appropriations et conflits autour des régimes d'accès aux ressources renouvelables

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APPROPRIATIONS ET CONFLITS AUTOUR DES RÉGIMES D'ACCÈS AUX RESSOURCES RENOUVELABLES Introduction Tarik Dahou et al. Éditions de l'EHESS | Etudes rurales 2013/2 - n°192 pages 9 à 23 ISSN 0014-2182 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-etudes-rurales-2013-2-page-9.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Dahou Tarik et al., « Appropriations et conflits autour des régimes d'accès aux ressources renouvelables » Introduction, Etudes rurales, 2013/2 n°192, p. 9-23. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Éditions de l'EHESS. © Éditions de l'EHESS. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut de Recherche pour le Développement - - 91.203.32.150 - 20/12/2014 14h41. © Éditions de l'EHESS Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut de Recherche pour le Développement - - 91.203.32.150 - 20/12/2014 14h41. © Éditions de l'EHESS

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APPROPRIATIONS ET CONFLITS AUTOUR DES RÉGIMES D'ACCÈSAUX RESSOURCES RENOUVELABLESIntroductionTarik Dahou et al. Éditions de l'EHESS | Etudes rurales 2013/2 - n°192pages 9 à 23

ISSN 0014-2182

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-etudes-rurales-2013-2-page-9.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Dahou Tarik et al., « Appropriations et conflits autour des régimes d'accès aux ressources renouvelables » Introduction,

Etudes rurales, 2013/2 n°192, p. 9-23.

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Distribution électronique Cairn.info pour Éditions de l'EHESS.

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La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Tarik Dahou, Mohamed ElloumiAPPROPRIATIONSet François MolleET CONFLITS

AUTOURDES RÉGIMES D’ACCÈSAUX RESSOURCESRENOUVELABLES

INTRODUCTION

L ES MODES D’ACCÈS AUX RESSOURCES

NATURELLES, qui prennent forme dansla globalisation des normes et des droits,

se caractérisent par une diversité de modèleset de pratiques 1. Les stratégies d’appropria-tion contemporaines semblent s’adapter, demanière labile, aussi bien aux tendances demarchandisation de la nature qu’à leur pen-dant conservationniste [Dahou et Ould Cheikh2007 ; Chouquer 2011]. Ce constat est d’autantplus vrai pour les ressources renouvelables,dont la valorisation s’accompagne d’une mul-titude de dispositifs visant à les préserver.

La forte progression de la mise en pro-priété privée des ressources biologiques ou depans entiers de la nature n’épuise pas d’autresmodalités d’appropriation et n’évince pas, nonplus, la totalité des droits d’accès et d’usagesur lesquels s’appuient ces modalités. On voitainsi poindre des formes hybrides d’appro-priation mêlant subtilement ces déterminantslocaux de l’accès aux ressources à des formesmarchandes globalisées de jouissance de lanature.

Dans le contexte de la croissance des inéga-lités sociales et écologiques au niveau mondial,

Études rurales, juillet-décembre 2013, 192 : 9-24

qui a des répercussions considérables jusqu’auniveau le plus local, il est important de cernerces modalités d’accès aux ressources. Nousentendons privilégier « l’entrée » par les méca-nismes de l’appropriation pour appréhenderdes formes d’accumulation des ressources quine reposent pas seulement sur les canons mar-chands de la propriété privée mais aussi surdes processus plus complexes d’« accapare-ment » qui dépassent l’usuelle dichotomie pro-priété publique-propriété privée. Le recours àcette dichotomie analytique tend à dépolitiserles phénomènes de propriété [Wiber 2006],dans la mesure où la catégorie du « public »est multiréférencée et où sa définition pra-tique est souvent contestée.

Les débats ayant trait à l’extension de lapropriété privée et à l’impact que les insti-tutions marchandes ont eu sur l’appropriationdes ressources ont longtemps occulté le rôledes acteurs et la diversité des normes surlesquelles ceux-ci s’appuient pour orienter lesmarchés ou, simplement, saisir les opportuni-tés libérales. On a ainsi oblitéré et la dimen-sion politique des marchés de la nature et lesréseaux concrets reliant acteurs et institutionsde différents niveaux. L’économie politiquedes nouvelles configurations du capitalismeinternational permet d’identifier les arran-gements qui sous-tendent l’appropriation desressources naturelles renouvelables.

La problématique du caractère politiquedes institutions marchandes n’est pas nou-velle : elle remonte, au moins, à l’histoire du

1. Nous tenons à remercier Melis Ece pour ses remarquessur une version antérieure de ce texte.

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. . .10 capitalisme et à sa critique marxienne. Cepen-

dant, récemment, on a trop mis l’accent surles mécanismes de privatisation (la globa-lisation offrant une nouvelle téléologie auxhérauts du marché) sans recourir à une ana-lyse à la fois diachronique et situationnellede l’appropriation, à même de rendre comptedes relations et des nœuds de pouvoir [Ribotet Peluso 2003] et de dévoiler le rôle quetiennent les États, les acteurs internationaux(ONG) et les pouvoirs locaux dans ces évolu-tions de l’accumulation.

