excerpts & fragments: attribution issues = recherches sur la composition des...
TRANSCRIPT
Recherches sur la composition des Excerpta constantiniens :
les fragments de Denys d'Halicarnasse attribués à Nicolas de Damas
Draft1 of a paper published in S. PITTIA (dir.), Fragments d'historiens grecs : autour de Denys d’Halicarnasse,
Paris-Rome : Collection de l'Ecole française de Rome 298, 2002.
1 Footnotes are endnotes in this draft.
Deux passages des Antiquités romaines sont inclus dans les Histoires de Nicolas de
Damas1, œuvre conservée sous une forme fragmentaire par les Excerpta de virtutibus et vitiis,
l'un des volumes de l'encyclopédie historique conçue au Xe siècle par l'empereur Constantin
Porphyrogénète2. Il s'agit d'extraits des premiers livres (AR 1 et AR 2), attribués à Denys
d'Halicarnasse lui-même par les autres manuscrits de la tradition3, mais à Nicolas de Damas
dans ce recueil des Excerpta constantiniens, qui rassemble des fragments tirés de treize
historiens grecs4 :
Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines 1 82.3-84.2 = Nicolas de Damas, F 30 des Excerpta
de virtutibus et vitiis (éd. Th. Büttner-Wobst)5.
Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines 2 32.1-34.1 = Nicolas de Damas, F 31 des Excerpta
de virtutibus et vitiis (éd. Th. Büttner-Wobst)6.
Dans le recueil des Excerpta de virtutibus, le premier passage des Antiquités romaines inséré
dans les Histoires prend la suite d'un fragment de Nicolas de Damas consacré à Cyrus7. Les
deux textes se succèdent sur la même page du manuscrit de ces Excerpta8 : celui de Nicolas se
termine au milieu d'une ligne, celui de Denys commence au même endroit9. L'extrait de Denys
2
se poursuit alors au verso, puis jusqu'à la moitié de la page suivante10. Sur la même ligne,
commence ensuite le deuxième passage des Antiquités romaines, qui se poursuit jusqu'au bas de
la page suivante11, où il s'achève sur la formule déroutante :
.
"Fin du livre 7 de l'Histoire de Nicolas12".
Comment expliquer cette anomalie ?
Les deux historiens sont contemporains : Denys est né à Halicarnasse vers 60 av. J.-C.,
Nicolas à Damas en 64 av. J.-C. Le premier est arrivé à Rome en 30 av. J.-C., à peu près au
moment où le second, jusqu'alors précepteur des enfants d'Antoine et de Cléôpatre à
Alexandrie, devenait le conseiller d'Hérode et se tournait de la philosophie vers l'histoire. Les
deux œuvres ont été rédigées à la même époque : Nicolas de Damas a commencé à composer
ses Histoires à partir de 14 av. J.-C., date à laquelle Denys d'Halicarnasse entamait
probablement la rédaction des Antiquités romaines, dont le pemier livre fut publié quelques
années plus tard (en 7 av. J.-C.). L'erreur a donc pu se commettre à chacune des étapes de la
fabrication et de la transmission des textes.
Tout d'abord, l'un des deux historiens a pu copier l'autre, à moins que tous les deux n'en
aient copié un troisième, qui serait une des "sources perdues" qu'affectionnait la
Quellenforschung. C'est le problème que posent tous les compilateurs et, dans le cas présent,
celui que pose la composition des Antiquités romaines et des Histoires par deux auteurs
contemporains que rapprochent de nombreux points communs13. Cependant, plutôt que de
partir à la recherche d'une source commune imaginaire, nous examinerons d'abord l'hypothèse
du plagiat. L'autre hypothèse à envisager est ensuite celle d'une confusion ultérieure, commise
au moment de la réalisation de l'encyclopédie des Excerpta ou même plus tard encore, par des
copistes ignorants, négligents ou simplement fatigués. Nous solliciterons donc l'histoire du
Turonensis et, au-delà, celle des Excerpta, c'est-à-dire celle de leur origine, de leur conservation
et de leur transmission.
