jébrak, m., 2014 les innovations minières

7
les innovations minières Â1ir&el "ld&rs&'. Les produits minéraux sont pour la plupart non- renouvelables. Comment se fait-il que malgré l'augmen- tation quasi-exponentielle de la population, malgré la consommation en métaux toujours plus forte des habi- tants de notre planète, l'industrie minière puisse répondre à cette demande ? Pourquoi la pénurie annoncée par les malthusiens ne se produit pas ? La réponse vient largement de l'innovation, un domaine l'industrie des ressources excelle depuis les débuts de l'ère industrielle. Le XX" siècle illustre bien cette tension entre demande croissante et besoin d'innovations. Uaugmen- tation de la consommation en ressources minérales y a été considérable, tant pour les matériaux de construction, que pour les minerais (Fig. r). Cette croissance est poussée par la démographie d'une part,l'augmentation de la consommation individuelle,d'autre part. Celle-ci explose avec l'augmentation de la richesse mondiale. Ainsi, la Figure t. Production en ressources minérales, prix des commodités et teneurs moyennes d'exploitation du cuivre et de l'or au XK siècle (World Bank, zooS ; Krausmann et al., zoog ; prior et al., zotz). t. Université du O_uébec à Montréal, Chaire en entrepreneuriat minier IJO_AT-UO_AM Courriel. : jebrak, michel@ uqa m.ca lir',. aa MFrA_LLocENlE ET REssOU RCES M IN E RALES consommation moyenne en cuivre d'un américain était autour d'un kilogramme par an et par personne en jgoo; elle passe à rc kg/par an et par personne en zooo. Celle des chinois est aujourd'hui d'environ 5oo g/an et par personne et elle augmente à un rythme soutenu. Face à cette hausse vertigineuse de la demande, l'industrie minière a être capable de produire chaque année toujours plus de cuivre, le recyclage restant encore i nférieu r à 5oTo en moyen ne da ns les pays développés. Les gisements les plus riches ont été ra pidement exploités, et les mineurs ont du se tourner vers des gisements de plus en plus pauvres. ll a alors fallu mettre en production des gisements de plus en plus gros avec des teneurs plus basses : on est ainsi passé de l'exploitation de zones supergènes enrichies au XlXe siècle à celle de gisements massifs,filons, skarns ou amas sulfurés au XXe siècle, puis à des minéra- lisations disséminées dans les porphyres qui assurent aujourd'hui l'essentiel de la production mondiale. La réponse à la demande a été tellement efficace que les prix des métaux ont connu une baisse continue tout le long du XXe siècle, sauf durant quelques périodes : i917,1951,l9J4, correspondant à une pénurie générale- ment transitoire, liée à des moments de crise : première guerre mondiale, guerre de Corée et reconstruction, crise du pétrole. Cette tendance s'est inversée à partir de r995 suite au retour de la Chine dans l'économie mondiale (voir Fig. r). La baisse des prix a nécessité une adaptation conti- nue de l'industrie, une augmentation de l'efficacité tant au niveau de I'exploration que de la production minière. Nous voudrions ici donner quelques éléments sur l'innovation essentiellement en exploration des ressources minières. Nous présenterons tout d'abord l'innovation d'une manière générale, puis nous nous attarderons sur les trois grands types d'innovation dans le domaine des ressources : la substitution des métaux, le changement des types de gisement, et l'évolution des technologies. Elles correspon- dent à des réponses aux demandes de la société, en termes de qualité, quantité et prix de revient des produits. Qu'est-ce que I'innovation ? [innovation est définie comme la réalisation d'un produit, bien ou service, ou d'un procédé technologique- ment nouveau ou amélioré, d'une nouvelle méthode de marketing, ou d'une nouvelle méthode organisationnel- le pour les pratiques commerciales, l'organisation du tra- tt!-_,_ :J ^10 z F I iii itt !:'i Eêi/ot4z4 oo / 81

Upload: uqam

Post on 01-Feb-2023

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

les innovations minièresÂ1ir&el "ld&rs&'.

Les produits minéraux sont pour la plupart non-renouvelables. Comment se fait-il que malgré l'augmen-tation quasi-exponentielle de la population, malgré laconsommation en métaux toujours plus forte des habi-tants de notre planète, l'industrie minière puisse répondreà cette demande ? Pourquoi la pénurie annoncée par lesmalthusiens ne se produit pas ? La réponse vient largementde l'innovation, un domaine où l'industrie des ressourcesexcelle depuis les débuts de l'ère industrielle.

