les figures acoustiques de chladni – vibration d’une plaque carrée à bords libres

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Les figures acoustiques de Chladni – vibration d’une plaque carrée à bords libres. 1 .Introduction : L’expérience du physicien et acousticien allemand Ernst Chladni : elle fut réalisée au XIXème siècle (en 1807), Chladni commença par exciter via un archet des plaques métalliques circulaires à bords libres et fixées au centre, qu’il avait préalablement saupoudré de sable fin , il obtint à son grand étonnement (voir en fin de page) des figure dites acoustiques connues aujourd’hui sous son nom. Lorsque la plaque vibre, heuristiquement le sable quitte les ventres d’amplitude et se concentre dans les zones où l’amplitude est la plus faible. (Ci-dessus à gauche : un ensemble de figures qu’a reproduit Chladni, les couleurs sont cependant ajoutées, à droite un portrait de Chladni) "Qu'on juge de mon étonnement en voyant ce que personne n'avait encore vu. Il apparut une étoile à 10 ou 12 rayons, qui m'évoqua aussitôt les expériences sur les figures électriques. “ (Ernst Chladni)

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Les figures acoustiques de Chladni – vibration d’une plaque carrée à bords libres.

1 .Introduction :

L’expérience du physicien et acousticien allemand Ernst Chladni : elle fut réalisée au XIXème siècle (en 1807), Chladni commença par exciter via un archet des plaques métalliques circulaires à bords libres et fixées au centre, qu’il avait préalablement saupoudré de sable fin , il obtint à son grand étonnement (voir en fin de page) des figure dites acoustiques connues aujourd’hui sous son nom. Lorsque la plaque vibre, heuristiquement le sable quitte les ventres d’amplitude et se concentre dans les zones où l’amplitude est la plus faible.

(Ci-dessus à gauche : un ensemble de figures qu’a reproduit Chladni, les couleurs sont cependant ajoutées, à droite un portrait de Chladni)

"Qu'on  juge  de  mon  étonnement  en  voyant  ce  que  personne  n'avait  encore  vu.  Il  apparut  une  étoile  à  10  ou  12  rayons,  qui  m'évoqua  aussitôt  les  expériences  sur  les  figures  électriques.  “  (Ernst  Chladni)

2 .Un brin de théorie de l’élasticité.

Le problème fondamental de la théorie de l’élasticité est la détermination des relations qui existent entre les forces et les déformations. Cependant dans la plupart des cas ce problème n’a malheureusement pas de sens…

A) Approximations et Loi de Hooke : -Quelques aspects de la déformation des matériaux : Lorsqu’on exerce un effort sur une lame de cuivre, par exemple si on la soumet à un impact, la déformation subsiste. Et il semble donc bien improbable de pouvoir déterminer une relation entre déformation et force appliquée. Considérons à présent un fil métallique la déformation subie par le fil dépend et de la force appliquée et du temps pendant lequel on a appliqué la force. D’autre part même si l’on considère que l’on applique l’effort pendant une courte durée la déformation n’est pas forcement une fonction linéaire de l’effort appliqué. -La Loi de Hooke : Néanmoins nous nous placerons dans la suite de notre étude dans le cadre suivant : Les déformations ne dépendront que de l’effort appliqué et les déformations seront proportionnelles aux forces appliquées (loi de Hooke). Ces approximations sont justifiées pour des faibles déformations de certains matériaux (comme le bronze pour ce qui nous concerne).

B) Module d’Young et coefficient de Poisson : Soit une tige métallique de longueur à vide lo, de section S et de dimension transversale typique a.

Sous les hypothèses de la théorie de l’élasticité nous avons alors :      !!!"

!"= !

!!! et

   !!!"!"

= 𝜎 !!!"!"

Ceci se démontre en considérant d’une part des ‘fibres’ et d’autre part des éléments de longueur du fil et en appliquant la loi de Hooke. E : module d’Young (Pour le bronze E=124 000 MPa) σ : coefficient de Poisson (pour le bronze σ=0,35, de manière générale σ est inférieur à 0.5) E et σ ne dépendent alors que du matériau considéré.

