens

de confiance entre les citoyens et la justice peacutenale ont lieacute cette deacutefiance au manque

drsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision

694 Ces constatations ont eacuteteacute reprises par les rapporteurs de la loi de 2014 laquo une

justice qui reconnaicirct ses erreurs et les corrige sans srsquoefforcer de les maintenir et de les

dissimuler par de vaines formules est une justice eacutedifiante qui ne peut inspirer que de la

confiance et du respect 2raquo Ils ont ajouteacute laquo Du reste aucun risque de submersion de la Cour

de cassation par les demandes en reacutevision nrsquoest perceptible Les statistiques font apparaicirctre

que 167 requecirctes ont eacuteteacute preacutesenteacutees agrave la Commission de reacutevision en 2005 chiffre comparable

agrave ceux constateacutes dans les anneacutees preacuteceacutedentes Apregraves filtrage par cette commission le nombre

des saisines de la chambre criminelle statuant comme cour de reacutevision repreacutesente en moyenne

moins de 3 des requecirctes dont seulement un peu plus de la moitieacute donne lieu agrave annulation de

la deacutecision de condamnation 3raquo

695 Ce faible nombre a eacuteteacute ensuite compareacute tant par les rapporteurs de 2007 que par

ceux de 2014 aux statistiques de reacuteussite de la proceacutedure de reacuteexamen En 2007 les

rapporteurs ont preacuteciseacute que laquo la seconde proceacutedure de reacutevision dite de reacuteexamen drsquoune

deacutecision peacutenale conseacutecutif au prononceacute drsquoun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de 1 Proposition de loi ndeg 3770 visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales enregistreacutee agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee Nationale le 13 mars 2007 op cit p 1 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 9 3 Ibid

262

lrsquohomme [donnait] lieu agrave moins drsquoune dizaine de recours par an Environ la moitieacute de ces

demandes [eacutetait] accueillie 1raquo En 2014 ces statistiques ont fait lrsquoobjet drsquoune analyse encore

plus fine laquo Depuis 1989 3 358 demandes ont eacuteteacute preacutesenteacutees agrave la commission de reacutevision qui

a rendu pour lrsquoheure 3 171 deacutecisions Parmi ces demandes 2 122 ont eacuteteacute jugeacutees irrecevables

965 ont eacuteteacute rejeteacutees et 84 seulement ont conduit agrave la saisine de la Cour de reacutevision Au total

depuis 1989 84 deacutecisions ont eacuteteacute prises par la Cour de reacutevision dont 51 deacutecisions

drsquoannulation et 33 deacutecisions de rejet En matiegravere de reacuteexamen la commission de reacuteexamen

nrsquoa eacuteteacute saisie que de 55 demandes depuis sa creacuteation en 2000 et elle a fait droit agrave 31 drsquoentre

elles Ces proceacutedures ont un taux de succegraves radicalement opposeacute alors qursquoune demande en

reacutevision a 15 de chances drsquoaboutir une demande en reacuteexamen aboutit dans 56 des

cas2 raquo

696 Il en ressort que les rapporteurs comparant les taux de succegraves de la proceacutedure de

reacutevision par rapport agrave ceux de la proceacutedure de reacuteexamen ont tenteacute de faire la deacutemonstration de

lrsquoexistence drsquoun deacuteseacutequilibre facirccheux entre le taux de reacuteussite des deux proceacutedures en charge

du mecircme objectif la reacuteformation drsquoune deacutecision peacutenale A lrsquoappui de leur raisonnement les

rapporteurs mettent en exergue que laquo le fonctionnement interne de la commission de

reacuteexamen est identique agrave celui des juridictions de reacutevision (hellip)En outre la commission de

reacuteexamen dispose de pouvoirs proches de ceux de la Cour de reacutevision3 raquo

697 Malgreacute leurs ressemblances le reacuteexamen permet laquo une remise en cause quasi

automatique de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee4 raquo alors que le pourvoi en reacutevision srsquoapparente agrave

laquo un chemin de croix judiciaire5 raquo La comparaison des taux de succegraves leur a permis de

conclure que lrsquoalignement de la proceacutedure de reacutevision sur la proceacutedure de reacuteexamen serait de

nature agrave ameacuteliorer lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision La creacuteation drsquoune juridiction unique

devait contribuer au renouvellement de la confiance du justiciable agrave lrsquoeacutegard de la justice car

laquo la confiance dans la justice passe aussi par la capaciteacute du systegraveme judiciaire agrave rectifier et

reacuteparer une erreur judiciaire sans chercher agrave toujours srsquoabriter derriegravere le sacrosaint principe

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee6 raquo

1 Proposition de loi ndeg 3770 visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales enregistreacutee agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee Nationale le 13 mars 2007 op cit p 3 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit 3 Ibid 4 Ibid 5 Expression emprunteacutee agrave R LETTERON httplibertescheriesblogspotfr201403la-revision-des-condamnations-penaleshtml 6 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit

263

698 Or cet ameacutenagement ne saurait ipso facto deacuteboucher sur une ameacutelioration

sensible du taux de reacuteussite des pourvois en reacutevision En effet la proceacutedure de reacutevision est

parsemeacutee de nombreux eacutecueils que la creacuteation drsquoune juridiction unique ne saurait eacuteliminer si

facilement De lrsquoaveu mecircme des rapporteurs laquo le tregraves faible nombre de reacutevisions accordeacutees

dans le cadre de la proceacutedure de droit commun peut notamment srsquoexpliquer par deux facteurs

Drsquoune part lrsquointervention successive de deux instances juridictionnelles dont les rocircles se

recoupent largement drsquoautre part lrsquoutilisation par la chambre criminelle drsquoun critegravere

drsquoanalyse excessivement restrictif raquo Aussi nrsquoest-il pas acquis que la creacuteation de la nouvelle

juridiction soit agrave mecircme de reacuteduire le sentiment drsquoineacutegaliteacute eacuteprouveacute par les justiciables Elle

pourrait mecircme lrsquoentretenir puisque le cadre de la proceacutedure suivie (reacutevision ou reacuteexamen) le

leacutegislateur a preacutevu diffeacuterents critegraveres de recevabiliteacute de la demande1

699 Le second motif qui a conduit le leacutegislateur agrave creacuteer une juridiction unique pour le

reacuteexamen et la reacutevision eacutetait le souci de confeacuterer une coheacuterence drsquoensemble agrave la reacuteformation

des deacutecisions peacutenales

2 La coheacuterence drsquoensemble de la reacuteformation des deacutecisions peacutenales

700 Nous ne partageons pas lrsquoideacutee selon laquelle la fusion confegravererait plus de

coheacuterence agrave la reacuteformation des deacutecisions peacutenales En effet pour veacuteritablement redonner une

coheacuterence drsquoensemble agrave la reacuteformation des deacutecisions peacutenales il aurait fallu eacutegalement inteacutegrer

la question du pourvoi en cassation dit laquo reacuteserveacute2raquo Preacutevu agrave lrsquoarticle 620 du Code de proceacutedure

peacutenale3 il autorise le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation sur ordre du Garde des

Sceaux agrave solliciter la reacuteformation dans linteacuterecirct de la loi ou eacutegalement dans linteacuterecirct du

condamneacute des deacutecisions ou des actes judiciaires irreacutevocables4 ou insusceptibles de recours

1 Article 624-1 CPP laquo Lorsque la commission dinstruction des demandes en reacutevision et en reacuteexamen est saisie dune demande en reacuteexamen son preacutesident statue par ordonnance Il saisit la formation de jugement de la cour de reacutevision et de reacuteexamen des demandes formeacutees dans le deacutelai mentionneacute agrave larticle 622-1 pour lesquelles il constate lexistence dun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme eacutetablissant une violation de la convention applicable au condamneacute raquo 2 GARRAUD Traiteacute theacuteorique et pratique dinstruction criminelle op cit ndeg 1979 3 Article 620 CPP laquo Lorsque sur lordre formel agrave lui donneacute par le Ministre de la justice le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation deacutenonce agrave la chambre criminelle des actes judiciaires arrecircts ou jugements contraires agrave la loi ces actes arrecircts ou jugements peuvent ecirctre annuleacutes raquo 4 O DE BOUILLANE DE LACOSTE op cit ndeg 18 laquo Le pourvoi de larticle 620 peut ecirctre dirigeacute contre les jugements alors mecircme quils sont susceptibles dune voie de recours ordinaire le droit attribueacute au Ministre de la Justice par larticle 620 du Code de proceacutedure peacutenale de deacutefeacuterer agrave la Cour de cassation tout acte judiciaire contraire agrave la loi sapplique mecircme aux jugements rendus en premier ressort et non deacutefinitifs raquo V en ce sens Cass crim 20 nov 1957 Bull crim ndeg 755

264

701 Il est vrai que lrsquoon peut douter de lrsquoopportuniteacute de reacuteunir sous le mecircme toit le

pourvoi en reacutevision et ce pourvoi en cassation reacuteserveacute peut surprendre

Primo le pourvoi en cassation laquo est un recours destineacute agrave censurer les erreurs de droit Et par

lagrave il se distingue fondamentalement du recours en reacutevision qui tend agrave reacuteparer des erreurs de

fait1 raquo Or la proceacutedure de reacuteexamen concerne elle aussi une erreur de droit2 Cette reacutealiteacute nrsquoa

pas empecirccheacute le leacutegislateur de creacuteer une juridiction unique srsquoagissant de la reacutevision et du

reacuteexamen3

Secundo le pourvoi en reacutevision ainsi que le reacuteexamen constituent des voies de recours

ouvertes au condamneacute alors que le pourvoi reacuteserveacute de lrsquoarticle 620 du Code de proceacutedure

peacutenale lui eacutechappe Toutefois il nrsquoen demeure pas moins vrai que le pourvoi pourra aussi

srsquoexercer dans son inteacuterecirct4 De plus si durant la proceacutedure la partie civile et le civilement

responsable ne sont pas autoriseacutes agrave intervenir (le recours ne pouvant porter atteinte agrave leurs

inteacuterecircts civils5) le condamneacute quant agrave lui peut intervenir si le pourvoi lui est profitable6

Finalement laquo ce qui importe reacuteellement dans le procegraves est de deacuteterminer le moment agrave partir

duquel une deacutecision ne peut plus ecirctre attaqueacutee par une voie de recours suspensive

drsquoexeacutecution (hellip) voire nrsquoest plus susceptible drsquoaucun recours suspensif ou non7 raquo Crsquoest

pourquoi Monsieur le Professeur FOURMENT dans son manuel de proceacutedure peacutenale aborde

chronologiquement les voies de recours lui permettant ainsi de distinguer les voies de recours

anteacuterieures agrave lrsquoacquisition de la force de chose jugeacutee et les voies de recours posteacuterieures agrave

lrsquoacquisition de la force de chose jugeacutee8 Si drsquoune part lrsquoauteur fait figurer le pourvoi en

1 J BORE laquo La cassation en matiegravere peacutenale raquo op cit ndeg 4 2 Comm reacuteexamen 4 oct 2001 no 01-00001 3 Bien que le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi et le reacuteexamen concernent tous deux une erreur de droit laquo la constatation drsquoune violation de la Convention et notamment des dispositions relatives agrave lrsquoarticle 6 sect 1er ou agrave lrsquoarticle 5 sect 1er ne constituent pas expresseacutement en droit franccedilais en matiegravere peacutenale un cas permettant au procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation de former un pourvoi en cassation laquo dans lrsquointeacuterecirct de la loi raquo contre une deacutecision passeacutee en force de chose jugeacutee (art 620 et 621 du Code de proceacutedure peacutenale) Cette proceacutedure est en effet destineacutee agrave faire trancher par la Cour de cassation un point de droit qui ne lui avait pas eacuteteacute preacutealablement soumis et elle ne vise pas agrave proteacuteger le droit des parties et donc de la victime de la violation de la Convention seul le procureur geacuteneacuteral ayant drsquoailleurs la faculteacute de saisir la Cour de cassation En outre degraves lors que les eacuteleacutements objets du litige ont fait lrsquoobjet drsquoun preacuteceacutedent arrecirct de la Cour de cassation ce qui est geacuteneacuteralement le cas pour le respect de lrsquoapplication de la regravegle de lrsquoeacutepuisement des voies de recours poseacutee par lrsquoarticle 35 de la Convention europeacuteenne il nrsquoeacutetait pas possible de former un pourvoi en cassation dans lrsquointeacuterecirct de la loi posteacuterieurement agrave un arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme raquo V C PETTITI opcit p 5 4 J BORE et L BORE op cit laquo Le recours de larticle 620 est destineacute agrave porter atteinte agrave lautoriteacute de la chose jugeacutee au beacuteneacutefice du condamneacute raquo 5 Cass Crim 26 juin 1963 Bull crim Ndeg288 6 Cass Crim 26 nov 1842 Bull crim Ndeg308 Cass Crim 30 avr 1969 op cit 7 F FOURMENT Proceacutedure peacutenale op cit p 283 ndeg 660 8 Ibid p 285

265

cassation dans lrsquointeacuterecirct des parties dans la premiegravere cateacutegorie1 il regroupe drsquoautre part dans

les voies de recours posteacuterieures agrave lrsquoacquisition de la force de chose jugeacutee les pourvois en

cassation dans lrsquointeacuterecirct de la loi la proceacutedure de reacutevision et la proceacutedure de reacuteexamen En

effet ces trois proceacutedures se situent dans le temps posteacuterieurement agrave lrsquoacquisition de lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee Crsquoest ainsi qursquoil paraicirct coheacuterent de leur faire partager la mecircme destineacutee

702 FAUSTIN-HEacuteLIE deacutecrit lrsquoutiliteacute des pourvois reacuteserveacutes en ces termes laquo lEacutetat

peut renoncer au beacuteneacutefice de la chose jugeacutee parce quun inteacuterecirct plus grand celui de la justice

lui commande cette renonciation en vue deacuteliminer lerreur de droit qui a eacuteteacute commise mais

cet abandon ne saurait seacutetendre aux droits acquis que la chose jugeacutee a confeacutereacutes aux parties

Le respect de ces droits irreacutevocables exigeait que la cassation fucirct alors prononceacutee dans le seul

inteacuterecirct de la loi pour lhonneur des principes et la bonne information des juges ou quelle fucirct

prononceacutee dans linteacuterecirct de la loi et du condamneacute toutes dispositions favorables agrave ce dernier

demeurant expresseacutement maintenues2 raquo

703 Crsquoest ainsi que deux voies diffeacuterentes sont offertes au procureur geacuteneacuteral pregraves la

Cour de cassation par le biais des articles 620 et 621 du Code de proceacutedure peacutenale Toutefois

seul lrsquoarticle 620 peut soutenir la comparaison avec la reacutevision et le reacuteexamen degraves lors qursquoil

srsquoexercera dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du condamneacute En effet lrsquoarticle 621 du Code de proceacutedure

peacutenale nrsquoa pour effet qursquoune laquo annulation platonique3 raquo allant dans le sens drsquoune laquo leccedilon pour

linexpeacuterience des tribunaux4 raquo Le pourvoi preacutevu agrave larticle 621 ne pourra ni profiter aux

parties ni leur nuire et ne pourra pas entraicircner une suspension de lexeacutecution de la deacutecision et

de la peine5 Le leacutegislateur preacutecise que la cassation est fondeacutee dans le seul inteacuterecirct de la loi

laquo sans que les parties puissent sen preacutevaloir et sopposer agrave lexeacutecution de la deacutecision

annuleacutee raquo Ainsi laquo la cassation prononceacutee dans linteacuterecirct de la loi par application de larticle

621 du Code de proceacutedure peacutenale est sans effet agrave leacutegard des parties6 raquo Ce pourvoi sans

conseacutequence sur la situation du condamneacute srsquoeacuteloigne du pourvoi en reacutevision et du reacuteexamen

qui tous deux revecirctent le caractegravere drsquoune proceacutedure dynamique non sans effets sur la

deacuteclaration deacutefinitive de culpabiliteacute

1 V-M ANCEL Le rocircle du juge de cassation RIDP vol 46 p 31 2 F HELIE op cit ndeg532 3 Expression emprunteacutee agrave J BORE et L BORE 4 Ibid 5 Crim 28 mars 2001 no 01-80390 Bull crim ndeg 86 6 O DE BOUILLANE DE LACOSTE op cit

266

704 Lrsquoarticle 620 du Code de proceacutedure peacutenale en revanche deacutebouche sur une

annulation plus laquo eacutenergique1raquo qui pourra preacutesenter agrave lrsquoeacutegard du condamneacute deacutefinitif les

mecircmes effets qursquoun pourvoi en reacutevision ou qursquoune proceacutedure de reacuteexamen Ce pourvoi sera

transmis agrave la chambre criminelle par le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation sur

instruction exclusive du Ministre de la justice Ce haut magistrat agira comme un laquo simple

exeacutecutant des instructions du ministre2 raquo un laquo intermeacutediaire obligeacute3 raquo La justification de cette

intervention de lrsquoexeacutecutif sur le cours de la justice a pour origine linteacuterecirct supeacuterieur de la

justice et de la socieacuteteacute et le devoir de ne pas voir perdurer des erreurs de droit que les parties

elles-mecircmes nont pas deacutecouvertes ou deacutenonceacutees Il est de lrsquointeacuterecirct de la justice que ce pourvoi

ne soit pas laquo laisseacute agrave linitiative dune autoriteacute judiciaire si haute soit-elle mais reacuteserveacute agrave une

autoriteacute politique qui porte lorsquelle deacutecide de lexercer une appreacuteciation dopportuniteacute tout

autant quune appreacuteciation de leacutegaliteacute4 raquo

705 Lrsquoarticle 620 dispose laquo Lorsque sur lordre formel agrave lui donneacute par le ministre de

la justice le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation deacutenonce agrave la chambre criminelle des

actes judiciaires arrecircts ou jugements contraires agrave la loi ces actes arrecircts ou jugements peuvent

ecirctre annuleacutes raquo A la lecture de cette disposition il ressort que le Ministre de la justice est la

seule autoriteacute compeacutetente pour introduire ce recours5 Dans le cadre de la reacutevision et du

reacuteexamen il partage son pouvoir drsquoagir avec drsquoautres acteurs Contrairement agrave larticle 621 il

nrsquoest pas preacuteciseacute que la cassation est prononceacutee laquo sans que les parties puissent sen preacutevaloir

raquo Face agrave ce silence la jurisprudence a convenu degraves 1815 que lannulation prononceacutee en vertu

de lrsquoarticle 620 beacuteneacuteficiait au condamneacute agrave condition drsquoune part que le Garde des sceaux en

fasse la demande et que drsquoautre part sa reacutepercussion sur la personne du condamneacute ne soit pas

de nature agrave aggraver sa situation6

706 Crsquoest ainsi que le pourvoi sur ordre revecirctira deux formes diffeacuterentes par rapport agrave

ses effets selon que la cassation est prononceacutee dans le seul inteacuterecirct de la loi7 ou selon qursquoelle

1 Expression emprunteacutee agrave J BORE et L BORE 2 Expression emprunteacutee agrave O DE BOUILLANE DE LACOSTE op cit ndeg 9 en ce sens V Cass crim 19 mars 1852 deux arrecircts Bull crim ndeg 102 et 103 D 1852 1 302 3 J BORE L BORE insistent sur le laquo caractegravere politique tregraves marqueacute du recours de lrsquoarticle 620 CPP raquo 4 J BORE et L BORE op cit ndeg 616 5 sur ce point V J BORE et L BORE op cit ndeg 617 6 Cass crim 9 deacutec 1899 Bull crim ndeg 363 7 La cassation est prononceacutee dans le seul inteacuterecirct de la loi dans cinq situations soit que la deacutepecircche ministeacuterielle ait expresseacutement restreint le pourvoi agrave lrsquointeacuterecirct de la loi (V cass crim 31 mai 2007 ndeg 06-88095) soit que le pourvoi ne soit pas dirigeacute contre le dispositif drsquoun jugement ( V cass crim 13 juin 1879 Dr peacutenal 1879 1 p 227) soit que lrsquoextension de la cassation au condamneacute lui serait preacutejudiciable ( V cass crim 19 avr 1839 Bull crim ndeg 129) soit qursquoil nrsquoy ait plus lieu de statuer sur lrsquoaction publique ( V cass crim 22 janv 1948

267

est prononceacutee dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du condamneacute La conseacutecration de cette doctrine

apparaicirct tregraves nettement agrave travers un arrecirct du 25 mars 1836 qui confirmeacute par une deacutecision

dateacutee du 19 avril 18391 preacutecise laquo il est conforme agrave lesprit qui a dicteacute larticle 441 ainsi

quaux principes geacuteneacuteraux du droit criminel en vertu desquels les dispositions favorables

sont susceptibles dextension que les cassations prononceacutees sur un pourvoi formeacute en vertu de

cet article profitent aux condamneacutes afin quils ne demeurent pas sous le coup dune

condamnation qui aurait eacuteteacute reconnue et deacuteclareacutee par la Cour de cassation necirctre que le

reacutesultat dune application fausse et erroneacutee de la loi peacutenale raquo

707 Dans lrsquohypothegravese ougrave lrsquoannulation est prononceacutee dans le seul inteacuterecirct de la loi la

cassation de la deacutecision srsquoeffectuera obligatoirement sans renvoi comme la situation du

justiciable est intangible lrsquoorganisation de nouveaux deacutebats srsquoavegraverera de facto inutile Dans

ce cas de figure si cette voie de recours exceptionnelle a pour conseacutequence de remettre en

cause lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au mecircme titre que les proceacutedures de reacutevision et de

reacuteexamen elle nrsquoaura pour autant aucune incidence sur la situation du condamneacute deacutefinitif En

revanche le pourvoi formeacute dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du condamneacute aura en cas de succegraves une

incidence favorable sur la situation du condamneacute Il srsquoagira de la censure drsquoune deacutecision

deacutefinitive entacheacutee drsquoune erreur de droit agrave savoir une violation drsquoune loi de proceacutedure ou

drsquoune loi de fond De fait seront concerneacutes les cas ougrave la juridiction a eacuteteacute irreacuteguliegraverement

composeacutee ou irreacuteguliegraverement saisie2 ou bien lorsquune peine a eacuteteacute prononceacutee au-delagrave de son

maximum leacutegal3 Il en est de mecircme lorsqursquoune juridiction a retenu agrave la charge du preacutevenu une

infraction juridiquement infondeacutee4 pour laquelle les eacuteleacutements constitutifs de lrsquoinfraction

nrsquoeacutetaient pas reacuteunis ou caracteacuteriseacutes5

708 En outre les modaliteacutes de la cassation prononceacutee dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du

condamneacute sont identiques agrave celles des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen6 En effet cette

cassation peut ecirctre totale7 ou partielle8 et prononceacutee sans renvoi lorsqursquoil ne resterait rien agrave

juger ou que le renvoi serait de nature agrave aggraver la situation du condamneacute A lrsquoinverse le

Bull crim ndeg 26) ou que lrsquoextension de la cassation au condamneacute puisse retentir sur les inteacuterecircts civils( V Crim 22 juill 1948 bull crim ndeg 209) 1 Cass crim 19 avril 1838 Bull Crim ndeg 129 2 Cass crim 5 deacutec 1946 Bull crim ndeg 221 3 Cass crim 12 oct 1994 Bull crim ndeg 327 4 Cass crim 16 mars 1948 Bull crim ndeg 90 5 Cass crim 30 juin 1933 Bull crim ndeg 143 6 V P BONFILS Reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale suite au prononceacute drsquoun arrecirct de la CEDH op cit speacutec ndeg 40-46 7 Cass crim 20 mai 1992 op cit 8 Cass crim 12 oct 1994 Bull crim ndeg 327

268

renvoi aura lieu si les irreacutegulariteacutes commises sont drsquoune importance telle quil apparaicirct

neacutecessaire dans linteacuterecirct mecircme du condamneacute de reacuteexaminer lrsquoaffaire au fond1 Le condamneacute

deacutefinitif beacuteneacuteficiera donc de lrsquoopportuniteacute dun nouveau jugement garantissant tout risque

drsquoaggravation de sa situation par la juridiction de renvoi Aussi ce pourvoi sur ordre formeacute

dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du condamneacute est-il laquo destineacute agrave porter atteinte agrave lautoriteacute de la chose

jugeacutee au beacuteneacutefice du condamneacute2 raquo Il peut donc comme pour les proceacutedures de reacutevision et de

reacuteexamen deacuteboucher sur une modification positive de la situation du condamneacute deacutefinitif3

709 Crsquoest pourquoi selon nous il est audacieux drsquoaffirmer la creacuteation drsquoune

juridiction unique pour la reacutevision et le reacuteexamen est un gage de coheacuterence En veacuteriteacute pour

ecirctre coheacuterente la juridiction unique devrait alors ecirctre compeacutetente agrave la fois pour le pourvoi en

reacutevision le reacuteexamen et le pourvoi de lrsquoarticle 620 du Code de proceacutedure peacutenale lorsqursquoil est

prononceacute dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du condamneacute Consideacuterant que le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de

la loi et du condamneacute la reacutevision et le reacuteexamen constituent toutes trois des voies de recours

pouvant remettre en cause au beacuteneacutefice du condamneacute une deacutecision deacutefinitive il conviendrait

de se reacutefeacuterer soit agrave une juridiction unique pour ces trois proceacutedures soit agrave trois juridictions

distinctes A nos yeux lrsquoeffort de rapprochement entre le reacuteexamen et la reacutevision ne repose

donc pas sur une exigence de coheacuterence par rapport agrave la reacuteformation des deacutecisions peacutenales

710 De plus la reacutevision et le reacuteexamen sont deux proceacutedures bien diffeacuterentes dont le

rapprochement au sein drsquoune juridiction unique nrsquoest pas vraiment pertinent

B Le rapprochement peu pertinent entre la reacutevision et le

reacuteexamen

711 Les diffeacuterences entre la reacutevision et le reacuteexamen fragilisent la soliditeacute du choix

drsquoune juridiction unique

712 En effet il convient de dissocier la reacutevision du reacuteexamen4 notamment quant agrave leur

objet5 et leur fait geacuteneacuterateur La demande en reacutevision srsquoappuie sur une erreur de fait alors que

le reacuteexamen repose sur une erreur de droit Le Seacutenat conscient de ces diffeacuterences a toutefois

1 Pour des exemples de renvoi V cass crim 11 sept 2002 ndeg 02-80906 cass crim 4 janv 2006 ndeg 05-85841 cass crim 8 janv 1991 ndeg 90-86553 cass crim 26 oct 2005 ndeg 05-83384 2 J BORE L BORE op cit 3 Cass crim 23 juin 1993 Bull crim ndeg 221 4 CNCDH op cit ndeg 15 laquo Ces deux voies de droit ont un objet et une finaliteacute radicalement diffeacuterents raquo 5 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur V LAMANDA p 1 laquo Ces deux recours preacutesentent en effet des objets distincts raquo

269

consideacutereacute dans son rapport leacutegislatif que laquo au total les arguments en faveur (remise en cause

de la chose jugeacutee dans les deux cas similitude des proceacutedures actuelles) et en deacutefaveur (objet

diffeacuterent de lun et lautre recours la demande en reacutevision portant sur une question de fait

tandis que la requecircte en reacuteexamen concerne le droit) de la fusion de la cour de reacutevision et de la

commission de reacuteexamen [srsquoeacutequilibraient]1 raquo Les particulariteacutes de chacune des proceacutedures

sont de nature agrave tempeacuterer la pertinence de la fusion dont le choix peut srsquoaveacuterer contestable

Ces speacutecificiteacutes ne sont pas ignoreacutees agrave en croire la multipliciteacute des ameacutenagements

proceacuteduraux mis en place selon qursquoil srsquoagit drsquoune requecircte en reacuteexamen ou en reacutevision

713 Lrsquoaffirmation de ces diffeacuterences apparaicirct degraves lrsquoeacutetude de la recevabiliteacute de la

requecircte par la commission drsquoinstruction En effet dans le cas de la reacutevision les formaliteacutes

inheacuterentes agrave la recevabiliteacute de la demande portent sur la veacuterification des conditions preacutealables

drsquoouverture (une deacutecision deacutefinitive peacutenale deacuteclarative de culpabiliteacute portant sur un crime ou

un deacutelit) Ensuite la commission drsquoinstruction veacuterifie que le fait ou lrsquoeacuteleacutement invoqueacute est soit

inexistant au moment de la condamnation soit ignoreacute par la juridiction au jour du procegraves

Enfin elle srsquoassure le cas eacutecheacuteant agrave lrsquoaide de moyens drsquoinvestigations que ce fait ou eacuteleacutement

est fiable et seacuterieux Cette eacutetape exige de la part de la commission drsquoinstruction un veacuteritable

questionnement En matiegravere de reacuteexamen lrsquoeacutetude de la recevabiliteacute de la requecircte est

simplifieacutee puisque la commission drsquoinstruction apregraves srsquoecirctre assureacutee que les conditions

preacutealables relatives agrave la deacutecision rendue par les juridictions internes sont reacuteunies2 devra si les

conditions poseacutees par lrsquoarticle 622-1 du Code de proceacutedure peacutenale3 sont remplies laquo seulement

constater lexistence dun arrecirct de la CEDH et le respect du deacutelai maximal dun an entre la

publication de cet arrecirct et la requecircte en reacutevision4 raquo Cette simplification srsquoapparente moins agrave

un travail drsquoinstruction tel qursquoil pourrait ecirctre entendu par rapport agrave la nouvelle deacutenomination

de la commission qui srsquoappelle doreacutenavant commission drsquoinstruction

1 Rapport du Seacutenat ndeg 467 concernant la proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive p 13 2 P BONFILS Reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale conseacutecutif au prononceacute drsquoun arrecirct de la CEDH op cit ndeg15-19 3 Article 622-1 CPP laquo Le reacuteexamen dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacute au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dune infraction lorsquil reacutesulte dun arrecirct rendu par la Cour europeacuteenne des droits de lhomme que la condamnation a eacuteteacute prononceacutee en violation de la convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales ou de ses protocoles additionnels degraves lors que par sa nature et sa graviteacute la violation constateacutee entraicircne pour le condamneacute des conseacutequences dommageables auxquelles la satisfaction eacutequitable accordeacutee en application de larticle 41 de la convention preacuteciteacutee ne pourrait mettre un terme Le reacuteexamen peut ecirctre demandeacute dans un deacutelai dun an agrave compter de la deacutecision de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme Le reacuteexamen dun pourvoi en cassation peut ecirctre demandeacute dans les mecircmes conditions raquo 4 Rapport du Seacutenat ndeg 467 concernant la proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive p 13

270

714 Le regard porteacute par la commission drsquoinstruction au moment de lrsquoexamen de la

recevabiliteacute de la demande nrsquoest donc pas le mecircme selon qursquoil srsquoagit drsquoune requecircte en reacutevision

ou en reacuteexamen Pour ce qui est de la proceacutedure de reacutevision il srsquoagit drsquoune appreacuteciation

factuelle alors que pour le reacuteexamen il srsquoagit drsquoune appreacuteciation juridique Les veacuterifications

factuelles qursquoexige la proceacutedure de reacutevision sont seules agrave laquo justifier parfois la mise en œuvre

drsquoinvestigations pouvant srsquoaveacuterer longues et complexes1 (hellip) raquo

715 Monsieur LOUVEL illustre cette diffeacuterenciation par rapport agrave la neacutecessiteacute du

filtre2 laquo La proceacutedure de reacuteexamen fait neacutecessairement suite agrave une deacutecision de

condamnation de la France par la CEDH Aucun filtre nrsquoest donc neacutecessaire alors que celui-ci

est indispensable en matiegravere de reacutevision (les requecirctes en reacutevision sont si nombreuses et

souvent peu seacuterieuses que le leacutegislateur a ajouteacute un filtre au filtre en donnant au preacutesident de

la-dite commission le pouvoir drsquoeacutecarter par ordonnance les demandes manifestement

irrecevables3 raquo Le leacutegislateur a pris en compte ces diffeacuterences au niveau de lrsquoexamen de la

recevabiliteacute de la demande en consideacuterant qursquoil eacutetait laquo inutile que laquo les demandes en reacuteexamen

soient instruites par lensemble de la commission dinstruction4 raquo

716 Crsquoest ainsi qursquoagrave cette eacutetape de la proceacutedure il existe au sein de la juridiction

unique deux parcours distincts5 En matiegravere de reacutevision lrsquoarticle 624-2 du Code de proceacutedure

peacutenale confegravere lrsquoeacutetude de la recevabiliteacute agrave la commission drsquoinstruction dans son inteacutegraliteacute

alors que pour le reacuteexamen lrsquoarticle 624-1 confie cette tacircche agrave son seul preacutesident En effet

laquo lorsque la commission dinstruction des demandes en reacutevision et en reacuteexamen est saisie

dune demande en reacuteexamen son preacutesident statue par ordonnance Il saisit la formation de

jugement de la cour de reacutevision et de reacuteexamen des demandes formeacutees dans le deacutelai

mentionneacute agrave larticle 622-1 pour lesquelles il constate lexistence dun arrecirct de la Cour

europeacuteenne des droits de lhomme eacutetablissant une violation de la convention applicable au

condamneacute raquo

717 Le maintien drsquoun parcours propre agrave chacune des deux proceacutedures nous conforte

dans lrsquoideacutee que le droit anteacuterieur agrave la reacuteforme de 2014 eacutetait bien inspireacute de seacuteparer les deux

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur B LOUVEL p 227 2 Ibid contribution de Monsieur V LAMANDA p 181 3 Ibid contribution de Monsieur B LOUVEL p 227 4 Rapport du Seacutenat ndeg 467 concernant la proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive p 20 5 Degraves lors pourquoi ne pas laquo maintenir le reacutegime speacutecifique de la proceacutedure de reacuteexamen dune deacutecision peacutenale conseacutecutif au prononceacute dun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme raquo V CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 15

271

proceacutedures et leurs juridictions Cette ligne de deacutemarcation permettait de distinguer avec

coheacuterence la reacutevision laquo dont lrsquoobjet premier est de faire triompher la veacuteriteacute lorsque la

conviction du juge a eacuteteacute induite en erreur [du reacuteexamen] visant agrave reacuteparer les conseacutequences

dommageables de la violation des droits du condamneacute constateacutee par la CEDH raquo1 La mise en

place drsquoune juridiction unique peut contribuer agrave entretenir une certaine confusion entre les

objectifs de chacune des deux proceacutedures La speacutecificiteacute de la proceacutedure de reacutevision destineacutee

agrave reacuteparer une erreur de fait doit ecirctre preacuteserveacutee et ne pas ecirctre amalgameacutee au mal-jugeacute Dans

lrsquohypothegravese ougrave le condamneacute estime avoir eacuteteacute victime drsquoun mal-jugeacute agrave lrsquoissue drsquoun procegraves

ineacutequitable il lui appartient de saisir la CEDH Dans un tel cas de figure une condamnation

de la France entrainera lrsquoouverture de la voie du reacuteexamen laquo Lrsquounification de ces deux voies

ne pourrait degraves lors qursquoecirctre source de confusion et risquerait de remettre en cause la

singulariteacute de chacun de ces dispositifs et la coheacuterence drsquoun systegraveme dont lrsquoeacutequilibre parait

devoir ecirctre drsquoautant plus preacuteserveacute que les exigences proceacutedurales propres agrave ces recours

diffegraverent 2raquo Aussi peut-on regretter que Monsieur LOUVEL3 et Madame le Professeur

LAZERGES4 qui se sont eacuteleveacutes contre cette fusion nrsquoaient pas eacuteteacute entendus

718 A ces griefs drsquoordre structurel que nous avons formuleacutes agrave lrsquoencontre de la loi du

20 juin 2014 srsquoajoutent des difficulteacutes drsquoordre conjoncturel

Section 2 Les difficulteacutes conjoncturelles persistantes

719 Drsquoun point de vue conjoncturel mecircme si le leacutegislateur ameacuteliore la situation il ne

regravegle pas pour autant toutes les difficulteacutes relatives agrave la composition des juridictions de

reacutevision (sect 1) De plus en limitant lrsquoallongement de la dureacutee de conservation des scelleacutes agrave la

seule matiegravere criminelle il reacuteduit lrsquoefficaciteacute de sa reacuteforme sur la libeacuteralisation de la reacutevision

(sect 2)

sect 1 La composition des juridictions de reacutevision

720 Srsquoagissant de la composition des juridictions de reacutevision la loi de 2014 constitue

un veacuteritable progregraves par rapport agrave la situation anteacuterieure objet de vives critiques sur

lrsquoimpartialiteacute de ces juridictions5 Crsquoest pourquoi le choix du leacutegislateur drsquoavoir modifieacute les

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur B LOUVEL p 227 2 Ibid Contribution de V LAMANDA p 181 3 Ibid Contribution de B LOUVEL p 227 4 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 15 et s 5 V supra ndeg 407 agrave 443

272

regravegles relatives agrave la composition ne sera pas remis en cause Parmi toutes les possibiliteacutes qui

srsquooffraient agrave lui il a opteacute pour le meilleur choix en affirmant le caractegravere exclusivement

judiciaire de la composition des juridictions et en augmentant le nombre de magistrats (A)

Toutefois drsquoautres aspects sont moins satisfaisants En effet le leacutegislateur aurait pu imposer

la preacutesence dans la commission drsquoinstruction drsquoun ou plusieurs juges drsquoinstruction (B)

A La reacuteaffirmation judicieuse du caractegravere judiciaire de la

composition de la juridiction de reacutevision

721 Le leacutegislateur a fait le bon choix en composant la juridiction de reacutevision et de

reacuteexamen exclusivement de magistrats professionnels Pour faire taire deacutefinitivement tout

soupccedilon de partialiteacute il aurait pu ecirctre envisageacute de confier exclusivement ou partiellement la

juridiction agrave des personnes exteacuterieures agrave lrsquoinstitution Cette solution avait eacuteteacute deacutefendue avec

ferveur par Maicirctre Jean-Yves LE BORGNE1 alors que Monsieur Bruno COTTE2 eacutetait plus

reacuteserveacute sur le sujet La question relative agrave une juridiction composeacutee de personnes exteacuterieures agrave

lrsquoinstitution nrsquoa jamais vraiment eacuteteacute eacutevoqueacutee devant la commission des lois Toutefois il nrsquoest

pas judicieux de lrsquoeacuteluder drsquoun revers de main en raison de lrsquoimportance de la composition de

la juridiction En effet face aux soupccedilons reacutecurrents de partialiteacute aucune piste de reacuteflexion ne

doit ecirctre eacutecarteacutee La juridiction de reacutevision et de reacuteexamen peut connaicirctre des affaires

criminelles ou deacutelictuelles La justification du rejet de lrsquointroduction de personne eacutetrangegravere agrave

lrsquoinstitution varie selon qursquoil srsquoagit de la matiegravere criminelle (2) ou deacutelictuelle (1)

1 Un bon choix en matiegravere deacutelictuelle

722 Selon Maicirctre LE BORGNE la juridiction de reacutevision composeacutee de magistrats

sera toujours exposeacutee agrave des soupccedilons de partialiteacute Cet a priori ne pourrait ecirctre eacutecarteacute que par

lrsquointervention de membres exteacuterieurs agrave lrsquoinstitution judiciaire Lrsquoavocat srsquoexplique laquo Peut-

on raisonnablement demander agrave des juges qui depuis 40 ans incarnent lrsquoautoriteacute judiciaire de

dire que leur action peut aboutir agrave la condamnation drsquoun innocent et que leur pouvoir reacutepressif

ndash formidable puissance destructrice drsquohonneur et de liberteacute ndash est approximatif critiquable et

donc seulement agrave demi respectable Peut-on les placer dans cette inconfortable position ndash

qursquoen drsquoautres circonstances on appellerait un conflit drsquointeacuterecircts- qui consiste agrave devoir trancher

entre une souveraineteacute seacuteculaire et lrsquoeacutequiteacute (hellip) Il nous parait sage de ne saisir de 1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur J-Y LE BORGNE p165 2 Ibid Contribution de Monsieur B COTTE p 199

273

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoune reacutevision que des hommes qui ne vivront pas comme une injure personnelle

le constat drsquoun eacutechec judiciaire Il faut pour parvenir agrave ce reacutesultat que lrsquoinstitution ne se juge

pas elle-mecircme En drsquoautres termes il faut que lrsquoinstance de reacutevision soit composeacutee de

personnes qui nrsquoappartiennent pas au corps judiciaire et ne se sentent pas avec lui dans une

relation de solidariteacute Nous proposons en conseacutequence que la Cour de reacutevision soit formeacutee de

personnaliteacutes compeacutetentes prises majoritairement (exclusivement ) en dehors du corps de la

magistrature1 raquo La vision peacuteremptoire de lrsquoauteur ne recueille pas notre assentiment Nous

nous feacutelicitons du maintien exclusif de la composition de la juridiction de reacutevision dans le

giron des repreacutesentants du corps judiciaire

723 En matiegravere deacutelictuelle la composition judiciaire trouve sa justification dans

lrsquoabandon pour des raisons techniques (et politiques) de lrsquointroduction des jureacutes populaires

ou laquo citoyens assesseurs raquo dans les tribunaux correctionnels2 En effet au terme dun audit

Messieurs BOCCON-GIBOD et SALVAT magistrats agrave la Cour de cassation ont conclu que

les citoyens assesseurs laquo neacutetaient pas armeacutes techniquement pour traiter les questions

juridiques soumises aux juridictions3 raquo Ils ont mis en exergue les nombreuses difficulteacutes qursquoagrave

fait naicirctre ce dispositif4 Contrairement agrave la matiegravere criminelle qui concerne des infractions

que chacun peut comprendre (meurtre viol attaque agrave main armeacuteehellip) et pour lesquelles les

jureacutes font preuve drsquoune compeacutetence laquo naturelle5 raquo la matiegravere deacutelictuelle peut srsquoaveacuterer plus

complexe6 On songera par exemple aux infractions de droit peacutenal des affaires (exemple de

lrsquoaffaire KERVIEL) Degraves lors que lrsquointroduction de jureacutes en matiegravere correctionnelle nrsquoa pas

eacuteteacute reconduite il serait difficile de renouveler la mecircme expeacuterience au niveau de la Cour de

reacutevision statuant en matiegravere deacutelictuelle

724 Une conclusion similaire srsquoimpose en matiegravere criminelle mais pour des raisons

diffeacuterentes

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur J-Y LE BORGNE p 165 2 Loi ndeg 2011-939 du 10 aoucirct 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice peacutenale et le jugement des mineurs 3 X SALVAT D BOCCON GIBOD Lrsquoexpeacuterimentation des citoyens assesseurs dans les ressorts des Cours drsquoappel de Dijon et Toulouse Rapport agrave Madame la Garde des Sceaux Ministre de la justice La documentation franccedilais 2013 p 70 4 C GAYET Vers la fin des citoyens assesseurs Dalloz actualiteacutes 5 mars 2013 5 Expression emprunteacutee agrave F ROME op cit p 665 6 En ce sens F ROME op cit p 665 laquohellip justice correctionnelle dont la techniciteacute et la complexiteacute juridique de mecircme que la forme de la proceacutedure constituent autant dobstacles agrave lexistence dun veacuteritable apport des jureacutes populaires raquo

274

2 Un bon choix en matiegravere criminelle

725 Apregraves avoir pris en consideacuteration la complexiteacute de la matiegravere deacutelictuelle

Monsieur COTTE srsquoest toutefois interrogeacute sur la possibiliteacute drsquoun eacutechevinage en matiegravere

criminelle laquo Degraves lors qursquoen matiegravere criminelle la plus sensible il srsquoagit de remettre

eacuteventuellement en cause une deacutecision rendue par un jury populaire faut-il preacutevoir au moins

pour les reacutevisions des condamnations criminelles un eacutechevinage Pourquoi pas Mais au

sens de la Cour de reacutevision seulement qui nrsquoa rien agrave cacher Pas au stade de la commission car

ce serait trop lourd trop contraignant Mais alors qui choisir Comment choisir Et selon

quelles proportions Pariteacute de sexes Nrsquooublions pas que la majeure partie des rocircles des

cours drsquoassises concernent des affaires de mœurs Reacutepartition Paris-Province La cour de

reacutevision ne saurait ecirctre que parisienne etchellipA mon sens les personnes exteacuterieures devraient

ecirctre en nombre moindre que les magistrats non pas dans un souci de corporatisme mais en

raison du fait que si le regard exteacuterieur neuf et la sagesse de membres de la socieacuteteacute civile

peuvent ecirctre un incontestable gain il faut aussi je le reacutepegravete un minimum de

professionnalisme pour traiter de ces questions Ayons aussi toutefois bien conscience que les

eacutechevins ou les jureacutes ne sont pas toujours plus bienveillants que les juges professionnels1 raquo

726 Il ne paraicirct pas inutile de srsquointerroger agrave lrsquoinstar de Monsieur COTTE sur la

question de savoir si rendue par un jury populaire une deacutecision criminelle deacutefinitive pouvait

ecirctre remise en cause par une formation autre qursquoun jury populaire Crsquoest drsquoailleurs en vertu de

ce mecircme raisonnement que les cours drsquoassises drsquoappel comprennent un jury populaire On

remarquera tout de mecircme que lorsque la Cour de reacutevision fait droit au demandeur et que le

renvoi est possible lrsquoaffaire criminelle est rejugeacutee par une cour drsquoassises Inclure le jury

populaire au sein de la juridiction de reacutevision et de reacuteexamen poserait le problegraveme de lrsquointime

conviction des jureacutes et de fait celui de la motivation de leurs deacutecisions devant la Cour de

reacutevision Le lien entre motivation et intime conviction est bien deacutecrit par Monsieur le

Professeur RENUCCI laquo Le principe mecircme dintime conviction pourrait ecirctre mis en cause

car par nature il ny a pas de motivation reacuteelle possible ou alors ce nest plus une laquo intime raquo

conviction Mais lintime conviction nest pas une intime intuition dans la mesure ougrave la

conviction repose bien eacutevidemment sur des preuves Cest pourquoi mecircme si ce principe est

incompatible avec une motivation preacutecise il nest pas pour autant synonyme darbitraire (hellip)

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur B COTTE p 199

275

Cest dire que lintime conviction bien que neacutecessairement non ou mal motiveacutee nest pas en

soi contraire aux exigences du procegraves eacutequitable1 raquo

727 Tous les problegravemes poseacutes par la motivation des arrecircts rendus par les cours

drsquoassises auxquels la reacutecente loi ndeg 2011-939 du 10 aoucirct 2011 a tenteacute de reacutepondre pourraient

donc se reacutepercuter sur la Cour de reacutevision Drsquoautant plus que nous ne disposons pas drsquoun

temps de recul assez important pour eacutevaluer lrsquoefficaciteacute du nouveau dispositif Lrsquointroduction

des jureacutes serait aussi susceptible de deacuteboucher sur un deacutevoiement du rocircle de la Cour de

reacutevision et de reacuteexamen qui se draperait dans les habits drsquoun troisiegraveme degreacute de juridiction

Enfin le coucirct drsquoune telle reacuteforme serait en inadeacutequation avec la situation mateacuterielle et

financiegravere des juridictions franccedilaises Le pourvoi en reacutevision est deacutejagrave soumis agrave des contraintes

financiegraveres qui empecircchent lrsquoallongement de la dureacutee de conservation des scelleacutes en matiegravere

deacutelictuelle

728 Crsquoest ainsi que lrsquoon ne peut que se feacuteliciter de la situation actuelle2 Pour autant

le nouveau texte nrsquoapparaicirct pas comme un parangon de vertu juridique En effet le leacutegislateur

a manqueacute une occasion drsquoimposer au sein de la commission drsquoinstruction la preacutesence drsquoun ou

plusieurs juges drsquoinstruction

B Lrsquoabsence de juges drsquoinstruction dans la commission

drsquoinstruction

729 Au niveau de la commission drsquoinstruction la mise en eacutetat des dossiers srsquoeffectue

selon des moyens proches de ceux du juge drsquoinstruction La doctrine a depuis toujours

compareacute la commission de reacutevision agrave une juridiction drsquoinstruction Deacutejagrave agrave propos de la

leacutegislation mise en place en 1989 Monsieur LOUVEL avait remarqueacute qursquo laquo il [convenait] de

rappeler la diffeacuterence de nature entre la commission de reacutevision et la Cour de reacutevision la

premiegravere est une juridiction drsquoinstruction la seconde une juridiction de jugement raquo

730 Lrsquoaccent a deacutejagrave eacuteteacute porteacute sur le flou qui entourait la loi de 1989 srsquoagissant de la

deacutefinition preacutecise des pouvoirs de la commission3 Le nouvel article 624 du Code de

proceacutedure peacutenale a clarifieacute et renforceacute les pouvoirs de la commission dite deacutesormais

laquo commission drsquoinstruction raquo Malgreacute ces avanceacutees le leacutegislateur nrsquoa pas meneacute son

1 J-F RENUCCI Intime conviction motivation des deacutecisions de justice et droit agrave un procegraves eacutequitable D 2009 p 1058 2 Dans le mecircme sens V Audition de Monsieur le Professeur PRADEL devant la commission des lois op cit 3 V supra ndeg 285 agrave 304

276

raisonnement jusqursquoagrave son terme Nous partageons lrsquoavis de la CNCDH selon lequel laquo au vu

des pouvoirs drsquoinstruction dont la commission est investie par la loi il apparaicirct primordial

qursquoau moins deux magistrats y sieacutegeant aient exerceacute la fonction de juge drsquoinstruction1 raquo

731 Il est paradoxal que le leacutegislateur se soit drsquoun cocircteacute inspireacute de la doctrine pour

rapprocher la commission drsquoune juridiction drsquoinstruction par rapport agrave ses pouvoirs et agrave sa

nouvelle appellation sans pour autant avoir imposeacute drsquoun autre cocircteacute lrsquoobligation de deacutesigner

parmi les membres drsquoanciens juges drsquoinstruction Premiegraverement cette initiative aurait

contribueacute agrave laquo preacutemunir les hauts magistrats de tout soupccedilon de partialiteacute ou de manque

dobjectiviteacute agrave une eacutepoque ougrave les meacutedias par leur emprise preacuteoccupante sur les procegraves

criminels exploitent reacuteguliegraverement le thegraveme de la deacutenonciation du juge ou celui dune

institution judiciaire corporatiste replieacutee sur elle-mecircme et ne reconnaissant pas ses erreurs2 raquo

Deuxiegravemement elle aurait eacuteteacute plus coheacuterente par rapport agrave la position du leacutegislateur qui

considegravere que les missions drsquoinstruction sont deacutevolues agrave des juges speacutecialiseacutes En effet laquo agrave

raison de la graviteacute de la mission qui lui est assigneacutee par la loi3 raquo le juge drsquoinstruction qui

jouit drsquoun laquo statut judiciaire speacutecifique4 raquo nrsquoest pas un juge comme un autre Crsquoest ainsi que la

fonction de juge drsquoinstruction srsquoexerce dans certains domaines selon des critegraveres de

speacutecialisation pointus Crsquoest par exemple le cas dans le cadre de la justice des mineurs Aussi

lordonnance du 2 feacutevrier 1945 relative agrave lenfance deacutelinquante confie-t-elle au juge

dinstruction du siegravege du tribunal pour enfants une compeacutetence exclusive pour linstruction des

crimes commis par les mineurs des deacutelits commis par un mineur et un majeur et

conjointement avec le juge des enfants des deacutelits commis par les mineurs Larticle L 522-6

du Code de lorganisation judiciaire organise au sein de chaque juridiction dinstruction

concerneacutee la deacutesignation par le premier preacutesident dun ou plusieurs juges dinstruction laquo

chargeacutes speacutecialement des affaires concernant les mineurs raquo Cette speacutecialisation se retrouve

en matiegravere drsquoinfractions eacuteconomiques et financiegraveres drsquoinfractions sanitaires de terrorisme et

drsquoinfractions militaires

732 De plus dans la pratique le doyen des juges drsquoinstruction srsquoest vu confier un rocircle

preacutedominant dans le traitement des affaires sensibles Crsquoest pourquoi il est eacutetonnant qursquoen

matiegravere de reacutevision cette speacutecialisation soit ignoreacutee par le leacutegislateur au niveau de la

commission drsquoinstruction Dans les faits il est possible que durant leurs carriegraveres les

1 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 26 2 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 26 3 N BONNAL Reacutep Peacuten Dalloz 2014 V laquo juge drsquoinstruction raquo ndeg 14 4 Expression emprunteacutee agrave Monsieur N BONNAL ndeg 12

277

membres de la commission aient exerceacute les fonctions de juge drsquoinstruction Il aurait tout de

mecircme eacuteteacute preacutefeacuterable qursquoil srsquoagisse drsquoune condition leacutegale

733 Dans une eacutetude traitant du juge drsquoinstruction Monsieur BONNAL considegravere tregraves

justement que laquo Figure judiciaire ancreacutee dans lhistoire de nos institutions criminelles mais

dont les contours ont eacuteteacute agrave maintes reprises redessineacutes par le leacutegislateur le juge dinstruction

est aujourdhui sans conteste un des acteurs les plus controverseacutes de la proceacutedure peacutenale

Quon mette en cause sa solitude sa jeunesse ses complaisances supposeacutees agrave leacutegard de notre

socieacuteteacute meacutediatique son indeacutependance sourcilleuse ou bien au contraire sa dociliteacute supposeacutee agrave

leacutegard du parquet quon lui precircte des arriegravere-penseacutees politiques ou des calculs lieacutes agrave

lambition personnelle quon laccuse dimmobilisme voire de paresse ou au contraire de

facirccheuses tendances agrave lexcegraves de zegravele quon le rende responsable de la surpopulation peacutenale

ou encore du laquo laxisme judiciaire raquo de la lenteur ou des erreurs de la justice il est pris sous

un flot roulant de critiques contradictoires sommaires et le plus souvent injustes critiques

qui souvent visent en fait plus ou moins consciemment lensemble de la proceacutedure peacutenale

franccedilaise voire mecircme lensemble de notre systegraveme judiciaire dont le juge dinstruction

apparaicirct alors comme le bouc eacutemissaire 1raquo

734 Afin drsquoeacutecarter deacutefinitivement les soupccedilons de partialiteacute qui pegravesent sur la

juridiction de reacutevision il aurait donc fallu restaurer le climat de confiance en imposant parmi

les membres de la commission drsquoinstruction la preacutesence drsquoau moins deux anciens juges

drsquoinstruction Ce point peut apparaicirctre sans importance par rapport agrave lrsquoinstruction drsquoune

demande en reacuteexamen mais peut srsquoaveacuterer tregraves utile dans le cadre de lrsquoexamen drsquoune requecircte en

reacutevision

735 Un deuxiegraveme grief drsquoordre conjoncturel peut ecirctre formuleacute agrave lrsquoeacutegard de la dureacutee de

conservation des scelleacutes en matiegravere deacutelictuelle En effet lrsquoallongement du deacutelai de

conservation des scelleacutes preacutevu par le nouveau texte ne vise que les affaires criminelles

1 N BONNAL op cit ndeg 25 dans le mecircme sens V J PRADEL La mise en eacutetat des affaires peacutenales Propos sceptiques sur le rapport de la commission Justice peacutenale et droits de lrsquohomme (juin 1990) D 1990 p 301 laquo Linstruction preacuteparatoire - et plus geacuteneacuteralement toute la phase preacuteparatoire du procegraves peacutenal - est lhomme malade de la proceacutedure criminelle Peacuteriodiquement des meacutedecins sont deacutepecirccheacutes agrave son chevet depuis plusieurs deacutecennies et recommandent des potions plus ou moins reacutevolutionnaires qui pour la plupart ne sont mecircme pas examineacutees par le leacutegislateur raquo

278

sect 2 La limitation de conservation des scelleacutes

736 Dans le nouvel article 41-6 du Code de proceacutedure peacutenale le leacutegislateur a

repousseacute en matiegravere criminelle le deacutelai de destruction des scelleacutes afin drsquoorganiser une

meilleure administration de la justice Deacutesormais le deacutelai de conservation est fixeacute agrave une

peacuteriode de cinq ans susceptible drsquoecirctre renouveleacutee dans lrsquohypothegravese ougrave le condamneacute informeacute

par le procureur de la destruction programmeacutee des scelleacutes souhaite neacuteanmoins les conserver

En cas de rejet de la demande par le Procureur une voie de recours est ouverte devant la

chambre de lrsquoinstruction Le coucirct lieacute agrave la conservation des scelleacutes (482 millions drsquoeuros en

2012) constitue le principal argument de nature agrave justifier le caractegravere restrictif de cette

nouvelle regravegle qui ne srsquoapplique qursquoaux affaires criminelles

737 Les difficulteacutes lieacutees au deacutelai de conservation des scelleacutes vont donc persister

srsquoagissant des affaires deacutelictuelles1 Crsquoest pourquoi les mesures drsquoallongement du deacutelai de

conservation des scelleacutes auraient ducirc ecirctre eacutetendues aux deacutelits (A) De plus la question de la

conservation des scelleacutes eacutetant eacutetroitement lieacutee aux interrogations des justiciables (crise de

confiance) il nrsquoest pas inutile de se pencher seacuterieusement sur la question de la gestion des

scelleacutes (B)

A La neacutecessiteacute drsquoeacutelargir cette regravegle aux deacutelits

738 Lrsquoallongement du deacutelai de conservation des scelleacutes en matiegravere deacutelictuelle se

justifie par deux consideacuterations Premiegraverement des renseignements drsquoordre statistique mettent

en avant lrsquoimportance du nombre des deacutelits jugeacutes en France Crsquoest ainsi que la matiegravere

deacutelictuelle se caracteacuterise par son abondance devant la juridiction de reacutevision (1)

Deuxiegravemement lrsquoinflation des mesures de correctionnalisation aurait ducirc inciter le leacutegislateur agrave

aligner le nouvel ameacutenagement sur la matiegravere deacutelictuelle (2)

1 Une matiegravere quantitativement importante devant la juridiction de reacutevision

739 En 2009 derniegravere anneacutee pour laquelle des statistiques consolideacutees sont

actuellement disponibles 2 842 personnes ont fait lrsquoobjet drsquoune condamnation criminelle en

premiegravere instance et 522 en appel En outre en 2009 en matiegravere deacutelictuelle les tribunaux

1 V supra ndeg 550

279

correctionnels ont condamneacute 536 326 personnes1 Cette donneacutee statistique explique que les

deacutelits sont bien plus nombreux que les crimes

740 Aussi convient-il de savoir si ce constat se veacuterifie aussi devant la Cour de

reacutevision Il apparaicirct que laquo la proceacutedure de reacutevision nrsquoa abouti depuis 1989 qursquoagrave la reacutevision

de 52 condamnations deacutelictuelles ou criminelles sur les 3 358 demandes deacuteposeacutees Depuis

1945 seule une dizaine drsquoaffaires criminelles aurait eacuteteacute reacuteviseacutee (hellip) Depuis 1989 finalement

seules 9 condamnations criminelles et 43 condamnations correctionnelles ont eacuteteacute annuleacutees2 raquo

Il en ressort que la juridiction de reacutevision est saisie drsquoun nombre plus important de requecirctes

deacutelictuelles que criminelles Parallegravelement cette eacutevaluation se traduit eacutegalement au niveau de

lrsquoimportance des succegraves enregistreacutes en matiegravere deacutelictuelle par rapport aux affaires criminelles

741 Toutefois il convient de nuancer lrsquoimportance de ces reacutesultats positifs en raison

du nombre plus important de jugements correctionnels qui deacutepasse largement lrsquoeacutetiage des

affaires criminelles Il ne faudrait donc pas en tirer des conclusions hacirctives de nature agrave

entrevoir pour les deacutelits reacuteviseacutes un parcours judiciaire plus aiseacute De plus laquo en matiegravere

criminelle le renvoi est presque systeacutematique car il permet agrave la Cour de reacutevision de ne pas se

prononcer sur le fond de lrsquoaffaire et agrave la justice le cas eacutecheacuteant de reacutetablir lrsquoinnocence du

condamneacute dans les mecircmes formes et les mecircmes conditions qursquoelle avait eacutetabli sa culpabiliteacute

Il en va diffeacuteremment en matiegravere correctionnelle ougrave seules 28 des affaires sont renvoyeacutees

devant une nouvelle juridiction la cour de reacutevision srsquoautorisant un pouvoir drsquoappreacuteciation du

fond plus large notamment en raison de la nature des deacutelits poursuivis et des peines

encourues 3raquo Prononceacutee par la Cour de reacutevision et de reacuteexamen lrsquoannulation drsquoune deacutecision

sans renvoi deacutebouche automatiquement sur la reconnaissance de lrsquoinnocence du demandeur

A lrsquoinverse une annulation avec renvoi peut srsquoapparenter au parcours judiciaire du pourvoi

en cassation

742 Pour ces deux raisons agrave savoir - le nombre important de jugements rendus en

matiegravere correctionnel et - lrsquoimportance des annulations sans renvoi prononceacutees par la Cour de

reacutevision en matiegravere deacutelictuelle il est utile drsquoaligner en matiegravere deacutelictuelle le deacutelai de

conservation des scelleacutes sur celui appliqueacute aux affaires criminelles A cela srsquoajoute que la

correctionnalisation engendre une inflation deacutelictuelle pour des infractions qui agrave lrsquoorigine

relevait de la matiegravere criminelle

1 Annuaire statistique de la Justice 2011-2012 p 127 2 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit p 16 3 Ibid p 16

280

2 Lrsquoinflation de la correctionnalisation

743 Reacutesultant soit de la loi soit de la pratique judiciaire la correctionnalisation

permet de laquo modifier lapplication des regravegles de compeacutetence de droit commun1 raquo en deacuteclarant

compeacutetent le tribunal correctionnel qui jugera des faits qui reacuteputeacutes criminels se sont vus

qualifieacutes de deacutelits2 Cette laquo confusion des genres3 raquo met lrsquoaccent sur la question de la dureacutee

reacuteduite du deacutelai de conservation des scelleacutes en matiegravere deacutelictuelle

744 Pour ce qui est de la correctionnalisation leacutegislative4 laquo les reacuteformes successives

apporteacutees au code peacutenal sinscrivent dans un mouvement de correctionnalisation des

infractions cest-agrave-dire dune diminution de la cateacutegorie des crimes au profit de celle des

deacutelits5 raquo Ce virage leacutegislatif deacutebouche sur le transfert de certaines affaires vers une

juridiction permanente composeacutee de magistrats professionnels ougrave la proceacutedure se veut moins

formaliste qursquoen matiegravere criminelle6 De nombreux exemples illustrent ce meacutecanisme qui

transforme la matiegravere criminelle en deacutelits comme - les violences volontaires nayant entraicircneacute

quune incapaciteacute de travail7 - lenlegravevement de mineur sans fraude ni violence8 - les

agressions sexuelles autres que le viol9 Ce proceacutedeacute permet dadapter la politique peacutenale agrave

lrsquoeacutevolution des mentaliteacutes et aux attentes du corps social10 la reacutepression de lrsquoavortement en

eacutetant une parfaite illustration

745 Srsquoagissant de la correctionnalisation judiciaire elle recouvre deux reacutealiteacutes11 dont

seule une nous inteacuteresse La premiegravere consiste pour la cour dassises laquo agrave appliquer une peine

correctionnelle agrave un crime comme si ce dernier revecirctait in concreto la graviteacute dun simple

deacutelit12 raquo Reconnu par les textes13 ce type de correctionnalisation est lieacute au principe

1 F AGOSTINI Reacutep Peacuten Dalloz 2015 V Compeacutetence ndeg120 2 Ph CONTE et P MAISTRE DU CHAMBON op cit ndeg 128 3 MOULY La classification tripartite des infractions dans la leacutegislation contemporaine RSC 1982 p 3 et s speacutec p 24 4 Monsieur JEANDIDIER la deacutefinit comme laquo pour un comportement donneacute le remplacement de la qualification criminelle par une qualification correctionnelle raquo V W JEANDIDIER La correctionnalisation leacutegislative JCP G 1991 I p 3487 ndeg 4 5 F AGOSTINI op cit ndeg 121 6 M DELMAS MARTY Nouveau Code Peacutenal avant-propos RSC 1993 p 433 7 Loi du 13 mai 1863 D 1863 IV p 79 8 Ordonnance ndeg 45-1417 du 28 juin 1945 D 1945 p134 9 L ndeg 80-1041 du 23 deacutec 1980 D 1981 p 10 10 W JEANDIDIER La correctionnalisation leacutegislative op cit laquo Les trains leacutegislatifs de correctionnalisations seacutetant reacutealiseacutes par vagues successives sans autre ideacutee directrice quun souci dharmonisation du droit avec les mœurshellip raquo 11 Historiquement la correctionnalisation judiciaire pouvait intervenir sous 3 formes V en ce sens A DARSONVILLE La leacutegalisation de la correctionnalisation judiciaire Dr peacutenal 2007 ndeg 3 eacutetude 4 speacutec ndeg 1 12 S DETRAZ Correctionnalisation judiciaire leacutegaliseacutee note sous arrecirct JPC G 2010 p 758 13 V Article 132-18 alineacutea 1 CP

281

drsquoindividualisation des peines Le second type de correctionnalisation judiciaire mis en œuvre

en amont de la deacutesignation de la juridiction de jugement nous inteacuteresse en revanche ici Ce

meacutecanisme relegraveve de lrsquoinitiative du parquet ou des juridictions drsquoinstruction qui font le choix

de deacutenaturer un crime pour renvoyer lrsquoauteur de lrsquoinfraction devant une juridiction

correctionnelle1 laquo hellip 1 en faisant abstraction de certaines circonstances aggravantes qui

transforment linfraction en crime si elles sont retenues (par ex les circonstances tenant soit agrave

la personne de la victime telles que la minoriteacute ou la vulneacuterabiliteacute apparente ou connue leacutetat

de conjoint ou de concubin de lauteur soit aux circonstances des faits telles que lusage dune

arme la reacuteunion ou la preacutemeacuteditation transforment en crime le deacutelit de violences ayant

entraicircneacute une mutilation de larticle 222-9) hellip2 en omettant certains eacuteleacutements constitutifs du

crime (par ex une intention homicide dissimuleacutee permet de retenir la qualification deacutelictuelle

de violences en lieu et place de la qualification criminelle de tentative dhomicide volontaire

un acte de peacuteneacutetration sexuelle occulteacute permet de se satisfaire de la qualification deacutelictuelle

dagressions sexuelles sans recourir agrave celle de viol) hellip3 en eacuteludant le principe qui veut quun

acte peacutenalement qualifiable le soit sous la plus haute acception peacutenale applicable (par ex

lescroquerie commise au moyen dun faux en eacutecriture publique qualification criminelle qui

devrait servir de base aux poursuites est poursuivie comme escroquerie)2raquo

746 Il se pourrait que ce meacutecanisme qui srsquoinspire drsquoune laquo fiction juridique3 raquo agrave la

recherche de laquo la peine concregravete deacutesireacutee4 raquo soit aujourdrsquohui devenu un mode de gestion des

dossiers destineacute agrave fournir la reacuteponse la plus adapteacutee agrave lrsquoaffaire5 Symbole drsquoune laquo justice low

cost 6raquo la correctionnalisation tend face agrave lrsquoencombrement des cours drsquoassises vers un

raccourcissement des deacutelais de jugement Dans lappreacuteciation du choix de la voie judiciaire agrave

emprunter (cours drsquoassises ou tribunal correctionnel) sont deacuteterminants divers critegraveres comme

la personnaliteacute du mis en cause les circonstances de la commission de linfraction

limportance des preacutejudiceshellip7

1 J PRADEL Proceacutedure peacutenale op cit ndeg 118 D DECHENAUD Leacutegaliteacute en matiegravere peacutenale LGDJ 2008 ndeg 407 et s J-C LAURENT La correctionnalisation JCP G 1950 I 852 et 877 2 F AGOSTINI op cit ndeg 122 3 Expression emprunteacutee agrave A DARSONVILLE op cit 4 Ph CONTE et P MAISTRE DU CHAMBON op cit ndeg 128 p 91 5 La correctionnalisation peut ecirctre guideacutee par des motivations favorables ou deacutefavorables agrave la personne poursuivie V en ce sens A DARSONVILLE op cit speacutec ndeg 2-4 6 Expression emprunteacutee agrave A GARAPON in Entretien avec Antoine GARAPON Malaise dans la magistrature JCP G 2011 199 ndeg 8 7 C GUERY Du cap agrave la peacuteninsulehellip La requalification par une juridiction peacutenale Dr peacutenal 2012 eacutetude 13 ndeg 7

282

747 La correctionnalisation judiciaire a eacuteteacute leacutegaliseacutee par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

2004 dite Perben II1 Les dispositions des articles 186-3 et 469 alineacutea 4 du code de proceacutedure

peacutenale exigent la reacuteunion de trois conditions2 agrave laquelle srsquoajoute un tempeacuterament qui

ensemble constituent le fondement de la leacutegaliteacute de la correctionnalisation3 Toutefois la

correctionnalisation judiciaire faisant fi tant des regravegles du droit peacutenal de fond que de forme4

reste un meacutecanisme critiquable5 qui mal maitriseacute peut conduire agrave une transgression des droits

de la deacutefense6 De plus cette pratique peut entrainer un sentiment drsquoineacutegaliteacute puisqursquoelle est

diversement mise en œuvre selon les besoins du moment des cours drsquoassises En effet il

semblerait que la correctionnalisation soit conditionneacutee par le niveau drsquoactiviteacute des Cours

drsquoassises leur implantation et surtout par la cartographie geacuteographique de la deacutelinquance7

Cette dispariteacute se trouve en contradiction avec le principe deacutegaliteacute des justiciables devant la

justice

748 La leacutegalisation de la correctionnalisation deacutebouche sur une laquo situation

inacceptable et injustifiable8 raquo qui va laquo deacutefinitivement figer [une] laquo erreur de qualification9 raquo

qui prospegraverera jusque devant la Cour de reacutevision Ce meacutecanisme a ineacutevitablement des

incidences par rapport au deacutelai de conservation des scelleacutes dont la dureacutee sera reacuteduite sous

lrsquoeffet de la correctionnalisation de lrsquoinfraction

749 Certes le leacutegislateur pourrait limiter le recours agrave la correctionnalisation en

produisant des textes drsquoincrimination clairs et preacutecis10 Toutefois la loi du 6 aoucirct 201211

voteacutee agrave la suite drsquoune deacutecision du conseil constitutionnel abrogeant lrsquoancien article 222-33 du

1 M LENA laquo Correctionnalisation judiciaire quand lrsquoauteur revendique le caractegravere judiciaire de lrsquohomicide raquo obs sous cass crim 24 mars 2009 ndeg 08-84-840 Dalloz actualiteacutes 22 avril 2009 2 A DARSONVILLE op cit ndeg 13 laquo Il convient tout dabord que le tribunal correctionnel soit saisi par une ordonnance ou un arrecirct de renvoi Il convient ensuite que la victime ait deacutejagrave eacuteteacute constitueacutee partie civile au cours de linstruction lorsque le renvoi est ordonneacute Il convient enfin que la victime ait eacuteteacute assisteacutee par un avocat au moment du renvoi Ces conditions ont pour objet de sassurer que la partie civile eacutetait bien en mesure de sopposer agrave la correctionnalisation reacutealiseacutee agrave lissue de linstruction et quelle y a renonceacute raquo 3 Article 469 alineacutea 4 CPP laquo Toutefois le tribunal correctionnel saisi de poursuites exerceacutees pour un deacutelit non intentionnel conserve la possibiliteacute de renvoyer le ministegravere public agrave se pourvoir sil reacutesulte des deacutebats que les faits sont de nature agrave entraicircner une peine criminelle parce quils ont eacuteteacute commis de faccedilon intentionnelle raquo 4 V A DARSONVILLE op cit speacutec ndeg 5-10 5 Ph CONTE et P MAISTRE DU CHABON op cit ndeg 128 X PIN La privatisation du procegraves peacutenal RSC 2002 p 245 G ROYER Le juge naturel en droit criminel interne RSC 2003 p 787 ndeg 29 6 R MESA Contestation de la qualification non intentionnelle issue de la correctionnalisation et leacutegitime deacutefense D 2009 p 2140 7 D REBUT Correctionnalisation JCP G 2011 ndeg hors-seacuterie 8 Ibid 9 Expression emprunteacutee agrave A DARSONVILLE 10 P CONTE laquo Invenias disjecti membra criminis lecture critique de la nouvelle deacutefinition du harcegravelement sexuel raquo Dr peacutenal 2012 ndeg 11 eacutetude 24 11 Loi ndeg 2012-954 du 6 aoucirct 2012 relative au harcegravelement sexuel

283

Code peacutenal relatif au harcegravelement sexuel montre que le leacutegislateur peut faire preuve au

moment de la description des eacuteleacutements constitutifs de lrsquoinfraction drsquoapproximations voir

drsquoincoheacuterences Cette situation ne peut qursquoencourager le recours agrave la correctionnalisation1

750 La leacutegalisation de la correctionnalisation ajouteacutee agrave lrsquoimpreacutecision des textes

drsquoincriminations illustre une laquo deacutemission du leacutegislateur qui tout en eacutetant conscient des

imperfections du Code peacutenal et du fonctionnement de la cour dassises preacutefegravere charger le juge

et les parties de remeacutedier agrave celles-ci2 raquo Degraves lors le sens des statistiques relatives agrave la

reacutepartition des infractions jugeacutees en France se comprend mieux Cette correctionnalisation

fausse quelque peu la classification tripartite des infractions qui devrait rester la summa

divisio de notre arsenal peacutenal3

751 Aussi la dureacutee de conservation des scelleacutes relative aux deacutelits ne devrait-elle pas

se distinguer de celle des crimes Cette diffeacuterenciation de traitement peut influer sur les

chances drsquoaboutissement du pourvoi en reacutevision friand de preuves mateacuterielles Crsquoest pourquoi

Madame le Professeur DARSONVILLE considegravere que laquo la loi en purgeant la qualification de

son erreur enteacuterine le mensonge sur la reacutealiteacute des faits reprocheacutes au deacutelinquant Latteinte agrave

la veacuteriteacute est perccedilue par le leacutegislateur comme eacutetant plus avantageuse que le respect de celle-ci

en raison de simples motifs dordre pratique Or cette conception du droit peacutenal porte atteinte

au creacutedit de la justice en bafouant limpeacuteratif de recherche de la veacuteriteacute qui doit conduire tout

le procegraves peacutenal et permettre dassurer la conformiteacute de lobjet de la reacutepression agrave la reacutealiteacute afin

que les responsabiliteacutes retenues les deacutecisions prononceacutees laient systeacutematiquement pour

support raquo

752 Ainsi peut-on raisonnablement se rallier aux arguments drsquoordre mateacuteriel

devraient justifier une diffeacuterenciation de traitement de la conservation des scelleacutes4 On ne

pourra que souligner la faiblesse de lrsquoargumentation De plus lrsquoobjectif de la reacuteforme

consistait agrave reacutetablir les liens de confiance entre la justice peacutenale et le citoyen Crsquoest ainsi que

1 P CONTE laquo Invenias disjecti membra criminis(hellip) op cit laquo agrave loccasion dune reacuteforme destineacutee agrave mieux sanctionner le harcegravelement sexuel le leacutegislateur en remplacement de lancienne incrimination qui le reacuteprimait mal a introduit deux infractions qui ne le reacutepriment pas Le progregraves nest pas aveuglant dautant plus que si le risque de correctionnalisation de viols ou dagressions sexuelles autres que le viol a pu se manifester en application dun texte postulant pourtant la reacutepeacutetition du comportement incrimineacute il ne fera que croicirctre avec larticle 222-33 du Code peacutenal qui a fait disparaicirctre cette speacutecificiteacute raquo 2 A DARSONVILLE op cit 3 J MOULY op cit p 3 4 La proposition de loi relative agrave la conservation des objets placeacutes sous-main de justice du 1er aoucirct 2013 ne distinguait pas selon qursquoil srsquoagisse drsquoune affaire deacutelictuelle ou criminelle Texte accessible sur httpwwwsenatfrlegppl12-820html

284

Monsieur le Deacuteputeacute FENECH a deacuteclareacute que laquo la confiance dans la justice passe () par la

capaciteacute du systegraveme judiciaire agrave rectifier et reacuteparer une erreur judiciaire1 raquo Or laquo la reacutevision

est objectivement empecirccheacutee lorsque les eacuteleacutements de preuve sous forme drsquoobjets placeacutes sous

scelleacutes ne sont plus disponibles raquo Le reacutetablissement de la confiance passe eacutegalement par la

question de la conservation des scelleacutes

753 Ce raisonnement ne devrait pas se limiter au seul problegraveme de la dureacutee mais

srsquoeacutetendre vers des horizons plus larges inheacuterents aux divers aspects de la gestion des scelleacutes

B La gestion des scelleacutes lieacutee agrave la confiance des justiciables envers

leur justice

754 En dehors de la question de la dureacutee il faut srsquoattacher aux consideacuterations drsquoordre

mateacuteriel relatives aux modaliteacutes de conservation des preuves2 La qualiteacute des eacuteleacutements

conserveacutes est tregraves utile agrave la mise en œuvre drsquoune requecircte en reacutevision dont le succegraves contribue

certainement au renforcement du sentiment de confiance envers la justice Or laquo les moyens

immobiliers de la justice nrsquoont pas eacutevolueacute en mecircme temps que les contentieux Il en reacutesulte

une gestion mateacuterielle des scelleacutes souvent tregraves difficile (hellip) Ainsi il eacutetait releveacute que les

scelleacutes du TGI drsquoAvesnes-sur-Helpe eacutetaient laquo stockeacutes dans un immeuble agrave lrsquohygiegravene

particuliegraverement deacuteplorable rats humiditeacute problegravemes drsquoeacuteclairagehellip les fonctionnaires ayant

mecircme fait valoir leur droit de retrait Lrsquoabsence de gestion seacutecuriseacutee a conduit agrave la disparition

drsquoune arme agrave feu agrave Boulogne-sur-Mer et drsquoun couteau agrave Dunkerque Les contraintes

budgeacutetaires conduisent mecircme parfois agrave faire des choix ubuesques Faute de creacutedits le

veacutehicule dans lequel Michel Fourniret a seacutequestreacute et tueacute plusieurs jeunes filles a ducirc ecirctre

entreposeacute dans le parking du TGI de Charleville-Meacuteziegravereshellip au milieu des voitures du

personnel 3raquo

755 La circulaire conjointe du 13 deacutecembre 2011 relative agrave la gestion des scelleacutes4 sert

de reacutefeacuterence aux modaliteacutes de gestion des scelleacutes5 Lrsquoenregistrement des scelleacutes a eacuteteacute

informatiseacute depuis 2011 Srsquoagissant des registres manuscrits il est donc recommandeacute de

redoubler de vigilance afin de garantir la traccedilabiliteacute des anciens scelleacutes Crsquoest drsquoailleurs au

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 2 2 Deacutecision ndeg 2014-390 QPC du 11 avril 2014 3 Seacutenat comptes rendus inteacutegraux de novembre 2013 Seacuteance du 22 novembre 2013 accessible sur httpwwwsenatfrseancess201311s20131122s20131122002html 4 Circulaire conjointe du 13 deacutecembre 2011 relative agrave la gestion des scelleacutes NOR JUSB1134112C 5 Ibid

285

moyen drsquoune numeacuterisation accentueacutee des piegraveces placeacutees sous-main de justice que Madame

TAUBIRA envisage de reacutegler en partie la gestion des scelleacutes Pour exemple la creacuteation de la

plate-forme nationale des interceptions judiciaires1offre un nouvel outil de gestions des

scelleacutes aux OPJ Le lancement de la plate-forme drsquointerception judiciaire reacuteceptacle des

scelleacutes immateacuteriels eacutechappe pour le moment au droit commun En effet le deacutecret du 9 octobre

2014 preacutevoit la conservation de ces scelleacutes immateacuteriels jusqursquoagrave lrsquoexpiration du deacutelai de

prescription de lrsquoaction publique ou pour certains drsquoentre eux jusqursquoagrave la clocircture des

investigations2

756 Dans le cadre de la poursuite des efforts deacuteployeacutes la CNCDH suggegravere

lrsquoexploration drsquoune piste inteacuteressante agrave savoir que laquo les juridictions pourraient ecirctre

deacutechargeacutees de cette responsabiliteacute au profit de lrsquoInstitut national de la police scientifique La

creacuteation drsquoun conservatoire national des scelleacutes ou drsquoun institut national de la conservation

des scelleacutes pourrait eacutegalement ecirctre envisageacutee3 raquo Afin de reacutesoudre des problegravemes de stockage

des scelleacutes la question se pose de savoir srsquoil est neacutecessaire de conserver un produit stupeacutefiant ou

si sa seule formule chimique peut suffire Un objet encombrant peut-il ecirctre remplaceacute par une

photographie Autant de questions qui nrsquoont pas trouveacute de reacuteponses agrave ce jour

757 Toute nouvelle solution sera la bienvenue et permettra de renforcer la creacutedibiliteacute

de la justice et lrsquoefficaciteacute du pourvoi en reacutevision

1 Deacutecret ndeg 2014-1162 du 9 octobre 2014 portant creacuteation dun traitement automatiseacute de donneacutees agrave caractegravere personnel deacutenommeacute laquo Plate-forme nationale des interceptions judiciaires raquo 2 Art R 40-49 ndash laquo Les donneacutees et informations mentionneacutees aux 1deg et 2deg de larticle R 40-46 sont placeacutees sous scelleacutes au sein du traitement jusquagrave expiration du deacutelai de prescription de laction publique raquo 3 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit p 45

286

Conclusion du chapitre 1

758 Ce chapitre a eacuteteacute consacreacute agrave la question de lrsquoappreacuteciation de la justesse de

lrsquointervention du leacutegislateur dans la reacuteforme A cette question il a eacuteteacute assez difficile drsquoy

reacutepondre de maniegravere affirmeacutee

759 En effet certains points de la reacuteforme constituent de reacuteelles avanceacutees alors que

drsquoautres aspects de la loi encourent des critiques Ces interrogations sont patentes tant au

niveau des modifications structurelles que conjoncturelles Crsquoest pourquoi les aspects

neacutegatifs de la reacuteforme ont retenu notre attention et susciteacute notre reacuteflexion Mais mecircme dans

lrsquohypothegravese de lrsquoacceptation de certaines pistes que nous avons exploreacutees il nrsquoen demeure pas

moins vrai qursquoil existera toujours des zones drsquoombre En effet comme il en a eacuteteacute fait mention

par rapport au cheminement meacutethodologique utile agrave toute reacuteforme efficace de la reacutevision la

modification des textes doit srsquoaccompagner drsquoune nouvelle approche axeacutee sur les relations

entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

760 Cet effort ayant fait deacutefaut le leacutegislateur a exposeacute lrsquoeacutedifice de sa reacuteforme agrave des

vices de construction Un nouveau regard porteacute sur lrsquoarticulation des relations entre la reacutevision

et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee aurait permis de reacuteelles avanceacutees Nous deacutemontrerons comment

le traitement du cas drsquoouverture aurait pu ecirctre ameacutelioreacute

287

CHAPITRE 2 LE CAS DrsquoOUVERTURE

REVISITE PAR UNE APPROCHE PLUS

MODERNE DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE

JUGEE

761 Dans ce chapitre nous nous concentrerons sur la question du cas drsquoouverture qui

fait figure drsquoeacuteleacutement deacuteclencheur de la proceacutedure de reacutevision Lrsquoaccessibiliteacute et lrsquoouverture de

la reacutevision restent tregraves deacutependantes de la preacutecision des textes qui lrsquoencadrent Reacutedigeacutes en des

termes trop stricts ils ne permettront pas drsquoatteindre lrsquoobjectif tendant agrave la facilitation de

lrsquoouverture de la proceacutedure A lrsquoinverse ces textes abordeacutes en des termes impreacutecis la

proceacutedure risquerait de srsquoeacuteloigner de son objet se transformant ainsi en un troisiegraveme degreacute de

juridiction La reacuteponse du leacutegislateur de 2014 concernant le cas drsquoouverture de la reacutevision in

favorem comporte encore certaines faiblesses1 Ainsi de nouvelles pistes susceptibles

drsquoapporter agrave la question une solution plus adapteacutee seront exploreacutees Toutefois notre reacuteflexion

se poursuivra au-delagrave vers une prise en consideacuteration de la reacutevision in defavorem Ainsi

srsquoagissant du cas drsquoouverture le cas drsquoouverture in favorem susceptible drsquoecirctre ameacutelioreacute sera

distingueacute de celui in defavorem qui aujourdrsquohui absent de la proceacutedure meacuteriterait de voir le

jour (Section 1)

762 Ce questionnement soulegravevera ineacutevitablement des interrogations par rapport agrave la

place de la victime dans la proceacutedure de reacutevision En effet la reacutevision in favorem qui induit la

remise en cause drsquoune deacutecision deacutefinitive de culpabiliteacute inteacuteressera aussi la victime en raison

de la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation qui peut ecirctre deacutecideacutee degraves le stade de la

commission drsquoinstruction Pour ce qui est de la reacutevision in defavorem de nature agrave remettre en

cause une deacutecision deacutefinitive drsquoacquittement ou de relaxe la victime ne se deacutesinteacuteressera

eacutevidemment pas de cette proceacutedure Eacutevoquer sa place conduit agrave srsquointerroger sur la position et

le rang qursquoelle occupera au cours de la proceacutedure La mise agrave lrsquoeacutecart de la victime de la

deacutecision de suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation dans la reacutevision in favorem est

critiquable Se posera ensuite la question de la place agrave lui accorder en cas drsquoune admission de

la reacutevision in defavorem (Section 2)

1 V supra ndeg 663 agrave 676

288

Section 1 La reacuteeacutecriture du cas drsquoouverture

763 Srsquoagissant de la reacutevision in favorem qui souffre toujours de certaines faiblesses

nous expliquerons quels remegravedes pourraient apporter le leacutegislateur (sect 1) Concernant la

reacutevision in defavorem des propositions seront faites par rapport agrave ce nouveau cas drsquoouverture

souhaiteacute (sect2)

sect 1 Le cas drsquoouverture in favorem

764 Le choix du leacutegislateur ayant opteacute pour un cas unique et indeacutetermineacute de reacutevision

paraicirct pertinent (A) Toutefois nous regrettons que celui-ci se fonde toujours sur le doute

Crsquoest pourquoi nous eacutetudierons la possibiliteacute drsquoun cas drsquoouverture unique et indeacutetermineacute

deacutepouilleacute du doute (B)

A La reconduction drsquoun cas drsquoouverture unique et indeacutetermineacute

765 Le leacutegislateur de 2014 a fait le bon choix parmi les quatre cas drsquoouverture preacutevus

par la loi de 1989 en maintenant le cas indeacutetermineacute et uniquement lui En effet lrsquoexamen de

lancien article 622 du Code de proceacutedure peacutenale permet de mettre en eacutevidence que les quatre

cas drsquoouverture se fondaient tous en reacutealiteacute sur la survenance dun eacuteleacutement factuel ou

juridique qui entretenait un doute sur la culpabiliteacute Ainsi srsquoil ne fallait parmi ces quatre cas

drsquoouverture nrsquoen conserver qursquoun seul il est logique drsquoavoir preacuteserveacute celui qui est fondeacute sur

le fait nouveau et dont les autres ne sont que des deacuteclinaisons1

766 De plus agrave la lueur du droit compareacute2 le choix du leacutegislateur trouve un sens Les

leacutegislations eacutetrangegraveres qui ont opteacute pour plusieurs cas de reacutevision se reacutefegraverent agrave un cas

indeacutetermineacute dont les autres cas ne sont que des illustrations

Par exemple lrsquoarticle 359 du Code de proceacutedure peacutenale allemand (la StPO) dresse une liste

de six cas drsquoouverture de la reacutevision dans lrsquointeacuterecirct du condamneacute laquo La reprise drsquoune

proceacutedure agrave laquelle a mis fin un jugement ayant autoriteacute de chose jugeacutee est admissible 1 si

un acte authentique produit comme vrai agrave son deacutesavantage lors des deacutebats ne lrsquoeacutetait pas ou

eacutetait falsifieacute 2 si le teacutemoin ou lrsquoexpert a eacuteteacute reconnu coupable drsquoavoir volontairement ou par

1 V infra 2 W JEANDIDIER Droit peacutenal geacuteneacuteral op cit ndeg 164 J PRADEL La reacutevision pour erreur judiciaire (droit compareacute) RPDP 2001 p 667 A GUINCHARD Le traitement des erreurs judiciaires en droit peacutenal anglais AJ Peacutenal 2011 p 348 et s

289

une faute drsquoimprudence violeacute son serment lors du teacutemoignage fait ou du rapport deacuteposeacute au

deacutesavantage du condamneacute ou drsquoavoir volontairement hors serment fait une fausse

deacuteclaration 3 si un juge ou un eacutechevin qui a pris part au jugement est reconnu comme

coupable drsquoun manquement aux devoirs de sa charge peacutenalement punissable en rapport avec

lrsquoaffaire dans la mesure ougrave ce manquement nrsquoa pas eacuteteacute provoqueacute par le condamneacute lui-mecircme

4 si un jugement civil sur lequel le jugement peacutenal srsquoest fondeacute a eacuteteacute annuleacute par un autre

jugement qui a acquis autoriteacute de chose jugeacutee 5 si de nouveaux faits ou moyens de preuve

sont produits qui seuls ou en liaison avec les preuves anteacuterieurement administreacutees sont

propres agrave justifier lrsquoacquittement de lrsquoaccuseacute ou par lrsquoapplication drsquoune loi peacutenale plus

douce une condamnation peacutenale moins seacutevegravere ou une deacutecision substantiellement diffeacuterente

relativement agrave une mesure de reacuteeacuteducation et de sucircreteacute 6 si la Cour europeacuteenne des droits de

lrsquoHomme a constateacute une violation de la Convention europeacuteenne pour la protection des droits

de lrsquoHomme et des liberteacutes fondamentales ou de ses Protocoles et que le jugement repose sur

cette violation1 raquo Le dernier cas visant la violation de la Convention europeacuteenne deacutemontre

que contrairement agrave la position franccedilaise le droit allemand fait du reacuteexamen un cas

drsquoouverture agrave reacutevision Srsquoagissant des autres options elles ne sont que le reacutesultat drsquoune

deacuteclinaison du cinquiegraveme cas consistant en des laquo nouveaux faits ou moyens de preuve (hellip)

qui seuls ou en liaison avec les preuves anteacuterieurement administreacutees sont propres agrave justifier

lrsquoacquittement de lrsquoaccuseacute (hellip) raquo En reacutealiteacute il srsquoagit drsquoexemples qui pourraient ecirctre

consideacutereacutes par les juges franccedilais comme des laquo faits nouveaux ou eacuteleacutements inconnus de la

juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute ou agrave faire naicirctre un

doute sur sa culpabiliteacute raquo

En Italie lrsquoarticle 629 du Code de proceacutedure peacutenale2 vise quatre cas de reacutevision laquo les faits

fondant la condamnation sont inconciliables avec une autre deacutecision peacutenale deacutefinitive la

deacutecision de condamnation a retenu que lrsquoinfraction eacutetait caracteacuteriseacutee sur la base drsquoune

deacutecision du juge civil ou administratif alors que cette deacutecision a eacuteteacute reacutevoqueacutee ou remise en

cause suite agrave une question preacutejudicielle ulteacuterieurement agrave la condamnation de nouvelles

preuves sont deacutecouvertes deacutemontrant que la personne condamneacutee doit ecirctre deacuteclareacutee non

coupable il peut ecirctre deacutemontreacute que la condamnation a eacuteteacute prononceacutee sur la base drsquoun faux

ou drsquoune infraction raquo Le mecircme constat srsquoimpose par rapport au troisiegraveme cas qui concerne

1 Code allemand de proceacutedure peacutenale traduit par R LEGEAIS Juriscope Centre drsquoaccegraves aux droits eacutetrangers accessible sur httpwwwjuriscopeorgles-traductionstraductions-de-lois-etrangeresallemagnehtm Version en langue allemande accessible sur httpwwwgesetze-im-internetdestpo__359html 2 Version en langue italienne accessible sur httpwwwaltalexcom

290

laquo la deacutecouverte de nouvelles preuves deacutemontrant que la personne condamneacutee doit ecirctre

deacuteclareacutee non coupable raquo Celui-ci srsquoinscrit dans la configuration drsquoun cas drsquoouverture

indeacutetermineacute alors que les autres cas ne constituent que des deacuteclinaisons susceptibles de

srsquoapparenter agrave un laquo fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de

nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute ou agrave faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute raquo

767 Si le choix du cas unique et indeacutetermineacute de reacutevision apparaicirct comme une sage

deacutecision il ne faudrait pas que des zones drsquoombre subsistent Or le maintien du terme

laquo doute raquo qui pose problegraveme depuis toujours constitue une gecircne agrave lrsquoentiegravere reacuteussite de la

reacuteforme Il nrsquoen reste pas moins vrai que ce cas unique drsquoouverture agrave reacutevision se divise en

plusieurs options - soit un fait nouveau - soit un eacuteleacutement inconnu de nature agrave faire naicirctre -

un doute sur la culpabiliteacute - ou de faire la deacutemonstration de lrsquoinnocence Toutefois un grand

nombre de requecirctes reste suspendu agrave cette notion de doute agrave laquelle il faut apporter une

reacuteponse

768 En effet le maintien du doute peut susciter les mecircmes critiques que celles qui ont

eacuteteacute formuleacutees agrave lrsquooccasion de la loi de 19891 voire entraver lrsquoapplication des nouvelles

dispositions de la reacuteforme2

B La non reconduction du terme doute

769 Apregraves avoir expliqueacute les divers facteurs de nature agrave motiver en matiegravere de

reacutevision lrsquoabandon du doute (1) lrsquointeacuterecirct drsquoune nouvelle formulation du cas drsquoouverture sera

deacutemontreacute (2)

1 Les justifications de lrsquoabandon du doute en matiegravere de reacutevision

770 Dans sa thegravese Madame Juliette LELIEUR soutient lrsquoinadeacutequation du

rattachement de la regravegle ne bis in idem au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee3 et propose

de rattacher cette regravegle agrave un nouveau fondement le principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive4

Lrsquoauteure construit son raisonnement autour drsquoun deacutecalage perceptible au niveau des

fonctions respectives de la regravegle ne bis in idem et du principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

1 V supra ndeg 320 agrave 327 2 CHAVENT-LECLERE A-S laquo Conception stricte du fait nouveau de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute raquo note sous Cour de reacutevision et de reacuteexamen des condamnations peacutenales commission drsquoinstruction 16 mars 2015 ndeg 13 REV037 3 J LELIEUR op cit premiegravere partie 4 Ibid deuxiegraveme partie

291

Les travaux de Madame Juliette LELIEUR pourraient contribuer agrave justifier lrsquoabandon du

doute dans le cas drsquoouverture de la reacutevision

771 Lrsquoauteure deacutemontre en srsquoopposant agrave une grande partie de la doctrine1 que la

garantie de la seacutecuriteacute juridique individuelle ne constitue pas une fonction de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee dont lrsquoobjectif est avant tout drsquoassurer la peacuterenniteacute du jugement revecirctu de la

preacutesomption de veacuteriteacute La fonction de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee consiste donc agrave renforcer

lrsquoautoriteacute et le creacutedit de lrsquoinstitution judiciaire Le pourvoi en reacutevision doit garantir une

protection du justiciable par rapport agrave lrsquointangibiliteacute drsquoun jugement entacheacute drsquoune erreur de

fait Crsquoest donc au pourvoi en reacutevision qursquoeacutechoit la mission drsquoeacuteviter que la preacutesomption de

veacuteriteacute ne se transforme en un handicap preacutejudiciable agrave la situation drsquoun individu injustement

condamneacute Toutefois la cible de cet objectif reste difficile agrave atteindre en raison de

lrsquoamalgame qui existe entre ne bis in idem et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

772 En effet pour justifier le rattachement de la regravegle ne bis in idem au principe de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee la doctrine inspiratrice de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel

sur le criminel srsquoest vue contrainte de srsquoattaquer au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en

lui confiant la fonction de protection de lrsquoindividu Degraves le XIXeme siegravecle ORTOLAN bien

que reconnaissant lrsquoexistence drsquoune similitude des laquo eacuteleacutements constitutifs de la chose jugeacutee raquo

en matiegravere civile et peacutenale preacutecisait toutefois laquo mais ils revecirctent en srsquoappropriant agrave la

speacutecialiteacute du droit peacutenal un tel caractegravere particulier et ils y reccediloivent des applications

tellement distinctes qursquoil y aurait freacutequemment une cause drsquoerreur agrave les confondre entre eux

et agrave eacutetendre des uns aux autres les mecircmes maniegraveres de deacutecider2 raquo Selon lui laquo ceux qui

veulent importer [ce raisonnement en droit peacutenal] en seraient bien embarrasseacutes si on les

contraignait agrave lrsquoappliquer logiquement conseacutequents avec eux-mecircmes en toute occasion ougrave il

se preacutesente () Ils sont donc obligeacutes drsquoy faire des distinctions des restrictions mus par un

sentiment drsquoeacutequiteacute qui marche sans gouvernail qui oscille en des voies multiples suivant des

appreacuteciations variables et qui arrive en deacutefinitive contre leur greacute agrave la violation de la chose

jugeacutee quelquefois mecircme au mensonge judiciaire convenu et eacutevident raquo

773 La mise en œuvre de ce raisonnement douteux a pu servir de preacutetexte pour

deacutetacher lrsquoautoriteacute laquo peacutenale raquo de la chose jugeacutee du principe geacuteneacuteral en consideacuterant que laquo

1 Voir notamment FAUSTIN-HELIE op cit ndeg 983 R MERLE et A VITU op cit ndeg 886 Ph CONTE et P MAISTRE DU CHAMBON op cit ndeg 664 M-L RASSAT Traiteacute de proceacutedure peacutenale op cit ndeg 516 J PRADEL Traiteacute de proceacutedure peacutenale op cit ndeg 1021 2 J ORTOLAN op cit ndeg 1780 in fine (p 297) citeacute par J LELIEUR

292

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoa lieu en droit peacutenal qursquoagrave lrsquoeacutegard de ce qui a fait et de tout ce

qui aurait ducirc faire lrsquoobjet du jugement raquo1 Ce deacutetachement jugeacute salvateur pour le justiciable

permet agrave lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee de srsquoappliquer degraves qursquoil srsquoagit

drsquoengager de nouvelles poursuites pour les mecircmes faits mateacuteriels Madame Juliette LELIEUR

considegravere que laquo ce tour drsquoadresse est certainement tregraves efficace pour faire remplir au principe

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee la fonction de protection de lrsquoindividu qursquoil ne possegravede pas

Pourtant il nrsquoest pas sans prix Par deacutefinition ce qui aurait ducirc faire lrsquoobjet du jugement nrsquoen

a pas fait lrsquoobjet et nrsquoest donc pas laquo chose jugeacutee raquo Ainsi le principe semble ecirctre appliqueacute au-

delagrave de la laquo chose jugeacutee raquo crsquoest-agrave-dire au-delagrave de lrsquoobjet dont il tend agrave assurer lrsquoautoriteacute2 raquo

En drsquoautres termes ce nrsquoest qursquoagrave la faveur drsquoune contorsion de la notion de chose jugeacutee

qursquoORTOLAN parvient agrave lui assigner une fonction qui nrsquoexistait pas au deacutepart puisqursquoil

srsquoagissait de garantir la protection du creacutedit du juge

774 Ce deacutevoiement de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est directement lieacute aux difficulteacutes

rencontreacutees srsquoagissant du doute en matiegravere de reacutevision En effet si sous le couvert du

rattachement de ne bis in idem agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee celle-ci est perccedilue comme un

outil de protection de lrsquoindividu elle devient une fois mise en miroir avec le pourvoi en

reacutevision une source de preacutejudice pour lrsquoindividu La deacuteformation des fonctions de lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee a pour conseacutequence de suggeacuterer au juge une seacuteveacuteriteacute dans lrsquoappreacuteciation de

lrsquoeacuteleacutement inconnu ou du fait nouveau qui laquo aurait ducirc faire lrsquoobjet du jugement raquo mais sur

lequel il convient malgreacute tout drsquoenvisager un doute Ce laquo bricolage juridique3 raquo par rapport

aux fonctions de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est en relation de cause agrave effet avec les difficulteacutes

qursquoeacuteprouve la jurisprudence agrave douter en matiegravere de reacutevision

775 Ces difficulteacutes peuvent ecirctre reacutesolues par le biais de la rupture du lien unissant la

regravegle ne bis in idem au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et par un rattachement de cette

regravegle au principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive envers la mecircme personne pour les mecircmes faits

Toutefois cette reacuteorganisation de la justice peacutenale srsquoapparente agrave un immense chantier tant au

niveau de son importance que de celui des difficulteacutes qursquoil geacutenegravere4

776 Il est eacutevident que la reacutealisation de cette œuvre ne peut se faire en un instant Or

srsquoagissant de la reacutevision tout atermoiement doit ecirctre eacuteviteacute Crsquoest pourquoi face agrave lrsquoampleur

1 J ORTOLAN op cit ndeg 1795 p 304 crsquoest Ortolan qui souligne citeacute par J LELIEUR p 154 2 J LELIEUR op cit ndeg 184 3 Expression emprunteacutee agrave J LELIEUR 4 J LELIEUR op cit ndeg 721

293

de ce chantier juridique une premiegravere mesure consisterait drsquoores et deacutejagrave agrave supprimer lrsquoemploi

du terme du doute La question drsquoune nouvelle formulation du cas drsquoouverture se pose donc

2 Une nouvelle formulation du cas drsquoouverture

777 Les travaux imageacutes du fabuliste grec ESOPE mettaient deacutejagrave en avant 500 ans

avant Jeacutesus Christ lrsquoimportance du choix des mots Dans une fable toujours drsquoactualiteacute dont

la Bible srsquoest fortement inspireacutee dans lrsquoeacutevangile selon Jacques1 Xanthus le maicirctre drsquoEsope

lui ordonne de se rendre au marcheacute et de lui preacuteparer ensuite un excellent repas Esope lui

cuisine une langue laquo Avec la langue on peut rendre heureux on peut adoucir la douleur

soulager le deacutesespoir relever les abattus inspirer les deacutecourageacutes aider son semblable raquo

Ensuite son maicirctre lui reacuteclame le plus mauvais des plats Esope lui sert agrave nouveau une langue

puisque laquo la langue est aussi la nourrice de tous les procegraves la source des divisions et des

guerres Si elle est lrsquoorgane de la veacuteriteacute elle aussi celle de lrsquoerreur et pire de la calomnie raquo

778 Lrsquoimportance des mots la neacutecessiteacute de trouver le juste terme est tout lrsquoart des

textes de lois Madame le Professeur MOQUET-ANGET a qualifieacute le droit en matiegravere de

psychiatrie de laquo discipline ougrave le verbe compte autant que le meacutedicament2 raquo Or le maintien

du doute en matiegravere de reacutevision expose la reacuteforme de 2014 agrave de seacuterieux deacuteboires De la mecircme

maniegravere que lrsquoacircne de Buridan est mort de faim et de soif faute drsquoavoir pu choisir entre le

picotin davoine et le sceau deau la reacuteforme qui nrsquoa pas fait le choix drsquoun cas drsquoouverture

libeacutereacute de la deacuteformation de lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee risque malgreacute le

souhait drsquoouverture de srsquoeacuteloigner de lrsquoobjectif rechercheacute

779 Cet obstacle pourrait ecirctre surmonteacute agrave la faveur drsquoune reacuteeacutecriture du cas drsquoouverture

indeacutetermineacute en srsquoinspirant des reacuteflexions de Monsieur le Professeur PRADEL et de Monsieur

Bruno COTTE A lrsquooccasion de son audition devant la commission des lois le Professeur

PRADEL partisan du maintien de la notion de doute explique eacuteprouver des difficulteacutes agrave

diffeacuterencier le fait nouveau de lrsquoeacuteleacutement inconnu et propose de les unifier en un concept

unique3

780 En ce qui nous concerne nous ne partageons pas ce point de vue Toutefois ses

conclusions ne sont pas pour autant eacutecarteacutees puisque selon Monsieur le Professeur

1 La Bible Evangile de Jacques Chapitre 3 2 M-L MOQUET ANGER Droit de la santeacute ndash responsabiliteacute meacutedicale et hospitaliegravere ndash deacutecisions de janvier agrave juin 2011 JCP Adm 2012 p 2055 3 Audition de Monsieur le Professeur PRADEL devant la commission des lois de lrsquoAssembleacutee Nationale op cit

294

PRADEL il faudrait pouvoir deacuteclencher la reacutevision en cas de laquo donneacutees nouvelles inconnues

des premiers juges et qui si elles eacutetaient connues auraient pu modifier leur jugement raquo

Parallegravelement Monsieur COTTE srsquointerroge sur la neacutecessiteacute de preacuteciser le cas drsquoouverture en

introduisant des conditions analogues agrave celles figurant agrave lrsquoarticle 26 du statut du tribunal peacutenal

international pour lrsquoEx Yougoslavie (TIPY) agrave savoir la laquo deacutecouverte drsquoun fait nouveau

inconnu lors du procegraves et qui aurait pu ecirctre un eacuteleacutement deacutecisif de la deacutecision1 raquo ou agrave celles de

lrsquoarticle 84 du statut de la Cour peacutenale internationale qui mentionne la laquo deacutecouverte drsquoun fait

nouveau qui nrsquoeacutetait pas connu au jour du procegraves et qui srsquoil avait eacuteteacute eacutetabli aurait

vraisemblablement entraineacute un verdict diffeacuterent2 raquo Monsieur COTTE propose donc drsquoouvrir

la reacutevision en cas de laquo fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu lors des deacutebats de nature agrave faire

naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute ou qui aurait pu constituer un eacuteleacutement deacutecisif

de la prise de deacutecision (ou lorsqursquoa eacuteteacute arrecircteacute la deacutecision hellip ou lorsque la derniegravere

juridiction appeleacutee agrave statuer srsquoest prononceacutee) raquo Crsquoest ainsi que tout en maintenant la notion

de doute Monsieur COTTE suggegravere drsquoen reacuteduire les aspeacuteriteacutes agrave la faveur drsquoune formule

alternative soit le fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu est de nature agrave faire naicirctre un doute soit

il aurait pu constituer un eacuteleacutement deacutecisif de la prise de deacutecision (emploi du terme ou)

781 Ces deux pistes meacuteritent drsquoecirctre prises en consideacuteration De la proposition de

Monsieur le Professeur PRADEL nous retiendrons lrsquoideacutee drsquoun eacuteventuel jugement diffeacuterent

dans lrsquohypothegravese ougrave les faits nouveaux ou eacuteleacutements inconnus auraient eacuteteacute en possession des

premiers juges au moment du jugement Pour les juges de la juridiction de reacutevision envisager

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun jugement diffeacuterent revient agrave se placer dans le contexte du jugement attaqueacute

et agrave se poser la question suivante laquo si jrsquoavais eu entre les mains cet eacuteleacutement nouveau le jour

du jugement contesteacute aurai-je rendu la mecircme deacutecision raquo Ce questionnement diffegravere de celui

qui deacutecoule du doute En effet le doute place le juge dans une situation plus complexe Il se 1 Article 26 TIPY laquo Srsquoil est deacutecouvert un fait nouveau qui nrsquoeacutetait pas connu au moment du procegraves en premiegravere instance ou en appel et qui aurait pu ecirctre un eacuteleacutement deacutecisif de la deacutecision le condamneacute ou le Procureur peut saisir le Tribunal drsquoune demande en reacutevision de la sentence raquo 2 Article 84 CPI laquo La personne deacuteclareacutee coupable ou si elle est deacuteceacutedeacutee son conjoint ses enfants ses parents ou toute personne vivant au moment de son deacutecegraves quelle a mandateacutee par eacutecrit expresseacutement agrave cette fin ou le Procureur agissant au nom de cette personne peuvent saisir la Chambre dappel dune requecircte en reacutevision de la deacutecision deacutefinitive sur la culpabiliteacute ou la peine pour les motifs suivants a) Il a eacuteteacute deacutecouvert un fait nouveau qui i) Neacutetait pas connu au moment du procegraves sans que cette circonstance puisse ecirctre imputeacutee en totaliteacute ou en partie au requeacuterant et ii) Sil avait eacuteteacute eacutetabli lors du procegraves aurait vraisemblablement entraicircneacute un verdict diffeacuterent b) Il a eacuteteacute deacutecouvert quun eacuteleacutement de preuve deacutecisif retenu lors du procegraves et sur la base duquel la culpabiliteacute a eacuteteacute eacutetablie eacutetait faux contrefait ou falsifieacute c) Un ou plusieurs des juges qui ont participeacute agrave la deacutecision sur la culpabiliteacute ou qui ont confirmeacute les charges ont commis dans cette affaire un acte constituant une faute lourde ou un manquement agrave leurs devoirs dune graviteacute suffisante pour justifier quils soient releveacutes de leurs fonctions en application de larticle 46 raquo

295

pose la question de savoir si laquo lrsquoinformation nouvelle dont il dispose deacutesormais est de nature

agrave remettre en cause le bienfondeacute de la deacutecision rendue par les premiers juges raquo

782 Au sujet de ce questionnement Maicirctre LE BORGNE remarque qursquo laquo en drsquoautres

termes on lrsquoappellerait conflit drsquointeacuterecirct ndash qui consiste agrave devoir trancher entre une souveraineteacute

seacuteculaire et lrsquoeacutequiteacute raquo1 Il est donc eacutevident que la voie proposeacutee par Monsieur le Professeur

PRADEL permettrait aux juges de se deacutegager drsquoune situation inconfortable et drsquoavoir une

pratique plus ouverte de la reacutevision Cela est drsquoailleurs clairement exprimeacutee dans les textes

ayant servi de base agrave la proposition de Monsieur COTTE notamment lrsquoarticle 84 du statut de

la Cour peacutenale internationale

783 Crsquoest pourquoi il nous semble qursquoune association de ces deux reacuteflexions

permettrait de se libeacuterer du carcan du doute A nos yeux la reacutevision in favorem devrait ecirctre

recevable lorsque laquo vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de

la juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute OU qui aurait

pu modifier le jugement et entrainer un verdict diffeacuterent raquo Cette formulation preacutesenterait de

nombreux avantages

784 Premiegraverement elle mettrait un terme agrave la question du degreacute de doute requis

question toujours pas solutionneacutee par le leacutegislateur de 2014 Deuxiegravemement elle eacuteviterait la

persistance du malaise qui entoure la question du doute ducirc agrave la deacuteformation de lrsquoautoriteacute

neacutegative de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Troisiegravemement elle maintiendrait la distinction entre

lrsquoeacuteleacutement inconnu et le fait nouveau qui meacuterite drsquoecirctre preacuteserveacutee Quatriegravemement elle

permettrait de reacuteaffirmer la possibiliteacute de deacutemontrer lrsquoinnocence agrave la faveur des progregraves de la

science Enfin cinquiegravemement elle ouvrirait la porte agrave la prise en compte de lrsquoeacuteleacutement non

deacutebattu En outre elle preacutesenterait lrsquoavantage drsquoecirctre moins abstraite que le doute car laquo qursquoy a-

t-il de plus subjectif que le doute2 raquo et reacuteaffirmerait que laquo la culpabiliteacute drsquoun individu ndash

comme son innocence- srsquoappreacutecie sur des eacuteleacutements de preuve non sur des eacutemotions3 raquo

785 Nous avons deacutejagrave pu affirmer la neacutecessiteacute de reconnaicirctre la reacutevision in defavorem

A preacutesent nous allons deacutemontrer qursquoune conception puriste de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

devrait favoriser son accueil Aussi conviendra-il drsquoenvisager lrsquoeacutelaboration drsquoun cas

drsquoouverture susceptible de servir de fondement agrave ce type de reacutevision

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur J-Y LE BORGNE p 165 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur B COTTE p 199 3 Ibid Contribution de Monsieur V LAMANDA p 181

296

sect 2 Le cas drsquoouverture in defavorem

786 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee une fois deacutecoupleacutee de la regravegle ne bis in idem permet

un retour vers la fonction originelle de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacute qui devrait permettre

drsquoentrainer la reconnaissance de la reacutevision in defavorem (A) Apregraves avoir justifieacute lrsquoadmission

de la reacutevision in defavorem il conviendra donc de proposer un cas drsquoouverture (B)

A La neacutecessaire reconnaissance de la reacutevision in defavorem

787 La CNCDH qualifie le choix franccedilais de laquo solution meacutediane1 raquo notamment par

rapport agrave la position drsquoautres pays comme lrsquoAllemagne2 les Pays Bas3 ou le Royaume Uni4

ougrave le triomphe de la veacuteriteacute est une exigence quel que soit le sens de la reacutevision Selon nous

ce choix est la conseacutequence drsquoune conception deacuteformeacutee de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee En

effet la reconnaissance de la reacutevision in defavorem procegravede de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee agrave

partir du moment ougrave sa fonction cesse drsquoecirctre alteacutereacutee (1) Lrsquoadmission de la reacutevision in

defavorem preacutesenterait lrsquoavantage de mettre fin agrave lrsquoantagonisme qui oppose lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision et reacutetablirait une harmonisation de leur mode de

fonctionnement fondeacute sur un inteacuterecirct commun la preacuteservation de la paix sociale (2)

1 Le repli vers la veacuteritable fonction de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

788 GAVALDA explique que la diffeacuterenciation faite entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

au criminel sur le criminel et la theacuteorie geacuteneacuterale de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est surtout

visible au niveau du pourvoi en reacutevision5 laquo Lrsquoadmission de la seule reacutevision en faveur du

1 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 4 2 La reacutevision peut avoir lieu selon lrsquoarticle 362 du code de proceacutedure peacutenale (laquo StPO raquo) laquo 1deg) si un document produit comme vrai lors des deacutebats agrave lrsquoavantage de la personne poursuivie ne lrsquoeacutetait pas ou eacutetait falsifieacute 2deg) si le teacutemoin ou lrsquoexpert srsquoest rendu coupable drsquoavoir volontairement ou par une faute drsquoimprudence agrave lrsquoavantage de la personne poursuivie violeacute son serment lors du teacutemoignage fait ou du rapport deacuteposeacute ou drsquoavoir volontairement hors serment fait une fausse deacuteclaration 3deg) si le juge ou le jureacute qui a participeacute au jugement srsquoest rendu coupable drsquoun manquement aux devoirs de sa charge peacutenalement punissable en rapport avec lrsquoaffaire 4deg) si un aveu creacutedible de lrsquoinfraction est fait par lrsquoacquitteacute qursquoil ait eacuteteacute fait en justice ou qursquoil ait eacuteteacute extrajudiciaire raquo 3 La loi du 1 er octobre 2013 preacutevoit la reacutevision deacutefavorable dans deux hypothegraveses laquo 1deg) de nouveaux eacuteleacutements de preuve deacutecouverts (par de nouvelles preuves techniques ou lrsquoaveu creacutedible drsquoun ancien preacutevenu) font seacuterieusement preacutesumer que si le tribunal en avait eu connaissance le preacutevenuaccuseacute aurait eacuteteacute condamneacute 2deg) lrsquoexistence drsquoune grave irreacutegulariteacute de proceacutedure Cette reacutevision est limiteacutee aux crimes graves reacuteprimeacutes par une peine de reacuteclusion agrave perpeacutetuiteacute raquo 4 Une loi de 2005 modifiant le Criminal Justice Act 2003 permet la reacutevision deacutefavorable dans les affaires les plus graves ougrave sont reacuteunis de nouveaux eacuteleacutements de preuve agrave condition que ces eacuteleacutements soient fiables substantiels et drsquoune valeur probante indiscutable 5 C GAVALDA laquo Aspects actuels du problegraveme de lautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel raquo opcit ndeg2

297

condamneacute signifie indirectement que toutes les laquo choses jugeacutees raquo nrsquoont pas la mecircme

autoriteacute 1raquo En effet la reacutevision ne permet de remettre en cause que lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee de certaines deacutecisions Le jugement de relaxe et lrsquoarrecirct drsquoacquittement deacutefinitifs qui

eacutechappent agrave la proceacutedure de reacutevision se trouvent donc doteacutes drsquoune autoriteacute renforceacutee

789 Crsquoest pourquoi Madame Juliette LELIEUR remarque qursquo laquo accepter de re-juger

lorsque cela est en faveur de la personne deacutefinitivement jugeacutee mais srsquoy refuser lorsque re-

juger serait en sa deacutefaveur nrsquoest pas conforme agrave lrsquoexigence de neutraliteacute de la justice Cette

prise de position est peu favorable au creacutedit du juge2 raquo Or la fonction de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee est de preacuteserver le creacutedit du juge Lrsquoadmission de la reacutevision in defavorem ne

devrait donc pas constituer une offense au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Bien au

contraire une telle reconnaissance contribuerait agrave renforcer lrsquoimage du creacutedit de la justice

fonction de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

790 De plus une fois le lien de rattachement entre la regravegle laquo ne bis in idem raquo et le

principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee rompu la garantie de la seacutecuriteacute juridique individuelle

fonction propre agrave ne bis in idem ne peut plus servir drsquoargument pour justifier lrsquointerdiction de

la reacutevision in defavorem3

791 En matiegravere de reacutevision in favorem la garantie de la seacutecuriteacute juridique individuelle

nrsquoa pas lieu de srsquoappliquer Dans lrsquohypothegravese ougrave de nouvelles preuves de nature agrave accreacutediter la

thegravese de lrsquoinnocence se reacutevegravelent il serait absurde de vouloir imposer agrave la personne condamneacutee

une seacutecuriteacute juridique proclameacutee au nom de sa protection4 Lrsquoadmission de la reacutevision in

favorem est la traduction de la dissociation entre la seacutecuriteacute juridique individuelle et lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee A lrsquoinverse dans le cas drsquoune deacutecision deacutefinitive drsquoacquittement ou de

relaxe la seacutecuriteacute juridique individuelle met le justiciable agrave lrsquoabri de la reacutevision in defavorem

Cependant la socieacuteteacute aurait peut-ecirctre inteacuterecirct agrave favoriser la reacuteouverture du procegraves dans le cas

drsquoun rebondissement de lrsquoaffaire susceptible de remettre en cause la relaxe ou lrsquoacquittement5

792 En deacutefinitive la socieacuteteacute et le justiciable peuvent se retrouver dans un laquo rapport

drsquoopposition6 raquo puisqursquoils ne partagent pas les mecircmes inteacuterecircts par rapport agrave la seacutecuriteacute

juridique laquo La protection de lrsquoindividu but de la seacutecuriteacute juridique individuelle ne coiumlncide 1 J LELIEUR op cit ndeg 186 2 Ibid 3 J LELIEUR op cit ndeg 163 4 Ibid 5 Ibid ndeg 160 6 Expression emprunteacutee agrave J LELIEUR

298

pas toujours avec lrsquointeacuterecirct de la socieacuteteacute agrave ce que les situations juridiques issues des deacutecisions

de justice soient stables1 raquo

793 De plus la reconnaissance de la reacutevision in defavorem aurait pour conseacutequence

drsquoatteacutenuer lrsquointensiteacute de la dualiteacute oppositionnelle entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee En effet la reacutevision in defavorem illustre la congruence entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et la reacutevision tous deux deacutesireux de preacuteserver la paix sociale

2 Lrsquoobjectif commun de preacuteservation de la paix sociale entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et la reacutevision in defavorem

794 La cohabitation entre la proceacutedure de reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a

constitueacute le point de deacutepart de notre eacutetude En effet le pourvoi en reacutevision est une proceacutedure

qui se positionne agrave lrsquointersection de deux inteacuterecircts a priori divergents La culture lieacutee agrave la

dualiteacute oppositionnelle entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a pour

conseacutequence de compliquer la tacircche du leacutegislateur2 Lrsquoentretien de cette culture consacreacutee

par la loi de 1989 et dans une moindre mesure par celle de 2014 hisse de nombreux obstacles

agrave la manifestation de la veacuteriteacute et agrave lrsquoacceptation des erreurs judiciaires

795 Cependant lrsquoaffirmation et la preacuteservation de la paix sociale passent par un

rapprochement entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la proceacutedure de reacutevision En effet bien que

la paix sociale exige la proclamation du caractegravere deacutefinitif des deacutecisions il admet aussi en

preacutesence drsquoune injustice la remise en cause drsquoune deacutecision deacutefinitive Drsquoun cocircteacute elle laquo exige

que tout procegraves prenne fin un jour et que lorsqursquoil a eacuteteacute deacutefinitivement jugeacute il ne puisse plus

tard ecirctre remis en question3 raquo De lrsquoautre cocircteacute elle exige aussi lrsquoadmission la reacutevision drsquoune

deacutecision deacutefinitive erroneacutee sans distinguer selon qursquoil srsquoagit drsquoune deacutecision de condamnation

drsquoacquittement ou de relaxe

796 En effet dans lrsquohypothegravese drsquoune deacutecision drsquoacquittement ou de relaxe entacheacutee

drsquoune erreur de fait le prononceacute de la deacutecision deacutefinitive enlegraveve toute chance de

reconnaissance de reconstruction et a fortiori de reacuteconciliation Retenons lrsquoexemple drsquoun

individu acquitteacute deacutefinitivement alors qursquoil srsquoagit en reacutealiteacute de lrsquoauteur du crime Dans le cas

ougrave lrsquoerreur est aveacutereacutee la reconstruction du lien entre lrsquoacquitteacute et la socieacuteteacute ou entre lui-mecircme

1 J LELIEUR op cit ndeg 160 2 R GASSIN laquo Les destineacutees du principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel dans le droit peacutenal contemporain raquo op cit ndeg 3 p 242 3P BOUZAT et J PINATEL op cit ndeg 1529

299

et sa laquo victime raquo est impossible Crsquoest ainsi qursquoil apparaicirct quelque peu illogique dans ce cas

de se fonder sur lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee pour justifier la paix sociale Bien au contraire la

paix sociale exige de pouvoir reacuteviser cette deacutecision deacutefinitive drsquoacquittement

797 Toutefois laquo il srsquoagit lagrave drsquoun sujet difficile Il faut donc lrsquoaborder avec la plus

grande seacutereacuteniteacute Nous sommes lagrave face agrave des questions de conscience1 raquo Sur le plan juridique

nous avons deacutemontreacute qursquoil ne nous parait pas incongru de srsquoengager dans cette voie2 De

plus laquo la reacutevision in defavorem nrsquoest pas une hypothegravese drsquoeacutecole Les progregraves scientifique

dans le domaine de la production des preuves nous a rattrapeacutes La justice est entreacutee dans une

autre eacutepoque3raquo

798 La neacutecessiteacute de reconnaicirctre la reacutevision in defavorem ayant eacuteteacute deacutemontreacutee il

convient agrave preacutesent drsquoenvisager la formulation drsquoun cas drsquoouverture

B La formulation du cas drsquoouverture

799 Monsieur le Professeur PRADEL lors de son audition devant la Commission des

Lois de lrsquoAssembleacutee Nationale a qualifieacute la reacutevision in defavorem de laquo vraie justice raquo

ORTOLAN affirmait deacutejagrave qursquolaquo il nrsquoest pas besoin de deacutemontrer que le sacrifice des cas

particuliers drsquoerreur contenus en lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee doit ecirctre fait avec plus de faciliteacute

et maintenu avec plus de force en droit peacutenal lorsqursquoil srsquoagit drsquoerreurs favorables agrave lrsquoaccuseacute

mais qursquoune porte au contraire doit ecirctre plus facilement ouverte agrave la reacuteparation de lrsquoerreur

lorsqursquoelle a eu lieu dans la condamnation4 raquo Dans le mecircme sens Monsieur CANIVET sans

faire la distinction entre la reacutevision in favorem ou in defavorem affirme que laquo le rocircle de la

reacutevision est de rapprocher autant que possible le sentiment commun de justice de la veacuteriteacute

judiciaire raquo5

800 Nous nous inteacuteresserons donc agrave lrsquoeacutebauche drsquoun texte touchant aux conditions

drsquoouverture de la reacutevision in defavorem Deux questions centrales se posent quel doit ecirctre le

critegravere de reacutevision in defavorem et quels en sont les deacutelais Srsquoagissant de la premiegravere

question la reacutevision in defavorem doit nrsquoecirctre permise qursquoen cas de preuve indubitable de la

1 Assembleacutee Nationale Commission des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la reacutepublique Mercredi 19 feacutevrier 2014 seacuteance de 10h intervention de Monsieur G FENECH 2 V supra ndeg 186 agrave 193 et ndeg 625 agrave 631 3 Assembleacutee Nationale Commission des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la reacutepublique Mercredi 19 feacutevrier 2014 seacuteance de 10h intervention de Monsieur G FENECH op cit 4 J ORTOLAN Eleacutements de droit peacutenal op cit ndeg 1777 5 Le monde 22 avril 2005

300

culpabiliteacute (1) Pour ce qui est de la seconde la reacutevision in defavorem doit neacutecessairement

srsquoinscrire dans le respect des deacutelais de prescription (2)

1 Une preuve indubitable de la culpabiliteacute

801 Les inconveacutenients du maintien de la notion de doute dans le cas drsquoouverture in

favorem ont eacuteteacute largement eacutevoqueacutes1 En raison de ces mecircmes arguments la notion de doute

doit ecirctre eacutecarteacutee de la reacutevision in defavorem Pour preacuteserver la paix sociale celle-ci exige de

se rapprocher eacutetroitement drsquoune certitude de la culpabiliteacute agrave la faveur drsquoune preuve

indubitable souvent fondeacutee sur les progregraves de la science En ce sens Monsieur VIOUT

estime qursquo laquo agrave lrsquoheure ougrave les progregraves de la science apportent une deacutevolution majeure agrave la

contribution de la preuve lrsquoautoriteacute de la veacuteriteacute judiciaire doit se conjuguer avec les

conseacutequences que lrsquoon doit tirer de lrsquoeacutemergence drsquoune possible autre veacuteriteacute sauf agrave consideacuterer

que la veacuteriteacute judiciaire derriegravere le bouclier drsquoun dogme doit reacutesister envers et contre tout agrave

tout eacutebranlement raquo2

802 Le fait de retenir la preuve indubitable de lrsquoinnocence comme critegravere de la

reacutevision in defavorem peut faire craindre une reviviscence du systegraveme de la preuve leacutegale3

Crsquoest ainsi que la reacutevision in defavorem pourrait devenir lrsquoaffaire des seuls scientifiques et

enlegraveverait de fait lrsquointeacuterecirct de la technique du renvoi Cette crainte nrsquoa pas lieu drsquoecirctre

803 Premiegraverement pour ce qui est du recours agrave la preuve scientifique le leacutegislateur

lrsquoautorise4 et lrsquointegravegre mecircme parfois dans les eacuteleacutements constitutifs de lrsquoinfraction enlevant

ainsi au juge toute possibiliteacute de contester les constatations techniques Il en est ainsi de la

conduite sous lrsquoempire drsquoun eacutetat alcoolique preacutevu par lrsquoarticle L 234-1 du Code de la route qui

dispose laquo Mecircme en labsence de tout signe divresse manifeste le fait de conduire un

veacutehicule sous lempire dun eacutetat alcoolique caracteacuteriseacute par une concentration dalcool dans le

sang eacutegale ou supeacuterieure agrave 080 gramme par litre ou par une concentration dalcool dans

lair expireacute eacutegale ou supeacuterieure agrave 040 milligramme par litre est puni de deux ans

demprisonnement et de 4 500 euros damende raquo Lrsquoinfraction est caracteacuteriseacutee par un critegravere

objectif qui consiste agrave relever le taux drsquoimpreacutegnation alcoolique au moyen drsquoun appareil de

mesure permettant ainsi de constater agrave la lecture du reacutesultat le deacutelit La veacuteriteacute scientifique

occupe une place importante par rapport agrave la constatation de cette infraction puisqursquoelle 1 V supra ndeg 671 agrave 688 2 Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur J-O VIOUT p 241 3 F HELIE op cit t3 ndeg 1461 4 E MONTEIRO Les crimes des fregraveres Jourdain une cruauteacute reacutefleacutechie Dr peacutenal 2001 ndeg 5 chron ndeg 21

301

correspond agrave une veacuteriteacute leacutegale1 Les reacutesultats scientifiques suffisent agrave caracteacuteriseacutee lrsquoinfraction

dont lrsquoexistence srsquoimpose au juge

804 Deuxiegravemement la preuve scientifique de la culpabiliteacute nrsquoentrainerait pas

automatiquement la reacutevision in defavorem En effet les eacuteleacutements de preuve scientifiques

confieacutes agrave la juridiction de reacutevision constituent des preuves circonstancielles2 dont la

leacutegitimiteacute resterait fortement lieacutee au contexte de leur deacutecouverte3 Crsquoest ainsi qursquoaux Etats-

Unis lrsquoaffaire CALABRO4 se rapportant agrave un assassinat assorti drsquoactes de torture et de

barbarie a donneacute lieu agrave la deacutecouverte sur la victime drsquoune trace drsquoADN masculin Les

recherches se sont aussitocirct concentreacutees vers le profil identifieacute par lrsquoempreinte geacuteneacutetique Il

srsquoest aveacutereacute que cette trace provenait en reacutealiteacute drsquoun cadavre dont le transport avait eacuteteacute

effectueacute au moyen drsquoun sac qui mal nettoyeacute srsquoeacutetait vu reacuteemployeacute pour lrsquoenlegravevement du corps

de la victime de lrsquoassassinat Cette affaire est lrsquoillustration que la preuve scientifique bien

que reacuteputeacutee infaillible peut ouvrir la porte agrave une fausse piste en raison de certains aleacuteas issus

du contexte de sa deacutecouverte laquo Si le juge nrsquoest pas compeacutetent pour discuter la valeur des

opeacuterations techniques par lesquelles la communauteacute scientifique identifie les empreintes

geacuteneacutetiques crsquoest agrave lui drsquoapprouver la valeur de ces empreintes dans lrsquoespegravece qui lui est

soumise raquo5

805 La veacuteriteacute scientifique ne doit donc pas deacuteboucher obligatoirement sur une reacuteponse

meacutecanique du droit peacutenal En matiegravere de reacutevision in defavorem la prise en compte de la veacuteriteacute

scientifique comme preuve indubitable de la culpabiliteacute doit donc agrave lrsquoinstar de son traitement

dans la reacutevision in favorem6 ecirctre le fruit drsquoun raisonnement meneacute par le juge

1 G DALBIGNAT-DEHARO op cit ndeg 212 laquo (hellip) les certitudes scientifiques encadrent lrsquoactiviteacute judiciaire en deacutefinissant scientifiquement le comportement agrave sanctionner et srsquoimposent au juge par le truchement drsquoune disposition normative raquo 2 J-S BORGHETTI Vaccination contre lrsquoheacutepatite B et scleacuterose en plaques incertitudes scientifiques et divergences de jurisprudence note sous cass 1erciv 25 novembre 2010 ndeg 09-16556 JCP G 2011 ndeg4 p 79 3 Sur le contexte de collecte des preuves V G DALBIGNAT-DEHARO op cit ndeg 423 agrave 432 C FONTEIX Conduite apregraves usage de stupeacutefiants appreacuteciation de la reacutegulariteacute de lrsquoanalyse sanguine Dalloz actualiteacutes 5 novembre 2014 4 Sur cette affaire V La seacutecuriteacute aujourdrsquohui (dir) P MELCHIOR Paris La documentation franccedilaise 2000 speacutec p 31-33 accessible sur httpfondsdocinhesjfrsitesdefaultfilessitesdefaultfilesselecaujourdhuisa20200020profilage_criminellePDF 5 G DALBIGNAT-DEHARO op cit ndeg 30 6 Deacutecision de la Cour de reacutevision 20 novembre 2002 op cit (rejet de la requecircte en reacutevision drsquoOmar RADDAD) laquo Si la deacutecouverte drsquoempreintes geacuteneacutetiques masculines sur les deux portes servant de support aux inscriptions accusatrices ainsi que sur le chevron constitue un eacuteleacutement nouveau il est impossible de deacuteterminer agrave quel moment anteacuterieur concomitant ou posteacuterieur au meurtre ces traces ont eacuteteacute laisseacutees [hellip] De nombreuses personnes ont pu approcher les piegraveces agrave conviction avant le meurtre et faute de preacutecautions suffisantes apregraves celui-ci [hellip] Drsquoougrave il suit que la demande en reacutevision ne peut ecirctre admise raquo

302

806 La preuve indubitable de lrsquoinnocence peut ecirctre mateacuterialiseacutee par divers indices

faits moyens ou eacuteleacutements traduisant ainsi lrsquointeacuterecirct de conserver comme pour la reacutevision in

favorem le distinguo entre le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnu

Lrsquoamendement rejeteacute maintenait drsquoailleurs cette distinction laquo II ndash La reacutevision drsquoune

deacutecision peacutenale deacutefinitive peut eacutegalement ecirctre demandeacutee au deacutetriment de toute personne

reconnue non coupable drsquoun crime ou drsquoun deacutelit lorsque laquo 1deg Apregraves un acquittement ou une

relaxe vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la

juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir indubitablement la culpabiliteacute de la

personne reconnue non coupable laquo 2deg Apregraves un acquittement ou une relaxe sont deacutecouverts

de nouveaux eacuteleacutements de preuve faisant seacuterieusement preacutesumer que si la cour drsquoassises ou le

tribunal correctionnel en avait eu connaissance lrsquoaccuseacute ou le preacutevenu aurait eacuteteacute condamneacute

laquo 3deg Apregraves un acquittement ou une relaxe a eacuteteacute fait un aveu creacutedible de lrsquoinfraction par la

personne reconnue non coupable que cet aveu ait eacuteteacute fait en justice ou qursquoil ait eacuteteacute

extrajudiciaire laquo 4deg Un des teacutemoins entendus a eacuteteacute posteacuterieurement agrave lrsquoacquittement ou agrave la

relaxe poursuivi et condamneacute pour faux teacutemoignage agrave lrsquoavantage de lrsquoaccuseacute ou du preacutevenu

le teacutemoin ainsi condamneacute ne peut pas ecirctre entendu dans les nouveaux deacutebats raquo

807 Le cas indeacutetermineacute qui vise la reacuteveacutelation drsquoun eacuteleacutement inconnu ou le

surgissement drsquoun fait nouveau constituait lrsquoeacutepine dorsale du texte proposeacute et rejeteacute Monsieur

MATHON estime qursquo laquo un fait est quantifiable mesurable preacutecis Il se constate et

sappreacutehende objectivement Un eacuteleacutement induit une notion plus large et subjective moins

preacutecise une partie dun ensemble raquo Lrsquohypothegravese drsquoeacutecole visant un aveu creacutedible de

lrsquoinfraction par la personne reconnue non coupable envisageacutee au troisiegravemement du texte

reposait sur un fait Dans le mecircme ordre drsquoideacutees le faux teacutemoignage viseacutee au quatriegravemement

se rattachait eacutegalement un fait En revanche le deuxiegravemement visait quant agrave lui de nouveaux

eacuteleacutements de preuve Les cas deacutetermineacutes pouvaient donc srsquoappuyer soit sur un fait soit sur un

eacuteleacutement Le maintien du fait nouveau ET de lrsquoeacuteleacutement inconnu est donc indispensable

Cependant pour les mecircmes raisons que celle qui ont eacuteteacute eacutevoqueacutees agrave propos de la reacutevision in

favorem lrsquoeacuteleacutement inconnu et le fait nouveau doivent ecirctre regroupeacutes au sein drsquoun cas unique

et indeacutetermineacute et ne concerner que les domaines criminels et deacutelictuels

808 En conseacutequence la reacutevision drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive doit eacutegalement ecirctre

demandeacutee au deacutetriment de toute personne reconnue non coupable drsquoun crime ou drsquoun

deacutelit laquo lorsque vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la

303

juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir indubitablement la culpabiliteacute du

condamneacuteraquo

809 Se posera ensuite la question de la prescription1 car la proceacutedure de reacutevision in

favorem srsquoexerce en-dehors de tout deacutelai

2 Le neacutecessaire respect des deacutelais de prescription

810 Les deacutebats agrave lrsquoAssembleacutee Nationale ont illustreacute cet enjeu majeur du deacutelai dans

lequel organiser lrsquoexercice la reacutevision in defavorem

811 Monsieur le Deacuteputeacute RAIMBOURG srsquoest ainsi exprimeacute sur le sujet laquo Je

maintiens neacuteanmoins qursquoil est difficile de laisser des faits impunis degraves lrsquoinstant ougrave des

eacuteleacutements nouveaux apportent de faccedilon certaine la preuve qursquoun individu preacuteceacutedemment

acquitteacute est coupable Cela eacutetant se pose la question de la prescription qui nrsquoest pas traiteacutee ndash

sauf erreur de ma part ndash dans lrsquoamendement Il faut empecirccher en effet la partie civile de

poursuivre ses investigations pendant des anneacutees ce qui est deacutesastreux pour tout le monde Si

nous devions lrsquointroduire la reacutevision in defavorem devrait donc tenir compte de la

prescription du crime agrave compter de lrsquoarrecirct drsquoacquittement raquo 2

812 Monsieur le Deacuteputeacute HOUILLON a deacuteclareacute qursquolaquo en revanche la reacutevision ne

devrait pouvoir alors ecirctre demandeacutee qursquoavant que nrsquointervienne la prescription de lrsquoaction

peacutenale Crsquoest le seul moyen drsquoeacuteviter lrsquoimpuniteacute sans bouleverser lrsquoeacutequilibre des

prescriptions raquo3

813 Enfin le rapporteur a affirmeacute laquo Il mrsquoest insupportable disait en substance

Georges Fenech de savoir qursquoun coupable peut ecirctre en liberteacute raquo Mais crsquoest le systegraveme

franccedilais de la prescription qui le permet Crsquoest lui que vous devez abandonner si vous voulez

vous montrer coheacuterents En effet pourquoi se limiter aux quelques anneacutees ou aux quelques

mois restants en lrsquooccurrence avant lrsquoextinction de la prescription Nous ne serions

drsquoailleurs pas le premier pays agrave renoncer agrave ce systegraveme 4raquo

1 J PRADEL Proceacutedure peacutenale op cit ndeg 235 2 Assembleacutee Nationale compte rendu ndeg 43 mercredi 19 feacutevrier 2014 seacuteance de 10 h accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14pdfcr-cloi13-14c1314043pdf 3 Ibid 4 Ibid

304

814 Il nous semble que la reacutevision in defavorem ne peut srsquoappliquer que dans le cadre

de lrsquoapplication des regravegles de la prescription1 La reacutevision in defavorem trouve sa justification

dans la reacuteparation drsquoune erreur judiciaire alors que la prescription elle se fonde sur la faculteacute

drsquooubli La premiegravere nrsquoa pas vocation agrave remettre en cause la seconde Toutefois les nouveaux

moyens scientifiques de preuve en particulier le recours aux empreintes geacuteneacutetiques

ameacuteliorent les moyens drsquoinvestigation et contribuent agrave renforcer la reacuteticence de la socieacuteteacute face

agrave lrsquooubli2 De ce fait la question peut se poser de repousser les deacutelais de prescription

815 Sous lrsquoimpulsion des avanceacutees scientifiques Monsieur DANET remarque que

laquole fondement du risque de deacutepeacuterissement des preuves [nrsquoa] pas de sens quand le progregraves de

la science ne laisse place agrave aucun doute sur lrsquoidentiteacute de ces nouveau-neacutes3 raquo Depuis deux

deacutecennies la stabiliteacute des regravegles de la prescription est remise en cause par la multiplication

des deacuterogations prises agrave linitiative du leacutegislateur4 et du juge5 Toutes deux concourent agrave un

allongement des deacutelais de prescription et alimentent neacutecessairement la question de la

suffisance des deacutelais de prescription particuliegraverement en matiegravere criminelle6 Il nous semble

que lrsquoefficaciteacute de la reacutevision in defavorem dont lrsquoobjectif consiste agrave mettre fin au trouble

social exigerait un rallongement des deacutelais de prescription agrave lrsquoimage de la plupart des grands

pays europeacuteens7

816 Reacuteunie le 10 deacutecembre 2014 la commission des Lois a deacutecideacute de creacuteer une

mission drsquoinformation sur la question de la prescription en matiegravere peacutenale dont la publication

du rapport a eacuteteacute autoriseacutee le 20 mai 20158 Preacutesenteacute par Messieurs les deacuteputeacutes Georges

FENECH et Alain TOURRET le rapport propose quatorze mesures laquo pour une reacuteforme

1 V article 7 CPP pour les crimes article 8 CPP pour les deacutelits 2 D VIRIOT-BARIAL laquo De lrsquoidentification drsquoune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques raquo in Le droit de la biologie humaine vieux deacutebats et nouveaux enjeux dir A Seriaux Ellipses Paris 2000 p 111 3 J DANET laquo Lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere la prescription et le devoir de justice raquo Dalloz actualiteacutes 12 novembre 2014 4 A MIHMAN Comment reacuteformer la prescription de laction publique Rev peacutenit 2007 517 speacutec p 520 V eacutegal A VARINARD La prescription de laction publique Une institution agrave reacuteformer Meacutel Pradel 2006 Cujas p 605 et s 5 P MAISTRE DU CHAMBON Lhostiliteacute de la Cour de cassation agrave leacutegard de la prescription de laction publique note sous Crim 20 feacutevr 2002 JCP 2002 II 10075 J-F RENUCCI Infractions daffaires et prescription de laction publique D 1997 chron 23 J DANET Report de la prescription de lrsquoaction publique pour dissimulation drsquoassassinats Dalloz actualiteacutes 26 mai 2014 6 Article 7 CPP laquo En matiegravere de crime et sous reacuteserve des dispositions de larticle 213-5 du code peacutenal laction publique se prescrit par dix anneacutees reacutevolues agrave compter du jour ougrave le crime a eacuteteacute commis si dans cet intervalle il na eacuteteacute fait aucun acte dinstruction ou de poursuite raquo 7 J DANET S GRUNVALD M HERZOG-EVANS et Y LE GALL op cit J-J HYEST H PORTELLI et R YUNG Pour un droit de la prescription moderne et coheacuterent rapport dinformation ndeg 338 sur le reacutegime des prescriptions civiles et peacutenales JO Seacutenat 20 juin 2007 8 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 2778 en conclusion des travaux drsquoune mission drsquoinformation sur la prescription en matiegravere peacutenale accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rap-infoi2778asp

305

eacutequilibreacutee destineacutee agrave moderniser le droit de la prescription et reacutepondant agrave la fois agrave lrsquoexigence

de reacutepression et agrave lrsquoimpeacuteratif de seacutecuriteacute juridique aujourdrsquohui mis agrave mal raquo1 Parmi ces

mesures figure un doublement de la dureacutee des deacutelais de prescription en matiegravere criminelle et

deacutelictuelle2 Ainsi en matiegravere criminelle la prescription serait porteacutee agrave 20 ans au lieu de 10

ans et en matiegravere deacutelictuelle agrave 6 ans au lieu de 3 ans

817 Ces deacuteveloppements relatifs agrave la question du cas drsquoouverture de la reacutevision in

favorem et in defavorem renvoient naturellement agrave un questionnement sur la place de la

victime dans lrsquoune et lrsquoautre de ces proceacutedures

Section 2 La place de la victime dans la reacutevision

818 Une reacuteflexion sur la place de la victime au sein de la proceacutedure de reacutevision exige

de distinguer lrsquohypothegravese de la reacutevision in favorem de celle de la reacutevision in defavorem En

effet sa place doit ecirctre diffeacuterente selon qursquoil srsquoagit de la remise en cause drsquoune deacutecision

deacutefinitive de culpabiliteacute ou drsquoacquittement ou de relaxe Srsquoagissant de la reacutevision in

defavorem la victime doit ecirctre eacuteloigneacutee du deacuteroulement de la proceacutedure (sect 1) En revanche

pour ce qui est de la reacutevision in favorem la place de la victime devrait ecirctre renforceacutee par

rapport agrave la deacutecision de suspension de lrsquoexeacutecution de la peine (sect 2)

sect 1 Lrsquoeacuteloignement de la victime de la reacutevision in defavorem

819 Srsquoagissant des demandeurs il est neacutecessaire en matiegravere de reacutevision in defavorem

de bien deacutelimiter leur action pour ne pas deacutetourner la reacutevision de son objectif la restauration

de la paix sociale En effet un deacutefaut de reacutegulation des demandes de reacutevision in defavorem

deacuteboucherait sur un deacutesordre social et creacuteerait une veacuteritable instabiliteacute judiciaire Ainsi nous

ne restons pas sourds aux deacuteclarations de Madame LEBRANCHU qui a noteacute qursquo laquo ouvrir la

reacutevision aux deacutecisions drsquoacquittement conduirait les victimes et les parties civiles qui seraient

persuadeacutees de la culpabiliteacute drsquoune personne acquitteacutee agrave rechercher sans fin les preuves de

celle-ci 3raquo

1 httpwww2assemblee-nationalefr14commissions-permanentescommission-des-loismissions-d-informationprescription-en-matiere-penalea-la-uneexamen-du-rapport 2 MBABONNEAU Deux deacuteputeacutes proposent de doubler les deacutelais de prescription en matiegravere peacutenale Dalloz actualiteacutes 21 mai 2015 3 Assembleacutee Nationale compte rendu ndeg 43 mercredi 19 feacutevrier 2014 seacuteance de 10 h op cit

306

820 En matiegravere de reacutevision in defavorem la mise agrave lrsquoeacutecart de la victime dont la place

au sein du procegraves peacutenal est deacutejagrave confuse1 est neacutecessaire (A) Seule lrsquoaction du ministegravere

Public est souhaiteacutee (B)

A Une mise agrave lrsquoeacutecart neacutecessaire

821 Les atteintes agrave lrsquointeacutegriteacute physique psychique ou le preacutejudice peacutecuniaire subis par

la victime sont de nature agrave deacuteclencher un sentiment laquo compassion2 raquo pris en compte par le

droit Toutefois si la victime apparaicirct comme une laquo figure naturelle du procegraves peacutenal3 raquo sa

participation peut susciter des craintes4 Celles-ci deacutejagrave ressenties en amont du pourvoi en

reacutevision srsquoexpliquent par un risque drsquoalteacuteration des principes du droit peacutenal et par lrsquoexercice

de certaines pressions sur la politique leacutegislative5 laquo Symbolique est la passion nouvelle de ce

droit pour les victimes Passion leacutegitime sans doute mais non sans danger drsquoecirctre deacutenatureacutee et

transformeacutee en une accusation priveacutee Que deviennent lrsquoimpartialiteacute de la justice et le

ministegravere public qui srsquoefforcent de contenir comme une digue ce torrent impeacutetueux de

lrsquoindignation6 raquo Comme le rappelle Norbert ELIAS il convient de canaliser les passions car

lrsquoEtat pourrait se voir menacer par lrsquoapparition de la vengeance priveacutee7 Cette situation a

aussi eacuteteacute mise en eacutevidence par FAUSTIN HELIE qui deacuteclarait que laquo seule la peine venge

lrsquoinjure ou rassure la victime8 raquo

822 Crsquoest pourquoi mecircme si la victime est eacutetroitement lieacutee agrave lrsquoinfraction la reacuteponse

du droit peacutenal fait montre de prudence et affiche certaines reacuteserves juridiques quant agrave sa place

dans le procegraves peacutenal9 Sa preacutesence pourrait contribuer agrave deacutenaturer le procegraves peacutenal1 et le sens

de la peine2

1 E FORTIS Ambiguiumlteacutes de la place de la victime dans la proceacutedure peacutenale Archives de politique criminelle 12006 (ndeg 28) p 47 2 Expression emprunteacutee agrave P LAMAU La place de la victime dans le procegraves peacutenal Meacutemoire sous la direction drsquoYves Mayaud 2010 Universiteacute Pantheacuteon Assas p 17 3 Ibid 4 P RICOEUR Le juste op cit p 193 laquo Derriegravere la clameur de la victime se trouve une souffrance qui crie moins vengeance que reacutecit raquo 5 V LARGUIER Lrsquoaction publique menaceacutee D 1958 chronique VI S GUINCHARD Les moralisateurs au preacutetoire in Meacutelanges Foyer 1997 p 477 L PAREIN Victimes et procegraves peacutenal je taime moi non plus RSC 2009 p 468 6D SALAS laquo Jean Carbonnier le peacutedagogue enchanteur le leacutegislateur deacutesenchanteacute raquo in Hommage aux Professeurs Georges Levasseur et Jean Carbonnier Archives de politique criminelle 12003 (ndeg 25) p 3-8 speacutec p7 7 N ELIAS La civilisation des moeurs Paris Calmann-Leacutevy 1973 p 326 8 FAUSTIN HELIE op cit p 179 9 C BECCARIA Des deacutelits et des peines op cit paragraphe XX laquo Que le chacirctiment doit ecirctre ineacutevitable [hellip] le droit de punir nrsquoappartient agrave aucun citoyen en particulier il appartient aux lois qui sont lrsquoorgane de la volonteacute de tous Un citoyen offenseacute peut renoncer agrave sa portion de ce droit mais il nrsquoa aucun pouvoir sur les autres raquo

307

823 Le fait de confier lrsquoexercice de la reacutevision in defavorem aux victimes risquerait

drsquoorienter la justice peacutenale vers la deacutefense des inteacuterecircts priveacutes Or laquo pour la post moderniteacute

seul lrsquoEtat deacutetient le droit de punir en ce sens que seul lrsquoEtat est leacutegitimeacute agrave exercer ce droit

(hellip) La vengeance priveacutee est totalement exclue de chaque Etat de droit et de reacutegime

deacutemocratique Mais cette exclusiviteacute nrsquoimplique pas moins une obligation pour lrsquoEtat

moderne de ne pas laisser impunie toute infraction preacutevue et punie par le droit formel Ce

devoir de punir repreacutesente avant tout lrsquoobligation morale de lrsquoEtat de srsquoeacuteriger en arbitre

deacutesinteacuteresseacute et deacutepassionneacute pour rendre une justice impartiale et rassurer les citoyens dans

leur conviction que lrsquo Etat est en mesure de faire appliquer un droit eacutequitable et de faire

respecter les lois 3 raquo

824 En deacutefinitive bien qursquoil soit utile de deacutevelopper des mesures en faveur des

victimes celles-ci ne doivent pas deacuteboucher sur un deacutevoiement du procegraves peacutenal dont le centre

de graviteacute doit reposer sur le deacutelinquant et non sur la victime4

825 A ces remarques qui traduisent une position prudente par rapport agrave la place de la

victime dans le procegraves peacutenal srsquoajoute la question de sa deacutefinition En effet il est difficile de

trouver la reacuteponse dans les textes juridiques5 Sa deacutefinition se traduit par laquo une formidable

absence partout preacutesente 6raquo alors que paradoxalement srsquoopegravere une laquo interpeacuteneacutetration

1 V F ALT-MAES Lautonomie du droit peacutenal mythe ou reacutealiteacute daujourdhui ou de demain RSC 1987 p 347 E FORTIS op cit p 4 F CASORLA op cit p 639 F BOULAN Le double visage de lrsquoaction civile exerceacutee devant la juridiction reacutepressive JCP 1973 I p 2563 2 V J M CARBASSE Histoire du droit peacutenal et de la justice criminelle opcit ndeg134 J F CHASSAING Les trois codes franccedilais et leacutevolution des principes fondateurs du droit peacutenal contemporain RSC 1993 p 445 JM ROBERT La peine justifieacutee in Meacutelanges Patin Cujas 1965 p 567 D SALAS Preacutesence de la victime dans le procegraves et sens de la peine op cit p430 P CONTE La participation de la victime au processus peacutenal De leacutequilibre proceacutedural agrave la confusion des genres Article issu du colloque des 21 et 22 septembre 2007 de luniversiteacute dAix-Marseille La participation de la victime au processus peacutenal Rev Peacutenit ndeg3 p 524 ndeg7 M HERZOG-EVANS Les victimes et lexeacutecution des peines En finir avec le deacuteni et lideacuteologie AJ Peacutenal 2008 p 356 M ANCEL Chronique de deacutefense sociale La deacutefense sociale devant le problegraveme de la victime RSC 1978 p 179 D SALAS La volonteacute de punir Essai sur le populisme peacutenal Paris Hachette 2005 p 246 3 S TZITZIS Propos introductifs du devoir de punir au droit de punir Les anciens et les modernes in le renouveau de la sanction peacutenale eacutevolution ou reacutevolution 2010 p 1 4 P COUVRAT La protection des victimes drsquoinfractions essai drsquoun bilan RSC 1983 5 M MARZANO laquo qursquoest-ce qursquoune victime de la reacuteification au pardon raquo Arch Pol Crim 2006 ndeg 28 p 11-20 X PIN laquo les victimes drsquoinfractions deacutefinition et enjeux raquo Arch Pol Crim 2006 ndeg 28 p 49-72 6 A MARTINI La victime en Angleterre une formidable absence partout preacutesente in Geneviegraveve Giudicelli-Delage Christine Lazerges La place de la victime sur la scegravene peacutenale en Europe PUF Coll les voies du droit 2008 p47

308

croissante1 raquo du droit des victimes sur le droit peacutenal Il en ressort un manque de consensus

srsquoagissant de la deacutefinition du terme victime et du domaine de la victimologie2

