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LE DÉTOURNEMENT DE PROVERBES EN 1925 Sociopoétique d'un geste surréaliste Jérôme Meizoz Le Seuil | Poétique 2003/2 - n° 134 pages 193 à 205 ISSN 0032-2024 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-poetique-2003-2-page-193.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Meizoz Jérôme, « Le détournement de proverbes en 1925 » Sociopoétique d'un geste surréaliste, Poétique, 2003/2 n° 134, p. 193-205. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Le Seuil. © Le Seuil. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.253.143.47 - 16/03/2012 15h12. © Le Seuil Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.253.143.47 - 16/03/2012 15h12. © Le Seuil

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LE DÉTOURNEMENT DE PROVERBES EN 1925Sociopoétique d'un geste surréalisteJérôme Meizoz Le Seuil | Poétique 2003/2 - n° 134pages 193 à 205

ISSN 0032-2024

Article disponible en ligne à l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-poetique-2003-2-page-193.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Meizoz Jérôme, « Le détournement de proverbes en 1925 » Sociopoétique d'un geste surréaliste, Poétique, 2003/2 n° 134, p. 193-205. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Jérôme MeizozLe détournement de proverbes

en 1925Sociopoétique d’un geste surréaliste

L’heure des bilans ?

La disparition de Pierre Bourdieu marque un tournant dans les recherches ensociologie de la littérature. Par ses nombreux travaux (1966, 1971, 1991, 1992), ila donné l’impulsion à une théorie du champ littéraire sans cesse reformulée aurisque de sa pétrification, de fait, en l’absence de nouveaux terrains auxquels laconfronter. Nombre de chercheurs français et internationaux ont recouru à cemodèle et ont contribué, par les objets neufs qu’ils y importaient, à engager un tra-vail collectif fécond et varié appelé à devenir un corpus original de recherche (Viala,1985 ; Bandier, 1999 ; Sapiro, 1999 ; Boschetti, 2001). Il serait fastidieux de présen-ter ici la méthode dite du champ littéraire, dont on trouvera nombre d’exposésdétaillés (Jurt, 1995 ; Pinto, 1999 ; Dirkx, 2000 ; Thumerel, 2002 ; Meizoz, 2003b).Notre intention consiste plutôt à formuler quelques propositions théoriques orien-tant la théorie du champ littéraire vers une forme de poétique qui soit pleinementsociologique. Un exemple d’analyse sociopoétique, ensuite, permettra d’illustrer cetenjeu.

Présentée de manière polémique dans Les Règles de l’art (1992), la théorie deschamps a prétendu donner aux sciences de la littérature des leçons qu’elle n’étaitpas toujours en mesure d’assumer. Le temps était parfois aux querelles de personnes.En retour, plusieurs objections lui ont été adressées, que Pierre Bourdieu n’a guèreeu l’occasion de prendre en compte. Les plus sérieuses d’entre elles méritent atten-tion, dans la mesure où les recherches actuelles s’en inspirent pour reconsidérersur divers points le modèle bourdieusien. Ainsi va la recherche. Pour en citer lesprincipales :

a) Universalité problématique du modèle, élaboré à partir du seul cas français(Viala & Saint-Jacques, 1994).

b) Excès déterministe, et insuffisante prise en compte du discours justificatif desécrivains et de leur identité (Heinich, 1998) ou de leur psyché (Bridet, 2002).

c) Réduction des œuvres à une « stratégie sociale » de l’écrivain (Compagnon,1998) 1, ce qui reviendrait à considérer le champ littéraire sur le modèle balzaciend’Illusions perdues.

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d) « Dominocentrisme » incontrôlé de la théorie qui reconduirait les jugementsdominants (grands auteurs, genres majeurs) sur la littérature (Grignon & Passeron,1989).

e) Par conséquent, et malgré un discours d’inclusion, méconnaissance des auteurset genres dits « mineurs » dans les corpus de recherche (Cohen, 1999 ; David, 2001).

f) Enfin, Bourdieu ne proposerait guère d’analyses dans le détail du texte 2. Sansdoute le rejet du formalisme incitait-il le sociologue à tordre le bâton dans l’autresens et à placer ainsi le close reading au second plan. Il est temps, pour les jeuneschercheurs, sans plus tourner le dos à cette méthode de microanalyse, de l’intégrerà l’investigation sociologique 3.

En guise de survol des travaux actuels qui reconsidèrent le modèle de manièrecritique et donnent des impulsions neuves à la recherche en sociologie de la litté-rature 4, j’esquisserai une série de propositions, autant de pistes ouvertes et d’acquiscommuns aux recherches en cours.

