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Math´ ematique et P´ edagogie n˚164, 17–57, 2007 17 Les repr´ esentations planes comme fil conducteur pour l’enseignement de la g´ eom´ etrie GINETTE CUISINIER, CHRISTINE DOCQ, TH ´ ER ` ESE GILBERT, CHRISTIANE HAUCHART, NICOLAS ROUCHE, ROSANE TOSSUT Groupe d’Enseignement Math´ ematique esum´ e — D’une part, l’´ etude de la g´ eom´ etrie de l’espace s’ap- puie sur des repr´ esentations planes de solides, et d’autre part on ne r´ ealise de telles repr´ esentations qu’en s’appuyant sur des notions de g´ eom´ etrie. Ainsi, ces repr´ esentations entretiennent avec la g´ eom´ etrie un lien substantiel et constant. Elles vont des dessins d’enfants ` a la perspective centrale, en passant par les projections orthogonales et parall` eles, c’est-` a-dire du dessin na¨ ıf vers des formes de projection de plus en plus ´ evolu´ ees et complexes. Pour ces diverses raisons, elles constituent un fil conducteur int´ eressant pour l’apprentissage de la g´ eom´ etrie. Dans cet atelier, nous illustrerons ce point de vue par quelques questions jalonnant l’enseignement de la prime enfance ` a l’ˆ age adulte. Introduction Le pr´ esent article esulte d’un travail au Groupe d’Enseignement Math´ ematique (GEM) de Louvain-la-Neuve. Ce groupe rassemble, entre Adresse de l’auteur : Gem, Chemin du Cyclotron , Louvain-la-Neuve ; courriel : [email protected]. Le pr´ esent article a fait l’objet d’un atelier au Colloque du CREM, Mons, 2005, et une partie a ´ et´ e publi´ ee dans le Suppl´ ement sp´ ecial des Annales de didactique et de sciences cognitives, volume 11, Colloque de Mons 2005, IREM de STRASBOURG

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Mathematique et Pedagogie n˚164, 17–57, 2007 17

Les representations planescomme fil conducteur pour

l’enseignement de la geometrieGINETTE CUISINIER, CHRISTINE DOCQ,

THERESE GILBERT,CHRISTIANE HAUCHART,

NICOLAS ROUCHE, ROSANE TOSSUTGroupe d’Enseignement Mathematique

Resume — D’une part, l’etude de la geometrie de l’espace s’ap-puie sur des representations planes de solides, et d’autre parton ne realise de telles representations qu’en s’appuyant sur desnotions de geometrie. Ainsi, ces representations entretiennentavec la geometrie un lien substantiel et constant. Elles vontdes dessins d’enfants a la perspective centrale, en passant parles projections orthogonales et paralleles, c’est-a-dire du dessinnaıf vers des formes de projection de plus en plus evoluees etcomplexes. Pour ces diverses raisons, elles constituent un filconducteur interessant pour l’apprentissage de la geometrie.Dans cet atelier, nous illustrerons ce point de vue par quelquesquestions jalonnant l’enseignement de la prime enfance a l’ageadulte.

Introduction

Le present article resulte d’un travail au Groupe d’EnseignementMathematique (GEM) de Louvain-la-Neuve. Ce groupe rassemble, entre

Adresse de l’auteur : Gem, Chemin du Cyclotron , Louvain-la-Neuve ; courriel :[email protected] present article a fait l’objet d’un atelier au Colloque du CREM, Mons, 2005, et unepartie a ete publiee dans le Supplement special des Annales de didactique et de sciencescognitives, volume 11, Colloque de Mons 2005, IREM de STRASBOURG

Les representations planes

15 et 30 fois par an, des enseignants de tous niveaux, de la maternelle al’universite, benevoles, pour travailler des questions liees a l’enseignementdes mathematiques. Il s’est attache a l’idee que les representations planesde solides constituent un contexte interessant pour l’enseignement de lageometrie, d’un bout a l’autre de la scolarite.

Afin d’illustrer ce point de vue, nous avons selectionne quelques acti-vites de representations planes d’objets de l’espace qui peuvent jalonnerl’enseignement a differents ages de la scolarite.

Bien que l’on puisse imaginer representer des objets aux formes les pluslibres, notre presentation est globalement centree sur des objets du plan oude l’espace tels que des carres, rectangles, assemblages et pavages de carres,parallelipipedes, cubes et assemblages de cubes, . . .

Certaines activites ont ete vecues en classe, d’autres ne sont que despropositions d’activites, qui doivent encore etre experimentees. En ce sens,la presente contribution est davantage un temoignage qu’un ensemble deresultats definitifs.

Les auteurs remercient les membres du GEM qui ont pris part a cettereflexion ainsi que ceux qui ont experimente des activites dans leurs classes :Micheline Citta, Lucie De Laet, Martine de Terwangne, Alain Desmaret,John Dossin, Stephane Lambert, Sophie Loriaux, Monique Meuret, BrunoTaquet, Jean-Pascal Bodart.

1. Dessin d’enfants

La reflexion menee au GEM a propos de dessins d’enfants a permis demieux cerner quelles competences sont mobilisees, et quelles difficultes sontrencontrees par les enfants dans certaines activites de dessin. Ces activitesont ete realisees dans plusieurs classes de divers niveaux : troisieme mater-nelle, premiere, troisieme et cinquieme primaires (enfants ages d’environ 5,6, 8 et 10 ans).

1.1. Dessiner une table

Dans toutes les classes, on a donne la consigne : « Dessine une table avecune assiette ». Des que les realisations ont ete rassemblees, une questionde methode s’est imposee : comment rendre compte des dessins d’enfants ?

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Les representations planes

Notre premier reflexe a ete de reperer ceux qui correspondaient a ce quenous aurions nous-meme dessine, en fait en perspective cavaliere. Mais nousavons decouvert des dessins tres differents, manifestant des connaissances,une reflexion et une coherence qu’il nous fallait tenter d’analyser. Nousproposons ci-apres trois competences qui peuvent servir a rendre comptedes resultats : conceptualiser un objet, choisir un point de vue et respecterun code.

Conceptualiser l’objet. Dessiner une table quand on n’en a pas sous lesyeux, c’est dessiner un concept. Il est encore different de dessiner une tableque l’on voit, ou de dessiner une table donnee d’un point de vue donne. Re-marquons que, dans tous les cas, le dessinateur est oblige de conceptualiserpour dessiner.