C) Le problème de la flexion plane :

Soit une verge à base cylindrique encastrée, de longueur l. On considère que les forces et les couples appliqués admettent un plan de symétrie vertical parallèle aux génératrices. La flexion plane consiste à considérer que quelque soit la section droite la résultante des forces est colinéaire à 𝑛,  et le moment résultant est colinéaire à 𝑤 . (C’est notamment le cas si la barre est soumise à son poids seul.) Nous considérons une portion S de la verge d’épaisseur dx à l’état initial. On considère d’autre part la fibre neutre définie ainsi : les fibres qui sont au dessus sont allongées, et celles qui sont en dessous sont raccourcies. La fibre neutre ne subit pas d’allongement. Nous pouvons admettre dans le cadre de la flexion plane que la fibre neutre passe par les centres des sections droites. Initialement :

Après déformation :

Si S est soumis à Ydx (suivant𝑦), Alors on a en appliquant le théorème de la résultante dynamique Ydx-T+(T+dT)=0 soit !"

!"= −𝑌                

Puis en appliquant le théorème du moment dynamique !"!"= −𝑇

Ainsi !!!!"!

= 𝑦 de plus on a 𝐶 = 𝐸𝐼 !"!"

où 𝐼 = 𝑦!𝑑𝑆 : moment d’inertie de la section droite par rapport à (K𝑤).

On obtient finalement 𝑌 = 𝐸𝐼 !!!

!!! (cette formule est bien sur approchée) .

C) L’équation du mouvement d’une plaque mince : Soit une plaque mince d’épaisseur 2ε de côté a.

En généralisant la relation obtenue précédemment on obtient l’équation

𝑌 = !!!

!!

!!!!𝛥𝛥𝑦 (il existe tout de même un coefficient multiplicatif en plus faisant

intervenir le coefficient de Poisson, on admettra ce résultat) Puis en appliquant le principe fondamental de la dynamique :

2𝜌𝜀 !!!!!!

+ !!!

!!

!!!!𝛥𝛥𝑦 = 0 (1)

3. De la possibilité de résoudre le problème mathématiquement.

Remarquons tout d’abord que l’équation précédente est linéaire, cependant elle fait intervenir des dérivées partielles d’ordre quatre.

On ne saurait résoudre une telle équation.

Cependant nous pouvons tout de même en avoir une approche qualitative, et espérer trouver une modélisation convenable au problème qui nous occupe.

Dans la suite on considère une solution stationnaire que l’on écrit :

𝑦 𝑥, 𝑧, 𝑡 = 𝜑 𝑥, 𝑧 sin𝑤𝑡

En injectant cette solution dans (1) on obtient une équation aux dérivées partielles vérifiée par    𝜑 de la forme :

𝛥𝛥𝜑 = 𝑘!𝜑 (2)

Remarque :

D’après (2) les nodales peuvent à priori se couper suivant des angles variés, car si l’on considère un point d’intersection que l’on place à l’origine on peut écrire

𝜑 𝑥, 𝑧 = 𝑎𝑥! + 𝑏𝑧! + 𝑐𝑥𝑧 +⋯

Et (2) n’impose de conditions qu’entre les termes du quatrième degré.

Ceci est propre à la vibration des plaques, en effet (par exemple) les membranes vérifient 𝛥𝜑 = 𝑘!𝜑 , ce qui impose b+a=0. Ainsi lorsqu’on fait vibrer une membrane 2 nodales qui se coupent, se coupent perpendiculairement.

On considère pour la suite une plaque métallique carrée fixée en son centre et dont les bords sont libres.

A) Conditions aux limites le fait que les bords soient libres n’implique pas l’absence de conditions aux limites, nous admettrons les résultats qui suivent :

On a alors le long du bord de la plaque :

!!!!!!

+ 𝜎 !!!!!!

= 0 (3) !!"

 !!!!!!

+ 2 − 𝜎 !!!!!!

  = 0 (4)

B) Solution approchée : Une première idée serait de considérer des fonctions 𝑓 = cos mπx/a + α cos  (nπz/a) Qui vérifient bien (2), et de regarder la courbe d’équation

cos mπx/a + a cos nπz/a = 0

Cependant l’expérience montre que les figures nodales obtenues sont très différentes de celles que l’on a en adoptant ce modèle. (Voir plus bas) Le physicien Tanaka offre une solution raisonnable au problème, il remarque que les fonctions φ = cos mπx/a cos nπz/a Vérifient (2) Cependant elles ne vérifient ni (2) ni (3)…Ces solutions sont donc approchées. Pour la plaque carrée le principe de superposition (*) donne la solution générale :

φ = cos mπx/a cos nπz/a + R   cos nπx/a cos mπz/a Où R est un réel à priori quelquonque. On dispose ainsi d’une équation vérifiée par les nodales :                                        𝐜𝐨𝐬 𝐦𝛑𝐱/𝐚 𝐜𝐨𝐬 𝐧𝛑𝐳/𝐚 + 𝐑   𝐜𝐨𝐬 𝐧𝛑𝐱/𝐚 𝐜𝐨𝐬 𝐦𝛑𝐳/𝐚 = 𝟎.