Le XX" siècle illustre bien cette tension entredemande croissante et besoin d'innovations. Uaugmen-tation de la consommation en ressources minérales y a étéconsidérable, tant pour les matériaux de construction,que pour les minerais (Fig. r). Cette croissance est pousséepar la démographie d'une part,l'augmentation de laconsommation individuelle,d'autre part. Celle-ci exploseavec l'augmentation de la richesse mondiale. Ainsi, la

Figure t. Production en ressources minérales, prix des commodités etteneurs moyennes d'exploitation du cuivre et de l'or au XK siècle (WorldBank, zooS ; Krausmann et al., zoog ; prior et al., zotz).

t. Université du O_uébec à Montréal, Chaire en entrepreneuriat minier IJO_AT-UO_AM

Courriel. : jebrak, michel@ uqa m.ca

lir',.

aa

MFrA_LLocENlE ET REssOU RCES M IN E RALES

consommation moyenne en cuivre d'un américain étaitautour d'un kilogramme par an et par personne en jgoo;elle passe à rc kg/par an et par personne en zooo. Celledes chinois est aujourd'hui d'environ 5oo g/an et parpersonne et elle augmente à un rythme soutenu.

Face à cette hausse vertigineuse de la demande,l'industrie minière a dû être capable de produire chaqueannée toujours plus de cuivre, le recyclage restant encorei nférieu r à 5oTo en moyen ne da ns les pays développés. Les

gisements les plus riches ont été ra pidement exploités, etles mineurs ont du se tourner vers des gisements de plusen plus pauvres. ll a alors fallu mettre en production desgisements de plus en plus gros avec des teneurs plus basses :

on est ainsi passé de l'exploitation de zones supergènesenrichies au XlXe siècle à celle de gisements massifs,filons,skarns ou amas sulfurés au XXe siècle, puis à des minéra-lisations disséminées dans les porphyres qui assurentaujourd'hui l'essentiel de la production mondiale.

La réponse à la demande a été tellement efficaceque les prix des métaux ont connu une baisse continuetout le long du XXe siècle, sauf durant quelques périodes :

i917,1951,l9J4, correspondant à une pénurie générale-ment transitoire, liée à des moments de crise : premièreguerre mondiale, guerre de Corée et reconstruction, crisedu pétrole. Cette tendance s'est inversée à partir de r995suite au retour de la Chine dans l'économie mondiale (voirFig. r). La baisse des prix a nécessité une adaptation conti-nue de l'industrie, une augmentation de l'efficacité tantau niveau de I'exploration que de la production minière.

Nous voudrions ici donner quelques éléments surl'innovation essentiellement en exploration des ressourcesminières. Nous présenterons tout d'abord l'innovation d'unemanière générale, puis nous nous attarderons sur les troisgrands types d'innovation dans le domaine des ressources :

la substitution des métaux, le changement des types degisement, et l'évolution des technologies. Elles correspon-dent à des réponses aux demandes de la société, en termesde qualité, quantité et prix de revient des produits.

Qu'est-ce que I'innovation ?

[innovation est définie comme la réalisation d'unproduit, bien ou service, ou d'un procédé technologique-ment nouveau ou amélioré, d'une nouvelle méthode demarketing, ou d'une nouvelle méthode organisationnel-le pour les pratiques commerciales, l'organisation du tra-

tt!-_,_

:J

^10

z

F I

iiiitt!:'i

Eêi/ot4z4 oo / 81

vail ou les relations externes (Manuel d'Oslo, OCDE). llin-novation est un processus économique plutôt qu'une acti-vité relevant principalement des sciences et de l'ingénie-rie. ll s'agit donc d'un concept qui regroupe la recherche,le développement et la commercialisation. Les gouver-nements se sont rendu compte relativement récemmentque seules des découvertes effectivement transformablesen produit ou service avec un avantage économique ousocial concret pouvaient contribuer à la performance éco-nomique et au bien-être social (Schumpeter, 1939).

[innovation se développe selon une chaîne quivade l'idée au produit. On distingue souvent l'amorcage, leprototypage, le démarrage, et le développement dans le

cas des innovations technologiques. f innovation ne vientpas toujours d'idées issues de la R&D : une grande partiede l'innovation vient des idées des employés des grandesfirmes et de la demande des clients. Une partie de l'in-novation résulte de bricolages locaux, sans mobilisationde la science (technologies créoles - Edgerton, zooT).