Qu’est-ce qu’un concept de table ? C’est un concept qui integre etschematise dans l’esprit de chacun toutes les tables qu’il a vues, de tousles points de vue possibles et avec tous les usages. Il en resulte l’idee dequelques parties possedant chacune une forme definie et articulees les unesaux autres d’une certaine facon. Dans chaque dessin, on trouve quelques--unes des proprietes suivantes (mais jamais toutes. . .) :

– Une table possede un plateau, souvent rectangulaire ;– Ce plateau est horizontal ;– Une table a en general quatre pieds ;– Ces pieds sont articules aux quatre coins du plateau ;– Ils sont verticaux, paralleles entre eux et perpendiculaires au plateau ;– Ils sont de meme longueur ;– Ils sont orientes vers le bas a partir du plateau ;– Et ils descendent jusqu’au meme niveau, celui du sol.Les figures ci-dessous montrent quelques dessins typiques. La figure 1

montre un plateau rectangulaire avec quatre pieds articules aux quatre coinsdu plateau et a peu pres d’egales longueurs. Les pieds sont perpendiculairesa un bord du plateau.

A la figure 2 par contre, les quatre pieds sont orientes vers le bas ; montrerles quatre pieds ne permet pas de les dessiner paralleles.

La figure 3 montre un plateau rectangulaire avec quatre pieds verti-caux, orientes vers le bas et descendant jusqu’a un meme niveau ; ces choixempechent d’articuler les pieds aux quatre coins.

On le voit, le fait de passer de trois a deux dimensions oblige a ne conser-ver qu’une partie des proprietes, et l’on imagine bien que le choix est parfoisdifficile.

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Fig. 1 – Quentin, e primaire Fig. 2 – Joana, e primaire

La figure 4 montre que certains enfants parviennent a respecter a peupres toutes les propietes, grace au choix de dessiner un plateau transparent !

Fig. 3 – Nicolas, e maternelle Fig. 4 – Julien, e primaire

Nous pointons ainsi un premier interet pedagogique du dessin, ainsiqu’une premiere difficulte. Proposer une telle activite a un enfant l’amene aconceptualiser, mais le met aussi devant un choix difficile : quelles proprietesconserver ?

Choisir un point de vue. Dessiner implique generalement de choisir unpoint de vue. Mais choisir un point de vue, c’est souvent etre contraint dedeformer la realite, ici de faire fi de certaines caracteristiques d’une table etde ne pas tout dessiner.

De nombreux dessins d’enfants montrent un tel choix. Ainsi, a la figure 5,la table est vue de bout, ce qui implique que les pieds de derriere sont caches.A la figure 6, la vue de bout pour le plateau est combinee a un effet deperspective pour les pieds (les pieds de derriere sont dessines plus courtsque ceux de devant). Enfin la figure 7 montre la table vue du dessus, ce quine montre pas grand chose de ses pieds. . .

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Fig. 5 – Celine, e primaire Fig. 6 – Wacil, e primaire

Fig. 7 – Joshua, e primaire

D’autres dessins encore s’apparentent plutot a une vue de la table enperspective a point de fuite, pour le plateau seulement ou pour l’ensemblede la table. . .

Une deuxieme difficulte du dessin est donc de choisir un point de vue etde renoncer a certaines proprietes de l’objet.

Respecter un code. Des dessins d’enfants revelent deja le respect decertaines regles de representation. Certains eleves dessinent spontanementet sans defaut en perspective cavaliere (figure 8). D’autres le font approxi-mativement (figure 9).

Mais cela suffit a montrer que la perspective cavaliere est dans l’air :ces eleves l’ont deja rencontree et tentent de s’y conformer. Le code qu’ilss’imposent consiste en deux regles au plus :

– Respecter le parallelisme,– Respecter l’egalite des longueurs de segments paralleles, eventuelle-

ment alignes.Respecter ce code demande de reperer les parallelismes utiles, de reperer

les egalites de longueurs utiles, de choisir un point de vue, de realiser qu’il

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Les representations planes

Fig. 8 – Lætitia, e primaire Fig. 9 – Valerie, e primaire

ne faut pas respecter plus de proprietes que necessaire. Par exemple, lesangles droits ne doivent generalement pas etre dessines droits.

Ainsi, respecter un code implique de reperer certaines proprietes de l’ob-jet et c’est la aussi un interet pedagogique du dessin.

Qui plus est, il faut s’en tenir a un code et un point de vue, et ne pas enchanger en cours de route. Certains dessins melangent perspective cavaliereet perpective a point de fuite, ou montrent un changement de point de vueentre le plateau et les pieds.

Un dessinateur entraıne s’aide de la perception de la forme globale qu’il ade l’objet. Dans le cas de la table rectangulaire, l’enveloppe de l’objet est engros un parallelipipede rectangle. Sachant cela, on comprend que, le plateauetant dessine en forme de parallelogramme, les bases des quatre pieds oc-cupent aussi sur le dessin les sommets d’un parallelogramme (non dessine),isometrique au premier et situe sous lui. Pour se rendre compte de cela, ilsuffit d’imaginer une corde entourant les quatre pieds a la base. La figure 10montre un dessin ou cette exigence de concevoir deux parallelogrammestranslates l’un de l’autre n’est pas respectee. Sans doute le besoin de des-siner quatre pieds est-il plus fort que celui de respecter les longueurs ou leparallelisme.

1.2. Achever le dessin d’une table

Dans une classe de cinquieme primaire (11 ans), l’institutrice a poursuivil’experience en imposant implicitement un point de vue et un code. Elle adistribue aux enfants un dessin de table inacheve (figure 11) : un plateau detable rectangulaire dessine en perspective cavaliere sur du papier quadrille.Au bas de ce dessin figure la consigne « Dessine les quatre pieds de la table ».

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Les representations planes

Fig. 10 – Selim, e primaire

Le quadrillage joue un role d’incitant et de guide pour completer ledessin selon le code de la perspective cavaliere. En perspective cavaliere, lesproprietes suivantes doivent etre respectees :

– Raccord du haut des pieds aux quatre coins du plateau,– Alignement de certains segments en position frontale, comme AB etCD sur la figure 12, et parallelisme de ces segments au bord frontalHI de la table,

– Alignement des dessins de certains segments en position laterale,comme EF et GA sur la figure 12, et parallelisme de ces segmentsau bord lateral JH de la table,

– Egalite des longueurs des pieds.