Il s’agit donc bien d’éclairer la construc-tion sociale des marchés en saisissant leurintrusion, parfois paradoxale, au cœur desrelations localisées, ainsi que le suggère JuliaElyachar [2005]. Son travail restitue les formesde domestication des marchés, à partir des hié-rarchies et des limites à l’exercice de domina-tion de celles-ci, dans le flux de pouvoir àl’intersection de la dynamique propre du capi-talisme et des dispositifs de développement.

Aujourd’hui, l’accélération de la globalisa-tion des marchés de la nature (qu’il s’agissedu rôle structurant des multinationales de laproduction et de la commercialisation agricoleou des entreprises internationales de bio-technologies) et l’internationalisation despolitiques publiques de conservation ou dedéveloppement durable renforcent les dispo-sitifs normatifs sans que ces derniers ne par-viennent à définir, de manière stricte, leurapplication. Si on peut parler de « système-monde » à propos de l’appropriation des res-sources naturelles, celui-ci n’en est pas moinsmédiatisé, au niveau local, par des acteurs dontl’agencéité est loin d’être négligeable, y com-pris pour ceux situés aux marges de ce sys-tème [Scott 1987 ; de Bruijn et al. eds. 2007].

Dans la lignée des travaux d’Aihwa Ongsur l’Asie [2003], il devient indispensable decerner les nouvelles formes de gouvernemententre capitalisme global et (ré)actions localespour comprendre la contemporanéité des rap-ports entre État, marché et société. Néan-moins, pour rendre compte du gouvernementde la nature, il est aujourd’hui plus pertinentd’incorporer dans cette analyse les fluxconceptuels et institutionnels globaux tout enappréciant, dans le même temps, les effets desidéologies et des pratiques du développement.

La rive sud de la Méditerranée a déjà faitl’objet d’analyses consacrées à la propriété etaux usages des ressources, qui ont souligné,en particulier, la multiplicité des droits danscette aire géographique. Des travaux de syn-thèse sur la prégnance des droits coutumiersou musulmans et sur l’application asymétriqueou incomplète des règles marchandes ont déjàété proposés [Denoix 1996 ; Bédoucha 2000].Ces travaux ont montré comment les États etles pouvoirs locaux ont mis en œuvre, defaçon différenciée et parfois parcimonieuse,la privatisation des ressources en terre eten eau pour répondre à des impératifs decontrôle politique et/ou de maintien des équi-libres sociaux.

Si de tels travaux ont défriché cette théma-tique, ils n’ont, en revanche, pas suffisam-ment exploré l’altération des normes globalesou leur instrumentalisation au niveau local.Les processus de construction des droits sont,aujourd’hui, influencés par différentes échellessociales, que les normes transitent par descanaux publics ou privés. Il s’agira donc, ici,de porter l’accent sur l’appropriation plutôtque sur la propriété, la formalisation juridique

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Introduction

. . .11venant souvent valider des pratiques en même

temps qu’un ordre économique et politique.Pour appréhender l’évolution de la pro-

priété des ressources naturelles, l’adoptiond’une focale axée sur l’observation des pro-cessus s’impose en raison de la multiplica-tion des sources et des échelles de normes.Cette approche dynamique recouvre celle desconflits d’accès aux ressources, amplifiés à lafois par ces changements globaux et par lesbouleversements sociopolitiques qui affectentces régions du sud de la Méditerranée.

Afin de sérier l’originalité des processusd’accumulation, nous privilégierons l’étudecomparative (Maroc, Algérie, Tunisie et Liban)en plaçant, au cœur de l’analyse, le politiqueet les stratégies d’acteurs. Le comparatismepermet de mieux saisir le caractère discret(irrégularité dans la distribution spatiale, etparticularité) des phénomènes d’appropria-tion, qu’il faut absolument considérer tant laMéditerranée recèle une diversité d’usages dela nature, liée à la prolifération de ses nichesécologiques. Cette spécificité des territoires,définissant des droits d’accès, eux aussi, spéci-fiques, donne toute sa légitimité à une approcheterritoriale, d’autant plus pertinente que lesréactions locales aux transformations poli-tiques contemporaines s’avèrent hétérogènes.

L’histoire longue de la Méditerranée estcaractérisée par une forte « connectivité »,pendant des particularismes locaux nés desrapports que les sociétés développent enversleur environnement [Horden et Purcell 2000].Cette connectivité est à la source de l’histoirede cet espace régional, qui nous rappelle àquel point la globalisation économique n’y estpas récente. Toutefois, l’actuelle globalisation

du capital à l’échelle mondiale accélère cettedynamique. La privatisation croissante desmodalités d’usage et de valorisation de lanature transforme les stratégies des acteursdu fait de la volatilité même des ressourcesqu’elle suscite (de la rapidité des échangesmatériels à la spéculation sur les productions).Elle a aussi tendance à opacifier les choixpublics.

C’est pourquoi nous nous arrêterons surles processus de libéralisation tout en mon-trant les limites, lorsque l’on veut appré-hender l’évolution des appropriations, d’uneanalyse fondée sur cette seule dimension dela globalisation.