La littérature, acte individuel, mais « acte social » de l’individu

Ces remarques s’inscrivent dans la foulée de la « sociopoétique » d’Alain Viala(Viala & Molinié, 1993), méthode qui convoque simultanément les acquis de lapoétique et ceux de la sociologie de la culture. Une telle explicitation devrait per-mettre la mise en débat, au-delà des seuls travaux de Bourdieu, du point de vuesociologique sur la littérature et faire apparaître les divergences de méthode quiséparent cette option théorique tant du formalisme russe, du New criticism améri-cain, des lectures structuralistes françaises que des autres formes d’internalisme (cri-tique thématique, textanalyse, etc.). Mais cela devrait faire voir aussi tout ce quirapproche ce point de vue, à plusieurs égards, de recherches comme celles de Bakh-tine (1929, trad. fr. 1977 ; 1978) ou de Jauss (1978) :

1. Ce que l’on nomme « littérature » constitue de part en part un fait social, ence qu’il recourt au code linguistique et s’insère dans des modes de publication déjàcodés (imprimerie, édition, collections). Selon le mot de Gustave Lanson dans« L’histoire littéraire et la sociologie » (1904), « l’œuvre est un acte individuel, maisun acte social de l’individu5 ». Une « sociologie littéraire » qui tient compte de cettedimension sociale n’envisage pas isolément l’œuvre en soi, note Lanson, mais laconsidère comme un dispositif de communication à trois pôles : auteur, œuvre,public.

2. Parmi tous les discours humains, les textes dits littéraires ne sont pas identi-fiables à la manière des classifications de Linné, par genres et espèces naturels. Ilsconstituent un ensemble socialement façonné par des professionnels intéressés àce classement et lui assignant des buts politiques (didactiques), sociaux, esthétiques,

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etc. On considérera ces textes comme un produit de type clérical, constitué en cor-pus canonique par ceux-là mêmes qui les commentent et en vivent, selon les termesde Spinoza dans son Tractatus (Eagleton, 1993 ; Bourdieu, 1997).

3. Fétichisée durant les années 1960 en réaction à l’usage lansonien du termed’« œuvre », la notion de « texte » s’est peu à peu imposée comme l’objet indiscutédes études littéraires. Or ce terme, qui à la faveur d’une redistribution des com-pétences disciplinaires s’est paré de l’évidence du naturel, résulte en fait d’une sélec-tion et d’un découpage d’un objet déjà problématique, la « littérature ». Pour lesociologue, ce « texte » abstrait ne constitue pas l’objet unique de ses travaux, maisun élément parmi d’autres d’un dispositif de communication. Autrement dit, letexte n’est un en-soi que par raisonnement, dans l’optique des professionnels quil’isolent pour l’analyse.

4. Par une opération de l’esprit, on peut en effet envisager le texte soustrait deson contexte (Modèle textualiste : Texte = Discours - Contexte), mais pour enrendre l’analyse sociologiquement valide, il faut lui restituer le système de rela-tions et de performances dans lequel il est pris (Modèle socio-discursif : Discours =Texte + Contexte 6) et substituer à la version textualiste une conception discursi-viste du littéraire, envisagée en situation comme une « performance » concrète.Ainsi Roger Chartier (1996) traite-t-il le(s) texte(s) et la mise en scène du GeorgesDandin de Molière selon son insertion différenciée au protocole des fêtes de Courou au théâtre de la Ville.

5. Contre le principe de la « clôture du texte » issu du paradigme structuraliste,qui a dominé l’espace universitaire entre 1960 et 1985 environ, le regard socio-logique invite certes à tenir grand compte des formes, mais en même temps àpenser relationnellement celles-ci dans une logique de la « distinction » culturellequi en désigne les enjeux. Les formes et genres ratifiés par le champ comme « lit-téraires » étant eux-mêmes un pan modeste des discours humains, parties pre-nantes de « l’idéologie » (Viala & Molinié, 1993) ou du « discours social » (Ange-not, 1989).

6. Le regard sociologique n’explique pas un texte en le référant à un momentsocial-historique dépositaire de son « sens » (contrairement à Gustave Lanson, pour-suivant un « sens » original par la quête des « sources » et des « influences »), maisaux appropriations diverses dont il fait l’objet. Une telle méthode récuse égalementune théorie du reflet (celle de Plekhanov, et non de Marx) trop simpliste, qui ren-voie directement les contenus des œuvres à des déterminismes économiques ou àdes classes sociales. C’est au contraire la médiation du « champ littéraire » et de salogique propre qui permet de penser dans la complexité les relations du social etdu littéraire, comme cela transparaît dans la violence de Voltaire contre la « pos-ture » de Rousseau (Meizoz, 2003a).