Fig. 11 –

E

F

GA B C D

J

H I

Fig. 12 –

Avec cette consigne, nous voulions voir, d’une part dans quelle mesure leseleves connaissent et respectent ce code, et d’autre part quelles proprietes del’objet ils respectent. Rappelons que ces eleves n’ont recu aucune instructionparticuliere sur les representations planes d’objets de l’espace.

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Fig. 13 – Billy, e primaire Fig. 14 – Duygu, e primaire

Un seul dessin sur seize a ete realise selon les regles, et c’est le seul com-portant un pied cache (figure 13). Qu’ont fait les enfants et que repere-t-oncomme types d’erreurs ? Ils sont generalement partis des coins du plateaupour tenter d’y raccorder les quatre pieds. Quant aux erreurs, elles cor-respondent selon les cas a des problemes de raccord de certains pieds auplateau, a des problemes de longueur de pieds (11 eleves sur 16 n’ont pasrespecte l’egalite des longueurs des pieds), ou encore de perte de l’alignementde segments disposes en position frontale ou en position laterale.

En ce qui concerne les alignements mentionnes ci-dessus, notons quela plupart des enfants ont respecte l’alignement des segments en positionfrontale (13 dessins sur 16) et pas l’alignement en position laterale (12 sur16).

On trouve, a la figure 14, un probleme de raccord du pied avant gaucheau plateau. Et comme l’enfant s’est arrange pour que les pieds au sols’inscrivent dans un parallelogramme parallele au plateau, ce probleme serepercute en un probleme de longueurs des pieds et un probleme de raccorddu pied arriere droit au plateau. . .

2. Vues coordonnees d’un objetappele « module de paix »

Dans l’activite de representation de tables, les enfants dessinent spon-tanement. On pourrait dire que les projections y sont implicitementpresentes au sens ou cette activite est en attente d’une theorisation quis’appuie sur les projections. Mais les enfants n’y voient pas des projections,

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ils ignorent d’ailleurs ce que c’est : ils voient des tables, percoivent sansdoute un code.

Dans la deuxieme activite que nous decrivons maintenant et qui s’adressea des eleves du debut du secondaire, le lecteur reconnaıtra les projectionsorthogonales, bien qu’elles ne sont pas abordees comme des transformations.Elles sont ici abordees de maniere informelle et sont appelees vues.

1. Vous recevez un module de paix. Posez-le sur unetable en l’orientant comme suggere sur la figure ci-contreet representez-le au moyen des trois vues orthogonalescoordonnees : de haut, de face et de gauche.2. Sur la figure ci-contre, certains sommets du modulede paix sont designes par les lettres A, B, C, D, E, F , G,H, I et J . Indiquez ces sommets sur chacune des vuesde face, de gauche et de haut que vous avez realiseesen 1. B

C

E

F

A

D

G

HI

J

a) Sachant que la distance entre A et B vaut 1, quelles sont dans larealite les distances suivantes : d(C,D), d(E,D), d(E,F ), d(E,G), d(F,G),d(B,C), d(G,H), d(I,H), d(I, J) ?b) Retrouvez-vous ces distances en les mesurant sur les vues de haut, deface et de gauche ?

Avec cette activite, les eleves peuvent prendre conscience de l’interet dumode de representation en trois vues coordonnees. Il fournit (figure 15) undessin en vraie grandeur de parties bien disposees de l’objet : la face dudessus sur la vue de haut, celle de gauche sur la vue de gauche et celle deface sur la vue de face. Il est frequemment utilise dans la vie quotidienne, parexemple dans des domaines techniques. Il se refere aux directions privilegieesque sont la verticale et l’horizontale. On peut le voir comme une premiereetape vers les projections paralleles. Une difficulte pour decoder ce mode derepresentation tient a ce qu’il faut coordonner les trois vues.

Les enfants sont aussi amenes a realiser que la representation sur unedes vues coordonnees fait perdre de l’information par rapport a la realite :ainsi par exemple, un unique et meme point represente sur la vue de face,les deux sommets distincts I et J de la realite. Enfin, ils realisent aussi quesi dans certains cas (pour des parties privilegiees de l’objet), ce mode derepresentation fournit une image en vraie grandeur, dans les autres cas, ilraccourcit ou annule les distances. Ainsi par exemple,

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Vue de face Vue de gauche

Vue de haut

Fig. 15 –

– La distance entre A et B, qui vaut 1 dans la realite, est conservee surla vue de haut et sur celle de face et vaut 0 sur la vue de gauche ;

– La distance entre B et C, qui vaut√

2 dans dans la realite, estconservee sur la vue de haut et est reduite a 1 sur les vues de faceet de gauche.

Enfin, la question relative aux distances sollicite des connaissances degeometrie plane, comme le theoreme de Pythagore.

Notons au passage que la lecture de la question 1 passe par celle d’undessin du module en perspective cavaliere : meme si la plupart des elevesn’en connaissent pas encore les regles, decoder un tel dessin ne leur posepas de probleme.

3. Ombres, au soleil et a la lampe,d’echelles et de quadrillages

Pour permettre a des eleves du debut du secondaire de prendreconscience des differences entre perspective cavaliere et perspective a pointde fuite, nous leur proposons dans un premier temps d’observer des ombrespour qu’ils puissent acquerir un support intuitif aux proprietes geometriquessous-jacentes.

Les objets que nous proposons sont des objets plans (echelles miniaturesa montants paralleles et quadrillages) qui faciliteront la decouverte des in-variants fondamentaux de ces perspectives.

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Les representations planes

Les eleves recoivent une echelle miniature a montants paralleles et lesconsignes suivantes.

1. Imaginez et dessinez une ombre possible, sur une surface plane, de cetteechellea) Placee au soleil ;b) Placee devant une lampe ponctuelle.Si necessaire, realisez concretement l’experience (1).2. Voici quelques dessins :

7

89

10

1

3

4

2

5

6

Quels sont ceux qui peuvent etre une ombre de l’echelle placee au soleil ?Quels sont ceux qui peuvent etre une ombre de l’echelle placee devant unelampe ponctuelle ?3. Imaginez et dessinez des ombres possibles d’un quadrillagea) Place au soleil ;b) Place devant une lampe ponctuelle.

3.1. Imaginer des ombres d’echelles

Cette question tres ouverte doit amener les eleves a s’interroger sur lescaracteristiques principales de ces deux types d’ombre. Ils pourront ainsiavoir une premiere grille de lecture des dessins qui leur sont presentes dansla deuxieme question.

(1) Une lampe ponctuelle et, au cas ou le soleil est cache, une lampe a faisceaux parallelessont disponibles en classe.