Nous nous intéresserons à la circulationdes normes globales en examinant leurs inter-actions à travers les stratégies d’appropria-tion. Saisir l’avènement de l’appropriationsuppose de saisir ses dimensions matérielle etimmatérielle, intrinsèquement liées. L’appro-priation matérielle renvoie au fait de prendrepossession d’un bien-fonds, d’une de sesressources, d’un de ses usages, voire d’un deses usufruits. L’assimilation des ressourcesimmatérielles est, quant à elle, corrélative decette appropriation matérielle. Comment, dèslors, les individus s’approprient-ils des normesou des modèles comportementaux pour étendreleur propriété sur les ressources, ce qui révèleune dimension stratégique, cognitive et, parfoismême, symbolique ? Il s’agira donc d’appré-hender la diffusion des modèles marchands etdes règles privatives, mais aussi des modesd’action collective ou des mécanismes d’atté-nuation des impacts marchands, en termesenvironnementaux et/ou sociaux, pour mon-trer comment les principes du développement

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. . .12 durable autorisent, voire stimulent, certaines

appropriations exclusives.Nous verrons que la prolifération des

normes issue du contexte global et la diversitéde leur assimilation donne naissance à desrégimes institutionnels de ressources com-plexes. Tout en incorporant davantage la ges-tion privative dans l’arène locale, ces régimeslaissent subsister des modes de gestion publicset communs de l’accès aux ressources. Arti-culant « privé », « public » et « commun », lacomplexité de ces régimes est telle qu’ellen’élude jamais la question de leur devenir augré des conflits et des rapports de pouvoir.L’économie politique de ces régimes, auniveau local, réintroduit, dans l’analyse, lesdynamiques des hiérarchies économiques etpolitiques afin de rendre compte des arbi-trages et des déséquilibres entre ces troispôles de gouvernance.

Nous nous intéresserons également au plu-ralisme des normes issu de la diversificationdes sources de normes et de leur déploiementà différentes échelles. La propriété s’élaboretoujours à partir de mécanismes hiérarchiquesexternes et internes aux sociétés. Ces deuxchamps de force définissent, au niveau local,les frontières de la propriété, entre acteurs,d’une part, et entre formes individuelles etcollectives, d’autre part, comme l’a bien mon-tré Katherine Verdery [1998] à propos desrelations entre « identité » et « propriété » dansle contexte transnational de la libéralisationdes pays de l’Est. Il est donc crucial de consi-dérer ces frontières de l’appropriation et sonextension à différentes échelles, dans la mesureoù les opportunités d’accès aux ressourcesdépendent largement des capacités des acteursà s’insérer dans la production des normes ou

à les infléchir au cours de leur mise en œuvre,qu’il s’agisse des normes marchandes ou decelles issues des politiques publiques. Le plu-ralisme des normes offre toujours l’opportu-nité de faire valoir des droits, même lorsqueceux-ci ne sont pas reconnus par les institu-tions modernes.

Nous présenterons ainsi les formes contem-poraines d’appropriation des ressources natu-relles tout en dévoilant comment les logiquesqui les guident peuvent articuler différentestemporalités. Et nous interrogerons plus large-ment l’historicité des modes de gouvernementde la nature, qui révèle une mobilisation, surla longue durée, des registres des pratiqueséconomiques et politiques.

La libéralisation de l’accèsaux ressources renouvelables

À la fin des années 1980, avec les dyna-miques de libéralisation, on assiste, dans lessociétés sud-méditerranéennes, à l’émergenceou au renforcement d’acteurs privés qui ontdes liens plus ou moins prononcés avec lecapitalisme international, et ce au détrimentdes organisations étatiques ou de producteurs.La légitimation discursive d’un marché déré-gulé, dans le contexte d’une compétition pourl’accès aux ressources, a favorisé des dyna-miques de transfert, voire d’accaparement.Souvent justifiés par des critères de réductiondes dépenses publiques, d’efficience écono-mique ou de création d’emplois, les change-ments en cours tendent vers la concentrationdes ressources et de la richesse.

La marchandisation de la nature (qu’ils’agisse de la promotion du marché global oude sa régulation) ne se fait pas aux dépens des

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. . .13États, qui réduisent leurs coûts et contrôlent

les mécanismes de privatisation, distribuantsouvent des prébendes aux clients et prochesdu régime et se montrant sélectifs dans lesmarges de manœuvre et de bénéfice qu’ilsoctroient aux sociétés privées (notamment àtravers les normes et la promotion de nou-veaux acteurs ou bien de conditions favo-rables). L’État joue même un rôle décisifdans l’élaboration des cadres institutionnelsdu marché et des dispositifs d’appui auxentreprises, ainsi que dans la distribution desopportunités [Hibou 2006]. Il tente de conser-ver son pouvoir politique, en tant que garantdes équilibres entre dynamiques marchandes,devenir des territoires et équité sociale.

Sur tous les territoires étudiés dans cenuméro, on observe une privatisation des res-sources naturelles à travers l’octroi de droitsde propriété ou de droits concessionnairespermettant de déroger aux règles de gestioncollective ou domaniale des espaces et desressources. La gestion foncière dans les espacesméditerranéens recèle cette double tendance àla privatisation et aux dérogations.

