littérature et histoire du christianisme ancien

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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected] Article Steve Bélanger, Marie-Pierre Bussières, Lucian Dîncã, Moa Dritsas-Bizier, Steve Johnston, Jean-Michel Lavoie, Louis Painchaud, Tim Pettipiece, Paul-Hubert Poirier, Tuomas Rasimus, Thomas Schmidt et Eric Crégheur Laval théologique et philosophique, vol. 61, n° 1, 2005, p. 175-205. Pour citer la version numérique de cet article, utiliser l'adresse suivante : http://id.erudit.org/iderudit/011513ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/documentation/eruditPolitiqueUtilisation.pdf Document téléchargé le 3 février 2010 « Chronique : Littérature et histoire du christianisme ancien »

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Eacuterudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composeacute de lUniversiteacute de Montreacuteal lUniversiteacute Laval et lUniversiteacute du Queacutebec agrave

Montreacuteal Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche Eacuterudit offre des services deacutedition numeacuterique de documents

scientifiques depuis 1998

Pour communiquer avec les responsables dEacuterudit eruditumontrealca

Article

Steve Beacutelanger Marie-Pierre Bussiegraveres Lucian Dicircncatilde Moa Dritsas-Bizier Steve JohnstonJean-Michel Lavoie Louis Painchaud Tim Pettipiece Paul-Hubert Poirier TuomasRasimus Thomas Schmidt et Eric CreacutegheurLaval theacuteologique et philosophique vol 61 ndeg 1 2005 p 175-205

Pour citer la version numeacuterique de cet article utiliser ladresse suivante httpideruditorgiderudit011513arNote les regravegles deacutecriture des reacutefeacuterences bibliographiques peuvent varier selon les diffeacuterents domaines du savoir

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Document teacuteleacutechargeacute le 3 feacutevrier 2010

laquo Chronique Litteacuterature et histoire du christianisme ancien raquo

Laval theacuteologique et philosophique 61 1 (feacutevrier 2005) 175-205

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chronique

LITTEacuteRATURE ET HISTOIRE DU CHRISTIANISME ANCIEN

En collaboration

Jeacutesus et les origines chreacutetiennes

1 Hans-Josef KLAUCK Religion und Gesellschaft im fruumlhen Christentum Neutestament-liche Studien Tuumlbingen Mohr Siebeck (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo 152) 2003 X-456 p

Le dernier ouvrage de Hans-Josef Klauck (ci-apregraves K) professeur depuis 2001 agrave la presti-gieuse Divinity School de Chicago se preacutesente sous la forme drsquoune collection drsquoarticles reacutecents (eacutecrits entre 1995 et 2002) agrave laquelle srsquoajoute un chapitre introductif ineacutedit Le tout est diviseacute en sept sections theacutematiques qui comptent chacune entre un et trois articles pour un total de seize soit quatorze en allemand et deux en anglais Comme le titre lrsquoindique lrsquoensemble des travaux rassem-bleacutes traite de lrsquointeraction entre le christianisme primitif et la socieacuteteacute greacuteco-romaine contemporaine Seule la derniegravere section srsquoinscrit reacutesolument agrave lrsquoexteacuterieur de ce champ drsquoinvestigation Et puis-qursquoun compte rendu deacutetailleacute de lrsquoensemble des contributions testerait mecircme le lecteur le plus pa-tient il nous a sembleacute juste de choisir au sein de chaque section les parties les plus marquantes

Religion und Gesellschaft im fruumlhen Christentum srsquoouvre sur un chapitre introductif (I Einlei-tung p 3-53) qui a presque les dimensions drsquoune monographie et que K intitule laquo Pantheisten Polytheisten Monotheisten mdash eine Reflexion zur griechisch-roumlmischen und biblischen Theologie raquo LrsquoA y explore les repreacutesentations du divin depuis le judaiumlsme jusqursquoau christianisme en passant par le paganisme greacuteco-romain Il discute notamment la valeur moderne mdash entendre depuis le dix-neuviegraveme siegravecle (le titre renvoie agrave une maxime de Goethe) mdash qursquoon rattache agrave une telle eacutevolution

Preacuteceacutedentes chroniques Laval theacuteologique et philosophique 45 (1989) p 303-318 46 (1990) p 246-268 48 (1992) p 447-476 49 (1993) p 533-571 51 (1995) p 421-461 52 (1996) p 863-909 55 (1999) p 499-530 57 (2001) p 121-182 p 337-365 p 563-604 58 (2002) p 357-394 p 613-639 59 (2003) p 369-388 p 541-582 60 (2004) p 163-177 et p 363-378

Ont collaboreacute agrave cette chronique Steve Beacutelanger Marie-Pierre Bussiegraveres Lucian Dicircncatilde Moa Dritsas-Bizier Steve Johnston Jean-Michel Lavoie Louis Painchaud Tim Pettipiece Tuomas Rasimus et Thomas Schmidt Eric Creacutegheur en a assureacute la reacutedaction

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K tente ainsi drsquoeacutevaluer la validiteacute des repegraveres conceptuels les laquo frontiegraveres raquo entre les diffeacuterents theacuteismes agrave lrsquoaide drsquoune redeacutefinition des fondements du monotheacuteisme Il en arrive agrave insister sur la nature du monotheacuteisme tritheacuteiste en particulier comme srsquoaffirmant agrave travers un processus neacutegatif de refus du polytheacuteisme et de deacutefense de son caractegravere proprement monotheacuteiste en regard des critiques du monotheacuteisme juif Si dans le cas preacutesent la conclusion nrsquoa rien de surprenant et offre peu qui nrsquoait eacuteteacute dit ailleurs comme il arrive parfois chez K le chemin emprunteacute preacutesente au moins autant drsquointeacuterecirct que le point drsquoarriveacutee

Le premier bloc theacutematique (II Suumlnde und Vergebung p 57-115) contient deux articles eacutecrits en 1996 (respectivement laquo Die kleinasiatischen Beichtinschriften und das Neue Testament raquo p 57-81 et laquo Heil ohne Heilung Zur Metaphorik und Hermeneutik der Rede von Suumlnde und Vergebung im Neuen Testament raquo p 82-115) Leur objectif commun est de deacutemontrer les possibiliteacutes qursquooffre lrsquoeacutepigraphie pour lrsquoeacutetude du christianisme primitif et du Nouveau Testament Elles mettent aussi toutes deux en lumiegravere le deacutesir de K de conduire ses recherches en vue drsquoune Geistesgeschichte globale en consideacuterant la socieacuteteacute contemporaine mdash largement paiumlenne mdash dans lrsquoeacutetude du christianisme Ainsi K met-il en lumiegravere un langage religieux analogue entre les deux communauteacutes ainsi qursquoune attention precircteacutee aux mecircmes concepts et rites en particulier agrave ceux du pardon et du salut

La section suivante (III Ekstatische Rede p 119-167) traite sous deux aspects le mecircme pro-blegraveme celui de la glossolalie telle qursquoelle apparaicirct dans 1 Co Le premier article (laquo Von Kassandra bis zur Gnosis Im Umfeld der fruumlhchristlichen Glossolalie raquo p 119-144) offre une mise en con-texte du pheacutenomegravene dans ses manifestations preacutechreacutetiennes pour mieux comprendre son incarnation chreacutetienne tandis que le second (laquo Mit Engelszungen Vom Charisma der verstaumlndlichen Rede in 1 Kor 14 raquo p 145-167) se concentre sur la glossolalie comme partie drsquoun problegraveme exeacutegeacutetique preacutecis Les deux eacutetudes gagnent ainsi agrave ecirctre lues ensemble mecircme si cela entraicircne quelques reacutepeacuteti-tions ineacutevitables

La troisiegraveme section (IV Mysterienkulte und Herrenmahl p 171-202) examine lrsquoinfluence des cultes agrave mystegraveres paiumlens sur le christianisme primitif Le premier des deux articles laquo Die antiken Mysterienkulte und das Urchristentum mdash Anknuumlpfung und Widerspruch raquo propose un geacuteneacutereux survol de la question de la place du laquo mystegravere raquo dans les premiegraveres communauteacutes chreacutetiennes On y trouve K agrave son meilleur tant par la clarteacute de son propos que par son sens aigu de lrsquoeacuteconomie du texte il sait en quelques pages reacutesumer des sujets fort complexes Il fournit aussi une bibliographie eacutetoffeacutee laquelle est admirablement parcourue dans un status quaestionis que trop de chercheurs ont tendance agrave escamoter souvent au deacutetriment du lecteur LrsquoA prend aussi la preacutecaution de bien cer-ner son sujet en deacutefinissant de maniegravere seacutemantique et pheacutenomeacutenologique le concept de mystegravere religieux

Dans la quatriegraveme section (V Volk Gottes und Gemeinde p 205-247) K tourne son attention vers la question identitaire au sein de la communauteacute chreacutetienne Deux piegraveces se deacutemarquent de lrsquoensemble Dans laquo Gemeinde und Gesellschaft im fruumlhen Christentum mdash ein Leitbild fuumlr die Zukunft raquo K tente drsquoexaminer les processus drsquoautodeacutefinition des chreacutetiens menant agrave la constitu-tion drsquoune Eacuteglise Il srsquoagit drsquoun survol de la question dirigeacute de main de maicirctre qui preacutepare le terrain pour lrsquoeacutetude de cas de lrsquoarticle suivant laquo Junia Theodora und die Gemeinde von Korinth raquo qui nous fait entrer dans une communauteacute gracircce agrave lrsquoeacutepigraphie K y analyse cinq textes du milieu du premier siegravecle (trois deacutecrets et deux lettres) qui concernent lrsquoactiviteacute civique drsquoune eacutevergegravete romaine Junia Theacuteodora et qui ont la particulariteacute drsquooffrir de nombreux points de contacts avec le Nouveau Tes-tament et le corpus paulinien Un grand nombre des articles discuteacutes jusqursquoagrave maintenant montrent clairement que K fait partie de cette nouvelle geacuteneacuteration de theacuteologiens et drsquohistoriens du chris-

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tianisme qui veulent tirer le meilleur des ressources qursquooffrent les sciences dites laquo auxiliaires raquo de lrsquohistoire mdash sans oublier les sciences sociales mdash pour dresser un portrait plus preacutecis et nuanceacute du climat culturel dans lequel le christianisme a pris naissance et srsquoest deacuteveloppeacute Ainsi nrsquoheacutesite-t-il pas agrave se tourner vers lrsquoeacutepigraphie agrave maintes reprises pour fournir un point de deacutepart agrave ses recherches ou pour eacutetayer ses arguments Assureacutement lrsquoeacutepoque ougrave le fait chreacutetien eacutetait analyseacute dans une sorte de splendide isolation est reacutevolue

Avec la prochaine section (VI Herrscherkritik und Kaiserkult p 251-313) nous abordons la question du culte du souverain dans son rapport au christianisme Parmi les trois articles qursquoelle contient le second laquo Do They Never Come Back Nero Redivivus and the Apocalypse of John raquo est sans doute le plus surprenant K y deacuteveloppe une theacuteorie selon laquelle sous les traits de lrsquoAnteacute-christ se trouverait nul autre que lrsquoempereur Neacuteron Lrsquoobscuriteacute de ce texte eacutetant proverbiale et la quecircte pour en percer les mystegraveres vieille de plusieurs siegravecles lrsquoeffort paraicirct presque futile Il faut drsquoailleurs noter que lrsquoA nrsquoest pas le premier agrave reconnaicirctre en lrsquoultime repreacutesentant des Julio-Claudiens lrsquoadversaire du Christ Mais crsquoest sans compter sur la capaciteacute de K de revitaliser un sujet gracircce agrave lrsquoapplication de nouvelles ideacutees sur de vieux thegravemes Crsquoest ainsi qursquoagrave lrsquoaide des Oracles sibyllins il fait le lien de maniegravere convaincante bien que prudemment entre la leacutegende de Neacuteron mdash selon laquelle lrsquoempereur reviendrait de chez les Parthes pour reconqueacuterir son trocircne puis le monde entier mdash et les propheacuteties concernant lrsquoAnteacutechrist dans lrsquoApocalypse Mecircme si la certi-tude totale eacutechappera sans doute agrave jamais aux chercheurs sur cette question les arguments de K sont si persuasifs ou du moins si ingeacutenieux qursquoils sont au moins destineacutes agrave fournir des avenues feacutecondes agrave la recherche

La sixiegraveme section (VII Geteilte Briefe (aus anderer Sicht) p 317-337) contient un seul ar-ticle lui aussi en anglais Dans laquo Compilation of Letters in Cicerorsquos Correspondence raquo K tente de revitaliser le deacutebat sur la nature du corpus paulinien en le comparant agrave drsquoautres collections eacutepisto-laires que nous a leacutegueacutees lrsquoAntiquiteacute en particulier celle de Ciceacuteron Lrsquoobjectif drsquoune telle eacutetude comparative eacutetait de deacuteterminer si les lettres de Paul avaient fait lrsquoobjet de retouches eacuteditoriales avant leur laquo publication raquo Apregraves avoir examineacute les diffeacuterentes transformations subies par les lettres de Ciceacuteron (interpolation refonte partition etc) K en arrive agrave la conclusion que des partitions avaient sucircrement eu lieu mais qursquoelles eacutetaient sans doute de nature assez simple Il demeure tou-tefois extrecircmement prudent marquant bien le caractegravere exceptionnel des lettres de lrsquoorator romain La comparaison elle-mecircme ne prouve peut-ecirctre rien mais elle reacuteussit tout de mecircme agrave replacer les lettres de Paul dans un contexte plus large qui lui fait geacuteneacuteralement deacutefaut

La derniegravere section (VIII Exegese und Kirche p 341-420) se deacutemarque du reste du volume en proposant trois eacutetudes assez disparates dont la preacutesence au sein du volume semble au mieux dou-teuse Sans preacutejuger de leur valeur intrinsegraveque ni drsquoailleurs de leur inteacuterecirct lrsquoinclusion des deux derniers articles en particulier (laquo Die katholische neutestamentliche Exegese zwischen Vatikanum I und Vatikanum II raquo p 360-393 et laquo Alle Jubeljahre Zum neuen Dokument der Paumlpstlichen Bibelkommission raquo p 394-420) dans un recueil traitant du christianisme primitif a de quoi eacutetonner dans la mesure ougrave il srsquoagit de thegravemes reacutesolument modernes Ce bloc theacutematique a le meacuterite de nous montrer une autre facette des travaux de K mais peut-ecirctre aurait-il eacuteteacute preacutefeacuterable de ne pas lrsquoinclure

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Religion und Gesellschaft im fruumlhen Christentum compte 33 pages drsquoindex (index nominum et index locorum p 423-456) et est preacutesenteacute dans le format impeccable auquel nous a habitueacutes la mai-son Mohr Siebeck Lrsquoouvrage de K profitera agrave de nombreux lecteurs speacutecialistes ou non et meacuterite de figurer dans toute bibliothegraveque universitaire offrant un volet de theacuteologie ou de christianisme ancien

Jean-Michel Lavoie

2 Eacutetienne NODET Histoire de Jeacutesus Neacutecessiteacute et limites drsquoune enquecircte Preacuteface par Olivier-Thomas VENARD op Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Lire la Bible raquo 135) 2003 XXIV-248 p

Histoire de Jeacutesus Voici un titre qui degraves le deacutepart peut susciter une question dans lrsquoesprit du lecteur le point drsquointerrogation porte-t-il sur laquo Jeacutesus raquo ou sur laquo histoire raquo La lecture du livre nous fait croire que lrsquoA utilise le point drsquointerrogation pour les deux agrave la fois En effet Eacutetienne Nodet se donne pour objectif de proposer aux lecteurs un ouvrage offrant une synthegravese accessible des der-niers travaux consacreacutes agrave lrsquohistoriciteacute de Jeacutesus de Nazareth personnage que la foi chreacutetienne con-fesse comme vrai Fils de Dieu et vrai Fils drsquohomme Le livre se situe donc agrave la jonction de la pro-clamation de la mort et de la reacutesurrection de Jeacutesus et de lrsquoaffirmation de son origine dans la race humaine Par ailleurs comme pour toute œuvre historique nous sommes confronteacutes agrave une seacuterieuse documentation eacutevalueacutee et analyseacutee Ainsi avec beaucoup drsquohabileteacute lrsquoA sait entraicircner le lecteur dans lrsquounivers eacutevangeacutelique en preacutesentant lrsquoenfance de Jeacutesus qursquoil met en parallegravele avec lrsquointerrogation permanente qui traverse le livre au sujet de la reacutealiteacute historique des faits relateacutes La meacutethode choisie pour une telle enquecircte est la laquo deacutemarche reacutegressive raquo (p 203) ce qui signifie que lrsquoA part de lrsquoeacutetat actuel du christianisme afin de remonter dans le temps jusqursquoau milieu social politique et religieux de son personnage principal

Lrsquohypothegravese un peu provocatrice peut-ecirctre de lrsquoA est que les eacutevangeacutelistes nous ont fourni une laquo biographie raquo de Jeacutesus qui a eacuteteacute laquo christianiseacutee raquo par la preacutedication post-eacutevangeacutelique (p 80) Crsquoest pourquoi le lecteur moins familiariseacute avec de tels ouvrages peut trouver les analyses et les raison-nements difficiles agrave suivre Les arguments peuvent ecirctre reccedilus ou refuseacutes Drsquoailleurs lrsquoA lui-mecircme ne preacutetend qursquoagrave donner le point de vue drsquoun croyant pour des croyants sur lrsquohistoire de Jeacutesus Mal-greacute les recherches assez minutieuses et parfois tregraves deacutetailleacutees sur le Jeacutesus de lrsquohistoire Eacute Nodet conclut son ouvrage en citant la fameuse affirmation du fondateur de lrsquoEacutecole biblique de Jeacuterusalem M-J Lagrange laquo Les eacutevangiles sont les seules vies de Jeacutesus que lrsquoon puisse eacutecrire Il nrsquoest que de les comprendre le mieux possible raquo (p 209)

La question agrave laquelle lrsquoA se propose de reacutepondre dans son livre est drsquoune part celle de savoir jusqursquoagrave quel point il est possible par-delagrave les affirmations et les discordances des eacutevangiles de re-trouver quelques traits de Jeacutesus de ses faits et de ses gestes et drsquoautre part celle de lrsquoutiliteacute drsquoune telle recherche En fonction de cette question poseacutee degraves le deacutepart la structure du livre coule de source Une bregraveve introduction ougrave lrsquoA expose sa probleacutematique et la meacutethode agrave suivre et une courte conclusion de synthegravese encadrent les quatre chapitres de lrsquoouvrage Le premier chapitre propose lrsquoanalyse de lrsquoeucharistie chreacutetienne drsquoaujourdrsquohui qui est agrave la fois la plus ancienne action liturgique chreacutetienne pouvant remonter agrave lrsquoeacutepoque du Jeacutesus historique et lrsquoeacuteleacutement fondateur du christianisme autour duquel se construit la communauteacute chreacutetienne Elle signifie la preacutesence de Jeacutesus-Christ au milieu des fidegraveles reacuteunis pour faire meacutemoire de la mort et de la reacutesurrection du Seigneur Les documents juifs contemporains de lrsquoeacutepoque de Jeacutesus parmi lesquels ceux de Flavius Josegravephe figurent en premiegravere place sont eacutetudieacutes dans le deuxiegraveme chapitre Il srsquoagit pour lrsquoA de preacutesenter un regard non chreacutetien sur le personnage de Jeacutesus et sur lrsquoeacutepoque dans laquelle il a veacutecu

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enseigneacute et agi Le troisiegraveme chapitre est consacreacute agrave lrsquoanalyse des eacutevangiles canoniques En se gar-dant de toute tentative drsquoharmonisation des reacutecits eacutevangeacuteliques lrsquoA veut reconstruire un visage de Jeacutesus le plus proche possible de la reacutealiteacute Nous trouvons dans ce chapitre une abondance de teacutemoi-gnages patristiques sur la canoniciteacute et lrsquoinspiration des Eacutecritures drsquoune part et sur lrsquointerpreacutetation des concordances et des discordances des quatre textes eacutevangeacuteliques drsquoautre part Enfin le qua-triegraveme chapitre traite de la laquo Vie de Jeacutesus raquo et occupe presque la moitieacute du livre Agrave partir des eacuteleacute-ments essentiels de la confession de la foi chreacutetienne magnifiquement mis en lumiegravere nous pouvons mieux deacutegager la vie lrsquoaction et lrsquoenseignement de Jeacutesus En partant de la mort et de la reacutesurrection de Jeacutesus lrsquoA remonte au procegraves et Jeacutesus et agrave la derniegravere Cegravene afin de mieux discerner les traits humains du Jeacutesus historique Ce chapitre profitera drsquoautant plus au lecteur srsquoil est compleacuteteacute par la lecture de lrsquoouvrage preacuteceacutedant du mecircme auteur Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles1

Pour alleacuteger le texte lrsquoouvrage ne compte pas que des reacutefeacuterences en notes de bas de page Deux annexes enrichissent lrsquoouvrage Dans la premiegravere lrsquoA preacutesente en traduction franccedilaise et par thegravemes les principales sources anciennes et dans la seconde il nous offre quelques eacuteleacutements biblio-graphiques portant des points de vue diffeacuterents des siens sur le mecircme sujet

La grande originaliteacute drsquoune telle recherche est de preacutesenter les Eacutecritures concernant Jeacutesus en parallegravele avec drsquoautres textes anciens historiques Le lecteur deacutecouvre ainsi la porteacutee des diffeacuterents lieux et eacuteveacutenements mentionneacutes dans les reacutecits eacutevangeacuteliques le Jourdain Jeacuterusalem la Galileacutee Capharnauumlm Le but drsquoEacute Nodet nrsquoest pas de nous laisser croire que la Bible soit simplement un conglomeacuterat des textes se renvoyant les uns aux autres ni seulement la description des eacuteveacutenements annonciateurs drsquoun personnage agrave venir Sans renoncer agrave la tradition theacuteologique pour interpreacuteter les Eacutecritures lrsquoA a le meacuterite drsquoouvrir de nouvelles perspectives sur lrsquohistoire de Jeacutesus en appliquant la critique historique aux textes commenteacutes Il se fonde en cela sur deux constats historiques qui sont en mecircme temps ses principes hermeacuteneutiques lrsquoun touchant aux traces laisseacutees par le personnage historique de Jeacutesus et lrsquoautre concernant la preacutedication chreacutetienne de Jeacutesus-Christ mort et ressusciteacute Mecircme si la reacutesurrection occupe peu de place dans lrsquoouvrage cela srsquoexpliquant par le fait que pour un historien lrsquoeacuteveacutenement reste insaisissable il est transhistorique LrsquoA la conccediloit non pas comme un laquo simple retour agrave la vie ordinaire comme si ne srsquoeacutetait rien passeacute mais comme une source drsquoinspiration raquo (p 157)

Lucian Dicircncatilde

Histoire litteacuteraire et doctrinale

3 Philippe HENNE Introduction agrave Origegravene suivie drsquoune Anthologie Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2004 304 p

Penseur chreacutetien neacute en 185 et mort en 254 Origegravene est surtout connu pour son Contre Celse ouvrage poleacutemique visant agrave reacutefuter les preacutejugeacutes indeacuteracinables contre les chreacutetiens de son eacutepoque Or son œuvre ne srsquoy limite point et crsquoest pour contrer une certaine meacuteconnaissance drsquoOrigegravene par le grand public que lrsquoA entreprit de le preacutesenter par la recontextualisation de sa vie et de sa penseacutee

1 Eacutetienne NODET Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles Paris Cerf (coll laquo Josegravephe et son temps raquo 4) 2002 346 p Dans les deux ouvrages lrsquoA part du constat que les premiers chreacutetiens ont eu agrave cœur de deacutefendre la pleine humaniteacute de Jeacutesus contre la doctrine docegravete celle-ci voulant que la nature humaine de Jeacutesus soit seulement une apparence Voir la recension de cet ouvrage que jrsquoai faite dans Laval theacuteologique et philosophique 60 1 (2004) p 167-168

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La reacuteflexion drsquoOrigegravene influenceacutee par le milieu intellectuel alexandrin ougrave il grandit et eacutetudia par les peacuteriodes de perseacutecution (Septime Seacutevegravere en 202-203 et Degravece en 250) par son implication dans lrsquoEacuteglise drsquoAlexandrie puis de Ceacutesareacutee en Palestine visait lrsquoeacutelaboration drsquoun systegraveme coheacuterent des conceptions chreacutetiennes et lrsquoouverture drsquoun dialogue notamment avec le milieu rabbinique Auteur prolifique meneacute par une volonteacute profonde de compreacutehension de lrsquoEacutecriture et de ses trois niveaux de lecture (litteacuteral alleacutegorique et spirituel) Origegravene œuvra dans les domaines scripturaux theacuteolo-giques poleacutemiques apologeacutetiques et asceacutetiques Son œuvre qui influenccedila consideacuterablement la penseacutee chreacutetienne des siegravecles subseacutequents conduisit agrave deux crises origeacutenistes (aux quatriegraveme et sixiegraveme siegravecles) Ces crises se soldegraverent par la condamnation drsquoOrigegravene comme heacutereacutetique au concile de Constantinople en 553 parfois comme le souligne lrsquoA pour des theacuteories qui nrsquoeacutetaient pas complegravetement les siennes

Pour surmonter cette stricte conception heacutereacutetique drsquoOrigegravene lrsquoA invite le lecteur agrave aborder lrsquoAlexandrin dans son contexte historique La premiegravere partie de lrsquoouvrage preacutesente drsquoabord ses principaux eacuteleacutements biographiques puis entre au cœur de sa penseacutee par lrsquoeacutetude de textes Cette penseacutee est exposeacutee agrave travers quatre theacutematiques interdeacutependantes son œuvre son exeacutegegravese sa theacuteologie et sa croyance LrsquoA preacutecise avec raison que les conceptions religieuses drsquoOrigegravene ne peuvent se comprendre que dans le contexte immeacutediat dans lequel elles eacutemergegraverent et que les con-damnations ulteacuterieures illustrent lrsquoavancement des reacuteflexions chreacutetiennes sur des theacutematiques dont Origegravene fut un preacutecurseur Il souligne qursquoil est drsquoautant plus difficile drsquoacceacuteder agrave la penseacutee complegravete de lrsquoAlexandrin que certains de ses ouvrages ne nous sont parvenus que par des traductions dont la fiabiliteacute est remise en question

Pour mieux illustrer son propos lrsquoA a constitueacute une anthologie preacutesenteacutee dans le mecircme ordre theacutematique que la premiegravere partie Parfois introduits par une bregraveve explication les textes seacutelection-neacutes proviennent drsquoœuvres diverses de lrsquoAntiquiteacute Outre lrsquoabondance des eacutecrits drsquoOrigegravene sont preacute-senteacutes des extraits drsquoauteurs lrsquoayant influenceacute (Philon drsquoAlexandrie) et ayant eacuteteacute influenceacutes positi-vement ou non par sa penseacutee (Basile de Ceacutesareacutee Eusegravebe de Ceacutesareacutee Greacutegoire de Nazianze Jean Chrysostome et Jeacuterocircme) Cette anthologie ouvre sur une perspective inteacuteressante Cependant lrsquohar-monie entre les deux parties de lrsquoouvrage aurait gagneacute en valeur didactique par le renvoi de la premiegravere agrave la seconde assurant ainsi une meilleure compreacutehension des propos tenus Une introduc-tion justifiant la seacutelection et expliquant la meacutethode drsquoutilisation des textes anciens preacutesenteacutes fait eacutegalement deacutefaut ce qui nuit agrave une bonne exploitation de cette section Lrsquoapport de cette anthologie agrave la preacutesentation drsquoOrigegravene de son œuvre et de son influence au sein de la chreacutetienteacute est ainsi quelque peu discutable

Chacun des chapitres de la premiegravere partie se clocirct par une bregraveve conclusion reacutesumant lrsquoensem-ble des eacuteleacutements preacutesenteacutes Lrsquoouvrage comporte eacutegalement une bibliographie geacuteneacuterale et theacutema-tique suivant encore une fois le plan de reacutedaction dont les notices sont parfois commenteacutees briegrave-vement Deux listes par ordre alphabeacutetique et par chapitre permettent une consultation rapide des extraits citeacutes dans lrsquoanthologie Lrsquoabsence totale de notes critiques constitue lrsquoune des principales lacunes de cet ouvrage2 Celui-ci constitue toutefois une bonne introduction agrave Origegravene et aux cou-

2 Cela aurait permis drsquoamener certaines nuances historiques complegravetement eacutevacueacutees comme celles appor-teacutees par A Daguet-Gagey concernant la perseacutecution de Septime Seacutevegravere qui marqua lrsquoenfance drsquoOrigegravene Cf A DAGUET-GAGEY laquo Septime-Seacutevegravere un empereur perseacutecuteur des chreacutetiens raquo Revue des eacutetudes augustiniennes 47 (2001) p 1-32

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rants de penseacutees philosophiques et religieux de son eacutepoque qui eacutetoffe celle deacutejagrave reacutealiseacutee dans cette collection3

Steve Beacutelanger

4 Aloys GRILLMEIER Le Christ dans la tradition chreacutetienne 1 De lrsquoacircge apostolique au concile de Chalceacutedoine (451) Preacuteface et 2e eacutedition franccedilaise revue par Theresia HAINTHALER traduction par Sœur Pascale-Dominique Paris Les Eacuteditions du Cerf (col laquo Cogitatio Fidei raquo 230) 2003 1120 p

A Grillmeier ancien professeur de theacuteologie fondamentale et dogmatique est un nom bien connu de ceux qui srsquointeacuteressent au deacuteveloppement de la christologie des premiers siegravecles du chris-tianisme Lrsquoouvrage dont nous faisons la recension une somme de la doctrine christologique jus-qursquoau concile de Chalceacutedoine srsquoinscrit parmi les classiques qui nous aident agrave comprendre la foi heacuteriteacutee des Apocirctres et les deacutebats qui ont conduit agrave sa cristallisation Lrsquoeacutedition originale de cet ou-vrage a eacuteteacute publieacutee en anglais4 comme un deacuteveloppement drsquoun article intituleacute laquo Die theologische und sprachliche Vorbereitung der christologischen Formel von Chalkedon raquo La premiegravere traduction en franccedilais a paru en 1973 Cette nouvelle eacutedition a eacuteteacute preacutepareacutee par lrsquoA lui-mecircme avec la collabo-ration pour la traduction franccedilaise de Sr Pascale-Dominique qui a pris en charge sa reacutevision et sa publication apregraves le deacutecegraves de lrsquoauteur

Lrsquoouvrage compte trois parties La premiegravere est consacreacutee au deacuteveloppement christologique des origines jusqursquoagrave Origegravene Les Pegraveres apostoliques ont confesseacute leur foi au Christ vrai Dieu et vrai homme Cependant avant que les Eacutecritures chreacutetiennes ne jouissent drsquoun statut de canoniciteacute bien deacutefini les formules christologiques se sont multiplieacutees et se sont transmises par la voie orale laquo la foi vient de lrsquoeacutecoute raquo Les premiers eacutecrits patristiques la Didachegrave et le Pasteur drsquoHermas sont mar-queacutes par ces formules en circulation et nous permettent de deacutegager laquo une foi trinitaire ou du moins binaire (Pegravere-Fils) raquo (p 217) La lutte des apologistes a eacuteteacute de convaincre le monde paiumlen de la soliditeacute et de la veacuteraciteacute de leur foi au Christ lrsquoenvoyeacute de Dieu pour le salut de toute lrsquohumaniteacute Apregraves lrsquoeacutepoque des Pegraveres apostoliques et apologistes ce sont les Pegraveres alexandrins Cleacutement et Origegravene qui ont apporteacute une reacuteflexion solide centreacutee sur lrsquoIncarnation du Logos au deacuteveloppement christologique Cleacutement se situant plus dans la perspective de la lutte anti-gnostique voit laquo le rocircle du Logos comme la source et le maicirctre de la ldquognoserdquo raquo (p 363) qui nous permet de contempler Dieu Quant agrave Origegravene il concentre son attention sur la confession de sa foi en lrsquoincarnation en tenant compte de la reacutealiteacute de la diviniteacute et de lrsquohumaniteacute du Christ Chez lui laquo plus on fait ressortir les principes fondamentaux de sa theacuteologie plus lrsquoimage de sa christologie gagne en profondeur raquo (p 373) Cette recherche pour deacutefinir la foi chreacutetienne en Jeacutesus-Christ Fils de Dieu et Fils de lrsquohomme sera reprise et meneacutee agrave son apogeacutee par les Pegraveres du quatriegraveme siegravecle et les formulations christologiques des premiers conciles œcumeacuteniques

La seconde partie de lrsquoouvrage preacutesente le deacutebat christologique drsquoOrigegravene au concile drsquoEacutephegravese Le quatriegraveme siegravecle est traverseacute par la laquo crise arienne raquo drsquoougrave la neacutecessiteacute de reacuteunir un premier concile œcumeacutenique Contre la doctrine drsquoArius qui affirmait qursquolaquo il y eut un temps ougrave le Logos nrsquoexistait pas et [que] le Logos est une creacuteature du Pegravere raquo les Pegraveres niceacuteens signent la premiegravere profession de foi imposeacutee agrave toute lrsquoEacuteglise laquo Le Fils est eacuteternel et consubstantiel au Pegravere raquo Il a fallu

3 Cf Jean LAPORTE Les Pegraveres de lrsquoEacuteglise Tome II Les Pegraveres grecs Paris Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2001 p 37-74

4 A GRILLMEIER Christ in Christian Tradition from the Apostolic Age to Chalcedon (451) Londres AR Mowbray 1965

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tout le dynamisme drsquoAthanase drsquoAlexandrie en Orient et la deacutetermination drsquoHilaire de Poitiers en Occident pour arriver agrave une victoire deacutefinitive de lrsquoaffirmation de la vraie diviniteacute et de la reacuteelle humaniteacute du Logos La christologie se deacuteveloppe donc autour de lrsquoideacutee du Logos-Sarx alexandrin qui reacuteussit agrave maintenir un juste milieu pour la confession de la foi eccleacutesiale La deuxiegraveme section de ce mecircme chapitre eacutetudie en reacuteaction agrave la doctrine apollinariste une christologie Logos-Anthropos de type antiochien deacuteveloppeacutee par Damase Diodore de Tarse et Eacutephrem le Syrien Cette christologie avait lrsquoavantage drsquoincorporer laquo agrave la fois des eacuteleacutements de la christologie de lrsquoldquohomo assumptusrdquo et de lrsquoldquohomo factusrdquo raquo (p 682) Par de telles formules les antiochiens voulaient reacuteagir contre la doctrine drsquoApollinaire de lrsquounique nature dans le Christ LrsquoA nous introduit progressive-ment au deacutebat sur les deux natures du Christ dont Nestorius et Cyrille drsquoAlexandrie sont resteacutes les illustres repreacutesentants

Enfin la troisiegraveme partie consacre sa premiegravere section au laquo scandalum oecumenicum raquo deacuteclen-cheacute par la christologie de Nestorius Le but de celui-ci est drsquoeacutecarter les deux extrecircmes dans les titres donneacutes agrave Marie laquo theacuteotokos raquo et laquo anthropotokos raquo Drsquoune part le titre laquo theacuteotokos raquo promu par Cyrille et ses partisans les identifiait agrave Apollinaire drsquoautre part les partisans du titre laquo anthropo-tokos raquo se rangeaient du cocircteacute drsquoArius Par conseacutequent le titre qui convient le mieux agrave Marie et que promeut Nestorius est celui de laquo christotokos raquo Le concile drsquoEacutephegravese en 431 reacuteagit contre cette position affirmant la diviniteacute du Christ fait homme par conseacutequent la materniteacute divine de Marie Elle est laquo theacuteotokos raquo laquo Un seul et mecircme est le Fils eacuteternel du Pegravere qui dans le temps est neacute selon la chair de la Vierge Marie celle que nous pouvons de ce fait appeler Megravere de Dieu raquo (p 922) La deuxiegraveme section de la troisiegraveme partie centre les recherches sur la peacuteriode qui va du concile drsquoEacutephegravese et agrave celui de Chalceacutedoine La reacuteaction antiochienne ne tarde pas Il a fallu lrsquoesprit conci-liateur de Theacuteodoret de Cyr pour maintenir lrsquoeacutequilibre entre les positions nestorienne et cyrillienne Son but est de mettre en relief la liberteacute de lrsquoIncarnation en confessant laquo invariablement une uniteacute substantielle reacuteelle dans le Christ raquo (p 932) La base de la reacuteconciliation entre les deux partis est la formule de foi signeacutee agrave Antioche en 432 Dans ce laquo Symbolum antiochenum raquo la confession de Jeacutesus-Christ vrai Fils de Dieu et vrai Fils de lrsquohomme parfaitement Dieu et parfaitement homme et ayant une acircme raisonnable et un corps est clairement affirmeacutee Lrsquoapollinarisme et lrsquoarianisme sont exclus et la foi de Niceacutee reacuteaffirmeacutee La troisiegraveme section continue de nous familiariser avec les deacutebats christologiques autour de la double nature du Christ Le concile de Chalceacutedoine se donne pour objectif de compleacuteter Eacutephegravese en forgeant une formule dogmatique permettant drsquoeacuteclairer laquo lrsquouniteacute et la diffeacuterence dans le Christ raquo (p 1003) LrsquoA propose une analyse de la deacutefinition chal-ceacutedonienne en relevant agrave la fois la continuiteacute et la progression dans la cristallisation du dogme christologique depuis Niceacutee

Par rapport agrave la premiegravere eacutedition franccedilaise cette seconde eacutedition a lrsquoavantage de nous donner une bibliographie plus deacutetailleacutee et mise agrave jour On a eacutegalement regroupeacute certains chapitres et on en a ajouteacute drsquoautres Enfin les notes de bas de page sont plus abondantes Lrsquoouvrage comprend agrave la fin quelques index (des auteurs anciens des mots grecs et latins) indispensables pour tirer profit de lrsquoouvrage

Lucian Dicircncatilde

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5 Herveacute INGLEBERT Interpretatio Christiana Les mutations des savoirs (cosmographie geacuteo-graphie ethnographie histoire) dans lrsquoAntiquiteacute chreacutetienne (30-630 apregraves J-C) Paris Institut drsquoEacutetudes Augustiniennes (coll laquo Eacutetudes Augustiniennes raquo seacuterie laquo Antiquiteacute raquo 166) 2001 632 p

Par laquo mutation des savoirs raquo il faut entendre laquo adaptation des savoirs agrave la christianisation du monde antique raquo et par laquo savoirs raquo il faut comprendre laquo connaissances sur le monde raquo LrsquoA pro-pose en effet dans cet ouvrage une histoire culturelle une histoire des ideacutees et de la faccedilon dont ces ideacutees ont eacuteteacute comprises essentiellement du point de vue de la repreacutesentation du monde et de son histoire Agrave lrsquoeacutepoque chreacutetienne il y a un hiatus entre savoir et repreacutesentation tels qursquoils eacutetaient entendus dans lrsquoeacuteducation classique En effet la culture profane a valoriseacute le savoir pour lui-mecircme alors que lrsquoappreacutehension du savoir biblique ne srsquoest pas faite en fonction de la connaissance mais en fonction de la signification de lrsquoexistence humaine (p 30) LrsquoA expose comment une lecture historique de la Bible a modifieacute ou srsquoest opposeacutee aux repreacutesentations que les chreacutetiens ont heacuteriteacutees de leur formation dans la paiumldeacuteia Les quatre tendances face agrave lrsquoheacuteritage classique (refus creacuteation drsquoune nouvelle conception reprise indiffeacuterente et conversion par lrsquoameacutenagement ou la synthegravese des savoirs) peuvent ecirctre observeacutees dans chacune des disciplines eacutetudieacutees

Le livre est diviseacute en deux grandes eacutetapes historiques Tout drsquoabord la christianisation des sa-voirs antiques et les rapports entre savoir et foi sont analyseacutes dans la cosmographie la geacuteographie et lrsquoethnographie Ensuite on traite de la perception chreacutetienne de lrsquohistoire et du problegraveme de lrsquoadop-tion des savoirs historiques antiques dans lrsquohistoriographie chreacutetienne de la naissance des histoires des heacutereacutesies et du deacuteveloppement des histoires universelles Lrsquohistoire occupe agrave elle seule la moitieacute du volume en raison de son importance dans la culture chreacutetienne En effet lrsquohistoire fonde la veacuteriteacute de la foi et agrave ce titre elle est pour les chreacutetiens un savoir privileacutegieacute ce qui a pour conseacutequence de modifier son rocircle dans lrsquoeacutequilibre des savoirs antiques

Agrave titre drsquoexemple de lrsquoanalyse pratiqueacutee lrsquoA montre lrsquooriginaliteacute drsquoun document tel que le Diamerismos attribueacute agrave Hippolyte de Rome Cet exposeacute amalgame sans les harmoniser des don-neacutees sur la reacutepartition des peuples provenant de la tradition biblique juive (tripartition des peuples en fonction des descendants des fils de Noeacute cf Gn 10) et des traditions grecques ethnographique (classement par peuples) et chorographique (classement par reacutegions) compleacuteteacutees de quelques indi-cations drsquoeacutepoque romaine Ces juxtapositions neacutecessitent une correspondance entre les noms heacutebreux des peuples bibliques et les noms grecs des peuples connus et entraicircnent eacutevidemment quel-ques redites dans lrsquoeacutenumeacuteration des peuples et des incoheacuterences dans leur distribution geacuteogra-phique Ces difficulteacutes ne reccedilurent une tentative drsquoexplication qursquoavec Eacutepiphane de Salamine qui les expliqua par lrsquohistoire des occupations territoriales successives crsquoest-agrave-dire la colonisation et les ambitions territoriales de Cham et ses descendants (p 171) Dans le texte drsquoHippolyte les sections sur lrsquoAfrique et lrsquoEurope (du moins en partie) eacutenumegraverent les peuples en laquo ordre geacuteographique raquo crsquoest-agrave-dire selon une progression peacuterieacutegeacutetique reprenant ainsi un scheacutema classique Cette repreacutesen-tation cartographique des peuples restera partielle chez les auteurs chreacutetiens qui tenteront toujours de faire coiumlncider listes de la Bible et savoir paiumlen jusqursquoagrave Isidore de Seacuteville

Ces diverses superpositions de donneacutees trouvent leur meilleure illustration avec lrsquohistoriogra-phie LrsquoA montre comment le deacuteveloppement de cette discipline par les chreacutetiens est passeacute par trois eacutetapes soit le synchronisme des donneacutees bibliques et des donneacutees de la paiumldeacuteia la synthegravese puis le syncreacutetisme de ces donneacutees (p 553) Ces mouvements se sont produits agrave des eacutepoques diffeacuterentes dans chaque partie de lrsquoempire au rythme de lrsquoabsorption des modegraveles grecs de la reacutedaction historique

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Sur le plan des mentaliteacutes lrsquoA montre que le deacutedain dont ont souvent fait preuve les chreacutetiens envers le savoir arguant que la connaissance ne servait en rien au salut puisque seule la foi pouvait sauver est en fait heacuteriteacute drsquoune tradition philosophique inculqueacutee par la paiumldeacuteia Ce meacutepris cessera complegravetement lorsque le paganisme ne servira plus de reacutefeacuterence culturelle mais ce sera agrave ce moment la fin de lrsquoAntiquiteacute et le veacuteritable deacutebut du Moyen Acircge (p 570)

On ne reacutepeacutetera pas assez lrsquoimportance de la poleacutemique contre les paiumlens dans la structuration du savoir chreacutetien aux quatriegraveme et cinquiegraveme siegravecles Drsquoune part les chreacutetiens devaient faire con-corder les savoirs de la paiumldeacuteia avec les donneacutees qursquoils trouvaient dans la Bible ou reacutefuter les premiers au profit des secondes Drsquoautre part la culture chreacutetienne srsquoest deacuteveloppeacutee dans un climat de deacutebats dialectiques essentiellement faccedilonneacutes par le modegravele de la paiumldeacuteia grecque Ce modegravele culturel nrsquoa donc pas eacuteteacute effaceacute par la subordination de la raison agrave la foi comme moyen de compreacutehension du monde seul lrsquoangle drsquoapproche de la culture fut modifieacute Dans la deacutefinition des savoirs un problegraveme eacutepisteacutemologique nrsquoest culturellement chreacutetien que srsquoil entraicircne un deacutebat religieux

Nous avons ici une eacutetude complegravete qui ne sera pas agrave refaire Lrsquoexhaustiviteacute de la reacutedaction en-traicircne cependant quelques redites qui ne sont pas alleacutegeacutees par les tableaux reacutecapitulatifs La langue utiliseacutee est technique mais sobre avec agrave lrsquooccasion quelques neacuteologismes qui laissent perplexe (p ex p 184 n 132 ougrave lrsquoon affirme qursquoune association drsquoAmbroise de Milan fut laquo reuseacutee par Jeacuterocircme raquo) Lrsquoensemble est drsquoune tregraves grande qualiteacute

Marie-Pierre Bussiegraveres

6 Christophe BOUREUX Commencer dans la vie religieuse avec saint Antoine suivi de la laquo Vie drsquoAntoine raquo par Athanase drsquoAlexandrie Paris Les Eacuteditions du Cerf 2003 272 p

Degraves les premiegraveres lignes lrsquoA donne au lecteur le ton de lrsquoouvrage laquo La vie religieuse ccedila nrsquoar-recircte pas de commencer Et dans ce commencement qui nrsquoest qursquoun recommencement la vie reli-gieuse trouve sa raison drsquoecirctre et sa fin sa relation au passeacute et agrave lrsquoavenir sa place dans lrsquoEacuteglise et la socieacuteteacute raquo (p 9) Dans une socieacuteteacute occidentale ougrave nous assistons agrave une diminution deacutemographique du nombre des congreacutegations religieuses Christophe Boureux religieux dominicain fait appel agrave saint Antoine le laquo Pegravere du monachisme raquo pour nous preacutesenter un style de vie religieuse trouvant sa force et sa raison drsquoecirctre dans un continuel commencement Il nous invite donc agrave une redeacutecouverte en profondeur du laquo don raquo de la vie religieuse5 que Dieu fait agrave lrsquoEacuteglise La premiegravere difficulteacute agrave sou-lever est de savoir si Jeacutesus a inaugureacute un tel eacutetat de vie La question aide lrsquoA agrave faire la distinction entre lrsquoaspect theacuteologal et lrsquoaspect historique de la vie religieuse laquo [hellip] il serait inexact de suggeacuterer que ce fut Jeacutesus historique qui aurait inaugureacute la vie religieuse Comme toute la vie chreacutetienne la vie religieuse trouve son modegravele sa figure dans la description des faits et gestes paroles et actes de Jeacutesus rapporteacutes dans les Eacutevangiles raquo (p 18) Lrsquoexhortation apostolique Vita Consecrata6 mettant un terme aux heacutesitations eccleacutesiales seacuteculaires sur la validiteacute de la vie religieuse vient apporter un atout agrave lrsquointeacuterecirct et agrave la pertinence de cette eacutetude

5 LrsquoA choisit drsquoutiliser lrsquoexpression laquo vie religieuse raquo plutocirct que laquo vie consacreacutee raquo en srsquoappuyant sur trois arguments anthropologique de theacuteologie sacramentaire et eccleacutesiale (cf p 20-26)

6 JEAN-PAUL II Vita Consecrata Exhortation apostolique post-synodale sur la vie consacreacutee et sa mission dans lrsquoEacuteglise et dans le monde Montreacuteal Meacutediaspaul 1996 211 p

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

Laval theacuteologique et philosophique 61 1 (feacutevrier 2005) 175-205

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chronique

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En collaboration

Jeacutesus et les origines chreacutetiennes

1 Hans-Josef KLAUCK Religion und Gesellschaft im fruumlhen Christentum Neutestament-liche Studien Tuumlbingen Mohr Siebeck (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo 152) 2003 X-456 p

Le dernier ouvrage de Hans-Josef Klauck (ci-apregraves K) professeur depuis 2001 agrave la presti-gieuse Divinity School de Chicago se preacutesente sous la forme drsquoune collection drsquoarticles reacutecents (eacutecrits entre 1995 et 2002) agrave laquelle srsquoajoute un chapitre introductif ineacutedit Le tout est diviseacute en sept sections theacutematiques qui comptent chacune entre un et trois articles pour un total de seize soit quatorze en allemand et deux en anglais Comme le titre lrsquoindique lrsquoensemble des travaux rassem-bleacutes traite de lrsquointeraction entre le christianisme primitif et la socieacuteteacute greacuteco-romaine contemporaine Seule la derniegravere section srsquoinscrit reacutesolument agrave lrsquoexteacuterieur de ce champ drsquoinvestigation Et puis-qursquoun compte rendu deacutetailleacute de lrsquoensemble des contributions testerait mecircme le lecteur le plus pa-tient il nous a sembleacute juste de choisir au sein de chaque section les parties les plus marquantes

Religion und Gesellschaft im fruumlhen Christentum srsquoouvre sur un chapitre introductif (I Einlei-tung p 3-53) qui a presque les dimensions drsquoune monographie et que K intitule laquo Pantheisten Polytheisten Monotheisten mdash eine Reflexion zur griechisch-roumlmischen und biblischen Theologie raquo LrsquoA y explore les repreacutesentations du divin depuis le judaiumlsme jusqursquoau christianisme en passant par le paganisme greacuteco-romain Il discute notamment la valeur moderne mdash entendre depuis le dix-neuviegraveme siegravecle (le titre renvoie agrave une maxime de Goethe) mdash qursquoon rattache agrave une telle eacutevolution