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Les representations planes

3.2. Ombres d’echelles possibles ou impossibles

3.2.1. Ombres au soleil

L’observation de l’echelle et de son ombre semble indiquer que l’ombreau soleil conserve les alignements, le parallelisme des droites dans toutesles directions et les rapports de longueurs sur une droite ou sur des droitesparalleles. Elle ne conserve generalement pas les longueurs, ni les angles.

Le debat en classe debouche sur l’explication suivante : le soleil est tel-lement loin de la planete terre que les rayons parvenant sur la terre sontquasi paralleles ; on peut donc modeliser le phenomene des ombres au soleilsur une surface plane par le concept mathematique de projection parallelesur un plan, au phenomene de penombre pres.

On aboutit a la definition suivante de projection parallele, pour un plan πet une droite d non parallele a π :

La projection parallele a la droite d sur le plan π est la trans-formation qui envoie un point P de l’espace sur le point de perceedans le plan π de la droite menee par P parallelement a d.

Cette droite parallele a d est appelee rayon projetant. Lespoints du plan π sont leur propre image.

Nous abordons les proprietes des projections paralleles en exploitant lelien etroit entre les representations planes et la geometrie de l’espace. Eneffet, on justifie par des proprietes de geometrie synthetique de l’espace etdu plan les proprietes suivantes des projections paralleles :

– Conservation de l’incidence et de l’alignement ;– Conservation du parallelisme ;– Conservation des rapports de longueurs sur une droite ou sur des

droites paralleles ;– L’image d’un rectangle est un parallelogramme ;– L’image d’une figure situee dans un plan parallele au plan de projection

est isometrique a la figure ;– L’image d’une figure situee dans un plan parallele aux rayons proje-

tants est reduite a un segment.Ces mises au point sur l’ombre au soleil, sur sa modelisation sous forme

de projection parallele et sur les proprietes d’une telle projection, per-mettent de revenir a la question concernant les formes possibles de l’ombrede l’echelle .

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Les representations planes

Nous interpretons desormais cette ombre comme l’image d’une echelleidealisee (2) par une projection parallele. Elle peut etre, selon le cas

– Un segment ;– Une echelle (3) isometrique a l’echelle de depart ;– Une echelle dont les montants sont de meme longueur et paralleles

entre eux, les echelons etant paralleles entre eux mais pas necessaire-ment perpendiculaires aux montants et les espaces inter-echelons sonten forme de parallelogrammes isometriques.

Ainsi, les dessins nos 3, 6, 5 et 7 montres a la figure 16 sont acceptes.

7

36

5

Fig. 16 –

Enfin, le lien entre les projections paralleles et les representations planesest mis en evidence. A ce stade, on peut nommer la representation planeassociee a une projection parallele : il s’agit d’une perspective cavaliere (axo-nometrique suivant les dessins technologiques).

Quant aux projections orthogonales rencontrees dans l’activite prece-dente (les trois vues coordonnees), elles sont reconnues comme des cas parti-culiers de projections paralleles : les rayons projetants sont perpendiculairesau plan de projection.

(2) Il s’agit d’une figure plane, correspondant a une echelle a montants paralleles dememe longueur, et aux echelons perpendiculaires aux montants et regulierement disposes(les espaces inter-echelons sont des rectangles isometriques).(3) Dans la suite de ce texte, nous commettons l’abus de langage qui consiste a utili-

ser echelle, montants, echelons, espaces inter-echelons, etc. au lieu de image de l’echelle,images des montants, images des echelons, images des espaces inter-echelons, etc. , esti-mant que le contexte permet de determiner l’interpretation qu’il faut choisir.

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Les representations planes

3.2.2. Ombres a la lampe

L’observation de l’echelle et de son ombre semble indiquer que l’ombrea la lampe ponctuelle conserve les alignements, le parallelisme des droitesparalleles au plan de l’ombre et les rapports de longueurs sur ces droites,mais ne conserve pas le parallelisme et les rapports de longueurs pour lesautres droites.

A nouveau, la travail en classe debouche sur une modelisation : l’ombreportee par une lampe ponctuelle sur un plan est modelisee par une projec-tion centrale de l’espace sur un plan.

La projection centrale est definie comme suit, pour un plan π donne etun point C n’appartenant pas a ce plan :

La projection centrale de centre C sur le plan π est la trans-formation qui envoie un point P de l’espace (n’appartenant pasau plan parallele a π passant par C) sur le point de percee dansle plan π de la droite determinee par les points P et C.

Cette droite est appelee rayon projetant. Les points de πsont leur propre image et aucun point du plan contenant C etparallele a π n’a d’image.

On releve ensuite les premieres proprietes des projections centrales :– Conservation de l’alignement ;– L’image d’une figure situee dans un plan (4) parallele au plan de pro-

jection est homothetique a la figure ;– Les images de deux droites paralleles entre elles (5) mais non paralleles

au plan de projection sont deux droites concourant en un point appelepoint de fuite (figure 17).

On les justifie par des proprietes de geometrie synthetique de l’espace et duplan.

Avant de pouvoir determiner quels dessins sont des ombres a la lampede l’echelle, il nous a semble interessant d’etudier d’abord les ombres dequadrillages.

(4) Ne passant pas par C.(5) Ne passant pas par le centre de projection.

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Les representations planes

!

C

d1

d2

d'2d'1

F

Fig. 17 –

3.3. Ombres de quadrillages

On observe d’abord qu’un quadrillage peut etre interprete commeune juxtaposition de plusieurs echelles isometriques dont les espace inter-echelons sont cette fois des carres. Donc, toutes les proprietes mentionneespour les ombres des echelles sont d’application.

Ainsi, l’ombre au soleil la plus generale d’un quadrillage est un « pa-rallelogrammage », c’est-a-dire un pavage du plan fait de parallelogrammesisometriques dont les sommets sont reunis aux nœuds du pavage.

L’ombre a la lampe ponctuelle d’un quadrillage presente, suivant sa po-sition par rapport au plan de projection, des paralleles et/ou des points defuite (figure 18).

Fig. 18 –

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Les representations planes

Avec un quadrillage, on est en presence de quatre familles de droitesparalleles : les deux familles de paralleles dont les directions sont celles descotes du quadrillage et les deux familles de diagonales. Pour chacune de cesfamilles, lorsque les droites ne sont pas paralleles au plan de projection, lesimages doivent converger en un point de fuite. Des lors, lorsque le quadrillagen’est pas parallele au plan de projection, l’ombre presente trois ou quatrepoints de fuite (trois lorsque les droites d’une famille sont paralleles au plande projection et quatre sinon). Ces points de fuite doivent etre alignes car ilsappartiennent a la droite d’intersection du plan de projection avec le planpassant par le centre de projection et parallele au plan du quadrillage.