L’évolution de la loi foncière algérienneest symptomatique de ces accommodementsen ce qu’elle exprime une volonté continuellede réviser la réforme agraire adoptée aux len-demains de l’Indépendance. Dans son article,Yazid Ben Hounet révèle que ces réformessuccessives véhiculent un accès plus libéraliséà la terre afin de favoriser l’entreprenariatagricole. Si la loi sur l’accès à la propriétéfoncière agricole (APFA) de 1983, chargée deremédier à l’impéritie de la réforme agraire,était vouée à promouvoir l’entreprenariatnational sur le domaine public en attribuant

les terres des anciennes structures socialistes[Djenane 2012], sa refonte récente, en 2010,encourage, elle, les investisseurs étrangers enleur accordant des garanties foncières. Lesréformes foncières en Tunisie, à lire MohamedElloumi, sont tout à fait comparables : la pri-vatisation des terres n’a pas cessé d’aug-menter, avec des cessions directes de terresdomaniales et des concessions d’exploitationprivative sur ces mêmes terres. Dans les deuxpays, les politiques foncières nationales ontencouragé les grandes exploitations aux dépensdes petites exploitations et de l’élevage extensif.

Au cours de la phase de libéralisation del’économie, l’eau connaît une transformationde même ampleur : son statut de ressourcedomaniale s’érode à mesure qu’émergent desmodèles de gestion basés sur la demande. Ceschangements de statut et de type de gestionsont corrélés dans le but d’allouer la ressourcehydraulique aux opérateurs disposant de moyenssuffisants pour accroître la rentabilité de sonexploitation. Mustapha Jouili, Ismahen Kahouliet Mohamed Elloumi révèlent, à partir del’exemple de la région de Sidi Bouzid (em-blématique de la révolution tunisienne), ladiversité des stratégies de détricotage de ladomanialité des eaux, soit par le biais d’unelibre exploitation des nappes superficielles(jusqu’à 50 m de profondeur), soit par le biaisde concessions d’usage (au-delà de 50 m).Travaillant sur le bassin versant du Tensift, auMaroc, Oumaima Tanouti et François Mollemettent, quant à eux, en exergue les inter-dépendances, spatiales (en étendue et en pro-fondeur) et sociales, des ressources et desacteurs et montrent que les réallocations d’eaus’opèrent depuis les petits agriculteurs vers

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. . .14 les villes, le tourisme et l’agriculture capi-

taliste. Les principes d’allocation, privative,concessionnaire, voire discrétionnaire, de l’Étatne disent effectivement rien des inégalitésqu’ils génèrent. Aussi bien dans les cas tuni-sien que marocain, l’éviction, du marché, despetites exploitations agricoles passe par unmoindre accès aux ressources naturelles (unedouble peine quand on sait qu’elles ont déjàété évincées de l’accès au crédit et à la terreau cours de la première phase de l’ajustementstructurel). Tout cela, sans le moindre soucid’équité ni de reproduction des paysanneries.

Néanmoins, il faut se garder de voir dansces évolutions récentes des lois et règlesd’accès aux ressources un affaiblissement del’État, lequel trouve, en réalité, des opportu-nités de reconfiguration politique dans cemouvement de libéralisation. Il s’agirait plu-tôt d’un changement de nature dans le rapportdu pouvoir central aux acteurs locaux, àtravers la maîtrise de nouvelles formes demédiation axées sur l’accès aux ressources[Karam 2006]. L’État ne s’efface pas au profitdu marché : il joue de la multiplicité desattentes de l’univers global pour octroyerde nouvelles opportunités de valorisation desressources naturelles. La mise en œuvre desrègles marchandes lui permet de tisser denouveaux réseaux de clientèle en gouvernantla diversité des ressources et des statuts. Avecle risque, cependant, que cette hétérogénéitéréduise la lisibilité de son action.

Régimes internationaux et normalisation

Les régimes internationaux de la gouvernancedes ressources naturelles produisent une nor-malisation qui s’inscrit ainsi dans ce double

registre du privé et du public. Ces régimesfavorisent soit une approche marchande quiinsiste sur la nécessité de rationaliser lemarché pour entretenir les ressources renou-velables, soit favorisent l’atténuation des excèsqui en découlent grâce à des contraintes régle-mentaires, comme les certifications sociales etenvironnementales [Alphandéry et al. eds.2012], ou à des instances de médiation, natio-nales ou locales (soutien aux politiques deconservation, soutien aux logiques localesde maîtrise territoriale, comme les contratsde nappe).

Les différentes conventions internationalesjouent donc un rôle important, avec leurscontradictions dues à la faible convergencede leurs dispositifs. Se pose la question deleur « traduction » au niveau des politiquespubliques et des territoires spécifiques, ce quirevient à soulever la question de leurs limites[Villalba ed. 2009]. Au-delà de la probléma-tique des rapports de pouvoir internationauxliés aux régimes globaux, qui a tendance àsurestimer la cohésion nationale par rapportaux enjeux internationaux, les contributionsde ce numéro nous invitent à analyser desconfrontations entre différentes sources delégitimation de l’appropriation des ressourcespour mieux cerner les concepts et les normesqui sous-tendent ces processus d’appropria-tion. Les flux globaux de normalisation de lagestion des ressources affectent les conflitset compromis qui existent à l’interface desniveaux local et national. Les « jeux d’échelles»[Revel ed. 1996] de l’analyse retranscrivent larecomposition des normes au niveau local, enfonction des interactions entre acteurs et desdynamiques de pouvoir qu’elles induisent.

