suivi d'un élève en situation de décrochage scolaire
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GUEZZOU Karima
Conseillère Principale d’Education (CPE)
2015
Mise en Situation Professionnelle :
Suivi d’un élève en situation de décrochage scolaire
2
Sommaire
Introduction ............................................................................................................................................ 1
1 Présentation et analyse .................................................................................................................... 2
1.1 Présentation de l’établissement.................................................................................................... 2
1.2 Présentation de la situation .......................................................................................................... 2
1.3 Analyse de la situation .................................................................................................................. 3
1.3.1 La lutte contre l’absentéisme ................................................................................................. 4
1.3.2 Le décrochage scolaire ........................................................................................................... 5
2 Les Stratégies d’intervention ........................................................................................................... 6
2.1 Les actions en cours ...................................................................................................................... 6
2.2 Les propositions complémentaires ............................................................................................... 7
2.2.1 Le CPE, Conseiller technique de la communauté éducative : des partenariats internes ....... 7
2.2.2 Le CPE, Animateur éducatif .................................................................................................... 8
2.2.3 Nouer des partenariats externes............................................................................................ 9
Conclusion ............................................................................................................................................. 9
Bibliographie et Sitographie .............................................................................................................. 10
1
Suivi d’un élève en situation de décrochage scolaire
Introduction
La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la
République du 8 juillet 2013 place la lutte contre le décrochage scolaire comme un
enjeu prioritaire. En effet, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la
performance (DEPP) montre qu’il y a chaque année près de 122 0001 jeunes
quittant le système scolaire sans qualification. Ce constat est préoccupant car
même si depuis une quinzaine d’années, les chiffres tendent à se réduire, il
représente un coût social important. C’est donc un problème pour la société car cela
entraîne un coût faramineux2, pour la famille et surtout pour l’élève car son insertion
sociale est compromise.
Alors comment le CPE contribue-t-il au suivi d’un élève en situation de décrochage
au sein du système éducatif ? A travers quels dispositifs peut-on raccrocher un
élève en situation de décrochage cognitif au collège ? Comment peut-on éviter une
rupture scolaire ? Comment peut-on parvenir à la réussite de tous avec des élèves
éloignés de la culture scolaire ?
Dans un premier temps, nous présenterons l’établissement scolaire ainsi que le cas
d’élève en situation de décrochage scolaire. Puis dans un deuxième temps, nous
analyserons la situation de cet élève à travers les stratégies d’intervention mises en
place. Enfin au regard de la fonction du CPE, nous proposerons des actions et des
solutions possibles pour accompagner individuellement et collectivement un élève
dit décrocheur.
1 Cette donnée est une estimation de la DEPP et concerne les jeunes de la France métropolitaine. Si on ajoute les territoires et départements d’outre-mer, on parvient à 140 000 jeunes sortants du système éducatif français sans qualification. 2 « Le coût évalué pour la France d'un élève ayant décroché tout au long de sa vie est estimé à 230 000 €, soit près de 30 milliards de dette contractée chaque année ». http://www.education.gouv.fr/decrochage-scolaire/
2
1 Présentation et analyse
1.1 Présentation de l’établissement
Le collège est un établissement du second degré situé dans un quartier populaire
d’une ville de 170 000 habitants. Celui-ci est classé en éducation prioritaire Réseau
Réussite Scolaire (RRS). Ainsi, il regroupe l'ensemble des écoles maternelles et
primaires du secteur élargi du quartier. Le partenariat des enseignants amène les
élèves à travailler ensemble et assure ainsi une continuité : jeux, défis culturels,
rallye pédagogique. Le collège compte un effectif de 331 élèves réparti en 3
sections : 15 classes d'enseignements généraux, 4 classes pour les enseignements
adaptés (SEGPA) et un dispositif collectif de scolarisation : une Unité Localisée
d'Inclusion Scolaire (ULIS) conçue pour des élèves qui ont besoin d'un suivi plus
adapté pour les troubles cognitifs.
L’équipe de direction est composée d’un Principal de collège, de son adjointe et
d’un directeur de SEGPA. L’équipe pédagogique se compose de 37 professeurs et
d’une enseignante documentaliste ; l’équipe Vie scolaire est pilotée par un
Conseiller Principal d’Education (CPE) et se compose de 9 membres de Vie scolaire
qui assurent la sécurité et l'éducation des élèves : dont cinq Assistants d’éducation
(AED) ; deux agents de prévention et de médiation (APM) ; un contrat unique
d’insertion (CUI) ; et un agent de prévention et de sécurité (APS). L’équipe médico-
sociale regroupe une infirmière et une assistante sociale (AS).
