influence sans ingérence : les relations de la chine avec le soudan

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INFLUENCE SANS INGÉRENCE : LES RELATIONS DE LA CHINE AVEC LE SOUDAN Yitzhak Shichor, Jasmine Getz, Elie Getz Gallimard | « Les Temps Modernes » 2010/1 n° 657 | pages 52 à 72 ISSN 0040-3075 ISBN 9782070128556 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-les-temps-modernes-2010-1-page-52.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- !Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Yitzhak Shichor et al., « Influence sans ingérence : les relations de la Chine avec le Soudan », Les Temps Modernes 2010/1 (n° 657), p. 52-72. DOI 10.3917/ltm.657.0052 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Gallimard. © Gallimard. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 79.180.249.133 - 12/05/2016 17h03. © Gallimard Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 79.180.249.133 - 12/05/2016 17h03. © Gallimard

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INFLUENCE SANS INGÉRENCE : LES RELATIONS DE LA CHINEAVEC LE SOUDANYitzhak Shichor, Jasmine Getz, Elie Getz

Gallimard | « Les Temps Modernes »

2010/1 n° 657 | pages 52 à 72 ISSN 0040-3075ISBN 9782070128556

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-les-temps-modernes-2010-1-page-52.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

!Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Yitzhak Shichor et al., « Influence sans ingérence : les relations de la Chine avec le Soudan », Les Temps Modernes 2010/1 (n° 657), p. 52-72.DOI 10.3917/ltm.657.0052--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Gallimard.

© Gallimard. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manièreque ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Yitzhak Shichor

INFLUENCE SANS INGÉRENCE : LES RELATIONS

DE LA CHINE AVEC LE SOUDAN

Depuis le début du xxie siècle, les multiples facettes des rela-

tions de Beijing avec Khartoum ont entraîné des résultats mitigés.

En ce qui concerne les points positifs, la Chine est devenue un

acteur prédominant de la production pétrolière du Soudan, se

garantissant ainsi une ressource énergétique stable, essentielle à

sa croissance économique constante. La présence chinoise au

Soudan a créé un précédent, si ce n’est un modèle, quant au déve-

loppement des relations entre la Chine et l’Afrique constituent

en une véritable tête de pont sur le continent. Parmi les points

négatifs, cependant, la collaboration de Beijing avec certains gou-

vernements africains, notamment avec le Soudan, a provoqué

bon nombre de critiques et créé une attente et des pressions pour

que les Chinois jouent un rôle politique plus important, à savoir

celui d’« intervenants responsables », pour tenter de résoudre

certains problèmes précis — comme la question du Darfour —

aussi bien que des préoccupations universalistes, comme la viola-

tion des droits de l’homme, les dégâts écologiques et la haine

ethnique. Bien que la Chine soit désormais largement considérée

comme une grande puissance, elle s’est toujours montrée peu dis-

posée à s’occuper de ces problèmes, encore moins publiquement,

tout comme de s’ingérer dans les affaires internes d’autres pays.

Aussi, alors que le pétrole soudanais l’aide à huiler sa prospère

machine économique, la Chine se retrouve sous le feu des cri-

tiques à cause de ses ambiguïtés politiques, interprétées comme

une protection et un soutien aux « méchants ». Ses progrès écono-

miques s’accompagnent de coûts politiques, mais pour des raisons

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compréhensibles, voire même justifi ables. En février 2009, Beijing

et Khartoum ont célébré leurs cinquante années de relations diplo-

matiques.

Le Soudan a été le quatrième gouvernement africain à éta-

blir des relations diplomatiques avec la Chine, le 4 février 1959. Il

n’y eut pourtant rien de notable dans les relations entre les deux

pays avant le milieu des années 1990, où Beijing prit conscience de

son besoin urgent d’acquérir des ressources énergétiques pour

compenser sa production domestique décroissante et poursuivre le

rythme rapide de sa croissance économique. A cette époque, la

République populaire de Chine (RPC) avait déjà décidé d’établir

des bases pétrolières à l’étranger, en investissant des capitaux, en

participant à l’exploration, au développement et à la construction

des champs de pétrole et des oléoducs, pour que lui soit garanti un

approvisionnement stable et à long terme en pétrole. Appliquée

dans plusieurs pays d’Asie centrale, d’Amérique du Sud, du

Moyen-Orient et d’Afrique, cette politique lui a déjà rapporté de

jolis dividendes économiques, malgré son coût politique.

La prédominance chinoise au Soudan est le résultat de deux

processus complémentaires : pressée de mettre la main sur des

ressources énergétiques, la Chine a été pratiquement aspirée par

le vide soudanais. Ce vide est lui-même le résultat de trois pro-

cessus interconnectés : la détérioration de la sécurité intérieure

au Soudan, la violation croissante des droits de l’homme et le

soutien présumé du Soudan au terrorisme. Tout ceci a fait fuir de

ce pays les compagnies pétrolières américaines et occidentales,

tout comme d’autres entreprises, des années 1980 jusqu’au début

des années 2000, ce qui a laissé le champ libre à l’installation des

Chinois. Tandis que Chevron avait cessé d’investir dans les champs

pétrolifères soudanais en 1992, à cause des conditions de sécurité,

d’autres compagnies américaines (comme l’Occidental Petro-

leum Corporation) étaient empêchées par le Congrès de faire des

affaires avec le Soudan, l’un des pays accusés de soutenir le ter-

rorisme. Washington, en outre, en même temps que des associa-

tions pour la défense des Droits de l’homme, faisait pression

aussi sur des compagnies non américaines (par exemple la cana-

dienne Talisman, l’autrichienne OMV et la suédoise Lundin) pour

qu’elles se retirent du Soudan ou qu’elles y réduisent drastique-

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ment leur volume d’affaires. Quelques entreprises (comme la

société TotalFinaElf, renommée Total en 2003) ne réussissaient pas

à exploiter leurs concessions à cause de la guerre civile. La Chine

fut rapide à remplir les vides, à plus d’un égard.