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. . .15L’accentuation récente de cette normalisa-

tion internationale bouleverse les bases desarrangements locaux autour de l’exploitationdes ressources et de leur mise en valeur.S’agissant des ressources halieutiques, lesprincipes de la pêche responsable, prônés parla FAO pour préserver les écosystèmes, setraduisent par des codes de pêche contrai-gnant les techniques et les usages. L’oppor-tunité d’exportation est même corrélée à latraçabilité des captures ou aux plans de ges-tion durable prévus par les accords inter-nationaux. Dans son article, Tarik Dahouétudie, dans le Parc national d’El Kala, enAlgérie, la privatisation des ressources marinesorganisée par l’État, lequel octroie des posi-tions de monopole ou de rente issues deconcessions de droit d’accès inspirées desdogmes internationaux du développementdurable. Ces droits d’accès peuvent revêtirdes formes allant d’une privatisation juridi-quement fondée par des droits de propriétéinscrits dans le droit positif à des transactionsoccultes, dépourvues de toute formalisation.L’observation de deux processus de conces-sion d’exploitation des ressources aquatiques,l’un licite sur la partie continentale du Parc,l’autre illicite sur sa partie maritime, montreque l’arrimage aux normes internationales dela conservation favorise une application dis-symétrique des droits d’accès aux ressourceslocales.

Les modèles internationaux de gestion fon-cière encouragent l’accroissement de la pro-ductivité agricole, notamment par l’octroi, ausein de patrimoines collectifs, de titres fon-ciers individuels, qui n’est pas dénué d’am-biguïté. La réappropriation de ces droits depropriété peut être contestée et renégociée.

Les litiges fonciers, dans la steppe algérienne,que nous décrit Yazid Ben Hounet aboutissentrarement au tribunal et se soldent, le plus sou-vent, par une conciliation. Mais les cas portésdevant les instances judiciaires sont l’occa-sion d’affirmer des légitimités distinctes, fon-dées tantôt sur des normes marchandes demise en valeur, tantôt sur des normes histo-riques d’accès. Il n’y a pas de rapprochemententre ces deux types de légitimités [Jacob etLe Meur eds. 2010] malgré l’enjeu, dans lecadre de la globalisation agraire, du contrôlede la main-d’œuvre au moyen de l’autochtonie[Geschiere et Nyamnjoh 2000]. Gageons toutde même que les liens entre « propriété » et« identité » seront réaffirmés dans le contextede la libéralisation politique en Méditerranée(comme ce fut le cas lors des transitions post-socialistes [Verdery 1998]), les conflits pou-vant faire émerger des doléances basées surl’antériorité des droits, ainsi que le relèveMohamed Elloumi pour la Tunisie.

Si les régimes de la conservation de lanature et les dynamiques internationales ducapitalisme agricole influencent, de manièreparallèle, les législations nationales et les stra-tégies de captation des ressources, dans cer-tains cas, ces deux dynamiques globales serecouvrent. Les principes internationaux de lagestion intégrée des ressources en eau (GIRE)promeuvent la gestion participative, inter-sectorielle et respectueuse de l’environnementmais introduisent, dans le même temps, descritères de « productivité » maximale des fac-teurs de production et d’allocation de l’eau àdes usages « à haute valeur ajoutée » et inten-sifs en capital. Certains concepts et outils derégulation, comme la tarification, les marchés

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. . .16 de l’eau ou la productivité de l’eau [Molle et

Berkoff 2007], mais aussi certains artefactstechniques symbolisant la modernité et l’effi-cience, comme la micro-irrigation, sont pré-sentés comme des réponses évidentes alorsqu’ils cachent des logiques de réappropria-tion. L’application de la GIRE au bassin duTensift (région de Marrakech), comme nousle rapportent Oumaima Tanouti et FrançoisMolle, passe par une loi sur l’eau et la créa-tion d’une agence de bassin. Mais elle n’em-pêche pas une « cécité hydrique » de circons-tance, qui privilégie, de façon troublante, lesusages touristiques au détriment des usages pro-ductifs agricoles. Au Liban, d’après StéphaneGhiotti et Roland Riachi, la GIRE n’est guèreplus attentive aux enjeux d’équité dans l’allo-cation de la ressource. Au point, dans cesdeux cas, de favoriser les élites économiqueset politiques.

Les acteurs les mieux dotés en capital éco-nomique imposent leurs usages et captent lesressources naturelles par le biais des normesmarchandes ou des normes de la conserva-tion. Le capitalisme fait bon ménage avec lelibéralisme et les régulations publiques, ce quiajoute à la complexité des formes d’appro-priation locale.

Vers de nouveaux régimes institutionnelsde ressources ?

Ancrés dans la sphère locale, les textes dece numéro s’inscrivent dans une perspectivedoublement critique des approches anti- et pro-commons [Ostrom 1990]. Le laissez-faire dumarché suscite des formes d’appropriationexclusives qui ne reposent ni sur des droits de

propriété pleinement privés ni sur des condi-tions de libre accès aux ressources naturelles(contrairement à ce que voudrait faire croirela nouvelle économie des ressources quiexhorte à la privatisation pour mieux lesconserver [Boisvert et al. 2004]). Malgrédes pratiques d’exploitation de plus en plus« extractives », les logiques d’accaparementrelèvent, aujourd’hui, de nouveaux compromisentre les acteurs marchands avec l’État et/oudes élites locales. Le paradigme des commons,défini comme une réponse à la malédiction dulibre accès là où n’existent pas de droits depropriété privés, est également battu en brèchedu fait de la complexité des contextes envi-ronnementaux et de la diversité des acteurset des rapports de pouvoir. Autant de critèrescontemporains qui ne correspondent pas à lalogique idéale de la gestion commune : uneressource, un type d’usager, un territoire cir-conscrit [Baron et al. 2011 ; Elloumi 2011].Les progressions du marché, la reterritoriali-sation politique de l’État dans ce contextechangeant et les dynamiques des pouvoirslocaux reconfigurent les compromis surl’appropriation des ressources.