3.4. Retour aux ombres d’echelles

On deduit de ce qui precede que certains dessins doivent etre rejetescomme ombre possible d’echelle, meme si les montants convergent et lesechelons convergent : c’est le cas du dessin n° 8 complete a la figure 19 quimontre une famille de diagonales ne convergeant pas vers un point.

Fig. 19 –

Ces observations permettent enfin de conclure a propos des ombres pos-sibles sur une surface plane, d’une echelle idealisee exposee a la lampe ponc-tuelle. Cette ombre, que nous interpretons desormais comme une image parune projection centrale peut etre

– Un segment ;– Une echelle agrandie, semblable a l’echelle de depart ;

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Les representations planes

– Une echelle dont les echelons sont paralleles et de longueurs differentes,et dont les montants et les deux familles des diagonales des espacesinter-echelons convergent respectivement en trois points alignes ;

– Une echelle dont les montants sont paralleles et de longueurs diffe-rentes et dont les echelons et les deux familles de diagonales des espacesinter-echelons convergent respectivement en trois points alignes ;

– Une echelle dont les montants, les echelons et une des familles de dia-gonales des espaces inter-echelons convergent respectivement en troispoints alignes ;

– Une echelle dont les montants, les echelons et les deux familles de dia-gonales des espaces inter-echelons convergent respectivement en quatrepoints alignes.

Les dessins nos 2 et 10, repris a la figure 20, sont ainsi acceptes. Leno 10 a la particularite d’avoir l’image d’un echelon parallele a celle d’unmontant ; c’est du a la presence du point d’intersection de l’echelon et dumontant dans le plan parallele au plan de projection et passant par le centrede projection.

Fig. 20 –

Le lien entre les projections centrales et les representations planes est misen evidence. A ce stade, on peut nommer la representation plane associee aune projection centrale : il s’agit d’une perspective a point de fuite.

Au travers de ces activites, ombres d’echelles et de quadrillages, leseleves ont pu tisser des liens entre le contexte des ombres, le domainemathematique des transformations spatiales que sont les projections pa-ralleles et les projections centrales, et le contexte des representations planes,en particulier les perspectives dites respectivement cavalieres et a point defuite.

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Les representations planes

4. Representation d’une boite cubiquequadrillee interieurement

La figure 21 est la photo d’une boıte cubique sans couvercle.

Fig. 21

Representez, en perspective cavaliere, cette boıte placee dans la memeposition que sur la photo. Ensuite representez un quadrillage 8 sur 8 surles faces interieures de la boıte.Faites le meme travail en perspective centrale.

4.1. Resolution en perspective cavaliere

La figure 22a montre une representation en perspective cavaliere de cetteboıte placee avec le fond parallele au plan de projection. Afin d’y voir desfaces interieures dans leur entierete, on choisit de ne representer que troisfaces de la boıte, comme a la figure 22b : la face du fond y apparaıt en vraiegrandeur, et les deux autres faces, perpendiculaires au plan de projection,y sont representees par des parallelogrammes.

(a) (b)

Fig. 22 –

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Les representations planes

Pour representer le quadrillage de la face horizontale inferieure et de laface laterale gauche, deux methodes sont proposees.

1. On commence par representer la division de chaque face en quatrecarres : on represente le centre de chaque face, point d’intersectiondes diagonales, et ensuite les medianes (figure 23a). On recommencel’operation pour chacun des carres afin de representer 16 carres surchaque face (figure 23b) et 64 carres a l’etape suivante.

(a) (b)

Fig. 23 –

2. On divise en 8 segments egaux deux cotes adjacents de chacune desfaces. On represente ainsi des sommets des carres du quadrillage (fi-gure 24a). Par ces points, on trace des paralleles aux cotes des facespour obtenir le quadrillage (figure 24b).

(a) (b)

Fig. 24 –

Dans les deux methodes, on a utilise des proprietes des projections pa-ralleles etablies lors du travail sur les ombres :

– Une figure parallele au plan de projection est isometrique a son image ;– Le parallelisme est conserve ;

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Les representations planes

– Dans une meme direction, l’egalite des distances est conservee (6).

4.2. Resolution en perspective centrale

La figure 25 montre une representation de la boıte en perspective cen-trale. Il s’agit de son image par une projection centrale sur un plan verticalparallele a la face du fond. Contrairement a ce qui se passe en perspectivecavaliere, on peut placer l’objet de maniere a voir sur le dessin les cinq facesinterieures. Le contour de l’ouverture de la boıte et la face du fond sontrepresentes par des carres. Les quatre autres faces sont representees par destrapezes dont les cotes non paralleles sont sur des droites qui convergent enun point. Ce point est le point de fuite des droites horizontales perpendi-culaires au plan de projection et est aussi appele point de fuite principal.

Fig. 25 –

Nous avons utilise des proprietes des projections centrales etabliesprecedemment :

– Une figure parallele au plan de projection est homothetique a sonimage ;

– Les images de droites paralleles entre elles mais non paralleles au plande projection concourent en un point.

La deuxieme propriete est utilisee, pour la premiere fois, dans le cas dedroites paralleles qui ne sont pas toutes dans un meme plan.

A ce stade-ci, on dispose d’un code pour representer la boıte en pers-pective centrale. Les dessins obtenus peuvent varier : les carres peuventetre plus ou moins decentres et leurs tailles plus ou moins differentes. On

(6) La conservation des egalites des distances dans une direction peut etre deduite de laconservation du parallelisme.

36

Les representations planes

peut choisir de laisser un caractere arbitraire a ces elements. Ou, on peutchoisir d’approfondir la question de la diversite des aspects possibles. Ondecouvrira alors que ces aspects dependent de parametres lies aux positionsrelatives de l’objet, du centre de projection et du plan de projection.

Pour representer le quadrillage des faces interieures, on peut utiliser desmethodes analogues a celles utilisees en perspective cavaliere.

1. On commence par diviser les faces en quatre carres. Sur le dessin,on represente d’abord le centre de la face a l’intersection des diago-nales et on represente ensuite les medianes : les images des medianesparalleles au plan de projection forment un carre et les images desmedianes perpendiculaires au plan de projection sont sur des droitesqui convergent au point de fuite principal (figure 26a). On recommenceensuite l’operation pour chacun des carres (figure 26b).

