face a face autour de l’identité haïtienne

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Hervé Fanini-Lemoine FACE À FACE Autour de l'Identité Haïtienne Édition limitée Collection 2015-2016

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Hervé Fanini-Lemoine

FACE À FACE

Autour de l'Identité Haïtienne

Édition limitée Collection 2015-2016

FACE À FACE - Autour de l'Identité Haïtienne Cinquième édition Collection 2015-2016 ______________________________ 2009-2016 Copyright © ID 1-3Y5PQN Registre de Propriétés Intellectuelles, Copyright Office, District de Washington, États-Unis d’Amérique Hervé Fanini-Lemoine Tous droits réservés. Toute reproduction même partielle de cet essai sans le consentement de l'auteur constitue un délit contre les droits de la propriété intellectuelle. ISBN-13: 978-1478153757 ISBN-10: 147815375X KISKEYA PUBLISHING CO, MIAMI FLORIDA USA.

« Un peuple qui connaît son histoire, ses réalisations, son cheminement et sa participation dans l'évolution de l'histoire du monde acquiert la fierté de soi, et bénéficie d'un effet moral. Il pourra lui dire, voilà, nous étions dans l'histoire du monde et nous y serons encore.

Un peuple qui a perdu sa mémoire historique devient fragile et se désagrège. Seule la conscience historique lui permet de rester fort. »

Réflexion puisée du GRICH1.

1 Groupe de réflexion et de recherche sur l'identité culturelle haïtienne.

Un peuple qui ne connaît pas son passé, ses origines et sa culture ressemble à un arbre sans

racines.

Marcus Garvey

SYNOPSIS

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SYNOPSIS

FACE À FACE traite d’une analyse critique de la pensée haïtienne amalgamée dans l’idéologie

coloniale et ankylosée dans l’oubli de l’héritage ancestral. Des informations documentées y sont fournies afin d’aider le lecteur à en pénétrer la dynamique.

L’objectif est de dissiper les confusions qui ont été introduites dans la mémoire haïtienne depuis l’ère de la colonisation. Il est par conséquent plus que jamais important à saisir l’essence de cette idéologie qui aujourd’hui encore continue d'interdire l'émergence d’une vision haïtienne. Haïti la révoltée ! Culturellement parlant, elle semble encore représenter un défi ; un défi qui dérouta l’agenda de « l’Ordre mondial » de 17e et 18e siècles après la proclamation de son indépendance en 1804.

Pour plusieurs Africains qui s’étaient volontairement fait capturer par des esclavagistes, Haïti « Aïti » évoquait déjà un souvenir de la Terre mère. En dépit des conditions de vie infligées à ces captifs volontaires, ils ont quand même pu conserver un système complexe de croyances qui semble continuer à défier les fondements d’une idéologie oppressive.

Pour ces nouveaux captifs, la route vers les Terres de l’Ouest était-elle une aspiration à la Terre promise ? Terroir énigmatique, outragé par les schismes de la colonisation, la Terre d’Aïa semble s'être aujourd'hui engagée dans un tunnel de non-retour d'où ses enfants se doivent de la libérer pleinement, ou échouer lamentablement.

Après tant d'années d'intransigeances historiques, faut-il donc explorer maintenant l’éventualité que la présence des Européens en Amérique au 15e siècle ne fût pas due au hasard d'une simple dérive d’une route maritime initialement prévue ?

Les temps sont mûrs pour révéler que dans leur course au trésor, la couronne d’Espagne, la reine de Castille et le roi d'Aragon furent devancés par leurs contemporains portugais ; et bien avant ces derniers, romains, phéniciens, carthaginois, ont tous été à la recherche des Hespérides, « les îles d’avant » — (Antillia, en portugais).

Faudrait-il alors rappeler que la culture dominante d'aujourd'hui aux accents du viril divinisé qui semble avoir détourné le destin de l’humanité n’a pas toujours été au sommet des civilisations ? Et bien avant cette séquence patriarcale où le masculin « domine sur sa Création », une Déesse-reine omnipotente, symbolisant l’archétype des cultures anciennes, régnait à grande pompe dans ces cultures ; par exemple, elle était connue, au vieux pays de Sumer, la Mésopotamie d’aujourd’hui ; en Inde ; en Europe, et partout ailleurs. Ceci jusque vers l'an 3000 avant l’ère chrétienne lorsque le tout premier roi connut de la période classique de l'histoire de l'humanité détrôna sa mère pour la remplacer.

Ces données interpellent clairement ces historiens haïtiens qui ont répercuté la propagation des récits obscurs laissés par des idéologues coloniaux, contribuant ainsi à retarder considérablement l'éclosion et l’expression d’une pensée haïtienne.

Fort heureusement, grâce à la déclassification de certains documents et à leur publication, des informations longtemps restées à la portée d'un petit nombre de privilégiés au sein d’une fraternité, d’une société secrète ou d’une élite quelconque sont maintenant disponibles au grand public. Ce qui permet d'apprécier à sa juste valeur l’effort de ces

FACE À FACE – Autour de l’Identité Haïtienne

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scientistes, anthropologues et archéologues consciencieux qui ont mis à jour les enseigne-ments laissés par des cultures méconnues.

Ces éclaircissements qui sont maintenant à la portée de tous, permettront-ils à l'Haïtien d'aujourd'hui d'élever sa conscience pour concrétiser l’expérience d’une pensée haïtienne ? Se libérera-t-il des raisonnements qui l’ont trop longtemps soumis à la dictée occidentale ? Et s'il parvient finalement à se remettre de ses illusions, comprendra-t-il alors qu’il est détenteur d’un trésor inestimable ?