Preacuteceacutedentes chroniques Laval theacuteologique et philosophique 45 (1989) p 303-318 46 (1990) p 246-268 48 (1992) p 447-476 49 (1993) p 533-571 51 (1995) p 421-461 52 (1996) p 863-909 55 (1999) p 499-530 57 (2001) p 121-182 p 337-365 p 563-604 58 (2002) p 357-394 p 613-639 59 (2003) p 369-388 p 541-582 60 (2004) p 163-177 et p 363-378

Ont collaboreacute agrave cette chronique Steve Beacutelanger Marie-Pierre Bussiegraveres Lucian Dicircncatilde Moa Dritsas-Bizier Steve Johnston Jean-Michel Lavoie Louis Painchaud Tim Pettipiece Tuomas Rasimus et Thomas Schmidt Eric Creacutegheur en a assureacute la reacutedaction

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K tente ainsi drsquoeacutevaluer la validiteacute des repegraveres conceptuels les laquo frontiegraveres raquo entre les diffeacuterents theacuteismes agrave lrsquoaide drsquoune redeacutefinition des fondements du monotheacuteisme Il en arrive agrave insister sur la nature du monotheacuteisme tritheacuteiste en particulier comme srsquoaffirmant agrave travers un processus neacutegatif de refus du polytheacuteisme et de deacutefense de son caractegravere proprement monotheacuteiste en regard des critiques du monotheacuteisme juif Si dans le cas preacutesent la conclusion nrsquoa rien de surprenant et offre peu qui nrsquoait eacuteteacute dit ailleurs comme il arrive parfois chez K le chemin emprunteacute preacutesente au moins autant drsquointeacuterecirct que le point drsquoarriveacutee

Le premier bloc theacutematique (II Suumlnde und Vergebung p 57-115) contient deux articles eacutecrits en 1996 (respectivement laquo Die kleinasiatischen Beichtinschriften und das Neue Testament raquo p 57-81 et laquo Heil ohne Heilung Zur Metaphorik und Hermeneutik der Rede von Suumlnde und Vergebung im Neuen Testament raquo p 82-115) Leur objectif commun est de deacutemontrer les possibiliteacutes qursquooffre lrsquoeacutepigraphie pour lrsquoeacutetude du christianisme primitif et du Nouveau Testament Elles mettent aussi toutes deux en lumiegravere le deacutesir de K de conduire ses recherches en vue drsquoune Geistesgeschichte globale en consideacuterant la socieacuteteacute contemporaine mdash largement paiumlenne mdash dans lrsquoeacutetude du christianisme Ainsi K met-il en lumiegravere un langage religieux analogue entre les deux communauteacutes ainsi qursquoune attention precircteacutee aux mecircmes concepts et rites en particulier agrave ceux du pardon et du salut

La section suivante (III Ekstatische Rede p 119-167) traite sous deux aspects le mecircme pro-blegraveme celui de la glossolalie telle qursquoelle apparaicirct dans 1 Co Le premier article (laquo Von Kassandra bis zur Gnosis Im Umfeld der fruumlhchristlichen Glossolalie raquo p 119-144) offre une mise en con-texte du pheacutenomegravene dans ses manifestations preacutechreacutetiennes pour mieux comprendre son incarnation chreacutetienne tandis que le second (laquo Mit Engelszungen Vom Charisma der verstaumlndlichen Rede in 1 Kor 14 raquo p 145-167) se concentre sur la glossolalie comme partie drsquoun problegraveme exeacutegeacutetique preacutecis Les deux eacutetudes gagnent ainsi agrave ecirctre lues ensemble mecircme si cela entraicircne quelques reacutepeacuteti-tions ineacutevitables

La troisiegraveme section (IV Mysterienkulte und Herrenmahl p 171-202) examine lrsquoinfluence des cultes agrave mystegraveres paiumlens sur le christianisme primitif Le premier des deux articles laquo Die antiken Mysterienkulte und das Urchristentum mdash Anknuumlpfung und Widerspruch raquo propose un geacuteneacutereux survol de la question de la place du laquo mystegravere raquo dans les premiegraveres communauteacutes chreacutetiennes On y trouve K agrave son meilleur tant par la clarteacute de son propos que par son sens aigu de lrsquoeacuteconomie du texte il sait en quelques pages reacutesumer des sujets fort complexes Il fournit aussi une bibliographie eacutetoffeacutee laquelle est admirablement parcourue dans un status quaestionis que trop de chercheurs ont tendance agrave escamoter souvent au deacutetriment du lecteur LrsquoA prend aussi la preacutecaution de bien cer-ner son sujet en deacutefinissant de maniegravere seacutemantique et pheacutenomeacutenologique le concept de mystegravere religieux

Dans la quatriegraveme section (V Volk Gottes und Gemeinde p 205-247) K tourne son attention vers la question identitaire au sein de la communauteacute chreacutetienne Deux piegraveces se deacutemarquent de lrsquoensemble Dans laquo Gemeinde und Gesellschaft im fruumlhen Christentum mdash ein Leitbild fuumlr die Zukunft raquo K tente drsquoexaminer les processus drsquoautodeacutefinition des chreacutetiens menant agrave la constitu-tion drsquoune Eacuteglise Il srsquoagit drsquoun survol de la question dirigeacute de main de maicirctre qui preacutepare le terrain pour lrsquoeacutetude de cas de lrsquoarticle suivant laquo Junia Theodora und die Gemeinde von Korinth raquo qui nous fait entrer dans une communauteacute gracircce agrave lrsquoeacutepigraphie K y analyse cinq textes du milieu du premier siegravecle (trois deacutecrets et deux lettres) qui concernent lrsquoactiviteacute civique drsquoune eacutevergegravete romaine Junia Theacuteodora et qui ont la particulariteacute drsquooffrir de nombreux points de contacts avec le Nouveau Tes-tament et le corpus paulinien Un grand nombre des articles discuteacutes jusqursquoagrave maintenant montrent clairement que K fait partie de cette nouvelle geacuteneacuteration de theacuteologiens et drsquohistoriens du chris-

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tianisme qui veulent tirer le meilleur des ressources qursquooffrent les sciences dites laquo auxiliaires raquo de lrsquohistoire mdash sans oublier les sciences sociales mdash pour dresser un portrait plus preacutecis et nuanceacute du climat culturel dans lequel le christianisme a pris naissance et srsquoest deacuteveloppeacute Ainsi nrsquoheacutesite-t-il pas agrave se tourner vers lrsquoeacutepigraphie agrave maintes reprises pour fournir un point de deacutepart agrave ses recherches ou pour eacutetayer ses arguments Assureacutement lrsquoeacutepoque ougrave le fait chreacutetien eacutetait analyseacute dans une sorte de splendide isolation est reacutevolue

Avec la prochaine section (VI Herrscherkritik und Kaiserkult p 251-313) nous abordons la question du culte du souverain dans son rapport au christianisme Parmi les trois articles qursquoelle contient le second laquo Do They Never Come Back Nero Redivivus and the Apocalypse of John raquo est sans doute le plus surprenant K y deacuteveloppe une theacuteorie selon laquelle sous les traits de lrsquoAnteacute-christ se trouverait nul autre que lrsquoempereur Neacuteron Lrsquoobscuriteacute de ce texte eacutetant proverbiale et la quecircte pour en percer les mystegraveres vieille de plusieurs siegravecles lrsquoeffort paraicirct presque futile Il faut drsquoailleurs noter que lrsquoA nrsquoest pas le premier agrave reconnaicirctre en lrsquoultime repreacutesentant des Julio-Claudiens lrsquoadversaire du Christ Mais crsquoest sans compter sur la capaciteacute de K de revitaliser un sujet gracircce agrave lrsquoapplication de nouvelles ideacutees sur de vieux thegravemes Crsquoest ainsi qursquoagrave lrsquoaide des Oracles sibyllins il fait le lien de maniegravere convaincante bien que prudemment entre la leacutegende de Neacuteron mdash selon laquelle lrsquoempereur reviendrait de chez les Parthes pour reconqueacuterir son trocircne puis le monde entier mdash et les propheacuteties concernant lrsquoAnteacutechrist dans lrsquoApocalypse Mecircme si la certi-tude totale eacutechappera sans doute agrave jamais aux chercheurs sur cette question les arguments de K sont si persuasifs ou du moins si ingeacutenieux qursquoils sont au moins destineacutes agrave fournir des avenues feacutecondes agrave la recherche

La sixiegraveme section (VII Geteilte Briefe (aus anderer Sicht) p 317-337) contient un seul ar-ticle lui aussi en anglais Dans laquo Compilation of Letters in Cicerorsquos Correspondence raquo K tente de revitaliser le deacutebat sur la nature du corpus paulinien en le comparant agrave drsquoautres collections eacutepisto-laires que nous a leacutegueacutees lrsquoAntiquiteacute en particulier celle de Ciceacuteron Lrsquoobjectif drsquoune telle eacutetude comparative eacutetait de deacuteterminer si les lettres de Paul avaient fait lrsquoobjet de retouches eacuteditoriales avant leur laquo publication raquo Apregraves avoir examineacute les diffeacuterentes transformations subies par les lettres de Ciceacuteron (interpolation refonte partition etc) K en arrive agrave la conclusion que des partitions avaient sucircrement eu lieu mais qursquoelles eacutetaient sans doute de nature assez simple Il demeure tou-tefois extrecircmement prudent marquant bien le caractegravere exceptionnel des lettres de lrsquoorator romain La comparaison elle-mecircme ne prouve peut-ecirctre rien mais elle reacuteussit tout de mecircme agrave replacer les lettres de Paul dans un contexte plus large qui lui fait geacuteneacuteralement deacutefaut

La derniegravere section (VIII Exegese und Kirche p 341-420) se deacutemarque du reste du volume en proposant trois eacutetudes assez disparates dont la preacutesence au sein du volume semble au mieux dou-teuse Sans preacutejuger de leur valeur intrinsegraveque ni drsquoailleurs de leur inteacuterecirct lrsquoinclusion des deux derniers articles en particulier (laquo Die katholische neutestamentliche Exegese zwischen Vatikanum I und Vatikanum II raquo p 360-393 et laquo Alle Jubeljahre Zum neuen Dokument der Paumlpstlichen Bibelkommission raquo p 394-420) dans un recueil traitant du christianisme primitif a de quoi eacutetonner dans la mesure ougrave il srsquoagit de thegravemes reacutesolument modernes Ce bloc theacutematique a le meacuterite de nous montrer une autre facette des travaux de K mais peut-ecirctre aurait-il eacuteteacute preacutefeacuterable de ne pas lrsquoinclure

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Religion und Gesellschaft im fruumlhen Christentum compte 33 pages drsquoindex (index nominum et index locorum p 423-456) et est preacutesenteacute dans le format impeccable auquel nous a habitueacutes la mai-son Mohr Siebeck Lrsquoouvrage de K profitera agrave de nombreux lecteurs speacutecialistes ou non et meacuterite de figurer dans toute bibliothegraveque universitaire offrant un volet de theacuteologie ou de christianisme ancien

Jean-Michel Lavoie

2 Eacutetienne NODET Histoire de Jeacutesus Neacutecessiteacute et limites drsquoune enquecircte Preacuteface par Olivier-Thomas VENARD op Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Lire la Bible raquo 135) 2003 XXIV-248 p

Histoire de Jeacutesus Voici un titre qui degraves le deacutepart peut susciter une question dans lrsquoesprit du lecteur le point drsquointerrogation porte-t-il sur laquo Jeacutesus raquo ou sur laquo histoire raquo La lecture du livre nous fait croire que lrsquoA utilise le point drsquointerrogation pour les deux agrave la fois En effet Eacutetienne Nodet se donne pour objectif de proposer aux lecteurs un ouvrage offrant une synthegravese accessible des der-niers travaux consacreacutes agrave lrsquohistoriciteacute de Jeacutesus de Nazareth personnage que la foi chreacutetienne con-fesse comme vrai Fils de Dieu et vrai Fils drsquohomme Le livre se situe donc agrave la jonction de la pro-clamation de la mort et de la reacutesurrection de Jeacutesus et de lrsquoaffirmation de son origine dans la race humaine Par ailleurs comme pour toute œuvre historique nous sommes confronteacutes agrave une seacuterieuse documentation eacutevalueacutee et analyseacutee Ainsi avec beaucoup drsquohabileteacute lrsquoA sait entraicircner le lecteur dans lrsquounivers eacutevangeacutelique en preacutesentant lrsquoenfance de Jeacutesus qursquoil met en parallegravele avec lrsquointerrogation permanente qui traverse le livre au sujet de la reacutealiteacute historique des faits relateacutes La meacutethode choisie pour une telle enquecircte est la laquo deacutemarche reacutegressive raquo (p 203) ce qui signifie que lrsquoA part de lrsquoeacutetat actuel du christianisme afin de remonter dans le temps jusqursquoau milieu social politique et religieux de son personnage principal

Lrsquohypothegravese un peu provocatrice peut-ecirctre de lrsquoA est que les eacutevangeacutelistes nous ont fourni une laquo biographie raquo de Jeacutesus qui a eacuteteacute laquo christianiseacutee raquo par la preacutedication post-eacutevangeacutelique (p 80) Crsquoest pourquoi le lecteur moins familiariseacute avec de tels ouvrages peut trouver les analyses et les raison-nements difficiles agrave suivre Les arguments peuvent ecirctre reccedilus ou refuseacutes Drsquoailleurs lrsquoA lui-mecircme ne preacutetend qursquoagrave donner le point de vue drsquoun croyant pour des croyants sur lrsquohistoire de Jeacutesus Mal-greacute les recherches assez minutieuses et parfois tregraves deacutetailleacutees sur le Jeacutesus de lrsquohistoire Eacute Nodet conclut son ouvrage en citant la fameuse affirmation du fondateur de lrsquoEacutecole biblique de Jeacuterusalem M-J Lagrange laquo Les eacutevangiles sont les seules vies de Jeacutesus que lrsquoon puisse eacutecrire Il nrsquoest que de les comprendre le mieux possible raquo (p 209)

La question agrave laquelle lrsquoA se propose de reacutepondre dans son livre est drsquoune part celle de savoir jusqursquoagrave quel point il est possible par-delagrave les affirmations et les discordances des eacutevangiles de re-trouver quelques traits de Jeacutesus de ses faits et de ses gestes et drsquoautre part celle de lrsquoutiliteacute drsquoune telle recherche En fonction de cette question poseacutee degraves le deacutepart la structure du livre coule de source Une bregraveve introduction ougrave lrsquoA expose sa probleacutematique et la meacutethode agrave suivre et une courte conclusion de synthegravese encadrent les quatre chapitres de lrsquoouvrage Le premier chapitre propose lrsquoanalyse de lrsquoeucharistie chreacutetienne drsquoaujourdrsquohui qui est agrave la fois la plus ancienne action liturgique chreacutetienne pouvant remonter agrave lrsquoeacutepoque du Jeacutesus historique et lrsquoeacuteleacutement fondateur du christianisme autour duquel se construit la communauteacute chreacutetienne Elle signifie la preacutesence de Jeacutesus-Christ au milieu des fidegraveles reacuteunis pour faire meacutemoire de la mort et de la reacutesurrection du Seigneur Les documents juifs contemporains de lrsquoeacutepoque de Jeacutesus parmi lesquels ceux de Flavius Josegravephe figurent en premiegravere place sont eacutetudieacutes dans le deuxiegraveme chapitre Il srsquoagit pour lrsquoA de preacutesenter un regard non chreacutetien sur le personnage de Jeacutesus et sur lrsquoeacutepoque dans laquelle il a veacutecu

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enseigneacute et agi Le troisiegraveme chapitre est consacreacute agrave lrsquoanalyse des eacutevangiles canoniques En se gar-dant de toute tentative drsquoharmonisation des reacutecits eacutevangeacuteliques lrsquoA veut reconstruire un visage de Jeacutesus le plus proche possible de la reacutealiteacute Nous trouvons dans ce chapitre une abondance de teacutemoi-gnages patristiques sur la canoniciteacute et lrsquoinspiration des Eacutecritures drsquoune part et sur lrsquointerpreacutetation des concordances et des discordances des quatre textes eacutevangeacuteliques drsquoautre part Enfin le qua-triegraveme chapitre traite de la laquo Vie de Jeacutesus raquo et occupe presque la moitieacute du livre Agrave partir des eacuteleacute-ments essentiels de la confession de la foi chreacutetienne magnifiquement mis en lumiegravere nous pouvons mieux deacutegager la vie lrsquoaction et lrsquoenseignement de Jeacutesus En partant de la mort et de la reacutesurrection de Jeacutesus lrsquoA remonte au procegraves et Jeacutesus et agrave la derniegravere Cegravene afin de mieux discerner les traits humains du Jeacutesus historique Ce chapitre profitera drsquoautant plus au lecteur srsquoil est compleacuteteacute par la lecture de lrsquoouvrage preacuteceacutedant du mecircme auteur Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles1

Pour alleacuteger le texte lrsquoouvrage ne compte pas que des reacutefeacuterences en notes de bas de page Deux annexes enrichissent lrsquoouvrage Dans la premiegravere lrsquoA preacutesente en traduction franccedilaise et par thegravemes les principales sources anciennes et dans la seconde il nous offre quelques eacuteleacutements biblio-graphiques portant des points de vue diffeacuterents des siens sur le mecircme sujet

La grande originaliteacute drsquoune telle recherche est de preacutesenter les Eacutecritures concernant Jeacutesus en parallegravele avec drsquoautres textes anciens historiques Le lecteur deacutecouvre ainsi la porteacutee des diffeacuterents lieux et eacuteveacutenements mentionneacutes dans les reacutecits eacutevangeacuteliques le Jourdain Jeacuterusalem la Galileacutee Capharnauumlm Le but drsquoEacute Nodet nrsquoest pas de nous laisser croire que la Bible soit simplement un conglomeacuterat des textes se renvoyant les uns aux autres ni seulement la description des eacuteveacutenements annonciateurs drsquoun personnage agrave venir Sans renoncer agrave la tradition theacuteologique pour interpreacuteter les Eacutecritures lrsquoA a le meacuterite drsquoouvrir de nouvelles perspectives sur lrsquohistoire de Jeacutesus en appliquant la critique historique aux textes commenteacutes Il se fonde en cela sur deux constats historiques qui sont en mecircme temps ses principes hermeacuteneutiques lrsquoun touchant aux traces laisseacutees par le personnage historique de Jeacutesus et lrsquoautre concernant la preacutedication chreacutetienne de Jeacutesus-Christ mort et ressusciteacute Mecircme si la reacutesurrection occupe peu de place dans lrsquoouvrage cela srsquoexpliquant par le fait que pour un historien lrsquoeacuteveacutenement reste insaisissable il est transhistorique LrsquoA la conccediloit non pas comme un laquo simple retour agrave la vie ordinaire comme si ne srsquoeacutetait rien passeacute mais comme une source drsquoinspiration raquo (p 157)

Lucian Dicircncatilde

Histoire litteacuteraire et doctrinale

3 Philippe HENNE Introduction agrave Origegravene suivie drsquoune Anthologie Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2004 304 p

Penseur chreacutetien neacute en 185 et mort en 254 Origegravene est surtout connu pour son Contre Celse ouvrage poleacutemique visant agrave reacutefuter les preacutejugeacutes indeacuteracinables contre les chreacutetiens de son eacutepoque Or son œuvre ne srsquoy limite point et crsquoest pour contrer une certaine meacuteconnaissance drsquoOrigegravene par le grand public que lrsquoA entreprit de le preacutesenter par la recontextualisation de sa vie et de sa penseacutee

1 Eacutetienne NODET Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles Paris Cerf (coll laquo Josegravephe et son temps raquo 4) 2002 346 p Dans les deux ouvrages lrsquoA part du constat que les premiers chreacutetiens ont eu agrave cœur de deacutefendre la pleine humaniteacute de Jeacutesus contre la doctrine docegravete celle-ci voulant que la nature humaine de Jeacutesus soit seulement une apparence Voir la recension de cet ouvrage que jrsquoai faite dans Laval theacuteologique et philosophique 60 1 (2004) p 167-168

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La reacuteflexion drsquoOrigegravene influenceacutee par le milieu intellectuel alexandrin ougrave il grandit et eacutetudia par les peacuteriodes de perseacutecution (Septime Seacutevegravere en 202-203 et Degravece en 250) par son implication dans lrsquoEacuteglise drsquoAlexandrie puis de Ceacutesareacutee en Palestine visait lrsquoeacutelaboration drsquoun systegraveme coheacuterent des conceptions chreacutetiennes et lrsquoouverture drsquoun dialogue notamment avec le milieu rabbinique Auteur prolifique meneacute par une volonteacute profonde de compreacutehension de lrsquoEacutecriture et de ses trois niveaux de lecture (litteacuteral alleacutegorique et spirituel) Origegravene œuvra dans les domaines scripturaux theacuteolo-giques poleacutemiques apologeacutetiques et asceacutetiques Son œuvre qui influenccedila consideacuterablement la penseacutee chreacutetienne des siegravecles subseacutequents conduisit agrave deux crises origeacutenistes (aux quatriegraveme et sixiegraveme siegravecles) Ces crises se soldegraverent par la condamnation drsquoOrigegravene comme heacutereacutetique au concile de Constantinople en 553 parfois comme le souligne lrsquoA pour des theacuteories qui nrsquoeacutetaient pas complegravetement les siennes

Pour surmonter cette stricte conception heacutereacutetique drsquoOrigegravene lrsquoA invite le lecteur agrave aborder lrsquoAlexandrin dans son contexte historique La premiegravere partie de lrsquoouvrage preacutesente drsquoabord ses principaux eacuteleacutements biographiques puis entre au cœur de sa penseacutee par lrsquoeacutetude de textes Cette penseacutee est exposeacutee agrave travers quatre theacutematiques interdeacutependantes son œuvre son exeacutegegravese sa theacuteologie et sa croyance LrsquoA preacutecise avec raison que les conceptions religieuses drsquoOrigegravene ne peuvent se comprendre que dans le contexte immeacutediat dans lequel elles eacutemergegraverent et que les con-damnations ulteacuterieures illustrent lrsquoavancement des reacuteflexions chreacutetiennes sur des theacutematiques dont Origegravene fut un preacutecurseur Il souligne qursquoil est drsquoautant plus difficile drsquoacceacuteder agrave la penseacutee complegravete de lrsquoAlexandrin que certains de ses ouvrages ne nous sont parvenus que par des traductions dont la fiabiliteacute est remise en question

Pour mieux illustrer son propos lrsquoA a constitueacute une anthologie preacutesenteacutee dans le mecircme ordre theacutematique que la premiegravere partie Parfois introduits par une bregraveve explication les textes seacutelection-neacutes proviennent drsquoœuvres diverses de lrsquoAntiquiteacute Outre lrsquoabondance des eacutecrits drsquoOrigegravene sont preacute-senteacutes des extraits drsquoauteurs lrsquoayant influenceacute (Philon drsquoAlexandrie) et ayant eacuteteacute influenceacutes positi-vement ou non par sa penseacutee (Basile de Ceacutesareacutee Eusegravebe de Ceacutesareacutee Greacutegoire de Nazianze Jean Chrysostome et Jeacuterocircme) Cette anthologie ouvre sur une perspective inteacuteressante Cependant lrsquohar-monie entre les deux parties de lrsquoouvrage aurait gagneacute en valeur didactique par le renvoi de la premiegravere agrave la seconde assurant ainsi une meilleure compreacutehension des propos tenus Une introduc-tion justifiant la seacutelection et expliquant la meacutethode drsquoutilisation des textes anciens preacutesenteacutes fait eacutegalement deacutefaut ce qui nuit agrave une bonne exploitation de cette section Lrsquoapport de cette anthologie agrave la preacutesentation drsquoOrigegravene de son œuvre et de son influence au sein de la chreacutetienteacute est ainsi quelque peu discutable

Chacun des chapitres de la premiegravere partie se clocirct par une bregraveve conclusion reacutesumant lrsquoensem-ble des eacuteleacutements preacutesenteacutes Lrsquoouvrage comporte eacutegalement une bibliographie geacuteneacuterale et theacutema-tique suivant encore une fois le plan de reacutedaction dont les notices sont parfois commenteacutees briegrave-vement Deux listes par ordre alphabeacutetique et par chapitre permettent une consultation rapide des extraits citeacutes dans lrsquoanthologie Lrsquoabsence totale de notes critiques constitue lrsquoune des principales lacunes de cet ouvrage2 Celui-ci constitue toutefois une bonne introduction agrave Origegravene et aux cou-

2 Cela aurait permis drsquoamener certaines nuances historiques complegravetement eacutevacueacutees comme celles appor-teacutees par A Daguet-Gagey concernant la perseacutecution de Septime Seacutevegravere qui marqua lrsquoenfance drsquoOrigegravene Cf A DAGUET-GAGEY laquo Septime-Seacutevegravere un empereur perseacutecuteur des chreacutetiens raquo Revue des eacutetudes augustiniennes 47 (2001) p 1-32

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rants de penseacutees philosophiques et religieux de son eacutepoque qui eacutetoffe celle deacutejagrave reacutealiseacutee dans cette collection3

Steve Beacutelanger

4 Aloys GRILLMEIER Le Christ dans la tradition chreacutetienne 1 De lrsquoacircge apostolique au concile de Chalceacutedoine (451) Preacuteface et 2e eacutedition franccedilaise revue par Theresia HAINTHALER traduction par Sœur Pascale-Dominique Paris Les Eacuteditions du Cerf (col laquo Cogitatio Fidei raquo 230) 2003 1120 p

A Grillmeier ancien professeur de theacuteologie fondamentale et dogmatique est un nom bien connu de ceux qui srsquointeacuteressent au deacuteveloppement de la christologie des premiers siegravecles du chris-tianisme Lrsquoouvrage dont nous faisons la recension une somme de la doctrine christologique jus-qursquoau concile de Chalceacutedoine srsquoinscrit parmi les classiques qui nous aident agrave comprendre la foi heacuteriteacutee des Apocirctres et les deacutebats qui ont conduit agrave sa cristallisation Lrsquoeacutedition originale de cet ou-vrage a eacuteteacute publieacutee en anglais4 comme un deacuteveloppement drsquoun article intituleacute laquo Die theologische und sprachliche Vorbereitung der christologischen Formel von Chalkedon raquo La premiegravere traduction en franccedilais a paru en 1973 Cette nouvelle eacutedition a eacuteteacute preacutepareacutee par lrsquoA lui-mecircme avec la collabo-ration pour la traduction franccedilaise de Sr Pascale-Dominique qui a pris en charge sa reacutevision et sa publication apregraves le deacutecegraves de lrsquoauteur

Lrsquoouvrage compte trois parties La premiegravere est consacreacutee au deacuteveloppement christologique des origines jusqursquoagrave Origegravene Les Pegraveres apostoliques ont confesseacute leur foi au Christ vrai Dieu et vrai homme Cependant avant que les Eacutecritures chreacutetiennes ne jouissent drsquoun statut de canoniciteacute bien deacutefini les formules christologiques se sont multiplieacutees et se sont transmises par la voie orale laquo la foi vient de lrsquoeacutecoute raquo Les premiers eacutecrits patristiques la Didachegrave et le Pasteur drsquoHermas sont mar-queacutes par ces formules en circulation et nous permettent de deacutegager laquo une foi trinitaire ou du moins binaire (Pegravere-Fils) raquo (p 217) La lutte des apologistes a eacuteteacute de convaincre le monde paiumlen de la soliditeacute et de la veacuteraciteacute de leur foi au Christ lrsquoenvoyeacute de Dieu pour le salut de toute lrsquohumaniteacute Apregraves lrsquoeacutepoque des Pegraveres apostoliques et apologistes ce sont les Pegraveres alexandrins Cleacutement et Origegravene qui ont apporteacute une reacuteflexion solide centreacutee sur lrsquoIncarnation du Logos au deacuteveloppement christologique Cleacutement se situant plus dans la perspective de la lutte anti-gnostique voit laquo le rocircle du Logos comme la source et le maicirctre de la ldquognoserdquo raquo (p 363) qui nous permet de contempler Dieu Quant agrave Origegravene il concentre son attention sur la confession de sa foi en lrsquoincarnation en tenant compte de la reacutealiteacute de la diviniteacute et de lrsquohumaniteacute du Christ Chez lui laquo plus on fait ressortir les principes fondamentaux de sa theacuteologie plus lrsquoimage de sa christologie gagne en profondeur raquo (p 373) Cette recherche pour deacutefinir la foi chreacutetienne en Jeacutesus-Christ Fils de Dieu et Fils de lrsquohomme sera reprise et meneacutee agrave son apogeacutee par les Pegraveres du quatriegraveme siegravecle et les formulations christologiques des premiers conciles œcumeacuteniques

La seconde partie de lrsquoouvrage preacutesente le deacutebat christologique drsquoOrigegravene au concile drsquoEacutephegravese Le quatriegraveme siegravecle est traverseacute par la laquo crise arienne raquo drsquoougrave la neacutecessiteacute de reacuteunir un premier concile œcumeacutenique Contre la doctrine drsquoArius qui affirmait qursquolaquo il y eut un temps ougrave le Logos nrsquoexistait pas et [que] le Logos est une creacuteature du Pegravere raquo les Pegraveres niceacuteens signent la premiegravere profession de foi imposeacutee agrave toute lrsquoEacuteglise laquo Le Fils est eacuteternel et consubstantiel au Pegravere raquo Il a fallu

3 Cf Jean LAPORTE Les Pegraveres de lrsquoEacuteglise Tome II Les Pegraveres grecs Paris Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2001 p 37-74

4 A GRILLMEIER Christ in Christian Tradition from the Apostolic Age to Chalcedon (451) Londres AR Mowbray 1965

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tout le dynamisme drsquoAthanase drsquoAlexandrie en Orient et la deacutetermination drsquoHilaire de Poitiers en Occident pour arriver agrave une victoire deacutefinitive de lrsquoaffirmation de la vraie diviniteacute et de la reacuteelle humaniteacute du Logos La christologie se deacuteveloppe donc autour de lrsquoideacutee du Logos-Sarx alexandrin qui reacuteussit agrave maintenir un juste milieu pour la confession de la foi eccleacutesiale La deuxiegraveme section de ce mecircme chapitre eacutetudie en reacuteaction agrave la doctrine apollinariste une christologie Logos-Anthropos de type antiochien deacuteveloppeacutee par Damase Diodore de Tarse et Eacutephrem le Syrien Cette christologie avait lrsquoavantage drsquoincorporer laquo agrave la fois des eacuteleacutements de la christologie de lrsquoldquohomo assumptusrdquo et de lrsquoldquohomo factusrdquo raquo (p 682) Par de telles formules les antiochiens voulaient reacuteagir contre la doctrine drsquoApollinaire de lrsquounique nature dans le Christ LrsquoA nous introduit progressive-ment au deacutebat sur les deux natures du Christ dont Nestorius et Cyrille drsquoAlexandrie sont resteacutes les illustres repreacutesentants

Enfin la troisiegraveme partie consacre sa premiegravere section au laquo scandalum oecumenicum raquo deacuteclen-cheacute par la christologie de Nestorius Le but de celui-ci est drsquoeacutecarter les deux extrecircmes dans les titres donneacutes agrave Marie laquo theacuteotokos raquo et laquo anthropotokos raquo Drsquoune part le titre laquo theacuteotokos raquo promu par Cyrille et ses partisans les identifiait agrave Apollinaire drsquoautre part les partisans du titre laquo anthropo-tokos raquo se rangeaient du cocircteacute drsquoArius Par conseacutequent le titre qui convient le mieux agrave Marie et que promeut Nestorius est celui de laquo christotokos raquo Le concile drsquoEacutephegravese en 431 reacuteagit contre cette position affirmant la diviniteacute du Christ fait homme par conseacutequent la materniteacute divine de Marie Elle est laquo theacuteotokos raquo laquo Un seul et mecircme est le Fils eacuteternel du Pegravere qui dans le temps est neacute selon la chair de la Vierge Marie celle que nous pouvons de ce fait appeler Megravere de Dieu raquo (p 922) La deuxiegraveme section de la troisiegraveme partie centre les recherches sur la peacuteriode qui va du concile drsquoEacutephegravese et agrave celui de Chalceacutedoine La reacuteaction antiochienne ne tarde pas Il a fallu lrsquoesprit conci-liateur de Theacuteodoret de Cyr pour maintenir lrsquoeacutequilibre entre les positions nestorienne et cyrillienne Son but est de mettre en relief la liberteacute de lrsquoIncarnation en confessant laquo invariablement une uniteacute substantielle reacuteelle dans le Christ raquo (p 932) La base de la reacuteconciliation entre les deux partis est la formule de foi signeacutee agrave Antioche en 432 Dans ce laquo Symbolum antiochenum raquo la confession de Jeacutesus-Christ vrai Fils de Dieu et vrai Fils de lrsquohomme parfaitement Dieu et parfaitement homme et ayant une acircme raisonnable et un corps est clairement affirmeacutee Lrsquoapollinarisme et lrsquoarianisme sont exclus et la foi de Niceacutee reacuteaffirmeacutee La troisiegraveme section continue de nous familiariser avec les deacutebats christologiques autour de la double nature du Christ Le concile de Chalceacutedoine se donne pour objectif de compleacuteter Eacutephegravese en forgeant une formule dogmatique permettant drsquoeacuteclairer laquo lrsquouniteacute et la diffeacuterence dans le Christ raquo (p 1003) LrsquoA propose une analyse de la deacutefinition chal-ceacutedonienne en relevant agrave la fois la continuiteacute et la progression dans la cristallisation du dogme christologique depuis Niceacutee

Par rapport agrave la premiegravere eacutedition franccedilaise cette seconde eacutedition a lrsquoavantage de nous donner une bibliographie plus deacutetailleacutee et mise agrave jour On a eacutegalement regroupeacute certains chapitres et on en a ajouteacute drsquoautres Enfin les notes de bas de page sont plus abondantes Lrsquoouvrage comprend agrave la fin quelques index (des auteurs anciens des mots grecs et latins) indispensables pour tirer profit de lrsquoouvrage

Lucian Dicircncatilde

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5 Herveacute INGLEBERT Interpretatio Christiana Les mutations des savoirs (cosmographie geacuteo-graphie ethnographie histoire) dans lrsquoAntiquiteacute chreacutetienne (30-630 apregraves J-C) Paris Institut drsquoEacutetudes Augustiniennes (coll laquo Eacutetudes Augustiniennes raquo seacuterie laquo Antiquiteacute raquo 166) 2001 632 p

Par laquo mutation des savoirs raquo il faut entendre laquo adaptation des savoirs agrave la christianisation du monde antique raquo et par laquo savoirs raquo il faut comprendre laquo connaissances sur le monde raquo LrsquoA pro-pose en effet dans cet ouvrage une histoire culturelle une histoire des ideacutees et de la faccedilon dont ces ideacutees ont eacuteteacute comprises essentiellement du point de vue de la repreacutesentation du monde et de son histoire Agrave lrsquoeacutepoque chreacutetienne il y a un hiatus entre savoir et repreacutesentation tels qursquoils eacutetaient entendus dans lrsquoeacuteducation classique En effet la culture profane a valoriseacute le savoir pour lui-mecircme alors que lrsquoappreacutehension du savoir biblique ne srsquoest pas faite en fonction de la connaissance mais en fonction de la signification de lrsquoexistence humaine (p 30) LrsquoA expose comment une lecture historique de la Bible a modifieacute ou srsquoest opposeacutee aux repreacutesentations que les chreacutetiens ont heacuteriteacutees de leur formation dans la paiumldeacuteia Les quatre tendances face agrave lrsquoheacuteritage classique (refus creacuteation drsquoune nouvelle conception reprise indiffeacuterente et conversion par lrsquoameacutenagement ou la synthegravese des savoirs) peuvent ecirctre observeacutees dans chacune des disciplines eacutetudieacutees

Le livre est diviseacute en deux grandes eacutetapes historiques Tout drsquoabord la christianisation des sa-voirs antiques et les rapports entre savoir et foi sont analyseacutes dans la cosmographie la geacuteographie et lrsquoethnographie Ensuite on traite de la perception chreacutetienne de lrsquohistoire et du problegraveme de lrsquoadop-tion des savoirs historiques antiques dans lrsquohistoriographie chreacutetienne de la naissance des histoires des heacutereacutesies et du deacuteveloppement des histoires universelles Lrsquohistoire occupe agrave elle seule la moitieacute du volume en raison de son importance dans la culture chreacutetienne En effet lrsquohistoire fonde la veacuteriteacute de la foi et agrave ce titre elle est pour les chreacutetiens un savoir privileacutegieacute ce qui a pour conseacutequence de modifier son rocircle dans lrsquoeacutequilibre des savoirs antiques

Agrave titre drsquoexemple de lrsquoanalyse pratiqueacutee lrsquoA montre lrsquooriginaliteacute drsquoun document tel que le Diamerismos attribueacute agrave Hippolyte de Rome Cet exposeacute amalgame sans les harmoniser des don-neacutees sur la reacutepartition des peuples provenant de la tradition biblique juive (tripartition des peuples en fonction des descendants des fils de Noeacute cf Gn 10) et des traditions grecques ethnographique (classement par peuples) et chorographique (classement par reacutegions) compleacuteteacutees de quelques indi-cations drsquoeacutepoque romaine Ces juxtapositions neacutecessitent une correspondance entre les noms heacutebreux des peuples bibliques et les noms grecs des peuples connus et entraicircnent eacutevidemment quel-ques redites dans lrsquoeacutenumeacuteration des peuples et des incoheacuterences dans leur distribution geacuteogra-phique Ces difficulteacutes ne reccedilurent une tentative drsquoexplication qursquoavec Eacutepiphane de Salamine qui les expliqua par lrsquohistoire des occupations territoriales successives crsquoest-agrave-dire la colonisation et les ambitions territoriales de Cham et ses descendants (p 171) Dans le texte drsquoHippolyte les sections sur lrsquoAfrique et lrsquoEurope (du moins en partie) eacutenumegraverent les peuples en laquo ordre geacuteographique raquo crsquoest-agrave-dire selon une progression peacuterieacutegeacutetique reprenant ainsi un scheacutema classique Cette repreacutesen-tation cartographique des peuples restera partielle chez les auteurs chreacutetiens qui tenteront toujours de faire coiumlncider listes de la Bible et savoir paiumlen jusqursquoagrave Isidore de Seacuteville

Ces diverses superpositions de donneacutees trouvent leur meilleure illustration avec lrsquohistoriogra-phie LrsquoA montre comment le deacuteveloppement de cette discipline par les chreacutetiens est passeacute par trois eacutetapes soit le synchronisme des donneacutees bibliques et des donneacutees de la paiumldeacuteia la synthegravese puis le syncreacutetisme de ces donneacutees (p 553) Ces mouvements se sont produits agrave des eacutepoques diffeacuterentes dans chaque partie de lrsquoempire au rythme de lrsquoabsorption des modegraveles grecs de la reacutedaction historique

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Sur le plan des mentaliteacutes lrsquoA montre que le deacutedain dont ont souvent fait preuve les chreacutetiens envers le savoir arguant que la connaissance ne servait en rien au salut puisque seule la foi pouvait sauver est en fait heacuteriteacute drsquoune tradition philosophique inculqueacutee par la paiumldeacuteia Ce meacutepris cessera complegravetement lorsque le paganisme ne servira plus de reacutefeacuterence culturelle mais ce sera agrave ce moment la fin de lrsquoAntiquiteacute et le veacuteritable deacutebut du Moyen Acircge (p 570)

On ne reacutepeacutetera pas assez lrsquoimportance de la poleacutemique contre les paiumlens dans la structuration du savoir chreacutetien aux quatriegraveme et cinquiegraveme siegravecles Drsquoune part les chreacutetiens devaient faire con-corder les savoirs de la paiumldeacuteia avec les donneacutees qursquoils trouvaient dans la Bible ou reacutefuter les premiers au profit des secondes Drsquoautre part la culture chreacutetienne srsquoest deacuteveloppeacutee dans un climat de deacutebats dialectiques essentiellement faccedilonneacutes par le modegravele de la paiumldeacuteia grecque Ce modegravele culturel nrsquoa donc pas eacuteteacute effaceacute par la subordination de la raison agrave la foi comme moyen de compreacutehension du monde seul lrsquoangle drsquoapproche de la culture fut modifieacute Dans la deacutefinition des savoirs un problegraveme eacutepisteacutemologique nrsquoest culturellement chreacutetien que srsquoil entraicircne un deacutebat religieux

Nous avons ici une eacutetude complegravete qui ne sera pas agrave refaire Lrsquoexhaustiviteacute de la reacutedaction en-traicircne cependant quelques redites qui ne sont pas alleacutegeacutees par les tableaux reacutecapitulatifs La langue utiliseacutee est technique mais sobre avec agrave lrsquooccasion quelques neacuteologismes qui laissent perplexe (p ex p 184 n 132 ougrave lrsquoon affirme qursquoune association drsquoAmbroise de Milan fut laquo reuseacutee par Jeacuterocircme raquo) Lrsquoensemble est drsquoune tregraves grande qualiteacute

Marie-Pierre Bussiegraveres

6 Christophe BOUREUX Commencer dans la vie religieuse avec saint Antoine suivi de la laquo Vie drsquoAntoine raquo par Athanase drsquoAlexandrie Paris Les Eacuteditions du Cerf 2003 272 p

Degraves les premiegraveres lignes lrsquoA donne au lecteur le ton de lrsquoouvrage laquo La vie religieuse ccedila nrsquoar-recircte pas de commencer Et dans ce commencement qui nrsquoest qursquoun recommencement la vie reli-gieuse trouve sa raison drsquoecirctre et sa fin sa relation au passeacute et agrave lrsquoavenir sa place dans lrsquoEacuteglise et la socieacuteteacute raquo (p 9) Dans une socieacuteteacute occidentale ougrave nous assistons agrave une diminution deacutemographique du nombre des congreacutegations religieuses Christophe Boureux religieux dominicain fait appel agrave saint Antoine le laquo Pegravere du monachisme raquo pour nous preacutesenter un style de vie religieuse trouvant sa force et sa raison drsquoecirctre dans un continuel commencement Il nous invite donc agrave une redeacutecouverte en profondeur du laquo don raquo de la vie religieuse5 que Dieu fait agrave lrsquoEacuteglise La premiegravere difficulteacute agrave sou-lever est de savoir si Jeacutesus a inaugureacute un tel eacutetat de vie La question aide lrsquoA agrave faire la distinction entre lrsquoaspect theacuteologal et lrsquoaspect historique de la vie religieuse laquo [hellip] il serait inexact de suggeacuterer que ce fut Jeacutesus historique qui aurait inaugureacute la vie religieuse Comme toute la vie chreacutetienne la vie religieuse trouve son modegravele sa figure dans la description des faits et gestes paroles et actes de Jeacutesus rapporteacutes dans les Eacutevangiles raquo (p 18) Lrsquoexhortation apostolique Vita Consecrata6 mettant un terme aux heacutesitations eccleacutesiales seacuteculaires sur la validiteacute de la vie religieuse vient apporter un atout agrave lrsquointeacuterecirct et agrave la pertinence de cette eacutetude

5 LrsquoA choisit drsquoutiliser lrsquoexpression laquo vie religieuse raquo plutocirct que laquo vie consacreacutee raquo en srsquoappuyant sur trois arguments anthropologique de theacuteologie sacramentaire et eccleacutesiale (cf p 20-26)

6 JEAN-PAUL II Vita Consecrata Exhortation apostolique post-synodale sur la vie consacreacutee et sa mission dans lrsquoEacuteglise et dans le monde Montreacuteal Meacutediaspaul 1996 211 p

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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K tente ainsi drsquoeacutevaluer la validiteacute des repegraveres conceptuels les laquo frontiegraveres raquo entre les diffeacuterents theacuteismes agrave lrsquoaide drsquoune redeacutefinition des fondements du monotheacuteisme Il en arrive agrave insister sur la nature du monotheacuteisme tritheacuteiste en particulier comme srsquoaffirmant agrave travers un processus neacutegatif de refus du polytheacuteisme et de deacutefense de son caractegravere proprement monotheacuteiste en regard des critiques du monotheacuteisme juif Si dans le cas preacutesent la conclusion nrsquoa rien de surprenant et offre peu qui nrsquoait eacuteteacute dit ailleurs comme il arrive parfois chez K le chemin emprunteacute preacutesente au moins autant drsquointeacuterecirct que le point drsquoarriveacutee

Le premier bloc theacutematique (II Suumlnde und Vergebung p 57-115) contient deux articles eacutecrits en 1996 (respectivement laquo Die kleinasiatischen Beichtinschriften und das Neue Testament raquo p 57-81 et laquo Heil ohne Heilung Zur Metaphorik und Hermeneutik der Rede von Suumlnde und Vergebung im Neuen Testament raquo p 82-115) Leur objectif commun est de deacutemontrer les possibiliteacutes qursquooffre lrsquoeacutepigraphie pour lrsquoeacutetude du christianisme primitif et du Nouveau Testament Elles mettent aussi toutes deux en lumiegravere le deacutesir de K de conduire ses recherches en vue drsquoune Geistesgeschichte globale en consideacuterant la socieacuteteacute contemporaine mdash largement paiumlenne mdash dans lrsquoeacutetude du christianisme Ainsi K met-il en lumiegravere un langage religieux analogue entre les deux communauteacutes ainsi qursquoune attention precircteacutee aux mecircmes concepts et rites en particulier agrave ceux du pardon et du salut

La section suivante (III Ekstatische Rede p 119-167) traite sous deux aspects le mecircme pro-blegraveme celui de la glossolalie telle qursquoelle apparaicirct dans 1 Co Le premier article (laquo Von Kassandra bis zur Gnosis Im Umfeld der fruumlhchristlichen Glossolalie raquo p 119-144) offre une mise en con-texte du pheacutenomegravene dans ses manifestations preacutechreacutetiennes pour mieux comprendre son incarnation chreacutetienne tandis que le second (laquo Mit Engelszungen Vom Charisma der verstaumlndlichen Rede in 1 Kor 14 raquo p 145-167) se concentre sur la glossolalie comme partie drsquoun problegraveme exeacutegeacutetique preacutecis Les deux eacutetudes gagnent ainsi agrave ecirctre lues ensemble mecircme si cela entraicircne quelques reacutepeacuteti-tions ineacutevitables

La troisiegraveme section (IV Mysterienkulte und Herrenmahl p 171-202) examine lrsquoinfluence des cultes agrave mystegraveres paiumlens sur le christianisme primitif Le premier des deux articles laquo Die antiken Mysterienkulte und das Urchristentum mdash Anknuumlpfung und Widerspruch raquo propose un geacuteneacutereux survol de la question de la place du laquo mystegravere raquo dans les premiegraveres communauteacutes chreacutetiennes On y trouve K agrave son meilleur tant par la clarteacute de son propos que par son sens aigu de lrsquoeacuteconomie du texte il sait en quelques pages reacutesumer des sujets fort complexes Il fournit aussi une bibliographie eacutetoffeacutee laquelle est admirablement parcourue dans un status quaestionis que trop de chercheurs ont tendance agrave escamoter souvent au deacutetriment du lecteur LrsquoA prend aussi la preacutecaution de bien cer-ner son sujet en deacutefinissant de maniegravere seacutemantique et pheacutenomeacutenologique le concept de mystegravere religieux

Dans la quatriegraveme section (V Volk Gottes und Gemeinde p 205-247) K tourne son attention vers la question identitaire au sein de la communauteacute chreacutetienne Deux piegraveces se deacutemarquent de lrsquoensemble Dans laquo Gemeinde und Gesellschaft im fruumlhen Christentum mdash ein Leitbild fuumlr die Zukunft raquo K tente drsquoexaminer les processus drsquoautodeacutefinition des chreacutetiens menant agrave la constitu-tion drsquoune Eacuteglise Il srsquoagit drsquoun survol de la question dirigeacute de main de maicirctre qui preacutepare le terrain pour lrsquoeacutetude de cas de lrsquoarticle suivant laquo Junia Theodora und die Gemeinde von Korinth raquo qui nous fait entrer dans une communauteacute gracircce agrave lrsquoeacutepigraphie K y analyse cinq textes du milieu du premier siegravecle (trois deacutecrets et deux lettres) qui concernent lrsquoactiviteacute civique drsquoune eacutevergegravete romaine Junia Theacuteodora et qui ont la particulariteacute drsquooffrir de nombreux points de contacts avec le Nouveau Tes-tament et le corpus paulinien Un grand nombre des articles discuteacutes jusqursquoagrave maintenant montrent clairement que K fait partie de cette nouvelle geacuteneacuteration de theacuteologiens et drsquohistoriens du chris-

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tianisme qui veulent tirer le meilleur des ressources qursquooffrent les sciences dites laquo auxiliaires raquo de lrsquohistoire mdash sans oublier les sciences sociales mdash pour dresser un portrait plus preacutecis et nuanceacute du climat culturel dans lequel le christianisme a pris naissance et srsquoest deacuteveloppeacute Ainsi nrsquoheacutesite-t-il pas agrave se tourner vers lrsquoeacutepigraphie agrave maintes reprises pour fournir un point de deacutepart agrave ses recherches ou pour eacutetayer ses arguments Assureacutement lrsquoeacutepoque ougrave le fait chreacutetien eacutetait analyseacute dans une sorte de splendide isolation est reacutevolue