4. De la théorie à la pratique.

A) Dispositif expérimental :

Je me suis servi d’une plaque de bronze carrée de côté 29,9 cm et s’épaisseur 2mm (mesure effectuée avec un pied à coulisse) fixée en son centre à un support en bois, les bords étant libres. J’ai choisi d’utiliser le même mode d’excitation que Chladni : l’archet (graissé avec de la colophane). Pour mettre en évidence les nodales du sable fin est saupoudré sur la plaque.

B) L’expérience :

(Obtention d’une nodale de classe (1, 5,-) à l’archet)

Voici quelques familles de résultats que j’ai pu obtenir en maniant l’archet (dont ma maîtrise est largement inférieure à celle de Chladni !), j’ai associé à chaque résultat un graphe obtenu à partir de la modélisation de Tanaka que j’ai tracé sur Maple (commande implicitplot).

A chaque figure on peut rattacher un triplet qui donne les valeurs de m,de n ainsi que le signe de R qui par ailleurs . Pour certaines figures j’ai donné aussi la fréquence mesurée et la note correspondante.

Classe ( 1,7,+)

Note : Sol # troisième octave fréquence mesurée : 415 Hz (1, 3, +)

Note : Sol # quatrième octave fréquence mesurée : 830 Hz (2, 4,-)

(3, 3, +) 698 Hz Fa quatrième octave

(1, 5, +)

(0, 4, -)

(1, 5, -)

Note : Fa cinquième octave fréquence 1397 Hz (3, 5, -)

Quelques remarques :

a) Sur les fréquences d’excitation : Injectons dans (1) la formule de Tanaka afin d’obtenir une relation spatiotemporelle. On obtient après calculs la relation suivante :

N =επ2a!

13(1− σ!) . n

! +m!              (4)                    pour   m,n,+/−

Où N désigne la fréquence d’excitation. Vérifions la validité expérimentale de (4)

n m N expérimental (Hz)

N théorique (Hz)

N expérimental/ N théorique

1 3 415 417 0.99 2 4 830 834 0.99 3 5 1397 1418 0.99 3 3 698 750 0.93

Chladni avait pressenti une relation entre N et (n! +m!) , mais n’avait pu aboutir puisqu’à son époque la physique ondulatoire n’avait pas encore fait son apparition. Nous pouvons déduire de cette expression de nombreuses choses…

b) Loi de similitude : Nous pouvons constater que pour obtenir une même figure nodale avec deux plaques de côté différents a<b la fréquence est inversement proportionnelle au carré du côté. Ainsi pour une figure donnée, pour une plaque très grande on a une faible fréquence alors que pour une plaque de dimensions très petite on a une fréquence correspondante très grande.

c) Une limite au théorème de superposition : Lorsque nous avons appliqué le théorème de superposition avec les formes de solutions proposées par Tanaka, nous n’avons pas ajouté un déphasage . En effet comme nous l’avons vu, l’expérience montre qu’il n’y a pas de déphasage. De plus les valeurs prises par R ne sont pas quelconques, pour une plaque carrée notamment R=+/-1.

Considérons par exemple le mode (1, 3, +) pour différentes valeurs de R :        

R=1 R=3 R=5 R=30

Conclusion :

On remarquera avant tout l’esthétisme des figures acoustiques précédentes. Cependant, elles ont une utilité pour la compréhension de la vibration de certaines structures (De l’architecture à la conception d’un instrument de musique).

Notons aussi qu’il est étonnant de constater que la plaque choisit ses fréquences N d’excitation et que celles-ci sont très proches des notes naturelles.

Bibliographie :

-Mary Désirée Waller, Chladni figures a study in simmetry,éditeur: G.Bell -G.Bruhat,Mécanique,éditeur:Masson -H.Bouasse,Verges et plaques-cloches et carillons,éditeur:A.Blanchard - Davidson College (USA):http://Webphysics.davidson.edu/alumni/jimn/chladni/pages/menu.htm -Wikipedia:http://fr.wikipedia.org/wiki/Ernst_Chladni