826 Monsieur le Professeur CARIO estime que laquo doit ecirctre consideacutereacutee comme victime

toute personne en souffrance(s) De telles souffrances doivent ecirctre personnelles (que la

victimisation soit directe ou indirecte individuelle ou collective atteigne une personne

physique ou morale) reacuteelles (cest-agrave-dire se traduire par des blessures corporelles des

traumatismes psychiques ou psychologiques des dommages mateacuteriels etou sociaux aveacutereacutes)

socialement reconnues comme inacceptables (transgression dune valeur sociale essentielle

eacuteveacutenement catastrophique) et de nature agrave justifier une prise en charge des personnes

concerneacutees passant selon les cas par la nomination de lacte ou de leacuteveacutenement (par lautoriteacute

judiciaire administrative sanitaire ou civile) par des soins meacutedicaux un accompagnement

psychologique social etou une indemnisation raquo3

827 La passiviteacute de la victime par opposition au sujet actif qui est agrave lrsquoorigine du

dommage4 favorise un pheacutenomegravene de superposition des victimes5 voire de multiplication en

faisant apparaicirctre laquo la victime parmi les victimes 6raquo Cette situation deacutebouche sur la

multipliciteacute de leurs inteacuterecircts et lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de leurs attentes de nature agrave empecirccher une

reacuteponse uniforme du droit7 Crsquoest ainsi que derriegravere une victime personnellement atteint dans

son inteacutegriteacute physique mateacuterielle morale celle-ci consideacutereacutee comme la victime laquo reacuteelle

singuliegravere qui veut que sa souffrance soit prise en compte et qursquoelle obtienne reacuteparation8 raquo se

dissimulent aussi des victimes secondaires Celles-ci souvent organiseacutees sous la forme drsquoun

groupement associatif solliciteront une reacuteparation fondeacutee sur lrsquointeacuterecirct collectif qursquoelles

repreacutesentent9 Face agrave la multiplication de ce type de victimes Madame le Professeur

1 Expression emprunteacutee agrave C MARIE op cit p 99 2 R CARIO Victimes drsquoinfractions op cit ndeg 9 3 Ibid ndeg 11 4 X PIN Les victimes dinfractions deacutefinitions et enjeux op cit p 65 5 E FORTIS op cit p 47 6 Ibid 7 C MARIE La sanction peacutenale confronteacutee aux droits des victimes in Le renouveau de la sanction peacutenale eacutevolution ou reacutevolution op cit p 97 8 D SALAS Preacutesence de la victime dans le procegraves et sens de la peine AJ Peacutenal ndeg 12 deacutecembre 2004 p 430 9 A DECOCQ Lavenir funegravebre de laction publique in Lavenir du droit meacutelanges en hommage agrave Franccedilois Terreacute Paris Dalloz 1999 p 785 et s S GUINCHARD Laction de groupe en proceacutedure civile franccedilaise In Revue internationale de droit compareacute Vol 42 Ndeg2 Avril-juin Eacutetudes de droit contemporain p 603 agrave 605 J VOLFF La privatisation rampante de laction publique Proceacutedures janvier 2005 ndeg1 p7 S GUINCHARD Les moralisateurs au preacutetoire op cit p 477 M DELMAS-MARTY Ni victimes ni procureurs qui sont-ils Arch pol Crim 1988 p17

309

DELMAS-MARTY a perccedilu laquo sous le costume associatif toute une armeacutee de nouveaux

procureurs1 raquo de nature agrave deacuteseacutequilibrer le procegraves peacutenal2

828 Toutes ces difficulteacutes relatives au problegraveme de la deacutefinition de la victime

rejailliraient sur le pourvoi en reacutevision in defavorem3 En effet se poserait la question de la

deacutesignation des personnes ayant inteacuterecirct agrave agir victime au sens large partie civile ascendants

descendants associations

829 Il est eacutevident que lrsquointeacuterecirct de la victime auquel le leacutegislateur et la doctrine sont

particuliegraverement attentifs4 consiste agrave ce que lrsquoacquitteacute ou le relaxeacute formellement confondu

par de nouveaux eacuteleacutements5 puisse ecirctre rejugeacute Toutefois il nrsquoest pas souhaitable que la

victime puisse ecirctre lrsquoinitiatrice de lrsquoaction en reacutevision in defavorem et ce quelque soit ce son

inteacuterecirct agrave agir

830 En effet si la victime eacutetait le centre de graviteacute de ce type de reacutevision cela

pourrait ecirctre preacutejudiciable agrave la reconstruction du lien social De plus cette possibiliteacute

risquerait alimenter au regard de lrsquoambivalence de la victime un deacutesir de vengeance (effet

cathartique du procegraves peacutenal6)

831 Monsieur Le Professeur PRADEL considegravere pourtant qursquolaquo il faudrait admettre la

reacutevision in defavorem offerte agrave la victime ou au parquet La vraie justice est aussi bien cocircteacute

seacutecuriteacute que cocircteacute liberteacute7 raquo Dans le mecircme ordre drsquoideacutees Monsieur GIUGLARIS ajoute que laquo

lrsquoautoriteacute judiciaire a tout inteacuterecirct agrave reconnaicirctre ses erreurs Crsquoest le principe mecircme du

fonctionnement de la justice qui est au cœur de cette probleacutematique Nous sommes favorables

agrave ce que la victime ait toute sa place Nous consideacuterons que la victime doit pouvoir elle aussi

1 M DELMAS-MARTY op cit p17 2 X PIN La privatisation du procegraves peacutenal op cit p246 J GRANIER Quelques reacuteflexions sur lrsquoaction civile JCP 1957 I 1386 ndeg 95 3 A BLANC La question des victimes vue par un preacutesident drsquoassises AJ Peacutenal 2004 p432 4 V en ce sens INAVEM Dix ans dactions en faveur des victimes dinfractions peacutenales 10eme Assises nationales des services daide aux victimes Paris 16 et 17 juin 1994 INAVEM M-P DELIEgraveGE Actions et strateacutegies en faveur des victimes in Victimologie 1995-3 p 7-10 R ZAUBERMAN et P ROBERT Du cocircteacute des victimes Un autre regard sur la deacutelinquance 1995 Seacuterie Deacuteviance LHarmattan 5 M-J BOULAT La victime dans le procegraves AJ Peacutenal 2008 p 352 6 G GIUDICELLI-DELAGE C LAZERGES La place de la victime sur la scegravene peacutenale en Europe ndashlaquo Repreacutesentation de la souffrance sur la scegravene du droit eacutetatique raquo PUF Coll les voies du droit 2008 p 207 7 Commission des lois Audition de Monsieur le Professeur PRADEL op cit

310

saisir cette cour de reacutevision lorsque un doute seacuterieux et grave sur le bien-fondeacute de la deacutecision

drsquoacquittement en matiegravere criminelle est avanceacute 1raquo

832 Selon nous lrsquoexercice de la reacutevision in defavorem devrait plutocirct ecirctre confieacute au

seul parquet

B Un exercice confieacute exclusivement au Parquet

833 Seul lrsquoexercice de la reacutevision in defavorem confieacute au ministegravere public peut

garantir la paix sociale Dans son rapport sur le rocircle du ministegravere public dans le domaine

peacutenal Monsieur le Professeur TOMAN explique que le ministegravere public est chargeacute drsquo

laquoapporter le dynamisme et la clairvoyance neacutecessaires pour eacutelaborer des politiques criminelles

inteacutegrant aux coteacutes des impeacuteratifs de la reacutepression ceux de la preacutevention de la deacutefense des

victimes et de la paix sociale 2raquo

834 Crsquoest pourquoi Monsieur MARIN Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation

souhaite que le parquet puisse saisir la commission lorsque laquo apregraves un acquittement ou une

relaxe devenus deacutefinitifs des faits ou eacuteleacutements nouveaux apportent la preuve indubitable de la

culpabiliteacute de la personne ainsi acquitteacutee ou relaxeacutee3 raquo

835 Confier la reacutevision in defavorem exclusivement au parquet permet drsquoeacuteviter

drsquoignorer lrsquointeacuterecirct des victimes De surcroit ce choix en ne srsquoadressant pas exclusivement agrave

la victime permet lrsquoaccomplissement drsquoune laquo ambition plus prometteuse 4raquo agrave savoir le

reacutetablissement de la paix sociale Cette solution a eacutegalement lrsquointeacuterecirct de preacutesenter deux

avantages pratiques eacutevidents Premiegraverement elle eacutecarte le danger drsquoune multiplication des

requecirctes Deuxiegravemement elle eacutevacue le risque de deacutenaturation du procegraves peacutenal en reacuteaffirmant

le rocircle de lrsquoEtat seul titulaire du droit de punir5

1 Commission des lois Audition de Monsieur A GIUGLARIS 31 octobre 2013 accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission 2 Rapport preacutesenteacute par J TOMAN Rocircle du ministegravere public dans le domaine peacutenal p181 In Le rocircle du ministegravere public dans une socieacuteteacute deacutemocratique Deacutemo-droit Theacutemis Edition du conseil de lrsquoEurope Rapport preacutesenteacute par J TOMAN Rocircle du ministegravere public dans le domaine peacutenal p 181 Crsquoest nous qui soulignons 3 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur J-C MARIN p 125 4 R CARIO La justice restaurative vers un nouveau modegravele de justice peacutenale op cit p 373 M ANCEL la deacutefense sociale nouvelle devant le problegraveme de la victime op cit p 179 5 JM CARBASSE Histoire du droit peacutenal et de la justice criminelle op cit ndeg104 S GUINCHARD et J BUISSON Proceacutedure peacutenale op cit ndeg1325

311

836 A lrsquoinverse pour ce qui est de la reacutevision in favorem la place de la victime

devrait ecirctre renforceacutee par rapport agrave son actuel eacuteloignement au moment de la prise de deacutecision

de suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation

sect 2 Le renforcement de la place de la victime dans la reacutevision

in favorem

837 La loi maintient la possibiliteacute de suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation agrave

partir du moment ougrave la requecircte se trouve entre les mains de la commission drsquoinstruction Cette

deacutecision incombe agrave la chambre criminelle qui prend sa deacutecision seule en dehors de toute

intervention de la victime Monsieur le Professeur PRADEL estime pourtant que laquo la partie

civile voire la victime devrait ecirctre consulteacutee sur lrsquoopportuniteacute drsquoune remise en liberteacute1 raquo

838 En raison de lrsquoeacutevolution du sens de la peine il semble effectivement neacutecessaire

drsquoassocier la victime agrave la deacutecision de suspendre lrsquoexeacutecution de la peine Toutefois seule

devrait ecirctre concerneacutee la partie civile Non deacutefinie par la loi il srsquoagit de laquo la personne qui se

preacutetend victime dune infraction peacutenale lorsquelle entend agrave ce titre ecirctre preacutesente au procegraves

peacutenal raquo2 La victime dune infraction nest donc pas spontaneacutement consideacutereacutee comme une

partie civile Lrsquoassociation de la partie civile agrave la deacutecision de suspension drsquoexeacutecution de la

peine est amplement justifieacutee (A) Sa preacutesence au stade de la reacutevision se situerait dans le

prolongement de son implication au niveau de lrsquoexeacutecution des peines (B)

A Lrsquoassociation de la partie civile agrave la deacutecision de suspension

drsquoexeacutecution de la peine

839 Lrsquohostiliteacute que suscite la prise en compte de la partie civile au stade de la

suspension de lrsquoexeacutecution de la peine srsquoexprime agrave travers les eacutecrits de Madame ROSANO

laquo La partie civile nrsquoest plus au stade de la reacutevision une partie au procegraves Outre la

condamnation qui constitue pour elle une forme de reacuteparation elle a eacuteteacute civilement

indemniseacutee et est souvent subrogeacutee par le fonds de garantie Elle est donc devenue en droit

un tiers au procegraves et non plus une partie Qursquoelle soit informeacutee de lrsquoexistence drsquoun recours est

leacutegitime mais sans participation drsquoaucune sorte jusqursquoagrave lrsquoannulation eacuteventuelle de la

condamnation et la saisine de la nouvelle juridiction de jugement devant laquelle elle

1 Commission des lois Audition de Monsieur le Professeur PRADEL op cit 2 P BONFILS laquo Partie civile raquo Reacutep Peacuten Dalloz 2014 ndeg1

312

redevient une partie De la mecircme faccedilon la consulter sur une demande de remise en liberteacute

apparait sur le principe eacutequitable mais constitue une ineptie Comment admettre drsquoune

personne persuadeacutee de la culpabiliteacute du condamneacute sur la base drsquoune veacuteriteacute judiciaire qursquoelle

accepte le principe drsquoune remise en cause de cette culpabiliteacute et donne son accord agrave une

remise en liberteacute du condamneacute La victimisation de notre socieacuteteacute ne doit pas faire obstacle

aux droits du requeacuterants et agrave celui fondamental de la liberteacute degraves lors qursquoil preacutesente les

garanties suffisantes La participation de la victime est satisfaisante du point de vue de la

morale mais elle est contraire aux principes geacuteneacuteraux du droit lesquels doivent seul

preacutevaloir1 raquo

840 Cette vision des choses est contestable En proceacutedure laquo partie raquo est le nom donneacute

agrave lune et agrave lautre des personnes engageacutees dans un procegraves2 Crsquoest ainsi que Monsieur le

Professeur BONFILS a rappeleacute que laquo la partie civile est comme son nom lindique une partie

agrave la proceacutedure3 raquo Toutefois la loi du 12 deacutecembre 20054 introduisant la consultation de la

victime au niveau de la phase post sentenciam du procegraves peacutenal a permis agrave la Cour de cassation

de preacuteciser qursquo laquo aucune disposition ne confegravere agrave la partie civile la qualiteacute de partie au procegraves

en application de la peine raquo5 Ainsi la partie civile se voit deacutenier devant le juge de

lrsquoapplication des peines la qualiteacute de partie lui barrant ainsi la route drsquoun recours Il nrsquoen

demeure pas moins vrai que la partie civile beacuteneacuteficie de certains droits notamment celui de

lrsquoinformation dont le principe est rappeleacute solennellement agrave lrsquoarticle preacuteliminaire du Code de

proceacutedure peacutenale laquo -Lautoriteacute judiciaire veille agrave linformation et agrave la garantie des droits des

victimes au cours de toute proceacutedure peacutenale raquo

841 La loi du 10 aoucirct 20116 preacutecise que la victime ou la partie civile peut preacutesenter

des observations eacutecrites agrave la juridiction de lrsquoapplication des peines7 Srsquoagissant de lrsquoexeacutecution

des peines la victime nest donc plus une simple deacutetentrice passive de droits Elle a acceacutedeacute au

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Madame V ROSANO p 273 2 P BONFILS op cit ndeg 1 3 Ibid 4 Loi ndeg 2005-1549 du 12 deacutecembre 2005 relative au traitement de la reacutecidive des infractions peacutenales 5 Cass crim 15 mars 2006 AJ Peacutenal 2006 267 obs M HERZOG-EVANS D 2006 IR p 1250 RPDP 2006 855 obs P MAISTRE DU CHAMBON Pour une critique de cette orientation V S MAITRE Plaidoyer pour la participation de la victime dans la proceacutedure drsquoapplication des peines Institut pour la justice ndeg 13 feacutevrier 2011 eacutetudes et analyses p 4 laquo La victime devrait beacuteneacuteficier du statut de partie agrave part entiegravere devant toutes les juridictions drsquoapplication des peines et pour toutes les mesures drsquoameacutenagement de peine impliquant concregravetement une remise en liberteacute du condamneacute avec les mecircmes attributions que les autres parties et les mecircmes voies de recours raquo 6 Loi ndeg 2011-939 du 10 aoucirct 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice peacutenale et le jugement des mineurs 7 V article 726-16-1 du CPP

313

statut drsquoactrice agrave part entiegravere ou du moins agrave celui de deacutetentrice active de preacuterogatives en

jouant un rocircle de consultant au niveau de la phase post sententiam

842 Cette eacutevolution leacutegislative devrait pouvoir confeacuterer les mecircmes droits agrave la partie

civile par rapport agrave la question de la suspension de lrsquoexeacutecution de la peine en matiegravere de

reacutevision Les raisons qui nous incitent agrave exclure la victime de la possibiliteacute drsquoactionner une

reacutevision in defavorem se fondaient essentiellement sur son eacuteventuel deacutesir de vengeance Or

de telles consideacuterations peuvent ecirctre surmonteacutees concernant la deacutecision de suspension de

lrsquoexeacutecution de la peine En effet si le juge estime que les arguments de la partie civile sont

infondeacutes ou exclusivement motiveacutes par un sentiment de vengeance ils seront tout simplement

ignoreacutes Il srsquoagit lagrave de lrsquointeacuterecirct mecircme du deacutebat contradictoire dont la finaliteacute est drsquoeacuteclairer le

juge au moyen de la fourniture drsquoun maximum drsquoeacuteleacutement drsquoappreacuteciation Comme lrsquoa observeacute

le Professeur HERZOG-EVANS laquo il ne faut pas craindre de renforcer le contradictoire raquo1

843 Le droit agrave la participation de la victime au niveau de la phase post sentenciam est

la conseacutequence drsquoun remodelage du sens de la peine transformation que la reacutevision ne devrait

plus ignorer

B Le parallegravele avec lrsquoexeacutecution des peines

844 laquo Si associer victime et sanction peacutenale peut paraitre curieux dans la mesure ougrave il

nrsquoexiste aucun lien direct entre les deux (hellip) on sait depuis longtemps que la ceacutesure nrsquoest pas

aussi trancheacutee 2raquo Lrsquoautorisation accordeacutee agrave la victime de formuler des observations relatives

agrave la suspension de lrsquoexeacutecution de la peine srsquoinscrit dans la continuiteacute du processus de

transformation du sens de la peine entameacute depuis les anneacutees 19703 Traditionnellement le

poids de la peine eacutetait un fardeau imposeacute agrave lrsquoauteur en reacuteponse agrave la commission drsquoune

infraction Crsquoest la fonction reacutetributive de la peine Toutefois la victime ayant pris une place

de plus en plus importante dans le procegraves peacutenal elle serait devenue une figure sous-jacente du

droit de punir Degraves lors la logique punitive qui gouverne laction eacutetatique entretient des points

de rapprochement voire peut se confondre avec celle de la victime candidate agrave une

reacuteparation4 Lrsquoallongement des deacutelais de prescription illustre cette eacutevolution5

1 M HERZOG EVANS Reacutecidive quelles reacuteponses judiciaires AJ Peacutenal ndeg 9 2005 p 313 2 C MARIE op cit p 97 3 K LEE Le sens de la personnalisation de la peine R crim et pol techn 1999 p 288 4 G ROYER La victime et la peine D 2007 p 1745 5 Monsieur le Professeur SEUVIC parle drsquoun laquo courant anti-prescription raquo V J-F SEUVIC Prescription de plus en plus souvent retardeacutee RSC 1996 p 407 dans le mecircme sens V J LELIEUR Nouvelle avanceacutee

314

845 Monsieur Jean DANET selon qui le centre de graviteacute du procegraves peacutenal se deacuteplace

de lrsquoauteur vers la victime1 deacutenonce un glissement du sens de la peine Celui-ci peut conduire

agrave juger un agent en fonction des attentes de la victime et non plus par rapport agrave sa

personnaliteacute Lrsquoinstauration drsquoun juge deacuteleacutegueacute aux victimes chargeacute de laquo veiller dans le

respect de lrsquoeacutequilibre des droits des parties agrave la prise en compte des droits reconnus par la loi

aux victime 2raquo reflegraveterait la privatisation du sens de la peine

846 En deacutepit de ces critiques le leacutegislateur ne devrait pas selon nous srsquooffusquer de

lrsquoincursion de la partie civile dans la suspension de lrsquoexeacutecution de la peine en matiegravere de

reacutevision comme crsquoest deacutejagrave le cas pour lrsquoexeacutecution des peines laquo A notre sens de telles peurs

qui se nourrissent du fantasme souvent non dit de linfluence du juge par la partie civile dans

le sens dun rejet systeacutematique des ameacutenagements de peine sont totalement infondeacutees Cette

discipline natteindra la maturiteacute que lorsquelle saura faire une place agrave chaque inteacuteresseacute agrave la

juste mesure et dans les limites de ses inteacuterecircts et lorsquil sera compris que le juge judiciaire

qui se prononce est dans cette matiegravere comme dans dautres un arbitre formeacute et rodeacute agrave

trancher entre des points de vue (partie civile parquet condamneacute) et des impeacuteratifs (inteacuterecirct de

la socieacuteteacute risque de reacutecidive tranquilliteacute et seacutecuriteacute publiques resocialisation mais aussi

inteacuterecirct des enfants voire pour le retrait des creacutedits de reacuteduction de peine ordre et seacutecuriteacute au

sein de leacutetablissement peacutenitentiaire) opposeacutes3raquo

847 Crsquoest pourquoi notre position se rapproche de celle des rapporteurs de la mission

drsquoinformation sur la reacutevision des condamnations peacutenales qui laquo estiment que la partie civile

devrait eacutegalement intervenir dans le cadre de lrsquoexamen drsquoune demande de suspension de

peine de la mecircme faccedilon qursquoelle intervient aujourdrsquohui au stade de lrsquoexeacutecution de la peine

Elle devrait ainsi pouvoir deacuteposer des observations eacutecrites ou orales aupregraves de la commission

drsquoinstruction ou de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen en reacuteponse agrave une demande de

suspension de peine eacutemanant du requeacuterant4 raquo

jurisprudentielle en matiegravere de prescription des infractions occultes AJ Peacutenal 2008 p 319 J LELIEUR La prescription des infractions de corruption D 2008 p 1076 1 J DANET Deacutefendre Pour une deacutefense peacutenale critique Dalloz coll Eacutetat de droits 2e eacuted 2004 p 270 D SALAS La preacutesence de la victime dans le procegraves et sens de la peine AJ peacutenal 2004 p 430 2 Deacutecret ndeg 2007-1605 du 13 novembre 2007 instituant le juge deacuteleacutegueacute aux victimes 33 M HERZOG EVANS La partie civile ne peut exercer de recours contre un ameacutenagement de peine ndash Cour de cassation crim 15 mars 2006 AJ peacutenal 2006 p 267 4 Rapport drsquoinformation op cit

315

Conclusion du chapitre 2

848 Dans ce dernier chapitre le contenu de la loi de 2014 a eacuteteacute redessineacute sous lrsquoangle

drsquoun rapprochement entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

849 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee deacutelivreacutee du carcan qui la rattache agrave la regravegle ne bis in

idem et recentreacutee sur ses fonctions veacuteritables aurait eacuteteacute lrsquoartisan drsquoun meilleur traitement du

cas drsquoouverture Un repli sur la conception originelle de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee aurait eu

pour conseacutequence drsquoune part srsquoagissant de la reacutevision in favorem de faire disparaicirctre toute

reacutefeacuterence agrave la probleacutematique notion de doute Drsquoautre part il aurait naturellement favoriseacute la

reconnaissance de la reacutevision in defavorem indispensable agrave la preacuteservation de la paix sociale

850 Ces eacutevolutions conduiraient agrave une nouvelle perception de la place de la victime

dans la reacutevision

316

Conclusion du titre 2

851 La loi de 2014 nrsquoa pas reacutegleacute toutes les difficulteacutes recenseacutees dans la loi de 1989 ni

celles inheacuterentes aux modaliteacutes drsquoapplication de celle-ci Malgreacute de reacuteelles avanceacutees le texte

accuse un retard par rapport aux souhaits exprimeacutes par les rapporteurs En effet il existe

toujours des zones drsquoombre qui contribuent agrave lrsquoaffaiblissement de lrsquoefficaciteacute de la reacuteforme

tant drsquoun point de vue structurel que conjoncturel

852 En 2014 le leacutegislateur aurait ducirc libeacuterer la reacutevision du fardeau de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee Ce deacutelestage aurait entraineacute une libeacuteralisation du cas drsquoouverture agrave reacutevision in

favorem Il aurait eacutegalement permis agrave la reacutevision in defavorem de se produire sur la scegravene

juridique agrave lrsquoimage de nombreuses leacutegislations eacutetrangegraveres

317

Conclusion de la partie 2

853 Aujourdrsquohui un questionnement sur la proceacutedure de reacutevision ne peut se limiter agrave

une analyse du droit positif En effet ce droit contenu dans le dispositif de la loi du 20 juin

2014 est trop reacutecent pour que lrsquoon puisse en tirer des conclusions concernant son application1

De plus cette reacuteforme a eacuteteacute inspireacutee par la volonteacute drsquoameacuteliorer sensiblement la loi de 1989 qui

encadrait la reacutevision dans des regravegles trop restrictives

854 Crsquoest pourquoi une bonne appreacuteciation du droit positif implique une mise en

perspective de la reacuteforme dans le but de deacuteterminer si les griefs nourris agrave lrsquoencontre de la loi

de 1989 ont reacuteellement disparu Cette partie a mis en exergue la persistance de certains

troubles Cette reacuteforme constitue une reacuteelle avanceacutee dans le sens ougrave le leacutegislateur a enfin

modifieacute un texte qui depuis 25 ans cultivait une pratique tregraves restrictive de la reacutevision

hypotheacutequeacutee drsquoun tregraves faible taux de succegraves Le leacutegislateur fait ainsi la deacutemonstration de sa

volonteacute drsquoassocier la seacutecurisation de la proceacutedure peacutenale agrave une reacuteforme de la reacutevision afin de

reacuteduire le nombre des erreurs judiciaires A cette occasion il srsquoest attaqueacute agrave la reacutevision en

remodelant sa structure dans lrsquoespoir de faciliter son accessibiliteacute

855 Cependant sa porteacutee doit ecirctre relativiseacutee car lrsquoaction du leacutegislateur nrsquoa pas eacuteteacute

compleacuteteacutee par une redeacutefinition des relations entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision Or cette refonte est indispensable agrave la preacuteservation de la paix sociale et au respect

des fonctions originelles de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui ont eacuteteacute deacuteformeacutees par le

rattachement artificiel de celle-ci agrave la regravegle ne bis in idem

856 En maintenant la reacutevision dans une situation conflictuelle avec lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee le leacutegislateur a consideacuterablement affaibli lrsquoefficaciteacute de sa reacuteforme et a multiplieacute

les difficulteacutes drsquoapplication qui ne manqueront pas de se poser Crsquoest ainsi que la

configuration de 1989 pourrait se reproduire malgreacute les modifications contenues dans la

nouvelle loi

857 Ce questionnement ayant eacuteteacute eacuteludeacute le nouveau droit de la reacutevision ne reacuteussit pas

agrave satisfaire pleinement nos attentes

1 J MUCCIELLI La nouvelle proceacutedure de reacutevision des condamnations est entreacutee en vigueur Dalloz actualiteacutes 24 juin 2014

318

CONCLUSION GENERALE

858 La reacutevision permet la remise en cause drsquoune condamnation deacutefinitive dans

lrsquohypothegravese drsquoune erreur de fait commise par une juridiction de jugement Aussi cette

proceacutedure doit-elle cohabiter avec lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee avec laquelle elle entretient des

liens eacutetroits En effet crsquoest bien cette autoriteacute qui se trouve agrave lrsquoorigine de la mise en place

drsquoune proceacutedure susceptible de reacuteviser une deacutecision peacutenale deacutefinitive

859 Le leacutegislateur et les juges sont donc confronteacutes agrave une difficulteacute qui consiste agrave

devoir trouver le bon eacutequilibre entre le respect ducirc agrave la chose jugeacutee et lrsquoexigence de justice lieacutee

agrave la reacuteparation des erreurs de fait commises par les juridictions reacutepressives Crsquoest pour cette

raison qursquoil nous a fallu neacutecessairement identifier la nature exacte des liens que cette

proceacutedure entretient avec lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

860 Dans le domaine de la photographie le choix du point de vue deacutetermine la qualiteacute

du clicheacute et la profondeur de lrsquoimage reproduite Par exemple le sujet repreacutesenteacute par une carte

postale met en valeur certains eacuteleacutements cibleacutes qui bien cadreacutes srsquointegravegrent dans un

environnement choisi A lrsquoinverse un clicheacute panoramique srsquoeffectue au moyen drsquoun objectif

grand angle afin drsquoimmortaliser une vue drsquoensemble du paysage Le rendu de lrsquoimage sera

diffeacuterent selon lrsquoangle de la prise de vue

861 Il en est de mecircme srsquoagissant des liens qui unissent le pourvoi en reacutevision agrave

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacute Lrsquoaccessibiliteacute de la reacutevision deacutepend de la qualiteacute du clicheacute que le

leacutegislateur et les juges reacutealisent

862 Le premier angle drsquoappreacuteciation de ces liens se focalise sur le fait que lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision paraissent poursuivre respectivement des objectifs

contradictoires Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a pour vocation de mettre un terme deacutefinitif au

procegraves alors que le pourvoi en reacutevision favorise quant agrave lui sa renaissance Toutefois cette

approche qui repose sur lrsquoexistence drsquoune antinomie entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le

pourvoi en reacutevision a pour origine des justifications doctrinales de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

que nous ne partageons pas Dans cette optique le leacutegislateur est tenteacute de percevoir la

reacutevision comme un facteur de deacutesacralisation de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et donc drsquoadopter

une vision plutocirct restrictive de cette proceacutedure

319

863 Un autre point de vue peut ecirctre deacutefendu en reacutefeacuterence aux travaux de Madame

Juliette LELIEUR qui mettent lrsquoaccent sur une deacuteformation des fonctions de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee reacutealiseacutee pour pouvoir lui rattacher artificiellement la regravegle ne bis in idem En

resituant agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee sa veacuteritable fonction un pont peut ecirctre jeteacute entre

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision En effet toutes deux poursuivent le mecircme objectif

qui est la preacuteservation de la paix sociale Bien que celle-ci exige la proclamation du caractegravere

deacutefinitif des deacutecisions elle requiert parallegravelement la possibiliteacute de pouvoir srsquoen affranchir en

cas drsquoerreur de fait

864 Entre ces deux prises de vue diffeacuterentes de la reacutevision quelle est celle choisie par

le leacutegislateur et les juges

865 Anteacuterieurement agrave la loi ndeg 2014-640 du 20 juin 2014 la logique oppositionnelle

entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee preacutevalait Une pratique plutocirct

restrictive et fermeacutee de la reacutevision avait triompheacute au deacutetriment de lrsquoeacuteclosion des aspects

libeacuteraux contenus dans la loi ndeg 89-431 du 23 juin 1989 Lrsquoexpeacuterience de 1989 montre qursquoune

seule approche textuelle ne peut suffire agrave lrsquoeacutepanouissement du droit de la reacutevision Toute

deacutemarche de cet ordre doit aussi srsquoaccompagner drsquoune eacutevolution intellectuelle concentreacutee sur

les relations que lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee entretient avec la reacutevision Nous espeacuterions donc

que la reacuteforme de 2014 franchisse ce pas

866 Malheureusement ce deacutefi nrsquoa pas eacuteteacute entiegraverement releveacute Drsquoun cocircteacute le leacutegislateur

de 2014 srsquoest atteleacute agrave fournir des reacuteponses agrave certains problegravemes drsquoordre structurel et

conjoncturel de la loi de 1989 gages pour certaines drsquoentre elles drsquoun veacuteritable progregraves De

lrsquoautre cocircteacute il ne semble pas vouloir se libeacuterer de la logique oppositionnelle entre lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee et la reacutevision

867 Une nouvelle prospective de leurs relations constituerait un facteur de

modernisation de la reacutevision Srsquoagissant de la reacutevision in favorem un retour vers la

conception originelle de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee se traduirait par lrsquoabandon de la notion de

doute source de nombreuses difficulteacutes pratiques Pour ce qui est de la reacutevision in defavorem

ce retour favoriserait sa reconnaissance par le droit En effet il srsquoagit drsquoun outil indispensable

agrave la preacuteservation de la paix sociale La fonction veacuteritable de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee eacutetant

de preacuteserver le creacutedit du juge la reconnaissance de la reacutevision in defavorem ne devrait pas

offenser le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Une telle conseacutecration contribuerait au

320

contraire agrave renforcer lrsquoimage du creacutedit de la justice fonction veacuteritable de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee

868 Aussi les enseignements du doyen CARBONNIER sont-ils preacutemonitoires en

matiegravere de reacutevision car laquo (hellip) le futur trainera longtemps des paillettes du passeacute Crsquoest vrai en

geacuteneacuteral mais davantage encore quand le droit est en cause Car si le droit ce peut ecirctre la

promulgation drsquoun texte donc une date qui marque une franche coupure ce sont aussi des

applications qui srsquoeacutetirent dans le temps des coutumes qui se perpeacutetuent par drsquoimperceptibles

reacutepeacutetitions1raquo

869 La difficulteacute de lrsquoimportant deacutefi que repreacutesente le changement de paradigme par

rapport aux relations entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision ne nous eacutechappe pas En

effet cette eacutevolution est tributaire de la libeacuteration de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee telle qursquoelle

est preacuteconiseacutee par Madame Juliette LELIEUR et de la reacuteorganisation de la proceacutedure peacutenale agrave

lrsquoaune du principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive Ensuite dans lrsquohypothegravese de cette premiegravere

victoire drsquoeacutetape il faudra encore surmonter drsquoautres obstacles de parcours tel lrsquohostiliteacute que

drsquoaucuns nourrissent agrave lrsquoeacutegard de la reacutevision in defavorem perccedilue comme un facteur

perturbateur de notre culture juridique

870 Cette course apparaicirct donc comme une eacutepreuve drsquoendurance qui un jour sera

peut ecirctre couronneacutee de succegraves Neacutee de laquo procedere raquo aller de lrsquoavant la proceacutedure peacutenale

devrait pouvoir se projeter vers lrsquoavenir et assumer sa mutation Cette eacutetude aux modestes

preacutetentions devrait toutefois permettre de rallier le lecteur agrave la cause de la neacutecessiteacute

drsquoaccompagner une reacuteforme de la reacutevision avec une profonde reacuteflexion sur les liens que cette

proceacutedure entretient avec lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

1 J CARBONNIER op cit p 1

321

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BORE J et BORE L laquo Cassation (pourvoi en) raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2015

CARON D laquo Action publique Extinction Autoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le peacutenal raquo Jurisclasseur Proceacutedure peacutenale Art 6 Fasc 20 2003

CEDRAS J laquo Action publique Extinction Autoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le peacutenal raquo Jurisclasseur Proceacutedure peacutenale Art 6 Fasc 2 1995

COLSON R laquo Recours en reacutevision raquo Reacutepertoire de proceacutedure civile Dalloz 2013

COSTE F-L laquo Chambre de lrsquoinstruction raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2013

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DAURES E laquo Reacutevision raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2015

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HERZOG-EVANS M laquo Reacutehabilitation raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2008

PY B laquo Amnistie raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2012

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RENAUT M-H laquo Gracircce raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2013

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V Observations et notes de jurisprudence

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BALLOT-BEAUPRE obs sous Cass ch reacuteunies 3 juin 1899 Dr peacutenal 1900 1 p 180

BOMBLED M laquo Rejet drsquoune requecircte en reacutevision controverseacutee raquo note sous cass crim ndeg 10-85247 Dalloz actualiteacutes 13 avril 2011

BORGHETTI J-S laquo Vaccination contre lrsquoheacutepatite B et scleacuterose en plaques incertitudes scientifiques et divergences de jurisprudence raquo note sous cass 1erciv 25 novembre 2010 ndeg 09-16556 JCP G 2011 ndeg4 p 79

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Ceacuteleacuteriteacute et qualiteacute de la justice La gestion du temps dans le procegraves Rapport au Garde des Sceaux Ministre de la justice J-C MANGENDIE 2004 La documentation franccedilaise Disponible sur httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics044000433 (Page consulteacutee le 21072015)

Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation La veacuteriteacute La documentation franccedilaise Disponible sur httpswwwcourdecassationfrIMGpdfrapport_annuel_2004_couverturepdf (Page consulteacutee le 21072015)

Rapport annuel 2012 de la Cour de cassation La preuve La documentation franccedilaise Disponible sur httpswwwcourdecassationfrpublications_26rapport_annuel_36rapport_2012_4571 (Page consulteacutee le 21072015)

Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1047 relatif aux attributions du Garde des sceaux et des

magistrats du ministegravere public en matiegravere de politique peacutenale et drsquoaction publique preacutesenteacute

par Monsieur J-Y LE BOUILLONNEC 21 mai 2013 Disponible sur httpwwwassemblee-

nationalefr14rapportsr1047asp (Page consulteacutee le 21072015)

Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 3125 au nom de la commission drsquoenquecircte chargeacutee de

rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans lrsquoaffaire dite drsquoOutreau et de

formuler des propositions pour eacuteviter leur renouvellement Disponible sur

httpwwwassemblee-nationalefr12rap-enqr3125asp (Page consulteacutee le 21072015)

Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 en conclusion des travaux drsquoune mission

drsquoinformation sur la reacutevision des condamnations peacutenales A TOURRET et G FENECH

Disponible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rap-infoi1598asp (Page consulteacutee le

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Assembleacutee Nationale rapport ndeg 1807 fait au nom de la commission des lois

constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la Reacutepublique sur la

proposition de loi ndeg 1700 relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen

drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive A TOURRET Disponible sur

httpwwwassemblee-nationalefr14rapportsr1807asp (Page consulteacutee le 21072015)

Assembleacutee Nationale rapport ndeg 1957 fait au nom de la commission des lois

constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la Reacutepublique sur la

proposition de loi ndeg 1909 modifieacutee par le Seacutenat relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de

reacutevision et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive par Monsieur Alain

TOURRET Disponible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rapportsr1957asp (Page

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Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 2778 fait au nom de la commission des lois

constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la Reacutepublique en

conclusion des travaux drsquoune mission drsquoinformation sur la prescription en matiegravere peacutenale et

preacutesenteacute par Messieurs A TOURRET et G FENECH Disponible sur sur

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Lrsquoexpeacuterimentation des citoyens assesseurs dans les ressorts des Cours drsquoappel de Dijon et

Toulouse Rapport agrave Madame la Garde des Sceaux Ministre de la justice X SALVAT D

BOCCON GIBOD la Documentation franccedilaise Disponible sur

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judiciaire JORF du 12 avril 2014 texte ndeg 47 Disponible sur

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Enquecircte de satisfaction aupregraves des usagers de la justice Mai 2001 Mission de recherche Droit

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httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-

mission

httpwwwassemblee-nationalefr14cr-cloi13-14c1314025asp

httpwwwassemblee-nationalefr14amendements1700CION_LOISCL6pdf

httpwwwassemblee-nationalefr14pdfamendements1700CION_LOISCL2pdf

httpwww2assemblee-nationalefr14commissions-permanentescommission-des-

loismissions-d-informationrevision-des-condamnations-penales

httparchivesassemblee-nationalefr9cri1988-1989-ordinaire1079pdf

httpwwwassemblee-nationalefr12pdfpropositionspion3770pdf

httpwwwsenatfrdossier-legislatifppl13-412html

httpwwwsenatfrrapl13-467l13-46712html

httpwwwsenatfrcolloquesoffice_du_jugeoffice_du_jugepdf

httpledroitcriminelfreefrla_legislation_criminelleanciens_textesordonnance_criminelle_

de_1670htm

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httpwwwphilippebilgercomblog201402une-seconde-chance-pour-les-victimeshtml

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httptempsreelnouvelobscomsociete20111004OBS1688dans-l-affaire-leprince-la-justice-

n-est-pas-passeehtml

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sociale-durable-2

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paul-ricoeur

httpdeperroisfreefr

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httpfondsdocinhesjfrsitesdefaultfilessitesdefaultfilesselecaujourdhuisa20200020p

rofilage_criminellePDF

353

Table des matiegraveres

Principales abreacuteviationshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip5

Sommairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip8

INTRODUCTION GENERALE helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip9

sect 1 La singulariteacute de la reacutevision en matiegravere peacutenalehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip14

A Un objectif singulier la reacuteparation drsquoune erreur judiciairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip15

1 Identification de lrsquoerreur judiciaire reacutepareacutee par la reacutevision helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip16

2 La particulariteacute des arrecircts de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip19

B Une conseacutequence singuliegravere la destruction drsquoune deacutecision deacutefinitive entacheacutee drsquoune

erreurhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip22

1 Le surpassement par la reacutevision du pardon et de lrsquooublihelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip22

2 Distinction de la reacutevision des institutions fondeacutees sur le pardon et lrsquooubli24

sect 2 Lrsquoeacutevolution historique de la reacutevision en matiegravere peacutenalehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip28

A Les origines historiques de la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip29

B La peacuteriode charniegravere de lrsquoeacutedification de la reacutevision 1789 - 1989helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip32

354

PREMIERE PARTIE

LA REVISION DE 1989 A REVISER UNE NECESSITE

TITRE 1

UNE APPROCHE TROP RESTRICTIVE DE LA REVISIONhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip42

CHAPITRE 1 LA CONCILIATION POSSIBLE DE LrsquoAUTORITE DE LA

CHOSE JUGEE ET DE LA REVISION

Section 1 Lrsquoapparente opposition entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevisionhelliphellip44

sect 1 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee ou la fin du procegraveshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip45

A Lrsquoobjectif de fin de lrsquoautoriteacute positivehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip46

1 Le caractegravere national de la chose jugeacutee vu sous lrsquoangle de la

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip48

2 Le caractegravere irreacutevocable de la chose jugeacutee vu sous lrsquoangle de la

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip49

B Lrsquoobjectif de fin de lrsquoautoriteacute neacutegativehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip50

sect 2 La reacutevision ou la renaissance du procegraveshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip53

A Lrsquoaneacuteantissement reacutetroactif de la condamnation et de toutes ses conseacutequenceshelliphelliphelliphellip53

1 Le critegravere du choix entre lrsquoannulation avec ou sans renvoihellip56

a Lrsquoimpossibiliteacute immeacutediate de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebatshelliphelliphelliphelliphellip 56

b Lrsquoimpossibiliteacute posteacuterieure agrave une deacutecision de renvoi de proceacuteder agrave de

nouveaux deacutebatshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip 57

c Lrsquoinutiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebatshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip 57

d La possibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebatshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip 58

2 Les conseacutequences du choix entre lrsquoannulation avec ou sans renvoihelliphelliphelliphelliphelliphellip59

B La reacuteparation inteacutegrale du preacutejudice subihelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip60

355

Section 2 Lrsquoopposition trompeuse entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevisionhelliphellip63

sect 1 La remise en cause des justifications traditionnelles de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip63

A Les justifications doctrinales de lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip64

1 La supeacuterioriteacute du peacutenal sur le civilhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip65

2 La crainte des contradictions deacutecisionnelleshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip66

B Les justifications doctrinales de lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip68

1 laquo res judicata veritate habitur raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip68

2 Le contrat socialhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip71

sect 2 Le rapprochement entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip71

A La recherche drsquoun juste eacutequilibre entre le perfectionnisme et la stabiliteacute de la justicehellip 72

B La preacuteservation de la paix sociale un objectif commun agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et agrave la

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip72

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip76

CHAPITRE 2 LA CONCILIATION DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE JUGEE

ET DE LA REVISION UN CHOIX NON RETENU EN 1989

Section 1 La reacuteunion de conditions preacutealables agrave lrsquoexercice du pourvoi en reacutevisionhelliphellip78

sect 1 Les exigences drsquoordre techniquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip79

A Une deacutecision peacutenale deacutefinitivehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip79

B Une deacutecision comportant une deacuteclaration de culpabiliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip81

sect 2 Lrsquoexigence drsquoordre mateacuterielhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip86

Section 2 Les cas drsquoouverture du pourvoi en reacutevision helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip88

sect 1 Les cas deacutetermineacutes drsquoouverture agrave reacutevision helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip88

356

A La preuve de viehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip88

B Lrsquoincompatibiliteacute deacutecisionnellehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip89

C Le faux teacutemoignagehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip90

sect 2 Le cas indeacutetermineacute drsquoouverture agrave reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip92

A Lrsquoassouplissement leacutegislatif de 1989helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip92

1 La rigiditeacute textuelle du Code drsquoinstruction criminellehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip 92

2 La modification du Code drsquoinstruction criminelle par la loi de 1989helliphelliphelliphelliphellip 93

a Lrsquoadjonction au laquo fait nouveau raquo de laquo lrsquoeacuteleacutement inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip94

b Le remplacement de lrsquoinnocence par le doute sur la culpabiliteacutehelliphelliphelliphellip95

B Lrsquoattachement de la jurisprudence agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip 99

1 Lrsquoexigence drsquoun haut degreacute de doutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip99

2 Lrsquoappreacuteciation seacutevegravere du fait nouveauhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip101

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip106

Conclusion du titrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip107

TITRE 2

DES IMPERFECTIONS STRUCTURELLES ET CONJONCTURELLEShelliphelliphelliphellip108

CHAPITRE 1 LES DIFFICULTES STRUCTURELLES

Section 1 Lrsquoimpreacutecision de la reacutepartition des compeacutetences entre la commission de

reacutevision et la Cour de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip112

sect 1 La deacutelimitation impreacutecise de lrsquoeacutetendue du filtrage de la commissionhelliphelliphellip112

A Lrsquoambiguiumlteacute du pouvoir de filtragehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip113

B Lrsquoapport drsquoune interpreacutetation teacuteleacuteologique des textes helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip114

sect 2 Le rocircle mal deacutefini de la commission de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip118

357

A Des fonctions proches de celles drsquoune juridiction drsquoinstructionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip119

B Des pouvoirs proches de ceux du juge drsquoinstructionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip121

1 Le listage impreacutecis des pouvoirs drsquoinstruction de la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphellip122

2 Le silence sur la deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers par la commissionhelliphellip122

Section 2 La transformation des relations entre la commission et la Cour de

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip125

sect 1 Le filtrage seacutevegravere de la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip125

A La mauvaise interpreacutetation des intentions du leacutegislateurhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip125

1 Un regard seacutevegravere sur le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip126

a Le rejet des demandes fondeacutees sur un eacuteleacutement connu mais non deacutebattuhellip126

b Les exigences relatives au fait nouveau et agrave lrsquoeacuteleacutement

inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip129

2 Lrsquoappreacuteciation du doute par la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip131

B La transformation de la Cour de reacutevision en juridiction de controcirclehelliphelliphelliphelliphelliphellip134

1 Le controcircle du doute sur la culpabiliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip134

2 Le controcircle de lrsquoinnocencehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip136

sect 2 Les conseacutequences de la transformation des relations entre la commission et la

Cour de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip138

A La justification difficile des divergences drsquoappreacuteciationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip138

B Lrsquoexamen du doute par les juridictions de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip140

1 Une proceacutedure peu encadreacutee et largement eacutecritehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip140

2 Une laquo boite agrave outils raquo inadapteacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip142

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip145

358

CHAPITRE 2 LES DIFFICULTES CONJONCTURELLES

Section 1 Les obstacles proceacuteduraux agrave la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip146

sect 1 Lrsquoeacutetablissement difficile du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement

inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip146

A Le renversement de la charge de la preuvehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip146

1 Les avantages de la preacutesomption drsquoinnocencehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip147

2 Le demandeur en reacutevision priveacute du beacuteneacutefice de la preacutesomption drsquoinnocencehelliphellip148

B La preuve du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip149

1 Lrsquoeacutetape de lrsquoarticulationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip150

2 Les difficulteacutes pratiques rencontreacutees par le requeacuteranthelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip150

a Les expertises priveacuteeshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip151

b Les enquecirctes priveacuteeshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip152

sect 2 Le caractegravere discreacutetionnaire de la suspension de lrsquoexeacutecution de la

condamnationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip153

A Une preacuterogative de la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip154

1 La neacutecessaire suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation en cas drsquoinnocence155

2 La suspension contesteacutee de lrsquoexeacutecution de la condamnation en cas de doute sur la

culpabiliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip156

B Une deacutecision incontestablehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip158

1 Lrsquoabsence de recours pour les partieshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip159

2 Lrsquoeacuteviction de la partie civilehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip160

Section 2 La composition des juridictions de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip161

sect 1 Des dispositions leacutegislatives incomplegraveteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip162

A La composition de la commission de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip162

1 La judiciarisation du filtrage un progregraves de la loi de 1989helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip162

2 Lrsquoinsuffisante preacutecision des regravegles eacutetablieshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip164

B La composition de la Cour de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip165

359

sect 2 La question de lrsquoimpartialiteacute des juridictions de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip166

A Les raisons des soupccedilons de partialiteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip167

1 La commission cible des soupccedilonshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip168

a Un mecircme magistrat juge du rejet du pourvoi en cassation et de la

recevabiliteacute drsquoune requecircte en reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip169

b Un mecircme magistrat juge de plusieurs requecirctes en reacutevision drsquoune mecircme

condamnationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip170

2 La Cour de reacutevision cible des soupccedilonshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip171

B La neacutecessaire leveacutee des soupccedilonshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip172

1 Lrsquoabsence de condamnation europeacuteennehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip172

2 La perte de confiance des citoyens en la justicehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip173

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip175

Conclusion du titrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip176

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIEhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip177

360

SECONDE PARTIE

LA REVISION REVISEE DE 2014 UNE DECEPTION

TITRE 1

UNE REFORME INACHEVEEhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip182

CHAPITRE 1 UNE NOUVELLE STRATEGIE LEGISLATIVE DE LUTTE

CONTRE LrsquoERREUR JUDICIAIRE

Section 1 1989-2013 Lrsquoimmobilisme du leacutegislateur en matiegravere de reacutevisionhelliphelliphelliphellip184

sect 1 La reacutevision laquo grande oublieacutee raquo de la proceacutedure peacutenalehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip184

A Les raisons de lrsquoindiffeacuterence du leacutegislateurhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip184

1 Une explication drsquoordre juridiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip184

2 Une explication drsquoordre psychologiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip186

B La seacutecurisation de la proceacutedure en amont de la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip189

1 Lrsquoinstauration de lrsquoappel criminelhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip190

2 La colleacutegialiteacute de lrsquoinstructionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip192

sect 2 Lrsquoinsuffisance drsquoune action en amont de la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip193

A Des reacuteformes toujours perfectibleshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip194

1 Lrsquoappel criminel un outil utile mais suffisant dans la lutte contre lrsquoerreur

judiciairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip194

2 La colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction un outil utile mais insuffisant dans la lutte contre

lrsquoerreur judiciairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip196

B La relativiteacute de la veacuteriteacute judiciairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip198

1 La deacutemystification de la veacuteriteacute judiciairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip198

2 La justice un laquo ideacuteal irrationnel raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip200

361

Section 2 2014 le changement de strateacutegie leacutegislativehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip202

sect 1 Une intervention leacutegislative sur le droit de la reacutevision202

A Les modifications structurelleshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip203

1 Le chamboulement de lrsquoinstitutionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip203

a Une juridiction unique statuant sur la reacutevision et le reacuteexamenhelliphelliphelliphelliphellip203

b La nouvelle appellation de la commission la commission

drsquoinstructionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip206

2 La reacutepartition des compeacutetences entre la commission et la Courhelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip206

a Le recentrage du rocircle de la commission sur la recevabiliteacute des

requecircteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip206

b La clarification des pouvoirs de la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip207

c La deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers par les juridictions de

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip208

3 Lrsquoaffirmation des droits des partieshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip209

B Les modifications conjoncturelleshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip210

1 Lrsquoeacutetablissement du fait nouveau faciliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip210

2 Le pouvoir de suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip211

3 La nouvelle composition des juridictions de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip212

sect 2 Lrsquoadaptation de la proceacutedure peacutenale agrave la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip214

A Lrsquoallongement de la dureacutee de conservation des scelleacuteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip214

B Le renforcement de la meacutemoire de lrsquoaudiencehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip217

1 Lrsquoinsuffisance de la motivation en matiegravere criminelle par rapport aux besoins de

connaissance du pourvoi en reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip217

2 Lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats aux assiseshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip219

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip221

362

CHAPITRE 2 LE MAINTIEN DrsquoUNE APPROCHE TROP RESTRICTIVE DE

LA REVISION

Section 1 Lrsquoattachement agrave la conception traditionnelle de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip223

sect 1 Lrsquoouverture de la reacutevision agrave de nouveaux requeacuterantshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip224

A Le caractegravere restrictif des dispositions de 1989helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip224

1 Le cas du deacutecegraves ou de lrsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip225

2 Le ministegravere public priveacute drsquoun droit drsquoagirhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip226

B Un nouveau texte plus libeacuteralhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip226

1 Le cas du deacutecegraves ou de lrsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip227

2 Le ministegravere public titulaire drsquoun droit drsquoagirhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip227

sect 2 Le cas drsquoouverture agrave reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip230

A Une ouverture symboliquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip230

B Une reacuteeacutecriture deacutecevantehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip232

1 Le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip233

2 La question centrale du doutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip234

3 Le retour de lrsquoinnocence dans le textehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip236

Section 2 Une entrave agrave la libeacuteralisation de la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip237

sect 1 La persistance de la logique oppositionnelle entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip237

A La reconduction du laquo profil type raquo de la deacutecision susceptible de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphellip237

1 Une deacutecision peacutenalehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip238

2 Une deacutecision de condamnation criminelle ou deacutelictuellehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip239

B La reconduction de lrsquoexclusion de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip241

1 Le mutisme du nouveau texte sur lrsquoeacuteleacutement non deacutebattuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip241

2 Une vision moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee favorable agrave la prise en compte de

lrsquoeacuteleacutement non deacutebattuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip244

363

sect 2 Une indispensable redeacutefinition des rapports entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

et le pourvoi en reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip245

A Le lien entre ne bis in idem et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee un lien dommageable pour la

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip246

B La disparition du lien entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et ne bis in idem un facteur de

libeacuteralisation de la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip247

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip249

Conclusion du titrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip250

TITRE 2

UNE REFORME A PARACHEVERhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip250

CHAPITRE 1 LA RESOLUTION DES DIFFICULTES STRUCTURELLES ET

CONJONCTURELLES PERSISTANTES

Section 1 Les difficulteacutes structurelles persistanteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip252

sect 1 Le recentrage du rocircle de la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip252

A Des dispositions difficilement applicableshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip254

1 La theacuteoriehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip254

2 La pratiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip255

B Une eacutecriture plus inductive de la loihelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip257

1 Lrsquoapport drsquoune eacutecriture plus inductivehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip257

2 Lrsquoabandon de la reacutefeacuterence au doute sur la culpabiliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip259

sect 2 La creacuteation drsquoune juridiction unique pour la reacutevision et le reacuteexamenhelliphellip260

A Les raisons peu convaincantes de la fusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip260

364

1 Lrsquoatteacutenuation du sentiment drsquoineacutegaliteacute entre les justiciableshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip261

2 La coheacuterence drsquoensemble de la reacuteformation des deacutecisions peacutenaleshelliphelliphelliphelliphelliphellip263

B Un rapprochement peu pertinent entre la reacutevision et le reacuteexamenhelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip hellip268

Section 2 Les difficulteacutes conjoncturelles persistanteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip271

sect 1 La composition des juridictions de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip271

A La reacuteaffirmation judicieuse du caractegravere judiciaire de la composition des juridictions de

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip272

1 Un bon choix en matiegravere deacutelictuellehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip272

2 Un bon choix en matiegravere criminellehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip274

B Lrsquoabsence de juge drsquoinstruction dans la commission drsquoinstructionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip275

sect 2 La limitation de conservation des scelleacuteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip278

A La neacutecessiteacute drsquoeacutelargir cette regravegle aux deacutelitshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip278

1 Une matiegravere quantitativement importante devant la juridiction de reacutevisionhelliphellip278

2 Lrsquoinflation de la correctionnalisationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip280

B La gestion des scelleacutes lieacutee agrave la confiance des justiciables envers leur justicehelliphelliphelliphelliphellip284

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip286

CHAPITRE 2 LE CAS DrsquoOUVERTURE REVISITE PAR UNE APPROCHE PLUS

MODERNE DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE JUGEE

Section 1 La reacuteeacutecriture du cas drsquoouverturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip288

sect 1 Le cas drsquoouverture laquo in favorem raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip288

A La reconduction drsquoun cas drsquoouverture unique et indeacutetermineacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip288

B La non reconduction du terme doutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip290

1 Les justifications de lrsquoabandon du doute en matiegravere de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip290

2 Une nouvelle formulation du cas drsquoouverture plus approprieacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip293

sect 2 Le cas drsquoouverture laquo in defavorem raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip296

365

A La neacutecessaire reconnaissance de la reacutevision laquo in defavorem raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip296

1 Le repli vers la fonction veacuteritable de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip296

2 Lrsquoobjectif commun de preacuteservation de la paix sociale entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la

reacutevision laquo in defavorem raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip298

B La formulation du cas drsquoouverturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip299

1 Une preuve indubitable de la culpabiliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip300

2 Le neacutecessaire respect des deacutelais de prescriptionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip303

Section 2 La place de la victime dans la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip305

sect 1 Lrsquoeacuteloignement de la victime de la reacutevision laquo in defavorem raquohelliphelliphelliphelliphelliphellip306

A Une mise agrave lrsquoeacutecart neacutecessairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip306

B Un exercice confieacute exclusivement au parquethelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip310

sect 2 Le renforcement de la place de la victime dans la reacutevision laquo in favorem raquo311

A Lrsquoassociation de la partie civile agrave la deacutecision de suspension drsquoexeacutecution de la peinehellip312

B Le parallegravele avec lrsquoexeacutecution des peineshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip313

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip316

Conclusion du titrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip317

CONCLUSION DE LA PARTIEhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip318

CONCLUSION GENERALEhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip319

Bibliographie

Index

Table des matiegraveres

366

Page 2: Dorothée Goetz To cite this version

2

La faculteacute nrsquoentend donner aucune approbation ni improbation aux opinions eacutemises dans les

thegraveses Ces opinions doivent ecirctre consideacutereacutees comme propres agrave leur auteur

3

A mes parents

4

Remerciements

Je remercie vivement ma directrice de thegravese Madame Veacuteronique Jaworski pour sa

disponibiliteacute sa patience et ses preacutecieux conseils qui furent deacuteterminants pour lrsquoavancement et

la reacutealisation de cette thegravese Jrsquoai eacuteteacute extrecircmement sensible agrave ses qualiteacutes humaines drsquoeacutecoute et

de compreacutehension tout au long de ce travail

Je souhaiterais exprimer ma tregraves sincegravere gratitude agrave Madame le Professeur Jocelyne Leblois-

Happe co-directrice de thegravese pour ses preacutecieux conseils et son aide Que ces lignes soient

lrsquoexpression de ma reconnaissance et de mon estime agrave son eacutegard

Jrsquoadresse encore mes plus vifs remerciements agrave mes amis pour leur amitieacute indeacutefectible leur

preacutesence et leurs encouragements

Enfin je ne peux clore ces remerciements sans mentionner mes parents pour leur soutien

inconditionnel

5

Principales abreacuteviations

Aff Affaire

AJDA Lrsquoactualiteacute juridique du droit administratif

AJ Peacutenal Actualiteacute juridique Peacutenal

Al Alineacutea

Art Article

Bull civ Bulletin des arrecircts des chambres civiles de la Cour de cassation

Bull crim Bulletin des arrecircts de la chambre criminelle de la Cour de cassation

Bull Joly Bulletin mensuel Joly drsquoinformation des socieacuteteacutes

C contre

CA Cour drsquoappel

Cass civ Cour de cassation chambre civile

Cass crim Cour de cassation chambre criminelle

CE Conseil drsquoEtat

CEDH Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme

Ch Chambre

Chap Chapitre

Chron Chronique

CIC Code drsquoinstruction criminelle

CJCE Arrecirct de la Cour de Justice des Communauteacutes europeacuteennes

CJM Code de justice militaire

Coll Collection

Comm Commentaire

Comm rev Commission de reacutevision

Concl Conclusions

6

Cons Const Conseil constitutionnel

CP Code peacutenal

CPP Code de proceacutedure peacutenale

D Recueil Dalloz

DC Deacutecision du Conseil constitutionnel

Deacutec Deacutecision

Dir Sous la direction de

DP Dalloz Peacuteriodique

DS Dalloz-Sirey

Doc Document

Ed Edition

Fasc Fascicule

Gaz Pal Gazette du Palais

Ibid Ibidem

Id Idem

IR Informations rapides

J Jurisprudence

JO Journal officiel

JCP Juris-classeur peacuteriodique (Semaine juridique)

LGDJ Librairie geacuteneacuterale de droit et de jurisprudence

N Numeacutero

7

Obs Observations

Op cit Opus citatum (ouvrage preacuteciteacute)

P Page

PUF Presses Universitaires de France

Rec Recueil

Reacutep Reacutepertoire

RIDP Revue internationale de droit peacutenal

RSC Revue de sciences criminelles

RTDCiv Revue trimestrielle de droit civil

RTDH Revue trimestrielle des droits de lrsquohomme

S Suivant(e)s

Somm Sommaire

Speacutec Speacutecialement

T Tome

TGI Tribunal de grande instance

TIPY Tribunal peacutenal international pour lrsquoex-Yougoslavie

Trad Traduction

Vol Volume

8

Sommaire

PREMIERE PARTIE

LA REVISION DE 1989 A REVISER UNE NECESSITE

TITRE 1 UNE APPROCHE TROP RESTRICTIVE DE LA REVISION

CHAPITRE 1 LA CONCILIATION POSSIBLE DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE

JUGEE ET DE LA REVISION

CHAPITRE 2 LA CONCILILATION DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE JUGEE ET DE

LA REVISION UN CHOIX NON RETENU EN 1989

TITRE 2 DES IMPERFECTIONS STRUCTURELLES ET CONJONCTURELLES

CHAPITRE 1 LES DIFFICULTES STRUCTURELLES

CHAPITRE 2 LES DIFFICULTES CONJONCTURELLES

SECONDE PARTIE

LA REVISION REVISEE DE 2014 UNE DECEPTION

TITRE 1 UNE REFORME INACHEVEE

CHAPITRE 1 UNE NOUVELLE STRATEGIE LEGISLATIVE DE LUTTE CONTRE

LrsquoERREUR JUDICIAIRE

CHAPITRE 2 LE MAINTIEN DrsquoUNE APPROCHE TROP RESTRICTIVE DE LA

REVISION

TITRE 2 UNE REFORME A PARACHEVER

CHAPITRE 1 LA RESOLUTION DES DIFFICULTES STRUCTURELLES ET

CONJONCTURELLES PERSISTANTES

CHAPITRE 2 LE CAS DrsquoOUVERTURE A REVISION REVISITE PAR UNE APPROCHE

MODERNE DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE JUGEE

9

laquo Srsquoil nrsquoest pas de mission plus haute que

celle de rendre la justice il nrsquoen est pas

de plus peacuterilleuse raquo1

1 L JARDIN Les erreurs judiciaires et leur reacuteparation Thegravese dactylographieacutee Caen 1897 p 1

10

INTRODUCTION GENERALE

1 laquoDa mihi factum dabo tibi jusraquo A la lecture de ce bel adage le juge demande au

justiciable de faire lrsquoexposeacute des faits agrave lrsquoorigine du litige en lui promettant en contrepartie

drsquoappliquer les regravegles de droit adeacutequates1 Cet eacutechange de bons proceacutedeacutes teacutemoigne de lrsquoideacutee a

priori rassurante qursquoune deacutecision judiciaire degraves lors qursquoelle est revecirctue de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee est la traduction sinon de la veacuteriteacute2 du moins de ce qui est juste3 Lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee est un concept geacuteneacuteral du droit applicable agrave tous les contentieux4 preacutesenteacute de

maniegravere iteacuterative comme devant reacutepondre agrave une exigence de stabiliteacute et de seacutecuriteacute5

Couramment ce concept est deacutefini comme le point final du parcours judiciaire agrave lrsquoissue drsquoun

procegraves ougrave les parties ont eacutepuiseacute les voies de recours ou laisseacute srsquoeacutecouler les deacutelais leacutegaux pour

les exercer6 Les deacutecisions deviennent donc agrave un moment donneacute irreacutevocables et acquiegraverent le

1 J BORE Da mihi factum dabo tibi jus une philosophie du procegraves toujours drsquoactualiteacute JCP G 2009 ndeg 41 p 319 2 Sur le sens du terme veacuteriteacute V G DALBIGNAT DEHARO Veacuteriteacute scientifique et veacuteriteacute judiciaire en droit priveacute LGDJ Coll Bibliothegraveque de lrsquoInstitut Andreacute Tunc 2004 ndeg 5 et s J PRONIER La proceacutedure de reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee obs sous cass crim 20 juillet 2011 ndeg 10-87326 AJ Peacutenal 2011 p 474 laquo Les notions dautoriteacute de la chose jugeacutee et darrecirct deacutefinitif deacutemontrent que notre systegraveme judiciaire considegravere leacutepuisement des voies de recours comme marquant du sceau de la veacuteriteacute la derniegravere deacutecision rendue raquo 3 Sur la distinction du juste et du vrai V G DALBIGNAT-DEHARO Veacuteriteacute scientifique et veacuteriteacute judiciaire en droit priveacute LGDJ Coll Bibliothegraveque de lrsquoInstitut Andreacute Tunc 2004 p 195-241 4 R GASSIN laquo Autoriteacute de la chose jugeacutee raquo in Dictionnaire des sciences criminelles dir G LOPEZ et S TZITZIS Paris Dalloz 2004 p 96 5 J-P DINTILHAC La veacuteriteacute de la chose jugeacutee in Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation La veacuteriteacute La documentation franccedilaise p 57 laquo Regravegle [hellip] destineacutee agrave assurer la stabiliteacute du droitraquo C MATHON Note technique relative agrave la reacutevision des deacutecisions peacutenales deacutefinitives disponible sur httpwwwclaudemathonfrpublicNote_sur_la_procedure_de_revisionpdf p 1 laquo un impeacuteratif de seacutecuriteacute et de stabiliteacute des situations juridiquesraquo K NAJARIAN Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel Paris LGDJ Bibliothegraveque de sciences criminelles 1973 p 2 laquo Il est de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral que les procegraves relatifs agrave la mecircme cause ne recommencent pas toujours Il en est de mecircme de la seacutecuriteacute des relations juridiques qui exigent que les jugements deacutefinitifs ne puissent ecirctre remis en question raquo 6 B BOULOC Proceacutedure peacutenale Dalloz 24egrave eacuted 2014 p 949 R MERLE et A VITU Traiteacute de droit criminel Proceacutedure peacutenale Paris Cujas 5egraveme eacuted 2001 ndeg 885 P BOUZAT et J PINATEL Traiteacute de droit

11

Graal de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee1 Sont deacutesigneacutes par cette expression laquo lrsquoensemble des

effets attacheacutes agrave la deacutecision juridictionnelle telle la force de veacuteriteacute leacutegale raquo2 ou encore

lrsquoautoriteacute laquo attacheacutee agrave un acte de juridiction servant de fondement agrave lexeacutecution forceacutee du

droit judiciairement eacutetabli et faisant obstacle agrave ce que la mecircme affaire soit agrave nouveau porteacutee

devant le juge raquo3

2 Crsquoest ainsi qursquoen 1851 il a eacuteteacute admis que laquo gracircce aux garanties que les lois peacutenales

franccedilaises ont creacuteeacutees au profit des accuseacutes la condamnation drsquoun innocent est devenue

aujourdrsquohui quasi impossible raquo4 Toutefois la deacutecision deacutefinitive du juge qui est agrave la

recherche drsquoun regraveglement entre les faits qui lui sont soumis et le droit mis agrave sa disposition ne

peut ecirctre consideacutereacutee comme infaillible5 En effet la veacuteriteacute judiciaire6 baseacutee sur lrsquointime

conviction du juge7 ne peut ecirctre que relative8 Monsieur le Professeur HUGONET souligne

que laquo dans tous les pays du monde la somme des angles drsquoun triangle est eacutegale agrave deux angles

droits Il nrsquoen est pas de mecircme dans les sciences du reacuteel ni surtout dans les sciences

normatives fondeacutees sur les jugements de valeur comme la morale le droit la politique raquo9 A

cela srsquoajoute que le deacuteploiement de lrsquoeffort de veacuteriteacute se diffeacuterencie en fonction des eacutetapes de

peacutenal et de criminologie Proceacutedure peacutenale tome 2 Paris Dalloz 2egraveme eacuted 1970 ndeg 1055 M-L RASSAT Proceacutedure peacutenale Paris PUF Droit fondamental 2egraveme eacuted 2002 ndeg 496 1 F HEacuteLIE Traiteacute de lrsquoinstruction criminelle ou theacuteorie du code drsquoinstruction criminelle Paris Henri Plon 2egraveme eacuted 1866 tome 3 2e partie p176 laquo Lautoriteacute des jugements nexiste que parce quils sont inattaquables toute leur souveraineteacute reacuteside dans leur fixiteacute Quel serait le sort des citoyens si leurs inteacuterecircts perpeacutetuellement agiteacutes ne trouvaient dans les jugements aucune garantie durable Quelle serait leur seacutecuriteacute sils ny rencontraient pas un refuge assureacute contre les poursuites dont ils pourraient faire lobjet Et la justice elle-mecircme quelle serait sa force si des deacutecisions neacutetaient revecirctues que dune autoriteacute contestable La justice a rempli sa mission lorsque le preacutevenu a subi leacutepreuve du jugement [hellip] Lexception constitue en second lieu une regravegle de la deacutefense Est-ce que la position de laccuseacute peut demeurer perpeacutetuellement incertaine [hellip] Ne faut-il pas un terme agrave toutes les poursuites et ce terme nest-il pas dans le jugement qui a prononceacute sur laction raquo 2 G CORNU Vocabulaire juridique eacutedition PUF Vendocircme 2014 10eme eacutedition Vdeg Chose jugeacutee 3 Lexique des termes juridiques dir S GUINCHARD et G MONTAGNIER 2010 Dalloz Vdeg Chose jugeacutee 4 Citeacute par E DE VALICOURT Lrsquoerreur judiciaire eacuted LrsquoHarmattan 2006 p 121 5 JF CESARO Le doute en droit priveacute Paris eacuted Pantheacuteon Assas 2003 ndeg 69 V HUGO Les miseacuterables T1 Le livre de poche Les classiques de poche 1998 p 376 laquo Crsquoeacutetait une vaste enceinte agrave peine eacuteclaireacutee tantocirct pleine de rumeur tantocirct pleine de silence ougrave tout lrsquoappareil drsquoun procegraves criminel se deacuteveloppait avec sa graviteacute mesquine et lugubre au milieu de la foule [hellip] De tout cela se deacutegageait une impression austegravere et auguste car on y sentait cette grande chose humaine que lrsquoon appelle la loi et cette grande chose divine que lrsquoon appelle la justice raquo 6 Pour une approche juridique de la veacuteriteacute judiciaire V G DALBIGNAT-DEHARO op cit p 16-43 Pour une approche philosophique V T PECH laquo Gide Mauriac Giono Lrsquohomme de lettres aux assises raquo Histoire de la justice ndeg 13 2001 p 193-211 7 S GUINCHARD et J BUISSON Proceacutedure peacutenale Paris Litec 10egraveme eacuted 2014 ndeg 519 F HELIE Traiteacute de lrsquoinstruction criminelle ou theacuteorie du code drsquoinstruction criminel op cit t IV ndeg 1764 et s R MERLE et A VITU Traiteacute de droit criminel t II op cit ndeg 132 8 L LETURMY La recherche de la veacuteriteacute et le droit peacutenal Thegravese Poitiers 1995 p 156 M WEBER Sociologie du droit PUF 1986 p 234 B EDELMAN laquo Le droit les vraies sciences et les fausses sciences raquo in Droit et sciences Arch Phil Dr 1991 p 55 9 P HUGONET La veacuteriteacute judiciaire Paris Litec 1986 p 21 et s

12

la proceacutedure peacutenale La laquo certitude policiegravere raquo1 nrsquoa pas la mecircme intensiteacute que la veacuteriteacute

judicaire Ce nrsquoest qursquoau stade du jugement deacutefinitif que srsquoappreacutecie lrsquoexpression la plus

aboutie de la veacuteriteacute judiciaire consacreacutee par lrsquoonction de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Crsquoest

pourquoi laquo au fur et agrave mesure que le procegraves peacutenal progresse la veacuteriteacute judiciaire apparaicirct

logiquement en termes plus preacutecis et plus absolus raquo2 Il en ressort que face agrave la relativiteacute de

cette veacuteriteacute FAUSTIN-HELIE preacutefegravere utiliser le terme de laquo certitude raquo3 en reacutefeacuterence agrave la

conviction du juge chargeacute de trancher le litige4

3 Toutefois srsquoagissant de veacuteriteacute judiciaire ou de certitude de la deacutecision deacutefinitive il

nrsquoen demeure pas moins vrai qursquoun paradoxe existe En effet alors que la dureacutee de la quecircte de

la veacuteriteacute judiciaire ou de la certitude peut ecirctre infinie il faut bien que les procegraves aboutissent

un jour agrave une deacutecision deacutefinitive qui clocircture et apure le litige5 La mission de la justice qui

poursuit lrsquoobjectif de mettre fin aux litiges6 se reacutevegravele dans lrsquoeacutetymologie du terme laquo arrecirct raquo

laquo Lrsquoarrecirct nrsquoa en effet drsquoautre vocation que drsquoarrecircter le litige raquo7

4 Degraves lors la vision quelque peu utopique de lrsquoadage latin laquo da mihi factum dabo tibi

jus raquo doit ecirctre relativiseacutee du fait qursquoune deacutecision deacutefinitive ne constitue pas une garantie

exclusive de veacuteriteacute Crsquoest pourquoi Monsieur le Professeur Philippe CONTE considegravere qursquo

laquo il faut sans doute repenser les finaliteacutes du procegraves peacutenal puisquil nest plus acquis quelles se

ramegravenent agrave la deacutecouverte de la veacuteriteacute Le modegravele europeacuteen privileacutegie en effet leacutegaliteacute des

armes de telle sorte que le reacutesultat du procegraves est secondaire et avec lui la question de

ladeacutequation de la veacuteriteacute judiciaire avec la veacuteriteacute des faits la prioriteacute est le rite proceacutedural

investi dune valeur en soi La deacutefinition du bien juger en est remise en cause ce nest pas

reacuteveacuteler la veacuteriteacute cest conduire la proceacutedure comme il le faut (hellip) raquo8

1 Expression emprunteacutee agrave P BOLZE in P BOLZE Le droit agrave la preuve contraire en proceacutedure peacutenale Thegravese Nancy 2 2010 p 5 2 P RAVIER Veacuteriteacute et veacuteriteacute judiciaire revue de la gendarmerie nationale 2egraveme trimestre 1976 ndeg 108 p 23 citeacute par P BOLZE op cit p 6 3 F HELIE op cit t 4 ndeg 1759 p 324 4 P THERY Les finaliteacutes du droit de la preuve en droit priveacute Droits ndeg 23 1996 p 48 5 P RICOEUR laquo Lrsquoacte de juger raquo in Le Juste tome 1 Paris Esprit 1995 (reacuteimpression 2001) p 185 MAFRISON-ROCHE laquo Les offices du juge raquo in Ecrits en hommage agrave J Foyer Paris PUF 1997 p 463 6 J LELIEUR La regravegle ne bis in idem du principe de lautoriteacute de la chose jugeacutee au principe duniciteacute daction reacutepressive eacutetude agrave la lumiegravere des droits franccedilais allemand et europeacuteen Thegravese Paris 1 2006 p 87 laquo Pour reacutesoudre les litiges la justice doit trancher Crsquoest le rocircle de la deacutecision de justice qui en mateacuterialisant le verdict du juge parvient agrave clore les litiges raquo 7 Ibid p 85 8 P CONTE Les propositions du preacute-rapport du comiteacute de reacuteflexion sur la justice peacutenale Dr peacutenal 2009 ndeg6 eacutetude 11

13

5 Aussi au nom drsquoune laquo justice juste1 raquo apparaicirct-il indispensable qursquoune deacutecision

mecircme deacutefinitive puisse ecirctre contesteacutee Cette remise en cause permet au justiciable

injustement condamneacute drsquoobtenir une reacuteparation morale et mateacuterielle et autorise le

deacuteclenchement drsquoeacuteventuelles poursuites contre le veacuteritable coupable

6 Il en ressort qursquolaquo il y a quelque chose de supeacuterieur au principe de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee crsquoest la justice elle-mecircme raquo2 Cette forte affirmation qursquoil convient

drsquoappreacutehender avec circonspection a toutefois lrsquoavantage de mettre lrsquoaccent sur la singulariteacute

de la reacutevision tirailleacutee entre laquo le juste et lrsquoutile3 raquo De fait lrsquoarticle 622 du Code de proceacutedure

peacutenale dispose laquo La reacutevision dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice

de toute personne reconnue coupable dun crime ou dun deacutelit lorsque apregraves une

condamnation vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la

juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute ou agrave faire naicirctre un

doute sur sa culpabiliteacute raquo

7 Face agrave cette particulariteacute il est indispensable avant toute deacutemonstration de mettre

en relief la singulariteacute de la reacutevision en matiegravere peacutenale (sect1)

8 Cette deacutemarche montre que la reacutevision nrsquoa pas toujours eacuteteacute admise par le droit

franccedilais Lrsquoaptitude drsquoun systegraveme judiciaire agrave reconnaicirctre la faillibiliteacute de ses deacutecisions

deacutefinitives est eacutetroitement lieacutee au modegravele de gouvernance deacutemocratique4 Selon Maicirctre Jean-

Denis BREDIN laquo lrsquoerreur judiciaire est en effet un concept qui ne peut exister que dans les

pays deacutemocratiques car pour eacuteclater elle a besoin drsquoun environnement judiciaire particulier

une Justice qui se donne pour but de rechercher la veacuteriteacute avec un minimum de garanties pour

les liberteacutes individuelles La remise en cause des deacutecisions judiciaires doit toutefois ecirctre

lrsquoexception pour ne pas risquer de discreacutediter la justice drsquoougrave lrsquoinstauration du recours en

1 Expression emprunteacutee agrave Y JEANCLOS in Injuste justice La dynamique peacutenale du XXIegraveme siegravecle LexisNexis 2013 p 27 et s 2 V ACHALME Des indemniteacutes agrave allouer aux victimes drsquoerreurs judiciaires Thegravese Lyon 1912 p 10 3 Y BONGERT Le juste et lutile dans la doctrine peacutenale dAncien Reacutegime 1982 Arch de philo du droit p 291 et s J TOUZET Le concept dutiliteacute fondement de la justice peacutenale Rev peacutenit et dr peacuten 1989 II p160 L MUCCHIELLI Criminologie hygieacutenisme et eugeacutenisme en France (1870-1914) deacutebats meacutedicaux sur leacutelimination des criminels reacuteputeacutes laquo incorrigibles raquo Rev dhist des Sciences humaines III 2000 p 85 P AUDEGEAN Les Lumiegraveres du peacutenal Revue de lrsquoinstitut Rhocircne Alpin de Sciences criminelles ndeg1 LrsquoHarmattan p 23 laquo Pour Beccaria la justice et le droit sont en effet ancreacutes dans la quecircte humaine de lrsquoutile leurs principes sont donc toujours justifieacutes en derniegravere analyse par des consideacuterations utilitaires raquo 4 J DANET Relire laquo la politique criminelle des Etats autoritaires raquo in Le champ peacutenal meacutelanges en lrsquohonneur du Professeur R Ottenhof Dalloz 2006 p 37 spec p45 laquo Lagrave ougrave la mission deacutelicate drsquoun gouvernement libeacuteral nous dit Donnedieu de Vabres est de concilier deux inteacuterecircts leacutegitimes celui de lrsquoEtat qui a inteacuterecirct agrave la rapiditeacute de la proceacutedure et celui de lrsquoindividu qui tient agrave la seacutecuriteacute de son droit lrsquoEtat autoritaire ne voit pas de conflit le caractegravere absolu de la souveraineteacute exclut entre lrsquoindividu et lrsquoEtat toute deacutelimitation de sphegraveres juridiques raquo

14

reacutevision un tel preacutealable ne pouvant se concevoir dans les pays ougrave la justice est au service du

pouvoir exeacutecutif Si elle reconnaissait ses erreurs elle mettrait alors directement en cause le

systegraveme politique qursquoelle a pour but essentiel de proteacuteger raquo1 En outre lrsquoeacutetat actuel du droit de

la reacutevision est le fruit drsquoune eacutevolution historique tirailleacutee degraves son origine entre lrsquoexigence

drsquoune justice en quecircte de la veacuteriteacute et la neacutecessaire garantie de la stabiliteacute des deacutecisions

deacutefinitives

9 CARBONNIER formule dans son ouvrage laquo Droit et passion du droit sous la Vegraveme

reacutepublique raquo lrsquoideacutee qui constitue la trame de cette thegravese laquo Il a toujours eacuteteacute difficile de

deacutecouper lrsquohistoire en peacuteriodes ceux qui sont teacutemoins drsquoun eacutevegravenement dramatique sont

prompts agrave le qualifier drsquohistorique et agrave srsquoeacutecrier tel Goethe agrave Valmy que rien ne sera plus

comme avant En fait souvent les peacuteriodes srsquoemboitent les unes dans les autres et le futur

trainera longtemps des paillettes du passeacute Crsquoest vrai en geacuteneacuteral mais davantage encore quand

le droit est en cause Car si le droit ce peut ecirctre la promulgation drsquoun texte donc une date qui

marque une franche coupure ce sont aussi des applications qui srsquoeacutetirent dans le temps des

coutumes qui se perpeacutetuent par drsquoimperceptibles reacutepeacutetitions raquo2 Toute reacuteflexion sur la reacutevision

exige donc de bien comprendre lrsquoeacutevolution historique de cette proceacutedure (sect2)

sect 1 La singulariteacute de la reacutevision en matiegravere peacutenale

10 Certaines deacutecisions deacutefinitives controverseacutees ont marqueacute lrsquoopinion publique3

Ainsi les affaires SEZNEC4 et RANUCCI5 suscitent encore des interrogations alors que la

reacutevision leur a eacuteteacute refuseacutee Dans drsquoautres cas la reacutevision a permis la reconnaissance de

lrsquoerreur judiciaire Il est donc indispensable de deacutefinir cette voie de recours extraordinaire qui

se distingue drsquoautres institutions et voies de recours Sa singulariteacute se manifeste tant au niveau

1 J-D BREDIN Justices ndeg 5 Dalloz 1997 p 163 2 J CARBONNIER Droit et passion du droit sous la Vegraveme reacutepublique Flammarion 2006 p 1 3 M-H RENAUT Reacutevision et reacuteexamen les condamnations sont de moins en moins deacutefinitives Petites affiches 18 mars 2003 p6 L BOLTANSKI Affaires scandales et grandes causes De Socrate agrave Pinochet Stock 2007 p 462 et s 4 1923 Deacutebut de lrsquoaffaire SEZNEC JCP G 2007 ndeg1 ndeg hors-seacuterie sommaire laquo Denis Seznec dans sa deacutefense acharneacutee de la meacutemoire de son grand-pegravere a transformeacute peu agrave peu lhistoire individuelle dun damneacute judiciaire en un combat symbolique pour la justice En demandant agrave linstitution judiciaire de rendre compte de son erreur il la reacuteinvestit dans sa fonction cathartique Cette affaire est caracteacuteristique du sentiment diffus chez nos concitoyens des vertus theacuterapeutiques du procegraves peacutenal Ny-a-t-il pas dans ce patheacutetique appel au juge de la part de la famille Seznec lexpression dun ideacuteal de justice dont les juges sont comptables dans une socieacuteteacute deacutemocratique Plus de quatre-vingt-trois ans apregraves les faits neacutetait-ce pas le seul enjeu du procegraves Seznec pour une opinion publique convaincue depuis longtemps agrave tort ou agrave raison de linnocence de Guillaume Seznec raquo 5 M DELMAS-MARTY laquoMort de la peine de mort raquo Libre propos JCP G 2007 ndeg 13 act 142 laquo Le problegraveme dune exeacutecution sil se posait ne peut concerner que des individus dont on est certain quils ont bien commis les faits quon leur reproche (raison pour laquelle quelle que soit le caractegravere farfelu de cette histoire de pull-over rouge il ne fallait pas exeacutecuter Christian Ranucci) raquo

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de son objectif qui est la reacuteparation drsquoune erreur judiciaire (A) qursquoau niveau de sa

conseacutequence qui est la destruction drsquoune deacutecision deacutefinitive (B)

A Un objectif singulier la reacuteparation drsquoune erreur judiciaire

11 Rendre la justice srsquoavegravere ecirctre un exercice difficile Crsquoest pourquoi le magistrat en

charge de cette mission doit preacutesenter le maximum de garanties1 Les barriegraveres de protection

mises en place afin de garantir une bonne justice ne permettront pourtant pas drsquoeacutecarter

totalement le risque de lrsquoerreur judiciaire2 Premiegraverement le juge nrsquoest pas agrave lrsquoabri des

faiblesses humaines de certains preacutejugeacutes voire de carences professionnelles susceptibles

drsquoalteacuterer son jugement laquo Pour grands que soient les rois ils sont ce que nous sommes ils

peuvent se tromper comme les autres hommes Les juges ne sont pas drsquoune autre essence raquo3

Deuxiegravemement laquo toute deacutecision dommageable ne procegravede pas neacutecessairement dun

manquement ni mecircme dune faute Ce nest pas faire outrage agrave notre systegraveme judiciaire que de

consideacuterer que des eacuteleacutements nouveaux peuvent apparaicirctre inconnus au moment de la

deacutecision qui sont susceptibles de renverser les eacuteleacutements de preuve initialement retenus raquo4

Pour ces deux raisons lrsquoerreur judiciaire deacutesormais puissamment relayeacutee par les meacutedias5 est

une reacutealiteacute ancienne En dehors de son aspect theacuteologique la crucifixion du Christ preacutesente

aussi un inteacuterecirct juridique important puisqursquoelle est encore aujourdrsquohui consideacutereacutee par

certains6 comme une erreur judiciaire

1 V GUINCHARD S et autres Droit processuel droit commun et droit compareacute du procegraves eacutequitable Paris Dalloz 6egraveme eacuted 2011 ndeg 363 et s S GUINCHARD Le reacuteveil doctrinal dune belle au bois dormant trop longtemps endormie ou la proceacutedure civile entre droit processuel classique neacuteoclassique ou europeacuteaniste et technique dorganisation du procegraves in Meacutelanges Martin 1997 Universiteacute de NiceBruylantLGDJ p 97-109 2 A GIDE Souvenirs de la Cour drsquoassises Folio poche Paris 2009 p 664 Gide exprime le caractegravere ineacutevitable de lrsquoerreur judiciaire dans son recircve de la barque laquo Cette nuit je ne puis pas dormir lrsquoangoisse mrsquoa pris au cœur et ne desserre pas son eacutetreinte Je resonge au reacutecit que me fit un rescapeacute de La Bourgogne il eacutetait lui dans une barque avec je ne sais plus combien drsquoautres certains drsquoentre eux ramaient drsquoautres eacutetaient occupeacutes tout autour de la barque agrave flanquer de grands coups drsquoaviron sur la tecircte et les mains de ceux agrave demi noyeacutes deacutejagrave qui cherchaient agrave srsquoaccrocher agrave la barque et imploraient qursquoon les reprit Ou bien avec une petite hache ils leur coupaient les poignets On les enfonccedilait dans lrsquoeau car en cherchant agrave les sauver on eut fait chavirer la barque [hellip] Ce soir je prends en honte la barque et de mrsquoy sentir agrave lrsquoabri raquo 3 M MARTIN Proceacutedeacutes de rectification des erreurs dans les deacutecisions judiciaires Thegravese Nancy 1940 p 1 4 F FOURNIE laquo Reacuteviser la reacutevision raquo - agrave propos de la nouvelle proceacutedure de reacutevision et de reacuteexamen des condamnations peacutenales JCP G 2014 p 777 5 Pour les meacutedias modernes V J FRANCILLON Meacutedias et droit peacutenal Bilan et perspectives RSC 2000 p 59 Pour la litteacuterature classique V D LINDENBERG Lrsquoerreur judiciaire et lrsquoantijuridisme des intellectuels in A GARAPON (dir) Les juges un pouvoir irresponsable eacuted Nicolas Philippe 2003 p 39 et s 6 G DE VRIES laquo Le procegraves de Jeacutesus une erreur judiciaire raquo accessible sur httpwwwbvoltairefrgeoffroydevriesle-proces-de-jesus-une-erreur-judiciaire167875

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12 Toutefois la propension de lrsquoecirctre humain agrave se retrancher dans une posture

victimaire1 voire agrave entretenir la laquo theacuteorie du complot2 raquo traduit une attitude susceptible de

favoriser la suspicion agrave lrsquoeacutegard de certaines deacutecisions mal comprises ou mal accepteacutees Aussi

cet eacutetat drsquoesprit peut-il conduire agrave un emploi inapproprieacute voire abusif de lrsquoexpression laquo erreur

judiciaire raquo Il est donc indispensable de bien identifier lrsquoerreur judiciaire que le pourvoi en

reacutevision se charge de reacuteparer (1) Ses caracteacuteristiques ne seront pas sans conseacutequences sur les

arrecircts rendus par la juridiction de reacutevision A nos yeux ceux-ci sont agrave consideacuterer comme des

arrecircts particuliers (2)

1 Identification de lrsquoerreur judiciaire reacutepareacutee par la reacutevision

13 Lrsquoerreur du latin error est selon la deacutefinition du petit Robert laquo un acte de lesprit

qui tient pour vrai ce qui est faux et inversement raquo3 Le dictionnaire clocircture la rubrique laquo

Erreur raquo par la deacutefinition de lerreur judiciaire deacutepeinte comme laquo une erreur de fait commise

par le juge et entraicircnant la condamnation dun innocent raquo4 La deacutefinition retenue par CORNU

dans son vocabulaire juridique srsquoen approche laquo une erreur de fait qui commise par une

juridiction de jugement dans son appreacuteciation de la culpabiliteacute dune personne poursuivie

peut si elle a entraicircneacute une condamnation deacutefinitive ecirctre reacutepareacutee sous certaines conditions au

moyen dun pourvoi en reacutevision raquo5 Il appert que lrsquoerreur judiciaire susceptible drsquoecirctre reacutepareacutee

par la reacutevision doit revecirctir certaines caracteacuteristiques indispensables

14 Tout drsquoabord elle est tenue de se manifester dans une deacutecision devenue deacutefinitive

au jour ougrave la commission drsquoinstruction statue6 La reacutevision ne peut donc srsquoexercer que

lorsque toutes les voies de recours classiques sont deacutefinitivement fermeacutees Toutefois cette

regravegle nrsquoimpose pas au requeacuterant lrsquoobligation drsquoavoir exerceacute toutes les voies de recours

ordinaires Il nrsquoen reste pas moins vrai que la requecircte en reacutevision sera deacuteclareacutee irrecevable agrave

partir du moment qursquoune voie de recours ordinaire est encore ouverte ou qursquoun tel recours est

1 D SALAS Preacutesence de la victime dans le procegraves et sens de la peine AJ Peacutenal 2004 p 430 2 P-A TAGUIEFF La foire aux laquo Illumineacutes raquo Esoteacuterisme theacuteorie du complot extreacutemisme Paris Mille et une nuits 2005 p 298-311 3 Petit Robert 1 Dictionnaire alphabeacutetique et analogique de la langue franccedilaise dir A Rey et J Rey-Debove Paris Le Robert 2015 V Erreur 4 Ibid 5 G CORNU Vocabulaire juridique op cit Vdeg Erreur judiciaire 6 Deacutecision de la commission de reacutevision du 24 septembre 2001 ndeg 01-99046 Lrsquoarticle 622 CPP vise la laquo reacutevision drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive raquo CEDH NIKITIN c Russie 20 juil 2004 req ndeg 5017899 RSC 2005 p 641 laquo une deacutecision est deacutefinitive lorsque conformeacutement agrave la deacutefinition traditionnelle elle a acquis lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Crsquoest le cas lorsqursquoelle est irreacutevocable crsquoest-agrave-dire lorsqursquoil nrsquoexiste pas de voies de recours ordinaires lorsque les parties ont exerceacute ces voies de recours ou lorsqursquoelles ont laisseacute expirer le deacutelai pour les exercer raquo

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pendant1 Crsquoest ainsi qursquoil est impossible de reacuteviser une deacutecision susceptible drsquoappel ou de

pourvoi en cassation ou celle objet drsquoun pourvoi en cassation en cours drsquoexamen La

proceacutedure de reacutevision qui autorise la remise en cause drsquoune deacutecision deacutefinitive deacuteroge donc au

principe cardinal de lrsquoimmutabiliteacute des deacutecisions de justice revecirctues de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee2 Monsieur NAJARIAN eacutevoque dans sa thegravese lrsquo laquo incompatibiliteacute raquo3 entre le pourvoi

en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

15 Il en deacutecoule qursquoune deacutecision de justice non deacutefinitive quand bien mecircme mal

ressentie par le justiciable ne peut pas ecirctre qualifieacutee drsquoerreur judiciaire au sens du pourvoi en

reacutevision Madame le Professeur LAZERGES rappelle que laquo la douloureuse affaire dOutreau

nest pas une erreur judiciaire ils ont tous eacuteteacute acquitteacutes par une cour dassises jugeant en appel

Mais il peut y avoir deacutesastre judiciaire seacuteisme judiciaire catastrophe judiciaire fiasco

judiciaire sans erreur judiciaire au sens strict (hellip) raquo4 Elle ajoute qursquo laquo Outreau nest pas une

erreur judiciaire au sens strict mais en est une au sens large qualifiable de drame de la

deacutetention provisoire agrave la franccedilaise en partie imputable aux deacutelais daudiencement y compris

en premiegravere instance raquo5

16 Ensuite lrsquoerreur judiciaire eacuteligible agrave la reacutevision doit obligatoirement correspondre

agrave une erreur de fait tel un laquo un faux teacutemoignage une meacuteprise ou plus simplement un concours

de circonstances malheureuses raquo6 Lerreur de fait qui consiste agrave accorder une veacuteraciteacute agrave des

faits eacuteloigneacutes de la reacutealiteacute ou agrave nier lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements factuels se distingue de lerreur de

droit qui repose sur une mauvaise appreacuteciation de la regravegle de droit par le juge7

17 Pour FAUSTIN-HELIE la justice doit rechercher un eacutequilibre laquo entre deux inteacuterecircts

eacutegalement puissants eacutegalement sacreacutes qui veulent agrave la fois ecirctre proteacutegeacutes linteacuterecirct geacuteneacuteral de

la socieacuteteacute qui veut la juste et prompte reacutepression des deacutelits linteacuterecirct des accuseacutes qui est lui

1 Cass crim 8 avr 1967 Gaz Pal 1967 2 p 40 2 Lrsquoarticle 6 alineacutea 1 du CPP dispose laquo Laction publique pour lapplication de la peine seacuteteint par la mort du preacutevenu la prescription lamnistie labrogation de la loi peacutenale et la chose jugeacutee raquo 3 K NAJARIAN Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel op cit p 14 laquo Il faut encore distinguer entre les voies de recours incompatibles et les voies de recours compatibles avec lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee En effet tant qursquoune proceacutedure drsquoopposition drsquoappel de pourvoi ordinaire en cassation ou de renvoi apregraves cassation est ouverte ou en cours la deacutecision qui est menaceacutee ne peut acqueacuterir lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et quand celle-ci est acquise crsquoest que ces voies de recours sont eacutepuiseacutees Mais agrave lrsquoinverse le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi et le pourvoi en reacutevision peuvent permettre drsquoattaquer une deacutecision judiciaire ayant acquis lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et ainsi cette autoriteacute peut ecirctre acquise alors mecircme que subsiste la possibiliteacute de former lrsquoun ou lrsquoautre de ces pourvois raquo 4 C LAZERGES Reacuteflexions sur lrsquoerreur judiciaire RSC 2006 p 709 5 Ibid p 709 6 H ANGEVIN Les demandes en reacutevision Jurisclasseur Proc Peacuten art 622 ndash 626 Fasc 20 2015 ndeg 2 7 Pour une distinction entre lrsquoerreur de fait et lrsquoerreur de droit V F BUSSY Lrsquoerreur judiciaire D 2005 p 2552 ndeg 7 et s

18

aussi un inteacuterecirct social et qui exige une complegravete garantie des droits de la collectiviteacute et de la

deacutefense raquo1 Toutefois la reacutevision doit porter sur une erreur de fait contenue dans une deacutecision

deacutefinitive de condamnation Crsquoest pourquoi seules les deacutecisions de nature peacutenale rendues par

des juridictions reacutepressives entrent dans le champ de la reacutevision

18 En outre la deacutecision attaqueacutee doit admettre la culpabiliteacute du requeacuterant Lrsquoerreur

judiciaire susceptible drsquoecirctre reacutepareacutee par la reacutevision ne peut que concerner un innocent victime

drsquoune condamnation injuste alors qursquoagrave lrsquoinverse un coupable injustement acquitteacute ou relaxeacute

ne pourra pas se reacuteclamer de cette erreur Contrairement agrave lrsquoAllemagne qui reconnaicirct la

reacutevision tant par rapport aux deacutecisions de condamnations que drsquoacquittements ou de relaxes2

il srsquoagit obligatoirement en France drsquoune erreur in defavorem

19 laquo Mode privileacutegieacute de correction raquo3 de lrsquoerreur judiciaire le pourvoi en reacutevision est

une proceacutedure indispensable En effet il deacutecoule de la relativiteacute de la veacuteriteacute judiciaire que

laquo lerreur judiciaire constitue un pheacutenomegravene banal et quotidien qui ne meacuterite pas que lon sen

offusque Sil est en quecircte de la veacuteriteacute des faits le juge peut en effet seulement preacutetendre sen

approcher et sagissant de lappreacuteciation juridique agrave laquelle il procegravede toute opinion

divergente eacutemise par la juridiction de recours caracteacuterise son erreur comme la veacuteriteacute

judiciaire lerreur preacutesente donc elle-mecircme un caractegravere relatif Loin de se trouver releacutegueacutee

dans les zones inavouables du droit lerreur se situe au cœur du systegraveme judiciaire lune des

finaliteacutes de celui-ci eacutetant de preacutevenir son apparition et agrave deacutefaut de la mettre en eacutevidence afin

den permettre la correction raquo4

20 Axeacutes sur lrsquoerreur judiciaire les arrecircts de reacutevision sont des arrecircts particuliers

2 La particulariteacute des arrecircts de reacutevision

21 Monsieur FOURNIE relegraveve que les arrecircts de reacutevision laquo sont toujours un moment

particulier du temps judiciaire Ils sont loccasion pour tous les membres de linstitution

judiciaire dune vertigineuse mise en abicircme et dune reacuteflexion sur leur rocircle et la maniegravere de

servir Ils sont eacutegalement loccasion privileacutegieacutee dune interrogation toujours anxieuse sur la

1 F HELIE Traiteacute de lrsquoinstruction criminelle ou theacuteorie du Code drsquoinstruction criminelle op cit t 1 p 4 2 V sect 369 StPO pour la reacutevision en faveur du condamneacute sect 362 StPO pour la reacutevision en sa deacutefaveur 3 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur judiciaire JORF du 21 feacutevrier 2014 ndeg2 4 F BUSSY op cit ndeg3

19

question de lerreur judiciaire raquo1 Aussi pour bien comprendre la particulariteacute de ces arrecircts

convient-il de distinguer la reacutevision drsquoautres proceacutedures

22 Tout drsquoabord le caractegravere extraordinaire de la reacutevision2 a pour conseacutequence de

distinguer cette proceacutedure des voies de recours ordinaires comme lrsquoappel dont lrsquoexercice

deacutebouche sur un nouvel examen du fond de lrsquoaffaire3 Ensuite parmi les autres voies de

recours extraordinaires le pourvoi en reacutevision exprime aussi sa diffeacuterence Drsquoun point de vue

mateacuteriel il se distingue du recours en reacutevision propre agrave la matiegravere civile qui reacutegi par les

articles 593 agrave 603 du Code de proceacutedure civile4 autorise la contestation drsquoun jugement civil

deacutefinitif Cette voie de recours favorable agrave la reacutetractation drsquoune deacutecision deacutefinitive vicieacutee

dune erreur de fait est irrecevable devant les tribunaux reacutepressifs alors mecircme qursquoils

statueraient sur les inteacuterecircts civils5 Il est eacutegalement diffeacuterent du pourvoi en cassation (pourvoi

de droit commun6 ou pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi7) dont lrsquoobjet consiste agrave corriger une

erreur de droit8 preacuteciseacutement une erreur dans lrsquoapplication ou lrsquointerpreacutetation de la loi Enfin

il est utile de le distinguer du reacuteexamen conseacutecutif au prononceacute drsquoun arrecirct de la Cour

europeacuteenne des droits de lrsquohomme qui poursuit le but de rectifier les violations des

dispositions de la CEDH que recegravele la deacutecision attaqueacutee9 Ces proceacutedures ne concernent pas

lrsquoerreur judiciaire au sens ougrave nous lrsquoavons deacutefinie ci-dessus

23 Notre eacutetude se limitera agrave la reacutevision en matiegravere peacutenale au niveau du droit interne

excluant de fait la reacutevision des arrecircts de la CEDH preacutevue agrave lrsquoarticle 80 du regraveglement de la

Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme10 Elle srsquointeacuteressera exclusivement au pourvoi en

1 F FOURNIE laquo Aime la veacuteriteacute mais pardonne agrave lerreur raquo Libres propos relatifs agrave la reacutevision des condamnations peacutenales AJ peacutenal 2011 p 326 2 C RIBEYRE Comment mieux corriger lrsquoerreur judiciaire Dr peacutenal 2014 eacutetude 17 3 R MERLE et A VITU Traiteacute de droit criminel Proceacutedure peacutenale op cit ndeg 877 p 1031 4 Article 593 du Code de proceacutedure civile laquo Le recours en reacutevision tend agrave faire reacutetracter un jugement passeacute en force de chose jugeacutee pour quil soit agrave nouveau statueacute en fait et en droit raquo 5 Cass crim 19 janvier 1982 ndeg 80-94321 Bull crim ndeg18 6 Articles 567 et s CPP 7 Pour le pourvoi du procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation V article 621 CPP pour le pourvoi du procureur geacuteneacuteral pregraves la cour drsquoappel V article 597 CPP pour le pourvoi sur ordre du Garde des sceaux V article 620 CPP 8 J BORE et L BOREacute La cassation en matiegravere peacutenale Dalloz action 2012-2013 ndeg 60 et s 9 Article 626-1 CPP laquo Le reacuteexamen dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacute au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dune infraction lorsquil reacutesulte dun arrecirct rendu par la Cour europeacuteenne des droits de lhomme que la condamnation a eacuteteacute prononceacutee en violation des dispositions de la convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales ou de ses protocoles additionnels degraves lors que par sa nature et sa graviteacute la violation constateacutee entraicircne pour le condamneacute des conseacutequences dommageables auxquelles la satisfaction eacutequitable alloueacutee sur le fondement de larticle 41 de la convention ne pourrait mettre un terme raquo 10 Article 80 alineacutea 1 du regraveglement de la Cour laquo En cas de deacutecouverte drsquoun fait qui par sa nature aurait pu exercer une influence deacutecisive sur lrsquoissue drsquoune affaire deacutejagrave trancheacutee et qui agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoarrecirct eacutetait inconnu

20

reacutevision de droit commun en eacutecartant le pourvoi speacutecial initieacute par la Socieacuteteacute des gens de

lettres aujourdrsquohui devenu pratiquement sans objet En effet laquo lrsquoinfraction drsquooutrage aux

bonnes mœurs ayant eacuteteacute supprimeacutee depuis le 1er mars 1994 et le recours ne pouvant ecirctre

exerceacute que dans un deacutelai de vingt anneacutees cette proceacutedure est voueacutee agrave srsquoeacuteteindre tregraves

prochainement raquo1 Neacutee de la loi ndeg 46-2064 du 25 septembre 19462 cette proceacutedure autorise

la reacutevision de certaines deacutecisions de justice prononceacutees agrave la suite drsquoun outrage aux bonnes

mœurs par voie du livre Elle a permis drsquoeffacer la disgracircce de certains eacutecrivains qui devenus

ceacutelegravebres avaient eacuteteacute condamneacutes pour outrage aux bonnes mœurs On se souviendra de la

reacutevision du jugement du Tribunal correctionnel de la Seine du 27 aoucirct 1857 qui avait

condamneacute Charles Baudelaire pour deacutelit drsquooutrage agrave la morale publique et aux bonnes mœurs

du fait de la publication du recueil laquo Les fleurs du mal raquo3

24 Srsquoagissant des arrecircts de reacutevision qui nous inteacuteressent lrsquoorigine de leur particulariteacute

est agrave rechercher dans deux explications

25 La premiegravere est inheacuterente agrave la speacutecificiteacute juridique du pourvoi en reacutevision

Srsquoagissant drsquoune voie de recours extraordinaire dirigeacutee contre une deacutecision revecirctue de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee son exercice reste suspendu agrave des cas drsquoouverture preacutevus par la

loi4 Ces cas drsquoouverture ont le devoir impeacuterieux de faire coexister sereinement laquo ce noble

sentiment qui germe et grandit dans nos cœurs et que lrsquoon nomme justice raquo 5 avec laquo cette

convention sociale qui nrsquoest autre que la justice eacutecrite et que lrsquoon nomme la loi raquo6 Aussi en

matiegravere de reacutevision le leacutegislateur et les juges sont-ils de vrais eacutequilibristes chargeacutes de

garantir drsquoun cocircteacute la seacutecuriteacute juridique lieacutee agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et de lrsquoautre cocircteacute

lrsquoimpeacuterieuse neacutecessiteacute de reconnaicirctre et de reacuteparer les erreurs judiciaires

de la Cour et ne pouvait raisonnablement ecirctre connu drsquoune partie cette derniegravere peut dans le deacutelai de six mois agrave partir du moment ougrave elle a eu connaissance du fait deacutecouvert saisir la Cour drsquoune demande en reacutevision de lrsquoarrecirct dont il srsquoagit raquo 1 Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 en conclusion des travaux drsquoune mission drsquoinformation sur la reacutevision des condamnations peacutenales A TOURRET et G FENECH Disponible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rap-infoi1598asp p 15 2 Loi ndeg 46-2064 du 25 septembre 1946 ouvrant un recours en reacutevision contre les condamnations prononceacutees pour outrages aux bonnes mœurs commis par la voie du livre 3 Cass crim 31 mai 1949 Gaz Pal 1949 II p 121 J HAMELIN La reacutehabilitation judiciaire de Baudelaire D 1949 chron p 187 4 P GERBAY et N GERBAY Entretien Cibler les questions sans neacutegliger les deacutebats doctrinaux Proceacutedures 2012 ndeg 1 laquo La voie de recours ordinaire est ouverte sauf disposition contraire de la loi alors que la voie de recours extraordinaire nrsquoest recevable que dans les cas speacutecifieacutes par la loi Sur cette distinction V E JEULAND Droit processuel op cit p 406 ndeg 477 et s 5 Juge TOLLY Discours agrave lrsquoaudience du Tribunal de Troyes du 4111846 citeacute par E DE VALICOURT op cit p 17 6 Ibid

21

26 La seconde explication de la particulariteacute des arrecircts de reacutevision reacuteside dans leur

faiblesse en nombre Sur les 150 requecirctes en reacutevision deacuteposeacutees chaque anneacutee1 seules de rares

condamnations sont annuleacutees Contrairement au foisonnement du nombre des arrecircts de

cassation rendus la reacutevision en matiegravere criminelle srsquoest soldeacutee depuis 1945 par seulement

onze deacutecisions positives Il srsquoagit des reacutevisions des procegraves de Jean DESHAYS Jean Marie

DEVAUX Roland AGRET Guy MAUVILLAIN Rida DAALOUCHE2 Patrick DILS3

Guilherme VENTURA4 Marc MACHIN5 Loiumlc SECHER6 Abdelkader AZZIMANI et

Abderrahim EL-JABRI7 et enfin Christian IANOCO8 Cette liste pourrait srsquoaccroicirctre si la

requecircte de Monsieur Raphaeumll MAILLANT actuellement pendante devant la Cour de reacutevision

et de reacuteexamen venait agrave ecirctre accepteacutee9

27 Les noms des onze personnes innocenteacutees tardivement font naicirctre un sentiment

diffus Il se partage entre drsquoun cocircteacute la fierteacute drsquoune justice finalement victorieuse et de lrsquoautre

cocircteacute une gecircne lieacutee agrave la difficulteacute du parcours judiciaire parfois assimileacute agrave un veacuteritable chemin

de croix Lrsquoeacutevocation de cette chronique judiciaire peut aussi nourrir un certain malaise par

rapport aux deacutecisions de rejet intervenues dans le cadre de certaines affaires On se souviendra

des cas DOMINICI10 SEZNEC11 MIS et THIENNOT12 TURQUIN13 RADDAD14 ou

encore LEPRINCE15

1 Cour de cassation Rapport annuel drsquoactiviteacute Paris 2012 Bilan de lrsquoactiviteacute de la commission de reacutevision des condamnations peacutenales accessible sur httpswwwcourdecassationfrpublications_26rapport_annuel_36rapport_2012_4571 2 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 14 octobre 1998 ndeg 96-85082 3 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 3 avril 2001 ndeg 99-84584 4 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 24 mai 2006 ndeg 05-86081 5 Deacutecision de la Cour de reacutevision 13 avril 2010 ndeg 09-84531 6 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 13 avril 2010 ndeg 10-80196 7 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 15 mai 2013 ndeg 12-84818 8 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 18 feacutevrier 2014 ndeg 13-85286 C FONTEIX laquo Recours en reacutevision annulation conseacutecutive agrave la reacutetractation de la victime raquo obs sous cass crim 18 feacutevrier 2014 Dalloz actualiteacutes 04 mars 2014 9 E BASTIE La Cour de reacutevision examine la requecircte de Raphaeumll Maillant Le figaro 18 juin 2015 10 Sur cette affaire V C CORNEVIN 60 ans apregraves lrsquoaffaire DOMINICI reste un mystegravere Le Figaro 03 aout 2012 J GIONO Notes sur lrsquoaffaire Dominici suivies de Essai sur le caractegravere des personnages Gallimard 1955 p 154 11 Sur cette affaire V D LANGLOIS Pour en finir avec lrsquoaffaire SEZNEC Ed de la diffeacuterence 2015 12 Sur cette affaire V L BOIZEAU Ils sont innocents Lrsquoaffaire Mis et Thiennot Ed La Bouinotte 1993 E ALLAIN Les vielles affaires op cit p 165 13 Sur cette affaire V M WEITZMANN Mariage mixte Le livre de poche 2000 14 Sur cette affaire V C DELOIRE et R-M MOREAU Omar Raddad Contre-enquecircte pour la reacutevision drsquoun procegraves manipuleacute Ed R Castells 1998 15 Sur cette affaire V F JOHANNES Le couteau jaune lrsquoaffaire Dany Leprince Calmann-Leacutevy 2012

22

28 Toutefois il ne srsquoagit pas de rendre la proceacutedure de reacutevision responsable de tous

les maux dont souffre la justice peacutenale1 Destineacutee agrave aneacuteantir une deacutecision entacheacutee drsquoune

erreur la reacutevision doit ecirctre clairement distingueacutee drsquoautres proceacutedeacutes juridiques qui conduisent

au pardon ou agrave lrsquooubli

B Une conseacutequence singuliegravere la destruction drsquoune deacutecision

deacutefinitive entacheacutee drsquoune erreur

29 La reacuteussite drsquoun pourvoi en reacutevision a pour conseacutequence de deacutetruire une deacutecision

deacutefinitive entacheacutee drsquoune erreur2 Lrsquointensiteacute de cette ambition deacutepasse largement celle du

pardon ou de lrsquooubli Au regard de leur deacutefinition respective il est aveacutereacute que la reacutevision les

surpasse largement (1) Aussi faudra-t-il bien seacuteparer la reacutevision drsquoautres institutions

srsquoinspirant elles du pardon ou de lrsquooubli (2)

1 Le surpassement par la reacutevision du pardon et de lrsquooubli

30 Pour ce qui est de lrsquooubli il est deacutefini par le petit Robert comme une laquo deacutefaillance

de la meacutemoire portant soit sur des connaissances ou aptitudes acquises soit speacutecialement sur

des souvenirs raquo ou encore comme un laquo eacutetat caracteacuteriseacute par lrsquoabsence ou la disparition de

souvenirs dans la meacutemoire individuelle ou collective3 raquo Dans sa thegravese Madame

HARDOUIN-LE GOFF explique que si en principe le droit peacutenal conserve la meacutemoire des

choses il ne lui est pas pour autant interdit drsquooublier En effet le droit peacutenal est un droit

fortement curieux du passeacute des individus Le casier judiciaire qui reacutepertorie les anteacuteceacutedents

judiciaires le principe de la personnalisation des peines ou encore lrsquoaggravation de la peine en

cas de reacutecidive sont les teacutemoins de cette meacutemoire judiciaire4 Cependant lrsquoauteure deacutemontre

que les sciences criminelles srsquoinscrivant dans une laquo ineacuteluctable dialectique de la meacutemoire et

de lrsquooubli raquo5 doivent parfois savoir oublier

1 Sur cette question V M DELMAS-MARTY Les chemins de la reacutepression Lectures du Code peacutenal Droit drsquoaujourdrsquohui PUF 1980 A PEYREFITTE Les chevaux du lac Ladoga PLON 1981 R GASSIN La crise des politiques criminelles occidentales in Problegravemes actuels de science criminelle 1985 PUAM p 25 2 C HARDOUIN-LE GOFF Lrsquooubli de lrsquoinfraction LGDJ Coll Bibliothegraveque des sciences criminelles 2008 ndeg 1005 p 480 3 Petit Robert 1 Dictionnaire alphabeacutetique et analogique de la langue franccedilaise op cit V Oubli 4 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p13 ndeg 22 5 Ibid

23

31 Srsquoagissant du pardon le petit Robert fournit la deacutefinition suivante laquo tenir une

offense pour non avenue ne pas en garder de ressentiment renoncer agrave en tirer vengeance raquo1

Pour ce qui est de la passerelle jeteacutee entre les sciences criminelles et le pardon SALEILLES

remarquait que laquo partout ougrave existe une autoriteacute disciplinaire que ce soit dans la famille au

profit du pegravere ou dans les administrations au profit des supeacuterieurs hieacuterarchiques la premiegravere

loi de la bonne discipline si lrsquoon veut en effet faire de la bonne discipline crsquoest presque

toujours agrave moins de cas absolument graves le pardon pour la premiegravere faute raquo2 Quant agrave

Madame HARDOUIN-LE GOFF elle explique que le pardon se manifeste agrave diffeacuterents

niveaux de la reacutepression selon une eacutechelle de geacuteneacuterositeacute fluctuante En effet une application

purement meacutecanique du droit peacutenal serait de nature agrave remettre en cause lrsquoideacutee selon laquelle

laquo celui qui a subi sa peine ne doit pas ecirctre consideacutereacute comme deacutechu de son humaniteacute mais au

contraire appeleacute agrave la retrouver raquo3

32 En deacutepit de ces deacutefinitions distinctes lrsquoexpression laquo pardonner agrave quelqursquoun raquo

signifie aussi drsquoapregraves le dictionnaire laquo oublier ses fautes ses torts absoudre raquo Aussi

Madame HARDOUIN-LE GOFF deacuteclare-t-elle que le langage courant entretient une

confusion4 Toutefois la diffeacuterence entre le pardon et lrsquooubli est bien reacuteelle En effet il faut

preacutealablement au pardon drsquoune faute pouvoir srsquoen souvenir pour que celle-ci puisse ecirctre

reacuteellement pardonneacutee5 Crsquoest ainsi que la finaliteacute du pardon ne rejoint pas celle de lrsquooubli

Madame HARDOUIN-LE GOFF deacutemontre que laquo lrsquooubli est sans doute une deacutemarche des

plus eacutegoiumlstes servant la socieacuteteacute ou celui qui oublie et qui souhaite ainsi ne plus encombrer sa

meacutemoire de souvenirs gecircnants et inconfortables Oublier pour pouvoir vivre et reconstruire

penser creacuteer et eacuteviter la prison des mauvais souvenirshellip Le pardon en revanche est une

deacutemarche altruiste charitable un effort fait dans lrsquointeacuterecirct de celui agrave qui lrsquoon pardonne une

proposition de deacutelivrance drsquoune culpabiliteacute eacutecrasante et de reacutetablissement de lrsquoindividu

pardonneacute dans lrsquoestime de lui-mecircme ainsi que dans lrsquoestime publique Indeacuteniablement le

pardon a une signification morale que lrsquooubli nrsquoa pas raquo6

33 Il en deacutecoule que lrsquooubli et le pardon sont des reacutefeacuterences ignoreacutees par la reacutevision

En effet dans leur diverses manifestations en droit peacutenal le pardon et lrsquooubli reposent sur des

1 Petit Robert 1 Dictionnaire alphabeacutetique et analogique de la langue franccedilaise op cit V Pardon 2 R SALEILLES Lrsquoindividualisation de la peine eacuted Alcan 3eme eacuted 1927 p 196 3 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 20 ndeg 29 4 Ibid p 16 ndeg 25 5 A ABECASSIS Lrsquoacte de meacutemoire in Le pardon Briser la dette et lrsquooubli Revue Autrement Seacuteries morales avril 1991 ndeg 4 p 140 citeacute par C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 18 note ndeg 85 6 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 19

24

situations de fait ou de droit dont lrsquoexistence nrsquoest pas contesteacutee A lrsquoinverse la reacutevision drsquoune

condamnation deacutefinitive aneacuteantit une situation judiciaire passeacutee qui srsquoinspirait drsquoeacuteleacutements

factuels inexistants Les agissements injustement reprocheacutes agrave la personne innocenteacutee ne

peuvent donc donner lieu agrave un pardon ou agrave un oubli

34 Crsquoest pourquoi la reacutevision se distingue drsquoautres institutions qui se fondent sur le

pardon ou lrsquooubli

2 Distinction de la reacutevision des institutions fondeacutees sur le pardon et lrsquooubli

35 Le pardon des fautes dont toutes les manifestations ne seront pas eacutenumeacutereacutees1 ne

doit pas se confondre avec la reacutevision dont lrsquoaction a pour conseacutequence lrsquoaneacuteantissement

drsquoune deacutecision entacheacutee drsquoune erreur

36 Il en est ainsi de la dispense de peine2 ou laquo absolution judiciaire3 raquo issue de la loi

du 11 juillet 19754 qui autorise le juge agrave appreacutecier souverainement en matiegravere

contraventionnelle et correctionnelle lrsquoopportuniteacute drsquoaccorder une dispense de peine agrave lrsquoauteur

de lrsquoinfraction Le beacuteneacuteficiaire de cette impuniteacute dit le dispenseacute se voit accorder une

seconde chance lorsqursquoil offre des conditions de reclassement satisfaisantes La dispense de

peine a eacuteteacute gratifieacutee de la qualification de laquo modaliteacute la plus acheveacutee du pardon judiciaire raquo5

Dans ce mecircme esprit le relegravevement preacutevu aux articles 132-21 alineacutea 2 du Code peacutenal6 et 702-

1 du Code de proceacutedure peacutenale7 est consideacutereacute comme un signe de pardon libeacuterateur de la

sanction de nature agrave effacer certaines conseacutequences des condamnations peacutenales8 Enfin la

1 Ibid ndeg 1009 et s 2 J PRADEL Le recul de la courte peine demprisonnement avec la loi ndeg 75-624 du 11 juillet 1975 D 1976 chron 63 J ROBERT Les lois du 11 juillet et du 6 aoucirct en matiegravere peacutenale JCP 1975 I p 2729 A DECOCQ Les modifications apporteacutees par la loi du 11 juillet 1975 agrave la theacuteorie geacuteneacuterale du droit peacutenal RSC 1976 p 5 M GIACOPELLI reacuteforme du droit de lrsquoapplication des peines (dispositions de la loi ndeg 2004-204 du 9 mars 2004 relatives agrave lrsquoexeacutecution des peines privatives de liberteacute) D 2004 p 2595 3 G LEVASSEUR laquo Lrsquoabsolution en droit peacutenal raquo in Liber amicorum Herman Bekaert Gand Snoek-Ducaju 1977 p 209 4 Loi ndeg 75-624 du 11 juillet 1975 modifiant et compleacutetant certaines dispositions de droit peacutenal 5 B VAREILLE Le pardon du juge reacutepressif RSC 1988 p 676 6 laquo Toute personne frappeacutee dune interdiction deacutecheacuteance ou incapaciteacute quelconque qui reacutesulte de plein droit en

application de dispositions particuliegraveres dune condamnation peacutenale peut par le jugement de condamnation ou par jugement ulteacuterieur ecirctre releveacutee en tout ou partie y compris en ce qui concerne la dureacutee de cette interdiction deacutecheacuteance ou incapaciteacute dans les conditions fixeacutees par le code de proceacutedure peacutenale raquo 7 laquo Toute personne frappeacutee dune interdiction deacutecheacuteance ou incapaciteacute ou dune mesure de publication quelconque reacutesultant de plein droit dune condamnation peacutenale ou prononceacutee dans le jugement de condamnation agrave titre de peine compleacutementaire peut demander agrave la juridiction qui a prononceacute la condamnation ou en cas de pluraliteacute de condamnations agrave la derniegravere juridiction qui a statueacute de la relever en tout ou partie y compris en ce qui concerne la dureacutee de cette interdiction deacutecheacuteance ou incapaciteacute raquo 8 B VAREILLE op cit p 676

25

reacutevision est totalement eacutetrangegravere agrave la gracircce laquo vestige drsquoun droit reacutegalien raquo1 qualifieacutee de

pardon par BECCARIA2 Il srsquoagit drsquoune mesure de cleacutemence accordeacutee par le Preacutesident de la

Reacutepublique qui inscrite agrave lrsquoarticle 17 de la Constitution3 entraine pour le condamneacute la

dispense drsquoexeacutecuter en tout ou en partie la peine deacutefinitivement prononceacutee agrave son encontre4

Cette mesure peut aussi se traduire la commutation de celle-ci en une peine plus douce5 Ces

efforts de pardon qursquoils eacutemanent du leacutegislateur du juge ou du Preacutesident de la Reacutepublique ne

libegraverent pas le justiciable de sa condamnation A lrsquoinverse la reacutevision implique une annulation

de la condamnation

37 Toutefois drsquoautres formes de pardon apparaissent plus difficiles agrave distinguer de la

reacutevision car elles nrsquoeffacent que pour lrsquoavenir les condamnations concerneacutees Ces mesures

sont qualifieacutees par Madame HARDOUIN-LE GOFF de laquo pardons oublieux6 raquo Lrsquoauteure

srsquoen explique en preacutecisant que laquo (hellip) lrsquooubli nrsquoest ici qursquoun prolongement de la mesure de

pardon tout au plus un oubli de conseacutequence et non un oubli qui vient fonder agrave la source ces

institutions raquo7

38 Crsquoest ainsi que la reacutehabilitation entraine lrsquoeffacement drsquoune condamnation inscrite

au bulletin numeacutero 2 3 voire 1 du casier judiciaire Ce pardon peut avoir lieu au greacute du temps

passeacute ou faire suite agrave une deacutecision juridictionnelle ayant constateacute la reacuteinsertion et

lrsquoamendement de linteacuteresseacute8 La jurisprudence deacutefinit la reacutehabilitation comme laquo une mesure

de bienveillance institueacutee par la loi en faveur des individus qui se sont rendus dignes drsquoecirctre

replaceacutes dans lrsquointeacutegraliteacute de leur eacutetat ancien raquo9 Aussi conviendra-t-il de diffeacuterencier cette

proceacutedure de la reacutevision qui deacutebouche sur lrsquoaneacuteantissement reacutetroactif dune condamnation

injuste alors que la reacutehabilitation consiste agrave effacer une condamnation dont le principe nrsquoest

pas contesteacute Lrsquoambition de la reacutehabilitation nrsquoest pas de modifier le passeacute mais plutocirct de

laquo servir lrsquoavenir drsquoun deacutelinquant qui a racheteacute ses fautes raquo10

1 Expression emprunteacutee agrave Madame HARDOUIN-LE GOFF 2 C BECCARIA Des deacutelits et des peines trad M Chevalier preacuteface R Badinter Paris reacuteimpression Flammarion 2006 p 177-178 3 Article 17 de la Constitution du 4 octobre 1958 laquo Le Preacutesident de la Reacutepublique a le droit de faire gracircce agrave titre individuel raquo 4 Article 133-7 CP laquo La gracircce emporte seulement dispense dexeacutecuter la peine raquo 5 M-H RENAUT Reacutep Peacuten Dalloz 2013 ndeg 1 V laquo Gracircce raquo 6 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 26 7 Ibid 8 M HERZOG EVANS Reacutep Peacuten Dalloz 2010 ndeg 1 V laquo Reacutehabilitation raquo 9 Cass crim 12 feacutevrier 1963 Bull crim ndeg 72 10 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 32

26

39 Il est aussi important de bien seacuteparer la reacutevision de lrsquoamnistie Srsquoagissant de cette

derniegravere la position de la doctrine oscille entre le pardon et lrsquooubli laquo Pardon peacutenal par

excellence raquo pour Monsieur le Professeur JEANDIDIER1 laquo antithegravese du pardon raquo pour

DECOCQ2 laquo amneacutesie institutionnelle raquo pour Paul RICOEUR3 ou encore laquo processus drsquooubli

volontaire4 raquo pour Monsieur le Professeur PY Lrsquoeacutetymologie duale du terme est agrave cet eacutegard

eacuteclairante5 Crsquoest pourquoi Monsieur le Professeur PY distingue laquo lrsquoamnistie preacutesidentielle raquo

qualifieacutee de laquo gestion par lrsquooubli raquo de laquo lrsquoamnistie eacutevegravenementielle raquo qui exprime un

laquo apaisement par le pardon raquo6

40 Pour Madame HARDOUIN-LE GOFF la perte de souvenir lieacutee agrave lrsquoamnistie

permet de consideacuterer que cette institution poursuit un but drsquooubli Toutefois la reacuteponse ne

saurait ecirctre trancheacutee7 en raison laquo des eacutevolutions conseacutequentes qursquoa connues lrsquoamnistie au

point drsquoailleurs que certains eacutevoquent sa deacuterive et qursquoil faille en outre deacutesormais parler des

amnisties raquo8

41 Lrsquoamnistie se diffeacuterencie de la reacutevision dans le sens ougrave lrsquooubli nrsquoest pas un gage de

remise en cause de la veacuteriteacute judiciaire9 Lrsquooubli peut drsquoailleurs parfois constituer une gecircne

pour son beacuteneacuteficiaire dont la culpabiliteacute reste entiegravere Crsquoest pourquoi lorsque lrsquoamnistieacute

srsquoestime innocent il est de son inteacuterecirct drsquoactiver la survivance de lrsquoinfraction oublieacutee afin de

solliciter une annulation de sa condamnation par le biais drsquoune demande de reacutevision Depuis

1921 le leacutegislateur considegravere que laquo lamnistie ne peut en aucun cas mettre obstacle agrave laction

en reacutevision devant toute juridiction compeacutetente en vue de faire eacutetablir linnocence du

condamneacute10 raquo Par le passeacute la jurisprudence a manifesteacute son hostiliteacute au motif que lrsquoamnistie

en reacuteputant non avenue la condamnation avait pour conseacutequence de vider le pourvoi en

1 W JEANDIDIER Droit peacutenal geacuteneacuteral Montchrestien 2eme eacuted 1991 p 299 ndeg 274 2 A DECOCQ Droit peacutenal geacuteneacuteral A Colin coll U 1971 p 361 3 P RICOEUR laquo Sanction reacutehabilitation pardon raquo in Le juste op cit p 205 4 B PY Reacutep Peacuten Dalloz 2012 ndeg 2 V laquo Amnistie raquo 5 Ibid 6 BPY Amnistie le choix dans les dates Dr peacutenal 2002 chron ndeg 12 7 Ibid laquo Force de loubli volontaire ou instrument du pardon de la nation lamnistie est le plus radical et le plus efficace des moyens dont dispose le leacutegislateur lorsquil souhaite arrecircter le bras armeacute de la reacutepression pour entrer en voie de mansueacutetude raquo 8 C HARDOUIN-LE GOFF op cit p 33 ndeg 43 9 En ce sens V J-F SEUVIC Loi du 6 aoucirct 2002 portant amnistie RSC 2002 p 847 laquo Apregraves chaque eacutelection preacutesidentielle lamnistie reste une tradition pourtant de plus en plus contesteacutee (laquo amnistie mortelle raquo en raison de lindiscipline routiegravere quelle suscite dans les mois qui la preacutecegravedent laquo amnistie sisyphienne raquo qui vide des prisons pour permettre de les remplir dans les mois qui suivent laquo amnistie politicienne raquo qui par reacutedaction laquo sur mesure raquo eacutetoufferait discregravetement des affaires gecircnantes) raquo 10 Loi ndeg 66-396 du 17 juin 1966 portant amnistie dinfractions contre la sucircreteacute de lEtat ou commises en relation avec les eacuteveacutenements dAlgeacuterie

27

reacutevision de son sens1 FAUSTIN-HELIE partageait cette position laquo en effet le deacutelit degraves

qursquoil est amnistieacute nrsquoexiste plus il ne peut donc devenir lrsquoobjet drsquoaucune poursuite Sans

doute il y a quelque chose drsquoinjuste agrave ravir agrave un preacutevenu qui se croit innocent le droit de faire

proclamer cette innocence Mais lrsquoamnistie est un acte politique elle nrsquoapparaicirct que lorsque

de graves complications sociales la reacuteclament et les inteacuterecircts priveacutes doivent fleacutechir devant cet

inteacuterecirct plus grave Que deviendrait lrsquoeffet de cette mesure srsquoil eacutetait loisible agrave chacun des

amnistieacutes drsquoen marchander le bienfait de remuer les faits qursquoelle a voulu eacutetouffer drsquoagiter les

questions qursquoelle a voulu eacuteteindre raquo2

42 La reconnaissance drsquoune possibiliteacute de reacutevision faisant suite agrave une amnistie

laquo ressuscite raquo3 opportuneacutement lrsquoinfraction tombeacutee dans lrsquooubli Madame HARDOUIN-LE

GOFF apporte dans sa thegravese son soutien agrave cette solution Elle explique que lrsquoamnistie qui

ne constitue pas une proclamation drsquoinnocence peut se transformer en un aiguillon de

preacutesomption de culpabiliteacute Lrsquooubli accordeacute par lrsquoamnistie nrsquoa pas pour effet drsquoentrainer le

pardon ou lrsquoexcuse En principe cette mesure nrsquoa pas pour conseacutequence de reacutetablir

automatiquement lrsquoamnistieacute dans ses droits (avantages honorifiques administratifs ou

professionnels comme la reacuteinteacutegration dans lrsquoordre de la Leacutegion drsquohonneur ou dans les

fonctions ou emplois publics) Dans lrsquohypothegravese ougrave celui-ci solliciterait la reacutevision de son

procegraves il se retrouvera en cas de succegraves replaceacute dans sa situation passeacutee Il pourra donc

reacuteclamer la restitution des amendes et des frais de justice ainsi que la publication du jugement

drsquoannulation de la condamnation et le versement de dommages-inteacuterecircts Crsquoest pourquoi il est

leacutegitime de faire droit agrave la demande de reacutevision qui pour lrsquoamnistieacute ouvre la perspective drsquoun

passage de lrsquooubli vers la veacuteriteacute4

43 Cela nous renforce dans la conviction que lrsquooubli et a fortiori le pardon ne

pourront jamais remplacer le rocircle de purification du pourvoi en reacutevision seul garant de la

proclamation de lrsquoinnocence en aneacuteantissant la deacutecision entacheacutee drsquoerreur Toutefois

lrsquoeacutevolution historique de la reacutevision en matiegravere peacutenale montre que le leacutegislateur et les juges

ont toujours fait preuve de beaucoup de prudence agrave lrsquoeacutegard de cette proceacutedure exceptionnelle

1 V cass crim 10 juin 1831 S 1831 1 p 412 cass crim 6 deacutecembre 1919 Dr peacutenal 1920 1 p 23 2 F HELIE Traiteacute de lrsquoinstruction criminelle ou theacuteorie du Code drsquoinstruction criminelle op cit Tome 2 p 722 ndeg 1091 3 Expression emprunteacutee agrave C HARDOUIN LE GOFF 4 C HARDOUIN-LE GOFF op cit ndeg 1007

28

sect2 Lrsquoeacutevolution historique de la reacutevision en matiegravere peacutenale

44 Lrsquoanalyse du droit positif de la reacutevision ne peut srsquoeffectuer qursquoune fois retraceacutee

lrsquoeacutevolution historique de cette proceacutedure exceptionnelle et singuliegravere Cette approche1 qui

nrsquoa pas la preacutetention de se livrer agrave une eacutetude exhaustive de lrsquoeacutevolution de la reacutevision2 permet

de mieux cerner les changements drsquoattitude du leacutegislateur au fil du temps3 Cet examen aura

toute son utiliteacute pour deacutemontrer que la reacutevision reacutecemment reacuteformeacutee est toujours placeacutee sous

lrsquoinfluence de son passeacute Ainsi apregraves le rappel des origines historiques de la proceacutedure de

reacutevision (A) notre regard se portera sur la peacuteriode charniegravere de son eacutedification allant de 1789

agrave 1989 (B)

A Les origines historiques de la reacutevision

45 La recherche des origines de la proceacutedure de reacutevision conduit agrave srsquointeacuteresser au

droit romain berceau de notre droit4 Madame DE VALICOURT souligne que le droit romain

ne faisait pas de distinction entre lrsquoappel et la reacutevision et en conclue que ce recours

exceptionnel nrsquoapparaissait pas explicitement5 (pas plus drsquoailleurs qursquoil ne le faisait du temps

des barbares ougrave le jugement de Dieu eacutecartait toute voie de recours6) Bien que les trois

proceacutedures romaines de la laquo provocatio ad populum raquo7 laquo lrsquointercessio raquo8 et la laquo restitutio in

1 HEGEL Leccedilons sur la philosophie de lrsquohistoire cours de 1822 La pochothegraveque Le livre de poche p 111 laquo On dit aux gouvernants aux hommes dEtat aux peuples de sinstruire principalement par lexpeacuterience de lhistoire Mais ce quenseignent lexpeacuterience et lhistoire cest que peuples et gouvernements nont jamais rien appris de lhistoire et nont jamais agi suivant des maximes quon en aurait pu retirer Chaque eacutepoque chaque peuple se trouve dans des conditions si particuliegraveres constitue une situation si individuelle que dans cette situation on ne peut et on ne doit deacutecider que par elle Dans ce tumulte des eacuteveacutenements du monde une maxime geacuteneacuterale ne sert pas plus que le souvenir de situations analogues qui ont pu se produire dans le passeacute car une chose comme un pacircle souvenir est sans force dans la tempecircte qui souffle sur le preacutesent il na aucun pouvoir sur le monde libre et vivant de lactualiteacute [] Seule lintuition approfondie libre compreacutehensive des situations [] peut donner aux reacuteflexions de la veacuteriteacute et de linteacuterecirct raquo 2 Pour une eacutetude historique V ROUX Droit peacutenal et proceacutedure peacutenale Sirey 1920 p 773 et s 3 Pour Madame GUILLEMAIN laquo parce quelle est subordonneacutee agrave des regravegles intangibles la reacutevision peacutenale ne se precircte guegravere agrave une eacutevolution denvergure raquo Nous ne le pensons pas V C GUILLEMAIN Reacutevision et criminaliteacute deacutependante ndash la porteacutee des deacutecisions de justice inconciliables JCP G 2001 I ndeg6 p 295 speacutec ndeg2 4 M HUMBERT La peine en droit romain Rec Soc Jean Bodin LV 1989 p 135 M DELMAS-MARTY Les grands systegravemes de politique criminelle 1992 PUF p 45 et 5 E DE VALICOURT op cit p 125 en sens inverse V C GUILLEMAIN op cit speacutec ndeg1 6 J GAUDEMET Eglise et citeacute histoire du droit canonique Montchrestien 1994 p 322 7 A MAGDELAIN Publications de lrsquoeacutecole franccedilaise de Rome Jus imperium auctoritas Etudes de droit romain 1990 p 567 M HUMBERT Le tribunat de la Plegravebe et le tribunal du peuple remarques sur lrsquohistoire de la provocatio ad populum in Meacutelanges de lrsquoeacutecole franccedilaise de Rome-Antiquiteacute 1998 Volume 100 ndeg 100-1 p 431 8 G HUGO Histoire du droit romain Trad de lrsquoallemand par Jourdan Bruxelles Socieacuteteacute belge de libraire 1940 p 119

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integrum raquo1 aient eu pour objectif de faire triompher une innocence meacuteconnue lrsquoideacutee de

reacutevision dans son sens actuel nrsquoapparaissait pas car la deacutemonstration drsquoune erreur nrsquoeacutetait pas

requise

46 La laquo provocatio ad populum raquo qui se rapprochait de lrsquoideacutee de pardon accordeacute par

le peuple en signe drsquoapaisement et drsquoencouragement agrave la bonne conduite correspond

davantage au relegravevement actuel qursquoagrave la reacutevision Lrsquo laquo intercessio raquo qui autorisait un tribun

inviolable agrave srsquoopposer sans motif agrave lrsquoexeacutecution drsquoune condamnation recouvrait le droit

reconnu agrave tout magistrat romain de geler les deacutecisions rendues par un juge infeacuterieur Ce

pouvoir appliqueacute uniquement agrave lrsquoexeacutecution drsquoune condamnation eacutetait indeacutependant de toute

deacutemonstration drsquoinnocence ou mecircme de doute sur la culpabiliteacute puisque lrsquoexercice de ce

laquo droit de veacuteto raquo2 eacutetait arbitraire La laquo restitutio ad integrum raquo enfin eacutetait lrsquoillustration drsquoune

faveur exceptionnelle que le magistrat pouvait accorder discreacutetionnairement au plaideur par le

biais de lrsquoannulation pure et simple de la sentence quand bien mecircme celle-ci eacutetait revecirctue de

lrsquoautoriteacute de chose jugeacutee Lrsquoeacuteventuel beacuteneacutefice de cette proceacutedure eacutetait subordonneacute agrave la

formulation drsquoune requecircte agrave lrsquoempereur sous la forme drsquoune laquo supplicatio raquo Drsquoapregraves Madame

DE VALICOURT cette proceacutedure peut srsquoapparenter implicitement agrave une reacutevision3 Toutefois

lrsquoauteure ajoute que laquo lrsquoabsence de terminologie preacutecise et uniforme sur ce point empecircche de

savoir drsquoune faccedilon absolue si la laquo supplicatio raquo eacutetait bien une veacuteritable reacutevision ou si elle

remplaccedilait seulement lrsquoappel agrave lrsquoeacutegard des sentences du preacutefet du preacutetoire sentences non

susceptibles drsquoappel parce que rendues nomine principis vice sacra raquo4

47 Crsquoest plutocirct dans lrsquoAncien droit que les contours de la proceacutedure de reacutevision ont

eacuteteacute dessineacutes Ponctueacutee par de nombreuses eacutetapes lrsquohistoire du pourvoi en reacutevision srsquoest

consolideacutee au fil du temps Deacutejagrave jusqursquoen 1667 les voies de recours mises en œuvre pour

lutter contre lrsquoerreur judiciaire eacutetaient les mecircmes en matiegravere civile qursquoen matiegravere criminelle

De plus jusqursquoen 1670 la reacutevision ne se distinguait pas nettement de lrsquoappel5 Enfin jusqursquoagrave

lrsquoeacutepoque de Saint Louis durant laquelle le duel judiciaire a eacuteteacute aboli par une ordonnance de

12586 le rachat du crime et la reacuteparation de lrsquoerreur se reacuteglaient au prix du sang

1 F MACKELDEY Manuel de droit romain contenant la theacuteorie des Institutes Trad de lrsquoallemand par J BEVING Bruxelles Socieacuteteacute typographique belge 1837 p405 et s 2 F MACKELDEY op cit p 408 3 E DE VALICOURT op cit p 126 4 Ibid p 126 5 Ibid p 127 6 M NICODEME Une enquecircte sur le duel judiciaire en France (deacutebut du XIVdeg siegravecle) in Revue belge de philologie et drsquohistoire 1925 Vol 4 numeacutero 4-4 p 715

30

48 Crsquoest ainsi que le regravegne de Saint Louis a constitueacute une eacutetape importante pour ce

qui est de la proclamation drsquoinnocence conseacutecutive agrave une deacutecision deacutefinitive de culpabiliteacute

entacheacutee drsquoune erreur Cette eacutepoque a transformeacute les mœurs juridiques dans le domaine des

voies de recours en geacuteneacuteral et a servi de catalyseur agrave la proceacutedure des lettres de proposition

drsquoerreurs apparue en 1344 en remplacement des lettres de gracircce de dire contre les arrecircts en

nostre Parlement 1 Lrsquoordonnance de 1344 preacutevoyait que laquo ceux qui veulent proposer

erreurs doivent mettre les erreurs par eacutecrit et les bailler aux maitres ordinaires de lrsquoHocirctel raquo2

49 Cette proceacutedure aboutissait agrave lrsquoannulation drsquoune deacutecision conceacutedeacutee par le

souverain qui faisait droit agrave la protestation drsquoinnocence drsquoune partie se deacuteclarant victime

drsquoune erreur de fait et se consideacuterant comme injustement condamneacutee par une deacutecision

deacutefinitive Ce recours contenait deacutejagrave en germe les deux plus importants eacuteleacutements de la

reacutevision drsquoaujourdrsquohui la deacutecision deacutefinitive et lrsquoerreur de fait Toutefois afin drsquoeacuteviter des

atteintes inconsideacutereacutees agrave la chose jugeacutee cette proceacutedure eacutetait conditionneacutee par de stricts deacutelais

drsquoaction et par le paiement drsquoune caution

50 Supprimeacutee en 1667 la proposition drsquoerreur a reacuteapparu dans lrsquoordonnance

criminelle de 16703 sous lrsquoappellation de lettre de reacutevision deacutesormais propres agrave la matiegravere

criminelle Le titre XVI de lrsquoordonnance de 1670 intituleacute laquo des Lettres drsquoabolition reacutemission

de pardon pour ester agrave droit rappel de ban ou de galegraveres commutations de peines

reacutehabilitation et reacutevision de procegraves raquo disposait en son article 8 que laquo pour obtenir des lettres

de reacutevision de procegraves le condamneacute sera tenu drsquoexposer le fait avec les circonstances par

requecircte qui sera rapporteacutee en notre Conseil et renvoyeacutee srsquoil est jugeacute agrave propos aux Maitres de

Requecirctes de notre Hocirctel pour avoir leur avis que nous voulons ensuite ecirctre rapporteacute en notre

Conseil Et si les lettres sont justes il sera ordonneacute par arrecirct qursquoelles seront expeacutedieacutees et

scelleacutees et par cet effet elles seront signeacutees par un secreacutetaire de nos commandements raquo

51 Dans son Traiteacute de la justice criminelle de France JOUSSE preacutecise qursquoil srsquoagit de

laquo lettres que le Roi accorde pour revoir et examiner de nouveau le procegraves criminel drsquoune

personne condamneacutee contradictoirement par arrecirct ou jugement en dernier ressort afin de

reacutevoquer la condamnation srsquoil y a lieu et de renvoyer le condamneacute ou sa meacutemoire absous des

1 Sur cette proceacutedure V H DE PANSEY De lrsquoautoriteacute judiciaire des juges en France suivie de la compeacutetence des juges de paix CJ De Mat Bruxelles 1829 p 162 2 Ibid p 164 3 Texte inteacutegral accessible sur httpledroitcriminelfreefrla_legislation_criminelleanciens_textesordonnance_criminelle_de_1670htm

31

cas qui lui ont eacuteteacute imposeacutes avec restitution et reacutetablissement de ses biens confisqueacutes et de sa

reacuteputation et bonne renommeacutee raquo1

52 Les lettres de reacutevision muettes quant aux cas drsquoouverture ne srsquoappliquaient qursquoen

preacutesence drsquoune condamnation injuste lieacutee agrave une erreur sur la personne En reacutealiteacute il srsquoagissait

de la condamnation drsquoun innocent agrave la place du veacuteritable auteur de lrsquoinfraction2 A la suite de

plusieurs chroniques judiciaires controverseacutees lrsquoembleacutematique affaire CALAS a servi de

deacuteclencheur agrave la mise en perspective du caractegravere restrictif de la leacutegislation en vigueur Le

droit moderne est alors venu au secours de la reacutevision en apportant par des lois de

circonstance des modifications agrave lrsquoordonnance de 1667 De fait la peacuteriode charniegravere de

lrsquoeacutedification du droit positif de la reacutevision se situe entre 1789 et 1989

B La peacuteriode charniegravere de lrsquoeacutedification de la reacutevision 1789-1989

53 Durant la peacuteriode srsquoeacutetalant de 1789 agrave 1989 la proceacutedure de reacutevision a subi de

nombreux ameacutenagements Influenceacutes par les Lumiegraveres les reacutevolutionnaires en affirmant que

la raison du citoyen une fois deacutebarrasseacutee de lrsquooppression des tyrans se porterait

automatiquement vers la veacuteriteacute ont contribueacute au recul de la prise en compte des erreurs

judiciaires3 La Constituante a supprimeacute la reacutevision au nom de lrsquoinfaillibiliteacute du jury

populaire par un deacutecret des 3 octobre et 3 novembre 1789 portant reacuteforme provisoire de la

jurisprudence criminelle

54 En 1793 une affaire judiciaire a fortement heurteacute lrsquoopinion publique Un vol de

mouchoir avait donneacute lieu agrave la condamnation de deux individus jugeacutes seacutepareacutement pour les

mecircmes faits Or il paraissait eacutevident que cette infraction nrsquoavait pu ecirctre commise que par un

seul auteur et que les deux condamnations devenues deacutefinitives eacutetaient inconciliables

55 Dans un souci drsquoapaisement de lrsquoopinion publique les parlementaires de lrsquoeacutepoque

ont reacuteintroduit timidement la proceacutedure de reacutevision par un deacutecret du 15 mai 1793 relatif aux

accuseacutes condamneacutes comme auteurs de mecircmes deacutelits et dont les condamnations ne peuvent se

concilier et font la preuve de lrsquoinnocence de lrsquoune ou de lrsquoautre des parties Monsieur FAZY

souligne dans sa thegravese que laquo le point de deacutepart timoreacute et mesquin adopteacute par les juristes

1 JOUSSE Traiteacute de la Justice criminelle de France Paris eacuted Debure pegravere 1771 Partie III Liv II titre 39 p777 2 E DE VALICOURT op cit p 137 3 Sur ce point voir le reacutecit de HUGO V HUGO Claude Gueux in Le dernier jour drsquoun condamneacute Le livre de poche p 69 et s

32

franccedilais de ce siegravecle et qui a consisteacute agrave nrsquoadmettre un cas de reacutevision qursquoagrave mesure de la

deacutecouverte drsquoune erreur judiciaire nouvelle et irreacuteparable faisait toucher du doigt aux plus

volontairement aveugles lrsquoinsuffisance de la loi raquo1

56 A nouveau abrogeacutee par le Code du 3 brumaire An IV la reacutevision fut reacutetablie par le

Code drsquoinstruction criminelle de 1808 agrave la suite de lrsquoarrecirct de la Cour de cassation rendu le 9

Vendeacutemiaire An IX dans le cadre de lrsquoaffaire FISCHER2 Dans cette affaire le tribunal

criminel du Haut-Rhin avait successivement prononceacute deux condamnations pour un seul et

mecircme deacutelit Inspireacute par la Deacuteclaration des droits de lrsquohomme lrsquoexposeacute des motifs du Code

drsquoinstruction criminelle de 1808 reconnaissait courageusement que laquo la confiance dans

lrsquoinfaillibiliteacute des jureacutes devait ecirctre des plus modeacutereacutee qursquoil fallait ne pas se faire de cette

magistrature une opinion trop favorable car il nrsquoy a pas de garantie absolue contre lrsquoerreur des

Hommes raquo

57 Crsquoest ainsi que le Code drsquoinstruction criminelle dans les articles 443 agrave 447

deacutefinissait trois cas drsquoouverture agrave reacutevision en matiegravere criminelle en omettant toutefois

drsquoaborder la question de la reacuteparation peacutecuniaire On pensait alors que lrsquoerreur eacutetait reacutepareacutee

par le seul fait que la justice avait reconnu sa faute

58 Lrsquoarticle 443 du Code drsquoinstruction criminelle srsquoinspirant du deacutecret du 15 mai

1793 autorisait la reacutevision laquo lorsqursquoun accuseacute aura eacuteteacute condamneacute pour un crime et qursquoun

autre accuseacute aura aussi eacuteteacute condamneacute par un autre arrecirct comme auteur du mecircme crime raquo La

jurisprudence a preacuteciseacute qursquoil devait srsquoagir de deux deacutecisions deacutefinitives inconciliables de

nature agrave apporter la preuve de lrsquoinnocence de lrsquoun ou de lrsquoautre condamneacute3

59 Lrsquoarticle 444 du Code drsquoinstruction criminelle qui nrsquoa jamais eacuteteacute utiliseacute preacutevoyait

la reacutevision laquo lorsqursquoapregraves une condamnation pour homicide il sera de lrsquoordre expregraves du

Grand juge Ministre de la justice adresseacute agrave la Cour de cassation section criminelle des

piegraveces repreacutesenteacutees posteacuterieurement agrave la condamnation et propres agrave faire naicirctre de suffisants

indices sur lrsquoexistence de la personne dont la mort supposeacutee aurait donneacute lieu agrave la

1 R FAZY De la reacutevision en matiegravere peacutenale Thegravese Genegraveve 1899 p 27 citeacute par E DE VALICOURT op cit p 142 note ndeg 718 2 Tribunal de Cassation section criminelle 9 vendeacutemiaire an IX arrecirct FISCHER c Ministegravere Public 3 Cass crim 24 juin 1830 S 1830 I p 309

33

condamnation raquo Dans le seul cas de lrsquoarticle 444 la requecircte en reacutevision pouvait aussi ecirctre

deacuteposeacutee au nom drsquoun condamneacute deacuteceacutedeacute1

60 Enfin lrsquoarticle 445 du Code drsquoinstruction criminelle autorisait la reacutevision

laquo lorsqursquoapregraves une condamnation un ou plusieurs des teacutemoins qui avaient deacuteposeacute agrave charge

contre lrsquoaccuseacute seront poursuivis pour avoir porteacute un faux teacutemoignage dans le procegraves raquo

61 Le retentissement de lrsquoaffaire ELLENBERG a eacuteteacute une nouvelle incitation agrave

modifier les textes Le Sieur ELLENBERG fut condamneacute le 18 juillet 1806 agrave 16 ans de fer

pour compliciteacute de vol infraction dont lrsquoauteur principal eacutetait un certain Sieur GARCON En

1808 tous deux furent ensuite traduits devant les tribunaux pour crime de garrottage Acquitteacute

au moment de ce procegraves le Sieur ELLENBERG a reacuteussi en outre agrave prouver son innocence

dans lrsquoaffaire GARCON ougrave il fut condamneacute pour compliciteacute de vol en 1806 Il put produire

lrsquoidentiteacute du veacuteritable coupable qui ne fut drsquoailleurs pas inquieacuteteacute peacutenalement en raison de la

prescription de lrsquoaction publique2 La preuve de lrsquoinnocence nrsquoa pas suffi agrave la reacutevision de

lrsquoaffaire ELLENBERG car ce cas de figure nrsquoeacutetait preacutevu par aucun texte En effet lrsquoerreur

de fait commise par les juges de 1806 nrsquoentrait pas dans le cadre du caractegravere inconciliable de

deux deacutecisions (le veacuteritable complice nrsquoayant pu ecirctre condamneacute) et de la condamnation pour

faux teacutemoignage de lrsquoun des teacutemoins

62 Face agrave ce vide juridique Napoleacuteon a deacutecreacuteteacute le 10 deacutecembre 1813 que lrsquoaffaire

ELLENBERG laquo serait soumise agrave lrsquoexamen de la Cour de cassation sections reacuteunies pour

indeacutependamment de toute irreacutegulariteacute ou vice de forme entrer dans lrsquoexamen des faits et

casser srsquoil y avait lieu dans lrsquointeacuterecirct drsquoEllenberg lrsquoarrecirct de la Cour drsquoAnvers raquo3 Les motifs

du deacutecret preacutecisaient que laquo que lrsquoeacutetat actuel de la leacutegislation nrsquooffrant aucun recours agrave

lrsquoinnocent condamneacute dans le cas dont il srsquoagissait lrsquoempereur avait jugeacute neacutecessaire de

suppleacuteer agrave cette insuffisance de la loi Il avait donc deacutelivreacute des lettres de reacutevision gracieuseraquo4