7. Refusant de rapporter la signification des textes « au seul fonctionnement auto-matique et impersonnel du langage » (Chartier, 1998), le regard sociologique inter-roge le processus global par lequel des textes, dotés d’une unité formelle propre,

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et mis en texte par des appareils techniques (imprimerie, Internet, etc.), proposentleurs codes à des lecteurs divers et toujours différés dans le temps qui en construi-sent des significations selon leur situation et leurs catégories de lecture (Viala, 1993).

8. Loin de l’image pacifiée qu’en donne le corpus canonique des œuvres trans-mises par le circuit pédagogique, la littérature se révèle une production socialeconstamment conflictuelle : les formes s’y créent et s’y imposent au terme de luttessur le genre, le style, les motifs. Autrement dit, bien que ce soient des auteurs quiengendrent des poétiques, ils ne les engendrent pas à leur guise, mais en se situantde diverses manières (imitation, parodie, paradoxe, inversion, rejet, etc.) face à desdiscours ou formes établis. Ainsi, contre une histoire littéraire téléologique quiverrait, par exemple, dans le premier « réalisme » balzacien ou stendhalien, letriomphe inévitable et naturel d’un nouveau code de représentation unanimementadopté, Margaret Cohen 7 a fait voir par le détail des archives que l’esthétique réa-liste est le produit de luttes intenses autour du roman, et qu’une telle propositionformelle n’était qu’un cas particulier, largement décrié alors, qui avait à affronterdes positions romanesques plus anciennes et plus reconnues (comme le roman sen-timental féminin), et contre lesquelles s’est formulée son esthétique. Dès lors, toutepoétique singulière est à lire comme un discours sur sa relation à d’autres poétiquesconcurrentes, contemporaines ou passées.

9. Mais cela entraîne une autre conséquence, vertigineuse pour le critique : unefois imposé et transmis sous une forme simplifiée par le système d’enseignement,le code réaliste est devenu pour la majorité des lecteurs LE code romanesque parexcellence et il efface derrière lui les poétiques qui lui furent concurrentes, contri-buant à leur rendre ainsi illisibles de larges pans de la production littéraire du passé.Même les tentatives de redécouvertes de corpus oubliés se heurtent au fait que lespoétiques qui les ont générées demeurent étrangères à nos catégories de lecture.Ainsi, les catégories de la critique littéraire sont souvent des conceptualisations cal-cifiées de poétiques anciennes qui ont réussi, et, à ce titre, par une illusion rétro-spective, elles ne reconnaissent que ce qu’elles connaissent déjà, laissant dansl’ombre des textes créés selon d’autres principes… Les critiques modernes parta-gent par exemple tout naturellement (pour la cause que l’on vient d’exposer) l’im-plicite de la poétique flaubertienne du roman – primat du style et impersonnaliténarrative –, que le procureur Ernest Pinard ou même Sainte-Beuve récusaient entoute bonne foi, au début de l’année 1857. Les historiens affrontent le même pro-blème lorsqu’ils constatent que la vision des vainqueurs est devenue le principeinconscient d’un jugement que l’on croyait objectif des actions passées (ainsi, lepoint de vue romain sur Carthage, durablement intériorisé).

10. Configuré en fonction des problématiques en vigueur, un texte se réalise aupoint de contact d’un habitus singulier à son producteur (lui-même produit defaçonnages collectifs) et d’un champ qui lui pose, propose ou impose des problèmeslittéraires. Ainsi le texte apparaît comme un compromis formel, l’interface entrela subjectivité des créateurs et l’objectivité des contraintes sociologiques.

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11. Les choix formels (genre et style) sont donc à mesurer à l’aune des valeursen cours dans le champ et des autres formes coprésentes, qui font l’objet d’unenégociation permanente de la part des agents impliqués (critiques, grammairiens,écrivains, journalistes, etc.). L’effet de rupture d’un texte dépend de la hiérarchiepréexistante des genres et des styles, des catégories des lecteurs qui le reçoivent. Parexemple, la généralisation du « vers libre » en France est l’aboutissement de conflitsd’école (symbolistes/parnassiens), et précontrainte par un espace des possibles for-mels qui en préparait l’avènement, espace dans lequel le « vers libre » fait figure desolution à un débat sur la nature de la poésie, qui eût été absolument étranger auchamp littéraire de 1770 ou de 1815.