PRÉFACE

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PRÉFACE

Il était une fois une île nommée Ayiti, la mère des terres. Homère, Moro de St Mery et Francis Bacon, pour ne citer que ceux-là, ont manifesté un intérêt particulier pour cette île de la Caraïbe nommée Aïti, Kiskeya ou Boyo. Au seuil du vingt-et-unième siècle, des mystiques et des scientifiques pensent y trouver le Graal, cette coupe d’émeraude perdue depuis l’époque de Merlin l’enchanteur et des Chevaliers de la Table ronde. D’aucuns prétendent que les peuples du monde ont leur matrice sur les bords de cette île paressant languissamment à la limite des derniers vestiges de l’Atlantide.

Malgré son indépendance acquise en mettant en déroute la puissante armée de Napoléon Bonaparte, Haïti, Kiskeya ou Boyo voit ses fils victimes d’un embargo injuste faisant de cette terre la demeure de toutes les souffrances et de bien d’injustices. L’île est le creuset de tous les malentendus historiques porteurs du chaos des conquêtes éphémères et des défaites consciencieusement entretenues par des colporteurs de mystérieuses peurs enfouies loin dans le temps. Même la richesse artistique qu’alimente la sève des croisements culturels qui y foisonnent ne suffit point pour dévoiler au monde la dimension réelle de cette terre de toutes les passions et de tous les miracles. Il faudrait une enquête approfondie pour combattre l’ignorance de son peuple et les ténèbres que tisonnent les vecteurs d’acculturation. Quel audacieux courage est nécessaire pour mettre au jour les données scientifiques capables de dénoncer le silence qui depuis le 19e siècle occulte l’importance cosmologique, cosmogonique et philosophique de cette île d’Haïti !

Aujourd’hui, la fortune nous sourit, Hervé Fanini-Lemoine semble avoir entendu les suppliques de l’âme haïtienne, lasse des conflits déshumanisants et avides d’une reconstitution de son histoire de peuple hautement spiritualisé. « Face à Face », nous dit l’auteur, remonte jusqu'à la matrice sumérienne ; le livre nous amène dans les confins du passé oublié là où réside l’appellation de cette terre, Aïti, mère des terres, de toutes les terres. Les royaumes d’avant la conquête par les esclavagistes, l’Afrique précoloniale, les cultures mosaïques, les mystères d’Égypte, l’Islam, les origines des divinités et enfin les traditions et la philosophie vodoue dans leur désir profond de respect de la vie et de l’harmonisation de l’homme avec la nature nous sont présentés pour une compréhension de l’absurdité de certains conflits et ostracismes d’une société peu imbue de sa force identitaire.

« Face à Face » répond à cette attente. C’est une lourde tâche dont l’auteur s’est acquitté, sachant que rien n’est plus difficile que de faire une analyse critique de la pensée haïtienne, « amalgamée dans l’idéologie coloniale et ankylosée dans l’oubli de l’héritage ancestral ». Comment en serait-il autrement ? Hervé Fanini-Lemoine relève le défi : les jours anciens viennent nous visiter. Lumière est fait sur les questionnements identitaires des Haïtiens.

Dans un langage simple, l’auteur de « Face à Face » va débusquer du fond des âges les racines d’une culture de hautes vertus, hantées d’interdiction d’écriture par les colonialistes. Il va étayer la thèse de la substance des préjugés et des tabous d’un peuple, en franchissant sans parti pris, les périmètres des complots les plus sordides contre la reconnaissance et l’évolution d’une civilisation pérenne. Hervé Fanini-Lemoine prend tous les risques en transcrivant des informations essentielles avec des détails précis, dans une écriture accessible à tous. Une complicité immédiate s’établit entre le lecteur et le message du chercheur. Le

FACE À FACE – Autour de l’Identité Haïtienne

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respect de l’auteur pour la pensée haïtienne traverse cette histoire de l’humanité traitée dans la plus grande considération pour l’éthique. Dans un prodigieux tour de force, Hervé Fanini-Lemoine porte son lecteur à admettre les rapports entre mythologie, mysticisme et religion.

« Face à Face » est une invitation à visiter les racines haïtiennes dans leur fécondité et dans leurs richesses. Ce livre est une prodigieuse aventure offrant un contact permanent avec une curiosité de l’intellect mis à vif et traversé parfois par la honte de n’avoir pas su ou pas pu s’informer plus tôt. Les séquences du livre présentent, en effet, le plaisir de découvrir la grandeur et la présence de cette culture haïtienne chez bien des peuples héritiers de l’Afrique ; cette Afrique qui voit ses enfants se faire esclaves volontaires afin de venir visiter cette Ayiti, mère de toutes les terres, ce même chemin qui est encore suivi par les scientifiques de tous les continents. Le lecteur a le sentiment de franchir enfin les limites interdites de Kiskeya, l’île magique existant depuis plus de neuf mille ans.

Hervé Fanini-Lemoine comble les vœux de tous en dévoilant les pistes allant de La Plaine du Cul-de-sac, capitale de l’Atlantide jusqu’aux bords de l’île de Gorée, sans oublier le plaisir rare qu’il nous fait d’un livre digne de se trouver dans le cursus de toute université s’intéressant à la chose haïtienne. Documentation enrichissante, sobriété d’expression, recherches abouties, « Face à Face autour de l’Identité Haïtienne » est le document, comme l’a stipulé l’auteur, qui permet de se « remettre de ses illusions et de comprendre que l’on est détenteur d’un trésor inestimable ».

Respect !