Le cas ELLENBERG meacuterite drsquoecirctre mis en avant car il srsquoagit de la seule application effective

des lettres de reacutevision gracieuse

63 Ensuite sous lrsquoimpulsion de philosophes Voltaire en particulier et sous la

pression de lrsquoopinion publique les articles 443 agrave 447 du Code drsquoinstruction criminelle donneacute

lieu agrave plusieurs modifications favorables au renforcement de la reacutevision

1 E DE VALICOURT op cit p 145 2 Ibid p 146 3 Ibid p 146 4 Ibid p 146

34

64 Crsquoest sous lrsquoeffet de lrsquoeacutemotion provoqueacutee par lrsquoaffaire LESURQUES1 que la loi du

29 juin 1867 a eacuteteacute adopteacutee Cette affaire dite du courrier de Lyon se rapporte agrave lrsquoattaque en

1796 de la diligence reliant le trajet de Paris agrave Lyon Outre lrsquoassassinat du postillon furent

aussi deacuterobeacutes les sept millions dassignats or destineacutes agrave larmeacutee de Bonaparte Parmi les mis en

cause lun drsquoentre eux le Sieur Joseph LESURQUES a toujours protesteacute de son innocence

Cependant il fut condamneacute agrave mort et exeacutecuteacute sur la foi de teacutemoins qui ont cru le reconnaicirctre agrave

travers sa chevelure blonde Lun des veacuteritables auteurs du crime a reconnu au moment de

son exeacutecution que le malheureux Joseph LESURQUES nrsquoavait pas participeacute agrave lrsquoattaque de la

diligence Il a expliqueacute qursquoil sagissait dune meacuteprise des teacutemoins qui srsquoest produite en raison

de la ressemblance physique du Sieur LESURQUES avec lrsquoun des veacuteritables auteurs du

crime

65 La loi du 29 juin 1867 est alors venue modifier lrsquoarticle 443 du Code drsquoinstruction

criminelle afin de geacuteneacuteraliser en matiegravere criminelle le droit drsquoagir post mortem aux proches

du condamneacute et drsquoeacutetendre lrsquooffre de reacutevision aux deacutelits2 Toutefois la famille de Joseph

LESURQUES nrsquoa pas pu beacuteneacuteficier des nouvelles dispositions jugeacutees inapplicables au motif

que la condamnation de Monsieur Joseph LESURQUES nrsquoeacutetait pas inconciliable avec celles

des autres auteurs de lrsquoinfraction3

66 Srsquoagissant drsquoun veacuteritable progregraves ce texte nrsquoa pas pour autant permis drsquoeacuteviter les

eacutecueils inheacuterents agrave la leacutegislation anteacuterieure Les affaires VAUX 4et BORRAS5 en sont les

teacutemoins Bien que srsquoagissant de deux cas diffeacuterents ils sont sur le plan juridique tregraves proches

lrsquoun de lrsquoautre Aussi seule lrsquoaffaire VAUX relative agrave un conflit communal sera-t-elle

eacutevoqueacutee

67 A lrsquooccasion du partage de biens communaux de graves dissensions ponctueacutees

drsquoincendies criminels ont vu le jour dans la commune de Longepierre En raison de son

profond deacutesaccord avec le maire des soupccedilons se sont aussitocirct porteacutes vers Monsieur VAUX

conseiller municipal drsquoailleurs deacutejagrave impliqueacute dans plusieurs rixes avec lrsquoeacutedile Deacutesigneacute par le

maire comme eacutetant lrsquoauteur des incendies lrsquoinstituteur VAUX suspendu de ses fonctions

avait eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoune deacutenonciation de la part du nommeacute BALLEAUT Confronteacute

1 Sur cette affaire V A FOUQUIER Histoire du procegraves Lesurques Hachette 2013 2 C MATHON op cit p5 3 Cass crim 17 deacutec 1868 Dr peacutenal 1869 1 p 41 rapp F HELIE 4 Sur cette affaire V L DEVANCE Entre les mains de lrsquoinjustice lrsquoaffaire Vaux et Petit (1851-1897) Editions universitaires de Dijon 2000 5 Sur cette affaire V J HURET Le dossier de lrsquoaffaire Borras-Pradies Les grands procegraves Elibron Classics 2001

35

agrave ces fausses accusations lrsquoenseignant avait vainement protesteacute de son innocence et fut

condamneacute aux travaux forceacutes agrave perpeacutetuiteacute le 25 juin 1852 Dix-huit mois plus tard la

perpeacutetration de nouveaux incendies criminels a permis drsquoidentifier les veacuteritables auteurs des

faits agrave savoir le maire et son complice Monsieur BALLEAUT Bien qursquoayant reconnu

lrsquoensemble des faits ils nrsquoont eacuteteacute condamneacutes que pour les seules mises agrave feu posteacuterieures agrave la

condamnation de Monsieur VAUX En lrsquoeacutetat du droit de lrsquoeacutepoque lrsquoinnocence de Monsieur

VAUX deacuteceacutedeacute en captiviteacute nrsquoa jamais pu ecirctre proclameacutee En effet cette situation ne

reacutepondait agrave aucun cas drsquoouverture preacutevu par le texte surtout que Monsieur BALLEAUT

nrsquoavait pas eacuteteacute poursuivi pour faux teacutemoignage

68 Un recours en reacutevision formeacute par les enfants de lrsquoinstituteur a eacuteteacute rejeteacute le 9

janvier 1886 au motif de lrsquoabsence de caractegravere inconciliable entre les condamnations de

Monsieur VAUX et celles du maire et de son complice Lrsquoarrecirct VAUX a finalement pu ecirctre

reacuteviseacute en 1897 au beacuteneacutefice de lrsquoeacutevolution de la loi de 189 qui reconnait le fait nouveau1 En

effet cette loi a preacutevu un cas geacuteneacuterique drsquoouverture agrave reacutevision2 Voteacutee dans le contexte

douloureux de lrsquoaffaire DREYFUS elle est un marqueur important de lrsquohistoire de la reacutevision

Drsquoune part elle consacre un droit drsquoindemnisation aux victimes des erreurs judiciaires et

drsquoautre part le nouvel alineacutea de lrsquoarticle 443 du Code drsquoinstruction criminelle a admis que la

reacutevision est possible quand laquo apregraves une condamnation un fait nouveau viendrait agrave se

produire ou agrave se reacuteveacuteler ou lorsque des piegraveces inconnues lors des deacutebats seraient de nature agrave

eacutetablir lrsquoinnocence du condamneacute raquo

69 Le Code de proceacutedure peacutenale de 1959 a repris en lrsquoeacutetat en son article 622 les

dispositions des articles 443 agrave 447 du Code drsquoinstruction criminelle de 1808 Ce texte

preacutevoyait donc que laquo la reacutevision peut ecirctre demandeacutee quelle que soit la juridiction qui ait

statueacute au beacuteneacutefice de toute personne reconnue auteur dun crime ou dun deacutelit 1deg Lorsque

apregraves une condamnation pour homicide des piegraveces sont repreacutesenteacutees propres agrave faire naicirctre

de suffisants indices sur lexistence de la preacutetendue victime de lhomicide 2deg Lorsque apregraves

une condamnation pour crime ou deacutelit un nouvel arrecirct ou jugement a condamneacute pour le

mecircme fait un autre accuseacute ou preacutevenu et que les deux condamnations ne pouvant se concilier

leur contradiction est la preuve de linnocence de lun ou de lautre condamneacute 3deg Lorsquun

des teacutemoins entendus a eacuteteacute posteacuterieurement agrave la condamnation poursuivi et condamneacute pour

1 Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p13 2 LE BERTRE De ladmission de la reacutevision et de la mateacuterialiteacute du fait nouveau dans la loi du 8 juin 1895 Thegravese Paris 1901 p 123 et s

36

faux teacutemoignage contre laccuseacute ou le preacutevenu le teacutemoin ainsi condamneacute ne peut pas ecirctre

entendu dans les nouveaux deacutebats 4deg Lorsque apregraves une condamnation un fait vient agrave se

produire ou agrave se reacuteveacuteler ou lorsque des piegraveces inconnues lors des deacutebats sont repreacutesenteacutees

de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute raquo

70 Monsieur Claude MATHON observe qursquolaquo il nrsquoy aura pas drsquoautre reacuteforme de la

proceacutedure de reacutevision pendant 104 ans avant la loi du 23 juin 1989 raquo1

71 Crsquoest agrave nouveau en reacuteponse agrave lrsquoactualiteacute judiciaire concernant lrsquoaffaire SEZNEC

que la loi du 23 juin 19892 a modifieacute le texte en autorisant lrsquoouverture de la reacutevision degraves que

laquo vient agrave se produire ou agrave se reacuteveacuteler un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu de la juridiction

au jour du procegraves de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute raquo

Durant 25 ans la loi de 1989 a reacutegi le droit de la reacutevision Malgreacute les importants progregraves de la

police scientifique3 la reacutevision nrsquoa pas connu une progression du nombre des deacutecisions

annuleacutees Cette situation laissait penser qursquo laquo un certain nombre dameacuteliorations4 raquo pouvaient

encore ecirctre reacutealiseacutees Le rejet de la requecircte de Monsieur Dany LEPRINCE deacutecideacute le 6 avril

20115 par la Cour de reacutevision a eacutegalement largement contribueacute agrave alimenter le deacutebat quant agrave la

justesse de la loi de 1989

72 Srsquoagissant de lrsquoaffaire LEPRINCE en 1994 les corps de quatre individus avaient

eacuteteacute retrouveacutes dans une maison de la campagne sarthoise Cette demeure se trouvait agrave une

quinzaine de megravetres de distance du domicile de lun des fregraveres de lune des quatre victimes

Suspecteacutes les occupants de la maison voisine avaient eacuteteacute placeacutes en garde agrave vue Il srsquoagissait

de Dany LEPRINCE sa femme Martine LEPRINCE et leur fille aicircneacutee Ceacutelia Dany

LEPRINCE a eacuteteacute accuseacute des faits par son eacutepouse au terme de plus de trente heures de garde agrave

vue Condamneacute deacutefinitivement celui-ci a toujours protesteacute de son innocence Sa requecircte en

reacutevision a eacuteteacute instruite durant cinq ans par la commission Celle-ci avait alors suspendu au vu

de certains eacuteleacutements lrsquoexeacutecution de la condamnation du requeacuterant et avait transmis le dossier

agrave la Cour de reacutevision Monsieur Dany LEPRINCE avait beacuteneacuteficieacute drsquoune remise en liberteacute au

1 C MATHON op cit p5 2 Loi ndeg 89-431 du 23 juin 1989 relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales 3 N LE DOUARIN La preuve scientifique des empreintes digitales aux empreintes geacuteneacutetiques un siegravecle de deacutecouvertes en biologie in La Preuve dir C PUIGELIER Paris Economica 2004 p 29 4 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur judiciaire op cit ndeg 9 5 Deacutecision de la Cour de reacutevision 6 avril 2011 ndeg 10-85247

37

terme drsquoune deacutetention de seize anneacutees Ensuite la Cour de reacutevision avait rejeteacute la requecircte et

ordonneacute sa reacuteincarceacuteration1

73 Monsieur Franck JOHANNES a deacutecrit la situation le jour de lrsquoaudience de la Cour

de reacutevision laquo Personne nrsquoa lrsquoair de comprendre Dany Leprince tend ses poignets agrave son

escorte Les gendarmes poussent fermement le public vers les portes battantes il faut sortir

immeacutediatement raquo2 Lrsquoauteur cite ensuite les propos de Maicirctre BAUDELOT avocat de Dany

Leprince laquo On passe en ce moment les menottes agrave Dany Leprince dit lrsquoavocat bouleverseacute et

terrible Crsquoest un drame que je considegravere comme un eacutechec personnel terrifiant Je nrsquoai pas su

convaincre les juges Mais crsquoest aussi un eacutechec pour la justice A neuf mois drsquointervalle deux

juridictions de la Cour de cassation ont dit exactement le contraire alors que pas une virgule

du dossier nrsquoa changeacute raquo3

74 Afin drsquoeacutevaluer la maniegravere dont la loi de 1989 conciliait laquo lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et le respect des droits de lrsquohomme raquo4 la commission des lois a deacutecideacute en juillet 2013

de creacuteer une mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales dont les

travaux ont eacuteteacute rendus publics le 4 deacutecembre 20135 La singulariteacute de cette proceacutedure et la

lourde tacircche de trouver un eacutequilibre entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et lrsquoideacutee de Justice ont

confeacutereacute agrave cette mission drsquoinformation un caractegravere exceptionnel Srsquoagissant de la recherche de

cet eacutequilibre les rapporteurs ont fait la distinction entre lrsquoerreur de fait et lrsquoerreur de droit La

premiegravere correspond agrave une erreur judiciaire susceptible drsquoecirctre reacutepareacutee par la reacutevision Pour ce

qui est de la seconde les rapporteurs ont consideacutereacute que laquo lorsqursquoune erreur de droit a eacuteteacute

commise au meacutepris des liberteacutes garanties il convient de sanctionner cette violation et de

rejuger la personne conformeacutement aux regravegles de droit en vigueur indeacutependamment de toute

consideacuteration sur sa culpabiliteacute crsquoest le but du reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive

conseacutecutivement au prononceacute drsquoun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme raquo6

Crsquoest pourquoi leurs travaux ont viseacute les deux proceacutedures le pourvoi en reacutevision et le

reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale conseacutecutif agrave un arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de

1 F JOHANNES op cit 2 F JOHANNES op cit p 10 3 Ibid p 10 4 Site internet de lrsquoAssembleacutee Nationale Preacutesentation de la mission drsquoinformation texte accessible sur httpwww2assemblee-nationalefr14commissions-permanentescommission-des-loismissions-d-informationrevision-des-condamnations-penalesa-la-unepresentation-de-la-mission-d-information 5 Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit 6 Assembleacutee Nationale rapport ndeg 1807 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la Reacutepublique sur la proposition de loi ndeg 1700 relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive A TOURRET Accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rapportsr1807asp p9

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lrsquohomme En ce qui nous concerne comme le reacuteexamen ne suppose pas une erreur judiciaire

au sens de la reacutevision1 il ne sera pas eacutetudieacute en profondeur dans cette thegravese consacreacutee agrave la

reacutevision en matiegravere peacutenale

75 Les travaux de la mission drsquoinformation ont deacuteboucheacute sur la loi ndeg 2014-640 du 20

juin 2014 qui constitue deacutesormais le nouveau fondement du droit de la reacutevision2 Quelques

mois avant lrsquoadoption du texte lrsquoaffaire HADERER a deacutefrayeacute la chronique judiciaire

Principal suspect du meurtre de Nelly HADERER Jacques MAIRE avait eacuteteacute deacutefinitivement

acquitteacute en 2004 Toutefois 27 ans apregraves que la deacutepouille mortelle de Nelly HADERER ait

eacuteteacute retrouveacutee dans une deacutecharge de Nancy des traces ADN de Jacques MAIRE ont pu ecirctre

isoleacutees sur le pantalon de la victime3 Cette affaire a donneacute lieu en vain au deacutepocirct drsquoun

amendement en faveur de la reconnaissance de la reacutevision in defavorem4

76 La loi du 20 juin 2014 devrait selon les rapporteurs permettre aux demandes de

reacutevision drsquo laquo aboutir toutes les fois que la demande est leacutegitime5 raquo et trouver un laquo meilleur

eacutequilibre entre la neacutecessiteacute drsquoune part de reacuteparer lrsquoerreur judiciaire drsquoautre part de ne pas

remettre abusivement en cause la chose jugeacutee6 raquo Notre thegravese se fixe comme objectif de

veacuterifier si le nouveau texte est bien agrave la hauteur des ambitions afficheacutees

77 Lrsquoanalyse historique de la reacutevision permet de constater que jusqursquoagrave la loi de 2014

lrsquoeacutevolution de la reacutevision srsquoest souvent opeacutereacutee sous le seul effet de lrsquoactualiteacute judiciaire

maicirctresse du calendrier leacutegislatif La reacutevision perccedilue comme une menace pour lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee a de ce fait eacuteteacute fortement encadreacutee par le leacutegislateur afin drsquoen limiter

consideacuterablement sa porteacutee Enfin les interventions du leacutegislateur se sont souvent effectueacutees

dans la preacutecipitation au greacute de lrsquoactualiteacute judiciaire et de lrsquoeacutemoi populaire7 La modification

1 V F RENUCCI Le reacuteexamen drsquoune deacutecision de justice deacutefinitive dans lrsquointeacuterecirct des droits de lrsquohomme D 2000 p 655 ndeg 3 2 Loi ndeg 2014-640 du 20 juin 2014 relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive Pour la premiegravere demande en reacutevision examineacutee par la nouvelle juridiction creacuteeacutee par la reacuteforme V C FLEURIOT laquo Cour de reacutevision irrecevabiliteacute de la demande relative agrave lrsquoaffaire Mis et Thiennot raquo Dalloz actualiteacutes 17 mars 2015 3 27 ans apregraves lrsquoADN relance le mystegravere du meurtre de Nelly HADERER Le Monde 30 janvier 2014 4 Assembleacutee Nationale 14 feacutevrier 2014 Amendement ndeg CL 6 accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14amendements1700CION_LOISCL6pdf 5 Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 17 6 Assembleacutee Nationale rapport ndeg 1807 op cit p10 7 A MONTAGNE De la fiction au reacuteel les grandes affaires criminelles franccedilaises et leurs censures cineacutematographiques in Franccediloise Puaux (sd) La justice agrave lrsquoeacutecran CineacutemAction ndeg 105 novembre 2002 p 82-86

39

de la loi pouvait ecirctre ressentie laquo moins comme la conseacutequence drsquoun besoin que comme une

reacuteponse agrave un appel raquo1

78 Pour CARBONNIER le droit peacutenal laquo appelle des coups de theacuteacirctre raquo2

Finalement agrave force de coups de theacuteacirctre la loi de 1989 a vu le jour au greacute des affaires

FISCHER ELLENBERG VAUX BORRAS et DREYFUS Ainsi la loi de 1989 comme lrsquoa

souligneacute Monsieur le Professeur LIBCHABER agrave propos drsquoautres textes laquo tend agrave la socieacuteteacute un

miroir ougrave se reacutevegravelent les traits du preacutesent par-delagrave ceux dun passeacute quelle reconstitue raquo3 Elle

eacutetait le fruit drsquoune intervention leacutegislative meneacutee dans lrsquourgence pour faire face aux attentes

de lrsquoaffaire SEZNEC Ce texte srsquoexposait au risque drsquoecirctre bacircti sur des fondations fragiles

issues des laquo coups de theacuteacirctre raquo4 preacuteceacutedents et de porter en son sein les stigmates des erreurs

du passeacute Crsquoest pourquoi il sera deacutemontreacute que reacuteviser la reacutevision eacutetait neacutecessaire (premiegravere

partie)

79 Il a peseacute sur les eacutepaules du leacutegislateur de 2014 une bien lourde et belle mission Il

lui a eacuteteacute offert la possibiliteacute de deacutepassionner le deacutebat de la reacutevision en se libeacuterant du poids des

errements du passeacute Crsquoest pourquoi nous avons fait le choix drsquoexaminer la reacutevision sous

lrsquoangle de son fonctionnement tel qursquoil eacutetait preacutevu dans la loi de 1989 puis de sa

transformation par la reacuteforme de 2014

80 Primo ce raisonnement a aussi eacuteteacute adopteacute par le leacutegislateur au moment de

lrsquoeacutelaboration de sa reacuteforme En effet tout changement de la loi suppose de se pencher au

preacutealable sur les dispositions existantes afin de bien en cerner les points positifs et neacutegatifs

Si les faiblesses de la loi de 1989 meacuteritent drsquoecirctre surmonteacutees la reacuteforme ne devrait pas le cas

eacutecheacuteant toucher aux aspects positifs du texte Cet axe de reacuteflexion partageacute avec le leacutegislateur

nous permettra de veacuterifier srsquoil existe une concordance entre nos conclusions respectives Cette

approche a aussi lrsquoavantage de pouvoir mieux appreacutecier lrsquoefficaciteacute de la reacuteforme Secundo ce

modus operandi constitue aujourdrsquohui le seul moyen pour comprendre la reacutevision dont la

nouvelle refondation remonte agrave un peu plus drsquoun an En effet lrsquoexamen de la loi de 1989

reacutevegravelera que les problegravemes de la reacutevision ne proceacutedaient pas uniquement du leacutegislateur La

jurisprudence de lrsquoeacutepoque a largement contribueacute au manque drsquoaccessibiliteacute de la reacutevision Elle

srsquoinscrivait dans le droit fil drsquoune vieille tradition favorable agrave une vision restrictive de la

1 J CARBONNIER Droit et passion du droit sous la Vegraveme reacutepublique op cit p 270 2 Ibid p 135 3 R LIBCHABER LrsquoHistoire aux prises avec le droit RTD Civ 1999 p 245 4 J CARBONNIER op cit p 270

40

reacutevision Crsquoest ainsi qursquoil est indispensable de srsquointeacuteresser eacutetroitement au rocircle de la

jurisprudence Or la premiegravere deacutecision (irrecevabiliteacute) de la commission drsquoinstruction de la

Cour de reacutevision et de reacuteexamen des condamnations peacutenales issue de la loi du 20 juin 2014

remonte au 16 mars 20151 De fait le manque de nouvelles expeacuteriences ne nous permettra pas

drsquoanalyser le comportement de la jurisprudence face aux nouveaux textes Lrsquoeacutetude de la

jurisprudence issue de la loi de 1989 constituera donc un outil preacutecieux drsquoeacutevaluation des

probabiliteacutes de sa perte drsquoinfluence ou de son renforcement au niveau du nouveau texte

81 Notre thegravese reacutevegravelera que malgreacute de reacuteels progregraves le leacutegislateur nrsquoa pas profiteacute de

lrsquoopportuniteacute de reacuteformer en profondeur la reacutevision et de la deacutebarrasser de ses laquo vieux

deacutemons raquo Lrsquoeacutevidence de la reacutevision agrave reacuteviser cegravede donc le pas agrave la deacuteception de la reacutevision

reacuteviseacutee Deacutesillusion que nous tenterons drsquoatteacutenuer agrave la faveur de plusieurs propositions

(deuxiegraveme partie)

- Premiegravere partie La reacutevision de 1989 agrave reacuteviser une neacutecessiteacute

- Seconde partie La reacutevision reacuteviseacutee de 2014 une deacuteception

1 Commission drsquoinstruction de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen des deacutecisions peacutenales 16 mars 2015 ndeg 13 REV 037 E ALLAIN Les vieilles affaires AJ Peacutenal 2015 p 165

41

PREMIERE PARTIE

LA REVISION DE 1989 A REVISER

UNE NECESSITE

42

82 Dans cette premiegravere partie il srsquoagira drsquoidentifier les faiblesses de la proceacutedure de

reacutevision issue de la loi du 23 juin 1989 qui ont conduit agrave la reacuteforme de cette laquo grande

oublieacutee raquo1 de la proceacutedure peacutenale par la loi du 20 juin 2014

Deux raisons majeures rendaient eacutevidente la neacutecessiteacute drsquoune reacuteforme

83 Premiegraverement la proceacutedure de reacutevision preacutevue par la loi de 1989 eacutetait trop

marqueacutee par lrsquoempreinte drsquoune dualiteacute oppositionnelle entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et

lrsquoideacutee mecircme de reacutevision Monsieur Claude MATHON avocat geacuteneacuteral agrave la Cour de cassation

a souligneacute que laquo la probleacutematique de la reacutevision des deacutecisions peacutenales deacutefinitives se situe

dans le contexte de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo2 Aussi est-il indispensable drsquoexaminer les

liens qui unissaient le pourvoi en reacutevision agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee tels qursquoils eacutetaient

tisseacutes par la loi de 1989 Ces liens qui srsquoordonnaient autour drsquoune logique oppositionnelle

favorisant la preacuteeacuteminence de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee traduisaient la volonteacute du leacutegislateur

et des juges de nrsquoadmettre que tregraves strictement la reacutevision3 (Titre 1)

84 Deuxiegravemement cette articulation des rapports entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et

la reacutevision a eu pour conseacutequence de creacuteer des zones drsquoombre entretenues par la jurisprudence

qui constituaient pour le requeacuterant un veacuteritable obstacle agrave la reacutevision de son procegraves En effet

la proceacutedure de reacutevision preacutevue par la loi de 1989 preacutesentait de multiples imperfections tant

structurelles que conjoncturelles (Titre 2)

1 P COUVRAT Commentaire de la loi ndeg89-431 du 23 juin 1989 relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales RSC 1989 p 785 2 C MATHON Note technique relative agrave la reacutevision des deacutecisions peacutenales deacutefinitives op cit p 1 3 H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg2

43

Titre 1

Une approche trop restrictive de la

reacutevision

44

85 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision sont unies par des liens eacutetroits En effet

lrsquoexistence mecircme de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est agrave lrsquoorigine de la creacuteation drsquoune proceacutedure

destineacutee agrave permettre la remise en cause drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive Parallegravelement le

caractegravere extraordinaire de la reacutevision deacutecoule de lrsquoessence de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui

est garante de la stabiliteacute des deacutecisions de justice1 Ce lien tregraves fort entre lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et la reacutevision place ineacutevitablement le leacutegislateur dans un rocircle drsquoarbitre entre drsquoun cocircteacute

la volonteacute drsquoassurer la meilleure justice possible et de lrsquoautre cocircteacute la neacutecessiteacute de garantir la

seacutecuriteacute et la stabiliteacute des situations juridiques Monsieur Claude MATHON a mis en avant

lrsquoexistence de ces deux impeacuteratifs contradictoires2 Ainsi il oppose le souci de

perfectionnisme du leacutegislateur toujours agrave la recherche drsquoune justice irreacuteprochable (drsquoougrave

lrsquoexistence du pourvoi en reacutevision reacuteparateur des erreurs de fait commises par les juridictions

reacutepressives) agrave une tendance seacutecuritaire et de stabiliteacute impliquant que les voies de recours ne

puissent se transformer en une eacutepeacutee de Damoclegraves suspendue ad vitam eternam sur la tecircte des

justiciables La seacutereacuteniteacute de la justice exige que la parole du juge soit agrave un moment donneacute

deacutefinitivement reconnue Ainsi la reacutevision serait un champ de bataille ougrave srsquoaffronteraient le

perfectionnisme et la seacutecuriteacute Elle se situerait laquo agrave lrsquointersection de deux prioriteacutes essentielles

de tout systegraveme deacutemocratique tirailleacute entre deux exigences contradictoires la volonteacute de

proteacuteger les liberteacutes individuelles et la neacutecessiteacute drsquoassurer le respect de lrsquoordre public raquo3

86 Une confrontation entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision permettra

drsquoillustrer la possibiliteacute drsquoun rapprochement entre ces deux laquo fregraveres ennemis raquo susceptibles de

se concilier (Chapitre 1) Cependant cette conciliation ne srsquoeacutetait pas entiegraverement reacutealiseacutee

sous les auspices de la loi de 1989 qui donnait lrsquoavantage agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

(Chapitre2)

1Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p8 laquo La proceacutedure de reacutevision constitue preacuteciseacutement cette soupape de seacutecuriteacute dont tout systegraveme judiciaire a besoin pour contrebalancer le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo 2 C MATHON laquo Note technique relative agrave la reacutevision des deacutecisions peacutenales deacutefinitives raquo op cit V eacutegalement J-M LE MASSON laquo La recherche de la veacuteriteacute judiciaire dans le procegraves civil raquo Thegravese Nantes 1991 p 1 3 E DE VALICOURT op cit p 124

45

CHAPITRE 1 LA CONCILIATION POSSIBLE

DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE

JUGEE ET DE LA REVISION

laquo Ah Crsquoest un grand malheur quand on a le cœur

tendre Que ce lien de fer que la nature a mis

Entre lacircme et le corps ces fregraveres ennemis

Ce qui meacutetonne moi cest que Dieu lait permis

Voilagrave le nœud gordien quil fallait quAlexandre

Rompicirct de son eacutepeacutee et reacuteduisicirct en cendre1 raquo

87 Dans ce chapitre la contradiction entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision sera surmonteacutee Dans un premier temps nous mettrons en eacutevidence leur opposition

apparente (Section 1) La dialectique enseigne que dans tout domaine il convient drsquoaborder

avec doigteacute les situations reacuteputeacutees inconciliables afin de deacutepasser les paradoxes qui parfois

ne sont qursquoapparence Effectivement entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision il

srsquoavegravere que laquo rivaliteacute nrsquoest pas neacutecessairement hostiliteacute raquo 2 et qursquoun rapprochement est

possible (Section 2)

Section 1 Lrsquoapparente opposition entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et la reacutevision

88 A lrsquoimage du mariage impossible entre la carpe et le lapin lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et la reacutevision semblent poursuivre respectivement un objectif contradictoire Lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee a vocation agrave mettre deacutefinitivement fin au procegraves (sect1) tandis que la reacutevision

favorise quant agrave elle la renaissance du procegraves (sect2)

1 A DE MUSSET laquo Contes drsquoEspagne et drsquoItalie poeacutesies diverses un spectacle dans un fauteuil poeacutesies nouvelles raquo Paris Charpentier-libraire eacutediteur 1840 p 277 2 S FREUD Malaise dans la civilisation 1979 PUF Paris p 100

46

sect1 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee ou la fin du procegraves

89 La difficulteacute concernant lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est que laquo tout le monde ne

met pas la mecircme chose derriegravere les mecircmes mots raquo1 En fonction de la matiegravere juridique

qursquoelle concerne lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee srsquoadapte aux particulariteacutes du procegraves diffeacuterentes

selon qursquoil srsquoagit drsquoune instance peacutenale civile ou administrative En raison de la

laquo particulariteacute tregraves accuseacutee du procegraves peacutenal raquo2 lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee revecirct dans ce

domaine un aspect binaire en eacutetant agrave la fois neacutegative et positive3 Ce deacutedoublement reacutesulte de

reacuteflexions doctrinales qui ont libeacutereacute la vision peacutenale de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en lui

permettant de se deacutetacher de la conception civiliste4 La doctrine civiliste deacutefinit lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee comme une laquo qualiteacute incontestable raquo5 une laquo immutabiliteacute raquo6 ou encore une

laquo protection de la deacutecision raquo7 Tous ces qualificatifs montrent que lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

vise agrave empecirccher que ce qui a eacuteteacute deacutefinitivement jugeacute le soit de nouveau En matiegravere peacutenale

positivement lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee impose au juge civil de se conformer aux deacutecisions

du juge peacutenal (crsquoest lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur civil) Il srsquoagit de mettre fin

aux contestations porteacutees au civil sur le volet peacutenal de lrsquoaffaire Neacutegativement elle srsquooppose agrave

lrsquoexercice de nouvelles poursuites peacutenales pour des mecircmes faits deacutejagrave sanctionneacutes

(crsquoest lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel) Il srsquoagit ici de mettre fin au

procegraves

90 Crsquoest pourquoi la contradiction apparente entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le

pourvoi en reacutevision sera expliqueacutee en tenant compte de lrsquoaspect binaire de lrsquoautoriteacute de la

1 T LEBARS Autoriteacute positive et autoriteacute neacutegative de chose jugeacutee proceacutedures 2007 ndeg8 eacutetude 12 2 R GASSIN laquo Autoriteacute de la chose jugeacutee raquo in Dictionnaire des sciences criminelles dir G LOPEZ et S TZITZIS op cit p 96 3 Certains auteurs se reacutefegraverent agrave la distinction entre autoriteacute interne (deacuteploiement de lrsquoautoriteacute dans le mecircme ordre judiciaire) et autoriteacute externe (par reacutefeacuterence aux juridictions civiles exteacuterieures aux juridictions reacutepressives) V en ce sens J PRADEL Proceacutedure peacutenale op cit ndeg 1020 4 La thegravese du Professeur VALTICOS (N VALTICOS Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le civil Thegravese Paris Sirey 1954) est agrave notre connaissance la premiegravere agrave avoir inviteacute agrave un questionnement sur lrsquoaffinement neacutecessaire du concept drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee appliqueacute agrave la matiegravere peacutenale Les travaux du Professeur FOYER (J FOYER De lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en matiegravere civile ndash Essai drsquoune deacutefinition Thegravese Paris 1954) ont poursuivi ce questionnement dont le point culminant est la thegravese du Professeur TOMASIN (D TOMASIN Essai sur lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en matiegravere civile Thegravese Toulouse LGDJ 1975) 5 J FOYER op cit p 166 6 D TOMASIN op cit no 343 7 C BLEacuteRY Lefficaciteacute substantielle des jugements civils LGDJ coll Bibliothegraveque de droit priveacute 2000 tome 328 no 193

47

chose jugeacutee1 Nous mettrons en relief lrsquoobjectif de fin tel qursquoil se dessine dans lrsquoautoriteacute

positive (A) puis dans lrsquoautoriteacute neacutegative (B)

A Lrsquoobjectif de fin de lrsquoautoriteacute positive

91 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil est un principe neacute au XIXegraveme

siegravecle2 en lrsquoabsence de toute assise textuelle3 qui srsquoentend comme la garantie du respect de la

chose jugeacutee au peacutenal dans toute instance civile ou agrave des fins civiles porteacutee devant un juge civil

lato sensu4 La Cour de cassation rappelle que cette regravegle laquo srsquoattache agrave ce qui est

deacutefinitivement neacutecessairement et certainement deacutecideacute par le juge peacutenal sur lrsquoexistence du fait

qui forme la base commune de lrsquoaction civile et de lrsquoaction peacutenale sur sa qualification ainsi

que sur la culpabiliteacute de celui agrave qui le fait est imputeacute raquo5 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal

sur le civil srsquoapplique agrave un domaine relativement eacutetendu puisqursquoelle concerne toutes les

deacutecisions des juridictions reacutepressives de jugement quels que soient leur degreacute6 et leur nature7

92 Deux remarques srsquoimposent afin de preacuteciser le sens du terme laquo deacutecision peacutenale raquo

Tout drsquoabord la jurisprudence fait reacutefeacuterence agrave une conception mateacuterielle du droit peacutenal dans

lrsquoattribution de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le civil Monsieur le Professeur

BOTTON affirme dans sa thegravese que laquo le critegravere du peacutenal reacuteside en pratique moins dans la

nature de lrsquoorgane de jugement que dans celle de la matiegravere jugeacutee raquo8 Il en reacutesulte que par

autoriteacute du peacutenal il ne faut pas entendre autoriteacute de la chose jugeacutee par une juridiction

reacutepressive mais plus largement autoriteacute de la chose jugeacutee sur une question peacutenale En ce 1 Lrsquoarticle 4 alineacutea 1 CPP dispose laquo Laction civile en reacuteparation du dommage causeacute par linfraction preacutevue par larticle 2 peut ecirctre exerceacutee devant une juridiction civile seacutepareacutement de laction publique raquo V eacutegalement R MERLE La distinction entre le droit de se constituer partie civile et le droit drsquoobtenir reacuteparation du dommage causeacute par lrsquoinfraction (consolidation mise au point ou fluctuations ) in Droit peacutenal contemporain Meacutelanges en lrsquohonneur drsquoAndreacute VITU Cujas 1989 p 397 2 Selon certains auteurs il aurait deacutejagrave existeacute dans lrsquoAncien droit Toutefois cette croyance serait erroneacutee et proviendrait drsquoune confusion avec la regravegle selon laquelle laquo le criminel emporte le civil raquo V en ce sens P COURTEAUD Essai sur lrsquoeacutevolution dans la jurisprudence reacutecente du principe de lrsquoautoriteacute au civil de la chose jugeacutee au criminel Thegravese Grenoble 1938 p 3-4 citeacute par A BOTTON Contribution agrave lrsquoeacutetude de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil LGDJ Coll Bibliothegraveque des sciences criminelles 2010 tome 49 3 Le principe a eacuteteacute poseacute par lrsquoarrecirct QUERTIER Cass crim 7 mars 1855 D 1855 I p 181 laquo le jugement intervenu sur [lrsquo] action [publique] mecircme en lrsquoabsence de la partie priveacutee a neacutecessairement envers et contre tous lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee quand il affirme ou nie clairement lrsquoexistence du fait qui est la base commune de lrsquoune ou lrsquoautre action ou la participation du preacutevenu agrave ce fait raquo 4 A BOTTON op cit p 5 ndeg 6 5 Cass civ 1ere 24 octobre 2012 ndeg 11-20442 6 J-P MARGUENAUD Retour sur la motivation de lrsquoarrecirct de Cour drsquoassises RCS 2013 p 158 7 V CA Lyon 3 juin 1920 D 1921 II p 5 (pour une juridiction militaire) CA Lyon 16 deacutecembre 1948 JCP 1949 II p 4863 (pour une juridiction pour mineurs) Casscom 29 octobre 1963 D 1964 p 137 (pour un tribunal maritime commercial) 8 A BOTTON op cit p 2 ndeg 4

48

sens la jurisprudence affirme que les deacutecisions rendues par une juridiction administrative en

matiegravere de contraventions de grande voirie font autoriteacute sur le civil1 Ensuite les points de

droit trancheacutes par des deacutecisions peacutenales sur des inteacuterecircts civils nrsquoauront agrave lrsquoeacutegard des deacutecisions

civiles agrave venir qursquoune autoriteacute de la chose jugeacutee au civil sur le civil Ce volet eacutetranger agrave notre

eacutetude devra respecter les exigences de lrsquoarticle 1351 du Code civil2 Toutefois la

jurisprudence teacutemoigne drsquoun changement de donne lorsque lrsquoeacuteleacutement concerneacute dans le

jugement peacutenal bien qursquoeacutetant de nature civile ou commerciale nrsquoen constitue pas moins une

condition preacutealable de lrsquoinfraction3 (par exemple un contrat dans lrsquoabus de confiance) Dans

de tels cas la chose jugeacutee au peacutenal bien qursquoeacutetant de nature civile et soumise aux regravegles

probatoires propres au droit civil aura autoriteacute sur le juge civil Cet aspect est qualifieacute par

Madame le Professeur RASSAT de laquo grotesque raquo4

93 Trois raisons au moins conduisent agrave srsquointeacuteresser agrave lrsquoaspect positif de la chose

jugeacutee

Primo lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est le socle sur lequel repose le pourvoi en reacutevision La

mise en perspective de ce principe par rapport agrave la reacutevision suppose de srsquointeacuteresser agrave son

entier deacuteploiement dans le procegraves peacutenal Un raisonnement inverse entrainerait une vision

parcellaire de la question Ainsi Madame Juliette LELIEUR souligne dans sa thegravese agrave propos

de lrsquoaspect neacutegatif du principe qursquolaquo il est [hellip] impossible de le consideacuterer seul raquo5 Secundo

lrsquoaspect positif du principe confegravere une autoriteacute aux deacutecisions du juge peacutenal qui deviennent

opposables au juge civil Un frein est ainsi mis agrave leur contestation devant le juge civil

Tertio lrsquoannulation drsquoune deacutecision deacutefinitive sur la base drsquoun pourvoi en reacutevision a un effet

erga omnes Rien ne subsistera de la condamnation initiale qui ne pourra plus ecirctre invoqueacutee

devant le juge civil Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le civil ne peut donc pas

eacutechapper agrave nos investigations La remise en cause de cette autoriteacute par la reacutevision a

ineacutevitablement des conseacutequences sur le juge civil qui srsquoeacutetait fondeacute dans sa deacutecision sur une

veacuteriteacute qui nrsquoen est plus une6

1 CE 27 juillet 1988 Bellay Rec p 301 AJDA 1988 p 763 note J-B AUBY 2 Lrsquoarticle 1351 du Code civil dispose laquo Lautoriteacute de la chose jugeacutee na lieu quagrave leacutegard de ce qui a fait lobjet du jugement Il faut que la chose demandeacutee soit la mecircme que la demande soit fondeacutee sur la mecircme cause que la demande soit entre les mecircmes parties et formeacutee par elles et contre elles en la mecircme qualiteacute raquo 3 M-L RASSAT Traiteacute de proceacutedure peacutenale Paris Puf Droit fondamental 2001 p 846 4 Ibid p 847 ndeg 523 5 J LELIEUR La regravegle ne bis in idem (hellip) op cit p 98 ndeg 112 6 J-P DINTILHAC op cit p 49-57 spec p 54

49

94 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil se trouve agrave hauteur drsquoun carrefour

entre la chose jugeacutee (au peacutenal) et la chose agrave juger (au civil) Deux des conditions1 que doit

revecirctir la chose jugeacutee pour srsquoimposer agrave la chose agrave juger illustrent lrsquoopposition entre lrsquoautoriteacute

positive de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision2 Il srsquoagit du caractegravere national (1) et

irreacutevocable (2) que doit avoir la chose jugeacutee

1 Le caractegravere national de la chose jugeacutee vu sous lrsquoangle de la reacutevision

95 Il est de jurisprudence constante3 que les deacutecisions reacutepressives eacutetrangegraveres ne

srsquoimposent pas au juge civil franccedilais Cette jurisprudence approuveacutee par une partie de la

doctrine4 se fonde sur la souveraineteacute de lrsquoEtat franccedilais Drsquoune part elle se heurte aux

orientations leacutegislatives prises en 20055 et reacuteaffirmeacutees en 20106 qui prennent en compte au

titre de la reacutecidive les condamnations prononceacutees par les juridictions peacutenales dun Etat

membre de lUnion Europeacuteenne7 Drsquoautre part cette jurisprudence peut se trouver en

contradiction avec la deacutefinition de la souveraineteacute

96 A la lumiegravere des arguments deacuteveloppeacutes par Monsieur le Professeur BOTTON8

cette position jurisprudentielle encourt en effet le grief de ne pas respecter la notion de

souveraineteacute En principe la deacutecision de reconnaissance de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

incombe au seul juge du lieu de son effectiviteacute Autrement dit seul le juge civil franccedilais est agrave

mecircme drsquoattribuer lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee agrave une deacutecision eacutetrangegravere En conseacutequence

confeacuterer une autoriteacute de la chose jugeacutee agrave lrsquoeacutetranger loin drsquoattenter agrave la souveraineteacute de la

France constituerait au contraire une marque de volonteacute souveraine des juges ou du

1 Pour une eacutetude complegravete de cette question V notamment E MERLE et A VITU op cit p 1058 et s B BOULOC op cit p 982 N VALTICOS op cit ndeg 48 et s A BOTTON op cit p 162 et s 2 Ces deux caractegraveres (une deacutecision nationale et irreacutevocable) se retrouvent en matiegravere drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel Toutefois elles ne sont abordeacutees ici que sous lrsquoangle de lrsquoaspect positif 3 V par exemple Casscrim 17 octobre 1889 DP 1890 I p 138 Casscrim 26 janvier 1966 ndeg 65-92410 Bull Crim ndeg 23 Casscrim 6 deacutec 2005 D 2006 Somm 617 speacutec 622 obs J PRADEL Casscrim 26 sept 2007 Bull crim ndeg 224 D 2008 Jur 1179 note D REBUT 4 V notamment E AUDINET De lrsquoautoriteacute au civil de la chose jugeacutee au criminel en droit franccedilais Thegravese Poitiers 1883 p 172 agrave 174 Pour une opinion en sens inverse V P HEBRAUD Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le civil Thegravese Toulouse Sirey 1929 p 138 - 139 citeacute par ABOTTON op cit p 162 ndeg 289 H DONNEDIEU DE VABRES Traiteacute eacuteleacutementaire de droit criminel et de leacutegislation peacutenale compareacutee Sirey 1938 p 343-355 J DANET Reacutep Peacuten laquo Chose jugeacutee (autoriteacute de) raquo Dalloz 2013 ndeg 146 5 Loi ndeg 2005-1549 du 12 deacutecembre 2005 relative au traitement de la reacutecidive des infractions peacutenales 6 Loi ndeg 2010-242 du 10 mars 2010 tendant agrave amoindrir le risque de reacutecidive criminelle et portant diverses dispositions de proceacutedure peacutenale 7 Lrsquoarticle 132-23-1 du CP dispose laquo Pour lapplication du preacutesent code et du code de proceacutedure peacutenale les condamnations prononceacutees par les juridictions peacutenales dun Etat membre de lUnion europeacuteenne sont prises en compte dans les mecircmes conditions que les condamnations prononceacutees par les juridictions peacutenales franccedilaises et produisent les mecircmes effets juridiques que ces condamnations raquo 8 A BOTTON op cit ndeg 276 agrave 290

50

leacutegislateur Degraves lors nous ne partageons pas lrsquoideacutee selon laquelle lrsquoattribution drsquoune autoriteacute

de chose jugeacutee aux deacutecisions peacutenales eacutetrangegraveres conduirait ipso facto agrave une remise en cause de

la souveraineteacute nationale

97 Pour que la chose jugeacutee (au peacutenal) ait autoriteacute sur la chose agrave juger (au civil) elle se

doit aussi drsquoecirctre irreacutevocable

2 Le caractegravere irreacutevocable de la chose jugeacutee vu sous lrsquoangle de la reacutevision

98 Afin de beacuteneacuteficier drsquoune autoriteacute sur la chose agrave juger au civil la deacutecision peacutenale

doit selon la jurisprudence ecirctre insusceptible de recours ordinaire comme extraordinaire

Cela signifie qursquoelle doit ecirctre irreacutevocable1 en ce sens qursquoelle ne doit plus pouvoir faire lrsquoobjet

drsquoaucune voie de recours et ce pour se preacutemunir contre toute contradiction deacutecisionnelle La

doctrine classique par la voix du Doyen HEBRAUD justifie cette exigence par le fait que

seules les deacutecisions peacutenales irreacutevocables peuvent influencer une instance civile agrave venir2 Crsquoest

pourquoi il ne serait pas leacutegitime que le juge civil se soumette agrave une chose jugeacutee encore

susceptible drsquoeacutevoluer

99 Confronteacutee agrave la proceacutedure de reacutevision cette condition drsquoirreacutevocabiliteacute eacuteveille notre

curiositeacute En effet elle impliquerait que lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil soit

subordonneacutee agrave lrsquoextinction des deacutelais de recours en reacutevision Or le deacuteclenchement drsquoun

pourvoi en reacutevision depuis la loi de 7 juin 19493 nrsquoest encadreacute dans aucun deacutelai ou limite

temporelle Aussi est-il impossible drsquoappliquer la condition de lrsquoirreacutevocabiliteacute de la chose

jugeacutee au pourvoi en reacutevision qui par nature est inextinguible Lrsquoannulation drsquoune

condamnation peacutenale par la reacutevision a pour reacutesultat drsquoaneacuteantir reacutetroactivement tous les effets -

notamment civils- passeacutes de cette condamnation4 Dans lrsquohypothegravese absurde de lrsquoapplication

1 Un jugement peut ecirctre deacutefinitif sans ecirctre irreacutevocable La Cour de cassation rappelle cette distinction en preacutecisant que laquo la notion de deacutecision deacutefinitive qui peut ecirctre attaqueacutee par une voie de recours doit ecirctre distingueacutee de celle de deacutecision irreacutevocable qui ne peut plus ecirctre remise en cause par lexercice dune voie de recours ordinaire ou extraordinaire raquo V Cass civ 2e 8 juill 2004 RTD civ 2004 775 obs PERROT V eacutegalement J LELIEUR op cit p 86 ndeg 98 2 P HEBRAUD op cit p 138-139 3 La loi ndeg 49-736 du 7 juin 1949 a supprimeacute lrsquoancien article 444 du Code drsquoinstruction criminelle qui disposait laquo La demande sera non recevable si elle nrsquoa eacuteteacute inscrite au Ministegravere de la Justice ou introduite par le Ministre sur la demande des parties dans le deacutelai drsquoun an agrave dater du jour ougrave celles-ci auront connu le fait donnant ouverture agrave reacutevision raquo En pratique le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu peuvent apparaitre longtemps apregraves les faits (dans le cas de Monsieur AGRET le fait nouveau est apparu 10 ans apregraves sa condamnation) 4 Cass 2e civ 1 juillet 1954 D 1955 jurisp p 45

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de la condition drsquoirreacutevocabiliteacute agrave la reacutevision lrsquoeffectiviteacute du principe de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee disparaitrait1

100 Analyseacutee sous le prisme du pourvoi en reacutevision lrsquoautoriteacute positive de la chose

jugeacutee soulegraveve donc certaines interrogations Il srsquoagit drsquoun inventaire partiel des nombreux

griefs formuleacutes agrave lrsquoencontre de ce principe2 En effet lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee a de

nombreux deacutetracteurs qui depuis bien longtemps deacutenoncent les faiblesses de la regravegle3 On

remarque drsquoailleurs que le leacutegislateur lui-mecircme eacutegratigne le principe en reacuteduisant

progressivement son peacuterimegravetre drsquoaction4 Les juges font aussi preuve drsquoune position de repli5

faisant de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil un principe en deacuteclin

101 Lrsquoaspect positif poursuit lrsquoobjectif de mettre un terme aux contestations porteacutees

au civil sur le volet peacutenal de lrsquoaffaire Lrsquoaspect neacutegatif quant agrave lui est destineacute agrave mettre un

terme agrave la proceacutedure

B Lrsquoobjectif de fin de lrsquoautoriteacute neacutegative

102 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le peacutenal est une technique

juridictionnelle ancienne6 empecircchant la remise en cause perpeacutetuelle de ce qui a eacuteteacute jugeacute7 Bien

1 A BOTTON op cit p 186 ndeg 332 laquo Subordonner lrsquoeffectiviteacute drsquoune regravegle agrave lrsquoextinction drsquoun recours inextinguible revenant neacutecessairement agrave la supprimer raquo 2 Ce principe suscite de nombreuses reacuteserves La critique la plus seacutevegravere est relative au sacrifice du contradictoire et des droits de la deacutefense V en ce sens S GUINCHARD et J BUISSON op cit ndeg 2605 DECOQ note sous Paris 29 avril 1997 Gaz Pal 15-17 feacutevr 1998 p 8 F STASIAK Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee drsquoune deacutecision de relaxe sur lrsquoinstance prud-homale en licenciement disciplinaire RSC 1994 p 267 Cass soc 6 octobre 1998 JCP 1999 II 10020 note C PUIGELIER J-H ROBERT Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil proceacutedures aout-septembre 2007 Etudes ndeg 19 A CHAVANNE Les effets du procegraves peacutenal sur le procegraves engageacute devant le tribunal civil RSC 1954 p 239 3 V notamment J GRANIER La partie civile au procegraves peacutenal RSC 1958 1 et s V TELLIER En finir avec la primauteacute du criminel sur le civil RSC 2009 p 797 Propositions de reacuteforme du Code de proceacutedure peacutenale Rapport au Garde des Sceaux Ministre de la Justice M-L RASSAT 1997 la Documentation franccedilaise Disponible sur httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics974035000pdf Ceacuteleacuteriteacute et qualiteacute de la justice La gestion du temps dans le procegraves Rapport au Garde des Sceaux Ministre de la justice J-C MANGENDIE 2004 La documentation franccedilaise p 117-122 Disponible sur httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics044000433 4 V la loi ndeg 2000- 647 du 10 juillet 2000 tendant agrave preacuteciser la deacutefinition des deacutelits non intentionnels et la loi ndeg 2007-291 du 5 mars 200 tendant agrave renforcer lrsquoeacutequilibre de la proceacutedure peacutenale 5 D PORTOLANO et F BOULAN laquo Drsquoune nouvelle alteacuteration de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil la conseacutecration de la preacutevalence de lrsquoarticle 618 du code de proceacutedure civile en cas de contrarieacuteteacute de deacutecisions civiles et peacutenales ndashagrave propos de lrsquoarrecirct chambre mixte du 11 deacutecembre 2009 raquo Dr peacutenal 2010 ndeg 5 eacutetude 10 M-C AMAUGER-LATTES laquo Lrsquoexistence du contrat de travail lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal raquo Revue de droit du travail 2006 p 382 6 Pour des deacuteveloppements historiques V JOUSSE Traiteacute de la justice criminelle op cit t III p 13 et s K NAJARIAN op cit p 3 agrave 48 F HELIE op cit ndeg 978 s 7 R GARRAUD et P GARRAUD Traiteacute theacuteorique et pratique dinstruction criminelle et de proceacutedure peacutenale 1929 Sirey ndeg 2244

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que sa neacutecessiteacute ne fasse aucun doute il nrsquoen est pas moins vrai que ses contours mal

dessineacutes sont de nature agrave compliquer lrsquointervention du leacutegislateur en matiegravere de reacutevision

103 Preacutevu par le Code de proceacutedure peacutenale1 ce principe se fonde sur la neacutecessiteacute de

mettre fin agrave un moment donneacute aux contestations eacutemanant tant des parties souvent enclines agrave

faire rejuger lrsquoaffaire que du juge tenteacute de revenir sur sa deacutecision laquo Le repos des familles et

de la socieacuteteacute toute entiegravere se fonde non seulement sur ce qui est juste mais sur ce qui est fini raquo

disait Montesquieu2 La speacutecificiteacute du droit peacutenal reacuteclame lrsquoimpeacuterieuse garantie de

lrsquoimmutabiliteacute des jugements3 crsquoest-agrave-dire leur fin La doctrine unanime estime aujourdrsquohui4

que la remise en cause perpeacutetuelle des deacutecisions reacutepressives nourrirait parmi le public un

doute neacutefaste de nature agrave mettre en cause lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure peacutenale laquo qui paraitrait

incapable de parvenir agrave une veacuteriteacute suffisante on multiplierait les proceacutedures sans inteacuterecirct pour

personne et on deacutesarmerait la reacutepression en lui enlevant les principales conditions de son

efficaciteacute la rapiditeacute et la certitude raquo5 Ainsi laquo sans avoir le culte de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee il est fondamental [hellip] de savoir aussi mettre un terme agrave une proceacutedure raquo6

104 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est deacutefinie par de nombreux auteurs7 comme

lrsquoexpression de la regravegle ne bis in idem8 Ce lien indeacutefectible entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

et ne bis in idem se resserre sous lrsquoaction de lrsquoaspect neacutegatif de la chose jugeacutee portant

interdiction pour le juge drsquoenclencher de nouvelles poursuites fondeacutees sur les mecircmes faits

apregraves une condamnation deacutefinitive Lrsquoaspect neacutegatif se marierait donc en quelque sorte avec

la regravegle ne bis in idem Crsquoest ainsi que Madame le Professeur RASSAT considegravere que laquo

lrsquoaspect neacutegatif interdit de recommencer une poursuite peacutenale pour des faits deacutejagrave sanctionneacutes

crsquoest lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le peacutenal raquo9 Dans sa thegravese Madame Juliette

LELIEUR reacutesume lrsquoeacutetat de la doctrine contemporaine dans les termes suivants 1 Pour lrsquoapplication interne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee V articles 6 188 et 368 du CPP Pour lrsquoapplication de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee agrave lrsquoeacutetranger V article 692 CPP et article 133-9 CP Pour un exemple drsquoapplication V Cass crim 23 octobre 2013 ndeg 13-83499 2 Citeacute par D MOUGENOT Principes de droit judiciaire priveacute Larcier 2009 p 238 3 C BLERY op cit p 118 ndeg 173 4 Lautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee avait eacuteteacute contesteacutee par leacutecole positiviste au XIXegraveme et XXegraveme siegravecle V E FERRI Sociologie criminelle trad L Terrier F Alcan 2egraveme eacuted franccedilaise 1914 ndeg 73 p 497 5 R MERLE et A VITU op cit p 1043 ndeg 886 6 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur B COTTE p 199 7 J ORTOLAN Eacuteleacutements de droit peacutenal 5e eacuted 1886 Plon ndeg 1775 R GARRAUD et P GARRAUD op cit ndeg 2260 H DONNEDIEU DE VABRES op cit ndeg 1855 M-L RASSAT op cit ndeg 516 S GUINCHARD et J BUISSON op cit ndeg 2441 8 laquo Ne bis in idem raquo signifie litteacuteralement laquo pas deux fois dans la mecircme affaire raquo Le respect de la grammaire latine exige que lrsquoon utilise lrsquoexpression laquo ne bis in idem raquo et non pas laquo non bis in idem raquo V en ce sens L BRUTSCH C FAVEZ A OLTRAMARE Grammaire latine Paris Librairie Payot et Cie 1923 p 278 citeacute par J LELIEUR op cit note ndeg 4 9 M-L RASSAT op cit ndeg 496

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laquo lrsquointerdiction de proceacuteder agrave plusieurs poursuites pour les mecircmes faits exprimeacutee par la regravegle

ne bis in idem est lrsquoun des effets de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Parce qursquoil y a chose jugeacutee il

est interdit de poursuivre agrave nouveau De plus la regravegle ne bis in idem incarne lrsquoaspect neacutegatif

du principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qursquoon appelle encore autoriteacute neacutegative de la chose

jugeacutee Et comme au sein de lrsquoordre judiciaire reacutepressif lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoest que

neacutegative drsquoassimilation en assimilation lrsquohabitude a eacuteteacute prise drsquoutiliser lrsquoexpression laquo autoriteacute

de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel raquo pour eacutevoquer lrsquoautoriteacute neacutegative attacheacutee aux

deacutecisions rendues par des juridictions peacutenales et empecircchant la tenue de nouvelles poursuites

pour les mecircmes faits crsquoest-agrave-dire comme synonyme de la regravegle ne bis in idem raquo1

105 Une lente eacutevolution doctrinale dont le point culminant est la thegravese de Madame

Juliette LELIEUR2 srsquoemploie agrave remettre en cause le rapprochement entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee plus preacuteciseacutement son aspect neacutegatif et ne bis in idem3 Lrsquoauteure fait la

deacutemonstration que leur association artificielle est agrave lrsquoorigine des faiblesses de la regravegle ne bis in

idem Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a pour objectif la protection de la deacutecision judiciaire

Quant agrave la regravegle ne bis in idem elle se fixe comme but la protection de la personne

poursuivie Infeacuteodeacutee agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee la maxime latine ne peut pas srsquoeacutepanouir

pleinement dans ce scheacutema Madame Juliette LELIEUR propose donc drsquoaccorder

lrsquoautonomie agrave ne bis in idem en lui attribuant un fondement propre le principe drsquouniciteacute

drsquoaction reacutepressive Les conclusions retenues par lrsquoauteur fournissent des arguments utiles agrave

notre deacutemonstration

106 Cette association deacuterangeante entre ne bis in idem et lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee nuit au pourvoi en reacutevision En effet lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est la base

sur laquelle repose la proceacutedure de reacutevision Il est donc indispensable que les contours de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee soient preacuteciseacutement deacutelimiteacutes Lrsquoamalgame contesteacute entre ne bis in

idem et lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee entretient un flou quant au concept

drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Cette situation place le leacutegislateur dans une position

inconfortable qui lrsquooblige agrave eacutedifier la reacutevision sur des fondations fragiles

1 J LELIEUR op cit p 60 ndeg 67 2 Ibid La premiegravere partie de la thegravese srsquointitule laquo critique du rattachement de la regravegle ne bis in idem au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo 3 FAUSTIN-HELIE op cit ndeg 982 A LEacuteGAL note sous cass crim 30 janv 1937 S 1939 1 p 193 C GAVALDA Aspects actuels du problegraveme de lautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel JCP 1957 I p 1372 R GASSIN Les destineacutees du principe de lautoriteacute de chose jugeacutee au criminel sur le criminel dans le droit peacutenal contemporain RSC 1963 p 239

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107 Aussi ces deacuteveloppements deacutemontrent-ils que la notion de fin est indissociable

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee prise en compte sous le couvert de ses deux aspects (positif et

neacutegatif) A lrsquoinverse le pourvoi en reacutevision nrsquoexiste que par la seule ideacutee drsquoune renaissance

sect 2 La reacutevision ou la renaissance du procegraves

108 La renaissance voulue par la reacutevision se manifeste tant dans la loi de 1989 que

dans celle de 2014 par deux dispositions Premiegraverement lrsquoarticle 624-7 du Code de

proceacutedure peacutenale qui reprend agrave lrsquoidentique les termes de lrsquoancien article 625 alineacutea 2 preacutevoit

que laquo si elle (la Cour de reacutevision et de reacuteexamen) estime la demande fondeacutee elle annule la

condamnation prononceacutee raquo La technique de lrsquoannulation qui sanctionne une laquo maladie raquo1 du

jugement plus preacuteciseacutement une erreur de fait entraine lrsquoeffacement de la deacutecision La

condamnation et toutes ses conseacutequences sont reacutetroactivement aneacuteanties (A) Deuxiegravemement

apregraves lrsquoannulation de la deacutecision la loi fait place agrave la reacuteparation (B)

A Lrsquoaneacuteantissement reacutetroactif de la condamnation et de toutes

ses conseacutequences

109 Lrsquoannulation revecirct une symbolique tregraves forte puisqursquoelle deacutebouche sur la

disparition de la condamnation et de tous les effets qui srsquoy rattachent2 La condamnation est

donc reacuteputeacutee nrsquoavoir jamais existeacute Cette annulation de la sentence vicieacutee est drsquoune

importance capitale pour la personne injustement condamneacutee qui retrouve alors sa liberteacute et

son honneur Crsquoest ainsi que lrsquoexeacutecution de la dureacutee de la peine non encore accomplie ou

suspendue devient sans objet et que la libeacuteration immeacutediate de lrsquoinnocenteacute srsquoimpose si

lrsquoexeacutecution de la peine est en cours3

110 La reacutevision a eacutegalement pour conseacutequence que laquo toute condamnation agrave des

dommages-inteacuterecircts exclusivement fondeacutee sur la culpabiliteacute originairement retenue de ces

1 Expression emprunteacutee J-M MOUSSERON agrave propos de lrsquoannulation du contrat Techniques contractuelles eacuteditions F LEFEBVRE 2010 p 625 ndeg 1706 2 Seront restitueacutes de plein droit les amendes ou les droits de proceacutedure acquitteacutes Dans le mecircme ordre drsquoideacutees les peines accessoires ou compleacutementaires seront eacutegalement effaceacutees Lrsquoeffacement reacutetroactif de la condamnation ne peut jamais preacutejudicier aux tiers V en ce sens J PRADEL op cit p 915 ndeg 1022 Par exemple le divorce qui a pu ecirctre prononceacute agrave la suite de la condamnation reste valable Ce maintien valide un eacuteventuel remariage contracteacute ulteacuterieurement par le conjoint divorceacute V H ANGEVIN op cit ndeg 214 3 La reacutevision nentraicircne pas la disparition de la peine prononceacutee lorsque celle-ci la eacuteteacute pour plusieurs infractions dont une seule a fait lobjet de la reacutevision La peine prononceacutee doit alors ecirctre maintenue si elle est justifieacutee par les infractions non reacuteviseacutees V Cass crim 29 janv 1958 Bull crim no 106

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preacutevenus ou accuseacutes se trouve effaceacutee de plein droit raquo1 Au plan civil le caractegravere reacutetroactif

de lrsquoannulation dispense donc la personne innocenteacutee du versement des dommages et inteacuterecircts

dus agrave la victime Prononceacutee par une juridiction reacutepressive ou civile cette condamnation aux

dommages et inteacuterecircts disparaicirct degraves lors que la juridiction srsquoest exclusivement fondeacutee sur la

constatation de la culpabiliteacute peacutenale Si le condamneacute a deacutejagrave reacutegleacute les dommages et inteacuterecircts il

peut se preacutevaloir de lrsquoaction en reacutepeacutetition de lrsquoindu inscrite agrave lrsquoarticle 1377 du Code civil pour

en demander le remboursement2

111 Mais lrsquoannulation drsquoune condamnation deacutefinitive est aussi un signal fort envoyeacute agrave

la socieacuteteacute qui souvent perturbeacutee voire scandaliseacutee par les erreurs judiciaires se pose des

questions sur la creacutedibiliteacute de lrsquoinstitution de la justice laquo un innocent condamneacute est lrsquoaffaire

de tous les honnecirctes gens raquo3 En faisant le choix de lrsquoannulation reacutetroactive de la

condamnation vicieacutee le leacutegislateur lance un signal courageux agrave la socieacuteteacute

112 Enfin drsquoun point de vue plus juridique lrsquoannulation drsquoune deacutecision deacutefinitive

consacre la victoire sur un adversaire redoutable lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Drsquoailleurs la

doctrine ne reconnaicirct que lrsquoannulation dans lrsquohypothegravese du succegraves drsquoune reacutevision laquo Sil est

malheureusement impossible dorganiser la justice reacutepressive de faccedilon agrave eacuteviter toute erreur

judiciaire du moins faut-il que les condamnations qui ont frappeacute des innocents puissent ecirctre

effaceacutees raquo4 La jurisprudence rappelle la force des effets de la reacutevision en preacutecisant

que laquo lannulation par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cour de reacutevision) dune

deacutecision de condamnation prononceacutee par une juridiction reacutepressive a pour reacutesultat daneacuteantir

reacutetroactivement tous les effets passeacutes de cette condamnation raquo5

113 Lrsquoancien article 625 du Code de proceacutedure peacutenale preacutevoyait deux modaliteacutes

drsquoannulation qui ont eacuteteacute reprises par la loi de 2014 agrave lrsquoarticle 624-7 du Code de proceacutedure

peacutenale Ainsi laquo sil est possible de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats contradictoires la

formation de jugement de la cour de reacutevision et de reacuteexamen renvoie le requeacuterant devant une

juridiction de mecircme ordre et de mecircme degreacute mais autre que celle dont eacutemane la deacutecision

annuleacutee raquo

1 Cass 2e civ 1er juill 1954 D 1955 p 45 concl LEMOINE 2 Lrsquoarticle 1377 du Code civil alineacutea 1 dispose laquo Lorsquune personne qui par erreur se croyait deacutebitrice a acquitteacute une dette elle a le droit de reacutepeacutetition contre le creacuteancier raquo 3 LA BRUYERE Les caractegraveres De quelques usages Les classiques de poche Le livre de poche 1976 p 52 4 R GARRAUD op cit ndeg 1995 5 Cass crim 1er juill 1954 op cit

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114 Dans le cas de lrsquoannulation sans renvoi1 la Cour de reacutevision et de reacuteexamen

reconnaicirct sur le champ lrsquoinnocence du demandeur Cette deacuteclaration drsquoinnocence se suffit agrave

elle-mecircme pour replacer dans ses droits lrsquoinnocenteacute2 Dans celui de lrsquoannulation avec renvoi

la Cour de reacutevision et de reacuteexamen agit comme en matiegravere de cassation Elle ne se prononce

que sur le rescindant3 pour confier le rescisoire4 agrave la juridiction de renvoi qui rejuge lrsquoaffaire

au fond Devant cette juridiction le demandeur nrsquoest plus consideacutereacute comme un condamneacute

Redevenu un preacutevenu ou un accuseacute il peut agrave nouveau beacuteneacuteficier de la preacutesomption

drsquoinnocence qualiteacute que sa condamnation passeacutee en force de chose jugeacutee lui avait fait perdre5

La technique du renvoi preacutesente de plus lrsquointeacuterecirct laquo de comprendre comment lrsquoerreur

judiciaire srsquoest construite [hellip] le nouveau procegraves est un moyen pour la justice de remettre les

choses dans lrsquoordre par lrsquoeacutetablissement drsquoun paralleacutelisme des formes entre la condamnation et

lrsquoacquittement raquo6 La juridiction de renvoi dispose dune tregraves grande liberteacute dappreacuteciation

pouvant soit proclamer linnocence du condamneacute soit confirmer la deacutecision annuleacutee soit

prononcer une nouvelle condamnation7 Elle peut mecircme fonder sa deacutecision sur un motif autre

que ceux retenus par la Cour de reacutevision et de reacuteexamen agrave lrsquooccasion de lrsquoannulation du

jugement initial8 Une seule limite srsquoimpose la prohibition de la reacuteformation in pejus

principe commun agrave toutes les voies de recours dans lrsquointeacuterecirct du condamneacute9 Crsquoest ainsi que la

nouvelle sanction ne peut pas ecirctre supeacuterieure agrave celle preacutevue par la condamnation annuleacutee10

1 Monsieur LAMANDA qualifie les hypothegraveses drsquoannulation sans renvoi drsquolaquo annulations segraveches raquo V Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit p181 2 Ibid p 42 laquo 65 des deacutecisions drsquoannulation ne donnent pas lieu agrave renvoi (essentiellement en matiegravere correctionnelle) raquo 3 G CORNU op cit V rescindant laquo Le rescindant laquo du latin rescindere seacuteparer en deacutechirant est la premiegravere des deux phases de la proceacutedure de reacutevision qui consiste en lrsquoexamen [] de la recevabiliteacute et du bien-fondeacute du pourvoi raquo 4 G CORNU op cit V rescisoire laquo Le rescisoire est la phase destineacutee agrave rejuger lrsquoaffaire qui srsquoouvre apregraves annulation au rescindant de la deacutecision reconnue erroneacutee soit devant la juridiction de renvoi soit dans le cas ougrave le renvoi est exclu devant la chambre criminelle (auquel cas la distinction du rescindant et du rescisoire srsquoestompe) raquo H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 191 laquo (hellip) partie de lrsquoarrecirct que jadis les juristes qualifiaient de rescindant raquo Lrsquoemploi du passeacute et du terme jadis signifient que pour Monsieur Angevin cette distinction nrsquoa plus lieu drsquoecirctre en sens contraire V Reacutevision la distinction du rescindant et du rescisoire agrave propos de cass crim ndeg13042010 ndeg 09-84531 AJ Peacutenal 2010 p 349 5 H ANGEVIN op cit ndeg 192 6 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit p44 7 Dans ce cas la partie de la peine subie en vertu de la premiegravere condamnation simpute sur celle prononceacutee par les juges de renvoi 8 Cass crim 6 aoucirct 1945 Bull crim no 94 9 V R MERLE et A VITU op cit ndeg 838 P BOUZAT et J PINATEL op cit ndeg 1523 p 1466 J PRADEL op cit ndeg 651 p 618 PD de BOISVILLIERS La regravegle de lrsquointerdiction drsquoaggraver le sort du preacutevenu RSC 1993 p 694 J LEBLOIS-HAPPE Le libre choix de la peine par le juge un principe deacutefendu bec et ongles par la chambre criminelle (agrave propos de lrsquoarrecirct rendu le 4 avril 2002) Dr peacutenal 2003 chron 11 speacutec ndeg 10-13 10V Cass crim 31 juill 1909 Dr peacutenal 1902 I p 79 L PRIOU-ALIBERT laquo Reacutevision vers un nouvel acquittement raquo Dalloz Actualiteacutes 23 mai 2013

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115 Se posent donc les questions de savoir quel est le critegravere du choix entre ces deux

modaliteacutes drsquoannulation (avec ou sans renvoi) (1) ainsi que de lrsquoeacutevaluation des conseacutequences

de ce choix (2)

1 Le critegravere du choix entre lrsquoannulation avec ou sans renvoi

116 Tant dans la loi de 1989 que dans celle de 2014 le choix entre lrsquoannulation avec

ou sans renvoi repose sur le critegravere des laquo nouveaux deacutebats raquo Divers cas sont preacutevus par le

leacutegislateur afin de deacuteterminer si la situation exige ou non un renvoi

a Lrsquoimpossibiliteacute immeacutediate de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats

117 Lrsquoarticle 624-7 du Code de proceacutedure peacutenale qui reprend les termes de lrsquoancien

article 625 dispose laquo Sil y a impossibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats notamment en

cas damnistie de deacutecegraves de contumace ou de deacutefaut dun ou de plusieurs condamneacutes

dirresponsabiliteacute peacutenale en cas de prescription de laction ou de la peine la formation de

jugement de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen apregraves lavoir expresseacutement constateacutee statue

au fond en preacutesence des parties civiles sil y en a au procegraves et des curateurs nommeacutes par elle

agrave la meacutemoire de chacun des morts dans ce cas elle annule seulement celles des

condamnations qui lui paraissent non justifieacutees et deacutecharge sil y a lieu la meacutemoire des

morts raquo

118 Ce texte non exhaustif1 liste une seacuterie drsquoobstacles de nature agrave empecirccher

lrsquoorganisation de nouveaux deacutebats La Cour de reacutevision et de reacuteexamen qui constate

lrsquoimpossibiliteacute drsquoorganiser de nouveaux deacutebats se doit drsquoannuler purement et simplement la

condamnation en excluant ainsi le renvoi Les applications jurisprudentielles auxquelles a

donneacute lieu ce texte sous lrsquoempire de la loi de 1989 teacutemoignent de la rigueur de la Cour de

reacutevision qui apregraves avoir constateacute et qualifieacute lrsquoimpossibiliteacute se reacutesignait ensuite agrave rendre

elle-mecircme la deacutecision sans renvoi2

1 Utilisation du terme laquo notamment raquo 2 Pour lrsquoamnistie V Cass crim 2 feacutevr 1950 Bull no 40 Pour le deacutecegraves au moment de lrsquointroduction du recours V Cass crim 11 juin 1869 Bull crim ndeg 138 S 1870 1 p 140 Cass crim 26 nov 1920 Bull ndeg 456 ndash Cass crim 17 juin 1935 Bull ndeg 12 Pour le deacutecegraves en cours drsquoinstance V Cass crim 5 mars 1931 Bull ndeg 65 pour la deacutecharge de la meacutemoire du mort V Casscrim 25 novembre 1991 op cit pour le deacutecegraves de lrsquounique teacutemoin V Cass crim 26 juin 1991 ndeg 90-85925 Bull crim ndeg 284 Pour la prescription V Cass crim 15 mars 1900 Bull ndeg 117 pour lrsquointerruption de la prescription par un preacuteceacutedent recours en reacutevision infructueux V Cass crim 29 mars 1984 Bull ndeg 133 Pour la deacutemence V Cass crim 9 juill 1917 Bull Crim ndeg 165 Cass crim 15 juin 1918 Bull ndeg 135 Cass crim 3 juill 1919 Bull ndeg 151 Cass crim 12 sept 2007 ndeg 06-87290

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119 laquoLrsquoimpossibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats raquo regroupe lrsquoimpossibiliteacute

mateacuterielle comme le deacutecegraves et des obstacles juridiques comme la prescription de lrsquoaction ou

de la peine Un eacutevegravenement impossible est mateacuteriellement irreacutealisable et ne peut pas exister

Or le seul obstacle preacutevu par le texte qui reacutepond avec justesse agrave cette deacutefinition est le deacutecegraves

En revanche pour ce qui est des autres points eacutenonceacutes dans le texte il srsquoagit drsquoune

impossibiliteacute plus juridique1 que mateacuterielle plus proche drsquoune interdiction drsquoorganiser de

nouveaux deacutebats que drsquoune impossibiliteacute immeacutediate

b Lrsquoimpossibiliteacute posteacuterieure agrave une deacutecision de renvoi de proceacuteder agrave de nouveaux

deacutebats

120 Lrsquoarticle 624-7 du Code de proceacutedure peacutenale reprend les anciennes dispositions

de 19892 et dispose que laquo si limpossibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats ne se reacutevegravele

quapregraves larrecirct de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen annulant larrecirct ou le jugement de

condamnation et prononccedilant le renvoi la cour sur la reacutequisition du ministegravere public

rapporte la deacutesignation par elle faite de la juridiction de renvoi et statue comme il est dit au

troisiegraveme alineacutea raquo

121 Ce texte preacutevoit lrsquoannulation sans renvoi lorsqursquoun eacutevegravenement rendant

impossible les nouveaux deacutebats intervient apregraves la deacutecision prononccedilant le renvoi et avant

lrsquoaudience Crsquoest donc entre autres lrsquohypothegravese du deacutecegraves du condamneacute intervenu dans ce

laps de temps ou avant la deacutecision de renvoi mais ignoreacute par la Cour de reacutevision et de

reacuteexamen3 Dans un tel cas le deacutecegraves rend de fait impossible la tenue des deacutebats Cet alineacutea

srsquoappliquait aussi sous lrsquoempire de la loi de 1989 dans le cas ougrave posteacuterieurement agrave la

deacutecision de renvoi le demandeur se trouvait confronteacute agrave des troubles psychiques ou

neuropsychiques graves4 Lrsquoutilisation du terme interdiction pourrait donc aussi paraicirctre plus

approprieacutee

1 Lrsquoarticle 6 alineacutea 1 du CPP dispose laquo Laction publique pour lapplication de la peine seacuteteint par la mort du preacutevenu la prescription lamnistie labrogation de la loi peacutenale et la chose jugeacutee raquo 2 Lrsquoancien article 625 CPP disposait laquo (hellip) Si limpossibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats ne se reacutevegravele quapregraves larrecirct de la cour de reacutevision annulant larrecirct ou le jugement de condamnation et prononccedilant le renvoi la cour sur la reacutequisition du ministegravere public rapporte la deacutesignation par elle faite de la juridiction de renvoi et statue comme il est dit agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo 3 Cass crim 24 janv 1919 Bull ndeg 22 4 Cass crim 28 feacutevr et 15 juin 1918 Bull ndeg 135 S 1919 1 p 145 note ROUX Dr peacutenal 1920 1 p 182

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c Lrsquoinutiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats

122 Srsquoinspirant tregraves fortement du texte de 19891 lrsquoarticle 624-7 du Code de proceacutedure

peacutenale dispose que laquo si lannulation de la deacutecision agrave leacutegard dun condamneacute vivant ne laisse

rien subsister agrave sa charge qui puisse ecirctre peacutenalement qualifieacute aucun renvoi nest prononceacute raquo

123 La mise en œuvre de cet alineacutea exige de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen

acquise agrave la thegravese de lrsquoinnocence du condamneacute une eacuteclatante conviction Lrsquoarrecirct de reacutevision

du capitaine DREYFUS en est lrsquoillustration laquo Attendu en derniegravere analyse que de

laccusation porteacutee contre Dreyfus rien ne reste debout et que lannulation du jugement du

conseil de guerre ne laisse rien subsister qui puisse agrave sa charge ecirctre qualifieacute crime ou

deacutelit2 raquo Sous la loi de 1989 la proclamation de lrsquoinnocence srsquoeacutetait manifesteacutee agrave lrsquooccasion

des quatre cas suivants la disparition drsquoun eacuteleacutement constitutif de lrsquoinfraction3 la disparition

de lrsquoinfraction4 lrsquoimpossibiliteacute de la commission de lrsquoinfraction par le condamneacute5 et le

caractegravere inconciliable des condamnations6 Face agrave de telles situations de nouveaux deacutebats

sont en effet sans objet et lrsquoinutiliteacute du renvoi srsquoavegravere eacutevidente

d La possibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats

124 Lrsquoarticle 624-7 du Code de proceacutedure peacutenale qui reprend agrave nouveau les termes

du leacutegislateur de 19897 dispose laquo sil est possible de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats

contradictoires la formation de jugement de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen renvoie le

requeacuterant devant une juridiction de mecircme ordre et de mecircme degreacute mais autre que celle dont

eacutemane la deacutecision annuleacutee raquo

1 Ancien article 625 CPP laquo(hellip) Si lannulation du jugement ou de larrecirct agrave leacutegard dun condamneacute vivant ne laisse rien subsister agrave sa charge qui puisse ecirctre qualifieacute crime ou deacutelit aucun renvoi nest prononceacute raquo 2 Cass ch reacuteunies 12 juill 1906 Bull ndeg 283 Dr peacutenal 1909 1 p 553 Dr peacutenal 19081553 rapp BALLOT-BEAUPRE 3 Ce fut notamment le cas pour un individu de nationaliteacute franccedilaise condamneacute pour infraction agrave la leacutegislation sur les eacutetrangers pour drsquoautres exemples V notamment Cass crim 28 deacutec 1929 Bull ndeg 300 Cass crim 27 avr 1951 Bull ndeg 234 Cass crim 29 janv 1958 Bull ndeg 106 Cass crim 10 avr 1959 Bull ndeg 200 Cass crim 8 juin 1988 Bull ndeg 265 Cass crim 17 juin 1998 Bull ndeg 197 4 Cass crim 1er mars 1945 Bull crim 1945 ndeg 23 5 Crsquoest le cas si agrave la date de linfraction le requeacuterant eacutetait hospitaliseacute loin du lieu de commission des faits (affaire R DAALOUCHE) V cass crim 14 octobre 1998 op cit 6 Cass crim 9 juill 1917 Bull ndeg 165 Cass crim 15 juin 1918 Bull ndeg 135 Cass crim 3 juill 1919 Bull ndeg 151 Cass crim 3 deacutec 1937 Bull ndeg 226 Cass crim 3 mai 1994 ndeg 93-85663 7 Ancienne reacutedaction laquo Elle (la Cour de reacutevision) appreacutecie sil est possible de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats contradictoires Dans laffirmative elle renvoie les accuseacutes ou preacutevenus devant une juridiction de mecircme ordre et de mecircme degreacute mais autre que celle dont eacutemane la deacutecision annuleacutee raquo

60

125 La possibiliteacute de nouveaux deacutebats justifie donc un renvoi Aussi la jurisprudence

issue de la loi de 1989 affirme-t-elle que lannulation de la condamnation doit deacuteboucher sur

un renvoi degraves lors que de nouveaux deacutebats contradictoires sont possibles1 Pourtant

lrsquoannulation peut aussi avoir lieu sans renvoi lorsque les nouveaux deacutebats bien que possibles

srsquoavegraverent inutiles2 Ainsi agrave la faveur drsquoune interpreacutetation a contrario du texte il semble que

les deacutebats en plus drsquoecirctre possibles doivent ecirctre neacutecessaires La jurisprudence tregraves dense sur

le sujet au moment de lrsquoapplication de la loi de 1989 a de nombreuses fois motiveacute une

annulation avec renvoi en se reacutefeacuterant agrave la possibiliteacute et agrave la neacutecessiteacute de proceacuteder agrave de

nouveaux deacutebats contradictoires Monsieur Henri ANGEVIN eacutevoque des nouveaux deacutebats

laquo neacutecessaires3 raquo En 2014 il aurait donc eacuteteacute souhaitable de lever les ambiguiumlteacutes du texte en

mentionnant la possibiliteacute et la neacutecessiteacute drsquoorganiser de nouveaux deacutebats contradictoires

126 La deacutefinition drsquoune frontiegravere preacutecise entre les critegraveres de choix concernant drsquoun

cocircteacute lrsquoannulation sans renvoi et de lrsquoautre cocircteacute lrsquoannulation avec renvoi est indispensable

En effet il existait en 1989 entre ces deux choix (annulation avec ou sans renvoi) une

diffeacuterence notable par rapport au degreacute du doute requis La reconduction en 2014 des textes

relatifs aux modaliteacutes drsquoannulation et le maintien du doute4 laissent entrevoir une survivance

de la situation anteacuterieure

2 Les conseacutequences du choix entre lrsquoannulation avec ou sans renvoi

127 La diffeacuterence du degreacute du doute requis entre une annulation sans renvoi et une

annulation avec renvoi ressort expresseacutement de certaines anciennes jurisprudences

Srsquoagissant drsquoune annulation avec renvoi la Cour de reacutevision consideacuterait que laquo lorsquil

[pouvait] ecirctre proceacutedeacute agrave de nouveaux deacutebats contradictoires il [suffisait] pour justifier la

reacutevision que le fait nouveau fasse naicirctre des doutes seacuterieux sur la culpabiliteacute et deacutetruise la

preacutesomption de certitude reacutesultant de la chose jugeacutee5 raquo Pour ce qui est de lrsquoannulation sans

renvoi la Cour de reacutevision nrsquoannulait la condamnation laquo que sil [eacutetait] eacutetabli quelle [avait]

eacuteteacute injustement prononceacutee6 raquo

1 Cass crim13 avr 2010 ndeg 10-80196 AJP 2010 p 349 obs C GIRAULT 2 V supra ndeg 122 et 123 3 H ANGEVIN op cit ndeg 194 4 V infra ndeg 601 agrave 616 5 Cass crim 9 feacutevr 1934 Bull ndeg 31 6 Cass crim 3 janv 1930 Bull ndeg 1 Cass crim 28 juin 1930 Bull ndeg 195

61

128 Certains preacutetendront que la distinction de cette diffeacuterence de degreacute nrsquoa plus lieu

drsquoecirctre depuis la loi de 1989 qui a deacuteplaceacute lrsquoexigence drsquoune certitude de lrsquoinnocence vers celle

drsquoun doute sur la culpabiliteacute1 et a fortiori depuis la confirmation de ce souhait pas la loi de

20142 Nous deacutemontrerons plus tard la survivance de cette distinction

129 Lrsquoexistence drsquoune diffeacuterenciation du degreacute de doute requis pourrait ecirctre de nature

agrave faire naicirctre une ineacutegaliteacute des armes entre le demandeur beacuteneacuteficiaire drsquoun renvoi et celui qui

en est priveacute laquo La question est drsquoimportance car chacun sait que les juges du renvoi nrsquoosent

jamais (lrsquoaffaire DILS introduit deacutesormais une exception au principe) deacutejuger les plus hauts

Magistrats et accabler celui que la presse a deacutejagrave acquitteacute ou relaxeacute3 raquo Les deacuteputeacutes FENECH et

TOURRET font eacutegalement la remarque que laquo si lrsquoon observe les condamnations

correctionnelles et criminelles qui ont fait lrsquoobjet drsquoune annulation avec renvoi depuis 1990 il

est clair que la deacutecision de la Cour de reacutevision [conduisait] le plus souvent agrave une relaxe ou agrave

un acquittement raquo4

130 Srsquoagissant de lrsquoeacutetendue de lrsquoannulation cette question ne soulegraveve guegravere de

difficulteacutes dans le cas drsquoune situation peacutenale simple dans laquelle le demandeur en reacutevision

est le seul condamneacute pour une infraction unique5 Dans ce cas lrsquoannulation de la

condamnation est de toute eacutevidence totale6 En revanche si le demandeur est condamneacute pour

plusieurs crimes ou deacutelits par une mecircme deacutecision la reacutevision peut nrsquoecirctre admise que pour

certains dentre eux7 (annulation partielle) La situation peut se compliquer en preacutesence drsquoune

pluraliteacute de demandeurs (situation peacutenale complexe) Dans ce cas-lagrave lrsquoannulation peut nrsquoecirctre

que partielle8 sauf si lrsquoinnocence de chacun est reconnue9

131 La reconnaissance de lrsquoerreur obtenue par lrsquoannulation de la condamnation peut

ensuite entrainer la reacuteparation inteacutegrale du preacutejudice subi

1 V infra ndeg 215 agrave 238 2 V infra ndeg 601 agrave 616 3 E DE VALICOURT op cit p 222 4 Rapport drsquoinformation op cit p 44 laquo Ainsi sur les six affaires criminelles renvoyeacutees cinq requeacuterants ont eacuteteacute acquitteacutes agrave lrsquoissue de la proceacutedure judiciaire Quant aux affaires correctionnelles renvoyeacutees devant les juges du fond au nombre de douze six drsquoentre elles ont drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute rejugeacutees et cinq relaxes ont eacuteteacute prononceacutees raquo 5 V Cass crim 29 mars 1995 Bull ndeg 138 6 V notamment Cass crim 28 avr 1975 Bull ndeg 112 Cass crim 5 nov 1987 Bull ndeg 392 RSC 1988 p 550 obs BRAUNSCHWEIG Cass crim 8 feacutevr 1989 ndeg 88-83906 Bull ndeg 6 Cass crim 29 mai 1974 Bull ndeg 205 Cass crim 9 nov 1976 Bull ndeg 321 RSC 1977 p 607 obs J ROBERT 7 Cass crim 11 mars 1904 Dr peacutenal 10981 p17 8 Cass crim 24 deacutec 1875 Bull ndeg 365 9 Cass crim 29 mars 1995 ndeg 94-84944 Bull ndeg 138

62

B La reacuteparation inteacutegrale du preacutejudice subi

132 Selon le dictionnaire reacuteparer quelque chose crsquoest laquo le fait de le faire revenir agrave

son eacutetat normal raquo1 En drsquoautres termes reacutetablir lrsquoeacutequilibre deacutetruit Une telle vision de la

reacuteparation est pourtant inapplicable agrave la victime drsquoune erreur judiciaire et mecircme au droit peacutenal

en geacuteneacuteral puisque le retour au statut quo ante nrsquoest qursquoune fiction juridique En effet

comment recreacuteer une situation agrave lrsquoidentique de celle qui existait avant le prononceacute de la

condamnation vicieacutee SHAKESPEARE a exprimeacute avec beaucoup de justesse dans laquo le

marchand de Venise raquo le caractegravere irreacuteparable du preacutejudice subi Le personnage Shylock mis

en scegravene par lrsquoauteur teacutemoigne de lrsquoimperfection de lrsquoindemnisation en reacuteclamant la

restitution en nature drsquoune livre de chair chose impossible Le Code de proceacutedure peacutenale a

reacutepondu agrave cette situation en reconnaissant agrave lrsquoarticle 626-1 le droit2 agrave lrsquoinnocent injustement

condamneacute drsquoobtenir de lEacutetat une reacuteparation inteacutegrale morale et peacutecuniaire3

133 Certains ont soutenu que la reacuteparation pouvait srsquoexpliquer par un devoir

drsquoassistance de lrsquoEtat Il est vrai qursquoau XVIIIegraveme siegravecle la reacuteparation du dommage constituait

une faveur de la royauteacute qui se voulait charitable laquo pour les innocents ayant subi sur de faux

indices les rigueurs drsquoune poursuite criminelle raquo4 Elle consistait agrave eacutevaluer le montant de

lrsquoindemnisation par rapport aux revenus de la victime sans prise en compte reacuteelle du

dommage subi Face agrave une mecircme situation de fait un individu deacutesargenteacute ou dans le besoin

eacutetait mieux indemniseacute qursquoune personne aux bons revenus La loi de 1895 a abandonneacute cette

conception Depuis lrsquoEtat est tenu drsquoaccorder une reacuteparation morale et peacutecuniaire agrave la victime

drsquoune erreur judiciaire en compensant le dommage subi Le caractegravere obligatoire de la

reacuteparation srsquoest substitueacute au pouvoir discreacutetionnaire anteacuterieur5

134 Lrsquo article 626-1 du Code de proceacutedure peacutenale pose comme en 19896 un principe

(laquo Sans preacutejudice du chapitre unique du titre IV du livre Ier du code de lorganisation

1 Petit Robert 1 Dictionnaire alphabeacutetique et analogique de la langue franccedilaise op cit V reacuteparation 2 Jusqursquoagrave la loi ndeg 89-431 du 23 juin 1989 la reacuteparation du preacutejudice eacutetait facultative et devait ecirctre expresseacutement demandeacutee par le requeacuterant 3 C LAZERGES Reacuteflexions sur lrsquoerreur judiciaire op cit laquo Il est certainement excessif sauf en un sens strictement juridique de parler de reacuteparation inteacutegrale car une deacutetention injustifieacutee sindemnise plus quelle ne se reacutepare raquo 4 E de VALICOURT op cit p240 5 R MERLE et A VITU op cit ndeg 930 6 La reacutedaction initiale de la loi de 1989 preacutevoyait comme exception au droit agrave reacuteparation laquo la non-repreacutesentation de la piegravece nouvelle ou la non-reacuteveacutelation de lrsquoeacuteleacutement inconnu en temps utile raquo lorsqursquoil eacutetait prouveacute qursquoelle eacutetait laquo imputable en tout ou partie raquo au condamneacute Crsquoest agrave lrsquoappui de ce texte que toute indemnisation a eacuteteacute refuseacutee agrave Rida DAALOUCHE agrave qui il eacutetait reprocheacute de ne pas avoir preacutesenteacute en temps utile un certificat drsquohospitalisation qui aurait permis de lrsquoinnocenter Suite agrave cette affaire la loi ndeg 2000-1354 du 30 deacutecembre 2000 tendant agrave

63

judiciaire un condamneacute reconnu innocent agrave la suite dune reacutevision ou dun reacuteexamen accordeacute

en application du preacutesent titre a droit agrave reacuteparation inteacutegrale du preacutejudice mateacuteriel et moral

que lui a causeacute la condamnation1 raquo) nuanceacute par une exception (laquo Toutefois aucune

reacuteparation nest due lorsque la personne a eacuteteacute condamneacutee pour des faits dont elle sest

librement et volontairement accuseacutee ou laisseacute accuser agrave tort en vue de faire eacutechapper lauteur

des faits aux poursuites raquo)

135 Quel que soit le montant de lrsquoindemnisation les stigmates drsquoune erreur judiciaire

ne seront jamais complegravetement effaceacutes Lrsquoargent verseacute ne pourra pas renouer les liens briseacutes2

Ainsi le preacutejudice est de jure inteacutegralement reacutepareacute bien que demeurant de facto

irreacuteparable En effet la dureteacute de la vie carceacuterale drsquoun innocent qui agrave juste titre nrsquoaccepte pas

la sanction constitue autant de blessures qursquoune indemnisation ne peut compenser A cela

srsquoajoute les difficulteacutes que lrsquoinnocenteacute eacuteprouve pour se reconstruire socialement Le doute

peut persister dans lrsquoopinion publique qui a tendance agrave srsquoeacuteriger en juge permanent feignant

drsquoignorer le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee3

136 Bien que lrsquoerreur judiciaire ne conduise plus agrave lrsquoeacutechafaud les dommages restent

consideacuterables et difficilement reacuteparables Conscient de la situation le leacutegislateur preacutevoit agrave

lrsquoarticle 626-1 du Code de proceacutedure peacutenale que laquo Si le demandeur le requiert larrecirct ou le

jugement de reacutevision dougrave reacutesulte linnocence du condamneacute est afficheacute dans la ville ougrave a eacuteteacute

prononceacutee la condamnation dans la commune du lieu ougrave le crime ou le deacutelit a eacuteteacute commis

dans celle du domicile des demandeurs en reacutevision dans celles du lieu de naissance et du

dernier domicile de la victime de lerreur judiciaire si elle est deacuteceacutedeacutee dans les mecircmes

conditions il est ordonneacute quil soit inseacutereacute au Journal officiel et publieacute par extraits dans cinq

journaux au choix de la juridiction qui a prononceacute la deacutecision Les frais de la publiciteacute ci-

dessus preacutevue sont agrave la charge du Treacutesor raquo

faciliter lindemnisation des condamneacutes reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matiegravere de proceacutedure peacutenale a modifieacute lrsquoancien article 626 du CPP 1 Lrsquoalineacutea 2 eacutetend le peacuterimegravetre de cette reacuteparation agrave laquotoute personne justifiant du preacutejudice que lui a causeacute la condamnation raquo En pratique il srsquoagit essentiellement des enfants et du conjoint du condamneacute mais les termes employeacutes par le leacutegislateur laissaient place agrave drsquoautres hypothegraveses 2 Sur la souffrance endureacutee V G CANIVET et D KARSENTY Reacuteflexions pratiques sur la commission nationale de reacuteparation des deacutetentions in Le droit peacutenal agrave lrsquoaube du troisiegraveme milleacutenaire Meacutelanges offerts agrave Jean Pradel Cujas 2006 p 219 V eacutegalement A GIUDICELLI Lrsquoindemnisation des personnes injustement deacutetenues ou condamneacutees RSC 1998 p 11 3 Sur ce point V A MARECAUX Chronique de mon erreur judiciaire eacutedition Flammarion Paris 2005

64

137 Il est vrai qursquoen mettant cocircte agrave cocircte lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision il en reacutesulte un antagonisme1 En effet la mise en opposition de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee (fin du procegraves) et du pourvoi en reacutevision (renaissance du procegraves) permet de mieux

comprendre Monsieur NAJARIAN qui eacutevoque dans sa thegravese une laquo incompatibiliteacute raquo De

mecircme comprendra-t-on mieux la position de Madame DE VALICOURT qui considegravere que la

proceacutedure de reacutevision est laquo tirailleacutee entre deux exigences contradictoires raquo2 Pour autant cette

dualiteacute oppositionnelle nrsquoest qursquoune apparence Une vision eacutetroite reacuteduisant lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision en deux blocs opposeacutes a pour effet de meacuteconnaicirctre les

liens reacuteels qui les unissent Crsquoest ainsi que mecircme si tout porte agrave croire que le pourvoi en

reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee poursuivent des objectifs antinomiques le leacutegislateur et

les juges ne devraient pas pour autant se fier aux apparences souvent trompeuses

Section 2 Lrsquoopposition trompeuse entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et la reacutevision

138 Lrsquoantinomie ressentie entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

a en reacutealiteacute pour origine des justifications de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee que nous ne

partageons pas Par le mot justification il est fait reacutefeacuterence aux arguments qui permettent

drsquoeacutetablir la leacutegitimiteacute drsquoune regravegle ou drsquoun principe Le terme est ici employeacute dans ses deux

acceptions Premiegraverement son sens originel agrave savoir la base sur laquelle repose quelque

chose Deuxiegravemement son sens philosophique crsquoest agrave dire lrsquoensemble des postulats drsquoun

systegraveme

139 Les justifications traditionnelles de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee sont de nature agrave

fausser la ligne de partage entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision (sect1) En

effet elles incitent agrave les opposer dans un scheacutema conflictuel et ne sont pas sans incidence sur

la repreacutesentation que se fait le leacutegislateur de cette proceacutedure extraordinaire Cette rivaliteacute est

en reacutealiteacute infondeacutee puisque lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision unis par un

destin commun (la preacuteservation de la paix sociale) peuvent ecirctre rapprocheacutes (sect2)

1 J LELIEUR op cit ndeg 673 laquo Il faut donc concilier deux exigences antagoniques la justice de la deacutecision reacutepressive revendiqueacutee par lrsquoindividu condamneacute et la seacutecuriteacute juridique agrave laquelle aspire la collectiviteacute raquo 2 E DE VALICOURT op cit p 124

65

sect 1 La remise en cause des justifications traditionnelles de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

140 Les deux aspects de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee (neacutegatif et positif) seront

examineacutes seacutepareacutement Geacuteneacuteralement la doctrine ne fait pas cette distinction lorsqursquoelle

eacutevoque les justifications de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee consideacuterant plutocirct le principe dans son

ensemble1 Pourtant sur cette question Monsieur le Professeur VALTICOS fait la distinction

entre laquo le principe geacuteneacuteral de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo et laquo la regravegle de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee au criminel sur le civil2raquo Cela nous conforte donc dans lrsquoideacutee de scruter drsquoune

part les justifications de lrsquoaspect neacutegatif (assimileacute par le Professeur VALTICOS au concept

geacuteneacuteral drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee3) et drsquoautre part celles de lrsquoaspect positif Toutefois

lrsquoobjet de notre propos nrsquoest pas de reacutepertorier lrsquoensemble des justifications mises en avant

pour la deacutefense de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Il conviendra de se tourner vers les auteurs qui

ont traiteacute la question4 En revanche nous reacuteveacutelerons que les justifications tregraves souvent

invoqueacutees comme eacutetant agrave lrsquoorigine de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee se concilient difficilement

avec lrsquoesprit de la proceacutedure de reacutevision Elles alimentent faussement la thegravese de lrsquoexistence

drsquoune contradiction entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

141 Dans la mesure ougrave laquo les probleacutematiques de lrsquoune et de lrsquoautre question sont bien

diffeacuterentes raquo5 nous envisagerons drsquoabord les justifications apporteacutees en deacutefense de lrsquoautoriteacute

positive de la chose jugeacutee (A) puis celles en faveur de lrsquoautoriteacute neacutegative (B)

A Les justifications doctrinales de lrsquoautoriteacute positive de la chose

jugeacutee

142 En lrsquoabsence drsquoun texte reconnaissant expresseacutement lrsquoaspect positif de la chose

jugeacutee la doctrine a envisageacute de rattacher ce principe agrave des fondements textuels deacutejagrave

existants6 Parmi les principaux7 figurent lrsquoarticle 1351 du Code civil1 et lrsquoarticle 4 alineacutea 2

1 Pour un exemple V F TERRE Introduction geacuteneacuterale du droit Paris Dalloz 9egraveme eacuted 2012 ndeg 610 2 N VALTICOS op cit ndeg 465 3 Pour le Professeur VALTICOS les fonctions de lrsquoaspect neacutegatif constituent laquo lrsquoexplication fondamentale raquo de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee 4 Pour lrsquoaspect positif pour une distinction entre les fondements textuels et les theacuteories doctrinales justificatives V A BOTTON op cit p81 et s pour une approche chronologique V P HEBRAUD op cit p 19 et s Pour lrsquoaspect neacutegatif V J LELIEUR-FISCHER op cit ndeg 112 et s N VALTICOS op cit ndeg 52 et s 5 J DANET op cit ndeg2 6 V sur cette question le deacutebat entre MERLIN et TOULIER deacuteveloppeacute par R et P GARRAUD op cit ndeg 556 7 Pour une eacutetude en profondeur V A BOTTON op cit p 79 agrave 132

66

du Code de proceacutedure peacutenale2 Aucun de ces fondements ne parait satisfaisant et ils ont tous

deux eacuteteacute largement remis en cause par la doctrine3

143 De ce silence textuel deacutecoule lrsquoeacutelaboration de theacuteories justificatives de lrsquoautoriteacute

positive de la chose jugeacutee entreprise par la doctrine Ces theacuteories baseacutees sur la supeacuterioriteacute du

peacutenal sur le civil (1) et sur la crainte des contradictions deacutecisionnelles (2) entretiennent lrsquoideacutee

drsquoune incompatibiliteacute entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi et reacutevision

1 La supeacuterioriteacute du peacutenal sur le civil

144 De nombreux auteurs acquis agrave la cause de la primauteacute des juridictions

reacutepressives4 font de cette supeacuterioriteacute la justification de lrsquoexistence de lrsquoautoriteacute positive de la

chose jugeacutee Cette theacuteorie met lrsquoaccent sur le rocircle particulier des tribunaux criminels dans

lrsquoordonnancement juridique seuls agrave pouvoir mettre en cause la liberteacute et lrsquohonneur des

personnes qursquoils jugent5 Logiquement leurs deacutecisions devraient donc revecirctir une autoriteacute plus

large que celles des juridictions civiles en charge du regraveglement drsquointeacuterecircts particuliers De

plus les moyens drsquoinvestigations mis agrave la disposition du juge peacutenal par rapport agrave la modestie

de ceux offerts au juge civil semblent militer en faveur de la supeacuterioriteacute du peacutenal sur le civil

Lorsque le procegraves civil fait suite agrave un procegraves reacutepressif la victime de lrsquoinfraction reacuteclame

souvent le versement du dossier peacutenal agrave lrsquoinstance civile Il srsquoagirait lagrave drsquoune sorte

drsquohommage rendu agrave la supeacuterioriteacute des moyens deacuteployeacutes par la justice peacutenale dans la recherche

1 laquo Lautoriteacute de la chose jugeacutee na lieu quagrave leacutegard de ce qui a fait lobjet du jugement Il faut que la chose demandeacutee soit la mecircme que la demande soit fondeacutee sur la mecircme cause que la demande soit entre les mecircmes parties et formeacutee par elles et contre elles en la mecircme qualiteacute raquo 2 laquo La mise en mouvement de laction publique nimpose pas la suspension du jugement des autres actions exerceacutees devant la juridiction civile de quelque nature quelles soient mecircme si la deacutecision agrave intervenir au peacutenal est susceptible dexercer directement ou indirectement une influence sur la solution du procegraves civil raquo 3 Pour lrsquoarticle 1351 du Code civil V A BOTTON op cit p 24 ndeg 33 R et P GARRAUD op cit p 1154 ndeg 556 Pour lrsquoarticle 4 alineacutea 2 CPP V M PRALUS Observations sur lapplication de la regravegle laquo le criminel tient le civil en leacutetat raquo RSC 1972 31 s S GUINCHARD et J BUISSON op cit ndeg1199 M-L RASSAT op cit p 844 ndeg 522 A BOTTON op cit p 5 ndeg 6 et p 89 ndeg 143 et s A BOTTON Une conseacutecration en trompe lrsquoœil de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil op cit et V en sens contraire J KARILA DE VAN laquo Chose jugeacutee raquo Reacutep Civ Dalloz 2013 ndeg 253 4 V notamment P HEBRAUD op cit p 76 agrave 82 H DONNEDIEU DE VABRES op cit ndeg 1549 P CONTE et P MAISTRE DU CHAMBON op cit ndeg 669 R MERLE et A VITU op cit ndeg 898 5 Lrsquoarrecirct QUERTIER op cit affirme explicitement que laquo lorsque la justice reacutepressive srsquoest prononceacutee il ne saurait ecirctre permis au juge civil de meacuteconnaicirctre lautoriteacute de ses souveraines deacuteclarations ou de nen faire aucun compte [hellip] lordre social aurait agrave souffrir dun antagonisme qui en vue seulement dun inteacuterecirct priveacute aurait pour reacutesultat deacutebranler la foi due aux arrecircts de la justice criminelle (crsquoest nous qui soulignons) et de remettre en question linnocence du condamneacute quelle aurait reconnu coupable ou la responsabiliteacute du preacutevenu quelle aurait deacuteclareacute ne pas ecirctre lauteur du fait imputeacute raquo

67

de la veacuteriteacute Enfin lrsquoarticle 34 de la Constitution1 consacrerait expresseacutement la supreacutematie de

la proceacutedure peacutenale sur la proceacutedure civile en preacutecisant que les regravegles de proceacutedure peacutenale

relegravevent essentiellement du domaine de la loi contrairement aux regravegles de proceacutedure civile qui

sont pour lrsquoessentiel de nature regraveglementaire2

145 Cette thegravese instille une confusion des genres entre deux propositions diffeacuterentes

Nul ne remet en cause le caractegravere preacutedominant du droit peacutenal dans lrsquoordonnancement

juridique Toutefois la sureacutevaluation de lrsquoimportance du droit peacutenal impliquant le glissement

vers une preacutedominance des jugements reacutepressifs semble excessive3

146 A cela srsquoajoute que par rapport au pourvoi en reacutevision cette theacuteorie de la

supeacuterioriteacute du peacutenal sur le civil est gecircnante Elle semble faire oublier qursquoun jugement peacutenal

rendu par des hommes peut comme tout autre jugement ecirctre entacheacute drsquoune erreur Crsquoest

pourquoi cette theacuteorie peut ecirctre perccedilue comme une offense agrave lrsquoutiliteacute du pourvoi en reacutevision

en contribuant agrave accreacutediter lrsquoideacutee selon laquelle la justice peacutenale est une justice supeacuterieure qui

ne commettrait pas ou tregraves peu drsquoerreurs

147 La theacuteorie justificative de lrsquoautoriteacute positive baseacutee sur la crainte des

contradictions deacutecisionnelles nrsquoest pas plus satisfaisante

2 La crainte des contradictions deacutecisionnelles

148 Certains auteurs perccediloivent dans lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee une maniegravere

drsquoeacuteviter les contradictions deacutecisionnelles et de preacuteserver la creacutedibiliteacute de la justice4 Drsquoapregraves

eux il serait inconvenant que sur un point souleveacute simultaneacutement devant le juge peacutenal et le

juge civil la deacutecision du second vienne contredire les conclusions du premier (juge peacutenal)

Lrsquoincoheacuterence juridique issue du rapprochement des deacutecisions se traduirait par laquo des effets

concregravetement inconciliables par une impossibiliteacute drsquoexeacutecution simultaneacutee des deux deacutecisions

dont lrsquoune ordonne une chose alors que lrsquoautre prescrit son contraire raquo5 La creacutedibiliteacute de la

justice souffrirait de lrsquoincoheacuterence manifeste entre un acquittement au peacutenal et une

1 Article 34 de la Constitution laquo La loi fixe les regravegles concernant [hellip] la deacutetermination des crimes et deacutelits ainsi que les peines qui leur sont applicables la proceacutedure peacutenale lamnistie la creacuteation de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats raquo 2 Cass crim 9 deacutecembre 1980 ndeg 80 92 313 Bull ndeg 340 3 V en ce sens SAVEY-CASARD Le reacutegime de laction civile survivant agrave laction publique RSC 1976 p 319 V TELLIER op cit ndeg 797 A BOTTON op cit p 109 agrave 131 4 FAUSTIN-HEacuteLIE op cit ndeg 983 5 D PORTOLANO et F BOULAN op cit

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condamnation au civil ou entre une condamnation criminelle et une irresponsabiliteacute proclameacutee

sur lrsquoaction en dommage et inteacuterecircts

149 Or primo cette justification est contredite par la loi du 10 juillet 20001 qui a

remis en cause le principe de lrsquouniteacute des fautes civile et peacutenale qui fut consacreacute par la

jurisprudence degraves 19122 Lrsquoarticle 4-1 du Code de proceacutedure peacutenale permet deacutesormais dans

lhypothegravese dun fait mateacuteriel unique de retenir une faute civile lagrave ougrave la faute peacutenale est

eacutecarteacutee en labsence dun comportement suffisamment grave3 La contradiction deacutecisionnelle

paraicirct donc admise par le leacutegislateur4 Secundo Madame le Professeur RASSAT deacutemontre

qursquoil existe en reacutealiteacute une impossibiliteacute fonctionnelle de contradiction entre un jugement peacutenal

et un jugement civil La contradiction deacutecisionnelle suppose une identiteacute drsquoobjet entre les

actions5 Or lrsquoaction publique et lrsquoaction civile ou agrave des fins civiles mecircme exerceacutees agrave propos

du mecircme fait mateacuteriel ne sont pas identiques ni mecircme voisines6 rendant ainsi mateacuteriellement

impossible la naissance drsquoune contradiction Toujours selon elle laquo lrsquoaction publique a pour

but social de deacuteterminer la culpabiliteacute et la responsabiliteacute drsquoun deacutelinquant dont le sort ne doit

nullement ecirctre influenceacute par la consideacuteration de ce qui risque drsquoarriver en conseacutequence agrave la

victime Le but de lrsquoaction civile est drsquoindemniser une victime si son preacutejudice deacutecoule drsquoune

faute dont il est indiffeacuterent agrave notre avis qursquoelle constitue ou non et en outre une infraction

peacutenale Nous persistons agrave ne pas voir ideacutealement la moindre contradiction entre une relaxe

peacutenale et une condamnation civile pour faute agrave propos du mecircme fait raquo7

150 En revanche si les deux actions ont un objet identique une contradiction

deacutecisionnelle peut se produire et poserait effectivement un problegraveme Dans lrsquohypothegravese drsquoune

telle contradiction crsquoest preacuteciseacutement en matiegravere peacutenale le pourvoi en reacutevision qui constitue

lrsquooutil proceacutedural adeacutequat Ce constat eacutetait particuliegraverement mis en relief par la loi de 1989

qui preacutevoyait agrave lrsquoarticle 622 2deg du Code de proceacutedure peacutenale que laquo la reacutevision dune

1 Loi ndeg 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant agrave preacuteciser la deacutefinition des deacutelits non intentionnels 2 Cass civ 18 deacutec 1912 S 1914 p 249 note R-L MOREL 3 Article 4-1 du Code de proceacutedure peacutenale laquo Labsence de faute peacutenale non intentionnelle au sens de larticle 121-3 du code peacutenal ne fait pas obstacle agrave lexercice dune action devant les juridictions civiles afin dobtenir la reacuteparation dun dommage sur le fondement de larticle 1383 du code civil si lexistence de la faute civile preacutevue par cet article est eacutetablie ou en application de larticle L 452-1 du code de la seacutecuriteacute sociale si lexistence de la faute inexcusable preacutevue par cet article est eacutetablie raquo - Pour un exemple drsquoapplication V cassciv 1re 30 janv 2001 ndeg 98-14368 Bull civ I ndeg 19 laquo Attendu que la deacuteclaration par le juge reacutepressif de labsence de faute peacutenale non intentionnelle ne fait pas obstacle agrave ce que le juge civil retienne une faute civile dimprudence ou de neacutegligence raquo 4 N RIAS Retour sur la porteacutee de la loi du 10 juillet 2000 tendant agrave preacuteciser la deacutefinition des infractions non intentionnelles D 2012 p 1316 5 M-L RASSAT op cit p 842 ndeg 521 6 Ce qui explique drsquoailleurs le rejet du rattachement de lrsquoautoriteacute positive agrave lrsquoarticle 1351 du Code civil 7 M-L RASSAT op cit p 842 ndeg 521

69

deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue

coupable dun crime ou dun deacutelit lorsque apregraves une condamnation pour crime ou deacutelit un

nouvel arrecirct ou jugement a condamneacute pour le mecircme fait un autre accuseacute ou preacutevenu et que

les deux condamnations ne pouvant se concilier leur contradiction est la preuve de

linnocence de lun ou de lautre condamneacute raquo1

151 Il ne faut pas precircter agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil les atouts du

pourvoi en reacutevision (sanction de lrsquoincoheacuterence deacutecisionnelle) Ce rapprochement complique

la ligne de partage entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision et ajoute des

difficulteacutes au niveau de lrsquointerpreacutetation des liens qui les unissent De plus cette interpreacutetation

se concilie difficilement avec la tendance au perfectionnisme de la justice mise en avant par

Monsieur Clause MATHON2 En effet comment preacutetendre vouloir rendre la meilleure justice

possible si la raison drsquoecirctre de lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee nrsquoest que de preacuteserver le

creacutedit de la justice

152 Les justifications doctrinales de lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee nrsquoemportent

donc pas notre adheacutesion Elles accentuent lrsquoideacutee drsquoune union impossible entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision Les mecircmes conclusions srsquoimposent sur lrsquoaspect neacutegatif

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

B Les justifications doctrinales lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose

jugeacutee

153 Srsquoagissant de la conciliation des justifications doctrinales de lrsquoaspect neacutegatif de la

chose jugeacutee avec lrsquoesprit du pourvoi en reacutevision lrsquoeacuteclairage sera porteacute sur deux des theacuteories

deacutefendues par la doctrine La premiegravere avanceacutee par les auteurs classiques meacuterite drsquoecirctre revue

et adapteacutee agrave la reacutealiteacute Il srsquoagit drsquoune justification fondeacutee sur la maxime latine laquo res judicata

veritate habitur raquo (1) La seconde centreacutee sur le contrat social porteacutee par tregraves peu drsquoauteurs

nrsquoapporte pas de reacuteponse satisfaisante (2)

1 Crsquoest nous qui soulignons 2 C MATHON op cit p1

70

1 laquo Res judicata veritate habitur raquo

154 Les auteurs classiques1 considegraverent que les deacutecisions deacutefinitives dites

inattaquables sont laquo des oracles des veacuteriteacutes absolues indiscutables2 raquo La doctrine

classique tregraves attacheacutee agrave la preacutesomption de veacuteriteacute a porteacute au pinacle la force de cette veacuteriteacute

leacutegale en la qualifiant de veacuteriteacute absolue POTHIER dans un commentaire de lrsquoordonnance de

1667 srsquoexprimait en ces termes laquo les jugements dont il nrsquoy a pas drsquoappel interjeteacute ont de

mecircme que ceux rendus en dernier ressort une espegravece drsquoautoriteacute de chose jugeacutee qui donne

droit drsquoen poursuivre lrsquoexeacutecution Ils forment une espegravece de preacutesomption de veacuteriteacute qui exclut

la partie contre laquelle ils ont eacuteteacute rendus de pouvoir rien proposer contre raquo3 Dans ce

commentaire se dessine la force du reacutealisme judiciaire qui penche vers une confusion entre

veacuteriteacute judiciaire et reacutealiteacute mateacuterielle4 Le caractegravere deacutefinitif de la deacutecision fige la scegravene

judiciaire au preacutetexte que toute la veacuteriteacute a eacuteteacute faite Le caractegravere absolu de la preacutesomption de

veacuteriteacute entraicircne dans son sillage la nature absolue de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee agrave savoir son

laquo rayonnement au-delagrave de lrsquoobjet et des parties en cause dans le jugement raquo5 En effet si la

veacuteriteacute est absolue6 elle srsquoimposera agrave tous sans pouvoir ecirctre contesteacutee tant par les tiers au litige

que par les parties eacuteventuellement engageacutees dans un autre litige Or le droit positif ne

reconnaicirct pas agrave lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee un caractegravere absolu7

155 La preacutesomption de veacuteriteacute est un adversaire redoutable du pourvoi en reacutevision En

procircnant la veacuteriteacute de la justice cette preacutesomption ferme la porte agrave la reacutevision des procegraves8 Pour

bacirctir une proceacutedure de reacutevision efficace il convient de se deacutetourner de lrsquoideacutee selon laquelle

lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee srsquoagregravege autour de la maxime laquo res judicata veritate

habitur raquo Cette maxime se reacutesume agrave la phrase dite agrave Jeacutesus par Pilate laquo si je te condamne

1 J ORTOLAN op cit ndeg 1777 D TOMASIN op cit p 174 ndeg 227 Madame LELIEUR deacutefend la thegravese du rattachement de cette maxime agrave lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en expliquant que cette association a permis drsquointroduire laquo le principe postulant qursquoune affaire qui a eacuteteacute jugeacutee ne peut plus lrsquoecirctre agrave nouveau crsquoest-agrave-dire le principe de lrsquoautoriteacute neacutegative (crsquoest nous qui soulignons) de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo J LELIEUR-FISCHER op cit p104 ndeg 120 dans un mecircme sens V K NAJARIAN op cit p 54 2 E de VALICOURT op cit p17 3 Voir note anonyme sous cass civ 7 juillet 1890 Dr peacutenal I 301 citeacute par G DALBIGNAT-DEHARO Veacuteriteacute scientifique et veacuteriteacute judiciaire en droit priveacute op cit p 371 ndeg 500 4 R JAPIOT Traiteacute eacuteleacutementaire de proceacutedure civile et commerciale 1916 p 185 ndeg 622 5 J LELIEUR op cit p 106 6 SAVIGNY proposa sans grand succegraves drsquoatteacutenuer la force de cette veacuteriteacute V en ce sens SAVIGNY Systegraveme de droit romain traduction Guenoux de lrsquoeacutedition allemande tome VI 1847 sect 280 citeacute par J LELIEUR op cit note 276 7 V R MERLE et A VITU op cit ndeg 899 M-L RASSAT op cit ndeg 522 P HEBRAUD op cit p 149-150 8 J CARBONNIER Sociologie juridique op cit p 402 laquo Les hommes sont la faiblesse du droit raquo F DEFFERRARD Le droit et ses doubles D 2001 chr 1409 laquo Tout jugement est en soi affecteacute drsquoune aptitude congeacutenitale agrave la fragiliteacute Il est friable et fondamentalement inconstant raquo

71

mecircme agrave tort ta condamnation fera la veacuteriteacute raquo1 En effet cette preacutesomption qui srsquoinspire des

articles 1350 et 1351 du Code civil2 ne peut preacutejuger de la conformiteacute drsquoune deacutecision avec la

veacuteriteacute3 Pourtant laquo bon ou mauvais ce qui a eacuteteacute deacutefinitivement jugeacute nrsquoen a pas moins

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo4

156 Pour toutes ces raisons auxquelles se rajoutent certains archaiumlsmes lieacutes agrave la

preacutesomption de veacuteriteacute5 la doctrine actuelle srsquoeacuteloigne peu agrave peu de lrsquoideacutee du rattachement de

lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee agrave la preacutesomption de veacuteriteacute Certains auteurs

contemporains persistent cependant agrave deacutefendre le principe de lrsquoautoriteacute neacutegative en srsquoappuyant

sur cette preacutesomption6 Une partie de la doctrine moderne conteste aujourdrsquohui lrsquoideacutee drsquoune

preacutesomption leacutegale de veacuteriteacute en se reacutefeacuterant agrave une inexactitude historique tireacutee drsquoune

interpreacutetation incorrecte drsquoune phrase drsquoULPIEN7 reprise par DOMAT laquo Les choses jugeacutees

tiennent lieu de veacuteriteacute agrave lrsquoeacutegard de ceux avec qui elles ont eacuteteacute jugeacutees srsquoils nrsquoont appeleacute ou srsquoil

ne peut y avoir appel 8raquo Monsieur le Professeur LAGARDE considegravere que laquo la reacutefeacuterence agrave

lrsquoideacutee de veacuteriteacute sert agrave accroicirctre la leacutegitimiteacute des deacutecisions de justice elle nrsquoa pas pour fonction

de justifier lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee [hellip] Crsquoest lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui sert agrave

justifier la preacutesomption de veacuteriteacute raquo9

157 Dans cet ordre drsquoideacutees Madame DALBIGNAT-DEHARO analyse dans sa thegravese

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee comme une laquo preacutesomption de reacutegulariteacute du processus

1 La Bible Evangile selon Jean 18 34 2 Lrsquoarticle 1350 qualifie lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee de laquo preacutesomption leacutegale raquo Lrsquoarticle 1351 expose les conditions que doit revecirctir cette preacutesomption De telles indications eacutetant absentes du Code de proceacutedure peacutenale la doctrine srsquoest appuyeacutee sur le Code civil pour fonder lrsquoaspect neacutegatif de la chose jugeacutee sur une preacutesomption de veacuteriteacute 3 S COTTA laquo Quidquid latet apparebit Le problegraveme de la veacuteriteacute du jugement raquo Archives de philosophie du droit Tome 39 ndash Le procegraves 1995 p 219-228 laquo Trois raisons ndash lrsquoextraneacuteiteacute de la conscience du juge agrave la veacuteriteacute temporellement syntheacutetique de lrsquoeacuteveacutenement sa solitude dans lrsquoeacutetablissement deacutefinitif de la veacuteriteacute sa finale impuissance agrave reacutetablir la continuiteacute des personnes ndash montrent lrsquoindeacutepassable imperfection du jugement humain sous lrsquoaspect de sa conformiteacute agrave la veacuteriteacute et donc agrave la justice en leur pleacutenitude Et pourtant le juge ne peut se refuser de juger [hellip] Il doit donc se reacutesigner et avec lui les disputants et la socieacuteteacute entiegravere agrave ce que son verdict ndash le verdict de tout juge ndash ne soit pas entiegraverement veacuteridique mais une sorte de veacuteriteacute par provision pourrait-on dire en paraphrasant Descartes raquo 4 R VOUIN Cours de doctorat de droit peacutenal geacuteneacuteral et de proceacutedure peacutenale 1963- 1964 p 2 5 N VALTICOS op cit p 28 29 47 J LELIEUR op cit p 526-530 6 R MERLE et A VITU op cit p 1041 ndeg 884 laquo On dit encore qursquoelles acquiegraverent lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et qursquoune veacuteritable preacutesomption de veacuteriteacute srsquoattache agrave elles (hellip)raquo M BENCIMON O BERNABE P HARDOUIN P NABOUDET-VOGEL O PASSERA Autoriteacute de chose jugeacutee et immutabiliteacute du litige justices 1997 ndeg 5 p 157 7 C BLERY op cit p 120 ndeg 177 D TOMASIN op cit p 242 ndeg 328 P MAYER Reacuteflexions sur lautoriteacute neacutegative de chose jugeacutee Meacutelanges Heacuteron 2008 LGDJ p 331 s ndeg 6 8 J DOMAT Les lois civiles dans leur ordre naturel 1772 p 247 9 X LAGARDE Recevabiliteacute et fond dans la theacuteorie du droit de la preuve Thegravese Paris LGDJ Bibliothegraveque de droit priveacute 1994 p 383 ndeg 244

72

drsquoeacutelaboration de la deacutecision judiciaire raquo1 De ce raisonnement il deacutecoule que la laquo finaliteacute

veacuteritative raquo2 de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoest qursquoune vue de lrsquoesprit Elle se destine

uniquement agrave preacuteserver le creacutedit de la justice en mettant en avant la haute vraisemblance de

veacuteriteacute forgeacutee sur lrsquoenclume de lrsquoexercice des voies de recours Madame DALBIGNAT-

DEHARO deacutemontre que lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee ne confegravere agrave la solution qursquoune validiteacute

de pure forme Degraves lors lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee ne devrait pas ecirctre entendue comme la

veacuteriteacute mais plutocirct comme le point final drsquoun processus de veacuterification exerceacute par le juge

Ainsi laquo la proceacutedure ne leacutegitime certes pas la deacutecision mais elle fonde une preacutesomption de

justesse normative en faveur de son contenu raquo3

158 La seconde justification doctrinale de lrsquoautoriteacute neacutegative repose sur lrsquoideacutee du

contrat social

2 Le contrat social

159 Une justification plus marginale de lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee repose

sur le contrat social Une voix srsquoeacutelegraveve dans ce sens celle de Madame le Professeur RASSAT

laquo La socieacuteteacute a le droit de se deacutefendre et de deacutefendre ceux qui la composent contre les

infractions peacutenales Elle peut et doit poursuivre les deacutelinquants Mais compte tenu de la

disproportion existant entre la socieacuteteacute et lrsquoindividu celui-ci doit beacuteneacuteficier des maladresses et

de lrsquoinefficaciteacute de celle-lagrave parce que ce sont pour elle des fautes Ce qui a eacuteteacute jugeacute

conformeacutement aux regravegles proceacutedurales normales (qursquoil appartient agrave la socieacuteteacute de modifier si

elles ne sont pas bonnes) doit apurer les rapports respectifs de la collectiviteacute et du deacutelinquant

De mecircme que le doute profite agrave la personne poursuivie de mecircme la chose jugeacutee creacutee agrave son

profit un droit agrave la tranquilliteacute raquo4 Cette justification est a priori preacutefeacuterable agrave celle fondeacutee sur

la preacutesomption de veacuteriteacute car elle ne repose pas sur une fiction en reconnaissant que les lois

doivent ecirctre changeacutees laquo si elles ne sont pas bonnes raquo Cependant confronteacutee agrave la reacutevision

elle nrsquoenvisage pas que ce changement puisse intervienne trop tard crsquoest-agrave-dire apregraves que la

deacutecision est devenue deacutefinitive Dans ce cas la chose jugeacutee ne peut pas creacuteer un droit agrave la

tranquilliteacute

160 Au travers de cette analyse des justifications de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee il

apparaicirct que celles-ci sont difficilement conciliables avec la raison drsquoecirctre du pourvoi en 1 G DALBIGNAT-DEHARO op cit p 371 ndeg 500 et s 2 Expression emprunteacutee agrave Madame DALBIGNAT-DEHARO 3 N LUHMANN La leacutegitimation par la proceacutedure Cerf PU Laval 2001 p 13 4 M-L RASSAT op cit p 834 ndeg 516

73

reacutevision En outre elles contribuent agrave rendre moins visible le rapprochement entre le pourvoi

en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee (sect 2)

sect 2 Le rapprochement entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee

161 La proceacutedure de reacutevision positionneacutee au carrefour de deux inteacuterecircts en apparence

divergents place le leacutegislateur devant un dilemme En regraveglementant la reacutevision il lui incombe

de trouver le juste eacutequilibre entre le perfectionnisme et la stabiliteacute de la justice (A)

Nonobstant leurs diffeacuterences le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee poursuivent

en reacutealiteacute un objectif commun la preacuteservation de la paix sociale (B)

A La recherche drsquoun juste eacutequilibre entre le perfectionnisme et la

stabiliteacute de la justice

162 Le cas de conscience auquel se heurte le leacutegislateur est le suivant Trop de

faciliteacutes accordeacutees au pourvoi en reacutevision risquent drsquoalteacuterer lrsquoefficaciteacute du systegraveme des voies

de recours qui se verrait supplanteacute par le pourvoi en reacutevision consideacutereacute non plus comme un

recours exceptionnel mais comme un troisiegraveme degreacute de juridiction A lrsquoinverse la fermeture

de la porte de la reacutevision reviendrait agrave ignorer lrsquoexistence mecircme de possibles erreurs de fait

Lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision reste donc suspendue agrave la conception de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee du leacutegislateur et de la jurisprudence

163 Une conception large de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee1 complique la remise en

cause drsquoune deacutecision deacutefinitive et limite la porteacutee de la reacutevision agrave de rares cas Dans une telle

conception laquo lrsquoautoriteacute de la chose explicitement jugeacutee [est] eacutetendue agrave ce qui ressort

implicitement du jugement raquo2 Crsquoest ainsi que le justiciable peut se voir refuser au moment de

lrsquoexercice des voies de recours lrsquoexamen de la contestation sur un point qui nrsquoa pas encore eacuteteacute

eacutevoqueacute par les premiers juges (risque de deacuteni de justice) Cette conception pose eacutegalement un

problegraveme au regard du principe du contradictoire laquo car les parties pourront se trouver

surprises en srsquoapercevant tardivement apregraves lrsquoexpiration des deacutelais de recours qursquoune chose

qursquoelles nrsquoavaient pas soupccedilonneacutee se trouve implicitement jugeacutee ou que la chose

1 C MATHON op cit p2 2 Ibid

74

explicitement jugeacutee a des conseacutequences qursquoelles nrsquoavaient pas envisageacutees raquo1 Placer lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee sur un pieacutedestal annihilerait toutes les chances drsquoexistence du pourvoi en

reacutevision

164 A lrsquoinverse enfermer lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee dans une sphegravere trop eacutetroite

faciliterait lrsquoexercice du pourvoi en reacutevision au prix drsquoune grande instabiliteacute juridique et

entretiendrait une confusion entre les voies de recours ordinaires et extraordinaires Un

pourvoi en reacutevision trop ouvert aurait pour conseacutequence de deacutegrader les fonctions de lrsquoappel

et de remettre en cause les deacutelais de recours Quel serait lrsquointeacuterecirct de respecter ces deacutelais alors

que la voie de la reacutevision resterait entrouverte en permanence La stabiliteacute juridique reste

indispensable au maintien du lien social Une application par lrsquoabsurde de cette conception

eacutetroite de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee aurait pour conseacutequence une remise en cause de

lrsquoirrecevabiliteacute des moyens nouveaux invoqueacutes devant la Cour de cassation En effet celle-ci

serait contourneacutee par le justiciable fondeacute agrave formuler sa requecircte devant la juridiction de

reacutevision En drsquoautres termes un pourvoi en reacutevision trop faciliteacute enlegraveverait agrave lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee toute sa force

165 Il parait eacutevident qursquoil est neacutecessaire de trouver un compromis entre ces deux

conceptions afin de faire coexister sans heurts lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision La reacutesolution de cette difficulteacute reacuteside dans la prise en consideacuteration de lrsquoexistence

drsquoun point commun agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et au pourvoi en reacutevision En effet tous

deux poursuivent le mecircme objectif la preacuteservation de la paix sociale

B La preacuteservation de la paix sociale un objectif commun agrave

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et agrave la reacutevision

166 Neacutee de besoins purement pratiques2 lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee vise agrave confeacuterer le

seacutesame de lrsquoimmutabiliteacute aux deacutecisions dans un but de pacification sociale3 La pacification

sociale est un argument reacuteguliegraverement invoqueacute par les auteurs pour justifier le concept

drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en particulier son volet neacutegatif4 Ainsi les Professeurs BOUZAT

et PINATEL preacutecisent que laquo la paix sociale exige que tout procegraves prenne fin un jour et que

1 Ibid 2 P HEBRAUD op cit p 148 3 J NORMAND RTDC 1995 p177 4 Selon le Professeur VALTICOS les fonctions de lrsquoaspect neacutegatif constituent laquo lrsquoexplication fondamentale raquo de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee De ce fait notre raisonnement concerne la conciliation entre le concept drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee dans son ensemble et la proceacutedure de reacutevision V en ce sens N VALTICOS op cit ndeg 465

75

lorsqursquoil a eacuteteacute deacutefinitivement jugeacute il ne puisse plus tard ecirctre remis en question raquo1 Lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee qui interdit de remettre en cause une deacutecision deacutefinitive met un terme aux

contestations et clocirct deacutefinitivement les litiges2 Aucune alternative ne srsquooffrant plus aux

parties elles seront contraintes drsquoaccepter la deacutecision deacutefinitive

167 Crsquoest alors le point de deacutepart drsquoun cheminement psychologique dont les eacutetapes

deacuteboucheront sur lrsquoacceptation de la deacutecision et sur la reconstruction du lien social En effet

la blessure provoqueacutee par lrsquoauteur de lrsquoinfraction agrave la socieacuteteacute et agrave ses eacuteventuelles victimes une

fois reconnue au moment du prononceacute de la deacutecision deacutefinitive pourra mieux se cicatriser

Crsquoest pourquoi laquo lrsquoeffet de clocircture drsquoune deacutecision deacutefinitive tient un rocircle essentiel raquo3 Il

permet agrave la socieacuteteacute la victime et lrsquoauteur des faits drsquoentamer un travail de reconnaissance de

reconstruction et dans le meilleur des cas de reacuteconciliation4 Lrsquoaboutissement de ce

processus a pour but de deacutepasser les limites du litige pour se diriger vers la paix sociale Le

philosophe Paul RICOEUR srsquoest exprimeacute en ces termes laquo Trancher on lrsquoa dit crsquoest seacuteparer

tirer une ligne entre le tien et le mien La finaliteacute de la paix sociale fait apparaicirctre en filigrane

quelque chose de plus profond qui touche agrave la reconnaissance mutuelle ne disons pas

reacuteconciliation parlons encore moins drsquoamour et de pardon qui ne sont plus des grandeurs

juridiques parlons plutocirct de reconnaissance raquo5

168 Cette deacutemarche intellectuelle justifie le rattachement de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee agrave la paix sociale Sans deacutecision deacutefinitive pas de reconnaissance pas de reconstruction

du lien briseacute Sans reconstruction pas de reacutetablissement de la paix sociale Donc sans

deacutecision deacutefinitive pas de paix sociale Voici lrsquoaxiome sur lequel repose lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee La preacuteservation de la paix sociale justifie-t-elle pour autant de ne jamais faire ceacuteder

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Il est permis drsquoen douter

1 P BOUZAT et J PINATEL op cit ndeg 1529 2 M-A FRISON-ROCHE laquo Les offices du juge raquo in Ecrits en hommage agrave J Foyer op cit p 463-476 laquo Le jugement [hellip] fait cesser la recherche de la veacuteriteacute raquo 3 J LELIEUR op cit p 88 ndeg 99 4 D SALAS La volonteacute de punir essai sur le populisme peacutenal Hachette 2005 p 256 Lrsquoauteur illustre lrsquoimportance de la reacuteconciliation en commentant le tableau laquo le retour du fils prodige raquo de Rembrant laquo Toile qui saisit un moment de paix inteacuterieure apregraves le long tourment de la seacuteparation dont chacun porte le stigmate (le pegravere est aveugle le fils en haillons) Sur cette scegravene nul nrsquoest victime nul nrsquoest coupable Peu importe la faute du fils et le reniement du pegravere Chacun est visiblement briseacute par le conflit Chacun a renonceacute agrave livrer bataille A genoux le fils tremble encore Mais de quoi Est-ce la surprise de la rencontre Lrsquoattente drsquoun pardon inespeacutereacute Son visage dans le clair-obscur preacuteserve lrsquoeacutenigme Seule sa nuque ses eacutepaules captent un peu de lumiegravere Lourdes du pardon qursquoelles portent les mains du pegravere appellent une paix retrouveacutee Mains larges et lumineuses qursquoun obscur silence enveloppe Gestes lourds drsquoeacutepreuves que chacun a ducirc traverser afin que fleacutechisse lrsquoorgueil et que srsquoouvre la reacuteconciliation raquo 5 P RICOEUR laquo Lrsquoacte de juger raquo Le Juste tome 1 op cit p 185

76

169 Au sujet du lien entre paix sociale et justice Paul RICOEUR eacutecrit que laquo la justice

qui veut la paix ne se limite pas agrave des parts justes mais elle exige encore des prises de

participation et des actes drsquohumaniteacute raquo1 La justice et la paix supposent pour sortir de la

theacuteorie la prise de mesures concregravetes des attitudes et positions courageuses2 Dans

lrsquohypothegravese drsquoune condamnation entacheacutee drsquoune erreur de fait le prononceacute de la deacutecision

deacutefinitive enlegraveve toute chance de reconnaissance de reconstruction et a fortiori de

reacuteconciliation Prenons lrsquoexemple drsquoun individu condamneacute deacutefinitivement pour un crime qursquoil

nrsquoa pas commis Dans le cas ougrave lrsquoerreur est aveacutereacutee la reconstruction du lien entre le

condamneacute et la socieacuteteacute ou entre lui-mecircme et sa victime supposeacutee devient impossible En effet

lrsquoabsence de relation entre les faits et lrsquoauteur injustement condamneacute ferme la porte dans ce

cas preacutecis agrave toute reconstruction du lien social Drsquoabord entre lui-mecircme et la socieacuteteacute puis agrave

lrsquoeacutegard de sa victime supposeacutee en raison de son innocence Degraves lors fonder lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee sur la paix sociale apparaicirct dans cette hypothegravese illogique Bien au contraire la

paix sociale exige la remise en cause de cette deacutecision deacutefinitive frappeacutee drsquoune erreur de fait

170 Crsquoest pourquoi lrsquoapproche habituelle qui vise agrave opposer lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et le pourvoi en reacutevision doit ecirctre battue en bregraveche En effet leur objectif commun de

preacuteservation et de restauration de la paix sociale constitue un trait drsquounion entre eux Bien

que la paix sociale exige la proclamation du caractegravere deacutefinitif des deacutecisions elle reacuteclame

eacutegalement la possibiliteacute de revenir sur ce caractegravere dans le cas drsquoune injustice Autant il est

souhaitable que les procegraves aient une fin au nom de la paix sociale autant il serait inacceptable

que la quecircte de veacuteriteacute puisse srsquoeacuteteindre laquo Tant que les hommes nrsquoauront aucun caractegravere

certain pour distinguer le vrai du faux une des premiegraveres sucircreteacutes qursquoils se doivent

reacuteciproquement crsquoest de ne pas admettre sans une neacutecessiteacute deacutemontreacutee des peines

absolument irreacuteparables raquo3 Vu sous cet angle le pourvoi en reacutevision constitue un laquo facteur

drsquoennoblissement raquo4 de la justice en contribuant comme lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee agrave la

preacuteservation de la paix sociale laquo Une justice qui reconnaicirct ses erreurs et les corrige sans

srsquoefforcer de les maintenir et de les dissimuler par de vaines formules est une justice

eacutedifiante qui ne peut inspirer que de la confiance et du respect raquo5

1 P RICOEUR Amour et Justice Paris Points Coll laquo Points Essais raquo 2008 accessible sur wwwlacademiewordpresscom 2 ES AVONYO Quelle deacuteontologie de la justice pour une paix sociale durable Lrsquoacadeacutemie de philosophie accessible sur wwwlacademiewordpresscom 3 J BENTHAM Traiteacute de leacutegislation civile et peacutenale op cit p 162 4 Expression emprunteacutee agrave J-A ROMEIRO laquo La reacutevision comme facteur drsquoennoblissement de la justice raquo RSC 1970 p 623 et s 5 Ibid

77

Conclusion du chapitre 1

171 Ce chapitre a eacuteteacute consacreacute agrave lrsquoanalyse des liens qui unissent la reacutevision agrave lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee En effet lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee reste eacutetroitement lieacutee au pourvoi en

reacutevision Lrsquoexistence mecircme de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee constitue lrsquoessence de la proceacutedure

de reacutevision mise en mouvement dans le but de contester une deacutecision peacutenale deacutefinitive Or

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee laisse apparaicirctre tant dans son aspect neacutegatif que positif des

zones drsquoombre en particulier par rapport agrave ses justifications Cette situation entretient une

relation conflictuelle entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision qui eacutevoluent

dans un contexte jalonneacute de nombreuses oppositions Une remise en cause des justifications

traditionnelles de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee tant neacutegative que positive nous a permis

drsquoaplanir ces contradictions Crsquoest ainsi qursquoil a eacuteteacute reacuteveacuteleacute qursquoen reacutealiteacute lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et le pourvoi en reacutevision poursuivent un objectif commun la preacuteservation de la paix

sociale

172 En deacutefinitive deux approches diffeacuterentes permettent drsquoaborder la question des

liens qui unissent lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au pourvoi en reacutevision Tout drsquoabord une

approche traditionnelle srsquoappuyant sur des justifications de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

auxquelles nous nrsquoadheacuterons pas et dont le deacuteveloppement alimente lrsquoantagonisme entre le

pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Ensuite une approche plus moderne qui

met en avant la preacuteservation de la paix sociale trait drsquounion entre la reacutevision et lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee

173 La question se pose donc de deacuteterminer laquelle de ces deux approches le

leacutegislateur 1989 avait choisi Nous deacutemontrerons que la loi et la jurisprudence avaient preacutefeacutereacute

se retrancher dans une position ougrave lrsquoaffrontement entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le

pourvoi en reacutevision prospeacuterait Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a beaucoup beacuteneacuteficieacute de cette

situation qui a deacuteboucheacute sur sa sacralisation laquo quasi feacutetichiste raquo1 De nombreux obstacles agrave la

mise en œuvre de la proceacutedure de reacutevision nuisaient fortement agrave la manifestation de la veacuteriteacute

et agrave la reconnaissance des erreurs judiciaires En effet laquo lrsquoinstitution de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee socialement indispensable pour eacuteviter que les procegraves ne srsquoeacuteternisent nrsquoen est pas moins

1 P MONGIBEAUX op cit p 11

78

entacheacutee drsquoun vice congeacutenital elle fait triompher la valeur de seacutecuriteacute sur la valeur de

justice raquo1

1 H MOTULSKY Pour une deacutelimitation plus preacutecise de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee D 1968 chr 1

79

CHAPITRE 2 LA CONCILIATION DE

LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE

JUGEE ET DE LA REVISION

UN CHOIX NON RETENU EN

1989

laquo Lrsquohomme le plus honnecircte le plus respecteacute peut ecirctre

victime de la Justice Vous ecirctes bon pegravere bon eacutepoux peu

importe Quelle fataliteacute pourrait vous faire passer pour

un malhonnecircte homme voir un criminel Cette fataliteacute

existe elle porte un nom lrsquoerreur judiciaire raquo1

174 Dans ce chapitre seuls les anciens articles 622 agrave 626 du Code de proceacutedure

peacutenale serviront de base agrave la reacuteflexion Monsieur le deacuteputeacute Alain TOURRET remarque que

laquo durant les trois premiegraveres anneacutees qui ont suivi lrsquointroduction des appels en cour

drsquoassises cinquante-quatre condamneacutes en premiegravere instance ont eacuteteacute innocenteacutes en appel A

coup sucircr il reste encore des innocents en prison raquo2 La question se pose de comprendre

pourquoi la loi de 1989 donneacute lieu qursquoagrave peu de cas de reacutevisions Deux reacuteponses sont

possibles soit peu drsquoerreurs judiciaires ont entacheacute le bon fonctionnement de la justice sur

une peacuteriode de vingt-cinq ans soit cette loi srsquoaveacuterait trop restrictive

175 Srsquoagissant de la premiegravere explication la prudence srsquoimpose Le corps judiciaire

est repreacutesenteacute par des hommes qui ne peuvent se retrancher derriegravere le rempart de

lrsquoinfaillibiliteacute Intrinsegravequement le juge est humainement habiteacute par le risque de pecirccher par

excegraves de confiance Le regard porteacute par Paul RICOEUR sur lacte de juger laisse transparaicirctre

le caractegravere ineacuteluctable de lrsquoerreur judiciaire laquo Dabord au sens faible juger cest opiner

une opinion est exprimeacutee portant sur quelque chose En un sens un peu plus fort juger cest

1 R FLORIOT op cit p 5 2 H BEKMEZIAN La proceacutedure de reacutevision des deacutecisions peacutenales sera simplifieacutee Le monde 19 feacutevrier 2014

80

estimer un eacuteleacutement hieacuterarchique est ainsi introduit exprimant preacutefeacuterence appreacuteciation

approbation Un troisiegraveme degreacute de force exprime la rencontre entre le cocircteacute subjectif et le cocircteacute

objectif du jugement cocircteacute objectif quelquun tient une proposition pour vraie bonne juste

leacutegale cocircteacute subjectif il y adhegravere Enfin agrave un niveau plus profond qui est celui ougrave se tient

Descartes dans la laquo Quatriegraveme meacuteditation raquo le jugement procegravede de la conjonction de

lentendement et de la volonteacute lentendement qui considegravere le vrai et le faux la volonteacute qui

deacutecide Nous avons ainsi atteint le sens fort du mot juger non seulement opiner estimer

tenir pour vrai mais en dernier ressort prendre position Cest de ce sens usuel que nous

pouvons partir pour rejoindre le sens proprement judiciaire de lacte de juger [] Cest dans

lacte du procegraves que lacte de juger reacutecapitule toutes les significations usuelles opiner

estimer tenir pour vrai ou juste enfin prendre position raquo1

176 Madame le Professeur LAZERGES a preacuteciseacute que laquo les conditions drsquoouverture [de

la proceacutedure de reacutevision] [eacutetaient] draconiennes lrsquoimperfection originelle drsquoune justice

humaine [eacutetait] reconnue sans excegraves de modestie raquo2 Cette situation reacutesultait du choix drsquoavoir

voulu maintenir la reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee dans une logique oppositionnelle

En effet lrsquohypothegravese drsquoune conciliation a eacuteteacute eacutecarteacutee tant par le leacutegislateur que par la

jurisprudence De fait le parcours judiciaire emprunteacute par le candidat agrave la reacutevision srsquoen

trouvait affecteacute

177 Tout drsquoabord des conditions preacutealables devaient ecirctre remplies (Section 1) La

demande devait ensuite correspondre agrave lrsquoun des cas drsquoouverture preacutevus par le Code de

proceacutedure peacutenale (Section 2)

Section 1 La reacuteunion de conditions preacutealables agrave

lrsquoexercice du pourvoi en reacutevision

178 Lrsquoancien article 622 alineacutea 1 du Code de proceacutedure peacutenale disposait que laquo la

reacutevision drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive [pouvait] ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice de toute

personne reconnue coupable drsquoun crime ou drsquoun deacutelit raquo Ainsi le cumul de quatre conditions

eacutetait un preacutealable agrave toute reacutevision Ces conditions preacutealables pouvaient ecirctre regroupeacutees en

deux blocs drsquoun cocircteacute des exigences drsquoordre technique (une deacutecision peacutenale deacutefinitive

1 Paul RICOEUR Le juste op cit p 185 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame C LAZERGES p 137

81

deacuteclarative de culpabiliteacute) (sect 1) et de lrsquoautre cocircteacute une exigence drsquoordre mateacuteriel (la

commission drsquoun crime ou drsquoun deacutelit) (sect 2)

sect 1 Les exigences drsquoordre technique

179 Concernant les caracteacuteristiques techniques exigeacutees de toute deacutecision susceptible

de faire lrsquoobjet drsquoun pourvoi en reacutevision il devait srsquoagir drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive (A)

et comportant une deacuteclaration de culpabiliteacute (B)

A Une deacutecision peacutenale deacutefinitive

180 Lrsquoancien article 622 alineacutea 1 permettait laquo La reacutevision drsquoune deacutecision [hellip]

deacutefinitive1raquo Lrsquoouverture du pourvoi en reacutevision eacutetait subordonneacutee agrave lrsquoacquisition par la

deacutecision contesteacutee de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee En effet la proceacutedure de reacutevision nrsquoa pas

vocation agrave devenir un troisiegraveme degreacute de juridiction Lrsquoancien article 622 alineacutea 1 preacutecisait en

outre qursquoil srsquoagissait de laquo la reacutevision drsquoune deacutecision peacutenale2 raquo

181 Lrsquoexigence drsquoune deacutecision peacutenale meacuterite des eacuteclaircissements La question du

sens agrave accorder agrave lrsquoexpression laquo deacutecision peacutenale raquo a deacutejagrave eacuteteacute poseacutee agrave lrsquooccasion de lrsquoeacutetude de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le civil3 Nous avons vu que lrsquoexpression devait

ecirctre comprise au sens mateacuteriel Nous pourrions donc leacutegitimement penser que la laquo deacutecision

peacutenale raquo mentionneacutee par lrsquoancien article 622 alineacutea 1 du Code de proceacutedure peacutenale revecirctait le

mecircme sens que la laquo deacutecision peacutenale raquo viseacutee par lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le

civil

182 Selon la jurisprudence une deacutecision peacutenale au sens de lrsquoancien article 622 alineacutea

1 eacutetait consideacutereacutee comme une laquo deacutecision eacutemanant dune juridiction reacutepressive de droit

commun ou dexception et statuant sur des inteacuterecircts exclusivement drsquoordre peacutenal4raquo Ainsi les

deacutecisions rendues par les juridictions pour mineurs5 les juridictions militaires et en lrsquoabsence

de texte contraire par la Cour de Justice de la Reacutepublique eacutetaient susceptibles drsquoecirctre reacuteviseacutees

Lrsquoexigence drsquointeacuterecircts exclusivement peacutenal eacutetait en opposition avec la jurisprudence anteacuterieure

agrave 1989 qui avait autoriseacute la reacutevision drsquoune deacutecision qui eacutemanant drsquoune juridiction reacutepressive

1 Crsquoest nous qui soulignons 2 Crsquoest nous qui soulignons 3 V supra ndeg 92 4 H ANGEVIN op cit ndeg 19 Cour de reacutevision 29 janvier 1990 ndeg 81-94006 5 Casscrim 13 mars 1931 Bull crim ndeg 79

82

srsquoeacutetait prononceacutee sur les seuls inteacuterecircts civils1 Avec la loi de 1989 un pourvoi en reacutevision ne

pouvait donc plus concerner une condamnation portant exclusivement sur des inteacuterecircts civils

(dommages et inteacuterecircts restitutionhellip) quand bien mecircme elle aurait eacuteteacute prononceacutee par une

juridiction peacutenale2

183 La mecircme formulation (une deacutecision peacutenale) nrsquoa donc pas le mecircme sens srsquoagissant

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee ou du pourvoi en reacutevision Crsquoest ainsi que pour lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee lrsquoapproche de lrsquoexpression laquo deacutecision peacutenale raquo est mateacuterielle alors qursquoelle est

formelle pour la reacutevision3 Etaient donc exclues les reacutevisions des condamnations prononceacutees

par des juridictions peacutenales concernant des seuls inteacuterecircts civils

184 A priori il est permis de croire que le requeacuterant utilisait en pareils cas le recours

en reacutevision propre agrave la matiegravere civile preacutevu aux articles 593 et suivants du Code de proceacutedure

civile4 En effet lrsquoarticle 749 du Code de proceacutedure civile5 vise les articles 593 et suivants en

preacutecisant que ces dispositions laquo sappliquent devant toutes les juridictions de lordre

judiciaire statuant en matiegravere civile (hellip) raquo Les juridictions reacutepressives appartiennent agrave lrsquoordre

judiciaire et statuant sur des inteacuterecircts civils elles statuent en matiegravere civile Cependant la

jurisprudence refusait drsquoappliquer le recours en reacutevision des articles 593 et suivants du Code

de proceacutedure civile aux deacutecisions des juridictions peacutenales statuant sur des inteacuterecircts civils6

Cette position eacutetonnante avait pour effet drsquointerdire en pratique tout recours en reacutevision

dirigeacute contre le volet drsquoune deacutecision peacutenale qui statuait sur des inteacuterecircts civils La voie de la

reacutevision peacutenale eacutetait fermeacutee au motif que les inteacuterecircts en cause nrsquoeacutetaient pas drsquoordre peacutenal

Parallegravelement la reacutevision civile eacutetait eacutecarteacutee sous le preacutetexte qursquoil existait en matiegravere peacutenale

un recours speacutecial Il ne paraissait laquo pas possible dopeacuterer une distinction entre dispositions

peacutenales et dispositions civiles de ces deacutecisions [les deacutecisions reacutepressives statuant sur des

inteacuterecircts civils] et deacutetendre en labsence de dispositions leacutegislatives speacutecifiques aux deacutecisions

1 Cass crim 27 avr 1989 Bull crim 1989 ndeg 172 2 Comm reacutevision 4 nov 1996 ndeg 95-00077 Bull crim 1996 Comm reacutevision ndeg 390 3 Avant la loi de 1989 le texte preacutecisait laquo quelle que soit la juridiction qui ait statueacute raquo ce qui entrouvrait la voie agrave une approche plus mateacuterielle V en ce sens cass crim 13 mars 1931 Bull ndeg 79 S 1932 1 p 33 note HUGUENEY au sujet de la reacutevision drsquoune deacutecision drsquoun tribunal civil se prononccedilant sur la culpabiliteacute drsquoun enfant pour vol (la loi du 22 juillet 1912 donnait compeacutetence aux tribunaux civils pour la reacutepression des infractions commises par des enfants de moins de 13 ans) 4 Article 593 du Code de proceacutedure civile laquo Le recours en reacutevision tend agrave faire reacutetracter un jugement passeacute en force de chose jugeacutee pour quil soit agrave nouveau statueacute en fait et en droit raquo 5 Article 749 du Code de proceacutedure civile laquo Les dispositions du preacutesent livre sappliquent devant toutes les juridictions de lordre judiciaire statuant en matiegravere civile commerciale sociale rurale ou prudhomale sous reacuteserve des regravegles speacuteciales agrave chaque matiegravere et des dispositions particuliegraveres agrave chaque juridiction raquo 6 Cass crim 19 janvier 1982 ndeg 80-94321 D 1983 inf rap p 74 obs G ROUJOU DE BOUBEE