Avec la prochaine section (VI Herrscherkritik und Kaiserkult p 251-313) nous abordons la question du culte du souverain dans son rapport au christianisme Parmi les trois articles qursquoelle contient le second laquo Do They Never Come Back Nero Redivivus and the Apocalypse of John raquo est sans doute le plus surprenant K y deacuteveloppe une theacuteorie selon laquelle sous les traits de lrsquoAnteacute-christ se trouverait nul autre que lrsquoempereur Neacuteron Lrsquoobscuriteacute de ce texte eacutetant proverbiale et la quecircte pour en percer les mystegraveres vieille de plusieurs siegravecles lrsquoeffort paraicirct presque futile Il faut drsquoailleurs noter que lrsquoA nrsquoest pas le premier agrave reconnaicirctre en lrsquoultime repreacutesentant des Julio-Claudiens lrsquoadversaire du Christ Mais crsquoest sans compter sur la capaciteacute de K de revitaliser un sujet gracircce agrave lrsquoapplication de nouvelles ideacutees sur de vieux thegravemes Crsquoest ainsi qursquoagrave lrsquoaide des Oracles sibyllins il fait le lien de maniegravere convaincante bien que prudemment entre la leacutegende de Neacuteron mdash selon laquelle lrsquoempereur reviendrait de chez les Parthes pour reconqueacuterir son trocircne puis le monde entier mdash et les propheacuteties concernant lrsquoAnteacutechrist dans lrsquoApocalypse Mecircme si la certi-tude totale eacutechappera sans doute agrave jamais aux chercheurs sur cette question les arguments de K sont si persuasifs ou du moins si ingeacutenieux qursquoils sont au moins destineacutes agrave fournir des avenues feacutecondes agrave la recherche

La sixiegraveme section (VII Geteilte Briefe (aus anderer Sicht) p 317-337) contient un seul ar-ticle lui aussi en anglais Dans laquo Compilation of Letters in Cicerorsquos Correspondence raquo K tente de revitaliser le deacutebat sur la nature du corpus paulinien en le comparant agrave drsquoautres collections eacutepisto-laires que nous a leacutegueacutees lrsquoAntiquiteacute en particulier celle de Ciceacuteron Lrsquoobjectif drsquoune telle eacutetude comparative eacutetait de deacuteterminer si les lettres de Paul avaient fait lrsquoobjet de retouches eacuteditoriales avant leur laquo publication raquo Apregraves avoir examineacute les diffeacuterentes transformations subies par les lettres de Ciceacuteron (interpolation refonte partition etc) K en arrive agrave la conclusion que des partitions avaient sucircrement eu lieu mais qursquoelles eacutetaient sans doute de nature assez simple Il demeure tou-tefois extrecircmement prudent marquant bien le caractegravere exceptionnel des lettres de lrsquoorator romain La comparaison elle-mecircme ne prouve peut-ecirctre rien mais elle reacuteussit tout de mecircme agrave replacer les lettres de Paul dans un contexte plus large qui lui fait geacuteneacuteralement deacutefaut

La derniegravere section (VIII Exegese und Kirche p 341-420) se deacutemarque du reste du volume en proposant trois eacutetudes assez disparates dont la preacutesence au sein du volume semble au mieux dou-teuse Sans preacutejuger de leur valeur intrinsegraveque ni drsquoailleurs de leur inteacuterecirct lrsquoinclusion des deux derniers articles en particulier (laquo Die katholische neutestamentliche Exegese zwischen Vatikanum I und Vatikanum II raquo p 360-393 et laquo Alle Jubeljahre Zum neuen Dokument der Paumlpstlichen Bibelkommission raquo p 394-420) dans un recueil traitant du christianisme primitif a de quoi eacutetonner dans la mesure ougrave il srsquoagit de thegravemes reacutesolument modernes Ce bloc theacutematique a le meacuterite de nous montrer une autre facette des travaux de K mais peut-ecirctre aurait-il eacuteteacute preacutefeacuterable de ne pas lrsquoinclure

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Religion und Gesellschaft im fruumlhen Christentum compte 33 pages drsquoindex (index nominum et index locorum p 423-456) et est preacutesenteacute dans le format impeccable auquel nous a habitueacutes la mai-son Mohr Siebeck Lrsquoouvrage de K profitera agrave de nombreux lecteurs speacutecialistes ou non et meacuterite de figurer dans toute bibliothegraveque universitaire offrant un volet de theacuteologie ou de christianisme ancien

Jean-Michel Lavoie

2 Eacutetienne NODET Histoire de Jeacutesus Neacutecessiteacute et limites drsquoune enquecircte Preacuteface par Olivier-Thomas VENARD op Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Lire la Bible raquo 135) 2003 XXIV-248 p

Histoire de Jeacutesus Voici un titre qui degraves le deacutepart peut susciter une question dans lrsquoesprit du lecteur le point drsquointerrogation porte-t-il sur laquo Jeacutesus raquo ou sur laquo histoire raquo La lecture du livre nous fait croire que lrsquoA utilise le point drsquointerrogation pour les deux agrave la fois En effet Eacutetienne Nodet se donne pour objectif de proposer aux lecteurs un ouvrage offrant une synthegravese accessible des der-niers travaux consacreacutes agrave lrsquohistoriciteacute de Jeacutesus de Nazareth personnage que la foi chreacutetienne con-fesse comme vrai Fils de Dieu et vrai Fils drsquohomme Le livre se situe donc agrave la jonction de la pro-clamation de la mort et de la reacutesurrection de Jeacutesus et de lrsquoaffirmation de son origine dans la race humaine Par ailleurs comme pour toute œuvre historique nous sommes confronteacutes agrave une seacuterieuse documentation eacutevalueacutee et analyseacutee Ainsi avec beaucoup drsquohabileteacute lrsquoA sait entraicircner le lecteur dans lrsquounivers eacutevangeacutelique en preacutesentant lrsquoenfance de Jeacutesus qursquoil met en parallegravele avec lrsquointerrogation permanente qui traverse le livre au sujet de la reacutealiteacute historique des faits relateacutes La meacutethode choisie pour une telle enquecircte est la laquo deacutemarche reacutegressive raquo (p 203) ce qui signifie que lrsquoA part de lrsquoeacutetat actuel du christianisme afin de remonter dans le temps jusqursquoau milieu social politique et religieux de son personnage principal

Lrsquohypothegravese un peu provocatrice peut-ecirctre de lrsquoA est que les eacutevangeacutelistes nous ont fourni une laquo biographie raquo de Jeacutesus qui a eacuteteacute laquo christianiseacutee raquo par la preacutedication post-eacutevangeacutelique (p 80) Crsquoest pourquoi le lecteur moins familiariseacute avec de tels ouvrages peut trouver les analyses et les raison-nements difficiles agrave suivre Les arguments peuvent ecirctre reccedilus ou refuseacutes Drsquoailleurs lrsquoA lui-mecircme ne preacutetend qursquoagrave donner le point de vue drsquoun croyant pour des croyants sur lrsquohistoire de Jeacutesus Mal-greacute les recherches assez minutieuses et parfois tregraves deacutetailleacutees sur le Jeacutesus de lrsquohistoire Eacute Nodet conclut son ouvrage en citant la fameuse affirmation du fondateur de lrsquoEacutecole biblique de Jeacuterusalem M-J Lagrange laquo Les eacutevangiles sont les seules vies de Jeacutesus que lrsquoon puisse eacutecrire Il nrsquoest que de les comprendre le mieux possible raquo (p 209)

La question agrave laquelle lrsquoA se propose de reacutepondre dans son livre est drsquoune part celle de savoir jusqursquoagrave quel point il est possible par-delagrave les affirmations et les discordances des eacutevangiles de re-trouver quelques traits de Jeacutesus de ses faits et de ses gestes et drsquoautre part celle de lrsquoutiliteacute drsquoune telle recherche En fonction de cette question poseacutee degraves le deacutepart la structure du livre coule de source Une bregraveve introduction ougrave lrsquoA expose sa probleacutematique et la meacutethode agrave suivre et une courte conclusion de synthegravese encadrent les quatre chapitres de lrsquoouvrage Le premier chapitre propose lrsquoanalyse de lrsquoeucharistie chreacutetienne drsquoaujourdrsquohui qui est agrave la fois la plus ancienne action liturgique chreacutetienne pouvant remonter agrave lrsquoeacutepoque du Jeacutesus historique et lrsquoeacuteleacutement fondateur du christianisme autour duquel se construit la communauteacute chreacutetienne Elle signifie la preacutesence de Jeacutesus-Christ au milieu des fidegraveles reacuteunis pour faire meacutemoire de la mort et de la reacutesurrection du Seigneur Les documents juifs contemporains de lrsquoeacutepoque de Jeacutesus parmi lesquels ceux de Flavius Josegravephe figurent en premiegravere place sont eacutetudieacutes dans le deuxiegraveme chapitre Il srsquoagit pour lrsquoA de preacutesenter un regard non chreacutetien sur le personnage de Jeacutesus et sur lrsquoeacutepoque dans laquelle il a veacutecu

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enseigneacute et agi Le troisiegraveme chapitre est consacreacute agrave lrsquoanalyse des eacutevangiles canoniques En se gar-dant de toute tentative drsquoharmonisation des reacutecits eacutevangeacuteliques lrsquoA veut reconstruire un visage de Jeacutesus le plus proche possible de la reacutealiteacute Nous trouvons dans ce chapitre une abondance de teacutemoi-gnages patristiques sur la canoniciteacute et lrsquoinspiration des Eacutecritures drsquoune part et sur lrsquointerpreacutetation des concordances et des discordances des quatre textes eacutevangeacuteliques drsquoautre part Enfin le qua-triegraveme chapitre traite de la laquo Vie de Jeacutesus raquo et occupe presque la moitieacute du livre Agrave partir des eacuteleacute-ments essentiels de la confession de la foi chreacutetienne magnifiquement mis en lumiegravere nous pouvons mieux deacutegager la vie lrsquoaction et lrsquoenseignement de Jeacutesus En partant de la mort et de la reacutesurrection de Jeacutesus lrsquoA remonte au procegraves et Jeacutesus et agrave la derniegravere Cegravene afin de mieux discerner les traits humains du Jeacutesus historique Ce chapitre profitera drsquoautant plus au lecteur srsquoil est compleacuteteacute par la lecture de lrsquoouvrage preacuteceacutedant du mecircme auteur Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles1

Pour alleacuteger le texte lrsquoouvrage ne compte pas que des reacutefeacuterences en notes de bas de page Deux annexes enrichissent lrsquoouvrage Dans la premiegravere lrsquoA preacutesente en traduction franccedilaise et par thegravemes les principales sources anciennes et dans la seconde il nous offre quelques eacuteleacutements biblio-graphiques portant des points de vue diffeacuterents des siens sur le mecircme sujet

La grande originaliteacute drsquoune telle recherche est de preacutesenter les Eacutecritures concernant Jeacutesus en parallegravele avec drsquoautres textes anciens historiques Le lecteur deacutecouvre ainsi la porteacutee des diffeacuterents lieux et eacuteveacutenements mentionneacutes dans les reacutecits eacutevangeacuteliques le Jourdain Jeacuterusalem la Galileacutee Capharnauumlm Le but drsquoEacute Nodet nrsquoest pas de nous laisser croire que la Bible soit simplement un conglomeacuterat des textes se renvoyant les uns aux autres ni seulement la description des eacuteveacutenements annonciateurs drsquoun personnage agrave venir Sans renoncer agrave la tradition theacuteologique pour interpreacuteter les Eacutecritures lrsquoA a le meacuterite drsquoouvrir de nouvelles perspectives sur lrsquohistoire de Jeacutesus en appliquant la critique historique aux textes commenteacutes Il se fonde en cela sur deux constats historiques qui sont en mecircme temps ses principes hermeacuteneutiques lrsquoun touchant aux traces laisseacutees par le personnage historique de Jeacutesus et lrsquoautre concernant la preacutedication chreacutetienne de Jeacutesus-Christ mort et ressusciteacute Mecircme si la reacutesurrection occupe peu de place dans lrsquoouvrage cela srsquoexpliquant par le fait que pour un historien lrsquoeacuteveacutenement reste insaisissable il est transhistorique LrsquoA la conccediloit non pas comme un laquo simple retour agrave la vie ordinaire comme si ne srsquoeacutetait rien passeacute mais comme une source drsquoinspiration raquo (p 157)

Lucian Dicircncatilde

Histoire litteacuteraire et doctrinale

3 Philippe HENNE Introduction agrave Origegravene suivie drsquoune Anthologie Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2004 304 p

Penseur chreacutetien neacute en 185 et mort en 254 Origegravene est surtout connu pour son Contre Celse ouvrage poleacutemique visant agrave reacutefuter les preacutejugeacutes indeacuteracinables contre les chreacutetiens de son eacutepoque Or son œuvre ne srsquoy limite point et crsquoest pour contrer une certaine meacuteconnaissance drsquoOrigegravene par le grand public que lrsquoA entreprit de le preacutesenter par la recontextualisation de sa vie et de sa penseacutee

1 Eacutetienne NODET Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles Paris Cerf (coll laquo Josegravephe et son temps raquo 4) 2002 346 p Dans les deux ouvrages lrsquoA part du constat que les premiers chreacutetiens ont eu agrave cœur de deacutefendre la pleine humaniteacute de Jeacutesus contre la doctrine docegravete celle-ci voulant que la nature humaine de Jeacutesus soit seulement une apparence Voir la recension de cet ouvrage que jrsquoai faite dans Laval theacuteologique et philosophique 60 1 (2004) p 167-168

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La reacuteflexion drsquoOrigegravene influenceacutee par le milieu intellectuel alexandrin ougrave il grandit et eacutetudia par les peacuteriodes de perseacutecution (Septime Seacutevegravere en 202-203 et Degravece en 250) par son implication dans lrsquoEacuteglise drsquoAlexandrie puis de Ceacutesareacutee en Palestine visait lrsquoeacutelaboration drsquoun systegraveme coheacuterent des conceptions chreacutetiennes et lrsquoouverture drsquoun dialogue notamment avec le milieu rabbinique Auteur prolifique meneacute par une volonteacute profonde de compreacutehension de lrsquoEacutecriture et de ses trois niveaux de lecture (litteacuteral alleacutegorique et spirituel) Origegravene œuvra dans les domaines scripturaux theacuteolo-giques poleacutemiques apologeacutetiques et asceacutetiques Son œuvre qui influenccedila consideacuterablement la penseacutee chreacutetienne des siegravecles subseacutequents conduisit agrave deux crises origeacutenistes (aux quatriegraveme et sixiegraveme siegravecles) Ces crises se soldegraverent par la condamnation drsquoOrigegravene comme heacutereacutetique au concile de Constantinople en 553 parfois comme le souligne lrsquoA pour des theacuteories qui nrsquoeacutetaient pas complegravetement les siennes

Pour surmonter cette stricte conception heacutereacutetique drsquoOrigegravene lrsquoA invite le lecteur agrave aborder lrsquoAlexandrin dans son contexte historique La premiegravere partie de lrsquoouvrage preacutesente drsquoabord ses principaux eacuteleacutements biographiques puis entre au cœur de sa penseacutee par lrsquoeacutetude de textes Cette penseacutee est exposeacutee agrave travers quatre theacutematiques interdeacutependantes son œuvre son exeacutegegravese sa theacuteologie et sa croyance LrsquoA preacutecise avec raison que les conceptions religieuses drsquoOrigegravene ne peuvent se comprendre que dans le contexte immeacutediat dans lequel elles eacutemergegraverent et que les con-damnations ulteacuterieures illustrent lrsquoavancement des reacuteflexions chreacutetiennes sur des theacutematiques dont Origegravene fut un preacutecurseur Il souligne qursquoil est drsquoautant plus difficile drsquoacceacuteder agrave la penseacutee complegravete de lrsquoAlexandrin que certains de ses ouvrages ne nous sont parvenus que par des traductions dont la fiabiliteacute est remise en question

Pour mieux illustrer son propos lrsquoA a constitueacute une anthologie preacutesenteacutee dans le mecircme ordre theacutematique que la premiegravere partie Parfois introduits par une bregraveve explication les textes seacutelection-neacutes proviennent drsquoœuvres diverses de lrsquoAntiquiteacute Outre lrsquoabondance des eacutecrits drsquoOrigegravene sont preacute-senteacutes des extraits drsquoauteurs lrsquoayant influenceacute (Philon drsquoAlexandrie) et ayant eacuteteacute influenceacutes positi-vement ou non par sa penseacutee (Basile de Ceacutesareacutee Eusegravebe de Ceacutesareacutee Greacutegoire de Nazianze Jean Chrysostome et Jeacuterocircme) Cette anthologie ouvre sur une perspective inteacuteressante Cependant lrsquohar-monie entre les deux parties de lrsquoouvrage aurait gagneacute en valeur didactique par le renvoi de la premiegravere agrave la seconde assurant ainsi une meilleure compreacutehension des propos tenus Une introduc-tion justifiant la seacutelection et expliquant la meacutethode drsquoutilisation des textes anciens preacutesenteacutes fait eacutegalement deacutefaut ce qui nuit agrave une bonne exploitation de cette section Lrsquoapport de cette anthologie agrave la preacutesentation drsquoOrigegravene de son œuvre et de son influence au sein de la chreacutetienteacute est ainsi quelque peu discutable

Chacun des chapitres de la premiegravere partie se clocirct par une bregraveve conclusion reacutesumant lrsquoensem-ble des eacuteleacutements preacutesenteacutes Lrsquoouvrage comporte eacutegalement une bibliographie geacuteneacuterale et theacutema-tique suivant encore une fois le plan de reacutedaction dont les notices sont parfois commenteacutees briegrave-vement Deux listes par ordre alphabeacutetique et par chapitre permettent une consultation rapide des extraits citeacutes dans lrsquoanthologie Lrsquoabsence totale de notes critiques constitue lrsquoune des principales lacunes de cet ouvrage2 Celui-ci constitue toutefois une bonne introduction agrave Origegravene et aux cou-

2 Cela aurait permis drsquoamener certaines nuances historiques complegravetement eacutevacueacutees comme celles appor-teacutees par A Daguet-Gagey concernant la perseacutecution de Septime Seacutevegravere qui marqua lrsquoenfance drsquoOrigegravene Cf A DAGUET-GAGEY laquo Septime-Seacutevegravere un empereur perseacutecuteur des chreacutetiens raquo Revue des eacutetudes augustiniennes 47 (2001) p 1-32

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rants de penseacutees philosophiques et religieux de son eacutepoque qui eacutetoffe celle deacutejagrave reacutealiseacutee dans cette collection3

Steve Beacutelanger

4 Aloys GRILLMEIER Le Christ dans la tradition chreacutetienne 1 De lrsquoacircge apostolique au concile de Chalceacutedoine (451) Preacuteface et 2e eacutedition franccedilaise revue par Theresia HAINTHALER traduction par Sœur Pascale-Dominique Paris Les Eacuteditions du Cerf (col laquo Cogitatio Fidei raquo 230) 2003 1120 p

A Grillmeier ancien professeur de theacuteologie fondamentale et dogmatique est un nom bien connu de ceux qui srsquointeacuteressent au deacuteveloppement de la christologie des premiers siegravecles du chris-tianisme Lrsquoouvrage dont nous faisons la recension une somme de la doctrine christologique jus-qursquoau concile de Chalceacutedoine srsquoinscrit parmi les classiques qui nous aident agrave comprendre la foi heacuteriteacutee des Apocirctres et les deacutebats qui ont conduit agrave sa cristallisation Lrsquoeacutedition originale de cet ou-vrage a eacuteteacute publieacutee en anglais4 comme un deacuteveloppement drsquoun article intituleacute laquo Die theologische und sprachliche Vorbereitung der christologischen Formel von Chalkedon raquo La premiegravere traduction en franccedilais a paru en 1973 Cette nouvelle eacutedition a eacuteteacute preacutepareacutee par lrsquoA lui-mecircme avec la collabo-ration pour la traduction franccedilaise de Sr Pascale-Dominique qui a pris en charge sa reacutevision et sa publication apregraves le deacutecegraves de lrsquoauteur

Lrsquoouvrage compte trois parties La premiegravere est consacreacutee au deacuteveloppement christologique des origines jusqursquoagrave Origegravene Les Pegraveres apostoliques ont confesseacute leur foi au Christ vrai Dieu et vrai homme Cependant avant que les Eacutecritures chreacutetiennes ne jouissent drsquoun statut de canoniciteacute bien deacutefini les formules christologiques se sont multiplieacutees et se sont transmises par la voie orale laquo la foi vient de lrsquoeacutecoute raquo Les premiers eacutecrits patristiques la Didachegrave et le Pasteur drsquoHermas sont mar-queacutes par ces formules en circulation et nous permettent de deacutegager laquo une foi trinitaire ou du moins binaire (Pegravere-Fils) raquo (p 217) La lutte des apologistes a eacuteteacute de convaincre le monde paiumlen de la soliditeacute et de la veacuteraciteacute de leur foi au Christ lrsquoenvoyeacute de Dieu pour le salut de toute lrsquohumaniteacute Apregraves lrsquoeacutepoque des Pegraveres apostoliques et apologistes ce sont les Pegraveres alexandrins Cleacutement et Origegravene qui ont apporteacute une reacuteflexion solide centreacutee sur lrsquoIncarnation du Logos au deacuteveloppement christologique Cleacutement se situant plus dans la perspective de la lutte anti-gnostique voit laquo le rocircle du Logos comme la source et le maicirctre de la ldquognoserdquo raquo (p 363) qui nous permet de contempler Dieu Quant agrave Origegravene il concentre son attention sur la confession de sa foi en lrsquoincarnation en tenant compte de la reacutealiteacute de la diviniteacute et de lrsquohumaniteacute du Christ Chez lui laquo plus on fait ressortir les principes fondamentaux de sa theacuteologie plus lrsquoimage de sa christologie gagne en profondeur raquo (p 373) Cette recherche pour deacutefinir la foi chreacutetienne en Jeacutesus-Christ Fils de Dieu et Fils de lrsquohomme sera reprise et meneacutee agrave son apogeacutee par les Pegraveres du quatriegraveme siegravecle et les formulations christologiques des premiers conciles œcumeacuteniques

La seconde partie de lrsquoouvrage preacutesente le deacutebat christologique drsquoOrigegravene au concile drsquoEacutephegravese Le quatriegraveme siegravecle est traverseacute par la laquo crise arienne raquo drsquoougrave la neacutecessiteacute de reacuteunir un premier concile œcumeacutenique Contre la doctrine drsquoArius qui affirmait qursquolaquo il y eut un temps ougrave le Logos nrsquoexistait pas et [que] le Logos est une creacuteature du Pegravere raquo les Pegraveres niceacuteens signent la premiegravere profession de foi imposeacutee agrave toute lrsquoEacuteglise laquo Le Fils est eacuteternel et consubstantiel au Pegravere raquo Il a fallu

3 Cf Jean LAPORTE Les Pegraveres de lrsquoEacuteglise Tome II Les Pegraveres grecs Paris Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2001 p 37-74

4 A GRILLMEIER Christ in Christian Tradition from the Apostolic Age to Chalcedon (451) Londres AR Mowbray 1965

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tout le dynamisme drsquoAthanase drsquoAlexandrie en Orient et la deacutetermination drsquoHilaire de Poitiers en Occident pour arriver agrave une victoire deacutefinitive de lrsquoaffirmation de la vraie diviniteacute et de la reacuteelle humaniteacute du Logos La christologie se deacuteveloppe donc autour de lrsquoideacutee du Logos-Sarx alexandrin qui reacuteussit agrave maintenir un juste milieu pour la confession de la foi eccleacutesiale La deuxiegraveme section de ce mecircme chapitre eacutetudie en reacuteaction agrave la doctrine apollinariste une christologie Logos-Anthropos de type antiochien deacuteveloppeacutee par Damase Diodore de Tarse et Eacutephrem le Syrien Cette christologie avait lrsquoavantage drsquoincorporer laquo agrave la fois des eacuteleacutements de la christologie de lrsquoldquohomo assumptusrdquo et de lrsquoldquohomo factusrdquo raquo (p 682) Par de telles formules les antiochiens voulaient reacuteagir contre la doctrine drsquoApollinaire de lrsquounique nature dans le Christ LrsquoA nous introduit progressive-ment au deacutebat sur les deux natures du Christ dont Nestorius et Cyrille drsquoAlexandrie sont resteacutes les illustres repreacutesentants

Enfin la troisiegraveme partie consacre sa premiegravere section au laquo scandalum oecumenicum raquo deacuteclen-cheacute par la christologie de Nestorius Le but de celui-ci est drsquoeacutecarter les deux extrecircmes dans les titres donneacutes agrave Marie laquo theacuteotokos raquo et laquo anthropotokos raquo Drsquoune part le titre laquo theacuteotokos raquo promu par Cyrille et ses partisans les identifiait agrave Apollinaire drsquoautre part les partisans du titre laquo anthropo-tokos raquo se rangeaient du cocircteacute drsquoArius Par conseacutequent le titre qui convient le mieux agrave Marie et que promeut Nestorius est celui de laquo christotokos raquo Le concile drsquoEacutephegravese en 431 reacuteagit contre cette position affirmant la diviniteacute du Christ fait homme par conseacutequent la materniteacute divine de Marie Elle est laquo theacuteotokos raquo laquo Un seul et mecircme est le Fils eacuteternel du Pegravere qui dans le temps est neacute selon la chair de la Vierge Marie celle que nous pouvons de ce fait appeler Megravere de Dieu raquo (p 922) La deuxiegraveme section de la troisiegraveme partie centre les recherches sur la peacuteriode qui va du concile drsquoEacutephegravese et agrave celui de Chalceacutedoine La reacuteaction antiochienne ne tarde pas Il a fallu lrsquoesprit conci-liateur de Theacuteodoret de Cyr pour maintenir lrsquoeacutequilibre entre les positions nestorienne et cyrillienne Son but est de mettre en relief la liberteacute de lrsquoIncarnation en confessant laquo invariablement une uniteacute substantielle reacuteelle dans le Christ raquo (p 932) La base de la reacuteconciliation entre les deux partis est la formule de foi signeacutee agrave Antioche en 432 Dans ce laquo Symbolum antiochenum raquo la confession de Jeacutesus-Christ vrai Fils de Dieu et vrai Fils de lrsquohomme parfaitement Dieu et parfaitement homme et ayant une acircme raisonnable et un corps est clairement affirmeacutee Lrsquoapollinarisme et lrsquoarianisme sont exclus et la foi de Niceacutee reacuteaffirmeacutee La troisiegraveme section continue de nous familiariser avec les deacutebats christologiques autour de la double nature du Christ Le concile de Chalceacutedoine se donne pour objectif de compleacuteter Eacutephegravese en forgeant une formule dogmatique permettant drsquoeacuteclairer laquo lrsquouniteacute et la diffeacuterence dans le Christ raquo (p 1003) LrsquoA propose une analyse de la deacutefinition chal-ceacutedonienne en relevant agrave la fois la continuiteacute et la progression dans la cristallisation du dogme christologique depuis Niceacutee

Par rapport agrave la premiegravere eacutedition franccedilaise cette seconde eacutedition a lrsquoavantage de nous donner une bibliographie plus deacutetailleacutee et mise agrave jour On a eacutegalement regroupeacute certains chapitres et on en a ajouteacute drsquoautres Enfin les notes de bas de page sont plus abondantes Lrsquoouvrage comprend agrave la fin quelques index (des auteurs anciens des mots grecs et latins) indispensables pour tirer profit de lrsquoouvrage

Lucian Dicircncatilde

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5 Herveacute INGLEBERT Interpretatio Christiana Les mutations des savoirs (cosmographie geacuteo-graphie ethnographie histoire) dans lrsquoAntiquiteacute chreacutetienne (30-630 apregraves J-C) Paris Institut drsquoEacutetudes Augustiniennes (coll laquo Eacutetudes Augustiniennes raquo seacuterie laquo Antiquiteacute raquo 166) 2001 632 p

Par laquo mutation des savoirs raquo il faut entendre laquo adaptation des savoirs agrave la christianisation du monde antique raquo et par laquo savoirs raquo il faut comprendre laquo connaissances sur le monde raquo LrsquoA pro-pose en effet dans cet ouvrage une histoire culturelle une histoire des ideacutees et de la faccedilon dont ces ideacutees ont eacuteteacute comprises essentiellement du point de vue de la repreacutesentation du monde et de son histoire Agrave lrsquoeacutepoque chreacutetienne il y a un hiatus entre savoir et repreacutesentation tels qursquoils eacutetaient entendus dans lrsquoeacuteducation classique En effet la culture profane a valoriseacute le savoir pour lui-mecircme alors que lrsquoappreacutehension du savoir biblique ne srsquoest pas faite en fonction de la connaissance mais en fonction de la signification de lrsquoexistence humaine (p 30) LrsquoA expose comment une lecture historique de la Bible a modifieacute ou srsquoest opposeacutee aux repreacutesentations que les chreacutetiens ont heacuteriteacutees de leur formation dans la paiumldeacuteia Les quatre tendances face agrave lrsquoheacuteritage classique (refus creacuteation drsquoune nouvelle conception reprise indiffeacuterente et conversion par lrsquoameacutenagement ou la synthegravese des savoirs) peuvent ecirctre observeacutees dans chacune des disciplines eacutetudieacutees

Le livre est diviseacute en deux grandes eacutetapes historiques Tout drsquoabord la christianisation des sa-voirs antiques et les rapports entre savoir et foi sont analyseacutes dans la cosmographie la geacuteographie et lrsquoethnographie Ensuite on traite de la perception chreacutetienne de lrsquohistoire et du problegraveme de lrsquoadop-tion des savoirs historiques antiques dans lrsquohistoriographie chreacutetienne de la naissance des histoires des heacutereacutesies et du deacuteveloppement des histoires universelles Lrsquohistoire occupe agrave elle seule la moitieacute du volume en raison de son importance dans la culture chreacutetienne En effet lrsquohistoire fonde la veacuteriteacute de la foi et agrave ce titre elle est pour les chreacutetiens un savoir privileacutegieacute ce qui a pour conseacutequence de modifier son rocircle dans lrsquoeacutequilibre des savoirs antiques

Agrave titre drsquoexemple de lrsquoanalyse pratiqueacutee lrsquoA montre lrsquooriginaliteacute drsquoun document tel que le Diamerismos attribueacute agrave Hippolyte de Rome Cet exposeacute amalgame sans les harmoniser des don-neacutees sur la reacutepartition des peuples provenant de la tradition biblique juive (tripartition des peuples en fonction des descendants des fils de Noeacute cf Gn 10) et des traditions grecques ethnographique (classement par peuples) et chorographique (classement par reacutegions) compleacuteteacutees de quelques indi-cations drsquoeacutepoque romaine Ces juxtapositions neacutecessitent une correspondance entre les noms heacutebreux des peuples bibliques et les noms grecs des peuples connus et entraicircnent eacutevidemment quel-ques redites dans lrsquoeacutenumeacuteration des peuples et des incoheacuterences dans leur distribution geacuteogra-phique Ces difficulteacutes ne reccedilurent une tentative drsquoexplication qursquoavec Eacutepiphane de Salamine qui les expliqua par lrsquohistoire des occupations territoriales successives crsquoest-agrave-dire la colonisation et les ambitions territoriales de Cham et ses descendants (p 171) Dans le texte drsquoHippolyte les sections sur lrsquoAfrique et lrsquoEurope (du moins en partie) eacutenumegraverent les peuples en laquo ordre geacuteographique raquo crsquoest-agrave-dire selon une progression peacuterieacutegeacutetique reprenant ainsi un scheacutema classique Cette repreacutesen-tation cartographique des peuples restera partielle chez les auteurs chreacutetiens qui tenteront toujours de faire coiumlncider listes de la Bible et savoir paiumlen jusqursquoagrave Isidore de Seacuteville

Ces diverses superpositions de donneacutees trouvent leur meilleure illustration avec lrsquohistoriogra-phie LrsquoA montre comment le deacuteveloppement de cette discipline par les chreacutetiens est passeacute par trois eacutetapes soit le synchronisme des donneacutees bibliques et des donneacutees de la paiumldeacuteia la synthegravese puis le syncreacutetisme de ces donneacutees (p 553) Ces mouvements se sont produits agrave des eacutepoques diffeacuterentes dans chaque partie de lrsquoempire au rythme de lrsquoabsorption des modegraveles grecs de la reacutedaction historique

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Sur le plan des mentaliteacutes lrsquoA montre que le deacutedain dont ont souvent fait preuve les chreacutetiens envers le savoir arguant que la connaissance ne servait en rien au salut puisque seule la foi pouvait sauver est en fait heacuteriteacute drsquoune tradition philosophique inculqueacutee par la paiumldeacuteia Ce meacutepris cessera complegravetement lorsque le paganisme ne servira plus de reacutefeacuterence culturelle mais ce sera agrave ce moment la fin de lrsquoAntiquiteacute et le veacuteritable deacutebut du Moyen Acircge (p 570)

On ne reacutepeacutetera pas assez lrsquoimportance de la poleacutemique contre les paiumlens dans la structuration du savoir chreacutetien aux quatriegraveme et cinquiegraveme siegravecles Drsquoune part les chreacutetiens devaient faire con-corder les savoirs de la paiumldeacuteia avec les donneacutees qursquoils trouvaient dans la Bible ou reacutefuter les premiers au profit des secondes Drsquoautre part la culture chreacutetienne srsquoest deacuteveloppeacutee dans un climat de deacutebats dialectiques essentiellement faccedilonneacutes par le modegravele de la paiumldeacuteia grecque Ce modegravele culturel nrsquoa donc pas eacuteteacute effaceacute par la subordination de la raison agrave la foi comme moyen de compreacutehension du monde seul lrsquoangle drsquoapproche de la culture fut modifieacute Dans la deacutefinition des savoirs un problegraveme eacutepisteacutemologique nrsquoest culturellement chreacutetien que srsquoil entraicircne un deacutebat religieux

Nous avons ici une eacutetude complegravete qui ne sera pas agrave refaire Lrsquoexhaustiviteacute de la reacutedaction en-traicircne cependant quelques redites qui ne sont pas alleacutegeacutees par les tableaux reacutecapitulatifs La langue utiliseacutee est technique mais sobre avec agrave lrsquooccasion quelques neacuteologismes qui laissent perplexe (p ex p 184 n 132 ougrave lrsquoon affirme qursquoune association drsquoAmbroise de Milan fut laquo reuseacutee par Jeacuterocircme raquo) Lrsquoensemble est drsquoune tregraves grande qualiteacute

Marie-Pierre Bussiegraveres

6 Christophe BOUREUX Commencer dans la vie religieuse avec saint Antoine suivi de la laquo Vie drsquoAntoine raquo par Athanase drsquoAlexandrie Paris Les Eacuteditions du Cerf 2003 272 p

Degraves les premiegraveres lignes lrsquoA donne au lecteur le ton de lrsquoouvrage laquo La vie religieuse ccedila nrsquoar-recircte pas de commencer Et dans ce commencement qui nrsquoest qursquoun recommencement la vie reli-gieuse trouve sa raison drsquoecirctre et sa fin sa relation au passeacute et agrave lrsquoavenir sa place dans lrsquoEacuteglise et la socieacuteteacute raquo (p 9) Dans une socieacuteteacute occidentale ougrave nous assistons agrave une diminution deacutemographique du nombre des congreacutegations religieuses Christophe Boureux religieux dominicain fait appel agrave saint Antoine le laquo Pegravere du monachisme raquo pour nous preacutesenter un style de vie religieuse trouvant sa force et sa raison drsquoecirctre dans un continuel commencement Il nous invite donc agrave une redeacutecouverte en profondeur du laquo don raquo de la vie religieuse5 que Dieu fait agrave lrsquoEacuteglise La premiegravere difficulteacute agrave sou-lever est de savoir si Jeacutesus a inaugureacute un tel eacutetat de vie La question aide lrsquoA agrave faire la distinction entre lrsquoaspect theacuteologal et lrsquoaspect historique de la vie religieuse laquo [hellip] il serait inexact de suggeacuterer que ce fut Jeacutesus historique qui aurait inaugureacute la vie religieuse Comme toute la vie chreacutetienne la vie religieuse trouve son modegravele sa figure dans la description des faits et gestes paroles et actes de Jeacutesus rapporteacutes dans les Eacutevangiles raquo (p 18) Lrsquoexhortation apostolique Vita Consecrata6 mettant un terme aux heacutesitations eccleacutesiales seacuteculaires sur la validiteacute de la vie religieuse vient apporter un atout agrave lrsquointeacuterecirct et agrave la pertinence de cette eacutetude

5 LrsquoA choisit drsquoutiliser lrsquoexpression laquo vie religieuse raquo plutocirct que laquo vie consacreacutee raquo en srsquoappuyant sur trois arguments anthropologique de theacuteologie sacramentaire et eccleacutesiale (cf p 20-26)

6 JEAN-PAUL II Vita Consecrata Exhortation apostolique post-synodale sur la vie consacreacutee et sa mission dans lrsquoEacuteglise et dans le monde Montreacuteal Meacutediaspaul 1996 211 p

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

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Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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tianisme qui veulent tirer le meilleur des ressources qursquooffrent les sciences dites laquo auxiliaires raquo de lrsquohistoire mdash sans oublier les sciences sociales mdash pour dresser un portrait plus preacutecis et nuanceacute du climat culturel dans lequel le christianisme a pris naissance et srsquoest deacuteveloppeacute Ainsi nrsquoheacutesite-t-il pas agrave se tourner vers lrsquoeacutepigraphie agrave maintes reprises pour fournir un point de deacutepart agrave ses recherches ou pour eacutetayer ses arguments Assureacutement lrsquoeacutepoque ougrave le fait chreacutetien eacutetait analyseacute dans une sorte de splendide isolation est reacutevolue

Avec la prochaine section (VI Herrscherkritik und Kaiserkult p 251-313) nous abordons la question du culte du souverain dans son rapport au christianisme Parmi les trois articles qursquoelle contient le second laquo Do They Never Come Back Nero Redivivus and the Apocalypse of John raquo est sans doute le plus surprenant K y deacuteveloppe une theacuteorie selon laquelle sous les traits de lrsquoAnteacute-christ se trouverait nul autre que lrsquoempereur Neacuteron Lrsquoobscuriteacute de ce texte eacutetant proverbiale et la quecircte pour en percer les mystegraveres vieille de plusieurs siegravecles lrsquoeffort paraicirct presque futile Il faut drsquoailleurs noter que lrsquoA nrsquoest pas le premier agrave reconnaicirctre en lrsquoultime repreacutesentant des Julio-Claudiens lrsquoadversaire du Christ Mais crsquoest sans compter sur la capaciteacute de K de revitaliser un sujet gracircce agrave lrsquoapplication de nouvelles ideacutees sur de vieux thegravemes Crsquoest ainsi qursquoagrave lrsquoaide des Oracles sibyllins il fait le lien de maniegravere convaincante bien que prudemment entre la leacutegende de Neacuteron mdash selon laquelle lrsquoempereur reviendrait de chez les Parthes pour reconqueacuterir son trocircne puis le monde entier mdash et les propheacuteties concernant lrsquoAnteacutechrist dans lrsquoApocalypse Mecircme si la certi-tude totale eacutechappera sans doute agrave jamais aux chercheurs sur cette question les arguments de K sont si persuasifs ou du moins si ingeacutenieux qursquoils sont au moins destineacutes agrave fournir des avenues feacutecondes agrave la recherche

La sixiegraveme section (VII Geteilte Briefe (aus anderer Sicht) p 317-337) contient un seul ar-ticle lui aussi en anglais Dans laquo Compilation of Letters in Cicerorsquos Correspondence raquo K tente de revitaliser le deacutebat sur la nature du corpus paulinien en le comparant agrave drsquoautres collections eacutepisto-laires que nous a leacutegueacutees lrsquoAntiquiteacute en particulier celle de Ciceacuteron Lrsquoobjectif drsquoune telle eacutetude comparative eacutetait de deacuteterminer si les lettres de Paul avaient fait lrsquoobjet de retouches eacuteditoriales avant leur laquo publication raquo Apregraves avoir examineacute les diffeacuterentes transformations subies par les lettres de Ciceacuteron (interpolation refonte partition etc) K en arrive agrave la conclusion que des partitions avaient sucircrement eu lieu mais qursquoelles eacutetaient sans doute de nature assez simple Il demeure tou-tefois extrecircmement prudent marquant bien le caractegravere exceptionnel des lettres de lrsquoorator romain La comparaison elle-mecircme ne prouve peut-ecirctre rien mais elle reacuteussit tout de mecircme agrave replacer les lettres de Paul dans un contexte plus large qui lui fait geacuteneacuteralement deacutefaut

La derniegravere section (VIII Exegese und Kirche p 341-420) se deacutemarque du reste du volume en proposant trois eacutetudes assez disparates dont la preacutesence au sein du volume semble au mieux dou-teuse Sans preacutejuger de leur valeur intrinsegraveque ni drsquoailleurs de leur inteacuterecirct lrsquoinclusion des deux derniers articles en particulier (laquo Die katholische neutestamentliche Exegese zwischen Vatikanum I und Vatikanum II raquo p 360-393 et laquo Alle Jubeljahre Zum neuen Dokument der Paumlpstlichen Bibelkommission raquo p 394-420) dans un recueil traitant du christianisme primitif a de quoi eacutetonner dans la mesure ougrave il srsquoagit de thegravemes reacutesolument modernes Ce bloc theacutematique a le meacuterite de nous montrer une autre facette des travaux de K mais peut-ecirctre aurait-il eacuteteacute preacutefeacuterable de ne pas lrsquoinclure

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Religion und Gesellschaft im fruumlhen Christentum compte 33 pages drsquoindex (index nominum et index locorum p 423-456) et est preacutesenteacute dans le format impeccable auquel nous a habitueacutes la mai-son Mohr Siebeck Lrsquoouvrage de K profitera agrave de nombreux lecteurs speacutecialistes ou non et meacuterite de figurer dans toute bibliothegraveque universitaire offrant un volet de theacuteologie ou de christianisme ancien

Jean-Michel Lavoie

2 Eacutetienne NODET Histoire de Jeacutesus Neacutecessiteacute et limites drsquoune enquecircte Preacuteface par Olivier-Thomas VENARD op Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Lire la Bible raquo 135) 2003 XXIV-248 p

Histoire de Jeacutesus Voici un titre qui degraves le deacutepart peut susciter une question dans lrsquoesprit du lecteur le point drsquointerrogation porte-t-il sur laquo Jeacutesus raquo ou sur laquo histoire raquo La lecture du livre nous fait croire que lrsquoA utilise le point drsquointerrogation pour les deux agrave la fois En effet Eacutetienne Nodet se donne pour objectif de proposer aux lecteurs un ouvrage offrant une synthegravese accessible des der-niers travaux consacreacutes agrave lrsquohistoriciteacute de Jeacutesus de Nazareth personnage que la foi chreacutetienne con-fesse comme vrai Fils de Dieu et vrai Fils drsquohomme Le livre se situe donc agrave la jonction de la pro-clamation de la mort et de la reacutesurrection de Jeacutesus et de lrsquoaffirmation de son origine dans la race humaine Par ailleurs comme pour toute œuvre historique nous sommes confronteacutes agrave une seacuterieuse documentation eacutevalueacutee et analyseacutee Ainsi avec beaucoup drsquohabileteacute lrsquoA sait entraicircner le lecteur dans lrsquounivers eacutevangeacutelique en preacutesentant lrsquoenfance de Jeacutesus qursquoil met en parallegravele avec lrsquointerrogation permanente qui traverse le livre au sujet de la reacutealiteacute historique des faits relateacutes La meacutethode choisie pour une telle enquecircte est la laquo deacutemarche reacutegressive raquo (p 203) ce qui signifie que lrsquoA part de lrsquoeacutetat actuel du christianisme afin de remonter dans le temps jusqursquoau milieu social politique et religieux de son personnage principal

Lrsquohypothegravese un peu provocatrice peut-ecirctre de lrsquoA est que les eacutevangeacutelistes nous ont fourni une laquo biographie raquo de Jeacutesus qui a eacuteteacute laquo christianiseacutee raquo par la preacutedication post-eacutevangeacutelique (p 80) Crsquoest pourquoi le lecteur moins familiariseacute avec de tels ouvrages peut trouver les analyses et les raison-nements difficiles agrave suivre Les arguments peuvent ecirctre reccedilus ou refuseacutes Drsquoailleurs lrsquoA lui-mecircme ne preacutetend qursquoagrave donner le point de vue drsquoun croyant pour des croyants sur lrsquohistoire de Jeacutesus Mal-greacute les recherches assez minutieuses et parfois tregraves deacutetailleacutees sur le Jeacutesus de lrsquohistoire Eacute Nodet conclut son ouvrage en citant la fameuse affirmation du fondateur de lrsquoEacutecole biblique de Jeacuterusalem M-J Lagrange laquo Les eacutevangiles sont les seules vies de Jeacutesus que lrsquoon puisse eacutecrire Il nrsquoest que de les comprendre le mieux possible raquo (p 209)

La question agrave laquelle lrsquoA se propose de reacutepondre dans son livre est drsquoune part celle de savoir jusqursquoagrave quel point il est possible par-delagrave les affirmations et les discordances des eacutevangiles de re-trouver quelques traits de Jeacutesus de ses faits et de ses gestes et drsquoautre part celle de lrsquoutiliteacute drsquoune telle recherche En fonction de cette question poseacutee degraves le deacutepart la structure du livre coule de source Une bregraveve introduction ougrave lrsquoA expose sa probleacutematique et la meacutethode agrave suivre et une courte conclusion de synthegravese encadrent les quatre chapitres de lrsquoouvrage Le premier chapitre propose lrsquoanalyse de lrsquoeucharistie chreacutetienne drsquoaujourdrsquohui qui est agrave la fois la plus ancienne action liturgique chreacutetienne pouvant remonter agrave lrsquoeacutepoque du Jeacutesus historique et lrsquoeacuteleacutement fondateur du christianisme autour duquel se construit la communauteacute chreacutetienne Elle signifie la preacutesence de Jeacutesus-Christ au milieu des fidegraveles reacuteunis pour faire meacutemoire de la mort et de la reacutesurrection du Seigneur Les documents juifs contemporains de lrsquoeacutepoque de Jeacutesus parmi lesquels ceux de Flavius Josegravephe figurent en premiegravere place sont eacutetudieacutes dans le deuxiegraveme chapitre Il srsquoagit pour lrsquoA de preacutesenter un regard non chreacutetien sur le personnage de Jeacutesus et sur lrsquoeacutepoque dans laquelle il a veacutecu

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enseigneacute et agi Le troisiegraveme chapitre est consacreacute agrave lrsquoanalyse des eacutevangiles canoniques En se gar-dant de toute tentative drsquoharmonisation des reacutecits eacutevangeacuteliques lrsquoA veut reconstruire un visage de Jeacutesus le plus proche possible de la reacutealiteacute Nous trouvons dans ce chapitre une abondance de teacutemoi-gnages patristiques sur la canoniciteacute et lrsquoinspiration des Eacutecritures drsquoune part et sur lrsquointerpreacutetation des concordances et des discordances des quatre textes eacutevangeacuteliques drsquoautre part Enfin le qua-triegraveme chapitre traite de la laquo Vie de Jeacutesus raquo et occupe presque la moitieacute du livre Agrave partir des eacuteleacute-ments essentiels de la confession de la foi chreacutetienne magnifiquement mis en lumiegravere nous pouvons mieux deacutegager la vie lrsquoaction et lrsquoenseignement de Jeacutesus En partant de la mort et de la reacutesurrection de Jeacutesus lrsquoA remonte au procegraves et Jeacutesus et agrave la derniegravere Cegravene afin de mieux discerner les traits humains du Jeacutesus historique Ce chapitre profitera drsquoautant plus au lecteur srsquoil est compleacuteteacute par la lecture de lrsquoouvrage preacuteceacutedant du mecircme auteur Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles1

Pour alleacuteger le texte lrsquoouvrage ne compte pas que des reacutefeacuterences en notes de bas de page Deux annexes enrichissent lrsquoouvrage Dans la premiegravere lrsquoA preacutesente en traduction franccedilaise et par thegravemes les principales sources anciennes et dans la seconde il nous offre quelques eacuteleacutements biblio-graphiques portant des points de vue diffeacuterents des siens sur le mecircme sujet

La grande originaliteacute drsquoune telle recherche est de preacutesenter les Eacutecritures concernant Jeacutesus en parallegravele avec drsquoautres textes anciens historiques Le lecteur deacutecouvre ainsi la porteacutee des diffeacuterents lieux et eacuteveacutenements mentionneacutes dans les reacutecits eacutevangeacuteliques le Jourdain Jeacuterusalem la Galileacutee Capharnauumlm Le but drsquoEacute Nodet nrsquoest pas de nous laisser croire que la Bible soit simplement un conglomeacuterat des textes se renvoyant les uns aux autres ni seulement la description des eacuteveacutenements annonciateurs drsquoun personnage agrave venir Sans renoncer agrave la tradition theacuteologique pour interpreacuteter les Eacutecritures lrsquoA a le meacuterite drsquoouvrir de nouvelles perspectives sur lrsquohistoire de Jeacutesus en appliquant la critique historique aux textes commenteacutes Il se fonde en cela sur deux constats historiques qui sont en mecircme temps ses principes hermeacuteneutiques lrsquoun touchant aux traces laisseacutees par le personnage historique de Jeacutesus et lrsquoautre concernant la preacutedication chreacutetienne de Jeacutesus-Christ mort et ressusciteacute Mecircme si la reacutesurrection occupe peu de place dans lrsquoouvrage cela srsquoexpliquant par le fait que pour un historien lrsquoeacuteveacutenement reste insaisissable il est transhistorique LrsquoA la conccediloit non pas comme un laquo simple retour agrave la vie ordinaire comme si ne srsquoeacutetait rien passeacute mais comme une source drsquoinspiration raquo (p 157)