Dans le domaine minieç il existe de nombreux pro-duits innovants quiont fait l'objet de brevets et quiont pro-fondément changé les outils industriels. Cependant, les sta-tistiques mondiales de l'innovation leur reconnaissentrarement uneforte capacité innovante,très loin derrière les

biotechnologies ou l'informatique. [une des raisons de cet-te situation paradoxa le vient de la manière dont sont com-pilées les données. [exploration minière n'est jamais prise

en compte dans les statistiques de l'innovation,telles cellesde l'OCDE.ll s'agit cependant d'une activité fondamentale-ment innovante qui mobilise d'importants capitaux, plus dezo milliards de dollars en 2on. Elle met en æuvre des capi-taux et des compétences identiques: une société juniorminière est quasi-identique à une société de biotechnolo-gies ;elle développe un projet qui a une chance sur roo deréussir, réunit des compétences de haut niveaLt, se financesur le marché boursier, fait parfois une découverte qu'ellemettra une dizaine d'années à développer... et finira géné-ra lement par se faire racheter par une compagnie majeu re.

Les innovations peuvent être classées selon diffé-rents critères :ainsi, on distingue classiquement les inno-vations dans les domaines suivants : produits, procédés,

organisations, ou encore liées au marché (Lyncj & Sheih,zort). Dans le domaine minier, les produits changent peu.

Le marché est cyclique. Mais les procédés et les organisa-tions se modifient en permanence, depuis les technologiesd'exploration à la structure des entreprises, toujours enmode d'adaptation.

On distingue aussi les innovations progressives etradicales. Les premières s'inscrivent dans des marchés éta-blis, da ns lesquels les biens et les services sont a méliorés de

rvx çIâLiqç Êryt q r_t nçt_qq g Ëç ç-q tuxIH Ë ryslËs

façon continue, par incréments successifs. Elles sont fré-quentes, reposent sur des technologies existantes, et sontassez peu risquées. Elles sont à I'origine de la majeure par-tie de la croissance de la productivité. En recherche scienti-fique, c'est léquivalent de la science normale (Kuhn, r96z).Ainsi, les modèles de l'exploration sont en permanence amé-liorés, les outils de production deviennent plus performants,et les conditions de travail s'améliorent avec le temps.

Les innovations radicales sont plus rares, et repo-sent sur l'arrivée de nouvelles technologies et de nou-veaux concepts. Elles sont très risquées et peuvent venirde la recherche ou d'une zone délaissée des connaissances.

[arrivée d'une innovation radicale transforme, et parfoisdétruit le marché :ainsi l'arrivée du modèle des gisementsde type oxydes de fer à or, cuivre et uranium suite à ladécouverte d'Olympic Dam (South Australia)a ainsi renou-velé l'exploration minière pour le cuivre et l'uranium. En

métallurgie, la mise au point des procédés d'extractionau solvant a profondément changé l'industrie et ouvert les

possibilités de production sur de nouveaux gisements.

Les innovations métalliquesSur le long terme, la consommation pousse à l'in-

novation en demandant des produits de plus en plus hau-te qualité et à des prix toujours plus faibles. Le nickel estutilisé depuis lAntiquité, mais ce n'est que lors du déve-loppement de sa production à la fin du XlX" siècle, à sonemploi dans le placage des bateaux de guerre, puis avecla mise au point des aciers inoxydables que sa consom-mation s'est vraiment développée. faluminium, d'abord unmétal précieux, s'est substitué au cuivre et au bronze aumilieu du XXe siècle pour de nombreuses applications,des toitures aux automobiles.

Aujourd'hui, de nouvelles substances sont deman-dées pour faire fonctionner nos moteurs électriques, nosordinateurs et les écrans qui envahissent nos vies : nousavons donc besoin de nouveaux métaux comme le lithium,le niobium, le tantale et les terres rares, des métaux aux pro-priétés qui n'ont été découvertes qu'au XXe siècle. Le fila-ment au tungstène des lampes est remplacé par des LED

au gallium. Les batteries passent du plomb au lithium. La

musique a quitté le vinyle pour se stocker dans des disquesdurs avec aimant au néodyme,tandis que la lecture sefaitsur des écrans plats à l'indium... Ce sont de nouvelles filièresindustrielles où tout ou presque est à inventer.

Ces innovations métalliques constituent la basemême de l'industrie minière. Elles conduisent à I'explora-tion et à la découverte de nouveaux gisements, et même denouveaux types de gisements. On a vu ainsi se développerune métallogénie du germanium dès les années 6o (Werner,

Çzolaqzo 'a" l8l

-Ae FrSl!:CIq Êru t ç ry ryf $F-p!i-ryçFg,w t ry f a$t$$

969;Geldron, i98j ; Holl et al.,zoo7), puis du scandium etdu tantale après zooo (Raade et Segalstad,2oo3 ; Van

Lichtervelde, zoo6), prélude à de nouvelles explorations. C'est

une tendance de la longue durée, sur plusieurs décennies.

