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LIAISONS « NON MARQUÉES » DE PRÉDICATIONS DANS L'ACCROCHE PUBLICITAIRE Silvia Adler Armand Colin | « Langages » 2015/4 N° 200 | pages 121 à 136 ISSN 0458-726X ISBN 9782200930073 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-langages-2015-4-page-121.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 31.154.81.78 - 28/03/2019 09h56. © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 31.154.81.78 - 28/03/2019 09h56. © Armand Colin

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LIAISONS « NON MARQUÉES » DE PRÉDICATIONS DANSL'ACCROCHE PUBLICITAIRESilvia Adler

Armand Colin | « Langages »

2015/4 N° 200 | pages 121 à 136 ISSN 0458-726XISBN 9782200930073

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-langages-2015-4-page-121.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Silvia AdlerUniversité Bar-Ilan (Israël)

Liaisons « non marquées » de prédications dansl’accroche publicitaire

1. INTRODUCTION

L’accroche publicitaire 1 consiste dans un élément (textuel, sonore, visuel) concisqui a pour objectif d’amener le consommateur potentiel à prendre conscience(« awareness ») du service (produit, offre, nouveauté, etc.) mis en avant et às’intéresser à celui-ci. Nombreuses sont les tactiques ayant pour but de conférerà l’accroche une saillance qui finisse non seulement par attirer l’attention duconsommateur visé mais aussi par créer une attitude favorable vis-à-vis duservice promu. Pour les accroches de type verbal, citons, entre autres, l’humouret la parodie, la paronomase et l’allitération, la rime et le rythme, les jeux demots, les raisonnements lacunaires (enthymèmes) et les formules polysémiques 2.C. J. Herrero (1994), J.-M. Adam et M. Bonhomme (1997, 2000) vont jusqu’àaccorder au slogan publicitaire le statut de texte argumentatif puisqu’il s’agitd’un texte en action 3 lié à une tentative de persuasion.

Dans ce qui suit, on se propose de corréler l’impact persuasif, séducteur,stylistique ou autre de l’accroche à son format syntaxique. Il n’y a pas quela sémantique, la morphologie, le choix lexical ou les figures rhétoriques qui

1. L’accroche « désigne la phrase ou le slogan qui a pour objectif d’attirer l’attention du destinataire dansun message publicitaire » (http://www.ladn.eu/definitions-marketing/accroche-publicitaire,5.html, consulté le01-10-2015), mais c’est aussi « un court élément (texte, image, jingle, slogan) dont la fonction est d’attirerl’attention sur un message publicitaire ou d’éveiller la curiosité afin de provoquer la lecture, le visionnage oul’écoute du message » (http://www.definitions-marketing.com/Definition-Accroche, consulté le 01-10-2015).

2. Cf. Reboul (1975), Grunig (1990), Ferraz Martínez (1993), Herrero (1997), Cochoy (2004), Navarro (2005),Kessous, Mellet & Zouinar (2010).

3. Le slogan mobilise des techniques variées en vue d’agir sur les destinataires visés.

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Les liaisons de prédications : lorsque la marque s’estompe

confèrent à l’accroche son allure économique et condensée et qui, par conséquent,ouvrent la voie à la transmission d’un message dont la signification dépassesouvent ce qui est posé explicitement. En recourant à l’ellipse, mais aussi àdes liaisons non marquées, voire non matérialisées de prédications, la syntaxedevient un élément clé dans la captation du public visé.

Le blog slogansdepub (http://slogansdepub.skyrock.com) « destiné à fairele recensement de tous les slogans publicitaires, de toutes les marques » (« depréférence en français si le slogan a une variante française, sinon dans la langueétrangère d’origine »), dont le répertoire contient 2 797 slogans 4, constitue notrebase de données pour le repérage et l’analyse de schémas contenant des prédi-cations dont le mode de liaison est non marqué, dans le but d’enquêter sur lanature de ce non-marquage et de répondre à la question de savoir si non-marquageéquivaut à ellipse.

2. LES ACCROCHES PUBLICITAIRES : SECTEUR PRODUCTIF DELIAISONS NON MARQUÉES DE MEMBRES CONSTITUTIFS

Les recherches qui portent sur le slogan publicitaire constatent toutes le carac-tère compact de celui-ci. La prédilection pour l’économie langagière sera géné-ralement imputée à une volonté d’attirer l’attention et de maintenir l’inté-rêt, d’éveiller un désir de possession, de construire une image positive, depromouvoir un message de nouveauté ou de singularité (cf. Goddard 1998 ;Applegate 2005). Une accroche économique permet au destinataire de se foca-liser immédiatement sur l’essentiel, sans mentionner le fait évident que plusl’accroche est brève, plus elle se mémorise facilement. De plus, il faut que l’ac-croche dans son intégralité puisse éveiller la curiosité du destinataire même dansune situation de temps très restreint (p. ex., en route, le temps de monter dansle métro ou d’en descendre). À cela il faudra ajouter bien sûr les contraintesspatio-temporelles imposées au rédacteur et les coûts élevés des campagnespublicitaires.