Lucian Dicircncatilde

Histoire litteacuteraire et doctrinale

3 Philippe HENNE Introduction agrave Origegravene suivie drsquoune Anthologie Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2004 304 p

Penseur chreacutetien neacute en 185 et mort en 254 Origegravene est surtout connu pour son Contre Celse ouvrage poleacutemique visant agrave reacutefuter les preacutejugeacutes indeacuteracinables contre les chreacutetiens de son eacutepoque Or son œuvre ne srsquoy limite point et crsquoest pour contrer une certaine meacuteconnaissance drsquoOrigegravene par le grand public que lrsquoA entreprit de le preacutesenter par la recontextualisation de sa vie et de sa penseacutee

1 Eacutetienne NODET Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles Paris Cerf (coll laquo Josegravephe et son temps raquo 4) 2002 346 p Dans les deux ouvrages lrsquoA part du constat que les premiers chreacutetiens ont eu agrave cœur de deacutefendre la pleine humaniteacute de Jeacutesus contre la doctrine docegravete celle-ci voulant que la nature humaine de Jeacutesus soit seulement une apparence Voir la recension de cet ouvrage que jrsquoai faite dans Laval theacuteologique et philosophique 60 1 (2004) p 167-168

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La reacuteflexion drsquoOrigegravene influenceacutee par le milieu intellectuel alexandrin ougrave il grandit et eacutetudia par les peacuteriodes de perseacutecution (Septime Seacutevegravere en 202-203 et Degravece en 250) par son implication dans lrsquoEacuteglise drsquoAlexandrie puis de Ceacutesareacutee en Palestine visait lrsquoeacutelaboration drsquoun systegraveme coheacuterent des conceptions chreacutetiennes et lrsquoouverture drsquoun dialogue notamment avec le milieu rabbinique Auteur prolifique meneacute par une volonteacute profonde de compreacutehension de lrsquoEacutecriture et de ses trois niveaux de lecture (litteacuteral alleacutegorique et spirituel) Origegravene œuvra dans les domaines scripturaux theacuteolo-giques poleacutemiques apologeacutetiques et asceacutetiques Son œuvre qui influenccedila consideacuterablement la penseacutee chreacutetienne des siegravecles subseacutequents conduisit agrave deux crises origeacutenistes (aux quatriegraveme et sixiegraveme siegravecles) Ces crises se soldegraverent par la condamnation drsquoOrigegravene comme heacutereacutetique au concile de Constantinople en 553 parfois comme le souligne lrsquoA pour des theacuteories qui nrsquoeacutetaient pas complegravetement les siennes

Pour surmonter cette stricte conception heacutereacutetique drsquoOrigegravene lrsquoA invite le lecteur agrave aborder lrsquoAlexandrin dans son contexte historique La premiegravere partie de lrsquoouvrage preacutesente drsquoabord ses principaux eacuteleacutements biographiques puis entre au cœur de sa penseacutee par lrsquoeacutetude de textes Cette penseacutee est exposeacutee agrave travers quatre theacutematiques interdeacutependantes son œuvre son exeacutegegravese sa theacuteologie et sa croyance LrsquoA preacutecise avec raison que les conceptions religieuses drsquoOrigegravene ne peuvent se comprendre que dans le contexte immeacutediat dans lequel elles eacutemergegraverent et que les con-damnations ulteacuterieures illustrent lrsquoavancement des reacuteflexions chreacutetiennes sur des theacutematiques dont Origegravene fut un preacutecurseur Il souligne qursquoil est drsquoautant plus difficile drsquoacceacuteder agrave la penseacutee complegravete de lrsquoAlexandrin que certains de ses ouvrages ne nous sont parvenus que par des traductions dont la fiabiliteacute est remise en question

Pour mieux illustrer son propos lrsquoA a constitueacute une anthologie preacutesenteacutee dans le mecircme ordre theacutematique que la premiegravere partie Parfois introduits par une bregraveve explication les textes seacutelection-neacutes proviennent drsquoœuvres diverses de lrsquoAntiquiteacute Outre lrsquoabondance des eacutecrits drsquoOrigegravene sont preacute-senteacutes des extraits drsquoauteurs lrsquoayant influenceacute (Philon drsquoAlexandrie) et ayant eacuteteacute influenceacutes positi-vement ou non par sa penseacutee (Basile de Ceacutesareacutee Eusegravebe de Ceacutesareacutee Greacutegoire de Nazianze Jean Chrysostome et Jeacuterocircme) Cette anthologie ouvre sur une perspective inteacuteressante Cependant lrsquohar-monie entre les deux parties de lrsquoouvrage aurait gagneacute en valeur didactique par le renvoi de la premiegravere agrave la seconde assurant ainsi une meilleure compreacutehension des propos tenus Une introduc-tion justifiant la seacutelection et expliquant la meacutethode drsquoutilisation des textes anciens preacutesenteacutes fait eacutegalement deacutefaut ce qui nuit agrave une bonne exploitation de cette section Lrsquoapport de cette anthologie agrave la preacutesentation drsquoOrigegravene de son œuvre et de son influence au sein de la chreacutetienteacute est ainsi quelque peu discutable

Chacun des chapitres de la premiegravere partie se clocirct par une bregraveve conclusion reacutesumant lrsquoensem-ble des eacuteleacutements preacutesenteacutes Lrsquoouvrage comporte eacutegalement une bibliographie geacuteneacuterale et theacutema-tique suivant encore une fois le plan de reacutedaction dont les notices sont parfois commenteacutees briegrave-vement Deux listes par ordre alphabeacutetique et par chapitre permettent une consultation rapide des extraits citeacutes dans lrsquoanthologie Lrsquoabsence totale de notes critiques constitue lrsquoune des principales lacunes de cet ouvrage2 Celui-ci constitue toutefois une bonne introduction agrave Origegravene et aux cou-

2 Cela aurait permis drsquoamener certaines nuances historiques complegravetement eacutevacueacutees comme celles appor-teacutees par A Daguet-Gagey concernant la perseacutecution de Septime Seacutevegravere qui marqua lrsquoenfance drsquoOrigegravene Cf A DAGUET-GAGEY laquo Septime-Seacutevegravere un empereur perseacutecuteur des chreacutetiens raquo Revue des eacutetudes augustiniennes 47 (2001) p 1-32

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rants de penseacutees philosophiques et religieux de son eacutepoque qui eacutetoffe celle deacutejagrave reacutealiseacutee dans cette collection3

Steve Beacutelanger

4 Aloys GRILLMEIER Le Christ dans la tradition chreacutetienne 1 De lrsquoacircge apostolique au concile de Chalceacutedoine (451) Preacuteface et 2e eacutedition franccedilaise revue par Theresia HAINTHALER traduction par Sœur Pascale-Dominique Paris Les Eacuteditions du Cerf (col laquo Cogitatio Fidei raquo 230) 2003 1120 p

A Grillmeier ancien professeur de theacuteologie fondamentale et dogmatique est un nom bien connu de ceux qui srsquointeacuteressent au deacuteveloppement de la christologie des premiers siegravecles du chris-tianisme Lrsquoouvrage dont nous faisons la recension une somme de la doctrine christologique jus-qursquoau concile de Chalceacutedoine srsquoinscrit parmi les classiques qui nous aident agrave comprendre la foi heacuteriteacutee des Apocirctres et les deacutebats qui ont conduit agrave sa cristallisation Lrsquoeacutedition originale de cet ou-vrage a eacuteteacute publieacutee en anglais4 comme un deacuteveloppement drsquoun article intituleacute laquo Die theologische und sprachliche Vorbereitung der christologischen Formel von Chalkedon raquo La premiegravere traduction en franccedilais a paru en 1973 Cette nouvelle eacutedition a eacuteteacute preacutepareacutee par lrsquoA lui-mecircme avec la collabo-ration pour la traduction franccedilaise de Sr Pascale-Dominique qui a pris en charge sa reacutevision et sa publication apregraves le deacutecegraves de lrsquoauteur

Lrsquoouvrage compte trois parties La premiegravere est consacreacutee au deacuteveloppement christologique des origines jusqursquoagrave Origegravene Les Pegraveres apostoliques ont confesseacute leur foi au Christ vrai Dieu et vrai homme Cependant avant que les Eacutecritures chreacutetiennes ne jouissent drsquoun statut de canoniciteacute bien deacutefini les formules christologiques se sont multiplieacutees et se sont transmises par la voie orale laquo la foi vient de lrsquoeacutecoute raquo Les premiers eacutecrits patristiques la Didachegrave et le Pasteur drsquoHermas sont mar-queacutes par ces formules en circulation et nous permettent de deacutegager laquo une foi trinitaire ou du moins binaire (Pegravere-Fils) raquo (p 217) La lutte des apologistes a eacuteteacute de convaincre le monde paiumlen de la soliditeacute et de la veacuteraciteacute de leur foi au Christ lrsquoenvoyeacute de Dieu pour le salut de toute lrsquohumaniteacute Apregraves lrsquoeacutepoque des Pegraveres apostoliques et apologistes ce sont les Pegraveres alexandrins Cleacutement et Origegravene qui ont apporteacute une reacuteflexion solide centreacutee sur lrsquoIncarnation du Logos au deacuteveloppement christologique Cleacutement se situant plus dans la perspective de la lutte anti-gnostique voit laquo le rocircle du Logos comme la source et le maicirctre de la ldquognoserdquo raquo (p 363) qui nous permet de contempler Dieu Quant agrave Origegravene il concentre son attention sur la confession de sa foi en lrsquoincarnation en tenant compte de la reacutealiteacute de la diviniteacute et de lrsquohumaniteacute du Christ Chez lui laquo plus on fait ressortir les principes fondamentaux de sa theacuteologie plus lrsquoimage de sa christologie gagne en profondeur raquo (p 373) Cette recherche pour deacutefinir la foi chreacutetienne en Jeacutesus-Christ Fils de Dieu et Fils de lrsquohomme sera reprise et meneacutee agrave son apogeacutee par les Pegraveres du quatriegraveme siegravecle et les formulations christologiques des premiers conciles œcumeacuteniques

La seconde partie de lrsquoouvrage preacutesente le deacutebat christologique drsquoOrigegravene au concile drsquoEacutephegravese Le quatriegraveme siegravecle est traverseacute par la laquo crise arienne raquo drsquoougrave la neacutecessiteacute de reacuteunir un premier concile œcumeacutenique Contre la doctrine drsquoArius qui affirmait qursquolaquo il y eut un temps ougrave le Logos nrsquoexistait pas et [que] le Logos est une creacuteature du Pegravere raquo les Pegraveres niceacuteens signent la premiegravere profession de foi imposeacutee agrave toute lrsquoEacuteglise laquo Le Fils est eacuteternel et consubstantiel au Pegravere raquo Il a fallu

3 Cf Jean LAPORTE Les Pegraveres de lrsquoEacuteglise Tome II Les Pegraveres grecs Paris Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2001 p 37-74

4 A GRILLMEIER Christ in Christian Tradition from the Apostolic Age to Chalcedon (451) Londres AR Mowbray 1965

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tout le dynamisme drsquoAthanase drsquoAlexandrie en Orient et la deacutetermination drsquoHilaire de Poitiers en Occident pour arriver agrave une victoire deacutefinitive de lrsquoaffirmation de la vraie diviniteacute et de la reacuteelle humaniteacute du Logos La christologie se deacuteveloppe donc autour de lrsquoideacutee du Logos-Sarx alexandrin qui reacuteussit agrave maintenir un juste milieu pour la confession de la foi eccleacutesiale La deuxiegraveme section de ce mecircme chapitre eacutetudie en reacuteaction agrave la doctrine apollinariste une christologie Logos-Anthropos de type antiochien deacuteveloppeacutee par Damase Diodore de Tarse et Eacutephrem le Syrien Cette christologie avait lrsquoavantage drsquoincorporer laquo agrave la fois des eacuteleacutements de la christologie de lrsquoldquohomo assumptusrdquo et de lrsquoldquohomo factusrdquo raquo (p 682) Par de telles formules les antiochiens voulaient reacuteagir contre la doctrine drsquoApollinaire de lrsquounique nature dans le Christ LrsquoA nous introduit progressive-ment au deacutebat sur les deux natures du Christ dont Nestorius et Cyrille drsquoAlexandrie sont resteacutes les illustres repreacutesentants

Enfin la troisiegraveme partie consacre sa premiegravere section au laquo scandalum oecumenicum raquo deacuteclen-cheacute par la christologie de Nestorius Le but de celui-ci est drsquoeacutecarter les deux extrecircmes dans les titres donneacutes agrave Marie laquo theacuteotokos raquo et laquo anthropotokos raquo Drsquoune part le titre laquo theacuteotokos raquo promu par Cyrille et ses partisans les identifiait agrave Apollinaire drsquoautre part les partisans du titre laquo anthropo-tokos raquo se rangeaient du cocircteacute drsquoArius Par conseacutequent le titre qui convient le mieux agrave Marie et que promeut Nestorius est celui de laquo christotokos raquo Le concile drsquoEacutephegravese en 431 reacuteagit contre cette position affirmant la diviniteacute du Christ fait homme par conseacutequent la materniteacute divine de Marie Elle est laquo theacuteotokos raquo laquo Un seul et mecircme est le Fils eacuteternel du Pegravere qui dans le temps est neacute selon la chair de la Vierge Marie celle que nous pouvons de ce fait appeler Megravere de Dieu raquo (p 922) La deuxiegraveme section de la troisiegraveme partie centre les recherches sur la peacuteriode qui va du concile drsquoEacutephegravese et agrave celui de Chalceacutedoine La reacuteaction antiochienne ne tarde pas Il a fallu lrsquoesprit conci-liateur de Theacuteodoret de Cyr pour maintenir lrsquoeacutequilibre entre les positions nestorienne et cyrillienne Son but est de mettre en relief la liberteacute de lrsquoIncarnation en confessant laquo invariablement une uniteacute substantielle reacuteelle dans le Christ raquo (p 932) La base de la reacuteconciliation entre les deux partis est la formule de foi signeacutee agrave Antioche en 432 Dans ce laquo Symbolum antiochenum raquo la confession de Jeacutesus-Christ vrai Fils de Dieu et vrai Fils de lrsquohomme parfaitement Dieu et parfaitement homme et ayant une acircme raisonnable et un corps est clairement affirmeacutee Lrsquoapollinarisme et lrsquoarianisme sont exclus et la foi de Niceacutee reacuteaffirmeacutee La troisiegraveme section continue de nous familiariser avec les deacutebats christologiques autour de la double nature du Christ Le concile de Chalceacutedoine se donne pour objectif de compleacuteter Eacutephegravese en forgeant une formule dogmatique permettant drsquoeacuteclairer laquo lrsquouniteacute et la diffeacuterence dans le Christ raquo (p 1003) LrsquoA propose une analyse de la deacutefinition chal-ceacutedonienne en relevant agrave la fois la continuiteacute et la progression dans la cristallisation du dogme christologique depuis Niceacutee

Par rapport agrave la premiegravere eacutedition franccedilaise cette seconde eacutedition a lrsquoavantage de nous donner une bibliographie plus deacutetailleacutee et mise agrave jour On a eacutegalement regroupeacute certains chapitres et on en a ajouteacute drsquoautres Enfin les notes de bas de page sont plus abondantes Lrsquoouvrage comprend agrave la fin quelques index (des auteurs anciens des mots grecs et latins) indispensables pour tirer profit de lrsquoouvrage

Lucian Dicircncatilde

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5 Herveacute INGLEBERT Interpretatio Christiana Les mutations des savoirs (cosmographie geacuteo-graphie ethnographie histoire) dans lrsquoAntiquiteacute chreacutetienne (30-630 apregraves J-C) Paris Institut drsquoEacutetudes Augustiniennes (coll laquo Eacutetudes Augustiniennes raquo seacuterie laquo Antiquiteacute raquo 166) 2001 632 p

Par laquo mutation des savoirs raquo il faut entendre laquo adaptation des savoirs agrave la christianisation du monde antique raquo et par laquo savoirs raquo il faut comprendre laquo connaissances sur le monde raquo LrsquoA pro-pose en effet dans cet ouvrage une histoire culturelle une histoire des ideacutees et de la faccedilon dont ces ideacutees ont eacuteteacute comprises essentiellement du point de vue de la repreacutesentation du monde et de son histoire Agrave lrsquoeacutepoque chreacutetienne il y a un hiatus entre savoir et repreacutesentation tels qursquoils eacutetaient entendus dans lrsquoeacuteducation classique En effet la culture profane a valoriseacute le savoir pour lui-mecircme alors que lrsquoappreacutehension du savoir biblique ne srsquoest pas faite en fonction de la connaissance mais en fonction de la signification de lrsquoexistence humaine (p 30) LrsquoA expose comment une lecture historique de la Bible a modifieacute ou srsquoest opposeacutee aux repreacutesentations que les chreacutetiens ont heacuteriteacutees de leur formation dans la paiumldeacuteia Les quatre tendances face agrave lrsquoheacuteritage classique (refus creacuteation drsquoune nouvelle conception reprise indiffeacuterente et conversion par lrsquoameacutenagement ou la synthegravese des savoirs) peuvent ecirctre observeacutees dans chacune des disciplines eacutetudieacutees

Le livre est diviseacute en deux grandes eacutetapes historiques Tout drsquoabord la christianisation des sa-voirs antiques et les rapports entre savoir et foi sont analyseacutes dans la cosmographie la geacuteographie et lrsquoethnographie Ensuite on traite de la perception chreacutetienne de lrsquohistoire et du problegraveme de lrsquoadop-tion des savoirs historiques antiques dans lrsquohistoriographie chreacutetienne de la naissance des histoires des heacutereacutesies et du deacuteveloppement des histoires universelles Lrsquohistoire occupe agrave elle seule la moitieacute du volume en raison de son importance dans la culture chreacutetienne En effet lrsquohistoire fonde la veacuteriteacute de la foi et agrave ce titre elle est pour les chreacutetiens un savoir privileacutegieacute ce qui a pour conseacutequence de modifier son rocircle dans lrsquoeacutequilibre des savoirs antiques

Agrave titre drsquoexemple de lrsquoanalyse pratiqueacutee lrsquoA montre lrsquooriginaliteacute drsquoun document tel que le Diamerismos attribueacute agrave Hippolyte de Rome Cet exposeacute amalgame sans les harmoniser des don-neacutees sur la reacutepartition des peuples provenant de la tradition biblique juive (tripartition des peuples en fonction des descendants des fils de Noeacute cf Gn 10) et des traditions grecques ethnographique (classement par peuples) et chorographique (classement par reacutegions) compleacuteteacutees de quelques indi-cations drsquoeacutepoque romaine Ces juxtapositions neacutecessitent une correspondance entre les noms heacutebreux des peuples bibliques et les noms grecs des peuples connus et entraicircnent eacutevidemment quel-ques redites dans lrsquoeacutenumeacuteration des peuples et des incoheacuterences dans leur distribution geacuteogra-phique Ces difficulteacutes ne reccedilurent une tentative drsquoexplication qursquoavec Eacutepiphane de Salamine qui les expliqua par lrsquohistoire des occupations territoriales successives crsquoest-agrave-dire la colonisation et les ambitions territoriales de Cham et ses descendants (p 171) Dans le texte drsquoHippolyte les sections sur lrsquoAfrique et lrsquoEurope (du moins en partie) eacutenumegraverent les peuples en laquo ordre geacuteographique raquo crsquoest-agrave-dire selon une progression peacuterieacutegeacutetique reprenant ainsi un scheacutema classique Cette repreacutesen-tation cartographique des peuples restera partielle chez les auteurs chreacutetiens qui tenteront toujours de faire coiumlncider listes de la Bible et savoir paiumlen jusqursquoagrave Isidore de Seacuteville

Ces diverses superpositions de donneacutees trouvent leur meilleure illustration avec lrsquohistoriogra-phie LrsquoA montre comment le deacuteveloppement de cette discipline par les chreacutetiens est passeacute par trois eacutetapes soit le synchronisme des donneacutees bibliques et des donneacutees de la paiumldeacuteia la synthegravese puis le syncreacutetisme de ces donneacutees (p 553) Ces mouvements se sont produits agrave des eacutepoques diffeacuterentes dans chaque partie de lrsquoempire au rythme de lrsquoabsorption des modegraveles grecs de la reacutedaction historique

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Sur le plan des mentaliteacutes lrsquoA montre que le deacutedain dont ont souvent fait preuve les chreacutetiens envers le savoir arguant que la connaissance ne servait en rien au salut puisque seule la foi pouvait sauver est en fait heacuteriteacute drsquoune tradition philosophique inculqueacutee par la paiumldeacuteia Ce meacutepris cessera complegravetement lorsque le paganisme ne servira plus de reacutefeacuterence culturelle mais ce sera agrave ce moment la fin de lrsquoAntiquiteacute et le veacuteritable deacutebut du Moyen Acircge (p 570)

On ne reacutepeacutetera pas assez lrsquoimportance de la poleacutemique contre les paiumlens dans la structuration du savoir chreacutetien aux quatriegraveme et cinquiegraveme siegravecles Drsquoune part les chreacutetiens devaient faire con-corder les savoirs de la paiumldeacuteia avec les donneacutees qursquoils trouvaient dans la Bible ou reacutefuter les premiers au profit des secondes Drsquoautre part la culture chreacutetienne srsquoest deacuteveloppeacutee dans un climat de deacutebats dialectiques essentiellement faccedilonneacutes par le modegravele de la paiumldeacuteia grecque Ce modegravele culturel nrsquoa donc pas eacuteteacute effaceacute par la subordination de la raison agrave la foi comme moyen de compreacutehension du monde seul lrsquoangle drsquoapproche de la culture fut modifieacute Dans la deacutefinition des savoirs un problegraveme eacutepisteacutemologique nrsquoest culturellement chreacutetien que srsquoil entraicircne un deacutebat religieux

Nous avons ici une eacutetude complegravete qui ne sera pas agrave refaire Lrsquoexhaustiviteacute de la reacutedaction en-traicircne cependant quelques redites qui ne sont pas alleacutegeacutees par les tableaux reacutecapitulatifs La langue utiliseacutee est technique mais sobre avec agrave lrsquooccasion quelques neacuteologismes qui laissent perplexe (p ex p 184 n 132 ougrave lrsquoon affirme qursquoune association drsquoAmbroise de Milan fut laquo reuseacutee par Jeacuterocircme raquo) Lrsquoensemble est drsquoune tregraves grande qualiteacute

Marie-Pierre Bussiegraveres

6 Christophe BOUREUX Commencer dans la vie religieuse avec saint Antoine suivi de la laquo Vie drsquoAntoine raquo par Athanase drsquoAlexandrie Paris Les Eacuteditions du Cerf 2003 272 p

Degraves les premiegraveres lignes lrsquoA donne au lecteur le ton de lrsquoouvrage laquo La vie religieuse ccedila nrsquoar-recircte pas de commencer Et dans ce commencement qui nrsquoest qursquoun recommencement la vie reli-gieuse trouve sa raison drsquoecirctre et sa fin sa relation au passeacute et agrave lrsquoavenir sa place dans lrsquoEacuteglise et la socieacuteteacute raquo (p 9) Dans une socieacuteteacute occidentale ougrave nous assistons agrave une diminution deacutemographique du nombre des congreacutegations religieuses Christophe Boureux religieux dominicain fait appel agrave saint Antoine le laquo Pegravere du monachisme raquo pour nous preacutesenter un style de vie religieuse trouvant sa force et sa raison drsquoecirctre dans un continuel commencement Il nous invite donc agrave une redeacutecouverte en profondeur du laquo don raquo de la vie religieuse5 que Dieu fait agrave lrsquoEacuteglise La premiegravere difficulteacute agrave sou-lever est de savoir si Jeacutesus a inaugureacute un tel eacutetat de vie La question aide lrsquoA agrave faire la distinction entre lrsquoaspect theacuteologal et lrsquoaspect historique de la vie religieuse laquo [hellip] il serait inexact de suggeacuterer que ce fut Jeacutesus historique qui aurait inaugureacute la vie religieuse Comme toute la vie chreacutetienne la vie religieuse trouve son modegravele sa figure dans la description des faits et gestes paroles et actes de Jeacutesus rapporteacutes dans les Eacutevangiles raquo (p 18) Lrsquoexhortation apostolique Vita Consecrata6 mettant un terme aux heacutesitations eccleacutesiales seacuteculaires sur la validiteacute de la vie religieuse vient apporter un atout agrave lrsquointeacuterecirct et agrave la pertinence de cette eacutetude

5 LrsquoA choisit drsquoutiliser lrsquoexpression laquo vie religieuse raquo plutocirct que laquo vie consacreacutee raquo en srsquoappuyant sur trois arguments anthropologique de theacuteologie sacramentaire et eccleacutesiale (cf p 20-26)

6 JEAN-PAUL II Vita Consecrata Exhortation apostolique post-synodale sur la vie consacreacutee et sa mission dans lrsquoEacuteglise et dans le monde Montreacuteal Meacutediaspaul 1996 211 p

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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Religion und Gesellschaft im fruumlhen Christentum compte 33 pages drsquoindex (index nominum et index locorum p 423-456) et est preacutesenteacute dans le format impeccable auquel nous a habitueacutes la mai-son Mohr Siebeck Lrsquoouvrage de K profitera agrave de nombreux lecteurs speacutecialistes ou non et meacuterite de figurer dans toute bibliothegraveque universitaire offrant un volet de theacuteologie ou de christianisme ancien

Jean-Michel Lavoie

2 Eacutetienne NODET Histoire de Jeacutesus Neacutecessiteacute et limites drsquoune enquecircte Preacuteface par Olivier-Thomas VENARD op Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Lire la Bible raquo 135) 2003 XXIV-248 p

Histoire de Jeacutesus Voici un titre qui degraves le deacutepart peut susciter une question dans lrsquoesprit du lecteur le point drsquointerrogation porte-t-il sur laquo Jeacutesus raquo ou sur laquo histoire raquo La lecture du livre nous fait croire que lrsquoA utilise le point drsquointerrogation pour les deux agrave la fois En effet Eacutetienne Nodet se donne pour objectif de proposer aux lecteurs un ouvrage offrant une synthegravese accessible des der-niers travaux consacreacutes agrave lrsquohistoriciteacute de Jeacutesus de Nazareth personnage que la foi chreacutetienne con-fesse comme vrai Fils de Dieu et vrai Fils drsquohomme Le livre se situe donc agrave la jonction de la pro-clamation de la mort et de la reacutesurrection de Jeacutesus et de lrsquoaffirmation de son origine dans la race humaine Par ailleurs comme pour toute œuvre historique nous sommes confronteacutes agrave une seacuterieuse documentation eacutevalueacutee et analyseacutee Ainsi avec beaucoup drsquohabileteacute lrsquoA sait entraicircner le lecteur dans lrsquounivers eacutevangeacutelique en preacutesentant lrsquoenfance de Jeacutesus qursquoil met en parallegravele avec lrsquointerrogation permanente qui traverse le livre au sujet de la reacutealiteacute historique des faits relateacutes La meacutethode choisie pour une telle enquecircte est la laquo deacutemarche reacutegressive raquo (p 203) ce qui signifie que lrsquoA part de lrsquoeacutetat actuel du christianisme afin de remonter dans le temps jusqursquoau milieu social politique et religieux de son personnage principal

Lrsquohypothegravese un peu provocatrice peut-ecirctre de lrsquoA est que les eacutevangeacutelistes nous ont fourni une laquo biographie raquo de Jeacutesus qui a eacuteteacute laquo christianiseacutee raquo par la preacutedication post-eacutevangeacutelique (p 80) Crsquoest pourquoi le lecteur moins familiariseacute avec de tels ouvrages peut trouver les analyses et les raison-nements difficiles agrave suivre Les arguments peuvent ecirctre reccedilus ou refuseacutes Drsquoailleurs lrsquoA lui-mecircme ne preacutetend qursquoagrave donner le point de vue drsquoun croyant pour des croyants sur lrsquohistoire de Jeacutesus Mal-greacute les recherches assez minutieuses et parfois tregraves deacutetailleacutees sur le Jeacutesus de lrsquohistoire Eacute Nodet conclut son ouvrage en citant la fameuse affirmation du fondateur de lrsquoEacutecole biblique de Jeacuterusalem M-J Lagrange laquo Les eacutevangiles sont les seules vies de Jeacutesus que lrsquoon puisse eacutecrire Il nrsquoest que de les comprendre le mieux possible raquo (p 209)

La question agrave laquelle lrsquoA se propose de reacutepondre dans son livre est drsquoune part celle de savoir jusqursquoagrave quel point il est possible par-delagrave les affirmations et les discordances des eacutevangiles de re-trouver quelques traits de Jeacutesus de ses faits et de ses gestes et drsquoautre part celle de lrsquoutiliteacute drsquoune telle recherche En fonction de cette question poseacutee degraves le deacutepart la structure du livre coule de source Une bregraveve introduction ougrave lrsquoA expose sa probleacutematique et la meacutethode agrave suivre et une courte conclusion de synthegravese encadrent les quatre chapitres de lrsquoouvrage Le premier chapitre propose lrsquoanalyse de lrsquoeucharistie chreacutetienne drsquoaujourdrsquohui qui est agrave la fois la plus ancienne action liturgique chreacutetienne pouvant remonter agrave lrsquoeacutepoque du Jeacutesus historique et lrsquoeacuteleacutement fondateur du christianisme autour duquel se construit la communauteacute chreacutetienne Elle signifie la preacutesence de Jeacutesus-Christ au milieu des fidegraveles reacuteunis pour faire meacutemoire de la mort et de la reacutesurrection du Seigneur Les documents juifs contemporains de lrsquoeacutepoque de Jeacutesus parmi lesquels ceux de Flavius Josegravephe figurent en premiegravere place sont eacutetudieacutes dans le deuxiegraveme chapitre Il srsquoagit pour lrsquoA de preacutesenter un regard non chreacutetien sur le personnage de Jeacutesus et sur lrsquoeacutepoque dans laquelle il a veacutecu

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enseigneacute et agi Le troisiegraveme chapitre est consacreacute agrave lrsquoanalyse des eacutevangiles canoniques En se gar-dant de toute tentative drsquoharmonisation des reacutecits eacutevangeacuteliques lrsquoA veut reconstruire un visage de Jeacutesus le plus proche possible de la reacutealiteacute Nous trouvons dans ce chapitre une abondance de teacutemoi-gnages patristiques sur la canoniciteacute et lrsquoinspiration des Eacutecritures drsquoune part et sur lrsquointerpreacutetation des concordances et des discordances des quatre textes eacutevangeacuteliques drsquoautre part Enfin le qua-triegraveme chapitre traite de la laquo Vie de Jeacutesus raquo et occupe presque la moitieacute du livre Agrave partir des eacuteleacute-ments essentiels de la confession de la foi chreacutetienne magnifiquement mis en lumiegravere nous pouvons mieux deacutegager la vie lrsquoaction et lrsquoenseignement de Jeacutesus En partant de la mort et de la reacutesurrection de Jeacutesus lrsquoA remonte au procegraves et Jeacutesus et agrave la derniegravere Cegravene afin de mieux discerner les traits humains du Jeacutesus historique Ce chapitre profitera drsquoautant plus au lecteur srsquoil est compleacuteteacute par la lecture de lrsquoouvrage preacuteceacutedant du mecircme auteur Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles1

Pour alleacuteger le texte lrsquoouvrage ne compte pas que des reacutefeacuterences en notes de bas de page Deux annexes enrichissent lrsquoouvrage Dans la premiegravere lrsquoA preacutesente en traduction franccedilaise et par thegravemes les principales sources anciennes et dans la seconde il nous offre quelques eacuteleacutements biblio-graphiques portant des points de vue diffeacuterents des siens sur le mecircme sujet

La grande originaliteacute drsquoune telle recherche est de preacutesenter les Eacutecritures concernant Jeacutesus en parallegravele avec drsquoautres textes anciens historiques Le lecteur deacutecouvre ainsi la porteacutee des diffeacuterents lieux et eacuteveacutenements mentionneacutes dans les reacutecits eacutevangeacuteliques le Jourdain Jeacuterusalem la Galileacutee Capharnauumlm Le but drsquoEacute Nodet nrsquoest pas de nous laisser croire que la Bible soit simplement un conglomeacuterat des textes se renvoyant les uns aux autres ni seulement la description des eacuteveacutenements annonciateurs drsquoun personnage agrave venir Sans renoncer agrave la tradition theacuteologique pour interpreacuteter les Eacutecritures lrsquoA a le meacuterite drsquoouvrir de nouvelles perspectives sur lrsquohistoire de Jeacutesus en appliquant la critique historique aux textes commenteacutes Il se fonde en cela sur deux constats historiques qui sont en mecircme temps ses principes hermeacuteneutiques lrsquoun touchant aux traces laisseacutees par le personnage historique de Jeacutesus et lrsquoautre concernant la preacutedication chreacutetienne de Jeacutesus-Christ mort et ressusciteacute Mecircme si la reacutesurrection occupe peu de place dans lrsquoouvrage cela srsquoexpliquant par le fait que pour un historien lrsquoeacuteveacutenement reste insaisissable il est transhistorique LrsquoA la conccediloit non pas comme un laquo simple retour agrave la vie ordinaire comme si ne srsquoeacutetait rien passeacute mais comme une source drsquoinspiration raquo (p 157)

Lucian Dicircncatilde

Histoire litteacuteraire et doctrinale

3 Philippe HENNE Introduction agrave Origegravene suivie drsquoune Anthologie Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2004 304 p

Penseur chreacutetien neacute en 185 et mort en 254 Origegravene est surtout connu pour son Contre Celse ouvrage poleacutemique visant agrave reacutefuter les preacutejugeacutes indeacuteracinables contre les chreacutetiens de son eacutepoque Or son œuvre ne srsquoy limite point et crsquoest pour contrer une certaine meacuteconnaissance drsquoOrigegravene par le grand public que lrsquoA entreprit de le preacutesenter par la recontextualisation de sa vie et de sa penseacutee

1 Eacutetienne NODET Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles Paris Cerf (coll laquo Josegravephe et son temps raquo 4) 2002 346 p Dans les deux ouvrages lrsquoA part du constat que les premiers chreacutetiens ont eu agrave cœur de deacutefendre la pleine humaniteacute de Jeacutesus contre la doctrine docegravete celle-ci voulant que la nature humaine de Jeacutesus soit seulement une apparence Voir la recension de cet ouvrage que jrsquoai faite dans Laval theacuteologique et philosophique 60 1 (2004) p 167-168

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La reacuteflexion drsquoOrigegravene influenceacutee par le milieu intellectuel alexandrin ougrave il grandit et eacutetudia par les peacuteriodes de perseacutecution (Septime Seacutevegravere en 202-203 et Degravece en 250) par son implication dans lrsquoEacuteglise drsquoAlexandrie puis de Ceacutesareacutee en Palestine visait lrsquoeacutelaboration drsquoun systegraveme coheacuterent des conceptions chreacutetiennes et lrsquoouverture drsquoun dialogue notamment avec le milieu rabbinique Auteur prolifique meneacute par une volonteacute profonde de compreacutehension de lrsquoEacutecriture et de ses trois niveaux de lecture (litteacuteral alleacutegorique et spirituel) Origegravene œuvra dans les domaines scripturaux theacuteolo-giques poleacutemiques apologeacutetiques et asceacutetiques Son œuvre qui influenccedila consideacuterablement la penseacutee chreacutetienne des siegravecles subseacutequents conduisit agrave deux crises origeacutenistes (aux quatriegraveme et sixiegraveme siegravecles) Ces crises se soldegraverent par la condamnation drsquoOrigegravene comme heacutereacutetique au concile de Constantinople en 553 parfois comme le souligne lrsquoA pour des theacuteories qui nrsquoeacutetaient pas complegravetement les siennes

Pour surmonter cette stricte conception heacutereacutetique drsquoOrigegravene lrsquoA invite le lecteur agrave aborder lrsquoAlexandrin dans son contexte historique La premiegravere partie de lrsquoouvrage preacutesente drsquoabord ses principaux eacuteleacutements biographiques puis entre au cœur de sa penseacutee par lrsquoeacutetude de textes Cette penseacutee est exposeacutee agrave travers quatre theacutematiques interdeacutependantes son œuvre son exeacutegegravese sa theacuteologie et sa croyance LrsquoA preacutecise avec raison que les conceptions religieuses drsquoOrigegravene ne peuvent se comprendre que dans le contexte immeacutediat dans lequel elles eacutemergegraverent et que les con-damnations ulteacuterieures illustrent lrsquoavancement des reacuteflexions chreacutetiennes sur des theacutematiques dont Origegravene fut un preacutecurseur Il souligne qursquoil est drsquoautant plus difficile drsquoacceacuteder agrave la penseacutee complegravete de lrsquoAlexandrin que certains de ses ouvrages ne nous sont parvenus que par des traductions dont la fiabiliteacute est remise en question

Pour mieux illustrer son propos lrsquoA a constitueacute une anthologie preacutesenteacutee dans le mecircme ordre theacutematique que la premiegravere partie Parfois introduits par une bregraveve explication les textes seacutelection-neacutes proviennent drsquoœuvres diverses de lrsquoAntiquiteacute Outre lrsquoabondance des eacutecrits drsquoOrigegravene sont preacute-senteacutes des extraits drsquoauteurs lrsquoayant influenceacute (Philon drsquoAlexandrie) et ayant eacuteteacute influenceacutes positi-vement ou non par sa penseacutee (Basile de Ceacutesareacutee Eusegravebe de Ceacutesareacutee Greacutegoire de Nazianze Jean Chrysostome et Jeacuterocircme) Cette anthologie ouvre sur une perspective inteacuteressante Cependant lrsquohar-monie entre les deux parties de lrsquoouvrage aurait gagneacute en valeur didactique par le renvoi de la premiegravere agrave la seconde assurant ainsi une meilleure compreacutehension des propos tenus Une introduc-tion justifiant la seacutelection et expliquant la meacutethode drsquoutilisation des textes anciens preacutesenteacutes fait eacutegalement deacutefaut ce qui nuit agrave une bonne exploitation de cette section Lrsquoapport de cette anthologie agrave la preacutesentation drsquoOrigegravene de son œuvre et de son influence au sein de la chreacutetienteacute est ainsi quelque peu discutable

Chacun des chapitres de la premiegravere partie se clocirct par une bregraveve conclusion reacutesumant lrsquoensem-ble des eacuteleacutements preacutesenteacutes Lrsquoouvrage comporte eacutegalement une bibliographie geacuteneacuterale et theacutema-tique suivant encore une fois le plan de reacutedaction dont les notices sont parfois commenteacutees briegrave-vement Deux listes par ordre alphabeacutetique et par chapitre permettent une consultation rapide des extraits citeacutes dans lrsquoanthologie Lrsquoabsence totale de notes critiques constitue lrsquoune des principales lacunes de cet ouvrage2 Celui-ci constitue toutefois une bonne introduction agrave Origegravene et aux cou-

2 Cela aurait permis drsquoamener certaines nuances historiques complegravetement eacutevacueacutees comme celles appor-teacutees par A Daguet-Gagey concernant la perseacutecution de Septime Seacutevegravere qui marqua lrsquoenfance drsquoOrigegravene Cf A DAGUET-GAGEY laquo Septime-Seacutevegravere un empereur perseacutecuteur des chreacutetiens raquo Revue des eacutetudes augustiniennes 47 (2001) p 1-32

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rants de penseacutees philosophiques et religieux de son eacutepoque qui eacutetoffe celle deacutejagrave reacutealiseacutee dans cette collection3

Steve Beacutelanger

4 Aloys GRILLMEIER Le Christ dans la tradition chreacutetienne 1 De lrsquoacircge apostolique au concile de Chalceacutedoine (451) Preacuteface et 2e eacutedition franccedilaise revue par Theresia HAINTHALER traduction par Sœur Pascale-Dominique Paris Les Eacuteditions du Cerf (col laquo Cogitatio Fidei raquo 230) 2003 1120 p

A Grillmeier ancien professeur de theacuteologie fondamentale et dogmatique est un nom bien connu de ceux qui srsquointeacuteressent au deacuteveloppement de la christologie des premiers siegravecles du chris-tianisme Lrsquoouvrage dont nous faisons la recension une somme de la doctrine christologique jus-qursquoau concile de Chalceacutedoine srsquoinscrit parmi les classiques qui nous aident agrave comprendre la foi heacuteriteacutee des Apocirctres et les deacutebats qui ont conduit agrave sa cristallisation Lrsquoeacutedition originale de cet ou-vrage a eacuteteacute publieacutee en anglais4 comme un deacuteveloppement drsquoun article intituleacute laquo Die theologische und sprachliche Vorbereitung der christologischen Formel von Chalkedon raquo La premiegravere traduction en franccedilais a paru en 1973 Cette nouvelle eacutedition a eacuteteacute preacutepareacutee par lrsquoA lui-mecircme avec la collabo-ration pour la traduction franccedilaise de Sr Pascale-Dominique qui a pris en charge sa reacutevision et sa publication apregraves le deacutecegraves de lrsquoauteur

Lrsquoouvrage compte trois parties La premiegravere est consacreacutee au deacuteveloppement christologique des origines jusqursquoagrave Origegravene Les Pegraveres apostoliques ont confesseacute leur foi au Christ vrai Dieu et vrai homme Cependant avant que les Eacutecritures chreacutetiennes ne jouissent drsquoun statut de canoniciteacute bien deacutefini les formules christologiques se sont multiplieacutees et se sont transmises par la voie orale laquo la foi vient de lrsquoeacutecoute raquo Les premiers eacutecrits patristiques la Didachegrave et le Pasteur drsquoHermas sont mar-queacutes par ces formules en circulation et nous permettent de deacutegager laquo une foi trinitaire ou du moins binaire (Pegravere-Fils) raquo (p 217) La lutte des apologistes a eacuteteacute de convaincre le monde paiumlen de la soliditeacute et de la veacuteraciteacute de leur foi au Christ lrsquoenvoyeacute de Dieu pour le salut de toute lrsquohumaniteacute Apregraves lrsquoeacutepoque des Pegraveres apostoliques et apologistes ce sont les Pegraveres alexandrins Cleacutement et Origegravene qui ont apporteacute une reacuteflexion solide centreacutee sur lrsquoIncarnation du Logos au deacuteveloppement christologique Cleacutement se situant plus dans la perspective de la lutte anti-gnostique voit laquo le rocircle du Logos comme la source et le maicirctre de la ldquognoserdquo raquo (p 363) qui nous permet de contempler Dieu Quant agrave Origegravene il concentre son attention sur la confession de sa foi en lrsquoincarnation en tenant compte de la reacutealiteacute de la diviniteacute et de lrsquohumaniteacute du Christ Chez lui laquo plus on fait ressortir les principes fondamentaux de sa theacuteologie plus lrsquoimage de sa christologie gagne en profondeur raquo (p 373) Cette recherche pour deacutefinir la foi chreacutetienne en Jeacutesus-Christ Fils de Dieu et Fils de lrsquohomme sera reprise et meneacutee agrave son apogeacutee par les Pegraveres du quatriegraveme siegravecle et les formulations christologiques des premiers conciles œcumeacuteniques

La seconde partie de lrsquoouvrage preacutesente le deacutebat christologique drsquoOrigegravene au concile drsquoEacutephegravese Le quatriegraveme siegravecle est traverseacute par la laquo crise arienne raquo drsquoougrave la neacutecessiteacute de reacuteunir un premier concile œcumeacutenique Contre la doctrine drsquoArius qui affirmait qursquolaquo il y eut un temps ougrave le Logos nrsquoexistait pas et [que] le Logos est une creacuteature du Pegravere raquo les Pegraveres niceacuteens signent la premiegravere profession de foi imposeacutee agrave toute lrsquoEacuteglise laquo Le Fils est eacuteternel et consubstantiel au Pegravere raquo Il a fallu

3 Cf Jean LAPORTE Les Pegraveres de lrsquoEacuteglise Tome II Les Pegraveres grecs Paris Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2001 p 37-74

4 A GRILLMEIER Christ in Christian Tradition from the Apostolic Age to Chalcedon (451) Londres AR Mowbray 1965

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tout le dynamisme drsquoAthanase drsquoAlexandrie en Orient et la deacutetermination drsquoHilaire de Poitiers en Occident pour arriver agrave une victoire deacutefinitive de lrsquoaffirmation de la vraie diviniteacute et de la reacuteelle humaniteacute du Logos La christologie se deacuteveloppe donc autour de lrsquoideacutee du Logos-Sarx alexandrin qui reacuteussit agrave maintenir un juste milieu pour la confession de la foi eccleacutesiale La deuxiegraveme section de ce mecircme chapitre eacutetudie en reacuteaction agrave la doctrine apollinariste une christologie Logos-Anthropos de type antiochien deacuteveloppeacutee par Damase Diodore de Tarse et Eacutephrem le Syrien Cette christologie avait lrsquoavantage drsquoincorporer laquo agrave la fois des eacuteleacutements de la christologie de lrsquoldquohomo assumptusrdquo et de lrsquoldquohomo factusrdquo raquo (p 682) Par de telles formules les antiochiens voulaient reacuteagir contre la doctrine drsquoApollinaire de lrsquounique nature dans le Christ LrsquoA nous introduit progressive-ment au deacutebat sur les deux natures du Christ dont Nestorius et Cyrille drsquoAlexandrie sont resteacutes les illustres repreacutesentants

Enfin la troisiegraveme partie consacre sa premiegravere section au laquo scandalum oecumenicum raquo deacuteclen-cheacute par la christologie de Nestorius Le but de celui-ci est drsquoeacutecarter les deux extrecircmes dans les titres donneacutes agrave Marie laquo theacuteotokos raquo et laquo anthropotokos raquo Drsquoune part le titre laquo theacuteotokos raquo promu par Cyrille et ses partisans les identifiait agrave Apollinaire drsquoautre part les partisans du titre laquo anthropo-tokos raquo se rangeaient du cocircteacute drsquoArius Par conseacutequent le titre qui convient le mieux agrave Marie et que promeut Nestorius est celui de laquo christotokos raquo Le concile drsquoEacutephegravese en 431 reacuteagit contre cette position affirmant la diviniteacute du Christ fait homme par conseacutequent la materniteacute divine de Marie Elle est laquo theacuteotokos raquo laquo Un seul et mecircme est le Fils eacuteternel du Pegravere qui dans le temps est neacute selon la chair de la Vierge Marie celle que nous pouvons de ce fait appeler Megravere de Dieu raquo (p 922) La deuxiegraveme section de la troisiegraveme partie centre les recherches sur la peacuteriode qui va du concile drsquoEacutephegravese et agrave celui de Chalceacutedoine La reacuteaction antiochienne ne tarde pas Il a fallu lrsquoesprit conci-liateur de Theacuteodoret de Cyr pour maintenir lrsquoeacutequilibre entre les positions nestorienne et cyrillienne Son but est de mettre en relief la liberteacute de lrsquoIncarnation en confessant laquo invariablement une uniteacute substantielle reacuteelle dans le Christ raquo (p 932) La base de la reacuteconciliation entre les deux partis est la formule de foi signeacutee agrave Antioche en 432 Dans ce laquo Symbolum antiochenum raquo la confession de Jeacutesus-Christ vrai Fils de Dieu et vrai Fils de lrsquohomme parfaitement Dieu et parfaitement homme et ayant une acircme raisonnable et un corps est clairement affirmeacutee Lrsquoapollinarisme et lrsquoarianisme sont exclus et la foi de Niceacutee reacuteaffirmeacutee La troisiegraveme section continue de nous familiariser avec les deacutebats christologiques autour de la double nature du Christ Le concile de Chalceacutedoine se donne pour objectif de compleacuteter Eacutephegravese en forgeant une formule dogmatique permettant drsquoeacuteclairer laquo lrsquouniteacute et la diffeacuterence dans le Christ raquo (p 1003) LrsquoA propose une analyse de la deacutefinition chal-ceacutedonienne en relevant agrave la fois la continuiteacute et la progression dans la cristallisation du dogme christologique depuis Niceacutee

Par rapport agrave la premiegravere eacutedition franccedilaise cette seconde eacutedition a lrsquoavantage de nous donner une bibliographie plus deacutetailleacutee et mise agrave jour On a eacutegalement regroupeacute certains chapitres et on en a ajouteacute drsquoautres Enfin les notes de bas de page sont plus abondantes Lrsquoouvrage comprend agrave la fin quelques index (des auteurs anciens des mots grecs et latins) indispensables pour tirer profit de lrsquoouvrage

Lucian Dicircncatilde

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5 Herveacute INGLEBERT Interpretatio Christiana Les mutations des savoirs (cosmographie geacuteo-graphie ethnographie histoire) dans lrsquoAntiquiteacute chreacutetienne (30-630 apregraves J-C) Paris Institut drsquoEacutetudes Augustiniennes (coll laquo Eacutetudes Augustiniennes raquo seacuterie laquo Antiquiteacute raquo 166) 2001 632 p