Dr. Marie Alice Théard (IWA/AICA) Historienne de l’art

PRÉFACE

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« Ceux d'entre vous qui ont été présents ici en Haïti savent que c'est un des plus beaux pays du monde. Ce pays a tout. Il dispose de tout ce qui est possible au-dessus du sol et dans son sous-sol […] C'est un endroit merveilleux. Je recommande fortement, si vous en avez la chance, si vous n'y avez pas encore

été, que vous fassiez le voyage en Haïti. Je crois qu'une Reine d'Angleterre a dit qu'après sa mort « Calais » se trouverait écrit dans son cœur. Quand je mourrai, je crois qu’Haïti sera écrit dans mon

cœur ».

Franklin D. Roosevelt – 14 octobre 1943.

FACE À FACE – Autour de l’Identité Haïtienne

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PRÉAMBULE

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PRÉAMBULE Imprégné de fausses certitudes et de manque de foi, J’ai renié mes rêves et refoulé mes peurs. Acceptant sans contraintes la culture de surface Et l’idéologie de l’oppresseur, Je me crois invincible et je me crois tout-puissant, Jusqu’au jour où mes rêves et mes peurs Me rattrapent et me dévorent. Malade de désespérance, je m’accroche aux pensées, Aux pensées reçues d’une doctrine inconnue, Étrangère à ma culture et basée sur une croyance, Une croyance contraire à mes origines ancestrales. Je fais la sourde oreille. Pour ne pas entendre la voix, la voix de ma conscience. Je fais la sourde oreille ! Alors même que cette voix n’a d’autre but, Que de m’éveiller ! Rien que m’éveiller et me rendre la mémoire ! Mais je fais la sourde oreille. Je ne veux plus entendre. Je fais la sourde oreille. En revêtant les habits, les habits de l’oppresseur J’arrive à fonctionner ; et à merveille, je fonctionne. Je pense fonctionner ! M’effondrant ainsi dans un abîme de résignation, De désolation culturelle, à la dérive de ma personnalité J’arrive à fonctionner ! Je perds ainsi la connexion ; La connexion qui me lie à ma vraie valeur. Je perds la connexion. Avec toute sincérité, je ne me reconnais plus. Mais je vis malgré tout. Et, malgré moi, je vis, Hélas ! Je vis. Et, face à face autour de cette réalité, Qui suis-je donc ?

FACE À FACE – Autour de l’Identité Haïtienne

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« Il s'agit d'une thématique saisissante. Ce qui fait l'intérêt de la démarche obsessionnelle d’Hervé Fanini-Lemoine, c'est avant tout son intégrité. C'est avec un total dévouement qu'il aborde un sujet d'une

telle ampleur et d'une telle actualité récurrente. Servi par un prodigieux savoir, il reprend incontestablement le mode de réflexion critique du Dr Jean Price-Mars afin de secouer notre société de

névrosés et d'impotents (culturels) ? »

Pierre-Raymond Dumas, Ex-Ministre de la Culture et,

Éditeur-éditorialiste du journal Le Nouvelliste, Haïti.

INTRODUCTION

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INTRODUCTION

FACE À FACE traite d’une analyse critique de la pensée haïtienne amalgamée dans l’idéologie coloniale et ankylosée dans l’oubli de l’héritage ancestral. Des informations documentées y sont fournies afin d’aider le lecteur à pénétrer la dynamique de cette pensée. L’objectif est de dissiper les confusions qui ont été introduites dans la mémoire haïtienne depuis l’ère de la colonisation. Il est, par conséquent plus que jamais important d’en saisir l’essence qui aujourd’hui encore continue d'interdire l'émergence d’une vision haïtienne.

Avant la conquête de 1492, les habitants de l’île appelaient Haïti, Quisqueya qui semble signifier « Mère des terres ou Mère des îles ». Presque tous les livres scolaires ou classiques

traitants de l'histoire d’Haïti font plutôt référence à l'interprétation léguée par des auteurs et éditeurs coloniaux. Ils nous apprennent qu’Haïti signifie Terre montagneuse plutôt que Terre haute. C'est la définition des Taïnos/Arawak.

Dans leur langage (Arawak ou Guarani), Haïti (Aï-ti) s’écrit en deux mots : Aï –Ti. D’après André Chouraqui « Ayi » (aï) est dérivé de (Aya – Aïa, Hayah, Ya, Yaya ou Yahou) et

signifie :

« ce qui était, est, et sera ; créateur, protecteur et sauveur de sa création. […] ; être infini qui plane et vole, qui fait pleuvoir et lance les éclairs […] Ti, en taïno signifie : ce qui est élevé ; Haut ou Grand Esprit ».

Chouraqui a aussi signalé Haïti (Ayiti) comme étant l’Accomplissement de l’action !

La plupart des historiens haïtiens s'obstinent encore à considérer qu'il n’existe pas de différence entre ces deux appellations : « Terre montagneuse et Terre haute ».

À n'en point douter, ces données interpellent tous ces historiens qui continuent à répercuter la propagation des récits obscurs laissés par des idéologues coloniaux, contribuant ainsi à retarder considérablement l'éclosion et l’expression d’une pensée haïtienne.

L’histoire nous a appris qu’au moment du débarquement des envahisseurs espagnols,

l’île Quisqueya- Aïti, était répartie en cinq royaumes (Caciques) et que les indigènes vivaient de

la chasse et de la pêche. Samuel Eliot Morison et d’autres auteurs sur les îles de la Caraïbe ont toujours soutenu le fait que :

« Ces indigènes des îles étaient des gens de bien, paisibles et pacifiques ».

Il dit également que

« Les peuples des îles étaient des gens plutôt naïfs et prêts à donner toutes leurs possessions ».

FACE À FACE – Autour de l’Identité Haïtienne

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Christophe Colomb a lui aussi admis que les Taïnos étaient les gens les plus gentils, les plus paisibles et les plus généreux du monde.