Ces critiques de la gestion commune nesont, d’ailleurs, pas tout à fait nouvelles, dansla mesure où des auteurs gravitant autour decette école de pensée ont, eux-mêmes, émis desréserves quant à son opérationnalité. Citons legéographe Michael Watts [2000], qui a mon-tré sa difficile transposition dans les contextesde migration (diversité d’usagers) et de pou-voir. Citons également les travaux d’anthropo-logues [Mc Cay 2002 ; Agrawal 2005], qui ontrévélé l’importance des politiques publiquesdans la diffusion des normes au niveau des

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. . .17institutions locales, processus qui complexifie

la mise en œuvre d’une gestion commune auniveau local sans, toutefois, l’abolir. En outre,la gestion locale des ressources naturelles estfaçonnée par la capacité croissante du marchéglobal à intervenir directement jusqu’au pluspetit échelon territorial.

Plus encore que par le passé, les droits depropriété semblent être le produit de logiquesd’appropriation multi-échelles et multi-normées,peu abordées par les tenants des commons. Ceconstat suscite un débat sur les régimes ins-titutionnels de ressources, composés tant delogiques d’action communes que de logiquesétatiques et marchandes [Nahrath et al. 2012].Au fil du numéro, plusieurs auteurs envi-sagent ce contexte d’enchevêtrement de diffé-rents types de régulation d’accès aux ressourcessans, pour autant, faire référence au cadre dela gestion commune, peu prégnant dans lecontexte géographique et historique considéré.Non seulement la colonisation a fortementaltéré la gestion commune en domanialisant laplupart des ressources ou espaces collectifs,mais le retrait de l’État, pendant l’ajustementstructurel, s’est accompagné d’une pénétra-tion du marché au sein des logiques les plusmicrosociales. Par exemple, du fait de laconjonction des normes marchandes et desapproches des développeurs, les terres deparcours relèvent d’un renforcement de lacommunautarisation des terres collectives tri-bales [Mahdi 2009], qui contribue à leurprivatisation.

Le cadre d’analyse des régimes institution-nels de ressources peut être mobilisé pourappréhender certaines situations inédites derégulation de l’accès aux ressources [Knoepfel

et al. 2007]. Dans leur contribution consacréeau Liban, Christèle Allès et Joëlle Brochier-Puig soulignent la complexité des rapportsentre les différentes institutions chargées de lagestion de l’eau. Dans la phase de reconstruc-tion post-conflit, la recentralisation, autour del’État, de la gouvernance de l’eau butte surdes solutions privatives (communautaires) oucommunes, sous contrôle des municipalités. Àpartir d’une étude menée sur plusieurs sites,les auteures interrogent la pérennité de cessolutions associant, à des degrés divers, lespôles « public », « privé » et « commun » touten considérant le rôle joué par les acteurs glo-baux (coopération internationale, ONG) dansles interactions entre ces pôles. Les réseauxpolitiques et les forces économiques influencentles normes et acteurs globaux, révélant queles rapports de pouvoir tissent la trame de cesarrangements au niveau infra-régional.

Mustapha Jouili, Ismahen Kahouli etMohamed Elloumi témoignent, eux aussi,des difficultés que rencontrent les régimesinstitutionnels, notamment à cause des inter-dépendances qui existent entre les différentesressources. Dans le gouvernorat de Sidi Bouzid,en Tunisie, la gestion commune de la nappesous-terraine achoppe sur la privatisation dela terre et sur le non-contrôle du débit desforages sur une vaste étendue. Malgré lemaintien du caractère domanial des eauxselon un principe de gestion commune basésur le contrôle du débit des forages desnappes, les extensions de surface irrigableautorisées par la libéralisation du marché dela terre amenuisent les ressources profondesaux dépens des acteurs les moins dotés encapital. Si le rôle de l’État comme garant de

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. . .18 la disponibilité de la ressource doit être inter-

rogé, c’est surtout son action en faveur d’unrégime privatif sur une ressource (la terre),qui mène à l’obsolescence des normes doma-niales sur une autre ressource (l’eau). Lesrégimes institutionnels de ressources sont affec-tés par la diversité des normes et des acteurset par le caractère évolutif de leurs stratégies.

Saisir les dynamiques de ces régimesrevient ainsi à réfléchir aux enjeux de pou-voir. Ces derniers favorisent l’affirmation, enfonction des intérêts, d’un type de régulationaux dépens d’un autre, faisant tendre cesrégimes institutionnels de ressources versl’une de leurs trois composantes (publique,privée ou commune) ou vers la prédominancede l’une sur les autres, dans les situationsd’hybridité. Ce constat ouvre la voie à unemeilleure compréhension de leur trajectoire,au moyen d’une économie politique qui inter-prète la complexité des droits d’accès etd’usage à partir de la confrontation de normesd’origine et de niveau différents.