Or, « économie » et « brièveté » risquent de suggérer, au niveau syntaxique,l’existence d’un schéma parallèle plus « complet », matérialisant tous les élé-ments requis dans la chaîne énonciative, éléments qui auraient été supprimésdans la version économique et soi-disant tronquée. En effet, nombreuses sont lesthèses qui se servent de l’ellipse comme principe explicatif dans le cas du sloganpublicitaire 5. Il est de pratique courante d’activer l’ellipse pour rendre comptede la non matérialisation d’éléments tant lexicaux, facilement récupérables tels

4. Au jour du 22-09-2013. Le blog classifie les slogans par ordre alphabétique. Nous opérerons un tri afind’écarter les formules qui ne coïncident pas avec l’objectif posé par cette étude.

5. Cf., entre beaucoup d’autres, Goddard (1998), Khodabadeh (2007), Nemcoková (2009).

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quels à partir du contexte, que fonctionnels et structuraux, nécessaires à la recons-truction d’un idéal canonique. H. Greven (1982) attribue ainsi à l’ellipse la non-matérialisation de pronoms relatifs, auxiliaires, sujets, déterminants et diversesrelations structurales. Du moins selon la logique de l’« Accessibility markingscale » (Ariel 1990, 1996) 6, les éléments grammaticaux assurant la conjonctionou la subordination des prédications dans l’accroche seraient des candidatsnaturels à la suppression, du fait d’un degré élevé de prédictibilité dans unenvironnement énonciatif.

Le corpus consulté révèle en effet que les slogans qui ne matérialisentpas la relation entre leurs membres constitutifs sont nombreux et que la non-matérialisation est de nature diverse. D’autre part, on constate que la non-matérialisation va au-delà de la simple réduction structurale, influant sur l’ana-lyse schématique, ce qui impose un traitement plus distinctif des cas communé-ment attribués à l’ellipse. Les limites étroites de cette étude ne nous permettrontpas d’opérer une distinction détaillée, mais la comparaison entre les schémasqui nous intéressent ici, voire dont la relation entre membres constitutifs est nonmatérialisée (§ 3.2), avec des schémas qui ne matérialisent pas d’autres membresconstitutifs (§ 3.1), deux situations indifféremment expliquées par l’ellipse, per-mettra de répondre à la question de savoir si, en effet, la liaison non marquéeentre les membres constitutifs du slogan publicitaire résulte d’une ellipse de mar-queurs relationnels ou s’il s’agit plutôt de séquences engendrées telles quelles.

3. « LIAISONS DE [MEMBRES CONSTITUTIFS NON MARQUÉS] » 6=« [LIAISONS NON MARQUÉES] DE MEMBRES CONSTITUTIFS »

Cette section oppose deux types de phénomènes liés à l’ellipse dans le doubleobjectif de mieux comprendre le statut de l’ellipse comme principe explicatifet d’évaluer la part de l’ellipse dans les slogans dont la relation entre membresconstitutifs est non matérialisée.

3.1. Liaisons de [membres constitutifs non marqués]

Considérons les exemples (1) à (3) :

(1) 1664 : Quatre chiffres. Une bière(2) Avec ø, vaut mieux que sans ø.(3) On peut boire autre chose que Vittel, mais on vit tellement mieux avec ø.

6. Pour rappel, selon Ariel, le choix des expressions référentielles est en accord avec les présomptions del’énonciateur sur le degré d’activation que le référent occupe dans la mémoire du destinataire. Pour un référentqui est censé avoir un haut degré de saillance, le locuteur peut utiliser une expression de haute accessibilitéréférentielle, comme l’ellipse (la suppression totale de l’antécédent signifie que l’antécédent est d’un degré desaillance élevé et donc facilement récupérable).

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Les liaisons de prédications : lorsque la marque s’estompe

Les exemples (1) à (3) pourraient tous être dits illustratifs d’une situationd’absence d’au moins un élément constitutif. Cette absence est-elle un résultatd’une opération d’ellipse ?

En (1), recourir à l’ellipse voudrait dire ne pas comprendre la stratégiede communication des Brasseries Kronenbourg qui, en mettant en saillancel’appellation elle-même, place l’accent sur une tradition d’excellence. Comme lacampagne publicitaire de cette bière phare consiste à la fois dans le slogan et dansdes jeux visuels plaçant les chiffres 664 et la bouteille (représentant le chiffre 1)dans des décors qui évoquent des lieux divers de consommation (dans le butde s’adresser à des destinataires divers), une prédication verbale matérialiséedeviendrait de trop. Tel qu’il est, le message promeut le contraste entre l’unicitédu choix et une situation de variabilité. Qui plus est, la solution elliptique est àécarter du fait que l’élément soi-disant manquant n’est pas fixe. Que restaurerici et où chercher ?