Le projet d'établissement mise sur 3 axes forts :
l'accompagnement et l'individualisation des parcours des élèves notamment
ceux en difficultés,
la valorisation des parcours d'excellence pour tous ceux qui veulent
envisager des poursuites d'études longues au sortir du collège,
l'ouverture sur d'autres formes de cultures.
Le quotidien des élèves se prolonge à d'autres moments :
Sur le temps de midi, temps durant lequel de nombreux clubs et des ateliers
offrent un panel d'activités enrichissantes et novatrices,
le foyer des élèves reste le lieu de socialisation favori,
l'accompagnement éducatif en fin de journée apporte son aide aux difficultés
rencontrées par certains de nos élèves.
1.2 Présentation de la situation
Yacoub3 est un élève scolarisé en classe de 3ème, il est âgé de 14 ans. Il est arrivé
au collège en fin d’année dernière à la suite d’un conseil de discipline où il a été
exclu. De ce fait, il n’habite pas le secteur géographique et vient d’un autre quartier
populaire éloigné de la ville. Néanmoins, il a su s’adapter très vite à cet
environnement où il dit lui-même s’y sentir bien. Yacoub est un élève qui se fait
régulièrement renvoyer de cours pour diverses raisons comme un comportement
inapproprié ou par manque de travail. Ainsi, il passe la plupart de son temps en
salle d’étude à ne rien faire même si on lui a remis du travail. C’est donc la vie
3 Afin de garder l’anonymat de l’élève, Yacoub est un prénom d’emprunt.
3
scolaire qui prend en charge quotidiennement Yacoub. Il n’est pas rare que les
assistants d’éducation (AED) qui sont en salle d’étude pour assurer la surveillance,
le reprennent ou l’isolent près du bureau du CPE, parce qu’il perturbe l’étude soit
par des bavardages incessants, soit en faisant du bruit pour attirer l’attention vers
lui. Il lui arrive de contester le silence par la recherche de conflit systématique avec
l’AED, car il semble que ce soit, pour lui, un moyen de distraction. En l’absence
d’AED, il quitte délibérément l’endroit pour errer dans les couloirs notamment entre
la salle d’étude et le centre de documentation où se trouve le bureau de la vie
scolaire et le bureau du CPE, et ce jusqu’à ce qu’il soit vu. En conséquence et à la
demande du chef d’établissement, Yacoub doit se présenter à son bureau chaque
fois qu’il se fait exclure de cours.
D’autre part, Yacoub est souvent absent et cet indicateur nous laisse penser qu’il
est en situation de déscolarisation. Pourtant, même s’il reste très attaché au collège,
certainement parce qu’il y a sa petite amie et surtout parce qu’il a su se constituer
rapidement un groupe d’amis, ce sont d’ailleurs les principales motivations de sa
présence, il est ce que l’on nomme un « décrocheur de l’intérieur »4. Toutefois, sur
le plan pédagogique, Yacoub n’est plus en situation d’apprentissage, et il n’a plus le
comportement d’un élève. Il vient volontairement avec un sac vide en oubliant
systématiquement son matériel, en particulier son carnet de liaison, ses livres et ses
cahiers. Ces oublis quotidiens sont les principales raisons pour lesquelles certains
enseignants le refusent en classe. On peut dire que c’est un élève en décrochage
cognitif, ce qui se traduit par des résultats insuffisants et une hostilité à l’égard de
l’institution. Par ailleurs, en l’interrogeant sur le sens qu’il donne à l’école, Yacoub
précise qu’elle lui sert à trouver un futur métier. Cependant, il dit ne pas être
intéressé par les cours, et d’un point de vue scolaire, il s’est totalement désengagé.
Pourtant, en entretien avec le CPE, lorsque celui-ci l’interroge sur son projet
d’orientation, il répond en avoir, mais il semble indécis. Il évoque la boulangerie ou
la boucherie qu’il cite surtout parce que le Principal et le Conseiller d’Orientation
Psychologue (COP) lui en ont parlé, dans le but qu’il aille faire des stages
professionnels et qu’il trouve une voie d’orientation pour le raccrocher à une
formation qualifiante, avant qu’il ne soit en rupture totale avec l’école. De plus, ses
résultats sont faibles car il ne fournit aucun travail. C’est pourquoi, il est considéré
comme un élève en grande difficulté voire en situation d’échec scolaire par l’équipe
pédagogique. A présent, il convient d’analyser la situation de cet élève.