N’étaient-ce la sauvagerie et l’avidité des Espagnols, ce peuple aurait eu une population bien plus nombreuse aujourd'hui. Malheureusement, pour encore citer Morison,

« … cette candeur et cette générosité de leur part ont excité les pires cupidités et brutalités chez l’Européen ».

Dans une requête adressée aux souverains d'Espagne, Las Casas fait également

mention de cette férocité en expliquant que : « Partout en Amérique où les Espagnols ont accosté, ils ont commis tous les crimes que nous avons déjà mentionnés […] »

Après tant d'années d'intransigeances historiques, faut-il donc explorer l’éventualité que la présence des Européens en Amérique au 15e siècle ne fût pas due au hasard d'une simple dérive d’une route maritime initialement prévue ? À cet égard, une hypothèse sera développée afin de révéler que dans leur course au trésor, la couronne d’Espagne, la reine de Castille et le roi d'Aragon furent devancés par leurs contemporains portugais ; et que bien avant eux, Romains, Phéniciens et Carthaginois ont tous été à la recherche des Hespérides, « les îles

d’avant » — (Antillia – ATL). En ce début du 21e siècle, les erreurs propageant l’idée que Christophe Colomb

découvrit l’Amérique en 1492 n'ont pas encore été corrigées. Les obscurantistes continuent à valider cette version afin de tenir occultes les buts réels de l'expédition de la couronne d’Espagne. L’argument qui sera présenté ici est destiné à éclairer le lecteur sur certains faits qui semblent avoir été délibérément cachés dans le but précis de les détourner de la vérité ; et comme l’a remarqué Collins :

« Ces tergiversations historiques ont permis de justifier l'aventure de Colomb ».

Au 15e siècle, l’Église Catholique donna ouvertement sa bénédiction au Portugal pour la

pratique de l’esclavage au Congo ; ceci, avec l’approbation du pape Calixte III. L’infant Henri le « Navigateur », fils du roi Jean 1er du Portugal, nommé gouverneur de l'Ordre des Chevaliers du Christ, reçut du Vatican les droits spirituels sur le littoral africain. Et en l’année 1454, le prince aurait obtenu l'approbation du pape pour traiter les habitants du Congo comme esclaves.

La partition et le pillage de l’Afrique ne sont point laissés au hasard. Comme l’explique Martin Bernal, vers les années 1680, l’idée que l’Africain était vu juste d'un chaînon au-dessus du singe, circulait déjà sans retenue dans le monde académique européen. Bien que Rousseau, dans Le Contrat Social, publié en 1762, ait clairement attaqué toutes les formes de

justification de l’esclavage, il n’a pu changer les idées d’une race supérieure de Montesquieu (de l'Esprit des Lois, 1748) ; idées largement adoptées en Europe, et qui mettaient en évidence

son hostilité raciste envers l’Asie et l’Afrique. Avant 1503, la majorité des ancêtres haïtiens ne vivaient pas en Haïti. Ils sont venus

d’ailleurs ; ils vivaient « lan Ginen » (Afrique occidentale.) Yvrose Gilles et le Docteur Jerry

INTRODUCTION

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Gilles décrivent la Guinée comme un territoire couvrant plus d’un tiers du continent africain, de la dimension des États-Unis d’Amérique et où l'on rencontre toutes les diversités ethniques et culturelles qui a contribué à la composition de l’Haïtien d’aujourd’hui.

Après le massacre génocidaire des Taïnos et des Caraïbes de l’île Quisqueya, des

hommes plus forts et plus robustes furent capturés dans la région guinéenne et vendus en Amérique afin de continuer les durs labeurs de la servitude. Et, c’est à ce moment du 16e siècle que le commerce d’humains comme esclaves commença dans le Nouveau Monde.

Comme l’explique M. Bernal,

« Il n’y a aucun doute que dès le 15e siècle des critères de diabolisation et d'infériorisation furent

attachés à la couleur de la peau ».

Pour ces nouveaux captifs, la route vers les « Terres de l’Ouest » était une aspiration à

la Terre promise !

« Ayiti — Notre pays, notre terre, la Terre qui dès à présent nous appartient [...] »

Ce slogan a été chanté par un groupe d’Africains qui, d’après le docteur Max Beauvoir,

s'étaient volontairement fait capturer par les esclavagistes pour le voyage du non-retour vers la terre d’Aïti, leur Terre promise.

Grâce à l’ingéniosité de Toussaint Louverture et à la ténacité de Jean-Jacques Dessalines et de ses généraux, ces nouveaux esclaves purent finalement briser les chaînes et contrarier l’expansion de la domination coloniale après la bataille de Vertières contre les troupes françaises de Napoléon, le 18 novembre 1803.

Lorimer Denis, professeur à la Faculté d’Ethnologie de l’Université d’État d’Haïti, vit en Dessalines un sauveur :

« Dessalines est le Christ d’Haïti […] Dessalines, comme le Christ représente le symbole de la liberté. Il est l’homme du Refus. Refus de sa condition d’esclave et de celle de ses concitoyens. Il est un rebelle, un vrai « Nèg Mawon » […] Farouche refus de l’inégalité sociale régnant alors à Saint-Domingue ».

Le professeur Leslie Manigat explique l’idéal dessalinien comme ce rêve de parfaite

réconciliation entre deux classes d’hommes nés pour s’aimer, s’entraider, se secourir et se mélanger :

« Noirs et Jaunes […], vous ne faites aujourd’hui qu’un seul tout, une seule famille ».

Et dépassant les clivages, il s’entoura de mulâtres instruits pour mettre en œuvre la

nouvelle direction, conclut-il.