12. Un tel regard sociologique a de nombreuses conséquences sur la méthodo-logie d’étude des textes, qui méritent d’être brièvement énumérées : a) la consti-tution du corpus d’étude considère avec distance le canon des « classiques », pouraborder simultanément à ceux-ci des genres ou des formes désignés comme« mineurs » par les instances impliquées ; b) la recherche restitue l’archive oubliéedes conflits littéraires pour faire émerger, dans une large série, les textes retenuscomme exceptionnels ; c) elle envisage de manière laïcisée cette exceptionnalitécomme une des opérations de « distinction » réussies dont l’histoire littéraire gardela trace ; autant que les textes, elle interroge donc les intérêts sociaux de ceux qui(critiques, écrivains, journalistes, professeurs, etc.) ont intérêt à perpétuer sous cetteforme une hiérarchie des valeurs littéraires ; d) la notion de « genre » littéraire estpensée comme une relation sociale, la hiérarchie des genres déterminant à chaquemoment du temps la valeur et les stratégies de changement des écrivains « héré-tiques » ; e) même lecture des « faits de style », que Leo Spitzer interprétait du pointde vue de la psychologie individuelle ; f) à la notion d’« auteur », on préfère celled’agent ou de producteur, de façon à repenser celle-ci de manière ni psychologique(comme Spitzer) ni structuraliste (comme la « fonction-auteur » de Foucault), maiscomme la rencontre incarnée, le carrefour (créatif ou non) d’un habitus inscrit dansune position, et d’un champ ; g) les textes désignés comme littéraires gagnent à êtreétudiés en parallèle à d’autres discours sociaux dévolus à débattre de probléma-tiques proches. Ainsi, les propos des romanciers de l’entre-deux-guerres commeCéline, Aragon ou Queneau sur le nouveau « style oralisé » ne dévoilent leursenjeux que lorsqu’on les confronte aux discours contradictoires des linguistes, gram-mairiens et critiques jugeant le statut contemporain de la langue parlée (Meizoz,2001) ; h) les textes sont envisagés simultanément à production et à réception, etlus en lien avec les paratextes qui en orientent la perception ; i) si les champs litté-raires ont été constitués à partir de définitions nationales, il faut rendre compteaussi, en termes géopolitiques, des transferts de modèles (genres, motifs, etc.) lit-téraires (Casanova, 2002 ; Kalinowski, 1999) et de leurs réappropriations dans leslittératures dominées.

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Sociopoétique : le travail formel surréalistecomme prise de position

Soucieuse de complexifier la description des rapports entre littérature et société,la sociopoétique d’Alain Viala propose un protocole d’étude plus détaillé que celuide Bourdieu dont elle s’inspire. L’idée en est que quatre « prismes » (au moins)reconfigurent les faits sociaux lors de leur mise en textes : le prisme linguistique, leprisme générique, le prisme du champ et le prisme auctorial. En écho à l’analyse parprismes d’un poème d’Eluard, « Liberté » (Meizoz, 2003b), un second essai d’ana-lyse sociopoétique va illustrer cette méthode.

En 1925, moins d’un an après le lancement de La Révolution surréaliste, PaulEluard et Benjamin Péret cosignent une courte brochure, 152 Proverbes mis au goûtdu jour, diffusée par la Librairie Gallimard. Eluard avait pour sa part collaboré,juste après la Grande Guerre, à une éphémère revue, intitulée Proverbe, où il pra-tiquait le détournement des formes brèves 8. Partant des textes mêmes, je me pro-pose de montrer comment ceux-ci contiennent, en les réfractant dans les tensionsde leur propre forme, les enjeux du champ dont ils sont issus.

Le champ dans le texte

Soit cinq exemples de détournement, choisis pour leur convergence vers unmême champ lexical. On en propose quelques hypotextes 9 :

N° 7) Comme une huître qui a trouvé une perle.Hypotexte : Comparaison figée : « Comme des noix sur un bâton » ; « Comme unpoisson dans l’eau ». Ou la formule : « Elle a trouvé chaussure à son pied. »

N° 40) Il faut battre sa mère pendant qu’elle est jeune.Hypotexte : Conseil : « Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. » Contradic-tion ici entre les conditions d’emploi reprises telles quelles, le contenu du pro-verbe subverti, et la permanence phonique en assonance (mère/fer) ou en allité-ration dégradée (jeune/chaud).

N° 83) Il y a toujours une perle dans ta bouche.Hypotexte : Axiome scientifique du type : « Il y a toujours un noyau dans une cel-lule. » Contredit par le signal d’adresse « ta » qui désigne l’allocutaire (oracle oumuse ?).

N° 87) Faire son petit sou neuf.Hypotexte : Amalgame de deux énoncés brefs, procédé comparable au mot-valise :« Propre comme un sou neuf » ; « Faire son petit malin ».

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N° 91) Les beaux crânes font les belles découvertes.Hypotexte : Structure binaire : « Les belles plumes font les beaux oiseaux » ; « Lesbons comptes font les bons amis ».