1.3 Analyse de la situation
Yacoub est un élève soumis à l’obligation scolaire5 car il a moins de 16 ans. D'autre
part, il présente plusieurs manquements à l’assiduité et au règlement intérieur. On
peut constater que Yacoub ne remplit pas les conditions d’élève. Pour reprendre le
concept développé par Philippe Perrenoud, Yacoub ne respecte pas son métier
d’élève6. C’est-à-dire qu’il arrive régulièrement en retard, il ne respecte pas les
devoirs qui lui incombent et les contraintes de l’école. Il semble considérer l’école
4 Elève présent en classe mais ne suit pas les cours. 5 La loi du 28 mars 1882 fixe l’obligation d’instruction scolaire de 6 à 13 ans. La réforme Berthoin de 1959 a permis de prolonger la scolarité obligatoire à 16 ans. 6 Philippe Perrenoud dans « Le Métier d’élève et sens du travail scolaire », 1994.
4
comme un centre aéré et est complètement distant face aux attentes des adultes.
C’est un élève en voie de déscolarisation repéré dès son arrivée au collège en fin
de 4ème. Yacoub est un élève qui ne trouve donc pas sa place dans ce système
scolaire. Pourtant le collège unique instauré par la réforme Haby en 1975 devait
permettre de donner à tous une culture commune et une égalité des chances. Or, il
faut admettre que l’effet de masse et l’hétérogénéité des élèves a produit des
situations d’échec chez certains élèves.
La vie scolaire pilotée par le CPE a pour indicateur les rapports d’incidents et les
absences de cet élève. Ces dernières sont nombreuses et ne sont jamais justifiées.
Du coup, les appels avec la famille sont fréquents, notamment à chaque fois qu’il
s’absente. Toutefois, il semble difficile de joindre la famille. Cette dernière a fait
l’objet de plusieurs invitations par le CPE, puis le chef d’établissement pour discuter
de leur fils, mais elle se présente que très rarement au collège. Certes, le père s’est
déplacé trois fois depuis le début de l’année suite à des convocations pour discuter
de l’orientation de Yacoub et de ses absences, mais il semble récalcitrant à
l’institution, il est méfiant. Quant à la mère, le CPE a eu l’occasion d’échanger avec
elle par téléphone, notamment au sujet des absences et du matériel oublié. Elle
semble démunie, ne maîtrisant pas correctement la langue française, elle explique
toutefois, rappeler régulièrement à son fils, de prendre ses livres et cahiers pour
travailler à l’école. Par ailleurs, elle semble ignorer les absences de son enfant car
pour elle, il est en classe lorsqu’il quitte, tous les matins, le foyer familial. De ce fait,
les absences ne sont pas justifiées car il n’y a aucun motif légitime. Ce qui nous
conduit à nous intéresser à l’absentéisme.
1.3.1 La lutte contre l’absentéisme
Il convient de définir le phénomène de l’absentéisme. Depuis la massification de
l’école, l’absentéisme scolaire est un phénomène connu et a des origines et des
formes diverses. Nous savons qu’il touche particulièrement les lycéens mais de plus
en plus de collégiens notamment en classe de 4ème et 3ème. Un élève absent est
souvent un élève qui ne trouve pas sa place dans l’établissement ou qui ne donne
pas de sens à sa scolarité. Un absentéisme persistant ou lourd est le signe d’un
élève en rupture scolaire ou en décrochage scolaire. Nous pouvons d’ores et déjà
constater que le contrôle d’assiduité et la lutte contre l’absentéisme permettent de
détecter les élèves en difficulté. Dans les textes de loi, l’absentéisme peut être
sanctionné lorsqu’il n’est pas justifié et lorsqu’il est volontaire. Toutefois, avant de
sanctionner, il faut comprendre la nature des absences pour éventuellement
proposer une mesure de prévention et d’accompagnement éducatif à l’élève et en
concertation avec la famille. D’autre part, dans tous les cas d’absentéisme,
l’établissement doit mettre en œuvre toutes les possibilités pour trouver un
accompagnement éducatif adapté, et ainsi éviter le conseil de discipline qui pourrait
décider d’une exclusion. Dans ce type de situation, l’intérêt de dialoguer avec la
famille permet d’établir une relation de confiance pour rechercher les causes de
l’absentéisme de l’élève, et permet aussi de proposer des solutions éducatives et
pédagogiques éventuelles.