P P

(a) (b)

Fig. 26 –

2. Par l’autre methode, on procede en deux temps. On represente d’abordles droites du quadrillage perpendiculaires au plan de projection. Pourcela, on utilise la conservation de l’egalite des segments situes sur desparalleles au plan de projection, ce qui permet de subdiviser le contourde l’ouverture, et on dessine ensuite les droites qui convergent au pointde fuite principal (figure 27a). Pour representer les autres paralleles duquadrillage, on utilise une propriete deja rencontree : la conservationdes diagonales des quadrillages (figure 27b).

37

Les representations planes

P

(a) (b)

Fig. 27 –

5. Representations du module de paix a l’aidedu quadrillage

On suppose que les petits cubes qui forment le module ont meme cote queles carres du quadrillage. La figure 28 montre, vus du haut, trois modulesposes sur la face horizontale de la boıte.

Position 1

Position 2

Position 3

Fig. 28

Representez ces modules en perspective cavaliere en vous servant du qua-drillage construit precedemment (figure 24b).Faites ensuite le meme travail en perspective centrale (figure 27b).

38

Les representations planes

5.1. Resolution en perspective cavaliere

La hauteur du module vaut quatre fois le cote des carres du quadrillageet sa representation est partout en vraie grandeur. La veritable difficulteconsiste donc a representer la face inferieure du module.

1. Dans la position 1, c’est simple (figure 29).

Fig. 29 –

2. Pour representer le module dans la position 2, on commence par releverla face inferieure de la boıte sur la face du fond, car celle-ci est paralleleau plan de projection et les figures y sont vues en vraie grandeur. Nousy dessinons un des carres qui constituent la face inferieure du module(figure 30).

Fig. 30 –

Il faut ensuite ramener ce carre sur le quadrillage horizontal. Pourcela, on commence par tracer, dans ce quadrillage, les deux diago-nales sur lesquelles apparaıtront les cotes du carre (figure 31). Dansce quadrillage, les cotes du carre n’apparaissent pas en vraie grandeur.

39

Les representations planes

Par contre on voit en vraie grandeur les projections des cotes sur leslignes du quadrillage paralleles a la face du fond. Nous allons doncconstruire sur la face du fond les projections des cotes sur les ligneshorizontales du quadrillage (figure 32), ensuite utiliser des lignes derappel (en trait interrompu sur la figure 32) pour ramener les projec-tions des cotes sur les lignes correspondantes du quadrillage du planhorizontal. On obtient ainsi la projection de chaque cote ; la construc-tion des deux premiers cotes du carre est alors immediate.

Fig. 31 – Fig. 32 –

On peut terminer la representation du carre de base et ensuite cellede la face inferieure du module (figure 33).

Fig. 33 –

3. La representation du module dans la position 3 est analogue. Les fi-gures 34 et 35 montrent les constructions terminees.

40

Les representations planes

Fig. 34 – Fig. 35 –

5.2. Resolution en perspective centrale

Nous avons choisi une resolution qui exploite le quadrillage donne,comme dans le cas de la perspective cavaliere. Nous utiliserons en plus lepoint de fuite principal present sur la figure.

1. Pour le module en position 1, on represente la face inferieure du mo-dule en suivant le quadrillage (figure 36).

Fig. 36 –

On complete la representation (figures 37 et 38) en utilisant les pro-prietes suivantes :– Les horizontales paralleles au plan de projection sont representees

par des horizontales ;– Les verticales sont representees par des verticales.Pour faciliter les constructions, on peut egalement utiliser le fait queles images des perpendiculaires au plan de projection sont sur desdroites qui convergent au point de fuite principal.

41

Les representations planes

Fig. 37 – Fig. 38 –

2. Pour representer le module en position 2, on commence par relever laface inferieure de la boıte sur la face du fond et on y dessine la faceinferieure du module A′B′F ′E′H ′C ′ qui y est vue en vraie grandeur(figure 39).

AB C

D

E

FG

H

A'

B'

F'

G' D'

H'

E'C'

d1d2

Fig. 39 –

Des lignes de rappel permettent d’associer des segments paralleleshorizontaux representant des segments paralleles de meme longueurdans la realite. Ces lignes de rappel sont dessinees en trait interrompu.

42

Les representations planes

Ce sont des lignes verticales sur le dessin de la face du fond et ce sontdes droites convergeant au point de fuite principal sur le dessin de laface inferieure.Sur la face horizontale, on place le point A et on trace les diagonalesdu quadrillage passant par A, a savoir d1 et d2 ; a partir de B′, ondetermine le point B sur d1 ; puis a partir de C ′, le point C sur d2 ; apartir de D′, le point D egalement sur d2 ; ensuite, a partir de E′ surB′C ′, on repere la position de E sur BC ; et, a partir de F ′ sur D′E′,on obtient F sur DE ; a partir de G′ sur B′F ′, on obtient G sur BF ;et enfin, H ′ sur G′C ′ nous fournit H sur GC.On termine la representation (figure 40) en utilisant les proprietessuivantes :– Les verticales sont representees par des verticales ;– Les segments egaux situes dans un plan parallele au plan de projec-

tion sont representes par des segments egaux.

Fig. 40 –

Notons que le texte presente une solution parmi d’autres possibles. Onpourrait par exemple resoudre le probleme en se servant des points defuite associes aux directions de la base du module.

3. La representation de la base du module en position 3 est analogue. Lafigure 41 montre comment representer la face inferieure du module etla figure 42 montre la construction terminee.

43

Les representations planes

d1

d2AB C

DE

F

G

H

A'

B'

C'

D'E'

F'

G'

H'

Fig. 41 –

Fig. 42 –

44

Les representations planes

6. Representations du module de paixsans quadrillage

La figure 43 est une representation en perspective cavaliere d’un moduledispose verticalement, en position frontale. Completez cette figure enrepresentant le meme module de telle sorte que l’arete OP soit sur ladroite horizontale d et que P soit place a l’avant de O.

OP

d

Fig. 43

Faites ensuite le meme travail en perspective centrale.

6.1. Resolution en perspective cavaliere

Concentrons-nous sur la representation de la face inferieure du module,car une fois cette partie-la du probleme resolue, le reste suit aisement.

Cette face inferieure, composee de trois petits carres isometriques, estplacee dans un carre dont la figure 44 montre l’image en perspective ca-valiere. Un des cotes de ce grand carre est en position frontale. Que devientla representation de ce carre si le cote OP prend la direction de d avec Pdevant O ?

d

AB

CD P

O

Fig. 44 –

Commencons par tracer d1, la parallele a d passant par O et cherchonsla nouvelle position P1 de P sur d1 (figure 45).