Les innovations métallogéniquesSur le moyen terme, les types de gisements que

nous exploitons changent au cours du temps :nous exploi-tons des gisements de plus en plus gros et à teneurs deplus en plus faibles. Les gisements du passé, que nosancêtres trouvaient fabuleusement riches, constituentaujourd'hui de bien maigres objectifs, souvent même de

simples curiosités minéralogiques. Ainsi, le fer s'est déve-loppé au Québec sur la base des petites accumulations derouille dans les marais autour deTrois Rivières, un type de

gisement sans intérêt aujourd'hui, oublié des manuelsde gitologie (Jébrak et Marcoux, zoo8). Nous avons besoin

de quantités de fer grandissantes pour renouveler nos

infrastructures et fournir la demande asiatique. Nousdevons donc nous tourner vers d'autres types d'accumu-Iation naturelle du fer, comme les immenses ressources des

formations de fer rubanés protérozoïques à travers lemonde2. Autre exemple, les petits filons u BPCC , (blen-

de, pyrite, galène, chalcopyrite) des socles hercyniens euro-péens, gloire des mineurs de la Belle Époque, ne constituentplus aujourd'hui des objectifs économiques.

La mise en production de nouveaux types de gise-ment répond à plusieurs facteurs : le premier est l'inves-tissement qui est mis en exploration, lui-même fonctiondu cours des métaux et de la demande économique

Figure 2. Date de mise en production des principales mines mondiales (Compilation MichelJébrak).

(Fig. z). Ainsi, da ns le cas des gisements de fer, les dates de

mise en production des grands gisements dans le monde,reflètent les accélérations de l'industrie sidérurgique :

Gigebic (Michigan, États-Unis)en 19oo, puis Koursk (Rus-

sie), Schefferville (O_uébec), Zouerate (Mauritanie) et Ham-mersley (Australie) dans les années 6o,Carajas (Brésil)

dans les années 9o et bientôt peut être les grands gise-ments dAfrique centrale et occidentale (Simandou en

Cuinée, Belinga au Cabon...). Chaque gisement corres-pond à un modèle gîtologique différent.

Le deuxième facteur résulte plus du hasard de la

prospection : on ne cherche pas toujours ce que I'ontrouve. C'est l'heureuse colncidence,la serendipité, un élé-ment classique des innovations (Drucker, r985). Ainsi, les

grands gisements de nickel résultent à la fois d'une deman-de économique et d'une bonne dose de chance. Si les dis-tricts de Sudbury et de la Nouvelle Calédonie ont été déve-

loppés par des industriels qui ont créé le marché, les

découvertes des komatiites archéennes de Kambalda(Australie) et des anorthosites de Voisey Bay (Labrador,

Canada) résultent beaucoup du hasard, la première en

cherchant du cuivre et la seconde du diamant !

Enfin, c'est l'apparition d'une innovation métallur-gique de rupture qui permet la mise en production de gise-

ments délaissés jusque-là. On peut citer l'or du Witswaters-rand (Afrique du Sud,r998, procédé initialement développéen Nouvelle-Zélande)et la cyanuration,l'or du Carlin Trend(Nevada, r963) et la lixiviation en tas, ou le zinc de Skorpion(Namibie)et l'électrométallurgie. La mise en production du

premier porphyre cuprifère du monde, Bingham Canyon en

Utah, a résulté de l'assemblage de plusieurs innovationstechnologiques majeures de la fin du XlXe siècle :

la conception d'une carrière à basses teneurs,l'usage de la dynamite et de pelles mécaniques

et celuide la flottation des minerais.

Iinnovation en gitologie ne suit doncpas un processus linéaire comme pour les

autres innovations. Paradoxalement, la

recherche scientifique ne précède pas la

découverte de nouveaux gisements, mais luisuccède. Les métallogénistes pratiquent une

science post-mortem qui consiste à expli-quer la formation des gisements connus.Cependant, en passant du modèle descriptifau modèle génétique, ils généralisent les

processus et ouvrent la voie à de nouvellesdécouvertes. Bien qu'il existe une certaineconfidentialité des modèles, en particulierde leur application concrète en exploration,il n'y a quasiment pas de gestion de la pro-

z. Banded lron Formations, BlF.