Ce premier discrédit de l’ellipse ne suggère aucunement son impuissanceen tant que principe explicatif : selon S. Adler (2012, 2013), le recours à l’ellipsedevient légitime lorsqu’il s’agit de récupérer des éléments lexicaux à partir ducotexte, dans une situation de syntaxe et sémantisme lacunaires en apparence.C’est le cas du slogan de Canderel (2) et de celui de Vittel (3), qui laissent lapréposition en emploi absolu, sans complément matérialisé 7.

En (2), les deux reprises de l’ellipse post-prépositionnelle sont iconiquesen ce sens que le slogan, à présent maigre, devrait coïncider entièrement avecles préférences des consommateurs cibles : un message mince sera apprécié decelles/ceux qui veulent être/rester minces. Si le slogan de Canderel était, p. ex.,Avec Canderel vaut mieux que sans ø, avec une seule ellipse après la deuxièmepréposition, le GPrép avec Canderel aurait du coup pris une dimension plusvolumineuse que le GPrép sans + ø. Or, il s’agit justement de convaincre qu’avecce produit on acquiert une taille svelte. Si l’on admet, avec C. Perelman etL. Olbrechts-Tyteca, que « c’est en fonction d’un auditoire que se développetoute argumentation » (1988 : 7), en matérialisant le nom du produit on auraitperturbé l’argument véhiculé sous forme minimaliste, lequel s’oriente vers unpublic sensible à des questions de poids. Quoi qu’il en soit, à l’encontre del’exemple (1), où l’élément soi-disant manquant fait partie d’un paradigmevirtuel, en (2) (aussi en (3)), il n’y a pas de doute quant à l’élément à récupérer,celui-ci faisant partie du contexte d’énonciation.

En (3), le slogan qui laisse la préposition dans une position finale d’emphasemobilise notre attention sur la relation que nous entretenons avec le produiten question : la vie AVEC permet toute une gamme de possibilités qui seraientinexistantes SANS. Comme avec représente une valeur positive, l’ellipse devient

7. Cf. Adler (2012) pour une analyse détaillée des exemples (2) et (3).

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Liaisons « non marquées » de prédications dans l’accroche publicitaire

un atout. En outre, la forme non canonique du slogan permet encore une inser-tion supplémentaire et ingénieuse du nom du produit dans les plans oral et écrit :« On peut boire autre chose que Vittel, mais on VIT TELlement mieux avec ø ».

On voit donc que l’ellipse a, en effet, un pouvoir explicatif incontestable, maisde là à une activation démesurée de l’ellipse, portant sur énoncés non achevés,séquences averbales, juxtapositions de termes, etc., il y a encore loin. Qu’en est-ildes [liaisons non marquées] ?

3.2. [Liaisons non marquées] de membres constitutifs

La cartographie schématique qui suit pourra rendre compte de la variété desliaisons non marquées 8. Faute d’espace, il sera impossible de faire cas de tousles schémas de liaisons non marquées repérés. On se restreindra à sept schémas,à titre d’échantillon.

La question du statut relationnel et celle, supplémentaire, de savoir si l’ellipseest à même de rendre compte de la liaison non marquée de prédications seronttraitées au § 4.

3.2.1. Relation de conditionnement : le 2e membre de l’énoncé estconditionné par le 1er membre de l’énoncé

Voici quelques exemples :

(4) Bic : Bic fait, bien fait(5) Free : Il a Free, il a tout compris(6) Adecco : Better work, better life / Travailler heureux, vivre mieux(7) eDarling : Real people. Real love.(8) Garmin : Voyagez mieux. Arrivez heureux.(9) Walmart : Save money. Live better.

(10) Nestlé : Good Food, Good Life.(11) Saturn : Plus radin, plus malin 9

Les exemples de cette rubrique permettent tous une paraphrase par Si 1 alors2. Par exemple, si c’est fait avec Bic, alors c’est bien fait (mais aussi : c’est bien faitparce que c’est fait avec Bic) ; s’il a Free, alors il a tout compris (mais aussi : il a toutcompris parce qu’il a Free) ; s’il s’agit de Real people alors il s’agira de Real love (voire,

8. Le non-marquage de la liaison entre propositions prédicationnelles est très courant aussi dans les comptines.Par exemple, Humpty Dumpty sat on a wall / Humpty Dumpty had a great fall / All the king’s horses and allthe king’s men / couldn’t put Humpty together again. Même si la relation entre le fait pour Humpty Dumptyd’être assis sur le haut d’un mur et le fait pour Humpty Dumpty de tomber n’est pas marquée matériellement,il est clair, du moins du point de vue de la probabilité, que les faits sont liés. Plus précisément, c’est le fait pourHumpty Dumpty d’être assis sur le haut d’un mur qui a rendu sa propre chute possible.

