kabary malagasy, fiction narrative et configuration identitaire : cas du prologue du kabary...

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1 ARTICLE : Kabary malagasy, fiction narrative et configuration identitaire : Cas du prologue du kabary malagasy, fialan-tsiny [demande d’excuse]. Dans le cadre de cette contribution, je m’intéresse particulièrement au Kabary, le discours oratoire malagasy, en tant que texte produit d'une énonciation. D’une manière générale, l’énonciation, acte de production, d’utilisation de la langue dans un contexte donné, prend consistance dans le discours. Tandis que le discours, dans sa singularité, peut être défini comme, à la fois, un acte de production verbale, de structuration du sens et de position du sujet dans et par le langage. Je postule que ce sont ces trois propriétés de l’acte d’énonciation qui assignent au discours ses deux corrélats, à savoir la fonctionnalité des référents et la narrativité du texte ; c’est ainsi que j’ai choisi d’intituler ce travail : « Kabary malagasy, fiction narrative et configuration identitaire : Cas du prologue du Kabary malagasy, Fialan-tsiny [demande d’excuse] ». D’entrée de jeu, il faut avancer que les questions en amont qui a suscité ce thème est toujours celle posée par la linguistique à la littérature à propos de la perturbation des rapports entre le signe linguistique et le référent, entre le texte et le monde extérieur, entre le récit et l’événement réel ; en d’autres termes, quel ordre de réalité les mots et les phrases que les discours articulent sont-ils susceptibles de transmettre au destinataire ? En effet, bien des phrases de la vie quotidienne seraient taxées d’être une pure tautologie si on fait référence à la réalité stricto sensu et bien des formules des kabary malagasy passeraient pour des non-sens si on les considère littéralement. Faut-il pour autant abandonner l’idée que les mots dans leur articulation peuvent avoir la capacité d'évoquer le monde extérieur ? C’est ainsi que, dans une démarche comparative, pour analyser cette partie introductive du kabary, il me faut développer ce que je désignerais sous l’appellation de discours sur le savoir, catégorie sous laquelle je range les textes dits référentiels dont la signification des énoncés est saisie en termes de vérité. Parallèlement, je voudrais soutenir l’idée selon laquelle le kabary, discours construit sur la fiction, réfère aussi bien à travers les processus de production de sens induits par l'articulation des mots et des phrases qu’à travers les effets de sens liés aux valeurs de l’énonciation. Je soutiens, en effet, que dans

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ARTICLE :

Kabary malagasy, fiction narrative et configuration identitaire :

Cas du prologue du kabary malagasy, fialan-tsiny [demande d’excuse].

Dans le cadre de cette contribution, je m’intéresse particulièrement au Kabary, le

discours oratoire malagasy, en tant que texte produit d'une énonciation. D’une manière

générale, l’énonciation, acte de production, d’utilisation de la langue dans un contexte

donné, prend consistance dans le discours. Tandis que le discours, dans sa singularité, peut

être défini comme, à la fois, un acte de production verbale, de structuration du sens et de

position du sujet dans et par le langage. Je postule que ce sont ces trois propriétés de l’acte

d’énonciation qui assignent au discours ses deux corrélats, à savoir la fonctionnalité des

référents et la narrativité du texte ; c’est ainsi que j’ai choisi d’intituler ce travail : « Kabary

malagasy, fiction narrative et configuration identitaire : Cas du prologue du Kabary

malagasy, Fialan-tsiny [demande d’excuse] ».

D’entrée de jeu, il faut avancer que les questions en amont qui a suscité ce thème

est toujours celle posée par la linguistique à la littérature à propos de la perturbation des

rapports entre le signe linguistique et le référent, entre le texte et le monde extérieur, entre

le récit et l’événement réel ; en d’autres termes, quel ordre de réalité les mots et les

phrases que les discours articulent sont-ils susceptibles de transmettre au destinataire ? En

effet, bien des phrases de la vie quotidienne seraient taxées d’être une pure tautologie si on

fait référence à la réalité stricto sensu et bien des formules des kabary malagasy passeraient

pour des non-sens si on les considère littéralement. Faut-il pour autant abandonner l’idée

que les mots dans leur articulation peuvent avoir la capacité d'évoquer le monde extérieur ?

C’est ainsi que, dans une démarche comparative, pour analyser cette partie

introductive du kabary, il me faut développer ce que je désignerais sous l’appellation de

discours sur le savoir, catégorie sous laquelle je range les textes dits référentiels dont la

signification des énoncés est saisie en termes de vérité. Parallèlement, je voudrais soutenir

l’idée selon laquelle le kabary, discours construit sur la fiction, réfère aussi bien à travers les

processus de production de sens induits par l'articulation des mots et des phrases qu’à

travers les effets de sens liés aux valeurs de l’énonciation. Je soutiens, en effet, que dans

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cette opération est fabriqué un monde fictionnel, un monde que j’appellerai monde

possible, puisqu'il se construit dans et par ce mouvement de la référence interne et par ce

mouvement d’inférence externe au texte. De ce processus procède ce que j’appellerai

discours sur le croire, discours doté d’une dimension double, cognitive et pragmatique, bien

que le procédé en soit justement la fictionnalisation.

Enfin, s’il faut faire apparaître la narrativité dans le fialan-tsiny, je la mettrai en

relation avec l’énonciation, énonciation envisagée ici en termes de discours en acte et de

mode de présence du sujet au monde ; ce qui veut dire que la question qui guidera

l’interprétation de l’extrait ne sera pas tellement : qu’est-ce qui est dit ? Mais pourquoi cela

est dit ? C’est cette question pourquoi qui produit la fiction narrative dans le passage fialan-

tsiny, dans la mesure où dire une chose constitue un acte de positionnement comme sujet

de l’énonciation ; acte à partir duquel se noue une relation transitive entre un sujet et un

objet de valeur, cette relation pouvant apparaître, selon moi, le lieu du déploiement d’une

configuration identitaire.

1- L’effet de fiction dans le Kabary ou la distance trouble entre discours sur le savoir et discours sur le croire.

D’emblée, il faut noter que le discours sur le savoir est une reproduction symbolique

de la réalité prise au sens large du terme, il est du domaine de la démonstration et relève du

vrai ou du faux. Dans ce discours sur le savoir, les méthodes d'extraction des connaissances

ne tiennent pas compte de l’énonciation inscrite dans l’énoncé. Ici, on pourrait tenir pour

négligeable l'attitude de l’émetteur-narrateur à l'égard du destinataire, comme à l’égard de

ses propres énoncés.

Les logiciens se sont efforcés de considérer le discours sur le savoir comme un discours

dont les paramètres énonciatifs n’entrent pas en jeu dans la validité de l’affirmation qu’ils

ont appelée de vérité qui perdure. En effet, dans le discours sur le savoir, les énoncés sont

généralement le fait des constats scientifiques du type L’eau bout à 100° ou La terre tourne

autour du soleil ou La terre tourne sur elle-même. Il est clair que la vérité de ces énoncés ne

dépend pas du fait que ce soit un prix Nobel de sciences physiques qui les dit ou moi. Ils

s’affranchissent également de l’ancrage spatio-temporel, qu’on les dise aujourd’hui ici ou

3

demain ailleurs, ils sont toujours vrais. C’est ce genre de discours que j’appelle discours sur

le savoir, dans la mesure où le langage ne peut pas entrer en contradiction avec le réel.

En définitive, le discours sur le savoir est, à la limite, un discours qui ne prend pas en

compte l’homme. C’est un discours qui est vrai ou faux en fonction de sa conformité ou non

avec la réalité. Cette conception procède de la théorie du langage héritée des philosophes

tels que FREGE, RUSSEL ou celle du premier WITTGENSTEIN qui semblent faire du langage

un simple instrument de représentation. En d’autres termes, on met en avant ici la fonction

cognitive du langage en posant qu’une représentation a un contenu cognitif dans la mesure

où ce qu’elle affirme est effectivement le cas. Selon WITTGENSTEIN, par exemple, le langage

représenterait la réalité et véhiculerait ainsi des connaissances qu’il ne resterait plus qu’à

extraire des énoncés par des méthodes appropriées :

« 3.203 - Le nom signifie l’objet. L’objet est sa signification. (« A » est le même signe que « A ») 3.22 - Le nom, dans la proposition, est le représentant de l’objet. 4.0011 - la totalité des propositions est la langue. 4.011 - La proposition est une image de la réalité. La proposition, est un modèle de la réalité, telle que nous la figurons. 4.0311 - Un nom est mis pour une chose, un autre pour une autre, et ils sont reliés entre eux, de telle sorte que le tout, comme un tableau vivant, figure un état de chose. »1

Il s’ensuit que les textes référentiels, the world-imaging text2 dans la terminologie de

DOLEZEL, sont à inscrire dans cette catégorie de discours en ce sens qu’ils constituent des

représentations d’un monde réel, préalable et indépendant. Cette position est fortement

appuyée par CARNAP dans sa théorie du signe autonymique, mais largement contestée

aussi parce qu’elle ferait du langage une tautologie de la réalité. En effet, on constate de

manière évidente que le mot ne peut pas être la chose comme l’a signalé SEARLE, non sans

une pointe d’humour, en disant que le mot Fido ne mord pas alors que le chien Fido peut

mordre.