L'hypothèse du plagiat
La première question qui se pose est donc de savoir si les deux passages des Antiquités
romaines qui figurent parmi les vestiges des Histoires ont été empruntés (sans vergogne) par
Nicolas de Damas à son contemporain Denys d'Halicarnasse. Le premier passage (DH 1) décrit
l'arrestation de Faustulus et son interrogatoire par Amulius après la scène de reconnaissance
entre Romulus, Rémus et Numitor ; puis il raconte l'assassinat d'Amulius. Le deuxième (DH 2)
3
est consacré aux victoires de Romulus sur les Caeninètes et sur les Antemnates, après l'épisode
de l'enlèvement des Sabines14. Ces récits peuvent-ils s'insérer dans les Histoires de Nicolas de
Damas ?
Manifestement, Nicolas de Damas avait déjà lu Diodore de Sicile, dont la Bibliothèque
historique était parue quelque temps avant qu'il n'entreprenne lui-même la rédaction de son
oeuvre historique15 : le plan de ses Histoires s'apparente à celui de l'œuvre de Diodore, dont la
Bibliothèque historique fait commencer l'histoire par le mythe (livres 1-6), puis la développe en
deux périodes, l'une allant de la guerre de Troie à la mort d'Alexandre (livres 7-17)16, l'autre de
la mort d'Alexandre à la conquête des Gaules par César (livres 18-40). De la même façon, les
Histoires de Nicolas s'ouvrent sur des récits mythiques, ceux de l'origine des grands empires
orientaux d'Assyrie et de Médie (livres 1-2), puis ceux du monde grec avant la guerre de Troie
(livre 3). La structure interne de l'œuvre se complique ensuite, car, à partir du livre 4, Nicolas
de Damas reprend la méthode d'Ephore et superpose un plan thématique à l'ordre
chronologique, en fusionnant les éléments grecs et les éléments orientaux. Néanmoins, le
schéma général ne s'écarte guère de celui de Diodore : les fragments qui subsistent des livres 4
à 7 des Histoires portent sur la Lydie jusqu'à la fondation de l'empire perse, d'une part, et sur la
Grèce archaïque, d'autre part. Les 95 livres suivants (livres 8 à 102) ont presque entièrement
disparu. Puis les fragments qui subsistent des livres 103 à 116 traitent de l'histoire de Rome à la
fin de la République et pendant la période du principat. Enfin, les derniers livres des Histoires,
œuvre réputée avoir eu des dimensions gigantesques (144 livres)17, semblent avoir été
consacrés au règne d'Hérode, protecteur de l'auteur et commanditaire de l'ouvrage.
Selon ce schéma, les fragments de Denys d'Halicarnasse pourraient trouver leur place dans
l'énorme lacune des 95 livres des Histoires dont il ne subsiste rien et qui devaient comporter un
passage obligé sur les origines de Rome18. Ce sont précisément les dimensions extraordinaires
de cette lacune, et celles de l'œuvre dans son ensemble, qui ont fait dire à plusieurs lecteurs de
Nicolas de Damas19 que ce dernier n'avait pas hésité à recopier Denys d'Halicarnasse, parce
qu'il était un compilateur et, comme tel, ne s'embarrassait d'aucun scrupule dans sa hâte de
fournir de la copie à Hérode. Et de fait, il est vrai que, dans son Autobiographie, Nicolas se plaint
d'avoir dû accomplir pour Hérode une tâche écrasante, qu'Eurysthée lui-même n'aurait pas osé
infliger à Héraclès20. Le livre 1 des Antiquités romaines ayant été publié en 7 av. J.-C., alors que
Nicolas avait commencé à composer son propre ouvrage depuis sept ans, on a donc pu penser
4
que, manquant d'inspiration à la fin de son septième livre, il n'avait pas hésité à se servir chez
un "collègue".
Le premier passage qu'il aurait emprunté aux Antiquités romaines (DH 1) pourrait intervenir
au début des livres perdus des Histoires. En effet, le fragment DH 1 prend la suite d'un passage
de Nicolas sur la prise de Sardes par Cyrus21. Sachant que dans la Bibliothèque historique de
Diodore, la fondation de Rome était traitée au livre 8 et les guerres entre Cyrus et Crésus au
livre 9, on peut en inférer que les mêmes événements intervenaient à peu près au même endroit
de l'œuvre de Nicolas de Damas (toutes proportions gardées, puisque la Bibliothèque historique
ne compte que 40 livres, alors que les Histoires en comportent 144). Cependant, ni la
chronologie de la composition des Histoires, ni la méthode de Nicolas de Damas en tant que
compilateur ne viennent étayer cette hypothèse.