N’étaient-ce la vision et la ténacité persévérante de ces révoltés, le monde serait fort probablement encore soumis à la servitude enchainée des colonisateurs. Pourtant, certains historiens haïtiens semblent appuyer l’idée que Dessalines était un tueur de « blancs » ; sans

FACE À FACE – Autour de l’Identité Haïtienne

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tenir compte du fait que Polonais et Allemands comme les Africains étaient devenus eux aussi citoyens haïtiens en Haïti, en référence à la révolution de 1791-1803.

Faudrait-il alors rappeler que la culture dominante d'aujourd'hui aux accents du viril divinisé qui semble avoir détourné le destin de l’humanité, n’a pas toujours été au sommet des civilisations ? Et bien avant cette séquence patriarcale où le masculin « domine sur sa Création », une Déesse omnipotente, symbolisant l’archétype des cultures anciennes, régnait aussi, dans le vieux pays de Sumer – la Mésopotamie d’aujourd’hui. Ceci jusqu'à l’an 3000 avant l’ère chrétienne lorsque son fils Gilgamesh la détrôna et devint le tout premier roi connut de la période classique de l'histoire de l'humanité.

On peut aisément en déduire que l'Histoire classique, enseignée dans les écoles

occidentales, n'est qu’une tranche récente de l’Histoire de l’Humanité. Françoise Gange décrit cette tranche historique comme :

« Une époque qui s’est imposée par la force, par-dessus une culture antérieure structurée autour, non pas d’un Dieu Père, mais d’une Mère divine omnipotente, qui impliquait la notion du féminin sacralisé comme le sera le viril devenu dominant ».

La civilisation gréco-romaine montre la passation du système matriarcal au système

patriarcal à partir de la structure suméro-akkadienne de la Mésopotamie. L’on retrouvait avant cette rupture une reine régnante, avatar de la Déesse, assise sur le trône ayant à côté d’el le un prince consort. Par la suite, les rois, héros, aspirants dieux ont pu émerger. Les Gilgamesh, Marduk, Baal, Ninurta, Dumuzi en vinrent à remplacer la culture de la reine-déesse.

Les historiens classiques, ont-ils basé leurs connaissances sur des récits laissés par les religions ? Tout récemment, le clergé du Vatican ainsi que d'autres cercles religieux contrôlaient de manière très efficace tout ce qui était écrit. Ce sont vraisemblablement ces hiérarchies religieuses qui ont procédé au tri dans les versions des documents historiques actuellement à la disposition du public. C’était une époque où on ne pouvait s’exprimer librement. S’écarter un peu trop des dogmes du Vatican, conduisait devant le tribunal de l’inquisition avec le risque de finir sur le bûcher. C’est de cette manière que l’Europe installa une domination intellectuelle sur tous les peuples en s’appropriant le titre de « Pères de la Civilisation classique » attribuant dans la foulée l’invention de l’alphabet aux helléniques. La préexistence de l’ancienne culture se révélait encore en Égypte dans le fait qu’Ammon, Dieu suprême après l'installation du patriarcat, considéré comme fils de Neith, ait

été adoré dans toute l’Égypte jusqu'à la XIe dynastie. En dépit de tout, de nos jours encore, dans la culture égyptienne, Neith semble être clairement considérée comme la mère de tous les dieux mâles. Pour appuyer cette hypothèse, René Lachaud fait mention de l’existence

d’une inscription forte édifiante sur le temple d’Esna,

« Neith, éclairant son propre regard et générant la Lumière, façonna les Dieux en formulant leurs noms ».

Dans l’ordre patriarcal où le masculin est devenu dominant, la femme coupable

d'adultères sera rejetée, répudiée et supprimée par le lynchage chez les Hébreux et par la noyade sur décision de l'époux dans la Babylone d’Hammourabi. Nous verrons que la plupart des noms et attributs de la Déesse seront remplacés au profit du conquérant mâle: par

INTRODUCTION

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exemple, Iahu en sumérien (Yahoo ou Yahou, en hébreu) — la Colombe d’en haut, est devenue plus tard le Yahvé créateur, chez les Hébreux. Au 5e siècle A.E.C.., le philosophe Platon soucieux lui aussi d’asseoir l’idéologie patriarcale avait pareillement condamné les mythes et les poètes grecs qui lui étaient antérieurs – Homère en particulier, coupable selon lui d’avoir composé des fables menteuses.

À partir du 19e siècle, la religion ne semble plus faire la loi à la science et devient elle-même objet (domaine d'observation et d'étude) de la science. Au 20e siècle, ces changements

s'étendent dans tous les domaines dans les sociétés européennes désormais sécularisées et elles connaissent toutes, ce processus de laïcisation. Sécularisation de la culture et laïcisation des institutions, les deux phénomènes s'influencent mutuellement. Par ailleurs, en 1968, la sécularisation produit ainsi un changement à l'intérieur des églises : le Concile Vatican II.

La domination de l’Église sur la connaissance a toujours été un sujet de controverses. Faudrait-il comprendre l’essence du message messianique de la religion mosaïque qui a pendant plus de deux mille ans contribué à l’inquisition et a causé tant de torts à l’humanité ?

Parler de religions, particulièrement des religions soumises à la tutelle de IHVH (Yahvé),

le dieu des Hébreux, c’est parler de la révélation de Moïse et de la loi qui lui a été prescrite pour son peuple. D’après la tradition judéo-chrétienne, l’on remarque que Moïse, à l'approche de sa mort, après avoir achevé « d’écrire la Torah », a prévu la rébellion de l’homme contre IHVH Adonaï ÉLOHIMS, comme le dit le Deutéronome (31 : 29) :

« Oui, je le savais, après ma mort Oui, vous vous détruirez. Vous vous détruirez. Vous vous écarterez de la route Que je vous ai ordonnée ! Le malheur vous abordera dans l’après des jours... ».