45

Les representations planes

d

AB

CD P

Od1

Fig. 45 –

Pour l’obtenir, nous allons passer par une representation en positionfrontale du carre ABCD (figure 46). Nous relevons le quadrilatere ABCDet l’amenons dans la position A′B′BA.

A B

CD P

Od1

A' B'

O'

P'

d'1

E

E'

F'

d

Fig. 46 –

Soit E, l’intersection de d1 avec AB. On construit aisement E′ et O′.Comme la droite d1 passe par E et par O, la droite d′1, passant par E′ et O′,est la representation de d1 dans ce plan frontal. Elle coupe AB en F ′. Toutse passe comme si les figures ABCD et A′B′BA representaient deux facesinterieures d’une boıte cubique decorees d’un meme dessin.

Sur d′1 nous placons le point P ′1 tel que O′P ′1 = O′P ′ (figure 47). Et enutilisant les proprietes de la perspective cavaliere, nous obtenons la positionde P1 sur d1. Le segment OP1 ainsi obtenu donne donc la longueur de larepresentation de l’arete OP dans la direction de la droite d. Il nous reste adeterminer la longueur de la representation de cette meme arete OP dansla direction perpendiculaire a d.

Servons-nous a nouveau du plan frontal. Tracons-y p′ perpendiculaire ad′1 en O′ (figure 48). Cette droite p′ rencontre le cote A′A en X ′. Cherchonsle point X de AD correspondant a X ′. Pour cela, on utilise la propriete sui-vante : Les rapports de longueurs dans une meme direction sont conserves.

On a donc :AX

XD=A′X ′

X ′A. (1)

46

Les representations planes

A B

CD

Od1

A' B'

O'

P'

d'1

EP'1

E'

P1

P

Fig. 47 –

La figure constituee du carre A′B′BA et des droites d′1 et p′ est invariantepour une rotation de 90◦ autour du point O′ et par consequent, on a :

A′X ′ = AF ′ et X ′A = F ′B. (2)

Des egalites (1) et(2), on deduit :

AX

XD=AF ′

F ′B.

Des lors, pour determiner le point X, on trace la diagonale BD et la pa-rallele a BD passant par F ′. Celle-ci coupe AD en X. Les points X et Odeterminent la droite p cherchee.

A B

CD P

Od1

A' B'

O'

P'

d'1

EP'1

P1

p'

p

X'

XF'

Fig. 48 –

47

Les representations planes

Il reste a reperer sur p le point P2 tel que OP2 soit la representation d’unsegment de meme longueur que l’arete OP . Pour cela, dans le plan frontal,on construit P ′2 tel que O′P ′ = O′P ′2 et, en utilisant les proprietes de laperspective cavaliere, on en deduit la position de P2 sur p (figure 49).

A B

CD

O

d1

A' B'

O'

P'

d'1

EP'1

p'

p

X'

XP2

P'2

P1

Fig. 49 –

Sachant a present comment representer un segment de meme longueurque l’arete OP dans la direction de d et dans la direction perpendiculairea d, il reste a tracer les paralleles necessaires pour dessiner la face inferieuredu module (figure 50).

CP

O

d1

P1

P2d

Fig. 50 –

On termine la representation en prenant comme hauteur le double de lalongueur du cote AB du parallelogramme.

6.2. Resolution en perspective centrale

Comme dans le cas de la perspective cavaliere, le probleme principal estde representer la base du deuxieme module (figure 51).

Dans un premier temps, nous allons representer la base du module ayanttourne autour de O jusqu’a avoir son arete OP sur la droite d1 qui estparallele a d dans la realite. Pour tracer d1, nous avons besoin de la ligne

48

Les representations planes

O

P

d

Fig. 51 –

d’horizon sur laquelle se trouvent les points de fuite des droites horizontales ;il s’agit de la droite horizontale menee par le point de fuite principal F . Lesdroites d1 et d se rencontrent au point de fuite Fd (figure 52).

F

O

P

d

d1

Fd

Fig. 52 –

Pour representer une droite qui, dans la realite, est perpendiculaire ala droite d1, nous allons utiliser une propriete des projections centrales quin’est pas intervenue jusqu’a present : l’angle α forme par deux droites del’objet reel se retrouve au niveau du centre de projection Z lorsqu’on jointZ aux points de fuite des deux droites (figure 53).

Cette propriete permettra d’abord de preciser la position du centre deprojection a partir du dessin donne, ensuite de representer une droite quiest perpendiculaire dans la realite a la droite d donnee. Nous utiliseronsaussi cette propriete pour construire, sur des droites secantes du dessin,des segments qui ont la meme longueur dans la realite. Cette proprietenous permettra ainsi de resoudre le probleme sans utiliser une vue en vraiegrandeur du plan sur lequel les objets sont poses.

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Les representations planes

Z

PF

P'F'

! !d'

d'1d1

d

Fig. 53 –

Commencons donc par determiner la position du centre Z de projectiona partir du dessin. Le centre Z se trouve dans le plan horizontal mene parla ligne d’horizon, sur une perpendiculaire a la ligne d’horizon menee parle point de fuite principal F . Pour situer Z sur cette droite, nous utilisonsle point de distance F ′. Un point de distance est, par definition, le point defuite d’une famille de paralleles horizontales inclinees a 45◦ par rapport auplan de projection. Le point F ′ se trouve sur la ligne d’horizon et s’obtienta partir de l’image d’une diagonale de la base du module. Nous pouvonsmaintenant situer Z car la distance de Z au point de fuite principal F estegale a la distance de F a F ′. A la figure 54, le plan horizontal contenant Za ete rabattu dans le plan du dessin, au-dessus de la ligne d’horizon, parrotation autour de la ligne d’horizon.

Nous pouvons a present determiner le point de fuite Fp des droites ho-rizontales perpendiculaires a d dans la realite et mener par Fp la droite ppassant par O (figure 55). Pour ce faire, nous avons utilise la proprieteillustree a la figure 53.