En effet, rien dans l'Autobiographie de Nicolas de Damas22 ni dans les Testimonia sur sa vie et
sur son œuvre23 ne suggère ni qu'il se soit lassé de composer son oeuvre historique, ni qu'il ait
dû recourir à de quelconques stratagèmes pour rester en grâce auprès d'Hérode. Il avait
d'autant moins de raisons de s'inquiéter que son crédit auprès du roi ne cessait de s'accroître et
qu'au contraire, c'est pendant cette période d'intense production littéraire qu'il se vit confier les
missions les plus importantes qu'il eût jamais remplies24. Par ailleurs, la comparaison avec les
nombreux passages où Nicolas de Damas compile ses prédécesseurs (en particulier Xanthos de
Lydie, Ctésias, Ephore, Xénophon et Aristote) montre qu'il ne les copie jamais mot à mot. Dans
le meilleur des cas, il les paraphrase, non sans en transformer le texte, quelles que soient les
circonstances, pour l'adapter à ses propres objectifs historiographiques25. Par ailleurs, il ne
compile aucun de ses contemporains, au contraire de Denys qui, par exemple, cite
fréquemment Valérius Antias26. Cet emprunt à Denys serait donc un hapax dans l'oeuvre de
Nicolas, exception au demeurant bien périlleuse pour l'auteur qui, s'adressant à un public
informé, lié à l'entourage d'Augste et d'Agrippa, n'aurait pas manqué d'être démasqué27. Et de
ce point de vue, rien n'empêche de renverser la question, car si Nicolas est un compilateur,
Denys en est un autre : pourquoi Denys n'aurait-il pas emprunté à Nicolas entre 14 et 7 av. J.-
C. ?
Dans le fragment DH 1, l'historien rapporte deux versions concurrentes du même épisode,
en citant ses sources : d'abord Fabius Pictor nommément, dont la version mythologisante des
"enfances" de Romulus et Rémus est évoquée en premier, puis "d'autres auteurs, qui jugent
5
tout élément fabuleux indigne de la narration historique"28et dont l'historien préfère la version
rationalisante, selon laquelle la louve qui a nourri Romulus et Rémus était en fait la femme de
Faustulus, Laurentia (ou [Acca] Larentia), surnommée Lupa parce qu'elle s'était jadis prostituée.
Or, tous les récits de Nicolas de Damas sont empreints d'un scepticisme rationaliste de la même
veine : par exemple, dans les Histoires, Oedipe n'épouse pas Jocaste ; après avoir tué Laïos, il est
poursuivi pour meurtre par la reine et finit par rentrer se cacher chez lui, à Corinthe29. Le souci
de réalisme, la rationalisation constante du mythe et l'insertion de modalisateurs du doute
dans le récit sont des traits constants de Nicolas de Damas et la seule raison pour laquelle
l'hypothèse d'un emprunt de Denys à Nicolas n'a jamais été envisagée est qu'il ne subsiste
aucun manuscrit de Nicolas de Damas. De ce fait, la comparaison entre les deux historiens se
résume à l'affirmation de la supériorité de la tradition directe de l'un (Denys) sur la tradition
indirecte de l'autre (Nicolas). Or, non seulement, c'est une tautologie, mais la comparaison des
manuscrits pourrait aussi bien tourner à l'avantage de la tradition indirecte, puisque le
Turonensis reflète un état de la traduction manuscrite antérieur à celui que donnent les
vetustiores des AR30. Sans aller aussi loin, on admettra simplement que, en dépit des
apparences, ce vol de fragments ne peut guère être imputé à Nicolas de Damas lui-même. En
fait, plutôt qu'un problème de paternité, la fausse attribution des passages DH 1 et DH 2 pose
un problème de transmission : plusieurs indices, en effet, permettent de supposer que le
mélange entre les deux auteurs s'est produit à leur insu et beaucoup plus tard.