5
Au collège, le traitement de l’absentéisme s’opère en interne au niveau du service
vie scolaire. Lorsqu’un élève s’absente au moins 4 demi-journées dans le mois sans
justification, une rencontre avec la famille est organisée. Si l’absentéisme persiste, il
doit être fait un signalement au niveau académique et un suivi individuel est mis en
place. La loi d’orientation du 8 juillet 2013 prévoit une rencontre avec la famille et la
nomination d’un personnel d’éducation référent pour suivre l’élève absentéiste.
Dans notre cas, l’APS a été désigné pour être le référent et ainsi suivre les
absences de Yacoub en collaboration avec Le CPE et le Principal. Pour rappel, les
politiques d’accueil des élèves et de suivi des absences dans les établissements
scolaires sont élaborées avec le chef d’établissement, l’équipe médico-sociale et le
CPE. C’est en effet, en commission de suivi que des mesures pédagogiques et
éducatives sont établies. Le Principal précise que l’établissement n’est pas
favorable aux sanctions en matière du traitement de l’absentéisme et qu’il suit la loi,
l’exclusion est donc écartée. Néanmoins dans le cas de Yacoub, l’absentéisme est
lourd, puisqu’on dénombre 68 demi-journées d’absences non justifiées. Aussi le
CPE a fait trois signalements à l’inspection académique. Cet absentéisme lourd est
un critère de repérage d’un élève engagé dans un processus de décrochage
scolaire. Nous allons à présent nous intéresser à cette notion.
1.3.2 Le décrochage scolaire
Le décrochage scolaire est une priorité pour l’Education nationale, c’est même
devenu un défi majeur de société7. Pour reprendre les propos de Pierre-
Yves Bernard : « le décrochage n’est qu’un symptôme, la vraie question est celle de
l’échec scolaire, il faut donc assurer la réussite de tous dès le départ »8. Il existe
une multitude de définition concernant le décrocheur. Il y a une distinction à faire
quand on évoque un élève en décrochage scolaire. En effet il faut distinguer le
décrocheur du décroché. Le premier correspond à une multitude de typologie mais
met en avant l’idée que le décrocheur est encore dans les circuits scolaires et
bénéficie d’un suivi. Alors que le décroché, lui est sorti du système scolaire et de
formation sans aucune qualification et n’est pas suivi. D’autre part, on appelle un
décrocheur un jeune âgé de 16 à 24 ans qui est soit engagé dans un processus de
décrochage, soit ayant quitté l’institution sans aucune qualification. On ne parle pas
véritablement de décrocheur chez les élèves âgés de moins de 16 ans, car ils sont
soumis à l’obligation scolaire. Le décrochage est un phénomène multifactoriel qui
n’est pas linéaire, car il y a différents facteurs sociaux, familiaux, personnelles,
scolaires et tous les milieux sont concernés ce qui rend ce phénomène complexe.
En France on estime à 17% des sortants du système scolaire sans diplôme9. Il est
vrai que l’ampleur de ce phénomène remet en question l’école démocratique et
l’égalité. La lutte contre le décrochage vise à éviter les sorties précoces du système
éducatif et tente de favoriser la formation et la qualification. C’est pourquoi, il existe
7 Rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche : « Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et approche pédagogique repensée ». 8 Pierre-Yves Bernard « Le décrochage scolaire », p.16. 9 Rémi Thibert, « Le décrochage scolaire : diversité des approches, diversité des dispositifs », p.2.
6
plusieurs dispositifs pour parvenir à repérer les décrocheurs et à lutter contre ce
phénomène.
2 Les Stratégies d’intervention
2.1 Les actions en cours
En terme d’actions proposées, nous avons notamment pu mettre en place
successivement une fiche de suivi qui n’a pas vraiment fonctionnée car Yacoub est
souvent absent et parce qu’il se fait exclure de cours ce qui ne permet pas aux
enseignants d’émettre une quelconque appréciation ; ensuite il a fait l’objet d’un
accompagnement éducatif avec une AED mais qui a cessé au bout de 1 mois et
demi car l’élève n’était pas preneur de ce soutien ; un tutorat avec le chef
d’établissement semble quant à lui avoir fonctionné mais était insuffisant pour
renouer Yacoub avec les apprentissages scolaires ; puis il a été proposé à la famille
un accompagnement individualisé pour Yacoub, par la mise en place d’un
programme personnalisé de réussite éducative (PPRE).