Par laquo mutation des savoirs raquo il faut entendre laquo adaptation des savoirs agrave la christianisation du monde antique raquo et par laquo savoirs raquo il faut comprendre laquo connaissances sur le monde raquo LrsquoA pro-pose en effet dans cet ouvrage une histoire culturelle une histoire des ideacutees et de la faccedilon dont ces ideacutees ont eacuteteacute comprises essentiellement du point de vue de la repreacutesentation du monde et de son histoire Agrave lrsquoeacutepoque chreacutetienne il y a un hiatus entre savoir et repreacutesentation tels qursquoils eacutetaient entendus dans lrsquoeacuteducation classique En effet la culture profane a valoriseacute le savoir pour lui-mecircme alors que lrsquoappreacutehension du savoir biblique ne srsquoest pas faite en fonction de la connaissance mais en fonction de la signification de lrsquoexistence humaine (p 30) LrsquoA expose comment une lecture historique de la Bible a modifieacute ou srsquoest opposeacutee aux repreacutesentations que les chreacutetiens ont heacuteriteacutees de leur formation dans la paiumldeacuteia Les quatre tendances face agrave lrsquoheacuteritage classique (refus creacuteation drsquoune nouvelle conception reprise indiffeacuterente et conversion par lrsquoameacutenagement ou la synthegravese des savoirs) peuvent ecirctre observeacutees dans chacune des disciplines eacutetudieacutees

Le livre est diviseacute en deux grandes eacutetapes historiques Tout drsquoabord la christianisation des sa-voirs antiques et les rapports entre savoir et foi sont analyseacutes dans la cosmographie la geacuteographie et lrsquoethnographie Ensuite on traite de la perception chreacutetienne de lrsquohistoire et du problegraveme de lrsquoadop-tion des savoirs historiques antiques dans lrsquohistoriographie chreacutetienne de la naissance des histoires des heacutereacutesies et du deacuteveloppement des histoires universelles Lrsquohistoire occupe agrave elle seule la moitieacute du volume en raison de son importance dans la culture chreacutetienne En effet lrsquohistoire fonde la veacuteriteacute de la foi et agrave ce titre elle est pour les chreacutetiens un savoir privileacutegieacute ce qui a pour conseacutequence de modifier son rocircle dans lrsquoeacutequilibre des savoirs antiques

Agrave titre drsquoexemple de lrsquoanalyse pratiqueacutee lrsquoA montre lrsquooriginaliteacute drsquoun document tel que le Diamerismos attribueacute agrave Hippolyte de Rome Cet exposeacute amalgame sans les harmoniser des don-neacutees sur la reacutepartition des peuples provenant de la tradition biblique juive (tripartition des peuples en fonction des descendants des fils de Noeacute cf Gn 10) et des traditions grecques ethnographique (classement par peuples) et chorographique (classement par reacutegions) compleacuteteacutees de quelques indi-cations drsquoeacutepoque romaine Ces juxtapositions neacutecessitent une correspondance entre les noms heacutebreux des peuples bibliques et les noms grecs des peuples connus et entraicircnent eacutevidemment quel-ques redites dans lrsquoeacutenumeacuteration des peuples et des incoheacuterences dans leur distribution geacuteogra-phique Ces difficulteacutes ne reccedilurent une tentative drsquoexplication qursquoavec Eacutepiphane de Salamine qui les expliqua par lrsquohistoire des occupations territoriales successives crsquoest-agrave-dire la colonisation et les ambitions territoriales de Cham et ses descendants (p 171) Dans le texte drsquoHippolyte les sections sur lrsquoAfrique et lrsquoEurope (du moins en partie) eacutenumegraverent les peuples en laquo ordre geacuteographique raquo crsquoest-agrave-dire selon une progression peacuterieacutegeacutetique reprenant ainsi un scheacutema classique Cette repreacutesen-tation cartographique des peuples restera partielle chez les auteurs chreacutetiens qui tenteront toujours de faire coiumlncider listes de la Bible et savoir paiumlen jusqursquoagrave Isidore de Seacuteville

Ces diverses superpositions de donneacutees trouvent leur meilleure illustration avec lrsquohistoriogra-phie LrsquoA montre comment le deacuteveloppement de cette discipline par les chreacutetiens est passeacute par trois eacutetapes soit le synchronisme des donneacutees bibliques et des donneacutees de la paiumldeacuteia la synthegravese puis le syncreacutetisme de ces donneacutees (p 553) Ces mouvements se sont produits agrave des eacutepoques diffeacuterentes dans chaque partie de lrsquoempire au rythme de lrsquoabsorption des modegraveles grecs de la reacutedaction historique

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Sur le plan des mentaliteacutes lrsquoA montre que le deacutedain dont ont souvent fait preuve les chreacutetiens envers le savoir arguant que la connaissance ne servait en rien au salut puisque seule la foi pouvait sauver est en fait heacuteriteacute drsquoune tradition philosophique inculqueacutee par la paiumldeacuteia Ce meacutepris cessera complegravetement lorsque le paganisme ne servira plus de reacutefeacuterence culturelle mais ce sera agrave ce moment la fin de lrsquoAntiquiteacute et le veacuteritable deacutebut du Moyen Acircge (p 570)

On ne reacutepeacutetera pas assez lrsquoimportance de la poleacutemique contre les paiumlens dans la structuration du savoir chreacutetien aux quatriegraveme et cinquiegraveme siegravecles Drsquoune part les chreacutetiens devaient faire con-corder les savoirs de la paiumldeacuteia avec les donneacutees qursquoils trouvaient dans la Bible ou reacutefuter les premiers au profit des secondes Drsquoautre part la culture chreacutetienne srsquoest deacuteveloppeacutee dans un climat de deacutebats dialectiques essentiellement faccedilonneacutes par le modegravele de la paiumldeacuteia grecque Ce modegravele culturel nrsquoa donc pas eacuteteacute effaceacute par la subordination de la raison agrave la foi comme moyen de compreacutehension du monde seul lrsquoangle drsquoapproche de la culture fut modifieacute Dans la deacutefinition des savoirs un problegraveme eacutepisteacutemologique nrsquoest culturellement chreacutetien que srsquoil entraicircne un deacutebat religieux

Nous avons ici une eacutetude complegravete qui ne sera pas agrave refaire Lrsquoexhaustiviteacute de la reacutedaction en-traicircne cependant quelques redites qui ne sont pas alleacutegeacutees par les tableaux reacutecapitulatifs La langue utiliseacutee est technique mais sobre avec agrave lrsquooccasion quelques neacuteologismes qui laissent perplexe (p ex p 184 n 132 ougrave lrsquoon affirme qursquoune association drsquoAmbroise de Milan fut laquo reuseacutee par Jeacuterocircme raquo) Lrsquoensemble est drsquoune tregraves grande qualiteacute

Marie-Pierre Bussiegraveres

6 Christophe BOUREUX Commencer dans la vie religieuse avec saint Antoine suivi de la laquo Vie drsquoAntoine raquo par Athanase drsquoAlexandrie Paris Les Eacuteditions du Cerf 2003 272 p

Degraves les premiegraveres lignes lrsquoA donne au lecteur le ton de lrsquoouvrage laquo La vie religieuse ccedila nrsquoar-recircte pas de commencer Et dans ce commencement qui nrsquoest qursquoun recommencement la vie reli-gieuse trouve sa raison drsquoecirctre et sa fin sa relation au passeacute et agrave lrsquoavenir sa place dans lrsquoEacuteglise et la socieacuteteacute raquo (p 9) Dans une socieacuteteacute occidentale ougrave nous assistons agrave une diminution deacutemographique du nombre des congreacutegations religieuses Christophe Boureux religieux dominicain fait appel agrave saint Antoine le laquo Pegravere du monachisme raquo pour nous preacutesenter un style de vie religieuse trouvant sa force et sa raison drsquoecirctre dans un continuel commencement Il nous invite donc agrave une redeacutecouverte en profondeur du laquo don raquo de la vie religieuse5 que Dieu fait agrave lrsquoEacuteglise La premiegravere difficulteacute agrave sou-lever est de savoir si Jeacutesus a inaugureacute un tel eacutetat de vie La question aide lrsquoA agrave faire la distinction entre lrsquoaspect theacuteologal et lrsquoaspect historique de la vie religieuse laquo [hellip] il serait inexact de suggeacuterer que ce fut Jeacutesus historique qui aurait inaugureacute la vie religieuse Comme toute la vie chreacutetienne la vie religieuse trouve son modegravele sa figure dans la description des faits et gestes paroles et actes de Jeacutesus rapporteacutes dans les Eacutevangiles raquo (p 18) Lrsquoexhortation apostolique Vita Consecrata6 mettant un terme aux heacutesitations eccleacutesiales seacuteculaires sur la validiteacute de la vie religieuse vient apporter un atout agrave lrsquointeacuterecirct et agrave la pertinence de cette eacutetude

5 LrsquoA choisit drsquoutiliser lrsquoexpression laquo vie religieuse raquo plutocirct que laquo vie consacreacutee raquo en srsquoappuyant sur trois arguments anthropologique de theacuteologie sacramentaire et eccleacutesiale (cf p 20-26)

6 JEAN-PAUL II Vita Consecrata Exhortation apostolique post-synodale sur la vie consacreacutee et sa mission dans lrsquoEacuteglise et dans le monde Montreacuteal Meacutediaspaul 1996 211 p

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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enseigneacute et agi Le troisiegraveme chapitre est consacreacute agrave lrsquoanalyse des eacutevangiles canoniques En se gar-dant de toute tentative drsquoharmonisation des reacutecits eacutevangeacuteliques lrsquoA veut reconstruire un visage de Jeacutesus le plus proche possible de la reacutealiteacute Nous trouvons dans ce chapitre une abondance de teacutemoi-gnages patristiques sur la canoniciteacute et lrsquoinspiration des Eacutecritures drsquoune part et sur lrsquointerpreacutetation des concordances et des discordances des quatre textes eacutevangeacuteliques drsquoautre part Enfin le qua-triegraveme chapitre traite de la laquo Vie de Jeacutesus raquo et occupe presque la moitieacute du livre Agrave partir des eacuteleacute-ments essentiels de la confession de la foi chreacutetienne magnifiquement mis en lumiegravere nous pouvons mieux deacutegager la vie lrsquoaction et lrsquoenseignement de Jeacutesus En partant de la mort et de la reacutesurrection de Jeacutesus lrsquoA remonte au procegraves et Jeacutesus et agrave la derniegravere Cegravene afin de mieux discerner les traits humains du Jeacutesus historique Ce chapitre profitera drsquoautant plus au lecteur srsquoil est compleacuteteacute par la lecture de lrsquoouvrage preacuteceacutedant du mecircme auteur Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles1

Pour alleacuteger le texte lrsquoouvrage ne compte pas que des reacutefeacuterences en notes de bas de page Deux annexes enrichissent lrsquoouvrage Dans la premiegravere lrsquoA preacutesente en traduction franccedilaise et par thegravemes les principales sources anciennes et dans la seconde il nous offre quelques eacuteleacutements biblio-graphiques portant des points de vue diffeacuterents des siens sur le mecircme sujet

La grande originaliteacute drsquoune telle recherche est de preacutesenter les Eacutecritures concernant Jeacutesus en parallegravele avec drsquoautres textes anciens historiques Le lecteur deacutecouvre ainsi la porteacutee des diffeacuterents lieux et eacuteveacutenements mentionneacutes dans les reacutecits eacutevangeacuteliques le Jourdain Jeacuterusalem la Galileacutee Capharnauumlm Le but drsquoEacute Nodet nrsquoest pas de nous laisser croire que la Bible soit simplement un conglomeacuterat des textes se renvoyant les uns aux autres ni seulement la description des eacuteveacutenements annonciateurs drsquoun personnage agrave venir Sans renoncer agrave la tradition theacuteologique pour interpreacuteter les Eacutecritures lrsquoA a le meacuterite drsquoouvrir de nouvelles perspectives sur lrsquohistoire de Jeacutesus en appliquant la critique historique aux textes commenteacutes Il se fonde en cela sur deux constats historiques qui sont en mecircme temps ses principes hermeacuteneutiques lrsquoun touchant aux traces laisseacutees par le personnage historique de Jeacutesus et lrsquoautre concernant la preacutedication chreacutetienne de Jeacutesus-Christ mort et ressusciteacute Mecircme si la reacutesurrection occupe peu de place dans lrsquoouvrage cela srsquoexpliquant par le fait que pour un historien lrsquoeacuteveacutenement reste insaisissable il est transhistorique LrsquoA la conccediloit non pas comme un laquo simple retour agrave la vie ordinaire comme si ne srsquoeacutetait rien passeacute mais comme une source drsquoinspiration raquo (p 157)

Lucian Dicircncatilde

Histoire litteacuteraire et doctrinale

3 Philippe HENNE Introduction agrave Origegravene suivie drsquoune Anthologie Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2004 304 p

Penseur chreacutetien neacute en 185 et mort en 254 Origegravene est surtout connu pour son Contre Celse ouvrage poleacutemique visant agrave reacutefuter les preacutejugeacutes indeacuteracinables contre les chreacutetiens de son eacutepoque Or son œuvre ne srsquoy limite point et crsquoest pour contrer une certaine meacuteconnaissance drsquoOrigegravene par le grand public que lrsquoA entreprit de le preacutesenter par la recontextualisation de sa vie et de sa penseacutee

1 Eacutetienne NODET Le Fils de Dieu Procegraves de Jeacutesus et Eacutevangiles Paris Cerf (coll laquo Josegravephe et son temps raquo 4) 2002 346 p Dans les deux ouvrages lrsquoA part du constat que les premiers chreacutetiens ont eu agrave cœur de deacutefendre la pleine humaniteacute de Jeacutesus contre la doctrine docegravete celle-ci voulant que la nature humaine de Jeacutesus soit seulement une apparence Voir la recension de cet ouvrage que jrsquoai faite dans Laval theacuteologique et philosophique 60 1 (2004) p 167-168

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La reacuteflexion drsquoOrigegravene influenceacutee par le milieu intellectuel alexandrin ougrave il grandit et eacutetudia par les peacuteriodes de perseacutecution (Septime Seacutevegravere en 202-203 et Degravece en 250) par son implication dans lrsquoEacuteglise drsquoAlexandrie puis de Ceacutesareacutee en Palestine visait lrsquoeacutelaboration drsquoun systegraveme coheacuterent des conceptions chreacutetiennes et lrsquoouverture drsquoun dialogue notamment avec le milieu rabbinique Auteur prolifique meneacute par une volonteacute profonde de compreacutehension de lrsquoEacutecriture et de ses trois niveaux de lecture (litteacuteral alleacutegorique et spirituel) Origegravene œuvra dans les domaines scripturaux theacuteolo-giques poleacutemiques apologeacutetiques et asceacutetiques Son œuvre qui influenccedila consideacuterablement la penseacutee chreacutetienne des siegravecles subseacutequents conduisit agrave deux crises origeacutenistes (aux quatriegraveme et sixiegraveme siegravecles) Ces crises se soldegraverent par la condamnation drsquoOrigegravene comme heacutereacutetique au concile de Constantinople en 553 parfois comme le souligne lrsquoA pour des theacuteories qui nrsquoeacutetaient pas complegravetement les siennes

Pour surmonter cette stricte conception heacutereacutetique drsquoOrigegravene lrsquoA invite le lecteur agrave aborder lrsquoAlexandrin dans son contexte historique La premiegravere partie de lrsquoouvrage preacutesente drsquoabord ses principaux eacuteleacutements biographiques puis entre au cœur de sa penseacutee par lrsquoeacutetude de textes Cette penseacutee est exposeacutee agrave travers quatre theacutematiques interdeacutependantes son œuvre son exeacutegegravese sa theacuteologie et sa croyance LrsquoA preacutecise avec raison que les conceptions religieuses drsquoOrigegravene ne peuvent se comprendre que dans le contexte immeacutediat dans lequel elles eacutemergegraverent et que les con-damnations ulteacuterieures illustrent lrsquoavancement des reacuteflexions chreacutetiennes sur des theacutematiques dont Origegravene fut un preacutecurseur Il souligne qursquoil est drsquoautant plus difficile drsquoacceacuteder agrave la penseacutee complegravete de lrsquoAlexandrin que certains de ses ouvrages ne nous sont parvenus que par des traductions dont la fiabiliteacute est remise en question

Pour mieux illustrer son propos lrsquoA a constitueacute une anthologie preacutesenteacutee dans le mecircme ordre theacutematique que la premiegravere partie Parfois introduits par une bregraveve explication les textes seacutelection-neacutes proviennent drsquoœuvres diverses de lrsquoAntiquiteacute Outre lrsquoabondance des eacutecrits drsquoOrigegravene sont preacute-senteacutes des extraits drsquoauteurs lrsquoayant influenceacute (Philon drsquoAlexandrie) et ayant eacuteteacute influenceacutes positi-vement ou non par sa penseacutee (Basile de Ceacutesareacutee Eusegravebe de Ceacutesareacutee Greacutegoire de Nazianze Jean Chrysostome et Jeacuterocircme) Cette anthologie ouvre sur une perspective inteacuteressante Cependant lrsquohar-monie entre les deux parties de lrsquoouvrage aurait gagneacute en valeur didactique par le renvoi de la premiegravere agrave la seconde assurant ainsi une meilleure compreacutehension des propos tenus Une introduc-tion justifiant la seacutelection et expliquant la meacutethode drsquoutilisation des textes anciens preacutesenteacutes fait eacutegalement deacutefaut ce qui nuit agrave une bonne exploitation de cette section Lrsquoapport de cette anthologie agrave la preacutesentation drsquoOrigegravene de son œuvre et de son influence au sein de la chreacutetienteacute est ainsi quelque peu discutable

Chacun des chapitres de la premiegravere partie se clocirct par une bregraveve conclusion reacutesumant lrsquoensem-ble des eacuteleacutements preacutesenteacutes Lrsquoouvrage comporte eacutegalement une bibliographie geacuteneacuterale et theacutema-tique suivant encore une fois le plan de reacutedaction dont les notices sont parfois commenteacutees briegrave-vement Deux listes par ordre alphabeacutetique et par chapitre permettent une consultation rapide des extraits citeacutes dans lrsquoanthologie Lrsquoabsence totale de notes critiques constitue lrsquoune des principales lacunes de cet ouvrage2 Celui-ci constitue toutefois une bonne introduction agrave Origegravene et aux cou-

2 Cela aurait permis drsquoamener certaines nuances historiques complegravetement eacutevacueacutees comme celles appor-teacutees par A Daguet-Gagey concernant la perseacutecution de Septime Seacutevegravere qui marqua lrsquoenfance drsquoOrigegravene Cf A DAGUET-GAGEY laquo Septime-Seacutevegravere un empereur perseacutecuteur des chreacutetiens raquo Revue des eacutetudes augustiniennes 47 (2001) p 1-32

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rants de penseacutees philosophiques et religieux de son eacutepoque qui eacutetoffe celle deacutejagrave reacutealiseacutee dans cette collection3

Steve Beacutelanger

4 Aloys GRILLMEIER Le Christ dans la tradition chreacutetienne 1 De lrsquoacircge apostolique au concile de Chalceacutedoine (451) Preacuteface et 2e eacutedition franccedilaise revue par Theresia HAINTHALER traduction par Sœur Pascale-Dominique Paris Les Eacuteditions du Cerf (col laquo Cogitatio Fidei raquo 230) 2003 1120 p

A Grillmeier ancien professeur de theacuteologie fondamentale et dogmatique est un nom bien connu de ceux qui srsquointeacuteressent au deacuteveloppement de la christologie des premiers siegravecles du chris-tianisme Lrsquoouvrage dont nous faisons la recension une somme de la doctrine christologique jus-qursquoau concile de Chalceacutedoine srsquoinscrit parmi les classiques qui nous aident agrave comprendre la foi heacuteriteacutee des Apocirctres et les deacutebats qui ont conduit agrave sa cristallisation Lrsquoeacutedition originale de cet ou-vrage a eacuteteacute publieacutee en anglais4 comme un deacuteveloppement drsquoun article intituleacute laquo Die theologische und sprachliche Vorbereitung der christologischen Formel von Chalkedon raquo La premiegravere traduction en franccedilais a paru en 1973 Cette nouvelle eacutedition a eacuteteacute preacutepareacutee par lrsquoA lui-mecircme avec la collabo-ration pour la traduction franccedilaise de Sr Pascale-Dominique qui a pris en charge sa reacutevision et sa publication apregraves le deacutecegraves de lrsquoauteur

Lrsquoouvrage compte trois parties La premiegravere est consacreacutee au deacuteveloppement christologique des origines jusqursquoagrave Origegravene Les Pegraveres apostoliques ont confesseacute leur foi au Christ vrai Dieu et vrai homme Cependant avant que les Eacutecritures chreacutetiennes ne jouissent drsquoun statut de canoniciteacute bien deacutefini les formules christologiques se sont multiplieacutees et se sont transmises par la voie orale laquo la foi vient de lrsquoeacutecoute raquo Les premiers eacutecrits patristiques la Didachegrave et le Pasteur drsquoHermas sont mar-queacutes par ces formules en circulation et nous permettent de deacutegager laquo une foi trinitaire ou du moins binaire (Pegravere-Fils) raquo (p 217) La lutte des apologistes a eacuteteacute de convaincre le monde paiumlen de la soliditeacute et de la veacuteraciteacute de leur foi au Christ lrsquoenvoyeacute de Dieu pour le salut de toute lrsquohumaniteacute Apregraves lrsquoeacutepoque des Pegraveres apostoliques et apologistes ce sont les Pegraveres alexandrins Cleacutement et Origegravene qui ont apporteacute une reacuteflexion solide centreacutee sur lrsquoIncarnation du Logos au deacuteveloppement christologique Cleacutement se situant plus dans la perspective de la lutte anti-gnostique voit laquo le rocircle du Logos comme la source et le maicirctre de la ldquognoserdquo raquo (p 363) qui nous permet de contempler Dieu Quant agrave Origegravene il concentre son attention sur la confession de sa foi en lrsquoincarnation en tenant compte de la reacutealiteacute de la diviniteacute et de lrsquohumaniteacute du Christ Chez lui laquo plus on fait ressortir les principes fondamentaux de sa theacuteologie plus lrsquoimage de sa christologie gagne en profondeur raquo (p 373) Cette recherche pour deacutefinir la foi chreacutetienne en Jeacutesus-Christ Fils de Dieu et Fils de lrsquohomme sera reprise et meneacutee agrave son apogeacutee par les Pegraveres du quatriegraveme siegravecle et les formulations christologiques des premiers conciles œcumeacuteniques

La seconde partie de lrsquoouvrage preacutesente le deacutebat christologique drsquoOrigegravene au concile drsquoEacutephegravese Le quatriegraveme siegravecle est traverseacute par la laquo crise arienne raquo drsquoougrave la neacutecessiteacute de reacuteunir un premier concile œcumeacutenique Contre la doctrine drsquoArius qui affirmait qursquolaquo il y eut un temps ougrave le Logos nrsquoexistait pas et [que] le Logos est une creacuteature du Pegravere raquo les Pegraveres niceacuteens signent la premiegravere profession de foi imposeacutee agrave toute lrsquoEacuteglise laquo Le Fils est eacuteternel et consubstantiel au Pegravere raquo Il a fallu

3 Cf Jean LAPORTE Les Pegraveres de lrsquoEacuteglise Tome II Les Pegraveres grecs Paris Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2001 p 37-74

4 A GRILLMEIER Christ in Christian Tradition from the Apostolic Age to Chalcedon (451) Londres AR Mowbray 1965

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tout le dynamisme drsquoAthanase drsquoAlexandrie en Orient et la deacutetermination drsquoHilaire de Poitiers en Occident pour arriver agrave une victoire deacutefinitive de lrsquoaffirmation de la vraie diviniteacute et de la reacuteelle humaniteacute du Logos La christologie se deacuteveloppe donc autour de lrsquoideacutee du Logos-Sarx alexandrin qui reacuteussit agrave maintenir un juste milieu pour la confession de la foi eccleacutesiale La deuxiegraveme section de ce mecircme chapitre eacutetudie en reacuteaction agrave la doctrine apollinariste une christologie Logos-Anthropos de type antiochien deacuteveloppeacutee par Damase Diodore de Tarse et Eacutephrem le Syrien Cette christologie avait lrsquoavantage drsquoincorporer laquo agrave la fois des eacuteleacutements de la christologie de lrsquoldquohomo assumptusrdquo et de lrsquoldquohomo factusrdquo raquo (p 682) Par de telles formules les antiochiens voulaient reacuteagir contre la doctrine drsquoApollinaire de lrsquounique nature dans le Christ LrsquoA nous introduit progressive-ment au deacutebat sur les deux natures du Christ dont Nestorius et Cyrille drsquoAlexandrie sont resteacutes les illustres repreacutesentants

Enfin la troisiegraveme partie consacre sa premiegravere section au laquo scandalum oecumenicum raquo deacuteclen-cheacute par la christologie de Nestorius Le but de celui-ci est drsquoeacutecarter les deux extrecircmes dans les titres donneacutes agrave Marie laquo theacuteotokos raquo et laquo anthropotokos raquo Drsquoune part le titre laquo theacuteotokos raquo promu par Cyrille et ses partisans les identifiait agrave Apollinaire drsquoautre part les partisans du titre laquo anthropo-tokos raquo se rangeaient du cocircteacute drsquoArius Par conseacutequent le titre qui convient le mieux agrave Marie et que promeut Nestorius est celui de laquo christotokos raquo Le concile drsquoEacutephegravese en 431 reacuteagit contre cette position affirmant la diviniteacute du Christ fait homme par conseacutequent la materniteacute divine de Marie Elle est laquo theacuteotokos raquo laquo Un seul et mecircme est le Fils eacuteternel du Pegravere qui dans le temps est neacute selon la chair de la Vierge Marie celle que nous pouvons de ce fait appeler Megravere de Dieu raquo (p 922) La deuxiegraveme section de la troisiegraveme partie centre les recherches sur la peacuteriode qui va du concile drsquoEacutephegravese et agrave celui de Chalceacutedoine La reacuteaction antiochienne ne tarde pas Il a fallu lrsquoesprit conci-liateur de Theacuteodoret de Cyr pour maintenir lrsquoeacutequilibre entre les positions nestorienne et cyrillienne Son but est de mettre en relief la liberteacute de lrsquoIncarnation en confessant laquo invariablement une uniteacute substantielle reacuteelle dans le Christ raquo (p 932) La base de la reacuteconciliation entre les deux partis est la formule de foi signeacutee agrave Antioche en 432 Dans ce laquo Symbolum antiochenum raquo la confession de Jeacutesus-Christ vrai Fils de Dieu et vrai Fils de lrsquohomme parfaitement Dieu et parfaitement homme et ayant une acircme raisonnable et un corps est clairement affirmeacutee Lrsquoapollinarisme et lrsquoarianisme sont exclus et la foi de Niceacutee reacuteaffirmeacutee La troisiegraveme section continue de nous familiariser avec les deacutebats christologiques autour de la double nature du Christ Le concile de Chalceacutedoine se donne pour objectif de compleacuteter Eacutephegravese en forgeant une formule dogmatique permettant drsquoeacuteclairer laquo lrsquouniteacute et la diffeacuterence dans le Christ raquo (p 1003) LrsquoA propose une analyse de la deacutefinition chal-ceacutedonienne en relevant agrave la fois la continuiteacute et la progression dans la cristallisation du dogme christologique depuis Niceacutee

Par rapport agrave la premiegravere eacutedition franccedilaise cette seconde eacutedition a lrsquoavantage de nous donner une bibliographie plus deacutetailleacutee et mise agrave jour On a eacutegalement regroupeacute certains chapitres et on en a ajouteacute drsquoautres Enfin les notes de bas de page sont plus abondantes Lrsquoouvrage comprend agrave la fin quelques index (des auteurs anciens des mots grecs et latins) indispensables pour tirer profit de lrsquoouvrage

Lucian Dicircncatilde

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5 Herveacute INGLEBERT Interpretatio Christiana Les mutations des savoirs (cosmographie geacuteo-graphie ethnographie histoire) dans lrsquoAntiquiteacute chreacutetienne (30-630 apregraves J-C) Paris Institut drsquoEacutetudes Augustiniennes (coll laquo Eacutetudes Augustiniennes raquo seacuterie laquo Antiquiteacute raquo 166) 2001 632 p

Par laquo mutation des savoirs raquo il faut entendre laquo adaptation des savoirs agrave la christianisation du monde antique raquo et par laquo savoirs raquo il faut comprendre laquo connaissances sur le monde raquo LrsquoA pro-pose en effet dans cet ouvrage une histoire culturelle une histoire des ideacutees et de la faccedilon dont ces ideacutees ont eacuteteacute comprises essentiellement du point de vue de la repreacutesentation du monde et de son histoire Agrave lrsquoeacutepoque chreacutetienne il y a un hiatus entre savoir et repreacutesentation tels qursquoils eacutetaient entendus dans lrsquoeacuteducation classique En effet la culture profane a valoriseacute le savoir pour lui-mecircme alors que lrsquoappreacutehension du savoir biblique ne srsquoest pas faite en fonction de la connaissance mais en fonction de la signification de lrsquoexistence humaine (p 30) LrsquoA expose comment une lecture historique de la Bible a modifieacute ou srsquoest opposeacutee aux repreacutesentations que les chreacutetiens ont heacuteriteacutees de leur formation dans la paiumldeacuteia Les quatre tendances face agrave lrsquoheacuteritage classique (refus creacuteation drsquoune nouvelle conception reprise indiffeacuterente et conversion par lrsquoameacutenagement ou la synthegravese des savoirs) peuvent ecirctre observeacutees dans chacune des disciplines eacutetudieacutees

Le livre est diviseacute en deux grandes eacutetapes historiques Tout drsquoabord la christianisation des sa-voirs antiques et les rapports entre savoir et foi sont analyseacutes dans la cosmographie la geacuteographie et lrsquoethnographie Ensuite on traite de la perception chreacutetienne de lrsquohistoire et du problegraveme de lrsquoadop-tion des savoirs historiques antiques dans lrsquohistoriographie chreacutetienne de la naissance des histoires des heacutereacutesies et du deacuteveloppement des histoires universelles Lrsquohistoire occupe agrave elle seule la moitieacute du volume en raison de son importance dans la culture chreacutetienne En effet lrsquohistoire fonde la veacuteriteacute de la foi et agrave ce titre elle est pour les chreacutetiens un savoir privileacutegieacute ce qui a pour conseacutequence de modifier son rocircle dans lrsquoeacutequilibre des savoirs antiques

Agrave titre drsquoexemple de lrsquoanalyse pratiqueacutee lrsquoA montre lrsquooriginaliteacute drsquoun document tel que le Diamerismos attribueacute agrave Hippolyte de Rome Cet exposeacute amalgame sans les harmoniser des don-neacutees sur la reacutepartition des peuples provenant de la tradition biblique juive (tripartition des peuples en fonction des descendants des fils de Noeacute cf Gn 10) et des traditions grecques ethnographique (classement par peuples) et chorographique (classement par reacutegions) compleacuteteacutees de quelques indi-cations drsquoeacutepoque romaine Ces juxtapositions neacutecessitent une correspondance entre les noms heacutebreux des peuples bibliques et les noms grecs des peuples connus et entraicircnent eacutevidemment quel-ques redites dans lrsquoeacutenumeacuteration des peuples et des incoheacuterences dans leur distribution geacuteogra-phique Ces difficulteacutes ne reccedilurent une tentative drsquoexplication qursquoavec Eacutepiphane de Salamine qui les expliqua par lrsquohistoire des occupations territoriales successives crsquoest-agrave-dire la colonisation et les ambitions territoriales de Cham et ses descendants (p 171) Dans le texte drsquoHippolyte les sections sur lrsquoAfrique et lrsquoEurope (du moins en partie) eacutenumegraverent les peuples en laquo ordre geacuteographique raquo crsquoest-agrave-dire selon une progression peacuterieacutegeacutetique reprenant ainsi un scheacutema classique Cette repreacutesen-tation cartographique des peuples restera partielle chez les auteurs chreacutetiens qui tenteront toujours de faire coiumlncider listes de la Bible et savoir paiumlen jusqursquoagrave Isidore de Seacuteville

Ces diverses superpositions de donneacutees trouvent leur meilleure illustration avec lrsquohistoriogra-phie LrsquoA montre comment le deacuteveloppement de cette discipline par les chreacutetiens est passeacute par trois eacutetapes soit le synchronisme des donneacutees bibliques et des donneacutees de la paiumldeacuteia la synthegravese puis le syncreacutetisme de ces donneacutees (p 553) Ces mouvements se sont produits agrave des eacutepoques diffeacuterentes dans chaque partie de lrsquoempire au rythme de lrsquoabsorption des modegraveles grecs de la reacutedaction historique

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Sur le plan des mentaliteacutes lrsquoA montre que le deacutedain dont ont souvent fait preuve les chreacutetiens envers le savoir arguant que la connaissance ne servait en rien au salut puisque seule la foi pouvait sauver est en fait heacuteriteacute drsquoune tradition philosophique inculqueacutee par la paiumldeacuteia Ce meacutepris cessera complegravetement lorsque le paganisme ne servira plus de reacutefeacuterence culturelle mais ce sera agrave ce moment la fin de lrsquoAntiquiteacute et le veacuteritable deacutebut du Moyen Acircge (p 570)

On ne reacutepeacutetera pas assez lrsquoimportance de la poleacutemique contre les paiumlens dans la structuration du savoir chreacutetien aux quatriegraveme et cinquiegraveme siegravecles Drsquoune part les chreacutetiens devaient faire con-corder les savoirs de la paiumldeacuteia avec les donneacutees qursquoils trouvaient dans la Bible ou reacutefuter les premiers au profit des secondes Drsquoautre part la culture chreacutetienne srsquoest deacuteveloppeacutee dans un climat de deacutebats dialectiques essentiellement faccedilonneacutes par le modegravele de la paiumldeacuteia grecque Ce modegravele culturel nrsquoa donc pas eacuteteacute effaceacute par la subordination de la raison agrave la foi comme moyen de compreacutehension du monde seul lrsquoangle drsquoapproche de la culture fut modifieacute Dans la deacutefinition des savoirs un problegraveme eacutepisteacutemologique nrsquoest culturellement chreacutetien que srsquoil entraicircne un deacutebat religieux

Nous avons ici une eacutetude complegravete qui ne sera pas agrave refaire Lrsquoexhaustiviteacute de la reacutedaction en-traicircne cependant quelques redites qui ne sont pas alleacutegeacutees par les tableaux reacutecapitulatifs La langue utiliseacutee est technique mais sobre avec agrave lrsquooccasion quelques neacuteologismes qui laissent perplexe (p ex p 184 n 132 ougrave lrsquoon affirme qursquoune association drsquoAmbroise de Milan fut laquo reuseacutee par Jeacuterocircme raquo) Lrsquoensemble est drsquoune tregraves grande qualiteacute

Marie-Pierre Bussiegraveres

6 Christophe BOUREUX Commencer dans la vie religieuse avec saint Antoine suivi de la laquo Vie drsquoAntoine raquo par Athanase drsquoAlexandrie Paris Les Eacuteditions du Cerf 2003 272 p

Degraves les premiegraveres lignes lrsquoA donne au lecteur le ton de lrsquoouvrage laquo La vie religieuse ccedila nrsquoar-recircte pas de commencer Et dans ce commencement qui nrsquoest qursquoun recommencement la vie reli-gieuse trouve sa raison drsquoecirctre et sa fin sa relation au passeacute et agrave lrsquoavenir sa place dans lrsquoEacuteglise et la socieacuteteacute raquo (p 9) Dans une socieacuteteacute occidentale ougrave nous assistons agrave une diminution deacutemographique du nombre des congreacutegations religieuses Christophe Boureux religieux dominicain fait appel agrave saint Antoine le laquo Pegravere du monachisme raquo pour nous preacutesenter un style de vie religieuse trouvant sa force et sa raison drsquoecirctre dans un continuel commencement Il nous invite donc agrave une redeacutecouverte en profondeur du laquo don raquo de la vie religieuse5 que Dieu fait agrave lrsquoEacuteglise La premiegravere difficulteacute agrave sou-lever est de savoir si Jeacutesus a inaugureacute un tel eacutetat de vie La question aide lrsquoA agrave faire la distinction entre lrsquoaspect theacuteologal et lrsquoaspect historique de la vie religieuse laquo [hellip] il serait inexact de suggeacuterer que ce fut Jeacutesus historique qui aurait inaugureacute la vie religieuse Comme toute la vie chreacutetienne la vie religieuse trouve son modegravele sa figure dans la description des faits et gestes paroles et actes de Jeacutesus rapporteacutes dans les Eacutevangiles raquo (p 18) Lrsquoexhortation apostolique Vita Consecrata6 mettant un terme aux heacutesitations eccleacutesiales seacuteculaires sur la validiteacute de la vie religieuse vient apporter un atout agrave lrsquointeacuterecirct et agrave la pertinence de cette eacutetude

5 LrsquoA choisit drsquoutiliser lrsquoexpression laquo vie religieuse raquo plutocirct que laquo vie consacreacutee raquo en srsquoappuyant sur trois arguments anthropologique de theacuteologie sacramentaire et eccleacutesiale (cf p 20-26)

6 JEAN-PAUL II Vita Consecrata Exhortation apostolique post-synodale sur la vie consacreacutee et sa mission dans lrsquoEacuteglise et dans le monde Montreacuteal Meacutediaspaul 1996 211 p

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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La reacuteflexion drsquoOrigegravene influenceacutee par le milieu intellectuel alexandrin ougrave il grandit et eacutetudia par les peacuteriodes de perseacutecution (Septime Seacutevegravere en 202-203 et Degravece en 250) par son implication dans lrsquoEacuteglise drsquoAlexandrie puis de Ceacutesareacutee en Palestine visait lrsquoeacutelaboration drsquoun systegraveme coheacuterent des conceptions chreacutetiennes et lrsquoouverture drsquoun dialogue notamment avec le milieu rabbinique Auteur prolifique meneacute par une volonteacute profonde de compreacutehension de lrsquoEacutecriture et de ses trois niveaux de lecture (litteacuteral alleacutegorique et spirituel) Origegravene œuvra dans les domaines scripturaux theacuteolo-giques poleacutemiques apologeacutetiques et asceacutetiques Son œuvre qui influenccedila consideacuterablement la penseacutee chreacutetienne des siegravecles subseacutequents conduisit agrave deux crises origeacutenistes (aux quatriegraveme et sixiegraveme siegravecles) Ces crises se soldegraverent par la condamnation drsquoOrigegravene comme heacutereacutetique au concile de Constantinople en 553 parfois comme le souligne lrsquoA pour des theacuteories qui nrsquoeacutetaient pas complegravetement les siennes

Pour surmonter cette stricte conception heacutereacutetique drsquoOrigegravene lrsquoA invite le lecteur agrave aborder lrsquoAlexandrin dans son contexte historique La premiegravere partie de lrsquoouvrage preacutesente drsquoabord ses principaux eacuteleacutements biographiques puis entre au cœur de sa penseacutee par lrsquoeacutetude de textes Cette penseacutee est exposeacutee agrave travers quatre theacutematiques interdeacutependantes son œuvre son exeacutegegravese sa theacuteologie et sa croyance LrsquoA preacutecise avec raison que les conceptions religieuses drsquoOrigegravene ne peuvent se comprendre que dans le contexte immeacutediat dans lequel elles eacutemergegraverent et que les con-damnations ulteacuterieures illustrent lrsquoavancement des reacuteflexions chreacutetiennes sur des theacutematiques dont Origegravene fut un preacutecurseur Il souligne qursquoil est drsquoautant plus difficile drsquoacceacuteder agrave la penseacutee complegravete de lrsquoAlexandrin que certains de ses ouvrages ne nous sont parvenus que par des traductions dont la fiabiliteacute est remise en question

Pour mieux illustrer son propos lrsquoA a constitueacute une anthologie preacutesenteacutee dans le mecircme ordre theacutematique que la premiegravere partie Parfois introduits par une bregraveve explication les textes seacutelection-neacutes proviennent drsquoœuvres diverses de lrsquoAntiquiteacute Outre lrsquoabondance des eacutecrits drsquoOrigegravene sont preacute-senteacutes des extraits drsquoauteurs lrsquoayant influenceacute (Philon drsquoAlexandrie) et ayant eacuteteacute influenceacutes positi-vement ou non par sa penseacutee (Basile de Ceacutesareacutee Eusegravebe de Ceacutesareacutee Greacutegoire de Nazianze Jean Chrysostome et Jeacuterocircme) Cette anthologie ouvre sur une perspective inteacuteressante Cependant lrsquohar-monie entre les deux parties de lrsquoouvrage aurait gagneacute en valeur didactique par le renvoi de la premiegravere agrave la seconde assurant ainsi une meilleure compreacutehension des propos tenus Une introduc-tion justifiant la seacutelection et expliquant la meacutethode drsquoutilisation des textes anciens preacutesenteacutes fait eacutegalement deacutefaut ce qui nuit agrave une bonne exploitation de cette section Lrsquoapport de cette anthologie agrave la preacutesentation drsquoOrigegravene de son œuvre et de son influence au sein de la chreacutetienteacute est ainsi quelque peu discutable

Chacun des chapitres de la premiegravere partie se clocirct par une bregraveve conclusion reacutesumant lrsquoensem-ble des eacuteleacutements preacutesenteacutes Lrsquoouvrage comporte eacutegalement une bibliographie geacuteneacuterale et theacutema-tique suivant encore une fois le plan de reacutedaction dont les notices sont parfois commenteacutees briegrave-vement Deux listes par ordre alphabeacutetique et par chapitre permettent une consultation rapide des extraits citeacutes dans lrsquoanthologie Lrsquoabsence totale de notes critiques constitue lrsquoune des principales lacunes de cet ouvrage2 Celui-ci constitue toutefois une bonne introduction agrave Origegravene et aux cou-

2 Cela aurait permis drsquoamener certaines nuances historiques complegravetement eacutevacueacutees comme celles appor-teacutees par A Daguet-Gagey concernant la perseacutecution de Septime Seacutevegravere qui marqua lrsquoenfance drsquoOrigegravene Cf A DAGUET-GAGEY laquo Septime-Seacutevegravere un empereur perseacutecuteur des chreacutetiens raquo Revue des eacutetudes augustiniennes 47 (2001) p 1-32

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rants de penseacutees philosophiques et religieux de son eacutepoque qui eacutetoffe celle deacutejagrave reacutealiseacutee dans cette collection3

Steve Beacutelanger

4 Aloys GRILLMEIER Le Christ dans la tradition chreacutetienne 1 De lrsquoacircge apostolique au concile de Chalceacutedoine (451) Preacuteface et 2e eacutedition franccedilaise revue par Theresia HAINTHALER traduction par Sœur Pascale-Dominique Paris Les Eacuteditions du Cerf (col laquo Cogitatio Fidei raquo 230) 2003 1120 p

A Grillmeier ancien professeur de theacuteologie fondamentale et dogmatique est un nom bien connu de ceux qui srsquointeacuteressent au deacuteveloppement de la christologie des premiers siegravecles du chris-tianisme Lrsquoouvrage dont nous faisons la recension une somme de la doctrine christologique jus-qursquoau concile de Chalceacutedoine srsquoinscrit parmi les classiques qui nous aident agrave comprendre la foi heacuteriteacutee des Apocirctres et les deacutebats qui ont conduit agrave sa cristallisation Lrsquoeacutedition originale de cet ou-vrage a eacuteteacute publieacutee en anglais4 comme un deacuteveloppement drsquoun article intituleacute laquo Die theologische und sprachliche Vorbereitung der christologischen Formel von Chalkedon raquo La premiegravere traduction en franccedilais a paru en 1973 Cette nouvelle eacutedition a eacuteteacute preacutepareacutee par lrsquoA lui-mecircme avec la collabo-ration pour la traduction franccedilaise de Sr Pascale-Dominique qui a pris en charge sa reacutevision et sa publication apregraves le deacutecegraves de lrsquoauteur

Lrsquoouvrage compte trois parties La premiegravere est consacreacutee au deacuteveloppement christologique des origines jusqursquoagrave Origegravene Les Pegraveres apostoliques ont confesseacute leur foi au Christ vrai Dieu et vrai homme Cependant avant que les Eacutecritures chreacutetiennes ne jouissent drsquoun statut de canoniciteacute bien deacutefini les formules christologiques se sont multiplieacutees et se sont transmises par la voie orale laquo la foi vient de lrsquoeacutecoute raquo Les premiers eacutecrits patristiques la Didachegrave et le Pasteur drsquoHermas sont mar-queacutes par ces formules en circulation et nous permettent de deacutegager laquo une foi trinitaire ou du moins binaire (Pegravere-Fils) raquo (p 217) La lutte des apologistes a eacuteteacute de convaincre le monde paiumlen de la soliditeacute et de la veacuteraciteacute de leur foi au Christ lrsquoenvoyeacute de Dieu pour le salut de toute lrsquohumaniteacute Apregraves lrsquoeacutepoque des Pegraveres apostoliques et apologistes ce sont les Pegraveres alexandrins Cleacutement et Origegravene qui ont apporteacute une reacuteflexion solide centreacutee sur lrsquoIncarnation du Logos au deacuteveloppement christologique Cleacutement se situant plus dans la perspective de la lutte anti-gnostique voit laquo le rocircle du Logos comme la source et le maicirctre de la ldquognoserdquo raquo (p 363) qui nous permet de contempler Dieu Quant agrave Origegravene il concentre son attention sur la confession de sa foi en lrsquoincarnation en tenant compte de la reacutealiteacute de la diviniteacute et de lrsquohumaniteacute du Christ Chez lui laquo plus on fait ressortir les principes fondamentaux de sa theacuteologie plus lrsquoimage de sa christologie gagne en profondeur raquo (p 373) Cette recherche pour deacutefinir la foi chreacutetienne en Jeacutesus-Christ Fils de Dieu et Fils de lrsquohomme sera reprise et meneacutee agrave son apogeacutee par les Pegraveres du quatriegraveme siegravecle et les formulations christologiques des premiers conciles œcumeacuteniques

La seconde partie de lrsquoouvrage preacutesente le deacutebat christologique drsquoOrigegravene au concile drsquoEacutephegravese Le quatriegraveme siegravecle est traverseacute par la laquo crise arienne raquo drsquoougrave la neacutecessiteacute de reacuteunir un premier concile œcumeacutenique Contre la doctrine drsquoArius qui affirmait qursquolaquo il y eut un temps ougrave le Logos nrsquoexistait pas et [que] le Logos est une creacuteature du Pegravere raquo les Pegraveres niceacuteens signent la premiegravere profession de foi imposeacutee agrave toute lrsquoEacuteglise laquo Le Fils est eacuteternel et consubstantiel au Pegravere raquo Il a fallu

3 Cf Jean LAPORTE Les Pegraveres de lrsquoEacuteglise Tome II Les Pegraveres grecs Paris Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2001 p 37-74

4 A GRILLMEIER Christ in Christian Tradition from the Apostolic Age to Chalcedon (451) Londres AR Mowbray 1965

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tout le dynamisme drsquoAthanase drsquoAlexandrie en Orient et la deacutetermination drsquoHilaire de Poitiers en Occident pour arriver agrave une victoire deacutefinitive de lrsquoaffirmation de la vraie diviniteacute et de la reacuteelle humaniteacute du Logos La christologie se deacuteveloppe donc autour de lrsquoideacutee du Logos-Sarx alexandrin qui reacuteussit agrave maintenir un juste milieu pour la confession de la foi eccleacutesiale La deuxiegraveme section de ce mecircme chapitre eacutetudie en reacuteaction agrave la doctrine apollinariste une christologie Logos-Anthropos de type antiochien deacuteveloppeacutee par Damase Diodore de Tarse et Eacutephrem le Syrien Cette christologie avait lrsquoavantage drsquoincorporer laquo agrave la fois des eacuteleacutements de la christologie de lrsquoldquohomo assumptusrdquo et de lrsquoldquohomo factusrdquo raquo (p 682) Par de telles formules les antiochiens voulaient reacuteagir contre la doctrine drsquoApollinaire de lrsquounique nature dans le Christ LrsquoA nous introduit progressive-ment au deacutebat sur les deux natures du Christ dont Nestorius et Cyrille drsquoAlexandrie sont resteacutes les illustres repreacutesentants

Enfin la troisiegraveme partie consacre sa premiegravere section au laquo scandalum oecumenicum raquo deacuteclen-cheacute par la christologie de Nestorius Le but de celui-ci est drsquoeacutecarter les deux extrecircmes dans les titres donneacutes agrave Marie laquo theacuteotokos raquo et laquo anthropotokos raquo Drsquoune part le titre laquo theacuteotokos raquo promu par Cyrille et ses partisans les identifiait agrave Apollinaire drsquoautre part les partisans du titre laquo anthropo-tokos raquo se rangeaient du cocircteacute drsquoArius Par conseacutequent le titre qui convient le mieux agrave Marie et que promeut Nestorius est celui de laquo christotokos raquo Le concile drsquoEacutephegravese en 431 reacuteagit contre cette position affirmant la diviniteacute du Christ fait homme par conseacutequent la materniteacute divine de Marie Elle est laquo theacuteotokos raquo laquo Un seul et mecircme est le Fils eacuteternel du Pegravere qui dans le temps est neacute selon la chair de la Vierge Marie celle que nous pouvons de ce fait appeler Megravere de Dieu raquo (p 922) La deuxiegraveme section de la troisiegraveme partie centre les recherches sur la peacuteriode qui va du concile drsquoEacutephegravese et agrave celui de Chalceacutedoine La reacuteaction antiochienne ne tarde pas Il a fallu lrsquoesprit conci-liateur de Theacuteodoret de Cyr pour maintenir lrsquoeacutequilibre entre les positions nestorienne et cyrillienne Son but est de mettre en relief la liberteacute de lrsquoIncarnation en confessant laquo invariablement une uniteacute substantielle reacuteelle dans le Christ raquo (p 932) La base de la reacuteconciliation entre les deux partis est la formule de foi signeacutee agrave Antioche en 432 Dans ce laquo Symbolum antiochenum raquo la confession de Jeacutesus-Christ vrai Fils de Dieu et vrai Fils de lrsquohomme parfaitement Dieu et parfaitement homme et ayant une acircme raisonnable et un corps est clairement affirmeacutee Lrsquoapollinarisme et lrsquoarianisme sont exclus et la foi de Niceacutee reacuteaffirmeacutee La troisiegraveme section continue de nous familiariser avec les deacutebats christologiques autour de la double nature du Christ Le concile de Chalceacutedoine se donne pour objectif de compleacuteter Eacutephegravese en forgeant une formule dogmatique permettant drsquoeacuteclairer laquo lrsquouniteacute et la diffeacuterence dans le Christ raquo (p 1003) LrsquoA propose une analyse de la deacutefinition chal-ceacutedonienne en relevant agrave la fois la continuiteacute et la progression dans la cristallisation du dogme christologique depuis Niceacutee