Les anomalies du Turonensis : déclassements, lacunes et gloses
Le Turonensis est un manuscrit corrompu, lacunaire et dont les cahiers ont été déclassés, puis
reclassés à plusieurs reprises. L'état du texte des Excerpta -tel qu'il est disponible actuellement-
présente donc bien des difficultés et diffère sensiblement de l'état d'origine. Non seulement il
est possible que, comme tous les manuscrits, il contienne des erreurs imputables à la
négligence des copistes, mais, de surcroît, il s'est fort mal conservé : il a été dégradé par le
temps, certains de ses propriétaires l'ont négligé et ses lecteurs l'ont maltraité. Le texte en est
parfois illisible, : certains feuillets ont pourri, certaines marges ont été coupées et les signatures
des cahiers31 ont été effacées.
En fait, le manuscrit des Excerpta de virtutibus était déjà mutilé lors de sa découverte, en 1627,
par Peiresc, qui l'acheta, provenant de Chypre, à un marchand de Marseille. Emerveillé de son
acquisition, Peiresc fut aussi le premier à percevoir les difficultés de classement, de restitution
et d'attribution qu'allait poser ce volume qui, signala-t-il à ses correspondants, avait
manifestement été "descousu et deschiré", avec "de l'equivocque en l'assemblage des cahiers et
notes marginales" ainsi que "quelques feuilles perdues", dont il avait lui-même commencé à
6
repérer "les deffectuositez, manquant le tiltre du recueil tiré de Nicolas Damascenus et ceulx de
l'Arrianus32 et du Dyonisius Halicarnasseus, et se trouvant des transpositions toutes manifestes
en divers endroicts, où l'on a entrelassé des cahiers du Polybe dans ceux du Dion et de ceux du
Dion parmy ceux d'autres autheurs", ce qui demanderait "une disquisition bien exacte et une
patience", à l'érudit qui voudrait bien se charger de son édition33.
La première difficulté que présente le manuscrit est en effet son désordre : l'ordre du texte
ne correspond pas à celui des folios et, comme on l'a vu pour le fragment DH 1, le fol. 155 est la
suite du fol. 162. Pour se faire une idée plus précise de cette dispersion du texte, on peut
prendre l'exemple des fragments de Nicolas de Damas eux-mêmes : la première partie de ce
qu'il en reste commence au fol. 156 (après une lacune) et va jusqu'au fol. 159. Le texte se
poursuit du fol. 222 (précédé d'une deuxième lacune) jusqu'au fol. 227. Il faut alors revenir aux
fol. 152-154, puis passer par les fol. 161-162, avant de trouver la fin au fol. 15534. Une fois ce
puzzle reconstitué (pour un seul des treize auteurs cités dans le manuscrit), le lecteur du
Turonensis se trouve encore face à de nombreuses lacunes au sein même du texte conservé,
parfois signalées par un bienveillant "excidit folium". Il est difficile d'en évaluer la taille et le
contenu, car la règle de l'alternance entre cuir et poil dans l'assemblage des feuilles35 et le
nombre de signes par page36 ne permettent que de fixer un minimum.
Ce désordre fut aggravé par les conditions déplorables de conservation du manuscrit qui,
après la mort de Peiresc, passa de bibliothèque en bibliothèque, subissant "l'indélicatesse de
quelques amateurs du XVIIe et du XVIIIe siècles"37, jusqu'à son acquisition par le monastère de
Marmoutiers, en 1716, d'où il passa à la Bibliothèque de Tours en 1791. Installé dans des locaux
provisoires pendant un siècle, ce fonds fut abusivement négligé : les livres et les manuscrits,
entreposés dans des caves, n'échappaient à la moisissure que lorsqu'ils "se promenaient sans
aucun contrôle dans les divers bureaux de la Préfecture"38. Le Turonensis a, en effet, circulé
entre beaucoup de mains39, et les efforts entrepris par les lecteurs successifs pour lui restituer
un ordre supposé n'ont fait qu'y ajouter des commentaires énigmatiques40. Outre la main du
copiste (unique) des Excerpta, le Turonensis comporte des additions de six mains récentes.