9. Saturn, chaîne allemande de magasins de produits électroménagers, utilise la radinerie comme une valeurpositive. La stratégie de ce slogan : consommer moins cher ne concerne pas que les pauvres. Le but est detransformer les achats responsables en un mode de vie.

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l’amour vrai n’est possible que si les gens sont vrais) ; si vous achetez radin / êtesradin, vous consommez / êtes un consommateur malin.

Le non-marquage de la liaison entre les deux membres de l’énonciation per-met une expansion interprétative : ainsi, Real people. Real Love peut se paraphraseraussi par « real people equals real love ». Save money. Live better permet à côté de« si vous économisez, vous vivrez mieux », la paraphrase corrélative parallèle« plus vous économisez, mieux vous vivez ». Cette possibilité d’expansion ne fra-gilise pas la force du slogan. Au contraire, en se questionnant sur la significationdu slogan, le destinataire investit plus de temps dans le processus de décodageet a ainsi plus de chances de sortir de son indifférence ou de prendre consciencedu service promu.

3.2.2. Relation de conditionnement : le 1er membre de l’énoncé estconditionné par le 2e membre de l’énoncé

Considérons :

(12) Auto-rent : Louez mieux, louez bleu.(13) Carte d’Or : Offrez plus, offrez Carte d’Or.(14) Simply Market : Be happy, be simply.(15) Nana : Soyez sûre de vous, portez Nana.(16) Transports du Pays de Vannes : Prenez de l’avance ! Prenez le bus !(17) Skip : Libre de jouer, libre de se salir 10

La paraphrase sera ici Si 2, alors 1 : Si vous louez bleu, vous louez mieux ; si vousoffrez Carte d’Or, vous offrez plus ; si vous prenez le bus, vous prenez de l’avance ; sivous êtes libre de vous salir alors vous êtes vraiment libre de jouer.

Une paraphrase alternative sera Pour 1 alors 2 : pour être sûre de vous, portezNana ; pour être libre de jouer, il faut être libre de se salir.

3.2.3. Corrélation : X influe sur Y

Considérons :

(18) Cegid : Vous avancez, nous avançons.(19) Home Depot (the) : More saving. More doing.(20) Hotel F1 : Payez moins, bougez plus.(21) Papa John’s : Better Ingredients. Better Pizza / Meilleurs Ingrédients.

Meilleure Pizza.Rappelons le flou interprétatif et donc la possibilité pour certains slogans de seretrouver dans d’autres rubriques. Par exemple, (18) Vous avancez, nous avançonspourrait figurer parmi les slogans rassemblés au § 3.2.1 11. Nous optons pourtantpour la classification actuelle puisqu’elle offre l’avantage de poser le fait que leclient avance et donc de présenter cet avancement comme une constatation, et

10. Aussi « être libre de jouer est égal à être libre de se salir ».

11. Idem pour (21).

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Liaisons « non marquées » de prédications dans l’accroche publicitaire

non pas comme une hypothèse, pour ensuite lier l’avancement de l’entreprise aurythme d’avancement du client. À ce moment-là, la structure corrélative paraîtplus adéquate : Plus vous avancez, plus nous avançons.

3.2.4. Énumération

À l’encontre de la situation illustrée dans les trois sections précédentes, lesmembres de l’énonciation ne sont pas liés ici par une relation de condition-nement. Qui plus est, on peut inverser l’ordre d’apparition des éléments sansaltérer la logique ou l’argument mis en avant 12. En voici quelques exemples :

(22) Carglass : Carglass répare, Carglass remplace(23) Paris Match : Le poids des mots, le choc des photos(24) Airness : Toujours plus haut, toujours plus fort !(25) BFS Network : Better. Faster. Stronger.(26) Super C : Beau. Bon. Pas cher.(27) Chérie FM : Douceur, émotion, passion.(28) Care : Défendre la dignité. Combattre la pauvreté.(29) Chez Ashton : Juste du frais ! Juste du vrai !(30) Hat R : No worries. Talk happy / Parle au max. Parle relax.(31) Barbarians Havrais : Toujours avancer, ne jamais rien lâcher.(32) Comod : tout Frais, tout Prêt.(33) DOP : Ne pique pas les yeux, évite les nœuds !(34) Dacia : Exigez plus, payez moins.(35) Tartare : Frais, fort, nature.(36) Euromaster : 100 % pro, 100 % pneu.(37) Direct Assurance. Vite fait, très bien fait.(38) Mars : Au travail. Au repos. Pour le plaisir.(39) Presse Café : Décompresser. Boire. Manger.(40) Pioneer : sound. vision. soul(41) Dove : Doux avec la peau, intraitable avec la transpiration.(42) Ixina : La qualité, le prix.(43) GO Voyages : Choix, Prix, Simplicité.(44) Whole Foods Market : Delicious. Fresh. Tasty. All natural. 13

(45) Express.fr (l’) : Tous les jours, toute l’info.(46) TRENDnet : Plurielle, utile, ouverte sur le monde.(47) Gaz de France (voir aussi GDF Suez) : Ici, là-bas, pour vous, pour demain.