3. lron Oxide Copper 6old Deposits.

I 1860 18B0 1900 1920 1960 1980

uarajas

Hanêrsley

4-FLIwn

V'TfGogebic.R

*,Busirveld

N.Cal. Sudb!ry Noritsl***Cr, PGE

Ni

Ti

U

Kâmbaidétct *rlt*a/r

Lac Tioôô&AthâbêsacâlJ 8ii8$ û wg $ ç

ctimâx Rossirg, tt a

Butte Cflqùi€mata Hornê NevesA ^

A lv\ ltr\.\{ A ^,\^

A li A4r\A!\ayt^tixl\.â\^i\r:B,.gqrn o.,nu\ DBro\en H,ll Red Uoqa a-aaa a a oatat 0aa- a

**

Mo, W

Cu, Sn

Ph, Zn

AI

B, Li

Nb, Ta

Po", KKimbedey

Diamond Il

ô

i..l :)Khouriboa

ù * 6 -e ô

:lHomestake Rando oDK*rsjR" Ô co o

Jômâica.@.. +

ô

il a rit r-1 ,û o(] û l}

Argyl€!:atau:

Carlin Yanêcotciêo o c' o@co o(mmdDo q) olr4urunlau

E"êoln 424 a" l8ltl

priété intellectuelle dans ce domaine.

On a vu apparaître de nouveaux modèles tous les 5ans, ily a quelques décennies (Jébrak, zoro) : porphyres à Cu-Mo (r97o), or disséminé de type Carlin (r976), uranium desdiscordances (r978), épithermal à métaux précieux (r9g5),IOCC; (1992)... Le rythme s'est ralenti depuis. La vitesse detransfert est très lente, à laquelle il faut ajouter les longsdélais de découverte et de mise en production :31 ans pourRed Dog (Alaska),37 ans pour Crasberg (tndonésie). il fautsouvent plus de 10 ans pour qu'un nouveau modèle soitappliqué. Les gisements eux-mêmes seront souvent décou-verts lors de phases de boom minier (Lulin, zor3), profitantdes innovations tech nologiq ues en exploration.

Les innovations technologiquesSur un plus court terme, ce sont les innovations

technologiques qui permettent de répondre à la demande,en réduisant les coûts de production et en améliorant lespratiques. Le stade de l'exploration illustre bien commentles technologies ont progressivement révolutionné lesapproches. Ainsi, alors que dans la première moitié du XXe

siècle, la majorité des découvertes de métaux de base étaientréalisés en surface par des prospecteurs, les nouveaux gise-ments sont depuis essentiellement issus de méthodes indi-rectes comme la géophysique et la géochimie (Schodde,zor3). Ces méthodes sont d'abord financées par les gouver-nements,tant pour leur mise au point que pour leur appli_cation sur le terrain : issu du domaine militaire, l,aéroma-gnétisme se développe au Canada dans les années 5o etpermet la découverte de nombreux amas sulfurés.

Dans les années 8o, c'est la gravimétrie régionale,également financée par de l'argent public, qui va per-mettre la découverte de gisements géants tels NevesCorvo (Portugal) ou Olympic Dam (Australie). Un grandnombre des technologies récentes dérivent de grandsprogrammes de recherche publique reliés à l,explorationspatiale. Le métier de prospecteur a ainsi lentement dis-paru, même si sa contribution peut être encore significa_tive. [arrivée des systèmes d'information géographique,des outils de géolocalisation ont transformé les dessina-teurs cartographes en gestionnaires de base de donnéeset les arpenteurs en spécialistes géomatiques.

ll existe aujourd'hui plusieurs visions qui révolu_tionneront le domaine minier au cours des prochainesannées. Ainsi, l'idée d'une mine verte, reposant sur destechnologies moins intrusives sur l'environnement estlargement soutenue par les financements publics, euro-pée n (Fi n la nde), ca n ad ie n (G re e n M i n i n g I n itative) et chi -nois (charbon). llidée d'une mine usine constitue un autreobjectif à longterme de l'industrie minière;elle repose sur

i:flçt #T&' t tffi il fl fld i tr fr T H il 55# LÊ ffi il tr $ eÆ $ M t: R Â" t Ë.: {i

l'idée qu'une mine devrait se comporter comme un centreindustriel où tout ou presque est prévisible. Cette visionrepose sur une connaissance plus précise des gisements,par leur auscultation permanente au cours et après l,ex_ploitation, une augmentation de l'automation pour dimi-nuer le risque humain et une gestion de la production entemps réel. Au cours de ces dernières années, on est pas-sé d'exploitations souterraines à hautes teneurs à descarrières à basses teneurs. La tendance qui s'annonce vise_ra des exploitations souterraines à basses teneurs, parblock-caving, ainsi que le proposent les projets d,exploi-tation des porphyres cuprifères géants aux États-Unis, enAustralie, au Chili ou en Mongolie. Ces exploitations recour_ront de plus en plus à des technologies dérivées du géniecivil, avec par exemple l'utilisation de tunneliers pour lecreusement des galeries.