Les surréalistes s’emparent du proverbe, que l’on peut définir comme un pro-gramme de perception et d’action10, bref : un prêt-à-penser censé prêter à agir. Gom-mant les marques de son énonciation, le proverbe se donne comme parole ano-nyme, collective et universalisante (Anscombre, 2000). Toujours-déjà-là dans lestock verbal, le proverbe demande à être pris en charge par un locuteur. Celui-cis’empare ainsi d’un fragment de discours d’autorité : ainsi le proverbe est toujoursune citation. En ce sens, comme toutes les formes brèves, il s’offre à un détourne-ment. Quelques traits récurrents permettent d’en dresser l’idéal-type : discoursassertif, bref, gnomique, binaire de par sa structure, phoniquement et rythmique-ment dense, parfois archaïsant sur le plan lexical.

Quels sont les modalités et les enjeux d’un tel exercice de « détournement » paro-dique 11 ? Commençons par décrire l’impact des transformations, des macro-struc-turelles vers les micro-structurelles 12 :

1. Publier en une brochure signée un recueil de pastiches proverbiaux, un telacte éditorial cumule trois opérations au moins : a) l’appropriation nominale d’uneforme d’abord conçue comme anonyme, collective et « populaire » (dans la tradi-tion folkloriste) ; b) le détournement d’un contrat générique, celui du florilège deproverbes tel qu’en fournissent les dictionnaires 13 ; c) le rapatriement vers la litté-rature, par le support de la brochure signée de deux poètes identifiés comme tels,d’une forme considérée comme mineure : est littérature dès lors ce que nous, poètessurréalistes, éditons comme tel.

2. Chaque proverbe mis au goût du jour renvoie à un ou des hypotextes sen-tencieux connus, qu’il retravaille lexicalement et syntaxiquement jusqu’à les rendrenon identifiables. Par le pastiche et la réécriture parodique, Eluard et Péret mani-festent leur connaissance des règles génératives du proverbe (concision, gnomisme,binarisme, parallélisme phoniques vs sémantiques, archaïsmes lexicaux). Ils fontcependant fonctionner celles-ci contre ou à côté de la doxa commune (N° 42« Quand la raison n’est pas là, les souris dansent »).

3. Parole collective, le proverbe « mis au goût du jour », c’est-à-dire réactivé, réac-tualisé, devient prise de parole d’un groupe à stratégie collective (Bandier, 1999),parole qui privilégie la force illocutoire et postule une continuité entre le dire etle monde, une action de celui-là sur celui-ci, bref, une possible « révolution ».

4. Chaque proverbe manifeste et affirme un « goût » « neuf » (« mis au goût dujour »), soit une esthétique, des valeurs. Il prend position dans le champ des valeurslittéraires. Paradoxalement, il s’appuie sur une forme gnomique pour affirmer lesurgissement du « neuf » qui contredit en tous points la sagesse prétendument anhis-torique et figée du proverbe-hypotexte.

5. Le proverbe renouvelé est rendu à une historicité, à l’« usage14 » d’un locuteur.

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Il retrouve son potentiel poétique de départ. Au premier plan sont donnés les para-doxes ludiques et les jeux verbaux, afin d’ironiser la prétention didactique fixe.(N° 5 « Il faut rendre à la paille ce qui appartient à la poutre », N° 10 « A fourneauvert, chameau bleu. »)

6. Dans ce type d’énoncés, la clef du monde est demandée non à une sagesse pré-existante et close, de type essentialiste (N° 144 « Le sein est toujours le cadet »),mais à la substance verbale même, revivifiée dans la pratique du jeu de mots (N° 59« Trois font une truie »), comme dans le Glossaire : s’y serre mes gloses de Leiris, parudans La Révolution surréaliste.

7. Par un retour à la lettre, au phonème, par l’autotélisme, il s’agit de déver-rouiller les prédéterminations inconscientes d’ordre linguistique et culturel quidécrètent le bon sens et orientent la lecture, et retrouver un état premier du lan-gage, souvent de type cratylien. (N° 130 « Un jeune homme marié perd son nez »[mari = marié - é] à rapprocher de « Femme : flamme sans aile » de Leiris [flamme –l = femme].)

L’opération surréaliste, pour la résumer, convertit le proverbe en poème par undéplacement des propriétés du premier :

Proverbe : anonyme-collectif ; archaïque ou ancien ; figé ; à dominante hétéronome(le potentiel autotélique est mis au service de la doxa).Poème : signé-singularisé ; neuf ou « mis au goût du jour » ; renouvelé par la paro-die ; à dominante autonome (le potentiel poétique prend le pas sur l’anciennedoxa).