Du pluralisme des normesaux conflits sur le droit

Loin d’offrir un cadre à la formulationd’accords locaux, la diffusion des normes desrégimes internationaux de gouvernance de lanature complexifie davantage les stratégiessans atténuer les conflits. L’institutionnalisa-tion contemporaine procède de l’accumula-tion successive de règles éthiques, techniqueset juridiques. Il en résulte un pluralisme desnormes, qui génère des contradictions entredifférentes échelles et sources de droit [vonBenda-Beckman et al. eds. 2006] et perturbeles accords sur l’appropriation des ressources.

Selon les stratégies locales, l’apparition denouveaux usages et/ou d’acteurs nouvelle-ment qualifiés renforce les mécanismes destraddling (circulation des acteurs entre lessphères publique et privée [Bayart 1989])typiques de la libéralisation (agences sousinfluence de lobbies, concessions de chargespubliques à des opérateurs privés ou à desélites politiques, proches de l’État, créations,par des ex-fonctionnaires, d’entreprises d’ex-ploitation...). Dès lors, les règles de droit fontl’objet de renégociations, notamment au coursde leur application.

Des droits d’accès multinormés et auxcontours juridiques flous peuvent, nous ditTarik Dahou, être encouragés en vue de per-pétuer un biopouvoir. Dans le territoire duParc national d’El Kala, la non-attribution,par l’État central, d’un statut homogène (bienpublic, bien privé, voire un statut intermé-diaire assumé) aux diverses ressources mari-times permet de recourir au droit, tantôt pouraffirmer des mécanismes régulatoires, tantôtpour déployer des techniques disciplinairesvisant à gouverner les rapports politiques àpartir de l’appropriation. De manière simi-laire, c’est aussi à des fins de gouvernementque l’État tunisien entretient le maquis dudroit foncier. La diversité des modes d’af-fectation des terres domaniales, étudiée parMohamed Elloumi, relève bien du pluralismejuridique, mais, dans ce cas précis, la manipu-lation de la multi-dimensionnalité de la pro-priété foncière est dictée par des stratégiesd’octroi de droits de propriété partiels. Endifférenciant ses modalités d’action sur ledomaine public national, l’État garde lecontrôle sur les affectations de terre, non pas

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. . .19tant pour atténuer le processus de privatisa-

tion que pour gouverner par l’octroi de pré-bendes et d’opportunités économiques.

Néanmoins, ce pluralisme des règles peutparfois affaiblir le rôle de l’État. Les logiquescentripètes se voient ainsi concurrencées parla capacité de certains acteurs à renégocierlocalement les finalités de son action. Dansle cas du Liban, Christèle Allès et JoëlleBrochier-Puig montrent que la création d’unoffice public des eaux ne renforce pas lacapacité de contrôle de l’État. Les pouvoirssociaux locaux investissent les dispositifsbureaucratiques en y intégrant d’autres normesqui concurrencent efficacement la légitimitéde l’État. La question du pluralisme juri-dique est, ici, posée par la multiplication desinstances de régulation des conflits, situationde forum shopping [von Benda-Beckman1981], qui, en promouvant de nouveaux sta-tuts et légitimations, offre des opportunitésd’appropriation.

Les enceintes du droit positif se révèlentégalement des terrains d’analyse du plura-lisme des normes. En étudiant l’exercice dudroit sur la propriété foncière en Algérie,Yazid Ben Hounet n’envisage pas seulementl’opportunité de dire le droit là où des conci-liations se sont avérées inopérantes mais s’in-téresse aussi aux formes de légitimation et ausens que les justiciables accordent au règle-ment des conflits. Si la justice accompagneles objectifs de mise en valeur agricole stipu-lés par la loi, d’autres modes de légitimationvoient le jour au sein des tribunaux (commeles droits anciens de partage des ressources, oudes revendications liées à l’antériorité d’usage).

On y voit s’opposer des normes issues de pro-cessus historiques plus anciens (inscrites dansles règles du territoire local) aux règles plusrécentes du droit positif, influencées par lesprincipes de l’économie libérale. Les déci-sions de justice n’entérinent jamais complè-tement la hiérarchie des règles alors que lasuprématie du droit positif est sans cesse rap-pelée. Ainsi l’arbitrage, au niveau des pra-tiques, entre ces normes revient souvent auxadministrations déconcentrées, qui confortent,par là même, leur pouvoir.

La pluralité des normes interroge enfinles stratégies cognitives qui sont au cœurdes appropriations. L’étude d’un écosystèmeoasien, que propose Vincent Battesti, indiqueque, si les modalités de production et de valo-risation sont tributaires de structures politiqueset de pouvoirs économiques (pour l’accès àl’eau, au crédit, ou pour la sélection varié-tale), ces derniers n’entravent jamais complè-tement d’autres formes d’appropriation desressources locales. Notons que l’on retrouvecette même résilience, autour de l’eau, enJordanie [Janssens et Thill 2013]. Les acteurslocaux mobilisent diverses ressources cogni-tives – l’auteur parle de ressources « idéelles» –pour faire advenir des scénarios d’appropria-tion alternatifs, comparés à ceux forgés par lavolonté hégémonique des opérateurs du déve-loppement. La diversité des temporalités desprincipes cognitifs liés à l’usage des ressourcesdéfinit des modalités variées d’appropriationdes flux de normes mais permet aussi dejouer, dans les interstices des appropriationsdominantes, sur les différentes vocations desespaces.