Moïse est le principal fondateur de la religion d’Israël et de lui se réclament trois

systèmes de croyances. Son instruction finale lui a été faite par Jéthro, son beau-père, le grand sacrificateur (celui qui offrait des sacrifices à l’Éternel). André Chouraqui, un philologue, spécialiste des cultures Mosaïques, a considéré les changements de ces religions qui montrent un portrait différent du fondateur :

« Ils s’écartent ainsi du nom originel du créateur en attribuant sa création aux dieux des Nations ».

Ce qui, d’après Chouraqui, engage en grande partie l’institution dans la responsabilité

de la disparition de plusieurs civilisations à travers les guerres de conquête. Les indigènes de l’Amérique ont nettement disparu. L’Afrique a été intégralement répartie entre les trois puissances religieuses que sont le Christianisme et les deux sémitismes (Judaïsme et Islam.) Les croyances tribales de l’Europe ont toutes subi le despotisme du pouvoir spirituel de l’Église au profit d’une alliance qui a semblé vouloir à tout prix imposer une domination totale sur l’humanité.

Qui était cet homme qui changea la structure des croyances égyptiennes et mésopotamiennes ? Moshè –MJS –, en égyptien, signifie « sauvé des eaux ».

Le Moïse biblique a été élevé et initié dans la culture égyptienne. De nombreux érudits reconnaissent et acceptent le fait que la civilisation moderne d'aujourd'hui est originaire de

FACE À FACE – Autour de l’Identité Haïtienne

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l’Égypte. Beaucoup d’entre eux acceptent ouvertement le fait que les premiers pharaons étaient des Africains, des Nubiens. Le livre d’Urantia n’en dit pas moins :

« C’est en Égypte que les enseignements originels de Melchizédek s'enracinèrent le plus profondément et c'est d'Égypte qu'ensuite ils se répandirent en Europe [...] »

Selon Cheikh Anta Diop, les Égyptiens se qualifiaient eux-mêmes de Khem (Noirs) et

appelaient leur pays Khémit ou Kémèt.

L’un des plus célèbres voyageurs et, probablement l'ancêtre des historiens contemporains, Hérodote, un Grec d’Halicarnasse, visita l’Égypte vers 450 A.E.C.. et lui consacra un ouvrage entier. Grâce à cet érudit, bon nombre de traits concernant la vie et les mœurs des anciens Égyptiens sont mis à jour. Il a notamment écrit ceci :

« […] les Colchidiens sont des Égyptiens. Je le crois bien volontiers, pour deux motifs. Le premier c'est qu'ils sont noirs et qu’ils ont les cheveux crépus. Le second et le principal, c'est que les Colchidiens, les Égyptiens et les Éthiopiens sont les seuls hommes qui se font circoncire depuis des temps immémoriaux, les Juifs et les Syriens l'ayant appris d'eux […] »

Diodore de Sicile affirme que les Éthiopiens (Nubiens) ont dit que

« Le peuple égyptien est un des peuples colonisés par eux qui fut emmené par la suite en Égypte par Osiris ».

Faut-il aussi noter que l’égyptien ancien Mitsraïm est de la descendance de Cham,

personnage que les textes bibliques ont châtié et condamné à l’esclavage pour avoir commis la faute de « voir la nudité de son père Noé ».

Moïse se serait-il adressé à YHWE Elohîms? D’après André Chouraqui, ÉLOHIM est un mot pluriel dont le singulier est « ÉLOHA » ; par exemple, l’ÉLOHA d’Abraham. La Bible, référence européenne du christianisme, a parlé de la manifestation divine aux hommes par l’envoi de Dieu — (Elohîms) — (anges ou esprits, Loa en langage congolais et vodun en Béninois.) « Dieu » ne s’est jamais présenté lui-même, car personne ne l’a jamais vu,

dit-on ! Chaque culture a sa délégation d’entités qui sont une représentation de leur divinité. André Chouraqui décrit Elohîms comme un mot pluriel.

« Elohîms s’écrit au pluriel parce que simplement, l’Éternel est une manifestation de plusieurs entités (énergies) qui s’exprime à travers sa pluralité ».

« Bereshit Bera Elohîms » signifie qu’à la création de l’homme, les ÉLOHIMS

décidèrent :

« Nous ferons Adâm le Glébeux à notre réplique, selon notre ressemblance ».

INTRODUCTION

xv

La religion chrétienne enseigne aux fidèles l’importance de passer par le Fils pour accéder au Père ; d’adopter ou de vénérer un saint quelconque en lui apportant des offrandes et en lui offrant des sacrifices.

L’Islam, une symbiose judéo-chrétienne vénère 99 manifestations d’Allah, le nom le plus rapproché d’ÉLOHA ou Aya (Yaya), explique Chouraqui. La kabbale juive en vénère 72 sous

des appellations différentes.

« La religion catholique fait naître un nouveau saint toutes les fois que le Vatican le juge nécessaire ».

À chaque culture sa croyance ! En Haïti, les Haïtiens appellent leurs divinités

Loa. D’après le docteur Arthur Holly, un « Sevitè » de la culture Vodou est en effet :

« Celui qui a la faculté de Voir et d’Entendre ce que le commun des mortels ne peut voir ou entendre ».

Dans la tradition Kabbaliste, par exemple, les anges sont des messagers qui nous aident à évoluer à travers les épreuves de la vie. Leur langage est symbolique et leur forme est imaginaire. L'utilisation de ces entités varie selon les cultures. On peut leur vouer un culte par des prières ou des invocations. Le nom de chacun des anges est donc une vibration, une énergie, un esprit ou un LOA qui correspond à un instant ou à une situation particulière. Les anges principaux du christianisme sont les mêmes que ceux de la tradition kabbalistique.