Par rapport agrave la premiegravere eacutedition franccedilaise cette seconde eacutedition a lrsquoavantage de nous donner une bibliographie plus deacutetailleacutee et mise agrave jour On a eacutegalement regroupeacute certains chapitres et on en a ajouteacute drsquoautres Enfin les notes de bas de page sont plus abondantes Lrsquoouvrage comprend agrave la fin quelques index (des auteurs anciens des mots grecs et latins) indispensables pour tirer profit de lrsquoouvrage

Lucian Dicircncatilde

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5 Herveacute INGLEBERT Interpretatio Christiana Les mutations des savoirs (cosmographie geacuteo-graphie ethnographie histoire) dans lrsquoAntiquiteacute chreacutetienne (30-630 apregraves J-C) Paris Institut drsquoEacutetudes Augustiniennes (coll laquo Eacutetudes Augustiniennes raquo seacuterie laquo Antiquiteacute raquo 166) 2001 632 p

Par laquo mutation des savoirs raquo il faut entendre laquo adaptation des savoirs agrave la christianisation du monde antique raquo et par laquo savoirs raquo il faut comprendre laquo connaissances sur le monde raquo LrsquoA pro-pose en effet dans cet ouvrage une histoire culturelle une histoire des ideacutees et de la faccedilon dont ces ideacutees ont eacuteteacute comprises essentiellement du point de vue de la repreacutesentation du monde et de son histoire Agrave lrsquoeacutepoque chreacutetienne il y a un hiatus entre savoir et repreacutesentation tels qursquoils eacutetaient entendus dans lrsquoeacuteducation classique En effet la culture profane a valoriseacute le savoir pour lui-mecircme alors que lrsquoappreacutehension du savoir biblique ne srsquoest pas faite en fonction de la connaissance mais en fonction de la signification de lrsquoexistence humaine (p 30) LrsquoA expose comment une lecture historique de la Bible a modifieacute ou srsquoest opposeacutee aux repreacutesentations que les chreacutetiens ont heacuteriteacutees de leur formation dans la paiumldeacuteia Les quatre tendances face agrave lrsquoheacuteritage classique (refus creacuteation drsquoune nouvelle conception reprise indiffeacuterente et conversion par lrsquoameacutenagement ou la synthegravese des savoirs) peuvent ecirctre observeacutees dans chacune des disciplines eacutetudieacutees

Le livre est diviseacute en deux grandes eacutetapes historiques Tout drsquoabord la christianisation des sa-voirs antiques et les rapports entre savoir et foi sont analyseacutes dans la cosmographie la geacuteographie et lrsquoethnographie Ensuite on traite de la perception chreacutetienne de lrsquohistoire et du problegraveme de lrsquoadop-tion des savoirs historiques antiques dans lrsquohistoriographie chreacutetienne de la naissance des histoires des heacutereacutesies et du deacuteveloppement des histoires universelles Lrsquohistoire occupe agrave elle seule la moitieacute du volume en raison de son importance dans la culture chreacutetienne En effet lrsquohistoire fonde la veacuteriteacute de la foi et agrave ce titre elle est pour les chreacutetiens un savoir privileacutegieacute ce qui a pour conseacutequence de modifier son rocircle dans lrsquoeacutequilibre des savoirs antiques

Agrave titre drsquoexemple de lrsquoanalyse pratiqueacutee lrsquoA montre lrsquooriginaliteacute drsquoun document tel que le Diamerismos attribueacute agrave Hippolyte de Rome Cet exposeacute amalgame sans les harmoniser des don-neacutees sur la reacutepartition des peuples provenant de la tradition biblique juive (tripartition des peuples en fonction des descendants des fils de Noeacute cf Gn 10) et des traditions grecques ethnographique (classement par peuples) et chorographique (classement par reacutegions) compleacuteteacutees de quelques indi-cations drsquoeacutepoque romaine Ces juxtapositions neacutecessitent une correspondance entre les noms heacutebreux des peuples bibliques et les noms grecs des peuples connus et entraicircnent eacutevidemment quel-ques redites dans lrsquoeacutenumeacuteration des peuples et des incoheacuterences dans leur distribution geacuteogra-phique Ces difficulteacutes ne reccedilurent une tentative drsquoexplication qursquoavec Eacutepiphane de Salamine qui les expliqua par lrsquohistoire des occupations territoriales successives crsquoest-agrave-dire la colonisation et les ambitions territoriales de Cham et ses descendants (p 171) Dans le texte drsquoHippolyte les sections sur lrsquoAfrique et lrsquoEurope (du moins en partie) eacutenumegraverent les peuples en laquo ordre geacuteographique raquo crsquoest-agrave-dire selon une progression peacuterieacutegeacutetique reprenant ainsi un scheacutema classique Cette repreacutesen-tation cartographique des peuples restera partielle chez les auteurs chreacutetiens qui tenteront toujours de faire coiumlncider listes de la Bible et savoir paiumlen jusqursquoagrave Isidore de Seacuteville

Ces diverses superpositions de donneacutees trouvent leur meilleure illustration avec lrsquohistoriogra-phie LrsquoA montre comment le deacuteveloppement de cette discipline par les chreacutetiens est passeacute par trois eacutetapes soit le synchronisme des donneacutees bibliques et des donneacutees de la paiumldeacuteia la synthegravese puis le syncreacutetisme de ces donneacutees (p 553) Ces mouvements se sont produits agrave des eacutepoques diffeacuterentes dans chaque partie de lrsquoempire au rythme de lrsquoabsorption des modegraveles grecs de la reacutedaction historique

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Sur le plan des mentaliteacutes lrsquoA montre que le deacutedain dont ont souvent fait preuve les chreacutetiens envers le savoir arguant que la connaissance ne servait en rien au salut puisque seule la foi pouvait sauver est en fait heacuteriteacute drsquoune tradition philosophique inculqueacutee par la paiumldeacuteia Ce meacutepris cessera complegravetement lorsque le paganisme ne servira plus de reacutefeacuterence culturelle mais ce sera agrave ce moment la fin de lrsquoAntiquiteacute et le veacuteritable deacutebut du Moyen Acircge (p 570)

On ne reacutepeacutetera pas assez lrsquoimportance de la poleacutemique contre les paiumlens dans la structuration du savoir chreacutetien aux quatriegraveme et cinquiegraveme siegravecles Drsquoune part les chreacutetiens devaient faire con-corder les savoirs de la paiumldeacuteia avec les donneacutees qursquoils trouvaient dans la Bible ou reacutefuter les premiers au profit des secondes Drsquoautre part la culture chreacutetienne srsquoest deacuteveloppeacutee dans un climat de deacutebats dialectiques essentiellement faccedilonneacutes par le modegravele de la paiumldeacuteia grecque Ce modegravele culturel nrsquoa donc pas eacuteteacute effaceacute par la subordination de la raison agrave la foi comme moyen de compreacutehension du monde seul lrsquoangle drsquoapproche de la culture fut modifieacute Dans la deacutefinition des savoirs un problegraveme eacutepisteacutemologique nrsquoest culturellement chreacutetien que srsquoil entraicircne un deacutebat religieux

Nous avons ici une eacutetude complegravete qui ne sera pas agrave refaire Lrsquoexhaustiviteacute de la reacutedaction en-traicircne cependant quelques redites qui ne sont pas alleacutegeacutees par les tableaux reacutecapitulatifs La langue utiliseacutee est technique mais sobre avec agrave lrsquooccasion quelques neacuteologismes qui laissent perplexe (p ex p 184 n 132 ougrave lrsquoon affirme qursquoune association drsquoAmbroise de Milan fut laquo reuseacutee par Jeacuterocircme raquo) Lrsquoensemble est drsquoune tregraves grande qualiteacute

Marie-Pierre Bussiegraveres

6 Christophe BOUREUX Commencer dans la vie religieuse avec saint Antoine suivi de la laquo Vie drsquoAntoine raquo par Athanase drsquoAlexandrie Paris Les Eacuteditions du Cerf 2003 272 p

Degraves les premiegraveres lignes lrsquoA donne au lecteur le ton de lrsquoouvrage laquo La vie religieuse ccedila nrsquoar-recircte pas de commencer Et dans ce commencement qui nrsquoest qursquoun recommencement la vie reli-gieuse trouve sa raison drsquoecirctre et sa fin sa relation au passeacute et agrave lrsquoavenir sa place dans lrsquoEacuteglise et la socieacuteteacute raquo (p 9) Dans une socieacuteteacute occidentale ougrave nous assistons agrave une diminution deacutemographique du nombre des congreacutegations religieuses Christophe Boureux religieux dominicain fait appel agrave saint Antoine le laquo Pegravere du monachisme raquo pour nous preacutesenter un style de vie religieuse trouvant sa force et sa raison drsquoecirctre dans un continuel commencement Il nous invite donc agrave une redeacutecouverte en profondeur du laquo don raquo de la vie religieuse5 que Dieu fait agrave lrsquoEacuteglise La premiegravere difficulteacute agrave sou-lever est de savoir si Jeacutesus a inaugureacute un tel eacutetat de vie La question aide lrsquoA agrave faire la distinction entre lrsquoaspect theacuteologal et lrsquoaspect historique de la vie religieuse laquo [hellip] il serait inexact de suggeacuterer que ce fut Jeacutesus historique qui aurait inaugureacute la vie religieuse Comme toute la vie chreacutetienne la vie religieuse trouve son modegravele sa figure dans la description des faits et gestes paroles et actes de Jeacutesus rapporteacutes dans les Eacutevangiles raquo (p 18) Lrsquoexhortation apostolique Vita Consecrata6 mettant un terme aux heacutesitations eccleacutesiales seacuteculaires sur la validiteacute de la vie religieuse vient apporter un atout agrave lrsquointeacuterecirct et agrave la pertinence de cette eacutetude

5 LrsquoA choisit drsquoutiliser lrsquoexpression laquo vie religieuse raquo plutocirct que laquo vie consacreacutee raquo en srsquoappuyant sur trois arguments anthropologique de theacuteologie sacramentaire et eccleacutesiale (cf p 20-26)

6 JEAN-PAUL II Vita Consecrata Exhortation apostolique post-synodale sur la vie consacreacutee et sa mission dans lrsquoEacuteglise et dans le monde Montreacuteal Meacutediaspaul 1996 211 p

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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rants de penseacutees philosophiques et religieux de son eacutepoque qui eacutetoffe celle deacutejagrave reacutealiseacutee dans cette collection3

Steve Beacutelanger

4 Aloys GRILLMEIER Le Christ dans la tradition chreacutetienne 1 De lrsquoacircge apostolique au concile de Chalceacutedoine (451) Preacuteface et 2e eacutedition franccedilaise revue par Theresia HAINTHALER traduction par Sœur Pascale-Dominique Paris Les Eacuteditions du Cerf (col laquo Cogitatio Fidei raquo 230) 2003 1120 p

A Grillmeier ancien professeur de theacuteologie fondamentale et dogmatique est un nom bien connu de ceux qui srsquointeacuteressent au deacuteveloppement de la christologie des premiers siegravecles du chris-tianisme Lrsquoouvrage dont nous faisons la recension une somme de la doctrine christologique jus-qursquoau concile de Chalceacutedoine srsquoinscrit parmi les classiques qui nous aident agrave comprendre la foi heacuteriteacutee des Apocirctres et les deacutebats qui ont conduit agrave sa cristallisation Lrsquoeacutedition originale de cet ou-vrage a eacuteteacute publieacutee en anglais4 comme un deacuteveloppement drsquoun article intituleacute laquo Die theologische und sprachliche Vorbereitung der christologischen Formel von Chalkedon raquo La premiegravere traduction en franccedilais a paru en 1973 Cette nouvelle eacutedition a eacuteteacute preacutepareacutee par lrsquoA lui-mecircme avec la collabo-ration pour la traduction franccedilaise de Sr Pascale-Dominique qui a pris en charge sa reacutevision et sa publication apregraves le deacutecegraves de lrsquoauteur

Lrsquoouvrage compte trois parties La premiegravere est consacreacutee au deacuteveloppement christologique des origines jusqursquoagrave Origegravene Les Pegraveres apostoliques ont confesseacute leur foi au Christ vrai Dieu et vrai homme Cependant avant que les Eacutecritures chreacutetiennes ne jouissent drsquoun statut de canoniciteacute bien deacutefini les formules christologiques se sont multiplieacutees et se sont transmises par la voie orale laquo la foi vient de lrsquoeacutecoute raquo Les premiers eacutecrits patristiques la Didachegrave et le Pasteur drsquoHermas sont mar-queacutes par ces formules en circulation et nous permettent de deacutegager laquo une foi trinitaire ou du moins binaire (Pegravere-Fils) raquo (p 217) La lutte des apologistes a eacuteteacute de convaincre le monde paiumlen de la soliditeacute et de la veacuteraciteacute de leur foi au Christ lrsquoenvoyeacute de Dieu pour le salut de toute lrsquohumaniteacute Apregraves lrsquoeacutepoque des Pegraveres apostoliques et apologistes ce sont les Pegraveres alexandrins Cleacutement et Origegravene qui ont apporteacute une reacuteflexion solide centreacutee sur lrsquoIncarnation du Logos au deacuteveloppement christologique Cleacutement se situant plus dans la perspective de la lutte anti-gnostique voit laquo le rocircle du Logos comme la source et le maicirctre de la ldquognoserdquo raquo (p 363) qui nous permet de contempler Dieu Quant agrave Origegravene il concentre son attention sur la confession de sa foi en lrsquoincarnation en tenant compte de la reacutealiteacute de la diviniteacute et de lrsquohumaniteacute du Christ Chez lui laquo plus on fait ressortir les principes fondamentaux de sa theacuteologie plus lrsquoimage de sa christologie gagne en profondeur raquo (p 373) Cette recherche pour deacutefinir la foi chreacutetienne en Jeacutesus-Christ Fils de Dieu et Fils de lrsquohomme sera reprise et meneacutee agrave son apogeacutee par les Pegraveres du quatriegraveme siegravecle et les formulations christologiques des premiers conciles œcumeacuteniques

La seconde partie de lrsquoouvrage preacutesente le deacutebat christologique drsquoOrigegravene au concile drsquoEacutephegravese Le quatriegraveme siegravecle est traverseacute par la laquo crise arienne raquo drsquoougrave la neacutecessiteacute de reacuteunir un premier concile œcumeacutenique Contre la doctrine drsquoArius qui affirmait qursquolaquo il y eut un temps ougrave le Logos nrsquoexistait pas et [que] le Logos est une creacuteature du Pegravere raquo les Pegraveres niceacuteens signent la premiegravere profession de foi imposeacutee agrave toute lrsquoEacuteglise laquo Le Fils est eacuteternel et consubstantiel au Pegravere raquo Il a fallu

3 Cf Jean LAPORTE Les Pegraveres de lrsquoEacuteglise Tome II Les Pegraveres grecs Paris Cerf (coll laquo Initiations aux Pegraveres de lrsquoEacuteglise raquo) 2001 p 37-74

4 A GRILLMEIER Christ in Christian Tradition from the Apostolic Age to Chalcedon (451) Londres AR Mowbray 1965

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tout le dynamisme drsquoAthanase drsquoAlexandrie en Orient et la deacutetermination drsquoHilaire de Poitiers en Occident pour arriver agrave une victoire deacutefinitive de lrsquoaffirmation de la vraie diviniteacute et de la reacuteelle humaniteacute du Logos La christologie se deacuteveloppe donc autour de lrsquoideacutee du Logos-Sarx alexandrin qui reacuteussit agrave maintenir un juste milieu pour la confession de la foi eccleacutesiale La deuxiegraveme section de ce mecircme chapitre eacutetudie en reacuteaction agrave la doctrine apollinariste une christologie Logos-Anthropos de type antiochien deacuteveloppeacutee par Damase Diodore de Tarse et Eacutephrem le Syrien Cette christologie avait lrsquoavantage drsquoincorporer laquo agrave la fois des eacuteleacutements de la christologie de lrsquoldquohomo assumptusrdquo et de lrsquoldquohomo factusrdquo raquo (p 682) Par de telles formules les antiochiens voulaient reacuteagir contre la doctrine drsquoApollinaire de lrsquounique nature dans le Christ LrsquoA nous introduit progressive-ment au deacutebat sur les deux natures du Christ dont Nestorius et Cyrille drsquoAlexandrie sont resteacutes les illustres repreacutesentants

Enfin la troisiegraveme partie consacre sa premiegravere section au laquo scandalum oecumenicum raquo deacuteclen-cheacute par la christologie de Nestorius Le but de celui-ci est drsquoeacutecarter les deux extrecircmes dans les titres donneacutes agrave Marie laquo theacuteotokos raquo et laquo anthropotokos raquo Drsquoune part le titre laquo theacuteotokos raquo promu par Cyrille et ses partisans les identifiait agrave Apollinaire drsquoautre part les partisans du titre laquo anthropo-tokos raquo se rangeaient du cocircteacute drsquoArius Par conseacutequent le titre qui convient le mieux agrave Marie et que promeut Nestorius est celui de laquo christotokos raquo Le concile drsquoEacutephegravese en 431 reacuteagit contre cette position affirmant la diviniteacute du Christ fait homme par conseacutequent la materniteacute divine de Marie Elle est laquo theacuteotokos raquo laquo Un seul et mecircme est le Fils eacuteternel du Pegravere qui dans le temps est neacute selon la chair de la Vierge Marie celle que nous pouvons de ce fait appeler Megravere de Dieu raquo (p 922) La deuxiegraveme section de la troisiegraveme partie centre les recherches sur la peacuteriode qui va du concile drsquoEacutephegravese et agrave celui de Chalceacutedoine La reacuteaction antiochienne ne tarde pas Il a fallu lrsquoesprit conci-liateur de Theacuteodoret de Cyr pour maintenir lrsquoeacutequilibre entre les positions nestorienne et cyrillienne Son but est de mettre en relief la liberteacute de lrsquoIncarnation en confessant laquo invariablement une uniteacute substantielle reacuteelle dans le Christ raquo (p 932) La base de la reacuteconciliation entre les deux partis est la formule de foi signeacutee agrave Antioche en 432 Dans ce laquo Symbolum antiochenum raquo la confession de Jeacutesus-Christ vrai Fils de Dieu et vrai Fils de lrsquohomme parfaitement Dieu et parfaitement homme et ayant une acircme raisonnable et un corps est clairement affirmeacutee Lrsquoapollinarisme et lrsquoarianisme sont exclus et la foi de Niceacutee reacuteaffirmeacutee La troisiegraveme section continue de nous familiariser avec les deacutebats christologiques autour de la double nature du Christ Le concile de Chalceacutedoine se donne pour objectif de compleacuteter Eacutephegravese en forgeant une formule dogmatique permettant drsquoeacuteclairer laquo lrsquouniteacute et la diffeacuterence dans le Christ raquo (p 1003) LrsquoA propose une analyse de la deacutefinition chal-ceacutedonienne en relevant agrave la fois la continuiteacute et la progression dans la cristallisation du dogme christologique depuis Niceacutee

Par rapport agrave la premiegravere eacutedition franccedilaise cette seconde eacutedition a lrsquoavantage de nous donner une bibliographie plus deacutetailleacutee et mise agrave jour On a eacutegalement regroupeacute certains chapitres et on en a ajouteacute drsquoautres Enfin les notes de bas de page sont plus abondantes Lrsquoouvrage comprend agrave la fin quelques index (des auteurs anciens des mots grecs et latins) indispensables pour tirer profit de lrsquoouvrage

Lucian Dicircncatilde

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5 Herveacute INGLEBERT Interpretatio Christiana Les mutations des savoirs (cosmographie geacuteo-graphie ethnographie histoire) dans lrsquoAntiquiteacute chreacutetienne (30-630 apregraves J-C) Paris Institut drsquoEacutetudes Augustiniennes (coll laquo Eacutetudes Augustiniennes raquo seacuterie laquo Antiquiteacute raquo 166) 2001 632 p

Par laquo mutation des savoirs raquo il faut entendre laquo adaptation des savoirs agrave la christianisation du monde antique raquo et par laquo savoirs raquo il faut comprendre laquo connaissances sur le monde raquo LrsquoA pro-pose en effet dans cet ouvrage une histoire culturelle une histoire des ideacutees et de la faccedilon dont ces ideacutees ont eacuteteacute comprises essentiellement du point de vue de la repreacutesentation du monde et de son histoire Agrave lrsquoeacutepoque chreacutetienne il y a un hiatus entre savoir et repreacutesentation tels qursquoils eacutetaient entendus dans lrsquoeacuteducation classique En effet la culture profane a valoriseacute le savoir pour lui-mecircme alors que lrsquoappreacutehension du savoir biblique ne srsquoest pas faite en fonction de la connaissance mais en fonction de la signification de lrsquoexistence humaine (p 30) LrsquoA expose comment une lecture historique de la Bible a modifieacute ou srsquoest opposeacutee aux repreacutesentations que les chreacutetiens ont heacuteriteacutees de leur formation dans la paiumldeacuteia Les quatre tendances face agrave lrsquoheacuteritage classique (refus creacuteation drsquoune nouvelle conception reprise indiffeacuterente et conversion par lrsquoameacutenagement ou la synthegravese des savoirs) peuvent ecirctre observeacutees dans chacune des disciplines eacutetudieacutees

Le livre est diviseacute en deux grandes eacutetapes historiques Tout drsquoabord la christianisation des sa-voirs antiques et les rapports entre savoir et foi sont analyseacutes dans la cosmographie la geacuteographie et lrsquoethnographie Ensuite on traite de la perception chreacutetienne de lrsquohistoire et du problegraveme de lrsquoadop-tion des savoirs historiques antiques dans lrsquohistoriographie chreacutetienne de la naissance des histoires des heacutereacutesies et du deacuteveloppement des histoires universelles Lrsquohistoire occupe agrave elle seule la moitieacute du volume en raison de son importance dans la culture chreacutetienne En effet lrsquohistoire fonde la veacuteriteacute de la foi et agrave ce titre elle est pour les chreacutetiens un savoir privileacutegieacute ce qui a pour conseacutequence de modifier son rocircle dans lrsquoeacutequilibre des savoirs antiques

Agrave titre drsquoexemple de lrsquoanalyse pratiqueacutee lrsquoA montre lrsquooriginaliteacute drsquoun document tel que le Diamerismos attribueacute agrave Hippolyte de Rome Cet exposeacute amalgame sans les harmoniser des don-neacutees sur la reacutepartition des peuples provenant de la tradition biblique juive (tripartition des peuples en fonction des descendants des fils de Noeacute cf Gn 10) et des traditions grecques ethnographique (classement par peuples) et chorographique (classement par reacutegions) compleacuteteacutees de quelques indi-cations drsquoeacutepoque romaine Ces juxtapositions neacutecessitent une correspondance entre les noms heacutebreux des peuples bibliques et les noms grecs des peuples connus et entraicircnent eacutevidemment quel-ques redites dans lrsquoeacutenumeacuteration des peuples et des incoheacuterences dans leur distribution geacuteogra-phique Ces difficulteacutes ne reccedilurent une tentative drsquoexplication qursquoavec Eacutepiphane de Salamine qui les expliqua par lrsquohistoire des occupations territoriales successives crsquoest-agrave-dire la colonisation et les ambitions territoriales de Cham et ses descendants (p 171) Dans le texte drsquoHippolyte les sections sur lrsquoAfrique et lrsquoEurope (du moins en partie) eacutenumegraverent les peuples en laquo ordre geacuteographique raquo crsquoest-agrave-dire selon une progression peacuterieacutegeacutetique reprenant ainsi un scheacutema classique Cette repreacutesen-tation cartographique des peuples restera partielle chez les auteurs chreacutetiens qui tenteront toujours de faire coiumlncider listes de la Bible et savoir paiumlen jusqursquoagrave Isidore de Seacuteville

Ces diverses superpositions de donneacutees trouvent leur meilleure illustration avec lrsquohistoriogra-phie LrsquoA montre comment le deacuteveloppement de cette discipline par les chreacutetiens est passeacute par trois eacutetapes soit le synchronisme des donneacutees bibliques et des donneacutees de la paiumldeacuteia la synthegravese puis le syncreacutetisme de ces donneacutees (p 553) Ces mouvements se sont produits agrave des eacutepoques diffeacuterentes dans chaque partie de lrsquoempire au rythme de lrsquoabsorption des modegraveles grecs de la reacutedaction historique

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Sur le plan des mentaliteacutes lrsquoA montre que le deacutedain dont ont souvent fait preuve les chreacutetiens envers le savoir arguant que la connaissance ne servait en rien au salut puisque seule la foi pouvait sauver est en fait heacuteriteacute drsquoune tradition philosophique inculqueacutee par la paiumldeacuteia Ce meacutepris cessera complegravetement lorsque le paganisme ne servira plus de reacutefeacuterence culturelle mais ce sera agrave ce moment la fin de lrsquoAntiquiteacute et le veacuteritable deacutebut du Moyen Acircge (p 570)

On ne reacutepeacutetera pas assez lrsquoimportance de la poleacutemique contre les paiumlens dans la structuration du savoir chreacutetien aux quatriegraveme et cinquiegraveme siegravecles Drsquoune part les chreacutetiens devaient faire con-corder les savoirs de la paiumldeacuteia avec les donneacutees qursquoils trouvaient dans la Bible ou reacutefuter les premiers au profit des secondes Drsquoautre part la culture chreacutetienne srsquoest deacuteveloppeacutee dans un climat de deacutebats dialectiques essentiellement faccedilonneacutes par le modegravele de la paiumldeacuteia grecque Ce modegravele culturel nrsquoa donc pas eacuteteacute effaceacute par la subordination de la raison agrave la foi comme moyen de compreacutehension du monde seul lrsquoangle drsquoapproche de la culture fut modifieacute Dans la deacutefinition des savoirs un problegraveme eacutepisteacutemologique nrsquoest culturellement chreacutetien que srsquoil entraicircne un deacutebat religieux

Nous avons ici une eacutetude complegravete qui ne sera pas agrave refaire Lrsquoexhaustiviteacute de la reacutedaction en-traicircne cependant quelques redites qui ne sont pas alleacutegeacutees par les tableaux reacutecapitulatifs La langue utiliseacutee est technique mais sobre avec agrave lrsquooccasion quelques neacuteologismes qui laissent perplexe (p ex p 184 n 132 ougrave lrsquoon affirme qursquoune association drsquoAmbroise de Milan fut laquo reuseacutee par Jeacuterocircme raquo) Lrsquoensemble est drsquoune tregraves grande qualiteacute

Marie-Pierre Bussiegraveres

6 Christophe BOUREUX Commencer dans la vie religieuse avec saint Antoine suivi de la laquo Vie drsquoAntoine raquo par Athanase drsquoAlexandrie Paris Les Eacuteditions du Cerf 2003 272 p

Degraves les premiegraveres lignes lrsquoA donne au lecteur le ton de lrsquoouvrage laquo La vie religieuse ccedila nrsquoar-recircte pas de commencer Et dans ce commencement qui nrsquoest qursquoun recommencement la vie reli-gieuse trouve sa raison drsquoecirctre et sa fin sa relation au passeacute et agrave lrsquoavenir sa place dans lrsquoEacuteglise et la socieacuteteacute raquo (p 9) Dans une socieacuteteacute occidentale ougrave nous assistons agrave une diminution deacutemographique du nombre des congreacutegations religieuses Christophe Boureux religieux dominicain fait appel agrave saint Antoine le laquo Pegravere du monachisme raquo pour nous preacutesenter un style de vie religieuse trouvant sa force et sa raison drsquoecirctre dans un continuel commencement Il nous invite donc agrave une redeacutecouverte en profondeur du laquo don raquo de la vie religieuse5 que Dieu fait agrave lrsquoEacuteglise La premiegravere difficulteacute agrave sou-lever est de savoir si Jeacutesus a inaugureacute un tel eacutetat de vie La question aide lrsquoA agrave faire la distinction entre lrsquoaspect theacuteologal et lrsquoaspect historique de la vie religieuse laquo [hellip] il serait inexact de suggeacuterer que ce fut Jeacutesus historique qui aurait inaugureacute la vie religieuse Comme toute la vie chreacutetienne la vie religieuse trouve son modegravele sa figure dans la description des faits et gestes paroles et actes de Jeacutesus rapporteacutes dans les Eacutevangiles raquo (p 18) Lrsquoexhortation apostolique Vita Consecrata6 mettant un terme aux heacutesitations eccleacutesiales seacuteculaires sur la validiteacute de la vie religieuse vient apporter un atout agrave lrsquointeacuterecirct et agrave la pertinence de cette eacutetude

5 LrsquoA choisit drsquoutiliser lrsquoexpression laquo vie religieuse raquo plutocirct que laquo vie consacreacutee raquo en srsquoappuyant sur trois arguments anthropologique de theacuteologie sacramentaire et eccleacutesiale (cf p 20-26)

6 JEAN-PAUL II Vita Consecrata Exhortation apostolique post-synodale sur la vie consacreacutee et sa mission dans lrsquoEacuteglise et dans le monde Montreacuteal Meacutediaspaul 1996 211 p

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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tout le dynamisme drsquoAthanase drsquoAlexandrie en Orient et la deacutetermination drsquoHilaire de Poitiers en Occident pour arriver agrave une victoire deacutefinitive de lrsquoaffirmation de la vraie diviniteacute et de la reacuteelle humaniteacute du Logos La christologie se deacuteveloppe donc autour de lrsquoideacutee du Logos-Sarx alexandrin qui reacuteussit agrave maintenir un juste milieu pour la confession de la foi eccleacutesiale La deuxiegraveme section de ce mecircme chapitre eacutetudie en reacuteaction agrave la doctrine apollinariste une christologie Logos-Anthropos de type antiochien deacuteveloppeacutee par Damase Diodore de Tarse et Eacutephrem le Syrien Cette christologie avait lrsquoavantage drsquoincorporer laquo agrave la fois des eacuteleacutements de la christologie de lrsquoldquohomo assumptusrdquo et de lrsquoldquohomo factusrdquo raquo (p 682) Par de telles formules les antiochiens voulaient reacuteagir contre la doctrine drsquoApollinaire de lrsquounique nature dans le Christ LrsquoA nous introduit progressive-ment au deacutebat sur les deux natures du Christ dont Nestorius et Cyrille drsquoAlexandrie sont resteacutes les illustres repreacutesentants

Enfin la troisiegraveme partie consacre sa premiegravere section au laquo scandalum oecumenicum raquo deacuteclen-cheacute par la christologie de Nestorius Le but de celui-ci est drsquoeacutecarter les deux extrecircmes dans les titres donneacutes agrave Marie laquo theacuteotokos raquo et laquo anthropotokos raquo Drsquoune part le titre laquo theacuteotokos raquo promu par Cyrille et ses partisans les identifiait agrave Apollinaire drsquoautre part les partisans du titre laquo anthropo-tokos raquo se rangeaient du cocircteacute drsquoArius Par conseacutequent le titre qui convient le mieux agrave Marie et que promeut Nestorius est celui de laquo christotokos raquo Le concile drsquoEacutephegravese en 431 reacuteagit contre cette position affirmant la diviniteacute du Christ fait homme par conseacutequent la materniteacute divine de Marie Elle est laquo theacuteotokos raquo laquo Un seul et mecircme est le Fils eacuteternel du Pegravere qui dans le temps est neacute selon la chair de la Vierge Marie celle que nous pouvons de ce fait appeler Megravere de Dieu raquo (p 922) La deuxiegraveme section de la troisiegraveme partie centre les recherches sur la peacuteriode qui va du concile drsquoEacutephegravese et agrave celui de Chalceacutedoine La reacuteaction antiochienne ne tarde pas Il a fallu lrsquoesprit conci-liateur de Theacuteodoret de Cyr pour maintenir lrsquoeacutequilibre entre les positions nestorienne et cyrillienne Son but est de mettre en relief la liberteacute de lrsquoIncarnation en confessant laquo invariablement une uniteacute substantielle reacuteelle dans le Christ raquo (p 932) La base de la reacuteconciliation entre les deux partis est la formule de foi signeacutee agrave Antioche en 432 Dans ce laquo Symbolum antiochenum raquo la confession de Jeacutesus-Christ vrai Fils de Dieu et vrai Fils de lrsquohomme parfaitement Dieu et parfaitement homme et ayant une acircme raisonnable et un corps est clairement affirmeacutee Lrsquoapollinarisme et lrsquoarianisme sont exclus et la foi de Niceacutee reacuteaffirmeacutee La troisiegraveme section continue de nous familiariser avec les deacutebats christologiques autour de la double nature du Christ Le concile de Chalceacutedoine se donne pour objectif de compleacuteter Eacutephegravese en forgeant une formule dogmatique permettant drsquoeacuteclairer laquo lrsquouniteacute et la diffeacuterence dans le Christ raquo (p 1003) LrsquoA propose une analyse de la deacutefinition chal-ceacutedonienne en relevant agrave la fois la continuiteacute et la progression dans la cristallisation du dogme christologique depuis Niceacutee

Par rapport agrave la premiegravere eacutedition franccedilaise cette seconde eacutedition a lrsquoavantage de nous donner une bibliographie plus deacutetailleacutee et mise agrave jour On a eacutegalement regroupeacute certains chapitres et on en a ajouteacute drsquoautres Enfin les notes de bas de page sont plus abondantes Lrsquoouvrage comprend agrave la fin quelques index (des auteurs anciens des mots grecs et latins) indispensables pour tirer profit de lrsquoouvrage

Lucian Dicircncatilde

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5 Herveacute INGLEBERT Interpretatio Christiana Les mutations des savoirs (cosmographie geacuteo-graphie ethnographie histoire) dans lrsquoAntiquiteacute chreacutetienne (30-630 apregraves J-C) Paris Institut drsquoEacutetudes Augustiniennes (coll laquo Eacutetudes Augustiniennes raquo seacuterie laquo Antiquiteacute raquo 166) 2001 632 p

Par laquo mutation des savoirs raquo il faut entendre laquo adaptation des savoirs agrave la christianisation du monde antique raquo et par laquo savoirs raquo il faut comprendre laquo connaissances sur le monde raquo LrsquoA pro-pose en effet dans cet ouvrage une histoire culturelle une histoire des ideacutees et de la faccedilon dont ces ideacutees ont eacuteteacute comprises essentiellement du point de vue de la repreacutesentation du monde et de son histoire Agrave lrsquoeacutepoque chreacutetienne il y a un hiatus entre savoir et repreacutesentation tels qursquoils eacutetaient entendus dans lrsquoeacuteducation classique En effet la culture profane a valoriseacute le savoir pour lui-mecircme alors que lrsquoappreacutehension du savoir biblique ne srsquoest pas faite en fonction de la connaissance mais en fonction de la signification de lrsquoexistence humaine (p 30) LrsquoA expose comment une lecture historique de la Bible a modifieacute ou srsquoest opposeacutee aux repreacutesentations que les chreacutetiens ont heacuteriteacutees de leur formation dans la paiumldeacuteia Les quatre tendances face agrave lrsquoheacuteritage classique (refus creacuteation drsquoune nouvelle conception reprise indiffeacuterente et conversion par lrsquoameacutenagement ou la synthegravese des savoirs) peuvent ecirctre observeacutees dans chacune des disciplines eacutetudieacutees

Le livre est diviseacute en deux grandes eacutetapes historiques Tout drsquoabord la christianisation des sa-voirs antiques et les rapports entre savoir et foi sont analyseacutes dans la cosmographie la geacuteographie et lrsquoethnographie Ensuite on traite de la perception chreacutetienne de lrsquohistoire et du problegraveme de lrsquoadop-tion des savoirs historiques antiques dans lrsquohistoriographie chreacutetienne de la naissance des histoires des heacutereacutesies et du deacuteveloppement des histoires universelles Lrsquohistoire occupe agrave elle seule la moitieacute du volume en raison de son importance dans la culture chreacutetienne En effet lrsquohistoire fonde la veacuteriteacute de la foi et agrave ce titre elle est pour les chreacutetiens un savoir privileacutegieacute ce qui a pour conseacutequence de modifier son rocircle dans lrsquoeacutequilibre des savoirs antiques

Agrave titre drsquoexemple de lrsquoanalyse pratiqueacutee lrsquoA montre lrsquooriginaliteacute drsquoun document tel que le Diamerismos attribueacute agrave Hippolyte de Rome Cet exposeacute amalgame sans les harmoniser des don-neacutees sur la reacutepartition des peuples provenant de la tradition biblique juive (tripartition des peuples en fonction des descendants des fils de Noeacute cf Gn 10) et des traditions grecques ethnographique (classement par peuples) et chorographique (classement par reacutegions) compleacuteteacutees de quelques indi-cations drsquoeacutepoque romaine Ces juxtapositions neacutecessitent une correspondance entre les noms heacutebreux des peuples bibliques et les noms grecs des peuples connus et entraicircnent eacutevidemment quel-ques redites dans lrsquoeacutenumeacuteration des peuples et des incoheacuterences dans leur distribution geacuteogra-phique Ces difficulteacutes ne reccedilurent une tentative drsquoexplication qursquoavec Eacutepiphane de Salamine qui les expliqua par lrsquohistoire des occupations territoriales successives crsquoest-agrave-dire la colonisation et les ambitions territoriales de Cham et ses descendants (p 171) Dans le texte drsquoHippolyte les sections sur lrsquoAfrique et lrsquoEurope (du moins en partie) eacutenumegraverent les peuples en laquo ordre geacuteographique raquo crsquoest-agrave-dire selon une progression peacuterieacutegeacutetique reprenant ainsi un scheacutema classique Cette repreacutesen-tation cartographique des peuples restera partielle chez les auteurs chreacutetiens qui tenteront toujours de faire coiumlncider listes de la Bible et savoir paiumlen jusqursquoagrave Isidore de Seacuteville

Ces diverses superpositions de donneacutees trouvent leur meilleure illustration avec lrsquohistoriogra-phie LrsquoA montre comment le deacuteveloppement de cette discipline par les chreacutetiens est passeacute par trois eacutetapes soit le synchronisme des donneacutees bibliques et des donneacutees de la paiumldeacuteia la synthegravese puis le syncreacutetisme de ces donneacutees (p 553) Ces mouvements se sont produits agrave des eacutepoques diffeacuterentes dans chaque partie de lrsquoempire au rythme de lrsquoabsorption des modegraveles grecs de la reacutedaction historique

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Sur le plan des mentaliteacutes lrsquoA montre que le deacutedain dont ont souvent fait preuve les chreacutetiens envers le savoir arguant que la connaissance ne servait en rien au salut puisque seule la foi pouvait sauver est en fait heacuteriteacute drsquoune tradition philosophique inculqueacutee par la paiumldeacuteia Ce meacutepris cessera complegravetement lorsque le paganisme ne servira plus de reacutefeacuterence culturelle mais ce sera agrave ce moment la fin de lrsquoAntiquiteacute et le veacuteritable deacutebut du Moyen Acircge (p 570)

On ne reacutepeacutetera pas assez lrsquoimportance de la poleacutemique contre les paiumlens dans la structuration du savoir chreacutetien aux quatriegraveme et cinquiegraveme siegravecles Drsquoune part les chreacutetiens devaient faire con-corder les savoirs de la paiumldeacuteia avec les donneacutees qursquoils trouvaient dans la Bible ou reacutefuter les premiers au profit des secondes Drsquoautre part la culture chreacutetienne srsquoest deacuteveloppeacutee dans un climat de deacutebats dialectiques essentiellement faccedilonneacutes par le modegravele de la paiumldeacuteia grecque Ce modegravele culturel nrsquoa donc pas eacuteteacute effaceacute par la subordination de la raison agrave la foi comme moyen de compreacutehension du monde seul lrsquoangle drsquoapproche de la culture fut modifieacute Dans la deacutefinition des savoirs un problegraveme eacutepisteacutemologique nrsquoest culturellement chreacutetien que srsquoil entraicircne un deacutebat religieux

Nous avons ici une eacutetude complegravete qui ne sera pas agrave refaire Lrsquoexhaustiviteacute de la reacutedaction en-traicircne cependant quelques redites qui ne sont pas alleacutegeacutees par les tableaux reacutecapitulatifs La langue utiliseacutee est technique mais sobre avec agrave lrsquooccasion quelques neacuteologismes qui laissent perplexe (p ex p 184 n 132 ougrave lrsquoon affirme qursquoune association drsquoAmbroise de Milan fut laquo reuseacutee par Jeacuterocircme raquo) Lrsquoensemble est drsquoune tregraves grande qualiteacute

Marie-Pierre Bussiegraveres

6 Christophe BOUREUX Commencer dans la vie religieuse avec saint Antoine suivi de la laquo Vie drsquoAntoine raquo par Athanase drsquoAlexandrie Paris Les Eacuteditions du Cerf 2003 272 p

Degraves les premiegraveres lignes lrsquoA donne au lecteur le ton de lrsquoouvrage laquo La vie religieuse ccedila nrsquoar-recircte pas de commencer Et dans ce commencement qui nrsquoest qursquoun recommencement la vie reli-gieuse trouve sa raison drsquoecirctre et sa fin sa relation au passeacute et agrave lrsquoavenir sa place dans lrsquoEacuteglise et la socieacuteteacute raquo (p 9) Dans une socieacuteteacute occidentale ougrave nous assistons agrave une diminution deacutemographique du nombre des congreacutegations religieuses Christophe Boureux religieux dominicain fait appel agrave saint Antoine le laquo Pegravere du monachisme raquo pour nous preacutesenter un style de vie religieuse trouvant sa force et sa raison drsquoecirctre dans un continuel commencement Il nous invite donc agrave une redeacutecouverte en profondeur du laquo don raquo de la vie religieuse5 que Dieu fait agrave lrsquoEacuteglise La premiegravere difficulteacute agrave sou-lever est de savoir si Jeacutesus a inaugureacute un tel eacutetat de vie La question aide lrsquoA agrave faire la distinction entre lrsquoaspect theacuteologal et lrsquoaspect historique de la vie religieuse laquo [hellip] il serait inexact de suggeacuterer que ce fut Jeacutesus historique qui aurait inaugureacute la vie religieuse Comme toute la vie chreacutetienne la vie religieuse trouve son modegravele sa figure dans la description des faits et gestes paroles et actes de Jeacutesus rapporteacutes dans les Eacutevangiles raquo (p 18) Lrsquoexhortation apostolique Vita Consecrata6 mettant un terme aux heacutesitations eccleacutesiales seacuteculaires sur la validiteacute de la vie religieuse vient apporter un atout agrave lrsquointeacuterecirct et agrave la pertinence de cette eacutetude

5 LrsquoA choisit drsquoutiliser lrsquoexpression laquo vie religieuse raquo plutocirct que laquo vie consacreacutee raquo en srsquoappuyant sur trois arguments anthropologique de theacuteologie sacramentaire et eccleacutesiale (cf p 20-26)

6 JEAN-PAUL II Vita Consecrata Exhortation apostolique post-synodale sur la vie consacreacutee et sa mission dans lrsquoEacuteglise et dans le monde Montreacuteal Meacutediaspaul 1996 211 p

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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5 Herveacute INGLEBERT Interpretatio Christiana Les mutations des savoirs (cosmographie geacuteo-graphie ethnographie histoire) dans lrsquoAntiquiteacute chreacutetienne (30-630 apregraves J-C) Paris Institut drsquoEacutetudes Augustiniennes (coll laquo Eacutetudes Augustiniennes raquo seacuterie laquo Antiquiteacute raquo 166) 2001 632 p

Par laquo mutation des savoirs raquo il faut entendre laquo adaptation des savoirs agrave la christianisation du monde antique raquo et par laquo savoirs raquo il faut comprendre laquo connaissances sur le monde raquo LrsquoA pro-pose en effet dans cet ouvrage une histoire culturelle une histoire des ideacutees et de la faccedilon dont ces ideacutees ont eacuteteacute comprises essentiellement du point de vue de la repreacutesentation du monde et de son histoire Agrave lrsquoeacutepoque chreacutetienne il y a un hiatus entre savoir et repreacutesentation tels qursquoils eacutetaient entendus dans lrsquoeacuteducation classique En effet la culture profane a valoriseacute le savoir pour lui-mecircme alors que lrsquoappreacutehension du savoir biblique ne srsquoest pas faite en fonction de la connaissance mais en fonction de la signification de lrsquoexistence humaine (p 30) LrsquoA expose comment une lecture historique de la Bible a modifieacute ou srsquoest opposeacutee aux repreacutesentations que les chreacutetiens ont heacuteriteacutees de leur formation dans la paiumldeacuteia Les quatre tendances face agrave lrsquoheacuteritage classique (refus creacuteation drsquoune nouvelle conception reprise indiffeacuterente et conversion par lrsquoameacutenagement ou la synthegravese des savoirs) peuvent ecirctre observeacutees dans chacune des disciplines eacutetudieacutees

Le livre est diviseacute en deux grandes eacutetapes historiques Tout drsquoabord la christianisation des sa-voirs antiques et les rapports entre savoir et foi sont analyseacutes dans la cosmographie la geacuteographie et lrsquoethnographie Ensuite on traite de la perception chreacutetienne de lrsquohistoire et du problegraveme de lrsquoadop-tion des savoirs historiques antiques dans lrsquohistoriographie chreacutetienne de la naissance des histoires des heacutereacutesies et du deacuteveloppement des histoires universelles Lrsquohistoire occupe agrave elle seule la moitieacute du volume en raison de son importance dans la culture chreacutetienne En effet lrsquohistoire fonde la veacuteriteacute de la foi et agrave ce titre elle est pour les chreacutetiens un savoir privileacutegieacute ce qui a pour conseacutequence de modifier son rocircle dans lrsquoeacutequilibre des savoirs antiques

Agrave titre drsquoexemple de lrsquoanalyse pratiqueacutee lrsquoA montre lrsquooriginaliteacute drsquoun document tel que le Diamerismos attribueacute agrave Hippolyte de Rome Cet exposeacute amalgame sans les harmoniser des don-neacutees sur la reacutepartition des peuples provenant de la tradition biblique juive (tripartition des peuples en fonction des descendants des fils de Noeacute cf Gn 10) et des traditions grecques ethnographique (classement par peuples) et chorographique (classement par reacutegions) compleacuteteacutees de quelques indi-cations drsquoeacutepoque romaine Ces juxtapositions neacutecessitent une correspondance entre les noms heacutebreux des peuples bibliques et les noms grecs des peuples connus et entraicircnent eacutevidemment quel-ques redites dans lrsquoeacutenumeacuteration des peuples et des incoheacuterences dans leur distribution geacuteogra-phique Ces difficulteacutes ne reccedilurent une tentative drsquoexplication qursquoavec Eacutepiphane de Salamine qui les expliqua par lrsquohistoire des occupations territoriales successives crsquoest-agrave-dire la colonisation et les ambitions territoriales de Cham et ses descendants (p 171) Dans le texte drsquoHippolyte les sections sur lrsquoAfrique et lrsquoEurope (du moins en partie) eacutenumegraverent les peuples en laquo ordre geacuteographique raquo crsquoest-agrave-dire selon une progression peacuterieacutegeacutetique reprenant ainsi un scheacutema classique Cette repreacutesen-tation cartographique des peuples restera partielle chez les auteurs chreacutetiens qui tenteront toujours de faire coiumlncider listes de la Bible et savoir paiumlen jusqursquoagrave Isidore de Seacuteville

Ces diverses superpositions de donneacutees trouvent leur meilleure illustration avec lrsquohistoriogra-phie LrsquoA montre comment le deacuteveloppement de cette discipline par les chreacutetiens est passeacute par trois eacutetapes soit le synchronisme des donneacutees bibliques et des donneacutees de la paiumldeacuteia la synthegravese puis le syncreacutetisme de ces donneacutees (p 553) Ces mouvements se sont produits agrave des eacutepoques diffeacuterentes dans chaque partie de lrsquoempire au rythme de lrsquoabsorption des modegraveles grecs de la reacutedaction historique

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Sur le plan des mentaliteacutes lrsquoA montre que le deacutedain dont ont souvent fait preuve les chreacutetiens envers le savoir arguant que la connaissance ne servait en rien au salut puisque seule la foi pouvait sauver est en fait heacuteriteacute drsquoune tradition philosophique inculqueacutee par la paiumldeacuteia Ce meacutepris cessera complegravetement lorsque le paganisme ne servira plus de reacutefeacuterence culturelle mais ce sera agrave ce moment la fin de lrsquoAntiquiteacute et le veacuteritable deacutebut du Moyen Acircge (p 570)