Dans leurs réécritures proverbiales, loin d’en rester à l’acte iconoclaste ou aucanular, Eluard et Péret ébauchent une proposition de rupture littéraire, lisible enfiligrane. Constatons, dans les cinq exemples retenus, la présence récurrente desèmes de l’objet de valeur (« perle », « sou »), associés à deux sèmes parents, la nou-veauté (« neuf », « jeune ») et la découverte (« belles découvertes »). Dans ces énon-cés se donnent peu à peu les termes d’une esthétique de la trouvaille contre celle dutravail, du donné contre le lissé (au sens de la fameuse reprise sur le « métier » deBoileau). En peinture, Picasso a donné la célèbre formule de cette rupture : « Je necherche pas, je trouve. » Autrement dit, l’objet de la quête est le « neuf », cher àRimbaud et Lautréamont, auxquels les surréalistes reprennent des motifs. Il advientpar la trouvaille : ce qui se donne, advient, ne se travaille pas (comme l’écritureautomatique) ; l’inconscient, « involontaire » et non « intentionnel » (selon les motsd’Eluard), est le cœur de l’innovation, qui échappe désormais au conscient, métho-dique ou rationnel. En conséquence de quoi, – j’interprète toujours – ce qui est dit« littérature » doit être de fond en comble réévalué, à l’occasion de la mise en crisedes présupposés de l’ancienne « littérature », formes, genres et valeurs littéraires.

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Le texte dans le champ

Quel est donc l’impact dans le champ littéraire du travail formel sur les pro-verbes ? Autrement dit, après avoir observé comment le texte laissait entrevoir lechamp où il a surgi, retournons la question : comment ces réécritures proverbialesfont-elles sens dans le champ littéraire singulier de 1925 ?

Par un jeu transtextuel, Eluard et Péret déplacent les proverbes dans le champ :ils dépouillent le proverbe de tout ce qui est en lui hétéronome (ou soumis au champdu pouvoir : insertion dans des textes didactiques, contenus doxiques univoques,etc.) pour virtualiser ce qui en lui relève de l’autonome (l’autotélique, le ludique,l’anti-didactique, le paradoxal). La position surréaliste en 1925 s’appuie sur l’auto-nomie du littéraire, et intervient dans le champ du pouvoir (Lettre au pape, etc.) aunom de celle-ci. Elle demande au langage même la transformation du monde, etnon à des actes non littéraires portés sur le terrain politique. Elle explore les pou-voirs révélateurs inhérents au langage même, contre toute doxa d’abord politique15.

C’est donc par un travail éditorial, générique et stylistique que les proverbes sonttransférés vers une zone restreinte du champ littéraire. Caractérisée par la défensede l’autonomie du littéraire, la maîtrise du capital culturel, une haute valeur sym-bolique et de faibles profits économiques, cette zone inclut les productions poé-tiques d’avant-garde (Bourdieu, 1992). Le proverbe « mis au goût du jour » est ainsitraité et donné à lire comme un poème, jugé selon ses caractéristiques internes, surle mode de la « littérarité » jakobsonienne.

Les propositions formelles surréalistes (proverbes, slogans, poèmes, récits derêve, écriture automatique, etc.) prennent corps et sens dans cette zone restreinteoù elles s’avèrent autant de prises de positions polémiques à l’égard de la « littéra-ture ». Ces prises de position reformulent (selon leurs propres formes et à l’aide dematériaux présents dans la mémoire des formes du champ) plusieurs clivages préa-lables qui en constituent les conditions sociales de possibilité. On peut les résumerà cinq – dans lesquels plusieurs des propriétés des proverbes « mis au goût du jour »(le neuf, l’autonomie formelle de la poésie, la signature, la parodie des discoursanciens) se lisent aisément :

– Un clivage morphologique : après 1918, on constate un renouvellement accé-léré de la population des écrivains 16. Avec 525 écrivains morts à la guerre, l’espacelittéraire s’ouvre à de nouveaux entrants (= habitus et capitaux neufs), coutumiersd’expériences littéraires inédites qu’ils désirent prolonger (Apollinaire, Jarry, Rous-sel), et décidés à rejeter l’idéologie du « monde ancien » qui s’est écroulé entre 1914et 1918.

– Un clivage générationnel : lisible entre ces auteurs (jeunes) et leurs repoussoirslittéraires (âgés), qui s’exprime par des « procès » – celui de Maurice Barrès, 1921 –ou des pamphlets – contre Anatole France, 1924.

– Un clivage culturel : ces jeunes gens sont dotés de nouvelles caractéristiquesscolaires. Après les réformes de 1902, ils incarnent la première génération pouvant

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accéder au bac sans étudier les langues anciennes et leur réservoir traditionnel degenres et formes littéraires. Ils sont également en rupture de formation (Aragon,Vitrac, Breton ont interrompu leurs études universitaires) et opposent une nou-velle conception du langage, anti-scolaire et anti-normative – notamment de lagrammaire, mais aussi de la versification –, à celle des professeurs et académiciensqui occupent les positions dominantes du champ.