GUIRAUD, quant à lui, admet d’abord que le langage a une triple fonction : logique,

cognitive et communicationnelle mais il finit par objecter en formulant que :

1 WITTGENSTEIN, Ludwig, 1993, Tractatus logico-philosophicus, Paris, Éditions Gallimard, pp. 43, 50, 51, 54.

2 DOLEZEL, Lubomir, 1998, Heterocosmica. Fiction and Possible Worlds, Baltimore et Londres, The Johns

Hopkins University Press, Collection Parallax, p. 25.

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« Cette communication notionnelle qui est le but de la science ou de la connaissance logique, n’est qu’indirectement celui de la communication sociale qui est essentiellement volitive : nous communiquons nos pensées pour obtenir certaines réactions. Il ne suffit pas de dire « je t’aime » ou « attaquez la redoute », il faut communiquer la ferveur de cette passion ou le sentiment de l’importance et de l’urgence de l’attaque *. . .+ – le « mot n’est pas la chose » et n’évoque qu’indirectement et comme à travers un écran, alors que c’est la chose elle-même qui seule peut nous émouvoir. »3

Ainsi, il y a lieu de considérer que le langage n’est pas simplement un moyen de

représenter et de communiquer une pensée. Tout énoncé linguistique est à envisager

comme mettant en jeu des facteurs communicationnels divers : cognitifs, expressifs,

ludiques, idéologiques, passionnels, phatiques qui apparaissent avec évidence dans les

discours oraux, y compris le kabary malagasy. Ici, l’alternative ne se situe plus entre le vrai

ou le faux, mais plutôt entre le croire ou le ne pas croire.

Le discours sur le croire s’inscrit alors plutôt dans le domaine de l'argumentation qui

est celui de la logique du possible, dans la mesure où celle-ci échappe a priori aux certitudes

de l’évaluation du vrai ou du faux. Ce discours sur le croire prend appui uniquement sur la

fiction. Son rôle essentiel est de tisser sur la fiction une histoire construite à partir d’un

scénario imaginé par le narrateur comme celui imaginé par l’orateur dans le fialan-tsiny.

À l’origine de cette inversion de la tendance se trouve l’introduction par CARNAP de la

notion d’autonymie :

« Par exemple, nous pouvons adopter la règle comme quoi, au lieu du mot « allumette », on placera toujours une allumette sur le papier. Mais, plus souvent que les objets extralinguistiques, ce sont les expressions linguistiques qui sont utilisées pour leur propre désignation. Une expression ainsi utilisée est dite autonymique. »4

Ceci impliquerait que seuls les objets que le sujet parlant ne peut pas introduire en

chair et en os dans le discours doivent faire l’objet d’une nomination ; à quoi on rétorque

qu’on arriverait ainsi très vite dans une aporie méthodologique, sachant que quand on veut

parler d’un nom, on n’a qu’à l’introduire dans le discours puisqu’il est toujours disponible.

Or ce faisant, on ignore désormais le référent que seul l’énonciateur connaît et de cette

3 GUIRAUD, Pierre, 1955, La sémantique, Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je », pp. 27-28.

4 CARNAP, Rudolf, 1937, The logical syntax, Londres, cité par RECANATI, F., 1979, La transparence et

l’énonciation, Paris, Éditions du Seuil, p.70.

5

connaissance il communique une part de sa subjectivité. C’est le commencement du

discours sur le croire auquel je rattache le kabary malagasy et, ici, le fialan-tsiny.

Le discours sur le croire est une justification, par une autre voie, de la relativité

linguistique : un exemple pratique à cet égard est le cas du verbe « aimer » utilisé dans tout

type de relation intersubjective allant du discours religieux au discours amoureux. Le

discours sur le croire se contente d’enregistrer l’intention du locuteur à partir de son

discours, sachant que l’interlocuteur n’aura évidemment pas le moyen d’en vérifier la

véridicité. Il en serait ainsi d’un subordonné fâché contre son directeur, dans un contexte de

crise de l’emploi, il ne peut qu’à ses risques et périls l’ignorer au détour d’un couloir. Ainsi, il

sera toujours obligé de s’acquitter de son rôle dans cette fictionnalisation du rituel

interpersonnel en jeu dans la relation patron/subordonné : « Manao ahoana, Tompoko ô ! »

[Comment ça va, Monsieur ?] et ce, bien que la santé du patron soit vraiment le cadet de

ses soucis. De la même manière, le discours oratoire malagasy, le kabary, déploie toujours

une isotopie euphorique en dépit des sentiments personnels du locuteur. C’est ce qu’on

note dans les discours de présentation de condoléances à Madagascar : on doit feindre la

tristesse, prononcer des paroles consolatrices en dépit d’une certaine indifférence, preuve

qu’on est en plein discours sur le croire, bref, en pleine fiction. C’est ce que le poète PESSOA

traduit si bien à sa manière dans sa célèbre pièce intitutée « Autopsycografia » :

« Feindre est le propre du poète. Il feint si complètement Qu’il en vient à feindre qu’est douleur La douleur qu’en fait il sent.

Et ceux qui lisent ses écrits Dans la douleur lue sentent bien Non les deux qu’il a connues, Mais celle qu’ils n’éprouvent point.

*…+ »5

Je note au passage que je cite PESSOA puisque, dans une perspective énonciative, je

ne fais aucune différence entre un poète et un orateur. Ainsi, par exemple, l’orateur ne va

pas mettre en œuvre tout un appareillage logique de démonstrations pour justifier sa prise

5 BRECHON, Robert, COELHO, Edouardo Prado (sous dir.), 1988, Cancioneiro, Œuvres de Fernando PESSOA,

Tome I, Alençon (Orne), Christian Bourgois (Editeur), p. 221, 266 pages.

6

de parole, ce serait effectivement inutile puisque la question n’est plus sur le faire puisque

dans ce cas précis, on sait déjà qu’un individu prend la parole ; la pertinence se situe plutôt

sur le pourquoi du faire. Effectivement, l’orateur va plutôt recourir à une fictionnalisation. Il

est vrai que, dans cette fictionnalisation, tout est fait pour créer un processus

anthropomorphique entre le faire humain et la fiction. Mais cette opération a pour fonction

première de projeter le destinataire dans l'univers du possible. Il s'agit là d'une forme de

contrat fiduciaire et tacite entre orateur et destinataire6 où ce dernier accepte volontiers,

c'est-à-dire de son plein gré et pour son bon plaisir, de suspendre son esprit critique, en

d’autres termes, de mettre en sursis le réel.

A cela, j’ajoute qu’il est tout à fait plausible de penser que la fiction constitue un

dispositif littéraire pour améliorer la qualité projective du réel. Autrement dit, la fiction est

toujours une analyse du réel dans la mesure où elle diffère de la réalité. On peut

comprendre aisément cela à partir de l’implantation d’une figure dans le discours. Plus près

de nous, prenons par exemple les poèmes où le poète Jean Joseph RABEARIVELO développe

la thématique végétale à travers les figures respectives du Filaos, de l’Aviavy, du Cactus ou

du baobab. Dans ces poèmes, une fois que l’arbre est nommé, la figure engage déjà tous les

parcours possibles comme différence d’avec la réalité. Ainsi, par exemple, à la question

« feinte » de savoir au sujet du Filaos si cet arbre de la côte peut survivre s’il est transplanté

sur les haut-plateaux, l’énonciation de ce poème pose la question de savoir si la langue

française peut survivre dans son usage à Madagascar ou encore si le poète peut rester

toujours lui-même en adoptant la langue et la culture françaises. De toute évidence, quand

le poète parle de l’arbre, il ne fait pas allusion à la botanique, dans le cas précis de ces

poèmes, ce qu’implique son dire concerne plutôt un problème plus profond, ontologique et

existentiel à la fois, celui de la culture en tant que composante identitaire de l’individu en

confrontation avec d’autres réalités.

Ainsi, d’une part, il s’avère que le discours sur le croire est aussi investie d'une fonction

cognitive, puisque, malgré son aspect fictionnel, il n’en reste pas moins que le locuteur ne

pourra sciemment et impunément mentir de manière indéterminée. D’autre part, grâce à la

distance que le discours sur le croire acquiert par la suspension de la référence directe à la

6 GREIMAS, A-J., COURTES, J., 1979, Sémiotique - Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Éditions

Hachette, p. 146.

7

réalité, dont il se refuse de n'être qu'un reflet, il n'est plus seulement perçu comme une

évasion de cette réalité ou comme une fuite dans le royaume de l'imaginaire pur, mais

comme une forme intransitive de référence à un autre ordre de réalité, comme un détour

nécessaire ou, encore, comme une différance7 essentielle entre deux catégories du réel.