12. Cela dit, on a souvent l’impression que l’ordre des éléments est contraint par d’autres considérations(eurythmie, saillance). En (26), p. ex., la séquence la plus volumineuse (dissyllabique) suit deux motsmonosyllabiques. En (27) et (29), c’est la valeur censée être la plus recherchée (passion, vrai) qui va précéderla pause vocalique.

13. Dans les slogans de Ixina, GO Voyages et de Whole Foods Market, les propos peuvent être attribués àl’annonceur publicitaire, mais aussi à la voix du consommateur, lequel énumérerait les raisons qui l’auraientpoussé à choisir le produit/service en question.

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Les liaisons de prédications : lorsque la marque s’estompe

(48) Pier Import : Idées du monde, objets d’ailleurs.(49) UNIQLO : Des vêtements, des lieux, une culture.(50) TF1 : Vous aimez la Une, la Une vous aime.

Attardons-nous sur les slogans de Bosch et de Durex :

(51) Bosch : C’est bien, c’est beau, c’est Bosch.(52) Durex : Love, sex, Durex

On a observé pour tous les exemples classés dans cette section que l’ordred’apparition des éléments n’était pas rigide ; or, dans (51), un ordre inverséfinirait par détruire l’enchérissement 14. Le slogan de Bosch est néanmoins classédans la présente rubrique étant donné que l’ordre d’apparition des élémentsdans le slogan ne reflète pas une temporalité consécutive, comme c’est le cas desslogans de la rubrique qui suit (§ 3.2.5). Il en va de même du slogan de Durex(52), où le déploiement de la juxtaposition ne coïncide pas avec une temporalitélogique, pour des raisons bien évidentes : Durex devrait être placé avant Sex...

3.2.5. La jonction reflète une succession temporelle

Ici, les prédications sont irréversibles, puisque la temporalité liée à ladeuxième prédication est postérieure à celle de la première. Ainsi, par exempleen (56), on commence par une demande et, grâce aux Pages Jaunes, on trouverace que l’on cherche. Pour ce qui est de la gamme Pulco (58), le processusrecommandé est d’ajouter d’abord le concentré des fruits, ensuite de l’eau. Unefois la boisson prête, on passe au plaisir :

(53) Coca-Cola : Stop for a pause... Go refreshed / Relax with a Coke, revive witha Coke.

(54) Aquafresh : Gets teeth white, keeps teeth white.(55) France Boissons : Servir, animer, réussir.(56) Pages Jaunes : Demandez, c’est trouvé !(57) KeepVid : Want it, keep it.(58) Pulco : Du Pulco, de l’eau, du plaisir !(59) Volvic : Un volcan s’éteint, un être s’éveille.

Cela n’est pourtant pas le cas pour le slogan de Kit-Kat :

(60) Kit-Kat : Have a break. Have a Kit-Kat

L’inversion de prédications aboutira ici à une modification qui fait toujourssens, puisque les deux prédications peuvent être dites liées par un rapport desimultanéité, mais, au lieu de promouvoir le message « lorsque vous faites unepause, prenez Kit-Kat », on aboutira au message « lorsque vous prenez Kit-Katla pause en est une (une vraie) ».

14. Bosch fait en quelque sorte écho à It’s a Bird... It’s a Plane... It’s Superman, même si ce dernier culmineen une précision d’identité alors que Bosch culmine en une perfection (puisque Bosch signifie tout à la fois).

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3.2.6. Nous vs. Vous

Considérons :

(61) Arc-en-ciel (auto-école) : Notre objectif, votre réussite.(62) Cari : Notre plaisir, votre satisfaction.(63) ConnectPro : On installe, vous en profitez.(64) Bridgestone : Votre route, notre passion.(65) Microsoft : Votre potentiel, notre passion.(66) MGEL : Votre santé, notre priorité.(67) Fiat. You are, we car.(68) Hotpoint : Nos idées, votre maison.(69) Miofino : Notre passion, votre café.(70) Phone House (The) : Notre indépendance, votre liberté !

Les relations dans la série d’exemples (61)-(70) sont variées : opposition (pos-sibilité de restitution d’un mais) ou encore « votre X est notre Y » (équation,équivalence). Quelle que soit l’interprétation visée, le message a pour objectif delier les deux partenaires pour créer un tout, une complétude.