– Un clivage générique : portant la bannière de la poésie et du texte bref, ou deshors-genres (récits de rêves, faux proverbes, sketches, etc.), les surréalistes rejettentles genres à succès tels le roman psychologique ou le théâtre de boulevard, qu’ilsdénoncent comme des formes anciennes figées dans le cliché (la « carte postale » deBreton), et associés à des intérêts de classe culturellement conservateurs (ceux dela bourgeoisie nationaliste, sans cesse raillée par le mouvement surréaliste).

– Un clivage économique : par leur mode de publication, lui-même lié aux genrespratiqués. Ainsi les poèmes surréalistes paraissent dans de petites revues à tirageconfidentiel ou sur des supports nouveaux (tracts, affiches), qui manifestent uneéthique du désintéressement voire de la dévotion artistique en tous points inversede celle régnant dans le champ économique. Ce choix les oppose à leurs repous-soirs romanesques et dramaturgiques à grands tirages et haut rendement écono-mique, dénoncés comme impurs ou commerciaux.

C’est la rencontre de ces différenciations sociologiques objectives (leurs disposi-tions esthétiques, éthiques et plus largement culturelles) et des problématiques duchamp à leur entrée en lice qui donne son plein sens à l’investissement « hérétique »(au sens de Weber) des surréalistes dans des positions nouvelles, où s’organise l’ef-ficace propre de leurs prises de positions (manifestes, poèmes, etc.). Il n’est pasinutile de considérer bien des choix formels (rejet du roman et du théâtre de bou-levard, écriture automatique, remotivation des signifiants, détournement desformes traditionnelles) par recours à cet état du champ et aux conflits esthétiquesqu’il occasionne.

Toute notre analyse, partie d’un texte pour remonter vers le champ où il a priscorps, montre que les effets de l’appartenance à un champ se lisent sous deux formes :dans les données morphologiques et dans la mise en forme des textes. Autrementdit, comme Viala le rappelle, après Bourdieu, « la logique du champ se manifesteaussi dans la facture même de l’œuvre » (Viala & Molinié, 1993, p. 196). L’externeet l’interne textuels, loin d’avoir à être envisagés séparément, sont deux modalitésd’existence en constante relation, dont les rapports s’éclairent par la médiationtransformatrice du champ littéraire.

Une telle lecture de la radicalité surréaliste a l’avantage de recourir à la média-tion spécifique du champ littéraire pour comprendre la cohérence de choix for-mels qui perdent à être rapportés à la seule singularité de leurs porteurs. Ce pointde vue évite deux écueils des histoires traditionnelles de la littérature : d’une part,l’écueil de l’« esprit du temps », ce bain contextuel toujours convoqué in extremis

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pour rendre vaguement raison de choix qui ont ailleurs leurs raisons. D’autre part,l’écueil du « génie » ou de la singularité créatrice, qui consiste à personnaliser touterupture littéraire collectivement préparée, pour la renvoyer à une intériorité uniqueet à soi suffisante 17.

Universités de Lausanne et de Genève

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NOTES

1. Le Démon de la théorie, Paris, Ed. du Seuil, 1998, p. 237. On peut y répondre par deux éléments :a) la théorie des champs ne place pas le texte au centre du dispositif d’étude, et il ne faut donc pass’étonner que ce nouveau découpage de l’objet écarte le close reading ; b) la notion de « stratégie » queBourdieu a remplacée par « illusio » ne suppose pas, selon le sociologue, une conception finaliste selonlaquelle chaque écrivain lutterait consciemment pour son profit littéraire, sur le modèle implicite del’homo œconomicus.

2. Reproche classique fait à la sociologie de la littérature dès Goldmann : déplorant que la socio-logie néglige trop « la surface verbale de l’œuvre », Barthes invitait en 1963 à la création d’« une socio-logique » des formes collaborant avec la sémiologie (« Les deux sociologies du roman », France-Obser-vateur, 5 décembre 1963, O.C., I, p. 1147).

3. Voir J. Meizoz, « Les pistes de Pierre Bourdieu en vue d’une sociologie des styles littéraires »,Colloque de Cerisy 2001, in J. Dubois, P. Durand, Y. Winkin (dir.), Le Symbolique et le Social. Laréception internationale de Pierre Bourdieu, à paraître en 2003.

4. Voir les bilans récents de P. Dirkx (2000) et J. David (2001).5. Reprise dans G. Lanson (H. Peyre, éd.), Essais de méthode…, Paris, Hachette, 1965.6. Voir J.-M. Adam, Linguistique textuelle, Paris, Nathan, 1999, et « Pour une pragmatique lin-

guistique et littéraire », in Cl. Reichler (dir.), L’Interprétation des textes, Paris, Ed. de Minuit, 1989.7. M. Cohen, The Sentimental Education of Novel, Princeton University Press, 1999, dont un cha-

pitre a été traduit sous le titre « Une reconstruction du champ littéraire », Littérature, n° 124,décembre 2001, p. 23-37.