Il s’agit maintenant de juger de la pertinence de la fonction cognitive du discours sur le

croire dans le prologue du Kabary malagasy que j’ai choisi d’interpréter :

1« Tompoko lahy sy ompokovavy, Tsy rivotra akory aho ka hiady fiakarana 2Na vorompotsy ka hiady laharana 3Tsy havoana aho ka ndeha hifaninana 4Na rano ka hiady fidinana 5Fa noho ny teny tsy mba ifandroritana 6Noho ny kofehy tsara horona 7Noho ny entan-kely tsara fehezana 8Noho ny haja ifanolorana 9Ary noho ny voninahitra ifanomezana

10Dia nomena ahy ny fitenenana ka raisiko; 11Nasaina harindrako ka harindrako 12Ary nomena ahy am-pitiavana izany Ka raisiko am-panetren-tena.

1« Mesdames et messieurs, Je ne suis même pas le vent pour lutter dans une montée 2ni l’aigrette pour disputer le premier rang ; 3Je ne suis pas la colline qui s’élève 4ni l’eau pour me précipiter dans une descente. 5Mais, à cause de la parole dont on ne se dispute pas (le droit), 6à cause du fil bien embobiné, 7à cause du colis bien ficelé, 8à cause du respect qu’on s’offre mutuellement 9et à cause de l’honneur qu’on se donne réciproquement, 10la parole m’a été donnée donc je l’ai prise ; 11on m’a demandé de la formuler donc je la formule 12et on me l’a donnée avec amour donc je la reçois humblement.

On peut constater ici que la fiction, the world-constructing text8 toujours dans la

terminologie de DOLEZEL, participe de l’argumentation dans le Kabary, elle vise à produire

un effet de vraisemblance, de vérité admise dans un certain monde, dans un monde

possible. Ainsi, dans le premier quatrain (vers 1 à 4), les propositions comparatives du type

« X n’est pas X’, sachant que les propriétés de X’ sont différentes de celles de X » revêt un

caractère doxastique, dans la mesure où elles relèvent des opinions admises et entendent

induire un changement dans les représentations, convictions et croyances du destinataire.

Elles relèvent donc du discours sur le croire qui s’appuie sur un des attributs du discours sur

7 DERRIDA, Jacques, 1987 (Édition originale 1972), Positions, Paris, Éditions de Minuit, pp.37-38. 8 DOLEZEL, Lubomir, 1998 , Op. Cit., p. 25.

8

le savoir ; autrement dit, il s’agit ici, pour l’orateur, de faire admettre que le sujet de

l’énonciation n’a pas pris la parole de son propre chef, il n’est pas volontaire et encore

moins destiné pour le faire mais il a été mandaté, car prendre la parole sans avoir été

mandaté constitue un non respect du code communément admis, une violation du rituel du

kabary, ce qui constitue un affront à l’égard de la face du destinataire, voire une

transgression de tabou car :

« Dans toute société, chaque fois que surgit la possibilité matérielle d’une interaction verbale, on voit entrer en jeu un système de pratiques, de conventions et de règles de procédure qui sert à orienter et à organiser le flux des messages émis. »9

Dans les vers 1 à 4, l’évocation des comportements d’éléments naturels consiste pour

l’orateur à se définir lui-même par opposition et à justifier ainsi le droit d’être un mpikabary

[orateur], le privilège d’être l’interprète de la sagesse communautaire. La fiction que

développe ce discours Incipit, réside dans le fait que le vent, l’eau, l’aigrette et la colline, ne

peuvent pas avoir le choix d’être autres que ce qu’ils sont, à la différence de l’être humain

qui peut choisir un comportement donné, un comportement autre que le comportement

réel, à la limite, un comportement de fiction. Pour autant, ce discours n’est pas rejeté car il

s’appuie sur la fiction de cette comparaison pour exprimer la légitimité et la nécessité de la

prise de parole mais surtout pour poser le statut d’être la personne idoine, ce qui est admis

par tous sous le signe de l’éthique et la déontologie du discours, du moins tel que le

malagasy le pratique en terre malagasy. Autrement dit, dans le cadre d’un discours de

circonstance comme celui-ci, il est permis de parler avec SCHEAFFER de feintise ludique

partagée10 étant donné que dans la mesure où ce genre spécifique est à verser dans ce

qu’on désigne, en littérature, de genre sérieux. Il est le point central de tout rituel

communautaire, son moment d’exécution est de l’ordre de ce que l’on appelle, dans les

cérémonies catholiques de la messe, la célébration de la Parole où la communauté

communie autour de la parole, où la communauté entre dans une interaction symbolique.

Ce caractère sérieux du genre atteste donc cette intuition de SCHAEFFER en ce sens que la

fiction n’a en aucun cas pour but de tromper l’auditoire mais de lui faire partager un

9 GOFFMAN, Erving, 1974, Les Rites d’Interaction, Éditions des Minuits et Erwin Goffman, Paris, p. 32, 231

pages. 10

SCHAEFFER, Jean Marie, 1999, Pourquoi la fiction, Paris, Éditions du Seuil, p. 145.

9

contenu gnomique à travers une performance stylistique qui, entre autre, met en œuvre les

ressources de la fiction.

Le logicien suisse, GRIZE, dans son étude du discours argumentatif, semble se

rapprocher de façon singulière de la notion de fictionnalisation en ce sens que celle-ci

devient une modalité possible de l’argumentation. Dans ce sens, il affirme qu’argumenter

« c’est chercher, par le discours, à amener un auditeur ou un auditoire donné à une certaine action. Il s'ensuit qu'une argumentation est toujours construite pour quelqu'un, au contraire d'une démonstration qui est pour "n'importe qui". » 11

La fictionnalisation comme l’argumentation seraient ainsi deux composantes des

stratégies discursives d'une instance énonciative qui s'adresse à un destinataire singulier ou

pluriel en vue de modifier, dans un sens donné, les représentations, le jugement et la

croyance de ce dernier sur la situation. Tel serait concrètement le fonctionnement du

discours sur le croire c’est-à-dire qu’il rend compte d’autres aspects de la signification des

énoncés qui ne sont pas saisis par l’analyse en termes de vérité mais plus tôt en termes

d’efficacité de la parole.

Autrement dit, comme le stipule DELORME dans son analyse du discours parabolique

qui peut s’assimiler au Kabary, l’évocation de ces éléments naturels peut ressembler

exactement, par exemple, à l’évocation du Semeur de Marc 4,1-34 dans le but de modifier

le comportement des destinataires à l’égard non pas de ce qui est dit exactement mais à

l’égard du pourquoi les choses sont dites comme elles le sont. Voici le commentaire de cet

exégète à cet endroit :

« La communication du grain efface le rôle du semeur. L’acte de semer est indiqué d’un mot et tout le récit se concentre sur le rapport du grain avec le sol. Pour le programme représenté par la fructification multipliée, la compétence est l’affaire du sol récepteur »12.

Cela est tout à fait plausible quand il faut penser que la fonction de la demande

d’excuse, fialan-tsiny, en tant que précaution oratoire est de s’acquérir la bonne disposition

11

GRIZE, J. Bl., 1981, « L'argumentation : explication ou séduction ? », in L'argumentation, Lyon, Presses universitaires de Lyon, p. 3, pages. 12

DELORME, Jean, 1982, « Savoir, croire et communication parabolique », Actes sémiotiques – Documents, IV, 38. 1982, Paris, Institut National de la Langue Française, p. 9.

10

des destinataires à l’égard des conditions de l’énonciation en dépit de ce qui va être dit et

en dépit de la manière dont cela va être dit. On remarque ainsi que dans style parabolique

du récit du Semeur, l’évocation des quatre types de sol récepteur n’a pour but que de faire

adhérer les auditeurs à ce qui est dit, surtout pas de les discriminer comme tendent à le

faire certains prêcheurs.

Pour expliciter davantage cette proposition, considérons l’exemple de cette planche

publicitaire sur les offres internet d’un des grands opérateurs de téléphonie mobile du

moment à Madagascar, il s’agit d’Orange. La publicité dit ceci :

« Internet change avec Orange, la vie change avec Orange ! »

Il y a dans cette fictionnalisation un discours doté d’une force, une force illocutoire qui

vise le plausible et le possible. Le parallélisme phrastique met en parallèle Internet et la vie ;

la rhétorique adoptée ici vise à souligner et à imposer le caractère incontournable, voire

vital, d’Internet de sorte que les destinataires de la publicité sont amenés à raisonner

qu’Internet est un produit de première nécessité dans le sens fort du terme à l’heure

actuelle et que l’adoption d’Internet servi par Orange change la vie. La logique des mondes

possibles pourrait bien expliquer pourquoi l'énoncé la vie change avec Orange, conjugué au

présent qui marque l’effectivité du changement, n'est vrai, ni faux, mais bien vrai dans un

certain monde, c’est-à-dire le monde de l'instance productrice du discours. Force est de

noter qu’un faire caractérisé par un acte directif est sous-tendu par un acte assertif et

constatif à propos d’un produit qui change la vie. La valeur pragmatique du temps présent

imposée par le présent de vérité générale amène le destinataire à croire que l’amélioration

projective et qualitative de la vie, c’est-à-dire le changement, compris en termes de

liquidation d’un manque, vient avec Internet servi par Orange. Ce contrat fiduciaire entre

l’énonciateur et l’énonciataire établit un pacte narratif qui vise une transformation

cognitive ; une transformation cognitive, puisque le contexte en jeu ici est purement

discursif et que le message véhicule tout d’abord un savoir et est construit en vue de

modifier un certain état de la connaissance ou de la croyance du destinataire avant d’inférer

sur la faire.