7
Par exemple, le fragment de Nicolas de Damas qui précède DH 1 commence par une
addition marginale : tout en haut du fol. 154v, entre le titre en semi-onciales41 et le début du
fragment lui-même, qui remplit les 32 lignes de la page et raconte la prise de Sardes par Cyrus
et la scène du bûcher de Crésus, on trouve, d'une main différente, trois lignes qui résument
l'épisode de Crésus abusé par l'oracle de Delphes, tel qu’il est rapporté par Hérodote ("Tu
détruiras un grand empire"). Ce n'est ni une citation d'Hérodote, ni un extrait des Histoires de
Nicolas de Damas, c'est un épitomè anonyme. Or, les Excerpta ne résument pas les œuvres qu'ils
recensent, ils en citent des passages in extenso42. La présence de cet épitomè anonyme est donc
une addition tardive. Du moins est-elle lisible, ce qui n'est pas le cas de la souscription qui suit
DH 2 : tout en bas du fol. 155v, en effet, d'une autre main que le reste de la page, deux lignes
partiellement raturées, composées de signes qui peuvent être des abréviations ou des caractères
empruntés à un autre alphabet, constituent une énigme paléographique43.
Le Turonensis pose donc des problèmes d'interprétation assez délicats. Cependant, aucune
des anomalies de ce manuscrit n'est imputable au copiste d''origine. Le corps du texte est
entièrement de la même main, tous les ajouts sont récents et l'attribution des fragments DH 1 et
DH 2 à Nicolas de Damas ne provient pas d'une mauvaise suture entre passages lacunaires : les
folios qui contiennent les extraits de Nicolas de Damas sont, certes, dans le désordre, mais il n'y
a pas de mélange entre des folios in extenso. Le mélange se fait toujours sur une même page :
DH 1 commence sur le même folio que la conclusion d'un récit de Nicolas de Damas (fol. 162r)
et DH 2 s'achève par une référence au livre 7 de les Histoires(fol. 155v). La lecture du Turonensis
permet donc d'affirmer que l'attribution à Nicolas de Damas des deux passages de Denys
d'Halicarnasse n'est pas une erreur due à la négligence d'un copiste. La confusion provient des
rédacteurs des Excerpta eux-mêmes.
La fiabilité des Excerpta
Nous touchons là le problème du mode de fabrication des Excerpta constantiniens : ignorant
à peu près tout de la méthode de travail des compilateurs byzantins, de leur degré de
familiarité avec les auteurs classiques et des critères qui ont présidé au choix des fragments
d'historiens réunis dans les Excerpta, nous pouvons difficilement évaluer le degré de fidélité de
ces extraits vis-à-vis de leurs sources44. Cependant, dans la mesure où le Turonensis n'est pas
seulement l'unique témoin des Excerpta de virtutibus, mais un exemplaire original, il laisse
entrevoir certains aspects de la méthode de travail des rédacteurs des Excerpta, et donc de leurs
8
faiblesses éventuelles. Ont-ils pu, par exemple, mélanger deux œuvres jusque là conservées
séparément ?
Il est difficile de le savoir, puisque nous n'avons qu'une version des Excerpta de virtutibus.
Mais la comparaison avec les autres volumes de l'encyclopédie constantinienne qui subsistent
ne documente aucune autre erreur de ce type. D'autre part, du fait de son ancienneté45, le
Turonensis procure un texte excellent et présente des difficultés qui sont plus de l'ordre de
l'ecdotique que de celui de la philologie. C'est un très beau et très grand manuscrit46 de
parchemin, d'une écriture extrêment régulière et soignée47 ; les extraits de chaque auteur y sont
introduits par un frontispice enluminé (or, rouge et bleu) et l'initiale de chaque fragment est
enluminée, elle aussi (or et bleu). Il est probable qu'il a été confectionné du vivant de
Constantin Porphyrogénète48 et que c'est un exemplaire original, l'un de ceux qui étaient
conservés à la bibliothèque impériale49. Le manuscrit est incomplet, mais donne à peu près les
2/3 du texte des Excerpta de virtutibus, ce qui est suffisant pour en tirer quelques indications.