Le flux intersectoriel des innovationsLe domaine de la géologie des ressources est cloi-

sonné : ainsi, les géologues du pétrole forment une spé-cialité bien distincte, avec ses écoles, ses revues, sesapproches. Les géologues spécialistes de l'uranium, bien querares de nos jours, se sont organisés également dans unecommunauté spécialisée. Les géologues des métaux fer-reux sont souvent très proches de la sidéru rgie et formentégalement une classe à part. ll existe donc aujourd,hui unfort cloisonnement des domaines. ll n'en pas toujours étéainsi :au début du XXe siècle, la revue américaine de réfé-rence en exploration, Eco nomic Ceology,publiait des articlessur le charbon ou le pétrole, un domaine qu,elle a délaisséaujourd'hui. Ce cloisonnement disciplinaire se traduit à lafois sur la plan académique et sur le fonctionnement dessociétés. ll est relié notamment aux techniques différentesd'exploration et de production, aux moyens mis en ceuvreet aux marges bénéficiaires des entreprises.

ll s'est ainsi développé une hiérarchie apparenteparmi les entreprises exploitant les ressources, depuis ledomaine des hydrocarbures à celui des combustibles (char-bon et uranium), puis les métaux précieux, les métaux debase et les minéraux industriels. Les premières investissentle plus dans la recherche (en valeur absolue) et dévelop-pent les premières des innovations de rupture. Cetteconstatation s'observe dans tous les domaines, du finan_cement à la production. Les innovations de l,industriepétrolière sont ensuite adaptées et transférées aux autresindustries des ressources. Ce type de transfert a été à l,ori-gine de succès entrepreneuriaux ; trois exemples per-mettent de l'illustrer. À la fin du XlXe siècle, les mines defer sont déjà exploitées dans le district des Crands Lacs pardes méthodes combinant l'usage des explosifs, des pelles

t.l:.

lili:1,1

/zo/agzo o' /81:

ft;

'!

e1 tr r4! L-q-q q ry I Ë q r ry $ $'p_# ri- R Ë q p_ rw I ry $ $ALË q

hydrauliques gigantesques pour l'exploitation en carriè-re ;ce sont les mêmes techniques qui permettent de déve-lopper les premiers porphyres cuprifères, en particulier la

mine de Bingham Canyon, en Utah. Dans les années r98o,André Lassonde, un ingénieur de Montréal, comprend les

mécanismes de financement des compagnies pétrolièrespar l'usage de royautés (redevances) ;ilfait fortune en uti-lisant ce modèle pour l'or en développant la société Franco-Nevada et arrivera à la direction de Newmont. plus récem-ment, ce sont les techniques géophysiques utilisées par lespétroliers qui ont été transférées vers le domaine minier,et notamment les méthodes sismiques.

On peut ainsi développer un modèle de transfertdes innovations minières depuis les secteurs bien finan-cés vers les secteurs moins bien pourvus (Fig.3). Ce modèlefonctionne aussi bien au stade du financement, de l'ex-ploitation et de la production. ll laisse à penser que l'onpourrait prédire où seront les prochaines innovationsmajeures de l'industrie des ressources métalliques en étu-diant celles déjà disponibles dans les domaines avancés,tels ceux des hydrocarbures ou de l'uranium.

fexploitation in situ de ressources à plus bassesteneurs est ainsi largement développée aussi bien pour les

gaz de schiste que pour la lixiviation in situ de l'uranium. Onpeut sans risques prévoir lémergence de technologies com-parables pour les métaux précieux ou les métaux de base.

Sur un plan plus conceptuel,tant l'industrie pétrolière quecelle de I'uranium disposent de modèles métallogéniquesqui sont plus souples et plus ouverts que la seule typologie.Elles disposent d'une bien meilleure compréhension ducomportement géologique du cycle des éléments et deleurs composés et peuvent donc mieux aborder l'explora-

tion par une analyse de chacune des étapes de concentra-tion : source, transport, piège, conservation. C'est encorerarement le cas pour les autres substances.