En effet, quand on sait que la transformation cognitive est une autre dimension de la

transformation narrative et qu’elle met en jeu des objets du monde partagés par les

locuteurs, on comprend mieux la stratégie de communication d’Orange : elle fait coïncider

11

l’objet de quête de l’énonciateur et de l’énonciataire dans un même projet. Concrètement,

le projet qui a motivé l’énoncé publicitaire consiste dans une instauration de manque chez

le destinataire de manière à ce que ce manque initial déclenche la reconnaissance d’un

objet valeur, et partant la reconnaissance d’un objet de quête. Ici, la communication du

savoir a pour but de faire acquérir ce savoir à travers un acte commercial par le destinataire

dans une démarche libre et volontaire. Au final, le discours pourrait se formuler de la

manière suivante : Internet selon Orange existe, il est nouveau, il est incontournable, celui

qui ne l’utilise pas encore se trouve dans un état de manque, celui qui l’utilise en est comblé

par le changement d’état sous le signe d’une conjonction avec un objet valeur. Nous

pouvons maintenant nous pencher sur l’opérativité du concept de narrativité dans

l’approche du kabary malagasy, notamment dans sa partie introductive, le fialan-tsiny.

2- Effet de narration et kabary malagasy : statut discursif de l’identité narrative.

De prime abord, un essai de définition du texte que j’ai choisi d’étudier ici s’impose. Il

s’agit d’un art oratoire typiquement malagasy qu’on appelle kabary. On peut, à juste titre,

affirmer qu’il s’agit d’un genre majeur de la littéraire oral malagasy. Le Kabary n’est pas

comme les poèmes ou les romans susceptibles d’entrer dans une communication différée, il

est plutôt à envisager comme discours en situation ; il est produit par l’orateur dans un lieu

et dans un moment bien déterminés et s'adresse toujours à un destinataire précis. Sa

pratique présuppose donc nécessairement un locuteur et un allocutaire de manière

immédiate. Si on se réfère à la philosophie analytique, cette littérature est à rapprocher de

l’étude du langage ordinaire comme par exemple, chez WITTGEINSTEN ou chez AUSTIN,

pour ne citer que ceux-là. En effet, le kabary n’a pas une distribution qui entre en

contradiction avec la communication dans la vie quotidienne, il en fait tout simplement

partie suivant une perspective paradigmatique.

Dérivé du discours conversationnel, le kabary en est la forme marquée. Sa réalisation

atteste que les interlocuteurs entrent dans un temps solennel ou dans un temps

institutionnel ou encore dans un temps sacré. Cette distribution dans le temps confère au

kabary des déterminations qui font de cette littérature un genre à part, et d’ailleurs c’est

par ces déterminations qu’il se distingue comme forme susceptible d’être saisie par le

regard de l’analyste. Les moments forts de la vie de la communauté constituent donc ses

12

contextes de réalisation. Produit dans les moments de rassemblement, il se présente

comme un discours à la fois fonctionnel et rituel qui entre dans la double dimension

verticale et horizontale de la parole. Autrement dit, il est parole prise comme moyen de

communion et de communication ; il mêle, en effet, invocations aux dieux et aux ancêtres et

discours adressés à l’auditoire consistant généralement à justifier la convocation de

l’assemblée, à annoncer l’objet du rassemblement, selon l’adage bien connu des orateurs

betsileo (ethnie du plateau sud de Madagascar) « ny olombelogna tsa mivorivory foagna »

[les êtres humains ne se rassemblent pas sans motif]. Sa fonction essentielle est de marquer

la relation avec les divinités et la cohésion sociale et de souligner les événements tels que, la

célébration de différentes fêtes, les fiançailles, le mariage, la naissance, la circoncision, la

mort, le retournement des morts, la présentation des vœux ou d’offrande. Il sert également

dans le règlement de conflits et litiges sociaux de divers ordres.

Une caractéristique importante du kabary est son aspect dialogique tel que le définit

BAKHTINE, repris sous la notion d’intertextualité dans les travaux de KRISTEVA13. En effet, le

kabary ne peut jamais se réaliser que si les acteurs de la communication sont tous présents,

dans la mesure où celui qui prend la parole mène le jeu dans l’intercommunication ; à son

tour celui qui prend la parole le fait en réponse à ce qui a été dit ou en réponse à une

histoire ou une situation considérée comme texte, c’est-à-dire mise en discours. Mais le

dialogisme du kabary se révèle également dans le fait que celui qui prend la parole puise à

un fonds commun de sagesse contenu dans les proverbes et autres adages pour rendre

crédible et donc plus efficace son discours.

Du point de vue formel, la structure de tout kabary malagasy, en tant qu’art oratoire,

respecte la grande division canonique : prologue, corps du Kabary et épilogue. Il est à

préciser que je retiens seulement, dans le cadre de cette contribution, la partie introductive

fialan-tsiny, c’est-à-dire le prologue incontournable à toute prise de parole conventionnelle

en publique à Madagascar. Sommairement, dans cette partie introductive de l’allocution, il

s’agit pour l’orateur de justifier la prise de parole en s’excusant ou plutôt en en demandant

d’être séparé du tort, le tsiny, bref, c’est la manière typiquement malagasy de demander la

permission de parler dans un discours de circonstance. A propos du tsiny d’abord, voici ce

que dit Sylvain URFERE :

13

KRISTEVA, Julia, 1969, Sémiotique, Paris, Éditions du Seuil, p. 45.

13

« Il importe d’observer les innombrables règles et coutumes qui régissent le comportement et la parole. Manquer à cette observation, par transgression involontaire ou par simple oubli, devient alors passible du tsiny (blâme, censure). Celui-ci, qui peut venir de n’importe qui, et à propos de n’importe quoi, révèle en quelque sorte l’imperfection de l’homme dans ce qu’il fait ou ne fait pas, et le met en situation d’en subir les conséquences. »14

Les malagasy croient, en effet, que personne n’est infaillible. On peut pécher par

parole, par action, par inaction et par omission. On s’expose toujours à la désapprobation de

la société quoi qu’on fasse ou qu’on ne fasse pas, quoi qu’on dise ou qu’on ne dise pas,

comme l’illustre si bien le proverbe « Miloloha lanitra tsy maintsy lena, mandia tany tsy

maintsy solafaka. » [Avoir le ciel au-dessus de la tête expose à la pluie, avoir le sol sous les

pieds expose aux chutes]. C’est ainsi que le malgache, avant de prendre la parole ou de

poser un quelconque acte devant la société, prend cette précaution oratoire qui se

matérialise dans le fialan-tsiny. Il s’agit d’acquérir, à titre préventif, l’absolution des divinités

et de la communauté vis-à-vis des torts, préjudices ou dommages que pourraient causer un

dérapage verbal, un impair protocolaire, une omission involontaire durant l’allocution.

Effectivement, celui qui prend la parole en public est un interprète privilégié du savoir et de

la sagesse de la communauté. Quand il parle, la communauté entend bien se reconnaître

dans ce que son porte-parole module, la moindre erreur lui sera impardonnable et lui sera

jeté sous la forme du tsiny, sachant que pour les malagasy, tout ce qui est négatif et qui

peut arriver à la personne, à la famille ou à la communauté (récolte mauvaise, mère qui

avorte, échecs de tous ordres, maladies, mort, pauvreté, confits sociaux, ect), c’est le tsiny.

Telles sont donc le sens et la pertinence du fialan-tsiny dans le kabary malagasy.

A présent, comme je l’ai annoncé plus haut, je vais essayer, au sujet du fialan-tsiny,

d’appliquer la méthode de l’analyse narrative, c’est-à-dire le texte dans sa globalité sera

considéré comme une mise en récit d’un sujet donné lequel est, ici, le fialan-tsiny lui-même.

Mais avant tout, une observation de la formule « miala tsiny » *j’évite le tort+ permettra de

préciser une notion opérationnelle que j’appellerai « fuite du réel » et qui est le corrélat du

discours sur le croire. En effet, si on se réfère à la réalité, cette expression est condamnable

parce que celui qui a fait la faute ne peut s’arroger le droit d’absoudre lui-même son tort :

« Miala tsiny aho » *J’évite le tort+ ou *J’esquive le tort+ ou encore [Je rejette le tort]. C’est

14

URFER, Sylvain, 2012, Madagascar, une culture en péril, Antananarivo, no comment Éditions, p. 112.