On ne reacutepeacutetera pas assez lrsquoimportance de la poleacutemique contre les paiumlens dans la structuration du savoir chreacutetien aux quatriegraveme et cinquiegraveme siegravecles Drsquoune part les chreacutetiens devaient faire con-corder les savoirs de la paiumldeacuteia avec les donneacutees qursquoils trouvaient dans la Bible ou reacutefuter les premiers au profit des secondes Drsquoautre part la culture chreacutetienne srsquoest deacuteveloppeacutee dans un climat de deacutebats dialectiques essentiellement faccedilonneacutes par le modegravele de la paiumldeacuteia grecque Ce modegravele culturel nrsquoa donc pas eacuteteacute effaceacute par la subordination de la raison agrave la foi comme moyen de compreacutehension du monde seul lrsquoangle drsquoapproche de la culture fut modifieacute Dans la deacutefinition des savoirs un problegraveme eacutepisteacutemologique nrsquoest culturellement chreacutetien que srsquoil entraicircne un deacutebat religieux

Nous avons ici une eacutetude complegravete qui ne sera pas agrave refaire Lrsquoexhaustiviteacute de la reacutedaction en-traicircne cependant quelques redites qui ne sont pas alleacutegeacutees par les tableaux reacutecapitulatifs La langue utiliseacutee est technique mais sobre avec agrave lrsquooccasion quelques neacuteologismes qui laissent perplexe (p ex p 184 n 132 ougrave lrsquoon affirme qursquoune association drsquoAmbroise de Milan fut laquo reuseacutee par Jeacuterocircme raquo) Lrsquoensemble est drsquoune tregraves grande qualiteacute

Marie-Pierre Bussiegraveres

6 Christophe BOUREUX Commencer dans la vie religieuse avec saint Antoine suivi de la laquo Vie drsquoAntoine raquo par Athanase drsquoAlexandrie Paris Les Eacuteditions du Cerf 2003 272 p

Degraves les premiegraveres lignes lrsquoA donne au lecteur le ton de lrsquoouvrage laquo La vie religieuse ccedila nrsquoar-recircte pas de commencer Et dans ce commencement qui nrsquoest qursquoun recommencement la vie reli-gieuse trouve sa raison drsquoecirctre et sa fin sa relation au passeacute et agrave lrsquoavenir sa place dans lrsquoEacuteglise et la socieacuteteacute raquo (p 9) Dans une socieacuteteacute occidentale ougrave nous assistons agrave une diminution deacutemographique du nombre des congreacutegations religieuses Christophe Boureux religieux dominicain fait appel agrave saint Antoine le laquo Pegravere du monachisme raquo pour nous preacutesenter un style de vie religieuse trouvant sa force et sa raison drsquoecirctre dans un continuel commencement Il nous invite donc agrave une redeacutecouverte en profondeur du laquo don raquo de la vie religieuse5 que Dieu fait agrave lrsquoEacuteglise La premiegravere difficulteacute agrave sou-lever est de savoir si Jeacutesus a inaugureacute un tel eacutetat de vie La question aide lrsquoA agrave faire la distinction entre lrsquoaspect theacuteologal et lrsquoaspect historique de la vie religieuse laquo [hellip] il serait inexact de suggeacuterer que ce fut Jeacutesus historique qui aurait inaugureacute la vie religieuse Comme toute la vie chreacutetienne la vie religieuse trouve son modegravele sa figure dans la description des faits et gestes paroles et actes de Jeacutesus rapporteacutes dans les Eacutevangiles raquo (p 18) Lrsquoexhortation apostolique Vita Consecrata6 mettant un terme aux heacutesitations eccleacutesiales seacuteculaires sur la validiteacute de la vie religieuse vient apporter un atout agrave lrsquointeacuterecirct et agrave la pertinence de cette eacutetude

5 LrsquoA choisit drsquoutiliser lrsquoexpression laquo vie religieuse raquo plutocirct que laquo vie consacreacutee raquo en srsquoappuyant sur trois arguments anthropologique de theacuteologie sacramentaire et eccleacutesiale (cf p 20-26)

6 JEAN-PAUL II Vita Consecrata Exhortation apostolique post-synodale sur la vie consacreacutee et sa mission dans lrsquoEacuteglise et dans le monde Montreacuteal Meacutediaspaul 1996 211 p

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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Sur le plan des mentaliteacutes lrsquoA montre que le deacutedain dont ont souvent fait preuve les chreacutetiens envers le savoir arguant que la connaissance ne servait en rien au salut puisque seule la foi pouvait sauver est en fait heacuteriteacute drsquoune tradition philosophique inculqueacutee par la paiumldeacuteia Ce meacutepris cessera complegravetement lorsque le paganisme ne servira plus de reacutefeacuterence culturelle mais ce sera agrave ce moment la fin de lrsquoAntiquiteacute et le veacuteritable deacutebut du Moyen Acircge (p 570)

On ne reacutepeacutetera pas assez lrsquoimportance de la poleacutemique contre les paiumlens dans la structuration du savoir chreacutetien aux quatriegraveme et cinquiegraveme siegravecles Drsquoune part les chreacutetiens devaient faire con-corder les savoirs de la paiumldeacuteia avec les donneacutees qursquoils trouvaient dans la Bible ou reacutefuter les premiers au profit des secondes Drsquoautre part la culture chreacutetienne srsquoest deacuteveloppeacutee dans un climat de deacutebats dialectiques essentiellement faccedilonneacutes par le modegravele de la paiumldeacuteia grecque Ce modegravele culturel nrsquoa donc pas eacuteteacute effaceacute par la subordination de la raison agrave la foi comme moyen de compreacutehension du monde seul lrsquoangle drsquoapproche de la culture fut modifieacute Dans la deacutefinition des savoirs un problegraveme eacutepisteacutemologique nrsquoest culturellement chreacutetien que srsquoil entraicircne un deacutebat religieux

Nous avons ici une eacutetude complegravete qui ne sera pas agrave refaire Lrsquoexhaustiviteacute de la reacutedaction en-traicircne cependant quelques redites qui ne sont pas alleacutegeacutees par les tableaux reacutecapitulatifs La langue utiliseacutee est technique mais sobre avec agrave lrsquooccasion quelques neacuteologismes qui laissent perplexe (p ex p 184 n 132 ougrave lrsquoon affirme qursquoune association drsquoAmbroise de Milan fut laquo reuseacutee par Jeacuterocircme raquo) Lrsquoensemble est drsquoune tregraves grande qualiteacute

Marie-Pierre Bussiegraveres

6 Christophe BOUREUX Commencer dans la vie religieuse avec saint Antoine suivi de la laquo Vie drsquoAntoine raquo par Athanase drsquoAlexandrie Paris Les Eacuteditions du Cerf 2003 272 p

Degraves les premiegraveres lignes lrsquoA donne au lecteur le ton de lrsquoouvrage laquo La vie religieuse ccedila nrsquoar-recircte pas de commencer Et dans ce commencement qui nrsquoest qursquoun recommencement la vie reli-gieuse trouve sa raison drsquoecirctre et sa fin sa relation au passeacute et agrave lrsquoavenir sa place dans lrsquoEacuteglise et la socieacuteteacute raquo (p 9) Dans une socieacuteteacute occidentale ougrave nous assistons agrave une diminution deacutemographique du nombre des congreacutegations religieuses Christophe Boureux religieux dominicain fait appel agrave saint Antoine le laquo Pegravere du monachisme raquo pour nous preacutesenter un style de vie religieuse trouvant sa force et sa raison drsquoecirctre dans un continuel commencement Il nous invite donc agrave une redeacutecouverte en profondeur du laquo don raquo de la vie religieuse5 que Dieu fait agrave lrsquoEacuteglise La premiegravere difficulteacute agrave sou-lever est de savoir si Jeacutesus a inaugureacute un tel eacutetat de vie La question aide lrsquoA agrave faire la distinction entre lrsquoaspect theacuteologal et lrsquoaspect historique de la vie religieuse laquo [hellip] il serait inexact de suggeacuterer que ce fut Jeacutesus historique qui aurait inaugureacute la vie religieuse Comme toute la vie chreacutetienne la vie religieuse trouve son modegravele sa figure dans la description des faits et gestes paroles et actes de Jeacutesus rapporteacutes dans les Eacutevangiles raquo (p 18) Lrsquoexhortation apostolique Vita Consecrata6 mettant un terme aux heacutesitations eccleacutesiales seacuteculaires sur la validiteacute de la vie religieuse vient apporter un atout agrave lrsquointeacuterecirct et agrave la pertinence de cette eacutetude

5 LrsquoA choisit drsquoutiliser lrsquoexpression laquo vie religieuse raquo plutocirct que laquo vie consacreacutee raquo en srsquoappuyant sur trois arguments anthropologique de theacuteologie sacramentaire et eccleacutesiale (cf p 20-26)

6 JEAN-PAUL II Vita Consecrata Exhortation apostolique post-synodale sur la vie consacreacutee et sa mission dans lrsquoEacuteglise et dans le monde Montreacuteal Meacutediaspaul 1996 211 p

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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La Vie drsquoAntoine7 un classique de la litteacuterature spirituelle monastique est la plus importante source pour comprendre le commencement de la vie religieuse LrsquoA choisit cette haute figure du monachisme chreacutetien pour appuyer son hypothegravese drsquoune vie religieuse toujours agrave commencer En six chapitres lrsquoouvrage nous fait deacutecouvrir les grandes eacutetapes drsquoAntoine cet laquo homme de Dieu raquo et laquo ami des hommes raquo comme autant drsquoexpeacuteriences toujours agrave commencer Apregraves la conversion agrave la parole eacutevangeacutelique (ch 1) laquo Si tu veux ecirctre parfait va vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et viens suis-moi tu auras un treacutesor dans le ciel raquo (Mt 1921) la vie monastique commence avec Antoine Deacutesormais il vivra un commencement toujours agrave renouveler commencer agrave devenir moine (ch 2) la contribution drsquoAthanase au commencement drsquoAntoine (ch 3) commencer en traversant un deuil (ch 4) lrsquoopposition des deacutemons au commencement drsquoAntoine (ch 5) et la victoire drsquoAntoine sur toutes ces expeacuteriences de commencement (ch 6) En examinant le chemin parcouru par Antoine agrave travers ses expeacuteriences de commencement dans la vie monastique lrsquoouvrage fait ressortir lrsquooriginaliteacute drsquoAntoine dans lrsquoinauguration de la vie religieuse poursuivie par des geacuteneacuterations apregraves lui Pour conclure sa recherche lrsquoA sans vouloir prendre le laquo risque de scheacutematiser une reacutealiteacute par essence dynamique raquo (p 201) tient agrave expliquer la diffeacuterence entre un laquo deacutebutant raquo et un laquo commenccedilant raquo dans la vie religieuse Cette distinction relue agrave la lumiegravere de la Vie drsquoAntoine lui permet drsquoapporter un dernier argument en faveur de lrsquohypothegravese qui traverse tout lrsquoouvrage laquo la vie religieuse ccedila nrsquoarrecircte pas de commencer raquo (p 9 et 201)

Lrsquoabondance des notes de bas de pages le vocabulaire drsquoune grande profondeur spirituelle mais aussi theacuteologique mystique et psychologique de mecircme que lrsquoanalyse attentive de la Vie drsquoAn-toine ouvrage fondateur de la vie monastique aide le lecteur agrave mieux saisir le rocircle de la vie reli-gieuse et plus largement encore la place de la religion et des valeurs qursquoelle veacutehicule dans la culture de nos socieacuteteacutes cosmopolites occidentales Enfin lrsquoA nous fait le cadeau de preacutesenter en annexe de son ouvrage la traduction par GJM Bartelink8 du texte inteacutegral de la Vie drsquoAntoine drsquoAthanase drsquoAlexandrie Quiconque lit cet ouvrage deacutecouvre en Antoine un moine ideacuteal toujours actuel et imitable pour tous ceux qui veulent vivre leur propre vie religieuse ou leur vie de foi au Christ ressusciteacute comme un continuel commencement

Lucian Dicircncatilde

7 Vahan HOVHANESSIAN Third Corinthians Reclaiming Paul for Christian Orthodoxy New York Peter Lang Publishing (coll laquo Studies in Biblical Literature raquo 18) 2000 XV-202 p

Ce volume constitue la premiegravere monographie consacreacutee agrave la Correspondance apocryphe entre Paul et les Corinthiens (3 Co) depuis celle de P Vetter (1894)9 En introduction Vahan Hovhanes-sian preacutesente drsquoabord la Correspondance et les diffeacuterents teacutemoins du texte Il y discute ensuite de quelques citations de la Correspondance rencontreacutees dans la litteacuterature syriaque et armeacutenienne et donne enfin un aperccedilu de lrsquohistoire de la recherche Dans le chapitre intituleacute laquo Establishing the Original Text raquo lrsquoA traite de la question de la relation entre les Actes de Paul et la Correspondance et aussi de la relation entre les diffeacuterents teacutemoins du texte Sur la base des diffeacuterences theacuteologiques textuelles et stylistiques entre les Actes de Paul et la Correspondance lrsquoA conclut que celle-ci ne

7 Athanase drsquoAlexandrie eacutecrit cet ouvrage sous la forme drsquoune Lettre adresseacutee aux moines qui choisissent comme Antoine de vivre lrsquoideacuteal eacutevangeacutelique dans lrsquoascegravese et la priegravere en se reacutefugiant dans le deacutesert LrsquoA met au service de ses recherches le progregraves des sciences humaines pour rendre encore plus actuel le mes-sage eacutevangeacutelique veacutehiculeacute et mis en forme par la plume drsquoAthanase dans la Vie drsquoAntoine

8 ATHANASE DrsquoALEXANDRIE Vie drsquoAntoine introduction texte critique notes index et traduction par GJM BARTELINK Paris Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 400) 1994 432 p

9 P VETTER Der apokryphe dritte Korintherbrief Vienne Tuumlbingen Universitaumltsschrift 1894 100 p

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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constituait pas originellement une partie des Actes de Paul mais eacutetait plutocirct un document indeacutepen-dant qui y fut inteacutegreacute plus tardivement Lrsquoanalyse des leccedilons de onze passages du texte de la Corres-pondance amegravene Hovhanessian agrave conclure que le texte conserveacute par le papyrus grec Bodmer X est celui qui preacutesente le moins drsquointerpolations et qursquoil doit donc ecirctre consideacutereacute comme le manuscrit qui contient le texte le plus proche de lrsquooriginal Il en donne drsquoailleurs une nouvelle traduction anglaise agrave la fin du chapitre Dans le dernier chapitre de son ouvrage lrsquoA brosse un tableau de la contro-verse qui seacutevissait autour de la figure de Paul au deuxiegraveme siegravecle controverse qui mena agrave la com-position de pseudeacutepigraphes pauliniens Il y preacutesente eacutegalement une analyse de la theacuteologie de la Correspondance articuleacutee autour de quatre thegravemes la naissance de Jeacutesus par Marie le rocircle des prophegravetes le Dieu tout-puissant et la reacutesurrection des morts Cette analyse lrsquoamegravene agrave constater le caractegravere geacuteneacuteral de la reacutefutation de la Correspondance qursquoil croit cependant dirigeacutee contre les Valentiniens et plus particuliegraverement contre les Ophites en raison des deux allusions au serpent qursquoon trouve dans la lettre de Paul (versets 20 et 38) ce qui ferait de la Correspondance une production de la fin du deuxiegraveme siegravecle Agrave la fin du volume on trouve trois appendices qui con-tiennent une synopse des onze passages eacutetudieacutes au chapitre II une retranscription du texte grec du papyrus Bodmer X tireacutee de lrsquoeditio princeps de M Testuz10 et une retranscription du texte armeacutenien de la Correspondance tireacutee de la Bible de Zohrab11 Ce livre contient eacutegalement une bibliographie et un index theacutematique

Ce volume mrsquoa laisseacute sur mon appeacutetit pour plusieurs raisons Premiegraverement le lecteur doit se meacutefier des reacutefeacuterences donneacutees par lrsquoA Par exemple agrave la p 11 lrsquoA nous renvoie agrave lrsquoExposeacute IV 12 drsquoAphraate alors que le passage auquel il se reacutefegravere se trouve en VI 12 Agrave la p 55 dans une discus-sion sur le concept de la reacutesurrection dans les Actes de Paul Hovhanessian mentionne que Paul dit de la reacutesurrection qursquoelle survient par la procreacuteation et par la connaissance du vrai Dieu alors que le texte rapporte plutocirct les paroles des adversaires qui veulent la perte de Paul soit Deacutemas et Hermo-gegravene Aux p 35 et 58 lrsquoA suggegravere que le manuscrit latin de Zurich contient la lettre de Paul alors que la particulariteacute de ce teacutemoin est justement son absence Agrave la p 69-70 lrsquoA indique que la men-tion laquo promis par les prophegravetes raquo (verset 13 de la lettre de Paul) du texte armeacutenien est unique mais elle se rencontre aussi dans le manuscrit latin de Berlin Deuxiegravemement nous pouvons aussi lui reprocher son manque de rigueur dans la seacutelection des manuscrits qursquoil deacutecide de conserver pour son analyse (p 56-76) Troisiegravemement Hovhanessian adopte la deacutefinition du mot laquo gnosticisme raquo retenue lors du congregraves de Messine en 1966 (cf chap 3 n 2 p 171) deacutefinition qui teacutemoigne drsquoune vision eacutetroite et restrictive du pheacutenomegravene Finalement certains passages laissent transparaicirctre une vision un peu simpliste de lrsquohistoire du christianisme ancien par une opposition trop systeacutematique des notions drsquoorthodoxie et drsquoheacutereacutesie Il laisse ainsi croire qursquoil existait une orthodoxie doctrinale unique au deuxiegraveme siegravecle ce qui nrsquoest pas le cas la reacutealiteacute eacutetant beaucoup plus complexe Somme toute nous avons lagrave un livre qui peut ecirctre inteacuteressant agrave condition de lrsquoutiliser avec prudence et discernement

Steve Johnston

10 M TESTUZ laquo Papyrus Bodmer X La Correspondance apocryphe des Corinthiens et de lrsquoapocirctre Paul raquo dans M TESTUZ Papyrus Bodmer X-XII Cologne Genegraveve Bibliotheca Bodmeriana 1959 p 9-45

11 J ZOHRAB Astuatsashunchrsquo Matean hin ew nor Ktakarantsrsquo Venise Srboyn Ghazaru 1805 p 25-27 Une reproduction en fac-simileacute de ce volume a eacuteteacute publieacutee en 1984 C COX The Zohrab Bible Delmar Caravan Books

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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8 Stephen SPENCE The Parting of the Ways the Roman Church as a Case Study Leuven Dudley Mass Peeters Publishers (coll laquo Interdisciplinary Studies in Ancient Culture and Religion raquo 5) 2004 VI-404 p

Le but de ce livre est de se concentrer sur ce qui est le plus souvent laisseacute agrave lrsquoarriegravere-plan des eacutetudes neacuteotestamentaires agrave savoir les combats drsquoun nouveau mouvement religieux pour srsquoeacutetablir en tant que communauteacute indeacutependante Le cas eacutetudieacute est lrsquoEacuteglise de Rome et lrsquoapproche utiliseacutee com-bine agrave la fois la meacutethode historique et un modegravele sociologique Lrsquoapproche proprement historique consiste agrave analyser les donneacutees disponibles sur lrsquoEacuteglise de Rome mdash il faudrait plutocirct parler des Eacuteglises en les comparant agrave celles dont on dispose agrave propos de groupes comparables collegia synagogues et autres associations volontaires Le modegravele sociologique utiliseacute est emprunteacute aux travaux de Rodney Stark qui distinguent deux types de nouveaux mouvements religieux la secte et le culte La secte est un mouvement de renouveau interne agrave une tradition religieuse particuliegravere alors que le culte est un mouvement religieux dont lrsquoorigine est exteacuterieure agrave la socieacuteteacute ou agrave la culture dans lesquelles il est importeacute Un nouveau mouvement religieux peut donc ecirctre agrave la fois lrsquoun et lrsquoautre Ainsi le mouvement des deacutevots de Krishna pourra ecirctre une secte pour un hindou mais un culte pour un adepte drsquoorigine chreacutetienne Cette distinction est importante dans la mesure ougrave les eacutetudes contemporaines montrent que les membres drsquoune secte et les membres drsquoun culte nrsquoadoptent pas la mecircme attitude agrave lrsquoeacutegard de leur tradition religieuse drsquoorigine ou agrave lrsquoeacutegard de la socieacuteteacute am-biante En effet les membres drsquoune secte dont le but est de renouveler leur propre tradition reli-gieuse de lrsquointeacuterieur auront tendance agrave se montrer tregraves fidegraveles aux exigences de cette tradition alors que les adeptes drsquoun culte drsquoorigine eacutetrangegravere auront tendance agrave minimiser lrsquoeacutecart entre ce culte et la socieacuteteacute agrave laquelle ils appartiennent

Dans le cas des premiegraveres geacuteneacuterations chreacutetiennes dont lrsquoorigine ethnique et religieuse est double juive ou hellegravene la distinction est importante En effet un adepte drsquoorigine religieuse juive cherchera tout en adheacuterant agrave la foi nouvelle agrave se montrer fidegravele aux exigences du judaiumlsme afin de montrer que sa foi est en reacutealiteacute le vrai judaiumlsme ce faisant il aura tendance agrave accentuer lrsquoeacutecart avec la socieacuteteacute ambiante Au contraire un adepte drsquoorigine hellegravene adoptera la nouvelle foi en cherchant agrave la rendre plus acceptable au milieu ambiant en reacuteduisant cet eacutecart et par conseacutequent en augmen-tant la distance avec le judaiumlsme Par conseacutequent au sein des premiegraveres Eacuteglises chreacutetiennes deux tendances diameacutetralement opposeacutees devaient srsquoaffronter une tendance judaiumlsante chez les fidegraveles originaires du judaiumlsme pour lesquels le nouveau mouvement eacutetait une secte interne au judaiumlsme (le parti des Nazoreacuteens [Ac 245] agrave cocircteacute de ceux des Pharisiens ou des Sadduceacuteens [Ac 517]) et une tendance helleacutenisante chez les fidegraveles drsquoorigine hellegravene pour lesquels le mouvement eacutetait un culte oriental plus ou moins exotique comme lrsquoeacutetaient agrave leurs yeux le judaiumlsme lui-mecircme aussi bien que les autres cultes eacutetrangers

Ce modegravele appliqueacute aux donneacutees disponibles concernant les Eacuteglises de Rome au premier siegravecle probablement celles dont lrsquohistoire est la mieux documenteacutee amegravene lrsquoA agrave conclure que la seacuteparation des voies (the parting of the ways) une meacutetaphore pour deacutecrire la seacuteparation entre lrsquoeacuteglise et la synagogue a ducirc intervenir degraves la fin des anneacutees 50 ou le deacutebut des anneacutees 60 soit avant la perseacutecution de Neacuteron

Apregraves un premier chapitre proposant une introduction theacuteorique et meacutethodologique dans la-quelle lrsquoA deacutenonce le biais ideacutealiste qui tend agrave privileacutegier les ideacutees et les doctrines au deacutetriment des reacutealiteacutes sociales lorsqursquoon eacutetudie les commencements du christianisme les deux chapitres suivants sont consacreacutes respectivement aux rapports des chreacutetiens de Rome avec le judaiumlsme et avec les autoriteacutes romaines Le chapitre 4 est consacreacute aux effets de lrsquoeacuteconomie religieuse romaine sur

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

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Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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lrsquoeacuteglise de Rome une eacuteconomie qui diffegravere substantiellement selon qursquoon la considegravere du point de vue des eacutelites romaines elles-mecircmes ou du petit peuple beaucoup plus cosmopolite Le chapitre 5 est consacreacute agrave lrsquoanalyse de la lettre de Paul aux Romains Le chapitre 6 considegravere les autres docu-ments disponibles soit lrsquoEacutepicirctre aux Heacutebreux la prima Clementis le Pasteur et la Lettre aux Ro-mains drsquoIgnace du point de vue des lumiegraveres qursquoils peuvent jeter sur la question de la seacuteparation des voies Une conclusion et deux annexes consacreacutees aux reacutefeacuterences aux synagogues romaines rencon-treacutees dans les catacombes et aux caracteacuteristiques des sectes chez les diffeacuterents sociologues du vingtiegraveme siegravecle de mecircme qursquoune abondante bibliographie complegravetent le tout

Issu drsquoune thegravese de doctorat cet ouvrage drsquoune clarteacute exemplaire aux plans theacuteorique et meacutetho-dologique apporte une contribution majeure agrave lrsquoeacutetude du deacuteveloppement de lrsquoeacuteglise romaine du premier siegravecle non pas tant en raison de la nouveauteacute ou de lrsquooriginaliteacute des conclusions auxquelles il arrive mais en raison du chemin qursquoil parcourt pour y arriver En ce sens il apporte un compleacute-ment remarquable agrave lrsquoouvrage de Peter Lampe reacutecemment traduit en anglais Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte12

Louis Painchaud

9 Alan F SEGAL Life After Death A History of the Afterlife in the Religions of the West New York Doubleday 2004 XII-866 p

Alan Segalrsquos book Life After Death is a remarkable survey of the notions of heaven hell and life after death in the western tradition With an enjoyable style and expertise Segal guides the reader through the biblical tradition from ancient Hebrew notions to patristic and rabbinic writings When necessary he discusses other culturesrsquo notions of the afterlife as a possible background to or influence on the Judeo-Christian ideas There are for example chapters on Egyptian Iranian and Greco-Roman views However the latter should have perhaps deserved more space and attention than it did especially taking the subtitle of Segalrsquos book into account Islam plays a specific role in the book Not only is the whole work framed by the question of the motivation of the hijackers of September 11th but most of the discussion of the Quran and Islamic notions of the afterlife is filtered through 911 and the Israeli-Palestinian conflict No doubt chapter 15 dealing with Islamic notions of the afterlife which is mostly devoted to the above-mentioned horrible events does make extremely interesting reading However in my opinion Segal would have been wise to leave out some of the political discussion including his suspicion of Iraqrsquos involvement in 911 or pointing out connections between the Muslim world and Nazi Germany (p 671 ff)

An interesting and strong feature in Segalrsquos book is his efforts to link the subject matter to modern issues and events In addition to Islamic terrorism he devotes some space to the discussion of neurological states underlying religious experiences and religiously interpreted or altered states of consciousness (ch 8) One of the recurring themes in the book is the often conflicting co-existence between the Greek notion of the immortality of the soul and the Jewish idea of the resurrection of the body Segal is strong in discussing Paul (ch 10) rabbinic Judaism (ch 14) and Christian anti-Judaism (p 453 ff) However his sober discussion about the definition of Gnosti-cism (p 537 ff) is in my view slightly eclipsed by his strange definition of Sethian Gnosticism Segal chooses Hypostasis of the Archons as the sole representative of Sethianism and states that

12 P LAMPE From Paul to Valentinus Christians at Rome in the First Two Centuries Minneapolis Fortress Press 2003 traduction par M Steinhauser de la deuxiegraveme eacutedition de Die stadtroumlmischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten Untersuchungen zur Sozialgeschichte Tuumlbingen JCB Mohr (P Siebeck) (coll laquo Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament raquo Reihe 2 18) 1989

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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ldquoWe can characterize the Hypostasis of the Archons as a Sethian text due to the portrayal of Eve and the serpent as salvific charactersrdquo (p 560) Neither one of these features is included in any meaningful definition of Sethianism nor does the serpent play a salvific role in more than two of the 16 texts normally included in the Sethian corpus

Despite some of the minor shortcomings Segalrsquos work is a learned and very well written book accessible and useful to students and scholars alike The summary at the end of the book is also useful due to the massive amount of data in the volume

Tuomas Rasimus

Gnose et manicheacuteisme

10 Karen L KING What is Gnosticism Cambridge Mass London The Belknap Press of Harvard University Press 2003 XIV-343 p

Ce livre ne propose pas une description de tous les groupes textes et ideacutees qui ont eacuteteacute attribueacutes au gnosticisme il nrsquoest pas davantage un compte rendu exhaustif de lrsquoeacutetude du gnosticisme au vingtiegraveme siegravecle Son but est plutocirct de contribuer agrave la vaste entreprise de deacuteconstruction de lrsquohistoire du christianisme en examinant comment lrsquohistoriographie moderne en est venue agrave inventer une nouvelle religion le gnosticisme agrave partir de poleacutemiques chreacutetiennes anciennes et sous lrsquoinfluence de lrsquohistoricisme deacutecoulant du siegravecle des Lumiegraveres du colonialisme et de la pheacutenomeacutenologie exis-tentielle Crsquoest en ces termes que lrsquoA preacutesente son propos (p VIII) Dans un premier chapitre elle pose la question de savoir pourquoi le gnosticisme est si difficile agrave deacutefinir (p 5-19) soulevant les problegravemes lieacutes au processus mecircme de deacutefinition Dans le dernier paragraphe King preacutecise le but qursquoelle poursuit examiner comment le discours des poleacutemistes chreacutetiens anciens a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme et montrer comment cela a biaiseacute notre analyse des textes anciens dans le but non seulement drsquoen arriver agrave pouvoir eacutecrire une histoire qui rende mieux compte du christianisme ancien dans toute sa diversiteacute mais aussi de pouvoir critiquer les politiques de diffeacuterenciation religieuse plutocirct que de reproduire inconsciemment leurs strateacutegies et leurs effets (p 19) Le deuxiegraveme preacutesente la construction du gnosticisme comme heacutereacutesie chreacutetienne (p 20-54) Le troisiegraveme intituleacute laquo Adolf von Harnack and the essence of Christianity raquo expose lrsquoinfluence qursquoeurent sur cet auteur les discours chreacutetiens anciens agrave propos de la construction de lrsquoidentiteacute chreacutetienne (p 55-69) Le quatriegraveme srsquoattaque agrave lrsquoeacutecole de lrsquohistoire des religions (p 71-109) qui attribue au gnosticisme une origine exteacuterieure au christianisme srsquoattardant aux contributions de Reitzenstein et de Bousset Le cinquiegraveme chapitre est consacreacute agrave la remise en question de la notion de gnosticisme (p 110-149) Les sixiegraveme et septiegraveme chapitres reprennent la question des cateacutego-ries et des origines telles qursquoelles se posent apregraves la deacutecouverte de Nag Hammadi (p 149-190) et celle des typologies (p 191-217) Le dernier chapitre intituleacute laquo The end of Gnosticism raquo (p 218-238) tient lieu de conclusion LrsquoA y insiste non pas sur le rejet de la cateacutegorie laquo gnosti-cisme raquo comme telle et ne propose pas de la remplacer par une autre comme lrsquoa fait Williams mais appelle plutocirct agrave un usage critique conscient des distorsions qursquoimplique cette notion Le volume est compleacuteteacute par une longue note meacutethodologique (p 239-248) par une bibliographie et un index indispensables pour qui voudra approfondir la reacuteflexion sur les questions souleveacutees

Le principal inteacuterecirct de ce livre est double drsquoune part il procure un bon survol de lrsquohistoire du concept de gnosticisme et de son utilisation et drsquoautre part le parcours proposeacute est nourri drsquoune perspective critique et eacutethique clairement exposeacutee principalement dans la note meacutethodologique influenceacutee par Foucault et Bourdieu et dans une moindre mesure par Schuumlssler Fiorenza Tout

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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discours qursquoil srsquoagisse du discours heacutereacutesiologique ancien ou du discours scientifique moderne sera donc analyseacute comme une construction sociale et replaceacute dans son contexte politique En ce sens il nrsquoest jamais inutile de rappeler que le discours moderne sur le gnosticisme a eacuteteacute et demeure le produit de personnes appartenant agrave des institutions universitaires ou religieuses elles-mecircmes lieacutees agrave la deacutefinition normative du christianisme et qui de ce fait peuvent avoir tendance agrave reprendre ou agrave transposer lrsquoancien discours sur lrsquoorthodoxie et lrsquoheacutereacutesie

En deacutefinitive cet ouvrage ne met eacutevidemment pas en cause lrsquoexistence au deuxiegraveme siegravecle du pheacutenomegravene que veulent deacutecrire les cateacutegories drsquoheacutereacutesie ou de gnosticisme il rappelle utilement que Valentin Basilide ou les autres figures que lrsquoon range sous ces eacutetiquettes nrsquoont pas eu drsquoexistence en tant qursquoheacutereacutetiques ou en tant qursquoexemples du laquo gnosticisme raquo avant que ces eacutetiquettes ne fussent inventeacutees par les anciens poleacutemistes ou les penseurs modernes (p 224) Voilagrave un livre qui ne srsquoadresse pas uniquement au speacutecialiste du gnosticisme mais agrave quiconque srsquointeacuteresse agrave lrsquohistoire du christianisme et agrave sa critique theacuteorique et meacutethodologique On pourra regretter qursquoen preacutesentant son survol historiographique comme une seacutelection de cas ougrave le discours heacutereacutesiologique ancien a influenceacute la recherche moderne sur le gnosticisme (p 54) lrsquoA est ameneacutee agrave passer sous silence les chercheurs qui depuis Graetz13 (1846) jusqursquoagrave Pearson14 en passant par Friedlaumlnder15 (1898) et Scholem16 (1962) ont accordeacute une place centrale agrave la composante juive dans la construction du concept de gnosticisme

Louis Painchaud

11 Majella FRANZMANN Jesus in the Manichaean Writings Edinburgh TampT Clark Ltd Pub-lishers 2003 XIV-168 p

In this follow-up to her previous study of Jesus in the Nag Hammadi texts (1996) Australian scholar Majella Franzmann directs her attention to the Jesus of the Manichaean writings In brief as a response to the assertion by several scholars during the 20th century that there are multiple Jesuses in Manichaeism Franzmannrsquos study re-affirms the position that in actual fact there is only one who appears in many guises (p 144) While this is a conclusion that appears obvious enough17 it seems as though the preconceptions of previous scholars such as H-J Klimkeit (p 102) about the ldquohistoricalrdquo or the ldquoGnosticrdquo Jesus have gotten in the way of their ability to interpret the many masks that Jesus wears within the context of Manichaean thinking (p 108) As a result Franzmann has felt compelled to re-assert the idea that Mani and the earliest Manichaeans especially adored only one Jesus (p 1 105) While I have no objections per se about the conclusion that is reached it is the way that Franzmann gets there that I find somewhat problematic

13 H GRAETZ Gnosticismus und Judentum Krotoschin BL Monasch und Sohn 1846 14 BA PEARSON laquo Friedlaumlnder Revisited Alexandrian Judaism and Gnostic Origins raquo Studia Philonica 2

(1973) p 23-39 laquo Jewish Elements in Gnosticism and the Development of Gnostic Self-Definition raquo dans EP SANDERS eacuted Jewish and Christian Self-Definition Vol 1 The Shaping of Christianity in the Second and Third Centuries Londres SCM Phidadelphie Fortress 1980 p 151-160 240-245

15 M FRIEDLAumlNDER Der vorchristliche juumldische Gnosticismus Goumlttingen Vandenhoeck amp Ruprecht 1898 16 GG SCHOLEM Jewish Gnosticism Merkabah Mysticism and Talmudic Tradition New York Jewish

Theological Seminary 1965 17 It is difficult to imagine someone wanting to consider the various Jesus figures in mainstream Christianity

(such as Jesus Christ Our Lord and Saviour Christ Jesus the Christ child Son of Man or Son of God) as separate Jesuses but the temptation seems to exist for Manichaeism

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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To begin with in Chapter 1 Franzmann suggest that what distinguishes her study for most previous examinations of Manichaean Christology is the fact that she is not restricting herself to one regional or linguistic source base mdash the desired result being a comprehensive and holistic view of the Manichaean Jesus While she admits that Eugen Rose (1979) who reached the same conclu-sion about the unity of Jesus in Manichaeism18 was criticized particularly by Klimkeit (p 12) for ldquoputting all the texts together indiscriminatelyrdquo (p 3) Franzmann has repeated the same methodo-logical error For some reason she sweeps aside the entire issue with the statement that since Rose ldquono further attempt has been made to find a methodologically sound route through the predicament of a multitude of texts from different times and placesrdquo (p 3) mdash a statement that is not entirely accurate A logical first step it seems to me would have been not to follow the same procedure as Rose This however is precisely what has occurred

Structurally Franzmannrsquos study is organized according to theme with separate chapters devoted to individual figures of Jesus such as Jesus the Splendour (Chapter 3) Jesus the Apostle of Light (Chapter 4) Jesus the Judge (Chapter 5) etc This in itself is not a problem but the way in which the textual evidence is assembled within each chapter does present some difficulties It is not uncommon for Latin Coptic Iranian and Chinese sources to be cited on the same page (see p 39 et passim) with little or no attention paid to their setting or provenance In fact it could be said that the sources are cited ldquoindiscriminatelyrdquo or at least viewed as implicitly consistent In my view such a procedure cannot be justified While there certainly was a degree of consistency in the transmission of Manichaean ideas they had to have been conditioned by their cultural setting In fact Franz-mannrsquos statements on the occurrences of Jesus the Youth and Jesus the Moon demonstrate that regional differences did count19 It cannot be assumed that Aramaic or Coptic speaking Manichaeans in third or fourth century Mesopotamia or Egypt would have had identical attitudes towards Jesus as Sogdian merchants or Chinese courtiers from the ninth or twelve centuries Attention therefore must be paid to social historical or linguistic factors that undoubtedly influenced the transmission of Manichaeism A more refined procedure such as this is not without precedent in Manichaean Studies Jason BeDuhn in his recent study of Manichaean ritual was careful to establish a firm methodological basis and to distinguish between the ldquowesternrdquo ldquocentralrdquo and ldquoeasternrdquo contexts of Manichaeism within each chapter even though he suggested that Manichaean ldquoritual practices were more conservatively maintained than Manichaean discourse in generalrdquo (The Manichaean Body 2000 p 7) By way of contrast the literary-comparative approach undertaken by Franzmann appears outdated and has resulted in a superficial treatment of the sources20

In addition to the need for more socio-historical context more attention could have been paid to the individual characteristics of the texts more frequently cited In particular by making reference to the Kephalaia the Psalm Book or the Homilies Franzmann tends to treat them as unified works and to overlook the fact that within these codices are individual compositions and sub-groupings with their own unique rhetorical aims authors contexts and provenance While admittedly it is not always obvious or even known what such characteristics are they undoubtedly influenced the way in which Jesus is described in texts such as the Bema Psalms the Psalms of

18 Rose suggested that all the Jesus figures were merely ldquohypostasizationsrdquo of the Manichaean Christ (p 11) 19 According to Franzmann Jesus the Youth is not known in Iranian or Chinese sources (p 123-124) while

Jesus the Moon exists only in eastern texts (p 129) 20 The thematic structure could be maintained with a division of sources by region within each chapter

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

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Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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Heracleides21 The Sermon on the Crucifixion or particular Kephalaia chapters22 If modern Manichaean Studies is going to mature more attention needs to be paid to understanding the internal dynamics and characteristics of the surviving texts

This brings me to a further point In light of the fact that Manichaean Studies continues to develop and large portions of text remain to be published Franzmannrsquos study appears somewhat premature Perhaps it would have been preferable to wait until the immanent publication of the remains of Manirsquos letters from Medinet Madi and Kellis Indeed the letters are mentioned in her chronology of sources (p 13)23 This might have enabled Franzmann to incorporate important new data from Mani himself whose intense personal attachment to Jesus24 will soon necessitate a re-examination of the Christological question thereby outdating Franzmannrsquos efforts

A final comment concerns consistency of approach On page 1 Franzmann states that this ldquopresent work recognizes that Christian elements and the Jesus figure have a central place (emphasis added) in Manichaeismrdquo25 but by page 144 she feels compelled to admit that ldquoperhaps in the end the Manichaean Jesus is not essential to the function and coherence of the entire Manichaean myth as suchrdquo This comment relates to the realization late in the work that the correspondences among Manichaean theological figures may lie within the deep-structure of the Manichaean myth ie that Jesus himself may ultimately be an extension of Primal Man Unfortunately however this important question lay beyond the scope of Franzmannrsquos study Nevertheless such an admission seems to weaken the bookrsquos central thesis about the unity of the Manichaean Jesus A similar turn-around is made on page 143 where Franzmann suggests that certain inconsistencies among the Jesus figures could be attributed to the fact that perhaps Manichaeism ldquowas never intended to be a logical systemrdquo (p 143) This is another attempt to avoid important methodological problems One need only peruse a few chapters from the Kephalaia to observe an intense interest (even obsession) with systematization The problem is that the textual remains we possess provide us with incomplete ldquosnapshotsrdquo of a religion whose ideas were in evolution and responding to ever increasing cultural and temporal distance from the founder Attributing inconsistencies to a lack of logic does not do justice to the complexity of the sources

While Jesus in the Manichaean Writings is a detailed and amply documented study of Manichaean Christology the work as a whole suffers from its lack of a clear and consistent methodological frame I would have preferred a more systematic approach that took into account the socio-historical and literary characteristics of the sources Even though modern Manichaean studies still lacks a solid methodological basis for dealing with such a diverse set of linguistic and socio-historical contexts that does not mean the attempt should not be made to do integrative research This particular attempt unfortunately left me disappointed

Timothy Pettipiece

21 Some of the few allusions to literary-critical characteristics are drawn from S Richter (1994) 22 Franzmann disputes Iain Gardnerrsquos suggestion that Manichaean language about Jesus could have varied

depending on the mode of discourse (p 72) 23 Franzmann suggests a chronology of sources from Manirsquos letters to the Cologne Mani Codex to the

Shaburagan Kephalaia Psalm Book and Homilies (p 13) No reference is made to the Synaxeis (of the Living Gospel) or other fragments from ldquocanonicalrdquo works Also the chronology of the Medinet Madi codices is by no means certain

24 In his letters Mani describes himself as ldquoan apostle of Jesus Christrdquo 25 See also p 7 ldquoJesus is of central or at least great significance to the Manichaean systemrdquo

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

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Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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12 Iain GARDNER Samuel NC LIEU ed Manichaean Texts from the Roman Empire Cam-bridge New York Cambridge University Press 2004 XX-312 p

This long-awaited volume from Australia-based scholars Iain Gardner (University of Sydney) and Samuel NC Lieu (Macquarie University) constitutes the first anthology of non-Central Asian Manichaean texts in English thereby filling a great need in the ever-expanding field of Manichaean Studies Its stated aim is to provide an accessible and readable selection of Manichaean texts that can be used as ldquoan introductory source-bookrdquo by instructors students and interested readers (p 3) As such the editors have collected a rich selection of texts from Medinet Madi and Kellis supplemented by a wide variety of fragments and testimonies from Christian26 pagan27 and Muslim28 critics and observers of the movement Also included are a small number of Iranian texts providing information about Manichaean activities in the Roman Empire The majority of the texts are recently or freshly translated although a few are adapted from previously existing translations29 Particularly welcome inclusions in this volume are the substantial portions of the Homilies codex30 and the updated translation of most of the Cologne Mani Codex (CMC)31 that provide so much important information about the formation and early history of the ldquoReligion of Lightrdquo The selected texts are distributed through a series of thematic chapters dealing with the ldquoLife of Manirdquo (Chap-ter 2) ldquoManichaeism in the Roman Empirerdquo (Chapter 3) ldquoThe Scriptures of Manirdquo (Chapter 4) ldquoTeachingsrdquo (Chapter 5) ldquoWorship and Ethicrdquo (Chapter 6) and ldquoCommunity Textsrdquo (Chapter 7) This distribution while certainly justified leads to some awkward breaks in texts such as the CMC from which the citations from Manirsquos Letter to Edessa and Living Gospel are cut and placed in Chapter 4 Nevertheless the volume is well organized and annotated

Perhaps a bit more difficult to justify is the title of the anthology mdash Manichaean Texts from the Roman Empire mdash since it is not entirely clear what this title is meant to convey Does it refer to the context or content of the texts selected Whether the anthology is meant to collect only those texts that originate or were discovered in the context of the Roman Empire or simply those texts whose content refers to the Roman world is left (perhaps deliberately) ambiguous In actual fact Gardner and Lieursquos anthology seems to be a mixture of both of these potential criteria For instance the CMC and the Homilies while discovered in (Roman) Egypt32 convey in their content early Manichaean history in Sassanian Mesopotamia outside the influence of Rome Similarly the selections from the Psalm Book and the Kephalaia while certainly produced and uncovered in Egypt contain hymns and theological formulations that likely pre-date the Manichaean penetration of Egypt The same could be said for the chapter on Manirsquos scriptures which collects a mixture of fragments and testimonies from Arabic Chinese Greek Latin Syriac and Coptic sources These

26 Selections can be found from Hegemoniusrsquo Acta Archelai Cyril of Scythopolis Didymus the Blind Photius Mark the Deacon Ambrosiaster Augustine Evodius Possidius Severus of Antioch Shenoute Benjamin of Alexandria Codex Iustinianum and Codex Theodosianus

27 Alexander of Lycopolis 28 The major sections from the Fihrist of al-Nadim are included 29 Such as Fuumlgelrsquos 1871 translation of the Fihrist and an Iranian fragment translated by Henning in 1942

Also the selections from the Psalm Book are adapted translations by Allberry (1938) 30 Pages 78-8534 are translated (by the late Sarah Clackson) of the codexrsquos 96 pages (see H-J POLOTSKY

Manichaiumlsche Homilien Stuttgart Kohlhammer 1934) 31 This translation with its useful notes surpasses Dewey and Cameronrsquos earlier English rendering (1979) 32 Unfortunately unlike the more recent Kellis finds both the Medinet Madi and Cologne Mani codices were

entirely divorced from their archaeological setting thus yielding almost no information about their socio-historical setting

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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scriptures while certainly known to Manichaeans in the Roman Empire33 could be said to reflect Manirsquos Aramaic cultural milieu Nevertheless the fact that these texts were obviously read by Manichaeans in the Roman world and played a central role in their liturgical life certainly justifies their inclusion here34 As for the second content-driven criterion Iranian texts (21 and 22) are included because they refer to the missionary activity of Mar Adda Manirsquos emissary to the Roman Empire This is in addition to other specifically ldquoRomanrdquo material such as the evidence from the Church Fathers and texts from the Kellis community

Gardner and Lieu however cannot be faulted for the ambiguity resulting from the title of their anthology since it reflects one of the most important methodological challenges of Manichaean Studies mdash ie the fact that Manichaeism tends to challenge and blur the literary linguistic and socio-historical restraints that are imposed upon it Manichaeans whether in Egypt or Central Asia tended to be mobile commercially minded highly literate and multi-lingual Such characteristics led to the rapid diffusion of their doctrines and practices in a wide variety of cultural and geographic areas Thus if such an introductory collection of texts is to be pedagogically useful it is important for the editors to provide a sense of where Manichaeism came from who its founder was and what it taught An anthology that focused exclusively on Manichaeism in the Roman world might seem superficial without the context provided by texts such as the Homilies and the CMC Besides it should be remembered as Peter Brown pointed out in his classic article on the ldquoDiffusion of Manichaeism in the Roman Empirerdquo (1969) that Manichaeism came into existence in the dynamic cultural matrix of Aramaic Mesopotamia on the margins of both the Roman and Sassanian empires margins that in actual fact were in a constant state of flux As a result any attempt to define Manichaeism as a uniquely Hellenic Semitic Roman or Persian phenomenon fails to do justice to the complex environment from which it emerged and in which it was engaged Thus if this volume is intended to provide an introduction to Manichaeism for students of Roman history or early Christianity and to distinguish itself from previous anthologies then the title should be allowed to stand

Other aspects of Gardner and Lieursquos anthology that are worthy of note are the ldquoList and Concordance of Textsrdquo35 and the ldquoGlossaryrdquo of Manichaean terms and divine beings Both of these indices will prove extremely useful to the uninitiated It should also be mentioned that the 45 pages of introduction do a great deal to situate the reader within the history of both Manichaeism itself and the compelling story of its continuing rediscovery In the absence of an accessible introductory textbook about Manichaeism in English this introduction serves as a useful and up-to-date initiation

In sum then Gardner and Lieu have met a great need by providing English-speaking readers and class-rooms with a readable and teachable anthology that will hopefully facilitate the inclusion

33 ldquoWestern Manichaeanrdquo attitudes to Manirsquos scriptures seem ambiguous given the apparent preference for ldquopatristicrdquo works such as the Kephalaia the Homilies or the Psalm-Book The fact that two separate dis-coveries of Manichaean texts in Egypt have yielded only some of Manirsquos letters and liturgical readings from his Living Gospel (Synaxeis Codex) raises important questions about the development of the Manichaean literary tradition

34 One text that seems conspicuously absent is Theodore bar Konairsquos Syriac account of the Manichaean system which while relatively late is most certainly based on one of Manirsquos own writings (such as the Pragmateia according to Michel TARDIEU Le manicheacuteisme Paris PUF 1981 p 54)

35 Unfortunately some confusion is caused by the fact that the numbers identifying each selection in the list appear in bold-type while the paragraph divisions of individual selections are bolded in the anthology as a whole This tends to make quick retrieval of particular selections a bit difficult

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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of this important late antique religious movement in the curricula of Religious Studies and Ancient History departments from which Manichaeism has all too often been ignored or excluded

Timothy Pettipiece

Eacuteditions et traductions

13 ATANASIO Trattati contro gli ariani Introduzione traduzione e note a cura di Pietro PODO-LAK Roma Cittagrave Nuova Editrice (coll laquo Testi patristici raquo 173) 2003 361 p