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. . .20 Historicité des modes de régulation

et diachronie

L’actuelle profusion institutionnelle induitaussi un jeu sur les normes, qui confronte ouassocie différentes temporalités. L’appropria-tion recèle une temporalité longue puisquecertains modes d’appropriation contemporainsprésentent des similitudes avec ceux quiétaient en vigueur aux périodes précolonialeet coloniale. Une telle continuité trouve sonorigine dans la formation des États et dansl’adaptation sociale, dans la durée, à leur pro-jet de contrôle des ressources par les insti-tutions et le droit. Ces effets de long termene relèvent-ils pas d’« économies morales »[Thompson 1971], qui, au-delà des structuressociales, façonnent des comportements poli-tiques susceptibles d’articuler, en fonction descontraintes et des opportunités, des normessociales arrimées à différentes strates tem-porelles ?

Dans le cas du Liban, traité par StéphaneGhiotti et Roland Riachi, à chaque périodehistorique considérée, le gouvernement de laterre et de l’eau s’appuie sur la productiond’un nouveau droit sans qu’aucun n’évinceles anciens enracinés dans les pouvoirslocaux. Les droits communautaires oriententsystématiquement la trajectoire des normesnationales, ce qui traduit la capacité de résis-tance des pouvoirs locaux, dans la durée, faceaux réformes supralocales. Mais les modesactuels de gouvernement des hommes et dela nature peuvent aussi entrer en résonanceavec ceux de la séquence de la constructionde l’État moderne, avant l’indépendance. Lareproduction, dans le temps long, des modalités

d’appropriation du corail en Algérie, évoquéepar Tarik Dahou, témoigne de la continuité del’impact des formes globales des marchés surles droits d’accès locaux, en dehors de lacourte parenthèse de la construction de l’Étatnational. Les concessions foncières en Tunisie,mises en lumière par Mohamed Elloumi,semblent reconduire les modalités de gestiondu domaine du beylik (propriété saisie par leprince), domaine où puisait l’État central pourdistribuer des terres à ses affidés en échangede bons et loyaux services dans la délégationdu pouvoir.

Dans cet espace géographique, les modesde gouvernement de la nature reposent, depuislongtemps, sur des principes de commande-ment politique liés à des trajectoires écono-miques globales. Cependant, au-delà de cettepath dependency [Pierson 2000] qu’attestentles articles rassemblés dans ce numéro, laconception diachronique du changement socialqui les guide restitue aussi de possibles rup-tures au gré des pratiques de mobilisationpolitique locales. Certaines revendications quiont surgi dans le contexte tunisien post-révolutionnaire portaient sur des terres dontla confiscation remontait au tout début de lacolonisation. Dans la période la plus récentede changements politiques, les contestationssociales des modes de gouvernement du fon-cier portent, en elles, des remises en cause radi-cales des principes d’allocation de la terre. Cesformes inédites de contestation sont égalementvisibles dans le soulèvement des contrebandiersdu corail en Algérie qui commettent des vio-lences à l’encontre des garde-côtes.

L’intensité et la diversité de ces mobilisa-tions rendent incertain le devenir des compro-mis sur les ressources. Les résurgences des

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. . .21formes d’autorité coloniales ou précoloniales

peuvent être renvoyées dans le passé, au grédes nouveaux rapports de force, particulière-ment changeants. Alors que les bouleversementspolitiques récents ont favorisé l’investigationdes modes de gouvernement des hommes etde la nature, largement occultés jusque-là,l’univers des possibles s’est rouvert, et l’ins-tabilité politique actuelle pourrait générer denouvelles configurations de pouvoir qui nousinvitent à poursuivre dans la voie de l’analysebasée sur des contenus empiriques consistants.

Nous avons ainsi interrogé le caractère(il)légitime, (il)licite et éthique de l’appro-priation, dans le cadre d’une évolution mul-tiple des droits de propriété sur les ressources.Si l’appropriation précède le droit de pro-priété, qui découlerait alors d’une mise enforme des équilibres de pouvoir économiqueset politiques, sans doute advient-elle aussi à lafaveur d’une diversité d’idéologies et de normesrelatives à la propriété. Le faible ordonnance-ment des droits de propriété contemporains nestimule-t-il pas aussi les appropriations, qui,

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pour s’imposer, intègrent des ressources idéo-logiques et normatives multiscalaires ?

Malgré la tendance à la globalisation desformes de propriété, on distingue, à partir dedifférents sites d’étude, une hétérogénéité desmodes d’appropriation. Nous sommes ici loinde l’image d’Épinal qui voudrait qu’à unegestion publique des ressources naturellessuccède, naturellement, une gestion basée surdes droits de propriété privés, suivant uneprogression linéaire de globalisation du capi-tal. Lorsqu’on se concentre sur les stratégiesd’acteurs dans les sphères locales, commenous l’avons fait dans ce volume, cette visionévolutionniste de la propriété s’éloigne.

En dépit des forces du marché, les Étatssemblent encore, en partie, souverains dansleur manière d’orienter les droits de propriété.« En partie » seulement parce que les straté-gies d’appropriation se révèlent très disputées,mais surtout polysémiques, dans la mesureoù elles résultent de l’usage, par les acteurs,de normes qui diffèrent selon les situationssociales.

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