14

ainsi qu’il nous faut rechercher la validité de l’expression par référence à l’énonciation et

non par référence à la réalité. Si la définition de la performativité15 comme parole efficiente

est acceptée, la formule se comprend par le fait qu’en l’énonçant le sujet reconnaît, que ce

soit à priori ou à postériori, son tort et demande de la sorte qu’on ne lui en tienne pas

rigueur sous forme de tsiny, ce qui lui est accordé invariablement dans les limites des

échanges ou des fréquentations quotidiennes.

La modulation du fialan-tsiny que voici est un texte original recueilli auprès de son

auteur, Monsieur ROBSON Delphin, extrait de son allocution lors de la cérémonie de

présentation des vœux de l’an à la communauté éducative de l’École Sacré-Cœur

Antanimena, le 22 décembre 2004.

1« Tompoko lahy sy ompokovavy, Tsy rivotra akory aho ka hiady fiakarana 2Na vorompotsy ka hiady laharana 3Tsy havoana aho ka ndeha hifaninana 4Na rano ka hiady fidinana 5Fa noho ny teny tsy mba ifandroritana 6Noho ny kofehy tsara horona 7Noho ny entan-kely tsara fehezana 8Noho ny haja ifanolorana 9Ary noho ny voninahitra ifanomezana 10Dia nomena ahy ny fitenenana ka raisiko; 11Nasaina harindrako ka harindrako 12Ary nomena ahy am-pitiavana izany Ka raisiko am-panetren-tena. 13Kanefa tsy mety hono mantsy ny mandady hajaina 14Na mitsinjoka andrianina ; 15Ary teny nomena moa izany ka mahasolanga 16Fa raha tsy nomena dia mahajoko.

1« Mesdames et messieurs, Je ne suis même pas le vent pour lutter dans une montée 2ni l’aigrette pour disputer le premier rang ; 3Je ne suis pas la colline qui s’élève 4ni l’eau pour me précipiter dans une descente. 5Mais, à cause de la parole dont on ne se dispute pas (le droit), 6à cause du fil bien embobiné, 7à cause du colis bien ficelé, 8à cause du respect qu’on s’offre mutuellement 9et à cause de l’honneur qu’on se donne réciproquement, 10la parole m’a été donnée donc je l’ai prise ; 11on m’a demandé de la formuler donc je la formule 12et on me l’a donnée avec amour donc je la reçois humblement. 13Mais on dit qu’il n’est pas convenable de s’humilier alors qu’on est élevé 14ou de se courber alors qu’on est honoré ; 15et c’est une parole donnée qui fait dresser la tête 16mais si elle n’a pas été donnée, elle rend courbé.

15

AUSTIN, J.L, 1999, Quand dire, c’est faire, Paris, Éditions du Seuil, Collection Points, pp. 40-41.

15

17Iaraha-mahita tahaka ny tafika andrefan-tanana anefa fa ny teny ihany no ahy 18fa ny volana kosa an’ireo namana ao amin’ny fianakavian’ny Frères du Sacré-Coeur. 19Na sofin’ny liana handre aza ny anareo 20ary vavan’ny dodona ny hilaza ny ahy,

21tsy mety aminay ny hanao donakafon’Analakely ka avy hatrany dia eny ambovonana. 22Tsy kabarin’ny mpiasabe izy ity ka avy dia avoivoy sy akodiadia. 23Fa ny mety aminay dia ny manao azafady aminareo olo-manan-kaja manatrika etoana. 24Eto mantsy ireo Ray aman-dReny Lolohavina an-tampon’ny loha, fotsy volo amin’ny tany, 25Ela nihetezana lava volo. 26Nitoto nahafotsy, 27Nahandro nahamasaka, 28Atrehi-mahavita, 29Iambohoa-mahefa. 30Eto koa ireo zokibe toa ray, 31Loharano tsy dikain’ny zinga 32Zoky tsy songonan-toerana, 33Tsy ialohava-mandeha, 34Tsy salovani-miteny, 35Kiady sy voninahitra, 36Ny handimby ny anaran-dRay any aoriana. 37Eto koa ireo olo-mitovy saranga amin’ny tena, 38Ombalahy be tandroka, tsy mifidy tany hiadiana, 39Angady tsara hofana tsy mifidy tany hotrandrahana, 40Kijeja niara-nita 41Valala niara-nanjohy, 42Lamba niara-sinasa,

17Cependant, il en est comme d’une armée se trouvant à l’ouest du village il n’y a que la formulation qui m’appartienne 18mais le discours est celui de nos amis de la communauté des Frères du Sacré-Cœur. 19Même si vos oreilles sont celles de qui a envie d’entendre 20et ma bouche celle de qui a hâte de dire, 21il n’est pas convenable pour nous de faire comme pour le feu d’Analakely qui monte tout de suite au plafond. 22Ceci n’est pas un discours qu’un répétiteur inconscient ferait tournoyer en l’air et roulerait par terre ; 23mais ce qui serait bien pour nous, c’est de vous demander pardon, honorable assemblée ici présente. 24Sont ici des pères et des mères qu’on devrait porter sur nos têtes, leurs cheveux ont blanchi sur cette terre, 25s’étant faits coiffer depuis longtemps ils ont les cheveux longs. 26ils ont pilé le riz et l’ont blanchi, 27ils ont cuisiné et ont fait la cuisson, 28surveillés, ils terminent leur tâche, 29non surveillés, ils l’accomplissent. 30Sont ici également les aînés comme des pères, 31sources que ne traverse pas la tasse, 32aînés dont on n’usurpe pas la place, 33qu’on ne devance pas quand ils marchent, 34qu’on ne dérange pas quand ils parlent, 35bouclier et honneur, 36ils succéderont aux noms des pères plus tard. 37Sont ici également les gens du même rang que nous, 38zébus aux grandes cornes qui ne choisissent pas un endroit où se battre, 39bêches bien rôdées qui ne choisissent pas une terre à retourner, 40sauterelles qui ensemble ont fait la traversée, 41sauterelles qui se sont suivies, 42linges lavés ensemble,

16

43Zaza niara-nilalao. 44Eto koa ireo zandry mahaleo mahalasa 45Farihibe tsy maty maso 46Valabe tsy maty kolokolo 47Kolokolo dimbin’ny vary 48Solofo dimbin’ny ala 49Irian-kosakeli-mihoa-joro 50Ho saonjo mihoatra ny akondro. 51Eto koa ireo andriam-bavilanitra 52Izay atao am-paran’ny filazana 53Nefa faratampom-boninahitra 54Akondro ravaky ny saha 55Rado ravaky ny vozona 56Volana ravaky ny lanitra; 57Mandeha ravaky ny lalana 58Mitoetra ravaky ny trano 59Loharanom-pirenena 60Loharanon’olombelona 61Hoseranina am-pitenenana ireo 62ka hoy izahay hoe : Azafady manembana, tompokolahy ! 63Azafady hivolana tompokovavy ! 64Tsy avy dia hitratrevatreva koa aho fa ny jafajafan-dia fanaon’ny mahery, 65Ny rodorodom-pamindra fanaon’ny matanjaka 66Fa ny lantolanton-mpihetsika mahazatra ny manam-panahy 67Koa miala tsiny aho 68Fa ny tambolimbolin-tadio, hono, mahaditsoka 69Ny tsingeringerin’ny ankizy mahafanina 70Fa ny miambakavaka fandahatra mahamenatra 71Izaho rahateo tsy ny malady havanana na ny maranitra adidy 72Fa ny angady tsy mahatapaka ahitra 73Ny maivana atoraka indrindra ! 74Tsy ny railovy malaza manga feo 75Fa ny tsitsin-dahikely mitoreo

43enfants qui ont joué ensemble. 44Sont ici également les cadets, capables de soulever et d’emporter, 45grands lacs aux yeux qui ne meurent pas, 46grandes rizières aux regains qui ne se fanent pas, 47regains successeurs du riz, 48jeunes pousses successeurs de la forêt 49qu’on espère devenir les poutres qui dépassent les piliers, 50les ignames qui dépassent les bananiers. 51Sont ici également les princesses du ciel 52celles qu’on cite en fin de discours 53mais qui sont au sommet de l’honneur, 54bananiers ornements des champs, 55perles ornements du cou, 56lune ornement du ciel ; 57elles voyagent ornements du chemin, 58elles restent ornements de la maison, 59sources de la nation, 60sources de l’humanité. 61Nous leur ferons du mal en leur parlant 62donc nous disons : permettez-nous de vous déranger, messieurs ! 63permettez-nous de nous adresser à vous, mesdames ! 64je ne vais pas hausser le ton car la marche assurée est celle des forts 65la marche bruyante est celle des puissants 66mais l’allure cadencée est l’habitude des gens d’esprit 67alors excusez-moi 68car le tournoiement du tourbillon, dit-on, aveugle 69le tournoiement de l’enfant sur lui-même donne le vertige 70car le bafouillage gêne

71d’ailleurs, moi, je ne suis ni adroit (de la main droite) ni aiguisé quand on s’en sert pour couper 72mais la bêche qui ne peut pas couper l’herbe 73la légèreté qu’on rejette tout à fait ! 74je ne suis pas l’oiseau bleu réputé pour sa voix mélodieuse 75mais le passereau mâle qui se plaint