PÉTROLE

Ce serait simplifi er à l’excès que de résumer les avantages de

la Chine au Soudan en un seul mot : pétrole. Il y a d’autres béné-

fi ces, même si celui-ci est sans aucun doute le plus décisif. Les

chiffres du commerce sont éloquents : en 2000, les exportations

du Soudan vers la Chine explosèrent, atteignant quatorze fois le

chiffre de 1999, année où avait débuté la vente de pétrole à la

Chine. En 2005, les importations chinoises en provenance du Sou-

dan avaient atteint plus de cinquante fois ce chiffre. Même si, au

début de l’année 2009, les importations du Soudan en Chine (sur-

tout de pétrole) chutaient, en 2008 elles avaient atteint la valeur de

6 329 426 milliards de dollars, quasiment 52 % de plus qu’en 2007,

avec un turnover d’environ 8,2 milliards de dollars, chiffre qui

représente à peine 0,33 % du commerce extérieur total de la Chine,

soit un très petit pourcentage. La Chine est le premier partenaire

commercial du Soudan, draine 75 % à 80 % de ses exportations,

principalement du pétrole, et lui fournit 20 % de ses importations.

La position dominante de la Chine au Soudan est essenti-

ellement liée au pétrole. Ses possessions et ses investissements

comprennent une part majoritaire de 40 %, acquise par la China

National Petroleum Corporation (CNPC) à la fi n des années 1996

dans le Greater Nile Petroleum Operating Company, (GNPOC), un

consortium nouvellement créé. La Chine a investi 441 millions de

dollars sur un total de 1 047 milliards. En mai 1997, le consortium

remporta un contrat à grande échelle, étalé sur vingt ans, pour la

production et le transport du pétrole dans le Kordofan ouest. Deux

ans plus tard, on inaugura un oléoduc de 1 506 km, d’une valeur

d’un milliard de dollars, pour exporter le pétrole. Son débit initial

de 150 000 barils par jour fut doublé par la suite et pourrait être

triplé. Beijing avait fourni l’oléoduc aussi bien que les ingénieurs,

l’équipement et la construction des infrastructures du champ pétro-

lifère, tout comme la plupart des matériaux. Le pétrole commença

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à couler dans le nouvel oléoduc le 23 juin 1999, inaugurant ainsi

un nouveau chapitre des relations sino-soudanaises.

Une semaine plus tard, le 30 juin 1999, une nouvelle raffi nerie

fut inaugurée au nord de Khartoum. Elle pouvait transformer

50 000 barils par jour, chiffre porté à 70 000 en juin 2004. La

CNPC, qui avait apporté la moitié de l’investissement total

de 540 millions de dollars, avait construit la raffi nerie et procé-

dait depuis au raffi nage. Le 30 août 1999, le Soudan exporta

600 000 barils de pétrole à partir de Port-Bachir, un nouveau ter-

minal pétrolier d’une capacité de 2 millions de tonnes, construit

par Beijing à 25 km au sud de Port-Soudan. Cette livraison fi t du

Soudan un exportateur net de pétrole pour la première fois de son

histoire. La Chine en ayant établi les infrastructures, il était temps

pour elle d’augmenter la production pétrolière. Le 1er octobre 2001,

on inaugura la Petrodar Operating Company (PDOC) dont 41 %

du capital étaient détenus par la CNPC. La PDOC contrôle, à

l’est, des autres concessions chinoises, une zone de 72 000 km2

dans le bassin de Melut. Les concessions de la CNPC comprennent

aussi le champ de Fula (Kordofan ouest et sud du Darfour) qui

commença à produire en novembre 2004. La CNPC construisit un

oléoduc de 730 km à partir de ce champ pétrolifère jusqu’à la raffi -

nerie de Khartoum dont la capacité fut de 100 000 barils par jour,

au prix de 340 millions de dollars offerts par la CNPC. Au début de

juillet 2007, on apprit que la CNPC avait signé un contrat de vingt

années avec le gouvernement soudanais pour le droit d’exploration

des eaux peu profondes de la mer Rouge, situées au nord du

Soudan. La CNPC avait obtenu ainsi une part majoritaire de 35% à

40 %.

La Chine est désormais le principal producteur de pétrole du

Soudan, comme son principal exportateur et, ce qui est le plus

important, son principal importateur. En 1999, l’importation de

pétrole en Chine en provenance du Soudan débutait modestement,

atteignant à peine 0,73 % de l’importation pétrolière totale chinoise.

En 2000, la part du pétrole soudanais dans les importations

chinoises bondit à 4,72 % tandis qu’en 2002 elle avait quasiment

doublé, jusqu’à 9,26 %, faisant du Soudan le quatrième fournisseur

de la Chine derrière l’Arabie saoudite, l’Iran et Oman. Bien que la

production de pétrole contrôlée par la Chine au Soudan eût encore

augmenté en 2004 et 2005, la part soudanaise du pétrole importé

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diminua, ce qui signifi ait que le pétrole excédentaire était vendu

ailleurs, peut-être dans des contrats d’échanges (swaps), ou bien

encore que la Chine importa davantage de pétrole d’autres fournis-

seurs. Par exemple, en 2006, près de 39 % des exportations de brut

soudanais furent expédiés au Japon et seulement 31 % à la Chine,

soit 2,86 % du total des importations pétrolières chinoises. En

2007, cependant, les exportations soudanaises vers la RPC avaient

plus que doublé, ce qui correspondait à 6 % des importations

chinoises et à 40 % de l’exportation totale de pétrole soudanais,

qui ont fait du Soudan le sixième fournisseur de la Chine.

Cependant, cette situation n’est pas destinée à durer. La pre-

mière raison tient aux réserves relativement faibles du Soudan

(estimées entre 5 et 6,5 milliards de barils, alors que le Nigeria en

possède 36 milliards et la Libye 42 milliards). La seconde, c’est

que la production pétrolière soudanaise, qui ne représente pas plus

de 0,4% à 0,5 % de la production mondiale, devrait atteindre son

sommet l’année prochaine et commencer ensuite à baisser progres-

sivement. Ces facteurs, combinés à la prévision d’une augmenta-

tion drastique de la consommation, laissent présager que le Soudan

aura moins de pétrole à exporter. Pour s’assurer que l’essentiel de

son exportation aille vers la Chine, Beijing s’est également

impliqué dans de vastes projets de construction, faisant du Soudan

l’un de ses partenaires économiques privilégiés. Un autre indica-

teur de l’importance du Soudan pour la Chine est le montant des

investissements directement non fi nanciers de Beijing, qui ont

dépassé les 10 milliards de dollars et sont répartis dans cinquante

projets différents, tandis que les investissements fi nanciers tota-

lisent quant à eux 13,1 milliards de dollars1.

GRANDES INFRASTRUCTURES

Hormis l’industrie pétrolière, Beijing s’active dans d’autres

secteurs. La Chine a construit, pour un coût de 149 millions de

dollars fournis par sa Banque centrale, la première phase de la cen-

trale électrique El-Gaili, située à 50 km au nord de Khartoum, qui

fonctionne au pétrole. Lorsque cette centrale commença à produire,

en août 2004, ses 200 mégawatts représentaient environ 1/3 de la

1. Sudan Tribune, 19 juin 2009.

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production nationale du Soudan. Avec la deuxième phase, achevée

en 2007, la production s’élève désormais à 330 mégawatts, ce qui

représente la plus grande source d’énergie du Soudan. Au début de

mars 2009, le président Omar al-Bachir a inauguré la construction

du barrage Merowe. Celui-ci a été conçu et construit par les Chinois

pour une somme qui dépasse les 2 milliards de dollars. Il permettra

en fi n de compte de doubler la capacité électrique du Soudan pour

la porter à environ 1 250 mégawatts, accroissant ainsi de quasiment

50 % son système d’irrigation et ses zones cultivées — ce qui don-

nera une extraordinaire impulsion à sa croissance économique en

expansion. Situé à 400 km au nord de Khartoum, le barrage

Merowe est la plus grande construction hydroélectrique bâtie sur le

Nil depuis le barrage égyptien d’Assouan, qui date des années

1950. C’est aussi le plus grand projet en chantier en Afrique

aujourd’hui. En liaison avec le barrage, la Chine construit aussi

1 745 km de lignes électriques — les plus longues jamais construites

au Soudan — et des transformateurs, ce qui lui a coûté quasiment

466 millions de dollars. La Chine est également impliquée dans la

construction et le fi nancement du barrage de Kajdar, de 300 méga-

watts. La construction des barrages a provoqué le déplacement

d’environ 40 000 villageois qui avaient refusé des offres alterna-

tives et qui ont perdu presque tout ce qu’ils possédaient. Leurs

violentes protestations ont donné lieu à une répression brutale, qui

a causé des victimes dont la Chine a été blâmée. Ces souffrances

sont indubitables, à court terme ; mais dans le long terme, ces pro-

jets vont bénéfi cier largement à la population soudanaise tout

entière. D’autant plus que la Chine a participé à d’autres projets.

Par exemple, au début de l’année 2002, le projet de polypropy-

lène du Soudan, achevé par la PNGEDC chinoise pour un coût de

23 millions de dollars, a commencé de fonctionner à Khartoum. En

2002, la Chine avait accordé 2,5 millions de dollars de subsides au

Soudan pour remettre en état un hôpital radiologique. En juin 2004,

les Chinois signèrent un accord de prêt préférentiel d’un montant

de 3,6 millions de dollars avec Khartoum pour un nouveau Centre

de conférences international et pour un programme de formation

des employés du ministère de la Coopération internationale souda-

naise. En 2008, la Chine s’engagea à construire un autre hôpital au

Soudan, sous forme de don ; elle assura aussi la formation en démi-

nage d’offi ciers militaires soudanais, en faisant cadeau du matériel

de détection et de déminage. Selon les termes d’un accord écono-

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mique signé cette année, des experts en agriculture devaient être

envoyés au Soudan pour y établir un centre d’agriculture, la Chine

et le Soudan ayant signé deux accords de partenariat agricole en

juin 2009. En mars 2009, une compagnie chinoise a remporté un

appel d’offres de 300 millions de dollars pour construire 486 km

de route. Ces projets civils sont à peine évoqués par les médias qui

se concentrent sur les relations militaires qu’entretient la Chine

avec le Soudan, alors que celles-ci sont secondaires.

ARMEMENT

Même si l’intérêt que la Chine porte au Soudan est d’abord

économique, sa collaboration avec le gouvernement de Khartoum

a attiré les critiques non seulement parce qu’elle fait bon ménage

avec un pays qui soutient le terrorisme, mais aussi parce qu’elle

le fournit en armements. C’est ainsi que, dans de nombreuses

dépêches, l’AFP décrit la Chine comme « un fournisseur clé

d’armes et d’équipement militaire ». Un rapport de janvier 2006

du Conseil américain des relations avec l’étranger réaffi rme que

Beijing est un fournisseur « majeur » d’armes au Soudan — asser-

tion élaborée dans un rapport d’Amnesty International de juin 2006,

intitulé : « Chine : encouragement du confl it et violation des

Droits de l’homme : la circulation des armes s’intensifi e ». Les

pages 19-20 du rapport mentionnent un nombre incertain d’avions

et d’hélicoptères censés avoir été fournis dans les années 1990, et

au moins 222 camions « militaires » « aperçus » en 2005.

Dans son rapport de mai 2007, Amnesty International a accusé

la Chine d’avoir fourni, durant la seule année 2005, 81 millions

de dollars d’armes, de munitions et de pièces détachées destinées

à des avions et des hélicoptères (les dernières données SIPRI

parlent de 95 millions en 2003). Les Chinois ont également livré à

l’armée de l’air soudanaise six avions d’entraînement et d’assaut

K-8, avec six autres à la suite, en même temps que des simulateurs

de vols. Après leur diplôme, les pilotes soudanais sont supposés être

capables de voler sur le Q-5 (ou A-5) Fantan, fabriqué en Chine, un

avion d’attaque au sol. Les photographes d’Amnesty montrent trois

Q-5 parqués à l’aéroport de Nyala, entre janvier et mars 2007. Etant

donné que Nyala est la capitale de l’Etat du Darfour du Sud, à

l’ouest du Soudan, Amnesty s’inquiète du fait que ces avions pour-

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raient être utilisés par le Soudan pour des « attaques à mauvais

escient contre le Darfour, en violation de l’embargo sur les armes

imposé par l’ONU et les lois humanitaires internationales ». De fait,

l’embargo fut imposé alors que les avions avaient été déjà livrés.

Beijing a fermement rejeté les déclarations d’Amnesty Inter-

national, comme étant des « accusations dénuées de fondements ».

La Chine ajoute qu’elle respecte les résolutions du Conseil de sécu-

rité de l’ONU et qu’elle ne vend ni n’exporte d’armes aux nations

ou aux régions mises au ban par l’ONU (comme le stipule la réso-

lution 1556), ni d’ailleurs à des organisations ou des individus. Les

relations qu’entretiennent Beijing et le Soudan remontent au début

des années 1970. La Chine post-maoïste a commencé à fournir des

armes au Soudan en 1981, pour une valeur qui a atteint les 480 mil-

lions en 2008. Cependant, la plupart de ces accords de ventes

d’armes (70 %) ont été signés avant même que Beijing ne s’inté-

resse au pétrole soudanais ; depuis 2000, le montant des armes

chinoises vendues au Soudan a été estimé (selon la base de don-

nées sur le commerce des armes SIPRI) à 139 millions de dollars,

pas plus de 14 % de la livraison totale d’armes au Soudan. Le mon-

tant des armes russes vendues au Soudan durant ces mêmes années

est cinq fois plus élevé, plus de 700 millions de dollars. Ironi-

quement, ce sont les Etats-Unis qui étaient en 1982 le premier

fournisseur d’armes du Soudan ; ils ont assuré, de 1981 à 1988, le

quart de son importation totale. Les livraisons d’armes de la Chine

au Soudan sont ainsi plutôt limitées, surtout quand on considère

son territoire (le plus étendu de l’Afrique, le dixième pays du

monde). Apparemment, la Chine a cessé de livrer des armes après

l’embargo de décembre 2005 mis en place par le Conseil de sécu-

rité de l’ONU : seuls six des douze avions d’entraînement et d’as-

saut K-8 commandés par le Soudan en 2004 ont été livrés. Le

Soudan n’est mentionné dans aucun des rapports 2006 et 2007 de

la Chine au Register of Conventional Arms exports de l’ONU.

Dans les faits, aucune délégation militaire chinoise ne s’était

plus rendue au Soudan dans les dernières dix années — jusqu’au

début de juin 2002, ce qui constitue encore un indice de la relative

marginalité des relations militaires entretenues par les deux pays.

Les Chinois ne nient nullement l’existence de ces relations qu’ils

veulent promouvoir plus avant, tout en respectant les résolutions de

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l’ONU. L’envoyé spécial de la Chine au Soudan a admis que la

Chine vendait des armes au Soudan, même si, a-t-il précisé, ces

ventes étaient limitées2.

DARFOUR

Tandis que les atrocités dans la région soudanaise du Darfour

se poursuivent, il est devenu courant de critiquer la Chine pour

l’enlisement de la situation et les violences qui s’ensuivent. La

secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a stigmatisé la Chine lorsqu’elle

l’a appelée à renforcer sa pression sur Khartoum pour que celui-ci

accepte une force de maintien de la paix de l’ONU, afi n de régler le

confl it. Quelques juristes américains ont accusé Beijing de soutenir

l’intransigeance du Soudan en préférant l’achat de pétrole à la réso-

lution du confl it au Darfour. L’envoyé spécial de l’ONU au Soudan,

Jan Pronk, a déclaré sans ambages : « [...] s’il y a un seul pays qui

pourrait jouer un rôle important (pour convaincre le gouvernement

soudanais), c’est bien la Chine. (Cependant) la Chine n’a jamais

exercé de fortes pressions (sur le Soudan). La pression venait sur-

tout des autres membres du Conseil de sécurité de l’ONU3. » Selon

certains médias occidentaux, la RPC, qui est membre permanent

du Conseil de sécurité, continue de protéger le président du Sou-

dan Al-Bachir, — en même temps que ses propres intérêts pétro-

liers —, « en menaçant d’utiliser son veto4 ». D’autres sont allés

plus loin encore en affi rmant qu’ « aucun autre pays n’a plus d’in-

fl uence sur le gouvernement de Khartoum que la Chine, qui absorbe

60 % de la production pétrolière du Soudan et qui a utilisé à plu-

sieurs reprises son droit de veto pour empêcher des sanctions sup-

plémentaires contre le régime5 ». Inutile de préciser que la Chine

n’a jamais utilisé son droit de veto sur aucune question concernant

le Soudan (et de toute façon ne l’a utilisé que très rarement).

Néanmoins, le rôle prééminent de la Chine au Soudan mène

à des allégations selon lesquelles la Chine non seulement apporte-

rait son soutien à la violation des Droits de l’homme au Soudan,

2. Interfax, 5 juillet 2007.

3. AFP, 16 janvier 2007.

4. International Herald Tribune, 4 août 2006.

5. AFP, 2 février 2007.

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mais qu’elle y participe en coopérant au déplacement forcé des

paysans, hors des régions où elle exploite le pétrole et construit

des barrages. Des témoins ont affi rmé avoir vu sur les lieux des

camions de fabrication chinoise et des véhicules armés, ainsi que

des troupes soudanaises avec des armes chinoises. Au moins une

partie, et certains disent une grande partie, des 10 000 travailleurs

chinois au Soudan seraient des combattants démobilisés de l’Armée

de libération du peuple (PLA). A l’occasion, les Chinois sont éga-

lement associés, bien qu’indirectement, aux atrocités du Darfour.

Ces accusations et l’intense activité chinoise au Soudan ont aug-

menté le coeffi cient de friction avec les Etats-Unis et attiré bon

nombre de critiques. A coup sûr, cette situation ne renvoie pas seu-

lement à des valeurs morales, mais aussi à des intérêts politiques,

stratégiques et commerciaux.

Pourtant, la position chinoise au Soudan est plus complexe et

moins assurée qu’on ne le suppose. Dans une grande mesure, les

réussites de la Chine résultent de l’instabilité intérieure du Soudan

et de son isolement international. En ce cas, Beijing devrait trouver

intérêt à ce que les troubles se poursuivent au Soudan, et même à la

violation des Droits de l’homme puisque cette situation tient à

l’écart des compétiteurs plus puissants, essentiellement occiden-

taux. Les Chinois devraient se rendre compte qu’une fois les

confl its internes du Soudan réglés, les compagnies occidentales

— et leurs gouvernements — vont revenir aux dépens de la Chine.

C’est cette inquiétude peut-être qui a conduit la Chine à investir au

Soudan autant et aussi rapidement, pour y prendre pied solidement

et à long terme, en écartant les rivaux potentiels. Tout ceci, cepen-

dant, n’implique d’aucune manière que les Chinois aient intérêt à

long terme à l’instabilité au Soudan (ou nulle part ailleurs), encore

moins qu’ils y contribuent. Au contraire, l’une des pierres angu-

laires de la politique internationale de la Chine post-maoïste est

que l’instabilité hors de ses frontières — aussi bien qu’à l’inté-

rieur — nuit à sa croissance économique. Cette attitude est tout

aussi manifeste au Soudan.

Pour commencer, Beijing a toujours considéré le problème du

Darfour comme une affaire interne au Soudan. C’est pourquoi au

Soudan, comme ailleurs, la Chine a constamment rejeté l’ingé-

rence externe dans des confl its intérieurs, parfois même sous

l’égide des Nations Unies, et a traditionnellement évité de prendre

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parti. Cette politique qui remonte aux années 1970 se manifeste

dans l’attitude de Beijing envers la guerre civile soudanaise, vieille

de vingt-six ans, tout comme envers la plus récente crise du

Darfour. En outre la Chine, qui à l’époque de Mao soutenait les

mouvements de libération nationale, ne pouvait s’identifi er plus

longtemps aux revendications séparatistes du SPLA (Armée de

libération du peuple soudanais) qui combattait Khartoum depuis

1983 pour le droit à l’autodétermination. Soutenir ces revendica-

tions aurait pu compromettre la propre lutte de la Chine contre le

séparatisme à l’intérieur de ses frontières, sans mentionner même

ses intérêts pétroliers. C’est pourquoi la Chine a été très satisfaite

des progrès accomplis dans les négociations pour restaurer la paix

et la stabilité au Soudan, d’autant plus que des travailleurs chinois,

des oléoducs chinois et d’autres installations chinoises avaient été

pris pour cible par les rebelles.

Les Chinois du Soudan sont épisodiquement agressés. Le

23 octobre 2007, des rebelles darfouris du Mouvement pour la

justice et l’égalité (JEM) attaquèrent Defra, un champ pétrolifère

exploité par les Chinois et kidnappèrent deux ouvriers pétroliers.

Le leader du JEM déclara que c’était « un message destiné à la

Chine et aux compagnies pétrolières chinoises pour qu’elles cessent

d’aider le gouvernement dans leur guerre au Darfour ». Le chef

d’un groupe rebelle rival, le Mouvement de libération du Soudan

(SLM), prévint deux semaines plus tard que les compagnies pétro-

lières étrangères au Soudan « ne seraient pas en sécurité ». Il sin-

gularisa la Chine qui, prétendument, s’occupait de l’extraction

pétrolière en échange de la livraison d’armes : « Chaque arme qui

tue notre peuple vient de Chine. » Il ajouta que tout l’armement uti-

lisé au Soudan, y compris les avions, les Kalachnikovs et les véhi-

cules étaient de fabrication chinoise6. Lors d’une autre attaque, le

11 décembre 2007, sur des champs pétrolifères gérés par les

Chinois, le JEM aurait tué et blessé, selon certaines informations,

un nombre conséquent de troupes de sécurité locale, saisi les véhi-

cules et l’artillerie, détruit les installations pétrolières et interrompu

la production. Le chef du mouvement soutenait que « les attaques

contre l’industrie pétrolifère de la région de Kordafan à l’est du

Darfour continueraient jusqu’à ce que la Chine cesse ses opérations

6. Sudan Tribune, 25 octobre, 2007 ; 8 décembre 2007.

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au Soudan7 ». Bien que les Forces armées du Soudan nient que cette

attaque ait eu lieu, celle-ci a causé de vives inquiétudes en Chine,

d’autant plus justifi ées que neuf travailleurs pétroliers chinois furent

enlevés en octobre 2008 au Kordofan, non loin du Darfour.

MAINTIEN DE LA PAIX

Quoique l’insécurité qui règne au Soudan ait fait fuir un grand

nombre de concurrents qui laissent ainsi la voie libre à la Chine, il

est de l’intérêt de Beijing de maintenir la paix et la stabilité au

Soudan, afi n de susciter un climat plus propice à ses activités éco-

nomiques fl orissantes. Contrairement aux accusations, Beijing a

fait de sérieux efforts en faveur de la paix, autant en actes qu’en

paroles, arguant toujours que « résoudre le problème du Darfour

doit se faire grâce au dialogue et aux discussions de paix ». A l’ori-

gine, et en se fondant sur leur tradition consacrée de non-ingérence,

les Chinois préfèrent que les confl its intérieurs se règlent entre les

parties directement concernées — le gouvernement et ses adver-

saires. En cas d’échec pour parvenir à un accord (ou bien si un

accord a été établi, mais ne parvient pas à être respecté), Beijing

préfère d’ordinaire qu’une organisation locale prenne le relais. Si

cela ne fonctionnait pas — et seulement en dernier recours —, les

Chinois accepteraient à contrecœur une intervention de l’ONU

dans laquelle ils n’auraient pas d’autre choix que de s’impliquer et

de prendre parti. Cette évolution est évidente au Soudan, d’abord

au Sud puis à l’Ouest.

L’engagement actif de la Chine dans l’accord de paix au

Soudan débuta seulement après que le gouvernement soudanais et

l’ancien Mouvement de la libération du peuple eurent signé le

9 janvier 2005 le Comprehensive Peace Agreement (CPA), qui met-

tait fi n à vingt et une années de guerre civile dans le sud du Soudan.

Le 24 mars 2005, une résolution adoptée à l’unanimité par le

Conseil de sécurité de l’ONU autorisa l’envoi de Forces de main-

tien de la paix dans la région. Les Chinois s’y conformèrent rapide-

ment et, en mai 2005, ils envoyèrent leurs premières troupes. Un

détachement plus organisé du PLA fut déployé avant mai 2006. Il

7. Sudan Tribune, 13 décembre 2007.

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fut remplacé en janvier 2007 par 435 convois du PLA, des ingé-

nieurs et des troupes médicales. Quand bien même stationnés au

Soudan du Sud, ces contingents n’ont donc rien à voir avec le

Darfour, à l’ouest du Soudan, où le confl it se perpétue.

Après l’impasse du Darfour, les Chinois ont soutenu l’inter-

vention des troupes de maintien de la paix de l’Union africaine,

aussi bien que les efforts de la Ligue arabe. Lors de sa visite au

Soudan au début de février 2007, le président de la République

populaire de Chine, Hu Jintao, déclara que « l’Union africaine et

les Nations Unies doivent jouer un rôle constructif dans la mission

de maintien de la paix au Darfour ». Mais la situation sur le terrain

était différente : le CPA était accepté par le gouvernement et par les

rebelles, ouvrant ainsi la voie aux opérations de maintien de la paix

de l’ONU. Cependant, l’Accord de paix du Darfour, signé par

Khartoum le 5 mai 2006 avec l’une des factions rebelles les plus

importantes, fut rejeté par d’autres groupes rebelles, et par consé-

quent par Khartoum à son tour. Le vote de la RPC au Conseil de

sécurité de l’ONU en fut infl uencé.

Beijing accueillit favorablement l’accord du 16 mai 2006 qui

prévoyait de démettre l’Union africaine (AMIS) de sa mission de

maintien de la paix au Darfour pour la confi er, avant janvier 2007,

au Conseil de sécurité de l’ONU (l’AMIS, dont les 7 000 soldats

n’avaient pas réussi à arrêter les atrocités au Darfour et dont le

mandat devait expirer le 30 septembre 2006). Pourtant, bien qu’il

ait voté pour cette résolution, adoptée à l’unanimité, le délégué de

la RPC fi t part aussi des réserves de son pays. Il affi rma clairement

que « si les Nations Unies doivent mettre en place une opération de

maintien de la paix au Darfour, l’accord et la coopération du gou-

vernement soudanais doivent être obtenus. C’est un principe fon-

damental et une condition préalable au déploiement de toute force

de maintien de la paix » (résolution CSNU 1679). Beijing annonça

cependant qu’il enverrait une unité de 275 ingénieurs pour rejoindre

la Force de maintien de la paix menée par l’ONU au Darfour.

Se fondant sur cet accord, le 31 août 2006, le Conseil de

sécurité de l’ONU a autorisé le déploiement au Darfour d’une force

à la hauteur de 173 000 soldats (et jusqu’à 3 300 policiers en civil)

et a « invité le gouvernement soudanais à consentir [...] à ce

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déploiement ». Bien que Wang Guangya, le représentant de la

Chine, soutînt le déploiement, il insista sur le fait que le « consen-

tement du gouvernement soudanais » devait être obtenu avant le

vote et explicitement contenu dans la résolution. Ces deux amen-

dements rejetés, la Chine s’abstint. Le Soudan s’opposa avec véhé-

mence au déploiement de la Force de paix au Darfour, la qualifi ant

de « parfaitement inacceptable ». « Sous sa forme votée, la résolu-

tion peut être interprétée comme autorisant les troupes de l’ONU à

entrer au Darfour, sans même le consentement du Soudan s’il y

a nécessité de mettre fi n au désastre humanitaire dans la région8. »

Entièrement conscient du désastre, le gouvernement chinois a

offert une aide de 40 millions de yuans (5,1 millions de dollars),

destinée à améliorer les conditions de vie et la situation globale au

Darfour — ainsi qu’un prêt de 100 millions de yuans, sans intérêt,

au gouvernement soudanais. Après la résolution de l’ONU, Beijing

commença, peut-être pour la première fois depuis longtemps, à

exercer des pressions sur Khartoum.

MOTIVATIONS

La politique de la Chine au Darfour ne fait pas seulement sens

dans le contexte du Soudan mais aussi en Chine. Certains ont noté

que la Chine se préoccupait du fait que la croisade menée par les

Etats-Unis contre la violation des Droits de l’homme au Soudan (et

ailleurs) pouvait être dirigée contre elle-même. Subissant déjà la

critique à ce propos, les Chinois savent comment y faire face, mais

ils restent toutefois toujours préoccupés de ses implications pour

leur propre souveraineté, unité nationale et intégrité territoriale. Il

est vrai que pour Beijing ces notions sont fondamentales. Durant sa

visite au Soudan, le président Hu Jintao a avancé quatre principes

pour régler le problème au Soudan ; le premier de tous exigeant le

« respect de la souveraineté du Soudan et son intégrité territoriale.

La résolution du problème du Darfour aidera au processus de

réconciliation entre les différents groupes ethniques du Soudan, à

la sauvegarde de son unité nationale, à la paix et à la stabilité régio-

nales ». Wen Xian, un senior editor au People’s Daily, a écrit que

« n’importe quel programme ou plan pour résoudre le problème du

8. AFP, 1er septembre 2006.

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Darfour, s’il n’est pas favorable au maintien de l’unité nationale

soudanaise, est destiné à le compliquer9 ». L’envoyé spécial chinois

au Soudan, Liu Guijin, a déclaré que « la Chine était catégori-

quement opposée à la balkanisation du Soudan10 ». Les Chinois

attendent du Soudan qu’il fasse la même chose que ce qu’ils

auraient fait dans la même situation : restaurer la stabilité à tout

prix.

C’est l’incapacité évidente du Soudan à le faire — ajoutée à la

pression internationale et au danger que cette dernière représente

pour ses propres intérêts économiques — qui a obligé Beijing à

essayer de contraindre Khartoum d’accepter le contingent de main-

tien de la paix au Darfour. Beijing a sans cesse répété que « la

situation a empiré depuis que certains pays occidentaux se sont

empressés d’internationaliser ce qui n’était qu’une affaire interne

au Soudan », et a ajouté que « le problème du Darfour ne se serait

pas intensifi é d’une telle manière, pourrait-on dire, sans l’interven-

tion de puissances extérieures, guidées par leurs propres inté-

rêts11 ». Un an plus tard, le Liberation Army Daily affi rmait que le

Darfour était « entièrement un problème interne au Soudan.

Pourtant, il a été rapidement ‘‘internationalisé’’, calomnieusement

envenimé et exagéré par des éléments séparatistes soudanais et des

forces hostiles à l’extérieur du pays12 ». Niant qu’il agissait sous la

pression américaine pour persuader le Soudan d’accepter une force

de maintien de la paix de l’ONU, Beijing lui-même — sans mani-

fester guère d’enthousiasme — a privilégié au bout du compte un

premier accord selon cette directive. Beijing n’est pas très satisfait

du rôle de Khartoum au Darfour. Xinhua a rapporté qu’un Antonov

du gouvernement soudanais avait bombardé deux villages au

Darfour le 29 décembre 2006 et que des atrocités commises par la

milice progouvernementale Janjawid ont été évoquées à l’occasion

par les médias chinois.

Etant donné son insistance, d’une part, sur le fait que la situa-

tion au Darfour était une affaire interne au Soudan et, d’autre part,

9. People’s Daily, 7 février 2007.

10. Interfax, 5 juillet 2007.

11. Renmin Ribao, 12 mai 2006.

12. Jiefangjun Bao, 9 mai 2007.

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le fait que les Etats-Unis et l’Occident faisaient pression pour qu’il

exerce son infl uence sur Khartoum, Beijing s’est montré peu dis-

posé à obliger Khartoum d’accepter les propositions de paix. Juste

avant la visite de Hu Jintao, les Chinois avaient tenté de faire quel-

ques allusions, avec précaution et délicatesse : « Nous espérons

que la position soudanaise pourra prendre en compte l’inquiétude

de la Communauté internationale. » Dans ses reportages à propos

de la rencontre entre Hu Jintao et Omar Al-Bachir, Xinhua men-

tionnait des discussions « franches », « directes » et « sincères »

— mots codés qui signifi ent des désaccords. Apparemment, Hu

Jintao a « recommandé » à Omar al-Bachir une Force de maintien

de la paix effi cace, nécessaire à l’instauration de la paix au

Darfour13. En avril 2007 l’assistant du ministre des Affaires étran-

gères de la RPC, Zhai Jun, diplomate d’expérience et envoyé spé-

cial au Soudan, « a joué un rôle crucial pour persuader le Soudan

d’accepter le plan pour la paix au Darfour [...] (Il) a communiqué

avec différentes parties à travers de nombreux réseaux pour réduire

les divergences14 ».

L’envoyé du Président américain au Soudan, Andrew Natsios,

a applaudi les efforts chinois au Soudan : « Nous avons désormais

des éléments qui prouvent que les mesures prises par la Chine sont

plus sévères qu’auparavant. C’est pourquoi je pense qu’il nous faut

encourager l’intervention chinoise au Darfour. Je crois aussi que la

Chine a pu être un facteur décisif qui a fait changer la position du

gouvernement soudanais, il y a deux jours, en ce qui concerne le

plan de Kofi Annan pour la paix. Nous avons la preuve que les

Chinois ont exercé des pressions en faveur du Darfour15. » La déci-

sion de la RPC de jouer « un rôle plus constructif » dans la résolu-

tion du problème au Darfour se révèle aussi dans la nomination, en

mai 2007, de l’ancien ambassadeur Liu Guijin — un diplomate

chevronné possédant une riche expérience de l’Afrique — comme

représentant spécial pour les Affaires africaines.

Conscient de l’intransigeance de Khartoum, Beijing a

exprimé publiquement son « souhait que le Soudan se montre plus

13. The Star, RSA, 13 février 2007.

14. Xinuha, 11-12 avril 2007.

15. Al-Jazirah Satellite Channel Television, 12 avril 2007.

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souple16 ». Louant le rôle de la Chine dans l’amélioration de la

situation au Darfour, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon,

a déclaré que, dans ce but, « le gouvernement chinois a toujours

fait les plus grands efforts17 ». Effectivement, après sa visite au

Soudan, Liu Guijin a déclaré que, bien que Beijing n’ait pas cri-

tiqué le Soudan publiquement, « à notre propre manière et au tra-

vers de nombreux réseaux, nous avons essayé de recommander au

gouvernement soudanais de se montrer plus fl exible [...] A propos

de certains problèmes même, comme (le fait ou non) d’accepter

le plan Annan (pour une Force de maintien de la paix Union

africaine-ONU), nous leur avons parlé très franchement pour les

convaincre18 ». Plus diplomatiquement, le ministère des Affaires

étrangères de la RPC indiquait que les Chinois avaient fait des

efforts « très positifs » et « constructifs » pour résoudre pacifi -

quement le problème du Darfour. Il a ajouté que la Chine « avait

travaillé » le gouvernement soudanais, avec des visites mutuelles

de haut niveau, la dépêche d’envoyés spéciaux, des appels télépho-

niques et une correspondance entre les deux parties. Ces « efforts

énormes » des Chinois, quoique forcés, sont un exemple rare de

médiation, une dimension que Beijing a toujours essayé d’éviter

dans le passé. Comme le dit Liu Guijin, la Chine insiste sur l’utili-

sation de « l’infl uence sans l’ingérence19 ». Le président du Soudan

a nié que Hu Jintao ait mis la pression sur le Soudan pour accepter

la Force de maintien de la paix de l’ONU au Darfour20, ce que

Khartoum a fi nalement accepté.

Beijing s’est toujours prononcé contre l’utilisation de menaces

pour obliger le Soudan à accepter une Force de maintien de la paix

au Darfour, ou bien pour choisir telle ou telle solution. « Exercer

des pressions ou imposer des sanctions ne fera que compliquer le

problème. » Pour illustrer la position de la Chine, Liu a dit :

« Laissons les Chinois manger avec leurs baguettes, les Améri-

cains avec un couteau et une fourchette, et les Soudanais avec leurs

16. Chinese Foreign Ministry website, 24 mai 2007.

17. Xinhua, 1er juin 2007.

18. AFP, 19 juin 2007 ; Financial Times.

19. China Daily, 27 juillet 2007.

20. Sudan Media Center, 6 février 2007.

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mains. L’important c’est que tous mangent quelque chose, et s’ils

ont mangé quelque chose, alors le but le plus important est atteint :

que tous soient rassasiés21. » En effet, bien qu’elle se soit abstenue

dans tous les votes du Conseil de sécurité de l’ONU pour des sanc-

tions contre le Soudan, la Chine, en même temps, n’a jamais utilisé

son droit de veto pour le protéger — en dépit de toutes les alléga-

tions — et elle est restée très prudente et économe de son droit de

veto depuis qu’elle a rejoint l’ONU. Par conséquent, les allégations

selon lesquelles Beijing approuve, soutient ou à tout le moins ferme

les yeux sur la politique du Soudan au Darfour à cause de ses inté-

rêts économiques, et particulièrement pétroliers, sont trompeuses.

Bien qu’indubitablement important pour la Chine, le Soudan n’est

d’aucune manière indispensable — et ne représente pas nécessaire-

ment un investissement à long terme. Les réserves avérées du

Soudan en pétrole ne représentent que 2 % de celles de l’Arabie

saoudite, qui a déjà promis à la Chine de lui fournir seule — s’il le

faut — tout le pétrole dont elle aurait besoin. Ainsi, si l’on consi-

dère le montant relatif des intérêts économiques de la Chine au

Soudan, cette dernière pourrait facilement survivre sans le Soudan

— si les choses empiraient. En d’autres termes, tout ceci ne peut

être au mieux qu’une explication partielle des raisons pour les-

quelles la Chine protège le Soudan. En vérité, la Chine n’avait pas

vraiment le choix.

Sans aucun doute conscient de la mauvaise odeur de ses rela-

tions pétrolières avec Khartoum, Beijing a déclaré avec franchise

que « les compagnies pétrolières chinoises ciblent la plupart du

temps les pays avec lesquels les compagnies étrangères refusent de

travailler, comme l’Irak, le Venezuela et l’Iran, parce qu’il leur est

trop diffi cile de se mesurer aux grandes compagnies pétrolières

occidentales22 ». Liu Guijin a répondu ainsi à ceux qui accusaient

la Chine, en disant que le forage de puits de pétrole et la coopéra-

tion énergétique étaient des activités économiques normales qui

n’avaient d’aucune façon à être « politisées » ou « montées en

épingle ». Il a répété que les deux parties avaient coopéré de

manière transparente, bénéfi ciaire pour les deux et non exclusive,

en insistant sur le fait que les racines du problème au Darfour

étaient la pauvreté et le manque de développement, et que s’atta-

21. Interfax, 5 juillet 2007.

22. Renmin Ribao, 15 septembre 2006.

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quer à ces défi s allait résoudre le problème du Darfour « une fois

pour toutes ». Il s’est plaint du fait que, quand bien même d’autres

compagnies étaient « encore plus » actives au Soudan, c’était tou-

jours la CNPC que l’on pointait du doigt. « C’est injuste23. » De

fait, de nombreuses autres compagnies, certaines occidentales, tra-

vaillent au Soudan non seulement dans le domaine énergétique,

mais encore dans la construction et les communications. Parmi

elles, par exemple, Lundin (Suède), ONGC (Inde), TotalFinaElf

(France), White Nile (Royaume-Uni), ABB (Suisse), Alstom

(France), Siemens (Allemagne), Ericsson (Suède), PECD Berhad

(Malaisie), Petronas (Malaisie), Lahmeyer (Allemagne), etc., dont

certaines sont des partenaires commerciaux de la Chine, mais qui

sont rarement mentionnées publiquement.

*

Dans leur politique au Darfour, les Chinois sont sur la corde

raide. D’une part, ils doivent être dégoûtés par les atrocités qui y

sont commises et ont conscience de l’implication de Khartoum

dans au moins quelques-unes. D’autre part, ils sont également

conscients du droit souverain du Soudan de régler ses affaires

internes, ou encore de celui de donner son accord à toute interven-

tion internationale. En même temps, comme membre permanent

du Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine a ses propres responsa-

bilités et ses intérêts pour parvenir à la paix et à la stabilité — mais

elle ne veut pas être associée à l’Occident, et encore moins aux

Etats-Unis. C’est probablement la raison principale pour Beijing

de soutenir Khartoum. Il est diffi cile de discuter un sentiment de

menace, mais la Chine se sent menacée. « Au Soudan, la Chine a

des projets énergétiques situés loin du Darfour. Mais certaines per-

sonnes aux Etats-Unis ont accolé avec insistance la Chine à la crise

humanitaire au Darfour. »

Les Chinois éprouvent du ressentiment à l’égard des tentatives

américaines qui visent à les intimider pour qu’ils cessent de sou-

tenir Khartoum. Le représentant démocrate américain, Tom Lantos,

avait averti que « si la Chine échoue à faire sa part, elle risque de

devenir pour toujours l’hôte des ‘‘Olympiades du génocide’’ ». Les

Chinois ont rejeté fermement la désapprobation américaine comme

23. Xinhua, 29 mai 2007.

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toute tentative d’établir un lien entre Jeux olympiques et politique.

Le 5 juin 2007, la Chambre des représentants américaine a adopté

une résolution sur la crise du Darfour au Soudan qui impliquait la

Chine. Le ministre des Affaires étrangères de la RPC s’est plaint

du fait que cette résolution ignorait les efforts constructifs de la

Chine pour résoudre le problème du Darfour et qu’elle critiquait

délibérément son pays :

« Pour une question de politique intérieure, quelques Améri-

cains ont attisé le problème du Darfour et ont délibérément attaqué

la Chine. Ils ont des arrière-pensées et leurs attaques sont injusti-

fi ées. Les délibérations et l’adoption de cette résolution par la

Chambre des représentants ont envoyé un message sérieusement

erroné au monde, au détriment de la coopération sino-américaine

sur le problème du Darfour, et qui n’aidera pas à résoudre celui-ci.

La Chine exhorte vivement le Congrès américain à considérer

objectivement et impartialement le rôle constructif de la Chine

dans le problème du Darfour, en mettant fi n immédiatement à son

action erronée d’attisement politique du problème au Darfour et

de critique injustifi ée de la Chine24. »

Beaucoup sont convaincus, au Moyen-Orient, en Afrique et

aussi au Soudan, que la raison principale de l’insistance des Etats-

Unis pour appliquer des sanctions au Soudan est celle d’affaiblir le

régime, afi n d’éliminer l’infl uence chinoise et d’endiguer ainsi la

pénétration chinoise en Afrique. Mais si les Etats-Unis continuent

à refuser des relations économiques avec le Soudan, ils seront les

grands perdants25. Finalement, les critiques dirigées contre la Chine

quant à sa politique, au Soudan en général et au Darfour en particu-

lier, ont été contre productives. Elles n’ont fait que souligner le rôle

de la RPC, celui d’une puissance montante en politique internatio-

nale qui parvient à poursuivre sa propre politique, en accord avec

ses propres priorités, défi ant Washington, les autres capitales occi-

dentales, ainsi que les ONG des Droits de l’homme. En défi nitive,

et de la même façon qu’en Corée du Nord, Washington a dû

admettre que la Chine était un acteur indispensable dans la paci-

fi cation du Soudan. Et, en effet, le 26 mai 2009, la Chine et les

24. Xinhua, 7 juin 2007.

25. Ali Muniib of the Eastern Sudan Front, Khartoum Monitor,

8 juin 2007.

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LES TEMPS MODERNES72

Etats-Unis se sont mis d’accord pour continuer à maintenir la

communication et l’échange d’informations sur le Darfour, dans

un effort pour promouvoir le règlement du problème, le plus rapi-

dement possible26.

Yitzhak Shichor

Traduit de l’anglais par Jasmine et Elie Getz

26. Xinhuanet, 26 mai 2009.

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