3.2.7. Échelle argumentative

Finalement, les slogans infra permettent la restitution d’un « mais » puisque,à l’égal d’une des valeurs de cette conjonction, le message consiste dans l’indi-cation que le deuxième terme renferme un argument plus décisif qui oriente defaçon plus tranchante vers une conclusion opposée par les attentes suscitées parle premier terme 15 :

(71) Lefert : Le dire, c’est bien, Lefert, c’est mieux ! 16

(72) GrosBill.com : High tech, low cost.(73) Trolltech : Code less. Create more.

La section suivante (§ 4) s’attèle à la question de la relation entre les prédicationsdans les slogans repérés.

4. LE NON-MARQUAGE DE LA LIAISON ENTRE PRÉDICATIONSDOIT-IL S’EXPLIQUER PAR UNE ELLIPSE ?

Ou, autrement dit, a-t-on toujours le droit de rester dans l’enchaînement para-taxique ou faut-il recourir à la solution d’un emboîtement hypotaxique (en pos-tulant la suppression de marqueurs censés exister à un niveau sous-jacent) ?Par ailleurs, là où la paraphrase reste paratactique, devra-t-on postuler un

15. Selon Ducrot (1972 : 128), P mais Q présuppose que P sert d’argument pour une certaine conclusion etque Q est un argument qui annule cette conclusion, du fait que Q est un argument plus fort pour annuler cetteconclusion, que P pour l’appuyer. Cf. aussi Ducrot (1980) et Anscombre & Ducrot (1983 : 104-113).

16. Jeux de mots : le nom de la marque représente le verbe faire et le pronom le.

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modèle syndétique (concrétisant les joncteurs) sous-jacent ? Étant donné laconfusion terminologique et définitoire relative à la description de la relationinterpropositionnelle dans la grammaire (cf. Deulofeu 2001 ; Béguelin, Avanzi &Corminboeuf 2010), notons en passant que par parataxe on réfère ici à une situa-tion où chacune des propositions ou clauses, mises en énonciation de façonsuccessive, conserve son autonomie syntaxique. Par hypotaxe, nous entendons« subordination », voire une « dépendance orientée entre une proposition ditesubordonnée et une proposition dite principale ou régissante » (Riegel, Pellat &Rioul, 1996 : 470) 17.

À part le fait évident qu’il s’agit d’accroches et que donc, en principe, il s’agitde productions textuelles particulières qui se permettent une liberté plus grandeque celle recommandée par la norme stricte prenant la phrase comme point deréférence, on s’est heurté partout (§ 3.2) à une situation où l’élément soi-disantmanquant, qui était censé assurer la liaison entre les différents éléments del’énonciation, n’était pas matérialisable tel quel à partir du contexte (à l’encontrede la récupération automatique de Canderel et Vittel dans les slogans (2) et(3), à partir du contexte énonciatif). Les subordonnants ou joncteurs soi-disantmanquants (§ 3.2) faisaient en général partie d’un paradigme de modes de liaisonpossibles. Tout cela conduit à écarter la solution elliptique, surtout si celle-ci estretenue comme un mode de substitution par zéro d’éléments récupérables encontexte, et qu’il ne puisse pas y avoir de doute quant à l’élément remplacé parzéro (Adler 2012, 2013). Si nous ne recourrons pas à l’ellipse d’une paraphraseou à l’ellipse de synonymes à chaque fois que ceux-ci sont envisageables pour telou tel énoncé, nous ne devrons pas recourir à la solution d’ellipse de connecteurs,juste parce que ceux-ci peuvent se rétablir mentalement dans les paraphrasesrelatives au slogan.

En fait, l’hypothèse d’un emboîtement hypotaxique est à écarter pour uneraison supplémentaire et capitale, liée elle aussi au conditionnement de l’envi-ronnement d’énonciation. Seule la parataxe asyndétique illustrée par chacunedes accroches en § 3.2 présente l’avantage de placer les différents membres del’énonciation sur le même plan et donc de privilégier la symétrie (aux dépensde la hiérarchie). Nous exclurons l’hypothèse d’une subordination du fait del’implication potentielle d’une hiérarchisation et donc d’un statut prédicationnelinégal pour les membres du tour 18. Dans le domaine qui nous concerne, c’estl’idée même de regroupement syntagmatique de deux ou de trois membres,voire le fait même de la corrélation 19, qui constitue une bonne partie du mes-sage à communiquer : placer les éléments au même rang syntaxique et asserter

17. Selon Lehmann (1988), la parataxe peut être syndétique ou asyndétique. La parataxe est un cas de sociationen ce sens que les membres mis en rapport ne dépendent pas l’un de l’autre, du point de vue syntaxique.

18. Subordination évoque prioritairement l’idée de rection syntaxique unilatérale, avant qu’il n’évoque lasimple idée de ligature ou de connexion.