Toutes ces décisions ont été discutées et prises lors des différentes commissions
de suivi se tenant une fois par mois, et réunissant l’équipe de direction, l’équipe
médico-sociale et le CPE. La mise en place d’un parcours dérogatoire a été
entreprise dès le mois de décembre à l’issue du conseil de classe du 1er trimestre.
Cela consiste à proposer à la famille et à l’élève, la possibilité de faire des stages
d’observation de courte durée, après la signature d’une convention. Ce projet vise à
construire un projet d’orientation professionnel. De plus son emploi du temps a été
aménagé, il a 3 heures de cours par semaine. Certains enseignants ne veulent plus
voir Yacoub en cours car ce dernier est capable de perturber la gestion de la classe.
Un PPRE10 a donc été mis en place pour permettre à l’élève d’aller en stage de
façon à construire un réel projet d’orientation et de trouver un sens à l’école pour
poursuivre ses études vers une formation qualifiante de type CAP. L’APS a en
charge le suivi de Yacoub. Cet agent est en lien direct avec le chef d’établissement,
le CPE et l’équipe médico-sociale ainsi que l’équipe mobile de sécurité. Il a signalé
à plusieurs reprises que Yacoub avait un comportement déviant se dirigeant ainsi,
vers une délinquance avérée.
Toute la communauté éducative est concernée par la situation d’un élève en
déscolarisation. Il convient donc de trouver collectivement les moyens afin que ce
dernier soit remis en situation d’apprentissage ou reprenne le goût à l’effort. C’est
pourquoi, après une rencontre entre le CPE, le professeur principal (PP) et la famille
et suite à la première commission de suivi de l’établissement, il a été décidé de
mettre en place un tutorat pour Yacoub. Le tutorat est un dispositif éducatif d’aide
personnalisé. Il se présente sous la forme d’une aide proposée à des élèves en
difficulté d’apprentissage, de comportement ou d’intégration. Cette mesure
10 Un programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) est un plan coordonné d'actions conçu pour répondre aux besoins d'un élève lorsqu'il apparaît qu'il risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences du socle commun. Il est proposé à l'école élémentaire et au collège. Il est élaboré par l'équipe pédagogique, discuté avec les parents et présenté à l'élève.
7
d’accompagnement vise à responsabiliser l’élève dans sa relation aux
apprentissages, aux autres et à lui-même. Le tuteur est un adulte volontaire pour
prendre en charge l’élève. L’élève a une entrevue avec son tuteur au moins une fois
par semaine, voire plus si nécessaire, notamment pour faire le point, fixer des
objectifs et discuter d’orientation. Dans notre situation, c’est le principal du collège
qui s’est porté volontaire pour le suivi de cet élève, notamment parce qu’il est le
président de séance de la classe de Yacoub pour les conseils de classe.
Mon stage s’étant terminé en février et ne connaissant pas les évolutions de cette
situation, il s’agit à présent de soumettre quelques propositions complémentaires.
2.2 Les propositions complémentaires
Sur le plan éducatif, il convient de valoriser l’élève en minimisant l’évaluation
sociale et la compétition qui peut nuire à sa propre estime de soi. Motiver l’élève
pour contribuer à la réussite scolaire, l’encourager et le valoriser est nécessaire. Il y
a un rapprochement évident de l’éducatif et du pédagogique dans lequel le CPE est
de plus en plus amené à s’investir. D’ailleurs, la compétence 8 du référentiel
spécifique de CPE du 1er juillet 2013, favorise le travail avec l’équipe pédagogique.
Pour cet élève, il serait bon de développer le soutien personnalisé pour mettre en
place un accompagnement particulier avec notamment des partenaires sociaux
extérieurs. Inscrire Yacoub dans un dispositif relais semble approprié. Cette solution
avait été entreprise en début d’année et abandonnée parce que l’élève ne semblait
pas favorable à ce soutien. Beaucoup d’élèves, à l’instar de Yacoub, sont démotivés
et perdus dans ce système éducatif, un travail de remotivation doit être entrepris
avec ce type d’élèves pour qu’ils donnent du sens aux apprentissages et à l’école
en général. Il convient à présent de s’intéresser aux différents partenariats
possibles.