On remarque notamment que, outre les fragments DH 1-DH 2, ces Excerpta citent d'autres
passages des Antiquités romaines, qui commencent au livre 8 et sont, eux, correctement attribués
à leur auteur50. Ces extraits, qui occupent 5 folios du Turonensis et sont tirés des AR 8-20,
semblent prendre la suite de ceux de Xénophon, mais en fait, il manque une partie du
manuscrit entre les deux historiens. Quoique l'ampleur de cette lacune soit difficile à apprécier,
étant donné que les signatures d'origine ont disparu, son contenu peut se déduire de la
composition générale du recueil : en effet, les frontispices enluminés qui introduisent chaque
historien cité dans les Excerpta de virtutibus comportent une lettre numérale placée en vedette, si
bien que l'on peut reconstituer le nombre d'auteurs manquants ; avant les extraits de Denys à
proprement parler (AR 8-20), qui commencent au milieu d'une phrase (fol. 252), ceux de
Xénophon, qui s'interrompent inachevés, portent le numéro Q (9). Puis, à la suite de Denys et
sans lacune possible car les textes se succèdent sur la même page (fol. 256v), figure Polybe, qui
porte le numéro IB (12). Denys d'Halicarnasse portait donc le numéros I (10) ou le numério IA
(11). Comme il s'intercale juste avant Polybe, nous savons qu'il portait le numéro IA (11). Par
ailleurs, la comparaison entre les listes des historiens cités dans les divers volumes des Excerpta
permet d'établir que le dernier historien manquant, le numéro I (10) qui suivait Xénophon et a
9
entièrement disparu, était Arrien51. Les feuillets perdus du Turonensis contenaient donc la fin
des extraits de Xénophon, la totalité de ceux d'Arrien et le début de ceux de Denys
d'Halicarnasse.
D'autre part, les historiens dont les morceaux choisis subsistent sans lacune dans le
Turonensis occupent entre 7 et 73 folios (7 folios pour Thucydide et 11 pour Hérodote, qui sont
les moins représentés, et respectivement 64 et 73 folios pour les plus importants, Flavius
Josèphe Dion Cassius). Si l'on considère que 7 folios est donc un minimum52, il pourrait
manquer 2 folios de Denys (il en subsiste 5 des AR 8-20), au moins 7 folios d'Arrien et 1 folio de
Xénophon (dont il en subsiste déjà 10). La lacune couvrirait donc 2 quaternions et demi,
probablement davantage53, l'essentiel du texte perdu étant celui d'Arrien. S'il en est bien ainsi,
les Excerpta ne puisaient pas dans les AR avant le livre 8, et aucun extrait de Nicolas de Damas
n'était postérieur au livre 7 des Histoires. Dans ce cas, l'interpolation aurait pu se produire au
moment du passage d'un livre à l'autre : les rédacteurs des Excerpta seraient passés du livre 7
de Nicolas de Damas au livre 8 de Denys d'Halicarnasse en créant DH 1-DH 2. La référence qui
clôt DH 2 :
"Fin du livre 7 de l'Histoire de Nicolas. Chercher le reste de l'Histoire grecque"
semble militer en faveur de cette explication.
Cette référence est surprenante, non seulement parce qu'elle rattache DH 2 à Nicolas de
Damas et renvoie la suite de l'histoire de Rome au reste de l'histoire "grecque", mais aussi parce
qu'il n'existe aucun volume de l'encyclopédie des Excerpta qui s'intitule Histoire grecque.
Les renvois à d'autres sections sont fréquents dans les Excerpta54, mais aucune section
connue ne porte ce titre ni même un titre qui ressemble à celui-là : les sections de l'encyclopédie
constantinienne réunissent des morceaux choisis "Sur les moeurs", "Sur les peuples", "Sur les
mariages", "Sur la succession des empereurs", "Sur les Césars", "Sur les complots", "Sur la victoire",
"Sur les exploits", "Sur la correspondance", "Sur les discours", "Sur les descriptions", "Sur les
épigrammes", "Sur les sentences", sur les sujets les plus inattendus, mais jamais "Sur l'histoire
grecque". Certes, comme on connaît seulement les titres de 25 sections des Excerpta55 sur les 53
que comportait l'encyclopédie dans sa totalité, l'existence d'une section intitulée "Histoire
grecque" n'est pas impossible en soi, d'autant plus que, dans le Préambule reproduit en tête de
chacune des 53 sections, Constantin Porphyrogénète annonçait qu'aucun sujet historique
n'échapperait à son anthologie de morceaux choisis56. Mais dans la mesure où, précisément,
10
tous les extraits sont empruntés à des historiens grecs57, le titre d'"Histoire grecque" pourrait
convenir à tous les volumes sans en désigner aucun.
Par ailleurs, la formulation de ce renvoi est inhabituelle : que ce soit dans les Excerpta de
virtutibus ou dans les autres Excerpta, tous les renvois sont identiques et rédigés sur le modèle : < >
"Chercher dans [la section des Excerpta] Sur ...".