19. En ce sens d’une mise en place d’une dépendance mutuelle.

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les membres de l’énonciation à titre d’égalité – en éliminant non seulement lessubordonnants mais aussi les connecteurs jonctifs dans le cas de la parataxe –équivaut à instaurer une réalité composite (le produit ou le service promu etson influence sur la vie du consommateur potentiel) qui repose sur un présup-posé d’existence. De plus, une énonciation composée de plusieurs éléments liésles uns aux autres par des pauses (plutôt que par des subordonnants ou desjoncteurs) donne libre cours à la construction du message par le consommateurcible, et augmente ainsi les possibilités de réception, face à une situation deprofils variés de consommation 20. D’autre part, une variété interprétationnelles’avère très avantageuse pour l’annonceur publicitaire du fait que celle-ci setraduit immédiatement en plus de temps de digestion mentale, et donc en plusde chances pour enraciner l’accroche dans la cognition du public visé.

Afin de concrétiser l’avantage de l’asyndète, reprenons un slogan représenta-tif de chaque schéma identifié au § 3.2. La parataxe asyndétique permet, en (5),de promouvoir le fait de posséder Free au rang d’une réalité, alors que l’emboî-tement de cet élément dans une hypothétique contenant si (s’il a Free, il a toutcompris) aurait placé ce membre de l’énonciation dans un état de contrefait 21.Autrement dit, seule l’absence de si permet de consolider l’idée d’un présupposéexistentiel, voire d’asserter la fonction de vérité, ce qui est en parfait accord avecune stratégie marketing qui vise à transformer l’utilisation de services Free enune réalité commerciale 22. Il en va de même pour le slogan de Skip (17), quipasse du contrefactuel au factuel : l’absence de si fait inférer que le contenu de lasous-phrase est valable aussi en dehors du domaine étroit de l’hypothèse et del’irréel. En d’autres termes, l’absence de si est iconiquement significative pourpromouvoir le contenu propositionnel à un stade d’actualisation plus élevé. Leslogan de Cegid (18) présente les deux progressions effectuées par les deux par-tenaires comme étant équivalentes et parfaitement harmonieuses. Le slogan deTF1 (50) verbalise la notion de yin et yang. Seule la contiguïté formelle permettrala divisibilité infinie et harmonisée. Un support lexématique (en l’occurrence,et) actualisé, accentuerait en revanche l’idée d’un ordre chronologique ou d’un

20. Cf. le sous-entendu chez Ducrot (1984 : 14-46), et son caractère « surajouté », « absent de l’énoncé »,laissant au destinataire la responsabilité d’interprétation après coup, et résultant d’une réflexion du destinatairesur les circonstances énonciatives.

21. La fonction de vérité dépend de la valeur de vérité des membres composant la séquence. Si le premiermembre est lié à une non-vérité, cela influera sur la valeur de vérité de toute la séquence énonciative.

22. Pour ce type de phrase, voir Corminboeuf (2008) et ses diptyques ou bi-assertives. Rappelons quel’emploi du terme diptyque pour décrire plusieurs situations de corrélation revient à Minard (1936) etqu’il est souvent associé à Haudry (1973, 1979, 1997). Cf. encore Andersen (1995) et ses « juxtapositionssubordinatives » ou « coordinations subordinatives » ; Thumm (2000) pour des hypothétiques non marquées enanglais oral spontané (« paratactic conditionals ») ; Allaire (1982) ou Corminboeuf (2010) pour des séquencesà interprétation hypothétique dont le premier membre est un SN (ou « une clause nominative », pour employerla terminologie du cadre macro-syntaxique fribourgeois, dont Corminboeuf est un représentant) et le secondun énoncé assertif. Cf. encore Borillo (2010 : 4) pour diverses « constructions de corrélation hypothétiquesnon marquées par la subordination », entre autres, celles portant une inversion du sujet ou celles reliées par etou ou, et Inkova & Hadermann (2013) pour d’autres aspects liés à la corrélation en général.

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conditionnement. Volvic (59) illustre la concomitance et le caractère inévitable etlogique du processus naturel par la juxtaposition. Arc-en-ciel (61), à l’exemplede TF1 (50), exprime la complémentarité et la mutualité par la juxtapositionformelle. Finalement, le slogan de Lefert (71) concrétise l’idée d’un passageimmédiat du dire à l’action, sans intermédiaire (mais) et donc sans obstacle, enutilisant un agencement direct des deux membres énonciatifs qui forment leslogan.

Il s’ensuit que la mise en énonciation successive présente des avantagesdans le secteur publicitaire, ce qui nous permet de parler de syntaxe iconique(Adler 2014), en accord avec le méta-principe d’iconicité formulé par T. Givón(1983 : 189), selon lequel « all other things being equal, a coded experience iseasier to store, retrieve and communicate, if the code is maximally isomorphic tothe experience » 23.