2.2.1 Le CPE, Conseiller technique de la communauté éducative11 : des partenariats
internes
Collaborer avec l’équipe éducative afin que Yacoub ne soit pas systématiquement
renvoyé. Il est vrai qu’il peut nuire à la gestion de la classe, mais il conviendrait de
réfléchir à un protocole qui permettrait à Yacoub de rester en classe parmi ses
camarades. La solution du renvoi doit rester exceptionnelle. Un travail de discussion
et de réflexion doit être noué dans ce sens, relativement à la compétence 8 qui
amène le CPE à travailler dans une équipe pédagogique.
En termes d’orientation, la compétence 7 du référentiel de compétences spécifiques
du CPE du 1er juillet 2013, invite le CPE à participer au projet d’orientation de
l’élève. En ce sens collaborer avec l’équipe pédagogique est essentiel. Dans le cas
de Yacoub, il est nécessaire d’approfondir son projet d’orientation, en effet, il est en
classe de 3ème (premier pallier d’orientation) ; et de renforcer le travail avec le
11 Jean Paul Delahaye a expliqué cette fonction dévolue au CPE et apparait en 2006. En effet, le CPE est le conseiller technique du chef d’établissement et de la communauté éducative. Il assoit ainsi sa légitimité.
8
Conseiller d’Orientation Psychologue (COP). Le CPE a un rôle déterminant à jouer
dans ce cadre puisque la compétence 7 le place au centre de la construction de son
parcours de formation et d’orientation.
Le Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) qui réunit le Chef
d’établissement, l’équipe médico-sociale, le CPE, les parents et les institutions
partenaires, peut renforcer des liens entre le collège et les parents d’élèves. Ainsi,
l’approche de la « co-éducation » est à privilégier. Les membres de la communauté
éducative ont favorisé l’écoute et fait des propositions afin d’accompagner Yacoub
avec des partenariats internes (tutorat) et externe (PPRE). On pourrait aussi nouer
des partenariats externes avec le centre social de son quartier, avec des
associations de soutien scolaire comme l’AFEV.
Dans ce cas, peut-être qu’un travail avec l’équipe médico-sociale et notamment l’AS
me semblerait intéressant à approfondir. Il semble que la relation école-famille soit
difficile et empêche la mise en œuvre d’actions. C’est pourquoi, il faudrait privilégier
cette piste même si pour l’instant c’est difficile. C’est avec l’AS qu’il est possible de
nouer un lien. La notion de co-éducation est primordiale dans l’intérêt de la famille,
car il est évident que Yacoub ruse avec cette absence de liaison. De plus, la famille
semble éloignée de la culture scolaire. L’association des parents d’élève peut-être
un interlocuteur privilégié. Aussi, l’équipe médico-sociale peut être sollicitée afin de
suivre l’élève dans une perspective préventive, pour comprendre son
environnement familial et social.
Sur le plan éducatif, en commission de suivi, nous pouvons proposer de mettre en
place soit une mesure éducative en partenariat externe avec un éducateur ou soit
une Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO)12, la famille étant démunie, cette
mesure permettrait de lui venir en soutien et d’aider Yacoub à sortir de la
délinquance.
2.2.2 Le CPE, Animateur éducatif
Pourrait aussi être développée la collaboration avec les AED qui entretiennent une
relation de proximité avec les élèves. En effet, les élèves se confient plus facilement
à eux, pour évoquer leur difficulté. L’omniprésence des AED dans l’établissement
fait qu’ils sont des acteurs incontournables au collège. Ils sont sous la responsabilité
du CPE13. Bien souvent, le CPE prend connaissance de certaines situations par
l’intermédiaire de ses assistants d’éducation, ils sont donc des personnes
ressources. Par ailleurs, en matière d’animation éducative, le CPE du collège les
implique dans les dispositifs d’accompagnement éducatif parce qu’ils en ont les
compétences14 et surtout pour diversifier leurs tâches.