17

76Akoholahin’Antanantanany é 77Mikopaka ihany fa tsy maneno 78Voangory voafatotr’ankizy Manidina ihany fa eny ho eny ! 79Ialako ny tsiny 80Sao miteny lango eo imason’ny vary 81Miteny longo eo imason’ny lefona

82Mitafy lamba imason’ny tompony 83Miteny zahatra imason’ny lakana 84Zava-doza sy mampatahotra ny tsiny : 85Andosirana toa amboa romotra 86Tsy manan-tandroka fa manonto 87Tsy manan-tongotra fa manenjika 88Tsy manam-bava fa manaikitra 89Toy ny saonjom-bazimba: Hadiana manapaka anagady 90Roafina mahagoaka harona 91Andrahoina mahavaky vilany 92Voasana mampiepa-tanana 93Tsofina mahabe molotra 94Hohanina mampiolan-tsianay 95Ny miteny tsy miala tsiny mantsy Dia tahaka ilay petak’orona voan’ny sery ka avo roa heny ny fahakentsonany 96Tahaka ilay sarim-bavy misikina ka ampangain’ny volon-dranjony 97Tahaka atodin’omby ka ny atao hivoaka any aoriana no mivoaka any aloha 98Teny ihany anefa izany ka teny Ary resaka ihany ka resaka 99Fa na hiala tsiny fahazato faharivo eto aza isika, ny atao ihany no antony 100Tsy ny hosoran-tantely mantsy no mamy 101na ny hosoran-tsakay no mangidy 102Fa ny atao ihany 103Koa manaova ny marina mandrakariva isika dia hotahin’Andriamanitra. 104Ary hisaraka tsy kapaina toy ny tany

76Le coq d’Antanantanany é (un village fictif) 77Il bat des ailes mais ne claironne pas 78Un hanneton que les enfants attachent Il ne peut voler qu’aux alentours 79J’évite le tort 80De peur de parler de farine devant du riz 81De parler de lance en bois devant la vraie lance 82De porter un lamba devant son propriétaire 83De parler de radeau devant la pirogue 84Le tort est dangereux et fait peur :

85On le fuit comme le chien enragé 86Il n’a pas de cornes mais il attaque 87Il n’a pas de pattes mais il poursuit 88Il n’a pas de gueule mais il mord 89Comme les ignames des vazimbas : quand on les déterre ils cassent les bêches 90Quand on les ramasse ils trouent les soubiques 91Quand on les fait cuire ils brisent la marmite 92Quand on les pèle ils causent des ampoules aux mains 93Quand on les souffle ils grossissent les lèvres 94Quand on les mange ils tordent les intestins 95Parce que parler sans s’excuser Est comme le celui qui a le nez plat Attrapé par le rhume de cerveau sa nasillaison est doublée 96Comme le travesti qui se ceint un lamba il est trahi par les poils de ses jambes 97Comme les œufs d’un zébu ce qu’on attend par derrière sort par devant

98Parole, ce n’est rien que parole discours, ce n’est rien que discours, 99car même si nous nous excuserions cent fois mille fois ici, ce que l’on a fait est fait 100Ce n’est pas ce que l’on enduit de miel qui devient doux 101ni ce que l’on badigeonne de piment qui devient amer 102Mais c’est seulement ce qui est fait 103Alors faisons toujours ce qui est vrai et nous serons protégés par Dieu. 104Et le tort sera séparé (de nous) sans être

18

sy ny lanitra ny tsiny [. . .] »

coupé tel le ciel l’est de la terre [. . .] »

Une première lecture de l’extrait permet déjà d’affirmer que le kabary est l’exemple

parfait d’un énoncé oral. Il se présente comme le produit d’un événement unique, une

communication qui place un énonciateur, ici l’orateur-narrateur, avec son projet, un

destinataire, ici l’assemblée, à un moment et à un lieu particuliers, autrement dit, nous

sommes dans une situation d’énonciation bien déterminée puisque définissable dans ses

trois dimensions : personne, espace et temps.

En effet, le locuteur je du fialan-tsiny donne, d’entrée de jeu, une indication sur sa

propre situation d'énonciation, notamment par l’adresse à une instance allocutaire

mesdames et messieurs, par le nous qui associe l’allocutaire au locuteur et par le vous qui

instaure la distance entre les deux instances. D’autres embrayeurs d'énonciation sont

également repérables à travers l’indication de lieu relative comme le ici qui constitue

l’ancrage spatial de l’acte de parole et à travers la manipulation des temps verbaux qui met

en place un va-et-vient entre le monde raconté (récit) et le monde commenté (discours)

selon la distribution de WEINRICH16 :

10Dia nomena ahy ny fitenenana ka raisiko; 11Nasaina harindrako ka harindrako 12Ary nomena ahy am-pitiavana izany Ka raisiko am-panetren-tena.

10la parole m’a été donnée donc je l’ai prise ; 11on m’a demandé de la formuler donc je la formule 12et on me l’a donnée avec amour donc je la reçois humblement.

il en est de même pour le premier quatrain qui montre la présence de l’énonciateur-

narrateur à la manière des Il était une fois . . . des contes populaires :

1« Tompoko lahy sy ompokovavy, Tsy rivotra akory aho ka hiady fiakarana 2Na vorompotsy ka hiady laharana 3Tsy havoana aho ka ndeha hifaninana 4Na rano ka hiady fidinana

1« Mesdames et messieurs, Je ne suis même pas le vent pour lutter dans une montée 2ni l’aigrette pour disputer le premier rang ; 3Je ne suis pas la colline qui s’élève 4ni l’eau pour me précipiter dans une descente.

Mais on peut souligner également les incises du type

16 WEINRICH, Harald, 1973, Le récit et le commentaire, le Temps, Paris, Éditions du Seuil, pp. 25-65.

19

19Na sofin’ny liana handre aza ny anareo 20ary vavan’ny dodona ny hilaza ny ahy,

19Même si vos oreilles sont celles de qui a envie d’entendre 20et ma bouche celle de qui a hâte de dire,

ou encore

62ka hoy izahay hoe : Azafady manembana, tompokolahy ! 63Azafady hivolana tompokovavy !

62donc nous disons : permettez-nous de vous déranger, messieurs ! 63permettez-nous de nous adresser à vous, mesdames !

qui marquent l’intérêt à l’égard du destinataire, la composante dialogique du Kabary duquel

est extrait ce passage et qui constituent encore de véritables stratégies interlocutives. Ce

sont donc autant d’indices qui manifestent que la kabary en général procède de l'acte de

création et qu’il est construit en vue d’une visée : il est « construit pour quelqu’un », pour

reprendre l’expression de GRIZE, c’est-à-dire en vue de produire un effet sur le destinataire.

C’est ce qui autorise la traduction de kabary par le mot discours et ce, dans le sens

linguistique même du terme. On parle effectivement de discours lorsque l'auteur ou

l'instance d'énonciation, le narrateur, se font sentir, en d’autres termes lorsqu'on perçoit les

intentions de communication dans l’énoncé : le discours comprenant l'énoncé et

l'énonciation.

Ceci étant, le problème soulevé par mon extrait est donc celui de savoir dans quelle

mesure on peut parler de diégèse à travers le texte qui visiblement se comporte en discours.

C’est que si tout récit contient ou est un discours, un discours contient rarement un récit.

Cela dit, dans la plupart des discours (documentaire, plaidoirie, commentaire sportif, etc), il

y a des effets narratifs dans la façon d'envisager, de rapporter et d'agencer les actions et les

événements. En suivant ARISTOTE, il y a lieu de stipuler ici que cette partie introductive du

Kabary peut être vue d’un seul coup d’œil en ce sens qu’elle présente une période de

commencement, une période intermédiaire et une fin ; ce qui peut permet d’affirmer que le

seul déroulement du fialan-tsiny est déjà narratif. Mais l’approche qui me semble la plus

fructueuse pour envisager la pertinence du narratif dans ce passage est celle que propose le

sémioticien italien, Umberto ECO qui, en suivant une double perspective générativiste et

transformationnelle, affirme :

20

« Face à l'ordre ‘‘Viens ici’’, on peut élargir la structure discursive en une macroproposition narrative du type ‘‘il y a quelqu'un qui exprime de façon impérative le désir que le destinataire, envers qui il manifeste une attitude de familiarité, se déplace de la position où il est et s'approche de la position où est le sujet d'énonciation.’’ C'est, si on le veut, une petite histoire, fût-elle peu importante. »17

Selon ce point de vue, le récit est centré sur l’assertion des énoncés de faire. Et ici, le

faire sous-jacent à tout récit et l’énonciation narrative se manifestent à la surface par une

suite ordonnée et cohérente de séquences textuelles narratives. En effet, pour devenir récit,

un événement doit être raconté sous forme d’au moins deux propositions temporellement

ordonnées et constituant une histoire, par exemples :

10Dia nomena ahy ny fitenenana ka raisiko; 11Nasaina harindrako ka harindrako 12Ary nomena ahy am-pitiavana izany Ka raisiko am-panetren-tena.