ConclusionsAinsi, l'innovation minière contribue largement

aux améliorations d'une industrie parfois perçue à tortcomme archaTque. [industrie a su augmenter et son effi-cacité économique et ses performances dans les domainesde la sécurité et de l'environnement. lnnovations métal-liques, gîtologiques et technologiques ont rythmé le déve-loppement minier, en particulier celui de l'exploration. Le

marché a joué un rôle majeur:c'est par la demande,tantsur la nature des substances que sur les volumes extraits,que se sont développées les entreprises minières. C'estde la concurrence que les prix sont longtemps restés trèsbas, voire trop bas.

Mais les politiques nationales ont joué égalementdes rôles très importants. Les innovations de rupture sontnées pour la plupart dans les centres de recherches, lar-gement à partir de fonds publiques. Les appuis fiscauxsont essentiels à l'existence même de l'exploration parles compagnies juniors. Les levés nationaux, géologiques,géochimiques et géophysiques, ont été indispensablesau développement minier. Enfin, par des politiques coor-données, certains États comme lAustralie ont su créer desmasses critiques dans des centres de recherche et de trans-ferts pa rticu I ièrement performa nts. Pou r conti n uer, l'i n-novation devra donc s'alimenter à la fois du public et duprivé. Et seuls des critères concrets, basés sur l'utilisationeffective des idées par les industriels, permettront de jugerde la qualité d'une politique innovante.

Références'. Drucker PF., r985. lnnovation and Entrepreneurship: practice

and Principles. Harper and Row,277 p.

,, Edgerton D.,zoo7. Creole technologies and global histories:rethinking howthinks travel in space and time. HoSTr,75-rrz.

r Celdron, A., r983. Le 6ermanium, un élément valorisant desgisements hydrothermaux à Zn-Cu (Pb).Chronique de Ia

Recherche Minière 47 o, 25-32.

. Holl R., Kling M., et Schroll, E.,zoo7. Metallogenesis of Cer-manium - A review. Ore Geology Reviews. 3o, r45-r8o.

., Jébrak, M., zoo6. Economic geology, Then and Now. Ceos-cience Canada, y, 8t-92.

, Jébrak M. et Marcoux É., zoo8. Céologie des gîtes minéraux. Minis-tère des Ressources Minérales et de la Faune, O_uébec,667 p.

,L Krausmann F., Cingrich S., Eisenmenger N., Erb K.H., HaberlH.H. et Fischer-Kowalski, M. zoo9. Crowth in global materialsuse, GDP and population during the zoth century EcologicalEconomics 68, z696-27 o5.

Figure j. Modèle de transfert intersectoriel des innovations minières. Le sec-teur r correspond à une industrie disposant de grands capitaux et pouvantdonc dégager desfonds pour l'innovation (par exemple, te pétrole ou l,ura-nium) ; peu avant une innovation de rupture (point A), on craint la pénu-rie (courbe de type Hubbert), mais l'rnnovation permet à la productivitéde repartir (point B). Le secteur z correspond à une industrie moins biendotée, mais qui proJite quelques années plus tard du transfert et de l'adap-tation de I'innovation de rupture (point C) (Document Michet Jébrak).

.f

o

letnps

Aêt/4t484 o" /8/

Ë1 Kuhn T.,1962. La structure des révolutions scientifiques, paris,

Flammarion, Coll. Champs / 7g'r,284p.ru Lulin J. M., zor3. O_u'est,ce qu'un boom minier ? Le point en

Ressources Naturelles r, 4-r.iT.i Lynch K. et Sheikh M.,2oi1. lnnovation dividend - stronger

productivity growth. Policy Options, IRPP, septemb rc,22-20.

Iii:i PriorT., Ciurco D., Mudd G., Mason L. et Behrisch J.2o12. Resourcedepletion, peak minerals and the implications for sustainableresource management. Global Environmental Change zz, 577-

587.

ri Raade C. et Segalstad TV., zoo3. Scandium 2ooj,an interna-tional symposium on the mineralogy and geochemistry ofScandium at Ceological Museum, Univ. Oslo, Norway.