FACE À FACE amplifie une vision collective au lecteur exempté du réflexe unilatéral basé uniquement sur des connaissances léguée par les colonisateurs. « Face à Face » offre également une ouverture sur des connaissances demeurées jusqu'à présent méconnues ou impopulaires.

Parler d’Haïti, culturellement, implique nécessairement la compréhension de la tradition vodoue. « Le Vodou est le mode d'être de l'Haïtien », a affirmé haut et fort le docteur Jean Fils-

Aimé, Pasteur, lors d’une interview donnée à Media Mosaïque au mois de mai 2007 à Montréal. Ce qu'il a toutefois relativisé en notant que cela ne signifie pas que tous les Haïtiens soient des vodouisants. Il ajoute en nuançant :

« L’Haïtien n'est pas nécessairement vodouisant parce que le suffixe (isant) semble indiquer la pratique d'une certaine religion ».

Une fois débarqués en Haïti, les nouveaux captifs africains étaient séparés de leur famille et condamnés à des travaux forcés. Ils arrivèrent de presque toutes les régions de l’Afrique, mais surtout de la région guinéenne (Afrique de l’Ouest) où ils étaient vendus. Partis à

l’origine de grands États africains tels que les empires du Ghana, de l’Ashanti, du Congo et du Mali, des États haoussas, du Royaume du Dahomey, etc. Ils étaient d’ethnies différentes ; Peuls, Congo, Rada (Alladas), Nago, Adja, Ibo, pour ne citer que celles-là.

Alfred Métraux, un des premiers écrivains sur le Vodou Haïtien, après avoir énuméré la liste des peuples de l’Afrique inventoriés en Haïti, s'exprime ainsi :

FACE À FACE – Autour de l’Identité Haïtienne

xvi

« À parcourir ces listes, on pourrait croire que l’Afrique entière a contribué au peuplement d’Haïti ».

Herskovits, un autre spécialiste du Vodou, remarquait que le port du Dahomey était un

endroit d’embarquement. Il n’est point logique de croire que tous ceux qui embarquaient de la côte des esclaves étaient nécessairement du Dahomey, conclut-il.

« Je doute fort que les tribus de l’intérieur n'aient compté pour une part importante dans cette migration forcée ».

Le Vodou, en Haïti, est donc un héritage africain. C’est un système de croyances qui a été

pratiqué et maintenu dans la clandestinité durant la période coloniale. Bien que l’Haït ien se soit libéré des chaînes de l’esclavage, il ne s’est pas encore ouvertement prononcé sur sa libération spirituelle.

Le mot vodun est un mot sénégalais qui signifie « esprits » — culte des esprits. Le mot Vodu signifie esprit « Bondye ». Puisque le noir venu d’Afrique a été diabolisé, la langue

africaine a également été considérée comme un référent démoniaque. Dès son arrivée en Haïti, l’Africain véhiculait une croyance et un langage africains. Ce n’est qu’après son baptême forcé dans le christianisme qu’il a pu garder, dans le marronnage et pour éviter les cruautés de son maître, les mémoires de la culture ancestrale. Au lieu de respecter les lois naturelles d’origines africaines, il devait s’agenouiller devant l’image d’un saint catholique blanc, qui devenait dorénavant son Loa par appropriation. C’est de cette expérience

que plusieurs pensent aujourd’hui qu’un vodouisant confondra une image de saint Patrick à Dang Aida Wedo Tokan, Loa ou dieu de la fécondation ou d’une image de la Madone remplissant les rôles attribués à Èzili Danto, Loa ou déesse maternité, ou de Metrès Èzili Freda, symbole de l’amour.

Dire du Vodou qu'il est un syncrétisme chrétien est une absurdité. Et proclamer l’origine du Vodou dans le catholicisme demeure une aberration.

Considérons le Vodou comme culture ancestrale d’où transpire une religion non organisée. Le docteur Louis Maximilien le définit comme

« Une religion constituée de rites divers et très anciens, organiquement liés par des idées métaphysiques encore vivantes en Haïti. […] »

Le Petit Robert (2006) définit le Vodou comme

« Un culte animiste originaire du Bénin, répandu chez les Noirs des Antilles et d’Haïti, mélangé de pratiques magiques, de sorcellerie et d’éléments pris au rituel chrétien ».

Assimiler ces trois locutions, animiste, magie et sorcel-lerie au Vodou, ceci prend une

nouvelle définition. :

Alors, le Vodou est le Principe spirituel de l’homme qui pratique des choses efficaces et incompréhensibles pos-sédant l’art de produire des phénomènes inexplicables !

INTRODUCTION

xvii

Les milieux ecclésiastiques veulent que le Vodou soit une émanation du catholicisme.

Cette acception est incontestée dans le milieu catholique haïtien et même apparemment dans certains cercles vodous. Plusieurs « Sevitè » (adeptes du Vodou) interviewés ont affirmé par exemple, que Dambalah Wedo soit Saint Patrick ou Saint Moïse ; que Zili Dantò soit

l’équivalente d’une Vierge catholique. Le Vodou, pour plus d’un, est une culture expliquant l’existence à partir d’un créateur

qui régit tout le visible et tout l'invisible. Il existe une tendance à croire qu’Haïti sans le Vodou est comme le Vatican sans le catholicisme. Puisque le Vodou est l’essence de la paysannerie, mieux connaître le Vodou c’est connaître Haïti en profondeur.

Le Vodou pouvant être retracé depuis l’Égypte pré-pharaonique, semble être plus profondément enraciné dans la culture matriarcale bien que dans la plupart des « sèvis papa bondye » soit l'être invoqué en lieu de Mawu-Lisa.