10la parole m’a été donnée donc je l’ai prise ; 11on m’a demandé de la formuler donc je la formule 12et on me l’a donnée avec amour donc je la reçois humblement.

A partir de ces exemples et à la lumière du modèle d’Umberto ECO, mais dans une

démarche synthétique, nous pouvons alors proposer pour ce passage une relation de

micropropositions qui va permettre d’avoir une vue plus globale du texte, de l’appréhender

comme un programme narratif que je vais conceptualiser avec GREIMAS comme le parcours

conjonctif d’un sujet en quête d’un objet de valeur18.

Il existe une autre théorie qui va encore dans le sens de l’intuition du sémioticien

italien et qui s’appuie sur un des aspects fondamentaux du langage humain. En effet, le

sujet n’existe que par une reconnaissance à travers le langage, ce qui veut dire que le sujet

est un existant par le langage qui se réalise dans la matérialité du discours. A partir de là, je

rejoins J.R. RAKOTOMALALA qui postule l’hypothèse selon laquelle la logique temporelle du

récit fait naître le discours à partir d’un manque19. Autrement dit, s’il n’y avait pas le désir de

faire faire le déplacement au destinataire, la structure discursive « viens ici » se serait

détruite elle-même, on aurait conclu au caractère non sérieux de l’injonction lorsque le cas

17

ECO, Umberto, 1985, Lector in fabula, ou la coopération interprétative dans les textes littéraires, Paris, Éditions Grasset, Collection Figure, p. 138. 18

GREIMAS, A. J., 1966, La sémantique structurale. Recherche de méthode, Paris, Éditions Larousse, p. 61. 19

RAKOTOMALALA, Jean Robert, 2004, Trace narrative dans l’illocutoire et fuite du réel extralinguistique : exemple du français et du malgache, Université de Toliara, Thèse de Doctorat, p. 5.

21

contraire en aurait réalisé, pour ainsi dire, la « condition de félicité » pour atteindre ce

pourquoi le discours a été mis en œuvre20, ce qui aurait liquidé le manque, aboutissement

de tout récit.

C’est ainsi que la lecture synthétique de l’extrait va permettre d’établir à partir du

niveau discursif profond manifesté les propositions suivantes, je rappelle encore que je n’ai

considéré pour mon analyse que la partie fialan-tsiny [demande d’excuse] :

« Il y a un sujet qui se tient devant la société pour prendre la parole à son nom et qui a

pour objectif d’être disjoint du tsiny. »

Ainsi, l’assertion de départ constitue un acte qui consiste pour l’orateur-narrateur à

adopter une posture narrative, de telle sorte que le passage de l’état initial à l’état final,

fondamental à tout récit, peut se lire ici comme le projet ou, si on veut, le désir du sujet de

l’énonciation pour se séparer du tsiny. D’une manière générale, cette logique, exprimée en

termes de manque, de quête ou encore de résolution, est à la base de toute histoire,

autrement dit un personnage (au sens le plus large du terme) cherche à acquérir ou à se

séparer d’un objet (au sens le plus large du terme aussi). C’est ce que les théoriciens de la

sémiotique narrative appellent le programme narratif du personnage. A partir de là, il est

permis de dire que l’histoire sous-jacente à l’extrait étudié ici raconte la transformation de

l’orateur-narrateur. Dès lors, les conclusions à tirer de cette transformation peuvent être le

fait que rien n’est jamais acquis en matière d’intégrité morale et en matière de savoir-faire

rhétorique, que personne n’est sans tort, « tsy misy olombelona tsy manan-tsiny » [Il

n’existe aucun homme-vivant qui n’ait pas de tort] et qu’il n’y a pas de perfection sur la

terre, d’où l’intérêt de s’excuser, de demander le pardon ou la permission avant de prendre

la parole ou de poser un acte quelconque devant la société. En effet, la prise de parole est

une prise de pouvoir, car raconter ou discourir supposent de rompre le fil normal de

l’échange social, à savoir la parole qui circule au travers de la conversation, selon l’intuition

de J. M. ADAM : pour raconter, il faut monopoliser la conversation21. La mentalité malagasy

est plus radicale encore, toute prise de parole est comprise en termes d’agression ou de

violation nécessaires

20

BOURDIEU, Pierre, 1982, Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, Paris, Éditions Librairie Arthème Fayard, pp. 68-69. 21 ADAM, J.-M., 1996, Le récit, Paris, Presses Universitaires de France, Collection « Que sais-je ? », numéro 2149, p. 11.

22

61Hoseranina am-pitenenana ireo 62ka hoy izahay hoe : Azafady manembana, tompokolahy ! 63Azafady hivolana tompokovavy !

61Nous leur ferons du mal en leur parlant 62donc nous disons : permettez-nous de vous déranger, messieurs ! 63permettez-nous de nous adresser à vous, mesdames !

Ainsi, la transformation entre l’état initial et l’état final serait ici à interpréter en

termes de morale, et c’est l’inférence de la morale qui guide la compréhension du récit

sous-tendu dans l’extrait.

Aussi lapidaire que puisse être le récit minimal contenu dans ce passage fialan-tsiny, il

y a lieu de considérer qu’il constitue la thématisation d’une question plus fondamentale :

comment le sujet de l’énonciation peut-il donner un sens à son existence ? c’est-à-dire

parcourir la distance entre la question « qui suis-je ?» et la question « qui je veux être ?».

Autrement dit, quel parcours adopte le sujet pour la liquidation du manque que j’ai défini

comme vecteur de tout discours ? De fait, l’examen de ce parcours renvoie aux thèmes de

l’analytique existentielle suivant l’intuition de BINSWANGER qui affirme avec force que l’une

des caractéristiques du sujet en tant qu’être-présent (le Da-sein heideggérien) réside dans

sa capacité de s’exprimer sur soi, de se laisser venir au mot22 : c’est exactement la posture

du sujet de l’énonciation du fialan-tsiny ci-dessus. En outre, l’analyse du parcours narratif

ainsi défini permet également de rappeler RICOEUR dont l’intuition est un peu analogue.

Selon le philosophe français, l’homme est toujours sur le mode du devenir. Il n’est jamais

que le point de rencontre entre ce qu’il est devenu, soit ici la prise de parole, et ce vers quoi

il s’oriente, soit la disjonction d’avec le tsiny. En conséquence, il ne peut constituer son

identité que par un récit racontant comment il en est arrivé là ; c’est ainsi qu’il construit sa

vie comme une totalité et que le récepteur arrive à la lire comme telle23.

De tout ce qui précède, force est de constater que le discours narration tel qu’il se

présente ici devient le temps et le lieu de constitution en tant que sujet et de son

orientation dans l’espace moral. Concrètement, l’être humain ne peut se situer et s’orienter

dans l’histoire qu’en faisant mémoire du chemin déjà parcouru compris comme composante

d’un programme narratif global ; constitué, mais surtout institué, comme sujet dans le

22

BINSWANGER, Ludwig, 1981, Analyse existentielle et psychanalyse freudienne, Paris, Éditions Gallimard, p. 65. 23

RICŒUR, Paul, 1990, Soi-même comme un autre, Paris, Éditions du Seuil, Collection L’Ordre philosophique, p. 51.

23

discours narration, il détermine sa place par rapport avec l’objet valeur, en l’occurrence ici

le tsiny, qui matérialise l’objet de sa quête et dont il veut, en fait, en être absout, en être

disjoint devant la société. C’est ainsi, entre autre, qu’il est loisible de percevoir notre vie

comme un récit. C’est pour cela que dans le récit, en l’occurrence dans celui qui est sous-

tendu dans cet extrait de kabary, un marqueur de fin est indispensable. C'est vers cette

clôture que la logique du récit est censée mener l’auditoire ; et c'est à partir de cette

clôture, par un mouvement de retour au commencement, qu'est reconstruite la série des

causes et des effets qui constituent l’histoire. Mais comme il est patent que ce qui se ferme

devra avoir été ouvert auparavant, cette notion de clôture implique celle d'ouverture pour

conférer à l’histoire sa complétude.

Précisons cette hypothèse en l’explicitant davantage en ce sens que dès qu’une

histoire prend forme dans un récit, elle s’inscrit forcément entre un commencement et une

fin absolue avec, en son milieu, une transformation complète.

Par exemple, dans les vers 103 et 104, il y a comme une succession événementielle

temporelle du type antériorité(t1) postériorité(tn) établie entre les deux propositions

constitutives ; cette succession temporelle se double d’un rapport de causalité :

Cause

103Koa manaova ny marina mandrakariva isika

103Alors faisons toujours ce qui est vrai

Effet

dia hotahin’Andriamanitra. 104Ary hisaraka tsy kapaina toy ny tany sy ny lanitra ny tsiny [. . .]

et nous serons protégés par Dieu.