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8. « Proverbe », sous la plume des deux auteurs, n’a pas le sens strict que lui donnent les étudesfolkloriques du XIXe siècle ni les travaux actuels de linguistique (J.-Cl. Anscombre, « Présentation »de La Parole proverbiale, numéro thématique de Langages, n° 139, septembre 2000, p. 3-6), mais ren-voie chez Eluard et Péret à tous les énoncés brefs, figés et péremptoires, comme les dictons, conseils,adages juridiques, axiomes scientifiques, truismes, métaphores stéréotypées ou mortes, slogans publi-citaires, etc.

9. M.-P. Berranger, dans Dépaysement de l’aphorisme (Paris, Corti, 1988, p. 145-151), en a proposéquelques-uns, notamment ceux que je reprends pour les nos 87 et 91. Sur le travail des surréalistesautour des formes brèves, voir aussi Philippe Moret, Tradition et Modernité de l’aphorisme, Genève,Droz, 1997.

10. Formule de P. Bourdieu, Ce que parler veut dire, Paris, Fayard, 1982, p. 101.11. Alors que Grésillon et Maingueneau (1984) parlent de « pastiche », Genette mentionne briè-

vement la brochure d’Eluard et Péret comme illustration de la « déformation parodique » (Palimp-sestes, Paris, Ed. du Seuil, 1982, p. 43). Il distingue les réécritures proverbiales relevant de la parodie(lorsqu’un hypotexte est identifiable) et celles, plus rares, du pastiche (« Les éléphants sont conta-gieux » n’a pas d’hypotexte, mais imite la structure et le style proverbial). Le poéticien rappelle quele détournement de proverbes est une tradition fort ancienne. Beaumarchais, puis Balzac s’y adon-naient notamment et ce dernier collecta des formules de ce type, réunies en volume en 1910, quifirent les délices des surréalistes.

12. On distinguera, avec Grésillon et Maingueneau (1984), l’aspect affecté par le détournementproverbial : si celui-ci porte sur les conditions formelles (lorsque l’on touche au signifiant par substi-tution phonétique, lexicale, etc. : n° 63 « Saisir la malle du blond ») ou les conditions d’emploi (lorsquel’on bouleverse le dispositif pragmatique : énoncé gnomique, adressé à un allocutaire universel, neu-tralité énonciative : n° 83 « Il y a toujours une perle dans ta bouche. »). La majorité des cent cin-quante-deux proverbes procèdent par subversion des conditions formelles, par divers procédés desubstitution, comme le métaplasme.

13. Pourquoi ce pastiche de florilège regroupe-t-il 152 proverbes ? Le chiffre renvoie selon nous àune habitude de typographes : au XIXe siècle, comme le rappelle Balzac au début d’Illusions perdues,les typographes recourent à 152 caractères différents, logés dans autant de casiers ad hoc. Autrementdit, les 152 caractères sont l’alphabet typographique, et ont le sens génératif des alphabets : à partirdes 152 énoncés, à vous de composer une doxa !

14. M. de Certeau, L’Invention du quotidien. Arts de faire 1, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais »,1990, p. 39.

15. Même si certains proverbes s’attaquent directement à des énoncés idéologiques, auxquels ilsen substituent d’autres, en prise sur l’actualité de l’après-guerre, tel celui-ci, non retenu pour la publi-cation : N° 62 dans le ms. « Incendie et mitrailleuse sont les deux mamelles de la France » (Hypo-texte : Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France). Sur la différence entre l’avant-garde surréaliste et des conduites « engagées », et donc hétéronomes, voir Benoît Denis, Littératureet Engagement, Paris, Ed. du Seuil, coll. « Points », 2000, p. 24. Ce point de vue surréaliste autonomechangera dès avant 1929, avec les conversions au PCF et l’éclatement significatif du mouvement, parexcommunications ou désistements.

16. Norbert Bandier, Sociologie du surréalisme, Paris, La Dispute, 1999.17. Bourdieu ne rejette pas entièrement l’idée de singularité, mais il en fait un produit sociolo-

gique par l’habitus comme système de dispositions intériorisées et corporalisées au cours de la tra-jectoire du sujet. L’attitude de Bourdieu à l’égard de la notion de « grand écrivain » est ambiguë, etvarie selon les périodes de son travail. Notion récusée dans les années 1960-1970, elle fait retour dansles années 1990, mais en redéfinissant la grandeur artistique.

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