Par conséquent, tout recours à la solution de mismatch syntaxe/sémantique(Culicover & Jackendoff 1997), en ce sens d’une parataxe effective mais d’unehypotaxe conceptuelle, paraîtra non naturel. Il en va de même pour la parataxe :la reconstruction d’un modèle syndétique (avec un jonctif matérialisé) auraitaltéré le message (et les dérivés du message) que le slogan essaie de communi-quer sous sa formule économique.

À l’appui de la thèse d’une syntaxe iconique qui postule une meilleure corres-pondance entre syntaxe et sens 24, il est encore possible de faire appel à l’analyseen périodes 25 du modèle macro-syntaxique fribourgeois (Berrendonner 1990,2002 ; Béguelin 2002 ; Béguelin & Corminboeuf 2005 ; Avanzi 2007) 26. Selon cemodèle pragma-syntaxique, les contraintes qui président à l’enchaînement desénonciations « sont de type praxéologique » (Corminboeuf, 2008 : 9). Il en res-sort qu’« une énonciation pragmatiquement incongrue à l’état isolé (parce quesous-informative, par exemple) laisse attendre une seconde énonciation » (ibid.).Selon cette logique, chacune des énonciations composant les slogans étudiés au§ 3.2 serait syntaxiquement autonome, mais une relation pragmatique unit lesénonciations afin de former « un plan énonciatif complet » (ibid.). Nous rejoi-gnons G. Corminboeuf (2008, 2009) pour signaler aussi la fragilité des analyses

23. Cf. encore le texte précurseur de Jakobson (1965) sur la notion d’iconicité et celui de Peirce (1932 : 2.247,277-282) sur la notion de diagramme (on parle d’iconicité diagrammatique en cas d’analogie entre les relationsdes parties de l’icône et de l’objet représenté).

24. Le sens motive la forme ou l’organisation énonciative.

25. Une période est une suite d’énonciations formant un programme discursif complet, qui est marqué par laprésence sur son dernier terme d’un intonème conclusif. Les périodes constituent du même coup des « unitésde tour de parole » (Berrendonner, 1993 : 22) / « Unités délimitées par un intonème conclusif, et réalisant unprogramme d’actions communicatives plus ou moins complet » (Béguelin & Corminboeuf 2005).

26. Les modèles macro-syntaxiques remettent en cause la pertinence de phrase comme cadre de l’analysesyntaxique ou discursive. Cf. encore les regroupements « symétriques » ou « dissymétriques » ou les « unitésillocutoires » (Benzitoun & Sabio 2010 ; Benzitoun et al. 2010).

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fondées sur la paraphrase, ainsi que le danger de la comparaison à une para-phrase, du fait d’une marginalisation potentielle de tout ce qui ne ressemble pasà un prototype rigide.

Pour sa part, P. W. Culicover (2010) reconnaît finalement que, dans plusieursmodèles de parataxe en anglais, l’interprétation est déterminée par la configura-tion, ce qui veut dire qu’à l’encontre du principe de compositionnalité de Frege, iln’y a pas de représentation 27 syntaxique pour chaque aspect de l’interprétation.Cette conception accorde une certaine autonomie à la sémantique puisque celle-ci est désormais le résultat de la configuration plutôt que de la stricte corrélationsens-structure syntaxique 28.

5. POUR CONCLURE

Quatre questions ont été traitées en relation avec le non-marquage de la liai-son entre prédications : dans un premier temps, celle de savoir pourquoi lesaccroches publicitaires privilégient les liaisons non marquées entre prédications.Notre réponse s’est basée à la fois sur l’économie et les avantages de la syn-taxe iconique. Sept schémas syntaxiques typiques de non-marquage dans lesecteur publicitaire ont été exposés afin de répondre à la deuxième questionde savoir comment se concrétise le non-marquage du mode de liaison. Cetteétude a ensuite enquêté sur la nécessité de l’ellipse pour rendre compte du non-marquage de la liaison ou de l’emboîtement hypotaxique. Notre réponse étaitqu’il n’y a pas ellipse d’un élément de liaison et encore moins hypotaxe, parceque seule l’attribution d’un statut égal aux différentes prédications permet deréaliser l’objectif du slogan publicitaire. La dernière question à laquelle s’est atte-lée cette étude porte sur les avantages, au niveau de la transmission du message,de la structure syntaxique condensée. Notre réponse a évoqué la particularitédu cadre de la production énonciative.

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27. Représentation qui existerait à un niveau sous-jacent et donc dépourvue de matérialisation phonologique.

28. Quoique nous appuyions la « simpler syntax » (Culicover & Jackendoff 2005, 2006) dans le cas desparataxes analysées dans la présente étude (et dans les divers modèles de parataxe en anglais analysés dansCulicover 2010), cela ne suggère pas que l’hypothèse de « simpler syntax » apporte une réponse adéquate àtous les modèles d’économie linguistique, comme le suggère Adler (2013), notamment dans le cas de l’ellipselexicale analytique.

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Les liaisons de prédications : lorsque la marque s’estompe

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