83

statuant sur inteacuterecircts civils le recours en reacutevision de nature reacuteglementaire propre aux

deacutecisions civiles raquo1

185 Pour ecirctre susceptible de faire lrsquoobjet drsquoun pourvoi en reacutevision la deacutecision peacutenale

deacutefinitive devait encore comporter une deacuteclaration de culpabiliteacute

B Une deacutecision comportant une deacuteclaration de culpabiliteacute

186 Lrsquoancien article 622 alineacutea 1 ouvrait la reacutevision agrave laquo toute personne reconnue

coupable 2raquo La reacutevision ne concernait donc que les personnes reconnues injustement

coupables qursquoelles aient ou non exeacutecuteacutees effectivement leur peine3 En effet si la mise en

cause de la responsabiliteacute peacutenale drsquoun agent restait essentielle en revanche sa condamnation

effective agrave une peine nrsquoeacutetait pas retenue par le leacutegislateur comme un critegravere de recevabiliteacute

de la reacutevision A lrsquoinverse le leacutegislateur visant laquo toute personne reconnue coupable raquo cela

revenait agrave exclure la prise en compte de la reacutevision in defavorem4 Lrsquoautoriteacute de cette regravegle ne

pouvait ecirctre contourneacutee quand bien mecircme de nouveaux eacuteleacutements (ex recherche ADN)

apparaissaient et eacutetaient de nature agrave confondre le relaxeacute ou lrsquoacquitteacute placeacute deacutefinitivement agrave

lrsquoabri de toute nouvelles poursuites pour les mecircmes faits5

187 Premiegraverement la neacutecessiteacute drsquoune culpabiliteacute du demandeur serait inheacuterente agrave la

nature du pourvoi en reacutevision proceacutedure exceptionnelle consideacutereacutee comme une faveur

accordeacutee agrave lrsquoindividu injustement condamneacute6 Or agrave nos yeux lrsquoambition de la reacutevision

consiste plutocirct dans lrsquoaneacuteantissement drsquoune deacutecision entacheacutee drsquoune erreur judiciaire7

1 P BERCHON laquo Reacutegime de la reacuteparation ndash action en reacuteparation Action en reacutevision ndash recours en reacutevision raquo Jurisclasseur Civil Code Art 1382 agrave 1386 Fasc 225-10 2010 ndeg 46 2 Crsquoest nous qui soulignons 3 Comm reacutevision 5 mai 1994 ndeg 94-00002 4 Certains auteurs utilisent eacutegalement lrsquoexpression drsquo laquo erreur pro societate raquo V par exemple J A ROMEIRO op cit p 623 5 Lrsquoarticle 368 du Code de proceacutedure peacutenale dispose laquo Aucune personne acquitteacutee leacutegalement ne peut plus ecirctre reprise ou accuseacutee agrave raison des mecircmes faits mecircme sous une qualification diffeacuterente raquo 6 R MERLE et A VITU op cit ndeg 876 p 1031 7 P BOUZAT laquo A propos de lrsquoarticle de M Gassin laquo Les destineacutees du principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel dans le droit peacutenal contemporain raquo RSC 1964 p 359 laquo Nous avons contre nous la doctrine la jurisprudence reacutecente et le Code de proceacutedure peacutenale Seul contre tous Sans doute Mais [hellip] nrsquooublions pas que [hellip] si le droit franccedilais probablement toujours sous lrsquoinfluence de cette conception pseudo-libeacuterale et anti-scientifique du procegraves-duel deacutecide que lrsquoerreur commise agrave lrsquoavantage de lrsquoindividu qui a beacuteneacuteficieacute drsquoun acquittement immeacuteriteacute est irreacuteparable certaines leacutegislations eacutetrangegraveres et les positivistes deacutecident le contraire raquo

84

188 Deuxiegravemement la regravegle ne bis in idem sert drsquoargument agrave la deacutefense de

lrsquointangibiliteacute des deacutecisions de relaxe ou drsquoacquittement1 Or Madame Juliette LELIEUR qui

propose de lier la regravegle ne bis in idem au principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive preacutecise que laquo

(hellip) fondamentalement la reacuteouverture [du procegraves] reacutepond au souci de ne pas laisser

srsquoappliquer une deacutecision injuste Lrsquoexigence de justice doit donc toujours guider sa mise en

œuvre [hellip] Par conseacutequent nous suggeacuterons que la reacuteouverture du procegraves soit toujours

envisageacutee agrave travers le prisme de lrsquoexigence de justice crsquoest-agrave-dire qursquoelle soit uniquement

permise apregraves qursquoil a eacuteteacute veacuterifieacute que la deacutecision rendue comporte une injustice que la

reacuteouverture est agrave mecircme de corriger2 raquo Srsquoagissant de lrsquoidentification de la deacutecision injuste

lrsquoauteure apporte certains eacuteclaircissements Elle reconnaicirct qursquo laquo il semble se deacutegager une

tendance selon laquelle la sanction trop cleacutemente est moins injuste que la sanction trop

forte En effet la sanction trop cleacutemente est consideacutereacutee comme injuste uniquement par les

partisans drsquoune application pure de la theacuteorie de la reacutetribution tandis que la sanction trop forte

est geacuteneacuteralement consideacutereacutee comme une sanction injuste Globalement et malgreacute toute la

prudence avec laquelle il faut prendre ce propos la disproportion en deacutefaveur de la personne

condamneacutee paraicirct donc plus injuste que la disproportion en sa faveur3 raquo Pour ce qui est de

lrsquoacquittement deacutefinitif drsquoun coupable Madame Juliette LELIEUR estime qursquoau regard du

principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive il srsquoagit drsquoune injustice laquo moyennement grave raquo4

Ainsi le principe drsquouniteacute drsquoaction reacutepressive permettrait laquo si une occasion de corriger une

telle injustice se preacutesente [de ne pas] lrsquoexclure par principe5 raquo

189 Troisiegravemement la regravegle de la prohibition de la reformatio in pejus viendrait

appuyer lrsquoexigence drsquoune deacutecision de condamnation en matiegravere de reacutevision6 Cependant

lrsquoobjectif de lrsquointerdiction de la reformatio in pejus est de ne pas aggraver le sort du

demandeur qui intente un recours en sa faveur Cette regravegle nrsquoapporte aucune justification agrave

1 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame V ROSANO p 273 CNCDH Avis compleacutementaire sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur judiciaire JORF du 12 avril 2014 texte ndeg 47 ndeg2 2 J LELIEUR op cit p 518 ndeg 646 3 Ibid ndeg 655 dans le mecircme sens Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame V ROSANO op cit p 273 laquo Aussi deacutesagreacuteable que puisse ecirctre la liberteacute drsquoun coupable ce sentiment est sans commune mesure pour la paix sociale avec la condamnation drsquoun innocent raquo 4 Elle qualifie la condamnation drsquoun innocent drsquoinjustice laquo tregraves grave raquo V J LELIEUR op cit ndeg 660 5 J LELIEUR op cit ndeg 679 6 H ANGEVIN op cit ndeg 5 CNCDH Avis sur la reacutevision des deacutecisions peacutenales op cit ndeg 23 laquo Pour reacuteparer les conseacutequences des erreurs judiciaires la loi franccedilaise connaicirct une voie de recours extraordinaire qui en vertu du principe de la prohibition de la reformatio in pejus ne peut sexercer quen faveur du condamneacute raquo Rapport drsquoinformation op cit Contribution de M Bruno COTTE p 199 laquo La question a parfois eacuteteacute poseacutee srsquoil convenait en sens inverse de preacutevoir la reacutevision des arrecircts drsquoacquittement (hellip) je crains qursquoau niveau des principes cette proposition se heurte agrave la regravegle de lrsquoabsence de reacuteformation in pejus raquo

85

lrsquoexclusion de la reacutevision in defavorem En effet elle ne peut srsquoappliquer car lrsquoacquitteacute

nrsquointentera pas lui-mecircme un recours en sa deacutefaveur

190 Quatriegravemement la remise en cause drsquoun acquittement au moyen de la reacutevision

pourrait nuire agrave la paix sociale Le deacuteputeacute TOURRET explique devant lrsquoAssembleacutee Nationale

que laquo la vie deviendra[it] insupportable pour les personnes acquitteacutees raquo1 Or selon nous

lrsquoambition de la reacutevision consiste justement en la preacuteservation de la paix sociale Donc

lrsquoexplication du deacuteputeacute TOURRET ne se calque pas sur celle eacutevoqueacutee agrave lrsquooccasion de la paix

sociale par Paul RICOEUR2 Effectivement la stabiliteacute drsquoune deacutecision deacutefinitive

drsquoacquittement contribue agrave la paix sociale en ouvrant un droit agrave la tranquilliteacute pour la personne

acquitteacutee Mais ce droit agrave la tranquilliteacute doit cesser lorsqursquoil a eacuteteacute conquis par une deacutecision

drsquoinnocence indue Dans cette hypothegravese la paix sociale exige la remise en cause de la

deacutecision deacutefinitive injuste Le pourvoi en reacutevision srsquoen trouverait enrichi et plus largement la

justice garante de la veacuteriteacute De plus fonder le rejet de la reacutevision in deacutefavorem sur la paix

sociale est un signe de la logique drsquoaffrontement entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la

chose Enfin lrsquointeacuterecirct de la victime voudrait que lrsquoacquitteacute ou le relaxeacute formellement

confondu par de nouveaux eacuteleacutements puisse ecirctre rejugeacute Srsquoagissant de la reacuteflexion de Madame

LEBRANCHU concernant les victimes et parties civiles qui srsquoemploieraient sans fin agrave faire la

deacutemonstration de la culpabiliteacute drsquoune personne acquitteacutee ou relaxeacutee3 il est eacutevident que la

reacutevision in defavorem si elle eacutetait admise par le leacutegislateur devrait ecirctre fortement encadreacutee

pour eacuteviter ce risque

191 Cinquiegravemement Monsieur le deacuteputeacute GEOFFROY proclame laquo Jrsquoai toujours

consideacutereacute que la deacutecision drsquoacquittement eacutetait le corollaire ndash et mecircme le corollaire puissant ndash

du principe fondamental de la preacutesomption drsquoinnocence Remettre en cause apregraves une

deacutecision drsquoacquittement devenue deacutefinitive lrsquoideacutee que la personne ait eacuteteacute acquitteacutee est drsquoune

certaine maniegravere une remise en cause de lrsquoexistence mecircme du principe de preacutesomption

drsquoinnocence raquo4 Se fonder sur la preacutesomption drsquoinnocence pour justifier lrsquoexclusion de la

reacutevision in devaforem parait audacieux Cela revient agrave faire preacutevaloir lrsquoinnocence deacutefinitive

sur la veacuteriteacute Pourtant agrave lrsquoinverse la recherche de la veacuteriteacute lrsquoemporte sur le caractegravere deacutefinitif

drsquoune deacutecision de condamnation Quelles sont les justifications de cette distinction Pour

1 Assembleacutee Nationale commission des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la reacutepublique mercredi 4 deacutecembre 2013 Seacuteance de 10 h compte rendu ndeg 25 2 V infra ndeg 101 3 Assembleacutee Nationale compte rendu ndeg 25 op cit 4 Ibid

86

quelles raisons une bonne administration de la justice devrait-elle consideacuterer qursquoun doute

pesant sur un coupable en liberteacute est moins grave que celui pouvant exister agrave lrsquoeacutegard drsquoun

innocent emprisonneacute Chacun drsquoentre eux a beacuteneacuteficieacute au cours de son parcours judiciaire de

la preacutesomption drsquoinnocence Si celle-ci a eacuteteacute malmeneacutee dans un sens ou dans lrsquoautre la

reacutevision doit selon nous reacuteparer1

192 Sixiegravemement un autre argument invoqueacute reacuteside dans la possibiliteacute offerte au

parquet de faire appel drsquoune deacutecision drsquoacquittement Cette voie de recours permettrait de

reacuteparer les eacuteventuelles erreurs relatives aux deacuteclarations drsquoinnocence injustifieacutees Crsquoest

pourquoi laquo lorsque la justice srsquoest prononceacutee par deux fois en faveur de lrsquoacquittement agrave

lrsquoissue drsquoune proceacutedure longue ougrave chaque eacuteleacutement a eacuteteacute passeacute au crible de lrsquoaccusation il

semble inopportun de permettre la reacuteouverture dudit procegraves raquo2 En effet depuis la loi du 4

mars 20023 le ministegravere public peut laquo faire appel des arrecircts drsquoacquittements4 raquo Seul le

procureur geacuteneacuteral5 pregraves la cour dappel peut exercer ce recours quil sagisse dun

acquittement6 total ou partiel7 Toutefois la confirmation drsquoun acquittement prononceacutee en

appel nrsquoest pas une garantie absolue de veacuteriteacute quant agrave lrsquoinnocence Ce constat srsquoapplique aussi

aux deacutecisions de culpabiliteacute frappeacutees drsquoappel qui quant agrave elles ne sont pas intangibles

puisque la voie de la reacutevision leur est ouverte Pourquoi lrsquoarrecirct drsquoacquittement confirmeacute en

appel devrait-il avoir une valeur laquo veacuteritative raquo plus importante que celui qui comporte une

condamnation Et ceci surtout que la technique drsquoappel en matiegravere drsquoassises agrave savoir lrsquoappel

dit circulant ou tournant fait lrsquoobjet de critiques8 Lrsquoadoption de cette voie de recours est en

effet critiqueacutee par certains membres de la doctrine qui admettent mal son vrai rocircle drsquoappel9

La faculteacute offerte au ministegravere public drsquointerjeter appel des deacutecisions drsquoacquittement ne

constitue pas un reacuteel argument pour justifier le rejet de la reacutevision in deacutefavorem Au contraire

1 Pour une opinion inverse V CNCDH Avis compleacutementaire op cit ndeg 2 2 Rapport drsquoinformation op cit p 75 3 Loi ndeg 2002-307 du 4 mars 2002 compleacutetant la loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption dinnocence et les droits des victimes 4 V Articles 380-2 CPP et 380-12 CPP 5 La jurisprudence adopte toutefois une lecture extensive de lrsquoarticle 380-2 CPP en autorisant lrsquoappel interjeteacute par lrsquoavocat geacuteneacuteral V cass crim 31 mai 2007 ndeg 3309-F-P-F 6 Cass crim 26 juin 2002 ndeg02-84335 7 Cass crim 15 janvier 2003 ndeg 02-88207 8 Cette forme drsquoappel a deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutee par le droit canonique (ougrave lrsquoappel drsquoune juridiction eacutepiscopale est porteacute devant le siegravege voisin) et par les tribunaux de district sous la Reacutevolution V en sens JF CHASSAING laquo Lrsquoappel des arrecircts des cours drsquoassises le poids de lrsquohistoire raquo in la Cour drsquoassises bilan drsquoun heacuteritage deacutemocratique association franccedilaise pour lrsquohistoire de la justice la documentation franccedilaise 2001 ISBN 2-11-004721-6 9 J PRADEL La loi ndeg 2002-307 du 4 mars 2002 un placebo pour gueacuterir certains maux de la reacuteforme du 15 juin 2000 sur la preacutesomption dinnocence D 2002 p 1693

87

son admission pourrait srsquoinscrire dans la logique du prolongement de lrsquoappel des arrecircts

drsquoacquittement1

193 Enfin septiegravemement le fait de revenir sur les deacutecisions drsquoacquittement relegraveverait

davantage du domaine de lrsquoaction publique que de la reacutevision2 en raison de sa proximiteacute avec

la reacuteouverture pour charges nouvelles conseacutecutive agrave une deacutecision de non-lieu3 Or la reacutevision

et la reacuteouverture pour charges nouvelles constituent deux moyens dont la finaliteacute ultime est de

rectifier une deacutecision manifestement injuste4 en se rapprochant de la veacuteriteacute Crsquoest ainsi que les

charges nouvelles peuvent ecirctre rapprocheacutees des faits nouveaux (pourvoi en reacutevision)

proximiteacute qui ne doit pas ecirctre consideacutereacutee comme un amalgame ou une confusion En effet sur

le plan mateacuteriel un non-lieu bien que revecirctu de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoest pas

intangible et ne saurait ecirctre compareacute avec une deacutecision deacutefinitive de relaxe ou

drsquoacquittement5 Toutefois il srsquoagit dans les deux cas et dans des domaines diffeacuterents drsquoune

atteinte agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee6 Lrsquoarticle 6 du Code de proceacutedure peacutenale poursuit

drsquoailleurs le mecircme objectif en autorisant la reprise de lrsquoaction publique eacuteteinte par la

production drsquoun faux7 Lrsquoadmission de la reacutevision in defavorem pourrait ecirctre le prolongement

de ces entorses agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee par rapport agrave la reprise de lrsquoaction publique laquo La

notion drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee face agrave la survenance drsquoeacuteleacutements nouveaux propres agrave

modifier la religion du juge srsquoil en avait eu connaissance au moment de sa deacutecision meacuterite

drsquoecirctre revisiteacutee Car crsquoest aussi la grandeur de la justice de ne jamais srsquoarrecircter dans la quecircte de

la veacuteriteacute et de savoir rebrousser chemin si la veacuteriteacute drsquoaujourdrsquohui vient contredire la veacuteriteacute

drsquohier8 raquo

194 Lrsquoexigence drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive deacuteclarative de culpabiliteacute nrsquoeacutetait pas

suffisante agrave lrsquoouverture drsquoun pourvoi en reacutevision Une condition preacutealable suppleacutementaire

drsquoordre mateacuteriel srsquoy ajoutait 1 V en sens inverse CNCDH Avis compleacutementaire op cit ndeg 2 2 Rapport drsquoinformation op cit p75 3 Voir articles 188 189 190 196 CPP 4 Pour qursquoune deacutecision soit injuste Paul RICOEUR estime neacutecessaire la reacuteunion de 3 conditions cumulatives une ineacutegaliteacute une disproportion une trahison des promesses V P RICOEUR Le juste I op cit avant-propos p 11 5 CNCDH Avis compleacutementaire op cit ndeg 2 J LELIEUR op cit n deg 620 6 M-L RASSAT estime que le non-lieu laquo nrsquoa qursquoune autoriteacute provisoire qui ne persiste qursquoautant qursquoil nrsquoy a pas de raison de le remettre en cause () jusqursquoagrave la prescription acquise un non-lieu peut toujours ecirctre lrsquooccasion drsquoune reacuteouverture de lrsquoinformation sur charges nouvelles Cela contredit toute ideacutee drsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui comporte une notion de caractegravere deacutefinitif raquo in Traiteacute de proceacutedure peacutenale op cit ndeg 515 p 832 7 Disposition qui nrsquoa jamais eacuteteacute appliqueacutee agrave notre connaissance 8 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-O VIOUT p 241

88

sect 2 Lrsquoexigence drsquoordre mateacuteriel

195 Srsquoagissant du champ drsquoapplication du pourvoi en reacutevision lrsquoancien article 622 du

Code de proceacutedure peacutenale preacutecisait que laquo la reacutevision dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre

demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dun crime ou dun deacutelit raquo Les

infractions peacutenales se divisent en trois cateacutegories les crimes les deacutelits et les contraventions

Non mentionneacutees par le leacutegislateur les contraventions eacutetaient exclues du champ de la

reacutevision La reacutevision drsquoune contravention eacutetait donc irrecevable alors mecircme que celle-ci aurait

eacuteteacute prononceacutee par un tribunal correctionnel1 La seule exception agrave cette regravegle concernait

lrsquohypothegravese drsquoune indivisibiliteacute de fait srsquoagissant drsquoune condamnation pour un deacutelit ou un

crime et une contravention2 (exemple drsquoune contravention de deacutefaut de maitrise drsquoun veacutehicule

associeacutee au deacutelit drsquohomicide involontaire) Dans ce cas de figure lrsquoannulation subseacutequente agrave

la reacutevision valait pour le tout3

196 Lrsquoexclusion des contraventions avait pour origine le caractegravere exceptionnel et

extraordinaire du pourvoi en reacutevision qui devrait concerner exclusivement les infractions les

plus graves Dans le cas drsquoune contravention dresseacutee agrave tort le ressenti du trouble pour la

socieacuteteacute eacutetait consideacutereacute moins aigu qursquoen cas de crime ou de deacutelit4 Lrsquoeacutetroitesse de la marge de

manœuvre du juge saisi drsquoune contestation en matiegravere contraventionnelle a conduit le

leacutegislateur agrave penser que lrsquoappel et le pourvoi en cassation suffisaient agrave reacuteparer une eacuteventuelle

erreur En somme une fois deacutefinitive la condamnation pour contravention devait ecirctre juste et

toutefois si une erreur srsquoy glissait celle-ci ne causait qursquoun trouble mineur De minimis non

curat praetor

197 Pourtant laquo la reacutevision est une voie de recours [hellip] admise dans lrsquointeacuterecirct

supeacuterieur drsquoeacutequiteacute et drsquohumaniteacute raquo5 Les contraventions notamment celles de cinquiegraveme

classe peuvent entrainer des peines drsquoamendes eacuteleveacutees avec inscription au casier judiciaire

Monsieur VIOUT soulegraveve que laquo rien ne justifie au plan des principes qursquoune condamnation

peacutenale ne puisse pas ecirctre reacuteviseacutee quelle que soit sa nature degraves lors qursquoelle est entacheacutee drsquoune

1 Cass crim 5 mai 1899 S 1901 1 p 297 note ROUX Comm reacutevision 5 mai 1994 ndeg 94-00013 Bull crim 1994 Comm reacutevision ndeg 172 Comm reacutevision 7 feacutevr 2005 ndeg 04-85708 Bull crim 2005 Comm reacutevision ndeg 2 2 Cass crim 5 nov 1987 ndeg 87-80662 Bull crim 1987 ndeg 392 RSC 1988 p 550 3 Comm reacutevision 12 juin 2006 ndeg 05 REV 071 Bull crim 2006 Comm reacutevision ndeg 1 4 V en ce sens R MERLE et A VITU op cit p 1031 5 Casscrim 22 janvier 1898 op cit

89

erreur de fait raquo1 Madame le Professeur LAZERGES et Monsieur VIOUT pour qui laquo il ne

saurait y avoir de degreacute dans la correction et la reacuteparation des erreurs judiciaires raquo2 ont donc

proposeacute drsquoeacutetendre la reacutevision aux contraventions de cinquiegraveme classe voire agrave toutes les

cateacutegories de contraventions A propos de lrsquoouverture de la reacutevision agrave la matiegravere

contraventionnelle Monsieur Claude MATHON a craint pour sa part que laquo la pugnaciteacute des

requeacuterants [soit] telle en matiegravere de contraventions que la juridiction de reacutevision qui doit

deacutejagrave reacutepondre aux demandes en reacutevision en matiegravere drsquourbanisme et drsquoexcegraves de vitesse

deacutelictuel [soit] probablement noyeacutee par lrsquoafflux de demandes raquo3

198 En ce qui nous concerne il faudrait soit maintenir lrsquoexclusion des contraventions

soit les admettre toutes sans distinction de degreacute agrave lrsquoeacutelection du pourvoi en reacutevision En effet

en se reacutefeacuterant agrave Madame le Professeur LAZERGES qui suggegravere que lrsquoadage laquo de minimis non

curat praetor raquo nrsquoa pas vocation agrave srsquoappliquer la logique voudrait que le recours concerne

toutes les contraventions sans distinction aucune car elles forment un tout indivisible Mais

en raison de lrsquoappeacutetit des consommateurs de droit nous craignons comme Monsieur Claude

MATHON que les contraventions ne deviennent un puissant multiplicateur des demandes en

reacutevision Pour cette raison pratique il nous semble que la loi de 1989 avait fait preuve de

sagesse en les eacutecartant de la reacutevision

199 Une deacutecision peacutenale deacutefinitive deacuteclarative de culpabiliteacute portant sur un crime ou

un deacutelit qui drsquoapregraves le justiciable eacutetait entacheacutee drsquoune erreur de fait ne pouvait suffire agrave la

mise en œuvre de la reacutevision Il ne srsquoagissait que de conditions preacutealables Il eacutetait

indispensable que les faits viseacutes dans la requecircte correspondent agrave lrsquoun des cas drsquoouverture

limitativement4 preacutevus par le Code de proceacutedure peacutenale

1 Rapport drsquoinformation op cit p 73 En 1990 Monsieur GENDREL remarquait deacutejagrave laquo Notre regret est tregraves vif que le parlement nrsquoait pas profiteacute de la reacuteforme pour eacutelargir la possibiliteacute de pourvoi en reacutevision aux condamnations prononceacutees pour contraventions de police de la 5eme classe Malgreacute une jurisprudence connue et une doctrine trop timide aucune voix ndashfut-elle deacutefavorable- ne srsquoest mecircme fait entendre agrave cet eacutegard devant les assembleacutees [hellip] Deacuteplorons donc sans doute avec drsquoautres que lrsquoeacutelargissement reacutealiseacute en 1867 au profit des condamnations deacutelictuelles nrsquoait pas trouveacute en 1989 sa logique prolongation par une nouvelle assimilation du reacutegime des contraventions de la 5eme classe agrave celui des deacutelits correctionnels raquo op cit ndeg15 2 Rapport drsquoinformation op cit p 74 3 Ibid 4 Toute demande ne correspondant pas agrave lun de ces cas eacutetait deacuteclareacutee irrecevable V en ce sens Cass crim 1er aoucirct 1901 S 1904 1 p 159 Comm reacutevision 16 deacutec 2002 ndeg 01-99154 Bull crim 2002 Comm reacutevision ndeg 2 Comm reacutevision 19 mars 2007 ndeg 05 REV 084 Bull crim 2007 Comm reacutevision ndeg 1

90

Section 2 Les cas drsquoouverture du pourvoi en reacutevision

200 Lancien article 622 du Code de proceacutedure peacutenale dressait une liste de quatre cas

dans lesquels la reacutevision pouvait ecirctre demandeacutee Les trois premiers cas sont les plus anciens et

teacutemoignent de lrsquoeacutevolution historique du droit de la reacutevision Deacutejagrave preacutevus par le Code

drsquoinstruction criminelle de 1808 ils ont traverseacute les siegravecles sans reacuteelles modifications Pour

chacun drsquoentre eux il existait des conditions bien preacutecises Cest ainsi qursquoils eacutetaient qualifieacutes

de cas deacutetermineacutes douverture agrave reacutevision par opposition au quatriegraveme cas qualifieacute de cas

indeacutetermineacute1 et qui visait des situations plus diverses

201 Le regroupement des trois premiers cas drsquoouverture permettra de les eacutetudier dans

leur globaliteacute (sect1) Le cas indeacutetermineacute (le quatriegraveme cas) fera lrsquoobjet drsquoun examen particulier

en raison des nombreuses requecirctes qursquoil a engendreacutees (sect2)

sect 1 Les cas deacutetermineacutes drsquoouverture agrave reacutevision

202 Les trois hypothegraveses preacutevues par lrsquoancien article 622 du Code de proceacutedure

peacutenale seront successivement examineacutees Elles concernaient la production drsquoune preuve de

vie de la victime en cas de condamnation pour homicide (A) lrsquoincompatibiliteacute deacutecisionnelle

(B) et le cas du faux teacutemoignage (C)

A La preuve de vie

203 Lrsquoancien article 622-1deg du Code de proceacutedure peacutenale visait lrsquohypothegravese ougrave

laquo apregraves une condamnation pour homicide [eacutetaient] repreacutesenteacutees des piegraveces propres agrave faire

naicirctre de suffisants indices sur lrsquoexistence de la preacutetendue victime de lrsquohomicide raquo Il se deacuteduit

de lrsquoexigence de la consommation de lrsquoinfraction qursquoil fallait exclure de la possibiliteacute drsquoun

recours une condamnation pour tentative drsquohomicide En effet dans ce cas la victime nrsquoest

pas deacuteceacutedeacutee du fait du crime2 En revanche agrave deacutefaut de preacutecisions mentionneacutees dans le texte

ce cas drsquoouverture pouvait ecirctre activeacute en preacutesence drsquoune infraction intentionnelle ou non

intentionnelle

1 H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 36 2 E DAURES op cit p 3 ndeg 24

91

204 La repreacutesentation de la victime en personne nrsquoeacutetait pas exigeacutee au moment de

lrsquointroduction du pourvoi en reacutevision1 Il srsquoagit lagrave de pure logique la victime supposeacutee ayant

pu disparaicirctre (deacutecegraves) pour drsquoautres motifs En revanche il eacutetait neacutecessaire de produire des

piegraveces justifiant la preacutesomption de vie de la victime preacutetendue apregraves la condamnation pour

homicide Ces eacuteleacutements devaient laisser apparaicirctre des laquo indices suffisants de nature agrave faire

admettre que le supposeacute deacutefunt se trouvait encore en vie au moment du prononceacute de la

condamnation2 raquo

205 Ce cas drsquoouverture speacutecifique aux laquo homicides sans cadavre raquo nrsquoa jamais eacuteteacute

utiliseacute Il semblerait qursquoune telle requecircte nrsquoaurait pu ecirctre deacuteclareacutee recevable qursquoen preacutesence de

faits laquo reacuteellement nouveaux raquo3 et dont la preuve eacutetait drsquoune laquo eacutevidente eacutevidence raquo4 Crsquoest

ainsi que la seule preuve acceptable aurait eacuteteacute la comparution de la preacutetendue victime

206 Prenons lrsquoexemple de deux affaires drsquohomicide sans cadavre lrsquoaffaire SEZNEC

et lrsquoaffaire TURQUIN qui soulegravevent ineacutevitablement la question de savoir si lrsquoancien article

622 1deg du Code de proceacutedure peacutenale eacutetait reacuteellement applicable Dans lrsquoaffaire SEZNEC des

teacutemoins avaient deacuteclareacute avoir aperccedilu le preacutetendu deacutefunt encore en vie apregraves srsquoecirctre seacutepareacute de

SEZNEC Toutefois les juges nrsquoont pas entendu les teacutemoins estimant qursquoil srsquoagissait drsquoune

confusion5 Lrsquoaffaire TURQUIN concerne la condamnation drsquoun veacuteteacuterinaire niccedilois pour le

meurtre de son fils dont le cadavre nrsquoa jamais eacuteteacute retrouveacute La reacutevision a eacuteteacute demandeacutee car

certains teacutemoignages laissaient penser que lrsquoenfant aurait eacuteteacute cacheacute en Israeumll par sa megravere Pour

les juges cette requecircte ne se fondait sur aucun eacuteleacutement seacuterieux Dans ces deux cas nrsquoy avait-

il pourtant pas des laquo piegraveces propres agrave faire naicirctre de suffisants indices sur lrsquoexistence de la

preacutetendue victime de lrsquohomicide raquo

207 Le texte visait ensuite le cas drsquoouverture agrave reacutevision relatif agrave une incompatibiliteacute

deacutecisionnelle

B Lrsquoincompatibiliteacute deacutecisionnelle

208 Lrsquoancien article 622-2deg du Code de proceacutedure peacutenale concernait lrsquohypothegravese ougrave

laquo apregraves une condamnation pour crime ou deacutelit un nouvel arrecirct ou jugement [avait]

1 V R GARRAUD op cit ndeg 2018 F HELIE op cit ndeg 1008 2 E DAURES op cit p 3 ndeg 24 3 E de VALICOURT op cit p 184 4 Ibid 5 D LANGLOIS Pour en finir avec lrsquoaffaire SEZNEC op cit p 12

92

condamneacute pour le mecircme fait un autre accuseacute ou preacutevenu et que les deux condamnations ne

pouvant se concilier leur contradiction [eacutetait] la preuve de lrsquoinnocence de lrsquoun ou de lrsquoautre

condamneacute raquo Il srsquoagissait du cas ougrave en preacutesence drsquoune mecircme infraction deux deacuteclarations de

culpabiliteacute diffeacuterentes revecirctues de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee avaient eacuteteacute prononceacutees agrave

lrsquoencontre de deux individus

209 Ce cas drsquoouverture ne srsquoappliquait que dans les rares cas1 ougrave deux condamnations

inconciliables reacutepondaient agrave trois caracteacuteristiques cumulatives Premiegraverement deux

condamnations distinctes2 devaient avoir eacuteteacute prononceacutees Deuxiegravemement lrsquoidentiteacute de fait

eacutetait obligatoire malgreacute de possibles qualifications peacutenales diffeacuterentes3 Toute la difficulteacute

consistait agrave laquo rapporter la preuve incontestable que deux condamnations [avaient] eacuteteacute rendues

pour les mecircmes faits et que les dits faits [nrsquoavaient] eacuteteacute ou [nrsquoavaient] pu ecirctre commis que

par une seule personne alors mecircme que deux personnes [avaient] eacuteteacute condamneacutees raquo4 En

drsquoautres termes il fallait deacutemontrer que lrsquoun drsquoeux eacutetait innocent en raison de la culpabiliteacute

de lrsquoautre5 Troisiegravemement pour ecirctre inconciliables laquo lrsquoabsence de lien de parenteacute raquo6 entre les

deacutecisions eacutetait requise eacutecartant de fait toute coopeacuteration ou concert frauduleux entre les

preacutevenus

210 Lrsquoarticle 622 envisageait ensuite lrsquohypothegravese du faux teacutemoignage

C Le faux teacutemoignage

211 Lrsquoancien article 622 ndash 3deg du Code de proceacutedure peacutenale faisait droit agrave la reacutevision

lorsqursquo laquo un des teacutemoins entendus [avait] eacuteteacute posteacuterieurement agrave la condamnation poursuivi

et condamneacute pour faux teacutemoignage contre lrsquoaccuseacute ou le preacutevenu le teacutemoin ainsi condamneacute

ne [pouvait] pas ecirctre entendu dans les nouveaux deacutebats raquo La reacutealiteacute drsquoun faux teacutemoignage7

1 Cinq annulations sans renvoi toutes relatives agrave la matiegravere correctionnelle ont eacuteteacute prononceacutees par la Cour de reacutevision sur ce fondement 2 En cas de deacuteclarations de culpabiliteacute contradictoires contenues dans un seul jugement il srsquoagissait drsquoune erreur de droit et non drsquoune erreur de fait 3 Cass crim 21 juill 1906 Bull crim 1906 ndeg 297 Cass crim 4 feacutevr 1911 Bull crim 1911 ndeg 84 Cass crim 25 juill 1936 S 1936 1 p 316 Casscrim 24 deacutecembre 1923 Bull crim ndeg 446 Casscrim 8 feacutevrier 1989 Bull crim ndeg 62 4 E de VALICOURT op cit p 189 5 B BOULOC op cit p 941 ndeg 962 H ANGEVIN op cit ndeg 49 6 Expression emprunteacutee agrave E de VALICOURT 7 Lrsquoarticle 434 ndash 13 du CP dispose laquo Le teacutemoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exeacutecution dune commission rogatoire est puni de cinq ans demprisonnement et de 75 000 euros damende Toutefois le faux teacutemoin est exempt de peine sil a reacutetracteacute spontaneacutement son teacutemoignage avant la deacutecision mettant fin agrave la proceacutedure rendue par la juridiction dinstruction ou par la juridiction de jugement raquo

93

auquel la jurisprudence assimile la subornation de teacutemoin1 eacutetait une condition preacutealable2 Ce

cas drsquoouverture ne srsquoappliquait donc pas lorsque les poursuites engageacutees pour faux

teacutemoignage avaient deacuteboucheacute sur une deacutecision de relaxe3 La condamnation pour faux

teacutemoignage devait ecirctre posteacuterieure agrave la deacutecision de justice contesteacutee et revecirctir lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee Il appartenait au juge de rechercher si le faux teacutemoignage avait vraiment

influenceacute la deacutecision de condamnation et eacutetait de laquo nature agrave vicier lrsquoensemble des charges

retenues par la preacutevention raquo4

212 Toutefois il est assez difficile drsquoobtenir une condamnation pour faux teacutemoignage

infraction qui reacuteclame la preuve de la deacutemonstration des propos tenus devant la juridiction de

jugement et de la connaissance par celui qui les a tenus du caractegravere inexact des deacuteclarations

Apparaissait donc une difficulteacute lieacutee aux eacuteleacutements constitutifs de lrsquoinfraction et plus

particuliegraverement agrave la preuve de lrsquointention coupable ce qui limitait consideacuterablement

lrsquoefficaciteacute de ce cas de reacutevision De plus la victime du faux (le condamneacute) devait intenter

son action dans le deacutelai de prescription imparti aux deacutelits Srsquoil soupccedilonnait un teacutemoin agrave charge

de faux teacutemoignage il devait engager les poursuites dans un deacutelai de 3 ans

213 Il nous semble que ces trois cas drsquoouverture eacutetaient finaliseacutes bien que le texte ne

le preacutecise pas degraves lors que les magistrats eacutetaient convaincus de lrsquoinnocence du demandeur

Pour ce qui est du premier cas il semblerait que seule la comparution de la victime supposeacutee

deacuteceacutedeacutee eacutetait de nature agrave convaincre les juges Pour le second le caractegravere inconciliable devait

eacutetablir de maniegravere manifeste lrsquoinnocence Srsquoagissant du troisiegraveme cas la condamnation pour

faux teacutemoignage devait conduire directement agrave la reconnaissance de lrsquoinnocence de la victime

du mensonge

214 A ces trois cas drsquoouverture deacutetermineacutes srsquoajoutait un cas drsquoouverture indeacutetermineacute

preacutevu par lrsquoancien article 622- 4 du Code de proceacutedure peacutenale

1 Casscrim 17 mars 1965 ndeg 64-92945 2 Sur la neacutecessiteacute drsquoune condamnation V Cass crim 26 janv 1994 ndeg 91-81552 Bull crim 1994 ndeg 37 Cass ch reacuteunies 15 mars 1900 Bull crim 1900 ndeg 117 S 1902 1 p 476 Sur lrsquoindiffeacuterence du prononceacute drsquoune peine agrave lrsquoeacutegard du teacutemoin menteur V Cass crim 2 mars 1934 Bull crim 1934 ndeg 51 3 Cass crim 26 janvier 1994 Bull crim ndeg 37 4 E DAURES op cit p 4 ndeg 39 Ce cas drsquoouverture a donneacute lieu en 1999 agrave la reacutevision partielle de la condamnation drsquoun homme pour le viol de sa belle-fille et pour un attentat agrave la pudeur commis agrave lrsquoencontre drsquoune amie de cette derniegravere Celle-ci ayant eacuteteacute condamneacutee pour faux teacutemoignage la condamnation relative agrave lrsquoattentat agrave la pudeur nrsquoeacutetait plus justifieacutee En revanche la Cour de reacutevision a consideacutereacute que le faux teacutemoignage nrsquoavait pas eu drsquoinfluence sur la condamnation pour viol et que celle-ci devait degraves lors ecirctre maintenue V Deacutecision de la Cour de reacutevision 14 avril 1999 ndeg 98-87055

94

sect 2 Le cas indeacutetermineacute drsquoouverture agrave reacutevision

215 Le quatriegraveme cas de reacutevision eacutetait preacutevu par lrsquoancien article 622- 4deg du Code de

proceacutedure peacutenale lorsque laquo apregraves une condamnation [venait] agrave se produire ou agrave se reacuteveacuteler

un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de nature agrave faire

naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute raquo Ce cas drsquoouverture eacutetait le plus

freacutequemment invoqueacute

216 Cette disposition modifieacutee en profondeur par la loi du 23 juin 1989 se voulait

dans sa conception plus libeacuterale que le Code drsquoinstruction criminelle qui nrsquoadmettait la

reacutevision qursquoen cas de fait nouveau ou piegravece inconnue de nature agrave eacutetablir lrsquoinnocence du

condamneacute (A) Toutefois toute loi se forge sur lrsquoenclume de la pratique et de son

interpreacutetation jurisprudentielle En lrsquoespegravece laquo non seulement la volonteacute du leacutegislateur

[nrsquoavait] pas eacuteteacute respecteacute mais pire le texte [nrsquoeacutetait] pas appliqueacute raquo1 En effet lrsquoeacutepeacutee de

Damoclegraves de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee incitait les juges agrave interpreacuteter le texte de maniegravere

plutocirct restrictive srsquoattaquant ainsi aux ambitions du leacutegislateur de 1989 (B)

A Lrsquoassouplissement leacutegislatif de 1989

217 La compreacutehension de lrsquoassouplissement de ce cas drsquoouverture ne peut ecirctre perccedilue

qursquoen confrontant la rigiditeacute textuelle du Code drsquoinstruction criminelle (1) agrave la modification

du texte par la loi du 23 juin 1989 (2)

1 La rigiditeacute textuelle du Code drsquoinstruction criminelle

218 La loi du 8 juin 1895 a reconnu explicitement le laquo fait nouveau raquo en ajoutant un

quatriegraveme alineacutea agrave lrsquoarticle 443 du Code drsquoinstruction criminelle Cet article disposait alors

que laquo la reacutevision pourra[it] ecirctre demandeacutee lorsque apregraves une condamnation un fait

nouveau viendra[it] agrave se produire ou agrave se reacuteveacuteler ou lorsque des piegraveces inconnues lors des

deacutebats [seraient] repreacutesenteacutees de nature agrave eacutetablir lrsquoinnocence du condamneacute raquo

219 Aussi la preacutesomption de veacuteriteacute se rattachant aux deacutecisions deacutefinitives ne pouvait-

elle ecirctre contesteacutee que par la preuve de lrsquoinnocence du condamneacute2 Lrsquoeacuteleacutement deacuteclencheur de

la prise en consideacuteration de lrsquoinnocence eacutetait soit un fait nouveau soit une piegravece inconnue lors

des deacutebats La datation de lrsquoexistence du fait ou de la piegravece pouvait ecirctre anteacuterieure agrave la 1 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame V ROSANO op cit p 273 2 Cass crim 20 feacutevrier 1896 S I 1899 p 425

95

deacutecision de condamnation tout en eacutetant reacuteveacuteleacutee posteacuterieurement agrave celle-ci Les commentateurs

de lrsquoarticle 443 ndash 4 du Code drsquoinstruction criminelle deacutecrivaient cette formule comme laquo assez

extensive pour comprendre toutes les hypothegraveses drsquoerreur assez restrictive pour nrsquoautoriser la

reacutevision que quand elle est commandeacutee par la certitude de lrsquoerreur raquo1 Or la preuve de la

certitude de lrsquoinnocence paraissait difficile agrave eacutetablir2 Une jurisprudence audacieuse qui a

obtenu ses lettres de noblesses agrave lrsquooccasion de lrsquoaffaire DREYFUS a permis de laquo douter du

fait3 raquo

220 La loi de 1989 prenant acte de ce glissement jurisprudentiel a deacuteplaceacute dans la

loi lrsquoexigence de la certitude de lrsquoinnocence vers celle du doute sur la culpabiliteacute

2 La modification du Code drsquoinstruction criminelle par la loi de 1989

221 Lrsquoancien article 622 ndash 4 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecisait que laquo la reacutevision

[pouvait] ecirctre demandeacutee lorsque apregraves une condamnation [venait] agrave se produire ou agrave se

reacuteveacuteler un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de nature agrave

faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute raquo

222 Cette nouvelle mouture qui eacutelargit les conditions drsquoouverture de la reacutevision est

plus libeacuterale que lrsquoancien texte sur deux points lrsquoadjonction au laquo fait nouveau raquo de

lrsquolaquo eacuteleacutement inconnu raquo (qui impliquait de fait la disparition du terme laquo piegravece raquo) (a) et le

remplacement de la notion drsquoinnocence par celle de doute sur la culpabiliteacute (b) Ce dernier

point a toujours susciteacute la curiositeacute des commentateurs qui pendant longtemps estimaient que

la porteacutee de la loi de 1989 se limitait au seul aspect de lrsquoabandon de laquo lrsquoinnocence raquo au profit

du laquo doute sur la culpabiliteacute raquo A lrsquoinverse le remplacement du mot laquo piegravece raquo par laquo lrsquoeacuteleacutement

inconnu raquo nrsquoeacutetait que tregraves peu eacuteteacute commenteacute

223 Les deux modifications intervenues en 1989 ne peuvent pourtant pas ecirctre

dissocieacutees lrsquoune de lrsquoautre et font partie drsquoun mecircme raisonnement En effet les juges devaient

se pencher sur les questions suivantes Premiegraverement le fait ou lrsquoeacuteleacutement est-il reacuteellement

nouveau ou inconnu4 Deuxiegravemement si oui est-il de nature agrave faire naicirctre un doute sur la

culpabiliteacute5

1 E de VALICOURT op cit p 199 2 Ibid p 199 3 F DEFFERRARD laquo Le doute le suspect et lrsquoinnocence raquo op cit p 2227 4 Appreacuteciation objective 5 Appreacuteciation subjective

96

a Lrsquoadjonction au laquo fait nouveau raquo de lrsquo laquo eacuteleacutement inconnu raquo

224 La jurisprudence ne distinguait pas toujours nettement lrsquoeacuteleacutement inconnu du fait

nouveau1 De son cocircteacute la doctrine eacutetait encline agrave les amalgamer2 Pourtant lrsquoeacuteleacutement

inconnu en 1989 est venu srsquoajouter au fait nouveau creacuteant ainsi un nouvel espace pour le

juge Le terme laquo piegraveces raquo en vigueur jusqursquoen 1989 a eacuteteacute abandonneacute

225 Avant 1989 le juge devait choisir entre laquo un fait [qui] viendra agrave se produire ou agrave

se reacuteveacuteler raquo et laquo des piegraveces inconnues lors des deacutebats raquo A partir de 1989 son choix devait

porter soit sur laquo un fait nouveau raquo soit sur laquo un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du

procegraves raquo Le laquo fait nouveau raquo a eacuteteacute conserveacute en lrsquoeacutetat alors que la laquo piegravece inconnue raquo a eacuteteacute

modifieacutee pour devenir laquo lrsquoeacuteleacutement inconnu raquo Pourquoi le leacutegislateur en 1989 parlait-il drsquoun

eacuteleacutement inconnu Peut-il ecirctre assimileacute agrave un fait Lrsquoadjectif laquo nouveau raquo recouvre-t-il la

mecircme signification qursquo laquo inconnu raquo

226 Un fait est un eacutevegravenement qui surgit et modifie le caractegravere drsquoune situation

initiale un teacutemoignage une expertise une reconstitution priveacutee la deacutecouverte drsquoun nouvel

eacuteleacutement factuel comme une arme une lettrehellip Un eacuteleacutement est une information utile agrave la

compreacutehension drsquoune situation Il nrsquoexistait donc pas de redondance terminologique entre le

fait et lrsquoeacuteleacutement La deacutefinition de laquo lrsquoeacuteleacutement raquo est plus eacutetendue3 que celle du laquo fait raquo et a

fortiori que celle de la laquo piegravece raquo De plus le fait et lrsquoeacuteleacutement nrsquoavaient pas le mecircme objet La

conjonction ou deacutelimitait deux terrains diffeacuterents (un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu)

Monsieur MATHON explique qursquo laquo un fait est quantifiable mesurable preacutecis Il se constate

et sappreacutehende objectivement Un eacuteleacutement induit une notion plus large et subjective moins

preacutecise une partie dun ensemble Cest pourquoi en visant un eacuteleacutement le leacutegislateur a

incontestablement voulu eacutetendre le champ de la reacutevision faire en sorte que sil y a un doute

mecircme sur un simple eacuteleacutement il y ait reacutevision lrsquoappreacuteciation du doute eacutetant elle-mecircme

1 Certaines deacutecisions ne se reacutefegraverent qursquoau laquo fait nouveau raquo V Cass crim 24 juin 2009 ndeg 08-86070 Cass crim 15 mai 2013 ndeg 12-84818 Drsquoautres deacutecisions eacutevoquent laquo lrsquoeacuteleacutement nouveau ou inconnu raquo sans le distinguer nettement du laquo fait raquo V Cass crim 25 nov 1991 Bull crim ndeg 434 Cass crim 16 mars 1993 Bull crim ndeg 116 2 Lorsque la doctrine traite du quatriegraveme cas drsquoouverture elle inclut geacuteneacuteralement les deacuteveloppements relatifs agrave l laquo eacuteleacutement inconnu raquo dans ceux concernant le laquo fait nouveau raquo Voir notamment H ANGEVIN Demandes en reacutevision op cit ndeg 69 et s E DAURES op cit ndeg 44 et s 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de B COTTE op cit p 199 laquo Le mot eacuteleacutement se veut agrave dessein tregraves large en tout cas plus large que le mot fait et il ne srsquoimpose donc pas agrave mon sens que le fait nouveau absorbe lrsquoeacuteleacutement inconnu Et il me parait devoir en ecirctre de mecircme de lrsquoinverse raquo

97

eacuteminemment subjective raquo1 Ces consideacuterations terminologiques impliquent que le fait ne soit

pas assimileacute agrave lrsquoeacuteleacutement

227 Le quatriegraveme cas drsquoouverture se divisait donc en deux reacutealiteacutes mateacuterielles

distinctes un fait nouveau qui se produit ou un eacuteleacutement inconnu qui se reacutevegravele Toutefois

elles avaient pour condition commune de devoir laquo faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du

condamneacute raquo comme en teacutemoignait selon Monsieur Bruno COTTE lrsquoemplacement de la

virgule apregraves le mot procegraves Srsquoagissant du fait il devait ecirctre nouveau signifiant ainsi agrave

deacutefaut drsquoautres preacutecisions qursquoil eacutetait posteacuterieur agrave la condamnation contesteacutee En revanche

lrsquoeacuteleacutement devait avoir eacuteteacute inconnu de la juridiction au jour du procegraves (le mot inconnu est

employeacute au singulier) Une seule reacuteveacutelation pouvait donc suffire Contrairement au fait seul

lrsquoeacuteleacutement pouvait exister voire preacuteexister au moment du premier procegraves Lrsquoeacuteleacutement

preacutesentait donc de nombreux avantages Son champ drsquoapplication est plus large par rapport agrave

celui du fait et sa nouveauteacute nrsquoest pas exigeacutee Monsieur MATHON en deacuteduisait mecircme que

laquo leacuteleacutement a pris la place du fait [hellip] ce qui devrait donc assouplir consideacuterablement les

conditions dadmission de la reacutevision raquo Lrsquoambition afficheacutee par ce changement

terminologique engageacute par la loi de 1989 eacutetait drsquoeacutelargir les possibiliteacutes drsquoadmission des

demandes en reacutevision

228 Ensuite en preacutesence drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu aveacutereacute il

convenait pour le juge de deacuteterminer si ce fait ou cet eacuteleacutement faisait naicirctre un doute sur la

culpabiliteacute du demandeur

b Le remplacement de lrsquoinnocence par le doute sur la culpabiliteacute

229 La justice peacutenale qui a pour fonction de deacutemecircler le vrai du faux doit savoir faire

une place au doute propre agrave toute penseacutee humaine et le surmonter2 laquo La justice crsquoest le

doute sur le droit qui sauve le droit raquo3 Le doute est preacutesent du deacutebut de la proceacutedure jusqursquoagrave

sa fin ultime lors de la reacutevision du procegraves4 En matiegravere de reacutevision le doute sur la culpabiliteacute

1 C MATHON op cit p8 2 Lrsquoarticle 4 du Code civil dispose laquo Le juge qui refusera de juger sous preacutetexte du silence de lobscuriteacute ou de linsuffisance de la loi pourra ecirctre poursuivi comme coupable de deacuteni de justice raquo G CORNU Rapport de synthegravese in La veacuteriteacute et le droit Actes des confeacuterences Journeacutees canadiennes agrave Montreacuteal 1987 eacuteditions Association Henri Capitant Economica 1989 p 6 et 7 laquo (hellip) dans lrsquoobligation ougrave il est de statuer le juge nrsquoest pas en droit de suspendre sa deacutecision jusqursquoagrave ce qursquoil accegravede agrave une certitude parfaite reacuteduit agrave se prononcer en faveur de la meilleure preuve raquo 3 ALAIN Propos sur le bonheur Gallimard Folio essais 2004 4 Au stade policier de la proceacutedure lrsquoOPJ ou le procureur de la Reacutepublique peut deacutejagrave douter entre deux qualiteacutes celle de suspect ou drsquoinnocent Il doute ainsi de son soupccedilon Au stade de lrsquoinformation judiciaire srsquoil en existe

98

neacute drsquoun eacuteleacutement inconnu ou drsquoun fait nouveau est salvateur Il doit profiter au condamneacute

deacutefinitif de la mecircme maniegravere qursquoil profite agrave lrsquoaccuseacute selon la regravegle in dubio pro reo consacreacutee

par lrsquoarticle 304 du Code de proceacutedure peacutenale

230 Le doute de la loi de 1989 (eacutevoqueacute dans ce deacuteveloppement) est celui que la Cour

de reacutevision devait jauger La proceacutedure de reacutevision eacutetait biceacutephale (commission de reacutevision ndash

Cour de reacutevision) La commission laquo avant de prendre la deacutecision de transmettre ou de ne pas

transmettre le dossier agrave la cour ne se [bornait] pas agrave veacuterifier la nouveauteacute et la reacutealiteacute du fait

ou de lrsquoeacuteleacutement invoqueacute mais elle [recherchait] quelle [avait] pu ecirctre son influence au regard

des eacuteleacutements existant au dossier qui avaient fondeacute la deacuteclaration de culpabiliteacute1 raquo Pour

lrsquoheure le doute sera eacutetudieacute par rapport agrave la Cour de reacutevision seule agrave pouvoir prononcer

lrsquoannulation de la condamnation

231 Le doute constitue la laquo pierre angulaire de la proceacutedure de reacutevision raquo2 Pas de

doute pas de reacutevision Crsquoest pourquoi le sens et le degreacute accordeacutes au doute sont des facteurs

deacuteterminants quant agrave lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision Le doute est lrsquoeacutetat de quelqursquoun

qui ne sait que croire qui heacutesite agrave prendre parti Crsquoest une notion subjective ineacutepuisable tant il

est difficile de deacutefinir agrave partir de quel moment nous nourrissons une certitude agrave propos drsquoun

fait ou drsquoune chose et agrave partir duquel le doute srsquoinstallera3 La perception du doute varie selon

chacun des ecirctres humains chacun placeacute dans son contexte eacuteducatif social politiquehellip

Appliqueacute au magistrat le doute est laquo cet eacutebranlement de la conscience reacutesultant de la

mobilisation de son intelligence des ecirctres et des choses que lui a reacuteveacuteleacute la proceacutedure engageacutee agrave

lrsquoencontre drsquoun individu en posture de deacuteni et qui ne lui a pas procureacute lrsquoabsolue certitude lui

permettant de demander ou de prononcer une condamnation raquo4

232 Le leacutegislateur dans lrsquoancien article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoa pas

qualifieacute le doute se gardant bien de fournir des indications aux juges quant au degreacute

drsquointensiteacute du doute qursquoexigeait la reacutevision Ce silence a donneacute lieu agrave de nombreuses

une le juge peut heacutesiter pareillement Le propre du juge drsquoinstruction est de douter en jugeant agrave charge et agrave deacutecharge Au stade du jugement une interrogation de mecircme nature peut surgir dans la recherche de lrsquointime conviction (qursquoil srsquoagisse ou non drsquoun juge professionnel) Pour reprendre lrsquoexpression de Pierre TRUCHE il y aurait dans toute deacutecision un tiers de doute et deux tiers de probabiliteacute Citeacute par J-P ANCEL La reacutedaction de la deacutecision de justice en France Revue internationale de droit compareacute 1998 volume 50 ndeg 3 p 841 1 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame M ANZANI p 263 Sur le questionnement de la commission sur le doute V infra ndeg 320 agrave 327 2 Ibid 3 V G CORNU La veacuteriteacute et le droit in Lrsquoart du droit en quecircte de sagesse PUF coll Doctrine juridique 1998 p 211 et s 4 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-O VIOUT op cit p 241

99

interrogations Drsquoaucuns preacutetendaient que le laquo simple doute [devait] justifier la reacutevision du

procegraves raquo1 Nous pensons que lrsquoancien article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale eacutetait moins

permissif afin de ne pas alteacuterer lrsquoesprit de la proceacutedure de reacutevision En effet le doute peut

srsquoinstaller partout Il est le propre de la nature humaine voire de la sagesse La matiegravere

juridique reste un terrain propice au doute et au questionnement Le doute fait partie du

cheminement intellectuel de celui qui refusera de se deacutecider laquo pour de faibles raisons raquo2 et a

fortiori pour le juge qui recherche la veacuteriteacute3 Reacuteduit agrave son plus faible degreacute lrsquouniversaliteacute du

doute aurait pour conseacutequence de deacutenaturer le pourvoi en reacutevision en lui enlevant ainsi son

caractegravere exceptionnel Les partisans de la theacuteorie du simple doute sont aux prises agrave une

confusion entre le doute judiciaire et des consideacuterations meacutetaphysiques ou philosophiques De

plus il parait logique que lrsquointensiteacute du doute exigeacute en matiegravere de reacutevision soit pour le moins

la mecircme que pour le doute favorable agrave lrsquoaccuseacute En effet il srsquoagit de deux doutes profitables

qui se diffeacuterencient uniquement par rapport au moment de leur apparition sur la scegravene

judiciaire

233 Or le doute profitable agrave lrsquoaccuseacute deacutepasse les frontiegraveres du doute leacuteger Une prise

en compte de lrsquoensemble des doutes leacutegers qui srsquoinsinuent reacuteguliegraverement au niveau des centres

deacutecisionnels aurait pour conseacutequence de paralyser le systegraveme Crsquoest pourquoi le doute

profitable agrave lrsquoaccuseacute doit ecirctre encadreacute et reacutepondre agrave plusieurs conditions Madame

NAGOUAS-GUERIN deacutemontre dans sa thegravese que le doute profitable au sens de laquo in dubio

pro reo raquo repose sur deux conditions le caractegravere insurmontable4 et le caractegravere rationnel La

rationaliteacute du doute profitable agrave lrsquoaccuseacute permet drsquoexpliquer que le doute viseacute par lrsquoancien

article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetait pas un blanc-seing agrave la prise en compte de

toutes les formes de doute

234 Srsquoagissant du caractegravere rationnel du doute de laquo in dubio pro reo raquo la chambre

criminelle casse reacuteguliegraverement pour insuffisance de motifs entacheacutes de contradiction les

arrecircts de relaxe au beacuteneacutefice du doute qui se bornent agrave eacutenoncer lrsquoexistence drsquoun doute sans

aucune justification alors que par ailleurs ils eacutenumegraverent de lourdes charges de culpabiliteacute

tireacutees drsquoeacuteleacutements de preuve apparemment deacutecisifs5 Encore faut-il que le juge ne se contredise

1 Ibid Contribution de S NOACHOVITCH p 193 2 R DESCARTES Discours de la meacutethode 1637 Gallimard 1991 p 94 3 J-B BREDIN Le doute et lrsquointime conviction Droits 1996 ndeg 23 La preuve p 21 4 Le caractegravere insurmontable implique qursquoun doute ne soit favorable agrave la personne poursuivie qursquoagrave la condition que toutes les investigations utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute aient eacuteteacute effectueacutees 5 V par exemple Cass crim 22 juin 1960 Bull crim ndeg 339 p 684 Cass crim 17 mai 1939 Bull crim ndeg115 p 209

100

pas tel serait le cas si apregraves avoir eacutenumeacutereacute des eacuteleacutements apparemment deacutecisifs ou des

charges tregraves lourdes de culpabiliteacute il relaxait sur le fondement drsquoun tregraves leacuteger doute1 Le

doute favorable doit ecirctre fondeacute sur une appreacuteciation rationnelle des moyens de preuve Sont

ainsi insuffisants les motifs de certains arrecircts de relaxe indiquant que laquo srsquoil existe agrave lrsquoencontre

du preacutevenu des charges tregraves lourdes de culpabiliteacute releveacutees par le tribunal il subsiste

neacuteanmoins en sa faveur un tregraves leacuteger doute qui doit lui profiter 2 raquo Seule la rationaliteacute du

doute peut valablement fonder une relaxe peu importe drsquoailleurs que celui-ci soit exprimeacute

sous la forme drsquoun doute leacuteger ou seacuterieux du moment qursquoil est rationnel La rationaliteacute

srsquoentend comme lrsquoadheacutesion que le doute peut emporter au sein drsquoun auditoire Degraves lors

admettre que nrsquoimporte quel doute puisse deacuteboucher sur une reacutevision valoriserait des doutes

irrationnels Il serait paradoxal de valider pour le condamneacute deacutefinitif un doute drsquoun degreacute

infeacuterieur agrave celui reacuteclameacute agrave lrsquoeacutegard de lrsquoaccuseacute

235 Crsquoest pourquoi nous nous rallions agrave lrsquoopinion de Monsieur Jean-Luc

MOIGNARD conseiller agrave la Cour de cassation qui parle pour la reacutevision de laquo doute

raisonneacute raquo3 dans le sens drsquoune laquo impression raisonneacutee qursquoont produit les eacuteleacutements de preuve

contradictoirement deacutebattus raquo Ce raisonnement rejoint ainsi le doute rationnel eacutevoqueacute par

Madame NAGOUAS-GUERIN Monsieur Bruno COTTE deacuteclare laquo pardonnez-moi mais

quand on doute on doute et lrsquoon en tire les conseacutequences a fortiori lorsque lrsquoon est juge et si

lrsquoon ne doute pas crsquoest que lrsquoon est certain4 raquo En drsquoautres termes il ne peut exister une

eacutechelle du doute pour reacuteviser agrave lrsquoinstar de lrsquoeacutechelle de la douleur dans le domaine meacutedical

236 Selon cette vision du doute la juridiction de reacutevision eacutetait tenue par la loi de 1989

drsquoappreacutecier les faits in concreto pour deacuteterminer si les eacuteleacutements nouveaux eacutetaient

suffisamment solides et de nature agrave instaurer un doute rationnel quant agrave la culpabiliteacute du

demandeur

237 En 1989 le basculement de lrsquoinnocence vers le doute aurait donc ducirc sensiblement

faciliter lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision Le chemin qui a conduit de la certitude de

lrsquoinnocence vers le doute sur la culpabiliteacute traduisait au niveau des textes la manifestation

drsquoun glissement ontologique de lexigence probatoire En effet plutocirct que de placer la preuve

1 Cass crim 15 juin 1973 Bull ndeg 268 Cass crim 3 feacutevrier 1992 Bull crim ndeg 47 2 Cass crim 3 feacutevrier 1992 op cit 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de J-L MOIGNARD op cit p 221 4 Ibid Contribution de B COTTE op cit p 199

101

sur le terrain de linnocence que le condamneacute devait reacutetablir avec certitude devant les juges de

la reacutevision il lui suffisait de mettre en doute sa culpabiliteacute au moyen du fait nouveau

238 Pourtant cet aspect libeacuteral de la loi de 1989 nrsquoa jamais pu veacuteritablement

srsquoaffirmer en raison du fort attachement des juges agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

B Lrsquoattachement de la jurisprudence agrave lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee

239 Les deux modifications introduites par la loi de 1989 nrsquoont pas reccedilu lrsquoaccueil

jurisprudentiel souhaiteacute Srsquoagissant du doute son degreacute drsquoacceptation avait eacuteteacute renforceacute par la

jurisprudence au-delagrave de la volonteacute du leacutegislateur (1) Le fait nouveau quant agrave lui precirctait le

flanc agrave une interpreacutetation discutable (2)

1 Lrsquoexigence drsquoun haut degreacute de doute

240 Tregraves attacheacutee agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee la jurisprudence ne se contentait pas

toujours drsquoun doute rationnel Pour Maicirctre Sylvie NOACHOVITCH la preuve de la certitude

de lrsquoinnocence eacutetait toujours drsquoactualiteacute dans lrsquoapplication de la loi de 19891 Selon nous cette

exigence de lrsquoinnocence se limitait aux cas deacutetermineacutes de reacutevision2 Concernant le cas

drsquoouverture indeacutetermineacute il srsquoagissait plutocirct de lrsquoexigence drsquoun doute seacuterieux La mention du

doute seacuterieux preacutevue dans la reacutedaction initiale de la proposition de loi de 1989 avait

pourtant eacuteteacute supprimeacutee par un amendement au Seacutenat3 A lrsquoeacutepoque le deacuteputeacute DREYFUS-

SCHMIDT avait œuvreacute efficacement pour lrsquoabandon du terme seacuterieux en deacuteclarant qursquo laquo il y a

doute ou il nrsquoy a pas doute Degraves lors qursquoil y a doute la reacutevision doit ecirctre possible (hellip) raquo4

241 Etaient pourtant annuleacutees les condamnations qui en raison drsquoun fait nouveau ou

drsquoun eacuteleacutement inconnu eacutetaient laquo de nature agrave faire naicirctre un doute seacuterieuxraquo5 sur la culpabiliteacute

du demandeur ou un doute laquo le plus seacuterieux6 raquo La jurisprudence consideacuterait qursquoil fallait

laquo pour justifier la reacutevision que le fait nouveau fasse naicirctre des doutes seacuterieux sur la culpabiliteacute

et deacutetruise la preacutesomption de certitude reacutesultant de la chose jugeacutee raquo7 Cette jurisprudence

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit Contribution de S NOACHOVITCH op cit 2 V supra ndeg 202 agrave 214 3 JO avr 1989 p 152 4 E DE VALICOURT op cit note ndeg 887 5 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 29 mars 1984 ndeg 83-94105 6 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 9 novembre 1955 Bull crim 1955 ndeg 474 7 Cass crim 9 feacutevr 1934 Bull ndeg 31

102

restrictive maintenait laquo malgreacute la reacuteforme de 1989 qui se reacutefeacuterait au doute sur la culpabiliteacute

du condamneacute lrsquoexigence drsquoun doute seacuterieux raisonnable ou important raquo1

242 Faire reacutefeacuterence au doute seacuterieux plutocirct qursquoau doute rationnel reacutetreacutecissait le

peacuterimegravetre de la reacutevision En effet un doute rationnel ressenti par la commission de reacutevision

nrsquoentraine pas automatiquement lrsquoadheacutesion de la Cour de reacutevision Dans le mecircme ordre

drsquoideacutees un doute rationnel perccedilu par la Cour de reacutevision peut ecirctre contesteacute par la juridiction

de renvoi le jugeant insuffisamment seacuterieux A contrario un doute seacuterieux sera toujours

consideacutereacute comme rationnel

243 Cette exigence du doute seacuterieux placcedilait le magistrat dans une situation

inconfortable Elle le conduisait agrave fermer la porte de la reacutevision malgreacute un doute rationnel qui

pouvait lrsquohabiter Selon Monsieur VIOUT cette attitude eacutetait contraire agrave lrsquoobligation

drsquoimpartialiteacute du juge Pour le magistrat agrave partir du moment ougrave un doute rationnel habite le

juge il lui incombe de srsquoabstenir laquo de soutenir une accusation agrave laquelle par deacutefinition il ne

croit pas totalement puisqursquoune partie de sa conscience est habiteacute par un doute mecircme

infime raquo2 Sous lrsquoeffet de cette jurisprudence la reacutevision ne devenait possible qursquoen cas de

probabiliteacute eacuteleveacutee de lrsquoinnocence du condamneacute (Reacutevision DILS3) Cette forte probabiliteacute

eacuteleveacutee passait par la deacutecouverte de la culpabiliteacute drsquoautres personnes (reacutevision MACHIN4) et

de fait srsquoeacutecartait du doute rationnel (rejet des demandes en reacutevision de Messieurs

LEPRINCE5 et SEZNEC6 )

244 Le second point drsquoachoppement de la jurisprudence issue de la loi de 1989

concernait lrsquoappreacuteciation seacutevegravere du fait nouveau

2 Lrsquoappreacuteciation seacutevegravere du fait nouveau

245 De nombreux arrecircts dont lrsquoeacutenumeacuteration ne preacutesente aucun inteacuterecirct ont eu agrave

connaicirctre de cette question En effet le fait nouveau peut concerner une multitude de

situations toutes tregraves diffeacuterentes les unes des autres Un cas particulier retiendra notre

attention lrsquohypothegravese dite de la criminaliteacute deacutependante entre lrsquoauteur principal et son

complice 1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit p16 2 Ibid Contribution de Monsieur J-O VIOUT op cit p 241 3 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 3 avril 2001 op cit 4 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 13 avril 2010 op cit 5 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 6 avril 2011 op cit 6 Cass crim statuant comme cour de reacutevision 14 deacutecembre 2006 op cit

103

246 Lrsquoideacutee drsquoune deacutependance entre lrsquoacte de compliciteacute et lrsquoinfraction principale est

inspireacutee par lrsquoarticle 121-7 du Code peacutenal1 CARBONNIER eacutecrivait que laquo le sort de lrsquoauteur

principal et du complice sont cousus dans le mecircme sac raquo2 Dans quelle mesure la deacutependance

de ce type de criminaliteacute peut-elle influer sur la reacutevision Lrsquohypothegravese qui va nous inteacuteresser

est la suivante celle dans laquelle un complice condamneacute deacutefinitivement fonde sa requecircte

en reacutevision sur un fait nouveau constitueacute par lrsquoinnocence de lrsquoauteur principal deacuteclareacutee en

appel par le jeu des voies de recours qursquoil est seul agrave avoir actionneacutees3

247 La relaxe ou lrsquoacquittement de lrsquoauteur principal par application des regravegles de

droit peacutenal de fond nrsquoest pas toujours incompatible avec la condamnation du complice En

effet la deacutecision de relaxe ou drsquoacquittement de lrsquoauteur principal fondeacutee sur son absence de

participation agrave une infraction constitueacutee nrsquoefface pas la condamnation du complice4 Seule une

deacutecision se fondant sur la non-constitution de lrsquoinfraction permet de remettre en cause la

condamnation du complice

248 Une fois la deacutecision de condamnation devenue deacutefinitive la tentation peut ecirctre

grande pour le complice condamneacute de se tourner vers le pourvoi en reacutevision La seconde

juridiction ayant remis en cause la nature des circonstances sur lesquelles se sont fondeacutees les

premiers juges il srsquoagit bien drsquoune erreur de fait5 Sa demande srsquoappuyait alors sur lrsquoancien

article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale La jurisprudence reliait la relaxe ou

lacquittement en appel de lauteur principal de linfraction au fait nouveau ou agrave lrsquoeacuteleacutement

inconnu6 puisqursquoaucun des trois autres cas drsquoouverture ne correspondait agrave la situation

1 Ce texte deacutefinit le complice drsquoune infraction comme laquo la personne qui sciemment par aide ou assistance en a faciliteacute la preacuteparation ou la consommation raquo Il en deacutecoule que la compliciteacute sassoit neacutecessairement sur lexistence dun fait principal punissable 2 J CARBONNIER Du sens de la reacutepression applicable aux complices selon larticle 59 du code peacutenal JCP 1952 I p 1034 3 Deux autres hypothegraveses plus marginales peuvent se rencontrer 1- le complice est condamneacute contradictoirement par un tribunal correctionnel alors que lrsquoauteur principal condamneacute par deacutefaut par le mecircme jugement est par la suite relaxeacute sur son opposition V Cass crim 17 juin 1998 Bull crim ndeg 197 2 le complice est deacutefinitivement condamneacute en appel alors qursquoun ou plusieurs autres co-preacutevenus srsquoeacutetant pourvus en cassation sont plus tard relaxeacutes par la cour de renvoi Cass crim 14 novembre 1985 Bull crim ndeg 357 4 V Cass crim 16 feacutevr 2000 op cit La relaxe de la personne poursuivie comme auteur principal des faits dabus de biens sociaux ne suffit pas agrave exclure que cette infraction ait eacuteteacute commise degraves lors quil y a eu plusieurs dirigeants sociaux au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La responsabiliteacute du complice ou du receleur subsistera si linfraction a pour auteur un individu tiers diffeacuterent de la personne qui a beacuteneacuteficieacute dune relaxe 5 En ce sens V C GUILLEMAIN op cit pour une opinion inverse V W JEANDIDIER note sous Comm reacutevision 16 novembre 1998 JCP G 26 ndash 30 juin 1999 II 10118 p 1245 6 G ROYER laquo Reacutevision de la condamnation deacutefinitive du complice en cas drsquoacquittement en appel de lrsquoauteur principal de lrsquoinfraction raquo note sous cass crim 24 mai 2006 AJ Peacutenal 2006 p 369

104

249 Dans une telle hypothegravese un arrecirct du 11 deacutecembre 19461 avait rejeteacute une

demande de reacutevision du complice articuleacutee sur la relaxe de lrsquoauteur principal2 Cet arrecirct

preacutecise que laquo la cour drsquoappel ne constate pas qursquoelle ait eacuteteacute saisie de faits nouveaux elle a

seulement interpreacuteteacute autrement que les premiers juges des faits dont ceux-ci avaient eu

connaissance le tribunal ayant releveacute agrave la charge du complice des actes qui lui eacutetaient

personnels et qui eacutetaient de nature agrave eacutetablir sa culpabiliteacute raquo

En drsquoautres termes si la deacutecision de relaxe ou drsquoacquittement eacutetait fondeacutee sur un eacuteleacutement

exteacuterieur au dossier drsquoorigine ignoreacute des premiers juges et donc nouveau la requecircte en

reacutevision du complice eacutetait recevable A contrario si elle eacutetait fondeacutee sur une nouvelle

appreacuteciation des charges la requecircte en reacutevision du complice eacutetait irrecevable3

250 En somme laquo lrsquoinconciliabiliteacute apparente des deacutecisions ne [constituait] pas un fait

nouveau et la reacutevision [eacutetait] subordonneacutee agrave la preuve distincte dune erreur portant sur

lexactitude des faits soumis aux premiers juges raquo4 Cette solution se justifiait par la nature

exceptionnelle du pourvoi en reacutevision dont le but nrsquoest pas contrairement agrave lrsquoappel de

permettre une laquo appreacuteciation renouveleacutee des faits raquo5 Degraves lors laquo si on ne veut pas confondre

lrsquoappel et la reacutevision il est neacutecessaire que la demande en reacutevision puise sa cause en dehors des

piegraveces du dossier dans un fait exteacuterieur venant deacutetruire lrsquointerpreacutetation supposeacutee vraie donneacute

agrave celle-ci raquo6 Lrsquoappreacuteciation nouvelle faite agrave partir de donneacutees identiques apparaissait comme

une laquo simple peacuteripeacutetie judiciaireraquo7

251 Sous lrsquoempire de la loi de 1989 dans un premier temps la distinction poseacutee par

lrsquoarrecirct de 1946 entre un fait exteacuterieur au dossier et une nouvelle appreacuteciation des charges

semblait srsquoeacutetioler En teacutemoignent plusieurs arrecircts qui consideacuteraient la relaxe ou lrsquoacquittement

ou lrsquoacquittement de lrsquoauteur principal comme un fait nouveau de nature agrave faire naicirctre un

doute sur la culpabiliteacute du complice8

1 Cass crim 11 deacutec 1946 S 1947 1 p 50 2 Etait concerneacute un auteur principal et son complice reconnus coupables drsquoune tentative drsquoavortement et drsquoun homicide involontaire La deacutecision rendue en premiegravere instance a eacuteteacute frappeacutee drsquoappel par lrsquoauteur principal agissant seul Il a beacuteneacuteficieacute drsquoune mesure de relaxe au beacuteneacutefice drsquoun laquo leacuteger doute raquo qui a peseacute sur la reacutealiteacute de la tentative drsquoavortement 3 V sur la distinction entre le fait nouvellement reacuteveacuteleacute et la preuve nouvelle V J LELIEUR op cit ndeg 670 4 C GUILLEMAIN op cit ndeg 4 5 V Cass crim 20 feacutevr et 26 juin 1896 6 aoucirct et 16 deacutec 1897 et 7 avr 1898 S 1899 1 p 425 6 W JEANDIDIER note sous Comm reacutevision 16 novembre 1998 JCP G 26 ndash 30 juin 1999 II 10118 p 1245 7 Expression emprunteacutee agrave Monsieur W JEANDIDIER 8Cass crim 20 juin 1994 Bull crim ndeg 246 B BOULOC laquo Compliciteacute et relaxe de lrsquoauteur raquo note sous cass crim 8 janvier 2003 RSC 2003 p 553 cass crim 21 juin 2001 ndeg 90-83185 Dalloz jurisprudence ndeg 85-

105

252 Dans un arrecirct du 16 novembre 1998 la Commission de reacutevision relevait que laquo la

relaxe de lauteur principal prononceacutee par une autre juridiction quel que soit le motif de

cette deacutecision est un fait nouveau de nature agrave exclure la culpabiliteacute de celui qui a eacuteteacute

condamneacute comme complice dun abus de biens sociaux et de recel raquo1 De mecircme un audacieux

arrecirct du 24 mai 2006 exprimait clairement que laquo lrsquoacquittement de lrsquoauteur principal par

une cour drsquoassises de renvoi constitue un fait nouveau de nature agrave permettre la reacutevision du

procegraves du complice deacutefinitivement condamneacute en premiegravere instanceraquo2

Ces arrecircts ont consideacutereacute que la divergence drsquoappreacuteciation eacutetait un facteur de doute qui ne

pouvait ecirctre ignoreacute et devait entrainer le laquo repecircchage judiciaire du complice raquo3 La

constatation drsquoune divergence drsquoappreacuteciation devenait un signe concret drsquoerreur qursquoil

srsquoagisse ou non drsquoune meacuteprise des premiers juges Cette situation entrainait neacutecessairement

la naissance drsquoun doute rationnel sur la culpabiliteacute du complice condamneacute Crsquoest pourquoi la

demande devait ecirctre recevable et transmise agrave la Cour de reacutevision quitte agrave ecirctre ensuite rejeteacutee

253 Cette jurisprudence a encouru des critiques dont les plus seacutevegraveres ont eacuteteacute souleveacutees

par Monsieur le Professeur JEANDIDIER Pour lui le caractegravere inconciliable des deacutecisions

ne constitue pas en soi une preuve formelle au sens drsquoun fait nouveau De plus il estime que

ce repecircchage judiciaire du complice peut paraitre curieux dans la mesure ougrave le complice nrsquoa

pas contesteacute sa condamnation par la voie de recours usuelle4 Enfin le verdict drsquoacquittement

ou de relaxe de la juridiction drsquoappel ne constitue pas neacutecessairement un fait nouveau mecircme si

certains eacuteleacutements sont preacutesenteacutes sous un nouvel eacuteclairage par rapport au procegraves anteacuterieur En

ce sens laquo il faut espeacuterer que lacquittement de lauteur principal sappuie en reacutealiteacute sur de

nouveaux eacuteleacutements deacuteterminants le fait nouveau neacutetant pas tant la deacutecision de relaxe ou

dacquittement que les modifications dont sest enrichi le dossier raquo5

254 Mesdames CARON et MENOTTI conseillers reacutefeacuterendaires agrave la Cour de

cassation ont insisteacute sur le risque que cette jurisprudence pouvait engendrer notamment agrave

travers toutes sortes darrangements et collusions entretenus entre co-preacutevenus et co-accuseacutes

Certains drsquoentre eux pourraient interjeter appel pour le compte dautres qui sen abstiendraient

94411 Bull crim ndeg 357 cass crim17 janvier 2007 ndeg 06-87833 Bull crim ndeg 11 17 juin 1998 ndeg 97-85568 Bull crim ndeg 197 1 W JEANDIDIER note sous Comm reacutevision 16 novembre 1998 op cit ndeg 11 2 Cass crim 24 mai 2006 pourvoi ndeg 05-86081 3 Expression emprunteacutee agrave Monsieur W JEANDIDIER 4 V note W JEANDIDIER op cit ndeg 10 5 C GIRAULT laquo Acquittement en appel de lrsquoauteur principal et reacutevision de la condamnation du complice raquo note sous cass crim 24 mai 2006 AJ Peacutenal 2006 p 316

106

deacutelibeacutereacutement puis se manifesteraient ensuite en cas de succegraves en saisissant la commission de

reacutevision1 Ce repecircchage judiciaire du complice eacutetait pourtant motiveacute par lrsquoexigence drsquoune

bonne justice En effet lrsquoimage de la Justice symbole de la sagesse ne devrait pas

srsquoenorgueillir du maintien de deux deacutecisions inconciliables La paix sociale exige que lrsquoon

revienne sur cette contradiction Crsquoest pourquoi selon nous cette nouveauteacute meacuteritait pour le

moins drsquoecirctre examineacutee par la Cour de reacutevision en reacutefeacuterence agrave lrsquoancien article 622-4deg qui

eacutevoquait drsquoun laquo fait nouveau raquo sans autre preacutecision

255 Srsquoabritant derriegravere une dialectique ambigueuml2 la jurisprudence srsquoest

progressivement eacuteloigneacutee de cette solution Deux arrecircts de rejet du 22 mai 20083 affirme qursquo

laquo attendu que les mecircmes faits ont eacuteteacute soumis agrave lexamen du tribunal correctionnel puis de la

cour dappel et que chacune de ces juridictions les a diffeacuteremment appreacutecieacutes au regard des

eacuteleacutements constitutifs des infractions poursuivies raquo Cette position conduisait agrave limiter

sensiblement le nombre de requecirctes en reacutevision Un retour en arriegravere agrave la jurisprudence de

1946 semblait se dessiner sous lrsquoimpulsion de la Commission de reacutevision qui refusait de

reconnaicirctre ipso facto lrsquoexistence drsquoun fait nouveau Elle consideacuterait qursquoil srsquoagissait plutocirct

drsquoune appreacuteciation diffeacuterente des faits qui ne saurait en soi constituer un fait nouveau4

256 Un arrecirct de rejet du 29 juin 2011 a renforceacute cette position5 Dans cette affaire la

Cour dappel avait relaxeacute lauteur principal en soulignant que les eacuteleacutements constitutifs de

lrsquoinfraction nrsquoeacutetaient pas tous caracteacuteriseacutes tant sur le plan mateacuteriel qursquointentionnel Le

complice condamneacute en premiegravere instance et agrave deacutefaut drsquoavoir interjeteacute appel se reacutesigna agrave

formuler une demande en reacutevision au motif que la relaxe de lrsquoauteur proceacutedait de lrsquoabsence

drsquoeacuteleacutements constitutifs de lrsquoinfraction La Cour de reacutevision a consideacutereacute quil nexistait pas de

fait nouveau au sens de lancien article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale Ces faits avaient

1 D CARON et S MENOTTI obs sous cass crim 22 mai 2009 ndeg 06-80525 et ndeg 07-83761 D 2008 AJ peacutenal 1768 p 1719 2 B BOULOC laquo Compliciteacute et relaxe de lrsquoauteur raquo note sous cass crim 8 janvier 2003 op cit 3 Cass crim 22 mai 2008 ndeg 06-80525 et ndeg 07-83761 D 2008 AJ 1768 ibid Chron 1719 obs D CARON et S MENOTTI AJ peacutenal 2008 426 obs C SAAS Dans le premier arrecirct la Cour de reacutevision avait eacuteteacute saisie par une personne condamneacutee pour faux usage de faux et compliciteacute drsquoabus de biens sociaux alors qursquoune deacutecision de relaxe avait eacuteteacute rendue en faveur de son comparse seul appelant poursuivi quant agrave lui des chefs de faux usage de faux et abus de biens sociaux Dans le second arrecirct la Cour avait eacuteteacute saisie dune demande en reacutevision drsquoune condamnation pour deacutenonciation calomnieuse alors qursquoun arrecirct de la cour dappel rendu agrave lrsquoinitiative de son co-auteur avait relaxeacute lrsquoappelant Dans ce cas la relaxe a eacuteteacute prononceacutee par la cour qui a estimeacute linfraction de deacutenonciation calomnieuse comme non constitueacutee 4 C SAAS laquo Requecircte en reacutevision fait nouveau et criminaliteacute deacutependante raquo note sous cass crim 22 mai 2008 AJ Peacutenal 2008 p 426 5 L PRIOU-ALIBERT laquo Reacutevision la relaxe nrsquoest pas un fait nouveau pour le complice raquo casscrim 29 juin 2011 ndeg 1088322 Dalloz actualiteacutes 22 juillet 2011

107

eacuteteacute examineacutes par le tribunal et par la Cour dappel sous un angle diffeacuterent sans que pour

autant un fait nouveau ne soit apparu au cours de lrsquoaudience

257 Cette jurisprudence illustre le rigorisme de la Cour de cassation dans

lrsquoappreacuteciation du fait nouveau Cette position nrsquoeacutetait pas exclusivement lieacutee agrave la pluraliteacute de

participants agrave lrsquoinfraction puisque les mecircmes conclusions srsquoappliquaient dans lrsquohypothegravese

drsquoune demande en reacutevision baseacutee sur lrsquoannulation drsquoun acte administratif posteacuterieur agrave la

condamnation alors que celui-ci en eacutetait le fondement1 Lrsquointroduction de lrsquoeacuteleacutement inconnu

par la loi de 1989 nrsquoa donc pas reacuteussi agrave modifier la position de la jurisprudence qui a continueacute

agrave srsquoappuyer sur le fait nouveau en tournant le dos agrave lrsquoeacuteleacutement inconnu dont lrsquoassiette eacutetait

pourtant plus large2

1 V en ce sens Cass crim 5 aoucirct 1915 Bull crim ndeg 168 H ANGEVIN op cit ndeg 87-89 W JEANDIDIER op cit ndeg 9 2 Rappelons les propos du Preacutesident de lrsquoAssembleacutee Nationale prononceacutes agrave lrsquooccasion de lrsquoaffaire SEZNEC et rappeleacutes par Denis SEZNEC lors de son audition devant la commission des Lois laquo Les leacutegislateurs que nous sommes ne peuvent pas se deacutesinteacuteresser du suivi de la loi Pas drsquointerfeacuterence avec le pouvoir judiciaire- indeacutependant respecteacute ndashmais en mecircme temps pas drsquoindiffeacuterence agrave lrsquoapplication de la loi faute de quoi nous nrsquoaurions fait qursquoune partie de notre travail raquo

108

Conclusion du chapitre

258 Ce chapitre nous a permis de deacutemontrer qursquoen 1989 tant au travers des

conditions preacutealables agrave la reacutevision que des cas drsquoouverture la logique oppositionnelle entre le

pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee lrsquoavait emporteacute Lrsquoexigence de la reacuteunion de

conditions preacutealables au pourvoi en reacutevision eacutetait de nature agrave restreindre le nombre de

deacutecisions susceptibles drsquoecirctre reacuteviseacutees puisqursquoil devait srsquoagir drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive

criminelle ou deacutelictuelle deacuteclarative de culpabiliteacute Cette restriction concernant les seules

deacutecisions peacutenales deacutefinitives criminelles ou deacutelictuelles trouvait sa justification dans le but de

preacuteserver le caractegravere extraordinaire de la reacutevision et de ne surtout pas lrsquoeacuteriger en un troisiegraveme

degreacute de juridiction En revanche lrsquoexclusion de la reacutevision in defavorem apparaissait moins

convaincante Pour ce qui est des cas drsquoouverture le choix drsquoune conception plutocirct restrictive

de la reacutevision eacutetait confirmeacute sous lrsquoeffet de la jurisprudence En effet mecircme si tout portait agrave

croire que la modification apporteacutee par la loi de 1989 au niveau de la reacutedaction du cas

indeacutetermineacute drsquoouverture constituait une avanceacutee elle nrsquoa toutefois pas eu lrsquoeacutecho

jurisprudentiel souhaiteacute

109

Conclusion du titre 1

259 Ce titre nous a permis de deacutemontrer que lrsquoanalyse du pourvoi en reacutevision se

heurte agrave une premiegravere difficulteacute qui consiste agrave deacutemecircler les liens qui lrsquounissent agrave lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee Les divers modes drsquointerpreacutetation de cette relation ont des conseacutequences sur la

proceacutedure de reacutevision qui selon la position adopteacutee par le leacutegislateur et la jurisprudence sera

soit plutocirct restrictive soit plutocirct libeacuterale En effet deux eacutecoles se disputent le choix drsquoopposer

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au pourvoi en reacutevision ou au contraire de priser leur proximiteacute

La premiegravere tendance qui se rattache aux fonctions traditionnelles de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee apparaicirct plutocirct deacutesuegravete car une vision plus moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

laisse entrevoir une conciliation possible entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision Crsquoest ainsi que la reacutevision ne srsquoexercerait plus contre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

mais pour une autoriteacute juste de la chose jugeacutee Srsquoagissant drsquoappreacutehender la reacutevision sous la

forme de deux angles drsquoattaque radicalement opposeacutes il nous est apparu inteacuteressant de nous

interroger sur le choix que la loi de 1989 avait pu faire

260 Crsquoest ainsi que nous pourrons au fil de notre eacutetude juger utilement des qualiteacutes

et des faiblesses de la reacuteforme de 2014 selon une meacutethodologie enseigneacutee par DESCARTES

laquo il faut commencer par la recherche de ces premiegraveres causes crsquoest-agrave-dire des principes et

que ces principes doivent avoir deux conditions lrsquoune qursquoils soient si clairs et si eacutevidents

que lrsquoesprit humain ne puisse douter de leur veacuteriteacute lorsqursquoil srsquoapplique avec attention agrave les

consideacuterer lrsquoautre que ce soit drsquoeux que deacutepende la connaissance des autres choses en

sorte qursquoils puissent ecirctre connus sans elles mais non pas reacuteciproquement elles sans eux

qursquoapregraves cela il faut tacher de deacuteduire de ces principes la connaissance des choses qui en

deacutependent raquo1

261 Dans la loi de 1989 le leacutegislateur a manifesteacute son attachement agrave une approche

plutocirct restrictive de la reacutevision Un signal drsquoouverture avait toutefois eacuteteacute lanceacute au moment de

la modification de la reacutedaction du cas drsquoouverture indeacutetermineacute de reacutevision Toutefois il nrsquoa

pas eacuteteacute entendu par la jurisprudence Le choix de cette approche ne fut pas sans conseacutequences

en raison des nombreux eacutecueils tant structurels que conjoncturels que contenait le texte

1 R DESCARTES Les principes de la philosophie Livre premier (1er eacuted 1885) Hachette 2012 preacuteface

110

Titre 2

Des imperfections structurelles et

conjoncturelles

111

laquo Sur mes cahiers drsquoeacutecolier

Sur mon pupitre et les

arbres

Sur le sable de neige

Jrsquoeacutecris ton nom

(hellip)

Et par le pouvoir drsquoun mot

Je recommence ma vie

Je suis neacute pour te connaicirctre

Pour te nommer

Liberteacute raquo1

262 La liberteacute se place au cœur de la proceacutedure de reacutevision Communeacutement opposeacutee agrave

lrsquoenfermement elle beacuteneacuteficiera en cas du succegraves de la reacutevision au condamneacute qui dans

lrsquohypothegravese drsquoune deacutetention recouvrera ses droits et lrsquoentiegravere liberteacute de ses mouvements

Largement deacuteveloppeacutee par les philosophes la liberteacute implique aussi drsquoapregraves les travaux de La

Boeacutetie2 lrsquoabsence drsquoune force exteacuterieure et injuste susceptible de contredire la volonteacute de

lrsquohomme Crsquoest ainsi que liberteacute et justice sont eacutetroitement lieacutees

263 La proceacutedure peacutenale est consideacutereacutee comme le droit des honnecirctes gens par

opposition au droit peacutenal qui appartiendrait aux malhonnecirctes gens Aux divers stades de

lrsquoavancement de la proceacutedure la manifestation de la veacuteriteacute se renforce pour deacuteboucher sur un

constat drsquoinnocence ou de culpabiliteacute3 Le pourvoi en reacutevision est le deacutemolisseur de lrsquoeacutedifice

drsquoune culpabiliteacute erroneacutee et deacutefinitive bacirctie sur les fondations de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

Il srsquoagit donc par excellence du recours des honnecirctes gens

264 Toutefois combattre une deacutecision deacutefinitive ne saurait ecirctre une chose facile pour

celui qui engage une bataille pour la liberteacute Crsquoest pourquoi le succegraves du pourvoi en reacutevision

est conditionneacute par le franchissement de divers obstacles proceacuteduraux qui se dressent sur la

route du requeacuterant La mise en place de ces obstacles se justifie par lrsquoobjet du pourvoi en

1 P ELUARD Poeacutesies et veacuteriteacutes Les eacuteditions de la main agrave plume 1942 p 1 2 E DE LA BOETIE Discours de la servitude volontaire Petite bibliothegraveque Payot 1574 3 F FOURMENT Proceacutedure peacutenale op cit p1 ndeg2

112

reacutevision qui ne constitue pas un troisiegraveme degreacute de juridiction Toutefois sous lrsquoempire de la

loi de 1989 les embucircches eacutetaient drsquoune telle importance qursquoelles ont transformeacute le pourvoi en

reacutevision en une forteresse presque imprenable

265 Ce titre sera consacreacute agrave la mise en relief des imperfections contenues dans la loi

de 1989 et reacutepertorieacutees sous deux rubriques

Inheacuterente agrave lrsquoarticulation des eacuteleacutements constitutifs drsquoun systegraveme la structure touche agrave

lrsquoorganisation mecircme drsquoun ensemble ou drsquoun concept La structure drsquoune entreprise constitue

le centre de graviteacute de son organisation cleacute de voucircte de son efficaciteacute Compareacutee agrave une

entreprise la proceacutedure de reacutevision dont lrsquoarchitecte est le leacutegislateur reposait dans la loi de

1989 sur de deux piliers la commission de reacutevision et la Cour de reacutevision Lrsquoanalyse des

imperfections structurelles de la proceacutedure de reacutevision portera donc sur lrsquoarticulation des

relations entre ces deux organes Quant agrave la conjoncture il srsquoagit drsquoun ensemble de

circonstances qui ont preacutesideacute agrave une situation preacutesente passeacutee ou future Lrsquoanalyse des

imperfections conjoncturelles de la proceacutedure de reacutevision issue de la loi de 1989 portera donc

sur lrsquoeacutetude de situations dont lrsquoexistence nrsquoeacutetait pas intimement associeacutee agrave lrsquoeacutedifice juridique

du recours

266 Seront donc drsquoabord envisageacutees les difficulteacutes structurelles qui ressortaient de la

loi de 1989 (chapitre 1) puis les difficulteacutes conjoncturelles (chapitre 2)

113

CHAPITRE 1 LES DIFFICULTES

STRUCTURELLES

267 La reacutepartition des compeacutetences entre la commission et la Cour de reacutevision avait

pour origine lrsquoalineacutea 5 de lrsquoarticle 623 du Code de proceacutedure peacutenale qui preacutevoyait que laquo la

demande en reacutevision est adresseacutee agrave une commission (hellip) raquo Ensuite le texte preacutecisait que

laquo cette commission saisit la chambre criminelle qui statue comme Cour de reacutevision des

demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises raquo La commission eacutetait lrsquoorgane qui

intervenait en premier lieu dans la proceacutedure Destinataire exclusive des requecirctes elle eacutetait la

seule autoriseacutee agrave saisir la Cour de reacutevision1 Le requeacuterant ne pouvait donc pas srsquoaffranchir du

passage obligeacute devant la commission en srsquoadressant directement agrave la Cour de reacutevision2 La

commission jouait un rocircle de filtrage des requecirctes

268 Le filtrage des requecirctes eacutetait une laquo bonne mesure raquo3 qui a pour but de preacuteserver

le caractegravere extraordinaire de la reacutevision et de se preacutemunir contre une inflation des requecirctes

Etaient donc eacutecarteacutees les demandes laquo teacutemeacuteraires abusives ou deacutepourvues de justification raquo4

Ce filtre se faisait lrsquointerpregravete drsquoune meacutefiance du leacutegislateur agrave lrsquoeacutegard du comportement de

certains condamneacutes5 En effet toute personne deacutefinitivement condamneacutee pour un crime ou un

deacutelit pouvait sans condition de forme de deacutelai et mecircme en lrsquoabsence de conseil deacuteposer une

requecircte en reacutevision Il apparaissait donc indispensable de trier les demandes et drsquoeacuteliminer

celles qui laquo [paraissaient] ne pas pouvoir ecirctre admises raquo pour eacuteviter un engorgement inutile

de la Cour de reacutevision Ensuite bien que les condamneacutes aient eacuteteacute les plus nombreux agrave se

1 Le caractegravere obligatoire du passage devant la commission srsquoinspirait de la formule laquo la demande en reacutevision est adresseacutee agrave une commission raquo qui ne souffrait drsquoaucune option ou exception 2 Sur lrsquoirrecevabiliteacute drsquoune telle requecircte V Cass crim 28 feacutevr 1901 Bull crim no 67 S 19021 p 477 3 M RUDLOFF rapporteur Seacutenat 11 avr 1989 p 151 4 H ANGEVIN op cit ndeg 121 5 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame MRADENNE op cit p 213 laquo Beaucoup de demandes eacutemanent de personnes en grandes deacutetresses psychologiques [hellip] Certains requeacuterants deacuteposent systeacutematiquement une nouvelle demande dans les jours qui suivent la deacutecision ayant rejeteacute ou deacuteclareacute irrecevable la preacuteceacutedente raquo V eacutegalement H ANGEVIN Premiegraveres applications de la loi 89-431 du 23 juin 1989 relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 7 laquo La forte proportion des deacutecisions dirrecevabiliteacute rendues par la commission (97 sur 180) fait apparaicirctre le caractegravere fantaisiste de nombre de demandes eacutemanant de condamneacutes qui introduisent un recours en reacutevision comme sil constituait un degreacute suppleacutementaire de juridiction Dans la plupart des cas les requecirctes deacuteclareacutees irrecevables bien que se reacuteclamant du quatriegraveme cas de reacutevision preacutevu par larticle 622 du Code de proceacutedure peacutenale narticulent aucun fait ou eacuteleacutement quelconque le demandeur se bornant agrave affirmer son innocence ou agrave preacutetendre quil a eacuteteacute trop seacutevegraverement condamneacute raquo

114

pourvoir devant la commission le recours restait ouvert agrave drsquoautres demandeurs qui venaient

encore grossir les rangs du nombre de requecirctes deacuteposeacutees1 Preuve de son utiliteacute le rocircle de la

commission eacutetait laquo quantitativement important raquo2

269 Lrsquoimportance de la mission de la commission exigeait un cadrage preacutecis de son

peacuterimegravetre drsquointervention et des attributions qui lui eacutetaient deacutevolues Crsquoest pourquoi le preacutesent

chapitre traitera plus de la commission laquo cheville ouvriegravere raquo3 de la proceacutedure que de la Cour

de reacutevision Dans la loi de 1989 le leacutegislateur eacutetait impreacutecis sur la reacutepartition des

compeacutetences confieacutees aux deux organes et surtout en ce qui concernait la commission

(Section 1) Ce flou compliquait les relations entre la commission et la Cour de reacutevision qui

au fil du temps se sont deacutegradeacutees (Section 2)

Section 1 Lrsquoimpreacutecision de la reacutepartition des

compeacutetences entre la commission de reacutevision

et la Cour de reacutevision

270 La proceacutedure de reacutevision srsquoarticulant autour de deux organes il faut

obligatoirement srsquointeacuteresser agrave la question du partage des compeacutetences Le manque de

preacutecision de la loi par rapport agrave lrsquoeacutetendue du pouvoir de filtrage de la commission (sect1) avait

eu pour conseacutequence drsquoentretenir des incertitudes quant agrave son rocircle reacuteel (sect 2)

sect 1 La deacutelimitation impreacutecise de lrsquoeacutetendue du filtrage de la

commission

271 Srsquoagissant du peacuterimegravetre drsquoaction de la commission le leacutegislateur apportait un

faible eacuteclairage se contentant de preacuteciser que laquo cette commission saisit la chambre

criminelle qui statue comme Cour de reacutevision des demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre

1 Lrsquoancien article 623 du CPP disposait laquo La reacutevision peut ecirctre demandeacutee 1deg Par le ministre de la justice 2deg Par le condamneacute ou en cas dincapaciteacute par son repreacutesentant leacutegal 3deg Apregraves la mort ou labsence deacuteclareacutee du condamneacute par son conjoint ses enfants ses parents ses leacutegataires universels ou agrave titre universel ou par ceux qui en ont reccedilu de lui la mission expresse raquo 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur B LOUVEL op cit p 227 laquo En 2012 la commission de reacutevision a eacuteteacute saisie de 139 requecirctes dont 46 en matiegravere criminelle et 93 en matiegravere correctionnelle Il est agrave noter que 28 de ces derniegraveres concernaient des condamnations pour infraction aux regravegles sur la distillation et contestaient en reacutealiteacute leur interpreacutetation donneacutee agrave une regravegle de droit par la Cour de cassation La commission a prononceacute 74 deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute dont 28 dans les dossiers susviseacutes 25 de rejet Elle a saisi agrave 2 reprises la cour de reacutevision [hellip] Depuis sa creacuteation en 1989 et jusqursquoau 16 septembre 2013 la commission de reacutevision a saisi la Cour de reacutevision agrave 84 reprises dont 13 fois en matiegravere criminelle raquo 3 Expression emprunteacutee agrave Monsieur ANGEVIN

115

admises raquo Apregraves avoir deacutemontreacute lrsquoambivalence de cette formule malheureuse qui srsquoest

traduite par la reconnaissance drsquoun pouvoir de filtrage ambigueuml agrave la commission (A) cette

ambiguiumlteacute sera leveacutee agrave lrsquoeacutepreuve drsquoune interpreacutetation teacuteleacuteologique du texte De cette maniegravere

nous deacutecouvrirons les veacuteritables attentes du leacutegislateur par rapport agrave lrsquoeacutetendue du filtrage et

nous deacutevoilerons sur quelle reacutealiteacute aurait ducirc reposer lrsquoexpression laquo les demandes qui lui

paraissent pouvoir ecirctre admises raquo (B)

A Lrsquoambiguiumlteacute du pouvoir de filtrage

272 Le principe de leacutegaliteacute impose au leacutegislateur lrsquoobligation de reacutediger des textes

clairs et preacutecis Il en deacutecoule que laquo quels que soient le contenu et la viseacutee dun texte leacutegislatif

le spectre de son ambiguumliteacute ne cesse de hanter la genegravese de sa formulation raquo1 Selon

DESCARTES la clarteacute dune information se reconnaicirct agrave lrsquoaptitude drsquoun destinataire attentif agrave

en saisir le contenu2

273 Or le passage concernant laquo les demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre

admises raquo manquait de preacutecision quant agrave son contenu et ce quel que soit le degreacute drsquoattention

du destinataire Quel eacutetait le point de deacutepart de lrsquoadmission drsquoune demande Quelle eacutetait

lrsquoeacutetendue du droit de regard de la commission Concernant le cas drsquoouverture indeacutetermineacute la

commission devait-elle saisir la Cour de reacutevision degraves lors qursquoelle constatait la preacutesence drsquoun

fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu Devait-elle refuser de saisir la Cour drsquoune requecircte au

motif que bien que mettant en avant un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu celui-ci nrsquoeacutetait

pas de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute Lrsquoarticle 622 4deg du Code

de proceacutedure peacutenale preacutecisait que laquo lorsque apregraves une condamnation vient agrave se produire ou agrave

se reacuteveacuteler un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de

nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute raquo la reacutevision eacutetait permise Mais

qui devait appreacutecier ce doute La commission La Cour de reacutevision La juridiction de

renvoi Avant mecircme lrsquoapplication de la loi de 1989 Monsieur ANGEVIN signalait deacutejagrave que

les termes du passage contesteacute laquo ne manqueront pas de discuter de deacutelicats problegravemes

dinterpreacutetation raquo3

1 Theacuteodore IVANIER Qursquoest-ce qursquoun texte clair (Essai de matheacutematisation) Paris PUF 1983 p 150 2 Descartes Principes L 45 AT IX 44 3 H ANGEVIN La reacuteforme de la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 17

116

274 La reacuteponse aux diverses questions poseacutees passe neacutecessairement par un effort

drsquoanalyse des motivations du leacutegislateur Pour ce faire nous nous baserons sur une

interpreacutetation teacuteleacuteologique1 de la formule en question

B Lrsquoapport drsquoune interpreacutetation teacuteleacuteologique des textes

275 Pour lever lrsquoambiguiumlteacute du texte nous nous sommes inteacuteresseacutees aux travaux qui

ont preacutesideacute agrave lrsquoadoption de la loi de 1989 tels les rapports les deacutebats parlementaires et autres

interventions Selon les deacuteclarations de Monsieur MARCHAND rapporteur de la commission

des lois en 19882 le passage concernant les laquo demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre

admises raquo a pour objet drsquoeacutecarter les requecirctes laquo manifestement irrecevables ou mal fondeacutees raquo

Lrsquoemploi par le rapporteur de la conjonction laquo ou raquo signifie que la commission pouvait se

trouver confronteacutee agrave deux types de mises agrave lrsquoeacutecart des requecirctes soit la requecircte eacutetait

manifestement irrecevable soit elle eacutetait mal fondeacutee

276 Concernant la requecircte manifestement irrecevable le caractegravere manifeste de

lrsquoirrecevabiliteacute se traduisait par une reacuteaction rapide de la commission de reacutevision qui pouvait

degraves la reacuteception de la requecircte se forger une opinion sans pour autant recourir agrave des moyens

drsquoinvestigation crsquoest lrsquoirrecevabiliteacute ab initio encore appeleacutee le laquo filtre du filtre raquo3 Elle eacutetait

preacutevue depuis le 19 mai 20114 par le dernier alineacutea de lrsquoancien article 623 du Code de

proceacutedure peacutenale qui disposait laquo lorsque la demande en reacutevision est manifestement

irrecevable le preacutesident de la commission de reacutevision ou son deacuteleacutegueacute peut la rejeter par

ordonnance motiveacutee raquo Les veacuterifications drsquoordre formel meneacutees par la commission portaient

sur la deacutecision faisant lrsquoobjet de la requecircte Il convenait de veacuterifier qursquoil srsquoagissait bien dune

condamnation peacutenale deacutefinitive concernant un crime ou un deacutelit et quil nexistait aucun autre

moyen de droit susceptible de reacuteparer lerreur invoqueacutee ou encore de srsquoassurer que le

1 Mode drsquointerpreacutetation encore appeleacute interpreacutetation finaliste ou deacuteclarative qui repose sur laquo la recherche des objectifs poursuivis par la loi crsquoest-agrave-dire le but qursquoelle souhaite atteindre [hellip] Elle se fonde sur la ratio legis la volonteacute deacuteclareacutee ou preacutesumeacutee du leacutegislateur en faisant primer lrsquoesprit du texte sur la lettre raquo V C GHICA-LEMARCHAND op cit R GARRAUD op cit p 106 P CORLAY laquo Reacuteflexions sur les reacutecentes controverses relatives au domaine et agrave la deacutefinition du vol raquo JCP 1984 I p 3160 F HELIE op cit p 13 G DI MARINO laquo Le recours aux objectifs de la loi peacutenale dans son application raquo RSC 1991 p 505 2 httparchivesassemblee-nationalefr9cri1988-1989-ordinaire1079pdf Rapport ndeg 220 (1988-1989) de M Marcel RUDLOFF fait au nom de la commission des lois deacuteposeacute le 1er mars 1989 3 Expression emprunteacutee agrave Madame RADENNE in Rapport drsquoinformation op cit p 213 4 Disposition issue de la loi ndeg 2011-525 du 17 mai 2011 dite loi de simplification et drsquoameacutelioration de la qualiteacute du droit V Rapport annuel drsquoactiviteacute 2011 de la Cour de cassation Commission de reacutevision des condamnations peacutenales laquo Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte le 19 mai 2011 il en a deacutejagrave eacuteteacute fait application agrave vingt-cinq reprises notamment lorsque le demandeur se borne agrave contester la condamnation sans invoquer drsquoeacuteleacutement nouveau ou agrave reprendre exactement la mecircme argumentation que celle deacutejagrave rejeteacutee lors drsquoune preacuteceacutedente demande raquo

117

requeacuterant figurait bien parmi les personnes autoriseacutees agrave exercer le recours Il pouvait arriver

que lrsquoirrecevabiliteacute soit deacutecouverte un peu plus tard au cours des premiegraveres mesures

drsquoinvestigations Lrsquoabsence de lrsquoimmeacutediateteacute de la deacutecouverte de lrsquoirrecevabiliteacute eacutetait dans ce

cas de nature agrave en relativiser le caractegravere manifeste1

277 Pour ce qui est de la requecircte mal fondeacutee elle eacutetait rejeteacutee au fond2 Les deacutecisions

de rejet eacutetaient motiveacutees soit par la constatation que le fait ou lrsquoeacuteleacutement invoqueacute dans la

requecircte nrsquoeacutetait pas de nature agrave deacuteboucher sur une reacutealiteacute et qursquoil ne srsquoagissait drsquoapregraves

lrsquoinstruction que drsquoune simple alleacutegation soit que les faits eacutetaient connus des juges du fond

au moment du prononceacute de la condamnation attaqueacutee En conseacutequence il ne pouvait srsquoagir de

faits nouveaux

278 Le respect de la volonteacute du leacutegislateur qui srsquoest exprimeacute dans la formule laquo les

demandes qui lui paraissent devoir ecirctre admises raquo impose donc lrsquointerpreacutetation suivante

Pour le premier cas drsquoouverture la commission devait simplement veacuterifier que la victime

supposeacutee eacutetait en vie apregraves la condamnation du requeacuterant Pour le deuxiegraveme cas drsquoouverture

il lui incombait uniquement de veacuterifier la reacutealiteacute de la condamnation du teacutemoin Pour le

troisiegraveme cas drsquoouverture ses veacuterifications devaient se concentrer sur le caractegravere

inconciliable des deux deacutecisions peacutenales Enfin pour le quatriegraveme cas drsquoouverture seule la

reacutealiteacute du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu devait occuper la commission

279 Le respect de la proceacutedure telle qursquoelle a eacuteteacute deacutecideacutee par le leacutegislateur de 1989

supposait donc que par rapport au cas drsquoouverture indeacutetermineacute le rocircle de la commission se

limite au constat de lrsquoexistence et du seacuterieux du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu

Ensuite crsquoeacutetait agrave la Cour de reacutevision de deacutecider srsquoil srsquoagissait drsquoun fait nouveau deacuteterminant

En pratique premiegraverement la commission devait srsquoattacher agrave savoir si le fait ou lrsquoeacuteleacutement

invoqueacute eacutetait soit inexistant au moment de la condamnation soit ignoreacute par la juridiction au

jour du procegraves Deuxiegravemement elle devait constater le cas eacutecheacuteant agrave lrsquoaide de moyens

drsquoinvestigations si ce fait ou eacuteleacutement eacutetait fiable et seacuterieux3 Le leacutegislateur voulait

circonscrire la mission de la commission agrave ce seul rocircle Il ne lui revenait donc pas de prendre

1 On ne parlera alors pas drsquoirrecevabiliteacute laquo ab initio raquo mais simplement drsquoirrecevabiliteacute 2 Le rapport drsquoinformation utilise dans cette hypothegravese lrsquoexpression irrecevabiliteacute V Rapport drsquoinformation op cit p 35 Les auteurs parlent plutocirct dans ce cas drsquoun rejet de la demande V par exemple E DE VALICOURT op cit p 215 H ANGEVIN Premiegraveres applicationshellip op cit ndeg 8 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame M ANZANI op cit p 263

118

position sur la porteacutee de ce fait et de chercher agrave savoir srsquoil faisait naicirctre un doute sur la

culpabiliteacute du condamneacute Par exemple face au cas drsquoun nouveau teacutemoignage agrave deacutecharge

invoqueacute dans une requecircte en reacutevision la commission devait veacuterifier srsquoil srsquoagissait bien drsquoun

nouveau teacutemoignage et srsquoil ne figurait pas deacutejagrave au dossier (eacutetape 1) Elle devait ensuite

srsquoassurer de la fiabiliteacute de la preuve testimoniale (eacutetape 2) Au terme de ces deux eacutetapes elle

devait pour respecter la volonteacute du leacutegislateur transmettre la requecircte agrave la Cour de reacutevision

280 Seul ce partage des rocircles entre la commission et la Cour de reacutevision reacutepond agrave

lrsquoambition du leacutegislateur qui souhaitait eacutecarter les requecirctes laquo manifestement irrecevables ou

mal fondeacutees raquo En ce sens Monsieur MARIN deacuteclare que laquo la commission de reacutevision

transmet agrave la Cour de reacutevision les requecirctes qui lui paraissent devoir ecirctre admises lorsqursquoil

nrsquoest pas eacutevident qursquoelles doivent ecirctre rejeteacutees1 raquo Selon nous le leacutegislateur de 1989 nrsquoavait

pas voulu accorder drsquoautre alternative agrave la commission que celle de devoir saisir la Cour de

reacutevision lorsque les conditions de recevabiliteacute eacutetaient remplies (eacutetapes 1 et 2) Il srsquoagissait

drsquoun droit pour le condamneacute degraves lors que sa requecircte nrsquoeacutetait pas manifestement irrecevable ou

mal fondeacutee

281 Certaines deacutecisions de la commission se font lrsquoeacutecho de cette position

laquo Attendu que si la commission de reacutevision a pleacutenitude de juridiction pour estimer que les

conditions de la loi ne sont pas remplies et rejeter les requecirctes qui lui sont soumises elle a

eacutegalement pour mission de saisir la chambre criminelle statuant comme cour de reacutevision

des demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises apregraves quoi il revient agrave la cour de

reacutevision de deacutecider sil y a ou non doute au sens de la loi raquo2 Ou encore laquo Attendu en

deacutefinitive que larrecirct de la cour dassises non motiveacute ne permettant pas de savoir sur quels

eacuteleacutements la cour et les jureacutes ont fondeacute leur intime conviction lappreacuteciation de ces eacuteleacutements

nouveaux ne saurait relever de la seule commission de reacutevision raquo3

282 Il en deacutecoule que la commission portait un regard plus conciliant sur la requecircte

que la Cour de reacutevision Cette derniegravere ne devait donc pas reacuteserver systeacutematiquement une

suite favorable agrave une requecircte transmise par la commission Un acquiescement systeacutematique de

la Cour de reacutevision aurait drsquoailleurs souligneacute le caractegravere trop restrictif du filtrage de la

commission Srsquoagissant du filtrage il est compris comme une premiegravere eacutepreuve de tri Au-

1 Ibid 2 Comm reacutevision 25 juin 2001 ndeg 01-99012 3 Comm reacutevision 11 avr 2005 ndeg 01 REV 065 Bull ndeg 3

119

delagrave la commission se transformerait en un organe de laquo preacute-jugement raquo et non plus de

filtrage Crsquoest pourquoi nous ne partageons pas lrsquoanalyse de Monsieur Roland AGRET pour

qui laquo une commission de reacutevision qui dit oui et une Cour de reacutevision qui dit non crsquoest un

deacutesordre insupportable accompli crsquoest un trouble agrave lrsquoordre public qui ne comprend pas qui

nrsquoaccepte pas de tels atermoiements manifesteacutes par de grands eacutecarts drsquointerpreacutetation illisibles

incompreacutehensibles et souvent drsquoune grande cruauteacute raquo1 Dans lrsquoaffaire SEZNEC la Cour de

reacutevision a rejeteacute la requecircte appreacutecieacutee favorablement par la commission au motif que le doute

sur la culpabiliteacute nrsquoeacutetait pas eacutetabli Cette situation nous parait conforme agrave lrsquoesprit de la loi de

1989 et nrsquoa rien drsquoanormale La commission est laquo chargeacutee de filtrer celles-ci [les requecirctes]

en se prononccedilant sur leur recevabiliteacute et en assurant la mise en eacutetat des dossiers afin de

permettre leur examen par la Cour de reacutevision raquo2

283 La mise en eacutetat des dossiers srsquoeffectuait par la commission au moyen de

pouvoirs proches de ceux du juge drsquoinstruction La doctrine parlait de la commission de

reacutevision comme drsquoune juridiction drsquoinstruction3 Crsquoest ainsi que Monsieur Bertrand LOUVEL

remarque qursquo laquo il convient de rappeler la diffeacuterence de nature entre la commission de reacutevision

et la Cour de reacutevision la premiegravere est une juridiction drsquoinstruction la seconde une juridiction

de jugement Leur regard sur les faits est donc distinct et il nrsquoest pas anormal que lrsquoavis porteacute

sur des faits identiques puisse ecirctre diffeacuterent raquo4 Il poursuit son raisonnement en se reacutefeacuterant agrave

lrsquoinstruction ordinaire laquo De mecircme qursquoil appartient au juge drsquoinstruction drsquoordonner le renvoi

drsquoune personne mise en examen devant la juridiction lorsqursquoil estime que les faits qui lui sont

reprocheacutes constituent un deacutelit [hellip] ou constituent une infraction qualifieacutee crime par la loi [hellip]

il appartient agrave la juridiction de jugement de se prononcer en dernier lieu sur la reacutealiteacute de ces

infractions5 raquo Bien souvent les conclusions de culpabiliteacute de lrsquoinstruction ordinaire sont

contredites par la juridiction de jugement qui prononce agrave lrsquoeacutegard du preacutevenu ou de lrsquoaccuseacute

une deacutecision de relaxe ou drsquoacquittement6 Cette situation ne provoque aucune reacuteaction

neacutegative de nature agrave blacircmer les contradictions naturelles de la justice Cette attitude devrait se

retrouver dans le cas drsquoune dissonance entre les deacutecisions contradictoires de la commission et

de la Cour de reacutevision La comparaison peut paraicirctre asymeacutetrique srsquoagissant dans le premier

1 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur R AGRET p 171 2 Ibid Contribution de Monsieur V LAMANDA op cit p 181 3 V notamment H ANGEVIN Les demandeshellip op cit ndeg 2 E DE VALICOURT op cit p 215 4 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur B LOUVEL op cit p 227 5 Ibid 6 La commission de suivi de la deacutetention provisoire annonce pour lrsquoanneacutee 2005 1 100 cas de deacutetentions provisoires nrsquoayant pas donneacute lieu agrave une condamnation V Rapport drsquoinformation op cit Contribution de D INCHAUSPE p 157

120

cas drsquoune deacutecision drsquoinnocence et dans le second drsquoune confirmation de culpabiliteacute

Toutefois malgreacute cette diffeacuterence il srsquoagit drsquoaffirmer dans les deux cas la volonteacute drsquoeacuteviter le

preacute-jugement de lrsquoinstruction En deacutefinitive la saisine de la Cour de reacutevision par la

commission de reacutevision ne signifie pas que la reacutevision est acquise

284 La penseacutee du leacutegislateur relative agrave lrsquoeacutetendue de lrsquoaction du filtrage de la

commission se trouvait alteacutereacutee par lrsquoambiguumliteacute de la formule laquo les demandes qui paraissent

devoir ecirctre admises raquo En effet le texte preacutesentait le risque drsquoaccroicirctre le pouvoir de filtrage

de la commission en srsquoeacuteloignant ainsi de la ligne initialement traceacutee par le leacutegislateur

285 La seconde zone drsquoombre du texte concerne le rocircle de la commission de reacutevision

sect 2 Le rocircle mal deacutefini de la commission de reacutevision

286 Les ouvrages de proceacutedure peacutenale preacutesentent traditionnellement la commission

comme une juridiction drsquoinstruction et la Cour de reacutevision comme une juridiction de

jugement Cette distinction accreacutedite lrsquoideacutee drsquoune proceacutedure biceacutephale comprenant une phase

drsquoinvestigation secondeacutee drsquoune phase deacutecisionnelle Crsquoest drsquoailleurs en nous reacutefeacuterant agrave cette

distinction que lrsquoexistence de possibles divergences drsquoappreacuteciation entre la commission et la

Cour de reacutevision a pu ecirctre justifieacutee1 Lrsquoinstruction est au procegraves peacutenal laquo ce que les

fondations sont agrave une maison Les malfaccedilons qui laffectent entraicircnent geacuteneacuteralement

leffondrement du dossier et sont difficilement reacuteparables raquo2 Lrsquoinstruction se deacutefinit comme

une laquo mise en eacutetat preacutealable du dossier consistant agrave recueillir les indices de la commission des

faits reprocheacutes afin instruisant agrave charge et agrave deacutecharge drsquoidentifier la ou les personnes

susceptibles de les avoir commis agrave titre de coauteur ou de complices et dire si les dits indices

peuvent constituer des charges suffisantes pour renvoyer ces personnes devant une juridiction

de jugement ou au contraire aboutissent au prononceacute drsquoun non-lieu raquo3

287 Lrsquoancien article 623 du Code de proceacutedure peacutenale disposait laquo Apregraves avoir

proceacutedeacute directement ou par commission rogatoire agrave toutes recherches auditions

confrontations et veacuterifications utiles et recueilli les observations eacutecrites ou orales du

requeacuterant ou de son avocat et celles du ministegravere public cette commission saisit la chambre

criminelle qui statue comme cour de reacutevision des demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre

admises raquo Le leacutegislateur identifiait en quelque sorte lrsquoarticle 623 du Code de proceacutedure 1 V supra ndeg 282 et 283 2 F DESPORTES L LAZERGES-COUSQUER op cit p 8 3 S GUINCHARD J BUISSON op cit p 829

121

peacutenale au contenu du titre III du mecircme Code concernant les juridictions drsquoinstruction

particuliegraverement lrsquoarticle 81 qui dispose laquo le juge dinstruction procegravede conformeacutement agrave la

loi agrave tous les actes dinformation quil juge utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute (hellip) raquo

288 Bien que le leacutegislateur nrsquoavait pas jugeacute utile de faire expresseacutement ce parallegravele

les auteurs srsquoinspirant des deacutebats parlementaires preacuteceacutedant lrsquoadoption de la loi de 19891

avaient pris pour habitude de qualifier la commission de reacutevision de juridiction drsquoinstruction2

A premiegravere vue deux arguments permettaient drsquoadheacuterer agrave cette thegravese Premiegraverement les

relations entre la commission et la Cour de reacutevision eacutetaient proches de celles existant entre

une juridiction drsquoinstruction et une juridiction de jugement (A) Deuxiegravemement la

commission de reacutevision disposait de pouvoirs pouvant srsquoidentifier agrave ceux du juge drsquoinstruction

(B)

A Des fonctions proches de celles drsquoune juridiction drsquoinstruction

289 Les relations qursquoentretiennent les juridictions drsquoinstruction avec les juridictions

de jugement sont proches de celles qui pouvaient exister entre la commission et la Cour de

reacutevision Trois arguments soutenaient cette thegravese

290 Tout drsquoabord Madame le Professeur RASSAT deacutefinit lrsquoinstruction preacuteparatoire

dans la proceacutedure ordinaire comme laquo la recherche opeacutereacutee par une juridiction speacutecialiseacutee en

vue de deacuteterminer srsquoil existe des charges suffisantes pour justifier le renvoi en jugement des

personnes en cause raquo3 Lrsquoexpression laquo la recherche opeacutereacutee raquo fait eacutecho aux termes de lrsquoancien

article 623 du Code de proceacutedure peacutenale qui preacutecisait qursquo laquoapregraves avoir proceacutedeacute directement

ou par commission rogatoire agrave toutes recherches auditions confrontations et veacuterifications

utiles et recueilli les observations eacutecrites ou orales du requeacuterant ou de son avocat et celles du

ministegravere public raquo Les pouvoirs drsquoinvestigation de la commission se confondaient avec la

recherche que deacutecrit Madame le Professeur RASSAT Celle-ci parlant de laquo juridiction

speacutecialiseacutee raquo agrave propos de la juridiction drsquoinstruction ordinaire cette qualification peut ecirctre

eacutetendue agrave la commission de reacutevision En effet bien que figurant dans le reacutepertoire de la Cour

1 Devant le Seacutenat le rapporteur du projet de loi avait qualifieacute les pouvoirs de la commission de laquo veacuteritables preacuterogatives drsquoinstruction raquo propos rapporteacutes par H ANGEVIN op cit 2 V en ce sens H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 123 laquo Doteacutee de veacuteritables pouvoirs dinformation cette commission qui a seule celui de saisir la cour de reacutevision quand le recours lui paraicirct recevable et admissible exerce la fonction dune veacuteritable juridiction dinstruction en matiegravere de reacutevision raquo C MATHON op cit p9 laquo Elle est mal nommeacutee et devrait srsquoappeler la commission drsquoinstruction des demandes en reacutevision des condamnations peacutenales raquo 3 M-L RASSAT Traiteacute de proceacutedure peacutenale op cit ndeg 328

122

de cassation sous la rubrique laquo commission administrative raquo la commission de reacutevision srsquoeacutetait

deacuteclareacutee agrave lrsquooccasion de lrsquoexamen de QPC ecirctre une juridiction au sens de la Constitution1

De plus il srsquoagissait bien drsquoune juridiction speacutecialiseacutee puisque son domaine drsquointervention se

limitait agrave la reacutevision

291 Par rapport agrave lrsquoexpression laquo en vue de deacuteterminer srsquoil existe des charges

suffisantes raquo la commission de reacutevision srsquoinscrivait dans cette logique en veacuterifiant la

recevabiliteacute des requecirctes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises Les termes laquo pour justifier

le renvoi en jugement des personnes en cause raquo eacutevoquent ceux de lrsquoancien article 623 du Code

de proceacutedure peacutenale qui preacutevoyait que laquo cette commission saisit la chambre criminelle qui

statue comme cour de reacutevision raquo laquelle pouvait ensuite proceacuteder au laquo renvoi [des] accuseacutes

ou preacutevenus devant une juridiction de mecircme ordre et de mecircme degreacute mais autre que celle

dont eacutemane la deacutecision annuleacutee raquo Il existe donc bien une similitude au niveau des liens qui

pouvaient exister entre une juridiction drsquoinstruction et une juridiction de jugement et ceux

unissant les acteurs de la proceacutedure de reacutevision

292 Ensuite lrsquoancien article 625 alineacutea 1 du Code de proceacutedure peacutenale mentionne

lrsquolaquo affaire pas en eacutetat raquo concernant une requecircte transmise par la commission et dont lrsquoexamen

aurait eacuteteacute jugeacute incomplet par la Cour de reacutevision Une formulation presque identique se

retrouve dans le cadre de lrsquoinstruction preacuteparatoire ougrave il srsquoagit drsquoune laquo mise en eacutetat

preacutealable raquo2

293 Enfin les laquo recherches et veacuterifications utiles raquo preacutevues par lrsquoancien article 623 du

Code de proceacutedure peacutenale semblaient dans les faits se rapprocher des laquo actes drsquoinformations

utiles raquo de lrsquoarticle 81 du Code de proceacutedure peacutenale Par exemple des eacutecoutes teacuteleacutephoniques

sont des moyens drsquoinvestigations utiliseacutes par le juge drsquoinstruction comme par la commission

de reacutevision Les nombreuses mesures drsquoinformations mises en œuvre dans le cadre des

affaires RADDAD3 et SEZNEC4 sont lrsquoillustration drsquoun mode de fonctionnement proche de

celui du juge drsquoinstruction A la demande de la commission lrsquoaffaire RADDAD a donneacute lieu

agrave de nombreuses expertises (meacutedecins graphologues) et auditions Il srsquoagit bien lagrave

1 Commission de reacutevision 4 juillet 2013 ndeg 13REV078 Monsieur LOUVEL en conclut laquo Ainsi dans lrsquohypothegravese ougrave une QPC serait consideacutereacutee comme seacuterieuse la commission serait ameneacutee agrave la renvoyer agrave la chambre criminelle raquo V Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur B LOUVEL op cit p 227 2 Le chapitre du manuel de Messieurs GUINCHARD et BUISSON consacreacute agrave lrsquoinstruction srsquointitule laquo La mise en eacutetat preacutealable du dossier de la proceacutedure lrsquoinstruction raquo op cit p 829 3 Comm reacutevision 25 juin 2001 ndeg 01-99012 Bull crim 2001 Comm reacutevision ndeg 157 V J-P BROUILLAUD laquo Point de vue sur lrsquoaffaire Omar Raddad raquo D 2003 Point de vue p 627 4Comm reacutevision 11 avr 2005 ndeg 01 REV 065 Bull crim 2005 Comm reacutevision ndeg 3

123

drsquoinvestigations figurant au laquo reacutepertoire ordinaire raquo1 des mesures prises par un juge

drsquoinstruction Crsquoest pourquoi nous partageons lrsquoanalyse de Monsieur Henri ANGEVIN qui

estime que laquo doteacutee de veacuteritables pouvoirs dinformation cette commission qui [avait] seule

celui de saisir la Cour de reacutevision quand le recours lui [paraissait] recevable et admissible

[exerccedilait] la fonction dune veacuteritable juridiction dinstruction en matiegravere de reacutevision raquo2

294 Le parallegravele avec une juridiction drsquoinstruction pouvait aussi srsquoexpliquer par une

convergence drsquoapparence entre les pouvoirs drsquoinvestigation de la commission et ceux du juge

drsquoinstruction

B Des pouvoirs proches de ceux du juge drsquoinstruction

295 Les pouvoirs drsquoinstruction revenaient le plus souvent agrave la commission

Neacuteanmoins la Cour de reacutevision en disposait eacutegalement3 En effet lrsquoancien article 625 du

Code de proceacutedure peacutenale preacutevoyait que laquo si la cour de reacutevision estime que laffaire nest pas

en eacutetat elle procegravede comme il est dit au sixiegraveme alineacutea de larticle 623 raquo Aussi la question

de lrsquoeacutetendue des pouvoirs drsquoinstruction pouvait-elle ressurgir au niveau de la Cour de

reacutevision4

296 Le leacutegislateur autorisait la commission agrave proceacuteder laquo directement ou par

commission rogatoire agrave toutes recherches auditions confrontations et veacuterifications utiles raquo

En comparaison agrave lrsquoarticle 81 du Code de proceacutedure peacutenale qui autorise le juge drsquoinstruction agrave

proceacuteder laquo conformeacutement agrave la loi agrave tous les actes drsquoinformation qursquoil juge utiles agrave la

manifestation de la veacuteriteacute raquo les pouvoirs de la commission bien que ressemblants eacutetaient

plus limiteacutes Ils proceacutedaient drsquoune eacutenumeacuteration plutocirct floue des actes mis agrave sa disposition (1)

Malgreacute cette impreacutecision il convient de deacuteterminer quels eacutetaient les actes concrets que la

commission pouvait ordonner et de deacutefinir dans le silence du texte la conduite agrave tenir en cas

de deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers dans les faits reprocheacutes au demandeur (2)

1 Expression emprunteacutee agrave Messieurs GUINCHARD et BUISSON op cit ndeg 1856 2 H ANGEVIN op cit ndeg 123 3 Monsieur ANGEVIN utilise le terme de laquo mesures compleacutementaires drsquoinstruction raquo op cit ndeg 139 4 Dans la mesure ougrave la commission doit lui transmettre un dossier en eacutetat la Cour de reacutevision utilise plus rarement les pouvoirs drsquoinvestigations dont elle dispose Pour un exemple V Cass crim 26 feacutevrier 1997 ndeg 96-85082 Bull ndeg80

124

1 Le listage impreacutecis des pouvoirs drsquoinstruction de la commission

297 Il srsquoagit de deacutefinir les eacuteleacutements figurant dans la liste de lrsquoancien article 623 du

Code de proceacutedure peacutenale Srsquoagissant des recherches et veacuterifications la question peut se poser

de savoir si une perquisition ou une saisie se deacutefinissent comme tels De mecircme il y a lieu de

srsquointerroger sur la possibiliteacute drsquoeffectuer une comparaison ADN entre les empreintes

retrouveacutees sur des scelleacutees et celles figurant au fichier national automatiseacute des empreintes

geacuteneacutetiques1 ou encore sur la possibiliteacute de recourir agrave des eacutecoutes teacuteleacutephoniques2 Se reacutefeacuterant

au juge drsquoinstruction nous pourrions citer de nombreux exemples lieacutes aux moyens

drsquoinvestigations mis en œuvre par le magistrat instructeur Lrsquoeacutenumeacuteration approximative des

pouvoirs drsquoinvestigation de la commission placcedilait les magistrats de la commission face agrave un

laquo vide juridique sideacuterant et sideacuteralraquo3 Ces questions alimentaient une autre interrogation celle

de savoir agrave qui incombait lrsquoinitiative des actes drsquoinvestigations agrave la commission ou agrave son

rapporteur Pour ce qui est des auditions et confrontations le leacutegislateur nrsquoapportait aucune

information sur leur deacuteroulement

298 Se posait donc la question de la deacutecouverte par la commission de lrsquoimplication

drsquoun tiers ayant agi aux cocircteacutes du demandeur en reacutevision (qui demeure de facto coupable) ou agrave

la place de celui-ci (qui est de facto innocent)

2 Le silence sur la deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers par la commission

299 Il srsquoagissait de lrsquohypothegravese dans laquelle au cours de ses investigations la

commission deacutecouvrait ou suspectait lrsquoidentiteacute du veacuteritable auteur des faits ou lrsquoapparition

drsquoun complice aux cocircteacutes de lrsquoauteur principal le demandeur Par exemple des reacuteveacutelations

importantes pouvaient ecirctre faites agrave lrsquooccasion drsquoune audition ou confrontation et apporter un

nouvel eacuteclairage sur lrsquoaffaire Un individu pouvait reconnaicirctre ecirctre lrsquoauteur des faits

injustement reprocheacutes au demandeur ou avouer avoir participeacute agrave la commission de lrsquoinfraction

comme complice ou coauteur La personne entendue pouvait aussi deacutenoncer un tiers

deacutesignant ainsi un nouveau suspect susceptible drsquoinnocenter le demandeur Enfin des

veacuterifications ou recherches pouvaient aboutir notamment en raison des progregraves de la science

agrave des soupccedilons de culpabiliteacute porteacutes sur un tiers et de nature agrave innocenter le demandeur

1 La commission srsquoy refusait V CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 18 2 La commission estimait pouvoir recourir agrave cette mesure V Ibid ndeg 18 3 Rapport drsquoinformation op cit p 69

125

300 Au cours de lrsquoinstruction ordinaire lorsque des indices laissent preacutesager qursquoune

ou plusieurs personnes ont pu participer agrave la commission de lrsquoinfraction le juge drsquoinstruction

peut librement1 srsquointeacuteresser agrave ces individus nrsquoagissant pas dans le cadre drsquoune saisie in

personam2 Les teacutemoins ou les personnes soupccedilonneacutees beacuteneacuteficient drsquoun laquo encadrement

juridique protecteur des droits de la personne3 raquo Crsquoest dans ce cadre-lagrave que lrsquoinstruction

donne naissance aux statuts de teacutemoin assisteacute ou de mis en examen Le mis en examen peut

ecirctre maintenu dans certaines circonstances agrave la disposition de la justice au moyen du controcircle

judiciaire ou de la deacutetention provisoire deacutecideacutee par le juge des liberteacutes et de la deacutetention4 Or

contrairement agrave une juridiction drsquoinstruction la commission ne disposait pas en vertu des

textes de pouvoirs coercitifs privatifs de liberteacute De plus nrsquoagissant pas comme une autoriteacute

de poursuite elle ne pouvait pas appreacutecier les charges existantes contre un tiers

301 Lors de ses investigations la commission pouvait donc se retrouver dans une

position inconfortable Crsquoest ainsi qursquoelle eacutetait autoriseacutee agrave entendre une personne dont les

deacuteclarations recueillies au cours de son audition pouvaient ecirctre de nature agrave justifier sa laquo mise

en examen raquo Or le beacuteneacutefice de ce statut protecteur ne pouvait ecirctre octroyeacute que dans le cadre

drsquoune instruction preacuteparatoire Madame ANZANI ancienne preacutesidente de la commission de

reacutevision a drsquoailleurs exprimeacute ce malaise de la maniegravere suivante laquo On jongle On le fait

assister drsquoun avocat mais il nrsquoest pas mis en examen il nrsquoa pas accegraves au dossier raquo5 La

conduite de certaines auditions pouvait donc se transformer en un exercice drsquoeacutequilibriste

302 Dans lrsquohypothegravese ougrave une audition deacutebouchait sur un aveu la commission

interrompait ses investigations pour porter ces nouveaux eacuteleacutements agrave la connaissance du

parquet Celui-ci avait lrsquoentiegravere liberteacute drsquoouvrir ou de ne pas ouvrir une nouvelle information

judiciaire6 Or laquo la tentation pour lacteur de la chaicircne judiciaire qui intervient dans la

proceacutedure de confirmer purement et simplement la position de son preacutedeacutecesseur par confort

intellectuel ou par manque de temps nest manifestement pas un cas deacutecole dans le systegraveme

1 Il ne peut toutefois informer que sur des faits pour lesquels il a eacuteteacute saisi par un reacutequisitoire introductif ou suppleacutetif V article 80 CPP laquo Le juge dinstruction ne peut informer quen vertu dun reacutequisitoire du procureur de la Reacutepublique raquo 2 S GUINCHARD et J BUISSON op cit ndeg 1630 3 Expression emprunteacutee agrave Messieurs S GUINCHARD et J BUISSON 4 Ibid ndeg 1680 et s 5 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Madame M ANZANI 7 novembre 2013 Accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission 6 Solution identique dans lrsquoinstruction preacuteparatoire en cas de deacutecouverte de faits nouveaux par le juge drsquoinstruction Pour une illustration V Cass crim 4 juin 1996 Bull ndeg 230

126

judiciaire franccedilais raquo1 Ce risque eacutetait accentueacute lorsqursquoeacutetaient solliciteacutes les mecircmes acteurs du

dossier judiciaire et pouvait laisser penser que laquo la manifestation de la veacuteriteacute deacutepend de la

bonne ou mauvaise volonteacute des parquets et des enquecircteurs compeacutetents raquo2 En deacutefinitive les

zones drsquoombre de lrsquoancien article 623 du Code de proceacutedure peacutenale incitaient la commission agrave

une forme laquo drsquoautocensureraquo3 lors de ses investigations

303 Le vide juridique en cas drsquoimplication drsquoun tiers a particuliegraverement eacuteteacute ressenti

dans les affaires DILS et MACHIN

Dans lrsquoaffaire DILS le fait nouveau a eacuteteacute la deacutecouverte de la preacutesence sur les lieux au

moment des faits de Monsieur Francis HEAULME La commission a proceacutedeacute agrave lrsquoaudition de

lrsquointeacuteresseacute en srsquoentourant drsquoinfinies preacutecautions sachant qursquoune mise en examen eacutetait

impossible Lrsquoacquittement de Monsieur Patrick DILS nrsquoa pas eu lieu lors du premier procegraves

qui srsquoest tenu devant la juridiction de renvoi Son acquittement est intervenu plus tard en

appel devant la cour drsquoassises des mineurs du Rhocircne Ce nrsquoest qursquoapregraves ce verdict qursquoune

information a eacuteteacute ouverte agrave lrsquoencontre de Monsieur Francis HEAULME par le parquet de

Metz Il a donc fallu attendre lrsquoacquittement de Monsieur Patrick DILS pour ouvrir cette

information Il aurait eacuteteacute preacutefeacuterable drsquoordonner ce suppleacutement drsquoinformation au moment de la

deacutecouverte du fait nouveau

Dans lrsquoaffaire MACHIN le cas eacutetait diffeacuterent mais les mecircmes conclusions peuvent srsquoimposer

Un tiers avait avoueacute ecirctre lrsquoauteur du crime alors que Monsieur Marc MACHIN avait eacuteteacute

deacutefinitivement condamneacute pour ces faits Les aveux de Monsieur David SAGNO qui ont

donneacute lieu agrave une ouverture drsquoinformation srsquoinscrivaient en dehors du cadre drsquoune requecircte en

reacutevision Apregraves avis du parquet de Nanterre le Garde des sceaux a saisi de ce fait nouveau la

commission de reacutevision Le dossier drsquoinstruction concernant David SAGNO eacutetait deacutejagrave monteacute

au moment du lancement des investigations de la commission Agissant en aval de

lrsquoinstruction elle nrsquoa pas eacuteteacute agrave lrsquoorigine de la deacutecouverte du fait nouveau Ainsi il lui suffisait

drsquoattendre les reacutesultats de lrsquoenquecircte en cours Dans la pratique un eacutechange drsquoinformations a

eu lieu entre la commission et le magistrat instructeur4 Toutefois Monsieur Marc MACHIN

nrsquoa pas eacuteteacute aussitocirct innocenteacute apregraves la condamnation de David SAGNO La Cour de reacutevision

1 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 3125 au nom de la commission drsquoenquecircte chargeacutee de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans lrsquoaffaire dite drsquoOutreau et de formuler des propositions pour eacuteviter leur renouvellement p 277 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame M RADENNE op cit p 213 3 Ibid 4 Commission des Lois Audition de Madame ANZANI

127

saisie par la commission a reacuteexamineacute le dossier pour le renvoyer devant une cour drsquoassises

qui a finalement pu innocenter Marc MACHIN La question se pose de savoir si un tel

parcours judiciaire reacutepondait vraiment agrave lrsquoesprit de la reacutevision

304 Les zones drsquoombre du texte empecircchaient donc de deacuteterminer avec preacutecision la

ligne de deacutemarcation qui seacuteparait les deux organes Cette impreacutecision a eu pour conseacutequence

de transformer la nature des rapports qursquoentretenaient la commission et la Cour de reacutevision Il

en a reacutesulteacute un chevauchement de compeacutetences rendant difficile de savoir laquo qui faisait quoi raquo

Section 2 La transformation des relations entre la

commission et la Cour de reacutevision

305 Dans la pratique du filtrage la commission manifestait une seacuteveacuteriteacute plus

importante que celle qui eacutetait voulue par le leacutegislateur provoquant un eacutelargissement de son

champ de compeacutetences en empieacutetant sur celui de la Cour de reacutevision (sect 1) Cette pratique

inspireacutee par la jurisprudence nrsquoeacutetait pas sans conseacutequences sur le deacuteroulement de la proceacutedure

de reacutevision (sect 2)

sect1 Le filtrage seacutevegravere de la commission

306 Srsquoagissant de lrsquoeacutetendue du filtrage les intentions du leacutegislateur ont eacuteteacute

malmeneacutees (A) de sorte que lrsquoon se trouvait confronteacute agrave un chevauchement de compeacutetences

entre la commission et la Cour de reacutevision Sous cette influence persistante la Cour de

reacutevision srsquoeacutetait progressivement transformeacutee en juridiction de controcircle de la commission (B)

A La mauvaise interpreacutetation des intentions du leacutegislateur

307 Drsquoune part lors de lrsquoexamen du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu la

commission allait au-delagrave des souhaits du leacutegislateur en faisant montre drsquoune grande seacuteveacuteriteacute

quant agrave la pertinence des faits ou eacuteleacutements invoqueacutes (1) Drsquoautre part apregraves avoir eacutetabli cette

pertinence elle srsquoemparait de la question relative au doute que pouvait faire naicirctre le fait

nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu sur la culpabiliteacute du demandeur (2)

128

1 Un regard seacutevegravere sur le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnu

308 Premiegraverement la commission rejetait toute demande qui se fondait sur un

eacuteleacutement connu mais non deacutebattu bien qursquoil ait pu srsquoagir drsquoun eacuteleacutement deacuteterminant (a)

Deuxiegravemement la reconnaissance de la pertinence du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu

eacutetait subordonneacutee agrave des exigences plutocirct restrictives (b)

a Le rejet des demandes fondeacutees sur un eacuteleacutement connu mais non deacutebattu

309 La commission estimait qursquoun eacuteleacutement mecircme deacuteterminant qui figurait au dossier

sans pour autant avoir eacuteteacute deacutebattu devait ecirctre consideacutereacute comme connu Degraves lors qursquoil en avait

eacuteteacute fait mention au dossier cet eacuteleacutement bien qursquoabsent des deacutebats nrsquoeacutetait pas consideacutereacute

comme laquo inconnu de la juridiction au jour du procegravesraquo En effet les magistrats professionnels

en avaient connaissance au moment de la communication du dossier Crsquoest ainsi qursquoune

requecircte en reacutevision fondeacutee sur un eacuteleacutement connu mais non deacutebattu mecircme srsquoil eacutetait de nature agrave

faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute eacutetait deacuteclareacutee irrecevable En pratique il pouvait srsquoagir

drsquoun eacuteleacutement ignoreacute par le juge drsquoinstruction ou omis par lrsquoavocat de la deacutefense ou bien

encore drsquoun indice qui avait eacutechappeacute agrave la vigilance des magistrats professionnels Ces

eacuteleacutements du dossier nrsquoeacutetaient donc pas porteacutes agrave la connaissance des jureacutes drsquoassises qui

prennent leur deacutecision sur la base des deacutebats drsquoaudience

310 La doctrine dans sa majoriteacute soutenait cette exclusion en estimant que

lrsquoadmission de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu reviendrait agrave reconnaicirctre comme moyen drsquoouverture le

laquo mal-jugeacute raquo alors que la proceacutedure de reacutevision nrsquoa vocation agrave reacuteparer que les seules erreurs de

fait1 Ainsi la fermeture de la reacutevision agrave lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu a pour origine la volonteacute de ne

pas rejouer le procegraves devant la Cour de reacutevision qui ne constitue pas un troisiegraveme degreacute de

juridiction A deacutefaut la reacutevision serait assimileacutee agrave lrsquoappel qui permet deacutejagrave de soulever des

eacuteleacutements connus du dossier et non deacutebattus en premiegravere instance

311 Toutefois lrsquointroduction en 1989 aux cocircteacutes du fait nouveau de lrsquoeacuteleacutement

inconnu aurait ducirc permettre selon nous de reconsideacuterer la situation En effet leacuteleacutement

devait avoir eacuteteacute laquo inconnu de la juridiction au jour du procegraves raquo Une interpreacutetation de lrsquoancien

article 622 4deg du Code de proceacutedure peacutenale permet drsquoaffirmer que le fait laquo se produit raquo et que

lrsquoeacuteleacutement laquo se reacutevegravele raquo Ceci signifie que bien que deacutejagrave connu lrsquoeacuteleacutement peut ecirctre reacuteveacuteleacute

posteacuterieurement agrave la condamnation Monsieur MATHON deacuteclare que laquo lrsquoexpression non

1 Rapport drsquoinformation op cit p 80

129

deacutebattu nrsquoest pas bonne raquo parce qursquoelle creacuteeacutee une confusion en introduisant faussement au

niveau de la reacutevision lrsquoideacutee du mal-jugeacute Crsquoest pourquoi Monsieur MATHON propose de

parler plutocirct drsquolaquo un eacuteleacutement qui vient agrave se reacuteveacuteler et qui si il avait eacuteteacute pris en consideacuteration

lors du procegraves aurait vraisemblablement entraineacute un verdict diffeacuterent raquo Cette deacutefinition a

pour avantage drsquoeacutepouser le concept de reacuteveacutelation preacutevu par le leacutegislateur srsquoagissant de

lrsquoeacuteleacutement1 La reacuteveacutelation transcende le distinguo entre connu et inconnu une chose connue

pouvant ecirctre reacuteveacuteleacutee par la suite

312 Ensuite pour ses opposants lrsquoadmission de ce moyen drsquoouverture laisserait agrave

penser qursquoun nombre important de condamneacutes pourrait exhumer malicieusement de leur

dossier certains eacuteleacutements non deacutebattus et ainsi multiplier inutilement le nombre des pourvois

en reacutevision Sont particuliegraverement viseacutees les affaires financiegraveres qui selon Monsieur MARIN

pourraient constituer une laquo source de difficulteacutes inextricables raquo2 Toutefois Maicirctre

FLORAND a relativiseacute cette crainte en raison du peu de chance qursquoil existe de trouver encore

un eacuteleacutement non deacutebattu apregraves une condamnation deacutefinitive3 En effet le jeu des voies de

recours ordinaires permet tregraves souvent drsquoexplorer au beacuteneacutefice du suspect tous les arcanes du

dossier Il semble difficile drsquoimaginer un justiciable se garder volontairement drsquoinvoquer un

eacuteleacutement au cours de son parcours judiciaire afin de se meacutenager avec la reacutevision une ultime

porte de sortie

313 Enfin pour ses pourfendeurs lrsquoirrecevabiliteacute de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu trouverait

sa justification dans le fait que le pourvoi en reacutevision nrsquoa pas pour vocation de pallier les

deacutefaillances des acteurs du procegraves Cet argument ne nous parait pas convaincant lrsquoerreur

judiciaire eacutetant souvent le reacutesultat drsquoune laquo succession de deacutefaillances raquo4 drsquoordres tregraves divers

Pour preuve le rapport de la commission drsquoenquecircte mise en place suite agrave lrsquoaffaire dite

drsquoOutreau a reacutealiseacute dans sa premiegravere partie la laquo radiographie drsquoun deacutesastre judiciaire raquo

Srsquoagissant du juge drsquoinstruction le rapport parle de laquo contradictions nombreuses mais

ignoreacutees raquo5 laquo drsquoeacuteleacutements agrave deacutecharge parfois eacutecarteacutes raquo6 Du cocircteacute des avocats de la deacutefense

Maicirctre DUPONT-MORETTI signale qursquo laquo il a existeacute des dysfonctionnements parmi les

1 Elle srsquoinspire du Statut du tribunal peacutenal international pour lrsquoex Yougoslavie (article 26) et du Statut de la Cour peacutenale internationale (article 84) qui visent respectivement laquo la deacutecouverte drsquoun fait nouveau lors du procegraves et qui aurait pu ecirctre un eacuteleacutement deacutecisif de la deacutecision raquo et laquo la deacutecouverte drsquoun fait nouveau qui nrsquoeacutetait pas connu au jour du procegraves et qui srsquoil avait eacuteteacute eacutetabli aurait vraisemblablement entraineacute un verdict diffeacuterent raquo 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-C MARIN p 125 3 Commission des Lois Audition de Maicirctre FLORAND 4 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 3125 op cit p 237 5 Ibid p 118 6 Ibid p 130

130

avocats raquo1 Le rapport conclut que laquo si les dysfonctionnements en amont de la chaicircne

judiciaire sont une reacutealiteacute ils nont pas eacuteteacute corrigeacutes par les instances de controcircle ulteacuterieur

[hellip]Ces deacutefaillances sexpliquent eacutegalement plus largement par labsence dune culture de

controcircle raquo2 Heureusement dans lrsquoaffaire dite drsquoOutreau les deacutefaillances des acteurs ont eacuteteacute

reacuteveacuteleacutees avant que la deacutecision ne devienne deacutefinitive Il nrsquoen reste pas moins vrai que les

dysfonctionnements de la justice peuvent exister et ecirctre deacutecouverts apregraves une condamnation

deacutefinitive

314 Degraves lors il nous semble injuste drsquoaccabler le condamneacute deacutefinitif victime drsquoune

eacuteventuelle deacutefaillance du magistrat instructeur ou de son avocat Il parait difficile drsquoeacutecarter

toute possibiliteacute de reacutevision au seul motif que les eacuteleacutements non deacutebattus eacutetaient connus mais

mal exploiteacutes agrave un moment de la proceacutedure Cette situation est encore plus deacuterangeante

lorsque ces eacuteleacutements inexploiteacutes font naicirctre apregraves leur reacuteveacutelation un doute sur la culpabiliteacute

du condamneacute Pourtant srsquoagissant de la CNCDH la commission ne devait pas proceacuteder agrave

laquo un nouvel examen des charges sur lesquelles la juridiction a fondeacute sa conviction de la

culpabiliteacute raquo3 Or la conviction en matiegravere criminelle est celle des jureacutes drsquoassises qui se

fondent uniquement sur les eacuteleacutements deacutebattus et la deacutecision de culpabiliteacute ne procegravede que du

deacutebat Or la reacuteveacutelation drsquoun eacuteleacutement figurant au dossier mais non deacutebattu peut influer sur le

verdict4 En effet les jureacutes auraient pu une fois cet eacuteleacutement connu prononcer un verdict

diffeacuterent voire un acquittement Crsquoest pourquoi drsquoaucuns souhaitent que lrsquoeacuteleacutement non

deacutebattu puisse agrave certaines conditions donner lieu agrave reacutevision Maicirctres NOACHOVITCH et

FLORAND ou encore Messieurs COTTE et BILGER indiquent que laquo si cet eacuteleacutement peut

eacuteviter une erreur judiciaire il parait difficile de lrsquoignorer raquo5

315 Lors de son audition devant la Commission des lois Monsieur BILGER

magistrat honoraire a citeacute lrsquoexemple de lrsquoaffaire DEPERROIS pour deacutemontrer lrsquointeacuterecirct de

lrsquoadmission de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu comme un eacuteleacutement nouveau6 Dans cette affaire dite de

laquo la Josacine empoisonneacutee raquo certains eacuteleacutements contenus dans les eacutecoutes teacuteleacutephoniques

nrsquoavaient pas eacuteteacute exploiteacutes laquo ni par le magistrat instructeur pas plus que par la deacutefense ni au

1 Ibid p 212 2 Ibid p 237 3 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur judiciaire op cit ndeg 14 4 Commission des lois Reacuteunion du 19 feacutevrier 2014 agrave 10 heures Intervention de Monsieur P MOLAC 5 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur B COTTE op cit p 199 6 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Monsieur Ph BILGER 3 octobre 2013 accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission

131

cours du procegraves drsquoassises raquo1 En particulier Monsieur Jean-Michel DUMAY a releveacute une

phrase adresseacutee au pegravere de la victime par lrsquoun de ses amis laquo Tu vas passer agrave la teacuteleacute toi avec

ton produit quta mis dans la Josacine raquo2 Cet eacuteleacutement passeacute sous silence lors des deacutebats

devant la cour drsquoassises a eacuteteacute agrave lrsquoorigine drsquoune demande en reacutevision Celle-ci a eacuteteacute rejeteacutee au

motif qursquoil ne srsquoagissait pas drsquoun eacuteleacutement inconnu mais simplement drsquoun eacuteleacutement non deacutebattu