Nous allons a present construire sur d1 un point P1 de sorte que OPet OP1 representent des segments de meme longueur. Il s’agit donc deconstruire un triangle OPP1 representant un triangle isocele, les angles en Pet P1 devant etre egaux dans la realite. Nous pouvons a nouveau utiliser le

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Les representations planes

P

O

d

d1

Z

F F' Fd

Fig. 54 –

Z

F

O

P

d

d1

Fp Fd

p

Fig. 55 –

51

Les representations planes

Z

F

O

P

d

d1

Q Fd

P1

p

Fig. 56 –

Z

F

O

P

d

d1P1

Q1Q'1

P'1

p

Fig. 57 –

52

Les representations planes

centre Z de projection et bissecter l’angle joignant Z aux points de fuite F etFd ce qui fournit le point Q sur la ligne d’horizon (figure 56). L’intersectionde QP avec d1 fournit le point P1 cherche (7).

Pour representer le segment situe de l’autre cote de O, nous utilisonsla conservation de l’egalite de segments situes sur des paralleles au plande projection (figure 57). On trace OQ′1 de meme longueur que OQ1 et ontrouve P ′1 a l’intersection de d1 et de FQ′1.

De maniere analogue, on determine sur la droite p deux segmentsrepresentant des aretes de la base du module (figure 58).

Z

F

O

P

d

d1

P1

P'1

Fp

p

Fig. 58 –

On peut ensuite representer la base du module ayant une arete le longde d1 en utilisant les points de fuite Fd et Fp (figure 59).

Pour disposer le module le long de d, il suffit d’utiliser la conservationde l’egalite de segments se trouvant sur des paralleles au plan de projection.

(7) Cette construction apparaıt dans le traite de Brook Taylor de 1715, Linear Perspec-tive : or, a New Method of Representing justly all manner of Objects as they appear tothe Eye in all situations, London, 1715 (in [1]). Le probleme traite alors par Taylor est le

suivant : « Etant donne la ligne de fuite d’un plan, son centre et sa distance, construirela representation d’un cercle a partir de la representation donnee d’un rayon. »

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Les representations planes

O

P

d

d1

P1

P'1 P'2

Fp Fd

P2

Fig. 59 –

Conclusion

La these principale de cette etude est que les representations planes d’ob-jets de l’espace peuvent etre presentes a toutes les etapes d’apprentissagede la geometrie, de la prime enfance a l’age adulte et qu’elles sont appeleesa jouer les trois roles suivants.

1. Elles sont un mode d’expression et de communication des situationsspatiales dans tous les cas ou on ne dispose pas de modeles a troisdimensions. A ce titre, elles sont un outil pour apprendre certainschapitres de geometrie.

2. Mais dans la mesure ou on les ramene techniquement a des projec-tions paralleles ou centrales, la theorie des projections et d’autresnotions de geometrie sont un outil pour produire et interpreter lesrepresentations. En nous appuyant en cours de route sur des proprietesd’incidence et d’orthogonalite, ainsi que sur le theoreme de Thalesdans le plan et sur le theoreme de Pythagore, nous avons illustre lefait que d’autres notions de geometrie (par dela la theorie des projec-tions sricto sensu) interviennent dans les representations.

3. Les representations planes sont un sujet d’etude geometrique interes-sant en soi, ne serait-ce que par leur interet dans la vie quotidienne etdans l’histoire de l’art.

Par ailleurs, on discerne clairement plusieurs etapes dans l’apprentissagedes representations planes. Les voici, rapidement esquissees, dans un ordrenon entierement oblige.

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Les representations planes

1. La realisation de dessins par les enfants, point de depart essentiel,les amene a exercer l’observation et les perceptions. Elle leur four-nit des occasions de realiser le caractere reducteur et les ambiguıtesdes representations : l’impossibilite frequente d’exprimer fidelementun concept, en l’occurrence celui de table. A ce stade, pas de theoriegeometrique mais, vers la fin du primaire, la familiarisation avec unpremier code de representation, celui de la perspective cavaliere. Sou-lignons par ailleurs que, s’il est vrai que les dessins d’enfants sont loinde la geometrie theorisee, ils y preparent.

2. Nous avons debute l’etude des representations planes par le biais destrois vues coordonnees, chacune simple, mais avec la difficulte si ins-tructive (si utile a l’exercice de l’intuition spatiale) de leur coordina-tion.

3. Nous avons ensuite aborde les premiers elements des projections pa-ralleles et centrales par le biais des ombres. Cet apprentissage mobilisediverses proprietes de la geometrie d’incidence et de la proportion-nalite. Nous avons opte pour un apprentissage concomitant des deuxtypes de projections et des modes de representation qui y sont associes.Cela permet de mettre en evidence les analogies et les differences quiexistent entre ces deux modes de representation. Leur confrontationcontribue a se familiariser avec leurs proprietes respectives.

4. Nous avons pousse nos exemples jusqu’a la realisation de perspectivescavalieres et centrales de quadrillages et d’objets de l’espace. Nousn’avons pas eu le loisir de completer notre etude par une approchetechnique complete des deux types de projection.

Dans l’introduction, nous avons annonce l’expose de quelques activitesde representations planes d’objets de l’espace. Or, nous avons traite a plu-sieurs reprises de representations d’objets plans comme des echelles et desquadrillages. Notons a ce sujet que, pour dessiner un objet de l’espace, on asouvent besoin d’y discerner des parties planes. En outre, des objets planssitues dans l’espace sont des objets de l’espace et, a ce titre, relevent de lageometrie de l’espace.

On dira peut-etre que la reference constante a la verticale et a l’hori-zontale, qui relevent de la physique, sortent du cadre de la geometrie. Maiscelle-ci part du monde reel avant de devenir abstraite et formelle. Et, dansce contexte du monde reel, on travaille la pensee geometrique.

Les representations planes constituent un fil conducteur au sens ou,obeissant a une progression claire, elles sont une source de questions et

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Les representations planes

d’intuitions, et un champ d’application de la theorie a toutes les etapes del’education. Elles sont un contexte de reference dans lequel, a chaque etape,on peut savoir d’ou on vient, ou on est et vers ou on va. On peut meme ydiscerner en filigrane une progression dans la suite des geometries emboıteesdu Programme d’Erlangen, dans la mesure ou les projections orthogonales(telles que nous les avons presentees, avec des vues en vraie grandeur), pa-ralleles et centrales sont parentes respectivement des geometries metrique,affine et projective.

Soulignons que nos exemples d’activites n’epuisent pas les points d’appuipossibles pour apprendre les representations planes. Nous n’avons fait allu-sion ni a l’histoire de la perspective en peinture, ni a la « vitre de Durer »,ni a la photographie, . . . Il n’etait pas necessaire d’evoquer toutes ces pos-sibilites pour montrer leur caractere fecond.

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