12 L’AEMO est une mesure de protection de l’enfant vivant dans son milieu familial. 13 Il s’agit de la compétence 4 du référentiel du 1er juillet 2013. Celui-ci définit les compétences spécifiques du CPE. 14 Selon le décret n° 2008-316 du 4 avril 2008 définissant le statut des AED, il est fait mention qu’ils peuvent, à condition qu’ils aient un Bac+2, participer à l’accompagnement éducatif. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000018571602
9
De même, développer le Foyer socio-éducatif comme lieu de vie pour des
collégiens au sein de l’établissement comme le préconise les rapports sur
l’absentéisme, serait bénéfique. D’autant que cet espace est très apprécié par les
élèves. En effet cela permettrait de développer des liens entre les élèves, les AED
(qui assurent la surveillance et la gestion de l’espace et des jeux). Néanmoins, il est
vrai que cette proposition n’est pas très pertinente pour Yacoub qui prend déjà le
collège pour un centre de loisir. Pour autant l’intérêt du foyer pour cet élève serait
l’apprentissage des espaces temps dédiés aux loisirs.
2.2.3 Nouer des partenariats externes
Les partenaires sociaux sont de réels recours mais la difficulté dans le cas de
Yacoub est qu’il n’habite pas le secteur et cela nous oblige à nouer des liens avec
d’autres partenaires plus proches de chez lui, pour lui et pour sa famille. Il y a par
exemple la Ligue de l’enseignement et l’AFEV (Association de la Fondation
Etudiante pour la Ville) qui peuvent intervenir dans de l’accompagnement éducatif.
Conclusion
Le suivi des élèves est une mission fondamentale du métier de CPE. Celle-ci
permet notamment de détecter les élèves en difficulté (que ce soit au niveau de leur
santé, de leur comportement, de leurs apprentissages, de leur assiduité, élèves
décrocheurs). Incontestablement, comme nous l’avons décrit, le CPE et ses
assistants d’éducation sont impliqués au quotidien dans la prévention de
l’absentéisme. Le contrôle de l’assiduité est le domaine prioritaire de l’action
éducative, engageant la responsabilité de l’établissement en termes du repérage,
d’analyse et d’accompagnement. Ainsi le CPE et son équipe œuvrent dans le sens
des mesures éducatives et pédagogiques en faisant le lien avec l’élève, les familles
et tous les acteurs du système éducatif. La prévention de l’absentéisme et du
décrochage scolaire est renforcée par le travail d’équipe en renforçant les
partenariats internes et surtout externes.
Nous pouvons donc dire que le travail collaboratif est essentiel car il permet
d’engager différents acteurs dans diverses actions pour mettre en place des
mesures globales efficientes. L’objectif étant de permettre à l’élève d’être soutenu et
accompagné dans sa scolarité afin qu’il réussisse, même s’il faut reconnaître que
nos actions rencontrent parfois des limites. Toutefois, il faut admettre que
l’épanouissement personnel et la réussite des élèves sont possibles et sont
favorisés lorsque l’ensemble de la communauté éducative concourt à ce processus.
Ainsi, les mesures d’ordre pédagogiques dans l’accompagnement éducatif sont
mises en place en concertation avec l’établissement, l’élève et sa famille. Le CPE
contribue à ce processus de réussite même si son travail n’est pas toujours
clairement identifié, il agit pour et dans l’intérêt de l’élève en faisant le lien entre tous
les acteurs.
10
Bibliographie et Sitographie
BERNARD Pierre-Yves, « Le décrochage scolaire », Collection Que sais-je ?,
Presses Universitaires de France, Paris, 2011.
DELAHAYE Jean Paul, Texte : « Le Métier de CPE aujourd’hui : quelques
repères », 2006.
PERRENOUD Philippe, « Métier d’élève et sens du travail scolaire », ESF, Paris,
1994.
THIBERT Rémi, « Le décrochage scolaire : diversité des approches, diversité des
dispositifs ». Dossier d’actualité Veille et Analyses IFé, n°84, mai. Lyon : ENS de
Lyon. En ligne :
http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=84&lang=fr
VAN ZANTEN Agnès, « L’école de la périphérie. Scolarité et ségrégation en
banlieue », Presses Universitaires de France, Le Lien social, Paris, 2001.
Sitographie :
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2013/64/9/2013-059-rapport-Agir-contre-le-
decrochage-scolaire_278649.pdf
http://eduscol.education.fr/cid50661/enfants-en-danger-que-faire.html
http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=84&lang=fr
http://www.education.gouv.fr/cid55632/la-lutte-contre-le-decrochage-scolaire.html
WWW.education.gouv.fr