Est-il prudent de dire que plusieurs ethnies africaines ont participé dans le peuplement d’Haïti ? C’est probablement la raison pour laquelle le Vodou haïtien semble être énigmatique chez les autres peuples qui pratiquent une culture similaire. Par exemple, chez les Yoruba (Heru Ba) Obatala est associé à Ousiris ; Shango est Heru ; Obaluaye est Djehuty ; Yemoja est Aset.

Les Adja sont attestés dans les Textes des Sarcophages n° 132 exprimant ceci : « Ink Neter en Adja » je suis le Dieu d’Adja. Les Adja nomment le Dieu Unique : Mawu ou Yeve. Mawu est l’être suprême aux multiples manifestations (Feu, Air, Eau, Terre) d'un autre côté, le Dieu hébreu Yahvé est le Dieu Yévé des Adaja. Édouard Schuré pense que la vraie prononciation d’IHVH est IEVHE (yéve) et non YAHVEH ou YEHOVAH. (Bien que prononcé eyeh, le mot, en hébreu s’écrit avec un aleph {{א ; donc la vraie prononciation devrait être aya — {aïah} !)

De ce fait, est-il raisonnable de penser que la pratique du Vodou montre sa présence dans les écritures mosaïques qui décrivent les manifestations de Yeve : tonnerres, éclairs, etc. – (Exode 20 :28) ? Les prêtres Adja disent « Moisea fo Yévé » que Moïse a trouvé Yéhvé. Tout

ceci aurait peut-être été plus clair si les écritures n'avaient pas été falsifiées par les Euro-péens « en diabolisant le peuple Noir ».

Fort heureusement, grâce à la déclassification de certains documents et à leur publication, des informations longtemps restées à la portée d'un petit nombre de privilégiés sont maintenant disponibles au grand public. Ce qui permet d'apprécier à sa juste valeur l’effort de ces scientistes, anthropologues et archéologues consciencieux qui ont mis à jour les enseigne-ments laissés par ces cultures méconnues.

Ces éclaircissements, permettront-ils à l'Haïtien d'aujourd'hui d'élever sa conscience pour concrétiser l’expérience d’une pensée haïtienne ? Se libérera-t-il des raisonnements qui l’ont trop longtemps soumis à la dictée occidentale ? Et s'il parvient finalement à se remettre de ses illusions, comprendra-t-il alors qu’il est détenteur d’un trésor inestimable ?

Nous espérons que la lecture de FACE À FACE servira de guide à la compréhension de multiples obstacles qui freinent l’évolution et l’émancipation d’une pensée haïtienne.

FACE À FACE – Autour de l’Identité Haïtienne

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ÉPILOGUE

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ÉPILOGUE 1 J'ai erré sur les ondées des continents. J'ai rêvé dans une cale de négriers. J'ai nargué mon humanité, chaines aux pieds. Déraciné de ma terre d'Afrique, ô terre mère, j'ai pleuré mes frères. J'ai renié mes fils, j’ai perdu mon univers. De mon nom je suis dépouillé, désormais sans lignée. Je me suis cru de la côte du Dahomey, un enfant nubien, et même un Éthiopien. Mais le maître me donna un nom qui ne fut plus le mien. Mon âme indigène est violée, mon corps d'ébène est colonisé. Je n'habite plus mon être. Je vis en d'autres mânes, sauf en ceux qui sont miens. Qui suis-je devenu ? Pendant des siècles, le colon blanc m'a dévêtu. Il m'a très souvent supplicié. Il m'a dépersonnalisé. De ses leçons il m'a endoctriné. De son mépris, il m'a lavé de mon héritage ancestral. De son fouet, il m'a fait renoncer à ma religion. Il m'a vilipendé dans ma chair ; ses croyances j'ai dû accepter. Il a corrompu mon esprit, à ses doctrines j'ai dû me courber. Je cherche encore aujourd'hui l'ancrage de ma patrie. Mon errance est pénible, car je n'ai pas d'identité. Je veux me découvrir dans ce miroir racé et y voir refléter l'essence de ma genèse. Il m'est impérieux aujourd'hui d'effectuer ce « Face à face » et savoir qui je suis. Je désire revisiter mes lieux historiques, reconquérir mes vraies valeurs, récupérer mon authenticité. Je rêve de redevenir enfant de Quisqueya, mon île lumière, Ayiti !

Yanick François

FACE À FACE – Autour de l’Identité Haïtienne

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ÉPILOGUE 2 Hervé Fanini-Lemoine n'y va pas par quatre chemins. Il enlève courageusement le voile qui trop longtemps a drapé le problème de l'identité. Un conflit profondément ancré, rongeant l'être haïtien. Ce problème est attaqué de front à travers le titre combien signif icatif : « Face à Face autour de l'Identité Haïtien-ne ». Il s'agit d'un essai relativement volumineux paru chez « Kiskeya Publishing Co » dans sa deuxième édition en 2011.

La première de couverture de cet ouvrage présente une illustration suffisante à la

compréhension de la thèse développée par l'auteur, selon laquelle la vraie identité haïtienne a été diabolisée par des idéologues coloniaux, provoquant ainsi le rejet de la culture ancestrale.

L'Haïtien en effet fonctionne toujours derrière un masque. Lorsqu'il se regarde de

l'extérieur, il se voit un tout autre personnage, à l'image que lui a désignée la représentation occidentale.

Lucmane Vieux

L’ouvrage est disponible sur le site internet de Kiskeya Publishing Co. ou sur

amazon.com :

http://www.mykpcbooks.com/herve-fanini-lemoine.html