104Et le tort sera séparé (de

nous) sans être coupé tel le

ciel l’est de la terre *. . .+

Formulé en termes de morale traditionnelle communautaire, ce passage clausulaire

constitue la mise en abyme de tout le récit racontant le cheminement de l’orateur-narrateur

devant la société mandatrice de la parole.

En suivant le modèle proposé par J.-M. ADAM, il est possible de postuler

l’enchaînement logique des propositions à propos de l’extrait ici étudié :

« Proposition I : A est X à l’instant t1 (état initial).

24

Proposition II : L’événement Y arrive à A (ou A fait Y) à l’instant t2 (transformation).

Proposition III : A est X' à l’instant t3 (état final). » 24

En effet, selon BOULEZ le récit se définit par une logique concrète interdisant l'idée de

répétition ou de retour au même ; il soutient que le même devenant autre ne peut se

donner dans le récit que dans la différence25. C’est ainsi qu’un faire transformateur, basé sur

un changement d’état, sépare l’état initial de l’état final. Autrement dit, pour constituer un

récit, il faut donc des balises temporelles chargées de marquer la succession des faits (t1, t2,

t3) et un cours des événements manifesté au moyen de prédicats en opposition (X et X') et

qui décrivent l’état de l’acteur A en différents points de la chronologie. RICOEUR met

justement en avant la temporalité dans son étude sur le récit ; pour lui, le temps ne devient

proprement humain que dans la mesure où il est articulé de manière narrative et c’est en

ces termes qu’il insiste sur l'importance de la temporalité pour la question identitaire. Ainsi,

il y a lieu de préciser que ce moment particulier de la mise en histoire est tout à fait crucial

dans la transformation et, donc, dans la constitution identitaire. C’est ce double aspect

chronologique et logique du narratif qui manifeste le programme narratif, en jeu dans le

passage fialan-tsiny en tant que faire pour se séparer du tort. Ici, en effet, le sujet qui se

projette dans la fiction et la fabulation, s’autorise à se prendre en charge à travers des

énoncés qui lui permettent de construire une identité symbolique. A partir de là, il est

permis de dire que la logique narratif est susceptible d’être liée à l'occasion d'une prise de

forme identitaire en ce sens que le discours, en tant qu’acte d’énonciation, permet avant

tout de se situer dans le monde et de se « réhistoriciser », c'est-à-dire de se présenter en

tant que sujet du narratif.

Par ailleurs, cette prise de forme narrative est aussi valable pour le destinataire. En

effet, plus que tout autre texte, le kabary en général est une parole adressée et s’il est vrai

que comprendre, c'est se comprendre devant le texte26, selon la formule RICŒUR, alors il y

a lieu d’avancer que mon extrait présente au destinataire une offre qui est de le former, de

le façonner, de le construire lui aussi. De plus, le philosophe renchérit en ce sens que c’est

ce travail de cette parole adressée, qui se déroule au sein même de l'acte de réception, qui

24

ADAM, J.-M, 1991, Le récit, Paris, Presses Universitaires de France, p. 14. 25

BOULEZ, Pierre, 1989, Jalons pour une décennie, Paris, Christian Bourgeois (éditeur), p. 215. 26

RICŒUR, Paul, 1986, Du texte à l'action. Essais d'herméneutique II (note 23), Paris, Éditions du Seuil, pp. 116,117.

25

contribue à créer l'identité narrative27. Cette identité narrative, toujours selon le

philosophe, se constitue au point de croisement entre le monde du récit et le monde du

lecteur par appropriation de l'offre identitaire véhiculée par la fiction narrative. Il

explicite ce point de vue dans un autre ouvrage en disant :

« Non point imposer au texte sa propre capacité finie de comprendre, mais s'exposer au texte et recevoir de lui un soi plus vaste, qui serait la proposition d'existence répondant de la manière la plus appropriée à la proposition de monde [que déploie le récit]. »28

Ainsi, je pourrais simplement avancer que la réception du Kabary, dans cette logique

et dans cette perspective dialogique, permet de rejoindre la vérité narrative sous-tendue

dans l’extrait fialan-tsiny et qui est, par conséquent, l’une des composantes de cette

identité narrative. En regardant de plus près ce parcours particulier suivi par l’orateur-

narrateur, il est à noter que ce parcours se présente comme une narrativité gouvernée par

un parcours figuratif constitué par l’ensemble des propositions que le sujet, au moment où il

s'exprime, tient pour vraies ou qu'il veut accréditer comme telles face au destinataire. C’est

ce que Robert MARTIN appelle l'univers de croyance29 qui stabilise structurellement et

valide culturellement toute l’architecture du kabary selon les connaissances socio-

culturelles et l’expérience communes aux acteurs en présence.

Sous cet aspect, ce discours fialan-tsiny-ci constitue effectivement une stratégie de

persuasion qui a l’auditeur pour cible en vue de modifier ses comportements et sa vision du

monde, car si le Kabary n’est pas toujours un dialogue, il n’est sûrement pas un monologue.

Il est toujours construit à l’intention d’un auditoire en vue d’une communication. Cet aspect

dialogique du kabary malagasy en général se manifeste, tout d’abord, par des procédés

créations d’images, de citations d’adages et de proverbes et dans lesquels les sujets de la

communication se reconnaissent. Il faut, ensuite, noter le kabary constitue une mémoire et

surtout une actualisation de ces proverbes et adages populaires tandis que, sur ce plan, le

dialogisme dans le kabary renvoie à un parcours intérieur et discursif qui est le lieu du

processus même de décodage des traits culturels et identitaires de la société. Enfin, la

pratique du kabary soude les membres de la société autour d’une même croyance, en

27

RICŒUR, Paul, 1988, « L'identité narrative » in La narration. Quand le récit devient communication, Genève/Neuchatel, Éditions Labor et Fides, pp. 287-300. 28

RICŒUR, Paul, 1986, Op. Cit., pp. 116,117. 29

MARTIN, Robert, 1983, Pour une logique du sens, Paris, Presses Universitaires de France, p. 36.

26

l’occurrence ici le tsiny, et définit une manière d’être au monde qui implique la

transcendance horizontale comprise comme relation des hommes entre eux et de l’homme

avec la nature. Nous retrouvons dans cette transcendance horizontale impliquée par le

fialan-tsiny la fonction phatique mise à jour par MALINOWSKI, et qui sert non pas seulement

à communiquer mais aussi et surtout à communier30. C’est dans ce sens-là que l’orateur-

narrateur pourra espérer obtenir la compassion de ses auditeurs vis-à-vis du tsiny.

Parallèlement, ce parcours de l’orateur-narrateur se lit toujours à travers les figures de

pensée qui s'inscrivent dans un faire pragmatique dans lequel l'acte de langage prend en

compte le destinataire dans un ancrage discursif. Entrent en ligne dans ce faire pragmatique

le faire réagir, le faire croire, le faire faire et le faire ne pas faire. Les figures de pensées sont

ici perçues comme un mode d'action, une force illocutoire sur le mode de la persuasion.

Quelle que soit la figure utilisée par l’orateur-narrateur, on retrouve le même processus

argumentatif : en contournant et en recréant la réalité en présence, l’orateur-narrateur

prend en compte le destinataire en l'obligeant à réagir et à adhérer à son propre mode de

pensée, bref, à entrer dans le monde possible qu’il propose.

Au terme, le parcours s’affiche comme le parcours d’un axe sémantique de

comparaison de telle sorte que le tsiny soit conjuré ou minimisé par le biais de différents

emplois de la langue allant de l’euphémisme aux autres procédés stylistiques, ce qui dénote

un faire interprétatif, essentiel dans le processus de transformation. C’est ainsi que, dans

cette ligne, arrive la prise de conscience (vers 98-102) qui va permettre, au sujet de

l’énonciation, de reconnaître l’insuffisance de la parole et lui assurer une porte de sortie qui

débouche sur la vérité elle-même aux vers 102 et 103. A noter également ce glissement qui

va du dire (parole), vers 98, 100, 101 au faire (action), vers 99, 102, 103 qui permet à

l’orateur-narrateur de passer de l’ordre de la parole à l’ordre du corps, illustrant

parfaitement le processus de transformation évoquée au cours de l’analyse narrative. En

définitive, le vers 104 est celui qui exprime l’état final, à savoir, la conjonction avec la

transcendance verticale et en même temps la disjonction d’avec le tsiny, de sorte que le

récit, toujours généré à partir d’une logique du manque, de la quête ou de la résolution, est

clos et ainsi a atteint sa complétude en configurant l’orateur-narrateur et son auditoire dans

30

MALINOSWKI, Bronislaw, « The problem of meaning in primitive languages», Supplément I in C.K. Ogden & I.A. Richards éditeurs, The Meaning of Meaning, London, Éditions Kegan Paul, 1953, p. 313.

27

la bienveillance sauvegardante des divinités, du moins, le temps d’un discours qui circonscrit

la temporalité close qui s’oppose à l’entropie de la temporalité ouverte de la vie.

RAZAFIMAMONJY Georges Joseph, MCF

Université de Tuléar

Janvier 2015

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