Or, celui-ci supprime la référence précise aux Excerpta ("dans la section Sur ...") pour la
remplacer par une allusion plus vague au "reste ( ) de l'Histoire grecque" . Comme ce
renvoi est de la même main que le texte, il ne peut être considéré comme apocryphe58. Il est
donc authentique, mais ne signifie pas pour autant qu'il faille "chercher dans la section des
Excerpta intitulée Histoire grecque" . Dans ce cas, que signifie-t-il ? De quelle Histoire grecque faut-
il "chercher le reste" ?
L'explication la plus plausible est celle d'un renvoi des rédacteurs des Excerpta au reste du
texte qu'ils étaient en train de recopier. Nous ignorons combien de manuscrits Constantin avait
pu "rassembler de toutes les parties de la terre"59 pour constituer sa gigantesque encyclopédie,
mais nous savons que l'oeuvre de Nicolas de Damas était effectivement incomplète dès le
Xe siècle60. Le titre d'Histoires ( ) lui fut donné par la Souda61, mais l'adjectif
n'existait pas à l'époque de Photius et, au Xe siècle, un scholiaste de Strabon intitulait
l'ouvrage Archéologie ( )62. Histoire grecque est donc une approximation parmi
d'autres pour désigner une œuvre dont la plus grande partie avait déjà disparu, dont il existait
plusieurs titres concurrents et dont les rédacteurs des Excerpta de virtutibus ne recopiaient plus
que les vestiges. L'état déjà lacunaire de la tradition du texte de Nicolas de Damas au Xe siècle
exposait les artisans de l'encyclopédie constantinienne à bien des difficultés et, notamment, à la
tentation de remédier par quelques artifices au manque parfois subit de matière et, partant, au
déséquilibre entre leurs morceaux choisis.
Le traitement particulier des enluminures des fragments DH 1-DH 2 laisse peut-être deviner
l'une de ces ruses de copiste.
La lecture des Excerpta est - avouons-le - parfois épuisante, mais de ce chaos surgit
régulièrement un signal, une sorte de sonnerie qui retentit à chaque fragment comme un
refrain rassurant : c'est le enluminé par lequel commencent tous les extraits (du moins ceux
dont le début ne manque pas). Or, des deux fragments DH 1 et DH 2, qui se suivent, le second
11
commence bien par , mais au premier, il manque son incipit bleu et or63. Les premiers mots
de DH 1 sont, en effet :
"Pendant qu'ils étaient occupés à cela, ..."
Qui ? occupés à quoi ? La scène qui n'est ici évoquée qu'allusivement est l'une des plus
importantes de l'histoire des origines de Rome : c'est la scène des retrouvailles entre Numitor,
Rémus et Romulus. L'extrait commence donc in medias res. Pourtant, le début n'a pas disparu,
puisque le fragment commence en milieu de page. Même si le fait que le texte passe sans
transition de Sardes (Nicolas de Damas, F 68) à Rome (DH 1) invite à supposer qu'il manque
une étape, la page des Excerpta est intacte.
Il existe bien dans le manuscrit un fragment de Nicolas de Damas qui offre également un
incipit défectueux ; il est tiré du Préambule de la Vie d'Auguste et commence par les mots 64
Comme DH 1, cet extrait commence en milieu de page, après un autre passage de Nicolas de
Damas. Mais ce passage-là65 est inachevé : sa dernière phrase donne le début d'une liste (celle
des peuples soumis par Auguste), que le lecteur des Excerpta de virtutibus est invité à compléter
par un renvoi à une autre section des Excerpta66. Il y a donc une interruption entre les deux
fragments, qui coïncide sans aucun doute avec le passage cité dans l'autre section des Excerpta,
car le texte reprend ensuite dans sa continuité, sans marge ni enluminure. En fait, il n'y a pas de
lacune, mais seulement une sorte de parenthèse interne aux Excerpta67.
DH 1, avec son enluminé, arrondi comme un , et son renvoi à une Histoire grecque
disparue, n'est peut-être qu'un leurre, auquel DH 2, doté de son incipit comme d'un sésame,
emboîte le pas pour rendre à l'historiographie grecque et romaine l'hommage des artisans de
l'« atticisme byzantin »68. