incidence de la réalimentation artificielle de nappe sur la qualité de la ressource

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HYDROTOP 94 - Texte Detay et al. - 1 - HYDROTOP 94 (12-15 AVRIL 1994) Marseille - FRANCE COLLOQUE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE INTERNATIONAL “Mieux gérer l’Eau” Incidence de la réalimentation artificielle de nappe sur la qualité de la ressource M. DETAY (*) - N. DUMOUTIER (**) - H. HAEFFNER (*) - V. VIGNIER (**) (*) Lyonnaise des Eaux - Dumez, Direction Régionale Parisienne Ouest, BP 52 - 78210 Le Pecq - France — (**) Centre International de Recherche sur l’eau et l’Environnement (CIRSEE), 38 rue du Président Wilson, 78230 Le Pecq - France Résumé La réalimentation artificielle de nappe (RAN) permet d’équilibrer le bilan des flux d’un aquifère en compensant les prélèvements du champ captant en exploitation par des apports complémentaires « artificiels ». La réalimentation artificielle peut être considérée comme un fait de l’homme ayant pour objectif la gestion rationnelle d’un réservoir naturel. Cette présentation aborde divers aspects de l’influence de la réalimentation artificielle par bassins d’infiltration sur la qualité de l’eau de l’aquifère. Les résultats obtenus sont quantitatifs (vitesses d’infiltration, volumes infiltrés, modélisation hydrodynamique, etc.), qualitatifs (cycle de l’azote, élimination des parasites Giardia et cryptosporidium, etc.), temporels (évolution de la surface piézométrique et politique de réalimentation) et économiques. Les conclusions portent sur l’influence quantitative et qualitative de la réalimentation artificielle et sur l’incidence de ces techniques sur le traitement de l’eau brute et de l’eau potable. Abstract Artificial aquifer recharge techniques can be used to balance net flows in the aquifer by "artificially" adding water to compensate for take-off from a catchment basin. Artificial recharge is part of a broader approach to rational management of natural water resources. The presentation describes several approaches to the problem of assessing the impact of artificial recharge using infiltration basins on the "natural" quality of the aquifer. Results are quantitative (infiltration speeds, transfers of mass and pressure, recharge volumes, hydrodynamic modelling, etc.), qualitative (nitrogen cycle, elimination of Giardia and cryptosporidium, etc.), temporal (development of piezometric surface and recharge policy) and financial. Conclusions cover the quantitative and qualitative effects of artificial aquifer recharge and the consequences of these techniques on raw water and drinking water treatment requirements.

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HYDROTOP 94 - Texte Detay et al. - 1 -

HYDROTOP 94 (12-15 AVRIL 1994)Marseille - FRANCE

COLLOQUE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE INTERNATIONAL“Mieux gérer l’Eau”

Incidence de la réalimentation artificielle de nappe sur la qualité de laressource

M. DETAY (*) - N. DUMOUTIER (**) - H. HAEFFNER (*) - V. VIGNIER (**)

(*) Lyonnaise des Eaux - Dumez, Direction Régionale Parisienne Ouest, BP 52 - 78210 Le Pecq - France — (**)Centre International de Recherche sur l’eau et l’Environnement (CIRSEE), 38 rue du Président Wilson, 78230Le Pecq - France

Résumé

La réalimentation artificielle de nappe (RAN) permet d’équilibrer le bilan des flux d’un aquifère encompensant les prélèvements du champ captant en exploitation par des apports complémentaires« artificiels ». La réalimentation artificielle peut être considérée comme un fait de l’homme ayant pourobjectif la gestion rationnelle d’un réservoir naturel.

Cette présentation aborde divers aspects de l’influence de la réalimentation artificielle par bassinsd’infiltration sur la qualité de l’eau de l’aquifère.

Les résultats obtenus sont quantitatifs (vitesses d’infiltration, volumes infiltrés, modélisationhydrodynamique, etc.), qualitatifs (cycle de l’azote, élimination des parasites Giardia et cryptosporidium,etc.), temporels (évolution de la surface piézométrique et politique de réalimentation) et économiques.Les conclusions portent sur l’influence quantitative et qualitative de la réalimentation artificielle et surl’incidence de ces techniques sur le traitement de l’eau brute et de l’eau potable.

Abstract

Artificial aquifer recharge techniques can be used to balance net flows in the aquifer by "artificially"adding water to compensate for take-off from a catchment basin. Artificial recharge is part of a broaderapproach to rational management of natural water resources.

The presentation describes several approaches to the problem of assessing the impact of artificialrecharge using infiltration basins on the "natural" quality of the aquifer.

Results are quantitative (infiltration speeds, transfers of mass and pressure, recharge volumes,hydrodynamic modelling, etc.), qualitative (nitrogen cycle, elimination of Giardia and cryptosporidium,etc.), temporal (development of piezometric surface and recharge policy) and financial. Conclusions coverthe quantitative and qualitative effects of artificial aquifer recharge and the consequences of thesetechniques on raw water and drinking water treatment requirements.

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1 - LA PROBLEMATIQUE

La gestion rationnelle d’un réservoir souterrain est un souci constant pour le distributeur d’eau chargéde son exploitation. Le volume d’eau exploitable est fonction de l’alimentation naturelle du réservoir quiest par essence limitée. Pour accroître le volume exploitable, ou retrouver le débit originel, il est possiblede faire appel à la RAN.

La réalisation et le dimensionnement d'un dispositif de RAN doit s'appuyer sur deux types de critèresessentiels : quantitatif et qualitatif. L’aspect quantitatif est facilement appréhendable grâce auxcaractéristiques hydrodynamiques de l’aquifère et aux modèles hydrogéologiques ; il est cependantdifficile à gérer dans la réalité car il pose de nombreux problèmes techniques d’exploitation (colmatage,entretien, coût, etc.). L’aspect qualitatif reste aujourd’hui très peu connu et mal quantifié.

Aujourd’hui, si la réalimentation artificielle est relativement bien connue sur le plan quantitatif, sonimpact sur la qualité de l’eau de l’aquifère reste mal quantifié. En qualité de gestionnaire des deux plusgros champs captants de la région parisienne (Croissy-sur-Seine 300 000 m3/j et Flins-Aubergenville150 000 m3/j), Lyonnaise des Eaux-Dumez (LED) a engagé un vaste programme de recherche visant àquantifier l’impact d’une politique de RAN. Les auteurs dégagent les principaux résultats de cetterecherche à travers la présentation de la problématique et des solutions retenues sur le site de Flins-Aubergenville.

2 - PRESENTATION DU SITE D’ETUDE

En zone Seine-aval, à Aubergenville, LED exploite en rive gauche de la Seine, depuis plus de 30 ans,un ensemble de forages qui captent l'aquifère de la craie sénonienne. La nappe phréatique circule dans unensemble craie-alluvions. Elle est en communication hydraulique avec le fleuve. Les prélèvements deLED sont de l'ordre de 45 Mm3/an. Le champ captant s’étend sur environ 8 km de long et 3 km de large,il comporte 35 forages.

Usine d'Aubergenville

La Seine

La Mauldre

Autoroute A 13SNCF

SNCF

SNCF

AubergenvilleMézière surSeine

Epône

Elisabethville

GargenvilleLes Mureaux

SNCF

Réalimentation actuelle (S1 à S6)

La SeineForage

Zone d e développemen tde la réal imentation

B

P B

C

forage C10

for age B5

Figure 1 — Plan de situation

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2.1 - Cadre hydrogéologique et mécanismes mis en jeu

Les formations aquifères sont au nombre de deux :— La craie sénonienne, très perméable dans les vallées et dans les parties supérieures de la

formation. Elle devient compacte et très peu perméable à partir de 30 - 40 m de profondeur etsous recouvrement épais. De part et d'autre de la vallée de la Seine, la craie devient unaquiclude, se trouvant sous couverture tertiaire (Montien, Sparnacien).

— Les alluvions, anciennes et récentes, déposées par la Seine (sables et graviers) qui recouvrentla craie sur une épaisseur de 5 à 15 m.

En terme de flux on distingue les entrées :— apports de la Seine, à travers les dépôts du fond du lit du fleuve, provoquant de fortes pertes

de charge entre le niveau de la Seine et les niveaux piézométriques du champ captant,— les apports latéraux sur les flancs des vallées,— les apports dus à l'infiltration de la pluie sur l'aquifère,— les apports éventuels en amont en aval du domaine d'étude,— la recharge artificielle de la nappe,

et les sorties :— les écoulements souterrains à l'aval du système aquifère étudié,— les prélèvements par forages.

2.2 - Les filières de traitement actuelles

Comme à Croissy-sur-Seine (78), on retrouve deux filières spécifiques de traitement : une dédiée à laRAN ; l’autre liée à l’eau potable.

Les installations de RAN débutent par une installation de prélèvement en Seine composée d’untamisage et d’un microtamisage suivi d’une chloration et d’un refoulement jusqu’à une usine detraitement. Cette dernière est composée d’un décanteur d’une capacité de 36 000 m3/j. Le traitement estassez classique avec coagulation-floculation grâce à des polymères d’aluminium. Du charbon actif enpoudre est également injecté de manière à traiter les pesticides. L’eau décantée va ensuite rejoindre desbassins de RAN. Ceux-ci sont au nombre de 6 de 6 000 m2 chacun (sablières S1 à S6) et d’un septièmede 15 ha. Une "couche filtrante" constituée de 50 cm de sables a été mise en place dans le fond dessablières. La capacité unitaire d'infiltration est de l'ordre de 0,4 à 1 m/j avec une hauteur d'eau de 2 m.

Le traitement de l’eau potable débute par les forages et suit une filière comportant : floculation-décantation, aération, nitrification, ozone-peroxyde d’hydrogène et, enfin, chloration. La capacité del’usine est de 150 000 m3/j.

3 - METHODE D’ETUDE ET PROGRAMME DE RECHERCHE

Le champ captant de Flins-Aubergenville a fait l’objet de nombreuses études et est très bien connu.Plusieurs modélisations hydrodynamiques et hydrodispersives ont été réalisées [DETAY M., et al.,1992]. Cependant de nouveaux développements informatiques ont été nécessaires de manière àappréhender l’impact d’une politique de RAN sur les plans quantitatifs et qualitatifs [HAEFFNER H.,1993].

3.1 - L’aspect quantitatif

Le modèle hydrodynamique et hydrodispersif utilisé allie la convivialité d’un système d’informationgéographique (GEO) à celle d’un puissant simulateur (LAB). Pour les besoins de l’étude le calage a étéeffectué sur la période 1985 à 1993.

Trois sites potentiels de réalimentation ont été considérés. Ces sites sont désignés par les lettres (B,P, C), faisant référence au groupe de forages le plus proche (cf. figure 1).

Une situation de référence correspondant aux années 1989-1992 a été calculée. Plusieurs stratégies deRAN ont ensuite été testées en imposant un débit de RAN plus important. Un programme auxiliaire a étédéveloppé de manière à visualiser la remontée de la nappe en fonction des politiques de RAN.L’évolution de la réserve est également calculée.

Les sites étant identifiés nous avons procédé à une approche de la capacité d'infiltration. Cettedernière est fonction de deux phénomènes : le colmatage des bassins et le "contrôle potentiel" ; le plusrestrictif des deux est le facteur limitant.

Une étude d'optimisation du procédé d'infiltration a été menée. Elle a pour but d'identifier les causesde colmatage des bassins et de définir une politique de maintenance qualitative et quantitative. En effet,l'adaptation d'un projet d'aménagement aux conditions hydrogéologiques du site n'est qu'un préalable : il

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reste à étudier le colmatage, les moyens de le limiter, et toutes les conséquences sur l'entretien, dont lesincidences financières pèsent sur la rentabilité de l'exploitation. Le colmatage des bassins résulteprincipalement de la prolifération des algues, du dépôt de matières en suspension et des actionsbactériennes sur les terrains. Bien que la technique de réalimentation par bassin soit assez répandue, sansdoute en raison de l'apparente simplicité du procédé, son emploi, examiné de près, est fort complexe, dèsque l'on cherche à se placer dans des conditions d'exploitation optimal. Sur le site de Flins-Aubergenvillel'étude expérimentale a mis en évidence une origine complexe du colmatage où cependant prévalait le côtébiologique.

0,00

0,20

0,40

0,60

0,80

1,00

1,20

1 5 10 15 20 25 30

(m/j)

t (semaines)

BA

C

D

Figure 2 — Réalimentation moyenne de la nappe d’Aubergenville dans le temps. Sablières 4, 5, 6,année 1990, infiltration en m/jour.

Les limites de l'infiltration dues au colmatage sont très variables. En effet, les vitesses d'infiltrationmaximales peuvent atteindre plus de 1m/j dans certains cas favorables et peuvent être inférieures à 3 cm/jdans le cas d'un fort colmatage. L’analyse des données quantitatives de réalimentation a permis de mettreen évidence la courbe débit infiltré en fonction du temps. Par tradition d’exploitation cette courbe estprésentée en mètres d’infiltration par jour.

La courbe réalimentation de la nappe dans le temps (cf. figure 2) montre quatre phases :

— Phase A : gonflement des colloïdes du sol par premier contact avec l’eau,

— Phase B : dissolution progressive des bulles d’air (dégazage),

— Phase C : formation d’un voile bactérien (utile à l’épuration biologique),

— Phase D : asphyxie progressive du fond du bassin avec comme point final théorique uncolmatage complet. Cette phase est très progressive et peut être facilement représentée par une régressionlinéaire simple.

Le "contrôle potentiel" intervient lorsque la nappe remonte jusqu'au bassin (absence de milieu non-saturé sous les bassins). La capacité d'infiltration est alors à son maximum et se trouve sous le contrôlede la transmissivité locale de l'aquifère. Il est apparu que la zone insaturée jouait un rôle important dansl'épuration et il convient de la conserver. Il est nécessaire de rester en deçà de la limite imposée par le"contrôle potentiel".

3.2 - Le programme d'étude qualitative

L'étude qualitative poursuit essentiellement trois buts :— appréhender l'influence d’une politique de RAN sur la qualité de l'eau de l'aquifère ;

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— développer, à terme, un outil de gestion prévisionnelle de la qualité de l'eau brute, forage parforage et groupe de forages par groupe de forages, pour assurer notamment une qualitéconstante à l'entrée de la chaîne de traitement d'eau potable ;

— disposer d’un système d’optimisation qui intègre les aspects spatio-temporels, quantitatifs,financiers, et qualitatifs.

Pour appréhender correctement l’influence de la RAN, l'étude qualitative a débuté par un bilancomplet physicochimique, organique, et bactériologique (120 paramètres) sur plusieurs forages, réaliséaprès arrêt de la RAN pendant six mois. Ce premier bilan permet de disposer d’un état initial exhaustifexhaustif caractéristique de l’aquifère dans son état “non-influencé”. Une étude physico-chimique aconsisté en une campagne d'analyses hebdomadaires où 11 paramètres ont été suivis sur 11 points deprélèvements (8 forages situés à des distances différentes des dispositifs de RAN et 3 points de la filièrede traitement d'eau de Seine). La liste des paramètres étudiés est la suivante : conductivité, pH, titrehydrotimétrique, calcium, magnésium, chlorures, sulfates, nitrates, nitrites, ammonium, carboneorganique total. Les paramètres les plus significatifs pour la qualité de l'eau sont les formes minérales del'azote et le carbone organique total. Une étude parasitologique a été réalisée en parallèle. Elle a portéessentiellement sur les formes enkystées de giardia et cryptosporidium. Ces parasites sont desprotozoaires flagellés très largement répandus dans le règne animal. Ils sont présents en permanence dansles eaux usées. Ils seraient responsables de la majorité des gastro-entérites dues à l'eau potable d’où lanécessité de vérifier que la RAN n’en introduit pas dans l’aquifère. Enfin, le dernier axe de recherche de1993 a porté sur les micropolluants organiques (pesticides) et minéraux (métaux lourds).

L’objectif visant à disposer d’un outil de gestion prévisionnel de la qualité de l’eau dans le milieunaturel nous a amené à spécifier de nouveaux développements informatiques en terme de cinétique dedivers éléments et de leurs interactions. Enfin, l’objectif final visant à disposer d’un systèmed’optimisation a permis de prendre en compte dès le départ l’ensemble des contraintes susceptiblesd’influencer le système : conditions aux limites qualitatives dans les transferts Seine-nappe et dans laRAN, système d’information géographique, origine des eaux, évolution temporelle de la qualité(cinétiques des différents éléments), coûts associés, etc.

4 - LES RESULTATS ET PERSPECTIVES

4.1 - Résultats quantitatifs

Les premières simulations ont montré que les sites les plus éloignés de la Seine sont les plusefficaces, en effet ils permettent une remontée de la nappe plus importante pour les mêmes débits deRAN (cf. Tableau 1).

Tableau 1 — Augmentation de la réserve pour une réalimentation constante.

Site de réalimentation

(Débit 500 m3/h)

Augmentation de la réserve (Mm3)

C 1,27

B 1,68

P 1,58

L’étude de la figure 2 montre que l’alimentation est maximum pendant les phases A, B et C. Unetechnique a consisté à n’utiliser que ces trois premières phases puis à laisser le bassin au repos pendantun certain temps (2 à 3 semaines) puis à remettre le bassin en eau. Le temps d’arrêt permet d’éliminer lavie bactérienne qui s’était développée en phase C. A la remise en eau on se retrouve dans les conditionsinitiales et ainsi de suite (cf. figure 3).

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0 50 100 150 200

1

2

3

Temps en jours

Infiltration en m/j

Périodesèche

Figure 3 — Exemple d’optimisation du cycle d’infiltration.

La diminution des matières en suspension dans l'eau traitée pour la RAN, l'entretien régulier desbassins et l'utilisation de grandes superficies permettent de repousser suffisamment les limitesd'infiltration dues au colmatage.

0

200 000

400 000

600 000

800 000

1 000 000

1 200 000

1 400 000

1 600 000

1 5 10 15 20 25 30Temps (semaines)

Infiltration cumulée en m3

Réalimentationsans arrêts

Hypothèse 15 j d'arrêt

Hypothèse 3 semaines d'arrêt

Figure 4 — Hypothèses de gestion temporelle des sablières.

Les limites imposées par le "contrôle potentiel" varient entre 1 400 m3/h et 2 500 m3/h pour chaquesite. Il ressort des études menées que le développement de plusieurs sites répartis sur l'ensemble duchamp captant est nécessaire pour un développement efficace et une meilleure répartition de la RAN. Lecouplage colmatage-contrôle potentiel permet d'évaluer les limites imposées et les surfaces nécessairespour les bassins. Ces données sont synthétisées dans le tableau 2.

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Tableau 2 — Limites d'infiltration imposées à chaque site.

Site B

(m3/h)

P

(m3/h)

C

(m3/h)

Limite théorique d'infiltration

due au contrôle potentiel. 2 500 1 400 1 500

Limite théorique d'infiltration

due au colmatage (m3/h)

min. : 1 300

max. : > 2 000

min. : 500

max. : 2000

830

(par ha)

surface des bassins 18 ha 12 ha 2 ha ?

vitesse maximale de filtration àobtenir (cm/jour)

S1 à S6 : 67

S8 : 24

28 180

Une stratégie d’optimisation quantitative du débit infiltré a pu être élaborée en alternant des phases deRAN d'environ 5 semaines avec une phase de repos d'environ 2 semaines (cf. figure 4).

4.2 - Résultats qualitatifs

Un développement du modèle hydrogéologique à été effectué pour connaître la provenance de l'eau,notamment pour l'eau brute de chaque forage. Ceci permet de connaître précisément les forages dont laqualité est affectée par la RAN et en quelles proportions. Les temps de parcours de l'eau dans l'aquifèresont également calculés. On observe notamment que l’eau du forage B5 provient surtout de la RANtandis que l’eau du forage C10 provient de l’infiltration sous la Seine.

Les résultats les plus significatifs de la première phase de l'étude qualitative concernent les formes del'azote (voir tableau 3). On observe en particulier une nitrification de l'ammoniaque en nitrate ainsi qu'unediminution de 25 % de la quantité totale d'azote au cours du processus de RAN (de la Seine au forage B5en passant par les sablières). La concentration en nitrates reste cependant nettement en dessous de lanorme de potabilité (50 mg/l).

Tableau 3 — Résultats de la campagne d’analyses minérales concernant les formes de l’azote

NH4 (µmol/l) 295 223 178 37 285NO2 (µmol/l) 13 79 73 0,8 0NO3 (µmol/l) 254 286 305 377 6N total (µmol/l) 562 589 556 415 291

NH4 (mg/l) 5,31 4,01 3,20 0,67 5,13NO2 (mg/l) 0,60 3,63 3,36 0,04 0NO3 (mg/l) 15,7 17,7 18,9 23,4 0,4

Cette modification de la qualité est tout à fait bénéfique puisque la filière d'obtention de l'eau potablenécessite d'éliminer l'ammoniaque par nitrification. Ce processus semble dû à une activité biologiquenitrifiante aérobie qui s'est naturellement développée dans la filière de traitement et dans les bassins. Onpeut observer que l’infiltration sous la Seine (forage C10) présente des caractéristiques radicalementdifférentes (milieu anaérobie) et moins favorables (présence d’ammonium)

La concentration en ammonium du forage B5 subit des variations temporelle corrélées avec le régimed’exploitation des sablières voisines. Lors de la mise en eau d’une sablière, on observe d’abord une phased’infiltration directe où l’ammonium peut s’infiltrer dans la nappe, puis après quelques semaines,l’ammonium ne s’infiltre plus. Ce phénomène semble lié au développement d’une activité biologiquenitrifiante car il est interrompu lors de l’assèchement des bassins.

Seine Eau décantée Sablière S6 forage B5 Forage C10

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Tableau 4 — Résultats de la campagne d’analyse parasitologique.

Volume Kyste Kyste

échantillonné Giardia Cryptosporidium

(l) (par m3) (par m3)

Seine 400 14 600 5 200

Sablière 6 659 220 45

Sablière 8 521 30 60

Forage P1 1 167 < LD < LD

Forage B5 956 < LD < LD

Forage B1 718 < LD < LD

La limite de détection (LD) se situe entre 0,012 et 0,015 kystes par litre.

Les analyses parasitologiques (giardia et cryptosporidium) ont révélé un abattement supérieur à 98 %du nombre de parasites par litre entre la Seine et l'eau des bassins et aucun parasite n’a été détecté dansles forages (cf. Tableau 4).

En l’état des connaissances, les autres paramètres étudiés (chlorures, sulfates, calcium, magnésium) nemontrent aucune incidence notable de la RAN sur la qualité de l'eau de la nappe. D'autres étudescomplémentaires sont en cours.

4.3 - Perspectives

La réalimentation artificielle vise à un accroissement de la ressource et consiste à recharger la nappe dela craie pour compenser l'effet de la dépression piézométrique liée à l'exploitation intensive de l'aquifère.Ce procédé de "gestion rationnelle d'un réservoir naturel" permet de stocker dynamiquement desressources et de les réutiliser dans des conditions de régime et de qualité différente. Il s'agit d'optimiserles débits d'infiltration au cours de l'année en tenant compte de la capacité à faire face à une demandeexceptionnelle, du coût de l'exhaure, du coût de le RAN suivant la saison et le régime d'exploitation.

Une meilleure connaissance des processus intervenant sur la qualité de l'eau infiltrée a pour but deparvenir à gérer les bassins de réalimentation sur le plan qualitatif. Les phénomènes d'épuration naturelleet en particulier biologiques semblent être déterminants pour la qualité de l'eau. La maîtrise etl'utilisation à bon escient de l'activité biologique conduira à définir des règles d'exploitations efficacespour les bassins.

Les études présentées s’intègrent dans une démarche visant à disposer d’un outil de modélisationintégrant les aspects hydrodynamiques mais également qualitatifs et financiers.

5 - CONCLUSIONS

Les études quantitatives ont montré qu'il fallait développer plusieurs sites de réalimentation pouroptimiser la RAN sur le champ captant de Flins-Aubergenville. La gestion du rythme d’alternance, entreles périodes de submersion et les périodes de séchage et d’entretien, permettent d’obtenir un gain del’ordre de 40 % du débit infiltré sur une période de sept mois.

Les incidences de la RAN sur la qualité de l'eau de l’aquifère ont montré notamment unedénitrification importante ce qui est bénéfique pour la qualité de l’eau de l’aquifère. Les étudesparasitologiques ont également mis en évidence une élimination de 100 % des giardia et cryptosporidiumau cours du processus de RAN.

Tous ces travaux s'inscrivent dans la logique d'une politique de gestion des ressources en eau. Elle apour but, à travers une meilleure connaissance des aquifères, de définir des actions de maintenance, etd’élaborer des outils de gestion rationnelle du réservoir souterrain.

On perçoit bien, dans nos sociétés modernes, que le formidable enjeu représenté par la maîtrise del’eau, exige des réponses de plus en plus fines. L’eau souterraine est un élément essentiel de cet enjeu.Ceci souligne toute l’importance des travaux présentés ici dans cette rapide synthèse. Ils sont le résultatd’un savoir-faire considérable qu’il faudra encore accroître pour pouvoir demain posséder des outils à lahauteur de cet enjeu.

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