Nous saluons avec joie lrsquoeacutedition en italien36 de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoAthanase drsquoAlexandrie Discours contre les Ariens Cette œuvre nous fait deacutecouvrir agrave la fois la personnaliteacute drsquoAthanase et le theacuteologien qursquoil eacutetait appeleacute laquo le Grand raquo Succeacutedant agrave Alexandre en 328 sur le siegravege meacutetropolitain drsquoAlexandrie Athanase passe tout son eacutepiscopat agrave deacutefendre contre les ariens le Symbole de foi signeacute par les laquo quelque 300 pegraveres raquo preacutesents au premier concile œcumeacutenique agrave Niceacutee en 325 et dont la pierre drsquoachoppement eacutetait le terme laquo homoousios raquo Mecircme srsquoil a ducirc subir plusieurs fois lrsquoeacutepreuve de lrsquoexil laquo le pape drsquoEacutegypte raquo se donne les moyens de garder le contact avec ses fidegraveles afin de les encourager agrave vivre dans la foi au Christ vrai Dieu et vrai homme foi heacuteriteacutee des Eacutevangiles et precirccheacutee par les Apocirctres

Dans la courte introduction agrave la preacutesente eacutedition Podolak nous preacutesente le contexte socio-religieux dans lequel Athanase est ameneacute agrave reacutediger ses traiteacutes Contre les Ariens (CA) Tout drsquoa-bord il nous initie agrave la doctrine drsquoArius et agrave la reacuteaction du concile de Niceacutee Ensuite il reacutesume briegravevement les disputes doctrinales post-niceacuteennes en nous rappelant les cinq exils subis par Atha-nase le deacutefenseur acharneacute de la foi niceacuteenne Enfin il preacutesente lrsquoeacutetat de la question sur la paterniteacute et la datation de lrsquoouvrage Concernant la paterniteacute des trois traiteacutes athanasiens il faut souligner lrsquointention louable de Podolak de mentionner briegravevement les thegraveses existantes sur le sujet dont celle de Kannengiesser37 qui a fait lrsquoobjet de critiques assez vigoureuses de la part de Stead La majoriteacute des chercheurs srsquoaccordent aujourdrsquohui pour attribuer agrave Athanase les trois premiers traiteacutes avec comme arguments que les preacuteoccupations fondamentales de lrsquoAlexandrin srsquoy trouvent centraliteacute de lrsquoincarnation du Logos souci scripturaire dans lrsquoargumentation de sa doctrine proceacutedeacutes rheacutetoriques communs aux trois traiteacutes utilisation des mecircmes images pour expliquer les relations entre le Pegravere le Fils et lrsquoEsprit-Saint les normes exeacutegeacutetiques formuleacutees dans le premier traiteacute qui font aussi surface dans le troisiegraveme et ultime livre de lrsquoœuvre Quant au quatriegraveme traiteacute qui nrsquoapparaicirct mecircme pas dans cette eacutedition38 plus personne ne deacutefend sa paterniteacute athanasienne aujourdrsquohui Pour la datation de lrsquoouvrage lrsquoeacutediteur choisit lrsquoanneacutee 340 comme date de la composition des deux pre-miers traiteacutes Le troisiegraveme traiteacute aurait eacuteteacute composeacute un peu plus tardivement soit en 345-34639 Il

36 La langue franccedilaise ne connaicirct pas encore une eacutedition de cet ouvrage Cependant Charles Kannengiesser nous promet que cette lacune sera combleacutee en se chargeant lui-mecircme de faire cette eacutedition dans la collec-tion laquo Sources Chreacutetiennes raquo (cf Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain Paris Beauchesne 1983 p 5)

37 Voir Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 310-315 Reacutecemment Kan-nengiesser a fait sa laquo retractatio raquo en accordant la paterniteacute de ce troisiegraveme traiteacute agrave Athanase Toutefois il demeure assez sceptique sur ce sujet qursquoil ne croit pas fermeacute

38 Markus VINZENT Pseudo-Athanasius Contra Arianos IV Leiden New York EJ Brill (coll laquo Supple-ments to Vigiliae Christianae raquo 36) 1996 aborde la question de la paterniteacute du quatriegraveme traiteacute p 1-57

39 Il est inteacuteressant de consulter aussi lrsquohypothegravese de Charles KANNENGIESSER Athanase drsquoAlexandrie eacutevecircque et eacutecrivain p 374 et suiv

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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ressort du CA 1 1 4 que le destinataire de lrsquoouvrage pourrait ecirctre le propre public drsquoAthanase dont il a charge drsquoacircme en tant que pasteur La meacutethode utiliseacutee par Athanase est donc celle de lrsquoex-position cateacutecheacutetique et pastorale plutocirct que celle de la synthegravese theacuteologique ou philosophique son but eacutetant de garder les fidegraveles des laquo piegraveges des ariens raquo

Le premier traiteacute srsquoouvre par une introduction geacuteneacuterale qui reacutesume la teneur et le but de lrsquoou-vrage Athanase expose la doctrine qursquoil entend combattre tout au long de son travail et qursquoil tire de lrsquoouvrage principal drsquoArius la Thalie Ensuite il reprend les grands thegravemes discuteacutes par les ariens lrsquoeacuteterniteacute la geacuteneacuteration lrsquoimmutabiliteacute et la diviniteacute du Fils pour faire ressortir agrave lrsquoaide de lrsquoEacutecri-ture la veacuteraciteacute de la foi chreacutetienne en la diviniteacute du Logos de Dieu fait homme pour notre salut Le Fils est laquo homoousios raquo (CA 1 9 2) au Pegravere et laquo homoousios raquo agrave lrsquohomme en prenant une vraie chair au sein de la Vierge Marie Le deuxiegraveme traiteacute explique trois grands thegravemes christologiques cosmologiques et soteacuteriologiques la diviniteacute du Fils et lrsquoeacuteconomie du salut la diviniteacute du Fils et la creacuteation de lrsquounivers le Logos de Dieu et le mystegravere du salut offert par philanthropie divine agrave tout ecirctre humain Enfin le troisiegraveme traiteacute se preacutesente sous une structure plus systeacutematique et a une teneur plus cateacutecheacutetique et pastorale Quatre thegravemes sont pris en consideacuteration et sont deacutefendus par Athanase lrsquouniteacute du Pegravere et du Fils lrsquouniteacute des chreacutetiens lrsquoexeacutegegravese de Jn 114 laquo Le Logos srsquoest fait chair raquo et le Logos de Dieu qui nrsquoa pas son origine dans la volonteacute du Pegravere Chaque thegraveme est argumenteacute par la constitution des dossiers bibliques la plupart du temps les mecircmes que ceux des partisans drsquoArius dont Asteacuterius pousse agrave lrsquoextrecircme la doctrine

Tout au long de lrsquoouvrage nous deacutecouvrons un eacutevecircque soucieux de la foi de ses fidegraveles Il se plaint des ariens dont la doctrine deacutetruit lrsquouniteacute de Dieu qui a tout creacuteeacute par et pour le Logos Eacutegalement cette doctrine deacutechire lrsquouniteacute du Christ parce qursquoelle ne reconnaicirct pas en lui le vrai Fils de Dieu et le vrai Fils de lrsquohomme fait chair pour notre salut Enfin les disciples drsquoArius laquo blas-phegravement raquo contre le Dieu Creacuteateur et Pegravere qui engendre depuis toute eacuteterniteacute son Fils Unique La Triniteacute fondatrice de lrsquoeacuteconomie du salut est deacutesunie en faisant intervenir dans sa composition de lrsquoincreacuteeacute le Pegravere et du creacuteeacute le Fils et lrsquoEsprit-Saint Crsquoest pourquoi Athanase nrsquoheacutesite pas agrave nommer la doctrine arienne laquo orgueilleuse raquo car elle preacutetend tout connaicirctre de Dieu Sans le dire comme Ireacuteneacutee de Lyon (Adversus Haereses 5 20 2) Athanase laisse entendre dans son œuvre que lrsquoensei-gnement des ariens est comparable au fruit de lrsquoarbre de la connaissance du bien et du mal et que celui qui y goucircte est expulseacute de lrsquoEacuteglise qui est le vrai paradis de la vie

Cette eacutedition italienne du Contra Arianos se distingue par les nombreux renseignements que nous trouvons dans les notes en bas de page par la clarteacute et la qualiteacute de la traduction et par trois index qui nous permettent un meilleur repeacuterage dans lrsquoœuvre athanasienne Nous pouvons deacuteplorer toutefois la briegraveveteacute de la bibliographie seacutelective proposeacutee Eacutegalement nous attendions un deacutevelop-pement plus consistant des enjeux majeurs et des reacutepercussions que cette œuvre eut pour la posteacuteriteacute chreacutetienne

Lucian Dicircncatilde

14 Le Mystegravere du Christ Contre Apollinaire (IVe s) le deacutefi drsquoun Dieu fait homme Athanase La lettre agrave Eacutepictegravete Pseudo-Athanase De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II Greacutegoire de Nysse Reacutefutation de lrsquolaquo Apodeixis raquo drsquoApollinaire Introduction traduction notes index par Raymond WINLING Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la foi raquo 89-90) 2004 316 p

La collection laquo Pegraveres dans la foi raquo srsquoenrichit en preacutesentant la traduction franccedilaise de trois ouvrages significatifs pour une meilleure compreacutehension du deacutebat christologique et trinitaire au quatriegraveme siegravecle La doctrine arienne condamneacutee agrave Niceacutee en 325 neacutegation de la vraie diviniteacute du

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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Fils trouve son pendant dans la doctrine drsquoApollinaire de Laodiceacutee neacutegation de la pleine humaniteacute du Christ Grand deacutefenseur de la doctrine niceacuteenne et ami drsquoAthanase drsquoAlexandrie Apollinaire commence agrave enseigner une doctrine selon laquelle le Logos aurait assumeacute de la Vierge Marie un corps humain composeacute de trois eacuteleacutements acircme νοῦςet chair Dans cette doctrine laquo orthodoxe raquo agrave premiegravere vue lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee ajoute que le νοῦς humain est remplaceacute par le Logos divin Cette affirmation le conduit agrave deacutefendre la preacuteexistence de la chair du Logos son statut coeacuteternel avec la diviniteacute et sa consubstantialiteacute avec lrsquoοὐσία divine Eacutegalement eacutetant donneacute que le Logos divin remplace le νοῦς humain il est contraint drsquoaccepter les souffrances la passion et la mort de la diviniteacute sur la croix de mecircme que sa descente dans le tombeau Agrave cette doctrine ses disciples ont ajouteacute drsquoautres speacuteculations plus extrecircmes le Logos srsquoest changeacute en chair ou du moins il subit une certaine deacutecheacuteance dans lrsquoincarnation le corps du Logos vient du ciel il est ceacuteleste par conseacutequent il ne peut pas venir de Marie par la voie habituelle des naissances humaines la chair du Logos est consubstantielle agrave Dieu parce qursquoelle est formeacutee de la substance divine du Logos Dans lrsquointroduc-tion de cette traduction franccedilaise R Winling remarque qursquoApollinaire lui-mecircme condamne les deacuterives de certains de ses disciples (p 16-17)

Malgreacute lrsquoamitieacute qursquoAthanase et Basile portent agrave Apollinaire ils se rendent compte du danger de sa doctrine pour la foi de lrsquoEacuteglise Ils affirment qursquoapregraves avoir eacuteteacute un deacutefenseur acharneacute du ni-ceacuteisme lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee a bouleverseacute la doctrine chreacutetienne de lrsquoincarnation Si le Logos nrsquoassume pas tout lrsquohomme (acircme νοῦς chair) il nrsquoest pas sauveur de tout lrsquohomme car ce que le Logos nrsquoa pas assumeacute dans lrsquoincarnation ne peut ecirctre sauveacute Attribuant au Fils de lrsquohomme une humaniteacute imparfaite amputeacutee du νοῦς Apollinaire se situe au mecircme niveau qursquoArius qui attribuait au Fils de Dieu une diviniteacute imparfaite Le pape Damase Eacutepiphane Greacutegoire de Nazianze et Greacute-goire de Nysse ont pris position face agrave la doctrine apollinariste qui a connu un fractionnement en deux groupes apregraves la mort drsquoApollinaire les intransigeants ou synousiastes deacutefendant lrsquounion du Logos et de la chair en une seule essence et les modeacutereacutes eacutevitant les positions extrecircmes de la doc-trine apollinariste Ils eacutecartent la notion de la consubstantialiteacute avec la diviniteacute de la chair du Logos incarneacute Le premier groupe deacutefend donc un apollinarisme radical tandis que le second reste attacheacute agrave la thegravese fondamentale drsquoApollinaire selon laquelle dans le Christ il nrsquoy a pas de νοῦς humain Ce groupe finira par adheacuterer agrave la foi de la grande Eacuteglise

Dans le preacutesent ouvrage Winling rassemble trois des ouvrages majeurs reacutedigeacutes contre la doc-trine apollinariste naissante La Lettre agrave Eacutepictegravete est une reacuteponse drsquoAthanase sur des questions christologiques poseacutees par lrsquoeacutevecircque de Corinthe consubstantialiteacute de la chair du Christ agrave la diviniteacute du Logos changement du Logos divin en chair souffrances et passion de la diviniteacute naissance du corps du Christ de Marie Quaterniteacute ou Triniteacute dans la diviniteacute etc Il est inteacuteressant de remarquer qursquoAthanase ne fait aucune allusion dans cette Lettre agrave la doctrine fondamentale drsquoApollinaire sur le νοῦς humain alors qursquoil aborde tous les autres points qui en deacutecoulent et qui sont deacutefendus soit par Apollinaire lui-mecircme soit par ses disciples les plus intransigeants La meacutethode suivie par Athanase est de prendre les thegraveses une agrave une en les eacutevaluant agrave lrsquoaune des Eacutecritures de lrsquoenseignement apos-tolique et des synodes eccleacutesiastiques afin de confondre ceux qui les propagent et que cesse lrsquoensei-gnement de telles doctrines pleines de honte pour la foi Agrave la fin de la Lettre lrsquoeacutevecircque drsquoAlexandrie encourage Eacutepictegravete agrave exercer son autoriteacute drsquoeacutevecircque en proposant la foi de lrsquoEacuteglise aux fidegraveles telle qursquoelle a eacuteteacute signeacutee agrave Niceacutee De lrsquoIncarnation contre Apollinaire I-II un ouvrage faussement attribueacute agrave Athanase a eacuteteacute reacutedigeacute peu apregraves 373 Deacutejagrave Le Nain de Tillemont avait remarqueacute que le style nrsquoeacutetait pas celui de lrsquoeacutevecircque alexandrin Lrsquoauteur probablement un disciple proche drsquoAtha-nase reacutepond aux questions drsquoun proche (laquo mon tregraves cher raquo) qui lui demande des clarifications au sujet de la foi face agrave tous ceux qui se reacuteclament du Symbole adopteacute agrave Niceacutee tout en proclamant des doctrines laquo eacutetrangegraveres raquo Apregraves la liste des erreurs semblable agrave celle de la Lettre agrave Eacutepictegravete lrsquoauteur

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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prend une agrave une ces doctrines en eacutetablissant les critegraveres selon lesquels une doctrine doit ecirctre reconnue vraie conforme agrave lrsquoEacutecriture enseigneacutee par le Christ precirccheacutee par les apocirctres deacutefinie par les synodes eccleacutesiastiques Le premier traiteacute condamne drsquoabord toute une seacuterie drsquoerreurs groupeacutees autour du thegraveme central la chair increacuteeacutee du Logos Lrsquoauteur srsquoattache ensuite agrave deacutemontrer lrsquoimpieacuteteacute de la doctrine selon laquelle le νοῦς humain serait remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Retrancher au Christ le νοῦς crsquoest aller agrave lrsquoencontre du message eacutevangeacutelique qui nous preacutesente la mission du Christ aboutissant avec la passion la mort et la reacutesurrection La question de fond du second traiteacute est la conseacutequence de lrsquoassomption par le Logos drsquoun νοῦς humain la peccabiliteacute du Christ Lrsquoauteur deacutegage des arguments bibliques en faveur de lrsquoincarnation du Logos ayant assumeacute un corps en tout semblable au nocirctre excepteacute le peacutecheacute pour rendre agrave lrsquohomme lrsquoincorruptibiliteacute et lrsquoimmortaliteacute Le Christ est Sauveur de tout lrsquohomme parce qursquoil assume tout lrsquohomme Enfin le troisiegraveme eacutecrit eacutediteacute dans cet ouvrage est une Reacutefutation par Greacutegoire de Nysse de lrsquoouvrage dogmatique fondamental drsquoApollinaire lrsquoApodeixis Celui-ci comprenait deux parties la premiegravere eacutetait une reacutefutation de la thegravese selon laquelle le Christ serait un homme inspireacute sur lequel serait descendu lrsquoEsprit comme sur les prophegravetes et la seconde preacutesentait la deacutefense de la thegravese drsquoApol-linaire selon laquelle le Christ est agrave comprendre comme laquo Theacuteos ensarkos mdash Dieu dans la chair raquo Dans ce traiteacute lrsquoeacutevecircque de Laodiceacutee visait les antiochiens qui soutenaient la preacutesence dans le Christ de lrsquohomme parfait et de Dieu parfait Il srsquoadresse aussi aux laquo orthodoxes raquo qui deacutefendent la perfec-tion de lrsquohumaniteacute et de la diviniteacute du Christ mais sans expliquer le mode drsquounion entre les deux Il se propose drsquoexpliquer cette union en eacuteliminant le νοῦς humain remplaceacute par le Logos divin dans le Christ Greacutegoire choisit des fragments de cet ouvrage pour reacutefuter des erreurs doctrinales preacutesenteacutees la plupart du temps sous le couvert de lrsquoorthodoxie niceacuteenne Nous devons reconnaicirctre agrave Greacutegoire un double meacuterite drsquoune part il nous donne une vue drsquoensemble de lrsquoeacutecrit dogmatique drsquoApolli-naire et drsquoautre part en le reacutefutant il contribue agrave la formulation christologique qui aboutira agrave Chal-ceacutedoine en 451 par lrsquoaffirmation de la double nature dans le Christ divine et humaine sans meacutelange ni confusion dans une unique personne

Le lecteur deacutecouvre un livre accessible agrave tout public familiariseacute ne serait-ce que peu avec les deacutebats christologiques et trinitaires du quatriegraveme siegravecle Winling met agrave la disposition du lecteur une introduction succincte agrave la vie et agrave la doctrine drsquoApollinaire et drsquoabondantes notes explicatives en bas de page pour une meilleure compreacutehension de la penseacutee des auteurs mentionneacutes Agrave la fin de lrsquoouvrage le traducteur nous offre eacutegalement un inteacuteressant glossaire des termes theacuteologiques apparaissant dans les textes ainsi que trois index biblique des auteurs citeacutes et theacutematique Enfin une courte bibliographie seacutelective introduit aux derniegraveres recherches sur lrsquoapollinarisme et ses adversaires

Lucian Dicircncatilde

15 JEAN PHILOPON La Creacuteation du monde Traduction par Marie-Claude Rosset et Marie-Heacutelegravene Congourdeau introduction notes et guide theacutematique par Marie-Heacutelegravene CONGOURDEAU Paris Migne (coll laquo Pegraveres dans la Foi raquo 87-88) 2004 318 p

Cet ouvrage offre la premiegravere traduction franccedilaise du traiteacute sur La creacuteation du monde de Jean Philopon40 Ce traiteacute dont le titre grec se traduit plutocirct par Exeacutegegravese sur la cosmogonie de Moiumlse est diviseacute en sept livres Les livres I et II portent tous deux sur le premier jour de la creacuteation le li-vre III sur le second le livre IV traite des troisiegraveme et quatriegraveme jours les livres V et VI portent

40 La traduction est baseacutee sur lrsquoeacutedition de G REICHARDT Ioannis Philoponi de opificio mundi libri VII Leipzig Teubner (coll laquo Scriptores sacri et profani raquo fasc I) 1897 Clavis Patrum Graecorum 7265

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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respectivement sur le cinquiegraveme et le sixiegraveme jour et finalement le livre VII poursuit sur le sixiegraveme jour et conclut sur la creacuteation en six jours suivis drsquoun jour de repos Cette structure en sept livres nrsquoest donc pas directement calqueacutee sur le scheacutema biblique des laquo six jours de la creacuteation aug-menteacutes du sabbat raquo (p 26) contrairement agrave ce que suggegravere Mme Congourdeau dans lrsquointroduction de lrsquoouvrage

Bien qursquoil procegravede de faccedilon assez systeacutematique Jean Philopon ne se laisse ainsi pas contrain-dre par la structure du texte biblique et se permet plusieurs digressions Le but de son entreprise nrsquoest pas simplement de fournir un nouveau commentaire du premier reacutecit de la creacuteation sa viseacutee est avant tout apologeacutetique et poleacutemique En effet lrsquoauteur veut deacutefendre la position de Basile de Ceacutesareacutee contre les attaques des tenants drsquoune lecture litteacuterale de la Bible Il entreprend donc de poursuivre lrsquoœuvre de Basile visant agrave deacutemontrer la compatibiliteacute de la Bible avec les sciences pro-fanes en srsquoattaquant cette fois aux laquo passages de la lettre qui sont plus difficiles et qui ne semblent pas srsquoharmoniser avec la nature raquo (V 1) Du mecircme souffle il condamne ses opposants de lrsquoeacutecole asiatique qui par leur approche litteacuterale des Eacutecritures rejettent la science des philosophes comme inconciliable avec la Reacuteveacutelation seule veacuteriteacute Le lecteur est donc plongeacute au cœur drsquoun deacutebat entourant lrsquointerpreacutetation de la Bible et la place accordeacutee agrave celle-ci dans le monde de lrsquoeacutepoque On voit alors srsquoaffronter deux eacutecoles celle drsquoAlexandrie et celle drsquoAntioche avec leurs principaux protagonistes soit Basile de Ceacutesareacutee et Theacuteodore de Mopsueste et leur disciple respectif Jean Phi-lopon et Cosmas Indicopleustegraves41

Dans son introduction Mme Congourdeau trace les grandes lignes de ce deacutebat afin de permettre au lecteur drsquoaujourdrsquohui de replacer les propos de lrsquoauteur dans leur contexte historique Des notes infrapaginales eacuteclairent aussi le lecteur en identifiant les auteurs et en citant lorsque neacutecessaire les opinions auxquelles Jean Philopon reacuteagit Le travail de Mme Rosset et Mme Congourdeau est ainsi merveilleusement adapteacute au lectorat cibleacute par la collection laquo Pegraveres dans la foi raquo De lrsquoavant-propos sur la relation entre la Bible et la science agrave travers les eacutepoques agrave lrsquoindex theacutematique qui reacutesume et commente tout le traiteacute cet ouvrage a eacuteteacute conccedilu de faccedilon agrave permettre agrave un public cultiveacute mais non speacutecialiseacute de faire une lecture profitable de lrsquoœuvre Notons eacutegalement que la traduction parfois accompagneacutee de notes explicatives adopte un vocabulaire et une syntaxe clairs et accessibles

laquo Nous savons tous que la terre tourne autour du soleil et il y a quelque chose drsquoeacutemouvant agrave voir Jean deacuteployer tant drsquoastuces et drsquointelligence pour nous prouver le contraire raquo (p 297) Cette phrase de Mme Congourdeau introduit bien la question de lrsquointeacuterecirct de lrsquoœuvre de Jean Philopon dans le contexte actuel Le deacuteveloppement et les inteacuterecircts scientifiques du sixiegraveme siegravecle alexandrin for-ment la toile de fond du traiteacute lui confeacuterant ainsi un grand inteacuterecirct pour lrsquohistoire des sciences et du deacuteveloppement de la connaissance Par le portrait qursquoil trace des deacutebats entre les eacutecoles asiatiques et alexandrines il srsquoimpose eacutegalement comme une source importante pour lrsquohistoire du christianisme Or la grande richesse de La Creacuteation du monde de Jean Philopon est avant tout drsquooffrir un magni-fique exemple drsquoexeacutegegravese chreacutetienne bien enracineacutee dans son contexte intellectuel On constate aussi que lrsquoapproche de Jean est reacutesolument moderne Son commentaire est construit selon lrsquoobjectif preacute-sumeacute de lrsquoauteur de la Bible Puisque pour lui Moiumlse nrsquoest ni physicien ni philosophe mais avant tout theacuteologien Jean Philopon ne cherche pas dans le reacutecit de la Genegravese des explications du monde

41 THEacuteODORE DE MOPSUESTE a reacutedigeacute un Commentaire sur la Genegravese en reacuteaction contre lrsquoHomeacutelie sur lrsquoHexaemeron de BASILE DE CEacuteSAREacuteE Agrave leur tour Jean et Cosmas tout en deacutefendant les positions de leur maicirctre se sont opposeacutes par la reacutedaction quasi simultaneacutee de La creacuteation du monde et de La Topographie chreacutetienne

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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et de sa creacuteation mais tente simplement de deacutemontrer que la Bible et les pheacutenomegravenes sont en accord

Moa Dritsas-Bizier

16 GREacuteGOIRE LE GRAND (Pierre de Cava) Commentaire sur le Premier livre des Rois Tome III (III 38-IV 78) Tome IV (IV 79-217) et Tome VI (1-116) Introduction texte traduction et notes par Adalbert de VOGUumlEacute Paris Les Eacuteditions du Cerf (coll laquo Sources Chreacutetiennes raquo 432 449 et 482) 1998 2000 et 2004 480 p 340 p et 264 p

Attribueacute traditionnellement agrave Greacutegoire le Grand ce Commentaire sur le Premier livre des Rois est paru en six tomes Nous avons recenseacute les tomes III IV et VI pour la preacutesente chronique Moine de la Pierre-qui-Vire Adalbert de Voguumleacute est lrsquoauteur de nombreux ouvrages consacreacutes au mona-chisme particuliegraverement agrave la regravegle de saint Benoicirct qursquoil a eacutediteacutee pour la collection laquo Sources Chreacute-tiennes raquo

Le tome III deacutebute par un avertissement (p 9-10) LrsquoA mentionne en effet qursquoil a fait une deacute-couverte qui remet en question lrsquoattribution traditionnelle du Commentaire des Rois au pape Greacute-goire Cette deacutecouverte est expliqueacutee avec plus de deacutetail dans lrsquointroduction du tome IV LrsquoA y preacutecise drsquoabord qursquoil fit la lecture drsquoune chronique ineacutedite du douziegraveme siegravecle provenant de lrsquoab-baye de Venosa publieacutee en 1995 par Hubert Houben Le chroniqueur mentionne qursquoun abbeacute de ce monastegravere Pierre Divinacellus (1141-1156) laquo avait eacutecrit un commentaire tregraves savant sur les Livres des Rois jusqursquoagrave lrsquoonction de David raquo ce qui correspond exactement agrave lrsquoœuvre que nous posseacutedons De plus lrsquounique manuscrit du Commentaire des Rois date du douziegraveme siegravecle et provient de lrsquoab-baye de Cava communauteacute agrave laquelle appartenait Pierre Divinacellus avant drsquoecirctre envoyeacute avec 12 fregraveres pour relever la communauteacute deacutefaillante de Venosa Pierre Divinacellus eacutetait eacutegalement lrsquoauteur drsquoune Vitae quatuor priorum abbatum Cauvensium qui eacutetait un veacuteritable pastiche des Dia-logues de Greacutegoire le Grand Cette nouvelle deacutecouverte permet donc drsquoexpliquer la parenteacute mais surtout les diffeacuterences entre ce Commentaire des Rois et les autres œuvres authentiques de Greacutegoire le Grand

Hormis cette importante deacutecouverte qui permet de changer lrsquoattribution du Commentaire des Rois les trois tomes recenseacutes offrent au lecteur drsquoexcellentes introductions preacutesentant les thegravemes principaux du commentaire ainsi que certaines donneacutees linguistiques et stylistiques LrsquoA du Com-mentaire des Rois srsquointeacuteresse principalement au sens typique moral et spirituel agrave donner au Premier livre des Rois Il y deacutenonce eacutegalement les comportements des precirctres des eacutevecircques et des moines qursquoil accuse entre autres de manquement agrave la chasteteacute Lrsquoeacutedition et la traduction du texte sont excellentes si lrsquoon fait exception de quelques coquilles Chaque tome est compleacuteteacute par des index des tables et des cartes qui sont tregraves utiles au lecteur

Lrsquoapport drsquoAdalbert de Voguumleacute marque donc un tournant dans lrsquohistoire de la recherche sur le Commentaire des Rois Mecircme si crsquoest avec regret qursquoil renonce laquo agrave voir dans ce beau commentaire biblique lrsquoœuvre du grand spirituel qursquoeacutetait Greacutegoire raquo (tome III p 10) sa contribution a le meacuterite de situer cette œuvre dans lrsquoespace et dans le temps ce qui ouvre de nouveaux horizons de re-cherche pour les speacutecialistes de lrsquoeacutepoque meacutedieacutevale

Steve Johnston

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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17 GREGORY OF NAZIANZUS Select Orations Translated by Martha Vinson Washington DC The Catholic University of America Press (coll laquo The Fathers of the Church raquo 107) 2003 XXXIII-251 p

Greacutegoire de Nazianze nrsquoa pas eu dans le monde anglophone un sort comparable agrave ses amis et confregraveres Greacutegoire de Nysse et Basile de Ceacutesareacutee Jusqursquoagrave tout reacutecemment une large part de son corpus oratoire nrsquoavait pas eacuteteacute traduite dans la langue de Shakespeare une lacune eacutetonnante que lrsquoouvrage de Martha Vinson (ci-apregraves V) professeur drsquoeacutetudes byzantines agrave lrsquoUniversiteacute de lrsquoIlli-nois vient en partie combler Pour quiconque srsquointeacuteresse agrave la patristique la parution de ce volume est donc la bienvenue

Il faut drsquoabord reconnaicirctre que le projet a du meacuterite V nous offre la traduction de 19 discours (VI IX-XI XIII-XV XVII XIX XX XXII-XXVI XXXII XXXV XXXVI et XL) preacuteceacutedeacutee drsquoune courte introduction geacuteneacuterale de 10 pages abordant lrsquoœuvre et la vie du theacuteologien Le tout est compleacuteteacute par une bibliographie et deux index La plupart des discours preacutesenteacutes apparaissent en anglais pour la premiegravere fois Dans les autres cas il srsquoagit plutocirct de fournir une nouvelle traduction lrsquoancienne remontant parfois mdash crsquoest le cas des discours XIV et XV mdash aussi loin que le deacutebut du dix-huitiegraveme siegravecle En partie en raison du manque drsquoaccessibiliteacute agrave ses œuvres Greacutegoire souffre drsquoune reacuteputation malheureuse celle drsquoun preacutelat deacutetacheacute des affaires mondaines et souverainement preacuteoccupeacute de sa seule personne Il eacutetait donc impeacuteratif pour V de rendre enfin ac-cessibles les textes qui ne lrsquoeacutetaient que partiellement voire pas du tout mais aussi de corriger ce preacutejugeacute en incluant des morceaux moins connus illustrant la vie et lrsquoaction publique de Greacutegoire de Nazianze

Il est agrave deacuteplorer que V nrsquoait pas porteacute jusqursquoau bout la logique de son programme En effet la seacutelection qursquoelle preacutesente est explicitement consideacutereacutee comme un neacutegatif ou plutocirct comme un compleacutement des 24 piegraveces qui figurent deacutejagrave dans le septiegraveme volume de la veacuteneacuterable Select Library of Nicene and post-Nicene Fathers Mais cet ouvrage est deacutejagrave plus que centenaire il date de 189442 Il aurait eacuteteacute opportun de refaire le travail agrave neuf Les eacutediteurs de la collection laquo The Fathers of the Church raquo auraient ducirc saisir lrsquoopportuniteacute et offrir comme C Moreschini lrsquoa fait en italien en 2000 un volume ougrave figureraient tous les discours du Nazianzegravene43 Le projet nrsquoa rien drsquoirreacutealisable la collection publie reacuteguliegraverement des ouvrages drsquoune dimension comparable agrave celle qui serait neacutecessaire agrave une telle entreprise Mecircme si le choix de textes de V a du meacuterite combien aurait-il eacuteteacute pratique de pouvoir trouver en anglais sous une seule couverture toutes les œuvres oratoires de notre eacutevecircque La peine et le labeur suppleacutementaires auraient eacuteteacute bien investis

Lrsquointroduction du volume bien qursquooffrant une mise en contexte fort instructive pour les 19 dis-cours ainsi que quelques consideacuterations sur les proceacutedeacutes litteacuteraires employeacutes par Greacutegoire demeure un peu courte Il en est de mecircme pour lrsquoappareil extratextuel qui ne srsquoen tient souvent qursquoau strict neacutecessaire Le lecteur non-speacutecialiste agrave qui cet ouvrage srsquoadresse au premier chef a besoin de toute lrsquoaide disponible Peut-ecirctre aurait-il fallu ecirctre plus geacuteneacutereux

La traduction qursquooffre V est drsquoune teneur admirable elle srsquoeacuteloigne rarement du sens litteacuteral du grec et lrsquoeacuteleacutegance de la langue de Greacutegoire ne souffre pas trop aux deacutepens de la tenue de lrsquoanglais Il faut en revanche preacuteciser que la traduction porte les stigmates drsquoun effort constant en vue de la

42 De mecircme V nrsquoinclut pas les discours III et IV les invectives contre lrsquoempereur Julien mais renvoie agrave la traduction de CW King qui date de 1888

43 Lrsquoouvrage de Moreschini offre en plus le texte grec en regard ce qui ne fait pas partie des politiques drsquoeacutedi-tion de la collection laquo The Fathers of the Church raquo

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

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lisibiliteacute La poursuite agrave tout prix drsquoun tel objectif aneacuteantit trop souvent la peacuteriode ample de lrsquoeacutevecircque cappadocien en la tronquant en parties plus petites donc plus laquo digestes raquo pour le public cibleacute Il est vrai que ce dernier pourrait fort bien ecirctre eacutetourdi autant par la virtuositeacute rheacutetorique de lrsquooriginal grec que par les idiosyncrasies propres agrave une traduction plus litteacuterale du texte Choisir la lisibiliteacute aux deacutepens de la preacutecision nrsquoest pas toujours une vertu et dans ce cas il srsquoagit drsquoun compromis qui risque agrave plus drsquoun endroit de ne pas rendre justice agrave lrsquoart oratoire de Greacutegoire de Nazianze Les six premiegraveres lignes du discours 32 sont en ce sens extrecircmement repreacutesentatives

Ἐπειδὴ συνεληλ˜θατε προθ˜μως καUacute πολυIgraveνθρωπος ἡ πανήγυρις καUacute διIuml τοῦτο μIgraveλιστα καιρUgraveς ἐργασUcircας φOcircρε τι δῶμεν Otildeμῖν ἐμπıρευμα εinfin καUacute μὴ τῆς προθυμUcircας ἄξιον τῆς κοινῆς ἀλλIgrave γε τῆς δυνIgraveμεως τῆς ἡμετOcircρας μὴ ἐνδεOcircστερον Ἡ μOacuteν γIumlρ ἀπαιτεῖ τIuml μεUcircζω ἡ δOacute εinfinσφOcircρει τIuml μOcircτρια (XXXII 1 eacuted Moreschini SC 318)

Our festival is well attended and you have gathered here in eager anticipation And so a splendid opportunity presents itself for me to ply my trade Allow me then without further ado to offer you a sampling of my wares It is a moderate one and cannot meet the anticipation you all have which expects more yet is in keeping with my ability one does better to contribute what one can than not to make efforts at all (Vinson p 191)

Les exordes de discours posent bien entendu de redoutables deacutefis aux traducteurs Il srsquoagit de parties souvent extrecircmement travailleacutees et au caractegravere laquo rheacutetorique raquo tregraves prononceacute V a pris le parti de deacutecouper la premiegravere phrase en quatre petits eacutenonceacutes ce qui brise consideacuterablement le rythme de lrsquooriginal La traduction ne rend pas la symeacutetrie tregraves nette accentueacutee par les particules microὲνhellip δὲ de la derniegravere phrase Enfin lrsquoexpression laquo it is a moderate one raquo ne trouve pas drsquoeacutequiva-lent en grec au mieux il srsquoagit drsquoune large paraphrase du propos au pire drsquoun ajout pur et simple On trouve malheureusement ce genre de deacutefauts un peu partout au fil de la lecture Mais que le lec-teur ne srsquoy trompe pas lrsquoouvrage de V possegravede drsquoindeacuteniables qualiteacutes et fournira sans aucun doute une solide base pour ceux qui srsquoinitient agrave lrsquoœuvre de Greacutegoire de Nazianze

Jean-Michel Lavoie

18 Antje KOLDE Politique et religion chez Isyllos drsquoEacutepidaure Basel Schwabe amp Co AG Ver-lag (coll laquo Schweizerische Beitraumlge zur Altertumswissenschaft raquo 28) 2003 XVI-443 p

Le poegravete Isyllos drsquoEacutepidaure eacutetait totalement inconnu avant la deacutecouverte et la publication en 1885 de la grande inscription versifieacutee qursquoil fit graver et eacuteriger dans le sanctuaire drsquoAscleacutepios et il est resteacute une figure obscure de la litteacuterature grecque malgreacute lrsquoeacutetude que lui consacra U von Wilamowitz en 1886 et malgreacute les eacuteditions parues dans les deux ou trois deacutecennies qui suivirent sa deacutecouverte la derniegravere en date eacutetant celle de F Hiller von Gaertringen dans la seconde eacutedition des Inscriptiones Graecae IV 1 (1929) Les auteurs antiques et byzantins nrsquoayant gardeacute aucune trace de lui les seuls renseignements dont nous disposons agrave son sujet sont ceux bien maigres que livre lrsquoinscription elle-mecircme Ainsi nous savons avec certitude qursquoil se nommait Isyllos qursquoil eacutetait origi-naire drsquoEacutepidaure et que son pegravere srsquoappelait Socrate Pour le reste lrsquoinscription nous permet seule-ment de deviner qursquoil avait des affiniteacutes politiques avec le parti aristocratique et prospartiate de supposer qursquoil eacutetait drsquoune famille noble et aiseacutee de conjecturer qursquoil revecirctit peut-ecirctre la fonction de precirctre drsquoAscleacutepios et quant agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle il veacutecut de discuter trois datations possibles agrave partir de la mention qursquoil fait drsquoune attaque meneacutee contre Sparte par un Philippe de Maceacutedoine eacuteveacutenement dont il fut teacutemoin alors qursquoil nrsquoeacutetait encore qursquoun jeune garccedilon une datation laquo haute raquo en 338 (en reacutefeacuterence agrave Philippe II) une datation laquo moyenne raquo vers 317-316 (sous Philippe III) et enfin une datation laquo basse raquo en 218 (sous Philippe V) proposeacutee par F Blass et drsquoautres mais reje-teacutee par A Kolde Lrsquoinscription elle-mecircme diviseacutee en sept segments dont cinq sont versifieacutes com-

LITTEacuteRATURE ET HISTOIRE DU CHRISTIANISME ANCIEN

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

EN COLLABORATION

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

LITTEacuteRATURE ET HISTOIRE DU CHRISTIANISME ANCIEN

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

LITTEacuteRATURE ET HISTOIRE DU CHRISTIANISME ANCIEN

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meacutemore lrsquoinstitution par Isyllos drsquoune nouvelle loi sacreacutee en lrsquohonneur drsquoAscleacutepios dont elle relate les circonstances et ceacutelegravebre la puissance du dieu dans un chant cultuel racontant le mythe de sa naissance et son intervention en faveur de Sparte Nous ignorons toutefois si Isyllos est vraiment lrsquoauteur du texte de lrsquoinscription ou srsquoil srsquoest contenteacute drsquoen passer la commande agrave un eacutecrivain atta-cheacute au sanctuaire drsquoAscleacutepios

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde offre au lecteur une mise agrave jour deacutetailleacutee de toutes les questions que soulegraveve cette inscription intrigante Devant la briegraveveteacute du texte (79 lignes) et face aux incertitudes qui lrsquoentourent le titre du livre paraicirct neacuteanmoins un peu surfait il fait passer Isyllos pour un auteur dont lrsquoeacutetendue de lrsquoœuvre permettrait et justifierait une eacutetude geacuteneacuterale des concepts de politique et de religion comme on la ferait pour un Platon ou un Thucydide alors qursquoen reacutealiteacute il srsquoagit drsquoun commentaire deacutetailleacute de lrsquoinscription doubleacute drsquoune eacutetude sur son contexte historique politique et religieux Ce deacutetail formel nrsquoenlegraveve toutefois rien agrave la valeur des recherches entreprises par A Kolde

Lrsquoouvrage se divise en deux parties La premiegravere est consacreacutee au texte mecircme de lrsquoinscription dont elle fournit une eacutedition et une traduction (chap 1 p 1-15) ainsi qursquoun commentaire lineacuteaire (chap 2 p 16-222) La seconde comporte trois chapitres de synthegravese portant sur les aspects litteacute-raires du texte (chap 3 p 223-256) sur la date et le contexte politique de lrsquoinscription (chap 4 p 257-301) et enfin sur ses composantes religieuses et mythologiques en relation avec le culte drsquoAscleacutepios (chap 5 p 302-333) Apregraves une bregraveve conclusion (p 334-337) lrsquoeacutetude se poursuit par une annexe double offrant les textes et traductions drsquoun choix de lois sacreacutees (p 338-351) et des leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios (p 352-363) ainsi que par un important appendice sur lrsquoeacutepi-clegravese Σωτήρ (p 364-398) et se termine par une bibliographie et un quadruple index (geacuteneacuteral mots grecs noms propres passages citeacutes)

Lrsquoeacutedition du texte est baseacutee sur une autopsie de la pierre et est munie drsquoun important apparat critique faisant eacutetat des lectures divergentes proposeacutees par les eacutediteurs successifs On saluera la preacutesence drsquoune photographie de lrsquoinscription en p XVI heureux compleacutement aux eacuteditions anteacute-rieures tout en regrettant qursquoelle soit si petite et incomplegravete (elle ne couvre que les lignes 1-60) La disposition du texte reproduit fidegravelement celle de la pierre sauf pour la ligne 28 qui a eacuteteacute transcrite en retrait sans qursquoune justification nrsquoen soit donneacutee dans lrsquoapparat critique ni dans le commentaire agrave cette ligne (en fait le lecteur doit faire quelques recherches avant de comprendre qursquoon a voulu marquer graphiquement qursquoil srsquoagissait drsquoun hexamegravetre agrave double catalexe)

La traduction est fidegravele au texte grec mais elle nrsquoest pas exempte de maladresses et de fautes de franccedilais Ainsi le bon usage veut qursquoon utilise le conditionnel apregraves lrsquoexpression laquo au cas ougrave raquo ce qui nrsquoest pas respecteacute pour la traduction de la l 8 Semblablement dans le segment 3 lrsquoutilisa-tion du mot laquo citoyens raquo comme adjectif est incorrecte agrave moins que lrsquoarticle nrsquoait eacuteteacute oublieacute devant le nom (laquo le courage et le respect [des] citoyens raquo ) Dans ce mecircme segment la succession drsquoinfini-tifs expliquant le contenu de la loi dans le texte grec est malencontreusement interrompue dans la traduction rendant le texte peu compreacutehensible agrave la premiegravere lecture Dans lrsquoensemble malgreacute les justifications avanceacutees par A Kolde en p XIV la traduction se lit mal

Le commentaire pour sa part est de tregraves bonne facture Apregraves une courte discussion de la structure geacuteneacuterale du texte vient une section consacreacutee agrave la preacutesentation deacutetailleacutee des scheacutemas meacute-triques des cinq segments reacutedigeacutes en vers Neacutecessairement technique cette section pegraveche par une preacutesentation trop meacutecanique des reacutesultats de lrsquoanalyse meacutetrique dont certains nrsquoapportent rien agrave la discussion On regrettera aussi que les signes graphiques utiliseacutes pour marquer les ceacutesures et les limites des pieds soient si peu diffeacuterencieacutes alteacuterant ainsi la clarteacute des scheacutemas meacutetriques Par ail-

EN COLLABORATION

204

leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

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agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

EN COLLABORATION

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leurs pour eacuteviter les recoupements et les renvois internes il aurait sans doute eacuteteacute preacutefeacuterable de regrouper toutes les observations sur la meacutetrique au mecircme endroit plutocirct que drsquoen reacuteserver certaines aux sections introductives des divers segments dans le commentaire

Le commentaire agrave proprement parler est lineacuteaire et suit la subdivision du texte en sept seg-ments offrant pour chacun drsquoeux une analyse prosodique structurale et dialectale avant drsquoen expli-quer le texte ligne par ligne Le choix des lemmes est judicieux les explications sont pertinentes et le commentaire preacutecis Sans conteste A Kolde a fait un tregraves bon travail de recherche et lrsquoune de ses qualiteacutes est de ne pas avoir heacutesiteacute agrave offrir au lecteur des discussions plus approfondies sur certaines notions ou certains aspects plus probleacutematiques constituant ainsi de petites mises au point indivi-duelles fort utiles par exemple sur αἰδώς (p 76-79) καλοκαγαθία (p 89-95) εὐνοmicroία (p 97-102) ἄδυτον (p 120-126) θάρσει (p 198-209) Parfois en revanche on attendrait des explications plus deacutetailleacutees Ainsi agrave la ligne 2 (p 49) lrsquoobservation sur la multiplication du son a est judicieuse mais on se demande si Isyllos poursuivait par lagrave un but preacutecis Agrave la l 9 (p 62) la remarque sur la pro-nonciation de lrsquoomeacutega et de lrsquoomicron aurait pu ecirctre eacutetayeacutee drsquoune reacutefeacuterence agrave des ouvrages speacutecia-liseacutes Agrave la l 12 (p 74) si la voix moyenne du verbe surprend on aimerait preacuteciseacutement savoir pour-quoi elle est utiliseacutee de mecircme qursquoagrave la l 20 (p 83) la preacutesence drsquoun hapax legomenon aurait meacuteriteacute plus qursquoune simple mention Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale toutefois les explications fournies par A Kolde sont inteacuteressantes et utiles et ont le meacuterite drsquoecirctre preacutesenteacutees drsquoune faccedilon neutre et objec-tive qui permet au lecteur de se forger sa propre opinion en connaissance de cause

Cette mecircme objectiviteacute doubleacutee drsquoune prudence de bon aloi caracteacuterise la seconde partie de lrsquoouvrage consacreacutee agrave la discussion des aspects litteacuteraires politiques et religieux de lrsquoinscription A Kolde ne tient rien pour acquis et analyse avec une parfaite honnecircteteacute intellectuelle toutes les hypothegraveses lieacutees agrave la personnaliteacute du poegravete agrave la date de lrsquoinscription agrave son message politique etc Lrsquoanalyse litteacuteraire du texte est bien meneacutee et fait apparaicirctre Isyllos comme un poegravete doteacute drsquoune honnecircte culture litteacuteraire qursquoil essaie de mettre au service de sa poeacutetique avec maladresse sans doute mais sans tomber dans la meacutediocriteacute que lui ont reprocheacutee les commentateurs modernes La discussion de la date de lrsquoinscription est elle aussi drsquoune grande objectiviteacute Pour diverses raisons qursquoil serait trop long drsquoeacutevoquer ici A Kolde propose de dater lrsquoinscription de 280 et donne ainsi la preacutefeacuterence agrave la datation moyenne de lrsquoexpeacutedition de Philippe mentionneacutee dans le texte Pour ce faire elle se lance dans une analyse fort pertinente non seulement des relations politiques entre Sparte et la Maceacutedoine mais aussi des allusions au mirage spartiate ainsi qursquoaux guerres meacutediques contenues dans le texte drsquoIsyllos Un dernier argument baseacute sur un lien possible entre lrsquoeacutepithegravete σωτήρ utiliseacutee agrave propos drsquoAscleacutepios et les Soteria de Delphes institueacutes pour commeacutemorer la victoire des Grecs sur les Galates en 279 semble a priori plus douteux mais la discussion prolongeacutee dans lrsquoappendice est inteacuteressante et meacuteritait drsquoecirctre faite Lrsquoeacutetude se termine par une section consacreacutee aux divergences que le texte drsquoIsyllos preacutesente par rapport aux leacutegendes de la naissance drsquoAscleacutepios A Kolde deacutemontre que ces modifications drsquoordre mythographique srsquoinsegraverent dans un contexte de propagande politique et de rivaliteacute entre lieux de culte

Lrsquoeacutetude drsquoA Kolde est une contribution importante agrave notre connaissance du poegravete Isyllos ainsi que du contexte historique politique et religieux qui caracteacuterise son eacutepoque Crsquoest un travail de mise au point complet utile et bienvenu On regrettera seulement qursquoil nrsquoait pas eacuteteacute soumis agrave une reacutevision plus rigoureuse au moment de sa publication Le livre comporte en effet un grand nombre drsquoimperfections formelles fautes drsquoorthographe et coquilles typographiques lourdeurs stylistiques notes de bas de page reacutepeacuteteacutees textuellement (cf n 2 p 17 = n 8 p 18) ou redondantes (cf n 132 agrave 134 p 34) incoheacuterences (cf n 20 p 2 Kaumlppel 1994 ne bibliographie p 405 Kaumlppel 1992) expressions curieuses (cf p 80 un sens tregraves eacutetymologique) Par ailleurs si la bibliographie aspire

LITTEacuteRATURE ET HISTOIRE DU CHRISTIANISME ANCIEN

205

agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt

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205

agrave ecirctre complegravete il conviendrait drsquoy ajouter la notice de L RADERMACHER dans Philologus 58 (1899) p 314-316 ainsi que les articles de MT MOLINOS TEJADA sur la langue drsquoIsyllos (cf Anneacutee philologique 64 [1993] no 3153 et 70 [1997] no 2754)

Thomas Schmidt