Pourtant cet eacuteleacutement une fois deacutebattu aurait peut-ecirctre pu changer le cours du procegraves Pour

Maicirctre ROSANO laquo sa prise en compte aurait permis drsquoenvisager une autre issue au procegraves raquo3

316 La seacuteveacuteriteacute de la commission srsquoexpliquait par lrsquoignorance de la piste de la

reacuteveacutelation et par une interpreacutetation stricte du mot laquo inconnu raquo isoleacutee du contexte (connu du

dossier mais inconnu des jureacutes) Or une interpreacutetation dynamique du texte aurait permis de

mieux se conformer agrave lrsquoesprit de la loi laquo marqueacute par une tendance constante agrave ouvrir de plus

en plus libeacuteralement la reacutevision au deacutetriment du respect de la chose jugeacutee raquo4 A nos yeux le

leacutegislateur a fait reacutefeacuterence en 1989 agrave la reacuteveacutelation de lrsquoeacuteleacutement inconnu pour entrevoir une

ouverture vers lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

317 Enfin il apparaissait difficile drsquoapporter la preuve qursquoun eacuteleacutement ait eacuteteacute ou non

deacutebattu En effet devant les tribunaux correctionnels les deacutebats ne font lrsquoobjet drsquoaucun

enregistrement sonore ni audiovisuel Srsquoagissant des cours drsquoassises la motivation reste

lacunaire et eacutetait drsquoailleurs inexistante jusqursquoen 2012 Lors de son audition Maicirctre

FOUSSARD a eu lrsquooccasion de deacuteclarer que laquo lrsquoincapaciteacute de la commission [hellip] agrave acqueacuterir

la certitude qursquoun fait nrsquoeacutetait pas connu de la juridiction de fond conduit agrave preacutesumer qursquoil

lrsquoeacutetait et donc agrave rejeter un certain nombre de demandes faute drsquoinformation suffisante raquo En

drsquoautres termes les imperfections de la proceacutedure peacutenale srsquoaveacuteraient preacutejudiciables aux

inteacuterecircts du demandeur en reacutevision

318 La seacuteveacuteriteacute de la commission se manifestait eacutegalement par rapport agrave un haut degreacute

drsquoexigences relatives au fait nouveau et agrave lrsquoeacuteleacutement inconnu

b Les exigences relatives au fait nouveau et agrave lrsquoeacuteleacutement inconnu

318 La commission de reacutevision qui ne se limitait pas agrave acter la reacutealiteacute du fait portait

eacutegalement un regard veacutetilleux sur la pertinence du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu

1 Ibid Contribution de Madame V ROSANO op cit p 273 2 Documentation accessible sur wwwdeperroisfreefr 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Madame V ROSANO op cit p 273 4 H ANGEVIN La reacuteformehellip op cit ndeg 3

132

Primo elle avait tendance agrave restreindre le peacuterimegravetre du fait nouveau susceptible de revecirctir de

multiples facettes La qualiteacute de fait nouveau aurait pu ecirctre reconnue agrave lrsquoapparition de

nouvelles conclusions obtenues lors drsquoune reconstitution priveacutee ou drsquoune expertise priveacutee1

Pourtant ces moyens nrsquoavaient que peu de chances drsquoaboutir devant la commission de

reacutevision2

Secundo elle avait de fortes exigences concernant le critegravere de la pertinence du fait nouveau

ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu Prenons lrsquoexemple du rejet en 2005 de la requecircte formuleacutee par

Monsieur TURQUIN Le veacuteteacuterinaire niccedilois a eacuteteacute condamneacute pour le meurtre de son fils dont la

deacutepouille nrsquoa jamais eacuteteacute deacutecouverte La requecircte en reacutevision se fondait sur le teacutemoignage du

deacutetenu Pierre BUCHEIT qui avait livreacute les confidences drsquoun codeacutetenu qui srsquoeacutetait vanteacute davoir

fait emprisonner un laquo docteur pour animaux raquo agrave Nice Celui-ci expliquait que durant la nuit de

la disparition de lenfant il se trouvait en compagnie drsquoun complice agrave bord drsquoune voiture

voleacutee afin drsquoeffectuer une reconnaissance preacutealable agrave un cambriolage Selon ses dires son

veacutehicule qui circulait devant la villa des TURQUIN a percuteacute lrsquoenfant qui tueacute sur le coup se

trouvait sur la route en pyjama Lrsquoauteur de lrsquoaccident aurait placeacute le corps de lrsquoenfant dans

son veacutehicule afin de le transporter vers une cimenterie pregraves de Marseille ougrave il a eacuteteacute abandonneacute

Pierre BUCHEIT a par peur de repreacutesailles toujours refuseacute de livrer lrsquoidentiteacute de lrsquoauteur des

faits ce qui lui a valu drsquoecirctre condamneacute de maniegravere surprenante3 pour laquo absence de

teacutemoignage en faveur drsquoune personne que lrsquoon sait innocente des faits pour lesquels elle est

poursuivie ou condamneacute raquo4 Malgreacute la laquo vraisemblance raquo5 et la laquo creacutedibiliteacute raquo6 des reacuteveacutelations

rapporteacutees par Monsieur Pierre BUCHEIT la commission de reacutevision a rejeteacute la demande

sans ordonner aucune information compleacutementaire Madame le Professeur RASSAT srsquoeacutetait

trouveacutee surprise par cette solution qursquoelle laquo a un certain mal agrave comprendre raquo7 en concluant

que laquo laffaire Turquin apparaicirct comme un caillou dans la chaussure de la justice caillou qui

risque un jour (en un certain sens il faut le souhaiter pour J-L Turquin) de se transformer en

bombe et que cette justice gagnerait beaucoup agrave eacuteliminer raquo8

1 Comm reacutevision 16 deacutec 2002 Bull ndeg 2 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution M FLORAND op cit p 167 Sur lrsquoexpertise V H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 90-93 3 Pour une critique de la condamnation de P BUCHEIT V M-L RASSAT Lrsquoinfraction drsquoabsence de teacutemoignage en faveur drsquoun innocent une nouvelle peacuteripeacutetie de lrsquoaffaire TURQUIN JCP 2005 II p 10065 4 CA Nancy 4e ch corr 2 feacutevr 2005 Min publ c Bucheit Juris-Data ndeg 2005-269407 5 V sur ce point lrsquoanalyse de M-L RASSAT laquo Lrsquoinfraction drsquoabsencehellip raquo op cit 6 Ibid 7 Ibid 8 Ibid

133

319 A la seacuteveacuteriteacute inheacuterente agrave la reconnaissance du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement

inconnu srsquoajoutait la difficulteacute lieacutee au fait que la commission srsquoeacutetait empareacutee de lrsquoeacutetude de

lrsquoanalyse du doute sur la culpabiliteacute

2 Lrsquoappreacuteciation du doute par la commission

320 La requecircte susceptible drsquoecirctre prise en compte (donc qui nrsquoeacutetait pas manifestement

irrecevable) eacutetait examineacutee au fond par la commission Or la commission avait tendance agrave

srsquoemparer de la question du doute prenant ainsi quelques liberteacutes par rapport aux intentions

du leacutegislateur

321 En 1991 soit deux anneacutees apregraves la mise en œuvre de la loi de 1989 Monsieur

Henri ANGEVIN notait que laquo la commission de reacutevision se [montrait] dune extrecircme

prudence mdash et lon ne saurait que len approuver mdash quant agrave lappreacuteciation du laquo doute raquo que

[pouvait] faire naicirctre le fait ou eacuteleacutement dont la nouveauteacute [eacutetait] eacutetablie et quelle [estimait]

que cette appreacuteciation agrave moins que leacuteleacutement nouveau soit manifestement sans rapport avec la

culpabiliteacute ou linnocence du demandeur [relevait] de la compeacutetence de la Cour de

reacutevision raquo1 Il est reacuteel qursquoagrave cette eacutepoque la plupart des attendus de la commission de reacutevision

eacutetaient formuleacutes de maniegravere explicite Il eacutetait ainsi indiqueacute que laquo compte tenu de cet eacuteleacutement

inconnu de la juridiction au jour du procegraves la demande en reacutevision paraicirct pouvoir ecirctre

admise raquo2

322 Mais agrave lrsquoeacutepreuve du temps la position de la commission srsquoest rigidifieacutee A la

lecture de certaines de ses deacutecisions il semble que le doute intervenait au niveau des

motivations des deacutecisions de rejet comme de transmission3 Dans une deacutecision de 2007 la

commission srsquoeacutetait prononceacutee de la maniegravere suivante laquo Attendu quil reacutesulte de ce qui

preacutecegravede que certains des eacuteleacutements de fait invoqueacutes agrave lappui de la demande en reacutevision ne

sont pas nouveaux ayant eacuteteacute connus lors des deacutebats devant la cour dassises et que ceux qui

pourraient ecirctre tenus pour nouveaux ne sont pas de nature agrave faire naicirctre un doute sur la

culpabiliteacute du condamneacute raquo4 Cet attendu deacutevoile clairement que la commission srsquointeacuteressait agrave

la fois au caractegravere nouveau du fait et au doute que celui-ci faisait rejaillir sur la culpabiliteacute du

condamneacute

1 H ANGEVIN laquo Premiegraveres applicationshellip raquo op cit ndeg 11 22 Comm reacutevision 9 mai 1994 ndeg 93-84852 Comm reacutevision 3 juin 1996 no 00-96016 3 V par exemple Comm reacutevision 12 juin 2006 ndeg 05 REV 071 Comm reacutevision 29 sept 2008 ndeg 08 REV 031 4 Comm reacutevision 19 mars 2007 ndeg 05 REV 084

134

323 Monsieur Henri ANGEVIN a eacutecrit quelques anneacutees plus tard laquo la commission

qui [devait] deacuteterminer si la demande [paraissait] pouvoir ecirctre admise [appreacuteciait] la

possibiliteacute drsquoun doute sur la culpabiliteacute du requeacuterant1 raquo Quant agrave Madame DE VALICOURT

elle considegravere qursquo laquo agrave lrsquoanalyse de la jurisprudence on constate que le controcircle effectueacute par la

Commission ne se [limitait] pas agrave un controcircle minimum de leacutegaliteacute mais qursquoelle [effectuait]

un controcircle a maxima du doute2 raquo

324 Dans la pratique lrsquoambiguiumlteacute du texte de 1989 avait servi de catalyseur agrave

lrsquoappeacutetence de la commission Se pose donc la question de savoir sur quel doute reposaient les

exigences de la commission Etaient-elles semblables agrave celles de la Cour de reacutevision ou la

commission se satisfaisait-elle drsquoun doute alleacutegeacute Dans lrsquoaffirmative comment eacutetait-t-il

possible de mesurer lrsquointensiteacute du doute acceptable et de le distinguer des exigences de la

Cour de reacutevision En reacuteponse agrave toutes ces questions relatives au partage de lrsquoexamen du

doute entre la commission et la Cour de reacutevision il est difficile mecircme si pour Maicirctre

NOACHOVITCH laquo la commission de reacutevision ne renvoie devant la Cour de reacutevision que si

elle est convaincue du doute seacuterieux raquo3 drsquoapporter une solution purement juridique La

logique voudrait que la commission agissant comme instance de filtrage appreacutecie plus

souplement le doute que la Cour de reacutevision Toutefois il parait difficile de mesurer la

subjectiviteacute du doute Cette observation deacutejagrave faite au sujet de la Cour de reacutevision4 est donc

reformuleacutee agrave lrsquoadresse de la commission Crsquoest ainsi que le doublement de lrsquoexamen du doute

ne faisait qursquoaggraver les difficulteacutes relatives agrave son eacutevaluation

325 Lrsquoaffaire RANUCCI dont la derniegravere demande en reacutevision a eacuteteacute rejeteacutee en 1991

illustre bien le malaise qui pouvait en deacutecouler Dans lrsquoaffaire RANUCCI la commission de

reacutevision a rejeteacute le 29 novembre 1991 la requecircte en reacutevision en eacutecartant un agrave un les eacuteleacutements

nouveaux produits par la deacutefense Dans sa deacutecision inaccessible dans sa version inteacutegrale

elle srsquoest deacutetermineacutee notamment par rapport agrave une laquo deacutefaillance de meacutemoire onze ans apregraves

les faits raquo Madame le Professeur RASSAT dans son propos au sujet de la peine de mort

eacutevoque le doute qui pegravese sur lrsquoaffaire RANUCCI Pourtant celui-ci nrsquoa pas eacuteteacute pris en compte

par la commission lui reprochant sucircrement certaines faiblesses laquo Le problegraveme dune

exeacutecution sil se posait ne peut concerner que des individus dont on est certain quils ont bien

commis les faits quon leur reproche raison pour laquelle quel que soit le caractegravere farfelu de

1 H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 112 2 E DE VALICOURT op cit p 199 3 Ibid Contribution de S NOACHOVITCH op cit p 193 4 V supra ndeg 230 agrave 238

135

cette histoire de pull-over rouge il ne fallait pas exeacutecuter Christian RANUCCI raquo1 Dans son

plaidoyer pour labolition de la peine de mort devant lrsquoAssembleacutee Nationale le Garde des

Sceaux Monsieur BADINTER a aussi eacutevoqueacute lrsquoaffaire RANUCCI en mettant lrsquoaccent sur le

doute quant agrave la culpabiliteacute du condamneacute agrave mort laquo Christian RANUCCI je naurais garde

dinsister il y a trop dinterrogations qui se legravevent agrave son sujet et ces seules interrogations

suffisent pour toute conscience eacuteprise de justice agrave condamner la peine de mort 2raquo La

commission nous semble-t-il a fait preuve de seacuteveacuteriteacute et a peut-ecirctre pris certaines liberteacutes

avec lrsquoesprit de la loi en refusant de transmettre le dossier agrave la Cour de reacutevision

Surmeacutediatiseacutee lrsquoaffaire du pull-over rouge srsquoest compliqueacutee au fil du temps et a susciteacute de

nombreux deacutebats utiles ou moins utiles agrave la manifestation de la veacuteriteacute pour deacuteboucher

aujourdrsquohui sur un veacuteritable imbroglio judiciaire La commission aurait malgreacute tout ducirc

laisser prospeacuterer le recours jusqursquoagrave la Cour de reacutevision charge agrave cette derniegravere de le rejeter

326 Mecircme si lrsquoerreur judiciaire ne conduit plus agrave lrsquoeacutechafaud laquo lappreacuteciation du

doute sur la culpabiliteacute [aurait ducirc] ecirctre lapanage de la Cour de reacutevision juge de la valeur du

fait nouveau et aussi de sa deacutefinition Quant agrave la commission elle [aurait ducirc] avoir pour seule

tacircche de controcircler la recevabiliteacute de la demande ce qui implique lappreacuteciation du caractegravere

nouveau ou non du fait invoqueacute raquo3 Lrsquointeacuterecirct que portait la commission au doute lui permettait

drsquoeacutelargir son champ de compeacutetence en srsquoarrogeant un rocircle plus deacuteterminant que souhaiteacute dans

son pouvoir de filtrage Elle effectuait un choix au moment de sa deacutecision alors que

lrsquoobligation de transmission srsquoimposait en cas de fait nouveau ou drsquoeacuteleacutement inconnu jugeacute

fiable

327 Le doute qui constituait le critegravere de transmission des demandes agrave la Cour de

reacutevision avait pour conseacutequence de fragiliser la pertinence de lrsquoargumentation deacutecrivant la

commission comme une juridiction drsquoinstruction4 puisque les deacutecisions de la commission se

situaient agrave la lisiegravere de celles qui sont rendues par une juridiction de jugement En poussant ce

raisonnement agrave lrsquoextrecircme on aurait pu consideacuterer que les missions drsquoinstruction et de

jugement eacutetaient concentreacutees entre les mains drsquoun mecircme pouvoir Cette situation srsquooppose agrave la

1 M-L RASSAT laquo Mort de la peine de mort raquo (hellip) op cit 2 Assembleacutee Nationale Seacuteance du 17 septembre deacutebats accessibles sur httpwwwassemblee-nationalefrevenementsJO-debatsP1140PDF 3 W JEANDIDIER op cit p 1245 4 Sur le rocircle du juge drsquoinstruction V F-LCOSTE Lrsquoinstruction agrave la recherche des fondamentaux AJ Peacutenal 2010 p 422 Lrsquoauteur qualifie le juge drsquoinstruction de laquo juge des moyens sur lesquels laccusation et la deacutefense entendent se fonder raquo et preacutecise qursquo laquo instruire nest pas juger la cause raquo

136

regravegle de la seacuteparation des fonctions drsquoinstruction et jugement selon laquelle tout acte

dinstruction est incompatible avec la mission du jugement1

328 La liberteacute prise par la commission eacutetait de nature agrave compliquer les rapports

entretenus avec la Cour de reacutevision et agrave creacuteer une confusion des genres Il se deacutegageait

lrsquoimpression que les juridictions de reacutevision crsquoest-agrave-dire la commission et la Cour de reacutevision

fonctionnaient comme un double degreacute de juridiction Une fois destinataire drsquoune demande

de reacutevision transmise par la commission la Cour de reacutevision pouvait se transformer en

juridiction de controcircle

B La transformation de la Cour de reacutevision en juridiction de

controcircle

329 Lrsquoeacutelargissement des compeacutetences de la commission a eacuterigeacute la Cour de reacutevision en

une juridiction de controcircle Selon les affaires elle controcirclait soit le doute sur la culpabiliteacute (1)

soit lrsquoinnocence (2)

1 Le controcircle du doute sur la culpabiliteacute

330 La commission srsquoeacutetant deacutejagrave saisie du doute la question se posait en cas de

transmission de la requecircte de savoir ce que la Cour de reacutevision pouvait faire de plus En effet

laquo qursquoon le veuille ou non et mecircme si officiellement [crsquoeacutetait] la Cour de reacutevision qui [deacutecidait]

srsquoil y [avait] un doute ou non au sens de la loi il y [avait] un double controcircle du doute ce qui

[eacutetait] insupportable pour le justiciable raquo2

331 En pratique le doute eacutetait examineacute en premier lieu par la commission (eacutetape 1)

Dans lrsquohypothegravese drsquoun examen favorable le doute eacutetait examineacute en second lieu par la Cour

de reacutevision (eacutetape 2) En cas de confirmation du doute la Cour de reacutevision pouvait saisir une

juridiction de renvoi qui examinait une troisiegraveme fois le doute sur la culpabiliteacute du condamneacute

(eacutetape 3)

332 La forte intensiteacute du doute que semblait neacutecessiter le franchissement de la

premiegravere eacutetape constituait un premier obstacle dont le handicap pouvait encore srsquoalourdir

devant la Cour de reacutevision En cas de rejet drsquoune requecircte par la Cour de reacutevision qui

reacuteexaminait le doute apregraves la commission tout portait agrave croire que le degreacute drsquointensiteacute du

1 Cass crim 7 janv et 6 nov 1986 D 1987 253 note PRADEL 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de S NOACHOVITCH op cit p 193

137

doute exigeacute eacutetait supeacuterieur agrave celui de la commission Crsquoest ainsi que lrsquoexamen du doute se

transformait en une eacutepreuve de seacutelection rigoureuse tant au niveau de la commission que de la

Cour de reacutevision Ce double questionnement srsquoapparentait agrave un controcircle exerceacute par la Cour de

reacutevision agrave lrsquoimage drsquoun second degreacute de juridiction ce qui contribuait en plus agrave allonger les

deacutelais de la proceacutedure de reacutevision

333 Toutefois ce controcircle ne srsquoeffectuait que dans un seul sens et ne pouvait pas

jouer en faveur du condamneacute confronteacute au rejet de sa demande par la commission Dans cette

hypothegravese il eacutetait priveacute de ce second degreacute de juridiction En effet il eacutetait preacuteciseacute agrave lrsquoancien

article 623 du Code de proceacutedure peacutenale que la deacutecision de la commission laquo nrsquo[eacutetait]

susceptible drsquoaucun recours raquo Crsquoest ainsi que lorsque la commission eacutetait favorable agrave la

reacutevision le doute eacutetait reacuteexamineacute En revanche lrsquoavis deacutefavorable eacutetait sans appel Mecircme si

des demandes successives pouvaient ecirctre deacuteposeacutees la motivation des rejets ne pouvait donner

lieu agrave aucune forme de controcircle

334 La reacutepartition des attributions entre la commission et la Cour de reacutevision toutes

deux inteacuteresseacutees par le doute eacutetait de nature agrave troubler le jeu La seacuteveacuteriteacute des deacutecisions de la

commission pouvait srsquoassimiler agrave un accaparement de lrsquointeacutegraliteacute du contentieux celles-ci se

drapant laquo des atours drsquoune deacutecision terminale de reacutevision raquo1

Paul RICOEUR a ainsi deacutecrit lrsquoacte de juger laquo non seulement opiner estimer tenir pour vrai

mais en dernier ressort prendre position raquo2 La commission en srsquoeacutetant approprier lrsquoexamen du

doute sur la culpabiliteacute opinait En veacuterifiant si les conditions formelles eacutetaient reacuteunies elle

estimait En appreacuteciant le caractegravere nouveau du fait et sa reacutealiteacute elle tenait pour vrai Enfin

elle prenait position en se questionnant sur le doute En drsquoautres termes elle se deacuteterminait

par rapport agrave la culpabiliteacute ou agrave lrsquoinnocence du requeacuterant

Les ordonnances du juge drsquoinstruction aussi ameneacutees agrave prendre position peuvent ecirctre

attaqueacutees devant la chambre de lrsquoinstruction3 Logiquement consideacuterant que la Cour de

reacutevision srsquoeacutetait transformeacutee en organe de controcircle elle agirait donc comme une sorte de

1 W JEANDIDIER op cit p 1245 laquo Degraves que la commission prend parti sur lincidence du fait nouveau sur la culpabiliteacute elle sempare de linteacutegraliteacute du contentieux de la reacutevision avec le risque soit de court-circuiter la chambre criminelle soit de rendre une deacutecision ambigueuml de saisine de cette chambre raquo 2 Paul RICOEUR Le juste op cit p 185 3 J-L COSTE op cit p 422 laquo Le juge drsquoinstruction nrsquoest pas juge de la culpabiliteacute ou de lrsquoinnocence de la personne qursquoil met en examen raquo

138

chambre de lrsquoinstruction1 par rapport aux deacutecisions de la commission2 Cependant elle nrsquoavait

pas agrave connaicirctre des deacutecisions de rejet de la commission fondeacutees sur lrsquoinsuffisance du doute sur

la culpabiliteacute Dans cette hypothegravese il srsquoagissait drsquoun jugement de culpabiliteacute3 qui eacutechappait

au controcircle de la Cour de reacutevision

335 En dehors du controcircle du doute la Cour de reacutevision pouvait aussi se prononcer

sur lrsquoinnocence du condamneacute preacutealablement constateacutee par la commission Pourtant la

deacutecouverte de lrsquoinnocence lieacutee agrave un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu nrsquoavait pas eacuteteacute

envisageacutee par le texte de 1989 qui ne visait que le laquo fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu de la

juridiction au jour du procegraves de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du

condamneacute raquo

2 Le controcircle de lrsquoinnocence

336 Afin drsquoeacutelargir le peacuterimegravetre drsquoaction de la reacutevision le texte de 1989 srsquoest eacutecarteacute de

la notion de lrsquoinnocence pour privileacutegier le doute sur la culpabiliteacute La certitude de

lrsquoinnocence nrsquoeacutetait plus neacutecessaire au succegraves du recours le doute sur la culpabiliteacute pouvait

suffire Toutefois lrsquoabandon de lrsquoinnocence avait pour conseacutequence drsquoignorer des situations

qui sous lrsquoeffet des progregraves scientifiques4 se sont multiplieacutees et agrave lrsquooccasion desquelles le fait

nouveau deacutevoilait sans ambages lrsquoeacuteclatante innocence du condamneacute

337 Le silence de la loi relatif agrave la constatation de lrsquoinnocence eacutetait de nature agrave

embarrasser la commission confronteacutee agrave une telle situation Crsquoest ainsi que srsquoapercevant de

lrsquoinnocence elle ne pouvait pas la formaliser et devait saisir en lrsquoeacutetat la Cour de reacutevision

Celle-ci bien que convaincue de lrsquoinnocence du demandeur ne lrsquoexprimait pas formellement

et saisissait une juridiction de renvoi qui proclamait finalement lrsquoinnocence Dans ce cas

1 Madame le Professeur RASSAT deacutefinit la mission de la chambre de lrsquoinstruction comme suit laquo Le juge drsquoinstruction eacutetant doteacute de pouvoirs consideacuterables et la proceacutedure qursquoil megravene ayant sur la suite de lrsquoaffaire une influence souvent deacuteterminante il importait de confier agrave une autre autoriteacute si possible supeacuterieure dans la hieacuterarchie des juridictions un pouvoir de controcircle Crsquoest la chambre de lrsquoinstruction de la cour drsquoappel qui a eacuteteacute investie agrave lrsquoeacutegard de lrsquoinstruction preacuteparatoire meneacutee par le juge drsquoinstruction du devoir drsquoen controcircler la marche drsquoen redresser les erreurs drsquoen combler les lacunes et drsquoen assurer lrsquoaboutissement satisfaisant raquo M-L RASSAT Traiteacute de proceacutedure peacutenale op cit ndeg 423 2 Monsieur le Professeur PRADEL eacutevoque la comparaison entre la Cour de reacutevision et une chambre de lrsquoinstruction dans son audition du 31 octobre 2013 devant la commission des lois Accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission 3 Il convient de bien comprendre le terme de jugement et de lrsquoentendre dans le sens de la deacutefinition philosophique donneacutee par Monsieur Paul RICOEUR En effet la commission drsquoun point de vue juridique ne se deacutefinit pas comme une juridiction de jugement 4 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-L MOIGNARD op cit p 221 laquo Depuis quelques temps nous avons des affaires ou ce nrsquoest pas le constat drsquoun doute qui motive la deacutecision de la commission mais une eacutevidence rapporteacutee par les progregraves scientifiques Notamment en qui concerne lrsquoADN raquo

139

preacutecis face agrave lrsquoinnocence manifeste du demandeur deacutejagrave constateacutee par la commission quelle

eacutetait lrsquoutiliteacute du controcircle de la Cour de reacutevision et voire mecircme du renvoi La commission

aurait ducirc pouvoir ecirctre autoriseacutee agrave saisir directement la juridiction de renvoi ou mieux encore

comme le deacuteclare Madame ANZANI agrave annuler elle-mecircme la condamnation1

338 Le leacutegislateur en 1989 entendait faciliter lrsquoexercice du pourvoi en reacutevision en

confiant agrave la Cour de reacutevision une fonction de compleacutementariteacute plutocirct que celle de controcircle

Toutefois cette compleacutementariteacute srsquoaveacuterait difficile voire impossible au regard du principe de

la seacuteparation des fonctions drsquoinstruction et de jugement qui leur interdit toute interaction

Neacuteanmoins Madame ANZANI srsquoest expliqueacutee sur le sujet dans son audition devant la

commission des lois Elle a deacuteclareacute que dans le cas de la reacutevision lrsquoeacutetancheacuteiteacute entre les deux

juridictions nrsquoest pas neacutecessairement une garantie de bonne justice Par exemple srsquoagissant de

la derniegravere demande en reacutevision de lrsquoaffaire SEZNEC le dossier avait un volume total drsquoun

megravetre cube comprenait 29 liasses de plusieurs centaines de pages Au terme drsquoune instruction

soutenue le dossier a eacuteteacute transmis sans succegraves par la commission agrave la Cour de reacutevision

reacutecalcitrante Celle-ci isoleacutee de la commission de reacutevision srsquoest livreacutee agrave un nouvel examen de

lrsquoaffaire car laquo une lecture aussi attentive soit-elle du dossier drsquoinstruction ne saurait suppleacuteer agrave

son examen agrave une audience au cours de laquelle tous ses eacuteleacutements seraient deacutebattus raquo La

tacircche peut paraicirctre immense par rapport au volume de certains dossiers2 La question se pose

mecircme de lrsquoefficaciteacute de cette eacutetancheacuteiteacute qui nrsquoeacutetait pas de nature agrave faciliter le travail de la

Cour de reacutevision

1 Ibid Contribution de M ANZANI op cit p 263 2 Nous avons fait un parallegravele entre le controcircle de la Cour de reacutevision et celui exerceacute par les chambres de lrsquoinstruction La mecircme difficulteacute relative au volume des dossiers se retrouve devant les chambres de lrsquoinstruction Monsieur VIOUT a exposeacute cette difficulteacute sans deacutetour lors de son audition devant la commission parlementaire faisant suite agrave lrsquoaffaire dite drsquoOutreau laquo la chambre de linstruction est dans lincapaciteacute absolue dappliquer les dispositions du code de proceacutedure peacutenale Totalement submergeacutees par les proceacutedures les chambres de linstruction ne peuvent rendre leurs arrecircts dans le bref laps de temps preacutevu par la loi Les trois malheureux magistrats qui composent la chambre de linstruction de la cour dappel de Lyon ont rendu lan dernier 1 741 deacutecisions Comment serait-il possible dans un dossier aussi volumineux que celui dOutreau quapregraves quune premiegravere option a eacuteteacute prise et agrave chacun des passages devant la chambre de linstruction le magistrat se replonge dans le dossier Les chambres de linstruction sont donc obligeacutees de sen tenir agrave une approche sommaire Or elles sont tregraves importantes parce quelles devraient assurer la liaison le dialogue permanent avec le magistrat instructeur raquo Dans le mecircme sens devant la commission denquecircte Monsieur Pierre MARTEL a exprimeacute les doutes que pouvait ressentir un deacutetenu devant la chambre de linstruction sur lutiliteacute de sa demande de liberteacute laquo On vient vous chercher et on vous preacutesente devant le preacutesident de la cour dappel qui vous demande ce que vous avez agrave dire La premiegravere fois vous criez votre innocence vous ecirctes plein despoir Vous vous dites que si le juge dinstruction na pas vu certaines choses les magistrats qui exercent en appel vont les voir ils sont lagrave pour ccedila Ils sont lagrave pour deacuteterminer si vous preacutesentez toutes les garanties neacutecessaires pour une eacuteventuelle mise en liberteacute mais ils ne sont pas lagrave pour aller au fond du dossier Par conseacutequent je ne pense pas quils servent agrave grand-chose raquo

140

339 En deacutefinitive les propos de Monsieur Guy CANIVET relatifs agrave lrsquoinstruction

preacuteparatoire pourraient ecirctre appliqueacutes agrave la reacutevision laquo la deacutecision nest finalement imputable agrave

personne [hellip] La deacutecision est partageacutee entre de multiples intervenants chacun sen remettant

finalement agrave lrsquoautre En deacutefinitive cest de la bureaucratie judiciaire1raquo Cette ambiguiumlteacute des

relations entre la commission et la Cour de reacutevision nrsquoeacutetait pas voulue par le leacutegislateur

Maicirctre NOACHOVITCH a mecircme deacuteclareacute que laquo la loi de 1989 a eacuteteacute deacutevieacutee raquo2 Cette

mutation des rapports entre la commission et la Cour de reacutevision ne fut pas sans

conseacutequences

sect 2 Les conseacutequences de la transformation des relations entre la

commission et la Cour de reacutevision

340 Drsquoune part le partage de lrsquoexamen du doute entre la commission et la Cour de

reacutevision provoquait un certain trouble intellectuel en cas de divergence drsquoappreacuteciation entre la

commission et la Cour de reacutevision car ces divergences eacutetaient difficilement justifiables En

effet cette situation qui aurait pu ecirctre parfaitement justifieacutee dans lrsquohypothegravese ougrave le rocircle de la

commission se serait limiteacute au seul examen de la recevabiliteacute des requecirctes devenait deacutelicate

puisque la commission srsquoeacuterigeait en premier juge du doute (A) Drsquoautre part la juridiction de

reacutevision ne disposait pas des moyens suffisants lui permettant drsquoappreacutecier le doute sur la

culpabiliteacute Ainsi lrsquoexamen du doute par les juridictions de reacutevision srsquoaveacuterait ecirctre en reacutealiteacute

une eacutepreuve des plus difficiles (B)

A La justification difficile des divergences drsquoappreacuteciation

341 Srsquoagissant de la Cour de reacutevision lrsquoancien article 623 du Code de proceacutedure

peacutenale disposait laquo Elle rejette la demande si elle lestime mal fondeacutee Si au contraire elle

lestime fondeacutee elle annule la condamnation prononceacutee Elle appreacutecie sil est possible de

proceacuteder agrave de nouveaux deacutebats contradictoires Dans laffirmative elle renvoie les accuseacutes ou

preacutevenus devant une juridiction de mecircme ordre et de mecircme degreacute mais autre que celle dont

eacutemane la deacutecision annuleacutee raquo

1 Audition du 11 avril 2006 de Monsieur Guy CANIVET par la commission drsquoenquecircte chargeacutee de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans lrsquoaffaire dite drsquoOutreau et de formuler des propositions pour eacuteviter leur renouvellement 2 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Madame S NOACHOVITCH 10 octobre 2013 accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission

141

342 Crsquoest donc la Cour de reacutevision qui deacutecidait drsquoannuler la condamnation Crsquoest

pourquoi elle est qualifieacutee dans le rapport drsquoinformation de juridiction de jugement Elle

jugeait le doute Toutefois apregraves avoir expliqueacute que le doute faisait lrsquoobjet drsquoun premier

examen ou laquo jugement raquo devant la commission1 il est difficile drsquoaffirmer que la phase

deacutecisionnelle incombait exclusivement agrave la Cour de reacutevision A nos yeux il srsquoagissait plutocirct

drsquoun partage des pouvoirs deacutecisionnels entre les deux organes

343 Cette situation nourrissait un laquo malentendu fondamental dans lrsquoesprit des

requeacuterants et de leurs conseils2 raquo par rapport au rocircle veacuteritable de la commission de reacutevision

Lorsque la Cour de reacutevision saisie par la commission deacutecidait de mettre un terme agrave la

proceacutedure (rejet) sa deacutecision pouvait ecirctre perccedilue laquo comme si les magistrats de la Cour de

cassation [deacutecidaient] pour les uns qursquoil y [avait] lieu agrave reacutevision et pour les autres qursquoil ne

saurait en ecirctre question raquo3 Lrsquoattitude de la Cour de reacutevision risquait de provoquer un malaise

comme ce fut le cas agrave lrsquooccasion de lrsquoaffaire LEPRINCE ougrave la commission favorable au

recours avait mecircme suspendu lrsquoexeacutecution de la condamnation La deacutecision de la Cour de

reacutevision srsquoest donc traduite par le retour en prison de Monsieur Dany LEPRINCE

344 Le leacutegislateur est en quelque sorte lrsquoartisan du flou qui enveloppait la proceacutedure

de reacutevision En effet la formule laquo les demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises raquo

pouvait ecirctre interpreacuteteacutee agrave tort signifiant que la demande eacutetait examineacutee successivement par

deux organes distincts mais selon des critegraveres identiques Or cette interpreacutetation nrsquoeacutetait pas

conforme aux souhaits du leacutegislateur

345 De plus le fait drsquoexaminer le doute aboutissait neacutecessairement agrave srsquointerroger sur

la culpabiliteacute ou lrsquoinnocence du demandeur Degraves lors faut-t-il se poser la question de savoir si

les juridictions de reacutevision disposaient vraiment de tous les moyens pour se prononcer sur la

culpabiliteacute ou lrsquoinnocence Il nous semble que lrsquoappreacuteciation du doute eacutetait une laquo mission

impossible raquo4

1 V supra ndeg 320 agrave 327 2 Rapport drsquoinformation op cit p 68 3 Ibid Contribution de Monsieur J-O VIOUT op cit p 241 4 Expression emprunteacutee agrave Madame ANZANI

142

B Lrsquoexamen du doute par les juridictions de reacutevision

laquo Matamore [] savanccedila vers

Leacuteandre quil toisa des pieds agrave la tecircte le plus

insolemment quil put mais ceacutetait bravade pure

car on entendait claquer ses dents et lon voyait

flageoler et trembler ses minces jambes comme

des roseaux au vent de bise raquo1

346 Devant les juridictions de reacutevision la proceacutedure eacutetait peu encadreacutee et en grande

partie eacutecrite par reacutefeacuterence aux regravegles applicables devant la Cour de cassation juge du droit

(1) Toutefois les magistrats des juridictions de reacutevision en se saisissant de la question du

doute sur la culpabiliteacute eacutetaient susceptibles de se transformer en des juges du fait Crsquoest ainsi

que la proceacutedure eacutecrite se trouvait en inadeacutequation avec la mission de ces magistrats qui en

charge de juger le doute se trouvaient quelque peu deacutemunis face agrave une laquo boite agrave outils raquo

inadapteacutee (2)

1 Une proceacutedure peu encadreacutee et largement eacutecrite

347 Les magistrats de la commission et de la Cour de reacutevision eacutetaient issus des rangs

de la Cour de cassation Le deacuteroulement de la proceacutedure de reacutevision nrsquoeacutetait pas preacuteciseacutement

regraveglementeacute par le Code de proceacutedure peacutenale Toutefois il eacutetait preacutevu agrave lrsquoarticle 625-1 du

Code de proceacutedure peacutenale que le demandeur2 pouvait devant les juridictions de reacutevision ecirctre

laquo repreacutesenteacute ou assisteacute par un avocat au Conseil dEtat et agrave la Cour de cassation ou par un

avocat reacuteguliegraverement inscrit agrave un barreau raquo A deacutefaut de preacutecisions le requeacuterant ne pouvait

pas beacuteneacuteficier de la deacutesignation drsquooffice drsquoun avocat charge eacutetait pour lui de le trouver Crsquoest

pourquoi bien que lrsquoaide juridictionnelle fut possible en matiegravere de reacutevision3 il pouvait

arriver qursquoun requeacuterant agisse sans lrsquoassistance drsquoun avocat Face agrave la complexiteacute de la

reacutevision une telle deacutemarche avait pour effet drsquoaccentuer les difficulteacutes inheacuterentes agrave la

constitution drsquoun dossier de reacutevision 1 T GAUTIER Le Capitaine Fracasse 1863 Folio Classique nouvelle eacutedition de 2002 p 118 2 La partie civile elle ne pouvait ecirctre assisteacutee que par un avocat au Conseil drsquoeacutetat ou agrave la Cour de cassation V ANGEVIN op cit ndeg 179 V Cass crim 20 nov 2002 ndeg 01-85386 3 Loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative agrave lrsquoaide juridique

143

348 Srsquoagissant de la commission de reacutevision aucun deacutecret en Conseil drsquoEtat nrsquoa eu agrave

connaicirctre de la question comme ce fut le cas pour drsquoautres commissions relevant de la Cour

de cassation Lrsquoancien article 623 alineacutea 6 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoapportait que cette

seule preacutecision1 apregraves avoir laquo (hellip) recueilli les observations eacutecrites ou orales du requeacuterant

ou de son avocat et celles du ministegravere public2 cette commission saisit la chambre criminelle

(hellip) raquo Etaient passeacutes sous silence les droits du demandeur pendant lrsquoinstruction de sa

demande Face agrave cette situation la commission srsquoeacutetait inspireacutee des regravegles relatives agrave

lrsquoinstruction des recours en cassation en matiegravere criminelle3 et des regravegles preacutevues en matiegravere

de deacutetention provisoire4 pour creacuteer de maniegravere preacutetorienne sa propre proceacutedure Le

requeacuterant srsquoest donc vu confeacuterer certains droits comme la transmission drsquoune copie du dossier

agrave son avocat5 De mecircme bien que non preacutevu par le texte la commission acceptait drsquoentendre

les experts et teacutemoins Toutefois les deacutebats eacutetaient laconiques6 lrsquoessentiel de lrsquoargumentation

eacutetant deacuteveloppeacute par eacutecrit dans les meacutemoires Inspireacutee de la Cour de cassation la proceacutedure

eacutetait en grande partie eacutecrite

349 Srsquoagissant de la Cour de reacutevision lrsquoancien article 625 du Code de proceacutedure

peacutenale eacutenonccedilait les grandes lignes de la proceacutedure agrave suivre laquo sont recueillies les observations

orales ou eacutecrites du requeacuterant ou de son avocat celles du ministegravere public ainsi que si elle

intervient agrave lrsquoinstance apregraves en avoir eacuteteacute ducircment aviseacutee celles de la partie civile constitueacutee

au procegraves dont la reacutevision est demandeacutee ou de son avocat raquo Devant la Cour de reacutevision un

droit avait eacuteteacute reconnu agrave la partie civile dont lrsquoabsence est remarqueacutee agrave lrsquoancien article 623 du

Code de proceacutedure peacutenale7 Pour ce qui est du caractegravere contradictoire de la proceacutedure la

pratique en usage permettait de ceacuteder au requeacuterant ou agrave son conseil la parole en dernier

apregraves les reacutequisitions du parquet Toutefois laquo les teacutemoins les experts les services de police

1 Lexposeacute des motifs de la proposition de loi de 1989 preacutecisait laquo dans certains cas des observations eacutecrites sont suffisantes et il est alors opportun deacuteviter dimposer au requeacuterant ou agrave son avocat un deacuteplacement injustifieacute Le demandeur deacutesireux de preacutesenter des observations orales personnellement ou par son conseil devra en aviser la commission en temps utile raquo 2 Le caractegravere eacutecrit ne srsquoimposait pas concernant les reacutequisitions du ministegravere public qui pouvaient ecirctre orales V en ce sens Cass crim 20 nov 2002 ndeg 01-85386 3 V Articles 601 et s CPP 4 V Articles R 26 et s CPP 5 La transmission devait intervenir dans un deacutelai suffisant pour lui permettre de laquo preacuteparer son intervention raquo H ANGEVIN op cit ndeg 149 6 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Madame ANZANI opcit 7 La commission acceptait que les parties civiles indirectement informeacutees de la proceacutedure soient aviseacutees de la date de lrsquoaudience et puissent y assister eacuteventuellement accompagneacutees de leur avocat pour preacutesenter toutes observations utiles V H ANGEVIN laquo Les demandes en reacutevisionhellip raquo op cit ndeg 151 Madame RADENNE remarque cependant laquo qursquoen pratique peu de parties civiles font cette deacutemarche susceptible drsquointervenir essentiellement dans les affaires meacutediatiques puisque dans les autres elles ignorent tout de la demande (hellip) raquo Pour un exemple V Comm reacutevision 16 deacutec 2002 ndeg 01 REV 154

144

nrsquointerviennent pas au cours de [lrsquo] audience alors mecircme que leurs deacuteclarations peuvent ecirctre

drsquoune importance capitale pour resituer le fait nouveau (hellip) 1raquo Le rapport drsquoinformation sur

la reacutevision des condamnations peacutenales indique que la proceacutedure devant la Cour de reacutevision

eacutetait eacutegalement calqueacutee sur celle de la Cour de cassation dont le rocircle nrsquoest pas de rejuger les

affaires Sa mission consiste agrave veacuterifier si les regravegles de droit ont eacuteteacute correctement appliqueacutees

par rapport aux faits constateacutes il ne srsquoagit pas drsquoun troisiegraveme degreacute de juridiction Crsquoest un

juge du droit2

350 Les juridictions de reacutevision enfermeacutees dans une proceacutedure en grande partie

eacutecrite disposaient-elle des moyens suffisants pour rendre leurs deacutecisions et en particulier

prendre position sur le doute Il est permis drsquoeacutemettre des reacuteserves car agrave compter du moment

ougrave elles se positionnaient sur le doute elles devenaient des juges du fait en se prononccedilant en

reacutealiteacute sur la culpabiliteacute ou lrsquoinnocence du requeacuterant

2 Une laquo boicircte agrave outils raquo inadapteacutee

351 Lorsque les juridictions de reacutevision appreacuteciaient le doute notion subjective elles

eacutetaient immanquablement conduites agrave se prononcer sur la culpabiliteacute ou lrsquoinnocence de

requeacuterant Elles ne jugeaient pas la bonne application des regravegles de droit mais plutocirct des faits

Dans lrsquohypothegravese ougrave le doute nrsquoeacutetait pas pris en compte la deacuteclaration de culpabiliteacute eacutetait

confirmeacutee En effet le rejet du doute consistait pour la commission agrave ne pas saisir la Cour de

reacutevision Pour la Cour de reacutevision un avis deacutefavorable sur la question deacutebouchait sur un refus

drsquoannuler la condamnation A contrario une fois le doute reconnu la commission saisissait la

Cour de reacutevision qui pouvait confirmer lrsquoexistence de celui-ci en annulant la condamnation et

reconnaicirctre de fait lrsquoinnocence du requeacuterant qui eacutetait en principe rejugeacute par une juridiction

de renvoi Dans certains cas la Cour de reacutevision deacuteclarait drsquoailleurs deacutefinitivement

lrsquoinnocence du demandeur sans renvoi de lrsquoaffaire vers un juge du fond Crsquoeacutetait donc elle qui

prononccedilait un acquittement ou une relaxe Concernant le doute soumis agrave lrsquoappreacuteciation de la

1 Rapport drsquoinformation op cit p 41 2 V article L 411-2 COJ J BORE et L BORE Reacutep Peacuten Cassation (pourvoi en) op cit ndeg 225 laquo Lincompeacutetence de la Cour de cassation pour connaicirctre du fond des affaires conduit dabord agrave deacuteclarer irrecevables les moyens de pur fait qui tendent ouvertement agrave rediscuter les eacuteleacutements de fait sur lesquels les juges du fond se sont prononceacutes souverainement et qui noffrent agrave juger aucune question de droit raquo Ibid ndeg 241 laquoLirrecevabiliteacute du moyen nouveau est une regravegle speacutecifique du deacutebat en cassation dont lorigine est tregraves ancienne et qui deacutecoule directement de linterdiction faite agrave la Cour de cassation de connaicirctre du fond des affaires raquo Pour un exemple V cass crim 7 mai 2003 no 03-80975

145

juridiction de reacutevision Madame ANZANI a fait la remarque suivante laquo on demande agrave la

juridiction de reacutevision de dire coupable ou non coupable raquo1

352 En appreacuteciant le doute sur la culpabiliteacute la Cour de cassation sieacutegeant comme

juridiction de reacutevision srsquoapparentait agrave une cour drsquoassises ou agrave un tribunal correctionnel en

suivant toutefois les regravegles de la Cour de cassation Il incombait aux magistrats de la Cour de

cassation en srsquoappuyant sur une proceacutedure essentiellement eacutecrite de deacutecider de la culpabiliteacute

ou de lrsquoinnocence du demandeur en leur intime conviction2 laquo en leur acircme et conscience raquo3

Au sujet de lrsquoaffaire SEZNEC Monsieur CANIVET a deacuteclareacute que laquo le rocircle de la Cour de

reacutevision est de rapprocher autant que possible le sentiment commun de justice de la veacuteriteacute

judiciaire raquo4 Ce rocircle peut aussi ecirctre attribueacute agrave la commission qui se prononccedilait eacutegalement sur

le doute Or cette tacircche srsquoaveacuterait particuliegraverement difficile en raison de la preacutedominance de

lrsquoeacutecrit par rapport agrave lrsquooraliteacute des deacutebats qui devant une cour drsquoassises ou un tribunal

correctionnel facilite lrsquoeacutemergence de la veacuteriteacute5 Deacutejagrave souligneacute par PLATON le lien qui unit

lrsquooraliteacute agrave la veacuteriteacute est souvent eacutevoqueacute par la doctrine6 Ce corsetage eacutetait un frein agrave lrsquoenvol

du dossier qui souffrait de la proceacutedure eacutecrite En effet le procegraves en reacutevision a pour finaliteacute de

corriger une erreur de fait et la manifestation de la veacuteriteacute suppose un eacutechange entre les parties

et la reconnaissance par le leacutegislateur drsquoun deacutebat contradictoire entre les diffeacuterents acteurs

Preacutevu par le leacutegislateur lrsquoexamen du doute meneacute par la Cour de reacutevision eacutetait drsquoautant plus

deacutelicat que les regravegles de proceacutedure peacutenale mises en œuvre devant les juridictions de jugement

(audition des parties teacutemoins experts enquecircteurs discussion contradictoire des preuves

oraliteacute des deacutebats hellip) nrsquoexistaient pas en la matiegravere

353 En deacutefinitive la commission ne disposait pas de tous les moyens pour examiner

le doute et la Cour de reacutevision semblait quelque peu deacutesarmeacutee quant agrave elle pour effectuer le

controcircle du doute Toutefois les deacutecisions de la Cour de reacutevision eacutetaient motiveacutees Crsquoest ainsi

que malgreacute toutes ces difficulteacutes laquo les magistrats doivent srsquoexpliquer clairement sur ce qui les

a conduits agrave prendre telle ou telle deacutecision Les arrecircts rendus par la Cour de reacutevision sont

1 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Mme M ANZANI opcit 2 V T FOSSIER et LEVEQUE Le laquo presque vrai raquo et le laquo pas tout agrave fait faux raquo probabiliteacutes et deacutecisions juridictionnelles JCP 2012 ndeg 14 doctr p 427 J-D BREDIN Le doute et lrsquointime conviction Droits 1996 ndeg 23 p 21 et s 3 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Mme M ANZANI opcit 4 Le monde 22 avril 2005 5 R MERLE et A VITU op cit ndeg 611 6 J-L COSTE op cit p 422 laquo Cest donc lors du deacutebat contradictoire au moment ougrave prend forme lintime conviction des juges quil est permis de parler de preuve raquo

146

longuement motiveacutes Ils ne sont pas toujours compris mais avant drsquoecirctre critiqueacutes ils doivent

ecirctre lus attentivement objectivement et dans leur inteacutegraliteacute Jrsquoinsiste sur le fait que les juges

accomplissent cette tacircche au stade de la commission puis de la Cour de reacutevision avec

conscience et beaucoup plus drsquoouverture drsquoesprit qursquoon ne le dit ils savent douter car le

doute est au cœur mecircme de leur pratique professionnelle et ils ne craignent pas de se remettre

mutuellement en cause raquo1 Il ne convient pas ici de remettre en cause la capaciteacute des juges de

la Cour de cassation agrave douter Il srsquoagit de leur travail quotidien lorsqursquoils cassent et annulent agrave

la faveur drsquoun pourvoi en cassation des deacutecisions rendues par des cours drsquoappel ou lorsqursquoils

interviennent plus rarement dans le cadre de la proceacutedure de reacuteexamen2 Toutefois dans ces

cas leurs deacutecisions interviennent agrave propos drsquoun doute sur la bonne application des regravegles de

droit sans pour autant tenir compte des faits

354 Il en deacutecoule une conseacutequence paradoxale Drsquoun cocircteacute il eacutetait exigeacute de la part de

la juridiction de reacutevision une motivation tregraves deacutetailleacutee des deacutecisions3 alors qursquoelle ne disposait

pas de tous les atouts de la proceacutedure ordinaire pour se prononcer et se forger son intime

conviction De lrsquoautre cocircteacute est accordeacute agrave la cour drsquoassises temple du deacutebat contradictoire une

plus grande latitude quant agrave la motivation du verdict Finalement seule la juridiction de

renvoi disposait des moyens pour juger en son intime conviction agrave lrsquoissue drsquoun veacuteritable

deacutebat En deacutefinitive dans la loi de 1989 la reacutevision srsquoarticulait autour drsquoune laquo boicircte agrave

outils raquo inadapteacutee dont les eacuteleacutements srsquoaffairaient agrave lrsquointeacuterieur drsquoune structure quelque peu

deacutepasseacutee

1 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur B COTTE op cit p 199 2 V article 626-1 CPP 3 Pour un exemple V Cass crim 15 mai 2013 ndeg 12-84818

147

Conclusion du chapitre 1

355 Ce chapitre a eacuteteacute consacreacute agrave lrsquoeacutetude de la charpente proceacutedurale de la reacutevision qui

dans la loi de 1989 reposait sur deux piliers la commission de reacutevision et la Cour de

reacutevision Le but eacutetait de deacuteterminer si la ligne de deacutemarcation entre lrsquoorgane filtrant et la

juridiction de jugement eacutetait clairement deacutelimiteacutee et de savoir si les juridictions de reacutevision

disposaient des outils approprieacutes agrave lrsquoexercice de leur mission En effet si la loi de 1989 avait

eacuteteacute efficace il faudrait srsquoen inspirer dans la reacuteforme de 2014 En revanche si la structure de la

reacutevision issue de la loi de 1989 nrsquoeacutetait pas satisfaisante il parait impeacuterieux de ne pas

reproduire les eacuteventuels lacunes ou dysfonctionnements du droit anteacuterieur

356 Le manque de preacutecision du leacutegislateur par rapport agrave la question du partage des

compeacutetences entre la commission de reacutevision et la Cour de reacutevision eacutetait de nature agrave fragiliser

les fondamentaux de la reacutevision Ce flou a eacuteteacute agrave lrsquoorigine drsquoun deacutevoiement de la structure de

la reacutevision qui au fil du temps srsquoest eacuteloigneacutee de la volonteacute originelle du leacutegislateur En effet

dans son rocircle de filtre des requecirctes laquo qui paraissent ne pas pouvoir ecirctre admises raquo la

commission faisait montre de plus de seacuteveacuteriteacute que le leacutegislateur ne lrsquoavait voulu Cette attitude

a engendreacute un eacutelargissement du champ de compeacutetences de la commission dont les limites

deacutebordaient sur celles de la Cour de reacutevision Cette situation a eu pour conseacutequence drsquoeacuteriger

la Cour de reacutevision en juridiction de controcircle par rapport agrave la commission

357 Ce chevauchement de compeacutetences a deacuteboucheacute sur une confusion des rocircles entre

la commission et la Cour de reacutevision qui se partageaient lrsquoexamen du doute Cette situation

facirccheuse entretenait un climat drsquoincompreacutehension surtout lorsque les points de vue des deux

juridictions srsquoopposaient De surcroicirct srsquoagissant de la commission et de la Cour de reacutevision

ces deux juridictions disposaient dans le cadre de lrsquoexamen du doute drsquooutils pour le moins

inadapteacutes

358 Crsquoest donc plutocirct avec seacuteveacuteriteacute que nous avons jugeacute la structure de la reacutevision

telle qursquoelle eacutetait preacutevue dans la loi de 1989 Nous nous inteacuteressons agrave preacutesent aux difficulteacutes

drsquoordre conjoncturel

148

CHAPITRE 2 LES DIFFICULTES

CONJONCTURELLES

359 Srsquoagissant des eacutecueils drsquoordre conjoncturel contenus dans la loi de 1989 deux

points meacuteritent drsquoecirctre eacuteclaircis Premiegraverement nous nous inteacuteresserons aux obstacles

proceacuteduraux qui barraient la route au requeacuterant (section 1) Deuxiegravemement sera abordeacutee la

question de la composition de la juridiction de reacutevision (Section 2)

Section 1 Les obstacles proceacuteduraux agrave la reacutevision

360 La route de la reacutevision dans la loi de 1989 eacutetait jalonneacutee de deux difficulteacutes

drsquoordre conjoncturel La premiegravere eacutetait relative agrave lrsquoeacutetablissement difficile du fait nouveau ou

de lrsquoeacuteleacutement inconnu (sect 1) La seconde concernait la deacutecision de la commission de suspendre

ou non lrsquoexeacutecution de la condamnation (sect 2)

sect 1 Lrsquoeacutetablissement difficile du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement

inconnu

361 Le renversement de la charge de la preuve (A) impliquait pour le requeacuterant la

lourde tacircche de devoir produire seul devant la commission la preuve du fait nouveau ou de

lrsquoeacuteleacutement inconnu de nature agrave faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute (B)

A Le renversement de la charge de la preuve

362 En matiegravere peacutenale la preacutesomption drsquoinnocence est une regravegle probatoire

fondamentale agrave valeur constitutionnelle qui fait peser sur lrsquoaccusation la charge de la preuve

de la culpabiliteacute de la personne mise en cause Aussi en reacutesulte-t-il de nombreux avantages

pour son beacuteneacuteficiaire (1) Toutefois en matiegravere de reacutevision le demandeur devait prouver son

innocence (2)

149

1 Les avantages de la preacutesomption drsquoinnocence

363 La preacutesomption drsquoinnocence recouvre deux choses 1 crsquoest une regravegle probatoire et

un droit de la personnaliteacute2 proteacutegeacute en tant que tel en dehors de toute instance peacutenale3 Elle

est freacutequemment preacutesenteacutee comme eacutetant le principe originel des regravegles de proceacutedure peacutenale

voire comme le creuset dans lequel elles ont grandi4 Dans le preacutesent deacuteveloppement seule la

preacutesomption drsquoinnocence en tant que regravegle probatoire nous inteacuteressera

364 Elle conduit agrave faire peser sur lrsquoaccusation la deacutemonstration de la culpabiliteacute de la

personne mise en cause Plus simplement il srsquoagit pour lrsquoauteur de lrsquoalleacutegation de prouver ce

qursquoil avance En reacutealiteacute lrsquoobjectif principal du procegraves peacutenal consiste agrave extraire de soupccedilons et

indices qui ont eacuteteacute agrave lrsquoorigine des poursuites des certitudes qui devraient finalement suffire agrave

justifier une condamnation ou une deacutecision de relaxe ou drsquoacquittement5 La regravegle a pour

conseacutequence que si lrsquoaccusation nrsquoarrive pas agrave prouver lrsquoexistence drsquoune infraction imputable

agrave la personne poursuivie celle-ci se verra acquitteacutee ou relaxeacutee6 La preacutesomption drsquoinnocence

peut ecirctre consideacutereacutee comme un correctif au caractegravere fondamentalement deacuteseacutequilibreacute du

procegraves peacutenal7 La justice est couramment symboliseacutee par la repreacutesentation statufieacutee drsquoune

femme dont les yeux sont masqueacutes Elle tient un glaive dans lrsquoune de ses mains symbole de la

force et dans lrsquoautre une balance dont les deux plateaux chacun placeacute agrave une hauteur eacutegale

donnent la vision drsquoune symeacutetrie et drsquoun eacutequilibre parfait Or le procegraves peacutenal est caracteacuteriseacute

1 E DERIEUX laquo La loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption dinnocence et les droits de la victime et droit de la communication raquo JCP G 2000 act p 1463 C AMBROISE CASTEROT op cit ndeg 1 et s 2 Lrsquoarticle preacuteliminaire du CPP dispose laquo les atteintes agrave sa preacutesomption drsquoinnocence sont preacutevenues reacutepareacutees et reacuteprimeacutees dans les conditions preacutevues par la loi raquo En parlant de laquo sa raquo preacutesomption drsquoinnocence le leacutegislateur a voulu mettre ici lrsquoaccent sur la reconnaissance drsquoun droit de la personnaliteacute La reacuteparation des atteintes faites agrave ce droit est garantie par lrsquoarticle 9-1 du code civil et par la loi de 1881 sur la liberteacute de la presse V par exemple C BIGOT Les modifications reacutecentes du droit de la presse gaz pal 1993 I p 1067 F DESPORTES et L LAZERGES-COUSQUER op cit p 134 P AUVRET Le droit au respect de la preacutesomption drsquoinnocence JCP G 1994 I 3802 C BIGOT Lrsquoapplication de lrsquoarticle 9-1 du code civil en cas de condamnation non deacutefinitive Dalloz 2000 p 409 B BOULOC op cit p 106 P CONTE Droit peacutenal speacutecial op cit p 236 H BUREAU laquo La preacutesomption dinnocence devant le juge civil Cinq ans dapplication de larticle 9-1 du code civil raquo JCP 1998 I p166 3 Sur le caractegravere inapproprieacute de lrsquoexpression laquo preacutesomption drsquoinnocence raquo pour deacutesigner un droit subjectif extra patrimonial V C AMBROISE CASTEROT op cit ndeg 3 et ndeg 64 et s 4 V F DESPORTES et L LAZERGES op cit p 121 ndeg 231 B BOULOC op cit p 103 ndeg 122 5 P CONTE Pour en finir avec une preacutesentation caricaturale de la preacutesomption dinnocence Gaz Pal 1995 1 Doctr 22 6 H HENRION La nature juridique de la preacutesomption drsquoinnocence ndash comparaison franco-allemande eacuted Universiteacute Montpellier 1 Coll Thegraveses 2006 p 392 ndeg 246 7 La combinaison des deux regravegles traditionnelles actori incumbit probatio et reus in excipiendo fit actor ne permet pas agrave elle seule de contrebalancer la supeacuterioriteacute de lrsquoaccusation V C AMBROISE-CASTEROT op cit ndeg 18 et s R MERLE et A VITU Traiteacute de droit criminel op cit no 143 E CALVEZ Linculpation et la preacutesomption dinnocence Gaz Pal 1987 2 Doctr 681 F-J PANSIER Le juge et linnocence Gaz Pal 1995 2 1003

150

par la preacuteeacuteminence de lrsquoaccusation en particulier lrsquoavantage du ministegravere public sur la

deacutefense La personne poursuivie est en situation drsquoinfeacuterioriteacute voire de soumission par rapport

agrave lrsquoenvironnement judiciaire1 Le caractegravere inquisitorial de la proceacutedure confie

lrsquoadministration des preuves celles de la culpabiliteacute ou de lrsquoinnocence agrave lrsquoorgane judiciaire et

peut placer le justiciable dans une situation inconfortable La contribution personnelle de la

personne poursuivie agrave lrsquoadministration de la preuve est souvent reacuteduite Ainsi la preacutesomption

drsquoinnocence qui implique pour le ministegravere public la charge laquo drsquoeacutetablir tous les eacuteleacutements

constitutifs de lrsquoinfraction2 raquo constitue un levier pour reacutetablir lrsquoeacutequilibre entre les pouvoirs des

acteurs du procegraves

365 Degraves lors il est indispensable de savoir si la preacutesomption drsquoinnocence srsquoapplique au

demandeur en reacutevision La reacuteponse agrave cette question est deacuteterminante srsquoagissant de la charge de

la preuve qui pegravesera sur les eacutepaules du demandeur Le beacuteneacutefice drsquoune eacuteventuelle preacutesomption

drsquoinnocence pourrait dispenser le demandeur drsquoapporter la preuve du fait ou eacuteleacutement nouveau

de nature agrave faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute Dans le cas contraire la charge de la

preuve lui incombera

2 Le demandeur en reacutevision priveacute du beacuteneacutefice de la preacutesomption drsquoinnocence

366 Les ouvrages de proceacutedure peacutenale parlent de laquo suspect raquo pour deacutesigner la

personne qui beacuteneacuteficie de la preacutesomption drsquoinnocence Le demandeur en reacutevision peut-il ecirctre

consideacutereacute comme un suspect

367 La notion de suspect apparaissait jusqursquoagrave la loi du 27 mai 20143 quelque peu

neacutegligeacutee dans le paysage juridique En effet ni la loi interne4 ni la jurisprudence5 ne

srsquointeacuteressaient vraiment agrave la deacutefinition du protagoniste du procegraves Il srsquoen deacuteduisait qursquoagrave partir 1 Ce deacuteseacutequilibre entre accusation et deacutefense se retrouve eacutegalement au niveau de la conception mecircme du CPP Le code adopte une approche chronologique de la proceacutedure peacutenale Les dispositions leacutegislatives ou regraveglementaires se calquent sur le deacuteroulement du procegraves peacutenal Le plan du code de proceacutedure peacutenale deacutebute en abordant lrsquoexercice de lrsquoaction publique se poursuit avec les enquecirctes continue avec la phase de jugement agrave laquelle succegravedent les voies de recours et srsquoachegraveve avec lrsquoexeacutecution de la peine eacuteventuellement prononceacutee Les manuels et les traiteacutes consacreacutes agrave la discipline adoptent geacuteneacuteralement la mecircme construction La vision peacutenaliste du procegraves est domineacutee par une logique presque filmique qui retrace scegravene apregraves scegravene le processus reacutepressif Configureacute de cette maniegravere le cheminement peacutenal srsquoimpose agrave la personne poursuivie 2 Cass crim 24 mars 1949 bull crim ndeg 144 3 Loi ndeg 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 201213UE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit agrave linformation dans le cadre des proceacutedures peacutenales 4 Lrsquoarticle preacuteliminaire du Code de proceacutedure peacutenale dispose sans donner de deacutefinition du suspect que laquo toute personne suspecteacutee ou poursuivie est preacutesumeacutee innocente tant que sa culpabiliteacute na pas eacuteteacute eacutetablie raquo 5 Pour des illustrations V cass crim 20 deacutecembre 1995 ndeg 95-81 250 cass crim 27 janvier 1987 ndeg 86-93278 cass crim 14 septembre 2004 ndeg 04-83793

151

du moment ougrave une infraction pouvait ecirctre imputeacutee agrave un individu il se transformait en suspect

eacutetat juridique intermeacutediaire entre lrsquoinnocent et le coupable1 Soucieuse du renforcement des

droits du mis en cause la loi du 27 mai 2014 a enfin reconnu le statut juridique du suspect2

368 Il nrsquoen demeure pas moins que le point de reacutesiliation de la preacutesomption

drsquoinnocence se situe au moment du prononceacute drsquoune condamnation deacutefinitive laquo La

preacutesomption drsquoinnocence signifie que toute personne poursuivie est consideacutereacutee comme

innocente des faits qui lui sont reprocheacutes aussi longtemps qursquoelle nrsquoa pas eacuteteacute deacuteclareacutee

coupable par une deacutecision deacutefinitive raquo3 Seule une deacutecision de justice peut clarifier la situation

du suspect (coupable ou innocent) en renversant la preacutesomption drsquoinnocence dont il beacuteneacuteficie

La situation du condamneacute qui conteste sa condamnation au moyen drsquoun pourvoi en reacutevision

est donc parfaitement lisible par rapport agrave la preacutesomption drsquoinnocence Srsquoagissant drsquoun

individu deacutefinitivement condamneacute il ne peut plus pas se preacutevaloir de cette protection

juridique Le demandeur en reacutevision laquo dont la culpabiliteacute a eacuteteacute leacutegalement eacutetablie au sens de

larticle 6 sect 2 de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme ne peut plus se preacutevaloir

de la preacutesomption dinnocence4raquo En drsquoautres termes laquo si laccuseacute est preacutesumeacute innocent le

condamneacute est lui preacutesumeacute coupable5 raquo

369 La difficile preuve du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu de nature agrave faire

naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute sera donc agrave sa charge Cette obligation appeleacutee

lrsquoarticulation eacutetait pour le requeacuterant une veacuteritable eacutepreuve difficilement surmontable

B La preuve du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu

370 Apregraves avoir expliqueacute en quoi consiste lrsquoeacutetape dite de lrsquoarticulation (1) nous nous

attegravelerons aux difficulteacutes pratiques engendreacutees pour le requeacuterant par la reacutealisation de cette

eacutetape (2)

1 B REPIK laquo Reacuteflexions sur la jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme concernant la preacutesomption drsquoinnocence raquo in Liber amirocum Marc-Andreacute ESSEN Bruylant LGDJ 1995 p 331 et s 2 M TOUILLIER Le statut du suspect agrave lrsquoegravere de lrsquoeuropeacuteanisation de la proceacutedure peacutenale entre laquo petites raquo et laquo grandes raquo reacutevolutions RSC 2015 p 127 3 S TZITZIS laquo Philosophie peacutenale et philosophie du droit peacutenal Essai de clarification raquo Essais de Philosophie Peacutenale et de Criminologie La Preacutesomption drsquoInnocence Paris Eska 2004 p187-204 4 Cass crim 20 nov 2002 Bull crim ndeg 209 V eacutegalement CEDH 10 feacutevrier 1995 Allenet de Ribemont c France ndeg 1517589 CEDH Minelli c Suisse 25 mars 1983 ndeg 1499102 5 Cass ch reacuteunies 3 juin 1899 op cit

152

1 Lrsquoeacutetape de lrsquoarticulation

371 Le deacutepocirct drsquoune requecircte en reacutevision nrsquoeacutetait subordonneacute agrave aucune condition de

forme preacutevue par le leacutegislateur Il eacutetait neacuteanmoins indispensable que la requecircte fournisse

toutes les indications utiles quant agrave la date la nature et la juridiction concerneacutee par la deacutecision

de condamnation contesteacutee1 Ensuite devait ecirctre indiqueacutes le cas drsquoouverture viseacute2

lrsquoeacutenumeacuteration de toutes les piegraveces justificatives utiles et enfin laquo lrsquoarticulation preacutecise des

faits alleacutegueacutes au soutien du recours raquo3 Ce point concernant lrsquoarticulation qui srsquoadresse

entiegraverement au condamneacute constituait pour lui un veacuteritable challenge Priveacute de la

preacutesomption drsquoinnocence le condamneacute eacutetait dans lrsquoobligation drsquoapporter la preuve de lrsquoerreur

judiciaire en faisant dans lrsquoabsolu la deacutemonstration de la deacutefaillance de trois juridictions

diffeacuterentes (premiegravere instance cour drsquoappel Cour de cassation)

372 Partant de lrsquoideacutee que lors de sa mission de filtrage la commission srsquointerrogeait

sur le doute la culpabiliteacute du requeacuterant eacutetait confirmeacutee en cas de rejet motiveacute par une

articulation insuffisante Il en reacutesulte que le requeacuterant devait prouver son innocence devant la

commission et laquo combattre par le fait nouveau les fondements mecircmes de sa

condamnation raquo4 Crsquoest pourquoi lrsquoarticulation srsquoapparentait en pratique agrave une veacuteritable

eacutepreuve

2 Les difficulteacutes pratiques rencontreacutees par le requeacuterant

373 Aucune disposition leacutegislative ne reacutegissant les preacuterogatives dont disposait le

demandeur pendant lrsquoinstruction de sa demande il devait apporter seul et en amont de la

saisie de la commission la preuve drsquoun doute sur sa culpabiliteacute au moyen du fait nouveau ou

de lrsquoeacuteleacutement inconnu Il srsquoagissait drsquoune tacircche difficile surtout qursquoil ne disposait pas

contrairement agrave la commission et agrave la Cour de reacutevision de moyens eacutetatiques dinvestigation Il

ne pouvait donc pas afin de prouver le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu solliciter aupregraves de

la commission le deacuteclenchement drsquoactes drsquoinvestigations tels son audition celle drsquoun teacutemoin

lrsquoorganisation drsquoune reconstitution la reacutealisation drsquoune expertise hellip

1 H ANGEVIN op cit ndeg 116 2 Sur la substitution drsquoun cas drsquoouverture par la commission agrave celui invoqueacute par le requeacuterant V Cass crim 12 mai 1933 Bull crim 1933 ndeg 107 H ANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 163 3 Ibid ndeg 116 4 Rapport drsquoinformation op cit p 34

153

374 En pratique tregraves souvent incarceacutereacute le requeacuterant devait pour eacutetablir lrsquoexistence

drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu de nature agrave faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute

disposer de ressources financiegraveres et humaines suffisantes pour mener agrave bien son projet de

reacutevision (avocat enquecircteur priveacutehellip) Afin de prouver le fait nouveau lrsquoavocat ou le requeacuterant

se tournaient principalement vers deux techniques drsquoenquecircte tregraves souvent deacutecrieacutees par le juge

agrave savoir les expertises priveacutees (a) et les enquecirctes priveacutees (b)

a Les expertises priveacutees

375 Depuis laffaire Marie BESNARD agrave la fin des anneacutees 1950 et le procegraves des

meacutedecins de Poitiers en 19881 ougrave les avis dexperts priveacutes mandateacutes par la deacutefense avaient

permis drsquoobtenir lrsquoacquittement des demandeurs les expertises priveacutees ont connu un certain

essor

376 En matiegravere de reacutevision les expertises priveacutees peuvent preacutesenter un inteacuterecirct Il

srsquoagit de lrsquohypothegravese ougrave le demandeur tente de contester les conclusions de certaines

expertises judiciaires qui sont agrave lrsquoorigine de sa condamnation deacutefinitive ou encore de pallier

certaines carences en provoquant une expertise Le requeacuterant peut donc avoir inteacuterecirct agrave

apporter un eacuteclairage nouveau sur son dossier (fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu) au moyen

drsquoune expertise ou drsquoune contre-expertise priveacutee Les copies des rapports drsquoexpertises

judiciaires2 sont communiqueacutees par le requeacuterant ou son deacutefenseur agrave un technicien speacutecialiseacute

aux fins de veacuterifications3

377 Or la commission de reacutevision a toujours teacutemoigneacute drsquoune certaine meacutefiance agrave

lrsquoeacutegard des expertises priveacutees En effet lrsquoimpartialiteacute de ces experts priveacutes reacutemuneacutereacutes par le

demandeur4 precircte agrave critiques par rapport agrave lrsquohonorabiliteacute de lrsquoexpert judiciaire5 A ce sujet

Monsieur MANGIN remarque laquo un certain climat de deacutefiance par rapport agrave lintervention de

1 V J FAVREAU-COLOMBIER Marie-Besnard le procegraves du siegravecle Privat 1999 et L DUROY Laffaire de Poitiers Barrault citeacutes par F SAINT PIERRE 2 Article 114 alineacutea 6 CPP laquo Seules les copies des rapports dexpertise peuvent ecirctre communiqueacutees par les parties ou leurs avocats agrave des tiers pour les besoins de la deacutefense raquo 3 Sur les difficulteacutes de seacutelection du contre-expert V P MANGIN Expertise meacutedico priveacutee en marge de lrsquoenquecircte peacutenale AJ Peacutenal 2009 p 436 4 P MANGIN op cit p 436 laquo Il nexiste pas dans ce cas de tarifs preacuteeacutetablis par voie reacuteglementaire Les honoraires sont donc laisseacutes agrave lappreacuteciation de lexpert priveacute Pour cette raison il est dusage de demander agrave lexpert priveacute une estimation du montant de ses honoraires compte tenu du nombre dheures preacutevisibles pour reacutealiser le travail demandeacute auxquels sajoutent eacutevidemment les frais annexes usuels de deacuteplacement de secreacutetariat etc On conccediloit que le tarif horaire sera fonction de la notorieacuteteacute et du statut professionnel de lexpert priveacute solliciteacute raquo 5 F SAINT-PIERRE Investigations priveacutees en deacutefense questions de meacutethode et difficulteacutes de pratique AJ peacutenal 2009 p 433

154

lexpert priveacute raquo alors qursquo laquo au Royaume-Uni en Irlande et dans les pays du Commonwealth

lexpertise priveacutee est de pratique courante voire parfois systeacutematique1 raquo Crsquoest ainsi que les

conclusions drsquoune expertise priveacutee mecircme pertinentes ne constituent pas ipso facto un fait

nouveau ou un eacuteleacutement inconnu Plus preacuteciseacutement laquo une expertise officieuse reacutealiseacutee agrave la

demande du condamneacute ne saurait entrer dans les preacutevisions de larticle 622 4deg du Code de

proceacutedure peacutenale que si elle ne constitue pas seulement une appreacuteciation diffeacuterente voire

critique dun rapport expertal mais si elle apporte un eacuteleacutement nouveau que les experts

judiciaires navaient pu ou su deacutecouvrir et qui neacutetait pas apparu au procegraves raquo2

378 Il parait difficile de faire la distinction entre laquo une appreacuteciation diffeacuterente voire

critique raquo drsquoun rapport drsquoexpertise judiciaire et lrsquoapport de la preuve drsquoun eacuteleacutement nouveau

Tous ces eacuteleacutements assez subjectifs et souvent tregraves techniques3 eacutetaient laisseacutes agrave lrsquoappreacuteciation

des magistrats de la commission juges de la recevabiliteacute

b Les enquecirctes priveacutees

379 La difficulteacute du pourvoi en reacutevision consiste dans lrsquoapport de la preuve de la

deacutecouverte drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu Cette situation nrsquoest pas sans rappeler

certaines seacuteries teacuteleacuteviseacutees ameacutericaines ougrave lrsquoavocat megravene sa propre enquecircte pour prouver

lrsquoinnocence de son client Or en France le deacutefenseur laquo ne saurait sans enfreindre une regravegle

deacuteontologique et proceacutedurale fondamentale conduire de lui-mecircme une enquecircte

approfondie raquo4 Crsquoest pourquoi le demandeur ou son avocat peuvent srsquoadresser aux fins

drsquoenquecircte agrave un agent de recherche priveacute5 dont lrsquoactiviteacute laquo consiste agrave collecter par des

enquecirctes pour le compte de personnes physiques ou morales des informations en vue de la

deacutefense des inteacuterecircts dune clientegravele qui recherche geacuteneacuteralement des eacuteleacutements de preuve ou de

preacutesomption conduisant agrave la manifestation de la veacuteriteacute raquo6

380 Toutefois la pratique des enquecirctes priveacutees se heurte agrave lrsquoeacutetat de notre droit7 Deux

hypothegraveses concregravetes illustrent bien cette situation Premiegraverement imaginons que le requeacuterant

veuille confier agrave lrsquoagent de recherche priveacute la surveillance drsquoun teacutemoin susceptible drsquoecirctre 1 P MANGIN laquo Expertise meacutedico priveacutee en marge de lrsquoenquecircte peacutenale raquo AJ Peacutenal 2009 p 436 2 Comm reacutevision 16 deacutec 2002 Bull crim 2002 Comm reacutevision ndeg 2 3 H MARGANNE Lrsquoexpert judiciaire et le droit JCP G 2007 I p 103 4 Ibid 5 Larticle 20 de la loi 83-629 du 12 juillet 1983 relative aux agences de recherches priveacutees deacutefinit lrsquoARP comme laquo la profession libeacuterale qui consiste pour une personne agrave recueillir mecircme sans faire eacutetat de sa qualiteacute ni reacuteveacuteler lobjet de sa mission des informations ou renseignements destineacutes agrave des tiers en vue de la deacutefense de leurs inteacuterecircts raquo 6 M-F HOLLINGER laquo Qui sont les ARP raquo AJ Peacutenal 2009 p 440 7 Ibid

155

reconnu comme le veacuteritable auteur des faits de lrsquoinfraction La Cour de cassation a jugeacute le

caractegravere illicite de telles filatures qursquoelles considegraverent de nature agrave violer le droit agrave la vie

priveacutee proteacutegeacute par lrsquoarticle 9 du code civil1 Deuxiegravemement imaginons qursquoun deacutefenseur ait

eacuteteacute informeacute par un agent de recherche priveacute de lrsquoexistence drsquoun teacutemoin susceptible

drsquoinnocenter son client Dans cette situation lrsquoavocat ne pourra pas se charger de

lrsquointerrogatoire du teacutemoin car laquo entendre soi-mecircme un teacutemoin est rapidement associeacute agrave une

tentative de subornation et fait perdre toute validiteacute au teacutemoignage raquo2

381 Crsquoest pourquoi agrave moins que le fait nouveau laquo tombe du ciel 3raquo le condamneacute se

trouvait rarement en situation de pouvoir le faire eacutemerger Dans lrsquoaffaire Marc MACHIN

jugeacutee en 2001 le recours en reacutevision nrsquoa eu lieu qursquoen 2008 le condamneacute ne disposant

jusqursquoalors drsquoaucun eacuteleacutement nouveau Le fait nouveau eacutetait dans ce cas laquo tombeacute du ciel raquo

puisque David SAGNO a reconnu spontaneacutement ecirctre lrsquoauteur du crime La lourde charge de

la preuve explique que la commission eacutetait destinataire de nombreuses requecirctes en reacutevision

qui mal articuleacutees eacutetaient deacuteclareacutees irrecevables Le problegraveme de lrsquoapport de la preuve

pouvait ecirctre agrave lrsquoorigine drsquoune certaine ineacutegaliteacute entre les requeacuterants Ceux qui disposaient de

ressources financiegraveres suffisantes et ceux dont lrsquoaffaire beacuteneacuteficiait drsquoun fort eacutecho meacutediatique

eacutetaient certainement avantageacutes Il parait essentiel drsquooffrir au condamneacute les garanties

proceacutedurales lui permettant de prouver le doute sur sa culpabiliteacute Le salut du condamneacute

passait par le Garde des sceaux susceptible drsquointroduire lui-mecircme la requecircte ce qui

dispensait le requeacuterant de la difficile tacircche de lrsquoarticulation Toutefois ce type drsquoinitiatives

demeurait trop peu nombreux

382 En second lieu drsquoun point de vue conjoncturel le requeacuterant avait agrave subir le choix

de la juridiction de reacutevision de suspendre ou de ne pas suspendre lrsquoexeacutecution de sa

condamnation

sect 2 Le caractegravere discreacutetionnaire de la suspension de lrsquoexeacutecution de

la condamnation

383 Laisseacutee degraves le deacutepart de la proceacutedure au libre arbitrage de la commission (A)

cette preacuterogative deacutebouchait sur une deacutecision incontestable qui srsquoimposait agrave tous (B) 1 Civ 2e 3 juin 2004 Bull civ II ndeg 273 et Civ 1re 6 mars 1996 Bull civ I ndeg 124 laquo Est illicite toute immixtion arbitraire dans la vie priveacutee dautrui raquo 2 F SAINT-PIERRE Investigations priveacutees en deacutefense questions de meacutethode et difficulteacutes de pratique op cit p 433 3 Expression emprunteacutee agrave Monsieur B COTTE

156

A Une preacuterogative de la commission

384 Lrsquoancien article 624 du Code de proceacutedure peacutenale disposait que laquo la commission

saisie dune demande de reacutevision peut agrave tout moment ordonner la suspension de lexeacutecution

de la condamnation Il en est de mecircme pour la Cour de reacutevision lorsquelle est saisie raquo

Srsquoagissant de la Cour de reacutevision juridiction de jugement son pouvoir de suspension de

lrsquoexeacutecution de la condamnation eacutetait une conseacutequence de son droit drsquoannuler la condamnation

prononceacutee En revanche la commission agissant comme une juridiction dite drsquoinstruction ne

pouvait pas annuler une condamnation Aussi son pouvoir de suspension de lrsquoexeacutecution de la

condamnation pouvait-il paraitre surprenant

385 En usant dans lrsquoancien article 624 du verbe laquo pouvoir raquo le leacutegislateur a voulu

indiquer le caractegravere facultatif de la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation La loi de

1989 avait modifieacute le droit anteacuterieur selon lequel laquo lorsque lrsquoarrecirct ou le jugement nrsquoavait pas

encore eacuteteacute mis agrave exeacutecution la condamnation eacutetait suspendue de plein droit agrave compter de la

demande formeacutee par le Ministre de la justice agrave la Cour de cassation raquo Le fait drsquoaccorder

automatiquement un effet suspensif agrave toute requecircte en reacutevision formeacutee par un condamneacute qui

nrsquoavait pas encore commenceacute agrave exeacutecuter sa peine revenait agrave mettre agrave sa disposition un proceacutedeacute

dilatoire lui permettant de prendre la fuite ou de faire disparaitre des preuveshellip Cest pourquoi

que la condamnation soit ou non mise agrave exeacutecution sa suspension eacutetait dans les deux cas

facultative et non automatique La suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation pouvait ecirctre

deacutecideacutee sans condition aucune ou bien ecirctre depuis la loi du 10 mars 20101 conditionneacutee agrave

laquo lobligation de respecter tout ou partie des conditions dune libeacuteration conditionnelle

preacutevues par les articles 731 et 731-1 y compris le cas eacutecheacuteant celles reacutesultant dun

placement sous surveillance eacutelectronique mobile raquo Il pouvait srsquoagir comme dans lrsquoaffaire

LEPRINCE de fixer la reacutesidence du requeacuterant chez une personne deacutesigneacutee de lui enjoindre

de reacutepondre aux convocations judiciaires et de lui interdire de paraicirctre dans certains lieux ou

drsquoentrer en relation avec certaines personnes2

386 Le bien-fondeacute de la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation deacutecideacutee par la

commission se pose diffeacuteremment selon les sources qui ont motiveacute cette deacutecision fondeacutee soit

sur la constatation de lrsquoinnocence soit sur la deacutecouverte drsquoun doute sur la culpabiliteacute La

reconnaissance au beacuteneacutefice de la commission du pouvoir de suspension de lrsquoexeacutecution de la 1 Loi ndeg 2010-242 du 10 mars 2010 tendant agrave amoindrir le risque de reacutecidive criminelle et portant diverses dispositions de proceacutedure peacutenale 2 Commrevision 1er juillet 2010 ndeg 05-REV145

157

condamnation eacutetait preacutecieuse et neacutecessaire lorsqursquoelle constatait lrsquoinnocence aveacutereacutee du

requeacuterant (1) En revanche lorsque la transmission de la requecircte agrave la Cour de reacutevision se

fondait sur un seul doute sur la culpabiliteacute la question de la suspension de lrsquoexeacutecution de la

peine eacutetait plus contestable (2)

1 La neacutecessaire suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation en cas

drsquoinnocence

387 Srsquoagissant de la constatation de lrsquoinnocence par la commission situation non

preacutevue par le leacutegislateur celle-ci se produisait de plus en plus freacutequemment sous lrsquoeffet des

progregraves de la science1 Au travers drsquoexemples concrets nous expliquerons qursquoen cas

drsquoinnocence la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation par la commission revecirctait un

reacuteel inteacuterecirct

388 Si dans la majoriteacute des cas la demande de suspension de lrsquoexeacutecution de la

condamnation concernait une peine privative de liberteacute une telle demande pouvait ecirctre

formuleacutee au regard drsquoautres types de condamnations notamment en matiegravere correctionnelle

(ex condamnation agrave la deacutemolition drsquoun ouvrage2)

Inteacuteressons-nous agrave une requecircte en reacutevision qui jugeacutee en 2005 concernait le deacutelit de deacutetention

drsquoun chien de premiegravere cateacutegorie non steacuteriliseacute auquel srsquoajoutaient des contraventions connexes

agrave la regraveglementation sur les chiens dits dangereux3 Lrsquoauteur de lrsquoinfraction avait eacuteteacute

condamneacute agrave une peine drsquoemprisonnement avec sursis agrave une amende et agrave lrsquoeuthanasie du

chien Le demandeur en reacutevision avait soumis son chien agrave un examen veacuteteacuterinaire dont les

conclusions indiquaient que laquo lanimal eacutetait morphologiquement proche dun labrador et non

comme indiqueacute drsquoun rottweiler croiseacute staff et qursquoil ne relevait donc daucune des deux

cateacutegories de chiens dangereux deacutefinies par l article L 211-1 du Code rural et par l arrecircteacute

ministeacuteriel du 27 avril 1999 raquo4 Ce reacutesultat ayant eacuteteacute confirmeacute par une expertise deacutecideacutee par

la commission de reacutevision le chien a eu la vie sauve gracircce agrave la suspension de la condamnation

(lrsquoeuthanasie du chien) La condamnation fut ensuite annuleacutee par la Cour de reacutevision

389 De mecircme la suspension de la condamnation par la commission srsquoaveacuterait utile

dans lrsquohypothegravese de la reconnaissance de lrsquoinnocence drsquoun demandeur condamneacute agrave une peine

1 G DEHARO laquo Lrsquoarticulation du savoir et du pouvoir dans le preacutetoire raquo Gaz Pal 2005 ndeg 265 p 3 speacutec4 2 V article L 480-5 du code de lrsquourbanisme 3 V article L 211-11 du code rural et de la pecircche maritime 4 Cass crim 8 feacutevrier 2005 ndeg 04-85708

158

privative de liberteacute Le maintien en deacutetention drsquoun individu dont lrsquoinnocence jaillissait devant

la commission eacutetait injustifieacute Lrsquointeacuterecirct de la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation

par la commission paraissait donc eacutevident dans le cas drsquoune deacutecouverte de lrsquoinnocence du

requeacuterant

390 Toutefois la commission srsquoeacutetait empareacutee de lrsquoexamen du doute sur la culpabiliteacute

sans qursquoil soit possible drsquoeacutevaluer avec preacutecision le degreacute drsquointensiteacute de doute qursquoelle exigeait1

Les affaires dont les requecirctes eacutetaient transmises agrave la Cour de reacutevision par rapport agrave un doute

sur la culpabiliteacute pouvaient eacutegalement donner lieu agrave une suspension de lrsquoexeacutecution de la

condamnation Deacutecideacutee par la commission cette prise de deacutecision paraissait quant agrave elle plus

discutable

2 La suspension contesteacutee de lrsquoexeacutecution de la condamnation en cas de doute

sur la culpabiliteacute

391 Lorsque la commission suspendait lrsquoexeacutecution de la condamnation en dehors du

cas de lrsquoinnocence cette deacutecision eacutetait motiveacutee par un doute sur la culpabiliteacute du demandeur

Aussi un risque de divergence drsquoappreacuteciation du doute entre la commission et la Cour de

reacutevision eacutetait-il possible En effet si face agrave lrsquoeacutevidence de lrsquoinnocence les deux organes de

reacutevision pouvaient aiseacutement se retrouver il nrsquoen eacutetait pas forceacutement ainsi en preacutesence drsquoun

doute sur la culpabiliteacute A partir du moment ougrave la commission suspendait lrsquoexeacutecution drsquoune

peine privative de liberteacute il fallait proceacuteder agrave la reacuteincarceacuteration du demandeur lorsqursquoil

existait quant au doute une divergence entre les deux organes Lrsquoaffaire LEPRINCE2 a

donneacute lieu agrave cette situation qualifieacutee de laquo scandale raquo3 par Monsieur COTTE

392 Ce pouvoir de suspension semblait justifieacute par le parallegravele entre la commission et

une juridiction drsquoinstruction En effet le juge drsquoinstruction peut valider une demande de mise

en liberteacute et lever le placement en deacutetention provisoire4 Ce point de vue accreacutediterait donc le

pouvoir de suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation de la commission La

reacuteincarceacuteration peut avoir lieu dans le cadre du deacuteroulement drsquoune proceacutedure judiciaire

1 V supra ndeg 320 agrave 327 2 M BOMBLED laquo Rejet drsquoune requecircte en reacutevision controverseacutee raquo obs sous cass crim ndeg 10-85247 Dalloz actualiteacutes 13 avril 2011 3 Propos rapporteacutes par Monsieur FENECH lors de lrsquoaudition de Madame ANZANI op cit 4 Sur ce point V article 148 CPP Dans la deacutecision ndeg 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 le Conseil constitutionnel rappelle que laquo quel que soit le reacutegime de deacutetention qui est applicable au mis en examen celui-ci peut agrave tout moment preacutesenter une demande de mise en liberteacute dans les conditions preacutevues par lrsquoarticle 148 du CPP raquo

159

ordinaire placement en deacutetention provisoire ndash remise en liberteacute accordeacutee par le juge

drsquoinstruction ndash condamnation par la cour drsquoassises et reacuteincarceacuteration La reacuteincarceacuteration du

demandeur deacutebouteacute par la Cour de reacutevision srsquoinscrirait donc dans la mecircme logique

393 Toutefois nous ne souscrivons pas agrave cette deacutemonstration Contrairement au juge

drsquoinstruction qui laquo nrsquoest pas juge de la culpabiliteacute ou de lrsquoinnocence de la personne qursquoil met

en examen raquo1 la commission en srsquoemparant du doute prenait position par rapport agrave

lrsquoinnocence ou agrave la culpabiliteacute du demandeur De plus il parait difficile de justifier la

divergence de points de vue entre les deux organes qui composeacutes de magistrats du mecircme

grade examinaient finalement la mecircme chose le doute sur la culpabiliteacute Degraves lors laquo le fait

que la suspension de la condamnation soit arrecircteacutee par la commission tend agrave conforter lrsquoideacutee

selon laquelle les deacutecisions de cette instance constitueraient une sorte de preacute-jugement que la

cour serait appeleacutee agrave valider raquo2 Dans lrsquohypothegravese ougrave la Cour de reacutevision ne validerait pas la

deacutecision de la commission entrainant ainsi une reacuteincarceacuteration du demandeur que dire

Maicirctre Franccedilois FOURNIE srsquoest deacuteclareacute laquo extrecircmement choqueacute du traitement et du sort

reacuteserveacute agrave Dany LEPRINCE 3raquo

394 En outre srsquoil existe drsquoun point de vue mateacuteriel (remise en liberteacute) une similitude

entre la commission qui suspend lrsquoexeacutecution de la condamnation et le juge drsquoinstruction

favorable agrave une demande de mise en liberteacute ces deux situations sont diffeacuterentes srsquoagissant des

motivations intrinsegraveques du juge drsquoinstruction et de la commission Paradoxalement il serait

plus juste de comparer la situation de la commission qui suspend lrsquoexeacutecution drsquoune

condamnation avec celle du placement en deacutetention provisoire drsquoun mis en examen A

premiegravere vue laquo la comparaison semble asymeacutetrique puisque dans un cas il srsquoagit de deacutetention

et dans lrsquoautre de liberteacute raquo4 Mais agrave bien y reacutefleacutechir elle apparaicirct plutocirct judicieuse car dans les

deux cas la deacutecision devra ecirctre prise en eacutevitant laquo la tentation du preacute jugement raquo5 Crsquoest pour

eacuteviter ce preacute jugement que durant lrsquoinstruction le placement en deacutetention provisoire est

deacutecideacute non par le juge drsquoinstruction mais par le juge des liberteacutes et de la deacutetention6 La loi du

15 juin 2000 a laquo retireacute au juge drsquoinstruction la compeacutetence pour placer en deacutetention provisoire

1 J-L COSTE op cit p 422 2 Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur LAMANDA p 181 3 Mission drsquoinformation relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales Audition de Monsieur F FOURNIE 17 octobre 2013 accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission 4 Ibid 5 V Deacutecision ndeg 2010-62 QPC 6 Loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la preacutesomption dinnocence et les droits des victimes

160

ou pour refuser une demande de mise en liberteacute1 raquo Cette reacuteforme a eu lieu laquo afin de

preacutevenir lrsquoutilisation de celle-ci [la deacutetention provisoire] agrave des fins de pression sur la

juridiction de jugement qui eacutetait tregraves souvent conduite agrave couvrir la deacutetention provisoire

(hellip)2 raquo Appliqueacute agrave la reacutevision il conviendrait drsquoeacuteviter que la libeacuteration de la personne qui a

fait lrsquoobjet drsquoune condamnation en principe irreacutevocable ne fournisse agrave la commission

drsquoinstruction un moyen drsquoinfluencer la deacutecision de la Cour de reacutevision Monsieur

LAMANDA premier preacutesident de la Cour de cassation remarque que lrsquoon ne pourrait

admettre durant lrsquoinstruction laquo que celui qui instruit une affaire puisse prendre une deacutecision

privative de liberteacute au motif qursquoil connait lrsquoaffaire mieux que personne raquo3

395 En deacutefinitive hormis le cas de lrsquoeacutevidente innocence drsquoailleurs ignoreacute par le

leacutegislateur il nous semble que le respect de la chose jugeacutee et la preacuteservation de la paix sociale

aurait ducirc inciter agrave confier la deacutecision de suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation agrave la Cour

de reacutevision seule agrave pouvoir annuler la condamnation prononceacutee Monsieur Franccedilois

FOURNIE reacutesume ainsi notre position laquo ccedila fait perdre du temps ccedila impose qursquoun condamneacute

reste plus longtemps en prison mais ccedila eacutevite lrsquoaffaire Dany LEPRINCE raquo4

396 Laisseacutee au libre arbitre de la commission cette preacuterogative ne pouvait faire

lrsquoobjet drsquoaucun recours Crsquoest ainsi que le choix de suspendre ou de ne pas suspendre

lrsquoexeacutecution de la condamnation pouvait srsquoapparenter agrave un fait du prince puisque cette

deacutecision srsquoimposait agrave tous

B Une deacutecision incontestable

397 La deacutecision de la commission drsquoordonner ou de ne pas ordonner la suspension de

lrsquoexeacutecution de la condamnation srsquoimposait au parquet et au requeacuterant qui priveacutes de tout

recours devaient srsquoincliner Srsquoagissant le plus souvent drsquoune peine privative de liberteacute le

parquet ne pouvait pas srsquoopposer agrave la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation et de son

cocircteacute le requeacuterant ne pouvait pas attaquer une deacutecision de refus de suspension Il srsquoagissait

pour eux drsquoune deacutecision sans appel (1) Quant agrave la partie civile elle eacutetait mise

complegravetement agrave lrsquoeacutecart de cette phase deacutecisionnelle (2)

1 Deacutecision ndeg 2010-62 QPC ndash 17 deacutecembre 2010 Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel Cahier ndeg 30 2 Ibid 3 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur V LAMANDA opcit p 181 4 Commission des Lois Audition de Monsieur F FOURNIE op cit

161

1 Lrsquoabsence de recours pour les parties

398 Pour ce qui est du parquet la situation eacutetait la suivante Lors de lrsquoaudience

devant la commission le ministegravere public preacutesentait ses reacutequisitions A cette occasion il

pouvait lorsqursquoil jugeait la requecircte irrecevable reacuteclamer sa non transmission agrave la Cour de

reacutevision Ignorant les reacutequisitions du parquet la commission pouvait toujours transmettre la

requecircte et suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation

399 Une situation similaire peut se retrouver dans le cadre drsquoune instruction ordinaire

Toutefois lrsquoarticle 185 alineacutea 1 du Code de proceacutedure peacutenale permet au procureur drsquointerjeter

appel laquo de toute ordonnance du juge drsquoinstruction et du juge des liberteacutes et de la deacutetention raquo

et son alineacutea 2 confegravere aussi ce droit au procureur geacuteneacuteral Ce texte est interpreacuteteacute par la

doctrine comme une disposition de nature agrave srsquoappliquer agrave toutes les ordonnances

juridictionnelles crsquoest-agrave-dire laquo celles qui tranchent une contestation au terme drsquoune proceacutedure

organiseacutee raquo1 Sont donc concerneacutees les ordonnances rendues en matiegravere de deacutetention

provisoire2 La liberteacute eacutetant la regravegle lrsquoappel interjeteacute par le procureur est sans effet suspensif3

Crsquoest pourquoi parallegravelement agrave son appel le procureur peut eacutelever devant le premier preacutesident

de la cour drsquoappel un reacutefeacutereacute-deacutetention afin de suspendre les effets de lrsquoordonnance de remise

en liberteacute et maintenir le mis en examen en deacutetention (le temps de la deacutecision drsquoappel)4 Un

dispositif semblable nrsquoexistait pas en matiegravere de reacutevision

400 Bien que srsquoagissant drsquoune part drsquoun preacutesumeacute innocent et drsquoautre part drsquoun

condamneacute deacutefinitif on retrouve du point de vue mateacuteriel la mecircme reacutealiteacute ne pas permettre

la remise en liberteacute du mis en examen et ne pas permettre la remise en liberteacute du condamneacute en

suspendant lrsquoexeacutecution de sa peine Que ce soit dans le domaine de la reacutevision ou dans celui

de lrsquoinstruction il est impeacuterieux drsquolaquo eacuteviter que [hellip] lirreacuteparable saccomplisse [hellip] -

disparition de linteacuteresseacute reacuteiteacuteration de linfraction raquo5

401 Pour ce qui est du requeacuterant dans lrsquohypothegravese ougrave la commission est toujours

compareacutee agrave une juridiction drsquoinstruction lrsquoarticle 186 du Code de proceacutedure peacutenale autorise le

1 G CORNU Vocabulaire juridique op cit V Ordonnance 2 Cass crim 6 juillet 1993 JCP 1993 II 22115 3 Sur ce point V S GUINCHARD J BUISSON op cit ndeg 2107 cass crim 22 avril 1985 JCP 1986 II 20594 note W JEANDIDIER D 1985 p 464 note J PRADEL 4 J BUISSON Le reacutefeacutereacute-deacutetention du Procureur de la Reacutepublique issu de la loi ndeg2002-1138 du 09 septembre 2002 (CPP art1486161 et 187-3 nouv) Proceacutedures Novembre 2002 p 7 V eacutegalement articles 148-1-1 CPP et 187-3 CPP 5 Preacutesentation des dispositions relatives au reacutefeacutereacute-deacutetention issues de la loi ndeg 2002-1138 du 9 septembre 2002 dorientation et de programmation pour la justice CRIM 2002-14 E830-10-2002 NOR JUSD0230174C

162

mis en examen agrave interjeter appel des ordonnances relatives agrave sa deacutetention provisoire Lappel

de lordonnance de placement en deacutetention provisoire peut agrave la demande expresse de la

personne mise en examen ecirctre soumis agrave une proceacutedure acceacuteleacutereacutee il srsquoagit du reacutefeacutereacute-liberteacute

preacutevu par les articles 187-1 et 187-2 du Code de proceacutedure peacutenale laquo qui a pour effet de faire

leacuteconomie des deacutelais de la mise en eacutetat raquo1 Le parallegravele entre les deux juridictions lrsquoune

ordinaire lrsquoautre exceptionnelle aurait pu inviter le leacutegislateur agrave accorder au condamneacute le

droit de contester un refus de suspension drsquoexeacutecution de la condamnation

402 Enfin concernant la partie civile alors que sa place est largement reconnue par la

justice laquo ordinaire raquo quant agrave lrsquoexeacutecution des peines elle eacutetait inexistante dans le cadre de la

suspension drsquoexeacutecution de la condamnation

2 Lrsquoeacuteviction de la partie civile

403 Srsquoagissant de la partie civile lrsquoarticle 186 du Code de proceacutedure peacutenale lui

reconnaicirct durant lrsquoinstruction le droit drsquointerjeter appel de toute ordonnance faisant laquo grief agrave

ses inteacuterecircts civils raquo Le Conseil constitutionnel a neacuteanmoins rappeleacute qursquo laquo il est toutefois

interdit agrave la partie civile de former appel des mesures de sucircreteacute prises contre le mis en

examen (deacutetention provisoire ou controcircle judiciaire) raquo2 Crsquoest ainsi qursquoil est interdit agrave la

partie civile laquo drsquointerjeter appel des mesures des ordonnances qui inteacuteressent directement le

mis en examen dans sa deacutetention ou son controcircle judiciaire raquo3 Sur ce point le traitement qui

lui eacutetait reacuteserveacute dans le cadre de la proceacutedure de reacutevision eacutetait similaire et entiegraverement justifieacute

404 En revanche son exclusion du deacutebat par rapport agrave la deacutecision de la commission

de suspendre ou de ne pas suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation nous parait discutable

La partie civile pouvait mecircme ignorer lrsquoexistence drsquoune proceacutedure de reacutevision Lrsquoarticle

preacuteliminaire du Code de proceacutedure peacutenale dispose pourtant sans distinguer que laquo lrsquoautoriteacute

judiciaire veille agrave linformation et agrave la garantie des droits des victimes au cours de toute

proceacutedure peacutenale raquo

405 Lrsquoabsence de la partie civile eacutetait en contradiction avec la place qui lui est

reacuteserveacutee au moment des prises de deacutecision sur lrsquoexeacutecution des peines dans la proceacutedure

ordinaire En effet il existe agrave ce stade un reacuteel eacutechange entre la partie civile et le juge de

lrsquoapplication des peines Ce magistrat dispose de pouvoirs dinvestigations qui lui permettent

1 F-L COSTE op cit ndeg 89 et s 2 Deacutecision ndeg 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 3 S GUINCHARD J BUISSON op cit ndeg 2067

163

drsquoeacutevaluer les conseacutequences drsquoune mesure drsquoindividualisation de la peine sur la personne de la

victime Une des ambitions de la loi du 15 juin 2000 a eacuteteacute que laquo les inteacuterecircts des victimes

soient mieux pris en consideacuteration dans la phase dexeacutecution de la peine raquo Il en deacutecoule que

laquo toute mesure dindividualisation de la peine concernant un condamneacute doit prendre en

compte linteacuterecirct de la victime tant en ce qui concerne les inteacuterecircts patrimoniaux de celle-ci que

ses inteacuterecircts moraux et sa seacutecuriteacute [hellip] le fait que les victimes ne soient pas juridiquement

parties agrave la proceacutedure deacutesormais juridictionnaliseacutee de lapplication des peines ne doit en effet

pas avoir pour conseacutequence de porter atteinte agrave leurs inteacuterecircts1raquo Lrsquoarticle D 526 du Code de

proceacutedure peacutenale met agrave la disposition du juge de lrsquoapplication des peines les moyens

drsquoinvestigations utiles agrave lrsquoinstruction des demandes de libeacuteration conditionnelle laquo Lenquecircte

meneacutee agrave cette fin peut porter sur les conseacutequences dune libeacuteration conditionnelle au regard

de la situation de la victime Les informations recueillies constituent lun des eacuteleacutements

dappreacuteciation pris en compte par selon le cas le juge de lapplication de la peine ou la

juridiction reacutegionale de la libeacuteration conditionnelle non seulement pour deacutecider sil doit ecirctre

fait droit agrave la demande mais aussi pour deacutefinir les mesures de controcircle auxquelles doit ecirctre

soumis le condamneacute raquo La prise en compte des inteacuterecircts de la victime dans lrsquoexeacutecution de la

condamnation srsquoeacutetait arrecircteacutee au seuil de la proceacutedure de reacutevision Une deacutecision de suspension

de lrsquoexeacutecution de la condamnation ne devrait-elle pas pouvoir pour le moins donner lieu agrave

des observations eacutecrites ou orales formuleacutees par la partie civile

406 La composition des juridictions de reacutevision soumise agrave des consideacuterations drsquoordre

conjoncturel posait elle aussi question

Section 2 La composition des juridictions de reacutevision

407 Pour ce qui est de la commission lrsquoalineacutea 5 de lrsquoancien article 623 du Code de

proceacutedure peacutenale preacutevoyait que la mission de filtrage eacutetait assureacutee par cinq magistrats de la

Cour de cassation Srsquoagissant de la Cour de reacutevision lrsquoancien article 623 du Code de

proceacutedure peacutenale indiquait simplement que la commission de reacutevision laquo saisit la chambre

criminelle qui statue comme Cour de reacutevision raquo Les dispositions relatives agrave la composition

de ces deux organes eacutetaient incomplegravetes (sect 1) Cette situation eacutetait de nature agrave entretenir un

climat de soupccedilon srsquoagissant de lrsquoimpartialiteacute de ces deux instances (sect 2)

1 Preacutesentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption dinnocence et les droits des victimes relatives aux victimes CRIM 2001-07 F114-05-2001 NOR JUSD0130065C

164

sect 1 Des dispositions leacutegislatives incomplegravetes

408 La composition de la commission eacutetait abordeacutee de maniegravere laconique par le

leacutegislateur (A) Concernant celle de la Cour de reacutevision il ne srsquoeacutetait pas exprimeacute sur sa

structuration (B)

A La composition de la commission de reacutevision

409 La composition de la commission de reacutevision eacutetait preacutevue par lrsquoancien article 623

alineacutea 5 du Code de proceacutedure peacutenale qui disposait laquo La demande en reacutevision est adresseacutee agrave

une commission composeacutee de cinq magistrats de la Cour de cassation deacutesigneacutes par

lassembleacutee geacuteneacuterale de cette juridiction et dont lun choisi parmi les membres de la chambre

criminelle en assure la preacutesidence Cinq magistrats suppleacuteants sont deacutesigneacutes selon les mecircmes

formes Les fonctions du ministegravere public sont exerceacutees par le parquet geacuteneacuteral de la Cour de

cassation raquo Cette disposition eacutetait un des principaux apports de la loi de 1989 qui a

laquo judiciariseacute raquo1 le filtrage des requecirctes en mettant fin agrave une pratique attentatoire agrave la seacuteparation

des pouvoirs En effet par le passeacute le Garde des sceaux avait la mainmise sur le filtrage des

requecirctes Nonobstant le fait que la judiciarisation du filtrage eacutetait un reacuteel progregraves de la loi de

1989 (1) le texte demeurait encore trop impreacutecis quant agrave la composition de la commission de

reacutevision (2)

1 La judiciarisation du filtrage un progregraves de la loi de 1989

410 Afin de mieux comprendre les effets de la judiciarisation de 1989 sur

lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision il est utile de rappeler le droit anteacuterieur En effet par le

passeacute le filtrage des requecirctes srsquoeffectuait diffeacuteremment par le Garde des sceaux selon qursquoil

srsquoagissait drsquoune demande fondeacutee sur un cas deacutetermineacute ou sur le quatriegraveme cas drsquoouverture agrave

reacutevision En preacutesence drsquoun cas drsquoouverture deacutetermineacute dont la demande eacutetait recevable le

Ministre de la justice se trouvait dans lrsquoobligation de saisir la Cour de cassation2 A lrsquoinverse

face agrave une requecircte introduite sur le fondement drsquoun fait nouveau le Ministre de la justice

veacuteritable laquo juge de lrsquoopportuniteacute raquo3 pouvait agrave lrsquoissue drsquoune proceacutedure secregravete et non

contradictoire saisir ou ne pas saisir la Cour de cassation Apregraves avis drsquoune commission

consultative composeacutee de trois magistrats professionnels et de trois directeurs issus du 1 Terme employeacute par lrsquoexposeacute des motifs de la proposition de loi en 1988 V HANGEVIN Les demandes en reacutevision op cit ndeg 12 2 Cass crim 23 avril 1896 op cit 3 Expression emprunteacutee agrave Eliane de VALICOURT

165

Ministegravere de la Justice la transmission de la demande avait lieu sous lrsquoeacutegide du Garde des

sceaux seul juge La pratique a deacutemontreacute que le directeur des affaires criminelles et des

gracircces choisissait ses deux assistants Selon Monsieur Bruno COTTE directeur de la

Direction des Affaires Criminelles et des Gracircces de 1984 agrave 1990 laquo le directeur pouvait

orienter la deacutecision choisissant des personnes hostiles agrave la reacutevision raquo1 Aussi deacutecideacutees de

maniegravere discreacutetionnaire par le Garde des sceaux les transmissions agrave la Cour de cassation

eacutetaient-elles perccedilues comme le fait du prince comportant un eacutevident risque drsquoarbitraire2 Cet

laquo acte de haute administration raquo3 placeacute entre les mains du Ministre de la justice nrsquoeacutechappait

pas agrave des consideacuterations politiques4 susceptibles de nuire agrave la prospeacuteriteacute de certaines

demandes5

411 Crsquoest pourquoi la loi de 1989 a mis un terme agrave cette phase administrative en

attribuant la mission de filtrage des requecirctes agrave une commission exclusivement composeacutee de

magistrats6 et ceci quels que soient les cas drsquoouverture7 La lecture de lrsquoancien alineacutea 5 de

lrsquoarticle 623 du Code de proceacutedure peacutenale laissait entrevoir une vision manifestement plus

libeacuterale de la proceacutedure de reacutevision Toutefois il ne srsquoagit que drsquoune vision theacuteorique quelque

peu idyllique

412 En effet nous avons mis lrsquoaccent sur la seacuteveacuteriteacute du filtrage tel qursquoil eacutetait meneacute par

la commission juge du doute Statistiquement les pourvois en reacutevision nrsquoont pas vraiment

prospeacutereacute depuis 1989 Alors que le Garde des Sceaux adressait environ 32 requecirctes par an agrave

la Cour de cassation seulement 34 demandes ont eacuteteacute en moyenne annuellement transmises agrave

la Cour de reacutevision par la commission de reacutevision8 De plus les dispositions leacutegislatives

relatives agrave la composition de la commission manquaient de preacutecision Cette imperfection eacutetait

1 E de VALICOURT op cit p 204 2 BOUZAT et PINATEL op cit p 1465 en sens contraire V M GENDREL op cit ndeg 14 laquo En veacuteriteacute le changement de laquo filtre raquo ainsi reacutealiseacute ne simposait pas en eacutequiteacute nul abus de lexeacutecutif neacutetait concregravetement deacutenonceacute non seulement il ny avait pas de laquo Monsieur Veacuteto raquo mais on peut relever bien des arrecircts reacutecents deacuteclarant irrecevables des demandes preacutesenteacutees pour fait nouveau par le ministre de la Justice Lideacutee dune chancellerie sefforccedilant dlaquo occulter raquo les erreurs judiciaires eacutetait aussi preacuteconccedilue et inexacte que lest (et lagrave encore le leacutegislateur a suivi) la conception dun jury dassises laquo manipuleacute raquo par des magistrats professionnels sans pitieacute ou encore celle dun parquet visant systeacutematiquement agrave la reacutepression raquo 3 F HELIE op cit p 535 4 Monsieur GENDREL qualifiait la reacuteforme de 1989 de laquo deacutepolitisation raquo de la reacutevision V M GENDREL op cit ndeg 14 5 Degraves son arriveacutee agrave la Chancellerie Robert BADINTER avait fortement encourageacute la suppression du filtre exerceacute par le Ministre de la justice V P CASSIA Robert Badinter Un juriste en politique 2009 eacutedition Fayard 6 Rapport ndeg 630 fait devant lAssembleacutee Nationale au nom de la commission des lois par M Philippe MARCHAND deacuteputeacute le 23 novembre 1988 (2e sdeg 1988-89) 7 M GENDREL op cit ndeg 11 laquo La loi de 1989 introduit un laquo filtre raquo judiciaire toujours requis se substituant au filtre ministeacuteriel partiel traditionnel raquo 8 Rapport drsquoinformation op cit p 16

166

de nature agrave eacuteriger une sorte de barriegravere agrave lrsquoaccessibiliteacute de la proceacutedure pourtant voulue par le

leacutegislateur de 1989

2 Lrsquoinsuffisante preacutecision des regravegles eacutetablies

413 Composeacutee seulement de cinq magistrats la commission eacutetait un petit eacutechantillon

de la pleacutenitude de la Cour de cassation qui comporte six chambres Toutefois lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee socle de la proceacutedure de la reacutevision eacutetant diffeacuteremment appreacutecieacutee au civil qursquoau

peacutenal la remarque eacutevoqueacutee ci-dessus restait marginale En revanche la question de la

reacutepartition des membres au sein de la commission srsquoaveacuterait plus deacutelicate En effet le texte ne

faisait reacutefeacuterence qursquoau Preacutesident qui eacutetait issu de la chambre criminelle sans apporter drsquoautres

preacutecisions quant agrave lrsquoorigine du corps des quatre autres membres

414 Ensuite bien que le filtrage exerceacute par la commission fucirct proche de lrsquoinstruction

ordinaire aucune reacutefeacuterence nrsquoeacutetait faite agrave ce sujet par rapport aux fonctions anteacuterieures des

membres de la commission (anciennement juge drsquoinstruction) Depuis 1949 la phase

drsquoinstruction de la proceacutedure peacutenale fait lrsquoobjet de commissions de reacuteflexion qui reconnaissent

dans le juge drsquoinstruction laquo le Janus du monde judiciaire raquo1 La loi du 5 mars 20072 dont

lrsquoentreacutee en vigueur a encore eacuteteacute reporteacutee drsquoune anneacutee par la loi de finances pour 20143 a

modifieacute en profondeur lrsquoinstruction preacuteparatoire Degraves lors il aurait paru utile que certains

membres de la commission de reacutevision assimileacutes agrave des magistrats instructeurs aient deacutejagrave

occupeacute une telle fonction au cours de leur carriegravere

415 Enfin le texte ne se prononccedilait pas sur la dureacutee des fonctions des membres de la

commission les possibles incompatibiliteacutes ou encore les modaliteacutes concregravetes qui deacutefinissaient

la deacutesignation du Preacutesident celles des quatre autres membres et des suppleacuteants Toutes ces

impreacutecisions ont eacuteteacute surmonteacutees par la commission elle-mecircme lors de la constitution de la

premiegravere commission4 En reacuteponse agrave toutes ces questions la commission avait deacutecideacute que ses

membres seraient eacutelus par lAssembleacutee Geacuteneacuterale de la Cour de cassation et choisis parmi les

conseillers ou conseillers reacutefeacuterendaires des diverses chambres de la haute juridiction Le

Preacutesident et son suppleacuteant appartenaient obligatoirement aux effectifs de la chambre

criminelle et eacutetaient eacutelus selon les mecircmes modaliteacutes Il avait eacuteteacute eacutegalement deacutecideacute que les

1 Expression emprunteacutee agrave Renaud VAN RUYMBEKE 2 Loi ndeg 2007-291 du 5 mars 2007 tendant agrave renforcer leacutequilibre de la proceacutedure peacutenale C GUERY La loi du 5 mars 2007 et lrsquoinstruction preacuteparatoire AJ Peacutenal 2007 p 105 3 Loi ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 de finances pour 2014 article 129 4 M-L RASSAT op cit p 824

167

fonctions des membres de la commission eacutetaient peacuterennes et ne prenaient fin qursquoune fois que

le magistrat avait quitteacute ses fonctions au sein de la Cour de cassation ou qursquoil avait demandeacute

son eacuteloignement de la commission1 LrsquoAssembleacutee Geacuteneacuterale se reacuteunissait alors pour proceacuteder

agrave son remplacement Il eacutetait eacutegalement admis par la commission elle-mecircme ainsi que par la

doctrine que les magistrats de la chambre criminelle parties prenantes agrave lexamen de laffaire

en commission ne sieacutegeaient plus agrave la Cour de reacutevision2

416 Les modaliteacutes de composition de la commission de reacutevision eacutetaient donc

davantage drsquoorigine preacutetorienne que leacutegislative Cela aurait pu ecirctre eacuteviteacute si le leacutegislateur

srsquoeacutetait inspireacute des modaliteacutes relatives agrave la composition drsquoautres commissions dont les

membres sont issus de la Cour de cassation (par exemple la commission drsquoindemnisation

pour deacutetention provisoire abusive la commission de retrait drsquohabilitation des policiers de

police judiciaire ou la commission drsquoinstruction de la haute cour de justice) Elles ont toutes

fait le choix de nominations annuelles eacutemanant du bureau de la Cour

417 Le leacutegislateur impreacutecis quant agrave la composition de la commission de reacutevision

eacutetait mecircme absent du deacutebat srsquoagissant de lrsquoorganisation de la Cour de reacutevision

B La composition de la Cour de reacutevision

418 Pour ce qui est de la composition de la Cour de reacutevision lrsquoancien article 623

alineacutea 6 du Code de proceacutedure peacutenale apportait cette seule preacutecision laquo (hellip) cette commission

saisit la chambre criminelle qui statue comme cour de reacutevision (hellip) raquo Srsquoagissant de la

composition de la chambre criminelle statuant comme Cour de reacutevision rien nrsquoavait eacuteteacute preacutevu

par le leacutegislateur A ce sujet Monsieur VIOUT eacutevoque un laquo malaise raquo3 La chambre

criminelle est composeacutee drsquoun preacutesident et de quarante conseillers et conseillers reacutefeacuterendaires

soit un nombre total de 41 magistrats Se reacutefeacuterant agrave la formule laquo la chambre criminelle qui

statue comme cour de reacutevision raquo on aurait pu penser que la Cour de reacutevision regroupait les 41

magistrats de la chambre criminelle car il nrsquoy a pas lieu de distinguer lagrave ougrave la loi ne distingue

pas

419 Or laquo le nombre de magistrat qui compose la cour de reacutevision nrsquoa jamais eacuteteacute le

mecircme pour chacun des dossiers qursquoelle a eu agrave connaicirctre Ils eacutetaient 8 le 7 novembre 2006 9 le

2 mai 2011 10 le 12 deacutecembre 2011 11 le 16 septembre 2003 12 le 28 mai 2003 13 le 29 1 Ibid 2 H ANGEVIN laquo Les demandeshellip raquo op cit ndeg 167 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-O VIOUT op cit p 241

168

juin 2011 16 le 22 mai 2008 et 33 pour lrsquoaffaire Seznec le 14 deacutecembre 2006 raquo 1 Dans les

faits crsquoest le Preacutesident de la chambre criminelle qui selon lrsquoimportance des affaires deacutecidait

souverainement de la composition de la Cour de reacutevision qui se reacuteunissait soit en formation

pleacuteniegravere soit sous la forme drsquoune section Monsieur VIOUT remarque que laquo de fait la

pratique des preacutesidents successifs de la chambre criminelle a semble-t-il varieacute Si certains

avaient eacutetabli des regravegles tenant agrave la complexiteacute du dossier ndash les affaires simples eacutetaient traiteacutees

au sein de la section de la chambre criminelle deacutedieacutee aux deacutecisions des cours drsquoassises tandis

que les affaires complexes relevaient de lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere ndash drsquoautres ont preacutefeacutereacute proceacuteder

au cas par cas ou laisser sieacuteger les membres de la chambre criminelle qui le souhaitaient raquo2

Ainsi la composition de la Cour de reacutevision variait drsquoune affaire agrave lrsquoautre en dehors de tout

cadre leacutegislatif

420 Le manque de preacutecision au sujet de la composition de la juridiction de reacutevision

laquo [paraissait] fragile au regard des exigences de la Convention europeacuteenne des droits de

lrsquohomme raquo3 Cette fragiliteacute alimentait des soupccedilons quant agrave leur impartialiteacute (sect 2)

sect 2 La question de lrsquoimpartialiteacute des juridictions de reacutevision

421 Srsquoagissant de la commission Madame le Professeur LAZERGES fait la

remarque qursquoune meilleure codification de la composition de celle-ci laquo aurait pour avantage

de preacutemunir les hauts magistrats de tout soupccedilon de partialiteacute ou de manque dobjectiviteacute agrave

une eacutepoque ougrave les meacutedias par leur emprise preacuteoccupante sur les procegraves criminels exploitent

reacuteguliegraverement le thegraveme de la deacutenonciation du juge ou celui dune institution judiciaire

corporatiste replieacutee sur elle-mecircme et ne reconnaissant pas ses erreurs raquo4 Monsieur VIOUT

signale par rapport agrave la Cour de reacutevision que le dispositif laquo [nrsquoeacutetait] pas satisfaisant en terme

de fixiteacute et de preacutevisibiliteacute de la composition des juridictions peacutenales Car toute composition

de juridiction peacutenale au fil de lrsquoeau eacuterode lrsquoimage drsquoimpartialiteacute objective dont elle doit

beacuteneacuteficier raquo5

422 Apregraves avoir deacutegageacute les raisons qui preacutesidaient aux soupccedilons de partialiteacute de la

commission et de la Cour de reacutevision (A) nous en eacutetudierons les conseacutequences pour en

deacuteduire qursquoil eacutetait fondamental drsquoeacutevacuer ces soupccedilons (B)

1 F JOHANNES op cit p 427 2 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur J-O VIOUT op cit p 241 3 C MATHON op cit p 10 4 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur judiciaire op cit ndeg 26 5 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit

169

A Les raisons des soupccedilons de partialiteacute

423 Notre deacutemonstration deacutepassera neacutecessairement les frontiegraveres telles qursquoelles ont

eacuteteacute dessineacutees par le Code de proceacutedure peacutenale En effet le droit objectif de la proceacutedure

peacutenale franccedilaise est soumis aux contraintes drsquoun mouvement de subjectivisation inspireacutee par

la CEDH Ce mouvement est guideacute par le souci permanent drsquoameacuteliorer la qualiteacute de la

justice1

424 Lrsquoimpartialiteacute est viseacutee agrave lrsquoarticle 6 de la CEDH qui dispose laquo toute personne a

droit agrave ce que sa cause soit entendue eacutequitablement publiquement et dans un deacutelai

raisonnable par un tribunal indeacutependant et impartial eacutetabli par la loi qui deacutecidera soit des

contestations sur ses droits et obligations de caractegravere civil soit du bien-fondeacute de toute

accusation en matiegravere peacutenale dirigeacutee contre elle (hellip) raquo Le texte ayant preacuteciseacute un laquo tribunal

[hellip] impartial raquo ceci signifie que lrsquoimpartialiteacute et plus largement le droit agrave un procegraves

eacutequitable suppose que le requeacuterant puisse acceacuteder agrave une juridiction2 En effet ce nrsquoest qursquoagrave

partir du moment ougrave le droit drsquoaccegraves agrave un tribunal a eacuteteacute reconnu au justiciable que srsquoimposera

ensuite le droit drsquoecirctre entendu par un bon juge qui doit neacutecessairement ecirctre impartial3 Il a eacuteteacute

deacutejagrave deacutemontreacute que la commission eacutetait une juridiction La Cour de reacutevision formation de la

chambre criminelle de la Cour de cassation se preacutesentait eacutegalement comme une juridiction

425 Degraves 1982 la CEDH a deacuteclareacute que le principe drsquoimpartialiteacute revecirct deux

aspects laquo On peut distinguer entre une deacutemarche subjective essayant de deacuteterminer ce que

tel juge pensait en son for inteacuterieur en telle circonstance et une deacutemarche objective amenant

agrave rechercher srsquoil offrait des garanties suffisantes pour exclure agrave cet eacutegard tout doute 1 V LAMANDA Lrsquoinfluence de la CEDH sur lrsquoorganisation et le fonctionnement de la cour de cassation Accessible sur httpswwwcourdecassationfrpublications_26autres_publications_discours_2039discours_2202europeenne_droits_11482html 2 CEDH X c Royaume-Uni 21 feacutevrier 1975 requecircte ndeg 445170 3 CEDH GOLDER c Royaume-Uni 21 feacutevrier 1975 req ndeg445170 Le laquo droit agrave un tribunal raquo comprend drsquoune part le droit agrave ce qursquoun tribunal connaisse de toute contestation relative aux droits et obligations du justiciable et drsquoautre part laquo des garanties prescrites par lrsquoarticle 6sect1 quant agrave lrsquoorganisation et agrave la composition du tribunal et quant au deacuteroulement de lrsquoinstance raquo Le droit drsquoaccegraves agrave un juge ne doit pas ecirctre perccedilu sous lrsquoangle du pourvoi en reacutevision comme une autorisation de remise en cause systeacutematique des deacutecisions deacutefinitives La CEDH eacutenonce que laquo le droit agrave un procegraves eacutequitable devant un tribunal garanti par larticle 6 sect 1 doit sinterpreacuteter dapregraves le preacuteambule de la Convention qui eacutenonce la preacuteeacuteminence du droit comme eacuteleacutement du patrimoine commun des Etats contractants Un des eacuteleacutements fondamentaux de la preacuteeacuteminence du droit est le principe de la seacutecuriteacute des rapports juridiques qui veut entre autres que la solution donneacutee de maniegravere deacutefinitive agrave tout litige par les tribunaux ne soit plus remise en cause raquo V CEDH Brumărescu c Roumanie ndeg 2834295 Dans le mecircme sens V Sovtransavto Holding Ukraine 25 juillet 2002 req ndeg 4855399 sect 77 laquo un systegraveme judiciaire marqueacute par hellip la possibiliteacute drsquoannulations reacutepeacuteteacutees drsquoun jugement deacutefinitif raquo est laquo incompatible avec le principe de seacutecuriteacute des rapports juridiques qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de la preacuteeacuteminence du droit au sens de lrsquoarticle 6 sect 1 raquo

170

leacutegitime raquo1 Le lien entre lrsquoimpartialiteacute objective et la composition du tribunal a eacuteteacute

expresseacutement reconnu dans un arrecirct de 2013 laquo Lrsquoimpartialiteacute se deacutefinit drsquoordinaire par

lrsquoabsence de preacutejugeacute ou de parti pris et peut srsquoappreacutecier de diverses maniegraveres Selon la

jurisprudence constante de la Cour aux fins de lrsquoarticle 6 sect 1 lrsquoimpartialiteacute doit srsquoappreacutecier

selon une deacutemarche subjective en tenant compte de la conviction personnelle et du

comportement de tel juge crsquoest-agrave-dire du point de savoir si celui-ci a fait preuve de parti pris

ou preacutejugeacute personnel dans tel cas et aussi selon une deacutemarche objective consistant agrave

deacuteterminer si le tribunal offrait notamment agrave travers sa composition des garanties

suffisantes pour exclure tout doute leacutegitime quant agrave son impartialiteacuteraquo2 Crsquoest donc lrsquoaspect

objectif de lrsquoimpartialiteacute3 qui retiendra notre attention concernant la commission (1) et la Cour

de reacutevision (2)

1 La commission cible des soupccedilons

426 Srsquoagissant de la commission deux situations concregravetes eacutetaient de nature agrave susciter

des interrogations quant agrave lrsquoimpartialiteacute objective du juge Le point commun agrave ces deux cas

est qursquoils eacutetaient tous deux relatifs agrave une situation dans laquelle un mecircme juge avait par deux

fois agrave connaicirctre le mecircme dossier Il srsquoagit tout drsquoabord du cas ougrave le mecircme magistrat avait

deacutejagrave eu connaissance de lrsquoaffaire agrave lrsquooccasion du rejet drsquoun pourvoi en cassation contentieux

qursquoil retrouvait ensuite au moment de lrsquoinstruction drsquoune requecircte en reacutevision (a) Le second

cas concerne le renouvellement drsquoune demande en reacutevision qui eacutetait examineacutee par les mecircmes

juges que ceux agrave lrsquoorigine drsquoun premier examen neacutegatif (rejet ou irrecevabiliteacute de la demande)

(b)

a Un mecircme magistrat juge du rejet du pourvoi en cassation et de la recevabiliteacute

drsquoune requecircte en reacutevision

427 Il pouvait arriver qursquoun juge sieacutegeant dans la commission de reacutevision ait deacutejagrave eu agrave

connaicirctre de lrsquoaffaire dans le cadre de sa fonction de magistrat au sein de la chambre

criminelle Il srsquoagissait de lrsquohypothegravese suivante membre de la chambre criminelle il avait

participeacute agrave la deacutecision de rejet du pourvoi en cassation au sujet drsquoune affaire qursquoil avait agrave

1 CEDH PIERSACK c Belgique 1er octobre 1982 Requecircte ndeg 869279 2 CEDH MORICE c France Requecircte ndeg 2936910 3 Madame KOERING-JOULIN suggegravere de parler plutocirct drsquoimpartialiteacute fonctionnelle (objective) et drsquoimpartialiteacute personnelle (subjective) V KOERING-JOULIN La notion europeacuteenne de tribunal indeacutependant et impartial au sens de lrsquoarticle 6 amp1 de la CEDH RSC 1990 p 765 Lrsquoarrecirct MOREL c France du 6 juin 2000 utilise les expressions de convictions personnelles et de raison leacutegitime de craindre un deacutefaut drsquoimpartialiteacute pour viser respectivement lrsquoimpartialiteacute subjective et objective

171

nouveau agrave connaicirctre dans le cadre de sa fonction au sein de la commission de reacutevision (soit en

qualiteacute de preacutesident soit de membre ordinaire ou de suppleacuteant) Il devait porter sur le dossier

deacutejagrave rejeteacute en cassation le regard drsquoun magistrat instructeur Il peut se poser la question de

savoir srsquoil nrsquoexistait pas une atteinte au principe de la seacuteparation des fonctions drsquoinstruction et

de jugement Dans une telle hypothegravese selon Monsieur Roland AGRET laquo il nrsquoest pas sain

que la mecircme institution (la chambre criminelle) soit conduite agrave rejeter un pourvoi puis ensuite

agrave dire qursquoil y a lieu ou non agrave reacutevision raquo1 Ce nouvel examen se ferait donc agrave travers le prisme

drsquoun regard quelque peu fausseacute la justice nrsquoaurait pas laquo les yeux bandeacutes raquo2

428 Cette situation pouvait conduire le requeacuterant agrave douter de lrsquoimpartialiteacute du juge

dont il avait deacutejagrave croiseacute le chemin devant la Cour de cassation lors du rejet de son pourvoi

Srsquoagissant des appreacutehensions du justiciable la CEDH estime que laquopour se prononcer sur

lrsquoexistence dans une affaire donneacutee drsquoune raison leacutegitime de redouter chez un juge un deacutefaut

drsquoimpartialiteacute lrsquooptique de lrsquoaccuseacute entre en ligne de compte mais ne joue pas un rocircle deacutecisif

Lrsquoeacuteleacutement deacuteterminant consiste agrave savoir si les appreacutehensions de lrsquointeacuteresseacute peuvent passer

pour objectivement justifieacutees raquo3 De plus la CEDH considegravere que le cumul de lrsquoinstruction et

du jugement nrsquoest pas ipso facto contraire agrave lrsquoarticle 6sect1 En effet dans ce cas il faut que la

partialiteacute supposeacutee du juge cumulard se manifeste agrave travers une attitude subjectivement

partiale4

429 Concernant lrsquohypothegravese drsquoun mecircme magistrat juge du rejet du pourvoi en

cassation puis juge de la recevabiliteacute drsquoune requecircte en reacutevision elle ne remet pas en cause

lrsquoimpartialiteacute du magistrat concerneacute Le rejet du pourvoi en cassation se fonde sur des

consideacuterations exclusivement juridiques agrave la diffeacuterence de la reacutevision qui se saisira de

questions de fait Lrsquointerdiction drsquoune certaine polyvalence des juges pourrait conduire en

raison du manque de moyens humains de la justice agrave une amplification de la lenteur de la

justice Cette inertie serait en quelque sorte de nature agrave nuire aux garanties fondamentales du

procegraves peacutenal ndash tel le droit agrave ecirctre jugeacute dans un deacutelai raisonnable - surtout que le chemin de la

proceacutedure de reacutevision est deacutejagrave particuliegraverement long Crsquoest pourquoi une bonne

administration de la justice ne faisait pas obstacle agrave cette pratique

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit Contribution de Monsieur AGRET p 171 2 M-A FRISON-ROCHE op cit p 463 3 CEDH Hauschildt c Danemark du 24 mai 1989 Requecircte ndeg 1048683 4 CEDH 24 aoucirct 1993 NORTIER c Pays Bas confirmeacute par cass crim 8 novembre 2000 Dr peacutenal 2001 ndeg 15

172

430 En revanche une autre situation posait problegraveme relativement agrave lrsquoimpartialiteacute du

juge Il srsquoagissait de la succession de plusieurs requecirctes en reacutevision drsquoune mecircme

condamnation soumises agrave lrsquoexamen drsquoun mecircme magistrat

b Un mecircme magistrat juge de plusieurs requecirctes en reacutevision drsquoune mecircme

condamnation

431 La chambre criminelle estime laquo quaucune disposition leacutegale ou conventionnelle

ne fait obstacle agrave ce quun mecircme magistrat puisse faire partie de la commission appeleacutee agrave

connaicirctre de requecirctes successives tendant agrave la reacutevision dune mecircme condamnation raquo1 Cette

pratique semblait pourtant ne pas ecirctre en adeacutequation avec lrsquoexigence drsquoimpartialiteacute objective

preacutevue agrave lrsquoarticle 6 de la CEDH

432 Un arrecirct de la CEDH en rupture avec a position anteacuterieure2 a condamneacute la

France en 20103 concernant une affaire eacutetrangegravere agrave la reacutevision mais qui peut neacuteanmoins servir

drsquooutil de travail et de base de reacuteflexion Il srsquoagissait de poursuites pour prise illeacutegale

dinteacuterecircts et de compliciteacute Un premier arrecirct rendu en appel fut casseacute par la chambre criminelle

de la Cour de cassation laquelle a deacutesigneacute une juridiction de renvoi Contesteacute le second arrecirct

a fait lrsquoobjet drsquoun nouveau pourvoi en cassation qui srsquoest vu rejeter par la chambre criminelle

A ce stade une demande de reacutecusation avait eacuteteacute formuleacutee par les deux justiciables afin de

faire obstacle agrave la preacutesence de sept des neuf conseillers ceux-ci ayant deacutejagrave appartenu agrave la

formation de la chambre criminelle qui srsquoeacutetait reacuteunie lors du premier pourvoi Il y a dans

cette affaire plusieurs similitudes avec lrsquohypothegravese qui nous inteacuteresse mecircme justiciable

mecircme degreacute de juridiction mecircme faits Dans cet arrecirct la France a eacuteteacute condamneacutee par la

justice europeacuteenne pour violation de larticle 6 (partialiteacute objective) en estimant

laquo objectivement justifieacutes [] les doutes chez les requeacuterants quant agrave limpartialiteacute de la Cour

de cassation raquo La CEDH a veacuterifieacute si laquo compte tenu de la nature et de leacutetendue du controcircle

juridictionnel incombant agrave ces magistrats [hellip] ces derniers ont fait preuve ou ont pu

leacutegitimement apparaicirctre comme ayant fait preuve dun parti pris quant agrave la deacutecision quils

ont ensuite rendue lors du pourvoi contre larrecirct de condamnation raquo Un laquo parti pris raquo ou des

laquo preacutejugeacutes raquo sont contraires agrave lexigence dimpartialiteacute objective ou pour le moins sources de

doutes objectivement justifieacutes lorsque laquo les questions que les mecircme juges avaient eu agrave

1 Cass crim 15 feacutevr 2005 Bull crim ndeg 59 2 CEDH 2e Sect 10 feacutevrier 2004 DP c France Req ndeg 5397100 et CEDH 2e Sect 22 novembre 2005 Golinelli et Freymuth c France Req ndeg 6582301 3 CEDH 24 juin 2010 Mancel et Branquart c France Req ndeg 2234906

173

traiter agrave loccasion du second pourvoi [sont] analogues agrave celles sur lesquelles ils ont statueacute

lors du premier raquo

433 Dans le cas qui nous preacuteoccupe un ou plusieurs membres de la commission ont agrave

nouveau agrave connaicirctre une demande en reacutevision qui objet drsquoun premier rejet a eacuteteacute examineacutee

par les mecircmes magistrats Sous reacuteserve qursquoil ne soit pas invoqueacute un nouveau fait nouveau ou

eacuteleacutement inconnu la commission se saisit exactement de la mecircme affaire et srsquointerroge une

seconde fois sur les mecircmes questions en particulier celle du doute sur la culpabiliteacute

434 La Cour de reacutevision eacutetait eacutegalement la cible de soupccedilons concernant son

impartialiteacute

2 La Cour de reacutevision cible des soupccedilons

435 La question de lrsquoimpartialiteacute de la Cour de reacutevision avait pour origine le silence

du leacutegislateur sur sa composition Lrsquoaveu en a eacuteteacute fait par les rapporteurs de la proposition de

loi pour qui laquo il est clair que lrsquoimpreacutecision du texte ne peut que favoriser les soupccedilons de

partialiteacute agrave lrsquoeacutegard de cette juridiction raquo1

436 Se fondant sur lrsquoarticle 6sect1 de la Convention EDH la jurisprudence europeacuteenne

estime qursquo laquo un organe nrsquoayant pas eacuteteacute eacutetabli conformeacutement agrave la volonteacute du leacutegislateur serait

neacutecessairement deacutepourvu de la leacutegitimiteacute requise dans une socieacuteteacute deacutemocratique pour

entendre la cause des particuliers raquo2 Lrsquoarticle 6 exige un laquo tribunal indeacutependant et impartial

eacutetabli par la loi raquo Si agrave travers cette formule laquo eacutetabli par la loi raquo on entend se reacutefeacuterer agrave une

base leacutegale par rapport agrave la composition drsquoun tribunal il en ressort qursquoune juridiction

impartiale ne saurait se structurer autour de magistrats qui srsquoauto deacutesignaient lors de

lrsquoaudiencement des dossiers Cette maniegravere de faire contestable concernerait donc les

magistrats de la Cour de reacutevision qui sieacutegeaient selon laquo le deacutesir des magistrats et lrsquointeacuterecirct

qursquoils portent agrave tel ou un tel dossier3 raquo En 2011 ces soupccedilons ont conduit Monsieur Dany

LE PRINCE agrave saisir la CEDH sur la base drsquoune violation de lrsquoarticle 6-1 Ses avocats avaient

invoqueacute laquo une composition aleacuteatoire de la Cour de reacutevision en fonction de critegraveres totalement

opaques raquo En 2012 cette deacutemarche a deacuteboucheacute sur une deacutecision dirrecevabiliteacute non motiveacutee

1 Rapport drsquoinformation op cit p 40 2 CEDH Lavents c Lettonie 28 novembre 2002 req ndeg1839091 3 F JOHANNES Op cit p 426 laquo Le simple fait qursquoen se portant volontaires les conseillers et conseillers reacutefeacuterendaires se soient auto deacutesigneacutes pour juger la requecircte en reacutevision de Dany Leprince ne peut que faire naicirctre un doute sur leur impartialiteacute raquo

174

437 Les soupccedilons de partialiteacute qui pegravesent sur la juridiction de reacutevision posent question

et doivent ecirctre leveacutes

B La neacutecessaire leveacutee des soupccedilons

438 Mecircme si ces soupccedilons pouvaient paraitre reacuteels agrave la lueur de lrsquoarticle 6 de la

CEDH la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme nrsquoa pour autant jamais condamneacute la France

(1) Ce malentendu entretenait un climat de deacutefiance entre les justiciables et leur justice (2)

1 Lrsquoabsence de condamnation europeacuteenne

439 La question qui se pose est de savoir si lrsquoarticle 6sect1 de la Convention EDH

constitue reacuteellement une bonne reacuteplique face agrave ces soupccedilons de partialiteacute Cette disposition est

relative aux obligations drsquoindeacutependance drsquoimpartialiteacute et agrave lrsquoexistence leacutegale drsquoun laquo tribunal

qui deacutecidera du bien-fondeacute de toute accusation en matiegravere peacutenale raquo Seul le tribunal appeleacute agrave

se prononcer sur une accusation est donc soumis agrave lrsquoexigence drsquoimpartialiteacute La jurisprudence

constante de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme considegravere que larticle 6 sect 1 ne

srsquoapplique pas agrave une proceacutedure de reacutevision au motif que le requeacuterant deacutefinitivement

condamneacute nest plus laquo accuseacute dune infraction raquo au sens dudit article1 Il srsquoagit donc drsquoune

conception stricte de la notion drsquoaccusation2

440 Cette conclusion ne doit cependant pas ecirctre entendue comme un blanc-

seing deacutelivreacute au leacutegislateur Cette situation a contribueacute agrave accentuer lrsquoacuiteacute du regard critique

des justiciables sur la proceacutedure de reacutevision

2 La perte de confiance des citoyens en la justice

441 A propos de lrsquoaffaire LEPRINCE Madame ANZANI srsquoest exprimeacutee de la

maniegravere suivante laquo dans cette affaire la justice nrsquoest pas passeacutee raquo3 Monsieur MATHON a

deacuteclareacute agrave la presse laquo Je ne supporte pas que quelqursquoun ne soit pas jugeacute correctement raquo4

Quant agrave Maicirctre Yves BAUDELOT il a affirmeacute laquo crsquoest un eacutechec pour la justice raquo5

1 CEDH Fischer c Autriche no 2756902 CEDH Dankevich c Ukraine no 4067998 CEDH 25 mai 1999 Sonnleitner c Autriche no 3481397 CEDH 6 janvier 2000 et Kucera c Autriche no 4007298 2 CEDH 12 mai 2005 Oumlcalan c Turquie no 4622199 3 Accegraves agrave lrsquoarticle de presse sur httptempsreelnouvelobscomsociete20111004OBS1688dans-l-affaire-leprince-la-justice-n-est-pas-passeehtml 4 Ibid 5 F JOHANNES op cit p 10

175

442 Prononceacutees par des professionnels du droit ces remarques contribuaient agrave

entretenir le climat de deacutefiance de lrsquoopinion publique agrave lrsquoeacutegard de lrsquoorganisation judiciaire1

Crsquoest dans ce sens que les rapporteurs de la proposition de loi se sont deacuteclareacutes laquo convaincus

comme Madame Christiane Taubira garde des Sceaux Ministre de la justice que la

confiance des citoyens dans lrsquoinstitution judiciaire ne [pouvait] qursquoecirctre renforceacutee par la

correction des erreurs judiciaires raquo2 Lrsquoexemplariteacute de la proceacutedure de reacutevision est la garante

drsquoun bon fonctionnement de la justice et le moteur de la confiance de lrsquoopinion

443 Dans notre socieacuteteacute le juge et plus particuliegraverement celui de la reacutevision doit ecirctre

le laquo bras armeacute du citoyen raquo3 Il a pour mission de reacuteparer les erreurs judiciaires en annulant

une deacutecision deacutefinitive erroneacutee quel que soit le temps eacutecouleacute depuis son prononceacute Crsquoest

pourquoi la beauteacute de cette mission ne devrait surtout pas ecirctre entacheacutee par le moindre

soupccedilon de partialiteacute4 Or le peuple franccedilais au nom duquel la justice est rendue aviseacute de

lrsquoactualiteacute judiciaire5 pouvait du temps de la loi de 1989 srsquointerroger sur le bien-fondeacute de

certaines deacutecisions rendues par les juridictions de reacutevision Crsquoest ainsi que les deux deacutecisions

de rejet rendues dans le cadre des affaires LEPRINCE et SEZNEC ont eacuteteacute mal comprises par

lrsquoopinion publique Cette incompreacutehension eacutetait de nature agrave compliquer les relations

qursquoentretient la population avec sa justice

444 Le philosophe HABERMAS eacutecrivait que laquo pour remplir la fonction dinteacutegration

sociale qui revient agrave lordre juridique et pour satisfaire agrave lexigence de leacutegitimiteacute du droit les

jugements rendus doivent en mecircme temps remplir les conditions dune deacutecision coheacuterente et

celles dune acceptabiliteacute rationnelle raquo ce qui suppose qulaquo ils soient concregravetement fondeacutes en

raison raquo6 Or les soupccedilons de partialiteacute pouvaient ecirctre de nature agrave porter atteinte agrave la

leacutegitimiteacute du droit Degraves lors le pourvoi en reacutevision srsquoexposait au risque drsquoabandonner son rocircle

de laquo facteur drsquoennoblissement de la justice raquo7

1 En ce sens V E ALLAIN laquo La justice humaine et implacable raquo AJ Peacutenal 2013 p 239 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit p 17 3 Expression emprunteacutee agrave R SANVITI Site internet Justice et deacutemocratie accessible sur wwwjusticeetcemocratiefr 4 Les usagers de la justice citent lrsquoimpartialiteacute comme la premiegravere qualiteacute attendue drsquoun juge avant la compeacutetence la bonne compreacutehension du problegraveme poseacute et lrsquohonnecircteteacute V Enquecircte de satisfaction aupregraves des usagers de la justice Mission de recherche droit et justice 2001 p 19 accessible sur httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics0140005890000pdf 5 F BUSSY op cit ndeg 2 Cet inteacuterecirct est positif laquo agrave condition drsquoecirctre exempt de manipulation meacutediatique [hellip] Il ne suffit pas davoir juridiquement raison pour ecirctre meacutediatiquement compris raquo 6 J HABERMAS Droit et deacutemocratie p 218 Gallimard 1997 citeacute par F BUSSY ibid 7 J A ROMEIRO op cit

176

Conclusion du chapitre 2

445 Dans ce chapitre ont eacuteteacute eacutevoqueacutees les difficulteacutes drsquoordre conjoncturel que recelait

la loi de 1989 Au preacutealable nous avions deacutemontreacute que la reacutevision eacutetait construite sur les

bases drsquoune structure contestable dont la fragiliteacute avait pour origine le choix drsquoopposer le

pourvoi en reacutevision agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Cette situation nrsquoa pas eacuteteacute sans

conseacutequences sur lrsquoorganisation de la reacutevision preacutevue par la loi de 1989 puisqursquoelle a

contribueacute agrave lrsquoapparition de difficulteacutes drsquoordre conjoncturel

177

Conclusion du titre 2

446 Dans ce titre lrsquoaccent a eacuteteacute mis sur les faiblesses structurelles et conjoncturelles

de la proceacutedure de reacutevision fragiliseacutee par les lacunes et impreacutecisions de la loi de 1989 dans

lesquelles srsquoeacutetait engouffreacutee la jurisprudence Il est donc indispensable que la reacuteforme de la

reacutevision agisse sur ces deux leviers En effet un regraveglement des difficulteacutes lieacutees agrave la structure

mecircme de la proceacutedure proceacutedant drsquoune meilleure organisation des rapports entre la Cour de

reacutevision et la commission ne serait pas suffisant Lrsquoefficaciteacute drsquoune reacuteforme exige aussi de

srsquointerroger sur les aspects conjoncturels comme la question de la composition de ces deux

organes

178

Conclusion de la premiegravere partie

447 Cette premiegravere partie montre la neacutecessaire reacuteforme de la reacutevision issue de la loi de

1989

448 La mise en œuvre drsquoune reacuteflexion sur la reacutevision doit srsquoaccompagner drsquoun

questionnement sur les liens qui unissent cette proceacutedure agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee La loi

de 1989 inscrivait lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision dans une logique

drsquoaffrontement eacutecartant ainsi la possibiliteacute drsquoune conciliation Pourtant la preacuteservation de la

paix sociale constitue la preacuteoccupation majeure de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et du pourvoi

en reacutevision De surcroicirct une conception moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee favorise un

rapprochement entre ce principe et la reacutevision de nature agrave former une reacuteelle alliance

449 Cette approche de la reacutevision a provoqueacute dans la loi de 1989 un amoncellement

de difficulteacutes tant structurelles que conjoncturelles Crsquoest ainsi qursquoune transformation

importante de la reacutevision eacutetait souhaiteacutee et attendue agrave la veille de la reacuteforme de 2014

Toutefois pour ecirctre efficace cette initiative reacuteformatrice doit srsquoaccompagner drsquoun

changement de regard sur les rapports entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision En effet la loi de 1989 a deacutemontreacute que la tentative de libeacuteralisation du cas

drsquoouverture indeacutetermineacute srsquoeacutetait soldeacutee par un eacutechec en raison de lrsquointerpreacutetation tregraves restrictive

du doute par la jurisprudence La tendance de la jurisprudence agrave opposer lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee au pourvoi en reacutevision a ainsi eacuteteacute preacutejudiciable agrave la promotion des aspects

libeacuteraux du texte de 1989 A ce niveau une reacutevolution copernicienne apparaicirct donc comme

indispensable Reacuteviser la reacutevision srsquoavegravere ecirctre un exercice difficile qui doit se fixer comme

objet la preacuteservation de la paix sociale par le biais drsquoun rapprochement eacutetroit entre lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

450 La neacutecessiteacute de la reacuteforme ayant eacuteteacute eacutetablie il convient donc deacutesormais drsquoen

mesurer les performances

179

SECONDE PARTIE

LA REVISION REVISEE DE 2014 UNE

DECEPTION

180

451 Dans cette partie nous deacutemontrerons que la loi ndeg 2014-640 du 20 juin 20141

mecircme si elle constitue une avanceacutee nrsquoest pas pleinement satisfaisante Un paradoxe sous-tend

la proceacutedure de reacutevision drsquoun cocircteacute lrsquoimpossibiliteacute drsquoaccepter la condamnation deacutefinitive

drsquoun innocent2 laquo summa injuria raquo3 que les meacutedias traditionnels appuyeacutes par les nouveaux

moyens de communication tels les laquo tweet drsquoaudience raquo4 srsquoemploient agrave deacutenoncer drsquoailleurs

souvent avec beaucoup de ferveur de lrsquoautre cocircteacute une certaine inertie du leacutegislateur qui

jusqursquo agrave tregraves reacutecemment se satisfaisait de la situation juridique deacutepeinte dans la premiegravere

partie5 De surcroit en dehors de lrsquoeacutemotion susciteacutee par lrsquoactualiteacute judiciaire la question du

pourvoi en reacutevision nrsquoa pas susciteacute entre 1989 et 2013 un inteacuterecirct particulier tant au niveau

des commentaires juridiques que des forces de propositions Les dispositions de la loi de 1989

nrsquoont pas donneacute lieu au moment de leur discussion agrave des commentaires et deacutebats6 comme il

en est drsquousage au moment de lrsquoadoption des grands textes de proceacutedure ou de droit peacutenal7

452 Dans le mecircme sens il est inteacuteressant de remarquer que la proceacutedure de reacutevision

est geacuteneacuteralement abordeacutee de maniegravere marginale agrave lrsquooccasion du cursus universitaire et

demeure mecircme parfois meacuteconnue des eacutetudiants qui laquo nen discutent pas avec passion (comme

1 Loi ndeg 2014-640 du 20 juin 2014 relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen dune condamnation peacutenale deacutefinitive 2 Proposition de loi ndeg 3770 visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales enregistreacutee agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee Nationale le 13 mars 2007 p3 laquo lrsquoideacutee qursquoun innocent continue agrave subir les effets drsquoune condamnation heurte notre conscience et par le sentiment drsquoinjustice qursquoelle reacutepand trouble violemment lrsquoordre public raquo Accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr12pdfpropositionspion3770pdf 3 Expression emprunteacutee agrave Monsieur GENDREL op cit ndeg1 laquo Mais quel engrenage laquo diabolique raquo que celui qui suite agrave des fautes reacutepeacuteteacutees au sein de lappareil judiciaire conduit ce dernier agrave condamner peacutenalement un innocent Lagrave paraicirct se trouver la summa injuria raquo 4 Entretien avec F SAINT PIERRE Lrsquoaffaire Agnelet une eacutevolution majeure de la justice criminelle JCP G 2014 p 551 J FRANCILLON Meacutedias et droit peacutenal op cit p 59 J PRADEL La proceacutedure peacutenale franccedilaise agrave lrsquoaube du troisiegraveme milleacutenaire D 2000 p 1 A REINHARD Lrsquoaffichage meacutediatique nouvelles sources du droit peacutenal instinct et institution RSC 2003 p 543 5 V supra premiegravere partie la reacutevision de 1989 agrave reacuteviser une neacutecessiteacute 6 La principale contribution est agrave notre sens celle de Monsieur ANGEVIN 7 Entre 1999 et 2004 dix lois majeures de proceacutedure peacutenale ont eacuteteacute adopteacutees et ont toutes fait lrsquoobjet de nombreux commentaires loi ndeg 99-515 du 23 juin 1999 renforccedilant lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure peacutenale loi ndeg 99-929 du 10 novembre 1999 portant reacuteforme du Code de justice militaire et du Code de proceacutedure peacutenale loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption drsquoinnocence et les droits des victimes loi ndeg 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant agrave preacuteciser la deacutefinition des deacutelits non intentionnels loi ndeg 2000-1354 du 30 deacutecembre 2000 tendant agrave faciliter lrsquoindemnisation des condamneacutes reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matiegravere de proceacutedure peacutenale loi ndeg 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative agrave la seacutecuriteacute quotidienne loi ndeg 2002-307 du 4 mars 2002 compleacutetant la loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 loi ndeg 2002-1138 du 9 septembre 2002 drsquoorientation et de programmation pour la justice dite loi laquo Perben raquo loi ndeg 2003-239 du 18 mars 2003 pour la seacutecuriteacute inteacuterieure loi ndeg 2004-404 DC du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux eacutevolutions de la criminaliteacute Pour une illustration de lrsquointeacuterecirct porteacute par la doctrine pour ces textes V F FOURMENT Proceacutedure peacutenale op cit ndeg 3 et suivants

181

jadis pour la peine de mort aujourdhui encore la deacutetention provisoire ou la garde agrave vue)

lorsquils nen ignorent pas jusquau nom raquo1

453 Les dispositions de la loi de 1989 nrsquoont connu que tregraves peu de modifications et

celles-ci ne consistaient qursquoen des retouches ponctuelles La loi ndeg 2010-242 du 10 mars

20102 avait eu pour objet de faciliter la suspension de lrsquoexeacutecution de la peine qui pouvait ecirctre

assortie drsquoobligations semblables agrave celles de la liberteacute conditionnelle La loi ndeg 2011-525 du

17 mai 20113 a inaugureacute la pratique dite laquo du filtre du filtre4 raquo qui autorisait le preacutesident de la

commission agrave rejeter par ordonnance motiveacutee toute demande en reacutevision manifestement

irrecevable La CNCDH note donc que la laquo matiegravere [connaissait] au moins en substance une

reacuteelle stabiliteacute juridique les reacuteformes intervenant de maniegravere tregraves ponctuelle depuis la

promulgation du code dinstruction criminelle raquo5 Une ouverture leacutegislative aurait pu se faire

jour en 2007 agrave la faveur drsquoune proposition de loi visant agrave accroicirctre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure

de reacutevision des condamnations peacutenales6 Celle-ci nrsquoa toutefois pas eacuteteacute adopteacutee Ainsi lrsquoeacuteternel

deacutebat sur lrsquoinflation leacutegislative7 ne concerne en rien le domaine de la reacutevision Il aura fallu

attendre 2014 pour enfin assister agrave une prise en compte par le leacutegislateur des problegravemes lieacutes

au pourvoi en reacutevision

454 La reacutecente reacuteforme ne paraicirct toutefois pas avoir eacutevacueacute toutes les critiques

formuleacutees agrave lrsquoadresse de la loi de 1989 En effet il semble qursquoelle nrsquoait pas reacuteussi agrave reacutesoudre

1 M GENDREL op cit ndeg 3 laquoLes meilleurs [eacutetudiants] sont davantage soucieux de satisfaire le professeur en eacutevitant par exemple la trop classique confusion avec la reacutehabilitation raquo 2 Loi ndeg 2010-242 du 10 mars 2010 tendant agrave amoindrir le risque de reacutecidive criminelle et portant diverses dispositions de proceacutedure peacutenale 3 Loi ndeg 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et dameacutelioration de la qualiteacute du droit 4 Expression emprunteacutee agrave Madame RADENNE in Rapport drsquoinformation op cit p 213 5 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales deacutefinitives op cit ndeg6 6 Proposition de loi ndeg 3770 visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales op cit 7 J PRADEL laquo Notre Code peacutenal vingt ans agrave peine et deacutejagrave des deacuterives qui nrsquoont pas attendu le nombre des anneacutees - Libre propos par Jean Pradel raquo JCP G 2014 Actualiteacutes p 259 H CROZE Information juridique ndash comment conserver le cap Proceacutedures 2009 Repegravere p 3 D MARTIN Choc de simplification ndash nouvelle incantation ou reacuteelle reacutevolution JCP G 2013 doctrine p 722 E DREYER Le conseil constitutionnel et la matiegravere peacutenale la QPC et les attentes deacuteccedilueshellip JCP G 2011 doctrine p 976 M PARIGUET et O MANSION Impasses et perspectives du risque en matiegravere de responsabiliteacute JCP G 2011 doctrine p 838 laquo (hellip) la norme est deacutevoyeacutee par une inflation leacutegislative sans limite (hellip) raquo J LEBLOIS-HAPPE Continuiteacute et discontinuiteacute dans les nouvelles reacuteformes de la proceacutedure peacutenale JCP G 2007 I p 181 laquoLa proceacutedure peacutenale vient decirctre reacuteformeacutee Laffirmation fait immanquablement naicirctre un sourire sur le visage de tous ceux qui observent eacutetudient ou pratiquent la proceacutedure peacutenale franccedilaise depuis une quinzaine danneacutees Il en va en effet des changements de notre proceacutedure comme des enfants dans certaines familles il y en a un par an et deux les bonnes anneacutees raquo

182

les difficulteacutes lieacutees agrave la preacuteeacuteminence de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la persistance dans la

proceacutedure de reacutevision de lacunes tant structurelles que conjoncturelles

455 Cette reacuteforme inacheveacutee (Titre 1) aurait meacuteriteacutee drsquoecirctre paracheveacutee (Titre 2)

183

Titre 1

Une reacuteforme inacheveacutee

184

456 Monsieur GENDREL fait le lien entre lrsquoindiffeacuterence qui frappait jusqursquoagrave 2014

la reacutevision et une mutation de lrsquoeacutetat drsquoesprit de la socieacuteteacute Lrsquoauteur explique qursquo laquo il y a peu

danneacutees encore la seule affirmation laquo erreur judiciaire raquo mobilisait lopinion publique

juristes et non juristes eacutetroitement unis [hellip] Et voici quaujourdhui lindiffeacuterence geacuteneacuterale

leacutegoiumlsme institutionnaliseacute semble atteindre jusquagrave ce havre eacutemotionnel [hellip] Chacun

recherchera les raisons de ce manque actuel dinteacuterecirct qui dans labolition de la peine capitale

et donc labsence de conseacutequences eacuteventuellement sanglantes de lerreur qui dans la rigueur

scientifique dune proceacutedure peacutenale laquo positive raquo agrave laquelle agrave la Faculteacute mecircme demeurent

reacutefractaires des cerveaux qui se veulent uniquement litteacuteraires qui dans le nombre des recours

en reacutevision (laquo seacuterieux raquo) trop faible pour retenir autrement que ponctuellement lattention des

meacutedias et susciter degraves lors linteacuterecirct populaire raquo1

457 Nous ne partageons pas la position trancheacutee de lrsquoauteur En effet malgreacute lrsquoinertie

du leacutegislateur par rapport agrave la reacutevision lrsquoerreur judiciaire a toujours paradoxalement susciteacute

son inteacuterecirct et celui de lrsquoopinion publique Dans le chapitre 1 nous soulignerons que le

leacutegislateur a toujours deacuteployeacute des efforts pour eacuteviter les erreurs judiciaires Mais eacutetait-il

vraiment possible de lutter efficacement contre lrsquoerreur judiciaire tout en maintenant durant de

longues anneacutees une leacutegislation et une jurisprudence restrictives en matiegravere de reacutevision Le

leacutegislateur a confirmeacute agrave travers la loi ndeg 2014-640 du 20 juin 2014 que le renforcement de la

reacuteparation de lrsquoerreur judiciaire devait srsquoorganiser autour drsquoune reacuteforme du pourvoi en

reacutevision Ainsi la reacuteforme traduit un revirement dans la strateacutegie leacutegislative (Chapitre 1)

458 Les nouvelles dispositions sont-elles agrave mecircme drsquoassouplir les conditions drastiques

drsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision contenues dans la loi de 1989 et surtout entraicircneront-

elles un changement de cap jurisprudentiel A priori nous serions tenteacutes de reacutepondre

affirmativement agrave cette question En effet la reacuteforme retouche la loi de 1989 tant sur le plan

structurel que conjoncturel Toutefois les solutions proposeacutees nrsquoeffacent pas les stigmates

issus de lrsquoenracinement de la logique oppositionnelle entre la reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee (Chapitre 2)

1 M GENDREL op cit ndeg3

185

CHAPITRE 1 UNE NOUVELLE STRATEGIE

LEGISLATIVE DE LUTTE CONTRE LrsquoERREUR

JUDICIAIRE

459 Lrsquoanneacutee 2014 a eacuteteacute un tournant en matiegravere de reacutevision Lrsquoimmobilisme anteacuterieur

du leacutegislateur en matiegravere de reacutevision sera mis en avant (Section 1) et nous permettra

drsquoexpliquer lrsquoavegravenement de la loi du 20 juin 2014 perccedilu comme le signal drsquoune rupture avec

le positionnement anteacuterieur (Section 2)

Section 1 1989 ndash 2013 lrsquoimmobilisme du leacutegislateur en

matiegravere de reacutevision

460 Pendant de longues anneacutees la proceacutedure de reacutevision a eacuteteacute la laquo grande oublieacutee raquo1

de la proceacutedure peacutenale (sect 1) En reacutealiteacute il ne srsquoagissait pas drsquoun veacuteritable oubli mais plutocirct du

choix du leacutegislateur qui se refusait agrave intervenir dans le domaine du pourvoi en reacutevision Ce

silence a eacuteteacute compenseacute par drsquoautres moyens juridiques tendant agrave seacutecuriser en amont la

proceacutedure peacutenale de maniegravere agrave limiter les effets de lrsquoinertie du leacutegislateur en matiegravere de

reacutevision Ces succeacutedaneacutes ne se sont pas toujours aveacutereacutes drsquoune tregraves grande efficaciteacute En effet

les moyens mis en place en amont de la reacutevision se sont aveacutereacutes insuffisants pour eacutecarter le

risque de lrsquoerreur judiciaire (sect2)

sect 1 La reacutevision laquo grande oublieacutee raquo de la proceacutedure peacutenale

461 Pourquoi a-t-il fallu attendre 2014 pour connaicirctre une eacutevolution du droit de la

reacutevision Cette question est leacutegitime en raison des multiples faiblesses de la loi de 1989 Ces

atermoiements srsquoexpliquent par le fait que toute intervention leacutegislative dans le domaine de la

reacutevision srsquoavegravere deacutelicate2 Il nrsquoest donc pas inutile de srsquointerroger sur les raisons de cette

laquo regrettable indiffeacuterence raquo3 (A) Meilleure sera la compreacutehension des raisons ayant inciteacute le

1 Expression emprunteacutee agrave P COUVRAT op cit p785 2 P ARPAILLANGE JO deacutebats Assembleacutee Nationale 29 nov 1988 p 2844 3 Expression emprunteacutee agrave Monsieur M GENDREL op cit ndeg4

186

leacutegislateur agrave ne pas intervenir plus tocirct mieux les effets de la reacuteforme pourront ecirctre appreacutecieacutes

Le pourvoi en reacutevision est le seul outil qui offre la possibiliteacute de reacuteparer lrsquoerreur judiciaire

Aussi faudrait-il en conclure que le temps perdu traduisait un deacutesinteacuterecirct du leacutegislateur pour la

cause de lrsquoerreur judiciaire

462 Ce deacutesinteacuterecirct agrave lrsquoeacutegard du pourvoi en reacutevision ne signifie pas pour autant de la

part du leacutegislateur une volonteacute drsquoeacuteluder la question Malgreacute son attentisme en matiegravere de

reacutevision il srsquoest toujours employeacute agrave prendre en amont des preacutecautions utiles au combat de

lrsquoerreur judiciaire (B)

A Les raisons de lrsquoindiffeacuterence du leacutegislateur

463 Deux raisons peuvent expliquer lrsquoindiffeacuterence que le leacutegislateur a pu afficher agrave

lrsquoeacutegard du pourvoi en reacutevision une explication drsquoordre juridique consistant en un

attachement tregraves fort agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee (1) et une raison drsquoordre plus

psychologique ou subjective lieacutee agrave la difficulteacute pour lrsquoHomme et lrsquoinstitution judiciaire de

reconnaicirctre ses erreurs (2)

1 Une explication drsquoordre juridique

464 Le leacutegislateur en matiegravere de reacutevision intervient dans un domaine sensible qui

touche agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee1 En effet toute intervention sur la reacutevision est perccedilue

comme ayant pour effet drsquoeacutegratigner ce principe cardinal Monsieur GENDREL a deacutecrit la

situation du leacutegislateur qui se trouve laquo placeacute agrave chaque instant devant leacutepeacutee de Damoclegraves de

leffondrement de la chose jugeacutee raquo2

465 Le deacutesinteacuterecirct du leacutegislateur pour la proceacutedure de reacutevision et ce malgreacute une

jurisprudence hostile agrave lrsquoesprit de la loi pouvait ecirctre interpreacuteteacute comme une volonteacute de proteacuteger

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Ce manque drsquoinclination pour la reacutevision a mecircme pu ecirctre perccedilu

comme une censure le leacutegislateur srsquointerdisant de srsquoattaquer agrave la chose jugeacutee Monsieur

MONGIBEAUX dans sa thegravese parlait drsquoune sacralisation laquo quasi feacutetichiste raquo 3 de lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee Une telle vision des choses est particuliegraverement deacuterangeante car

laquo lrsquoinstitution de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee socialement indispensable pour eacuteviter que les

procegraves ne srsquoeacuteternisent nrsquoen est pas moins entacheacutee drsquoun vice congeacutenital elle fait triompher la

1 C PAUL-LOUBIERE laquo Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee gage de la seacutecuriteacute juridique raquo D 2009 p 1060 2 M GENDREL op cit ndeg4 3 P MONGIBEAUX op cit p 11

187

valeur de seacutecuriteacute sur la valeur de justice raquo1 Pousseacute agrave lrsquoextrecircme ce raisonnement eacuterige cette

autoriteacute en un dogme quasi intouchable et pourrait conduire agrave preacutefeacuterer lrsquoinjustice au deacutesordre2

donnant ainsi tout son sens agrave lrsquooxymore emprunteacute agrave Maicirctre BREDIN laquo deacutetruits au nom de la

justice raquo3 Entre deux maux affaiblir cette autoriteacute ou maintenir en lrsquoeacutetat un droit non

satisfaisant le leacutegislateur srsquoagissant de la reacutevision avait preacutefeacutereacute donner lrsquoavantage agrave lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee

466 Les difficulteacutes auxquelles le leacutegislateur se trouve confronteacute degraves lors qursquoil

intervient agrave propos de la reacutevision sont lieacutees aux justifications traditionnelles de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee tant positive que neacutegative Celles-ci contribuent largement agrave entretenir des

relations conflictuelles entre les deux protagonistes Crsquoest ainsi que le leacutegislateur se retrouve

dans une position drsquoarbitre entre deux enjeux contradictoires drsquoun cocircteacute la preacuteservation de la

stabiliteacute et de lrsquoautre cocircteacute lrsquoindispensable reacuteparation des erreurs judiciaires Or srsquoagissant de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee les justifications habituellement mises en avant suscitent des

interrogations sur le plan juridique

467 Leur remise en cause et plus particuliegraverement celles concernant lrsquoaspect neacutegatif

permettrait drsquoentrevoir la rupture du lien unissant traditionnellement lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee agrave la regravegle ne bis in idem Cette seacuteparation favoriserait le retour agrave la conception

originelle de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la fin de la deacuteformation de ses fonctions Cette

nouvelle approche pourrait mettre fin au malaise existant

468 A cette raison drsquoordre juridique viennent srsquoajouter des consideacuterations plus

subjectives

2 Une explication drsquoordre psychologique

469 Il peut exister des freins drsquoordre psychologique qui sont de nature agrave entraver

lrsquoaction du leacutegislateur voire des juges en matiegravere de reacutevision

470 Le terme laquo reacuteviser raquo permet de revenir sur une situation anteacuterieure faussement

appreacutecieacutee Srsquoagissant des magistrats des juridictions de reacutevision il leur revient drsquoadmettre

laquo que lrsquoinstitution judiciaire ndash avec laquelle ils font corps ndash a failli raquo4 Ainsi peuvent-ils

1 H MOTULSKY op cit p1 2 JW Von GOETHE Le siegravege de Mayence eacuted La bibliothegraveque digitale laquo Jaime mieux une injustice quun deacutesordre raquo 3 J - D BREDIN laquo La justice et lerreur raquo Le Monde 1er juill 1989 p 1 et 2 4 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de J-Y LE BORGNE p 165

188

ressentir un certain malaise Selon Maicirctre LE BORGNE cette situation serait en drsquoautres

circonstances qualifieacutee de conflit drsquointeacuterecirct Lrsquoavocat ajoute que laquo chaque reacutevision qursquoon

laisse srsquoouvrir est un soupccedilon sur la fiabiliteacute de la Justice et sur la compeacutetence de ceux qui

srsquoexpriment en son nom Chaque reacutevision qursquoon admet est un constat de faillite un coup porteacute

agrave lrsquoinstitution une deacutevalorisation de tous les jugements et arrecircts porteacutes au fil du temps raquo1

Pour ce qui est du leacutegislateur toute intervention dans le domaine de la reacutevision le conduit agrave

reconnaicirctre les imperfections de la justice voire ses faiblesses et celles des juges dans la quecircte

de veacuteriteacute

471 La reconnaissance drsquoune erreur commise par la justice peacutenale nrsquoest pas propre agrave

la reacutevision2 Lrsquoerreur peut se reacuteveacuteler agrave lrsquooccasion drsquoun appel3 conduisant agrave lrsquoinfirmation drsquoune

condamnation rendue en premiegravere instance Cette situation se retrouve dans le cadre de la

proceacutedure de reacuteparation du dommage mateacuteriel et moral causeacute par une deacutetention provisoire agrave la

suite drsquoune deacutecision de non-lieu relaxe ou acquittement4 ou encore dans la proceacutedure de

reacuteparation des dysfonctionnements de la justice conseacutecutifs agrave une faute lourde ou agrave un deacuteni de

justice5 Toutefois srsquoagissant du pourvoi en reacutevision la particulariteacute est que lrsquoerreur entache

une deacutecision deacutefinitive Aussi cette erreur repeacutereacutee qursquoau stade ultime du cheminement

judiciaire apparaicirct-elle plus deacuterangeante que lrsquoinfirmation drsquoun jugement en appel

472 La difficulteacute agrave reconnaicirctre une erreur de quelque type qursquoelle soit a eacuteteacute eacutevoqueacutee

au plan philosophique par KANT dans laquo critique de la raison pure raquo6 Lrsquoeacutevaluation de la

contribution philosophique kantienne par rapport agrave la reacutevision neacutecessite de mettre en relation

la doctrine du philosophe allemand avec la cosmologie grecque des stoiumlciens avec laquelle

elle a rompu

473 Drsquoapregraves les anciens philosophes grecs lrsquounivers peut se deacutefinir comme un

cosmos7 laquo un ordre comparable agrave ce qursquoun biologiste ou un meacutedecin observe lorsqursquoil ouvre

le ventre drsquoun lapin ou drsquoune souris et qursquoil examine agrave quoi ressemble un organisme

1 Ibid 2 Y MAYAUD op cit p 144 laquo Les manifestations de lrsquoerreur en droit peacutenal sont nombreuses et varieacutees Le constat est trop grave pour ne pas entrainer de reacuteaction tant au regard des faits que du droit raquo 3 Pour lrsquoappel en matiegravere correctionnelle V articles 496 et s CPP pour lrsquoappel en matiegravere criminelle V articles 380-1 et s CPP 4 V articles 149 agrave 150 et R 26 agrave R 40-22 CPP 5 V article L 141-1 COJ 6 E KANT Critique de la raison pure Traduction de J BARNI Ed G Bailliegravere Paris 1869 7 L FERRY deacutefinit le cosmos comme laquo un ordre magnifique et merveilleusement bien fait raquo

189

vivant raquo1 Cette repreacutesentation du monde fait de la connaissance une laquo simple activiteacute de

deacutevoilement raquo2 donnant ainsi lrsquoillusion aux hommes de pouvoir acceacuteder facilement agrave la

connaissance et ce dans quelque domaine que ce soit Appliqueacute au juge cela signifie que la

mission de juger consiste agrave lever le voile sur quelque chose de preacuteexistant Cette philosophie

place le juge dans un rocircle essentiellement contemplatif par rapport agrave une situation donneacutee Le

philosophe Gaston BACHELARD reacutesume ainsi cette vision de la connaissance laquo tout est

donneacute rien nrsquoest construit raquo3 Pousseacutee agrave lrsquoextrecircme cette philosophie exclut pour le

leacutegislateur tout questionnement sur le pourvoi en reacutevision en vertu de lrsquoimpossible erreur du

juge contemplatif Or selon KANT la situation est inverseacutee rien nrsquoest donneacute tout est

construit Ce postulat modifie consideacuterablement la repreacutesentation du juge et donne tout son

sens agrave la neacutecessiteacute de disposer de textes et drsquoune jurisprudence qui ne soient pas hostiles par

principe agrave lrsquoideacutee de reacutevision KANT a deacutemontreacute que contrairement au monde clos du cosmos

lrsquoespace et le temps sont infinis Le monde apparaicirct en reacutealiteacute comme un chaos deacutenueacute de

sens4 Chaque ecirctre humain et a fortiori le juge laquo eacutevolue deacutesormais dans un monde infini et

chaotique ougrave le sens fait deacutefaut En cela il se trouve logeacute agrave la mecircme enseigne que ce libertin

de Pascal que laquo le silence des espaces infinis effraie5raquo

474 Cette nouvelle perception du monde a profondeacutement bouleverseacute les grands esprits

du XVII siegravecle car laquo elle rend tout incertain raquo6 et modifie consideacuterablement le sens de

lrsquoactiviteacute de juger Pour remettre de lrsquoordre dans le chaos le juge ne peut plus ecirctre seulement

contemplatif il doit laquo introduire de lrsquoexteacuterieur raquo7 crsquoest-agrave-dire de la subjectiviteacute Son rocircle ne

consiste plus dans laquo la contemplation passive drsquoun ordre deacutejagrave lagrave elle (la mission de juger)

devient au contraire une pratique une activiteacute de lrsquoesprit [hellip] qui dans ce non-sens absolu

qui nous entoure consistera agrave introduire presque de force en tout cas de lrsquoexteacuterieur des

liaisons senseacutees et coheacuterentes entre les choses entre les eacutevegravenements [hellip] On reliera des

causes et des effets et crsquoest lrsquohomme qui sur un mode actif reliera entre eux les pheacutenomegravenes

1 L FERRY Kant et les Lumiegraveres ndash la science et la morale Ed Figaro Collection sagesse drsquohier et drsquoaujourdrsquohui 2013 p 9 2 Ibid p 11 3 G BACHELARD La formation de lrsquoesprit scientifique Paris Librairie philosophique Vrin 1999 (1er eacutedition 1938) Chapitre 1 4 KOYRE Du monde clos agrave lrsquounivers infini (1957) laquo La reacutevolution scientifique engendre la destruction de lrsquoideacutee de cosmos [hellip] la destruction du monde conccedilu comme un tout fini et bien ordonneacute dans lequel la structure spatiale incarnait une hieacuterarchie des valeurs et de perfection [hellip] et la substitution agrave celui-ci drsquoun Univers indeacutefini et mecircme infini ne comportant plus aucune hieacuterarchie naturelle et uni seulement par lrsquoidentiteacute des lois qui le reacutegissent raquo citeacute par L FERRY op cit p 15 5 L FERRY op cit p 8 6 Ibid 7 Ibid

190

[hellip] Lrsquoesprit nrsquoest plus cette sorte de boite de conserve ougrave les ideacutees seraient disposeacutes comme

des petits pois lrsquoesprit se fait praxis il prend la forme drsquoune activiteacute voueacutee agrave relier les choses

entre elles raquo1 De facto le juge peut se tromper Cette nouvelle approche a ouvert la voie aux

philosophies du soupccedilon en instillant le doute sur la veacuteriteacute et la justesse des jugements rendus

par des hommes Aussi la penseacutee de KANT peut-elle contribuer agrave expliquer la prudence du

leacutegislateur en matiegravere de reacutevision Monsieur NAJARIAN srsquoen inspirant souligne dans thegravese

que laquo le danger et crsquoest le seul crsquoest de croire qursquoen reacutepeacutetant le mecircme procegraves peacutenal on

arriverait agrave un meilleur reacutesultat raquo2

475 Pour autant lrsquoattitude reacuteserveacutee voire timoreacutee du leacutegislateur ne doit pas ecirctre

obligatoirement interpreacuteteacutee comme de lrsquoindiffeacuterence face agrave lrsquoerreur judiciaire Celle-ci a

toujours eacuteteacute combattue en agissant en amont de lrsquoacquisition du caractegravere deacutefinitif de la

deacutecision En quelque sorte le leacutegislateur voulait en matiegravere de reacutevision pallier ses propres

faiblesses en multipliant les garde-fous proceacuteduraux afin de garantir la manifestation de la

veacuteriteacute La consolidation continuelle des garanties proceacutedurales du procegraves a renforceacute pour le

leacutegislateur la conviction de pouvoir se passer drsquoune reacuteforme de la reacutevision Crsquoest pourquoi

plutocirct que de se pencher sur la reacutevision il a longtemps preacutefeacutereacute srsquoabriter derriegravere divers

ameacutenagements du procegraves peacutenal De cette faccedilon il a pu contourner la difficulteacute lieacutee au caractegravere

deacutefinitif drsquoune deacutecision

B La seacutecurisation de la proceacutedure peacutenale en amont de la reacutevision

476 Madame le Professeur LAZERGES eacutevoque trois principaux garde-fous pour se

proteacuteger du risque de lrsquoerreur judiciaire3 la preacutevention par lrsquoeacutethique du juge le principe de

colleacutegialiteacute et les voies de recours

477 Srsquoagissant de lrsquoeacutethique Madame le Professeur LAZERGES fait reacutefeacuterence au

discours de la rentreacutee judiciaire de 2006 tenu par le premier preacutesident de la Cour de cassation

Monsieur CANIVET qui a insisteacute sur lindispensable culture du doute de lhumaniteacute et de

lhumiliteacute chez les magistrats laquo Pour tout juge le prochain son prochain cest le justiciable la

femme ou lhomme qui est devant lui qui deacutepend de lui quil le veuille ou non entre eux se

tisse un lien seacutechange un regard qui oblige le juge agrave ecirctre juste agrave rendre justice Attendre de

lui ce comportement exige une qualiteacute essentielle la justesse (hellip) raquo Au fil du temps le

1 Ibid p18 2 K NAJARIAN op cit p 292 3 C LAZERGES op cit p 709

191

leacutegislateur a constitueacute un laquo bloc eacutethique raquo1 qui srsquoarticule autour de larticle 6 de lordonnance

du 22 deacutecembre 1958 relative au statut de la magistrature2 larticle 353 du Code de proceacutedure

peacutenale concernant la proceacutedure dassises3 larticle 304 du mecircme code4 ainsi que de son article

preacuteliminaire

477 Mais lrsquoeacutethique du magistrat agrave elle seule ne peut suffire agrave preacutevenir les erreurs

judiciaires Elle doit srsquoaccompagner de garanties concregravetes susceptibles drsquoeacuteviter les accidents

judiciaires Crsquoest pourquoi le renforcement de la colleacutegialiteacute et des voies de recours souhaiteacute

par Madame le Professeur LAZERGES ont eacuteteacute pris en compte par le leacutegislateur au moment de

lrsquoinstauration de lrsquoappel criminel (1) et de la reacuteforme de lrsquoinstruction (2)

1 Lrsquoinstauration de lrsquoappel criminel

478 Jusqursquoen 2000 la cour drsquoassises se singularisait par le caractegravere de ses arrecircts

rendus sans appel possible5 Il srsquoagissait lagrave drsquoun eacutetrange paradoxe En effet il eacutetait possible

drsquointerjeter appel drsquoune deacutecision drsquoun tribunal civil prononccedilant un jugement de divorce ou

drsquoun jugement correctionnel Les lourdes peines criminelles rendues par une cour drsquoassises ne

pouvaient quant agrave elles ecirctre frappeacutees drsquoappel

479 Le leacutegislateur srsquoeacutetant engageacute en 1989 agrave libeacuteraliser le pourvoi en reacutevision par

rapport au Code drsquoinstruction criminelle a pris une deacutecision paradoxale en interdisant

parallegravelement lrsquoappel pour les arrecircts drsquoassises Ce paradoxe reacutevegravele une contradiction entre le

1 Expression emprunteacute agrave Madame le Professeur LAZERGES laquo De lrsquoeacutecriture agrave lrsquousage de lrsquoarticle preacuteliminaire du Code de proceacutedure peacutenale raquo in Meacutelanges en lhonneur de R OTTENHOF op cit p 71 2 laquo Je jure de bien et fidegravelement remplir mes fonctions de garder religieusement le secret des deacutelibeacuterations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat raquo 3 laquo Avant que la cour dassises se retire le preacutesident donne lecture de linstruction suivante qui est en outre afficheacutee en gros caractegraveres dans le lieu le plus apparent de la chambre des deacutelibeacuterations Sous reacuteserve de lexigence de motivation de la deacutecision la loi ne demande pas compte agrave chacun des juges et jureacutes composant la cour dassises des moyens par lesquels ils se sont convaincus elle ne leur prescrit pas de regravegles desquelles ils doivent faire particuliegraverement deacutependre la pleacutenitude et la suffisance dune preuve elle leur prescrit de sinterroger eux-mecircmes dans le silence et le recueillement et de chercher dans la sinceacuteriteacute de leur conscience quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapporteacutees contre laccuseacute et les moyens de sa deacutefense La loi ne leur fait que cette seule question qui renferme toute la mesure de leurs devoirs Avez-vous une intime conviction raquo 4 laquo Le preacutesident adresse aux jureacutes debout et deacutecouverts le discours suivant Vous jurez et promettez dexaminer avec lattention la plus scrupuleuse les charges qui seront porteacutees contre X de ne trahir ni les inteacuterecircts de laccuseacute ni ceux de la socieacuteteacute qui laccuse ni ceux de la victime de ne communiquer avec personne jusquapregraves votre deacuteclaration de neacutecouter ni la haine ou la meacutechanceteacute ni la crainte ou laffection de vous rappeler que laccuseacute est preacutesumeacute innocent et que le doute doit lui profiter de vous deacutecider dapregraves les charges et les moyens de deacutefense suivant votre conscience et votre intime conviction avec limpartialiteacute et la fermeteacute qui conviennent agrave un homme probe et libre et de conserver le secret des deacutelibeacuterations mecircme apregraves la cessation de vos fonctions Chacun des jureacutes appeleacute individuellement par le preacutesident reacutepond en levant la main Je le jure raquo 5 laquo Derniegravere condamnation avant linstitution de lappel des deacutecisions dassises raquo ndash Cour de cassation crim 22 novembre 2000 ndash D 2001 p 523

192

dogme de lrsquoinfaillibiliteacute du jury1 et lrsquoesprit leacutegislatif de 1989 Aujourdrsquohui les articles 380 ndash

1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale2 preacutecisent les conditions dans lesquelles sont

interjeteacutes les appels contre les arrecircts drsquoassises Lrsquoarticle preacuteliminaire III alineacutea 5 du Code de

proceacutedure peacutenale aux termes duquel laquo toute personne a le droit de faire examiner sa

condamnation par une autre juridiction raquo srsquoarroge enfin tout son sens3

480 Lrsquoinstauration de lrsquoappel en cour drsquoassises constitue lrsquoun des principaux moyens

pour lutter contre les erreurs judiciaires laquo Cest la volonteacute de preacutevenir les erreurs judiciaires

qui a conduit le leacutegislateur agrave remettre en cause lideacutee eacuterigeacutee en principe de linfaillibiliteacute

populaire raquo4

481 Un deuxiegraveme levier a eacuteteacute actionneacute par le leacutegislateur pour atteacutenuer la dureteacute du

pourvoi en reacutevision Il srsquoagit de reacuteformer lrsquoinstitution du juge drsquoinstruction personnage

central de la matiegravere criminelle qui sort de sa solitude

2 La colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction

482 Certaines affaires judiciaires fortement meacutediatiseacutees et exposeacutees agrave un climat

passionnel encouragent agrave reacutefleacutechir sur le rocircle de la Justice Ce fut le cas de lrsquoaffaire Outreau5

veacuteritable laquo cataclysme judiciaire 6raquo du printemps 2004 Malgreacute toutes les critiques dont a fait

lrsquoobjet la commission drsquoenquecircte parlementaire deacutesigneacutee agrave la suite de cette affaire7 elle a

permis de soulever divers dysfonctionnements constateacutes agrave tous les eacutechelons de lrsquoappareil

judiciaire8

1 M LEMONDE laquo Lrsquoappel en matiegravere criminel le beurre et lrsquoargent du beurre raquo in Justices Justice et double degreacute de juridiction ndeg 4 1996 Dalloz p 96 2 Loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption dinnocence et les droits des victimes qui fut compleacuteteacutee par la loi ndeg 2002-307 du 4 mars 2002 compleacutetant la loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption dinnocence et les droits des victimes 3 Cependant ce texte nrsquoapporte pas de deacutefinition preacutecise sur le sens du nouvel examen (en fait ou en droit) ni sur la supeacuterioriteacute de la juridiction caractegravere pourtant laquo inheacuterent raquo agrave la notion drsquoappel V F FOURMENT Proceacutedure peacutenale op cit p 311 4 Rapport drsquoinformation ndeg 3501 sur lrsquoeacutevaluation de la loi ndeg 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la protection de la preacutesomption drsquoinnocence et les droits des victimes preacutesenteacute par Mme C LAZERGES 20 deacutecembre 2001 p 17 Accessible sur httpwwwassemblee-nationalefrrap-infoi3501asp 5 D LEGRAND Regard critique sur les propositions de reacuteforme de lrsquoinstruction AJ Peacutenal 2006 p 333 laquo On regrettera quil ait fallu cette affaire effectivement deacutesastreuse par lampleur des preacutejudices humains quelle a causeacutes pour que les parlementaires laquo deacutecouvrent raquo les conditions de fonctionnement de la justice et la mise en œuvre des lois quils ont voteacutees raquo 6 S GUINCHARD laquo De lrsquoirresponsabiliteacute des juges drsquoinstruction pour combien de temps encore raquo in le droit peacutenal agrave lrsquoaube du droit troisiegraveme milleacutenaire meacutelanges offerts agrave Jean Pradel op cit p 349 et s 7 V en ce sens D LEGRAND op cit p333 8 F SAINT PIERRE laquoReacuteforme de linstruction judiciaire 2010 lanneacutee de la crise aigueuml AJ peacutenal 2010 p 427

193

483 En particulier elle srsquoest beaucoup questionneacutee sur le rocircle du juge drsquoinstruction

laquo Faut-il choisir la reacutevolution et ceacuteder ainsi agrave la tentation laquo jugicide raquo en supprimant purement

et simplement leacutepouvantail Le maintenir en leacutetat et pencher vers le statu quo en tendant

leacutechine Le remplacer par un composeacute colleacutegial de trois magistrats Nous voilagrave bien

embecircteacutes raquo1 Degraves les anneacutees cinquante des voix comme celle du Professeur DONNEDIEU DE

VABRES2 srsquoeacutetaient eacuteleveacutees pour faire sortir le juge drsquoinstruction de sa solitude et introduire

du contradictoire dans lrsquoinformation judiciaire La commission parlementaire avait enfin

entendu ce message et remis en cause la tradition franccedilaise qui fait du juge drsquoinstruction juge

unique laquo lrsquohomme le plus puissant de France raquo3 La loi du 5 mars 20074 avait donc preacutevu

qursquoagrave partir du 1er janvier 2010 les deacutecisions drsquoinstruction les plus graves appartiendraient agrave

un collegravege composeacute de trois magistrats permettant ainsi la colleacutegialiteacute pour les affaires les

plus importantes

484 Le 13 juin 2006 le Ministre Pascal CLEMENT dans son discours inaugural de

lrsquoexposition en meacutemoire du capitaine DREYFUS a deacuteclareacute laquo qursquoeacuteviter les erreurs judiciaires

crsquoest donner la possibiliteacute aux magistrats de travailler en eacutequipe et de pouvoir confronter leurs

avis avec des magistrats plus expeacuterimenteacutes raquo Crsquoest pourquoi selon lui laquo la creacuteation des

pocircles de lrsquoinstruction transformera la culture judiciaire et sera une garantie pour tous les

justiciables raquo Madame le Professeur LAZERGES exprime avec encore plus drsquoacuiteacute le lien

entre la colleacutegialiteacute et lrsquoerreur judiciaire en indiquant que laquo la preacutevention des erreurs

judiciaires passe par [hellip] la colleacutegialiteacute5 raquo Il existe donc un hiatus entre la reacuteforme de

lrsquoinstruction objet de toutes les attentions dans le cadre de la preacutevention des erreurs

judiciaires le pourvoi en reacutevision proceacutedure deacutelaisseacutee alors que son but consiste agrave reacuteparer les

erreurs judiciaires

485 Il convient donc de mesurer lrsquoefficaciteacute de la strateacutegie choisie jusque 2013 Les

moyens deacuteployeacutes au cours du procegraves peacutenal eacutetaient-ils suffisants pour eacuteviter tout malentendu

judiciaire Dans lrsquoaffirmative la situation juridique telle qursquoelle a eacuteteacute deacutecrite dans la premiegravere

partie aurait pu trouver gracircce agrave nos yeux Dans la neacutegative il faudra que toutes les faiblesses

de la loi de 1989 soient reacutepareacutees par la reacuteforme Il srsquoavegravere qursquoune action en amont de la

reacutevision ne peut suffire agrave eacuteradiquer lrsquoerreur judiciaire (sect 2)

1 F DEFFERRARD Le juge drsquoinstruction retrouveacute D 2006 p 1908 2 H DONNEDIEU DE VABRES laquo La reacuteforme de linstruction preacuteparatoire raquo RSC 1949 p 499 3 Propos attribueacutes agrave Balzac ou agrave Napoleacuteon 4 Loi du 5 mars 2007 ndeg 2007-291 du 5 mars 2007 tendant agrave renforcer leacutequilibre de la proceacutedure peacutenale 5 C LAZERGES Reacuteflexions sur lrsquoerreur judiciaire op cit p 709

194

sect 2 Lrsquoinsuffisance drsquoune action en amont de la reacutevision

486 Les moyens deacuteployeacutes en amont de lrsquoacquisition de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

sont en reacutealiteacute insuffisants pour eacutecarter le risque de lrsquoerreur judiciaire A cette fin le pourvoi

en reacutevision constitue le seul outil de reacuteparation Les mesures de preacutecaution prises avant

lrsquoeacutecheacuteance du caractegravere deacutefinitif de la deacutecision devaient donc obligatoirement ecirctre

accompagneacutees drsquoune reacuteforme de la reacutevision

487 En effet le droit est une matiegravere perfectible Ni lrsquoappel criminel ni la colleacutegialiteacute

de lrsquoinstruction ne constitue un garde-fou parfaitement efficace contre lrsquoerreur judiciaire (A)

Une justice parfaite relegraveve drsquoun vœu pieu Aussi la veacuteriteacute judiciaire doit-elle ecirctre deacutemystifieacutee

(B)

A Des reacuteformes toujours perfectibles

488 Parmi les reacuteformes reacutealiseacutees en amont du pourvoi en reacutevision nous avons eacutevoqueacute

celles concernant lrsquoappel criminel (1) et la colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction (2) Nous pourrions

multiplier les exemples qui traduisent la volonteacute du leacutegislateur drsquoameacuteliorer lrsquoefficaciteacute de la

justice peacutenale Les deux reacuteformes citeacutees ont eacuteteacute choisies car elles se recoupent avec la

reacutevision Lrsquoappel criminel peut reacuteparer des faiblesses du dossier avant qursquoelles ne se

transforment en erreur judiciaire Lrsquoaction de la reacutevision a pour effet drsquoaneacuteantir une deacutecision

rendue par une juridiction de jugement Or pour les crimes et les deacutelits complexes leurs

auteurs sont renvoyeacutes devant les tribunaux par le juge drsquoinstruction1 Srsquoagissant de ces deux

reacuteformes lrsquointervention du leacutegislateur avait eacuteteacute plus aiseacutee En effet dans ces deux cas aucune

deacutecision deacutefinitive nrsquoa eacuteteacute remise en cause et il ne srsquoagissait pas de reconnaitre lrsquoexistence

drsquoune erreur judiciaire car agrave ce stade elle ne peut pas exister Toutefois lrsquoappel criminel (1) et

la colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction (2) sont des outils utiles dont lrsquoambition reste agrave prouver

1 Lrsquoappel criminel un outil utile mais insuffisant dans la lutte contre

lrsquoerreur judiciaire

489 La difficulteacute centrale consistait pour le leacutegislateur agrave concilier les inteacuterecircts de la

justice populaire avec la neacutecessiteacute de porter lrsquoappel devant une juridiction supeacuterieure2 Cette

1 Article 79 CPP laquo Linstruction preacuteparatoire est obligatoire en matiegravere de crime sauf dispositions speacuteciales elle est facultative en matiegravere de deacutelit raquo 2 F FOURMENT Proceacutedure peacutenale op cit p 313

195

conciliation a pu se faire agrave travers lrsquoinstauration drsquoun systegraveme drsquoappel original lrsquoappel dit

circulaire ou tournant1 qui consiste agrave faire rejuger lrsquoaffaire devant une nouvelle Cour

drsquoassises deacutesigneacutee par la chambre criminelle Cette pratique judiciaire offre une laquo nouvelle

chance raquo 2 au condamneacute par opposition agrave la proceacutedure classique de lrsquoappel plutocirct consideacutereacutee

comme un controcircle de la technique juridique utiliseacutee Contrairement agrave une juridiction drsquoappel

correctionnelle qui statue pour infirmer ou confirmer la deacutecision initiale la cour drsquoassises

drsquoappel rejuge lrsquoensemble de lrsquoaffaire ce qui peut conduire agrave opposer cet appel absolu agrave

lrsquoappel relatif classique3 laquoLrsquoappel traditionnel de controcircle induit lrsquoideacutee drsquoune veacuterification de

la technique juridique appliqueacutee par des magistrats agrave la compeacutetence institutionnellement

reconnue Au contraire lrsquoappel circulaire dit de nouvelle chance sous - tend lrsquoideacutee plus

pessimiste que la Justice quelles que soient la composition et lrsquoorganisation des tribunaux

reste une institution faillible4 raquo

490 De surcroicirct cet appel controverseacute se trouverait agrave la lisiegravere de la hieacuterarchisation

des juridictions dans le sens ougrave la preacutesence de trois jureacutes suppleacutementaires ne suffirait pas agrave

elle seule agrave confeacuterer agrave la juridiction drsquoappel une supeacuterioriteacute hieacuterarchique5 A cela srsquoajoute que

dans la plupart des cas les erreurs deacutenonceacutees de nature agrave porter le doute sur la pertinence de

la deacutecision ont eacuteteacute commises dans les premiers jours voir les premiegraveres heures des

investigations judiciaires6 Il est donc eacutevident qursquoune proceacutedure drsquoappel effective plusieurs

anneacutees apregraves le premier procegraves ne peut absorber ces difficulteacutes7

491 Enfin un autre motif de critique concerne les pouvoirs du preacutesident de la Cour

drsquoassises8 qui est tenu drsquoexercer son rocircle de maniegravere objective Il ne peut ecirctre ni lrsquoavocat de

lrsquoaccusation ni celui de la deacutefense laquo mais une balance placcedilant dans chacun de ses plateaux les

preuves de lrsquoune et de lrsquoautre avec pour seul objectif drsquoatteindre la veacuteriteacute sans exprimer ni

mecircme faire entrevoir son opinion raquo9 Or il a pu lui ecirctre reprocheacute notamment concernant la

1 W ROUMIER Pour en finir avec une reacuteforme inacheveacutee agrave propos de lrsquoappel des deacutecisions en matiegravere criminelle Dr peacutenal 2003 p 28 2 JFCHASSAING Lrsquoappel des arrecircts des cours drsquoassises le poids de lrsquohistoire op cit 3 Ibid 4 JF CHASSAING lrsquoappel des arrecircts des cours drsquoassises le poids de lrsquohistoire op cit 5 ML RASSAT propositions de reacuteforme du code de proceacutedure peacutenale op cit p 28 6 ML RASSAT propositions de reacuteforme du code de proceacutedure peacutenale op cit p 22 7 JLELIEUR op cit ndeg 665 laquo Plus le temps passe plus les chances de deacutecouvrir la veacuteriteacute srsquoamoindrissent Les preuves srsquoeacutemoussent srsquoaffaiblissent encourent le risque drsquoecirctre deacuteformeacutees Le souvenir humain perd en preacutecision gagne reacuteciproquement en subjectiviteacute Lrsquoexactitude des teacutemoignages peut en souffrir en deacutepit de la sinceacuteriteacute de leur auteur raquo 8 D ROETS impartialiteacute et justice peacutenale op cit p162 9 W ROUMER op cit p 295

196

condamnation drsquoOmar RADDAD1 drsquoeacutepauler lrsquoaction du ministegravere public et drsquouser des

avantages de sa position dominante2

492 Enfin la motivation encore trop lapidaire des deacutecisions entraicircne ineacutevitablement

des difficulteacutes dans lrsquohypothegravese du deacutepocirct drsquoune requecircte en reacutevision Une motivation preacutecise

des deacutecisions est une condition essentielle pour que les cours drsquoassises ordinaires et drsquoappel

constituent des juridictions transparentes outils efficaces dans la lutte contre les erreurs

judiciaires

493 Si lrsquoappel en cour drsquoassises ne srsquoavegravere pas toujours efficace dans la lutte contre

lrsquoerreur judiciaire cette remarque peut aussi srsquoappliquer agrave la colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction

2 La colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction un outil utile mais insuffisant dans la lutte

contre lrsquoerreur judiciaire

494 Si en theacuteorie la reacuteforme constitue une avanceacutee certaine sa porteacutee doit ecirctre

relativiseacutee En effet la loi du 5 mars 2007 nrsquoest pas encore inteacutegralement appliqueacutee Il eacutetait

preacutevu que les pocircles de lrsquoinstruction soient mis en place agrave partir du 1er janvier 2010 Toutefois

la loi ndeg 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et

dallegravegement des proceacutedures a reporteacute la mise en œuvre de la colleacutegialiteacute de linstruction au

1er janvier 2011 Puis larticle 163 de la loi de Finances pour 2011 a repousseacute au 1er janvier

2014 lentreacutee en vigueur du texte Ensuite larticle 129 de la loi de Finances pour 2014 a

repousseacute son entreacutee en vigueur au 1er janvier 2015

495 Les lourdes reacuteorganisations et le coucirct eacuteleveacute de la reacuteforme ont conduit au deacutepocirct

drsquoun projet de loi le 24 juillet 20133 destineacute agrave instaurer laquo drsquoune faccedilon coheacuterente reacutealiste et

eacutequilibreacutee une colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction permettant agrave lrsquoinstitution judiciaire de traiter les

affaires peacutenales les plus graves et les plus complexes drsquoune maniegravere tout agrave la fois plus efficace

et plus respectueuse des droits de la deacutefense et de la preacutesomption drsquoinnocence raquo4 La date du

vote de ce texte a eacuteteacute reporteacutee au 1er janvier 2017

496 Ces mesures attendues peuventndashelles ecirctre suffisantes pour surmonter la dureteacute du

pourvoi en reacutevision

1 W ROUMIER op cit p 296 2 D ROETS op cit 162 3 Assembleacutee Nationale ndeg 1323 Projet de loi relatif agrave la colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction 4 Ibid exposeacute des motifs

197

La colleacutegialiteacute et la co-saisine constituent des mesures inteacuteressantes auxquelles on ne peut

qursquoadheacuterer En effet sur de nombreux points la colleacutegialiteacute est un gage de bonne justice qui

srsquoarticule autour drsquoun centre deacutecisionnel impartial ouvert aux deacutebats Cependant le principe

mecircme de la colleacutegialiteacute peut ecirctre relativiseacute puisqursquoil srsquoagirait en reacutealiteacute drsquoune semi

colleacutegialiteacute En effet seules sont concerneacutees par la colleacutegialiteacute les deacutecisions les plus graves

La colleacutegialiteacute existe deacutejagrave pour les audiences des tribunaux correctionnels jugeant les affaires

les plus graves Or la pratique a deacutemontreacute que quelques fois les assesseurs ont tendance agrave se

rallier aux arguments deacuteveloppeacutes par le magistrat speacutecialement chargeacute drsquoeacutetudier lrsquoaffaire

497 Cette reacuteforme utile agrave la fin de lrsquoisolement du juge drsquoinstruction devrait

logiquement par ses effets favoriser une diminution du nombre des erreurs judiciaires et des

contestations (pourvois en reacutevision) En effet la colleacutegialiteacute pegravesera sur le corpus mecircme des

deacutecisions de justice qui mieux eacutelaboreacutees se rapprocheront de tregraves pregraves de la Veacuteriteacute

Toutefois pour lrsquoheure cette nouvelle pratique judiciaire qui se heurte agrave de nombreux

atermoiements et reste toujours pour le moins theacuteorique

498 Lrsquoeacutedifice judiciaire est aujourdrsquohui quelque peu eacutebranleacute1 et les nombreux

problegravemes qui le minent deacutepassent largement lrsquoobjet de notre propos2 La graviteacute des maux

dont souffre notre justice peacutenale nrsquoest pas reacutecente Toutefois le deacutesaveu dont elle fait lrsquoobjet

semble srsquoamplifier et donner lieu agrave de vifs deacutebats3 En matiegravere peacutenale toute deacutecision

judiciaire est lieacutee agrave des interventions qui ne sont pas exclusivement du ressort de la formation

de jugement tel les moyens drsquoenquecircte drsquoexpertise hellip Tous ces eacuteleacutements contribuent agrave

1J PRADEL Les suites leacutegislatives de lrsquoaffaire dite drsquoOutreau op cit laquo Le mal dont souffre notre justice peacutenale est ancien Il sacceacutelegravere aujourdhui raquo Y MAYAUD Lrsquoerreur en droit peacutenal in Lrsquoerreur (sous le direction de J FOYER F TERRE C PUIGELIER) PUF 2007 p 126 laquo La justice est aujourdrsquohui tregraves eacuteprouveacutee et lrsquoopinion relayeacutee par la repreacutesentation nationale srsquoest justement eacutemue de la maniegravere dont certaines affaires ont eacuteteacute poursuivies instruites voire jugeacutees Lrsquoerreur du juge nrsquoest pas comprise et ne saurait lrsquoecirctre parce qursquoil incarne la veacuteriteacute dans sa porteacutee la plus noble et le spectre de lrsquoinnocence bafoueacutee ne doit pas se substituer agrave lrsquoimage prometteuse du glaive et de la balance raquo 2 F SAINT PIERRE Reacuteforme de linstruction judiciaire 2010 lanneacutee de la crise aigueuml op cit p 427 laquo Une erreur historique fut commise en 1990 il y a maintenant plus de vingt ans lorsque le gouvernement de leacutepoque deacutecida de ne pas donner suite au projet de nouveau code de proceacutedure peacutenale quavait eacutelaboreacute la commission Delmas-Marty Henri Nallet eacutetait garde des Sceaux et Maicirctre Georges Kiejman son ministre deacuteleacutegueacute Erreur historique car ce projet de qualiteacute proposait une reacuteforme globale de notre justice peacutenale rompant enfin avec ce vieux systegraveme napoleacuteonien dont nous sommes heacutelas demeureacutes les tributaires Agrave sa place ce sont les structures dune proceacutedure moderne qui devaient ecirctre dresseacutees conformes au standard de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme le seul acceptable dans une deacutemocratie contemporaine Non raquo 3 Proposition de loi n deg 3770 op cit exposeacute des motifs p 3 laquo Depuis de nombreux mois la justice peine agrave sortir drsquoune crise majeure qui nrsquoa fait que renforcer la traditionnelle meacutefiance des Franccedilais agrave lrsquoeacutegard de cette institution Pour retrouver la confiance de nos concitoyens la justice doit notamment pouvoir deacutemontrer qursquoelle est en mesure de se remettre en cause de rectifier ses erreurs et autant que faire se peut drsquoen reacuteparer les conseacutequences raquo Ph BILGER Pour lhonneur de la justice Flammarion 2006 Eacute de MONTGOLFIER Le devoir de deacuteplaire Lafon 2006

198

faccedilonner la physionomie du procegraves peacutenal dont deacutependra la qualiteacute du jugement Selon Maicirctre

SAINT-PIERRE laquo la profondeur et la graviteacute de la crise qui frappe actuellement le systegraveme

judiciaire franccedilais le menace de paralysie Aucune reacuteforme structurelle ne paraicirct pouvoir ecirctre

meneacutee agrave son terme dans un tel contexte alors que des solutions claires doivent ecirctre apporteacutees

agrave des questions preacutecises raquo1

499 Une seconde raison illustre lrsquoinsuffisance de lrsquoaction uniquement meneacutee en amont

de la reacutevision La veacuteriteacute dont la reacuteveacutelation constitue un des objectifs de la justice2 peut ne pas

toujours correspondre agrave lrsquoauthenticiteacute des faits Il ne srsquoagit que drsquoune veacuteriteacute relative Crsquoest

ainsi que toutes les mesures encadrant le parcours judiciaire peuvent srsquoaveacuterer faillibles et

deacuteboucher malgreacute toutes les preacutecautions qui lrsquoentoure sur une injustice

B La relativiteacute de la veacuteriteacute judiciaire

500 La deacutemystification de la veacuteriteacute judiciaire (1) permet drsquoaffirmer que la justice reste

un ideacuteal irrationnel (2)

1 La deacutemystification de la veacuteriteacute judiciaire

501 La veacuteriteacute est le caractegravere de jugements et propositions laquoauxquels on ne peut

qursquoaccorder assentiment crsquoest agrave dire qui srsquoimposent agrave notre esprit et agrave tout autre esprit et qui

est le fondement de lrsquoaccord universel entre les esprits raquo elle est synonyme drsquo laquoobjectiviteacuteraquo

De cette deacutefinition il ressort que la veacuteriteacute doit se situer au-dessus des consideacuterations

subjectives Or toute deacutecision scientifique est le reacutesultat drsquoune activiteacute intellectuelle qui

consiste agrave relier entre eux sous lrsquoimpulsion de connecteurs des pheacutenomegravenes Dans

lrsquohypothegravese de la deacutefaillance drsquoun connecteur la liaison en sera neacutecessairement perturbeacutee

502 Maicirctre FLORAND estime qursquoil existe souvent des eacuteleacutements communs agrave la

formation des erreurs judiciaires laquo Ce sont des affaires dans lesquelles on ne trouve pas

immeacutediatement un coupable et pour lesquelles la police ou la gendarmerie commet un certain

nombre de petites erreurs La pression de lrsquoopinion publique et les victimes aneacuteanties en

quecircte de reacuteponses agrave leurs questions contribuent alors au basculement vers lrsquoerreur

judiciaire raquo3

1 F SAINT PIERRE op cit p 427 2 J LELIEUR op cit ndeg 662 laquo Tendre vers la justice doit certainement ecirctre la preacuteoccupation premiegravere de tout exercice de la reacutepression raquo 3 httpprisonsfreefrerreursjudiciaireshtm interview de Maicirctre Jean Marc FLORAND

199

503 La justice peut srsquoeacutegarer sous lrsquoinfluence de lrsquoinnocent lui-mecircme passeacute aux

aveux Le style de reacutedaction des procegraves-verbaux drsquoaudition peut aussi ecirctre une source de

malentendus Ensuite les rapports drsquoexpertise qui beacuteneacuteficient drsquoune onction scientifique

certes relative peuvent ecirctre sujets agrave caution Enfin lrsquoinstruction sous sa forme originelle (juge

unique) est un facteur de risque important Mais agrave ces sources srsquoajoutent une multitude

drsquoautres eacuteleacutements comme lrsquoexistence de facteurs drsquoinfluence agissant en peacuteripheacuterie du procegraves

Il srsquoagit essentiellement du rocircle de la presse et de la violation du secret de lrsquoinstruction Enfin

et ce dernier argument lui ne pourra ecirctre contreacute la faillibiliteacute de lrsquohomme donnera toujours

matiegravere agrave une eacuteventuelle erreur drsquoappreacuteciation ou de jugement

504 Les reacuteformes prises en amont de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee peuvent contribuer agrave

seacutecuriser la proceacutedure peacutenale et agrave maitriser le nombre drsquoerreurs judiciaires Mais une

disparition complegravete de lrsquoerreur restera toujours improbable La veacuteriteacute judiciaire construite

autour de lrsquoaddition drsquoopinions subjectives ne peut qursquoecirctre le reflet drsquoune objectivisation

relative Elle demeure particuliegravere en raison des contraintes qui lrsquoentourent Le juge a

lrsquoobligation de la deacutecouvrir pour pouvoir prendre position par rapport agrave un litige dans un laps

de temps limiteacute Il en reacutesulte une situation paradoxale Drsquoun cocircteacute la veacuteriteacute judicaire se trouve

sacraliseacutee par le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et par le poids des sanctions que la

reacuteveacutelation de la veacuteriteacute peut entrainer De lrsquoautre cocircteacute elle peut reposer sur des contradictions1

susceptibles de fragiliser la soliditeacute de ses bases Elle laquone consiste que dans la conviction du

juge formeacutee drsquoapregraves les regravegles leacutegales2 raquo

505 Pour que le juge puisse se forger sa conviction de nombreux moyens sont

deacuteployeacutes pour faire eacutemerger des preuves Toutefois comme lrsquoa souligneacute Madame Juliette

LELIEUR laquo il convient de prendre avec preacutecaution lrsquoideacutee geacuteneacuteralement reacutepandue selon

laquelle les preuves obligent le juge agrave trancher en conformiteacute avec la veacuteriteacute raquo3 Lrsquoauteure

srsquoappuie sur le raisonnement de Monsieur le Professeur THERY selon lequel laquo [l]a veacuteriteacute est

sans doute une valeur du procegraves Mais la finaliteacute essentielle des regravegles de preuve est plus

prosaiumlquement la conviction du juge [hellip] En geacuteneacuteral seule importe la perception que le juge

a de la veacuteriteacute La conviction autrement dit est la vraie fin des regravegles de preuve4 raquo

1 X LAGARDE op cit p 1034 laquola preuve juridique a un caractegravere neacutecessairement conflictuelraquo 2 MOTULSKY Principes drsquoune reacutealisation meacutethodique du droit priveacute D 1991 p 85 ndeg 1 3 J LELIEUR op cit p 527 4 P THERY laquo Finaliteacutes du droit de la preuve raquo Droits ndash Revue franccedilaise de theacuteorie juridique 1996 ndeg 23 p 41-52 speacutec p 46 et 48 citeacute par J LELIEUR

200

506 Finalement la veacuteriteacute judiciaire repose sur une conviction que partage un petit

nombre de personnes (les juges professionnels et les jureacutes pour les crimes)1 Srsquoagissant des

deacutelits les moins graves elle nrsquoest mecircme le fruit que de la reacuteflexion drsquoune personne le juge

unique La veacuteriteacute judiciaire dont la fermeteacute des effets est patente apparaicirct donc malgreacute tout

comme fragile dans ses fondements puisque le juge peacutenal dit laquo ce qursquoil croit ecirctre la veacuteriteacute

objectiveraquo2 Ainsi peut-on seulement parler de veacuteriteacute relative3 dont lrsquoambition premiegravere est de

mettre fin deacutefinitivement agrave un litige dans un but de pacification sociale et de reconstruction du

lien briseacute Lrsquoideacutee drsquoune justice laquo toujours juste raquo reste donc un ideacuteal

2 La justice un laquo ideacuteal irrationnel raquo

laquo Jeunesse Jeunesse Sois toujours avec la justice (hellip) Et je

ne te parle pas de la justice de nos Codes qui nrsquoest que la

garantie des liens sociaux Certes il faut la respecter mais il est

une notion plus haute la justice celle qui pose en principe que

tout jugement des hommes est faillible et qui admet lrsquoinnocence

possible drsquoun condamneacute sans croire insulter les juges 4raquo

507 Entendu par la commission des lois lrsquoavocat Franccedilois SAINT-PIERRE a conclu

son intervention en deacuteclarant que laquo laleacutea judiciaire est tregraves important alors que se pose

fondamentalement la question de la veacuteriteacute de la culpabiliteacute ou de linnocence de laccuseacute raquo

Derriegravere cette citation on retrouve la penseacutee de KELSEN qui qualifiait la justice drsquo laquo ideacuteal

irrationnel raquo5 Dans le mecircme ordre ideacutees CARBONNIER invite les penseurs juridiques agrave laquo

inventer quelques solutions plutocirct pacificatrices que justes plutocirct moins injustes que justes

afin de rendre toleacuterable la vie en socieacuteteacute raquo6 En drsquoautres termes les juristes doivent faire

montre de modestie et inteacutegrer qursquoil est difficile drsquoatteindre systeacutematiquement la veacuteriteacute7

Lrsquoinaccessibiliteacute du juste ne peut ecirctre qursquoaccepteacutee Il est drsquoailleurs acquis que le droit

1 G DALBINAT DEHARO op cit p 21 ndeg 7 laquo Le fondement consensuel de la veacuteriteacute affecte donc directement son contenu raquo 2 MOTUSLKY Droit processuel Cours Saint Jacques 1973 p 231 3 X LAGARDE op cit p 410 laquo lrsquoinstitution judiciaire nrsquoa [hellip] pas inteacuterecirct agrave mettre en avant lrsquoideacutee de veacuteriteacute objective raquo 4 E Zola Lettre agrave la jeunesse 14 deacutecembre 1897 5 H KELSEN Was ist Gerechtigkeit Wien Franz Deuticke 2egraveme eacuted 1975 p 40 citeacute par J LELIEUR op cit p 526 6 J CARBONNIER Flexible droit Pour une sociologie du droit sans rigueur Paris 10egraveme eacuted 2001 p 490 7 Y MAYAUD op cit p 144 laquo Crsquoest dire que toute erreur ne peut qursquoeacuteloigner la justice peacutenale de lrsquoideacuteal de veacuteriteacute qursquoelle se doit de poursuivre Lrsquoerreur judiciaire est sous-jacente agrave cette preacuteoccupation raquo

201

reconnaicirct la faiblesse de la veacuteriteacute judiciaire1 Dans cette perspective de multiples preacutecautions

sont prises pour que la veacuteriteacute judiciaire se trouve renforceacutee dans son objectiviteacute2 Les voies de

recours ouvertes dans le but de contester un premier jugement deacutemontrent la fragiliteacute de la

veacuteriteacute judiciaire

508 DESCARTES a mis lrsquoaccent sur les eacutecueils menaccedilant ceux qui sont agrave la recherche

permanente du vrai laquo les voyageurs qui se trouvant eacutegareacutes en quelque forecirct ne doivent pas

errer en tournoyant tantocirct drsquoun cocircteacute tantocirct drsquoun autre ni encore moins srsquoarrecircter en une place

mais marcher toujours le plus droit qursquoils peuvent vers un mecircme cocircteacute et ne le changer point

pour de faibles raisons encore que ce nrsquoait peut-ecirctre eacuteteacute au commencement que le hasard seul

qui les ait deacutetermineacutes agrave le choisir car par ce moyen srsquoils ne vont justement ougrave ils deacutesirent

ils arriveront au moins agrave la fin quelque part ougrave vraisemblablement ils seront mieux que dans

le milieu drsquoune forecirct Et ainsi les actions de la vie ne souffrant souvent aucun deacutelai crsquoest une

veacuteriteacute tregraves certaine que lorsqursquoil nrsquoest pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies

opinions nous devons suivre les plus probables raquo3

509 La recherche agrave tout prix de la veacuteriteacute se trouve mecircme quelque fois encadreacutee voir

brideacutee par la proceacutedure peacutenale elle-mecircme Crsquoest ainsi que des techniques drsquoenquecirctes

susceptibles drsquoapporter la veacuteriteacute sont eacutecarteacutees de notre droit car jugeacutees deacuteloyales ou

attentatoires agrave la vie priveacutee ou encore contraires agrave la digniteacute humaine (certaines meacutethodes

drsquointerrogatoires torturehellip)4

510 Ce questionnement sur la veacuteriteacute judiciaire deacutebouche sur la conclusion suivante

la proceacutedure de reacutevision doit ecirctre appreacutehendeacutee avec prudence et sans naiumlveteacute Mecircme en

devenant plus accessible elle sera toujours dans lrsquoimpossibiliteacute structurelle de deacutecouvrir la

veacuteriteacute de maniegravere systeacutematique Pour Madame le Professeur LAZERGES laquo inheacuterentes non

seulement agrave lacte mecircme de juger mais aussi au fonctionnement de linstitution judiciaire les

erreurs judiciaires ne peuvent toutes ecirctre preacutevenues raquo5

1 J CARBONNIER op cit p63 laquo La veacuteriteacute judicaire elle-mecircme nrsquoexclut pas qursquoelle est artificielle et qursquoil pourrait bien exister drsquoautres veacuteriteacutes raquo 2 Madame JOSSERAND a montreacute que lrsquoimpartialiteacute consiste en une deacutemarche de laquoremise en cause raquo S JOSSERAND Lrsquoimpartialiteacute du magistrat en proceacutedure peacutenale Bibl des sciences criminelles LGDJ tome 33 p 590 3 R DESCARTES Discours de la meacutethode op cit p 94 4 M DELMAS-MARTY laquo La preuve peacutenale raquo Droits ndash Revue franccedilaise de theacuteorie juridique 1996 ndeg 23 p 53-65 laquo Visite drsquoun atelier de recherche en droit peacutenal raquo Entretien avec M DELMAS-MARTY LrsquoAstreacutee ndeg 12 oct 2000 p 3-10 p 7 citeacute par J LELIEUR 5 C LAZERGES Reacuteflexions sur lrsquoerreur judiciaire op cit p 709

202

511 La proceacutedure de reacutevision est lrsquoultime moyen en droit interne mis agrave la disposition

du justiciable pour tenter de faire eacutemerger enfin la veacuteriteacute La reacuteforme de 2014 qui rompt avec

le passeacute prouve que son accessibiliteacute constitue un preacutealable indispensable agrave la reacuteussite du

reacutetablissement de la veacuteriteacute et agrave la reacuteparation des dommages causeacutes par lrsquoerreur (Section 2)

Aussi tout doit-il ecirctre mis en œuvre pour faciliter lrsquoaccegraves du justiciable ou ses ayants droits agrave

cette proceacutedure

Section 2 2014 le changement de strateacutegie leacutegislative

512 Malgreacute toutes les preacutecautions prises en amont le risque drsquoerreur judiciaire est

toujours possible Conscient du problegraveme le leacutegislateur a reacutecemment deacutecideacute de srsquointeacuteresser

au pourvoi en reacutevision pour y apporter certains ameacutenagements au travers de la loi ndeg 2014-

640 du 20 juin 2014 relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen dune

condamnation peacutenale deacutefinitive Le nouveau texte est porteur pour la premiegravere fois de

lrsquohistoire de la reacutevision drsquoune reacuteflexion globale puisqursquoil intervient tant sur le droit de la

reacutevision (sect 1) que sur les moyens drsquoadapter la proceacutedure peacutenale agrave la reacutevision (sect 2)

sect 1 Une intervention leacutegislative sur le droit de la reacutevision

513 La loi du 20 juin 2014 srsquoefforce de fournir des reacuteponses aux problegravemes drsquoordre

structurel (A) et conjoncturel (B) poseacutes par le droit de la reacutevision issu de la loi de 1989

A Les modifications structurelles

514 La loi du 20 juin 2014 srsquoest empareacutee de la question des faiblesses structurelles de

la reacutevision et a tenteacute drsquoy apporter des solutions La loi de 1989 se caracteacuterisait par une

reacutepartition plutocirct confuse des compeacutetences entre la commission et la Cour de reacutevision Aussi

le nouveau texte entend-il solutionner ce problegraveme (2) en laquo chamboulant lrsquoinstitution elle-

mecircme1 raquo (1) pour reconnaicirctre une meilleure protection des droits des parties (3)

1 Le chamboulement de lrsquoinstitution

515 La reacutepartition contestable des compeacutetences entre la commission et la Cour de

reacutevision avait pour origine lrsquoancien alineacutea 5 de lrsquoarticle 623 du Code de proceacutedure peacutenale qui

preacutevoyait que laquo la demande en reacutevision est adresseacutee agrave une commission (hellip) raquo et preacutecisait

1 J MUCCHIELLI La nouvelle proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales est entreacutee en vigueur Dalloz actualiteacutes 24 juin 2014

203

ensuite que laquo cette commission saisit la chambre criminelle qui statue comme cour de

reacutevision des demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises raquo Il a eacuteteacute deacutemontreacute que

lrsquoambiguiumlteacute structurelle deacutecoulait de la reacutedaction mecircme de lrsquoarticle dont les termes precirctaient agrave

controverse En effet lrsquoappreacuteciation du doute incombait dans les faits aux deux organes

alors qursquoagrave lrsquoorigine le leacutegislateur entendait confier ce rocircle agrave la seule Cour de reacutevision Le

filtrage des demandes deacutevolu agrave la commission srsquoeacutetait transformeacute au fil du temps En effet sa

seacuteveacuteriteacute deacutepassait largement le pouvoir que le leacutegislateur envisageait de lui confier par rapport

agrave lrsquoexamen de la recevabiliteacute de la demande1

516 La loi du 20 juin 2014 entend redresser la situation en creacuteant une nouvelle

structure Elle preacutevoit la creacuteation drsquoune juridiction unique statuant sur la reacutevision et le

reacuteexamen des deacutecisions peacutenales deacutefinitives (a) et la mise en place au sein de cet organe

drsquoune commission deacutesormais deacutenommeacutee laquo commission drsquoinstruction raquo (b)

a Une juridiction unique statuant sur la reacutevision et le reacuteexamen

517 La nouvelle leacutegislation a creacuteeacute une juridiction unique en charge de la reacutevision et du

reacuteexamen dune deacutecision peacutenale Cette modification peut paraicirctre surprenante car le reacuteexamen

nrsquoa pas eacuteteacute eacutevoqueacute dans nos deacuteveloppements preacuteceacutedents Il srsquoagit drsquoune voie de recours

extraordinaire preacutevue par larticle 89 de la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 renforccedilant la

preacutesomption dinnocence et les droits des victimes Ce recours a pour objet le reacuteexamen drsquoun

jugement prononceacute en violation de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme fait

preacutealablement constateacute par la Cour europeacuteenne Il teacutemoigne de lrsquoinfluence grandissante du

droit europeacuteen sur le droit interne2 Ce dispositif a pour objectif de conforter lrsquoeffectiviteacute des

sanctions prononceacutees par la Cour europeacuteenne des droits de lhomme et de sanctuariser la

Convention europeacuteenne3

1 V supra ndeg 175 agrave 228 2 F DOROY laquo Le reacuteexamen dune deacutecision peacutenale conseacutecutif au prononceacute dun arrecirct de condamnation de la Cour europeacuteenne des droits de lHomme mise en oeuvre de la reacuteforme du 15 juin 2000 questions juridiques et problegravemes pratiques raquo Dr peacutenal 2003 chron no 18 3 B BONFILS op cit ndeg 1 V eacutegalement M HOTTELIER La proceacutedure suisse de reacutevision conseacutecutive agrave un arrecirct de condamnation par la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme RTDH 2001 p 743 et s E LAMBERT-ABDELGAWAD laquoLe reacuteexamen de certaines affaires suite agrave des arrecircts de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme RTDH 2001 p 715 F MASSIAS Le reacuteexamen des deacutecisions deacutefinitives intervenues en violation de la Convention europeacuteenne des droits de lhomme RSC 2001 p 124 J-F RENUCCI Le reacuteexamen dune deacutecision de justice deacutefinitive dans linteacuterecirct des droits de lrsquohomme D 2000 chron 655 et s

204

518 Initialement un amendement au projet de loi relatif au reacuteexamen envisageait

mecircme drsquoen faire un cinquiegraveme cas de reacutevision1 Anciennement agrave la loi de 2014 cette

proceacutedure de reacuteexamen beacuteneacuteficiait drsquoun reacutegime particulier et drsquoune juridiction propre Bien

que srsquoagissant de deux voies de recours distinctes2 il est vrai qursquoil existe entre elles certains

points communs3 En effet comme la juridiction de reacutevision la commission de reacuteexamen

avait pour vocation de srsquoattaquer agrave lautoriteacute de la chose jugeacutee de rejeter les requecirctes non

fondeacutees de renvoyer les affaires devant une autre juridiction et enfin drsquoordonner le cas

eacutecheacuteant la suspension de la peine du condamneacute Il srsquoagissait dans les deux cas drsquooffrir agrave un

condamneacute deacutefinitif la possibiliteacute de remettre en cause lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee drsquoune

condamnation en principe incontestable A lrsquoeacutepoque de son instauration en 2000 le leacutegislateur

srsquoeacutetait largement inspireacute de la proceacutedure de reacutevision Certains ont mecircme preacutetendu que

conscient des faiblesses de la reacutevision il avait voulu srsquoentourer de toutes les garanties pour

doter la proceacutedure de reacuteexamen de tous les atouts drsquoefficaciteacute afin drsquoeacuteviter le renouvellement

des critiques deacutejagrave formuleacutees agrave lrsquoeacutegard de la commission de reacutevision 4

519 Ce rapprochement entre la reacutevision et le reacuteexamen transparaissait deacutejagrave des motifs

de la proposition de loi de 2007 qui qualifiait la proceacutedure de reacutevision de laquo proceacutedure de droit

commun raquo et la proceacutedure de reacuteexamen de laquo seconde proceacutedure de reacutevision 5raquo La loi de

2014 en creacuteant une cour unique appeleacutee la laquo Cour de reacutevision et de reacuteexamen raquo entend mettre

fin au laquo doublon6 raquo qui aurait pu exister entre les deux proceacutedures Cette nouvelle juridiction

remplace deacutesormais les trois juridictions preacuteceacutedentes - la commission de reacutevision - la Cour

de reacutevision et - la commission de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive conseacutecutif au

prononceacute drsquoun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme

520 Par ce biais le nouveau texte entend atteacutenuer le sentiment drsquoineacutegaliteacute que

pouvaient ressentir les justiciables selon qursquoils avaient ou non beacuteneacuteficieacute drsquoun arrecirct de la

1 laquo 5deg Apregraves un arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme constatant une violation de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales du 4 novembre 1950 ou de ses protocoles lorsque la condamnation continue de produire ses effets et qursquoune reacuteparation eacutequitable du preacutejudice causeacute par cette violation ne peut ecirctre obtenue que par la voie de la reacutevision raquo Amendement ndeg 219 discuteacute au cours de la seconde lecture du projet de loi agrave lrsquoAssembleacutee nationale le 10 feacutevrier 2000 Pour plus de deacutetails sur les deacutebats parlementaires V C PETTITI laquo Lrsquoexamen drsquoune deacutecision franccedilaise apregraves un arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme la loi franccedilaise du 15 juin 2000 raquo RTDH 2001 p 3 et s 2 CNCDH op cit ndeg 16 et s 3 E DREYER laquo A quoi sert le reacuteexamen des deacutecisions peacutenales apregraves condamnation agrave Strasbourg raquo D 2008 p 1705 4 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit 5 Proposition de loi ndeg 3770 visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales enregistreacutee agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee Nationale le 13 mars 2007 p3 6 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 15

205

Cour europeacuteenne des droits de lhomme En effet le taux de reacuteussite de ces deux proceacutedures

nrsquoeacutetait pas comparable laquo alors qursquoune demande en reacutevision [avait] 15 de chances

drsquoaboutir une demande en reacuteexamen [aboutissait] dans 56 des cas raquo1 Deacutesormais en

confiant lrsquoexamen des requecirctes en reacutevision et en reacuteexamen agrave une cour unique le leacutegislateur

espegravere apporter plus de coheacuterence agrave la question de la reacuteformation des deacutecisions peacutenales

deacutefinitives sans pour autant effacer les critegraveres distinctifs des deux proceacutedures2

521 En effet ces deux proceacutedures preacutesentent entre elles des diffeacuterences majeures

dans le reacuteexamen la deacutecision deacutefinitive est vicieacutee par une erreur de droit3 dans la reacutevision il

srsquoagit drsquoune erreur de fait Les points de convergence ne sauraient donc justifier la confusion

des deux proceacutedures4 Aussi la juridiction unique ne recouvre-t-elle pas une uniciteacute de

proceacutedure Les deux voies de recours restent distinctes selon les articles 6225 et 622-16 du

Code de proceacutedure peacutenale Un mecircme recours ne pourrait drsquoailleurs avoir pour objet conjoint la

reacutevision et le reacuteexamen Notre reacuteflexion restera neacuteanmoins centreacutee sur le pourvoi en reacutevision

b La nouvelle appellation de la commission la commission drsquoinstruction

522 La nouvelle Cour de reacutevision et de reacuteexamen abrite en son sein une commission

drsquoinstruction chargeacutee du filtrage des demandes celui-ci eacutetant axeacute sur lrsquoeacutetude de leur

recevabiliteacute Lrsquoarticle 623-1 du Code de proceacutedure peacutenale dispose que laquo la cour de reacutevision et

de reacuteexamen deacutesigne en son sein pour une dureacutee de trois ans renouvelable une fois cinq

1 Ibid 2 F FOURNIE laquo reacuteviser la reacutevision hellip raquo op cit p 777 laquo Malgreacute des diffeacuterences marqueacutees (tenant au type derreurs agrave corriger au deacutelai pour agir aux domaines dapplication) le leacutegislateur a neacuteanmoins fait le choix de privileacutegier leur caracteacuteristique commune ndash permettre lannulation dune deacutecision peacutenale deacutefinitive entacheacutee derreurs ndash en uniformisant le reacutegime juridique de ces deux voies proceacutedurales dexception raquo 3 J AMAR Erreur sur le droit et parties au procegraves peacutenal Drpeacutenal 1999 Chron p 15 J-P COUTURIER Lerreur de droit invincible en matiegravere peacutenale RSC 1968 p 547 DECOTTIGNIES Lerreur de droit RTD civ 1951 p 309 DEVAUX Eacutetude critique sur ladage laquo nul nest censeacute ignorer la loi raquo RTD civ 1907 p 532 DOUCET Une discussion sur lerreur de droit RSC 1962 p 497 4 La jurisprudence rappelle reacuteguliegraverement que le motif de pur droit nentre pas dans les preacutevisions de larticle 622 du CPP V par exemple Comm reacutev 19 mars 2007 ndeg 05 REV 084 Comm reacutev 16 nov 2009 ndeg 09 REV 011 5 Article 622 CPP laquo La reacutevision dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dun crime ou dun deacutelit lorsque apregraves une condamnation vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute ou agrave faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute raquo 6 Article 622-1 CPP laquo Le reacuteexamen dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacute au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dune infraction lorsquil reacutesulte dun arrecirct rendu par la Cour europeacuteenne des droits de lhomme que la condamnation a eacuteteacute prononceacutee en violation de la convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales ou de ses protocoles additionnels degraves lors que par sa nature et sa graviteacute la violation constateacutee entraicircne pour le condamneacute des conseacutequences dommageables auxquelles la satisfaction eacutequitable accordeacutee en application de larticle 41 de la convention preacuteciteacutee ne pourrait mettre un terme Le reacuteexamen peut ecirctre demandeacute dans un deacutelai dun an agrave compter de la deacutecision de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme Le reacuteexamen dun pourvoi en cassation peut ecirctre demandeacute dans les mecircmes conditions raquo

206

magistrats titulaires et cinq magistrats suppleacuteants composant la commission dinstruction des

demandes en reacutevision et en reacuteexamen raquo

523 Il srsquoagit donc maintenant textuellement drsquoune commission drsquoinstruction des

demandes en reacutevision et en reacuteexamen Cette nouvelle appellation met un terme agrave une certaine

confusion des genres qui par le passeacute pouvait exister entre les deux organes juridictionnels1

Cette modification structurelle ne regravegle pas pour autant le problegraveme du partage des

compeacutetences entre la Cour de reacutevision et la commission Lrsquointervention la plus preacutegnante de

la loi concerne la commission drsquoinstruction dont le rocircle a eacuteteacute sensiblement remodeleacute

2 La reacutepartition des compeacutetences entre la commission et la Cour

524 Trois modifications sont intervenues dans la loi de 2014 au niveau de la

reacutepartition des compeacutetences entre la commission drsquoinstruction et la Cour Tout drsquoabord le rocircle

deacutevolu agrave la commission est recentreacute sur la recevabiliteacute des requecirctes (a) Ensuite les pouvoirs

qui lui sont confeacutereacutes sont clarifieacutes (b) Enfin la deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers par la

commission ou la Cour est prise en compte par le leacutegislateur (c)

a Le recentrage du rocircle de la commission sur la recevabiliteacute des requecirctes

525 Pour ne pas retomber comme en 1989 dans le piegravege drsquoune formulation

maladroite le leacutegislateur de 2014 a fait montre de plus drsquohabileteacute dans lrsquoexpression de la

ratio legis Le rocircle de la commission est maintenant expresseacutement limiteacute agrave lrsquoeacutetude de la

recevabiliteacute des demandes Lrsquoancienne formulation relative agrave la transmission des demandes

laquo qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises raquo a donc disparu Le nouvel article 624 du Code de

proceacutedure peacutenale a leveacute toutes les ambiguiumlteacutes laquo La demande en reacutevision ou la demande en

reacuteexamen est adresseacutee agrave la commission dinstruction des demandes en reacutevision et en

reacuteexamen qui se prononce sur sa recevabiliteacute raquo

526 Le leacutegislateur a souhaiteacute dessiner une ligne de deacutemarcation nette entre les

missions de la commission et celles de la Cour Le rocircle de la commission est limiteacute agrave lrsquoeacutetude

de la recevabiliteacute de la demande qui consiste agrave veacuterifier les conditions drsquoaccegraves nature de la

deacutecision caractegravere deacutefinitif de la deacutecision qualiteacute du requeacuteranthellip Est maintenue la distinction

entre lrsquoirrecevabiliteacute ab initio et lrsquoirrecevabiliteacute de la demande constateacutee par des mesures

1 V supra ndeg 295 agrave 304

207

drsquoinvestigations diligenteacutees par la commission Le rocircle de la commission identique agrave celui

souhaiteacute en 1989 est donc deacutesormais mieux formaliseacute

527 Lrsquoexamen de la question du doute sur la culpabiliteacute relegraveve expresseacutement de la

seule compeacutetence de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen en formation de jugement En effet

le leacutegislateur qui fait exclusivement reacutefeacuterence agrave la notion objective de recevabiliteacute srsquoest fixeacute

comme objectif de diffeacuterencier le rocircle de la commission de celui de la Cour en nrsquooffrant plus agrave

celle-ci la possibiliteacute de sinterroger sur limpact du fait nouveau ou de leacuteleacutement inconnu sur

la culpabiliteacute du condamneacute

528 Au terme de lrsquoexamen du dossier deux solutions srsquoimposent maintenant agrave la

commission soit deacuteclarer la demande irrecevable (ab initio ou apregraves une instruction) soit

deacutecider de sa transmission agrave la Cour de reacutevision et de reacuteexamen Donc si la demande est

recevable elle doit la transmettre Le leacutegislateur de 2014 affirme donc avec plus de fermeteacute

qursquoen 1989 que la commission est dans lrsquoobligation de saisir la Cour de reacutevision et de

reacuteexamen degraves lors que les conditions de recevabiliteacute sont reacuteunies

b La clarification des pouvoirs de la commission

529 Le nouvel article 624 du Code de proceacutedure peacutenale clarifie et renforce les

pouvoirs de la commission drsquoinstruction Par le passeacute on a pu srsquointerroger sur le fait que le

leacutegislateur srsquoeacutetait refuseacute de reconnaicirctre lrsquoexistence drsquoun parallegravele entre les pouvoirs du juge

drsquoinstruction preacutevus agrave lrsquoarticle 81 du Code de proceacutedure peacutenale et ceux de la commission1

Deacutesormais drsquoapregraves le nouveau texte cette derniegravere pourra recourir laquo agrave tout acte dinformation

utile agrave linstruction de la demande agrave lexception de laudition de toute personne agrave leacutegard de

laquelle il existe des raisons plausibles de soupccedilonner quelle a commis ou tenteacute de

commettre une infraction raquo

530 Lrsquoinfluence de lrsquoarticle 81 du Code de proceacutedure peacutenale est plus marqueacutee que

dans lrsquoancienne formulation de lrsquoarticle 623 Le rapport de lAssembleacutee nationale preacutecise que

le nouvel article laquo doit ecirctre interpreacuteteacute largement et de maniegravere compreacutehensive comme

embrassant tous les actes neacutecessaires agrave la manifestation de la veacuteriteacute raquo2 La commission peut

donc doreacutenavant proceacuteder sans ambages agrave des interrogatoires auditions de teacutemoin ou de la

partie civile confrontations reconstitutions eacutecoutes geacuteolocalisations surveillance Tel est

1 V supra ndeg 297 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 70

208

eacutegalement le cas pour la formation de jugement1 Contrairement au juge drsquoinstruction la

commission drsquoinstruction ne peut pas se livrer agrave des mesures coercitives comme une garde agrave

vue ou une mise en examen Ces actes privatifs de liberteacute ne relegravevent pas de la compeacutetence

des juridictions de reacutevision

c La deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers par les juridictions de reacutevision

531 Sous lrsquoempire de la loi ancienne lrsquoabsence de pouvoirs coercitifs propres agrave la

commission pouvait constituer un obstacle en cas de deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers2

Aussi le nouveau texte prend-il en compte cette reacutealiteacute en autorisant la commission agrave

solliciter aupregraves du parquet lrsquoouverture drsquoune information judiciaire Lrsquoarticle 624-2 du

Code de proceacutedure peacutenale dispose laquo Lorsque les eacuteleacutements nouveaux laissent apparaicirctre

quun tiers pourrait ecirctre impliqueacute dans la commission des faits la commission en avise sans

deacutelai le procureur de la Reacutepublique compeacutetent qui effectue les investigations neacutecessaires et

peut ouvrir une information judiciaire laquelle ne peut ecirctre confieacutee agrave un magistrat ayant deacutejagrave

connu de laffaire Le procureur de la Reacutepublique ou le juge dinstruction ne peut saisir un

service ou un officier de police judiciaire ayant participeacute agrave lenquecircte agrave lorigine de la

condamnation du demandeur raquo

532 Cette nouvelle disposition impose aux procureurs de la Reacutepublique certaines

contraintes pour mener agrave bien leurs investigations qui pourront ecirctre diligenteacutees dans le cadre

drsquoune enquecircte preacuteliminaire et deacuteboucher ensuite sur lrsquoouverture drsquoune information judiciaire

La commission apregraves avoir mis en œuvre tous les moyens neacutecessaires sera parfaitement

informeacutee sur la recevabiliteacute de la requecircte qursquoelle transmettra le cas eacutecheacuteant agrave la juridiction de

jugement Ensuite la Cour de reacutevision et de reacuteexamen aura la faculteacute de rejeter la demande

mal fondeacutee ou bien drsquoannuler la condamnation contesteacutee et deacutesigner selon les cas une

juridiction de renvoi Les modaliteacutes de renvoi demeurent identiques agrave celles preacutevues par la loi

de 1989 tout comme le dispositif drsquoindemnisation inchangeacute

Enfin la nouvelle loi se veut plus protectrice des droits des parties

1 Article 624-3 CPP laquo Si la formation de jugement de la cour de reacutevision et de reacuteexamen estime que laffaire nest pas en leacutetat elle ordonne lexeacutecution dun suppleacutement dinformation confieacute agrave lun ou agrave plusieurs de ses membres aux fins de proceacuteder directement ou par commission rogatoire dans les formes preacutevues au preacutesent code agrave tout acte dinformation utile agrave linstruction de la demande agrave lexception de laudition de toute personne agrave leacutegard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupccedilonner quelle a commis ou tenteacute de commettre une infraction raquo 2 V supra ndeg 299

209

3 Une meilleure protection des droits des parties

533 Lrsquoassistance drsquoun avocat est deacutesormais obligatoire afin dlaquo ameacuteliorer la qualiteacute

des recours [] qui seront deacuteposeacutes et [hellip] placer les justiciables sur un pied deacutegaliteacute devant la

cour de reacutevision et de reacuteexamen dans des affaires souvent complexes ou sensibles dans

lesquelles le conseil dun avocat nest pas superflu raquo1 Lrsquoarticle 624-4 du Code de proceacutedure

peacutenale dispose laquo Pour lapplication du preacutesent titre le requeacuterant est repreacutesenteacute dans la

proceacutedure et assisteacute au cours des deacutebats par un avocat choisi par lui ou agrave sa demande

commis doffice Si la demande en reacutevision ou en reacuteexamen na pas eacuteteacute deacuteclareacutee

manifestement irrecevable en application du deuxiegraveme alineacutea de larticle 624 et que le

requeacuterant na pas davocat le preacutesident de la commission dinstruction lui en deacutesigne un

doffice La victime peut ecirctre repreacutesenteacutee dans la proceacutedure et assisteacutee au cours des deacutebats

par un avocat choisi par elle ou agrave sa demande commis doffice raquo

534 Ainsi degraves le deacutepart de lrsquoinstruction le requeacuterant est obligatoirement repreacutesenteacute

ou assisteacute par un avocat qursquoil choisira ou agrave deacutefaut par un conseil commis doffice Toutefois

la commission drsquooffice nrsquointerviendra pas degraves qursquoil sera eacutetabli que la demande est

manifestement irrecevable En revanche srsquoagissant de la partie civile lassistance dun avocat

reste facultative Un avocat drsquooffice pourra ecirctre eacutegalement deacutesigneacute

535 Auparavant la juridiction de reacutevision disposait drsquooutils inapproprieacutes agrave sa mission

srsquoagissant essentiellement drsquoune proceacutedure eacutecrite srsquoinscrivant dans un contexte juridique

somme toute flou2 Deacutesormais les pratiques consacreacutees par la jurisprudence ont eacuteteacute retenues

par la nouvelle loi Ainsi le caractegravere contradictoire des audiences3 est maintenant codifieacute le

requeacuterant ou son conseil se voit confier la parole en dernier lieu qursquoil srsquoagisse de la formation

dinstruction4 ou de jugement5 Enfin lrsquoaccegraves aux piegraveces du dossier pour le requeacuterant son

avocat et la partie civile est maintenant expresseacutement preacutevu par le texte6

1 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit p 70 2 V supra ndeg 272 agrave 280 3 Article 624-3 du CPP laquo Le preacutesident de la cour peut au cours des deacutebats demander laudition par la formation de jugement de toute personne utile agrave lexamen de la demande raquo 4 Article 624 CPP laquo (hellip) Apregraves avoir recueilli les observations eacutecrites ou orales du requeacuterant ou de son avocat (hellip) raquo 5 Article 624-3 CPP laquo (hellip) la formation de jugement de la cour lexamine au fond et statue par un arrecirct motiveacute non susceptible de recours agrave lissue dune audience publique au cours de laquelle sont recueillies les observations orales ou eacutecrites du requeacuterant ou de son avocat (hellip) raquo 6 Article 624-6 CPP laquo Le requeacuterant et la partie civile peuvent se faire deacutelivrer copie de tout ou partie des piegraveces et actes du dossier raquo

210

536 Aux modifications structurelles srsquoajoutent des changements drsquoordre conjoncturel

B Les modifications conjoncturelles

537 Lrsquoaction du leacutegislateur srsquoest faite autour de trois axes - la facilitation pour le

requeacuterant de lrsquoeacutetablissement du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu (1) - une meilleure

justification de la deacutecision de suspendre ou de ne pas suspendre lrsquoexeacutecution de la

condamnation trop souvent assimileacutee par le passeacute agrave un fait du prince (2) - une composition

de la juridiction de reacutevision qui est deacutesormais deacutefinie par la loi (3)

1 Lrsquoeacutetablissement du fait nouveau faciliteacute

538 Par le passeacute le requeacuterant eacutetait confronteacute agrave des difficulteacutes pratiques dans

lrsquoeacutetablissement du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu1 Or la preuve de ces eacuteleacutements

conditionne le succegraves du recours Crsquoest pourquoi le nouveau texte autorise dans son chapitre

intituleacute laquo des demandes drsquoactes preacutealables raquo la sollicitation drsquoactes drsquoinvestigation en amont

de toute demande en reacutevision Selon lrsquoarticle 624-5 du Code de proceacutedure peacutenale il est offert

au justiciable les mecircmes avantages au cours de lrsquoinstruction de sa demande

539 Lrsquoarticle 626 du Code de proceacutedure peacutenale preacutevoit que le condamneacute deacutefinitif ou

toute personne autoriseacutee par la loi agrave preacutesenter une demande en reacutevision peut preacutealablement au

deacutepocirct de sa requecircte demander au procureur de la Reacutepublique la reacutealisation de tous les actes

qui lui paraissent utiles agrave la production dun fait nouveau ou agrave la reacuteveacutelation dun eacuteleacutement

inconnu le jour du procegraves

540 Cette preacuterogative est soumise agrave deux conditions Premiegraverement la demande doit

ecirctre eacutecrite et motiveacutee Deuxiegravemement elle doit porter sur des actes deacutetermineacutes et lorsquelle

concerne une audition preacuteciser lidentiteacute de la personne dont laudition est souhaiteacutee2

Monsieur TOURRET preacutecise que laquo la demande [doit] par exemple preacuteciser les actes qui

auraient pu ecirctre faits au cours de la premiegravere enquecircte mais qui ne lont pas eacuteteacute ou encore

inviter agrave exploiter des scelleacutes qui nauraient pas eacuteteacute analyseacutes une premiegravere fois ou que les

eacutevolutions technologiques permettraient de mieux exploiter ou deacuteclairer sous un jour

diffeacuterent (en exploitant des traces ADN que leacutetat des technologies navait pas permis

dexploiter agrave leacutepoque de lenquecircte) raquo3 Le procureur examine la demande et statue dans un

1 V supra ndeg 373 agrave 382 2 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit 3 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit p 71

211

deacutelai de deux mois1 par une deacutecision motiveacutee En cas de refus le procureur geacuteneacuteral se

prononce dans un deacutelai dun mois

541 Lrsquoarticle 624-5 du Code de proceacutedure peacutenale concerne la situation ougrave la

commission drsquoinstruction est deacutejagrave saisie drsquoune demande Pour faciliter lrsquoarticulation lrsquoarticle

624-5 du Code de proceacutedure peacutenale fait droit au requeacuterant de solliciter aupregraves de la

commission drsquoinstruction la reacutealisation de certains actes Celle-ci statue dans un deacutelai de 3

mois et rendra une deacutecision motiveacutee non susceptible de recours

2 Le pouvoir de suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation

542 La loi nouvelle a maintenu la possibiliteacute de suspendre lrsquoexeacutecution de la

condamnation agrave partir du moment ougrave la requecircte se trouve entre les mains de la commission

drsquoinstruction Il srsquoagit drsquoune solution inteacuteressante lorsque lrsquoinnocence se fait jour degraves

lrsquoouverture de lrsquoeacutetude de la recevabiliteacute Toutefois cette deacutecision incombe maintenant agrave la

chambre criminelle

543 Nous avons vu dans la premiegravere partie que sous lrsquoempire du droit anteacuterieur la

deacutecision de la commission ou de la Cour de suspendre ou de ne pas suspendre lrsquoexeacutecution

drsquoune condamnation srsquoimposait agrave tous et ceci sans possibiliteacute drsquoappel2 La reacuteincarceacuteration de

Monsieur Dany LE PRINCE a eacuteteacute lrsquoun des facteurs de la prise de conscience qursquolaquo il importe

dencadrer davantage les conditions dans lesquelles un organe chargeacute de linstruction des

requecirctes peut deacutecider de suspendre une condamnation influenccedilant ainsi le jugement de la

demande en reacutevision ou en reacuteexamen raquo3 Lrsquoouverture drsquoun droit drsquoappel de la deacutecision de

suspendre ou de ne pas suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation figurait dans la proposition

de loi Les deacuteputeacutes souhaitaient autoriser le parquet agrave faire appel de la deacutecision de la

commission dinstruction en accordant parallegravelement le mecircme droit au condamneacute Mais lrsquoideacutee

de lrsquoappel implique agrave lrsquoeacutegard de la commission la reacuteaffirmation drsquoun pouvoir de deacutecision Ce

pouvoir deacutecisionnel se heurte agrave lrsquoesprit de la loi nouvelle qui veut cantonner la commission

drsquoinstruction dans le rocircle drsquoun juge de la recevabiliteacute de la requecircte Crsquoest pourquoi la loi

nouvelle a preacutevu agrave lrsquoarticle 625 que laquo la commission dinstruction et la formation de

jugement peuvent saisir la chambre criminelle dune demande de suspension de lexeacutecution de

1 Le deacutelai initial eacutetait de 1 mois mais a eacuteteacute jugeacute insuffisant pour permettre un examen approfondi de la demande 2 V supra ndeg 397 agrave 405 3 Rapport du Seacutenat ndeg 467 concernant la proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive accessible sur httpwwwsenatfrrapl13-467l13-46712htmltoc105 p 37

212

la condamnation Le condamneacute peut eacutegalement demander la suspension de lexeacutecution de sa

condamnation agrave la commission dinstruction et agrave la formation de jugement qui transmettent

sa demande agrave la chambre criminelle Les membres de la chambre criminelle qui siegravegent au

sein de la cour de reacutevision et de reacuteexamen ne prennent pas part aux deacutebats ni agrave la deacutecision raquo

3 La nouvelle composition des juridictions de reacutevision

544 La question de la composition des juridictions de reacutevision eacutetait critiqueacutee1 En

effet le silence et les approximations du leacutegislateur pouvaient nourrir des soupccedilons de

partialiteacute Deacutesormais le nouvel article 623 du Code de proceacutedure peacutenale eacutenonce laquo la

demande en reacutevision ou la demande en reacuteexamen est adresseacutee agrave la cour de reacutevision et de

reacuteexamen Celle-ci est composeacutee de dix-huit magistrats de la Cour de cassation dont le

preacutesident de la chambre criminelle qui preacuteside la cour de reacutevision et de reacuteexamen Les dix-

sept autres magistrats sont deacutesigneacutes par lassembleacutee geacuteneacuterale de la Cour de cassation pour

une dureacutee de trois ans renouvelable une fois

Chacune des chambres de la Cour de cassation y est repreacutesenteacutee par trois de ses membres

Dix-sept magistrats suppleacuteants sont deacutesigneacutes dans les mecircmes conditions Le conseiller de la

chambre criminelle dont le rang est le plus eacuteleveacute est deacutesigneacute suppleacuteant du preacutesident de la

chambre criminelle raquo

545 Les requecirctes en reacutevision sont maintenant examineacutees par les cinq membres de la

commission dinstruction2 puis le cas eacutecheacuteant transmises aux treize autres membres qui

constituent la formation de jugement de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen La nouvelle

composition de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen srsquoinspire de la composition de lrsquoancienne

commission de reacuteexamen Lrsquoorganisation de cette cour regraveglementeacutee par la loi devrait effacer

les soupccedilons qui par le passeacute pesaient sur lrsquoimpartialiteacute de la juridiction Lrsquoapport de

laquo magistrats de la diversiteacute raquo issus des rangs de toutes les chambres de la Cour de cassation

constitue aussi un nouvel atout

546 Pour ce qui est des incompatibiliteacutes la loi se fixe comme objectif drsquointerdire agrave

tout magistrat de la juridiction de reacutevision de sieacuteger pour se prononcer sur une affaire dont il a

eu agrave connaicirctre par le passeacute Une deacuterogation agrave cette regravegle est preacutevue dans lrsquohypothegravese ougrave le

magistrat a pu prendre connaissance de lrsquoaffaire lors drsquoun preacuteceacutedent pourvoi en cassation

(juge du droit et non du fait) Une interpreacutetation trop stricte de lrsquointerdiction de sieacuteger aurait 1 V supra ndeg407 agrave 420 2 V Art 623-1 du CPP

213

eu pour conseacutequence de provoquer des problegravemes drsquoorganisation par rapport agrave la composition

de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen (de nombreuses affaires objets drsquoune demande en

reacutevision ont au preacutealable eacuteteacute examineacutees lors drsquoun pourvoi en cassation par la chambre

criminelle et donc par son preacutesident)

547 Deux dispositions sont preacutevues par la loi nouvelle pour eacuteviter qursquoun juge ait agrave

connaicirctre de maniegravere reacutepeacuteteacutee une mecircme affaire Dune part lrsquoarticle 623-1 du Code de

proceacutedure peacutenale preacutevoit que laquo les magistrats qui siegravegent au sein de la commission

dinstruction et leurs suppleacuteants ne peuvent sieacuteger au sein de la formation de jugement de la

cour de reacutevision et de reacuteexamen raquo Cette preacutecaution est conforme au principe de la seacuteparation

des fonctions dinstruction et de jugement rappeleacute par le Conseil constitutionnel dans sa

deacutecision du 8 juillet 2011 relative agrave la composition du tribunal pour enfants1 Deacutejagrave sous

lrsquoempire de la loi de 1989 les magistrats de la chambre criminelle qui avaient participeacute agrave

lexamen de laffaire par la commission de reacutevision ne sieacutegeaient pas agrave la Cour de reacutevision

Toutefois il sagissait dune pratique purement preacutetorienne Drsquoautre part lrsquoarticle 623 -1 du

Code de proceacutedure peacutenale preacutevoit que laquo Ne peuvent sieacuteger au sein de la commission

dinstruction et de la formation de jugement ou y exercer les fonctions du ministegravere public les

magistrats qui dans laffaire soumise agrave la cour de reacutevision et de reacuteexamen ont au sein

dautres juridictions soit fait un acte de poursuite ou dinstruction soit participeacute agrave une

deacutecision sur le fond relative agrave la culpabiliteacute du requeacuterant raquo

548 Toutefois lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision repose aussi sur drsquoautres

consideacuterations que celles preacutevues par les textes la concernant En effet les demandes de

reacutevision (particuliegraverement lrsquoeacutetape de lrsquoarticulation) se heurtaient souvent agrave des obstacles lieacutes agrave

certains aspects de la proceacutedure criminelle Une proceacutedure de reacutevision efficiente suppose un

renforcement des moyens mis agrave la disposition de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen Crsquoest

pourquoi le nouveau texte propose de mieux adapter la proceacutedure peacutenale agrave la reacutevision

sect 2 Lrsquoadaptation de la proceacutedure peacutenale agrave la reacutevision

549 Dans la premiegravere partie nous avons vu que le faible taux de reacuteussite en matiegravere

de reacutevision eacutetait lieacute agrave la difficulteacute de faire eacutemerger dans le temps un fait nouveau ou un

eacuteleacutement inconnu2 Ce constat eacutetait une conseacutequence de lrsquoorganisation de lrsquoensemble du

systegraveme peacutenal Aussi le leacutegislateur a-t-il preacutevu dans la loi de 2014 la mise en place de deux 1 Deacutecision ndeg 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 2 V supra ndeg 373 agrave 381

214

leviers destineacutes agrave encourager le surgissement drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu Le

premier consiste en lrsquoallongement de la dureacutee de conservation des scelleacutes (A) le second est le

renforcement de la meacutemoire de lrsquoaudience (B)

A Lrsquoallongement de la dureacutee de conservation des scelleacutes

550 La conservation des scelleacutes est essentielle pour augmenter les chances drsquoeacutelucider

une affaire criminelle ou deacutelictuelle1 En matiegravere de reacutevision la question de la conservation

des scelleacutes est primordiale srsquoagissant de preuves mateacuterielles susceptibles de servir de

fondement agrave une requecircte en reacutevision Lrsquoanalyse des scelleacutes srsquoest aveacutereacutee deacuteterminante dans

lrsquoaffaire MACHIN Le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu pouvant se manifester plusieurs

anneacutees apregraves la condamnation deacutefinitive le droit agrave la reacutevision pour le requeacuterant ne srsquoeacuteteint

jamais Crsquoest pourquoi il est important que les scelleacutes soient conserveacutes suffisamment

longtemps pour contribuer agrave la manifestation de la veacuteriteacute en cas de demande de reacutevision

551 Lrsquoancien article 41-4 du Code de proceacutedure peacutenale disposait que laquo si la

restitution na pas eacuteteacute demandeacutee ou deacutecideacutee dans un deacutelai de six mois agrave compter de la

deacutecision de classement ou de la deacutecision par laquelle la derniegravere juridiction saisie a eacutepuiseacute sa

compeacutetence les objets non restitueacutes deviennent proprieacuteteacute de lEtat sous reacuteserve des droits des

tiers 2raquo Dans un deacutelai de 6 mois apregraves le rendu drsquoun jugement deacutefinitif les scelleacutes concernant

lrsquoaffaire passeacutee pouvaient donc ecirctre deacutetruits Cette destruction drsquoordre pratique

(deacutesencombrement des greffes) soulevait de nombreuses questions En effet la disparition

preacutecipiteacutee de certains eacuteleacutements mateacuteriels du dossier pouvait constituer un obstacle agrave la

reacutevision Ainsi dans lrsquoaffaire LEPRINCE la destruction de lrsquoarme du crime en application de

lrsquoarticle 41-4 du Code de proceacutedure peacutenale a constitueacute un seacuterieux obstacle agrave la manifestation

de la veacuteriteacute

552 Il eacutetait donc regrettable que laquo la destruction rapide de ces scelleacutes [puisse

empecirccher] de faccedilon irreacutemeacutediable des investigations dont la neacutecessiteacute est aveacutereacutee raquo3 Crsquoest

pour cette raison que la commission de reacutevision a inviteacute en 2007 la Chancellerie agrave enjoindre

aux parquets de laquo conserver les scelleacutes dans les affaires les plus lourdes et deacutelicates raquo mais

1 V en ce sens Question orale avec deacutebat ndeg 0007A de M Jean-Patrick Courtois publieacutee dans le JO Seacutenat du 17102013 - page 2994 accessible sur httpwwwsenatfrquestionsbase2013qSEQ13100007Ahtml 2 Le deacutelai leacutegal de conservation des scelleacutes nrsquoa pas toujours eacuteteacute aussi bref Avant la loi ndeg 99-515 du 23 juin 1999 renforccedilant lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure peacutenale le deacutelai de conservation eacutetait de trois ans 3 Rapport de la Cour de cassation 2007 La documentation franccedilaise p 22

215

aussi dans celles laquo ougrave la culpabiliteacute du condamneacute est contesteacutee raquo et laquo tout particuliegraverement

quand le condamneacute ou son avocat en font la demande raquo1

553 Les progregraves scientifiques permanents et notamment ceux qui ont eacuteteacute reacutealiseacutes dans

le domaine geacuteneacutetique incitent fortement la justice agrave allonger la dureacutee de conservation des

scelleacutes2 Conscient de la situation le Garde des sceaux a indiqueacute dans une reacuteponse

ministeacuterielle que laquo les dispositions de lrsquoarticle 41-4 CPP nrsquoexcluent pas que certains scelleacutes

soient conserveacutes au-delagrave du deacutelai de 6 mois soit parce quun texte le preacutecise soit parce que le

procureur de la Reacutepublique en deacutecide ainsi notamment en cas de non-lieu sil nexclut pas la

reacuteouverture dune nouvelle information avant lexpiration du deacutelai de prescription raquo3 Il a eacuteteacute

preacuteciseacute dans une deacutepecircche du 16 mars 2011 diffuseacutee par la direction des affaires criminelles4 et

des gracircces que le deacutelai de conservation des scelleacutes pouvait ecirctre allongeacute au-delagrave de 6 mois

srsquoagissant de preuves mateacuterielles se rattachant agrave laquo - une proceacutedure dans laquelle une

deacutecision de non-lieu a eacuteteacute rendue mais pour laquelle la reacuteouverture dune nouvelle

information judiciaire avant lexpiration du deacutelai de prescription est envisageable - une

proceacutedure dans laquelle une deacutecision de classement sans suite de relaxe ou dacquittement a

eacuteteacute rendue mais pour laquelle la reacuteouverture dune enquecircte ou dune information judiciaire

avant lexpiration du deacutelai de prescription ne peut ecirctre exclue - une proceacutedure ayant fait

lobjet dune condamnation deacutefinitive mais pour laquelle la perspective dune demande de

reacutevision ou de reacuteexamen ne peut ecirctre exclueraquo5 Cet ameacutenagement faisait suite aux demandes

reacutecurrentes de la commission de reacutevision qui deacuteplorait officiellement chaque anneacutee

laquo la destruction de plus en plus freacutequente et de plus en plus rapide des piegraveces agrave conviction

apregraves deacutecision deacutefinitive en application des dispositions de lrsquoarticle 41-4 du code de

proceacutedure peacutenale interdisant toute expertise compleacutementaire qui aurait pourtant pu ecirctre utile

en raison notamment des progregraves scientifiques raquo

554 Toutefois comme lrsquoa souligneacute Madame le Professeur LAZERGES une deacutepecircche

ne constitue qursquo laquo un fondement textuel extrecircmement fragile pour preacutevoir une deacuterogation agrave un

article du code de proceacutedure peacutenale 6raquo De plus celle-ci ne comportait qursquoune

recommandation relative agrave la prolongation du deacutelai de conservation des scelleacutes dans des cas

1 Ibid Suggestions nouvelles ndash propositions de la commission de reacutevision p 20 2 G DEHARO Lrsquoarticulation du savoir et du pouvoir dans le preacutetoire Gaz Pal 2005 ndeg 265 p 3 speacutec4 3 Reacuteponse du 26 feacutevrier 2013 de la garde des Sceaux agrave la question ndeg 12574 de Mme Ceacutecile Untermaier 4 V Circulaire conjointe du 13 deacutecembre 2011 relative agrave la gestion des scelleacutes accessible sur httpwwwtextesjusticegouvfrart_pixJUSB1134112Cpdf 5 Crsquoest nous qui soulignons 6 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 85

216

particuliers Selon cette simple recommandation le deacutelai de conservation restait donc fixeacute agrave 6

mois

555 La loi du 20 juin 2014 a pris en compte cette attente Crsquoest ainsi que tout en

maintenant un deacutelai de principe de 6 mois le leacutegislateur a preacutevu une deacuterogation pour les

procegraves drsquoassises Il est deacutesormais preacuteciseacute par le nouvel article 41-6 du Code de proceacutedure

peacutenale que laquo Par deacuterogation aux articles 41-4 et 41-5 lorsquune proceacutedure sest acheveacutee

par une condamnation deacutefinitive prononceacutee par une cour dassises le procureur de la

Reacutepublique ou le procureur geacuteneacuteral qui envisage dordonner la remise au service des

domaines ou agrave lAgence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqueacutes ou la

destruction des objets placeacutes sous main de justice dans le cadre de cette proceacutedure en avertit

au preacutealable par eacutecrit le condamneacute Celui-ci dispose agrave compter de la notification de cet

avertissement dun deacutelai de deux mois pour lui faire part de son opposition En cas

dopposition si le procureur de la Reacutepublique ou le procureur geacuteneacuteral nentend pas renoncer

agrave la remise ou agrave la destruction des objets placeacutes sous main de justice il saisit par voie de

requecircte la chambre de linstruction qui se prononce dans un deacutelai dun mois Dans les cas

mentionneacutes au preacutesent article le procureur de la Reacutepublique ou le procureur geacuteneacuteral

reacuteexamine tous les cinq ans dans les mecircmes formes lopportuniteacute de proceacuteder agrave la remise ou

agrave la destruction des objets placeacutes sous main de justice raquo

556 Deacutesormais le deacutelai de conservation est de 5 ans renouvelable dans lrsquohypothegravese ougrave

le condamneacute informeacute par le procureur de leur destruction programmeacutee souhaite les

conserver Si la demande du condamneacute est rejeteacutee par le repreacutesentant du parquet un recours

est ouvert devant la chambre de lrsquoinstruction Le procureur de la Reacutepublique ou le procureur

geacuteneacuteral devra reacuteexaminer selon les mecircmes formes tous les cinq ans la possibiliteacute de

proceacuteder agrave la destruction des scelleacutes Le coucirct lieacute agrave la conservation des scelleacutes (482 millions

drsquoeuros en 2012) peut expliquer la porteacutee restrictive de cette regravegle qui ne concerne que les

crimes La situation est inchangeacutee pour les deacutelits Selon Monsieur TOURRET nouvelle

disposition laquo est eacutequilibreacutee elle ne renverse pas le principe geacuteneacuteral de conservation des

scelleacutes durant six mois mais se borne agrave ajouter une deacuterogation suppleacutementaire agrave celles

existantes limitant ainsi les investissements agrave reacutealiser pour leur stockage raquo1

1 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit p 54

217

557 Ensuite pour encourager le surgissement drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement

inconnu la loi nouvelle poursuit lrsquoadaptation de la proceacutedure peacutenale agrave la question de la

reacutevision en renforccedilant la meacutemoire de lrsquoaudience

B Le renforcement de la meacutemoire de lrsquoaudience

558 Lors de lrsquoexamen drsquoune requecircte en reacutevision la juridiction de reacutevision appreacutecie la

pertinence du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu invoqueacute Cette analyse srsquoeffectue en se

reacutefeacuterant au parcours proceacutedural anteacuterieur et surtout en srsquoattelant agrave lrsquoexamen des motivations

des deacutecisions qui ont eacuteteacute rendues Or la motivation des deacutecisions en particulier celles des

cours drsquoassises alors mecircme que la loi du 10 aout 2011 tendait vers une ameacutelioration srsquoavegravere

toujours insuffisante par rapport aux exigences de connaissance de la juridiction de reacutevision

(1) Plutocirct que drsquointervenir agrave nouveau sur la motivation en matiegravere criminelle le leacutegislateur a

preacutefeacutereacute opter pour lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats en cours drsquoassises (2)

1 Lrsquoinsuffisance de la motivation en matiegravere criminelle par rapport aux

besoins de connaissance du pourvoi en reacutevision

559 La motivation de la deacutecision permet de veacuterifier que celle-ci est laquo fondeacutee sur des

raisons logiques et non sur des motifs inavouables raquo et que laquo le tribunal nrsquoa pas statueacute en

fonction de preacutejugeacute personnel mais srsquoest fondeacute sur un raisonnement juridique et coheacuterent1 raquo

Devant les cours drsquoassises il a eacuteteacute longtemps admis que les dispositions de larticle 132-19

alineacutea 2 du Code peacutenal ne pouvaient srsquoappliquer aux deacutelibeacuterations drsquoun laquo tribunal

populaire 2raquo Crsquoest ainsi que larrecirct au fond ne comportait de motivation autre que la seule

reacuteponse aux questions poseacutees Cette pratique eacutetait jugeacutee par la France conforme aux exigences

du procegraves eacutequitable preacutevues agrave larticle 6 de la CEDH3 Cependant cette maniegravere de faire

srsquoopposait agrave la jurisprudence europeacuteenne4 Crsquoest pourquoi aujourdrsquohui la loi du 10 aoucirct 20115

a preacutevu agrave lrsquoarticle 365-1 du Code de proceacutedure peacutenale une obligation de motivation des

1 L BORE laquo La motivation des deacutecisions de justice et la CEDH raquo JCP G 2002 I p 104 2 A-S CHAVENT LECLERE Commentaire de la loi ndeg 2011-939 du 10 aoucirct 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice peacutenale et le jugement des mineurs Proceacutedures 2011 ndeg 11 eacutetude 11 laquo En matiegravere criminelle le droit franccedilais consacre une veacuteritable justice populaire en ce sens que les jureacutes ameneacutes agrave trancher des questions de culpabiliteacute et de peine sont des citoyens ordinaires raquo 3 Cass crim 12 mars 2008 ndeg 07-83965 Cass crim 10 deacutec 2008 ndeg 08-82880 Cass crim 7 janv 2009 ndeg 08-83672 4 CEDH Grande chambre 16 novembre 2010 Taxquet c Belgique Req ndeg 92605 5 Loi ndeg 2011-939 du 10 aoucirct 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice peacutenale et le jugement des mineurs

218

deacutecisions des cours drsquoassises dans une annexe agrave la feuille des questions dite laquo feuille de

motivation raquo1

560 En cas de condamnation la motivation de la deacutecision reprend les eacuteleacutements des

deacutelibeacuterations qui ont contribueacute agrave convaincre la cour drsquoassises de la culpabiliteacute de lrsquoaccuseacute2

Dans lrsquohypothegravese ougrave lrsquoaffaire est laquo drsquoune particuliegravere complexiteacute raquo la feuille de motivation

peut ecirctre reacutedigeacutee apregraves le prononceacute de la deacutecision et ce dans un deacutelai de trois jours

561 Toutefois cet ameacutenagement parait encore incomplet3 pour satisfaire pleinement

les exigences de transparence des deacutecisions une fois attaqueacutees en reacutevision4 En effet seuls les

laquo principaux raquo eacuteleacutements agrave charge ayant motiveacute la deacutecision de la cour drsquoassises sont

mentionneacutes dans la feuille de motivation Comme il est indiqueacute dans la

circulaire drsquoapplication de la loi seule est exigeacutee une laquo mise en forme syntheacutetique et

succincte raquo des eacuteleacutements agrave charge donc les plus importants Il srsquoagit surtout des eacuteleacutements qui

ont servi de fondement agrave la conviction du plus grand nombre de jureacutes La feuille de

motivation peut consister en une laquo simple eacutenumeacuteration de ces eacuteleacutements raquo qui est laquo beaucoup

plus concise si lrsquoaccuseacute a reconnu les faits raquo Elle ne contient laquo ni la deacutemonstration de la

culpabiliteacute de lrsquoaccuseacute ni lrsquoexposeacute de lrsquoensemble des eacuteleacutements agrave charge retenus contre lui raquo

ni laquo la liste de lrsquoensemble des eacuteleacutements agrave deacutecharge que la cour nrsquoaura par deacutefinition pas

retenus raquo De plus ces dispositions connaissent des applications diffeacuterentes selon les acteurs

au procegraves drsquoassises5

1 J PRADEL Aperccedilu rapide JCP G 2011 ndeg923 P De COMBLES DE NAYVES Un pas vers le controcircle des motivations des cours drsquoassises obs sous cass crim 20 novembre 2013 AJ Peacutenal 2014 p 81 2 C PAFFENHOFF La deacutelibeacuteration de la Cour drsquoassises Proceacutedures 2011 ndeg 3 dossier 7 3 A-S CHAVENT LECLERE op cit ndeg 14 laquo Conceptuellement il est difficile de percevoir agrave travers le peu de clarteacute de la disposition si la Cour dassises doit exposer les raisons qui lont convaincue ou si elle peut sen passer Le leacutegislateur semble avoir eu du mal ici agrave concilier le principe immuable de lintime conviction avec la reacutecente exigence de la motivation quand bien mecircme cette cohabitation na jamais poseacute de problegraveme sagissant des deacutecisions correctionnelles raquo 4 C LAZERGES Reacuteflexions sur lrsquoerreur judiciaire op cit p 709 laquo (hellip) la motivation est en effet aussi un instrument de preacutevention des erreurs judiciaires raquo 5 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 92 laquo Si certains magistrats se conforment a minima aux prescriptions leacutegales parfois par des formules sibyllines ou en eacutetablissant en quelques lignes les principaux eacuteleacutements agrave charge drsquoautres reproduisent partiellement la deacutecision de renvoi eacutemanant de la juridiction drsquoinstruction nettement plus deacutetailleacutee quant aux circonstances et aux faits susceptibles drsquoeacutetablir la culpabiliteacute de lrsquoaccuseacute Ni lrsquoune ni lrsquoautre de ces solutions nrsquoapparaissent tout agrave fait satisfaisantes bien qursquoil faille reconnaicirctre que dans le deacutelai imparti par la loi il soit difficile de faire autrement Comment expliciter dans le deacutetail lrsquointeacuterecirct preacutesenteacute par chacun des eacuteleacutements agrave charge au regard du verdict final quand la motivation doit ecirctre reacutedigeacutee immeacutediatement agrave lrsquoissue du deacutelibeacutereacute apregraves de longues heures de deacutebat et sous la pression leacutegitime drsquoun condamneacute dans lrsquoattente de son verdict Certes la loi preacutevoit que la reacutedaction peut ecirctre diffeacutereacutee mais cette faculteacute doit ecirctre reacuteserveacutee aux affaires les plus complexes et revecirct en reacutealiteacute un caractegravere exceptionnel raquo

219

562 La motivation trop lapidaire peut affaiblir le corpus de la deacutecision rendue En

lrsquoeacutetat la motivation des deacutecisions de cours drsquoassises ne reacutepond que marginalement aux

exigences de curiositeacute de la proceacutedure de reacutevision1 Toutefois reacuteformeacutee il y a de cela moins

de trois ans il parait encore preacutematureacute de dresser un bilan preacutecis des dispositions en vigueur

Crsquoest ainsi que la loi nouvelle a fait le choix de preacuteserver la meacutemoire de lrsquoaudience en optant

pour lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats aux assises

2 Lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats aux assises

563 Le succegraves drsquoune requecircte en reacutevision est conditionneacute par la deacutecouverte de la

preuve drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement inconnu Or il semble souvent difficile pour les

magistrats de la commission drsquoinstruction de deacuteterminer et ce mecircme depuis la loi du 10 aoucirct

2011 si lrsquoeacuteleacutement en question a deacutejagrave ou non eacuteteacute deacutebattu

564 En matiegravere correctionnelle larticle 453 du Code de proceacutedure peacutenale preacutevoit que

laquo le greffier tient note du deacuteroulement des deacutebats et principalement sous la direction du

preacutesident des deacuteclarations des teacutemoins ainsi que des reacuteponses du preacutevenu raquo Dans ce cas la

meacutemoire du contenu des deacutebats est preacuteserveacutee dans ses moindres deacutetails2 En revanche en

matiegravere criminelle loraliteacute des deacutebats des cours dassises interdit de reproduire avec

exactitude les deacuteclarations des teacutemoins experts ou autres intervenants au procegraves Lrsquoabsence

de compte rendu inteacutegral des deacutebats non combleacute par la feuille de motivation soulegraveve le

problegraveme de lrsquoapport de la preuve du fait nouveau et de lrsquoeacuteleacutement inconnu

565 On aurait pu penser que lrsquoarticle 308 du Code de proceacutedure peacutenale (ancienne

reacutedaction) apportait une solution agrave cette difficulteacute3 En effet il disposait laquo le preacutesident de la

cour dassises peut ordonner que les deacutebats feront lobjet en tout ou partie sous son controcircle

dun enregistrement sonore Il peut eacutegalement agrave la demande de la victime ou de la partie

civile ordonner que laudition ou la deacuteposition de ces derniegraveres feront lobjet dans les mecircmes

conditions dun enregistrement audiovisuel raquo Toutefois simple modaliteacute technique laisseacutee agrave

1 N FRICERO Motivation des arrecircts drsquoassises Proceacutedures 2013 comm 72 J NORMAND laquo Le domaine du principe de motivation raquo in La motivation Travaux de lrsquoassociation H Capitant LGDJ 2000 p18 2 La CNCDH laquorecommande de reacutefleacutechir agrave la deacutefinition drsquoune meacutethode rigoureuse de reacutedaction des notes et procegraves-verbaux drsquoaudience notamment dans le cadre drsquoun partenariat entre lrsquoEcole nationale des greffes et lrsquoEcole nationale de la magistrature raquo V CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 41 3 Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi ndeg 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et drsquoallegravegement des proceacutedures la commission de reacutevision dispose drsquoun accegraves libre agrave ces enregistrements

220

lrsquoappreacuteciation des preacutesidents de cours lenregistrement sonore ou audiovisuel des deacutebats eacutetait

somme toute rarement mis en place

566 Deacutesormais la nouvelle loi apporte la solution en imposant lrsquoenregistrement

systeacutematique des deacutebats drsquoaudience aux assises La nouvelle reacutedaction de lrsquoarticle 308 fait

deacutesormais obligation au preacutesident de recourir agrave cette technique laquo toutefois les deacutebats de la

cour dassises font lobjet dun enregistrement sonore sous le controcircle du preacutesident Le

preacutesident peut eacutegalement agrave la demande de la victime ou de la partie civile ordonner que

laudition ou la deacuteposition de ces derniegraveres fassent lobjet dans les mecircmes conditions dun

enregistrement audiovisuel raquo Le renouvellement des teacutemoignages en appel des proches et

des victimes consistait en un rendez-vous douloureux avec lrsquoauteur du crime rejugeacute

Lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats a donc comme autre avantage drsquoeacuteviter une nouvelle

eacutepreuve et de faciliter un eacuteventuel travail de deuil

221

Conclusion du chapitre 1

567 Lrsquoanneacutee 2014 a eacuteteacute le marqueur drsquoun veacuteritable bouleversement dans le domaine

de la reacutevision Elle a mis fin agrave une longue peacuteriode drsquoimmobilisme puisque le leacutegislateur a

enfin reconnu que la lutte contre lrsquoerreur judiciaire et sa reacuteparation impliquaient une prise en

compte conjointe de lrsquoexigence de seacutecurisation de la proceacutedure en amont du pourvoi en

reacutevision et drsquoune meilleure accessibiliteacute de ce recours

568 Force est de constater que les modifications intervenues en 2014 comportent de

reacuteelles avanceacutees comme la regraveglementation de la composition de la juridiction de reacutevision

Lrsquointervention heureuse du leacutegislateur a concerneacute tant lrsquoaspect structurel que conjoncturel de

la proceacutedure

569 Toutefois une reacuteforme de la reacutevision efficace implique un changement au niveau

de la perception des rapports entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision Crsquoest

donc en toute logique que le chapitre 2 traitera de cette question Nous nous apercevrons que

lrsquoantagonisme entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoa pas disparu

depuis la reacuteforme

222

CHAPITRE 2 LE MAINTIEN DrsquoUNE APPROCHE

TROP RESTRICTIVE DE LA REVISION

570 Le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a eacuteteacute preacutesenteacute comme le fondement de

la proceacutedure de reacutevision Le leacutegislateur soucieux de regraveglementer le pourvoi en reacutevision a eacuteteacute

contraint de reacutesoudre lrsquoeacutepineuse question de lrsquoarbitrage entre le perfectionnisme de la justice

et la stabiliteacute des deacutecisions La recherche de ce subtil eacutequilibre est agrave lrsquoorigine de bien des

difficulteacutes que la loi de 1989 nrsquoa jamais reacuteussi agrave reacutesoudre Les justifications traditionnelles de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee tant neacutegative que positive ont pour conseacutequence drsquoentretenir une

contradiction quasi inextricable entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision Crsquoest ainsi que

le leacutegislateur et la jurisprudence adoptaient par rapport agrave la reacutevision une attitude prudente

voire restrictive Or un repli de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee (plus particuliegraverement son volet

neacutegatif) vers ses veacuteritables fonctions serait le vecteur de la reconnaissance drsquoun

rapprochement entre la reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Crsquoest pourquoi toute reacuteforme

du pourvoi en reacutevision doit srsquoaccompagner drsquoun travail de questionnement sur lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee En effet comment ameacuteliorer la proceacutedure de reacutevision si la base de lrsquoeacutedifice

renferme elle-mecircme des fragiliteacutes

571 La loi du 20 juin 2014 se fixe comme objectif de faciliter lrsquoaccessibiliteacute de la

proceacutedure de reacutevision Atteindre cet objectif suppose que le leacutegislateur srsquoattegravele agrave travers cette

loi agrave eacutelargir son champ de vision sur le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee En lrsquoabsence

de cette reacuteflexion toute reacuteforme susceptible drsquoameacuteliorer lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision

serait vaine

572 Sur certains points le nouveau texte prend en compte le laquo vice congeacutenital de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui fait triompher la valeur de seacutecuriteacute sur la valeur de justice raquo1

Toutefois malgreacute ces efforts lrsquoattachement agrave la conception traditionnelle de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee reste bien preacutesent Il en reacutesulte qursquoentre les deux impeacuteratifs agrave concilier la

tendance agrave la stabiliteacute a de nouveau pris le pas sur celle du perfectionnisme de la justice

(section 1) Il nrsquoest nullement question drsquoenvisager un abandon de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

indispensable agrave la preacuteservation de la paix sociale Une telle solution deacutenaturerait le caractegravere

1 H MOTULSKY op cit

223

extraordinaire de la reacutevision Toutefois la paix sociale figurant aussi au cœur du pourvoi en

reacutevision elle devrait contribuer agrave nuancer la logique oppositionnelle Or la loi de 2014

srsquoinscrit dans le droit fil de la conception traditionnelle Cette vision risque drsquoentraver comme

ce fut le cas en 1989 lrsquoeacuteclosion des aspects libeacuteraux du texte (Section 2)

Section 1 Lrsquoattachement agrave la conception traditionnelle

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

573 Les rapporteurs de la loi de 2014 ont laquo acquis la conviction qursquoun changement

leacutegislatif eacutetait neacutecessaire raquo1 estimant que la proceacutedure de reacutevision nrsquoeacutetait pas suffisamment

accessible La nouvelle loi a donc eu pour ambition drsquoeacutelargir lrsquoaccegraves agrave la proceacutedure En

reacutealiteacute il srsquoagissait de srsquoattaquer au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee En effet le fait de

faciliter lrsquoaccegraves agrave la reacutevision a pour conseacutequence de modifier lrsquoeacutequilibre entre les deux

tendances qui se disputent la preacuteeacuteminence au sein de la proceacutedure de reacutevision celle du

perfectionnisme qui se caracteacuterise par la volonteacute afficheacutee de rendre la meilleure justice

possible et celle lieacutee agrave la stabiliteacute des deacutecisions de justice impliquant agrave un moment donneacute de

ne plus pouvoir remettre en cause une deacutecision Quelle est donc la porteacutee reacuteelle des

changements voulus par le nouveau texte Lrsquoaccessibiliteacute de la proceacutedure de reacutevision est-elle

deacutesormais mieux garantie Le texte est-il agrave la hauteur de ses ambitions

574 Le leacutegislateur tente de faciliter les conditions de lrsquoouverture du recours en

agissant sur deux leviers relatifs respectivement aux personnes pouvant initier la reacutevision et

aux cas drsquoouverture de la reacutevision Srsquoagissant du premier point lrsquoobjectif drsquoouverture paraicirct

atteint En effet deacutesormais un nombre plus important de personnes peut deacuteposer une requecircte

(sect 1) En revanche le traitement de la question ocirc combien cruciale de la facilitation des cas

drsquoouverture est deacutecevant (sect 2)

sect 1 Lrsquoouverture de la reacutevision agrave de nouveaux requeacuterants

575 Les condamneacutes sont les plus nombreux agrave se pourvoir devant la commission

Toutefois le recours est accessible agrave drsquoautres demandeurs Le leacutegislateur srsquoest preacutemuni contre

des abus en eacutetablissant une liste des personnes autoriseacutees agrave agir Les requecirctes formuleacutees par

des demandeurs non preacutevus sont donc rejeteacutees2 Lrsquoexistence drsquoune telle liste se justifie encore

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 61 2 V Cass crim 24 mars 1994 Bull ndeg 115 et eacutegalement Cass crim 14 deacutec 2006 ndeg 05-82943 Bull ndeg 315

224

faut-il qursquoelle ne soit pas au service exclusif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et de nature agrave

brider lrsquoexercice du droit drsquoagir Sur ce point le nouveau texte fait preuve drsquoune ouverture

(B) par rapport au caractegravere restrictif de lrsquoancienne leacutegislation de 1989 (A)

A Le caractegravere restrictif des dispositions de 1989

576 Lrsquoancien article 623 du Code de proceacutedure peacutenale disposait sans distinction du

cas drsquoouverture invoqueacute1 que laquo la reacutevision [pouvait] ecirctre demandeacutee 1deg Par le ministre de la

justice 2deg Par le condamneacute ou en cas dincapaciteacute par son repreacutesentant leacutegal 3deg Apregraves la

mort ou labsence deacuteclareacutee2 du condamneacute par son conjoint ses enfants ses parents ses

leacutegataires universels ou agrave titre universel3 ou par ceux qui en ont reccedilu de lui la mission

expresse raquo

577 Lrsquoimpact de cette liste exhaustive qui ouvrait theacuteoriquement la porte agrave un

foisonnement du nombre de requecirctes eacutetait en reacutealiteacute moins important que preacutevu

Lrsquoexplication de cette modeacuteration avait pour origine les restrictions lieacutees au cas du deacutecegraves ou

de lrsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacute (1) et lrsquoabsence de pouvoir drsquoagir reconnu au ministegravere

public (2)

1 Le cas du deacutecegraves ou de lrsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacute

578 En cas de deacutecegraves ou drsquoabsence du condamneacute lrsquoaction eacutetait limiteacutee dans le temps

Seuls les parents ou les repreacutesentants de la premiegravere geacuteneacuteration du deacutefunt ou de lrsquoabsent

pouvaient agir Cette limite se justifiait par lrsquoideacutee selon laquelle lrsquoeacutelargissement du champ

drsquoaction se heurterait agrave des difficulteacutes probatoires auxquelles se rajouterait lrsquoabsence drsquointeacuterecirct

agrave agir En ce sens il eacutetait consideacutereacute comme peu probable que la condamnation litigieuse ne

produise encore des effets sur la famille du condamneacute ou sur la socieacuteteacute Pourtant

lrsquointerdiction faite aux petits-enfants de former un recours eacutetait de nature agrave ignorer les

1 Avant la loi de 1989 la deacutetermination des requeacuterants autoriseacutes agrave deacuteposer une demande en reacutevision deacutependait du cas drsquoouverture invoqueacute Il fallait distinguer les cas deacutetermineacutes du quatriegraveme cas drsquoouverture V en ce sens H ANGEVIN Les demandeshellip op cit ndeg 69 agrave 102 2 Au sens de lrsquoarticle 122 du Code civil Cet article preacutevoit que laquo lorsquil se sera eacutecouleacute dix ans depuis le jugement qui a constateacute la preacutesomption dabsence soit selon les modaliteacutes fixeacutees par larticle 112 soit agrave loccasion de lune des proceacutedures judiciaires preacutevues par les articles 217 et 219 1426 et 1429 labsence pourra ecirctre deacuteclareacutee par le tribunal de grande instance agrave la requecircte de toute partie inteacuteresseacutee ou du ministegravere public Il en sera de mecircme quand agrave deacutefaut dune telle constatation la personne aura cesseacute de paraicirctre au lieu de son domicile ou de sa reacutesidence sans que lon en ait eu de nouvelles depuis plus de vingt ans raquo 3 Cass crim 17 juin 1996 ndeg 00-90154 Bull ndeg 255 Comm reacutevision 28 juin 1996 ndeg 00-99001 Bull ndeg 28 En revanche le deacutecegraves du condamneacute posteacuterieur au deacutepocirct de sa demande mettait fin agrave la proceacutedure si elle nrsquoeacutetait pas reprise par une des personnes eacutenumeacutereacutees V Comm reacutevision 10 janv 2000 ndeg 00-99047 Bull ndeg 6 H ANGEVIN op cit ndeg 105

225

souffrances ou stigmates que pouvait provoquer sur la deuxiegraveme geacuteneacuteration des descendants

du condamneacute une condamnation jugeacutee injuste Les affaires DOMINICI et SEZNEC eacutetaient

lrsquoillustration de ces situations Crsquoest ainsi que de cette douleur pouvait mecircme rejaillir sur la

troisiegraveme geacuteneacuteration En effet les progregraves de la meacutedecine de la nutrition et de lrsquohygiegravene de

vie ont favoriseacute la baisse de la mortaliteacute infantile et lrsquoallongement de la dureacutee de vie sur

plusieurs geacuteneacuterations Parallegravelement lrsquoexclusion des fregraveres et sœurs empecircchait la reacutevision

drsquoune deacutecision de justice deacutefinitive concernant un condamneacute ceacutelibataire et sans enfants

deacuteceacutedeacute et dont les parents seraient eacutegalement disparus Dans le mecircme sens en cas de deacutecegraves

ou drsquoabsence deacuteclareacutee ce droit nrsquoeacutetait ouvert qursquoau seul conjoint Cette situation ignorait de

fait les mutations socieacutetales telles les nouveaux modes de communauteacutes de vie que sont le

concubinage et le PACS

579 La possibiliteacute offerte au Ministre de la justice de deacuteposer une requecircte pouvait ecirctre

un contrepoids agrave cette liste restrictive Toutefois il nrsquoest pas eacutevident que cette intervention

ministeacuterielle pouvait venir efficacement au secours des laquo oublieacutes raquo De 1989 agrave 2014 seules

neuf requecirctes en reacutevision avaient eacuteteacute deacuteposeacutees agrave lrsquoinitiative du Garde des sceaux

580 De plus cette liste eacutetait marqueacutee par lrsquoabsence du ministegravere public En effet il a

la charge de la deacutefense impartiale1 des inteacuterecircts de la socieacuteteacute Il est selon lrsquoarticle 66 de la

Constitution le garant des liberteacutes individuelles

2 Le ministegravere public priveacute du pouvoir drsquoagir

581 Cette absence eacutetait drsquoautant plus surprenante que le ministegravere public pouvait

drsquoune part solliciter le reacuteexamen drsquoune deacutecision deacutefinitive dans le cadre drsquoune condamnation

de la France par la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme2 et drsquoautre part former un

pourvoi en cassation dans lrsquointeacuterecirct de la loi contre une deacutecision deacutefinitive3 Le plein exercice

de ses preacuterogatives aurait donc supposeacute qursquoon lui reconnaisse le droit de demander la reacutevision

drsquoune condamnation deacutefinitive Lrsquoesprit de la loi du 25 juillet 20134 qui clarifie les rapports

1 Article 31 du CPP laquo Le ministegravere public exerce lrsquoaction publique et requiert lrsquoapplication de la loi dans le respect du principe drsquoimpartialiteacute auquel il est tenu raquo 2 Lrsquoancien article 626-2 CPP disposait laquo Le reacuteexamen peut ecirctre demandeacute par [hellip] le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation raquo 3 Article 621 CPP laquo Lorsquil a eacuteteacute rendu par une cour dappel ou dassises ou par un tribunal correctionnel ou de police un arrecirct ou jugement en dernier ressort sujet agrave cassation et contre lequel neacuteanmoins aucune des parties ne sest pourvue dans le deacutelai deacutetermineacute le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation peut doffice et nonobstant lexpiration du deacutelai se pourvoir mais dans le seul inteacuterecirct de la loi contre ledit jugement ou arrecirct raquo 4 Loi ndeg 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministegravere public en matiegravere de politique peacutenale et de mise en œuvre de laction publique

226

entre la Chancellerie et les magistrats du ministegravere public tendait drsquoailleurs vers cette

solution1

582 Il parait eacutevident que lrsquoexclusion du ministegravere public eacutetait deacuterangeante car elle

empecircchait lrsquoexercice drsquoun recours dans des situations dont lrsquointeacuterecirct eacutetait certain

583 Le leacutegislateur de 2014 a incontestablement ameacutelioreacute la situation en eacutelargissant le

spectre de la liste des personnes autoriseacutees agrave deacuteposer une requecircte en reacutevision Ces possibiliteacutes

nouvelles sont de nature agrave remettre en cause lrsquoheacutegeacutemonie de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

B Un nouveau texte plus libeacuteral

584 Deacutesormais le nouvel article 622-2 du Code de proceacutedure peacutenale dispose laquo La

reacutevision et le reacuteexamen peuvent ecirctre demandeacutes laquo 1deg Par le ministre de la justice 2deg Par le

procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation 3deg Par le condamneacute ou en cas dincapaciteacute

par son repreacutesentant leacutegal 4deg Apregraves la mort ou labsence deacuteclareacutee du condamneacute par son

conjoint le partenaire lieacute par un pacte civil de solidariteacute son concubin ses enfants ses

parents ses petits-enfants ou arriegravere-petits-enfants ou ses leacutegataires universels ou agrave titre

universel La reacutevision peut en outre ecirctre demandeacutee par les procureurs geacuteneacuteraux pregraves les

cours dappel raquo

585 Ce nouveau texte compareacute agrave lrsquoancien article 623 met en eacutevidence la

libeacuteralisation de la proceacutedure En effet la reacutevision drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive peut

deacutesormais ecirctre solliciteacutee par un nombre plus important de personnes Le leacutegislateur a multiplieacute

les possibiliteacutes de deacutepocirct drsquoune requecircte en cas de deacutecegraves ou drsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacute

(1) Il a eacutegalement affirmeacute le rocircle du ministegravere public qui peut enfin prendre lrsquoinitiative de

deacuteposer une requecircte en reacutevision (2)

1 Le cas du deacutecegraves ou de lrsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacute

586 Confronteacute aux eacutevolutions socieacutetales le leacutegislateur a eacutelargi la liste en direction du

du pacseacute et du concubin La mention inusiteacutee de laquo ceux qui en ont reccedilu de lui la mission

expresse raquo ne figure plus dans le nouveau texte2 De plus le droit agrave la reacutevision srsquoapplique

deacutesormais aux petits enfants et arriegraveres petits-enfants du condamneacute Crsquoest ainsi que le

1 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1047 relatif aux attributions du Garde des sceaux et des magistrats du ministegravere public en matiegravere de politique peacutenale et drsquoaction publique preacutesenteacute par Monsieur J-Y LE BOUILLONNEC 21 mai 2013 accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rapportsr1047asp 2 Cette possibiliteacute nrsquoavait jamais eacuteteacute utiliseacutee

227

leacutegislateur a ouvert la voie agrave la justice meacutemorielle en permettant de faire jaillir la veacuteriteacute dans

lrsquohypothegravese ougrave le fait nouveau interviendrait apregraves le deacutecegraves ou lrsquoabsence du condamneacute et

voire apregraves la disparition de la premiegravere geacuteneacuteration Srsquoagissant drsquoune reacuteelle avanceacutee ce

dispositif peut toutefois soulever certaines difficulteacutes quant agrave son application pratique1 En

effet pourrait se poser la question des soldats fusilleacutes pour lrsquoexemple durant la premiegravere

Guerre Mondiale Lrsquoouverture du recours agrave la deuxiegraveme et troisiegraveme geacuteneacuteration du condamneacute

permettrait drsquoaccueillir des demandes de reacutevision formeacutees contre les condamnations agrave mort

prononceacutees par les tribunaux militaires entre 1914 et 1918 Dans ce cas une reacuteformation

tardive des condamnations peacutenales deacutefinitives se heurterait agrave de nombreux obstacles

notamment ceux lieacutes agrave la preuve de lrsquoinnocence des soldats fusilleacutes dans des circonstances

troubleacutees

2 Le ministegravere public titulaire drsquoun droit drsquoagir

587 Le nouveau texte met fin agrave lrsquoabsence incompreacutehensible du ministegravere public qui

nrsquoeacutetait pas listeacute parmi les personnes autoriseacutees agrave agir Il permet au procureur geacuteneacuteral pregraves la

Cour de cassation de deacuteposer une requecircte en reacutevision agrave lrsquoinstar du pouvoir dont il disposait

deacutejagrave en matiegravere de reacuteexamen Sont eacutegalement autoriseacutes agrave agir les procureurs geacuteneacuteraux pregraves les

cours dappel

588 Avant 2014 le Ministre de la justice eacutetait la seule autoriteacute judiciaire habiliteacutee agrave

deacuteposer une requecircte en reacutevision A lrsquoeacutepoque le parquet qui voulait initier le deacutepocirct drsquoune

requecircte devait donc obligatoirement en reacutefeacuterer au garde des Sceaux laquo Dans les faits les

services de la chancellerie nrsquoont jamais refuseacute agrave un procureur geacuteneacuteral lrsquoexercice drsquoun tel

recours raquo2 Par exemple dans lrsquoaffaire Marc MACHIN la reacutevision a en reacutealiteacute eacuteteacute initieacutee par

le procureur geacuteneacuteral pregraves la cour drsquoappel de Versailles qui srsquoest adresseacute au Ministre de la

justice Toutefois le bien-fondeacute de cette situation ougrave le pouvoir politique eacutetait un acteur

incontournable de la proceacutedure pouvait paraicirctre pour le moins curieux Le nouveau texte a le

meacuterite drsquoapporter une clarification et de recentrer le pourvoi en reacutevision vers une pratique plus

conforme avec le principe de seacuteparation des pouvoirs

589 La preacutesence du ministegravere public a pour conseacutequence de faciliter lrsquoaction de celui

qui bien que ne figurant pas sur la liste des requeacuterants aurait inteacuterecirct agrave agir En effet il semble

plus commode de srsquoadresser au procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation ou la cour drsquoappel 1 Sur ce point V E ALLAIN Les vieilles affaires AJ Peacutenal 2015 p 165 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit ndeg 86

228

que de solliciter lrsquointervention du Ministre de la justice De plus les nouvelles preacuterogatives du

ministegravere public sont la conseacutequence logique de la possibiliteacute qui est deacutesormais offerte au

condamneacute de solliciter aupregraves du parquet la reacutealisation drsquoactes drsquoinvestigations1 Dans

lrsquohypothegravese ougrave les investigations deacutebouchent sur la deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers

susceptible drsquoecirctre identifieacute comme le vrai coupable la logique veut que le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel en soit informeacute et puisse en tirer les conseacutequences qui srsquoimposent

590 Srsquoagissant de cette nouvelle preacuterogative il faudra en lrsquoabsence de preacutecisions du

texte veiller agrave diffeacuterencier le membre du ministegravere public agrave lrsquoinitiative du deacutepocirct de la requecircte

de celui en charge des conclusions devant la commission drsquoinstruction puis devant la Cour de

reacutevision et de reacuteexamen En effet eacutetroitement lieacutee agrave des questions de fait la reacutevision implique

lrsquointervention drsquoun avocat geacuteneacuteral diffeacuterent aux divers stades de la proceacutedure permettant ainsi

de jeter un double voire un triple regard sur les faits Il aurait eacuteteacute neacutecessaire de mentionner

cette incompatibiliteacute agrave lrsquoarticle 623-1 du Code de proceacutedure peacutenale qui preacutevoit que laquo ne

peuvent sieacuteger au sein de la commission dinstruction et de la formation de jugement ou y

exercer les fonctions du ministegravere public les magistrats qui dans laffaire soumise agrave la cour

de reacutevision et de reacuteexamen ont au sein dautres juridictions soit fait un acte de poursuite ou

dinstruction soit participeacute agrave une deacutecision sur le fond relative agrave la culpabiliteacute du requeacuterant raquo

591 Le ministegravere public deacutesormais autoriseacute agrave formuler une requecircte en reacutevision se

pose donc la question de lrsquoopportuniteacute du maintien des attributions du Garde des sceaux

Depuis la loi ndeg 2013-669 du 25 juillet 20132 le garde des Sceaux ne peut plus dans le cadre

drsquoaffaires individuelles adresser des instructions aux magistrats du parquet Ainsi le principe

de seacuteparation des pouvoirs commanderait selon Monsieur VIOUT que le Garde des Sceaux

repreacutesentant de lrsquoexeacutecutif ne puisse plus agrave lrsquooccasion drsquoune demande de reacutevision drsquoune

condamnation interfeacuterer avec le cours de la justice3 Toutefois il ressort que laquo la possibiliteacute

drsquointroduire un recours en reacutevision ne saurait ecirctre analyseacutee comme une instruction

individuelle donneacutee par le garde des Sceaux raquo De plus la reconduction de cette preacuterogative

historique accordeacutee au Ministre de la justice preacutesente lrsquointeacuterecirct drsquooffrir un outil suppleacutementaire

agrave lrsquoexercice de la reacutevision

1 V supra ndeg 531 2 Loi ndeg 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministegravere public en matiegravere de politique peacutenale et de mise en œuvre de laction publique 3 Rapport drsquoinformation op cit Contribution de J-O VIOUT p 241

229

592 La comparaison faite entre les deux textes deacutebouche sur le constat drsquoune

libeacuteralisation incontestable de la proceacutedure qui se trouve deacutesormais accessible agrave un plus grand

public Toutefois afin de garantir une meilleure accessibiliteacute de la proceacutedure de reacutevision

lrsquoeacutelargissement du nombre des demandeurs doit neacutecessairement srsquoaccompagner drsquoun

assouplissement des cas drsquoouverture du recours Ce postulat est indispensable agrave la reacuteussite de

la reacuteforme En effet la question des cas drsquoouverture constituait le principal point

drsquoachoppement de la loi de 19891 Il faut donc maintenant srsquointeacuteresser agrave lrsquoefficaciteacute de la

nouvelle loi qui se veut plus libeacuterale srsquoagissant du cas drsquoouverture Dans lrsquohypothegravese drsquoun

eacutelan libeacuteral lrsquoeacutelargissement de la liste des demandeurs aura un reacuteel inteacuterecirct Dans le cas

contraire lrsquoinitiative leacutegislative perdrait de sa vigueur et les droits nouveaux des requeacuterants

seraient reacuteputeacutes laquo theacuteoriques et illusoires2 raquo agrave deacutefaut drsquoecirctre laquo concrets et effectifs raquo3

593 Nous exprimerons nos doutes par rapport agrave la persistance de difficulteacutes relatives agrave

la question du cas drsquoouverture En effet malgreacute un progregraves sensible dans le domaine des

personnes autoriseacutees agrave agir la reacuteforme nrsquoest pas agrave la hauteur de ses ambitions srsquoagissant du

cas drsquoouverture du recours

sect 2 Le cas drsquoouverture agrave reacutevision

594 Srsquoagissant de la question des cas drsquoouverture lrsquoeffort de libeacuteralisation est

insuffisant En effet la fusion entre les cas drsquoouverture deacutetermineacutes et le cas indeacutetermineacute bien

qursquoelle ait eacuteteacute souhaiteacutee ne constitue qursquoune ouverture plutocirct symbolique sans reacuteelle efficaciteacute

pratique (A) En outre que drsquoespoirs deacuteccedilus par rapport agrave la reacuteeacutecriture du cas indeacutetermineacute qui

srsquoapparente plutocirct agrave un exercice de clarification de lrsquoancien texte qursquoagrave un veacuteritable virage en

faveur drsquoune meilleure accessibiliteacute de la proceacutedure de reacutevision (B)

A Une ouverture symbolique

595 Dans la premiegravere partie nous nous sommes inteacuteresseacutes agrave lancien article 622 du

Code de proceacutedure peacutenale qui preacutevoyait les quatre cas drsquoouverture de la proceacutedure de

reacutevision4 Les trois premiers qualifieacutes de cas deacutetermineacutes douverture agrave reacutevision srsquoopposaient

au quatriegraveme cas le cas indeacutetermineacute qui recouvrait des situations plus diverses Se posait la

1 V supra ndeg 202 agrave 238 et 320 agrave 328 2 CEDH 9 octobre 1979 Airey c Irlande op cit 3 Ibid 4 V supra ndeg 202 agrave 238

230

question de savoir si les cas deacutetermineacutes ne srsquoidentifient pas en reacutealiteacute agrave des faits nouveaux ou

agrave des eacuteleacutements inconnus

596 Lrsquoexamen attentif de lancien article 622 du Code de proceacutedure peacutenale illustre que

les quatre cas drsquoouverture se fondaient tous en reacutealiteacute sur lrsquoapparition dun eacuteleacutement factuel ou

juridique qui entretenait le doute sur la culpabiliteacute La preuve de lrsquoinexistence drsquoun homicide

la condamnation pour faux teacutemoignage ou la deacutecouverte drsquoune condamnation inconciliable

constituaient en reacutealiteacute des faits nouveaux ou eacuteleacutements inconnus de la juridiction au jour du

procegraves

Degraves lors quelle aurait eacuteteacute lrsquoutiliteacute de conserver les quatre cas drsquoouverture alors que les cas

deacutetermineacutes se confondaient avec le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu La loi de 2014 a pris

la bonne mesure de la situation en ne faisant plus que reacutefeacuterence au cas indeacutetermineacute insufflant

ainsi un nouvel essor agrave la proceacutedure de reacutevision devenue plus rationnelle

597 Bien qursquoenteacuterineacutee par la loi cette fusion avait toutefois rencontreacute la

deacutesapprobation des rapporteurs du texte Deux arguments contenus dans le rapport

drsquoinformation plaidaient contre la fusion des cas drsquoouverture Premiegraverement la disparition des

trois premiers cas drsquoouverture serait de nature agrave mettre fin au processus quasi automatique de

lrsquoannulation de la condamnation contesteacutee cas de figure propre aux cas deacutetermineacutes

Srsquoagissant du cas drsquoouverture indeacutetermineacute le doute doit donner lieu agrave un reacuteexamen de la

condamnation attaqueacutee et ne peut que rarement emporter une annulation sans renvoi de la

deacutecision deacutefinitive Toutefois les reacuteserves eacutemises par les rapporteurs paraissent infondeacutees En

effet lrsquohypothegravese drsquoune lrsquoannulation segraveche ne concernait pas exclusivement les seuls cas

deacutetermineacutes Lrsquoancien article 625 alineacutea 5 disposait sans distinction du cas drsquoouverture

invoqueacute que laquo Si lannulation du jugement ou de larrecirct agrave leacutegard dun condamneacute vivant ne

laisse rien subsister agrave sa charge qui puisse ecirctre qualifieacute crime ou deacutelit aucun renvoi nest

prononceacute raquo Cette disposition a eacuteteacute reprise par le nouvel article 624-7 du Code de proceacutedure

peacutenale De plus le nouveau texte fait eacutetat de lrsquoinnocence qui vient compleacuteter les dispositions

relatives au doute et offre ainsi la possibiliteacute drsquoune annulation sans renvoi en cas de fait

nouveau ou eacuteleacutement inconnu Deuxiegravemement la disparition de ces cas pourrait entraver

lrsquoaction de certains condamneacutes qui pourraient ignorer que leur situation relegraveve drsquoun cas

drsquoouverture deacutetermineacute nrsquoeacutetant plus expresseacutement deacutefini par la loi Cet argument ne nous

parait pas pertinent En effet lrsquoassistance drsquoun avocat devenue aujourdrsquohui obligatoire a

neacuteanmoins toujours eacuteteacute offerte au requeacuterant qui pouvait donc beacuteneacuteficier de tous les eacuteclairages

231

juridiques De plus en pratique les requecirctes visant un cas drsquoouverture deacutetermineacute eacutetaient bien

souvent deacutedoubleacutees par une deuxiegraveme option fondeacutee sur le cas indeacutetermineacute afin de renforcer

les chances de reacuteussite du pourvoi et de limiter les risques de rejet

598 La proposition de loi eacutecartait toute ideacutee de fusion Elle avait fait le choix

drsquoinverser lrsquoordre de preacutesentation des cas drsquoouverture en attribuant la premiegravere place au cas

indeacutetermineacute Ainsi les trois premiers cas drsquoouverture se trouvant releacutegueacutes aux derniegraveres

places servaient drsquoillustrations au fait nouveau et agrave lrsquoeacuteleacutement inconnu de la juridiction au

jour du procegraves (la production de piegraveces attestant que la victime drsquoun meurtre est vivante le

caractegravere inconciliable drsquoune seconde condamnation avec la premiegravere objet de la demande de

reacutevision ou encore la condamnation pour faux teacutemoignage drsquoun teacutemoin agrave chargehellip)

Toutefois le Seacutenat a consideacutereacute que laquo si les trois derniers cas douverture ont une valeur de

rappel historique ils sont tous contenus dans le premier renvoyant tous trois agrave un fait

nouveau Degraves lors ils nont pas de raison decirctre juridique raquo1

599 Le nouveau texte a donc supprimeacute la mention des trois premiers cas drsquoouverture

deacutesormais regroupeacutes dans une rubrique unique le cas indeacutetermineacute Concregravetement ce

regroupement ne devrait pas modifier la situation des requeacuterants La production de piegraveces

attestant que la victime drsquoun meurtre est vivante constituera toujours un moyen drsquoouverture de

la reacutevision tout comme la deacutemonstration du caractegravere inconciliable des deacutecisions ou la

condamnation pour faux teacutemoignage drsquoun teacutemoin agrave charge Cependant cette fusion illustre

une volonteacute de clarification de simplification et de libeacuteralisation du recours En effet la

disparition de lrsquoeacutenumeacuteration des cas drsquoouverture devrait contribuer agrave dissiper les aspeacuteriteacutes du

caractegravere exceptionnel et deacuterogatoire de la proceacutedure de reacutevision laquo Les magistrats seraient

ainsi symboliquement inviteacutes agrave interpreacuteter la recevabiliteacute et le bien fondeacute des demandes de

reacutevision de maniegravere moins stricte voire moins restrictive et agrave initier une pratique laquo plus

ouverte raquo de cette proceacutedure2 raquo

600 Si la porteacutee de cette fusion reste symbolique la reacuteeacutecriture du cas indeacutetermineacute a

de son cocircteacute eacutetait preacutesenteacutee dans les travaux parlementaires comme une avanceacutee quasi

1 Rapport du Seacutenat ndeg 467 sur la proposition de loi adopteacutee par lrsquoAssembleacutee Nationale relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive op cit p 21 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit

232

historique vers la libeacuteralisation de la proceacutedure1 Toutefois une analyse textuelle permet

drsquoalimenter la controverse face agrave la reacuteeacutecriture plutocirct deacutecevante du texte

B Une reacuteeacutecriture deacutecevante

601 Lrsquounique cas drsquoouverture est deacutesormais preacutevu agrave lrsquoarticle 622 du Code de

proceacutedure peacutenale qui dispose laquo La reacutevision dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre

demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dun crime ou dun deacutelit lorsque

apregraves une condamnation vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement

inconnu de la juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute ou agrave

faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute raquo

602 Il srsquoagit drsquoune question centrale En effet lrsquoaccessibiliteacute de la proceacutedure est

conditionneacutee par les cas drsquoouverture Dans lrsquohypothegravese ougrave le cas drsquoouverture est trop restrictif

les autres ameacuteliorations (ameacuteliorations relatives agrave la composition de la juridiction au rocircle de

la commission ou agrave ses preacuterogatives) apparaicirctront leacutegegraveres Lrsquoarticle 622 du Code de

proceacutedure peacutenale eacutetant la cleacute de la reacutevision il est important drsquoen faciliter lrsquointrusion Crsquoest

dans cette optique que le leacutegislateur a reformuleacute le cas drsquoouverture indeacutetermineacute Selon

Monsieur Franccedilois FOURNIE laquo cette nouvelle formulation porte en elle lintention du

leacutegislateur de permettre une plus grande ouverture du recours et partant un plus grand nombre

de reacutevisions raquo2

603 Or lrsquoanalyse du nouveau texte sur le fait nouveau et sur lrsquoeacuteleacutement inconnu (1)

ainsi que sur la question du doute (2) et sur le retour de la mention de lrsquoinnocence (3)

contribue agrave mettre en eacutevidence ses faiblesses

1 Le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnu

604 Le cas drsquoouverture indeacutetermineacute preacutevu par lrsquoancien texte visait deux situations

celle drsquoun fait nouveau et celle drsquoun eacuteleacutement inconnu Le nouveau texte a maintenu cette

distinction Ce choix doit ecirctre approuveacute en raison de la diffeacuterenciation entre drsquoun cocircteacute le fait

et lrsquoeacuteleacutement et de lrsquoautre cocircteacute le caractegravere nouveau et le caractegravere inconnu Srsquoagissant du

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 78-80 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit p 28-30 Seacutenat Rapport ndeg 467 op cit p 21 2 F FOURNIE laquo Reacuteviser la reacutevision raquo (hellip) op cit p 777

233

fait il doit ecirctre nouveau Crsquoest ainsi qursquoagrave deacutefaut drsquoautres preacutecisions il doit ecirctre posteacuterieur agrave la

condamnation contesteacutee En revanche lrsquoeacuteleacutement doit avoir eacuteteacute inconnu de la juridiction au

jour du procegraves (le mot inconnu est employeacute au singulier) Crsquoest ainsi qursquoune seule reacuteveacutelation

pouvait deacutejagrave dans lrsquoancien texte suffire

605 Srsquoagissant de deux reacutealiteacutes diffeacuterentes le juge continue de devoir faire la

distinction entre le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnu Le leacutegislateur nrsquoa pas ceacutedeacute agrave la tentation

de suivre la jurisprudence et la doctrine qui entretenaient une certaine confusion entre

lrsquoeacuteleacutement inconnu et le fait nouveau Pourtant il y a lieu de craindre que les modifications

apporteacutees par le nouveau texte ne contribuent pas comme promis agrave laquo une plus grande

ouverture du recours et partant un plus grand nombre de reacutevisions raquo1

606 Pour bien comprendre notre raisonnement il est essentiel de comparer les deux

textes

Le nouvel article 622 du Code de proceacutedure peacutenale dispose laquo hellip apregraves une condamnation

vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au

jour du procegraves raquo Lrsquoancien texte indiquait laquo Apregraves une condamnation vient agrave se produire ou

agrave se reacuteveacuteler un fait nouveau ou un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraveshellip raquo

En quoi le nouveau texte est-il diffeacuterent Les mecircmes termes que ceux utiliseacutes dans lrsquoancien

texte se retrouvent dans la nouvelle version Hormis lrsquoordre de leur preacutesentation aucun mot

nrsquoa eacuteteacute ajouteacute ou retrancheacute Dans lrsquoancien article les termes laquo faits nouveaux ou eacuteleacutements

inconnus raquo se situent en fin de phrase et les modaliteacutes de leur apparition (laquo vient agrave se

produire ou agrave se reacuteveacuteler raquo ) sont placeacutes en deacutebut de phrase sans que le leacutegislateur ne preacutecise

qui du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu se produit ou se reacutevegravele Nous avons vu que

pour le leacutegislateur de 1989 le fait nouveau se produisait alors que lrsquoeacuteleacutement inconnu se

reacuteveacutelait2

607 Le nouveau texte traduit de maniegravere plus explicite la mecircme approche du fait

nouveau et de lrsquoeacuteleacutement inconnu Sur ce point il srsquoagit drsquoun texte de clarification qui

nrsquoapporte aucune reacuteelle modification sur le fond

1 F FOURNIE op cit 2 V supra ndeg 224 agrave 228

234

608 Le fait nouveau qui se produit ou lrsquoeacuteleacutement inconnu qui se reacutevegravele ont pour point

commun de devoir faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute A preacutesent il srsquoagit de

srsquointeacuteresser agrave la question du toute telle qursquoelle est abordeacutee par la nouvelle loi

2 La question centrale du doute

609 Absence de doute absence de reacutevision Du temps de la loi de 1989 les

difficulteacutes drsquoaccessibiliteacute de la reacutevision avaient essentiellement pour origine la deacutefinition du

doute En effet cette notion eacutetait appreacutecieacutee de maniegravere tregraves rigoureuse par la jurisprudence qui

lrsquoentendait sous la forme drsquoun doute seacuterieux srsquoeacuteloignant de la lettre du texte qui eacutevoquait

simplement un doute1

610 Crsquoest pourquoi drsquoaucuns se sont interrogeacutes sur lrsquoopportuniteacute de qualifier le doute

dans la loi de 2014 La proposition de loi2 avait envisageacute de le qualifier en le deacutefinissant de

laquo moindre doute raquo3 Lrsquoobjectif eacutetait dinciter les magistrats agrave se montrer moins seacutevegraveres quils

ne sont supposeacutes lecirctre actuellement dans leur appreacuteciation du doute Le Seacutenat a ensuite

amendeacute le texte en supprimant lrsquoemploi de lrsquoadjectif moindre jugeacute insuffisamment juridique4

Ainsi le nouveau texte ne vise-t-il que le laquo doute raquo comme crsquoest le cas depuis 1989

611 Le fait drsquoavoir supprimeacute lrsquoadjectif laquo moindre raquo est-il le signe que le Seacutenat

approuve lrsquointerpreacutetation restrictive du doute veacutehiculeacutee par la jurisprudence Nous ne le

pensons pas Dans ce cas lrsquoabsence drsquoadjectif laquo est un message clair que le leacutegislateur

envoie agrave la cour de reacutevision en lui enjoignant de modifier son interpreacutetation du doute5 raquo Le

rapport du Seacutenat qui srsquoest refuseacute de qualifier le doute a mis lrsquoaccent sur la neacutecessiteacute de ne pas

exiger une gradation trop eacuteleveacutee du doute Pourtant le leacutegislateur srsquoest exprimeacute en utilisant les

mecircmes termes que ceux utiliseacutes en 1989

1 V supra ndeg 229 agrave 238 2 Texte adopteacute ndeg 319 Proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale adopteacutee par lrsquoAssembleacutee Nationale en premiegravere lecture 27 feacutevrier 2014 Accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14tata0319asp 3 Lrsquoarticle 626-4 CPP preacutevoyait que laquo la reacutevision drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable drsquoun crime ou drsquoun deacutelit lorsque 1deg Apregraves une condamnation vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir lrsquoinnocence du condamneacute ou agrave faire naicirctre le moindre doute (crsquoest nous qui soulignons) sur sa culpabiliteacute (hellip) raquo La qualification du doute nrsquoest selon nous pas souhaitable V supra ndeg 166 agrave 169 4 Seacutenat Compte rendu de la commission des lois Reacuteforme des proceacutedures et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive ndash examen du rapport et du texte de la commission mercredi 16 avril 2014 Accessible sur httpwwwsenatfrcompte-rendu-commissions20140414loishtmltoc3 5 F FOURNIE laquo Reacuteviser la reacutevision raquo (hellip) op cit p 777

235

612 A deacutefaut drsquoune modification du texte comment lrsquoappreacuteciation du doute pourrait-

elle aller dans le sens drsquoune ouverture Le leacutegislateur conscient du deacutevoiement de lrsquoancien

texte par rapport au doute ne srsquoest drsquoailleurs pas priveacute de le souligner1 A deacutefaut drsquoavoir pu

trouver un adjectif qui soit laquo suffisamment juridique raquo pour qualifier le doute il a preacutefeacutereacute ne

pas modifier le texte de 1989 Toutefois il espegravere ecirctre entendu bien qursquoil nrsquoait pas formaliseacute

son message drsquoouverture

613 Dans ces conditions peut-on reacuteellement penser que le nouveau texte deacutebouchera

sur une vision moins stricte du doute Depuis 1989 tous les acteurs du droit souhaitent un

assouplissement de lrsquoappreacuteciation du doute Par le passeacute le leacutegislateur a deacutejagrave preacuteciseacute en

rejetant une proposition de loi favorable agrave la notion de doute seacuterieux que le simple doute

(doute rationnel) devait suffire pour reacuteviser Pourtant cette volonteacute drsquoouverture du leacutegislateur

nrsquoa jamais eacuteteacute prise en consideacuteration par la jurisprudence partisane drsquoune appreacuteciation seacutevegravere

du doute Crsquoest pourquoi en lrsquoabsence drsquoune modification du texte il semble difficile de

changer les habitudes

614 Les magistrats et plus particuliegraverement les membres de la juridiction de reacutevision ont agrave

connaicirctre quotidiennement la pratique du doute Le doute non qualifieacute en faveur de lrsquoaccuseacute

est consideacutereacute comme un doute rationnel dont lrsquoefficaciteacute est reconnue Crsquoest pourquoi nous

nous rallions au choix du leacutegislateur qui srsquoest refuseacute de qualifier le doute en matiegravere de

reacutevision Tout porte agrave croire que la qualification de laquo moindre doute raquo se serait aveacutereacutee sans

effet Il srsquoagit davantage drsquoun problegraveme de mentaliteacute qui a pour origine lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee agrave laquelle les juges sont fortement attacheacutes La pratique du doute rationnel appliqueacutee agrave

lrsquoaccuseacute ne pose pas problegraveme car le doute de la justice concerne une deacutecision non deacutefinitive

En matiegravere de reacutevision lrsquoemploi du terme doute paraicirct plus difficile srsquoagissant drsquoune deacutecision

devenue deacutefinitive et reacuteputeacutee purgeacutee de toute erreur Lrsquoutilisation du mot doute qursquoil soit

qualifieacute ou non est de nature agrave enfermer le leacutegislateur dans une impasse Le deacutebat aurait donc

plutocirct ducirc porter sur la justesse du mot laquo doute raquo Son abandon au profit drsquoune nouvelle

reacutefeacuterence aurait pu ecirctre envisageacute

615 Si aucun changement nrsquoest intervenu au niveau du doute il a toutefois eu lieu par

le biais du retour de lrsquoinnocence dans le texte

1 V Rapport drsquoinformation op cit Rapport du Seacutenat op cit

236

3 Le retour de lrsquoinnocence dans le texte

616 La loi de 2014 marque le retour de la notion drsquoinnocence dans le cas drsquoouverture

indeacutetermineacute Cet ancien motif de reacutevision avait disparu du dispositif leacutegislatif en 1989 pour

ecirctre remplaceacute par le doute Lrsquoabandon de lrsquoinnocence a eu pour conseacutequence drsquoignorer des

situations qui sous lrsquoeffet des progregraves scientifiques se multipliaient Deacutesormais lrsquoarticle 622

du Code de proceacutedure peacutenale autorise la reacutevision lorsque le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu

est laquo de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute raquo En reacutehabilitant la notion drsquoinnocence le

leacutegislateur a exprimeacute la volonteacute de faciliter lrsquoaccegraves agrave la proceacutedure de reacutevision Ainsi la

juridiction de reacutevision sort de lrsquoembarras lorsqursquoelle constate lrsquoinnocence tant au stade de la

commission drsquoinstruction que devant la Cour Les deacutecisions drsquoannulation sans renvoi trouvent

deacutesormais leur pleine justification

617 En deacutefinitive le nouveau texte vient clarifier une situation (lrsquoeacuteleacutement inconnu se

reacutevegravele le fait nouveau se produit) maintient le doute en lrsquoeacutetat et fait reacuteapparaicirctre une ancienne

notion (lrsquoinnocence) Il faut donc relativiser la deacuteclaration selon laquelle la laquo nouvelle

formulation porte en elle lintention du leacutegislateur de permettre une plus grande ouverture du

recours et partant un plus grand nombre de reacutevisions1 raquo A nos yeux lrsquoeacutelargissement du

champ drsquoaction de la reacutevision reste toujours suspendu agrave la question de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee La reacuteforme aurait ducirc inciter agrave une reacuteflexion sur lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

Section 2 Une entrave agrave la libeacuteralisation de la reacutevision

518 Le deacutefaut de questionnement sur lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui contribue agrave

entretenir la logique oppositionnelle a pour effet drsquoignorer notre deacutesir de libeacuteralisation de la

reacutevision (sect 1) Il parait donc indispensable de redeacutefinir les rapports entre lrsquoautoriteacute de la chose

et la reacutevision (sect 2)

sect 1 La persistance de la logique oppositionnelle entre le

pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

619 Le deacutefaut de modification de la perception des liens que la reacutevision entretient

avec lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a eu deux conseacutequences Premiegraverement le leacutegislateur nrsquoa pas

1 F FOURNIE laquo Reacuteviser la reacutevision raquo op cit p 777

237

pu modifier le laquo profil type laquo de la deacutecision susceptible de reacutevision (A) Deuxiegravemement

lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu nrsquoa pas eacuteteacute pris en compte au titre de la reacuteveacutelation (B)

A La reconduction du laquo profil type raquo de la deacutecision susceptible de

reacutevision

620 Lrsquoattachement du leacutegislateur agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee se traduit par le

maintien en lrsquoeacutetat de toutes les conditions preacutealables agrave la reacutevision En effet lrsquoarticle 622 du

Code de proceacutedure peacutenale conserve lrsquoancienne formulation laquo la reacutevision dune deacutecision

peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacutee au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dun

crime ou dun deacutelit raquo Srsquoagissant drsquoune proceacutedure extraordinaire la reprise de lrsquoaffirmation du

caractegravere deacutefinitif de la deacutecision se justifie pleinement En revanche retranscrit dans le

nouveau texte les maintiens de lrsquoexigence drsquoune deacutecision peacutenale (1) et de celle drsquoune deacutecision

criminelle ou deacutelictuelle (2) peuvent susciter des interrogations

1 Une deacutecision peacutenale

621 La deacutecision peacutenale au sens de lrsquoancien article 622 du Code de proceacutedure peacutenale a

eacuteteacute deacutefinie comme une laquo deacutecision eacutemanant dune juridiction reacutepressive de droit commun ou

dexception1 raquo et statuant sur des inteacuterecircts exclusivement drsquoordre peacutenal

622 Le nouveau texte nrsquoapporte aucune modification agrave cette deacutefinition donc

inchangeacutee Ainsi seront toujours exclues du domaine du pourvoi en reacutevision les requecirctes

formeacutees contre des condamnations prononceacutees par des juridictions peacutenales et portant sur les

seuls inteacuterecircts civils Cette exclusion trouve sa justification dans la mission de la justice

peacutenale qui est de sanctionner les auteurs drsquoinfractions Les conseacutequences de lrsquoinfraction sur la

victime sont pourtant parfois prises en compte dans la description des eacuteleacutements constitutifs

des faits reprocheacutes Crsquoest ainsi que la graviteacute de lrsquoITT interviendra dans le choix de la

qualification peacutenale par le juge2 La dureacutee de lrsquoITT deacuteterminera la nature de lrsquoinfraction (deacutelit

ou contravention) la peine encourue ainsi que la compeacutetence juridictionnelle Mais laquo le

traitement de ces conseacutequences est avant tout lrsquoaffaire de la responsabiliteacute civile3 raquo Degraves lors

la contestation des seuls inteacuterecircts civils contenus dans une condamnation peacutenale deacutefinitive ne

1 H ANGEVIN op cit ndeg 19 V en ce sens Cour de reacutevision 29 janvier 1990 ndeg 81-94006 2 Violences sans ITT R 624 ndash 1 CP ITT infeacuterieure ou eacutegale agrave 8 jours R 625-1 CP ITT supeacuterieure agrave 8 jours 222-11 CP 3 J LELIEUR op cit p 530

238

saurait entraicircner laquo le deacuteclenchement drsquoune nouvelle action reacutepressive (qui ne serait) pas

leacutegitime1 raquo

623 Cependant il conviendrait de reacutegler la question de lrsquoexclusion de ces deacutecisions

qui ne pourront donner lieu agrave lrsquoouverture drsquoun recours en reacutevision de la matiegravere civile Pour

autant peut-on reprocher au leacutegislateur de ne pas ecirctre intervenu sur cette question au moment

de sa reacuteforme du pourvoi en reacutevision Srsquoagissant drsquoune laquo affaire civile raquo cette probleacutematique

lui eacutechappe elle ne relegraveve pas de sa compeacutetence Toutefois la reacuteforme du pourvoi en

reacutevision devrait servir de guide agrave une plus ample reacuteflexion meneacutee dans le domaine du droit

civil (pour permettre la reacutevision du volet civil drsquoune deacutecision peacutenale dans le cadre du recours

en reacutevision propre agrave la matiegravere civile comme lrsquoy invite lrsquoarticle 749 du Code civil)

624 Le leacutegislateur de 2014 maintient lrsquoexigence drsquoune deacutecision de condamnation

criminelle ou deacutelictuelle

2 Une deacutecision de condamnation criminelle ou deacutelictuelle

625 Le nouveau texte nrsquoa pas eacutelargi le champ drsquoapplication du pourvoi en reacutevision qui

demeure circonscrit aux seules condamnations pour crimes et deacutelits

626 Pour ce qui est du maintien de lrsquoexclusion des contraventions des consideacuterations

drsquoordre pratique lieacutees au souci drsquoeacuteviter lrsquoengorgement des juridictions pour les infractions

reacuteputeacutees les moins graves sont agrave lrsquoorigine de cette restriction Ainsi agrave la lueur de ces

consideacuterations lrsquoexclusion des contraventions trouve une explication rationnelle

627 Concernant la reconduction de la neacutecessiteacute drsquoune deacutecision de condamnation elle

est directement lieacutee au refus du leacutegislateur de modifier les contours de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et sa perception des liens qui lrsquounisse au pourvoi en reacutevision

628 A la lueur des arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes2 la question de la reacutevision en cas

drsquoacquittement ou de relaxe meacuterite drsquoecirctre poseacutee3Le deacuteputeacute FENECH avait drsquoailleurs deacuteposeacute

1 Ibid 2 V supra ndeg 187 agrave 193 3 La reacutevision en deacutefaveur de la personne poursuivie existe en droit compareacute notamment en droit allemand Or laquo le droit reacutepressif drsquooutre-Rhin est agrave la fois suffisamment proche de notre droit pour que la comparaison soit aiseacutee et deacutenueacutee drsquoartifice et suffisamment eacuteloigneacute pour qursquoelle preacutesente un inteacuterecirct et se reacutevegravele fructueuse raquo J LEBLOIS-HAPPE Quelles reacuteponses agrave la petite deacutelinquance Etude du droit reacutepressif franccedilais sous lrsquoeacuteclairage compareacute du droit reacutepressif allemand Preacuteface R Koering-Joulin Presses universitaires drsquoAix-Marseille 2002 tome 1 ndeg 34

239

un amendement1 agrave la proposition de loi relative agrave la reacutevision des condamnations peacutenales

deacutefinitives entacheacutees drsquoune erreur judiciaire laquo permettant au parquet de reacuteouvrir une enquecircte

peacutenale sur charges nouvelles apregraves un acquittement ou une relaxe raquo Lrsquoouverture de la

reacutevision in defavorem eacutetait conditionneacutee par la fourniture drsquoune preuve indubitable de la

culpabiliteacute Lrsquoamendement a eacuteteacute rejeteacute le 27 feacutevrier 20142

629 Pourtant les progregraves scientifiques reacutealiseacutes notamment en matiegravere drsquoidentification

des auteurs drsquoinfractions imposent selon nous de repousser les limites de lrsquoattachement au

principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee impliquant laquo de ne pas revenir sur une deacutecision pour

des raisons eacutethiques ou philosophiques3 raquo Le 7 novembre 2013 le deacuteputeacute TOURRET

preacutealablement agrave lrsquoaudition de Monsieur MATHON devant lrsquoAssembleacutee Nationale a souligneacute

lrsquoimportance des progregraves reacutealiseacutes dans le domaine de la police scientifique (identification des

traces ADN conservation des odeurs veacuterification drsquoeacutecritures reconnaissance de la voixhellip)Il

deacuteclare aussi que laquo la police scientifique joue un rocircle important pour savoir qui a fait quoi Or

en France agrave la diffeacuterence des autres pays il nrsquoy a pratiquement eu aucune modification due agrave

lrsquoensemble des progregraves de la police scientifiqueraquo Une prise en compte de la reacutevision in

defavorem pourrait symboliser cette modification attendue

630 Pourtant la CNCDH se fonde pour justifier le refus de lrsquoadmission de la reacutevision

in defavorem sur une conception humanitaire de la proceacutedure peacutenale dont lrsquoorigine

remonterait au siegravecle des Lumiegraveres4 Elle cite la culture juridique franccedilaise qui a laquo depuis tregraves

longtemps interdit de remettre en cause le sort drsquoune personne ayant fait lrsquoobjet drsquoun

acquittement ou drsquoune relaxe deacutefinitifs raquo Dans sa deacutemonstration la CNCDH srsquoappuie sur

lrsquoesprit de lrsquoordonnance de 1670 le Code drsquoinstruction criminelle le siegravecle des Lumiegraveres la

philosophie humaniste ou encore la Deacuteclaration de 1789 A travers cette deacutemarche elle

souhaite deacutemontrer lrsquointangibiliteacute de lrsquohostiliteacute du droit franccedilais agrave la reacutevision in defavorem

Or ces reacutefeacuterences historiques bien qursquouniverselles sur un plan philosophique remontent agrave

une eacutepoque ougrave les techniques drsquoinvestigation eacutetaient encore rustiques Au fil du temps leur

1 Amendement ndeg CL6 preacutesenteacute par Messieurs FENECH et autres Assembleacutee Nationale 14 feacutevrier 2014 disponible sur httpwwwassemblee-nationalefr14amendements1700CION_LOISCL6pdf En deacutecembre 2013 date de la publication du rapport drsquoinformation Monsieur FENECH eacutetait opposeacute agrave la reacutevision des deacutecisions drsquoacquittement Il a changeacute drsquoavis sur la question apregraves lrsquoaffaire Nelly HADERER Au sujet de son changement drsquoopinion il a deacuteclareacute dans la presse laquo Cela ne me choque pas que lon sinspire de la reacutealiteacute pour faire progresser le droit raquo Le FIGARO Pourra-t-on rejuger des personnes acquitteacutees 26 feacutevrier 2014 2 A PECHARD et C FLEURIOT La reacutevision in defavorem ne se fera pashellipdans lrsquoimmeacutediat Dalloz actualiteacutes 3 mars 2014 3 C MATHON op cit p 4 4 CNCDH Avis compleacutementaire op cit ndeg2

240

modernisation a contribueacute agrave une meilleure efficaciteacute de la justice Crsquoest ainsi qursquoon ne saurait

affirmer avec certitude que les tenants de la philosophie humaniste deacutefendraient encore

aujourdrsquohui lrsquointransigeance de leur position sur la reacutevision in defavorem

631 Ensuite la CNCDH considegravere que la reacutevision in defavorem heurterait lrsquoarticle

41 du protocole 7 de la CEDH ratifieacute par la France 1 Interdisant de nouvelles poursuites pour

les mecircmes circonstances factuelles cet article seacutecurise les acquittements et relaxes deacutefinitifs

Toutefois cette difficulteacute peut ecirctre surmonteacutee en se reacutefeacuterant agrave lrsquoarticle 42 qui preacutevoit

que laquo les dispositions du paragraphe preacuteceacutedent nempecircchent pas la reacuteouverture du procegraves

conformeacutement agrave la loi et agrave la proceacutedure peacutenale de lEtat concerneacute si des faits nouveaux ou

nouvellement reacuteveacuteleacutes ou un vice fondamental dans la proceacutedure preacuteceacutedente sont de nature agrave

affecter le jugement intervenu raquo Selon ce texte il nrsquoest fait aucune distinction entre lrsquoinjustice

en faveur ou en deacutefaveur du justiciable Ce silence a drsquoailleurs permis agrave lrsquoAllemagne

signataire comme la France de lrsquoarticle 41 du protocole 7 drsquoadmettre la reacutevision in

defavorem

632 Nous deacuteplorons eacutegalement la probabiliteacute du renouvellement de lrsquoexclusion de

lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

B La reconduction de lrsquoexclusion de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

633 Lrsquoeffort de clarification reacutedactionnelle de la reacuteforme a confirmeacute lrsquoimportance de

la reacuteveacutelation de lrsquoeacuteleacutement inconnu posteacuterieurement agrave la condamnation deacutefinitive Malgreacute

lrsquointeacuterecirct de la prise en compte de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu le nouveau texte toujours en proie

avec la dualiteacute oppositionnelle entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

risque drsquoexclure agrave nouveau lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu (1) Une interpreacutetation plus dynamique du

texte associeacutee agrave une vision moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee permettrait pourtant de

renverser la situation (2)

1 Le mutisme du nouveau texte sur lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

634 Lrsquoancien texte somme toute moins explicite srsquointeacuteressait deacutejagrave agrave la reacuteveacutelation

Son interpreacutetation deacutebouchait sur la mecircme conclusion que celle qui est contenue dans le

nouvel article le fait nouveau se produit lrsquoeacuteleacutement inconnu se reacutevegravele Jusqursquoagrave preacutesent non

1laquo Nul ne peut ecirctre poursuivi ou puni peacutenalement par les juridictions du mecircme Etat en raison drsquoune infraction pour laquelle il a deacutejagrave eacuteteacute acquitteacute ou condamneacute par un jugement deacutefinitif conformeacutement agrave la loi et agrave la proceacutedure de cet Etat raquo V CNCDH Avis compleacutementaire op cit ndeg 3

241

reconnu lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu ne pouvait ecirctre assimileacute agrave une reacuteveacutelation Degraves lors il parait

peu probable que la situation puisse changer dans la mesure ougrave le nouveau texte nrsquoapporte

aucun changement en ce qui concerne la deacutefinition de la reacuteveacutelation Celle-ci ne vise qursquoun

eacuteleacutement dont lrsquoexistence aveacutereacutee eacutetait neacuteanmoins inconnue au jour du procegraves Selon la doctrine

et la jurisprudence le terme laquo inconnu raquo recouvre lrsquoideacutee drsquoeacuteleacutement inconnu du dossier et

inconnu des juges Srsquoagissant de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu il apparaicirct dans le dossier sans

toutefois avoir eacuteteacute exploiteacute et porteacute agrave la connaissance des jureacutes

635 Reacuteveacutelation et eacuteleacutement non deacutebattu constitueraient donc deux notions bien

seacutepareacutees dont le sort de lrsquoune est ignoreacute au motif du caractegravere extraordinaire de la reacutevision

Toutefois il existe sur le plan pratique une proximiteacute entre la reacuteveacutelation et lrsquoeacuteleacutement non

deacutebattu Il semble que la jurisprudence eacuteprouve quelques difficulteacutes agrave eacutetablir une frontiegravere

nette entre les deux

636 Dans lrsquoaffaire DILS la deacutecouverte de la preacutesence concomitante sur les lieux du

crime de Francis HEAULME a eacuteteacute consideacutereacutee comme une reacuteveacutelation1 Dans le cas preacutecis si

lrsquoeacuteleacutement reacuteveacuteleacute (la preacutesence de F HEAULME) a bien existeacute au moment du prononceacute de la

condamnation deacutefinitive il eacutetait toutefois inconnu de la juridiction au jour du procegraves Crsquoest

ainsi que ni Patrick DILS ni les avocats de la deacutefense ni le magistrat instructeur ou le

ministegravere public nrsquoavaient eacutevoqueacute cet eacuteleacutement En effet les acteurs du procegraves pouvaient

lrsquoignorer reacuteellement ou bien que connu son importance a pu ecirctre meacuteconnue au point de ne

jamais avoir eacuteteacute mentionneacutee Il eacutetait donc inconnu du dossier et des jureacutes et ce nrsquoest

qursquoulteacuterieurement qursquoil a eacuteteacute porteacute agrave la connaissance de la justice Il srsquoagit donc bien drsquoune

reacuteveacutelation posteacuterieure agrave la condamnation deacutefinitive

637 Il existe toutefois des situations plus compliqueacutees et plus deacutelicates agrave analyser

Monsieur Claude MATHON illustre cette question agrave travers lrsquoexemple jurisprudentiel suivant

laquo La circonstance que lrsquoordonnance ou lrsquoarrecirct de mise en accusation devant la cour

drsquoassises contienne des contre-veacuteriteacutes nrsquoest pas nouvelle mais peut avoir pour une raison ou

une autre y compris une deacutefaillance de la deacutefense eacuteteacute neacutegligeacutee Il en va ainsi par exemple

quand lrsquoarrecirct de mise en accusation devant la cour drsquoassises rapporte que lrsquoauteur a reconnu

quatre meurtres alors qursquoen reacutealiteacute il nrsquoen a reconnu qursquoun seulhellip Crsquoest agrave lrsquooccasion de la

proceacutedure de reacutevision que ce fait srsquoest reacuteveacuteleacute2 raquo

1 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 3 avril 2001 ndeg 99-84584 2 C MATHON op cit p 8

242

Il en retire la conclusion que la reacuteveacutelation doit laquo permettre de reacuteviser lorsqursquoil apparaicirct qursquoune

personne a eacuteteacute condamneacutee sur une base fragile1 raquo Cet exemple illustre la frontiegravere mouvante

et sensible qui seacutepare la reacuteveacutelation de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu Les divers aspects du cas

eacutevoqueacutes ci-dessus paraissent plus eacutepineux que les eacuteleacutements rapporteacutes dans lrsquoaffaire DILS

(eacuteleacutement inconnu du dossier et des jureacutes)

638 Dans lrsquoaffaire DEPERROIS certains eacuteleacutements contenus dans les eacutecoutes

teacuteleacutephoniques nrsquoont eacuteteacute exploiteacutes laquo ni par le magistrat instructeur pas plus que par la

deacutefense ni au cours du procegraves drsquoassises2 raquo En particulier Monsieur Jean-Michel DUMAY a

releveacute la phrase suivante dite au pegravere de la victime par lrsquoun de ces amis laquo Tu vas passer agrave la

teacuteleacute toi avec ton produit quta mis dans la Josacine 3raquo Cet eacuteleacutement passeacute sous silence lors

des deacutebats devant la cour drsquoassises a eacuteteacute agrave lrsquoorigine drsquoune demande en reacutevision Elle a eacuteteacute

rejeteacutee au motif qursquoil ne srsquoagissait pas drsquoun eacuteleacutement inconnu mais simplement drsquoun eacuteleacutement

non deacutebattu Pourtant le cas DEPERROIS est assez proche de lrsquoexemple de reacuteveacutelation citeacute

par Monsieur Claude MATHON Dans les deux cas lrsquoeacuteleacutement inexploiteacute eacutetait connu du

dossier mais laisseacute pour compte par lrsquoinstitution judiciaire Cet eacuteleacutement a ensuite servi

drsquoargument agrave une requecircte en reacutevision qui srsquoest fondeacutee sur le doute que celui-ci pourrait faire

naicirctre sur la culpabiliteacute Dans les deux cas il srsquoagit drsquoun laquo un eacuteleacutement (hellip) qui si il avait eacuteteacute

pris en consideacuteration lors du procegraves aurait vraisemblablement entraineacute un verdict

diffeacuterent raquo4

639 A nos yeux si lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu est de nature agrave faire naicirctre un doute sur la

culpabiliteacute et permet de deacutemontrer une injustice le trouble cause agrave la seacutecuriteacute juridique nrsquoaura

pas eacuteteacute inutile De plus lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu nrsquoayant pas contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration de la

conviction des jureacutes au jour du prononceacute de la condamnation sa prise en compte favoriserait

une meilleure objectivisation de la deacutecision

640 Pourtant ces deux exemples illustrent les difficulteacutes du juge qui confronteacute agrave

lrsquointeacuterecirct du pourvoi en reacutevision et aux exigences de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee doit se

positionner par rapport agrave deux objectifs contradictoires Drsquoun cocircteacute il exprime sa volonteacute de

rendre la meilleure justice possible en prenant en compte les laquo contre-veacuteriteacutes de lrsquoarrecirct de

mise en accusation raquo et de lrsquoautre cocircteacute il cherche agrave garantir la stabiliteacute des deacutecisions

1 Ibid 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 Contribution de Madame V ROSANO p 273 3 Documentation accessible sur wwwdeperroisfreefr 4 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 Contribution de Madame V ROSANO p 273

243

deacutefinitives laquo en faisant triompher la valeur de seacutecuriteacute sur la valeur de justice 1 raquo Crsquoest ainsi

qursquoil deacutelaisse lrsquoeacuteleacutement connu mais non deacutebattu qui laquo aurait permis drsquoenvisager une autre

issue au procegraves Un amendement agrave la proposition de loi de 2014 deacuteposeacute par Monsieur le

Deacuteputeacute Paul MOLAC eacutetait favorable agrave lrsquoadmission de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu2 Il a eacuteteacute retireacute

sous la pression de nombreuses critiques

641 Prisonnier de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui est reacuteputeacutee ecirctre un adversaire du

pourvoi en reacutevision le leacutegislateur continue drsquoeacuteprouver des difficulteacutes agrave se libeacuterer de cet

enfermement Une vision plus moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee aurait favoriseacute la

reconnaissance de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

2 Une vision moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee favorable agrave la prise en

compte de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu

642 La reacutedaction actuelle du texte ne constitue pas forceacutement un obstacle

insurmontable agrave la reconnaissance de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu Une interpreacutetation plus large du

terme laquo inconnu raquo et de la notion de reacuteveacutelation pourrait faciliter son acceptation En deacutefinitive

crsquoest plutocirct la persistance de la conception traditionnelle de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui

srsquooppose agrave la reconnaissance de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu Madame Juliette LELIEUR distingue

dans sa thegravese le fait nouvellement reacuteveacuteleacute de la preuve nouvelle laquo Lrsquoun comme lrsquoautre

fournissent certes un eacuteleacutement probatoire nouveau Mais en ce qui concerne le fait

nouvellement reacuteveacuteleacute le nouvel eacuteleacutement probatoire est relatif agrave un fait qui nrsquoa nullement eacuteteacute

pris en consideacuteration par la juridiction lors de la premiegravere action reacutepressive La preuve

nouvelle porte quant agrave elle sur un fait qui a eacuteteacute envisageacute par le juge de la premiegravere action

reacutepressive Elle se contente de donner sur ce fait un eacuteclairage nouveau3 raquo Selon lrsquoauteur

laquo cette distinction est utile car lrsquoadmission de la reacuteouverture du procegraves pour la seule raison que

de nouvelles preuves sont invoqueacutees est une source particuliegraverement dangereuse drsquoinseacutecuriteacute

juridique4 raquo

643 Srsquoagissant de la reacuteouverture organiseacutee en faveur du condamneacute seul cas preacutevu par

le droit franccedilais lrsquoauteur estime que laquo la preacutefeacuterence doit aller agrave une large possibiliteacute de

reacuteouverture Par conseacutequent pour reacutesoudre lrsquoantagonisme entre les exigences de justice et de

1 H MOTULSKY op cit p 1 2 Amendement ndeg CL2 disponible sur httpwwwassemblee-nationalefr14pdfamendements1700CION_LOISCL2pdf 3 J LELIEUR op cit ndeg 670 4 Ibid

244

seacutecuriteacute juridique dans cette hypothegravese nous suggeacuterons de partir du principe que la

reacuteouverture est possible en nuanccedilant le propos par lrsquointroduction drsquoun controcircle de

proportionnaliteacute permettant la prise en consideacuteration de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique1 raquo

Ainsi selon nous Madame Juliette LELIEUR suggegravere par rapport agrave lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee de porter un nouveau regard qui ne manifesterait pas systeacutematiquement une hostiliteacute agrave

lrsquoencontre de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu surtout lorsqursquoil est susceptible de constituer un

laquo reacuteveacutelateur pertinent2 raquo drsquoun doute sur la culpabiliteacute ou de lrsquoinnocence du condamneacute

644 Ce nouveau regard sur les relations entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi

en reacutevision srsquoavegravere indispensable agrave lrsquoeacutevolution de la reacutevision

sect 2 Une indispensable redeacutefinition des rapports entre

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

645 Une reacuteforme de la proceacutedure de reacutevision reacuteussie doit srsquoaccompagner drsquoune

redeacutefinition des relations entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision Toutefois il ne

srsquoagira pas en ce qui nous concerne de reacuteformer lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Cette question a

deacutejagrave donneacute lieu agrave de nombreux travaux pas obligatoirement lieacutes au pourvoi en reacutevision Si le

leacutegislateur avait porteacute un plus grand inteacuterecirct agrave la chose la reacuteforme aurait pu gagner en

coheacuterence En effet dans la nouvelle loi le leacutegislateur srsquoenferme comme par le passeacute dans une

contradiction en facilitant drsquoun cocircteacute lrsquoouverture de la proceacutedure vers de nouveaux requeacuterants

tout en nrsquoapportant pas de lrsquoautre cocircteacute une vraie reacuteponse concernant le cas indeacutetermineacute

646 La prise en consideacuteration du deacutedoublement de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

pourrait nous amener a priori agrave rechercher les pistes favorables agrave un rapprochement tant pour

lrsquoautoriteacute neacutegative que positive Il est certain que les nombreuses zones drsquoombre qui entourent

lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee ne peuvent que favoriser la complication des relations

entre le pourvoi en reacutevision et le concept de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee appreacutecieacute dans son

ensemble3 Toutefois le poids de lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacutee qui pegravese sur le pourvoi

en reacutevision est nettement moins important que celui de lrsquoautoriteacute neacutegative qui impacte

fortement la reacutevision Nous nous concentrerons sur cet aspect pour deacuteterminer dans quelle

mesure les conclusions de la thegravese de Madame Juliette LELIEUR pourraient servir au

rapprochement entre lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision 1 Ibid ndeg 674 2 Expression emprunteacutee agrave Madame Juliette LELIEUR 3 V supra ndeg 140 agrave 160

245

647 La doctrine a une propension agrave rattacher lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee agrave

ne bis in idem Ce lien jugeacute deacuterangeant par Madame LELIEUR peut ecirctre consideacutereacute comme

neacutefaste agrave lrsquoeacutepanouissement du pourvoi en reacutevision (A) Sa disparition aurait pour

conseacutequence de libeacuterer la proceacutedure de reacutevision (B)

A Le lien entre laquo ne bis in idem raquo et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

un lien dommageable pour la reacutevision

648 Quelles sont les conseacutequences de lrsquoamalgame douteux entre ne bis in idem et

lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacutee1 sur le pourvoi en reacutevision Premiegraverement lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee est la base sur laquelle repose la proceacutedure de reacutevision De fait il est

indispensable que les contours de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee soient preacuteciseacutement deacutelimiteacutes

Lrsquoamalgame contesteacute entre ne bis in idem et lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

jette un voile sur le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Comme cet amalgame repose sur

une deacuteformation des fonctions de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee2 il en ressort un flou sur les

fonctions de la reacutevision Deuxiegravemement rompre le lien entre la regravegle ne bis in idem et

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee pourrait favoriser la prise en compte de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattu En

lrsquoabsence drsquoune nouvelle vision de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee toute eacutevolution orienteacutee dans

cette direction risque drsquoecirctre compromise Crsquoest ainsi que laquo le rattachement de la regravegle ne bis in

idem au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoest pas seulement insatisfaisant en theacuteorie il

est eacutegalement nocif en pratique raquo3

649 En effet toutes les reacuteformes de la proceacutedure de reacutevision restent conditionneacutees aux

modaliteacutes de conception de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Madame Juliette LELIEUR

estime que laquo si lrsquoon veut une regravegle ne bis in idem qui assure la seacutecuriteacute juridique ndash en

particulier celle de lrsquoindividu qui a deacutefinitivement reacutepondu de ses actes devant la justice ndash au

lieu de se contenter de proteacuteger le creacutedit du juge fonction que remplit deacutejagrave le principe de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee il faut rompre le lien entre la regravegle ne bis in idem et le principe de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Osons ces termes il faut libeacuterer la regravegle ne bis in idem du carcan

dans lequel lrsquoenferme la logique de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee4 raquo Cette libeacuteration voulue par

lrsquoauteure est envisageacutee sous la forme du principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive envers la

mecircme personne pour les mecircmes faits

1 J LELIEUR op cit premiegravere partie 2 Ibid ndeg 187 3 J LELIEUR op cit p 335 4 Ibid ndeg 394

246

650 Le rattachement exclusif de la regravegle ne bis in idem agrave ce fondement mettrait fin agrave

la deacuteformation des fonctions de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Cette nouvelle conception

constituerait un gage de libeacuteralisation de la reacutevision

B La disparition du lien entre ne bis in idem et lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee un facteur de libeacuteralisation de la reacutevision

651 Libeacuterer la regravegle ne bis in idem de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee permettrait drsquoaplanir

la rivaliteacute ambiante entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision De cette

maniegravere la conciliation entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision dont

lrsquoobjectif partageacute est la preacuteservation de la paix sociale serait mieux assureacutee1

652 Lrsquoargument qui consiste agrave soutenir que cette nouvelle approche pourrait ouvrir la

porte agrave des abus et transformer la reacutevision en un troisiegraveme degreacute de juridiction ne reacutesiste pas

au raisonnement de lrsquoauteure En effet Madame Juliette LELIEUR estime que les proceacutedures

de reacuteouverture doivent demeurer des exceptions au principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive

Lrsquoexigence de justice requiert le respect de la stabiliteacute des deacutecisions et face aux difficulteacutes

lieacutees agrave la manifestation de la veacuteriteacute la possibiliteacute drsquoune reacuteouverture du procegraves baseacutee sur ce

fondement meacuterite drsquoecirctre appreacutehendeacutee avec une laquo grande prudence 2raquo

653 Vue sous cet angle la reacutevision reste lrsquoexpression de la traduction drsquoun effort de

dosage entre le perfectionnisme et la stabiliteacute En effet laquo il demeure essentiel de tenir compte

de la seacutecuriteacute juridique collective qui serait certainement en danger si les condamneacutes

pouvaient trop facilement demander la reacuteouverture du procegraves degraves lors que leur condamnation

leur paraicirct injuste Il faut donc concilier deux exigences [hellip] la justice de la deacutecision

reacutepressive revendiqueacutee par lrsquoindividu condamneacute et la seacutecuriteacute juridique agrave laquelle aspire la

collectiviteacute3 raquo

654 Lrsquoauteure poursuit la recherche drsquoun eacutequilibre entre la seacutecuriteacute juridique

collective et lrsquoexigence de justice en motivant sa deacutemarche par la faillibiliteacute intrinsegraveque de

toute deacutecision judiciaire et lrsquoimpossibiliteacute drsquoatteindre systeacutematiquement lrsquoideacuteal de la justice

Elle considegravere donc qursquoen matiegravere de reacutevision laquo lrsquoexigence de justice doit toujours guider sa

1 M-A FRISON-ROCHE D MAZEAUD laquo Avant propos raquo in Lrsquoexpertise Dalloz 1995 Le procegraves est un laquo meacutecanisme logique mis en place pour que soit eacutetabli agrave son terme le jugement le plus juste possible au regard de la situation litigieuse de la regravegle de droit adeacutequate et de la paix sociale qursquoil srsquoagit de retrouver raquo 2 J LELIEUR op cit ndeg 667 3 Ibid ndeg 673

247

mise en œuvre [hellip] si bien que le principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive ne doit pas

neacutecessairement lui faire obstacle1 raquo Le principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive ouvre donc la

voie agrave une nouvelle perception de la proceacutedure de reacutevision Celle-ci en reposant sur diffeacuterents

degreacutes drsquoinjustice contenus dans une classification des deacutecisions injustes2 pourrait se libeacuterer

de son carcan conceptuel sans pour autant plonger dans les abicircmes drsquoun troisiegraveme degreacute de

juridiction

1 Ibid p518 2 Ibid p 524

248

Conclusion du chapitre 2

655 Ce chapitre nous a permis de rechercher si la nouvelle leacutegislation srsquoeacutetait inspireacutee

drsquoune approche plus moderne des relations entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision Un tel changement aurait pu enteacuteriner un rapprochement entre lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et la reacutevision fondeacutee sur la preacuteservation de la paix sociale En effet la modification des

textes ne suffit pas pour atteindre lrsquoobjectif viseacute qui reste subordonneacute agrave lrsquoacceptation par les

acteurs judiciaires drsquoune conception plus moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

656 Le leacutegislateur de 2014 ne semble pas avoir voulu se precircter agrave cet exercice Certains

signaux semblant indiquer une cohabitation plus harmonieuse entre lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee et le pourvoi en reacutevision ont eacuteteacute envoyeacutes dans la loi de 2014 Sont concerneacutees

lrsquoouverture de la reacutevision agrave de nouveaux requeacuterants ou encore la fusion des cas drsquoouverture Il

convient toutefois de les analyser avec prudence et circonspection les laquo vieux deacutemons raquo

nrsquoayant pas entiegraverement disparu En effet le profil type de la deacutecision susceptible drsquoecirctre

reacuteviseacutee a eacuteteacute reproduit dans la nouvelle loi ainsi que le probable refus drsquoadmettre lrsquoeacuteleacutement

non deacutebattu comme un eacuteleacutement nouveau

249

Conclusion du titre 1

657 Dans ce titre a eacuteteacute poseacutee la question de savoir si le leacutegislateur avait releveacute le deacutefi

meacutethodologique qui lrsquoinvitait agrave reacuteformer efficacement la reacutevision La partie eacutemergeacutee de la

reacuteforme teacutemoigne du regraveglement de certaines difficulteacutes structurelles et conjoncturelles

contenues dans la loi de 1989 Le leacutegislateur a pris conscience de la neacutecessiteacute de reacuteformer

sensiblement la proceacutedure de reacutevision Toutefois lrsquoefficaciteacute de la reacuteforme reacuteside eacutegalement

dans des consideacuterations plus subtiles et moins voyantes touchant agrave la volonteacute de se diriger

vers une conception plus moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee indispensable agrave la

libeacuteralisation de la reacutevision La reacuteussite sur ce point est plus discregravete car le changement relegraveve

agrave la fois du leacutegislateur et du juge

658 Le manque de recul par rapport agrave la loi nouvelle ne permet pas de savoir si la

jurisprudence voudra srsquoinscrire dans ce nouvel eacutelan ou srsquoen eacuteloigner

250

Titre 2

Une reacuteforme agrave parachever

251

659 La loi de 2014 dont les travaux parlementaires ont souligneacute le caractegravere restrictif

du texte de 1989 avait pour ambition drsquoouvrir les portes de la reacutevision1 Toutefois cette

libeacuteralisation connaicirct des limites qui sont de nature agrave restreindre la porteacutee des modifications

apporteacutees par le nouveau texte Malgreacute des avanceacutees reacuteelles celui-ci accuse un retard tant par

rapport aux objectifs afficheacutes des rapporteurs qursquoaux nouvelles possibiliteacutes drsquoouverture de la

reacutevision Crsquoest pourquoi le preacutesent titre sera consacreacute agrave lrsquoeacutetude des aspects neacutegatifs de la loi

du 20 juin 2014

660 Notre deacutemarche ne consiste pas agrave remettre en cause lrsquointeacutegraliteacute du travail du

leacutegislateur de 2014 En effet il a accompli de reacuteelles avanceacutees On compte parmi elles -

lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats en assises - le retour de la mention de lrsquoinnocence -

lrsquoeacutelargissement de la liste des personnes pouvant agir - la clarification des pouvoirs de la

juridiction drsquoinstruction - les demandes drsquoactes preacutealables - la question de lrsquoimplication drsquoun

tiers et enfin - la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation Drsquoautres aspects de la

reacuteforme precirctent davantage le flan agrave la critique Celle-ci laisse subsister certaines difficulteacutes

tant drsquoordre structurel que conjoncturel qursquoil conviendrait de reacutegler (chapitre 1) Cependant

afin de ne pas reproduire les erreurs du passeacute la reacutevision devrait srsquoaffranchir de lrsquoeacutetreinte de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee (chapitre 2)

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation op cit

252

CHAPITRE 1 LA RESOLUTION DES

DIFFICULTES STRUCTURELLES ET

CONJONCTURELLES PERSISTANTES

661 Fidegravele agrave la distinction que nous avons faite depuis le deacutebut de notre eacutetude nous

eacutetudierons drsquoabord les difficulteacutes drsquoordre structurel (section 1) puis celles drsquoordre conjoncturel

(section 2) telles qursquoelles subsistent dans la reacuteforme

Section 1 Les difficulteacutes structurelles persistantes

662 Nous nous concentrerons sur deux points drsquoordre structurel qui suscitent toujours

des interrogations Premiegraverement il srsquoagit de se pencher sur lrsquoefficaciteacute de lrsquoarticle 624 du

Code de proceacutedure peacutenale dont le but est de recentrer le rocircle de la commission sur lrsquoeacutetude de

la recevabiliteacute des requecirctes (sect 1) Deuxiegravemement se pose la question de la reacuteelle opportuniteacute

de la creacuteation drsquoune juridiction unique pour la reacutevision et le reacuteexamen (sect 2)

sect 1 Le recentrage du rocircle de la commission

663 La loi de 1989 entretenait une confusion des compeacutetences entre la commission et

la Cour de reacutevision1 La loi de 2014 srsquoest atteleacutee agrave sortir de lrsquoambiguiumlteacute en supprimant

lrsquoancienne version de lrsquoarticle 623 du Code de proceacutedure peacutenale2 Ainsi le nouvel article 624

legraveve-t-il a priori tous les malentendus relatifs au partage des compeacutetences entre la

commission et la Cour en preacutecisant que laquo la demande en reacutevision ou la demande en reacuteexamen

est adresseacutee agrave la commission dinstruction des demandes en reacutevision et en reacuteexamen qui se

prononce sur sa recevabiliteacute raquo

664 Accueilli favorablement ce nouvel article teacutemoigne de la volonteacute de dessiner une

ligne de deacutemarcation plus nette entre les pouvoirs de la commission et ceux de la Cour Drsquoun

point de vue theacuteorique cette avanceacutee ne peut ecirctre nieacutee Toutefois deacutejagrave en 1989 le leacutegislateur

avait lrsquointention et ce malgreacute un texte maladroitement reacutedigeacute de faire de la commission le

juge de la seule recevabiliteacute des requecirctes3 Le texte dans sa nouvelle forme reacutedactionnelle

1 V supra ndeg 320 agrave 328 2 Le texte disposait laquo cette commission saisit la chambre criminelle qui statue comme Cour de reacutevision des demandes qui lui paraissent pouvoir ecirctre admises raquo 3 V supra

253

poursuivant le mecircme but que lrsquoancienne loi sera-t-il en pratique agrave la hauteur de ses

ambitions Cette question meacuterite drsquoecirctre poseacutee car la loi de 2014 revendique la poursuite drsquoun

objectif cibleacute et concret agrave savoir permettre un nombre plus important de reacutevisions leur

multiplication eacutetant la conseacutequence logique des avanceacutees scientifiques des derniegraveres anneacutees1

665 Aussi nous semble-t-il neacutecessaire au regard de lrsquoobjectif de la reacuteforme de porter

le deacutebat au-delagrave du seul constat theacuteorique de lrsquoavanceacutee reacutedactionnelle de lrsquoarticle 624 du Code

de proceacutedure peacutenale La clarification dans la loi du partage des compeacutetences entre la

commission et la Cour facilitera-t-elle reacuteellement le filtrage des requecirctes et la reacuteparation de

lrsquoerreur judiciaire2 Selon nous agrave lrsquoexception des hypothegraveses drsquoirrecevabiliteacute ab initio3 il

restera difficile pour la commission de se limiter agrave lrsquoeacutetude de la seule recevabiliteacute de la

requecircte (A)

666 En effet il ne serait pas juste de faire uniquement le lien entre le faible nombre de

reacutevisions et le problegraveme inheacuterent agrave la seacuteveacuteriteacute du filtrage de la commission Par le passeacute

lrsquoexplication de cette seacuteveacuteriteacute avait aussi pour origine le partage de lrsquoeacutetude du doute par la

commission et la Cour4 De fait la difficulteacute reacutesidait dans lrsquoappreacuteciation du degreacute de doute

neacutecessaire agrave la reacutevision Or il est agrave craindre que la nouvelle reacutedaction du texte nrsquoempecircche pas

la commission de continuer de srsquointerroger sur le doute sur la culpabiliteacute On se retrouverait

alors dans la mecircme configuration que dans le droit anteacuterieur Le maintien dans la loi du cas

drsquoouverture fondeacute sur le laquo doute sur la culpabiliteacute raquo peut ainsi constituer un obstacle au

deacuteploiement de lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale En drsquoautres termes avec le

nouveau texte laquo la science du droit en est purifieacutee mais pas la pratique raquo5 En conseacutequence

il apparaicirct indispensable drsquoaborder de maniegravere diffeacuterente le droit de la reacutevision en utilisant un

outil mieux agrave mecircme drsquoatteindre le but drsquoouverture que se fixe la loi (B)

1 N LE DOUARIN op cit p 29 C PUIGELIER laquo Observations sur le droit peacutenal scientifique agrave lrsquoaube du troisiegraveme milleacutenaire raquo in Le droit peacutenal agrave lrsquoaube du troisiegraveme milleacutenaire Meacutelanges offerts agrave Jean Pradel Cujas 2006 p 473-498 2 P JESTAZ FGENY op cit p 37 CARBONNIER J Sociologie juridique op cit p 319 DI MARINO G Le recours aux objectifs de la loi peacutenale dans son application op cit 3 V supra ndeg 276 4 V supra ndeg 320 agrave 327 5 Expression emprunteacutee agrave O JOUANJAN O JOUANJAN laquo Preacutesentation du traducteur raquo in Friedrich MUumlLLER Discours de la meacutethode juridique Paris Presses universitaires de France 1996 p 6

254

A Des dispositions difficilement applicables

667 Le nouvel article 624 du Code de proceacutedure peacutenale faisant reacutefeacuterence agrave la seule

recevabiliteacute lrsquoanalyse du doute sur la culpabiliteacute ne devrait en theacuteorie en aucun cas inteacuteresser

la commission (1) Toutefois des difficulteacutes sont agrave craindre agrave lrsquoeacutepreuve de la pratique (2)

1 La theacuteorie

668 Larticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale qui limite le rocircle de la commission

drsquoinstruction au seul pouvoir drsquoexamen de la recevabiliteacute des requecirctes est renforceacute par lrsquoarticle

624-2 du Code de proceacutedure peacutenale dont lrsquoobjet consiste agrave preacuteciser les conditions dans

lesquelles la commission dinstruction peut appreacutecier le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu La

commission dinstruction laquo prend en compte lensemble des faits nouveaux ou eacuteleacutements

inconnus sur lesquels ont pu sappuyer une ou des requecirctes preacuteceacutedemment preacutesenteacutees raquo Elle

doit donc saisir la Cour de reacutevision lorsqursquoelle estime qursquo laquo un fait nouveau sest produit ou

quun eacuteleacutement inconnu au jour du procegraves srsquoest reacuteveacuteleacute raquo Le leacutegislateur postule clairement que

seule la formation de jugement peut se prononcer sur lrsquoinfluence du fait nouveau ou de

lrsquoeacuteleacutement inconnu sur la culpabiliteacute du condamneacute1

669 Imaginons comme dans de lrsquoaffaire DILS2 qursquoun condamneacute deacutefinitif pour

meurtre invoque dans sa requecircte en reacutevision lrsquoeacuteleacutement jusqursquoici meacuteconnu de la preacutesence sur

les lieux du crime et au moment des faits drsquoun tueur en seacuterie Dans lrsquohypothegravese ougrave la requecircte

ne serait pas manifestement irrecevable la commission jugerait de la recevabiliteacute srsquoattelant agrave

veacuterifier la reacutealiteacute du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu en srsquointerrogeant sur la nouveauteacute

du fait ou sur le caractegravere inconnu de lrsquoeacuteleacutement et sur son seacuterieux Dans un premier temps la

commission srsquoassurerait que le fait ou lrsquoeacuteleacutement invoqueacute eacutetait soit inexistant au moment de la

condamnation soit ignoreacute par la juridiction au jour du procegraves Dans un tel cas elle

srsquoemploierait agrave eacutetablir le cas eacutecheacuteant agrave lrsquoaide de moyens drsquoinvestigations la fiabiliteacute et le

seacuterieux de ce fait ou de cet eacuteleacutement Concregravetement dans notre exemple la commission devrait

se poser la question suivante la deacutecouverte de la preacutesence sur les lieux au moment du crime

du tueur en seacuterie est-elle un eacuteleacutement nouveau seacuterieux Lrsquointerpreacutetation stricte du texte exclut

toute prise de position de sa part sur la porteacutee du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu sur la

culpabiliteacute En drsquoautres termes la recherche du doute eacutechappe agrave la commission

1 Seacutenat Proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive examen des articles op cit p 15 et 32 2 Deacutecision de la Cour de reacutevision du 3 avril 2001 ndeg 99-84584 op cit

255

670 Cependant que faut-il entendre par fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu seacuterieux A

partir de quel moment un fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu devient-t-il seacuterieux Peut-il ecirctre

seacuterieux sans pour autant faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute Ces questions laisseacutees sans

reacuteponse par le texte seront selon nous agrave lrsquoorigine de difficulteacutes dans sa mise en œuvre

2 La pratique

671 Lrsquoexamen du caractegravere seacuterieux du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnu implique

neacutecessairement pour la commission drsquoappreacutecier la reacutealiteacute des liens susceptibles drsquounir les

eacuteleacutements nouveaux avec lrsquoaffaire Elle srsquointerrogera sur le fait de savoir si la connaissance de

ce nouvel eacuteclairage aurait pu permettre agrave lrsquoeacutepoque agrave la juridiction de jugement de prononcer

un verdict diffeacuterent Aussi cette deacutemarche revient-elle agrave se poser la question de savoir si ce

fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu seacuterieux est de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute

du condamneacute Crsquoest ainsi que bien que le nouveau texte se retranche derriegravere la notion

objective de recevabiliteacute lrsquoeacutelimination de toute appreacuteciation de la porteacutee du fait nouveau ou

de lrsquoeacuteleacutement inconnu semble irreacutealisable

672 En conseacutequence le rocircle de la commission srsquoinscrit dans un contexte difficile La

solution pourrait consister afin de lui faciliter la tacircche agrave lui retirer le questionnement sur le

caractegravere seacuterieux Toutefois cette piste ne paraicirct pas reacutealisable En effet une transmission agrave la

Cour de reacutevision des requecirctes concernant lrsquoexistence drsquoun fait nouveau ou drsquoun eacuteleacutement

inconnu ignorant le questionnement relatif agrave son seacuterieux conduirait la commission agrave

transmettre agrave la Cour des requecirctes fantaisistes Il pourrait srsquoagir de la deacutecouverte de la

preacutesence sur les lieux et au moment du crime drsquoune personne X connue deacutefavorablement des

services de police et de la justice agrave qui on reprocherait drsquoavoir eacuteventuellement pu commettre

le crime sans toutefois pouvoir fournir hormis sa situation judiciaire passeacutee aucune preuve

ou indice seacuterieux Ou encore la preacutesence sur les lieux et au moment du crime de lrsquoex-eacutepouse

de la victime ou de celle drsquoun voisin ou drsquoun collegravegue avec lesquels la victime vivait en

meacutesintelligencehellip

673 Cette situation aurait pour conseacutequence drsquoeacuteriger le pourvoi en reacutevision en un

troisiegraveme degreacute de juridiction au meacutepris du principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee La Cour

de reacutevision se verrait rapidement submergeacutee de nombreuses requecirctes dont lrsquoissue serait plus

qursquoincertaine Crsquoest ainsi qursquohormis les requecirctes manifestement irrecevables le rocircle de

filtrage de la commission deviendrait sans inteacuterecirct

256

674 Lrsquoexamen du caractegravere seacuterieux de lrsquoeacuteleacutement inconnu ou du fait nouveau fait partie

inteacutegrante du filtrage Crsquoest pourquoi nous rejoignons lrsquoanalyse de Madame Juliette

LELIEUR laquo Il est vrai que lorsqursquoune deacutecision a eacuteteacute rendue en lrsquoignorance de certains faits

[hellip] la probabiliteacute qursquoelle ne soit pas juste est augmenteacutee Neacuteanmoins mecircme dans ces

situations lrsquoexistence drsquoune injustice nrsquoest que supposeacutee elle nrsquoest pas eacutetablie Or la

reacuteouverture du procegraves eacutetant per se contraire agrave la seacutecuriteacute juridique elle nrsquoest admissible agrave

notre sens que srsquoil existe de seacuterieuses1 raisons de penser qursquoelle permettra de corriger une

injustice2 raquo

675 Comment la commission peut-elle srsquointeacuteresser agrave lrsquoexistence et au seacuterieux drsquoun

eacuteleacutement inconnu ou drsquoun fait nouveau sans srsquointerroger sur sa porteacutee A notre sens cette

question se posera de maniegravere cruelle agrave la commission Elle ne srsquoest pas poseacutee au moment de

la premiegravere deacutecision rendue le 16 mars 2015 par la commission drsquoinstruction dans le cadre

drsquoun nouveau recours en reacutevision deacuteposeacute par les heacuteritiers de Messieurs Raymond MIS et

Gabriel THIENNOT En effet la deacutecision drsquoirrecevabiliteacute rendue par la commission est

motiveacutee par le fait qursquo laquo il ressort des deacuteveloppements qui preacutecegravedent que la question des

violences deacutenonceacutees par les personnes gardeacutees agrave vue et des conditions dans lesquelles leurs

deacutepositions ont eacuteteacute recueillies par les enquecircteurs a eacuteteacute deacutebattue devant la cour drsquoassises de la

Gironde Les violences ne peuvent donc pas en tant que telles constituer un fait nouveau ou

un eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves au sens de lrsquoarticle 622 du Code de

proceacutedure peacutenale raquo Comme le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu au jour du procegraves nrsquoexistait

pas la question de sa porteacutee ne se posait pas

676 Il nrsquoen demeure pas moins vrai que malgreacute une reacuteelle clarification du texte la

reacuteaffirmation du cas drsquoouverture fondeacute sur la notion de doute sur la culpabiliteacute est de nature agrave

compliquer le deacuteploiement de lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale et agrave entretenir une

confusion des rocircles entre la commission drsquoinstruction et la Cour de reacutevision La condition du

laquo seacuterieux raquo ouvre la voie agrave lrsquoexamen du doute sur la culpabiliteacute par la commission et risque de

deacuteboucher sur un double controcircle du doute Dans ce cas-lagrave la situation serait identique agrave celle

qui existait sous lrsquoempire de la loi de 1989

1 Crsquoest nous qui soulignons 2 J LELIEUR op cit ndeg 669

257

677 Une eacutecriture plus inductive de la loi1 srsquoinspirant de la theacuteorie structurante du droit

de Friedrich MULLER aurait pu eacuteviter ce nouvel imbroglio juridique et offrirait une

alternative inteacuteressante

B Une eacutecriture plus inductive de la loi

678 La meacutethode juridique proposeacutee par Monsieur Friedrich MULLER repose sur le

postulat suivant laquo la meacutethodologie structurante [hellip] nait du constat drsquoinadeacutequation de la

repreacutesentation traditionnelle de la norme juridique aux exigences pratiques que les principes

de lrsquoEtat de droit et de la deacutemocratie imposent raquo2 Ce mode de raisonnement pourrait

permettre drsquoatteindre de maniegravere concregravete lrsquoobjectif rechercheacute par la loi nouvelle agrave savoir une

libeacuteralisation de la proceacutedure de reacutevision (1) Ainsi en srsquoinspirant des travaux de Monsieur

Friedrich MULLER nous verrons que lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale malgreacute sa

justesse et sa pertinence risque de ne pas pouvoir reacutepondre aux attentes du leacutegislateur et ce

aussi longtemps que le cas drsquoouverture agrave reacutevision reposera sur le doute sur la culpabiliteacute (2)

1 Lrsquoapport drsquoune eacutecriture plus inductive

679 Dans la meacutethode structurante du droit le point de deacutepart de la reacuteflexion de

Monsieur Friedrich MULLER consiste agrave revisiter la meacutethode drsquoeacutelaboration de la norme telle

qursquoelle est actuellement meneacutee par le leacutegislateur Le cheminement intellectuel classique

repose drsquoabord sur la conceptualisation de la theacuteorie qui sert ensuite de creuset agrave une

reacuteflexion sur les conseacutequences pratiques A lrsquoinverse la meacutethode de Monsieur Friedrich

MULLER suggegravere la mise en place drsquoun proceacutedeacute inductif drsquoeacutelaboration de la norme

680 Monsieur le Professeur JOUANJAN preacutecise que laquo Ralph CHRISTENSEN lrsquoun

des meilleurs continuateurs de lrsquoœuvre de Friedrich MULLER a parfaitement preacutesenteacute ce

mode drsquoapproche agrave la diffeacuterence de la theacuteorie pure du droit ou de la pheacutenomeacutenologie

juridique la theacuteorie structurante du droit ne cherche pas agrave plaquer lrsquoun des courants de la

1 En sens contraire V C DE SECONDAT baron de Montesquieu De lesprit des lois les grands thegravemes eacutediteacute par JP MAYER et AP KEN Paris Gallimard 1970 R KOLB Interpreacutetation et creacuteation du droit international - Esquisses dune hermeacuteneutique juridique moderne pour le droit international Bruxelles Bruylant 2006 F GENY laquo Meacutethode drsquointerpreacutetation et sources en droit priveacute positif (hellip) raquo op cit Sur leurs limites V F MUumlLLER laquo Travail de textes travail de droit raquo in O JOUANJAN et F MUumlLLER Avant dire droit Queacutebec Presses de lrsquoUniversiteacute Laval 2007 p 23 Pour une critique de la conception de F MULLER V C LE COUSTUMER laquo Texte norme et Eacutetat de droit chez Friedrich Muumlller raquo accessible sur httpwwwtheoriedudroitnetnotesindexphp2008031829-texte-et-norme-chez-friedrich-muller 2 O JOUANJAN laquo Preacutesentation du traducteur raquo in Friedrich MUumlLLER Discours de la meacutethode juridique Paris Presses universitaires de France 1996 p 6

258

theacuteorie de la science sur le domaine juridique Contrairement agrave ce genre de transpositions de

forme neacutecessairement deacuteductive la theacuteorie structurante srsquoefforce de partir de maniegravere

inductive des problegravemes pratiques1 raquo Cette approche a pour avantage de renforcer

lrsquoopeacuterationnaliteacute du droit puisqursquoelle srsquoappuie sur laquo une analyse critique (hellip) de la pratique

juridique reacuteelle2 raquo

681 Cette vision des choses pourrait contribuer agrave ameacuteliorer les dispositions de la loi

de 2014 par rapport agrave la reacutepartition des compeacutetences entre la commission et la Cour En effet

malgreacute le souhait du leacutegislateur de libeacuteraliser la reacutevision les mecircmes critiques que celles qui

ont eacuteteacute formuleacutees agrave lrsquoencontre de lrsquoapplication de la loi de 1989 risquent de se manifester

Srsquoagissant de lrsquoexamen de la recevabiliteacute des requecirctes par la commission drsquoinstruction la

lettre de la loi 2014 ne pose aucun problegraveme Les difficulteacutes surgissent plutocirct au moment de

son application concregravete

682 Les justifications fournies par Monsieur le Professeur JOUANJAN quant au bien-

fondeacute de la theacuteorie structurante du droit semblent parfaitement adapteacutees agrave la situation laquo On

comprendra que lrsquoenjeu de cette theacuteorie structurante du droit et de sa meacutethodologie srsquoinscrit

preacuteciseacutement dans ce deacutefi consistant agrave se deacutefaire du positivisme objectiviste qui laisserait croire

que dans lrsquoapplication de la regravegle de droit cette regravegle srsquoapplique sans tomber dans

lrsquoirrationalisme du subjectivisme qui nous semble-t-il nrsquoest pas capable de supporter les

exigences de lrsquoeacutetat de droit Elle nrsquoest pas la seule agrave se confronter agrave ce deacutefi Mais si ce deacutefi est

marquant pour le deacutebat juridique contemporain alors la theacuteorie structurante du droit doit

trouver sa place dans ce deacutebat3 raquo

683 En nous inspirant de la meacutethode de Monsieur Friedrich MULLER les

laquo problegravemes pratiques raquo constitueront le point de deacutepart de notre raisonnement

Ce nrsquoest pas lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale sui generis qui geacutenegravere des difficulteacutes

En effet il traduit lrsquoexpression de la volonteacute du leacutegislateur drsquoencadrer le rocircle de filtrage de la

commission pour eacuteviter un chevauchement de compeacutetences avec la juridiction de jugement

Cette volonteacute avait deacutejagrave eacuteteacute afficheacutee par le leacutegislateur de 1989 qui souhaitait aussi limiter le

rocircle de la commission au seul examen de la recevabiliteacute de la requecircte En revanche les

problegravemes pratiques risquent de surgir sous lrsquoeffet de sa combinaison avec lrsquoarticle 622 qui

1 Ibid p12 2 Ibid p 12 3 Ibid p 21

259

maintient le doute sur la culpabiliteacute comme cas drsquoouverture1 Une reacuteeacutecriture plus inductive de

la loi suggegravererait donc selon nous lrsquoabandon de toute reacutefeacuterence au doute sur la culpabiliteacute en

matiegravere de cas drsquoouverture agrave reacutevision

2 Lrsquoabandon de la reacutefeacuterence au doute sur la culpabiliteacute

684 En srsquoappuyant sur la notion objective de recevabiliteacute le nouveau texte a clarifieacute la

situation anteacuterieure Il srsquoagit drsquoun reacuteel progregraves qui meacuterite drsquoecirctre maintenu Toutefois cette

avanceacutee risque de ne pas suffire agrave lrsquoabandon deacutefinitif du double controcircle du doute Face agrave

cette situation plusieurs pistes peuvent ecirctre envisageacutees afin drsquoeacuteviter tout risque de double

controcircle du doute

685 Premiegraverement deacutecharger la commission drsquoinstruction de lrsquoeacutetude du seacuterieux de

lrsquoeacuteleacutement inconnu ou du fait nouveau Or comme il a eacuteteacute deacutemontreacute cette solution aurait pour

conseacutequence de reacuteduire quasi agrave neacuteant lrsquoutiliteacute du filtrage

686 Deuxiegravemement maintenir en lrsquoeacutetat la conception actuelle de la recevabiliteacute tout

en preacutecisant expresseacutement dans la loi lrsquoindeacutependance du caractegravere seacuterieux du fait nouveau ou

de lrsquoeacuteleacutement inconnu par rapport au doute sur la culpabiliteacute Deux raisons nous permettent de

douter de la justesse de ce choix Drsquoabord lors de lrsquoexamen du seacuterieux il apparaicirct difficile

deacuteliminer en pratique toute appreacuteciation de la porteacutee du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement

inconnu Ensuite la dissociation entre lrsquoappreacuteciation du caractegravere seacuterieux et celle du doute

quand bien mecircme jamais preacuteciseacutee dans la loi avait deacutejagrave eacuteteacute souhaiteacutee en 1989 Cette position

a eacuteteacute rappeleacutee agrave maintes reprises dans les rapports annuels de la Cour de cassation et agrave

lrsquooccasion des diverses interventions devant la commission des lois de lrsquoAssembleacutee Nationale

Srsquoagissant deacutejagrave drsquoune exigence bien connue il semble donc peu probable que la mention de

cette dissociation soit efficace

687 Troisiegravemement maintenir la cohabitation de lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure

peacutenale avec lrsquoarticle 622 dans lrsquoespoir que toutes les requecirctes soient fondeacutees sur des certitudes

sur lrsquoinnocence Dans ce cas drsquoeacutecole la cohabitation nrsquoest pas deacuterangeante En effet dans

lrsquohypothegravese ougrave le fait nouveau ou lrsquoeacuteleacutement inconnu est de nature agrave eacutetablir lrsquoinnocence du

condamneacute son seacuterieux ne fait aucun doute Toutefois mecircme si le retour de la mention de

1 D DE BEacuteCHILLON laquo Lrsquoordre juridique est-il complexe raquo in Les deacutefis de la complexiteacute Vers un nouveau paradigme de la connaissance Paris Eacuteditions LrsquoHarmattan 1994 p 42 et s

260

lrsquoinnocence dans le texte est particuliegraverement heureux notamment par rapport aux progregraves

scientifiques de nombreuses requecirctes restent fondeacutees sur le doute sur la culpabiliteacute1

688 Quatriegravemement maintenir en lrsquoeacutetat lrsquoarticle 624 du Code de proceacutedure peacutenale en

prenant le soin de supprimer de lrsquoarticle 622 toute reacutefeacuterence agrave la notion de doute sur la

culpabiliteacute Cette solution a lrsquoavantage de mettre deacutefinitivement un terme agrave tout risque de

double controcircle du doute La suppression du doute qui depuis 1989 constitue un problegraveme

reacutecurrent prend en consideacuteration le principal laquo problegraveme pratique raquo de la reacutevision

lrsquoappreacuteciation du doute sur la culpabiliteacute

689 Le deuxiegraveme grief drsquoordre structurel formuleacute agrave lrsquoadresse de la loi de 2014

concerne la fusion des juridictions chargeacutees de la reacutevision et du reacuteexamen

sect 2 La creacuteation drsquoune juridiction unique pour la reacutevision et le

reacuteexamen

690 La loi nouvelle bouleverse la structure de la reacutevision en instituant une juridiction

unique en charge de la reacutevision et du reacuteexamen dune deacutecision peacutenale conseacutecutif au prononceacute

dun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme2 La creacuteation de cette juridiction

unique suscite de notre part des critiques que nous deacutevelopperons autour de deux ideacutees En

premier lieu les motivations du leacutegislateur par rapport agrave cette fusion semblent peu

convaincantes (A) En second lieu le rapprochement entre la reacutevision et le reacuteexamen nrsquoest pas

pertinent du point de vue juridique (B)

A Les raisons peu convaincantes de la fusion

691 Il ressort des travaux parlementaires que deux raisons ont justifieacute le choix de la

fusion La premiegravere est que la creacuteation drsquoune juridique unique pour la reacutevision et le reacuteexamen

pourrait atteacutenuer le sentiment drsquoineacutegaliteacute ressenti auparavant par les justiciables selon qursquoils

avaient ou non beacuteneacuteficieacute drsquoun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme (1) La

seconde est que la fusion devrait confeacuterer une coheacuterence drsquoensemble agrave la reacuteformation des

deacutecisions peacutenales deacutefinitives (2)

1 Les reacutevisions des procegraves de Rida DAALOUCHE Patrick DILS Guilherme VENTURA Marc MACHIN Loiumlc SECHER Abdelkader AZZIMANI et Abderrahim EL-JABRI et Christian IANOCO reposaient toutes sur des faits nouveaux ou des eacuteleacutements inconnus de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute 2 V infra

261

1 Lrsquoatteacutenuation du sentiment drsquoineacutegaliteacute entre les justiciables

692 Les motivations de la creacuteation drsquoune juridiction unique pour la reacutevision et le

reacuteexamen trouvent leur source dans les racines de la reacuteforme Lrsquoadoption de la loi du 20 juin

2014 eacutetait justifieacutee par les difficulteacutes drsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision et par le faible

taux de reacuteussite de cette proceacutedure

693 Le constat avait deacutejagrave eacuteteacute clairement eacutetabli en 2007 par les rapporteurs de la

proposition de loi visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations

peacutenales qui ne srsquoest jamais concreacutetiseacutee En 2007 lrsquoexposeacute des motifs de la proposition de loi

commenccedilait ainsi laquo ( hellip) Depuis de nombreux mois la justice peine agrave sortir drsquoune crise

majeure qui nrsquoa fait que renforcer la traditionnelle meacutefiance des Franccedilais agrave lrsquoeacutegard de cette

institution Pour retrouver la confiance de nos concitoyens la justice doit notamment pouvoir

deacutemontrer qursquoelle est en mesure de se remettre en cause de rectifier ses erreurs et autant que

faire se peut drsquoen reacuteparer les conseacutequences1 raquo Les rapporteurs soucieux de renouer des liens

de confiance entre les citoyens et la justice peacutenale ont lieacute cette deacutefiance au manque

drsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision

694 Ces constatations ont eacuteteacute reprises par les rapporteurs de la loi de 2014 laquo une

justice qui reconnaicirct ses erreurs et les corrige sans srsquoefforcer de les maintenir et de les

dissimuler par de vaines formules est une justice eacutedifiante qui ne peut inspirer que de la

confiance et du respect 2raquo Ils ont ajouteacute laquo Du reste aucun risque de submersion de la Cour

de cassation par les demandes en reacutevision nrsquoest perceptible Les statistiques font apparaicirctre

que 167 requecirctes ont eacuteteacute preacutesenteacutees agrave la Commission de reacutevision en 2005 chiffre comparable

agrave ceux constateacutes dans les anneacutees preacuteceacutedentes Apregraves filtrage par cette commission le nombre

des saisines de la chambre criminelle statuant comme cour de reacutevision repreacutesente en moyenne

moins de 3 des requecirctes dont seulement un peu plus de la moitieacute donne lieu agrave annulation de

la deacutecision de condamnation 3raquo

695 Ce faible nombre a eacuteteacute ensuite compareacute tant par les rapporteurs de 2007 que par

ceux de 2014 aux statistiques de reacuteussite de la proceacutedure de reacuteexamen En 2007 les

rapporteurs ont preacuteciseacute que laquo la seconde proceacutedure de reacutevision dite de reacuteexamen drsquoune

deacutecision peacutenale conseacutecutif au prononceacute drsquoun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de 1 Proposition de loi ndeg 3770 visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales enregistreacutee agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee Nationale le 13 mars 2007 op cit p 1 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 9 3 Ibid

262

lrsquohomme [donnait] lieu agrave moins drsquoune dizaine de recours par an Environ la moitieacute de ces

demandes [eacutetait] accueillie 1raquo En 2014 ces statistiques ont fait lrsquoobjet drsquoune analyse encore

plus fine laquo Depuis 1989 3 358 demandes ont eacuteteacute preacutesenteacutees agrave la commission de reacutevision qui

a rendu pour lrsquoheure 3 171 deacutecisions Parmi ces demandes 2 122 ont eacuteteacute jugeacutees irrecevables

965 ont eacuteteacute rejeteacutees et 84 seulement ont conduit agrave la saisine de la Cour de reacutevision Au total

depuis 1989 84 deacutecisions ont eacuteteacute prises par la Cour de reacutevision dont 51 deacutecisions

drsquoannulation et 33 deacutecisions de rejet En matiegravere de reacuteexamen la commission de reacuteexamen

nrsquoa eacuteteacute saisie que de 55 demandes depuis sa creacuteation en 2000 et elle a fait droit agrave 31 drsquoentre

elles Ces proceacutedures ont un taux de succegraves radicalement opposeacute alors qursquoune demande en

reacutevision a 15 de chances drsquoaboutir une demande en reacuteexamen aboutit dans 56 des

cas2 raquo

696 Il en ressort que les rapporteurs comparant les taux de succegraves de la proceacutedure de

reacutevision par rapport agrave ceux de la proceacutedure de reacuteexamen ont tenteacute de faire la deacutemonstration de

lrsquoexistence drsquoun deacuteseacutequilibre facirccheux entre le taux de reacuteussite des deux proceacutedures en charge

du mecircme objectif la reacuteformation drsquoune deacutecision peacutenale A lrsquoappui de leur raisonnement les

rapporteurs mettent en exergue que laquo le fonctionnement interne de la commission de

reacuteexamen est identique agrave celui des juridictions de reacutevision (hellip)En outre la commission de

reacuteexamen dispose de pouvoirs proches de ceux de la Cour de reacutevision3 raquo

697 Malgreacute leurs ressemblances le reacuteexamen permet laquo une remise en cause quasi

automatique de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee4 raquo alors que le pourvoi en reacutevision srsquoapparente agrave

laquo un chemin de croix judiciaire5 raquo La comparaison des taux de succegraves leur a permis de

conclure que lrsquoalignement de la proceacutedure de reacutevision sur la proceacutedure de reacuteexamen serait de

nature agrave ameacuteliorer lrsquoaccessibiliteacute du pourvoi en reacutevision La creacuteation drsquoune juridiction unique

devait contribuer au renouvellement de la confiance du justiciable agrave lrsquoeacutegard de la justice car

laquo la confiance dans la justice passe aussi par la capaciteacute du systegraveme judiciaire agrave rectifier et

reacuteparer une erreur judiciaire sans chercher agrave toujours srsquoabriter derriegravere le sacrosaint principe

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee6 raquo

1 Proposition de loi ndeg 3770 visant agrave accroitre lrsquoefficaciteacute de la proceacutedure de reacutevision des condamnations peacutenales enregistreacutee agrave la preacutesidence de lrsquoAssembleacutee Nationale le 13 mars 2007 op cit p 3 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit 3 Ibid 4 Ibid 5 Expression emprunteacutee agrave R LETTERON httplibertescheriesblogspotfr201403la-revision-des-condamnations-penaleshtml 6 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit

263

698 Or cet ameacutenagement ne saurait ipso facto deacuteboucher sur une ameacutelioration

sensible du taux de reacuteussite des pourvois en reacutevision En effet la proceacutedure de reacutevision est

parsemeacutee de nombreux eacutecueils que la creacuteation drsquoune juridiction unique ne saurait eacuteliminer si

facilement De lrsquoaveu mecircme des rapporteurs laquo le tregraves faible nombre de reacutevisions accordeacutees

dans le cadre de la proceacutedure de droit commun peut notamment srsquoexpliquer par deux facteurs

Drsquoune part lrsquointervention successive de deux instances juridictionnelles dont les rocircles se

recoupent largement drsquoautre part lrsquoutilisation par la chambre criminelle drsquoun critegravere

drsquoanalyse excessivement restrictif raquo Aussi nrsquoest-il pas acquis que la creacuteation de la nouvelle

juridiction soit agrave mecircme de reacuteduire le sentiment drsquoineacutegaliteacute eacuteprouveacute par les justiciables Elle

pourrait mecircme lrsquoentretenir puisque le cadre de la proceacutedure suivie (reacutevision ou reacuteexamen) le

leacutegislateur a preacutevu diffeacuterents critegraveres de recevabiliteacute de la demande1

699 Le second motif qui a conduit le leacutegislateur agrave creacuteer une juridiction unique pour le

reacuteexamen et la reacutevision eacutetait le souci de confeacuterer une coheacuterence drsquoensemble agrave la reacuteformation

des deacutecisions peacutenales

2 La coheacuterence drsquoensemble de la reacuteformation des deacutecisions peacutenales

700 Nous ne partageons pas lrsquoideacutee selon laquelle la fusion confegravererait plus de

coheacuterence agrave la reacuteformation des deacutecisions peacutenales En effet pour veacuteritablement redonner une

coheacuterence drsquoensemble agrave la reacuteformation des deacutecisions peacutenales il aurait fallu eacutegalement inteacutegrer

la question du pourvoi en cassation dit laquo reacuteserveacute2raquo Preacutevu agrave lrsquoarticle 620 du Code de proceacutedure

peacutenale3 il autorise le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation sur ordre du Garde des

Sceaux agrave solliciter la reacuteformation dans linteacuterecirct de la loi ou eacutegalement dans linteacuterecirct du

condamneacute des deacutecisions ou des actes judiciaires irreacutevocables4 ou insusceptibles de recours

1 Article 624-1 CPP laquo Lorsque la commission dinstruction des demandes en reacutevision et en reacuteexamen est saisie dune demande en reacuteexamen son preacutesident statue par ordonnance Il saisit la formation de jugement de la cour de reacutevision et de reacuteexamen des demandes formeacutees dans le deacutelai mentionneacute agrave larticle 622-1 pour lesquelles il constate lexistence dun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme eacutetablissant une violation de la convention applicable au condamneacute raquo 2 GARRAUD Traiteacute theacuteorique et pratique dinstruction criminelle op cit ndeg 1979 3 Article 620 CPP laquo Lorsque sur lordre formel agrave lui donneacute par le Ministre de la justice le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation deacutenonce agrave la chambre criminelle des actes judiciaires arrecircts ou jugements contraires agrave la loi ces actes arrecircts ou jugements peuvent ecirctre annuleacutes raquo 4 O DE BOUILLANE DE LACOSTE op cit ndeg 18 laquo Le pourvoi de larticle 620 peut ecirctre dirigeacute contre les jugements alors mecircme quils sont susceptibles dune voie de recours ordinaire le droit attribueacute au Ministre de la Justice par larticle 620 du Code de proceacutedure peacutenale de deacutefeacuterer agrave la Cour de cassation tout acte judiciaire contraire agrave la loi sapplique mecircme aux jugements rendus en premier ressort et non deacutefinitifs raquo V en ce sens Cass crim 20 nov 1957 Bull crim ndeg 755

264

701 Il est vrai que lrsquoon peut douter de lrsquoopportuniteacute de reacuteunir sous le mecircme toit le

pourvoi en reacutevision et ce pourvoi en cassation reacuteserveacute peut surprendre

Primo le pourvoi en cassation laquo est un recours destineacute agrave censurer les erreurs de droit Et par

lagrave il se distingue fondamentalement du recours en reacutevision qui tend agrave reacuteparer des erreurs de

fait1 raquo Or la proceacutedure de reacuteexamen concerne elle aussi une erreur de droit2 Cette reacutealiteacute nrsquoa

pas empecirccheacute le leacutegislateur de creacuteer une juridiction unique srsquoagissant de la reacutevision et du

reacuteexamen3

Secundo le pourvoi en reacutevision ainsi que le reacuteexamen constituent des voies de recours

ouvertes au condamneacute alors que le pourvoi reacuteserveacute de lrsquoarticle 620 du Code de proceacutedure

peacutenale lui eacutechappe Toutefois il nrsquoen demeure pas moins vrai que le pourvoi pourra aussi

srsquoexercer dans son inteacuterecirct4 De plus si durant la proceacutedure la partie civile et le civilement

responsable ne sont pas autoriseacutes agrave intervenir (le recours ne pouvant porter atteinte agrave leurs

inteacuterecircts civils5) le condamneacute quant agrave lui peut intervenir si le pourvoi lui est profitable6

Finalement laquo ce qui importe reacuteellement dans le procegraves est de deacuteterminer le moment agrave partir

duquel une deacutecision ne peut plus ecirctre attaqueacutee par une voie de recours suspensive

drsquoexeacutecution (hellip) voire nrsquoest plus susceptible drsquoaucun recours suspensif ou non7 raquo Crsquoest

pourquoi Monsieur le Professeur FOURMENT dans son manuel de proceacutedure peacutenale aborde

chronologiquement les voies de recours lui permettant ainsi de distinguer les voies de recours

anteacuterieures agrave lrsquoacquisition de la force de chose jugeacutee et les voies de recours posteacuterieures agrave

lrsquoacquisition de la force de chose jugeacutee8 Si drsquoune part lrsquoauteur fait figurer le pourvoi en

1 J BORE laquo La cassation en matiegravere peacutenale raquo op cit ndeg 4 2 Comm reacuteexamen 4 oct 2001 no 01-00001 3 Bien que le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi et le reacuteexamen concernent tous deux une erreur de droit laquo la constatation drsquoune violation de la Convention et notamment des dispositions relatives agrave lrsquoarticle 6 sect 1er ou agrave lrsquoarticle 5 sect 1er ne constituent pas expresseacutement en droit franccedilais en matiegravere peacutenale un cas permettant au procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation de former un pourvoi en cassation laquo dans lrsquointeacuterecirct de la loi raquo contre une deacutecision passeacutee en force de chose jugeacutee (art 620 et 621 du Code de proceacutedure peacutenale) Cette proceacutedure est en effet destineacutee agrave faire trancher par la Cour de cassation un point de droit qui ne lui avait pas eacuteteacute preacutealablement soumis et elle ne vise pas agrave proteacuteger le droit des parties et donc de la victime de la violation de la Convention seul le procureur geacuteneacuteral ayant drsquoailleurs la faculteacute de saisir la Cour de cassation En outre degraves lors que les eacuteleacutements objets du litige ont fait lrsquoobjet drsquoun preacuteceacutedent arrecirct de la Cour de cassation ce qui est geacuteneacuteralement le cas pour le respect de lrsquoapplication de la regravegle de lrsquoeacutepuisement des voies de recours poseacutee par lrsquoarticle 35 de la Convention europeacuteenne il nrsquoeacutetait pas possible de former un pourvoi en cassation dans lrsquointeacuterecirct de la loi posteacuterieurement agrave un arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme raquo V C PETTITI opcit p 5 4 J BORE et L BORE op cit laquo Le recours de larticle 620 est destineacute agrave porter atteinte agrave lautoriteacute de la chose jugeacutee au beacuteneacutefice du condamneacute raquo 5 Cass Crim 26 juin 1963 Bull crim Ndeg288 6 Cass Crim 26 nov 1842 Bull crim Ndeg308 Cass Crim 30 avr 1969 op cit 7 F FOURMENT Proceacutedure peacutenale op cit p 283 ndeg 660 8 Ibid p 285

265

cassation dans lrsquointeacuterecirct des parties dans la premiegravere cateacutegorie1 il regroupe drsquoautre part dans

les voies de recours posteacuterieures agrave lrsquoacquisition de la force de chose jugeacutee les pourvois en

cassation dans lrsquointeacuterecirct de la loi la proceacutedure de reacutevision et la proceacutedure de reacuteexamen En

effet ces trois proceacutedures se situent dans le temps posteacuterieurement agrave lrsquoacquisition de lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee Crsquoest ainsi qursquoil paraicirct coheacuterent de leur faire partager la mecircme destineacutee

702 FAUSTIN-HEacuteLIE deacutecrit lrsquoutiliteacute des pourvois reacuteserveacutes en ces termes laquo lEacutetat

peut renoncer au beacuteneacutefice de la chose jugeacutee parce quun inteacuterecirct plus grand celui de la justice

lui commande cette renonciation en vue deacuteliminer lerreur de droit qui a eacuteteacute commise mais

cet abandon ne saurait seacutetendre aux droits acquis que la chose jugeacutee a confeacutereacutes aux parties

Le respect de ces droits irreacutevocables exigeait que la cassation fucirct alors prononceacutee dans le seul

inteacuterecirct de la loi pour lhonneur des principes et la bonne information des juges ou quelle fucirct

prononceacutee dans linteacuterecirct de la loi et du condamneacute toutes dispositions favorables agrave ce dernier

demeurant expresseacutement maintenues2 raquo

703 Crsquoest ainsi que deux voies diffeacuterentes sont offertes au procureur geacuteneacuteral pregraves la

Cour de cassation par le biais des articles 620 et 621 du Code de proceacutedure peacutenale Toutefois

seul lrsquoarticle 620 peut soutenir la comparaison avec la reacutevision et le reacuteexamen degraves lors qursquoil

srsquoexercera dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du condamneacute En effet lrsquoarticle 621 du Code de proceacutedure

peacutenale nrsquoa pour effet qursquoune laquo annulation platonique3 raquo allant dans le sens drsquoune laquo leccedilon pour

linexpeacuterience des tribunaux4 raquo Le pourvoi preacutevu agrave larticle 621 ne pourra ni profiter aux

parties ni leur nuire et ne pourra pas entraicircner une suspension de lexeacutecution de la deacutecision et

de la peine5 Le leacutegislateur preacutecise que la cassation est fondeacutee dans le seul inteacuterecirct de la loi

laquo sans que les parties puissent sen preacutevaloir et sopposer agrave lexeacutecution de la deacutecision

annuleacutee raquo Ainsi laquo la cassation prononceacutee dans linteacuterecirct de la loi par application de larticle

621 du Code de proceacutedure peacutenale est sans effet agrave leacutegard des parties6 raquo Ce pourvoi sans

conseacutequence sur la situation du condamneacute srsquoeacuteloigne du pourvoi en reacutevision et du reacuteexamen

qui tous deux revecirctent le caractegravere drsquoune proceacutedure dynamique non sans effets sur la

deacuteclaration deacutefinitive de culpabiliteacute

1 V-M ANCEL Le rocircle du juge de cassation RIDP vol 46 p 31 2 F HELIE op cit ndeg532 3 Expression emprunteacutee agrave J BORE et L BORE 4 Ibid 5 Crim 28 mars 2001 no 01-80390 Bull crim ndeg 86 6 O DE BOUILLANE DE LACOSTE op cit

266

704 Lrsquoarticle 620 du Code de proceacutedure peacutenale en revanche deacutebouche sur une

annulation plus laquo eacutenergique1raquo qui pourra preacutesenter agrave lrsquoeacutegard du condamneacute deacutefinitif les

mecircmes effets qursquoun pourvoi en reacutevision ou qursquoune proceacutedure de reacuteexamen Ce pourvoi sera

transmis agrave la chambre criminelle par le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation sur

instruction exclusive du Ministre de la justice Ce haut magistrat agira comme un laquo simple

exeacutecutant des instructions du ministre2 raquo un laquo intermeacutediaire obligeacute3 raquo La justification de cette

intervention de lrsquoexeacutecutif sur le cours de la justice a pour origine linteacuterecirct supeacuterieur de la

justice et de la socieacuteteacute et le devoir de ne pas voir perdurer des erreurs de droit que les parties

elles-mecircmes nont pas deacutecouvertes ou deacutenonceacutees Il est de lrsquointeacuterecirct de la justice que ce pourvoi

ne soit pas laquo laisseacute agrave linitiative dune autoriteacute judiciaire si haute soit-elle mais reacuteserveacute agrave une

autoriteacute politique qui porte lorsquelle deacutecide de lexercer une appreacuteciation dopportuniteacute tout

autant quune appreacuteciation de leacutegaliteacute4 raquo

705 Lrsquoarticle 620 dispose laquo Lorsque sur lordre formel agrave lui donneacute par le ministre de

la justice le procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation deacutenonce agrave la chambre criminelle des

actes judiciaires arrecircts ou jugements contraires agrave la loi ces actes arrecircts ou jugements peuvent

ecirctre annuleacutes raquo A la lecture de cette disposition il ressort que le Ministre de la justice est la

seule autoriteacute compeacutetente pour introduire ce recours5 Dans le cadre de la reacutevision et du

reacuteexamen il partage son pouvoir drsquoagir avec drsquoautres acteurs Contrairement agrave larticle 621 il

nrsquoest pas preacuteciseacute que la cassation est prononceacutee laquo sans que les parties puissent sen preacutevaloir

raquo Face agrave ce silence la jurisprudence a convenu degraves 1815 que lannulation prononceacutee en vertu

de lrsquoarticle 620 beacuteneacuteficiait au condamneacute agrave condition drsquoune part que le Garde des sceaux en

fasse la demande et que drsquoautre part sa reacutepercussion sur la personne du condamneacute ne soit pas

de nature agrave aggraver sa situation6

706 Crsquoest ainsi que le pourvoi sur ordre revecirctira deux formes diffeacuterentes par rapport agrave

ses effets selon que la cassation est prononceacutee dans le seul inteacuterecirct de la loi7 ou selon qursquoelle

1 Expression emprunteacutee agrave J BORE et L BORE 2 Expression emprunteacutee agrave O DE BOUILLANE DE LACOSTE op cit ndeg 9 en ce sens V Cass crim 19 mars 1852 deux arrecircts Bull crim ndeg 102 et 103 D 1852 1 302 3 J BORE L BORE insistent sur le laquo caractegravere politique tregraves marqueacute du recours de lrsquoarticle 620 CPP raquo 4 J BORE et L BORE op cit ndeg 616 5 sur ce point V J BORE et L BORE op cit ndeg 617 6 Cass crim 9 deacutec 1899 Bull crim ndeg 363 7 La cassation est prononceacutee dans le seul inteacuterecirct de la loi dans cinq situations soit que la deacutepecircche ministeacuterielle ait expresseacutement restreint le pourvoi agrave lrsquointeacuterecirct de la loi (V cass crim 31 mai 2007 ndeg 06-88095) soit que le pourvoi ne soit pas dirigeacute contre le dispositif drsquoun jugement ( V cass crim 13 juin 1879 Dr peacutenal 1879 1 p 227) soit que lrsquoextension de la cassation au condamneacute lui serait preacutejudiciable ( V cass crim 19 avr 1839 Bull crim ndeg 129) soit qursquoil nrsquoy ait plus lieu de statuer sur lrsquoaction publique ( V cass crim 22 janv 1948

267

est prononceacutee dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du condamneacute La conseacutecration de cette doctrine

apparaicirct tregraves nettement agrave travers un arrecirct du 25 mars 1836 qui confirmeacute par une deacutecision

dateacutee du 19 avril 18391 preacutecise laquo il est conforme agrave lesprit qui a dicteacute larticle 441 ainsi

quaux principes geacuteneacuteraux du droit criminel en vertu desquels les dispositions favorables

sont susceptibles dextension que les cassations prononceacutees sur un pourvoi formeacute en vertu de

cet article profitent aux condamneacutes afin quils ne demeurent pas sous le coup dune

condamnation qui aurait eacuteteacute reconnue et deacuteclareacutee par la Cour de cassation necirctre que le

reacutesultat dune application fausse et erroneacutee de la loi peacutenale raquo

707 Dans lrsquohypothegravese ougrave lrsquoannulation est prononceacutee dans le seul inteacuterecirct de la loi la

cassation de la deacutecision srsquoeffectuera obligatoirement sans renvoi comme la situation du

justiciable est intangible lrsquoorganisation de nouveaux deacutebats srsquoavegraverera de facto inutile Dans

ce cas de figure si cette voie de recours exceptionnelle a pour conseacutequence de remettre en

cause lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au mecircme titre que les proceacutedures de reacutevision et de

reacuteexamen elle nrsquoaura pour autant aucune incidence sur la situation du condamneacute deacutefinitif En

revanche le pourvoi formeacute dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du condamneacute aura en cas de succegraves une

incidence favorable sur la situation du condamneacute Il srsquoagira de la censure drsquoune deacutecision

deacutefinitive entacheacutee drsquoune erreur de droit agrave savoir une violation drsquoune loi de proceacutedure ou

drsquoune loi de fond De fait seront concerneacutes les cas ougrave la juridiction a eacuteteacute irreacuteguliegraverement

composeacutee ou irreacuteguliegraverement saisie2 ou bien lorsquune peine a eacuteteacute prononceacutee au-delagrave de son

maximum leacutegal3 Il en est de mecircme lorsqursquoune juridiction a retenu agrave la charge du preacutevenu une

infraction juridiquement infondeacutee4 pour laquelle les eacuteleacutements constitutifs de lrsquoinfraction

nrsquoeacutetaient pas reacuteunis ou caracteacuteriseacutes5

708 En outre les modaliteacutes de la cassation prononceacutee dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du

condamneacute sont identiques agrave celles des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen6 En effet cette

cassation peut ecirctre totale7 ou partielle8 et prononceacutee sans renvoi lorsqursquoil ne resterait rien agrave

juger ou que le renvoi serait de nature agrave aggraver la situation du condamneacute A lrsquoinverse le

Bull crim ndeg 26) ou que lrsquoextension de la cassation au condamneacute puisse retentir sur les inteacuterecircts civils( V Crim 22 juill 1948 bull crim ndeg 209) 1 Cass crim 19 avril 1838 Bull Crim ndeg 129 2 Cass crim 5 deacutec 1946 Bull crim ndeg 221 3 Cass crim 12 oct 1994 Bull crim ndeg 327 4 Cass crim 16 mars 1948 Bull crim ndeg 90 5 Cass crim 30 juin 1933 Bull crim ndeg 143 6 V P BONFILS Reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale suite au prononceacute drsquoun arrecirct de la CEDH op cit speacutec ndeg 40-46 7 Cass crim 20 mai 1992 op cit 8 Cass crim 12 oct 1994 Bull crim ndeg 327

268

renvoi aura lieu si les irreacutegulariteacutes commises sont drsquoune importance telle quil apparaicirct

neacutecessaire dans linteacuterecirct mecircme du condamneacute de reacuteexaminer lrsquoaffaire au fond1 Le condamneacute

deacutefinitif beacuteneacuteficiera donc de lrsquoopportuniteacute dun nouveau jugement garantissant tout risque

drsquoaggravation de sa situation par la juridiction de renvoi Aussi ce pourvoi sur ordre formeacute

dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du condamneacute est-il laquo destineacute agrave porter atteinte agrave lautoriteacute de la chose

jugeacutee au beacuteneacutefice du condamneacute2 raquo Il peut donc comme pour les proceacutedures de reacutevision et de

reacuteexamen deacuteboucher sur une modification positive de la situation du condamneacute deacutefinitif3

709 Crsquoest pourquoi selon nous il est audacieux drsquoaffirmer la creacuteation drsquoune

juridiction unique pour la reacutevision et le reacuteexamen est un gage de coheacuterence En veacuteriteacute pour

ecirctre coheacuterente la juridiction unique devrait alors ecirctre compeacutetente agrave la fois pour le pourvoi en

reacutevision le reacuteexamen et le pourvoi de lrsquoarticle 620 du Code de proceacutedure peacutenale lorsqursquoil est

prononceacute dans lrsquointeacuterecirct de la loi et du condamneacute Consideacuterant que le pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de

la loi et du condamneacute la reacutevision et le reacuteexamen constituent toutes trois des voies de recours

pouvant remettre en cause au beacuteneacutefice du condamneacute une deacutecision deacutefinitive il conviendrait

de se reacutefeacuterer soit agrave une juridiction unique pour ces trois proceacutedures soit agrave trois juridictions

distinctes A nos yeux lrsquoeffort de rapprochement entre le reacuteexamen et la reacutevision ne repose

donc pas sur une exigence de coheacuterence par rapport agrave la reacuteformation des deacutecisions peacutenales

710 De plus la reacutevision et le reacuteexamen sont deux proceacutedures bien diffeacuterentes dont le

rapprochement au sein drsquoune juridiction unique nrsquoest pas vraiment pertinent

B Le rapprochement peu pertinent entre la reacutevision et le

reacuteexamen

711 Les diffeacuterences entre la reacutevision et le reacuteexamen fragilisent la soliditeacute du choix

drsquoune juridiction unique

712 En effet il convient de dissocier la reacutevision du reacuteexamen4 notamment quant agrave leur

objet5 et leur fait geacuteneacuterateur La demande en reacutevision srsquoappuie sur une erreur de fait alors que

le reacuteexamen repose sur une erreur de droit Le Seacutenat conscient de ces diffeacuterences a toutefois

1 Pour des exemples de renvoi V cass crim 11 sept 2002 ndeg 02-80906 cass crim 4 janv 2006 ndeg 05-85841 cass crim 8 janv 1991 ndeg 90-86553 cass crim 26 oct 2005 ndeg 05-83384 2 J BORE L BORE op cit 3 Cass crim 23 juin 1993 Bull crim ndeg 221 4 CNCDH op cit ndeg 15 laquo Ces deux voies de droit ont un objet et une finaliteacute radicalement diffeacuterents raquo 5 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur V LAMANDA p 1 laquo Ces deux recours preacutesentent en effet des objets distincts raquo

269

consideacutereacute dans son rapport leacutegislatif que laquo au total les arguments en faveur (remise en cause

de la chose jugeacutee dans les deux cas similitude des proceacutedures actuelles) et en deacutefaveur (objet

diffeacuterent de lun et lautre recours la demande en reacutevision portant sur une question de fait

tandis que la requecircte en reacuteexamen concerne le droit) de la fusion de la cour de reacutevision et de la

commission de reacuteexamen [srsquoeacutequilibraient]1 raquo Les particulariteacutes de chacune des proceacutedures

sont de nature agrave tempeacuterer la pertinence de la fusion dont le choix peut srsquoaveacuterer contestable

Ces speacutecificiteacutes ne sont pas ignoreacutees agrave en croire la multipliciteacute des ameacutenagements

proceacuteduraux mis en place selon qursquoil srsquoagit drsquoune requecircte en reacuteexamen ou en reacutevision

713 Lrsquoaffirmation de ces diffeacuterences apparaicirct degraves lrsquoeacutetude de la recevabiliteacute de la

requecircte par la commission drsquoinstruction En effet dans le cas de la reacutevision les formaliteacutes

inheacuterentes agrave la recevabiliteacute de la demande portent sur la veacuterification des conditions preacutealables

drsquoouverture (une deacutecision deacutefinitive peacutenale deacuteclarative de culpabiliteacute portant sur un crime ou

un deacutelit) Ensuite la commission drsquoinstruction veacuterifie que le fait ou lrsquoeacuteleacutement invoqueacute est soit

inexistant au moment de la condamnation soit ignoreacute par la juridiction au jour du procegraves

Enfin elle srsquoassure le cas eacutecheacuteant agrave lrsquoaide de moyens drsquoinvestigations que ce fait ou eacuteleacutement

est fiable et seacuterieux Cette eacutetape exige de la part de la commission drsquoinstruction un veacuteritable

questionnement En matiegravere de reacuteexamen lrsquoeacutetude de la recevabiliteacute de la requecircte est

simplifieacutee puisque la commission drsquoinstruction apregraves srsquoecirctre assureacutee que les conditions

preacutealables relatives agrave la deacutecision rendue par les juridictions internes sont reacuteunies2 devra si les

conditions poseacutees par lrsquoarticle 622-1 du Code de proceacutedure peacutenale3 sont remplies laquo seulement

constater lexistence dun arrecirct de la CEDH et le respect du deacutelai maximal dun an entre la

publication de cet arrecirct et la requecircte en reacutevision4 raquo Cette simplification srsquoapparente moins agrave

un travail drsquoinstruction tel qursquoil pourrait ecirctre entendu par rapport agrave la nouvelle deacutenomination

de la commission qui srsquoappelle doreacutenavant commission drsquoinstruction

1 Rapport du Seacutenat ndeg 467 concernant la proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive p 13 2 P BONFILS Reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale conseacutecutif au prononceacute drsquoun arrecirct de la CEDH op cit ndeg15-19 3 Article 622-1 CPP laquo Le reacuteexamen dune deacutecision peacutenale deacutefinitive peut ecirctre demandeacute au beacuteneacutefice de toute personne reconnue coupable dune infraction lorsquil reacutesulte dun arrecirct rendu par la Cour europeacuteenne des droits de lhomme que la condamnation a eacuteteacute prononceacutee en violation de la convention europeacuteenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberteacutes fondamentales ou de ses protocoles additionnels degraves lors que par sa nature et sa graviteacute la violation constateacutee entraicircne pour le condamneacute des conseacutequences dommageables auxquelles la satisfaction eacutequitable accordeacutee en application de larticle 41 de la convention preacuteciteacutee ne pourrait mettre un terme Le reacuteexamen peut ecirctre demandeacute dans un deacutelai dun an agrave compter de la deacutecision de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme Le reacuteexamen dun pourvoi en cassation peut ecirctre demandeacute dans les mecircmes conditions raquo 4 Rapport du Seacutenat ndeg 467 concernant la proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive p 13

270

714 Le regard porteacute par la commission drsquoinstruction au moment de lrsquoexamen de la

recevabiliteacute de la demande nrsquoest donc pas le mecircme selon qursquoil srsquoagit drsquoune requecircte en reacutevision

ou en reacuteexamen Pour ce qui est de la proceacutedure de reacutevision il srsquoagit drsquoune appreacuteciation

factuelle alors que pour le reacuteexamen il srsquoagit drsquoune appreacuteciation juridique Les veacuterifications

factuelles qursquoexige la proceacutedure de reacutevision sont seules agrave laquo justifier parfois la mise en œuvre

drsquoinvestigations pouvant srsquoaveacuterer longues et complexes1 (hellip) raquo

715 Monsieur LOUVEL illustre cette diffeacuterenciation par rapport agrave la neacutecessiteacute du

filtre2 laquo La proceacutedure de reacuteexamen fait neacutecessairement suite agrave une deacutecision de

condamnation de la France par la CEDH Aucun filtre nrsquoest donc neacutecessaire alors que celui-ci

est indispensable en matiegravere de reacutevision (les requecirctes en reacutevision sont si nombreuses et

souvent peu seacuterieuses que le leacutegislateur a ajouteacute un filtre au filtre en donnant au preacutesident de

la-dite commission le pouvoir drsquoeacutecarter par ordonnance les demandes manifestement

irrecevables3 raquo Le leacutegislateur a pris en compte ces diffeacuterences au niveau de lrsquoexamen de la

recevabiliteacute de la demande en consideacuterant qursquoil eacutetait laquo inutile que laquo les demandes en reacuteexamen

soient instruites par lensemble de la commission dinstruction4 raquo

716 Crsquoest ainsi qursquoagrave cette eacutetape de la proceacutedure il existe au sein de la juridiction

unique deux parcours distincts5 En matiegravere de reacutevision lrsquoarticle 624-2 du Code de proceacutedure

peacutenale confegravere lrsquoeacutetude de la recevabiliteacute agrave la commission drsquoinstruction dans son inteacutegraliteacute

alors que pour le reacuteexamen lrsquoarticle 624-1 confie cette tacircche agrave son seul preacutesident En effet

laquo lorsque la commission dinstruction des demandes en reacutevision et en reacuteexamen est saisie

dune demande en reacuteexamen son preacutesident statue par ordonnance Il saisit la formation de

jugement de la cour de reacutevision et de reacuteexamen des demandes formeacutees dans le deacutelai

mentionneacute agrave larticle 622-1 pour lesquelles il constate lexistence dun arrecirct de la Cour

europeacuteenne des droits de lhomme eacutetablissant une violation de la convention applicable au

condamneacute raquo

717 Le maintien drsquoun parcours propre agrave chacune des deux proceacutedures nous conforte

dans lrsquoideacutee que le droit anteacuterieur agrave la reacuteforme de 2014 eacutetait bien inspireacute de seacuteparer les deux

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur B LOUVEL p 227 2 Ibid contribution de Monsieur V LAMANDA p 181 3 Ibid contribution de Monsieur B LOUVEL p 227 4 Rapport du Seacutenat ndeg 467 concernant la proposition de loi relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive p 20 5 Degraves lors pourquoi ne pas laquo maintenir le reacutegime speacutecifique de la proceacutedure de reacuteexamen dune deacutecision peacutenale conseacutecutif au prononceacute dun arrecirct de la Cour europeacuteenne des droits de lhomme raquo V CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 15

271

proceacutedures et leurs juridictions Cette ligne de deacutemarcation permettait de distinguer avec

coheacuterence la reacutevision laquo dont lrsquoobjet premier est de faire triompher la veacuteriteacute lorsque la

conviction du juge a eacuteteacute induite en erreur [du reacuteexamen] visant agrave reacuteparer les conseacutequences

dommageables de la violation des droits du condamneacute constateacutee par la CEDH raquo1 La mise en

place drsquoune juridiction unique peut contribuer agrave entretenir une certaine confusion entre les

objectifs de chacune des deux proceacutedures La speacutecificiteacute de la proceacutedure de reacutevision destineacutee

agrave reacuteparer une erreur de fait doit ecirctre preacuteserveacutee et ne pas ecirctre amalgameacutee au mal-jugeacute Dans

lrsquohypothegravese ougrave le condamneacute estime avoir eacuteteacute victime drsquoun mal-jugeacute agrave lrsquoissue drsquoun procegraves

ineacutequitable il lui appartient de saisir la CEDH Dans un tel cas de figure une condamnation

de la France entrainera lrsquoouverture de la voie du reacuteexamen laquo Lrsquounification de ces deux voies

ne pourrait degraves lors qursquoecirctre source de confusion et risquerait de remettre en cause la

singulariteacute de chacun de ces dispositifs et la coheacuterence drsquoun systegraveme dont lrsquoeacutequilibre parait

devoir ecirctre drsquoautant plus preacuteserveacute que les exigences proceacutedurales propres agrave ces recours

diffegraverent 2raquo Aussi peut-on regretter que Monsieur LOUVEL3 et Madame le Professeur

LAZERGES4 qui se sont eacuteleveacutes contre cette fusion nrsquoaient pas eacuteteacute entendus

718 A ces griefs drsquoordre structurel que nous avons formuleacutes agrave lrsquoencontre de la loi du

20 juin 2014 srsquoajoutent des difficulteacutes drsquoordre conjoncturel

Section 2 Les difficulteacutes conjoncturelles persistantes

719 Drsquoun point de vue conjoncturel mecircme si le leacutegislateur ameacuteliore la situation il ne

regravegle pas pour autant toutes les difficulteacutes relatives agrave la composition des juridictions de

reacutevision (sect 1) De plus en limitant lrsquoallongement de la dureacutee de conservation des scelleacutes agrave la

seule matiegravere criminelle il reacuteduit lrsquoefficaciteacute de sa reacuteforme sur la libeacuteralisation de la reacutevision

(sect 2)

sect 1 La composition des juridictions de reacutevision

720 Srsquoagissant de la composition des juridictions de reacutevision la loi de 2014 constitue

un veacuteritable progregraves par rapport agrave la situation anteacuterieure objet de vives critiques sur

lrsquoimpartialiteacute de ces juridictions5 Crsquoest pourquoi le choix du leacutegislateur drsquoavoir modifieacute les

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur B LOUVEL p 227 2 Ibid Contribution de V LAMANDA p 181 3 Ibid Contribution de B LOUVEL p 227 4 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 15 et s 5 V supra ndeg 407 agrave 443

272

regravegles relatives agrave la composition ne sera pas remis en cause Parmi toutes les possibiliteacutes qui

srsquooffraient agrave lui il a opteacute pour le meilleur choix en affirmant le caractegravere exclusivement

judiciaire de la composition des juridictions et en augmentant le nombre de magistrats (A)

Toutefois drsquoautres aspects sont moins satisfaisants En effet le leacutegislateur aurait pu imposer

la preacutesence dans la commission drsquoinstruction drsquoun ou plusieurs juges drsquoinstruction (B)

A La reacuteaffirmation judicieuse du caractegravere judiciaire de la

composition de la juridiction de reacutevision

721 Le leacutegislateur a fait le bon choix en composant la juridiction de reacutevision et de

reacuteexamen exclusivement de magistrats professionnels Pour faire taire deacutefinitivement tout

soupccedilon de partialiteacute il aurait pu ecirctre envisageacute de confier exclusivement ou partiellement la

juridiction agrave des personnes exteacuterieures agrave lrsquoinstitution Cette solution avait eacuteteacute deacutefendue avec

ferveur par Maicirctre Jean-Yves LE BORGNE1 alors que Monsieur Bruno COTTE2 eacutetait plus

reacuteserveacute sur le sujet La question relative agrave une juridiction composeacutee de personnes exteacuterieures agrave

lrsquoinstitution nrsquoa jamais vraiment eacuteteacute eacutevoqueacutee devant la commission des lois Toutefois il nrsquoest

pas judicieux de lrsquoeacuteluder drsquoun revers de main en raison de lrsquoimportance de la composition de

la juridiction En effet face aux soupccedilons reacutecurrents de partialiteacute aucune piste de reacuteflexion ne

doit ecirctre eacutecarteacutee La juridiction de reacutevision et de reacuteexamen peut connaicirctre des affaires

criminelles ou deacutelictuelles La justification du rejet de lrsquointroduction de personne eacutetrangegravere agrave

lrsquoinstitution varie selon qursquoil srsquoagit de la matiegravere criminelle (2) ou deacutelictuelle (1)

1 Un bon choix en matiegravere deacutelictuelle

722 Selon Maicirctre LE BORGNE la juridiction de reacutevision composeacutee de magistrats

sera toujours exposeacutee agrave des soupccedilons de partialiteacute Cet a priori ne pourrait ecirctre eacutecarteacute que par

lrsquointervention de membres exteacuterieurs agrave lrsquoinstitution judiciaire Lrsquoavocat srsquoexplique laquo Peut-

on raisonnablement demander agrave des juges qui depuis 40 ans incarnent lrsquoautoriteacute judiciaire de

dire que leur action peut aboutir agrave la condamnation drsquoun innocent et que leur pouvoir reacutepressif

ndash formidable puissance destructrice drsquohonneur et de liberteacute ndash est approximatif critiquable et

donc seulement agrave demi respectable Peut-on les placer dans cette inconfortable position ndash

qursquoen drsquoautres circonstances on appellerait un conflit drsquointeacuterecircts- qui consiste agrave devoir trancher

entre une souveraineteacute seacuteculaire et lrsquoeacutequiteacute (hellip) Il nous parait sage de ne saisir de 1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur J-Y LE BORGNE p165 2 Ibid Contribution de Monsieur B COTTE p 199

273

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoune reacutevision que des hommes qui ne vivront pas comme une injure personnelle

le constat drsquoun eacutechec judiciaire Il faut pour parvenir agrave ce reacutesultat que lrsquoinstitution ne se juge

pas elle-mecircme En drsquoautres termes il faut que lrsquoinstance de reacutevision soit composeacutee de

personnes qui nrsquoappartiennent pas au corps judiciaire et ne se sentent pas avec lui dans une

relation de solidariteacute Nous proposons en conseacutequence que la Cour de reacutevision soit formeacutee de

personnaliteacutes compeacutetentes prises majoritairement (exclusivement ) en dehors du corps de la

magistrature1 raquo La vision peacuteremptoire de lrsquoauteur ne recueille pas notre assentiment Nous

nous feacutelicitons du maintien exclusif de la composition de la juridiction de reacutevision dans le

giron des repreacutesentants du corps judiciaire

723 En matiegravere deacutelictuelle la composition judiciaire trouve sa justification dans

lrsquoabandon pour des raisons techniques (et politiques) de lrsquointroduction des jureacutes populaires

ou laquo citoyens assesseurs raquo dans les tribunaux correctionnels2 En effet au terme dun audit

Messieurs BOCCON-GIBOD et SALVAT magistrats agrave la Cour de cassation ont conclu que

les citoyens assesseurs laquo neacutetaient pas armeacutes techniquement pour traiter les questions

juridiques soumises aux juridictions3 raquo Ils ont mis en exergue les nombreuses difficulteacutes qursquoagrave

fait naicirctre ce dispositif4 Contrairement agrave la matiegravere criminelle qui concerne des infractions

que chacun peut comprendre (meurtre viol attaque agrave main armeacuteehellip) et pour lesquelles les

jureacutes font preuve drsquoune compeacutetence laquo naturelle5 raquo la matiegravere deacutelictuelle peut srsquoaveacuterer plus

complexe6 On songera par exemple aux infractions de droit peacutenal des affaires (exemple de

lrsquoaffaire KERVIEL) Degraves lors que lrsquointroduction de jureacutes en matiegravere correctionnelle nrsquoa pas

eacuteteacute reconduite il serait difficile de renouveler la mecircme expeacuterience au niveau de la Cour de

reacutevision statuant en matiegravere deacutelictuelle

724 Une conclusion similaire srsquoimpose en matiegravere criminelle mais pour des raisons

diffeacuterentes

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur J-Y LE BORGNE p 165 2 Loi ndeg 2011-939 du 10 aoucirct 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice peacutenale et le jugement des mineurs 3 X SALVAT D BOCCON GIBOD Lrsquoexpeacuterimentation des citoyens assesseurs dans les ressorts des Cours drsquoappel de Dijon et Toulouse Rapport agrave Madame la Garde des Sceaux Ministre de la justice La documentation franccedilais 2013 p 70 4 C GAYET Vers la fin des citoyens assesseurs Dalloz actualiteacutes 5 mars 2013 5 Expression emprunteacutee agrave F ROME op cit p 665 6 En ce sens F ROME op cit p 665 laquohellip justice correctionnelle dont la techniciteacute et la complexiteacute juridique de mecircme que la forme de la proceacutedure constituent autant dobstacles agrave lexistence dun veacuteritable apport des jureacutes populaires raquo

274

2 Un bon choix en matiegravere criminelle

725 Apregraves avoir pris en consideacuteration la complexiteacute de la matiegravere deacutelictuelle

Monsieur COTTE srsquoest toutefois interrogeacute sur la possibiliteacute drsquoun eacutechevinage en matiegravere

criminelle laquo Degraves lors qursquoen matiegravere criminelle la plus sensible il srsquoagit de remettre

eacuteventuellement en cause une deacutecision rendue par un jury populaire faut-il preacutevoir au moins

pour les reacutevisions des condamnations criminelles un eacutechevinage Pourquoi pas Mais au

sens de la Cour de reacutevision seulement qui nrsquoa rien agrave cacher Pas au stade de la commission car

ce serait trop lourd trop contraignant Mais alors qui choisir Comment choisir Et selon

quelles proportions Pariteacute de sexes Nrsquooublions pas que la majeure partie des rocircles des

cours drsquoassises concernent des affaires de mœurs Reacutepartition Paris-Province La cour de

reacutevision ne saurait ecirctre que parisienne etchellipA mon sens les personnes exteacuterieures devraient

ecirctre en nombre moindre que les magistrats non pas dans un souci de corporatisme mais en

raison du fait que si le regard exteacuterieur neuf et la sagesse de membres de la socieacuteteacute civile

peuvent ecirctre un incontestable gain il faut aussi je le reacutepegravete un minimum de

professionnalisme pour traiter de ces questions Ayons aussi toutefois bien conscience que les

eacutechevins ou les jureacutes ne sont pas toujours plus bienveillants que les juges professionnels1 raquo

726 Il ne paraicirct pas inutile de srsquointerroger agrave lrsquoinstar de Monsieur COTTE sur la

question de savoir si rendue par un jury populaire une deacutecision criminelle deacutefinitive pouvait

ecirctre remise en cause par une formation autre qursquoun jury populaire Crsquoest drsquoailleurs en vertu de

ce mecircme raisonnement que les cours drsquoassises drsquoappel comprennent un jury populaire On

remarquera tout de mecircme que lorsque la Cour de reacutevision fait droit au demandeur et que le

renvoi est possible lrsquoaffaire criminelle est rejugeacutee par une cour drsquoassises Inclure le jury

populaire au sein de la juridiction de reacutevision et de reacuteexamen poserait le problegraveme de lrsquointime

conviction des jureacutes et de fait celui de la motivation de leurs deacutecisions devant la Cour de

reacutevision Le lien entre motivation et intime conviction est bien deacutecrit par Monsieur le

Professeur RENUCCI laquo Le principe mecircme dintime conviction pourrait ecirctre mis en cause

car par nature il ny a pas de motivation reacuteelle possible ou alors ce nest plus une laquo intime raquo

conviction Mais lintime conviction nest pas une intime intuition dans la mesure ougrave la

conviction repose bien eacutevidemment sur des preuves Cest pourquoi mecircme si ce principe est

incompatible avec une motivation preacutecise il nest pas pour autant synonyme darbitraire (hellip)

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur B COTTE p 199

275

Cest dire que lintime conviction bien que neacutecessairement non ou mal motiveacutee nest pas en

soi contraire aux exigences du procegraves eacutequitable1 raquo

727 Tous les problegravemes poseacutes par la motivation des arrecircts rendus par les cours

drsquoassises auxquels la reacutecente loi ndeg 2011-939 du 10 aoucirct 2011 a tenteacute de reacutepondre pourraient

donc se reacutepercuter sur la Cour de reacutevision Drsquoautant plus que nous ne disposons pas drsquoun

temps de recul assez important pour eacutevaluer lrsquoefficaciteacute du nouveau dispositif Lrsquointroduction

des jureacutes serait aussi susceptible de deacuteboucher sur un deacutevoiement du rocircle de la Cour de

reacutevision et de reacuteexamen qui se draperait dans les habits drsquoun troisiegraveme degreacute de juridiction

Enfin le coucirct drsquoune telle reacuteforme serait en inadeacutequation avec la situation mateacuterielle et

financiegravere des juridictions franccedilaises Le pourvoi en reacutevision est deacutejagrave soumis agrave des contraintes

financiegraveres qui empecircchent lrsquoallongement de la dureacutee de conservation des scelleacutes en matiegravere

deacutelictuelle

728 Crsquoest ainsi que lrsquoon ne peut que se feacuteliciter de la situation actuelle2 Pour autant

le nouveau texte nrsquoapparaicirct pas comme un parangon de vertu juridique En effet le leacutegislateur

a manqueacute une occasion drsquoimposer au sein de la commission drsquoinstruction la preacutesence drsquoun ou

plusieurs juges drsquoinstruction

B Lrsquoabsence de juges drsquoinstruction dans la commission

drsquoinstruction

729 Au niveau de la commission drsquoinstruction la mise en eacutetat des dossiers srsquoeffectue

selon des moyens proches de ceux du juge drsquoinstruction La doctrine a depuis toujours

compareacute la commission de reacutevision agrave une juridiction drsquoinstruction Deacutejagrave agrave propos de la

leacutegislation mise en place en 1989 Monsieur LOUVEL avait remarqueacute qursquo laquo il [convenait] de

rappeler la diffeacuterence de nature entre la commission de reacutevision et la Cour de reacutevision la

premiegravere est une juridiction drsquoinstruction la seconde une juridiction de jugement raquo

730 Lrsquoaccent a deacutejagrave eacuteteacute porteacute sur le flou qui entourait la loi de 1989 srsquoagissant de la

deacutefinition preacutecise des pouvoirs de la commission3 Le nouvel article 624 du Code de

proceacutedure peacutenale a clarifieacute et renforceacute les pouvoirs de la commission dite deacutesormais

laquo commission drsquoinstruction raquo Malgreacute ces avanceacutees le leacutegislateur nrsquoa pas meneacute son

1 J-F RENUCCI Intime conviction motivation des deacutecisions de justice et droit agrave un procegraves eacutequitable D 2009 p 1058 2 Dans le mecircme sens V Audition de Monsieur le Professeur PRADEL devant la commission des lois op cit 3 V supra ndeg 285 agrave 304

276

raisonnement jusqursquoagrave son terme Nous partageons lrsquoavis de la CNCDH selon lequel laquo au vu

des pouvoirs drsquoinstruction dont la commission est investie par la loi il apparaicirct primordial

qursquoau moins deux magistrats y sieacutegeant aient exerceacute la fonction de juge drsquoinstruction1 raquo

731 Il est paradoxal que le leacutegislateur se soit drsquoun cocircteacute inspireacute de la doctrine pour

rapprocher la commission drsquoune juridiction drsquoinstruction par rapport agrave ses pouvoirs et agrave sa

nouvelle appellation sans pour autant avoir imposeacute drsquoun autre cocircteacute lrsquoobligation de deacutesigner

parmi les membres drsquoanciens juges drsquoinstruction Premiegraverement cette initiative aurait

contribueacute agrave laquo preacutemunir les hauts magistrats de tout soupccedilon de partialiteacute ou de manque

dobjectiviteacute agrave une eacutepoque ougrave les meacutedias par leur emprise preacuteoccupante sur les procegraves

criminels exploitent reacuteguliegraverement le thegraveme de la deacutenonciation du juge ou celui dune

institution judiciaire corporatiste replieacutee sur elle-mecircme et ne reconnaissant pas ses erreurs2 raquo

Deuxiegravemement elle aurait eacuteteacute plus coheacuterente par rapport agrave la position du leacutegislateur qui

considegravere que les missions drsquoinstruction sont deacutevolues agrave des juges speacutecialiseacutes En effet laquo agrave

raison de la graviteacute de la mission qui lui est assigneacutee par la loi3 raquo le juge drsquoinstruction qui

jouit drsquoun laquo statut judiciaire speacutecifique4 raquo nrsquoest pas un juge comme un autre Crsquoest ainsi que la

fonction de juge drsquoinstruction srsquoexerce dans certains domaines selon des critegraveres de

speacutecialisation pointus Crsquoest par exemple le cas dans le cadre de la justice des mineurs Aussi

lordonnance du 2 feacutevrier 1945 relative agrave lenfance deacutelinquante confie-t-elle au juge

dinstruction du siegravege du tribunal pour enfants une compeacutetence exclusive pour linstruction des

crimes commis par les mineurs des deacutelits commis par un mineur et un majeur et

conjointement avec le juge des enfants des deacutelits commis par les mineurs Larticle L 522-6

du Code de lorganisation judiciaire organise au sein de chaque juridiction dinstruction

concerneacutee la deacutesignation par le premier preacutesident dun ou plusieurs juges dinstruction laquo

chargeacutes speacutecialement des affaires concernant les mineurs raquo Cette speacutecialisation se retrouve

en matiegravere drsquoinfractions eacuteconomiques et financiegraveres drsquoinfractions sanitaires de terrorisme et

drsquoinfractions militaires

732 De plus dans la pratique le doyen des juges drsquoinstruction srsquoest vu confier un rocircle

preacutedominant dans le traitement des affaires sensibles Crsquoest pourquoi il est eacutetonnant qursquoen

matiegravere de reacutevision cette speacutecialisation soit ignoreacutee par le leacutegislateur au niveau de la

commission drsquoinstruction Dans les faits il est possible que durant leurs carriegraveres les

1 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 26 2 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 26 3 N BONNAL Reacutep Peacuten Dalloz 2014 V laquo juge drsquoinstruction raquo ndeg 14 4 Expression emprunteacutee agrave Monsieur N BONNAL ndeg 12

277

membres de la commission aient exerceacute les fonctions de juge drsquoinstruction Il aurait tout de

mecircme eacuteteacute preacutefeacuterable qursquoil srsquoagisse drsquoune condition leacutegale

733 Dans une eacutetude traitant du juge drsquoinstruction Monsieur BONNAL considegravere tregraves

justement que laquo Figure judiciaire ancreacutee dans lhistoire de nos institutions criminelles mais

dont les contours ont eacuteteacute agrave maintes reprises redessineacutes par le leacutegislateur le juge dinstruction

est aujourdhui sans conteste un des acteurs les plus controverseacutes de la proceacutedure peacutenale

Quon mette en cause sa solitude sa jeunesse ses complaisances supposeacutees agrave leacutegard de notre

socieacuteteacute meacutediatique son indeacutependance sourcilleuse ou bien au contraire sa dociliteacute supposeacutee agrave

leacutegard du parquet quon lui precircte des arriegravere-penseacutees politiques ou des calculs lieacutes agrave

lambition personnelle quon laccuse dimmobilisme voire de paresse ou au contraire de

facirccheuses tendances agrave lexcegraves de zegravele quon le rende responsable de la surpopulation peacutenale

ou encore du laquo laxisme judiciaire raquo de la lenteur ou des erreurs de la justice il est pris sous

un flot roulant de critiques contradictoires sommaires et le plus souvent injustes critiques

qui souvent visent en fait plus ou moins consciemment lensemble de la proceacutedure peacutenale

franccedilaise voire mecircme lensemble de notre systegraveme judiciaire dont le juge dinstruction

apparaicirct alors comme le bouc eacutemissaire 1raquo

734 Afin drsquoeacutecarter deacutefinitivement les soupccedilons de partialiteacute qui pegravesent sur la

juridiction de reacutevision il aurait donc fallu restaurer le climat de confiance en imposant parmi

les membres de la commission drsquoinstruction la preacutesence drsquoau moins deux anciens juges

drsquoinstruction Ce point peut apparaicirctre sans importance par rapport agrave lrsquoinstruction drsquoune

demande en reacuteexamen mais peut srsquoaveacuterer tregraves utile dans le cadre de lrsquoexamen drsquoune requecircte en

reacutevision

735 Un deuxiegraveme grief drsquoordre conjoncturel peut ecirctre formuleacute agrave lrsquoeacutegard de la dureacutee de

conservation des scelleacutes en matiegravere deacutelictuelle En effet lrsquoallongement du deacutelai de

conservation des scelleacutes preacutevu par le nouveau texte ne vise que les affaires criminelles

1 N BONNAL op cit ndeg 25 dans le mecircme sens V J PRADEL La mise en eacutetat des affaires peacutenales Propos sceptiques sur le rapport de la commission Justice peacutenale et droits de lrsquohomme (juin 1990) D 1990 p 301 laquo Linstruction preacuteparatoire - et plus geacuteneacuteralement toute la phase preacuteparatoire du procegraves peacutenal - est lhomme malade de la proceacutedure criminelle Peacuteriodiquement des meacutedecins sont deacutepecirccheacutes agrave son chevet depuis plusieurs deacutecennies et recommandent des potions plus ou moins reacutevolutionnaires qui pour la plupart ne sont mecircme pas examineacutees par le leacutegislateur raquo

278

sect 2 La limitation de conservation des scelleacutes

736 Dans le nouvel article 41-6 du Code de proceacutedure peacutenale le leacutegislateur a

repousseacute en matiegravere criminelle le deacutelai de destruction des scelleacutes afin drsquoorganiser une

meilleure administration de la justice Deacutesormais le deacutelai de conservation est fixeacute agrave une

peacuteriode de cinq ans susceptible drsquoecirctre renouveleacutee dans lrsquohypothegravese ougrave le condamneacute informeacute

par le procureur de la destruction programmeacutee des scelleacutes souhaite neacuteanmoins les conserver

En cas de rejet de la demande par le Procureur une voie de recours est ouverte devant la

chambre de lrsquoinstruction Le coucirct lieacute agrave la conservation des scelleacutes (482 millions drsquoeuros en

2012) constitue le principal argument de nature agrave justifier le caractegravere restrictif de cette

nouvelle regravegle qui ne srsquoapplique qursquoaux affaires criminelles

737 Les difficulteacutes lieacutees au deacutelai de conservation des scelleacutes vont donc persister

srsquoagissant des affaires deacutelictuelles1 Crsquoest pourquoi les mesures drsquoallongement du deacutelai de

conservation des scelleacutes auraient ducirc ecirctre eacutetendues aux deacutelits (A) De plus la question de la

conservation des scelleacutes eacutetant eacutetroitement lieacutee aux interrogations des justiciables (crise de

confiance) il nrsquoest pas inutile de se pencher seacuterieusement sur la question de la gestion des

scelleacutes (B)

A La neacutecessiteacute drsquoeacutelargir cette regravegle aux deacutelits

738 Lrsquoallongement du deacutelai de conservation des scelleacutes en matiegravere deacutelictuelle se

justifie par deux consideacuterations Premiegraverement des renseignements drsquoordre statistique mettent

en avant lrsquoimportance du nombre des deacutelits jugeacutes en France Crsquoest ainsi que la matiegravere

deacutelictuelle se caracteacuterise par son abondance devant la juridiction de reacutevision (1)

Deuxiegravemement lrsquoinflation des mesures de correctionnalisation aurait ducirc inciter le leacutegislateur agrave

aligner le nouvel ameacutenagement sur la matiegravere deacutelictuelle (2)

1 Une matiegravere quantitativement importante devant la juridiction de reacutevision

739 En 2009 derniegravere anneacutee pour laquelle des statistiques consolideacutees sont

actuellement disponibles 2 842 personnes ont fait lrsquoobjet drsquoune condamnation criminelle en

premiegravere instance et 522 en appel En outre en 2009 en matiegravere deacutelictuelle les tribunaux

1 V supra ndeg 550

279

correctionnels ont condamneacute 536 326 personnes1 Cette donneacutee statistique explique que les

deacutelits sont bien plus nombreux que les crimes

740 Aussi convient-il de savoir si ce constat se veacuterifie aussi devant la Cour de

reacutevision Il apparaicirct que laquo la proceacutedure de reacutevision nrsquoa abouti depuis 1989 qursquoagrave la reacutevision

de 52 condamnations deacutelictuelles ou criminelles sur les 3 358 demandes deacuteposeacutees Depuis

1945 seule une dizaine drsquoaffaires criminelles aurait eacuteteacute reacuteviseacutee (hellip) Depuis 1989 finalement

seules 9 condamnations criminelles et 43 condamnations correctionnelles ont eacuteteacute annuleacutees2 raquo

Il en ressort que la juridiction de reacutevision est saisie drsquoun nombre plus important de requecirctes

deacutelictuelles que criminelles Parallegravelement cette eacutevaluation se traduit eacutegalement au niveau de

lrsquoimportance des succegraves enregistreacutes en matiegravere deacutelictuelle par rapport aux affaires criminelles

741 Toutefois il convient de nuancer lrsquoimportance de ces reacutesultats positifs en raison

du nombre plus important de jugements correctionnels qui deacutepasse largement lrsquoeacutetiage des

affaires criminelles Il ne faudrait donc pas en tirer des conclusions hacirctives de nature agrave

entrevoir pour les deacutelits reacuteviseacutes un parcours judiciaire plus aiseacute De plus laquo en matiegravere

criminelle le renvoi est presque systeacutematique car il permet agrave la Cour de reacutevision de ne pas se

prononcer sur le fond de lrsquoaffaire et agrave la justice le cas eacutecheacuteant de reacutetablir lrsquoinnocence du

condamneacute dans les mecircmes formes et les mecircmes conditions qursquoelle avait eacutetabli sa culpabiliteacute

Il en va diffeacuteremment en matiegravere correctionnelle ougrave seules 28 des affaires sont renvoyeacutees

devant une nouvelle juridiction la cour de reacutevision srsquoautorisant un pouvoir drsquoappreacuteciation du

fond plus large notamment en raison de la nature des deacutelits poursuivis et des peines

encourues 3raquo Prononceacutee par la Cour de reacutevision et de reacuteexamen lrsquoannulation drsquoune deacutecision

sans renvoi deacutebouche automatiquement sur la reconnaissance de lrsquoinnocence du demandeur

A lrsquoinverse une annulation avec renvoi peut srsquoapparenter au parcours judiciaire du pourvoi

en cassation

742 Pour ces deux raisons agrave savoir - le nombre important de jugements rendus en

matiegravere correctionnel et - lrsquoimportance des annulations sans renvoi prononceacutees par la Cour de

reacutevision en matiegravere deacutelictuelle il est utile drsquoaligner en matiegravere deacutelictuelle le deacutelai de

conservation des scelleacutes sur celui appliqueacute aux affaires criminelles A cela srsquoajoute que la

correctionnalisation engendre une inflation deacutelictuelle pour des infractions qui agrave lrsquoorigine

relevait de la matiegravere criminelle

1 Annuaire statistique de la Justice 2011-2012 p 127 2 Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1807 op cit p 16 3 Ibid p 16

280

2 Lrsquoinflation de la correctionnalisation

743 Reacutesultant soit de la loi soit de la pratique judiciaire la correctionnalisation

permet de laquo modifier lapplication des regravegles de compeacutetence de droit commun1 raquo en deacuteclarant

compeacutetent le tribunal correctionnel qui jugera des faits qui reacuteputeacutes criminels se sont vus

qualifieacutes de deacutelits2 Cette laquo confusion des genres3 raquo met lrsquoaccent sur la question de la dureacutee

reacuteduite du deacutelai de conservation des scelleacutes en matiegravere deacutelictuelle

744 Pour ce qui est de la correctionnalisation leacutegislative4 laquo les reacuteformes successives

apporteacutees au code peacutenal sinscrivent dans un mouvement de correctionnalisation des

infractions cest-agrave-dire dune diminution de la cateacutegorie des crimes au profit de celle des

deacutelits5 raquo Ce virage leacutegislatif deacutebouche sur le transfert de certaines affaires vers une

juridiction permanente composeacutee de magistrats professionnels ougrave la proceacutedure se veut moins

formaliste qursquoen matiegravere criminelle6 De nombreux exemples illustrent ce meacutecanisme qui

transforme la matiegravere criminelle en deacutelits comme - les violences volontaires nayant entraicircneacute

quune incapaciteacute de travail7 - lenlegravevement de mineur sans fraude ni violence8 - les

agressions sexuelles autres que le viol9 Ce proceacutedeacute permet dadapter la politique peacutenale agrave

lrsquoeacutevolution des mentaliteacutes et aux attentes du corps social10 la reacutepression de lrsquoavortement en

eacutetant une parfaite illustration

745 Srsquoagissant de la correctionnalisation judiciaire elle recouvre deux reacutealiteacutes11 dont

seule une nous inteacuteresse La premiegravere consiste pour la cour dassises laquo agrave appliquer une peine

correctionnelle agrave un crime comme si ce dernier revecirctait in concreto la graviteacute dun simple

deacutelit12 raquo Reconnu par les textes13 ce type de correctionnalisation est lieacute au principe

1 F AGOSTINI Reacutep Peacuten Dalloz 2015 V Compeacutetence ndeg120 2 Ph CONTE et P MAISTRE DU CHAMBON op cit ndeg 128 3 MOULY La classification tripartite des infractions dans la leacutegislation contemporaine RSC 1982 p 3 et s speacutec p 24 4 Monsieur JEANDIDIER la deacutefinit comme laquo pour un comportement donneacute le remplacement de la qualification criminelle par une qualification correctionnelle raquo V W JEANDIDIER La correctionnalisation leacutegislative JCP G 1991 I p 3487 ndeg 4 5 F AGOSTINI op cit ndeg 121 6 M DELMAS MARTY Nouveau Code Peacutenal avant-propos RSC 1993 p 433 7 Loi du 13 mai 1863 D 1863 IV p 79 8 Ordonnance ndeg 45-1417 du 28 juin 1945 D 1945 p134 9 L ndeg 80-1041 du 23 deacutec 1980 D 1981 p 10 10 W JEANDIDIER La correctionnalisation leacutegislative op cit laquo Les trains leacutegislatifs de correctionnalisations seacutetant reacutealiseacutes par vagues successives sans autre ideacutee directrice quun souci dharmonisation du droit avec les mœurshellip raquo 11 Historiquement la correctionnalisation judiciaire pouvait intervenir sous 3 formes V en ce sens A DARSONVILLE La leacutegalisation de la correctionnalisation judiciaire Dr peacutenal 2007 ndeg 3 eacutetude 4 speacutec ndeg 1 12 S DETRAZ Correctionnalisation judiciaire leacutegaliseacutee note sous arrecirct JPC G 2010 p 758 13 V Article 132-18 alineacutea 1 CP

281

drsquoindividualisation des peines Le second type de correctionnalisation judiciaire mis en œuvre

en amont de la deacutesignation de la juridiction de jugement nous inteacuteresse en revanche ici Ce

meacutecanisme relegraveve de lrsquoinitiative du parquet ou des juridictions drsquoinstruction qui font le choix

de deacutenaturer un crime pour renvoyer lrsquoauteur de lrsquoinfraction devant une juridiction

correctionnelle1 laquo hellip 1 en faisant abstraction de certaines circonstances aggravantes qui

transforment linfraction en crime si elles sont retenues (par ex les circonstances tenant soit agrave

la personne de la victime telles que la minoriteacute ou la vulneacuterabiliteacute apparente ou connue leacutetat

de conjoint ou de concubin de lauteur soit aux circonstances des faits telles que lusage dune

arme la reacuteunion ou la preacutemeacuteditation transforment en crime le deacutelit de violences ayant

entraicircneacute une mutilation de larticle 222-9) hellip2 en omettant certains eacuteleacutements constitutifs du

crime (par ex une intention homicide dissimuleacutee permet de retenir la qualification deacutelictuelle

de violences en lieu et place de la qualification criminelle de tentative dhomicide volontaire

un acte de peacuteneacutetration sexuelle occulteacute permet de se satisfaire de la qualification deacutelictuelle

dagressions sexuelles sans recourir agrave celle de viol) hellip3 en eacuteludant le principe qui veut quun

acte peacutenalement qualifiable le soit sous la plus haute acception peacutenale applicable (par ex

lescroquerie commise au moyen dun faux en eacutecriture publique qualification criminelle qui

devrait servir de base aux poursuites est poursuivie comme escroquerie)2raquo

746 Il se pourrait que ce meacutecanisme qui srsquoinspire drsquoune laquo fiction juridique3 raquo agrave la

recherche de laquo la peine concregravete deacutesireacutee4 raquo soit aujourdrsquohui devenu un mode de gestion des

dossiers destineacute agrave fournir la reacuteponse la plus adapteacutee agrave lrsquoaffaire5 Symbole drsquoune laquo justice low

cost 6raquo la correctionnalisation tend face agrave lrsquoencombrement des cours drsquoassises vers un

raccourcissement des deacutelais de jugement Dans lappreacuteciation du choix de la voie judiciaire agrave

emprunter (cours drsquoassises ou tribunal correctionnel) sont deacuteterminants divers critegraveres comme

la personnaliteacute du mis en cause les circonstances de la commission de linfraction

limportance des preacutejudiceshellip7

1 J PRADEL Proceacutedure peacutenale op cit ndeg 118 D DECHENAUD Leacutegaliteacute en matiegravere peacutenale LGDJ 2008 ndeg 407 et s J-C LAURENT La correctionnalisation JCP G 1950 I 852 et 877 2 F AGOSTINI op cit ndeg 122 3 Expression emprunteacutee agrave A DARSONVILLE op cit 4 Ph CONTE et P MAISTRE DU CHAMBON op cit ndeg 128 p 91 5 La correctionnalisation peut ecirctre guideacutee par des motivations favorables ou deacutefavorables agrave la personne poursuivie V en ce sens A DARSONVILLE op cit speacutec ndeg 2-4 6 Expression emprunteacutee agrave A GARAPON in Entretien avec Antoine GARAPON Malaise dans la magistrature JCP G 2011 199 ndeg 8 7 C GUERY Du cap agrave la peacuteninsulehellip La requalification par une juridiction peacutenale Dr peacutenal 2012 eacutetude 13 ndeg 7

282

747 La correctionnalisation judiciaire a eacuteteacute leacutegaliseacutee par la loi ndeg 2004-204 du 9 mars

2004 dite Perben II1 Les dispositions des articles 186-3 et 469 alineacutea 4 du code de proceacutedure

peacutenale exigent la reacuteunion de trois conditions2 agrave laquelle srsquoajoute un tempeacuterament qui

ensemble constituent le fondement de la leacutegaliteacute de la correctionnalisation3 Toutefois la

correctionnalisation judiciaire faisant fi tant des regravegles du droit peacutenal de fond que de forme4

reste un meacutecanisme critiquable5 qui mal maitriseacute peut conduire agrave une transgression des droits

de la deacutefense6 De plus cette pratique peut entrainer un sentiment drsquoineacutegaliteacute puisqursquoelle est

diversement mise en œuvre selon les besoins du moment des cours drsquoassises En effet il

semblerait que la correctionnalisation soit conditionneacutee par le niveau drsquoactiviteacute des Cours

drsquoassises leur implantation et surtout par la cartographie geacuteographique de la deacutelinquance7

Cette dispariteacute se trouve en contradiction avec le principe deacutegaliteacute des justiciables devant la

justice

748 La leacutegalisation de la correctionnalisation deacutebouche sur une laquo situation

inacceptable et injustifiable8 raquo qui va laquo deacutefinitivement figer [une] laquo erreur de qualification9 raquo

qui prospegraverera jusque devant la Cour de reacutevision Ce meacutecanisme a ineacutevitablement des

incidences par rapport au deacutelai de conservation des scelleacutes dont la dureacutee sera reacuteduite sous

lrsquoeffet de la correctionnalisation de lrsquoinfraction

749 Certes le leacutegislateur pourrait limiter le recours agrave la correctionnalisation en

produisant des textes drsquoincrimination clairs et preacutecis10 Toutefois la loi du 6 aoucirct 201211

voteacutee agrave la suite drsquoune deacutecision du conseil constitutionnel abrogeant lrsquoancien article 222-33 du

1 M LENA laquo Correctionnalisation judiciaire quand lrsquoauteur revendique le caractegravere judiciaire de lrsquohomicide raquo obs sous cass crim 24 mars 2009 ndeg 08-84-840 Dalloz actualiteacutes 22 avril 2009 2 A DARSONVILLE op cit ndeg 13 laquo Il convient tout dabord que le tribunal correctionnel soit saisi par une ordonnance ou un arrecirct de renvoi Il convient ensuite que la victime ait deacutejagrave eacuteteacute constitueacutee partie civile au cours de linstruction lorsque le renvoi est ordonneacute Il convient enfin que la victime ait eacuteteacute assisteacutee par un avocat au moment du renvoi Ces conditions ont pour objet de sassurer que la partie civile eacutetait bien en mesure de sopposer agrave la correctionnalisation reacutealiseacutee agrave lissue de linstruction et quelle y a renonceacute raquo 3 Article 469 alineacutea 4 CPP laquo Toutefois le tribunal correctionnel saisi de poursuites exerceacutees pour un deacutelit non intentionnel conserve la possibiliteacute de renvoyer le ministegravere public agrave se pourvoir sil reacutesulte des deacutebats que les faits sont de nature agrave entraicircner une peine criminelle parce quils ont eacuteteacute commis de faccedilon intentionnelle raquo 4 V A DARSONVILLE op cit speacutec ndeg 5-10 5 Ph CONTE et P MAISTRE DU CHABON op cit ndeg 128 X PIN La privatisation du procegraves peacutenal RSC 2002 p 245 G ROYER Le juge naturel en droit criminel interne RSC 2003 p 787 ndeg 29 6 R MESA Contestation de la qualification non intentionnelle issue de la correctionnalisation et leacutegitime deacutefense D 2009 p 2140 7 D REBUT Correctionnalisation JCP G 2011 ndeg hors-seacuterie 8 Ibid 9 Expression emprunteacutee agrave A DARSONVILLE 10 P CONTE laquo Invenias disjecti membra criminis lecture critique de la nouvelle deacutefinition du harcegravelement sexuel raquo Dr peacutenal 2012 ndeg 11 eacutetude 24 11 Loi ndeg 2012-954 du 6 aoucirct 2012 relative au harcegravelement sexuel

283

Code peacutenal relatif au harcegravelement sexuel montre que le leacutegislateur peut faire preuve au

moment de la description des eacuteleacutements constitutifs de lrsquoinfraction drsquoapproximations voir

drsquoincoheacuterences Cette situation ne peut qursquoencourager le recours agrave la correctionnalisation1

750 La leacutegalisation de la correctionnalisation ajouteacutee agrave lrsquoimpreacutecision des textes

drsquoincriminations illustre une laquo deacutemission du leacutegislateur qui tout en eacutetant conscient des

imperfections du Code peacutenal et du fonctionnement de la cour dassises preacutefegravere charger le juge

et les parties de remeacutedier agrave celles-ci2 raquo Degraves lors le sens des statistiques relatives agrave la

reacutepartition des infractions jugeacutees en France se comprend mieux Cette correctionnalisation

fausse quelque peu la classification tripartite des infractions qui devrait rester la summa

divisio de notre arsenal peacutenal3

751 Aussi la dureacutee de conservation des scelleacutes relative aux deacutelits ne devrait-elle pas

se distinguer de celle des crimes Cette diffeacuterenciation de traitement peut influer sur les

chances drsquoaboutissement du pourvoi en reacutevision friand de preuves mateacuterielles Crsquoest pourquoi

Madame le Professeur DARSONVILLE considegravere que laquo la loi en purgeant la qualification de

son erreur enteacuterine le mensonge sur la reacutealiteacute des faits reprocheacutes au deacutelinquant Latteinte agrave

la veacuteriteacute est perccedilue par le leacutegislateur comme eacutetant plus avantageuse que le respect de celle-ci

en raison de simples motifs dordre pratique Or cette conception du droit peacutenal porte atteinte

au creacutedit de la justice en bafouant limpeacuteratif de recherche de la veacuteriteacute qui doit conduire tout

le procegraves peacutenal et permettre dassurer la conformiteacute de lobjet de la reacutepression agrave la reacutealiteacute afin

que les responsabiliteacutes retenues les deacutecisions prononceacutees laient systeacutematiquement pour

support raquo

752 Ainsi peut-on raisonnablement se rallier aux arguments drsquoordre mateacuteriel

devraient justifier une diffeacuterenciation de traitement de la conservation des scelleacutes4 On ne

pourra que souligner la faiblesse de lrsquoargumentation De plus lrsquoobjectif de la reacuteforme

consistait agrave reacutetablir les liens de confiance entre la justice peacutenale et le citoyen Crsquoest ainsi que

1 P CONTE laquo Invenias disjecti membra criminis(hellip) op cit laquo agrave loccasion dune reacuteforme destineacutee agrave mieux sanctionner le harcegravelement sexuel le leacutegislateur en remplacement de lancienne incrimination qui le reacuteprimait mal a introduit deux infractions qui ne le reacutepriment pas Le progregraves nest pas aveuglant dautant plus que si le risque de correctionnalisation de viols ou dagressions sexuelles autres que le viol a pu se manifester en application dun texte postulant pourtant la reacutepeacutetition du comportement incrimineacute il ne fera que croicirctre avec larticle 222-33 du Code peacutenal qui a fait disparaicirctre cette speacutecificiteacute raquo 2 A DARSONVILLE op cit 3 J MOULY op cit p 3 4 La proposition de loi relative agrave la conservation des objets placeacutes sous-main de justice du 1er aoucirct 2013 ne distinguait pas selon qursquoil srsquoagisse drsquoune affaire deacutelictuelle ou criminelle Texte accessible sur httpwwwsenatfrlegppl12-820html

284

Monsieur le Deacuteputeacute FENECH a deacuteclareacute que laquo la confiance dans la justice passe () par la

capaciteacute du systegraveme judiciaire agrave rectifier et reacuteparer une erreur judiciaire1 raquo Or laquo la reacutevision

est objectivement empecirccheacutee lorsque les eacuteleacutements de preuve sous forme drsquoobjets placeacutes sous

scelleacutes ne sont plus disponibles raquo Le reacutetablissement de la confiance passe eacutegalement par la

question de la conservation des scelleacutes

753 Ce raisonnement ne devrait pas se limiter au seul problegraveme de la dureacutee mais

srsquoeacutetendre vers des horizons plus larges inheacuterents aux divers aspects de la gestion des scelleacutes

B La gestion des scelleacutes lieacutee agrave la confiance des justiciables envers

leur justice

754 En dehors de la question de la dureacutee il faut srsquoattacher aux consideacuterations drsquoordre

mateacuteriel relatives aux modaliteacutes de conservation des preuves2 La qualiteacute des eacuteleacutements

conserveacutes est tregraves utile agrave la mise en œuvre drsquoune requecircte en reacutevision dont le succegraves contribue

certainement au renforcement du sentiment de confiance envers la justice Or laquo les moyens

immobiliers de la justice nrsquoont pas eacutevolueacute en mecircme temps que les contentieux Il en reacutesulte

une gestion mateacuterielle des scelleacutes souvent tregraves difficile (hellip) Ainsi il eacutetait releveacute que les

scelleacutes du TGI drsquoAvesnes-sur-Helpe eacutetaient laquo stockeacutes dans un immeuble agrave lrsquohygiegravene

particuliegraverement deacuteplorable rats humiditeacute problegravemes drsquoeacuteclairagehellip les fonctionnaires ayant

mecircme fait valoir leur droit de retrait Lrsquoabsence de gestion seacutecuriseacutee a conduit agrave la disparition

drsquoune arme agrave feu agrave Boulogne-sur-Mer et drsquoun couteau agrave Dunkerque Les contraintes

budgeacutetaires conduisent mecircme parfois agrave faire des choix ubuesques Faute de creacutedits le

veacutehicule dans lequel Michel Fourniret a seacutequestreacute et tueacute plusieurs jeunes filles a ducirc ecirctre

entreposeacute dans le parking du TGI de Charleville-Meacuteziegravereshellip au milieu des voitures du

personnel 3raquo

755 La circulaire conjointe du 13 deacutecembre 2011 relative agrave la gestion des scelleacutes4 sert

de reacutefeacuterence aux modaliteacutes de gestion des scelleacutes5 Lrsquoenregistrement des scelleacutes a eacuteteacute

informatiseacute depuis 2011 Srsquoagissant des registres manuscrits il est donc recommandeacute de

redoubler de vigilance afin de garantir la traccedilabiliteacute des anciens scelleacutes Crsquoest drsquoailleurs au

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit p 2 2 Deacutecision ndeg 2014-390 QPC du 11 avril 2014 3 Seacutenat comptes rendus inteacutegraux de novembre 2013 Seacuteance du 22 novembre 2013 accessible sur httpwwwsenatfrseancess201311s20131122s20131122002html 4 Circulaire conjointe du 13 deacutecembre 2011 relative agrave la gestion des scelleacutes NOR JUSB1134112C 5 Ibid

285

moyen drsquoune numeacuterisation accentueacutee des piegraveces placeacutees sous-main de justice que Madame

TAUBIRA envisage de reacutegler en partie la gestion des scelleacutes Pour exemple la creacuteation de la

plate-forme nationale des interceptions judiciaires1offre un nouvel outil de gestions des

scelleacutes aux OPJ Le lancement de la plate-forme drsquointerception judiciaire reacuteceptacle des

scelleacutes immateacuteriels eacutechappe pour le moment au droit commun En effet le deacutecret du 9 octobre

2014 preacutevoit la conservation de ces scelleacutes immateacuteriels jusqursquoagrave lrsquoexpiration du deacutelai de

prescription de lrsquoaction publique ou pour certains drsquoentre eux jusqursquoagrave la clocircture des

investigations2

756 Dans le cadre de la poursuite des efforts deacuteployeacutes la CNCDH suggegravere

lrsquoexploration drsquoune piste inteacuteressante agrave savoir que laquo les juridictions pourraient ecirctre

deacutechargeacutees de cette responsabiliteacute au profit de lrsquoInstitut national de la police scientifique La

creacuteation drsquoun conservatoire national des scelleacutes ou drsquoun institut national de la conservation

des scelleacutes pourrait eacutegalement ecirctre envisageacutee3 raquo Afin de reacutesoudre des problegravemes de stockage

des scelleacutes la question se pose de savoir srsquoil est neacutecessaire de conserver un produit stupeacutefiant ou

si sa seule formule chimique peut suffire Un objet encombrant peut-il ecirctre remplaceacute par une

photographie Autant de questions qui nrsquoont pas trouveacute de reacuteponses agrave ce jour

757 Toute nouvelle solution sera la bienvenue et permettra de renforcer la creacutedibiliteacute

de la justice et lrsquoefficaciteacute du pourvoi en reacutevision

1 Deacutecret ndeg 2014-1162 du 9 octobre 2014 portant creacuteation dun traitement automatiseacute de donneacutees agrave caractegravere personnel deacutenommeacute laquo Plate-forme nationale des interceptions judiciaires raquo 2 Art R 40-49 ndash laquo Les donneacutees et informations mentionneacutees aux 1deg et 2deg de larticle R 40-46 sont placeacutees sous scelleacutes au sein du traitement jusquagrave expiration du deacutelai de prescription de laction publique raquo 3 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit p 45

286

Conclusion du chapitre 1

758 Ce chapitre a eacuteteacute consacreacute agrave la question de lrsquoappreacuteciation de la justesse de

lrsquointervention du leacutegislateur dans la reacuteforme A cette question il a eacuteteacute assez difficile drsquoy

reacutepondre de maniegravere affirmeacutee

759 En effet certains points de la reacuteforme constituent de reacuteelles avanceacutees alors que

drsquoautres aspects de la loi encourent des critiques Ces interrogations sont patentes tant au

niveau des modifications structurelles que conjoncturelles Crsquoest pourquoi les aspects

neacutegatifs de la reacuteforme ont retenu notre attention et susciteacute notre reacuteflexion Mais mecircme dans

lrsquohypothegravese de lrsquoacceptation de certaines pistes que nous avons exploreacutees il nrsquoen demeure pas

moins vrai qursquoil existera toujours des zones drsquoombre En effet comme il en a eacuteteacute fait mention

par rapport au cheminement meacutethodologique utile agrave toute reacuteforme efficace de la reacutevision la

modification des textes doit srsquoaccompagner drsquoune nouvelle approche axeacutee sur les relations

entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

760 Cet effort ayant fait deacutefaut le leacutegislateur a exposeacute lrsquoeacutedifice de sa reacuteforme agrave des

vices de construction Un nouveau regard porteacute sur lrsquoarticulation des relations entre la reacutevision

et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee aurait permis de reacuteelles avanceacutees Nous deacutemontrerons comment

le traitement du cas drsquoouverture aurait pu ecirctre ameacutelioreacute

287

CHAPITRE 2 LE CAS DrsquoOUVERTURE

REVISITE PAR UNE APPROCHE PLUS

MODERNE DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE

JUGEE

761 Dans ce chapitre nous nous concentrerons sur la question du cas drsquoouverture qui

fait figure drsquoeacuteleacutement deacuteclencheur de la proceacutedure de reacutevision Lrsquoaccessibiliteacute et lrsquoouverture de

la reacutevision restent tregraves deacutependantes de la preacutecision des textes qui lrsquoencadrent Reacutedigeacutes en des

termes trop stricts ils ne permettront pas drsquoatteindre lrsquoobjectif tendant agrave la facilitation de

lrsquoouverture de la proceacutedure A lrsquoinverse ces textes abordeacutes en des termes impreacutecis la

proceacutedure risquerait de srsquoeacuteloigner de son objet se transformant ainsi en un troisiegraveme degreacute de

juridiction La reacuteponse du leacutegislateur de 2014 concernant le cas drsquoouverture de la reacutevision in

favorem comporte encore certaines faiblesses1 Ainsi de nouvelles pistes susceptibles

drsquoapporter agrave la question une solution plus adapteacutee seront exploreacutees Toutefois notre reacuteflexion

se poursuivra au-delagrave vers une prise en consideacuteration de la reacutevision in defavorem Ainsi

srsquoagissant du cas drsquoouverture le cas drsquoouverture in favorem susceptible drsquoecirctre ameacutelioreacute sera

distingueacute de celui in defavorem qui aujourdrsquohui absent de la proceacutedure meacuteriterait de voir le

jour (Section 1)

762 Ce questionnement soulegravevera ineacutevitablement des interrogations par rapport agrave la

place de la victime dans la proceacutedure de reacutevision En effet la reacutevision in favorem qui induit la

remise en cause drsquoune deacutecision deacutefinitive de culpabiliteacute inteacuteressera aussi la victime en raison

de la suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation qui peut ecirctre deacutecideacutee degraves le stade de la

commission drsquoinstruction Pour ce qui est de la reacutevision in defavorem de nature agrave remettre en

cause une deacutecision deacutefinitive drsquoacquittement ou de relaxe la victime ne se deacutesinteacuteressera

eacutevidemment pas de cette proceacutedure Eacutevoquer sa place conduit agrave srsquointerroger sur la position et

le rang qursquoelle occupera au cours de la proceacutedure La mise agrave lrsquoeacutecart de la victime de la

deacutecision de suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation dans la reacutevision in favorem est

critiquable Se posera ensuite la question de la place agrave lui accorder en cas drsquoune admission de

la reacutevision in defavorem (Section 2)

1 V supra ndeg 663 agrave 676

288

Section 1 La reacuteeacutecriture du cas drsquoouverture

763 Srsquoagissant de la reacutevision in favorem qui souffre toujours de certaines faiblesses

nous expliquerons quels remegravedes pourraient apporter le leacutegislateur (sect 1) Concernant la

reacutevision in defavorem des propositions seront faites par rapport agrave ce nouveau cas drsquoouverture

souhaiteacute (sect2)

sect 1 Le cas drsquoouverture in favorem

764 Le choix du leacutegislateur ayant opteacute pour un cas unique et indeacutetermineacute de reacutevision

paraicirct pertinent (A) Toutefois nous regrettons que celui-ci se fonde toujours sur le doute

Crsquoest pourquoi nous eacutetudierons la possibiliteacute drsquoun cas drsquoouverture unique et indeacutetermineacute

deacutepouilleacute du doute (B)

A La reconduction drsquoun cas drsquoouverture unique et indeacutetermineacute

765 Le leacutegislateur de 2014 a fait le bon choix parmi les quatre cas drsquoouverture preacutevus

par la loi de 1989 en maintenant le cas indeacutetermineacute et uniquement lui En effet lrsquoexamen de

lancien article 622 du Code de proceacutedure peacutenale permet de mettre en eacutevidence que les quatre

cas drsquoouverture se fondaient tous en reacutealiteacute sur la survenance dun eacuteleacutement factuel ou

juridique qui entretenait un doute sur la culpabiliteacute Ainsi srsquoil ne fallait parmi ces quatre cas

drsquoouverture nrsquoen conserver qursquoun seul il est logique drsquoavoir preacuteserveacute celui qui est fondeacute sur

le fait nouveau et dont les autres ne sont que des deacuteclinaisons1

766 De plus agrave la lueur du droit compareacute2 le choix du leacutegislateur trouve un sens Les

leacutegislations eacutetrangegraveres qui ont opteacute pour plusieurs cas de reacutevision se reacutefegraverent agrave un cas

indeacutetermineacute dont les autres cas ne sont que des illustrations

Par exemple lrsquoarticle 359 du Code de proceacutedure peacutenale allemand (la StPO) dresse une liste

de six cas drsquoouverture de la reacutevision dans lrsquointeacuterecirct du condamneacute laquo La reprise drsquoune

proceacutedure agrave laquelle a mis fin un jugement ayant autoriteacute de chose jugeacutee est admissible 1 si

un acte authentique produit comme vrai agrave son deacutesavantage lors des deacutebats ne lrsquoeacutetait pas ou

eacutetait falsifieacute 2 si le teacutemoin ou lrsquoexpert a eacuteteacute reconnu coupable drsquoavoir volontairement ou par

1 V infra 2 W JEANDIDIER Droit peacutenal geacuteneacuteral op cit ndeg 164 J PRADEL La reacutevision pour erreur judiciaire (droit compareacute) RPDP 2001 p 667 A GUINCHARD Le traitement des erreurs judiciaires en droit peacutenal anglais AJ Peacutenal 2011 p 348 et s

289

une faute drsquoimprudence violeacute son serment lors du teacutemoignage fait ou du rapport deacuteposeacute au

deacutesavantage du condamneacute ou drsquoavoir volontairement hors serment fait une fausse

deacuteclaration 3 si un juge ou un eacutechevin qui a pris part au jugement est reconnu comme

coupable drsquoun manquement aux devoirs de sa charge peacutenalement punissable en rapport avec

lrsquoaffaire dans la mesure ougrave ce manquement nrsquoa pas eacuteteacute provoqueacute par le condamneacute lui-mecircme

4 si un jugement civil sur lequel le jugement peacutenal srsquoest fondeacute a eacuteteacute annuleacute par un autre

jugement qui a acquis autoriteacute de chose jugeacutee 5 si de nouveaux faits ou moyens de preuve

sont produits qui seuls ou en liaison avec les preuves anteacuterieurement administreacutees sont

propres agrave justifier lrsquoacquittement de lrsquoaccuseacute ou par lrsquoapplication drsquoune loi peacutenale plus

douce une condamnation peacutenale moins seacutevegravere ou une deacutecision substantiellement diffeacuterente

relativement agrave une mesure de reacuteeacuteducation et de sucircreteacute 6 si la Cour europeacuteenne des droits de

lrsquoHomme a constateacute une violation de la Convention europeacuteenne pour la protection des droits

de lrsquoHomme et des liberteacutes fondamentales ou de ses Protocoles et que le jugement repose sur

cette violation1 raquo Le dernier cas visant la violation de la Convention europeacuteenne deacutemontre

que contrairement agrave la position franccedilaise le droit allemand fait du reacuteexamen un cas

drsquoouverture agrave reacutevision Srsquoagissant des autres options elles ne sont que le reacutesultat drsquoune

deacuteclinaison du cinquiegraveme cas consistant en des laquo nouveaux faits ou moyens de preuve (hellip)

qui seuls ou en liaison avec les preuves anteacuterieurement administreacutees sont propres agrave justifier

lrsquoacquittement de lrsquoaccuseacute (hellip) raquo En reacutealiteacute il srsquoagit drsquoexemples qui pourraient ecirctre

consideacutereacutes par les juges franccedilais comme des laquo faits nouveaux ou eacuteleacutements inconnus de la

juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute ou agrave faire naicirctre un

doute sur sa culpabiliteacute raquo

En Italie lrsquoarticle 629 du Code de proceacutedure peacutenale2 vise quatre cas de reacutevision laquo les faits

fondant la condamnation sont inconciliables avec une autre deacutecision peacutenale deacutefinitive la

deacutecision de condamnation a retenu que lrsquoinfraction eacutetait caracteacuteriseacutee sur la base drsquoune

deacutecision du juge civil ou administratif alors que cette deacutecision a eacuteteacute reacutevoqueacutee ou remise en

cause suite agrave une question preacutejudicielle ulteacuterieurement agrave la condamnation de nouvelles

preuves sont deacutecouvertes deacutemontrant que la personne condamneacutee doit ecirctre deacuteclareacutee non

coupable il peut ecirctre deacutemontreacute que la condamnation a eacuteteacute prononceacutee sur la base drsquoun faux

ou drsquoune infraction raquo Le mecircme constat srsquoimpose par rapport au troisiegraveme cas qui concerne

1 Code allemand de proceacutedure peacutenale traduit par R LEGEAIS Juriscope Centre drsquoaccegraves aux droits eacutetrangers accessible sur httpwwwjuriscopeorgles-traductionstraductions-de-lois-etrangeresallemagnehtm Version en langue allemande accessible sur httpwwwgesetze-im-internetdestpo__359html 2 Version en langue italienne accessible sur httpwwwaltalexcom

290

laquo la deacutecouverte de nouvelles preuves deacutemontrant que la personne condamneacutee doit ecirctre

deacuteclareacutee non coupable raquo Celui-ci srsquoinscrit dans la configuration drsquoun cas drsquoouverture

indeacutetermineacute alors que les autres cas ne constituent que des deacuteclinaisons susceptibles de

srsquoapparenter agrave un laquo fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu de la juridiction au jour du procegraves de

nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute ou agrave faire naicirctre un doute sur sa culpabiliteacute raquo

767 Si le choix du cas unique et indeacutetermineacute de reacutevision apparaicirct comme une sage

deacutecision il ne faudrait pas que des zones drsquoombre subsistent Or le maintien du terme

laquo doute raquo qui pose problegraveme depuis toujours constitue une gecircne agrave lrsquoentiegravere reacuteussite de la

reacuteforme Il nrsquoen reste pas moins vrai que ce cas unique drsquoouverture agrave reacutevision se divise en

plusieurs options - soit un fait nouveau - soit un eacuteleacutement inconnu de nature agrave faire naicirctre -

un doute sur la culpabiliteacute - ou de faire la deacutemonstration de lrsquoinnocence Toutefois un grand

nombre de requecirctes reste suspendu agrave cette notion de doute agrave laquelle il faut apporter une

reacuteponse

768 En effet le maintien du doute peut susciter les mecircmes critiques que celles qui ont

eacuteteacute formuleacutees agrave lrsquooccasion de la loi de 19891 voire entraver lrsquoapplication des nouvelles

dispositions de la reacuteforme2

B La non reconduction du terme doute

769 Apregraves avoir expliqueacute les divers facteurs de nature agrave motiver en matiegravere de

reacutevision lrsquoabandon du doute (1) lrsquointeacuterecirct drsquoune nouvelle formulation du cas drsquoouverture sera

deacutemontreacute (2)

1 Les justifications de lrsquoabandon du doute en matiegravere de reacutevision

770 Dans sa thegravese Madame Juliette LELIEUR soutient lrsquoinadeacutequation du

rattachement de la regravegle ne bis in idem au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee3 et propose

de rattacher cette regravegle agrave un nouveau fondement le principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive4

Lrsquoauteure construit son raisonnement autour drsquoun deacutecalage perceptible au niveau des

fonctions respectives de la regravegle ne bis in idem et du principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

1 V supra ndeg 320 agrave 327 2 CHAVENT-LECLERE A-S laquo Conception stricte du fait nouveau de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute raquo note sous Cour de reacutevision et de reacuteexamen des condamnations peacutenales commission drsquoinstruction 16 mars 2015 ndeg 13 REV037 3 J LELIEUR op cit premiegravere partie 4 Ibid deuxiegraveme partie

291

Les travaux de Madame Juliette LELIEUR pourraient contribuer agrave justifier lrsquoabandon du

doute dans le cas drsquoouverture de la reacutevision

771 Lrsquoauteure deacutemontre en srsquoopposant agrave une grande partie de la doctrine1 que la

garantie de la seacutecuriteacute juridique individuelle ne constitue pas une fonction de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee dont lrsquoobjectif est avant tout drsquoassurer la peacuterenniteacute du jugement revecirctu de la

preacutesomption de veacuteriteacute La fonction de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee consiste donc agrave renforcer

lrsquoautoriteacute et le creacutedit de lrsquoinstitution judiciaire Le pourvoi en reacutevision doit garantir une

protection du justiciable par rapport agrave lrsquointangibiliteacute drsquoun jugement entacheacute drsquoune erreur de

fait Crsquoest donc au pourvoi en reacutevision qursquoeacutechoit la mission drsquoeacuteviter que la preacutesomption de

veacuteriteacute ne se transforme en un handicap preacutejudiciable agrave la situation drsquoun individu injustement

condamneacute Toutefois la cible de cet objectif reste difficile agrave atteindre en raison de

lrsquoamalgame qui existe entre ne bis in idem et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

772 En effet pour justifier le rattachement de la regravegle ne bis in idem au principe de

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee la doctrine inspiratrice de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel

sur le criminel srsquoest vue contrainte de srsquoattaquer au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee en

lui confiant la fonction de protection de lrsquoindividu Degraves le XIXeme siegravecle ORTOLAN bien

que reconnaissant lrsquoexistence drsquoune similitude des laquo eacuteleacutements constitutifs de la chose jugeacutee raquo

en matiegravere civile et peacutenale preacutecisait toutefois laquo mais ils revecirctent en srsquoappropriant agrave la

speacutecialiteacute du droit peacutenal un tel caractegravere particulier et ils y reccediloivent des applications

tellement distinctes qursquoil y aurait freacutequemment une cause drsquoerreur agrave les confondre entre eux

et agrave eacutetendre des uns aux autres les mecircmes maniegraveres de deacutecider2 raquo Selon lui laquo ceux qui

veulent importer [ce raisonnement en droit peacutenal] en seraient bien embarrasseacutes si on les

contraignait agrave lrsquoappliquer logiquement conseacutequents avec eux-mecircmes en toute occasion ougrave il

se preacutesente () Ils sont donc obligeacutes drsquoy faire des distinctions des restrictions mus par un

sentiment drsquoeacutequiteacute qui marche sans gouvernail qui oscille en des voies multiples suivant des

appreacuteciations variables et qui arrive en deacutefinitive contre leur greacute agrave la violation de la chose

jugeacutee quelquefois mecircme au mensonge judiciaire convenu et eacutevident raquo

773 La mise en œuvre de ce raisonnement douteux a pu servir de preacutetexte pour

deacutetacher lrsquoautoriteacute laquo peacutenale raquo de la chose jugeacutee du principe geacuteneacuteral en consideacuterant que laquo

1 Voir notamment FAUSTIN-HELIE op cit ndeg 983 R MERLE et A VITU op cit ndeg 886 Ph CONTE et P MAISTRE DU CHAMBON op cit ndeg 664 M-L RASSAT Traiteacute de proceacutedure peacutenale op cit ndeg 516 J PRADEL Traiteacute de proceacutedure peacutenale op cit ndeg 1021 2 J ORTOLAN op cit ndeg 1780 in fine (p 297) citeacute par J LELIEUR

292

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee nrsquoa lieu en droit peacutenal qursquoagrave lrsquoeacutegard de ce qui a fait et de tout ce

qui aurait ducirc faire lrsquoobjet du jugement raquo1 Ce deacutetachement jugeacute salvateur pour le justiciable

permet agrave lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee de srsquoappliquer degraves qursquoil srsquoagit

drsquoengager de nouvelles poursuites pour les mecircmes faits mateacuteriels Madame Juliette LELIEUR

considegravere que laquo ce tour drsquoadresse est certainement tregraves efficace pour faire remplir au principe

de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee la fonction de protection de lrsquoindividu qursquoil ne possegravede pas

Pourtant il nrsquoest pas sans prix Par deacutefinition ce qui aurait ducirc faire lrsquoobjet du jugement nrsquoen

a pas fait lrsquoobjet et nrsquoest donc pas laquo chose jugeacutee raquo Ainsi le principe semble ecirctre appliqueacute au-

delagrave de la laquo chose jugeacutee raquo crsquoest-agrave-dire au-delagrave de lrsquoobjet dont il tend agrave assurer lrsquoautoriteacute2 raquo

En drsquoautres termes ce nrsquoest qursquoagrave la faveur drsquoune contorsion de la notion de chose jugeacutee

qursquoORTOLAN parvient agrave lui assigner une fonction qui nrsquoexistait pas au deacutepart puisqursquoil

srsquoagissait de garantir la protection du creacutedit du juge

774 Ce deacutevoiement de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est directement lieacute aux difficulteacutes

rencontreacutees srsquoagissant du doute en matiegravere de reacutevision En effet si sous le couvert du

rattachement de ne bis in idem agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee celle-ci est perccedilue comme un

outil de protection de lrsquoindividu elle devient une fois mise en miroir avec le pourvoi en

reacutevision une source de preacutejudice pour lrsquoindividu La deacuteformation des fonctions de lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee a pour conseacutequence de suggeacuterer au juge une seacuteveacuteriteacute dans lrsquoappreacuteciation de

lrsquoeacuteleacutement inconnu ou du fait nouveau qui laquo aurait ducirc faire lrsquoobjet du jugement raquo mais sur

lequel il convient malgreacute tout drsquoenvisager un doute Ce laquo bricolage juridique3 raquo par rapport

aux fonctions de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est en relation de cause agrave effet avec les difficulteacutes

qursquoeacuteprouve la jurisprudence agrave douter en matiegravere de reacutevision

775 Ces difficulteacutes peuvent ecirctre reacutesolues par le biais de la rupture du lien unissant la

regravegle ne bis in idem au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et par un rattachement de cette

regravegle au principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive envers la mecircme personne pour les mecircmes faits

Toutefois cette reacuteorganisation de la justice peacutenale srsquoapparente agrave un immense chantier tant au

niveau de son importance que de celui des difficulteacutes qursquoil geacutenegravere4

776 Il est eacutevident que la reacutealisation de cette œuvre ne peut se faire en un instant Or

srsquoagissant de la reacutevision tout atermoiement doit ecirctre eacuteviteacute Crsquoest pourquoi face agrave lrsquoampleur

1 J ORTOLAN op cit ndeg 1795 p 304 crsquoest Ortolan qui souligne citeacute par J LELIEUR p 154 2 J LELIEUR op cit ndeg 184 3 Expression emprunteacutee agrave J LELIEUR 4 J LELIEUR op cit ndeg 721

293

de ce chantier juridique une premiegravere mesure consisterait drsquoores et deacutejagrave agrave supprimer lrsquoemploi

du terme du doute La question drsquoune nouvelle formulation du cas drsquoouverture se pose donc

2 Une nouvelle formulation du cas drsquoouverture

777 Les travaux imageacutes du fabuliste grec ESOPE mettaient deacutejagrave en avant 500 ans

avant Jeacutesus Christ lrsquoimportance du choix des mots Dans une fable toujours drsquoactualiteacute dont

la Bible srsquoest fortement inspireacutee dans lrsquoeacutevangile selon Jacques1 Xanthus le maicirctre drsquoEsope

lui ordonne de se rendre au marcheacute et de lui preacuteparer ensuite un excellent repas Esope lui

cuisine une langue laquo Avec la langue on peut rendre heureux on peut adoucir la douleur

soulager le deacutesespoir relever les abattus inspirer les deacutecourageacutes aider son semblable raquo

Ensuite son maicirctre lui reacuteclame le plus mauvais des plats Esope lui sert agrave nouveau une langue

puisque laquo la langue est aussi la nourrice de tous les procegraves la source des divisions et des

guerres Si elle est lrsquoorgane de la veacuteriteacute elle aussi celle de lrsquoerreur et pire de la calomnie raquo

778 Lrsquoimportance des mots la neacutecessiteacute de trouver le juste terme est tout lrsquoart des

textes de lois Madame le Professeur MOQUET-ANGET a qualifieacute le droit en matiegravere de

psychiatrie de laquo discipline ougrave le verbe compte autant que le meacutedicament2 raquo Or le maintien

du doute en matiegravere de reacutevision expose la reacuteforme de 2014 agrave de seacuterieux deacuteboires De la mecircme

maniegravere que lrsquoacircne de Buridan est mort de faim et de soif faute drsquoavoir pu choisir entre le

picotin davoine et le sceau deau la reacuteforme qui nrsquoa pas fait le choix drsquoun cas drsquoouverture

libeacutereacute de la deacuteformation de lrsquoaspect neacutegatif de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee risque malgreacute le

souhait drsquoouverture de srsquoeacuteloigner de lrsquoobjectif rechercheacute

779 Cet obstacle pourrait ecirctre surmonteacute agrave la faveur drsquoune reacuteeacutecriture du cas drsquoouverture

indeacutetermineacute en srsquoinspirant des reacuteflexions de Monsieur le Professeur PRADEL et de Monsieur

Bruno COTTE A lrsquooccasion de son audition devant la commission des lois le Professeur

PRADEL partisan du maintien de la notion de doute explique eacuteprouver des difficulteacutes agrave

diffeacuterencier le fait nouveau de lrsquoeacuteleacutement inconnu et propose de les unifier en un concept

unique3

780 En ce qui nous concerne nous ne partageons pas ce point de vue Toutefois ses

conclusions ne sont pas pour autant eacutecarteacutees puisque selon Monsieur le Professeur

1 La Bible Evangile de Jacques Chapitre 3 2 M-L MOQUET ANGER Droit de la santeacute ndash responsabiliteacute meacutedicale et hospitaliegravere ndash deacutecisions de janvier agrave juin 2011 JCP Adm 2012 p 2055 3 Audition de Monsieur le Professeur PRADEL devant la commission des lois de lrsquoAssembleacutee Nationale op cit

294

PRADEL il faudrait pouvoir deacuteclencher la reacutevision en cas de laquo donneacutees nouvelles inconnues

des premiers juges et qui si elles eacutetaient connues auraient pu modifier leur jugement raquo

Parallegravelement Monsieur COTTE srsquointerroge sur la neacutecessiteacute de preacuteciser le cas drsquoouverture en

introduisant des conditions analogues agrave celles figurant agrave lrsquoarticle 26 du statut du tribunal peacutenal

international pour lrsquoEx Yougoslavie (TIPY) agrave savoir la laquo deacutecouverte drsquoun fait nouveau

inconnu lors du procegraves et qui aurait pu ecirctre un eacuteleacutement deacutecisif de la deacutecision1 raquo ou agrave celles de

lrsquoarticle 84 du statut de la Cour peacutenale internationale qui mentionne la laquo deacutecouverte drsquoun fait

nouveau qui nrsquoeacutetait pas connu au jour du procegraves et qui srsquoil avait eacuteteacute eacutetabli aurait

vraisemblablement entraineacute un verdict diffeacuterent2 raquo Monsieur COTTE propose donc drsquoouvrir

la reacutevision en cas de laquo fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu lors des deacutebats de nature agrave faire

naicirctre un doute sur la culpabiliteacute du condamneacute ou qui aurait pu constituer un eacuteleacutement deacutecisif

de la prise de deacutecision (ou lorsqursquoa eacuteteacute arrecircteacute la deacutecision hellip ou lorsque la derniegravere

juridiction appeleacutee agrave statuer srsquoest prononceacutee) raquo Crsquoest ainsi que tout en maintenant la notion

de doute Monsieur COTTE suggegravere drsquoen reacuteduire les aspeacuteriteacutes agrave la faveur drsquoune formule

alternative soit le fait nouveau ou eacuteleacutement inconnu est de nature agrave faire naicirctre un doute soit

il aurait pu constituer un eacuteleacutement deacutecisif de la prise de deacutecision (emploi du terme ou)

781 Ces deux pistes meacuteritent drsquoecirctre prises en consideacuteration De la proposition de

Monsieur le Professeur PRADEL nous retiendrons lrsquoideacutee drsquoun eacuteventuel jugement diffeacuterent

dans lrsquohypothegravese ougrave les faits nouveaux ou eacuteleacutements inconnus auraient eacuteteacute en possession des

premiers juges au moment du jugement Pour les juges de la juridiction de reacutevision envisager

lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun jugement diffeacuterent revient agrave se placer dans le contexte du jugement attaqueacute

et agrave se poser la question suivante laquo si jrsquoavais eu entre les mains cet eacuteleacutement nouveau le jour

du jugement contesteacute aurai-je rendu la mecircme deacutecision raquo Ce questionnement diffegravere de celui

qui deacutecoule du doute En effet le doute place le juge dans une situation plus complexe Il se 1 Article 26 TIPY laquo Srsquoil est deacutecouvert un fait nouveau qui nrsquoeacutetait pas connu au moment du procegraves en premiegravere instance ou en appel et qui aurait pu ecirctre un eacuteleacutement deacutecisif de la deacutecision le condamneacute ou le Procureur peut saisir le Tribunal drsquoune demande en reacutevision de la sentence raquo 2 Article 84 CPI laquo La personne deacuteclareacutee coupable ou si elle est deacuteceacutedeacutee son conjoint ses enfants ses parents ou toute personne vivant au moment de son deacutecegraves quelle a mandateacutee par eacutecrit expresseacutement agrave cette fin ou le Procureur agissant au nom de cette personne peuvent saisir la Chambre dappel dune requecircte en reacutevision de la deacutecision deacutefinitive sur la culpabiliteacute ou la peine pour les motifs suivants a) Il a eacuteteacute deacutecouvert un fait nouveau qui i) Neacutetait pas connu au moment du procegraves sans que cette circonstance puisse ecirctre imputeacutee en totaliteacute ou en partie au requeacuterant et ii) Sil avait eacuteteacute eacutetabli lors du procegraves aurait vraisemblablement entraicircneacute un verdict diffeacuterent b) Il a eacuteteacute deacutecouvert quun eacuteleacutement de preuve deacutecisif retenu lors du procegraves et sur la base duquel la culpabiliteacute a eacuteteacute eacutetablie eacutetait faux contrefait ou falsifieacute c) Un ou plusieurs des juges qui ont participeacute agrave la deacutecision sur la culpabiliteacute ou qui ont confirmeacute les charges ont commis dans cette affaire un acte constituant une faute lourde ou un manquement agrave leurs devoirs dune graviteacute suffisante pour justifier quils soient releveacutes de leurs fonctions en application de larticle 46 raquo

295

pose la question de savoir si laquo lrsquoinformation nouvelle dont il dispose deacutesormais est de nature

agrave remettre en cause le bienfondeacute de la deacutecision rendue par les premiers juges raquo

782 Au sujet de ce questionnement Maicirctre LE BORGNE remarque qursquo laquo en drsquoautres

termes on lrsquoappellerait conflit drsquointeacuterecirct ndash qui consiste agrave devoir trancher entre une souveraineteacute

seacuteculaire et lrsquoeacutequiteacute raquo1 Il est donc eacutevident que la voie proposeacutee par Monsieur le Professeur

PRADEL permettrait aux juges de se deacutegager drsquoune situation inconfortable et drsquoavoir une

pratique plus ouverte de la reacutevision Cela est drsquoailleurs clairement exprimeacutee dans les textes

ayant servi de base agrave la proposition de Monsieur COTTE notamment lrsquoarticle 84 du statut de

la Cour peacutenale internationale

783 Crsquoest pourquoi il nous semble qursquoune association de ces deux reacuteflexions

permettrait de se libeacuterer du carcan du doute A nos yeux la reacutevision in favorem devrait ecirctre

recevable lorsque laquo vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de

la juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir linnocence du condamneacute OU qui aurait

pu modifier le jugement et entrainer un verdict diffeacuterent raquo Cette formulation preacutesenterait de

nombreux avantages

784 Premiegraverement elle mettrait un terme agrave la question du degreacute de doute requis

question toujours pas solutionneacutee par le leacutegislateur de 2014 Deuxiegravemement elle eacuteviterait la

persistance du malaise qui entoure la question du doute ducirc agrave la deacuteformation de lrsquoautoriteacute

neacutegative de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Troisiegravemement elle maintiendrait la distinction entre

lrsquoeacuteleacutement inconnu et le fait nouveau qui meacuterite drsquoecirctre preacuteserveacutee Quatriegravemement elle

permettrait de reacuteaffirmer la possibiliteacute de deacutemontrer lrsquoinnocence agrave la faveur des progregraves de la

science Enfin cinquiegravemement elle ouvrirait la porte agrave la prise en compte de lrsquoeacuteleacutement non

deacutebattu En outre elle preacutesenterait lrsquoavantage drsquoecirctre moins abstraite que le doute car laquo qursquoy a-

t-il de plus subjectif que le doute2 raquo et reacuteaffirmerait que laquo la culpabiliteacute drsquoun individu ndash

comme son innocence- srsquoappreacutecie sur des eacuteleacutements de preuve non sur des eacutemotions3 raquo

785 Nous avons deacutejagrave pu affirmer la neacutecessiteacute de reconnaicirctre la reacutevision in defavorem

A preacutesent nous allons deacutemontrer qursquoune conception puriste de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

devrait favoriser son accueil Aussi conviendra-il drsquoenvisager lrsquoeacutelaboration drsquoun cas

drsquoouverture susceptible de servir de fondement agrave ce type de reacutevision

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur J-Y LE BORGNE p 165 2 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur B COTTE p 199 3 Ibid Contribution de Monsieur V LAMANDA p 181

296

sect 2 Le cas drsquoouverture in defavorem

786 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee une fois deacutecoupleacutee de la regravegle ne bis in idem permet

un retour vers la fonction originelle de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacute qui devrait permettre

drsquoentrainer la reconnaissance de la reacutevision in defavorem (A) Apregraves avoir justifieacute lrsquoadmission

de la reacutevision in defavorem il conviendra donc de proposer un cas drsquoouverture (B)

A La neacutecessaire reconnaissance de la reacutevision in defavorem

787 La CNCDH qualifie le choix franccedilais de laquo solution meacutediane1 raquo notamment par

rapport agrave la position drsquoautres pays comme lrsquoAllemagne2 les Pays Bas3 ou le Royaume Uni4

ougrave le triomphe de la veacuteriteacute est une exigence quel que soit le sens de la reacutevision Selon nous

ce choix est la conseacutequence drsquoune conception deacuteformeacutee de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee En

effet la reconnaissance de la reacutevision in defavorem procegravede de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee agrave

partir du moment ougrave sa fonction cesse drsquoecirctre alteacutereacutee (1) Lrsquoadmission de la reacutevision in

defavorem preacutesenterait lrsquoavantage de mettre fin agrave lrsquoantagonisme qui oppose lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision et reacutetablirait une harmonisation de leur mode de

fonctionnement fondeacute sur un inteacuterecirct commun la preacuteservation de la paix sociale (2)

1 Le repli vers la veacuteritable fonction de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

788 GAVALDA explique que la diffeacuterenciation faite entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

au criminel sur le criminel et la theacuteorie geacuteneacuterale de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee est surtout

visible au niveau du pourvoi en reacutevision5 laquo Lrsquoadmission de la seule reacutevision en faveur du

1 CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales op cit ndeg 4 2 La reacutevision peut avoir lieu selon lrsquoarticle 362 du code de proceacutedure peacutenale (laquo StPO raquo) laquo 1deg) si un document produit comme vrai lors des deacutebats agrave lrsquoavantage de la personne poursuivie ne lrsquoeacutetait pas ou eacutetait falsifieacute 2deg) si le teacutemoin ou lrsquoexpert srsquoest rendu coupable drsquoavoir volontairement ou par une faute drsquoimprudence agrave lrsquoavantage de la personne poursuivie violeacute son serment lors du teacutemoignage fait ou du rapport deacuteposeacute ou drsquoavoir volontairement hors serment fait une fausse deacuteclaration 3deg) si le juge ou le jureacute qui a participeacute au jugement srsquoest rendu coupable drsquoun manquement aux devoirs de sa charge peacutenalement punissable en rapport avec lrsquoaffaire 4deg) si un aveu creacutedible de lrsquoinfraction est fait par lrsquoacquitteacute qursquoil ait eacuteteacute fait en justice ou qursquoil ait eacuteteacute extrajudiciaire raquo 3 La loi du 1 er octobre 2013 preacutevoit la reacutevision deacutefavorable dans deux hypothegraveses laquo 1deg) de nouveaux eacuteleacutements de preuve deacutecouverts (par de nouvelles preuves techniques ou lrsquoaveu creacutedible drsquoun ancien preacutevenu) font seacuterieusement preacutesumer que si le tribunal en avait eu connaissance le preacutevenuaccuseacute aurait eacuteteacute condamneacute 2deg) lrsquoexistence drsquoune grave irreacutegulariteacute de proceacutedure Cette reacutevision est limiteacutee aux crimes graves reacuteprimeacutes par une peine de reacuteclusion agrave perpeacutetuiteacute raquo 4 Une loi de 2005 modifiant le Criminal Justice Act 2003 permet la reacutevision deacutefavorable dans les affaires les plus graves ougrave sont reacuteunis de nouveaux eacuteleacutements de preuve agrave condition que ces eacuteleacutements soient fiables substantiels et drsquoune valeur probante indiscutable 5 C GAVALDA laquo Aspects actuels du problegraveme de lautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel raquo opcit ndeg2

297

condamneacute signifie indirectement que toutes les laquo choses jugeacutees raquo nrsquoont pas la mecircme

autoriteacute 1raquo En effet la reacutevision ne permet de remettre en cause que lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee de certaines deacutecisions Le jugement de relaxe et lrsquoarrecirct drsquoacquittement deacutefinitifs qui

eacutechappent agrave la proceacutedure de reacutevision se trouvent donc doteacutes drsquoune autoriteacute renforceacutee

789 Crsquoest pourquoi Madame Juliette LELIEUR remarque qursquo laquo accepter de re-juger

lorsque cela est en faveur de la personne deacutefinitivement jugeacutee mais srsquoy refuser lorsque re-

juger serait en sa deacutefaveur nrsquoest pas conforme agrave lrsquoexigence de neutraliteacute de la justice Cette

prise de position est peu favorable au creacutedit du juge2 raquo Or la fonction de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee est de preacuteserver le creacutedit du juge Lrsquoadmission de la reacutevision in defavorem ne

devrait donc pas constituer une offense au principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Bien au

contraire une telle reconnaissance contribuerait agrave renforcer lrsquoimage du creacutedit de la justice

fonction de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

790 De plus une fois le lien de rattachement entre la regravegle laquo ne bis in idem raquo et le

principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee rompu la garantie de la seacutecuriteacute juridique individuelle

fonction propre agrave ne bis in idem ne peut plus servir drsquoargument pour justifier lrsquointerdiction de

la reacutevision in defavorem3

791 En matiegravere de reacutevision in favorem la garantie de la seacutecuriteacute juridique individuelle

nrsquoa pas lieu de srsquoappliquer Dans lrsquohypothegravese ougrave de nouvelles preuves de nature agrave accreacutediter la

thegravese de lrsquoinnocence se reacutevegravelent il serait absurde de vouloir imposer agrave la personne condamneacutee

une seacutecuriteacute juridique proclameacutee au nom de sa protection4 Lrsquoadmission de la reacutevision in

favorem est la traduction de la dissociation entre la seacutecuriteacute juridique individuelle et lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee A lrsquoinverse dans le cas drsquoune deacutecision deacutefinitive drsquoacquittement ou de

relaxe la seacutecuriteacute juridique individuelle met le justiciable agrave lrsquoabri de la reacutevision in defavorem

Cependant la socieacuteteacute aurait peut-ecirctre inteacuterecirct agrave favoriser la reacuteouverture du procegraves dans le cas

drsquoun rebondissement de lrsquoaffaire susceptible de remettre en cause la relaxe ou lrsquoacquittement5

792 En deacutefinitive la socieacuteteacute et le justiciable peuvent se retrouver dans un laquo rapport

drsquoopposition6 raquo puisqursquoils ne partagent pas les mecircmes inteacuterecircts par rapport agrave la seacutecuriteacute

juridique laquo La protection de lrsquoindividu but de la seacutecuriteacute juridique individuelle ne coiumlncide 1 J LELIEUR op cit ndeg 186 2 Ibid 3 J LELIEUR op cit ndeg 163 4 Ibid 5 Ibid ndeg 160 6 Expression emprunteacutee agrave J LELIEUR

298

pas toujours avec lrsquointeacuterecirct de la socieacuteteacute agrave ce que les situations juridiques issues des deacutecisions

de justice soient stables1 raquo

793 De plus la reconnaissance de la reacutevision in defavorem aurait pour conseacutequence

drsquoatteacutenuer lrsquointensiteacute de la dualiteacute oppositionnelle entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee En effet la reacutevision in defavorem illustre la congruence entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et la reacutevision tous deux deacutesireux de preacuteserver la paix sociale

2 Lrsquoobjectif commun de preacuteservation de la paix sociale entre lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee et la reacutevision in defavorem

794 La cohabitation entre la proceacutedure de reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a

constitueacute le point de deacutepart de notre eacutetude En effet le pourvoi en reacutevision est une proceacutedure

qui se positionne agrave lrsquointersection de deux inteacuterecircts a priori divergents La culture lieacutee agrave la

dualiteacute oppositionnelle entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a pour

conseacutequence de compliquer la tacircche du leacutegislateur2 Lrsquoentretien de cette culture consacreacutee

par la loi de 1989 et dans une moindre mesure par celle de 2014 hisse de nombreux obstacles

agrave la manifestation de la veacuteriteacute et agrave lrsquoacceptation des erreurs judiciaires

795 Cependant lrsquoaffirmation et la preacuteservation de la paix sociale passent par un

rapprochement entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la proceacutedure de reacutevision En effet bien que

la paix sociale exige la proclamation du caractegravere deacutefinitif des deacutecisions il admet aussi en

preacutesence drsquoune injustice la remise en cause drsquoune deacutecision deacutefinitive Drsquoun cocircteacute elle laquo exige

que tout procegraves prenne fin un jour et que lorsqursquoil a eacuteteacute deacutefinitivement jugeacute il ne puisse plus

tard ecirctre remis en question3 raquo De lrsquoautre cocircteacute elle exige aussi lrsquoadmission la reacutevision drsquoune

deacutecision deacutefinitive erroneacutee sans distinguer selon qursquoil srsquoagit drsquoune deacutecision de condamnation

drsquoacquittement ou de relaxe

796 En effet dans lrsquohypothegravese drsquoune deacutecision drsquoacquittement ou de relaxe entacheacutee

drsquoune erreur de fait le prononceacute de la deacutecision deacutefinitive enlegraveve toute chance de

reconnaissance de reconstruction et a fortiori de reacuteconciliation Retenons lrsquoexemple drsquoun

individu acquitteacute deacutefinitivement alors qursquoil srsquoagit en reacutealiteacute de lrsquoauteur du crime Dans le cas

ougrave lrsquoerreur est aveacutereacutee la reconstruction du lien entre lrsquoacquitteacute et la socieacuteteacute ou entre lui-mecircme

1 J LELIEUR op cit ndeg 160 2 R GASSIN laquo Les destineacutees du principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au criminel sur le criminel dans le droit peacutenal contemporain raquo op cit ndeg 3 p 242 3P BOUZAT et J PINATEL op cit ndeg 1529

299

et sa laquo victime raquo est impossible Crsquoest ainsi qursquoil apparaicirct quelque peu illogique dans ce cas

de se fonder sur lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee pour justifier la paix sociale Bien au contraire la

paix sociale exige de pouvoir reacuteviser cette deacutecision deacutefinitive drsquoacquittement

797 Toutefois laquo il srsquoagit lagrave drsquoun sujet difficile Il faut donc lrsquoaborder avec la plus

grande seacutereacuteniteacute Nous sommes lagrave face agrave des questions de conscience1 raquo Sur le plan juridique

nous avons deacutemontreacute qursquoil ne nous parait pas incongru de srsquoengager dans cette voie2 De

plus laquo la reacutevision in defavorem nrsquoest pas une hypothegravese drsquoeacutecole Les progregraves scientifique

dans le domaine de la production des preuves nous a rattrapeacutes La justice est entreacutee dans une

autre eacutepoque3raquo

798 La neacutecessiteacute de reconnaicirctre la reacutevision in defavorem ayant eacuteteacute deacutemontreacutee il

convient agrave preacutesent drsquoenvisager la formulation drsquoun cas drsquoouverture

B La formulation du cas drsquoouverture

799 Monsieur le Professeur PRADEL lors de son audition devant la Commission des

Lois de lrsquoAssembleacutee Nationale a qualifieacute la reacutevision in defavorem de laquo vraie justice raquo

ORTOLAN affirmait deacutejagrave qursquolaquo il nrsquoest pas besoin de deacutemontrer que le sacrifice des cas

particuliers drsquoerreur contenus en lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee doit ecirctre fait avec plus de faciliteacute

et maintenu avec plus de force en droit peacutenal lorsqursquoil srsquoagit drsquoerreurs favorables agrave lrsquoaccuseacute

mais qursquoune porte au contraire doit ecirctre plus facilement ouverte agrave la reacuteparation de lrsquoerreur

lorsqursquoelle a eu lieu dans la condamnation4 raquo Dans le mecircme sens Monsieur CANIVET sans

faire la distinction entre la reacutevision in favorem ou in defavorem affirme que laquo le rocircle de la

reacutevision est de rapprocher autant que possible le sentiment commun de justice de la veacuteriteacute

judiciaire raquo5

800 Nous nous inteacuteresserons donc agrave lrsquoeacutebauche drsquoun texte touchant aux conditions

drsquoouverture de la reacutevision in defavorem Deux questions centrales se posent quel doit ecirctre le

critegravere de reacutevision in defavorem et quels en sont les deacutelais Srsquoagissant de la premiegravere

question la reacutevision in defavorem doit nrsquoecirctre permise qursquoen cas de preuve indubitable de la

1 Assembleacutee Nationale Commission des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la reacutepublique Mercredi 19 feacutevrier 2014 seacuteance de 10h intervention de Monsieur G FENECH 2 V supra ndeg 186 agrave 193 et ndeg 625 agrave 631 3 Assembleacutee Nationale Commission des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la reacutepublique Mercredi 19 feacutevrier 2014 seacuteance de 10h intervention de Monsieur G FENECH op cit 4 J ORTOLAN Eleacutements de droit peacutenal op cit ndeg 1777 5 Le monde 22 avril 2005

300

culpabiliteacute (1) Pour ce qui est de la seconde la reacutevision in defavorem doit neacutecessairement

srsquoinscrire dans le respect des deacutelais de prescription (2)

1 Une preuve indubitable de la culpabiliteacute

801 Les inconveacutenients du maintien de la notion de doute dans le cas drsquoouverture in

favorem ont eacuteteacute largement eacutevoqueacutes1 En raison de ces mecircmes arguments la notion de doute

doit ecirctre eacutecarteacutee de la reacutevision in defavorem Pour preacuteserver la paix sociale celle-ci exige de

se rapprocher eacutetroitement drsquoune certitude de la culpabiliteacute agrave la faveur drsquoune preuve

indubitable souvent fondeacutee sur les progregraves de la science En ce sens Monsieur VIOUT

estime qursquo laquo agrave lrsquoheure ougrave les progregraves de la science apportent une deacutevolution majeure agrave la

contribution de la preuve lrsquoautoriteacute de la veacuteriteacute judiciaire doit se conjuguer avec les

conseacutequences que lrsquoon doit tirer de lrsquoeacutemergence drsquoune possible autre veacuteriteacute sauf agrave consideacuterer

que la veacuteriteacute judiciaire derriegravere le bouclier drsquoun dogme doit reacutesister envers et contre tout agrave

tout eacutebranlement raquo2

802 Le fait de retenir la preuve indubitable de lrsquoinnocence comme critegravere de la

reacutevision in defavorem peut faire craindre une reviviscence du systegraveme de la preuve leacutegale3

Crsquoest ainsi que la reacutevision in defavorem pourrait devenir lrsquoaffaire des seuls scientifiques et

enlegraveverait de fait lrsquointeacuterecirct de la technique du renvoi Cette crainte nrsquoa pas lieu drsquoecirctre

803 Premiegraverement pour ce qui est du recours agrave la preuve scientifique le leacutegislateur

lrsquoautorise4 et lrsquointegravegre mecircme parfois dans les eacuteleacutements constitutifs de lrsquoinfraction enlevant

ainsi au juge toute possibiliteacute de contester les constatations techniques Il en est ainsi de la

conduite sous lrsquoempire drsquoun eacutetat alcoolique preacutevu par lrsquoarticle L 234-1 du Code de la route qui

dispose laquo Mecircme en labsence de tout signe divresse manifeste le fait de conduire un

veacutehicule sous lempire dun eacutetat alcoolique caracteacuteriseacute par une concentration dalcool dans le

sang eacutegale ou supeacuterieure agrave 080 gramme par litre ou par une concentration dalcool dans

lair expireacute eacutegale ou supeacuterieure agrave 040 milligramme par litre est puni de deux ans

demprisonnement et de 4 500 euros damende raquo Lrsquoinfraction est caracteacuteriseacutee par un critegravere

objectif qui consiste agrave relever le taux drsquoimpreacutegnation alcoolique au moyen drsquoun appareil de

mesure permettant ainsi de constater agrave la lecture du reacutesultat le deacutelit La veacuteriteacute scientifique

occupe une place importante par rapport agrave la constatation de cette infraction puisqursquoelle 1 V supra ndeg 671 agrave 688 2 Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur J-O VIOUT p 241 3 F HELIE op cit t3 ndeg 1461 4 E MONTEIRO Les crimes des fregraveres Jourdain une cruauteacute reacutefleacutechie Dr peacutenal 2001 ndeg 5 chron ndeg 21

301

correspond agrave une veacuteriteacute leacutegale1 Les reacutesultats scientifiques suffisent agrave caracteacuteriseacutee lrsquoinfraction

dont lrsquoexistence srsquoimpose au juge

804 Deuxiegravemement la preuve scientifique de la culpabiliteacute nrsquoentrainerait pas

automatiquement la reacutevision in defavorem En effet les eacuteleacutements de preuve scientifiques

confieacutes agrave la juridiction de reacutevision constituent des preuves circonstancielles2 dont la

leacutegitimiteacute resterait fortement lieacutee au contexte de leur deacutecouverte3 Crsquoest ainsi qursquoaux Etats-

Unis lrsquoaffaire CALABRO4 se rapportant agrave un assassinat assorti drsquoactes de torture et de

barbarie a donneacute lieu agrave la deacutecouverte sur la victime drsquoune trace drsquoADN masculin Les

recherches se sont aussitocirct concentreacutees vers le profil identifieacute par lrsquoempreinte geacuteneacutetique Il

srsquoest aveacutereacute que cette trace provenait en reacutealiteacute drsquoun cadavre dont le transport avait eacuteteacute

effectueacute au moyen drsquoun sac qui mal nettoyeacute srsquoeacutetait vu reacuteemployeacute pour lrsquoenlegravevement du corps

de la victime de lrsquoassassinat Cette affaire est lrsquoillustration que la preuve scientifique bien

que reacuteputeacutee infaillible peut ouvrir la porte agrave une fausse piste en raison de certains aleacuteas issus

du contexte de sa deacutecouverte laquo Si le juge nrsquoest pas compeacutetent pour discuter la valeur des

opeacuterations techniques par lesquelles la communauteacute scientifique identifie les empreintes

geacuteneacutetiques crsquoest agrave lui drsquoapprouver la valeur de ces empreintes dans lrsquoespegravece qui lui est

soumise raquo5

805 La veacuteriteacute scientifique ne doit donc pas deacuteboucher obligatoirement sur une reacuteponse

meacutecanique du droit peacutenal En matiegravere de reacutevision in defavorem la prise en compte de la veacuteriteacute

scientifique comme preuve indubitable de la culpabiliteacute doit donc agrave lrsquoinstar de son traitement

dans la reacutevision in favorem6 ecirctre le fruit drsquoun raisonnement meneacute par le juge

1 G DALBIGNAT-DEHARO op cit ndeg 212 laquo (hellip) les certitudes scientifiques encadrent lrsquoactiviteacute judiciaire en deacutefinissant scientifiquement le comportement agrave sanctionner et srsquoimposent au juge par le truchement drsquoune disposition normative raquo 2 J-S BORGHETTI Vaccination contre lrsquoheacutepatite B et scleacuterose en plaques incertitudes scientifiques et divergences de jurisprudence note sous cass 1erciv 25 novembre 2010 ndeg 09-16556 JCP G 2011 ndeg4 p 79 3 Sur le contexte de collecte des preuves V G DALBIGNAT-DEHARO op cit ndeg 423 agrave 432 C FONTEIX Conduite apregraves usage de stupeacutefiants appreacuteciation de la reacutegulariteacute de lrsquoanalyse sanguine Dalloz actualiteacutes 5 novembre 2014 4 Sur cette affaire V La seacutecuriteacute aujourdrsquohui (dir) P MELCHIOR Paris La documentation franccedilaise 2000 speacutec p 31-33 accessible sur httpfondsdocinhesjfrsitesdefaultfilessitesdefaultfilesselecaujourdhuisa20200020profilage_criminellePDF 5 G DALBIGNAT-DEHARO op cit ndeg 30 6 Deacutecision de la Cour de reacutevision 20 novembre 2002 op cit (rejet de la requecircte en reacutevision drsquoOmar RADDAD) laquo Si la deacutecouverte drsquoempreintes geacuteneacutetiques masculines sur les deux portes servant de support aux inscriptions accusatrices ainsi que sur le chevron constitue un eacuteleacutement nouveau il est impossible de deacuteterminer agrave quel moment anteacuterieur concomitant ou posteacuterieur au meurtre ces traces ont eacuteteacute laisseacutees [hellip] De nombreuses personnes ont pu approcher les piegraveces agrave conviction avant le meurtre et faute de preacutecautions suffisantes apregraves celui-ci [hellip] Drsquoougrave il suit que la demande en reacutevision ne peut ecirctre admise raquo

302

806 La preuve indubitable de lrsquoinnocence peut ecirctre mateacuterialiseacutee par divers indices

faits moyens ou eacuteleacutements traduisant ainsi lrsquointeacuterecirct de conserver comme pour la reacutevision in

favorem le distinguo entre le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnu

Lrsquoamendement rejeteacute maintenait drsquoailleurs cette distinction laquo II ndash La reacutevision drsquoune

deacutecision peacutenale deacutefinitive peut eacutegalement ecirctre demandeacutee au deacutetriment de toute personne

reconnue non coupable drsquoun crime ou drsquoun deacutelit lorsque laquo 1deg Apregraves un acquittement ou une

relaxe vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la

juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir indubitablement la culpabiliteacute de la

personne reconnue non coupable laquo 2deg Apregraves un acquittement ou une relaxe sont deacutecouverts

de nouveaux eacuteleacutements de preuve faisant seacuterieusement preacutesumer que si la cour drsquoassises ou le

tribunal correctionnel en avait eu connaissance lrsquoaccuseacute ou le preacutevenu aurait eacuteteacute condamneacute

laquo 3deg Apregraves un acquittement ou une relaxe a eacuteteacute fait un aveu creacutedible de lrsquoinfraction par la

personne reconnue non coupable que cet aveu ait eacuteteacute fait en justice ou qursquoil ait eacuteteacute

extrajudiciaire laquo 4deg Un des teacutemoins entendus a eacuteteacute posteacuterieurement agrave lrsquoacquittement ou agrave la

relaxe poursuivi et condamneacute pour faux teacutemoignage agrave lrsquoavantage de lrsquoaccuseacute ou du preacutevenu

le teacutemoin ainsi condamneacute ne peut pas ecirctre entendu dans les nouveaux deacutebats raquo

807 Le cas indeacutetermineacute qui vise la reacuteveacutelation drsquoun eacuteleacutement inconnu ou le

surgissement drsquoun fait nouveau constituait lrsquoeacutepine dorsale du texte proposeacute et rejeteacute Monsieur

MATHON estime qursquo laquo un fait est quantifiable mesurable preacutecis Il se constate et

sappreacutehende objectivement Un eacuteleacutement induit une notion plus large et subjective moins

preacutecise une partie dun ensemble raquo Lrsquohypothegravese drsquoeacutecole visant un aveu creacutedible de

lrsquoinfraction par la personne reconnue non coupable envisageacutee au troisiegravemement du texte

reposait sur un fait Dans le mecircme ordre drsquoideacutees le faux teacutemoignage viseacutee au quatriegravemement

se rattachait eacutegalement un fait En revanche le deuxiegravemement visait quant agrave lui de nouveaux

eacuteleacutements de preuve Les cas deacutetermineacutes pouvaient donc srsquoappuyer soit sur un fait soit sur un

eacuteleacutement Le maintien du fait nouveau ET de lrsquoeacuteleacutement inconnu est donc indispensable

Cependant pour les mecircmes raisons que celle qui ont eacuteteacute eacutevoqueacutees agrave propos de la reacutevision in

favorem lrsquoeacuteleacutement inconnu et le fait nouveau doivent ecirctre regroupeacutes au sein drsquoun cas unique

et indeacutetermineacute et ne concerner que les domaines criminels et deacutelictuels

808 En conseacutequence la reacutevision drsquoune deacutecision peacutenale deacutefinitive doit eacutegalement ecirctre

demandeacutee au deacutetriment de toute personne reconnue non coupable drsquoun crime ou drsquoun

deacutelit laquo lorsque vient agrave se produire un fait nouveau ou agrave se reacuteveacuteler un eacuteleacutement inconnu de la

303

juridiction au jour du procegraves de nature agrave eacutetablir indubitablement la culpabiliteacute du

condamneacuteraquo

809 Se posera ensuite la question de la prescription1 car la proceacutedure de reacutevision in

favorem srsquoexerce en-dehors de tout deacutelai

2 Le neacutecessaire respect des deacutelais de prescription

810 Les deacutebats agrave lrsquoAssembleacutee Nationale ont illustreacute cet enjeu majeur du deacutelai dans

lequel organiser lrsquoexercice la reacutevision in defavorem

811 Monsieur le Deacuteputeacute RAIMBOURG srsquoest ainsi exprimeacute sur le sujet laquo Je

maintiens neacuteanmoins qursquoil est difficile de laisser des faits impunis degraves lrsquoinstant ougrave des

eacuteleacutements nouveaux apportent de faccedilon certaine la preuve qursquoun individu preacuteceacutedemment

acquitteacute est coupable Cela eacutetant se pose la question de la prescription qui nrsquoest pas traiteacutee ndash

sauf erreur de ma part ndash dans lrsquoamendement Il faut empecirccher en effet la partie civile de

poursuivre ses investigations pendant des anneacutees ce qui est deacutesastreux pour tout le monde Si

nous devions lrsquointroduire la reacutevision in defavorem devrait donc tenir compte de la

prescription du crime agrave compter de lrsquoarrecirct drsquoacquittement raquo 2

812 Monsieur le Deacuteputeacute HOUILLON a deacuteclareacute qursquolaquo en revanche la reacutevision ne

devrait pouvoir alors ecirctre demandeacutee qursquoavant que nrsquointervienne la prescription de lrsquoaction

peacutenale Crsquoest le seul moyen drsquoeacuteviter lrsquoimpuniteacute sans bouleverser lrsquoeacutequilibre des

prescriptions raquo3

813 Enfin le rapporteur a affirmeacute laquo Il mrsquoest insupportable disait en substance

Georges Fenech de savoir qursquoun coupable peut ecirctre en liberteacute raquo Mais crsquoest le systegraveme

franccedilais de la prescription qui le permet Crsquoest lui que vous devez abandonner si vous voulez

vous montrer coheacuterents En effet pourquoi se limiter aux quelques anneacutees ou aux quelques

mois restants en lrsquooccurrence avant lrsquoextinction de la prescription Nous ne serions

drsquoailleurs pas le premier pays agrave renoncer agrave ce systegraveme 4raquo

1 J PRADEL Proceacutedure peacutenale op cit ndeg 235 2 Assembleacutee Nationale compte rendu ndeg 43 mercredi 19 feacutevrier 2014 seacuteance de 10 h accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14pdfcr-cloi13-14c1314043pdf 3 Ibid 4 Ibid

304

814 Il nous semble que la reacutevision in defavorem ne peut srsquoappliquer que dans le cadre

de lrsquoapplication des regravegles de la prescription1 La reacutevision in defavorem trouve sa justification

dans la reacuteparation drsquoune erreur judiciaire alors que la prescription elle se fonde sur la faculteacute

drsquooubli La premiegravere nrsquoa pas vocation agrave remettre en cause la seconde Toutefois les nouveaux

moyens scientifiques de preuve en particulier le recours aux empreintes geacuteneacutetiques

ameacuteliorent les moyens drsquoinvestigation et contribuent agrave renforcer la reacuteticence de la socieacuteteacute face

agrave lrsquooubli2 De ce fait la question peut se poser de repousser les deacutelais de prescription

815 Sous lrsquoimpulsion des avanceacutees scientifiques Monsieur DANET remarque que

laquole fondement du risque de deacutepeacuterissement des preuves [nrsquoa] pas de sens quand le progregraves de

la science ne laisse place agrave aucun doute sur lrsquoidentiteacute de ces nouveau-neacutes3 raquo Depuis deux

deacutecennies la stabiliteacute des regravegles de la prescription est remise en cause par la multiplication

des deacuterogations prises agrave linitiative du leacutegislateur4 et du juge5 Toutes deux concourent agrave un

allongement des deacutelais de prescription et alimentent neacutecessairement la question de la

suffisance des deacutelais de prescription particuliegraverement en matiegravere criminelle6 Il nous semble

que lrsquoefficaciteacute de la reacutevision in defavorem dont lrsquoobjectif consiste agrave mettre fin au trouble

social exigerait un rallongement des deacutelais de prescription agrave lrsquoimage de la plupart des grands

pays europeacuteens7

816 Reacuteunie le 10 deacutecembre 2014 la commission des Lois a deacutecideacute de creacuteer une

mission drsquoinformation sur la question de la prescription en matiegravere peacutenale dont la publication

du rapport a eacuteteacute autoriseacutee le 20 mai 20158 Preacutesenteacute par Messieurs les deacuteputeacutes Georges

FENECH et Alain TOURRET le rapport propose quatorze mesures laquo pour une reacuteforme

1 V article 7 CPP pour les crimes article 8 CPP pour les deacutelits 2 D VIRIOT-BARIAL laquo De lrsquoidentification drsquoune personne par ses empreintes geacuteneacutetiques raquo in Le droit de la biologie humaine vieux deacutebats et nouveaux enjeux dir A Seriaux Ellipses Paris 2000 p 111 3 J DANET laquo Lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere la prescription et le devoir de justice raquo Dalloz actualiteacutes 12 novembre 2014 4 A MIHMAN Comment reacuteformer la prescription de laction publique Rev peacutenit 2007 517 speacutec p 520 V eacutegal A VARINARD La prescription de laction publique Une institution agrave reacuteformer Meacutel Pradel 2006 Cujas p 605 et s 5 P MAISTRE DU CHAMBON Lhostiliteacute de la Cour de cassation agrave leacutegard de la prescription de laction publique note sous Crim 20 feacutevr 2002 JCP 2002 II 10075 J-F RENUCCI Infractions daffaires et prescription de laction publique D 1997 chron 23 J DANET Report de la prescription de lrsquoaction publique pour dissimulation drsquoassassinats Dalloz actualiteacutes 26 mai 2014 6 Article 7 CPP laquo En matiegravere de crime et sous reacuteserve des dispositions de larticle 213-5 du code peacutenal laction publique se prescrit par dix anneacutees reacutevolues agrave compter du jour ougrave le crime a eacuteteacute commis si dans cet intervalle il na eacuteteacute fait aucun acte dinstruction ou de poursuite raquo 7 J DANET S GRUNVALD M HERZOG-EVANS et Y LE GALL op cit J-J HYEST H PORTELLI et R YUNG Pour un droit de la prescription moderne et coheacuterent rapport dinformation ndeg 338 sur le reacutegime des prescriptions civiles et peacutenales JO Seacutenat 20 juin 2007 8 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 2778 en conclusion des travaux drsquoune mission drsquoinformation sur la prescription en matiegravere peacutenale accessible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rap-infoi2778asp

305

eacutequilibreacutee destineacutee agrave moderniser le droit de la prescription et reacutepondant agrave la fois agrave lrsquoexigence

de reacutepression et agrave lrsquoimpeacuteratif de seacutecuriteacute juridique aujourdrsquohui mis agrave mal raquo1 Parmi ces

mesures figure un doublement de la dureacutee des deacutelais de prescription en matiegravere criminelle et

deacutelictuelle2 Ainsi en matiegravere criminelle la prescription serait porteacutee agrave 20 ans au lieu de 10

ans et en matiegravere deacutelictuelle agrave 6 ans au lieu de 3 ans

817 Ces deacuteveloppements relatifs agrave la question du cas drsquoouverture de la reacutevision in

favorem et in defavorem renvoient naturellement agrave un questionnement sur la place de la

victime dans lrsquoune et lrsquoautre de ces proceacutedures

Section 2 La place de la victime dans la reacutevision

818 Une reacuteflexion sur la place de la victime au sein de la proceacutedure de reacutevision exige

de distinguer lrsquohypothegravese de la reacutevision in favorem de celle de la reacutevision in defavorem En

effet sa place doit ecirctre diffeacuterente selon qursquoil srsquoagit de la remise en cause drsquoune deacutecision

deacutefinitive de culpabiliteacute ou drsquoacquittement ou de relaxe Srsquoagissant de la reacutevision in

defavorem la victime doit ecirctre eacuteloigneacutee du deacuteroulement de la proceacutedure (sect 1) En revanche

pour ce qui est de la reacutevision in favorem la place de la victime devrait ecirctre renforceacutee par

rapport agrave la deacutecision de suspension de lrsquoexeacutecution de la peine (sect 2)

sect 1 Lrsquoeacuteloignement de la victime de la reacutevision in defavorem

819 Srsquoagissant des demandeurs il est neacutecessaire en matiegravere de reacutevision in defavorem

de bien deacutelimiter leur action pour ne pas deacutetourner la reacutevision de son objectif la restauration

de la paix sociale En effet un deacutefaut de reacutegulation des demandes de reacutevision in defavorem

deacuteboucherait sur un deacutesordre social et creacuteerait une veacuteritable instabiliteacute judiciaire Ainsi nous

ne restons pas sourds aux deacuteclarations de Madame LEBRANCHU qui a noteacute qursquo laquo ouvrir la

reacutevision aux deacutecisions drsquoacquittement conduirait les victimes et les parties civiles qui seraient

persuadeacutees de la culpabiliteacute drsquoune personne acquitteacutee agrave rechercher sans fin les preuves de

celle-ci 3raquo

1 httpwww2assemblee-nationalefr14commissions-permanentescommission-des-loismissions-d-informationprescription-en-matiere-penalea-la-uneexamen-du-rapport 2 MBABONNEAU Deux deacuteputeacutes proposent de doubler les deacutelais de prescription en matiegravere peacutenale Dalloz actualiteacutes 21 mai 2015 3 Assembleacutee Nationale compte rendu ndeg 43 mercredi 19 feacutevrier 2014 seacuteance de 10 h op cit

306

820 En matiegravere de reacutevision in defavorem la mise agrave lrsquoeacutecart de la victime dont la place

au sein du procegraves peacutenal est deacutejagrave confuse1 est neacutecessaire (A) Seule lrsquoaction du ministegravere

Public est souhaiteacutee (B)

A Une mise agrave lrsquoeacutecart neacutecessaire

821 Les atteintes agrave lrsquointeacutegriteacute physique psychique ou le preacutejudice peacutecuniaire subis par

la victime sont de nature agrave deacuteclencher un sentiment laquo compassion2 raquo pris en compte par le

droit Toutefois si la victime apparaicirct comme une laquo figure naturelle du procegraves peacutenal3 raquo sa

participation peut susciter des craintes4 Celles-ci deacutejagrave ressenties en amont du pourvoi en

reacutevision srsquoexpliquent par un risque drsquoalteacuteration des principes du droit peacutenal et par lrsquoexercice

de certaines pressions sur la politique leacutegislative5 laquo Symbolique est la passion nouvelle de ce

droit pour les victimes Passion leacutegitime sans doute mais non sans danger drsquoecirctre deacutenatureacutee et

transformeacutee en une accusation priveacutee Que deviennent lrsquoimpartialiteacute de la justice et le

ministegravere public qui srsquoefforcent de contenir comme une digue ce torrent impeacutetueux de

lrsquoindignation6 raquo Comme le rappelle Norbert ELIAS il convient de canaliser les passions car

lrsquoEtat pourrait se voir menacer par lrsquoapparition de la vengeance priveacutee7 Cette situation a

aussi eacuteteacute mise en eacutevidence par FAUSTIN HELIE qui deacuteclarait que laquo seule la peine venge

lrsquoinjure ou rassure la victime8 raquo

822 Crsquoest pourquoi mecircme si la victime est eacutetroitement lieacutee agrave lrsquoinfraction la reacuteponse

du droit peacutenal fait montre de prudence et affiche certaines reacuteserves juridiques quant agrave sa place

dans le procegraves peacutenal9 Sa preacutesence pourrait contribuer agrave deacutenaturer le procegraves peacutenal1 et le sens

de la peine2

1 E FORTIS Ambiguiumlteacutes de la place de la victime dans la proceacutedure peacutenale Archives de politique criminelle 12006 (ndeg 28) p 47 2 Expression emprunteacutee agrave P LAMAU La place de la victime dans le procegraves peacutenal Meacutemoire sous la direction drsquoYves Mayaud 2010 Universiteacute Pantheacuteon Assas p 17 3 Ibid 4 P RICOEUR Le juste op cit p 193 laquo Derriegravere la clameur de la victime se trouve une souffrance qui crie moins vengeance que reacutecit raquo 5 V LARGUIER Lrsquoaction publique menaceacutee D 1958 chronique VI S GUINCHARD Les moralisateurs au preacutetoire in Meacutelanges Foyer 1997 p 477 L PAREIN Victimes et procegraves peacutenal je taime moi non plus RSC 2009 p 468 6D SALAS laquo Jean Carbonnier le peacutedagogue enchanteur le leacutegislateur deacutesenchanteacute raquo in Hommage aux Professeurs Georges Levasseur et Jean Carbonnier Archives de politique criminelle 12003 (ndeg 25) p 3-8 speacutec p7 7 N ELIAS La civilisation des moeurs Paris Calmann-Leacutevy 1973 p 326 8 FAUSTIN HELIE op cit p 179 9 C BECCARIA Des deacutelits et des peines op cit paragraphe XX laquo Que le chacirctiment doit ecirctre ineacutevitable [hellip] le droit de punir nrsquoappartient agrave aucun citoyen en particulier il appartient aux lois qui sont lrsquoorgane de la volonteacute de tous Un citoyen offenseacute peut renoncer agrave sa portion de ce droit mais il nrsquoa aucun pouvoir sur les autres raquo

307

823 Le fait de confier lrsquoexercice de la reacutevision in defavorem aux victimes risquerait

drsquoorienter la justice peacutenale vers la deacutefense des inteacuterecircts priveacutes Or laquo pour la post moderniteacute

seul lrsquoEtat deacutetient le droit de punir en ce sens que seul lrsquoEtat est leacutegitimeacute agrave exercer ce droit

(hellip) La vengeance priveacutee est totalement exclue de chaque Etat de droit et de reacutegime

deacutemocratique Mais cette exclusiviteacute nrsquoimplique pas moins une obligation pour lrsquoEtat

moderne de ne pas laisser impunie toute infraction preacutevue et punie par le droit formel Ce

devoir de punir repreacutesente avant tout lrsquoobligation morale de lrsquoEtat de srsquoeacuteriger en arbitre

deacutesinteacuteresseacute et deacutepassionneacute pour rendre une justice impartiale et rassurer les citoyens dans

leur conviction que lrsquo Etat est en mesure de faire appliquer un droit eacutequitable et de faire

respecter les lois 3 raquo

824 En deacutefinitive bien qursquoil soit utile de deacutevelopper des mesures en faveur des

victimes celles-ci ne doivent pas deacuteboucher sur un deacutevoiement du procegraves peacutenal dont le centre

de graviteacute doit reposer sur le deacutelinquant et non sur la victime4

825 A ces remarques qui traduisent une position prudente par rapport agrave la place de la

victime dans le procegraves peacutenal srsquoajoute la question de sa deacutefinition En effet il est difficile de

trouver la reacuteponse dans les textes juridiques5 Sa deacutefinition se traduit par laquo une formidable

absence partout preacutesente 6raquo alors que paradoxalement srsquoopegravere une laquo interpeacuteneacutetration

1 V F ALT-MAES Lautonomie du droit peacutenal mythe ou reacutealiteacute daujourdhui ou de demain RSC 1987 p 347 E FORTIS op cit p 4 F CASORLA op cit p 639 F BOULAN Le double visage de lrsquoaction civile exerceacutee devant la juridiction reacutepressive JCP 1973 I p 2563 2 V J M CARBASSE Histoire du droit peacutenal et de la justice criminelle opcit ndeg134 J F CHASSAING Les trois codes franccedilais et leacutevolution des principes fondateurs du droit peacutenal contemporain RSC 1993 p 445 JM ROBERT La peine justifieacutee in Meacutelanges Patin Cujas 1965 p 567 D SALAS Preacutesence de la victime dans le procegraves et sens de la peine op cit p430 P CONTE La participation de la victime au processus peacutenal De leacutequilibre proceacutedural agrave la confusion des genres Article issu du colloque des 21 et 22 septembre 2007 de luniversiteacute dAix-Marseille La participation de la victime au processus peacutenal Rev Peacutenit ndeg3 p 524 ndeg7 M HERZOG-EVANS Les victimes et lexeacutecution des peines En finir avec le deacuteni et lideacuteologie AJ Peacutenal 2008 p 356 M ANCEL Chronique de deacutefense sociale La deacutefense sociale devant le problegraveme de la victime RSC 1978 p 179 D SALAS La volonteacute de punir Essai sur le populisme peacutenal Paris Hachette 2005 p 246 3 S TZITZIS Propos introductifs du devoir de punir au droit de punir Les anciens et les modernes in le renouveau de la sanction peacutenale eacutevolution ou reacutevolution 2010 p 1 4 P COUVRAT La protection des victimes drsquoinfractions essai drsquoun bilan RSC 1983 5 M MARZANO laquo qursquoest-ce qursquoune victime de la reacuteification au pardon raquo Arch Pol Crim 2006 ndeg 28 p 11-20 X PIN laquo les victimes drsquoinfractions deacutefinition et enjeux raquo Arch Pol Crim 2006 ndeg 28 p 49-72 6 A MARTINI La victime en Angleterre une formidable absence partout preacutesente in Geneviegraveve Giudicelli-Delage Christine Lazerges La place de la victime sur la scegravene peacutenale en Europe PUF Coll les voies du droit 2008 p47

308

croissante1 raquo du droit des victimes sur le droit peacutenal Il en ressort un manque de consensus

srsquoagissant de la deacutefinition du terme victime et du domaine de la victimologie2

826 Monsieur le Professeur CARIO estime que laquo doit ecirctre consideacutereacutee comme victime

toute personne en souffrance(s) De telles souffrances doivent ecirctre personnelles (que la

victimisation soit directe ou indirecte individuelle ou collective atteigne une personne

physique ou morale) reacuteelles (cest-agrave-dire se traduire par des blessures corporelles des

traumatismes psychiques ou psychologiques des dommages mateacuteriels etou sociaux aveacutereacutes)

socialement reconnues comme inacceptables (transgression dune valeur sociale essentielle

eacuteveacutenement catastrophique) et de nature agrave justifier une prise en charge des personnes

concerneacutees passant selon les cas par la nomination de lacte ou de leacuteveacutenement (par lautoriteacute

judiciaire administrative sanitaire ou civile) par des soins meacutedicaux un accompagnement

psychologique social etou une indemnisation raquo3

827 La passiviteacute de la victime par opposition au sujet actif qui est agrave lrsquoorigine du

dommage4 favorise un pheacutenomegravene de superposition des victimes5 voire de multiplication en

faisant apparaicirctre laquo la victime parmi les victimes 6raquo Cette situation deacutebouche sur la

multipliciteacute de leurs inteacuterecircts et lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de leurs attentes de nature agrave empecirccher une

reacuteponse uniforme du droit7 Crsquoest ainsi que derriegravere une victime personnellement atteint dans

son inteacutegriteacute physique mateacuterielle morale celle-ci consideacutereacutee comme la victime laquo reacuteelle

singuliegravere qui veut que sa souffrance soit prise en compte et qursquoelle obtienne reacuteparation8 raquo se

dissimulent aussi des victimes secondaires Celles-ci souvent organiseacutees sous la forme drsquoun

groupement associatif solliciteront une reacuteparation fondeacutee sur lrsquointeacuterecirct collectif qursquoelles

repreacutesentent9 Face agrave la multiplication de ce type de victimes Madame le Professeur

1 Expression emprunteacutee agrave C MARIE op cit p 99 2 R CARIO Victimes drsquoinfractions op cit ndeg 9 3 Ibid ndeg 11 4 X PIN Les victimes dinfractions deacutefinitions et enjeux op cit p 65 5 E FORTIS op cit p 47 6 Ibid 7 C MARIE La sanction peacutenale confronteacutee aux droits des victimes in Le renouveau de la sanction peacutenale eacutevolution ou reacutevolution op cit p 97 8 D SALAS Preacutesence de la victime dans le procegraves et sens de la peine AJ Peacutenal ndeg 12 deacutecembre 2004 p 430 9 A DECOCQ Lavenir funegravebre de laction publique in Lavenir du droit meacutelanges en hommage agrave Franccedilois Terreacute Paris Dalloz 1999 p 785 et s S GUINCHARD Laction de groupe en proceacutedure civile franccedilaise In Revue internationale de droit compareacute Vol 42 Ndeg2 Avril-juin Eacutetudes de droit contemporain p 603 agrave 605 J VOLFF La privatisation rampante de laction publique Proceacutedures janvier 2005 ndeg1 p7 S GUINCHARD Les moralisateurs au preacutetoire op cit p 477 M DELMAS-MARTY Ni victimes ni procureurs qui sont-ils Arch pol Crim 1988 p17

309

DELMAS-MARTY a perccedilu laquo sous le costume associatif toute une armeacutee de nouveaux

procureurs1 raquo de nature agrave deacuteseacutequilibrer le procegraves peacutenal2

828 Toutes ces difficulteacutes relatives au problegraveme de la deacutefinition de la victime

rejailliraient sur le pourvoi en reacutevision in defavorem3 En effet se poserait la question de la

deacutesignation des personnes ayant inteacuterecirct agrave agir victime au sens large partie civile ascendants

descendants associations

829 Il est eacutevident que lrsquointeacuterecirct de la victime auquel le leacutegislateur et la doctrine sont

particuliegraverement attentifs4 consiste agrave ce que lrsquoacquitteacute ou le relaxeacute formellement confondu

par de nouveaux eacuteleacutements5 puisse ecirctre rejugeacute Toutefois il nrsquoest pas souhaitable que la

victime puisse ecirctre lrsquoinitiatrice de lrsquoaction en reacutevision in defavorem et ce quelque soit ce son

inteacuterecirct agrave agir

830 En effet si la victime eacutetait le centre de graviteacute de ce type de reacutevision cela

pourrait ecirctre preacutejudiciable agrave la reconstruction du lien social De plus cette possibiliteacute

risquerait alimenter au regard de lrsquoambivalence de la victime un deacutesir de vengeance (effet

cathartique du procegraves peacutenal6)

831 Monsieur Le Professeur PRADEL considegravere pourtant qursquolaquo il faudrait admettre la

reacutevision in defavorem offerte agrave la victime ou au parquet La vraie justice est aussi bien cocircteacute

seacutecuriteacute que cocircteacute liberteacute7 raquo Dans le mecircme ordre drsquoideacutees Monsieur GIUGLARIS ajoute que laquo

lrsquoautoriteacute judiciaire a tout inteacuterecirct agrave reconnaicirctre ses erreurs Crsquoest le principe mecircme du

fonctionnement de la justice qui est au cœur de cette probleacutematique Nous sommes favorables

agrave ce que la victime ait toute sa place Nous consideacuterons que la victime doit pouvoir elle aussi

1 M DELMAS-MARTY op cit p17 2 X PIN La privatisation du procegraves peacutenal op cit p246 J GRANIER Quelques reacuteflexions sur lrsquoaction civile JCP 1957 I 1386 ndeg 95 3 A BLANC La question des victimes vue par un preacutesident drsquoassises AJ Peacutenal 2004 p432 4 V en ce sens INAVEM Dix ans dactions en faveur des victimes dinfractions peacutenales 10eme Assises nationales des services daide aux victimes Paris 16 et 17 juin 1994 INAVEM M-P DELIEgraveGE Actions et strateacutegies en faveur des victimes in Victimologie 1995-3 p 7-10 R ZAUBERMAN et P ROBERT Du cocircteacute des victimes Un autre regard sur la deacutelinquance 1995 Seacuterie Deacuteviance LHarmattan 5 M-J BOULAT La victime dans le procegraves AJ Peacutenal 2008 p 352 6 G GIUDICELLI-DELAGE C LAZERGES La place de la victime sur la scegravene peacutenale en Europe ndashlaquo Repreacutesentation de la souffrance sur la scegravene du droit eacutetatique raquo PUF Coll les voies du droit 2008 p 207 7 Commission des lois Audition de Monsieur le Professeur PRADEL op cit

310

saisir cette cour de reacutevision lorsque un doute seacuterieux et grave sur le bien-fondeacute de la deacutecision

drsquoacquittement en matiegravere criminelle est avanceacute 1raquo

832 Selon nous lrsquoexercice de la reacutevision in defavorem devrait plutocirct ecirctre confieacute au

seul parquet

B Un exercice confieacute exclusivement au Parquet

833 Seul lrsquoexercice de la reacutevision in defavorem confieacute au ministegravere public peut

garantir la paix sociale Dans son rapport sur le rocircle du ministegravere public dans le domaine

peacutenal Monsieur le Professeur TOMAN explique que le ministegravere public est chargeacute drsquo

laquoapporter le dynamisme et la clairvoyance neacutecessaires pour eacutelaborer des politiques criminelles

inteacutegrant aux coteacutes des impeacuteratifs de la reacutepression ceux de la preacutevention de la deacutefense des

victimes et de la paix sociale 2raquo

834 Crsquoest pourquoi Monsieur MARIN Procureur geacuteneacuteral pregraves la Cour de cassation

souhaite que le parquet puisse saisir la commission lorsque laquo apregraves un acquittement ou une

relaxe devenus deacutefinitifs des faits ou eacuteleacutements nouveaux apportent la preuve indubitable de la

culpabiliteacute de la personne ainsi acquitteacutee ou relaxeacutee3 raquo

835 Confier la reacutevision in defavorem exclusivement au parquet permet drsquoeacuteviter

drsquoignorer lrsquointeacuterecirct des victimes De surcroit ce choix en ne srsquoadressant pas exclusivement agrave

la victime permet lrsquoaccomplissement drsquoune laquo ambition plus prometteuse 4raquo agrave savoir le

reacutetablissement de la paix sociale Cette solution a eacutegalement lrsquointeacuterecirct de preacutesenter deux

avantages pratiques eacutevidents Premiegraverement elle eacutecarte le danger drsquoune multiplication des

requecirctes Deuxiegravemement elle eacutevacue le risque de deacutenaturation du procegraves peacutenal en reacuteaffirmant

le rocircle de lrsquoEtat seul titulaire du droit de punir5

1 Commission des lois Audition de Monsieur A GIUGLARIS 31 octobre 2013 accessible sur httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-mission 2 Rapport preacutesenteacute par J TOMAN Rocircle du ministegravere public dans le domaine peacutenal p181 In Le rocircle du ministegravere public dans une socieacuteteacute deacutemocratique Deacutemo-droit Theacutemis Edition du conseil de lrsquoEurope Rapport preacutesenteacute par J TOMAN Rocircle du ministegravere public dans le domaine peacutenal p 181 Crsquoest nous qui soulignons 3 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Monsieur J-C MARIN p 125 4 R CARIO La justice restaurative vers un nouveau modegravele de justice peacutenale op cit p 373 M ANCEL la deacutefense sociale nouvelle devant le problegraveme de la victime op cit p 179 5 JM CARBASSE Histoire du droit peacutenal et de la justice criminelle op cit ndeg104 S GUINCHARD et J BUISSON Proceacutedure peacutenale op cit ndeg1325

311

836 A lrsquoinverse pour ce qui est de la reacutevision in favorem la place de la victime

devrait ecirctre renforceacutee par rapport agrave son actuel eacuteloignement au moment de la prise de deacutecision

de suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation

sect 2 Le renforcement de la place de la victime dans la reacutevision

in favorem

837 La loi maintient la possibiliteacute de suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnation agrave

partir du moment ougrave la requecircte se trouve entre les mains de la commission drsquoinstruction Cette

deacutecision incombe agrave la chambre criminelle qui prend sa deacutecision seule en dehors de toute

intervention de la victime Monsieur le Professeur PRADEL estime pourtant que laquo la partie

civile voire la victime devrait ecirctre consulteacutee sur lrsquoopportuniteacute drsquoune remise en liberteacute1 raquo

838 En raison de lrsquoeacutevolution du sens de la peine il semble effectivement neacutecessaire

drsquoassocier la victime agrave la deacutecision de suspendre lrsquoexeacutecution de la peine Toutefois seule

devrait ecirctre concerneacutee la partie civile Non deacutefinie par la loi il srsquoagit de laquo la personne qui se

preacutetend victime dune infraction peacutenale lorsquelle entend agrave ce titre ecirctre preacutesente au procegraves

peacutenal raquo2 La victime dune infraction nest donc pas spontaneacutement consideacutereacutee comme une

partie civile Lrsquoassociation de la partie civile agrave la deacutecision de suspension drsquoexeacutecution de la

peine est amplement justifieacutee (A) Sa preacutesence au stade de la reacutevision se situerait dans le

prolongement de son implication au niveau de lrsquoexeacutecution des peines (B)

A Lrsquoassociation de la partie civile agrave la deacutecision de suspension

drsquoexeacutecution de la peine

839 Lrsquohostiliteacute que suscite la prise en compte de la partie civile au stade de la

suspension de lrsquoexeacutecution de la peine srsquoexprime agrave travers les eacutecrits de Madame ROSANO

laquo La partie civile nrsquoest plus au stade de la reacutevision une partie au procegraves Outre la

condamnation qui constitue pour elle une forme de reacuteparation elle a eacuteteacute civilement

indemniseacutee et est souvent subrogeacutee par le fonds de garantie Elle est donc devenue en droit

un tiers au procegraves et non plus une partie Qursquoelle soit informeacutee de lrsquoexistence drsquoun recours est

leacutegitime mais sans participation drsquoaucune sorte jusqursquoagrave lrsquoannulation eacuteventuelle de la

condamnation et la saisine de la nouvelle juridiction de jugement devant laquelle elle

1 Commission des lois Audition de Monsieur le Professeur PRADEL op cit 2 P BONFILS laquo Partie civile raquo Reacutep Peacuten Dalloz 2014 ndeg1

312

redevient une partie De la mecircme faccedilon la consulter sur une demande de remise en liberteacute

apparait sur le principe eacutequitable mais constitue une ineptie Comment admettre drsquoune

personne persuadeacutee de la culpabiliteacute du condamneacute sur la base drsquoune veacuteriteacute judiciaire qursquoelle

accepte le principe drsquoune remise en cause de cette culpabiliteacute et donne son accord agrave une

remise en liberteacute du condamneacute La victimisation de notre socieacuteteacute ne doit pas faire obstacle

aux droits du requeacuterants et agrave celui fondamental de la liberteacute degraves lors qursquoil preacutesente les

garanties suffisantes La participation de la victime est satisfaisante du point de vue de la

morale mais elle est contraire aux principes geacuteneacuteraux du droit lesquels doivent seul

preacutevaloir1 raquo

840 Cette vision des choses est contestable En proceacutedure laquo partie raquo est le nom donneacute

agrave lune et agrave lautre des personnes engageacutees dans un procegraves2 Crsquoest ainsi que Monsieur le

Professeur BONFILS a rappeleacute que laquo la partie civile est comme son nom lindique une partie

agrave la proceacutedure3 raquo Toutefois la loi du 12 deacutecembre 20054 introduisant la consultation de la

victime au niveau de la phase post sentenciam du procegraves peacutenal a permis agrave la Cour de cassation

de preacuteciser qursquo laquo aucune disposition ne confegravere agrave la partie civile la qualiteacute de partie au procegraves

en application de la peine raquo5 Ainsi la partie civile se voit deacutenier devant le juge de

lrsquoapplication des peines la qualiteacute de partie lui barrant ainsi la route drsquoun recours Il nrsquoen

demeure pas moins vrai que la partie civile beacuteneacuteficie de certains droits notamment celui de

lrsquoinformation dont le principe est rappeleacute solennellement agrave lrsquoarticle preacuteliminaire du Code de

proceacutedure peacutenale laquo -Lautoriteacute judiciaire veille agrave linformation et agrave la garantie des droits des

victimes au cours de toute proceacutedure peacutenale raquo

841 La loi du 10 aoucirct 20116 preacutecise que la victime ou la partie civile peut preacutesenter

des observations eacutecrites agrave la juridiction de lrsquoapplication des peines7 Srsquoagissant de lrsquoexeacutecution

des peines la victime nest donc plus une simple deacutetentrice passive de droits Elle a acceacutedeacute au

1 Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 1598 op cit Contribution de Madame V ROSANO p 273 2 P BONFILS op cit ndeg 1 3 Ibid 4 Loi ndeg 2005-1549 du 12 deacutecembre 2005 relative au traitement de la reacutecidive des infractions peacutenales 5 Cass crim 15 mars 2006 AJ Peacutenal 2006 267 obs M HERZOG-EVANS D 2006 IR p 1250 RPDP 2006 855 obs P MAISTRE DU CHAMBON Pour une critique de cette orientation V S MAITRE Plaidoyer pour la participation de la victime dans la proceacutedure drsquoapplication des peines Institut pour la justice ndeg 13 feacutevrier 2011 eacutetudes et analyses p 4 laquo La victime devrait beacuteneacuteficier du statut de partie agrave part entiegravere devant toutes les juridictions drsquoapplication des peines et pour toutes les mesures drsquoameacutenagement de peine impliquant concregravetement une remise en liberteacute du condamneacute avec les mecircmes attributions que les autres parties et les mecircmes voies de recours raquo 6 Loi ndeg 2011-939 du 10 aoucirct 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice peacutenale et le jugement des mineurs 7 V article 726-16-1 du CPP

313

statut drsquoactrice agrave part entiegravere ou du moins agrave celui de deacutetentrice active de preacuterogatives en

jouant un rocircle de consultant au niveau de la phase post sententiam

842 Cette eacutevolution leacutegislative devrait pouvoir confeacuterer les mecircmes droits agrave la partie

civile par rapport agrave la question de la suspension de lrsquoexeacutecution de la peine en matiegravere de

reacutevision Les raisons qui nous incitent agrave exclure la victime de la possibiliteacute drsquoactionner une

reacutevision in defavorem se fondaient essentiellement sur son eacuteventuel deacutesir de vengeance Or

de telles consideacuterations peuvent ecirctre surmonteacutees concernant la deacutecision de suspension de

lrsquoexeacutecution de la peine En effet si le juge estime que les arguments de la partie civile sont

infondeacutes ou exclusivement motiveacutes par un sentiment de vengeance ils seront tout simplement

ignoreacutes Il srsquoagit lagrave de lrsquointeacuterecirct mecircme du deacutebat contradictoire dont la finaliteacute est drsquoeacuteclairer le

juge au moyen de la fourniture drsquoun maximum drsquoeacuteleacutement drsquoappreacuteciation Comme lrsquoa observeacute

le Professeur HERZOG-EVANS laquo il ne faut pas craindre de renforcer le contradictoire raquo1

843 Le droit agrave la participation de la victime au niveau de la phase post sentenciam est

la conseacutequence drsquoun remodelage du sens de la peine transformation que la reacutevision ne devrait

plus ignorer

B Le parallegravele avec lrsquoexeacutecution des peines

844 laquo Si associer victime et sanction peacutenale peut paraitre curieux dans la mesure ougrave il

nrsquoexiste aucun lien direct entre les deux (hellip) on sait depuis longtemps que la ceacutesure nrsquoest pas

aussi trancheacutee 2raquo Lrsquoautorisation accordeacutee agrave la victime de formuler des observations relatives

agrave la suspension de lrsquoexeacutecution de la peine srsquoinscrit dans la continuiteacute du processus de

transformation du sens de la peine entameacute depuis les anneacutees 19703 Traditionnellement le

poids de la peine eacutetait un fardeau imposeacute agrave lrsquoauteur en reacuteponse agrave la commission drsquoune

infraction Crsquoest la fonction reacutetributive de la peine Toutefois la victime ayant pris une place

de plus en plus importante dans le procegraves peacutenal elle serait devenue une figure sous-jacente du

droit de punir Degraves lors la logique punitive qui gouverne laction eacutetatique entretient des points

de rapprochement voire peut se confondre avec celle de la victime candidate agrave une

reacuteparation4 Lrsquoallongement des deacutelais de prescription illustre cette eacutevolution5

1 M HERZOG EVANS Reacutecidive quelles reacuteponses judiciaires AJ Peacutenal ndeg 9 2005 p 313 2 C MARIE op cit p 97 3 K LEE Le sens de la personnalisation de la peine R crim et pol techn 1999 p 288 4 G ROYER La victime et la peine D 2007 p 1745 5 Monsieur le Professeur SEUVIC parle drsquoun laquo courant anti-prescription raquo V J-F SEUVIC Prescription de plus en plus souvent retardeacutee RSC 1996 p 407 dans le mecircme sens V J LELIEUR Nouvelle avanceacutee

314

845 Monsieur Jean DANET selon qui le centre de graviteacute du procegraves peacutenal se deacuteplace

de lrsquoauteur vers la victime1 deacutenonce un glissement du sens de la peine Celui-ci peut conduire

agrave juger un agent en fonction des attentes de la victime et non plus par rapport agrave sa

personnaliteacute Lrsquoinstauration drsquoun juge deacuteleacutegueacute aux victimes chargeacute de laquo veiller dans le

respect de lrsquoeacutequilibre des droits des parties agrave la prise en compte des droits reconnus par la loi

aux victime 2raquo reflegraveterait la privatisation du sens de la peine

846 En deacutepit de ces critiques le leacutegislateur ne devrait pas selon nous srsquooffusquer de

lrsquoincursion de la partie civile dans la suspension de lrsquoexeacutecution de la peine en matiegravere de

reacutevision comme crsquoest deacutejagrave le cas pour lrsquoexeacutecution des peines laquo A notre sens de telles peurs

qui se nourrissent du fantasme souvent non dit de linfluence du juge par la partie civile dans

le sens dun rejet systeacutematique des ameacutenagements de peine sont totalement infondeacutees Cette

discipline natteindra la maturiteacute que lorsquelle saura faire une place agrave chaque inteacuteresseacute agrave la

juste mesure et dans les limites de ses inteacuterecircts et lorsquil sera compris que le juge judiciaire

qui se prononce est dans cette matiegravere comme dans dautres un arbitre formeacute et rodeacute agrave

trancher entre des points de vue (partie civile parquet condamneacute) et des impeacuteratifs (inteacuterecirct de

la socieacuteteacute risque de reacutecidive tranquilliteacute et seacutecuriteacute publiques resocialisation mais aussi

inteacuterecirct des enfants voire pour le retrait des creacutedits de reacuteduction de peine ordre et seacutecuriteacute au

sein de leacutetablissement peacutenitentiaire) opposeacutes3raquo

847 Crsquoest pourquoi notre position se rapproche de celle des rapporteurs de la mission

drsquoinformation sur la reacutevision des condamnations peacutenales qui laquo estiment que la partie civile

devrait eacutegalement intervenir dans le cadre de lrsquoexamen drsquoune demande de suspension de

peine de la mecircme faccedilon qursquoelle intervient aujourdrsquohui au stade de lrsquoexeacutecution de la peine

Elle devrait ainsi pouvoir deacuteposer des observations eacutecrites ou orales aupregraves de la commission

drsquoinstruction ou de la Cour de reacutevision et de reacuteexamen en reacuteponse agrave une demande de

suspension de peine eacutemanant du requeacuterant4 raquo

jurisprudentielle en matiegravere de prescription des infractions occultes AJ Peacutenal 2008 p 319 J LELIEUR La prescription des infractions de corruption D 2008 p 1076 1 J DANET Deacutefendre Pour une deacutefense peacutenale critique Dalloz coll Eacutetat de droits 2e eacuted 2004 p 270 D SALAS La preacutesence de la victime dans le procegraves et sens de la peine AJ peacutenal 2004 p 430 2 Deacutecret ndeg 2007-1605 du 13 novembre 2007 instituant le juge deacuteleacutegueacute aux victimes 33 M HERZOG EVANS La partie civile ne peut exercer de recours contre un ameacutenagement de peine ndash Cour de cassation crim 15 mars 2006 AJ peacutenal 2006 p 267 4 Rapport drsquoinformation op cit

315

Conclusion du chapitre 2

848 Dans ce dernier chapitre le contenu de la loi de 2014 a eacuteteacute redessineacute sous lrsquoangle

drsquoun rapprochement entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision

849 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee deacutelivreacutee du carcan qui la rattache agrave la regravegle ne bis in

idem et recentreacutee sur ses fonctions veacuteritables aurait eacuteteacute lrsquoartisan drsquoun meilleur traitement du

cas drsquoouverture Un repli sur la conception originelle de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee aurait eu

pour conseacutequence drsquoune part srsquoagissant de la reacutevision in favorem de faire disparaicirctre toute

reacutefeacuterence agrave la probleacutematique notion de doute Drsquoautre part il aurait naturellement favoriseacute la

reconnaissance de la reacutevision in defavorem indispensable agrave la preacuteservation de la paix sociale

850 Ces eacutevolutions conduiraient agrave une nouvelle perception de la place de la victime

dans la reacutevision

316

Conclusion du titre 2

851 La loi de 2014 nrsquoa pas reacutegleacute toutes les difficulteacutes recenseacutees dans la loi de 1989 ni

celles inheacuterentes aux modaliteacutes drsquoapplication de celle-ci Malgreacute de reacuteelles avanceacutees le texte

accuse un retard par rapport aux souhaits exprimeacutes par les rapporteurs En effet il existe

toujours des zones drsquoombre qui contribuent agrave lrsquoaffaiblissement de lrsquoefficaciteacute de la reacuteforme

tant drsquoun point de vue structurel que conjoncturel

852 En 2014 le leacutegislateur aurait ducirc libeacuterer la reacutevision du fardeau de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee Ce deacutelestage aurait entraineacute une libeacuteralisation du cas drsquoouverture agrave reacutevision in

favorem Il aurait eacutegalement permis agrave la reacutevision in defavorem de se produire sur la scegravene

juridique agrave lrsquoimage de nombreuses leacutegislations eacutetrangegraveres

317

Conclusion de la partie 2

853 Aujourdrsquohui un questionnement sur la proceacutedure de reacutevision ne peut se limiter agrave

une analyse du droit positif En effet ce droit contenu dans le dispositif de la loi du 20 juin

2014 est trop reacutecent pour que lrsquoon puisse en tirer des conclusions concernant son application1

De plus cette reacuteforme a eacuteteacute inspireacutee par la volonteacute drsquoameacuteliorer sensiblement la loi de 1989 qui

encadrait la reacutevision dans des regravegles trop restrictives

854 Crsquoest pourquoi une bonne appreacuteciation du droit positif implique une mise en

perspective de la reacuteforme dans le but de deacuteterminer si les griefs nourris agrave lrsquoencontre de la loi

de 1989 ont reacuteellement disparu Cette partie a mis en exergue la persistance de certains

troubles Cette reacuteforme constitue une reacuteelle avanceacutee dans le sens ougrave le leacutegislateur a enfin

modifieacute un texte qui depuis 25 ans cultivait une pratique tregraves restrictive de la reacutevision

hypotheacutequeacutee drsquoun tregraves faible taux de succegraves Le leacutegislateur fait ainsi la deacutemonstration de sa

volonteacute drsquoassocier la seacutecurisation de la proceacutedure peacutenale agrave une reacuteforme de la reacutevision afin de

reacuteduire le nombre des erreurs judiciaires A cette occasion il srsquoest attaqueacute agrave la reacutevision en

remodelant sa structure dans lrsquoespoir de faciliter son accessibiliteacute

855 Cependant sa porteacutee doit ecirctre relativiseacutee car lrsquoaction du leacutegislateur nrsquoa pas eacuteteacute

compleacuteteacutee par une redeacutefinition des relations entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevision Or cette refonte est indispensable agrave la preacuteservation de la paix sociale et au respect

des fonctions originelles de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee qui ont eacuteteacute deacuteformeacutees par le

rattachement artificiel de celle-ci agrave la regravegle ne bis in idem

856 En maintenant la reacutevision dans une situation conflictuelle avec lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee le leacutegislateur a consideacuterablement affaibli lrsquoefficaciteacute de sa reacuteforme et a multiplieacute

les difficulteacutes drsquoapplication qui ne manqueront pas de se poser Crsquoest ainsi que la

configuration de 1989 pourrait se reproduire malgreacute les modifications contenues dans la

nouvelle loi

857 Ce questionnement ayant eacuteteacute eacuteludeacute le nouveau droit de la reacutevision ne reacuteussit pas

agrave satisfaire pleinement nos attentes

1 J MUCCIELLI La nouvelle proceacutedure de reacutevision des condamnations est entreacutee en vigueur Dalloz actualiteacutes 24 juin 2014

318

CONCLUSION GENERALE

858 La reacutevision permet la remise en cause drsquoune condamnation deacutefinitive dans

lrsquohypothegravese drsquoune erreur de fait commise par une juridiction de jugement Aussi cette

proceacutedure doit-elle cohabiter avec lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee avec laquelle elle entretient des

liens eacutetroits En effet crsquoest bien cette autoriteacute qui se trouve agrave lrsquoorigine de la mise en place

drsquoune proceacutedure susceptible de reacuteviser une deacutecision peacutenale deacutefinitive

859 Le leacutegislateur et les juges sont donc confronteacutes agrave une difficulteacute qui consiste agrave

devoir trouver le bon eacutequilibre entre le respect ducirc agrave la chose jugeacutee et lrsquoexigence de justice lieacutee

agrave la reacuteparation des erreurs de fait commises par les juridictions reacutepressives Crsquoest pour cette

raison qursquoil nous a fallu neacutecessairement identifier la nature exacte des liens que cette

proceacutedure entretient avec lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

860 Dans le domaine de la photographie le choix du point de vue deacutetermine la qualiteacute

du clicheacute et la profondeur de lrsquoimage reproduite Par exemple le sujet repreacutesenteacute par une carte

postale met en valeur certains eacuteleacutements cibleacutes qui bien cadreacutes srsquointegravegrent dans un

environnement choisi A lrsquoinverse un clicheacute panoramique srsquoeffectue au moyen drsquoun objectif

grand angle afin drsquoimmortaliser une vue drsquoensemble du paysage Le rendu de lrsquoimage sera

diffeacuterent selon lrsquoangle de la prise de vue

861 Il en est de mecircme srsquoagissant des liens qui unissent le pourvoi en reacutevision agrave

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacute Lrsquoaccessibiliteacute de la reacutevision deacutepend de la qualiteacute du clicheacute que le

leacutegislateur et les juges reacutealisent

862 Le premier angle drsquoappreacuteciation de ces liens se focalise sur le fait que lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacutee et le pourvoi en reacutevision paraissent poursuivre respectivement des objectifs

contradictoires Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee a pour vocation de mettre un terme deacutefinitif au

procegraves alors que le pourvoi en reacutevision favorise quant agrave lui sa renaissance Toutefois cette

approche qui repose sur lrsquoexistence drsquoune antinomie entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le

pourvoi en reacutevision a pour origine des justifications doctrinales de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

que nous ne partageons pas Dans cette optique le leacutegislateur est tenteacute de percevoir la

reacutevision comme un facteur de deacutesacralisation de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et donc drsquoadopter

une vision plutocirct restrictive de cette proceacutedure

319

863 Un autre point de vue peut ecirctre deacutefendu en reacutefeacuterence aux travaux de Madame

Juliette LELIEUR qui mettent lrsquoaccent sur une deacuteformation des fonctions de lrsquoautoriteacute de la

chose jugeacutee reacutealiseacutee pour pouvoir lui rattacher artificiellement la regravegle ne bis in idem En

resituant agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee sa veacuteritable fonction un pont peut ecirctre jeteacute entre

lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision En effet toutes deux poursuivent le mecircme objectif

qui est la preacuteservation de la paix sociale Bien que celle-ci exige la proclamation du caractegravere

deacutefinitif des deacutecisions elle requiert parallegravelement la possibiliteacute de pouvoir srsquoen affranchir en

cas drsquoerreur de fait

864 Entre ces deux prises de vue diffeacuterentes de la reacutevision quelle est celle choisie par

le leacutegislateur et les juges

865 Anteacuterieurement agrave la loi ndeg 2014-640 du 20 juin 2014 la logique oppositionnelle

entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee preacutevalait Une pratique plutocirct

restrictive et fermeacutee de la reacutevision avait triompheacute au deacutetriment de lrsquoeacuteclosion des aspects

libeacuteraux contenus dans la loi ndeg 89-431 du 23 juin 1989 Lrsquoexpeacuterience de 1989 montre qursquoune

seule approche textuelle ne peut suffire agrave lrsquoeacutepanouissement du droit de la reacutevision Toute

deacutemarche de cet ordre doit aussi srsquoaccompagner drsquoune eacutevolution intellectuelle concentreacutee sur

les relations que lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee entretient avec la reacutevision Nous espeacuterions donc

que la reacuteforme de 2014 franchisse ce pas

866 Malheureusement ce deacutefi nrsquoa pas eacuteteacute entiegraverement releveacute Drsquoun cocircteacute le leacutegislateur

de 2014 srsquoest atteleacute agrave fournir des reacuteponses agrave certains problegravemes drsquoordre structurel et

conjoncturel de la loi de 1989 gages pour certaines drsquoentre elles drsquoun veacuteritable progregraves De

lrsquoautre cocircteacute il ne semble pas vouloir se libeacuterer de la logique oppositionnelle entre lrsquoautoriteacute de

la chose jugeacutee et la reacutevision

867 Une nouvelle prospective de leurs relations constituerait un facteur de

modernisation de la reacutevision Srsquoagissant de la reacutevision in favorem un retour vers la

conception originelle de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee se traduirait par lrsquoabandon de la notion de

doute source de nombreuses difficulteacutes pratiques Pour ce qui est de la reacutevision in defavorem

ce retour favoriserait sa reconnaissance par le droit En effet il srsquoagit drsquoun outil indispensable

agrave la preacuteservation de la paix sociale La fonction veacuteritable de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee eacutetant

de preacuteserver le creacutedit du juge la reconnaissance de la reacutevision in defavorem ne devrait pas

offenser le principe de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee Une telle conseacutecration contribuerait au

320

contraire agrave renforcer lrsquoimage du creacutedit de la justice fonction veacuteritable de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacutee

868 Aussi les enseignements du doyen CARBONNIER sont-ils preacutemonitoires en

matiegravere de reacutevision car laquo (hellip) le futur trainera longtemps des paillettes du passeacute Crsquoest vrai en

geacuteneacuteral mais davantage encore quand le droit est en cause Car si le droit ce peut ecirctre la

promulgation drsquoun texte donc une date qui marque une franche coupure ce sont aussi des

applications qui srsquoeacutetirent dans le temps des coutumes qui se perpeacutetuent par drsquoimperceptibles

reacutepeacutetitions1raquo

869 La difficulteacute de lrsquoimportant deacutefi que repreacutesente le changement de paradigme par

rapport aux relations entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevision ne nous eacutechappe pas En

effet cette eacutevolution est tributaire de la libeacuteration de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee telle qursquoelle

est preacuteconiseacutee par Madame Juliette LELIEUR et de la reacuteorganisation de la proceacutedure peacutenale agrave

lrsquoaune du principe drsquouniciteacute drsquoaction reacutepressive Ensuite dans lrsquohypothegravese de cette premiegravere

victoire drsquoeacutetape il faudra encore surmonter drsquoautres obstacles de parcours tel lrsquohostiliteacute que

drsquoaucuns nourrissent agrave lrsquoeacutegard de la reacutevision in defavorem perccedilue comme un facteur

perturbateur de notre culture juridique

870 Cette course apparaicirct donc comme une eacutepreuve drsquoendurance qui un jour sera

peut ecirctre couronneacutee de succegraves Neacutee de laquo procedere raquo aller de lrsquoavant la proceacutedure peacutenale

devrait pouvoir se projeter vers lrsquoavenir et assumer sa mutation Cette eacutetude aux modestes

preacutetentions devrait toutefois permettre de rallier le lecteur agrave la cause de la neacutecessiteacute

drsquoaccompagner une reacuteforme de la reacutevision avec une profonde reacuteflexion sur les liens que cette

proceacutedure entretient avec lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

1 J CARBONNIER op cit p 1

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345

IV Reacutepertoires et commentaires

AGOSTINI F laquo Compeacutetence raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2015

ANGEVIN H laquo Demandes en reacutevision raquo Jurisclasseur Proceacutedure peacutenale Art 622 ndash 626-1 Fasc 20 2015

P BERCHON laquo Reacutegime de la reacuteparation ndash action en reacuteparation Action en reacutevision ndash recours en reacutevision raquo Jurisclasseur Civil Code Art 1382 agrave 1386 Fasc 225-10 2010

BONFILS Ph laquo Reacuteexamen drsquoune deacutecision peacutenale (suite au prononce drsquoun arrecirct de la CEDH) raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2014

BONNAL N laquo Juge drsquoinstruction raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2014

BORE J et BORE L laquo Cassation (pourvoi en) raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2015

CARON D laquo Action publique Extinction Autoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le peacutenal raquo Jurisclasseur Proceacutedure peacutenale Art 6 Fasc 20 2003

CEDRAS J laquo Action publique Extinction Autoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le peacutenal raquo Jurisclasseur Proceacutedure peacutenale Art 6 Fasc 2 1995

COLSON R laquo Recours en reacutevision raquo Reacutepertoire de proceacutedure civile Dalloz 2013

COSTE F-L laquo Chambre de lrsquoinstruction raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2013

DANET J laquo Chose jugeacutee (autoriteacute de) raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2013

DAURES E laquo Reacutevision raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2015

DE BOUILLANE DE LACOSTE O laquo Pourvoi en cassation ndash pourvoi dans lrsquointeacuterecirct de la loi raquo Jurisclasseur Proceacutedure peacutenale Art 620-621 Fasc 10 2008

GASSIN R laquo Autoriteacute de la chose jugeacutee raquo in Dictionnaire des sciences criminelles dir G Lopez et S Tzitzis Paris Dalloz 2007 p 96

GIRAULT C laquo Acquittement raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2013

HERZOG-EVANS M laquo Reacutehabilitation raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2008

PY B laquo Amnistie raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2012

346

RENAUT M-H laquo Gracircce raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2013

TILLET E laquo Histoire des doctrines peacutenales raquo Reacutepertoire de droit peacutenal et de proceacutedure peacutenale Dalloz 2010

V Observations et notes de jurisprudence

BABONNEAU M laquo Christian Iacono obtient la reacutevision de sa condamnation pour viol raquo note sous cass crim 18 feacutevrier 2014 ndeg 13-82286 Dalloz actualiteacutes 19 feacutevrier 2014

BALLOT-BEAUPRE obs sous Cass ch reacuteunies 3 juin 1899 Dr peacutenal 1900 1 p 180

BOMBLED M laquo Rejet drsquoune requecircte en reacutevision controverseacutee raquo note sous cass crim ndeg 10-85247 Dalloz actualiteacutes 13 avril 2011

BORGHETTI J-S laquo Vaccination contre lrsquoheacutepatite B et scleacuterose en plaques incertitudes scientifiques et divergences de jurisprudence raquo note sous cass 1erciv 25 novembre 2010 ndeg 09-16556 JCP G 2011 ndeg4 p 79

BOULOC B obs sous cass crim 31 janv 1996 ndeg 95-80330 95-80385 95-80391 et 95-80446 RSC 1996 p 847

BOYER A obs sous cass Crim 30 avr 1969 JCP 1970 II p 16448

BRAUNSCHWEIG obs sous Cass crim 5 nov 1987 RSC 1988 p 550

CARON D et MENOTTI S obs sous cass crim 22 mai 2009 ndeg 06-80525 et ndeg 07-83761 D 2008 AJ 1768 p 1719

CHAVENT-LECLERE A-S laquo Conception stricte du fait nouveau de nature agrave faire naicirctre un doute sur la culpabiliteacute raquo note sous Cour de reacutevision et de reacuteexamen des condamnations peacutenales commission drsquoinstruction 16 mars 2015 ndeg 13 REV037

DANET J laquo De la rumeur agrave la reacutevision ou les leccedilons de lrsquoerreur raquo note sous cass crim 15 mai 2013 ndeg 12-84818 RSC 2013 p 601

DECOQ note sous CA Paris 29 avril 1997 Gaz Pal 15-17 feacutevr 1998 p 8

DARSONVILLE A laquo Droit agrave reacutevision notion de fait nouveau raquo note sous cass crim 22 mai 2008 ndeg 06-80525 et ndeg 07-83761 Dalloz actualiteacutes 18 juin 2008

DEFFERAND note sous cass crim 3 avr 2001 no 99-84584 D 2001 p 2227

347

DREYER E note sous CEDH 13 janvier 2009 Dr peacutenal 2009 Chron 4

C FONTEIX laquo Conduite apregraves usage de stupeacutefiants appreacuteciation de la reacutegulariteacute de lrsquoanalyse sanguine raquo note sous cass crim 14 octobre 2014 ndeg 13-87094 et ndeg 13-381390 Dalloz actualiteacutes 5 novembre 2014

GIRAULT C laquo Acquittement en appel de lrsquoauteur principal et reacutevision de la condamnation du complice raquo note sous cass crim 24 mai 2006 AJ Peacutenal 2006 p 316

GIRAULT C laquo Lrsquoerreur administrative nrsquoest pas une cause de reacutevision raquo note sous casscrim 18 feacutevrier 2009 ndeg 08-86953 Dalloz actualiteacutes 19 mars 2009

GIRAULT C obs sous cass crim 13 avr 2010 ndeg 10-80196 AJP 2010 p 349

HAMELIN note sous cass crim 31 mai 1949 D 1949 p 342

HUGUENEY note sous Cass crim 25 mars 1954 D 1955 p 318

HUGUENEY note sous cass crim 11 feacutevr 1954 D 1954 p 507

JEANDIDIER W note sous Comm reacutevision 16 novembre 1998 JCP G 26 ndash 30 juin 1999 II 10118 p 1245

LEBLOIS-HAPPE J laquo Le libre choix de la peine par le juge un principe deacutefendu bec et ongles par la chambre criminelle (agrave propos de lrsquoarrecirct rendu le 4 avril 2002) raquo Dr peacutenal 2003 chron 11

LEacuteGAL A note sous cass crim 30 janv 1937 S 1939 1 p 193

LENA M laquo Doutes sur les causes de la mort et reacutevision drsquoune condamnation peacutenale raquo note sous cass crim 23 octobre 2013 ndeg 12-86325 Dalloz actualiteacutes 12 novembre 2013

LENA M laquo Correctionnalisation judiciaire quand lrsquoauteur revendique le caractegravere judiciaire de lrsquohomicide raquo obs sous cass crim 24 mars 2009 ndeg 08-84-840 Dalloz actualiteacutes 22 avril 2009

MAISTRE DU CHAMBON P laquo Lhostiliteacute de la Cour de cassation agrave leacutegard de la prescription de laction publique raquo note sous cass crim 20 feacutevr 2002 JCP 2002 II p 10075

MARON A laquo Si crsquoest ton fregravere ce nrsquoest donc toi raquo comm sous cass crim statuant comme Cour de reacutevision 14 mai 2002 ndeg A 01-83862 Dr peacutenal 2002 ndeg 10 comm 117

PATIN obs sous Cass crim 30 mars 1949 RSC 1950 p 214

PERROT obs sous Cass civ 2e 8 juill 2004 RTD civ 2004 p 775

PORTOLANO D et BOULAN F laquo Drsquoune nouvelle alteacuteration de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee au peacutenal sur le civil la conseacutecration de la preacutevalence de lrsquoarticle 618 du code de proceacutedure civile en cas de contrarieacuteteacute de deacutecisions civiles et peacutenales ndashagrave propos de lrsquoarrecirct chambre mixte du 11 deacutecembre 2009 raquo Dr peacutenal ndeg 5 mai 2010 eacutetude 10

348

PRADEL J obs sous cass crim 3 mai 1994 no 93-85663 D 1995 Somm 144

PRIOU-ALIBERT L laquo Reacutevision annulation a minima des arrecircts de condamnation contesteacutes raquo note sous cass crim 13 avril 2010 ndeg 10-80196 Dalloz actualiteacutes 21 avril 2010

PRIOU- ALIBERT L laquo La relaxe nrsquoest pas un fait nouveau pour le complice raquo note sous cass crim 29 juin 2011 ndeg 10-88322 Dalloz actualiteacutes 22 juillet 2011

PRIOU-ALIBERT L laquo Reacutevision vers un nouvel acquittement raquo note sous cass crim 15 mai 2013 ndeg 12-84818 Dalloz actualiteacutes 23 mai 2013

PRONIER J laquo La proceacutedure de reacutevision et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee raquo note sous cass crim 20 juillet 2011 ndeg 10-87326 AJ Peacutenal 2011 p 474

FONTEIX C laquo Recours en reacutevision annulation conseacutecutive agrave la reacutetractation de la victime raquo note sous cass crim 18 feacutevrier 2014 Dalloz actualiteacutes 04 mars 2014

RASSAT M-L laquo Lrsquoinfraction drsquoabsence de teacutemoignage en faveur drsquoun innocent une nouvelle peacuteripeacutetie de lrsquoaffaire TURQUIN raquo comm sous CA Nancy 4e ch corr 2 feacutevr 2005 Min publ c Bucheit Juris-Data ndeg 2005-269407 JCP 2005 II 10065

RASSAT M-L obs sous CEDH 13 janvier 2009 JCP 2009 p 200

RENUCCI note sous CEDH 13 janv 2009 D 2009 p 1058

ROBERT J-H laquo Annulation nrsquoeacutegale pas abrogation raquo commentaire sous cass crim 21 nov 2007 ndeg 07-81659 Dr peacutenal 2008 ndeg 2 comm 20

ROBERT J-H obs sous Cass crim 9 nov 1976 RSC 1977 p 607

ROBERT J-H obs sous Cass crim 3 mars 1976 RSC 1976 p 990

ROBERT J-H laquo La triviale incertitude de la proceacutedure raquo comm sous cass crim 18 feacutevrier 2009 ndeg 08-86953 Dr peacutenal 2009 ndeg 5 comm 63

ROUJOUR DE BOUBEE G obs sous Cass crim 19 janvier 1982 ndeg 80-94321 D 1983 inf rap p 74

ROYER G laquo Reacutevision de la condamnation deacutefinitive du complice en cas drsquoacquittement en appel de lrsquoauteur principal de lrsquoinfraction raquo note sous cass crim 24 mai 2006 AJ Peacutenal 2006 p 369

SAAS C laquo Requecircte en reacutevision fait nouveau et criminaliteacute deacutependante raquo obs sous cass crim 22 mai 2008 AJ Peacutenal 2008 p 426

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VI Rapports

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Propositions de reacuteforme du Code de proceacutedure peacutenale Rapport au Garde des Sceaux Ministre de la Justice M-L RASSAT 1997 la Documentation franccedilaise Disponible sur httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics974035000pdf (Page consulteacutee le 21072015)

Ceacuteleacuteriteacute et qualiteacute de la justice La gestion du temps dans le procegraves Rapport au Garde des Sceaux Ministre de la justice J-C MANGENDIE 2004 La documentation franccedilaise Disponible sur httpwwwladocumentationfrancaisefrrapports-publics044000433 (Page consulteacutee le 21072015)

Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation La veacuteriteacute La documentation franccedilaise Disponible sur httpswwwcourdecassationfrIMGpdfrapport_annuel_2004_couverturepdf (Page consulteacutee le 21072015)

Rapport annuel 2012 de la Cour de cassation La preuve La documentation franccedilaise Disponible sur httpswwwcourdecassationfrpublications_26rapport_annuel_36rapport_2012_4571 (Page consulteacutee le 21072015)

Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 1047 relatif aux attributions du Garde des sceaux et des

magistrats du ministegravere public en matiegravere de politique peacutenale et drsquoaction publique preacutesenteacute

par Monsieur J-Y LE BOUILLONNEC 21 mai 2013 Disponible sur httpwwwassemblee-

nationalefr14rapportsr1047asp (Page consulteacutee le 21072015)

Assembleacutee Nationale Rapport ndeg 3125 au nom de la commission drsquoenquecircte chargeacutee de

rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans lrsquoaffaire dite drsquoOutreau et de

formuler des propositions pour eacuteviter leur renouvellement Disponible sur

httpwwwassemblee-nationalefr12rap-enqr3125asp (Page consulteacutee le 21072015)

Assembleacutee Nationale rapport drsquoinformation ndeg 1598 en conclusion des travaux drsquoune mission

drsquoinformation sur la reacutevision des condamnations peacutenales A TOURRET et G FENECH

Disponible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rap-infoi1598asp (Page consulteacutee le

21072015)

350

Assembleacutee Nationale rapport ndeg 1807 fait au nom de la commission des lois

constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la Reacutepublique sur la

proposition de loi ndeg 1700 relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de reacutevision et de reacuteexamen

drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive A TOURRET Disponible sur

httpwwwassemblee-nationalefr14rapportsr1807asp (Page consulteacutee le 21072015)

Assembleacutee Nationale rapport ndeg 1957 fait au nom de la commission des lois

constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la Reacutepublique sur la

proposition de loi ndeg 1909 modifieacutee par le Seacutenat relative agrave la reacuteforme des proceacutedures de

reacutevision et de reacuteexamen drsquoune condamnation peacutenale deacutefinitive par Monsieur Alain

TOURRET Disponible sur httpwwwassemblee-nationalefr14rapportsr1957asp (Page

consulteacutee le 21072015)

Assembleacutee Nationale Rapport drsquoinformation ndeg 2778 fait au nom de la commission des lois

constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la Reacutepublique en

conclusion des travaux drsquoune mission drsquoinformation sur la prescription en matiegravere peacutenale et

preacutesenteacute par Messieurs A TOURRET et G FENECH Disponible sur sur

httpwwwassemblee-nationalefr14rap-infoi2778asp (Page consulteacutee le 21072015)

Lrsquoexpeacuterimentation des citoyens assesseurs dans les ressorts des Cours drsquoappel de Dijon et

Toulouse Rapport agrave Madame la Garde des Sceaux Ministre de la justice X SALVAT D

BOCCON GIBOD la Documentation franccedilaise Disponible sur

httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-publics134000144pdf (Page

consulteacutee le 21072015)

Seacutenat Rapport ndeg 467 (2013-2014) de M Nicolas ALFONSI fait au nom de la commission

des lois deacuteposeacute le 16 avril 2014 Disponible sur httpwwwsenatfrrapl13-467l13-

467html (Page consulteacutee le 21072015)

CNCDH Avis sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur judiciaire JORF du

21 feacutevrier 2014 texte ndeg 78 Disponible sur

httpwwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000028626643 (Page

consulteacutee le 21072015)

CNCDH Avis compleacutementaire sur la reacutevision des condamnations peacutenales en cas drsquoerreur

judiciaire JORF du 12 avril 2014 texte ndeg 47 Disponible sur

351

httpwwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000028842503 (Page

consulteacutee le 21072015)

Enquecircte de satisfaction aupregraves des usagers de la justice Mai 2001 Mission de recherche Droit

et justice Disponible sur httpwwwladocumentationfrancaisefrvarstoragerapports-

publics014000589pdf (Page consulteacutee le 21072015)

VII Liens internet

httpwwwclaudemathonfrpublicNote_sur_la_procedure_de_revisionpdf

httpvideosassemblee-nationalefrcommissionsrevision-des-condamnations-penales-

mission

httpwwwassemblee-nationalefr14cr-cloi13-14c1314025asp

httpwwwassemblee-nationalefr14amendements1700CION_LOISCL6pdf

httpwwwassemblee-nationalefr14pdfamendements1700CION_LOISCL2pdf

httpwww2assemblee-nationalefr14commissions-permanentescommission-des-

loismissions-d-informationrevision-des-condamnations-penales

httparchivesassemblee-nationalefr9cri1988-1989-ordinaire1079pdf

httpwwwassemblee-nationalefr12pdfpropositionspion3770pdf

httpwwwsenatfrdossier-legislatifppl13-412html

httpwwwsenatfrrapl13-467l13-46712html

httpwwwsenatfrcolloquesoffice_du_jugeoffice_du_jugepdf

httpledroitcriminelfreefrla_legislation_criminelleanciens_textesordonnance_criminelle_

de_1670htm

httpwwwbvoltairefrgeoffroydevriesle-proces-de-jesus-une-erreur-judiciaire167875

httpwwwphilippebilgercomblog201402une-seconde-chance-pour-les-victimeshtml

352

httptempsreelnouvelobscomsociete20111004OBS1688dans-l-affaire-leprince-la-justice-

n-est-pas-passeehtml

httpwwwmaitre-eolasfrpost20100414Vous-reprendrez-bien-un-peu-de-mille-feuilles

httpslacademiewordpresscom20091105quelle-deontologie-de-la-justice-pour-une-paix-

sociale-durable-2

httpslacademiewordpresscom20091029les-paradoxes-de-la-justice-procedurale-selon-

paul-ricoeur

httpdeperroisfreefr

httpjusticeetdemocratiefr

httpfondsdocinhesjfrsitesdefaultfilessitesdefaultfilesselecaujourdhuisa20200020p

rofilage_criminellePDF

353

Table des matiegraveres

Principales abreacuteviationshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip5

Sommairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip8

INTRODUCTION GENERALE helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip9

sect 1 La singulariteacute de la reacutevision en matiegravere peacutenalehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip14

A Un objectif singulier la reacuteparation drsquoune erreur judiciairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip15

1 Identification de lrsquoerreur judiciaire reacutepareacutee par la reacutevision helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip16

2 La particulariteacute des arrecircts de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip19

B Une conseacutequence singuliegravere la destruction drsquoune deacutecision deacutefinitive entacheacutee drsquoune

erreurhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip22

1 Le surpassement par la reacutevision du pardon et de lrsquooublihelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip22

2 Distinction de la reacutevision des institutions fondeacutees sur le pardon et lrsquooubli24

sect 2 Lrsquoeacutevolution historique de la reacutevision en matiegravere peacutenalehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip28

A Les origines historiques de la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip29

B La peacuteriode charniegravere de lrsquoeacutedification de la reacutevision 1789 - 1989helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip32

354

PREMIERE PARTIE

LA REVISION DE 1989 A REVISER UNE NECESSITE

TITRE 1

UNE APPROCHE TROP RESTRICTIVE DE LA REVISIONhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip42

CHAPITRE 1 LA CONCILIATION POSSIBLE DE LrsquoAUTORITE DE LA

CHOSE JUGEE ET DE LA REVISION

Section 1 Lrsquoapparente opposition entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevisionhelliphellip44

sect 1 Lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee ou la fin du procegraveshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip45

A Lrsquoobjectif de fin de lrsquoautoriteacute positivehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip46

1 Le caractegravere national de la chose jugeacutee vu sous lrsquoangle de la

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip48

2 Le caractegravere irreacutevocable de la chose jugeacutee vu sous lrsquoangle de la

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip49

B Lrsquoobjectif de fin de lrsquoautoriteacute neacutegativehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip50

sect 2 La reacutevision ou la renaissance du procegraveshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip53

A Lrsquoaneacuteantissement reacutetroactif de la condamnation et de toutes ses conseacutequenceshelliphelliphelliphellip53

1 Le critegravere du choix entre lrsquoannulation avec ou sans renvoihellip56

a Lrsquoimpossibiliteacute immeacutediate de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebatshelliphelliphelliphelliphellip 56

b Lrsquoimpossibiliteacute posteacuterieure agrave une deacutecision de renvoi de proceacuteder agrave de

nouveaux deacutebatshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip 57

c Lrsquoinutiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebatshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip 57

d La possibiliteacute de proceacuteder agrave de nouveaux deacutebatshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip 58

2 Les conseacutequences du choix entre lrsquoannulation avec ou sans renvoihelliphelliphelliphelliphelliphellip59

B La reacuteparation inteacutegrale du preacutejudice subihelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip60

355

Section 2 Lrsquoopposition trompeuse entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la reacutevisionhelliphellip63

sect 1 La remise en cause des justifications traditionnelles de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip63

A Les justifications doctrinales de lrsquoautoriteacute positive de la chose jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip64

1 La supeacuterioriteacute du peacutenal sur le civilhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip65

2 La crainte des contradictions deacutecisionnelleshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip66

B Les justifications doctrinales de lrsquoautoriteacute neacutegative de la chose jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip68

1 laquo res judicata veritate habitur raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip68

2 Le contrat socialhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip71

sect 2 Le rapprochement entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et le pourvoi en

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip71

A La recherche drsquoun juste eacutequilibre entre le perfectionnisme et la stabiliteacute de la justicehellip 72

B La preacuteservation de la paix sociale un objectif commun agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et agrave la

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip72

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip76

CHAPITRE 2 LA CONCILIATION DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE JUGEE

ET DE LA REVISION UN CHOIX NON RETENU EN 1989

Section 1 La reacuteunion de conditions preacutealables agrave lrsquoexercice du pourvoi en reacutevisionhelliphellip78

sect 1 Les exigences drsquoordre techniquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip79

A Une deacutecision peacutenale deacutefinitivehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip79

B Une deacutecision comportant une deacuteclaration de culpabiliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip81

sect 2 Lrsquoexigence drsquoordre mateacuterielhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip86

Section 2 Les cas drsquoouverture du pourvoi en reacutevision helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip88

sect 1 Les cas deacutetermineacutes drsquoouverture agrave reacutevision helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip88

356

A La preuve de viehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip88

B Lrsquoincompatibiliteacute deacutecisionnellehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip89

C Le faux teacutemoignagehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip90

sect 2 Le cas indeacutetermineacute drsquoouverture agrave reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip92

A Lrsquoassouplissement leacutegislatif de 1989helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip92

1 La rigiditeacute textuelle du Code drsquoinstruction criminellehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip 92

2 La modification du Code drsquoinstruction criminelle par la loi de 1989helliphelliphelliphelliphellip 93

a Lrsquoadjonction au laquo fait nouveau raquo de laquo lrsquoeacuteleacutement inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip94

b Le remplacement de lrsquoinnocence par le doute sur la culpabiliteacutehelliphelliphelliphellip95

B Lrsquoattachement de la jurisprudence agrave lrsquoautoriteacute de la chose jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip 99

1 Lrsquoexigence drsquoun haut degreacute de doutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip99

2 Lrsquoappreacuteciation seacutevegravere du fait nouveauhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip101

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip106

Conclusion du titrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip107

TITRE 2

DES IMPERFECTIONS STRUCTURELLES ET CONJONCTURELLEShelliphelliphelliphellip108

CHAPITRE 1 LES DIFFICULTES STRUCTURELLES

Section 1 Lrsquoimpreacutecision de la reacutepartition des compeacutetences entre la commission de

reacutevision et la Cour de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip112

sect 1 La deacutelimitation impreacutecise de lrsquoeacutetendue du filtrage de la commissionhelliphelliphellip112

A Lrsquoambiguiumlteacute du pouvoir de filtragehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip113

B Lrsquoapport drsquoune interpreacutetation teacuteleacuteologique des textes helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip114

sect 2 Le rocircle mal deacutefini de la commission de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip118

357

A Des fonctions proches de celles drsquoune juridiction drsquoinstructionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip119

B Des pouvoirs proches de ceux du juge drsquoinstructionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip121

1 Le listage impreacutecis des pouvoirs drsquoinstruction de la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphellip122

2 Le silence sur la deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers par la commissionhelliphellip122

Section 2 La transformation des relations entre la commission et la Cour de

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip125

sect 1 Le filtrage seacutevegravere de la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip125

A La mauvaise interpreacutetation des intentions du leacutegislateurhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip125

1 Un regard seacutevegravere sur le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip126

a Le rejet des demandes fondeacutees sur un eacuteleacutement connu mais non deacutebattuhellip126

b Les exigences relatives au fait nouveau et agrave lrsquoeacuteleacutement

inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip129

2 Lrsquoappreacuteciation du doute par la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip131

B La transformation de la Cour de reacutevision en juridiction de controcirclehelliphelliphelliphelliphelliphellip134

1 Le controcircle du doute sur la culpabiliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip134

2 Le controcircle de lrsquoinnocencehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip136

sect 2 Les conseacutequences de la transformation des relations entre la commission et la

Cour de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip138

A La justification difficile des divergences drsquoappreacuteciationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip138

B Lrsquoexamen du doute par les juridictions de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip140

1 Une proceacutedure peu encadreacutee et largement eacutecritehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip140

2 Une laquo boite agrave outils raquo inadapteacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip142

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip145

358

CHAPITRE 2 LES DIFFICULTES CONJONCTURELLES

Section 1 Les obstacles proceacuteduraux agrave la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip146

sect 1 Lrsquoeacutetablissement difficile du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement

inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip146

A Le renversement de la charge de la preuvehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip146

1 Les avantages de la preacutesomption drsquoinnocencehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip147

2 Le demandeur en reacutevision priveacute du beacuteneacutefice de la preacutesomption drsquoinnocencehelliphellip148

B La preuve du fait nouveau ou de lrsquoeacuteleacutement inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip149

1 Lrsquoeacutetape de lrsquoarticulationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip150

2 Les difficulteacutes pratiques rencontreacutees par le requeacuteranthelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip150

a Les expertises priveacuteeshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip151

b Les enquecirctes priveacuteeshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip152

sect 2 Le caractegravere discreacutetionnaire de la suspension de lrsquoexeacutecution de la

condamnationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip153

A Une preacuterogative de la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip154

1 La neacutecessaire suspension de lrsquoexeacutecution de la condamnation en cas drsquoinnocence155

2 La suspension contesteacutee de lrsquoexeacutecution de la condamnation en cas de doute sur la

culpabiliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip156

B Une deacutecision incontestablehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip158

1 Lrsquoabsence de recours pour les partieshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip159

2 Lrsquoeacuteviction de la partie civilehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip160

Section 2 La composition des juridictions de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip161

sect 1 Des dispositions leacutegislatives incomplegraveteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip162

A La composition de la commission de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip162

1 La judiciarisation du filtrage un progregraves de la loi de 1989helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip162

2 Lrsquoinsuffisante preacutecision des regravegles eacutetablieshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip164

B La composition de la Cour de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip165

359

sect 2 La question de lrsquoimpartialiteacute des juridictions de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip166

A Les raisons des soupccedilons de partialiteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip167

1 La commission cible des soupccedilonshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip168

a Un mecircme magistrat juge du rejet du pourvoi en cassation et de la

recevabiliteacute drsquoune requecircte en reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip169

b Un mecircme magistrat juge de plusieurs requecirctes en reacutevision drsquoune mecircme

condamnationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip170

2 La Cour de reacutevision cible des soupccedilonshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip171

B La neacutecessaire leveacutee des soupccedilonshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip172

1 Lrsquoabsence de condamnation europeacuteennehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip172

2 La perte de confiance des citoyens en la justicehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip173

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip175

Conclusion du titrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip176

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIEhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip177

360

SECONDE PARTIE

LA REVISION REVISEE DE 2014 UNE DECEPTION

TITRE 1

UNE REFORME INACHEVEEhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip182

CHAPITRE 1 UNE NOUVELLE STRATEGIE LEGISLATIVE DE LUTTE

CONTRE LrsquoERREUR JUDICIAIRE

Section 1 1989-2013 Lrsquoimmobilisme du leacutegislateur en matiegravere de reacutevisionhelliphelliphelliphellip184

sect 1 La reacutevision laquo grande oublieacutee raquo de la proceacutedure peacutenalehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip184

A Les raisons de lrsquoindiffeacuterence du leacutegislateurhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip184

1 Une explication drsquoordre juridiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip184

2 Une explication drsquoordre psychologiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip186

B La seacutecurisation de la proceacutedure en amont de la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip189

1 Lrsquoinstauration de lrsquoappel criminelhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip190

2 La colleacutegialiteacute de lrsquoinstructionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip192

sect 2 Lrsquoinsuffisance drsquoune action en amont de la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip193

A Des reacuteformes toujours perfectibleshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip194

1 Lrsquoappel criminel un outil utile mais suffisant dans la lutte contre lrsquoerreur

judiciairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip194

2 La colleacutegialiteacute de lrsquoinstruction un outil utile mais insuffisant dans la lutte contre

lrsquoerreur judiciairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip196

B La relativiteacute de la veacuteriteacute judiciairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip198

1 La deacutemystification de la veacuteriteacute judiciairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip198

2 La justice un laquo ideacuteal irrationnel raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip200

361

Section 2 2014 le changement de strateacutegie leacutegislativehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip202

sect 1 Une intervention leacutegislative sur le droit de la reacutevision202

A Les modifications structurelleshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip203

1 Le chamboulement de lrsquoinstitutionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip203

a Une juridiction unique statuant sur la reacutevision et le reacuteexamenhelliphelliphelliphelliphellip203

b La nouvelle appellation de la commission la commission

drsquoinstructionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip206

2 La reacutepartition des compeacutetences entre la commission et la Courhelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip206

a Le recentrage du rocircle de la commission sur la recevabiliteacute des

requecircteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip206

b La clarification des pouvoirs de la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip207

c La deacutecouverte de lrsquoimplication drsquoun tiers par les juridictions de

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip208

3 Lrsquoaffirmation des droits des partieshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip209

B Les modifications conjoncturelleshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip210

1 Lrsquoeacutetablissement du fait nouveau faciliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip210

2 Le pouvoir de suspendre lrsquoexeacutecution de la condamnationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip211

3 La nouvelle composition des juridictions de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip212

sect 2 Lrsquoadaptation de la proceacutedure peacutenale agrave la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip214

A Lrsquoallongement de la dureacutee de conservation des scelleacuteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip214

B Le renforcement de la meacutemoire de lrsquoaudiencehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip217

1 Lrsquoinsuffisance de la motivation en matiegravere criminelle par rapport aux besoins de

connaissance du pourvoi en reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip217

2 Lrsquoenregistrement systeacutematique des deacutebats aux assiseshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip219

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip221

362

CHAPITRE 2 LE MAINTIEN DrsquoUNE APPROCHE TROP RESTRICTIVE DE

LA REVISION

Section 1 Lrsquoattachement agrave la conception traditionnelle de lrsquoautoriteacute de la chose

jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip223

sect 1 Lrsquoouverture de la reacutevision agrave de nouveaux requeacuterantshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip224

A Le caractegravere restrictif des dispositions de 1989helliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip224

1 Le cas du deacutecegraves ou de lrsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip225

2 Le ministegravere public priveacute drsquoun droit drsquoagirhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip226

B Un nouveau texte plus libeacuteralhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip226

1 Le cas du deacutecegraves ou de lrsquoabsence deacuteclareacutee du condamneacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip227

2 Le ministegravere public titulaire drsquoun droit drsquoagirhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip227

sect 2 Le cas drsquoouverture agrave reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip230

A Une ouverture symboliquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip230

B Une reacuteeacutecriture deacutecevantehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip232

1 Le fait nouveau et lrsquoeacuteleacutement inconnuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip233

2 La question centrale du doutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip234

3 Le retour de lrsquoinnocence dans le textehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip236

Section 2 Une entrave agrave la libeacuteralisation de la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip237

sect 1 La persistance de la logique oppositionnelle entre le pourvoi en reacutevision et lrsquoautoriteacute

de la chose jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip237

A La reconduction du laquo profil type raquo de la deacutecision susceptible de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphellip237

1 Une deacutecision peacutenalehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip238

2 Une deacutecision de condamnation criminelle ou deacutelictuellehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip239

B La reconduction de lrsquoexclusion de lrsquoeacuteleacutement non deacutebattuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip241

1 Le mutisme du nouveau texte sur lrsquoeacuteleacutement non deacutebattuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip241

2 Une vision moderne de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee favorable agrave la prise en compte de

lrsquoeacuteleacutement non deacutebattuhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip244

363

sect 2 Une indispensable redeacutefinition des rapports entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee

et le pourvoi en reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip245

A Le lien entre ne bis in idem et lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee un lien dommageable pour la

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip246

B La disparition du lien entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et ne bis in idem un facteur de

libeacuteralisation de la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip247

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip249

Conclusion du titrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip250

TITRE 2

UNE REFORME A PARACHEVERhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip250

CHAPITRE 1 LA RESOLUTION DES DIFFICULTES STRUCTURELLES ET

CONJONCTURELLES PERSISTANTES

Section 1 Les difficulteacutes structurelles persistanteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip252

sect 1 Le recentrage du rocircle de la commissionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip252

A Des dispositions difficilement applicableshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip254

1 La theacuteoriehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip254

2 La pratiquehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip255

B Une eacutecriture plus inductive de la loihelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip257

1 Lrsquoapport drsquoune eacutecriture plus inductivehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip257

2 Lrsquoabandon de la reacutefeacuterence au doute sur la culpabiliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip259

sect 2 La creacuteation drsquoune juridiction unique pour la reacutevision et le reacuteexamenhelliphellip260

A Les raisons peu convaincantes de la fusionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip260

364

1 Lrsquoatteacutenuation du sentiment drsquoineacutegaliteacute entre les justiciableshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip261

2 La coheacuterence drsquoensemble de la reacuteformation des deacutecisions peacutenaleshelliphelliphelliphelliphelliphellip263

B Un rapprochement peu pertinent entre la reacutevision et le reacuteexamenhelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip hellip268

Section 2 Les difficulteacutes conjoncturelles persistanteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip271

sect 1 La composition des juridictions de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip271

A La reacuteaffirmation judicieuse du caractegravere judiciaire de la composition des juridictions de

reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip272

1 Un bon choix en matiegravere deacutelictuellehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip272

2 Un bon choix en matiegravere criminellehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip274

B Lrsquoabsence de juge drsquoinstruction dans la commission drsquoinstructionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip275

sect 2 La limitation de conservation des scelleacuteshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip278

A La neacutecessiteacute drsquoeacutelargir cette regravegle aux deacutelitshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip278

1 Une matiegravere quantitativement importante devant la juridiction de reacutevisionhelliphellip278

2 Lrsquoinflation de la correctionnalisationhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip280

B La gestion des scelleacutes lieacutee agrave la confiance des justiciables envers leur justicehelliphelliphelliphelliphellip284

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip286

CHAPITRE 2 LE CAS DrsquoOUVERTURE REVISITE PAR UNE APPROCHE PLUS

MODERNE DE LrsquoAUTORITE DE LA CHOSE JUGEE

Section 1 La reacuteeacutecriture du cas drsquoouverturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip288

sect 1 Le cas drsquoouverture laquo in favorem raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip288

A La reconduction drsquoun cas drsquoouverture unique et indeacutetermineacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip288

B La non reconduction du terme doutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip290

1 Les justifications de lrsquoabandon du doute en matiegravere de reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip290

2 Une nouvelle formulation du cas drsquoouverture plus approprieacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip293

sect 2 Le cas drsquoouverture laquo in defavorem raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip296

365

A La neacutecessaire reconnaissance de la reacutevision laquo in defavorem raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip296

1 Le repli vers la fonction veacuteritable de lrsquoautoriteacute de la chose jugeacuteehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip296

2 Lrsquoobjectif commun de preacuteservation de la paix sociale entre lrsquoautoriteacute de la chose jugeacutee et la

reacutevision laquo in defavorem raquohelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip298

B La formulation du cas drsquoouverturehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip299

1 Une preuve indubitable de la culpabiliteacutehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip300

2 Le neacutecessaire respect des deacutelais de prescriptionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip303

Section 2 La place de la victime dans la reacutevisionhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip305

sect 1 Lrsquoeacuteloignement de la victime de la reacutevision laquo in defavorem raquohelliphelliphelliphelliphelliphellip306

A Une mise agrave lrsquoeacutecart neacutecessairehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip306

B Un exercice confieacute exclusivement au parquethelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip310

sect 2 Le renforcement de la place de la victime dans la reacutevision laquo in favorem raquo311

A Lrsquoassociation de la partie civile agrave la deacutecision de suspension drsquoexeacutecution de la peinehellip312

B Le parallegravele avec lrsquoexeacutecution des peineshelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip313

Conclusion du chapitrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip316

Conclusion du titrehelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip317

CONCLUSION DE LA PARTIEhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip318

CONCLUSION GENERALEhelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphelliphellip319

Bibliographie

Index

Table des matiegraveres

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