"r.r Schumpeter, J.A., r939. Business cycles. A theoretical, histori-

MçISLIo_çFruç çI BçstqHRçq'{ ÀAl$|ERA!,çs

caland statisticalanalysis of the Capitalist process.Version digi-tale de D. Lagrange, zoo7. Les classiques de sciences sociales,J.M.Tremblay, UQAC.

i4 Schodde R., zor3.The rising importance of Junior Explorers...and the key challenges they face going forward. ConférenceAEMQ, Québec, l2-14 novembre 2013.

i! Van Lichetrvelde M., r986. Métallogénie du tantale : applica-tion aux différents styles de minéralisations en tantale dansla pegmatite de Tanco, Manitoba, Canada.Thèse,Toulouse.

tii Werner 5.,t969. Ceochem istry of Cerma n iu m ; z, Meta lloge-nic problems. Freiberger Forschungshefte, Reihe C: Ceowis-senschaften, Mineralogie-Ceochemie 246, 5-65.

:'t World Bank, zoo8. Prospects, Overview of commodityma rkets (www.econ.world ba n k.org).

peu ou pas de chiffres de teneurs, de données sur leur miné-ralogie, d'éventuelles zonalités, etc., y compris dans desgisements majeurs qui présentent toutes les chances d'avoirété riches en germanium, indium, ou gallium, par exemple.

Le marché étant très demandeur, la démarche pourune production optimale de ces métaux doit se baser surles gisements exploités aujourd'hui pour établir s'il existe,ou non, des types de gisements pa rticu lièrement riches en

tel ou tel " petit métal ,,. Les résultats sont susceptibles deretoucher la typologie actuellement admise des modèlesmétallogéniques. Pour les gisements dezinc,le problèmesemble complexe, de fortes teneurs en ces petits métauxétant connues dans des types métallogéniques variés : desfilons (Sa int-Sa lvy, Fra nce), des SEDEX, (Red Dog, Alaska), ouencore des MVT: (gisements du Tennessee, États-Unis). llsemblerait que la teneur en germanium, par exemple, ne

soit pas liée à un type, donc à un processus particulier, maisaucune étude statistique n'est encore disponible.

Le monde des n petits métaux D se satisfait defaibles tonnages (Tabl. i), et la quantité de minerai pri-maire s'équilibre fréquemment avec celle de minerai secon-

daire de récupération, ce qui complique une analyse stra-tégique des réserves. Dans cet article, nous avons rattachéles petits métaux à leur n famille , :Cd, Ce et ln avec lezinc,Ca avec l'aluminium, Hf avec le zirconium, Re avec lemolybdène, Be, Cs, Rb et Sc avec les pegmatites, et donnéquelques éléments sur les productions ou potentialités duterritoire métropolitai n.

les petits métaux: sous-produits des grandsËrrr Âriçrr*uti.

GénéralitésDepu is envi ron 25 ans, la révol ution tech nologiq ue

en marche a porté sur le devant de la scène des métauxlongtemps négligés ou jugés sans applications dignes dece nom.lls font une arrivée remarquée, un peu à la maniè-re des légumes oubliés de la nouvelle cuisine. Dans ce

domaine des métaux oubliés, les panais, topinambours,pâtissons et autres potimarrons se nomment indium, ger-manium, césium, et prennent différents noms : métauxde (haute) technologie, métaux stratégiques, u petits ,métaux, des noms pas toujours très pertinents, comme leterme de terres rares qui désignent des u terres , qui, pourla majorité d'entre elles, sont loin d'être ( rares ),. En atten-dant une clarification de la sémantique, nous les appelle-rons dans cet article les u petits métaux ,, signifiant par ce

terme des métaux présents en faibles teneurs et petitesquantités dans des gisements, et donc exploitables seu-lement comme sous-produit d'un ou de plusieurs métauxprincipaux. Nous exclurons donc les métaux comme les

terres rares, le cobalt, l'antimoine ou le lithium exploitéspour eux-mêmes dans des sites industriels majeurs.

Ce sont tous des métaux d'intérêt industriel récent,même si des applications marginales ont pu émailler I'in-dustrie passée, et souvent irremplaçables dans les tech-nologies actuelles. Du fait du manque d'intérêt quifut leurlot pendant des décennies, les chiffres disponibles sontrécents. En corollaire, on ne sait rien ou peu de choses sureux dans les anciens gisements, faute d'analyses ; donc

t. Professeur à I'université d'Orléans. Courriel. eric.marcoux@univ-orleansJrRemerciements à Michel lébrak pour la relecture de l'article.z. Sed imenta ry Exhalative De posits.

3. Mississippi Valley Type.

',1

';ir,

ili:

/"êalaVcca a'/8/

tlitËÈffi,9

ii#.1' .ùt'

sd',.",..r'''1

k"1.1,,'ltt

,: i

'*r -.iit,iw*

,*nqfu*#ffi

;:sk 4

-.r .+,*-îli*\

JTJi;ir,

I ..

fl"t.J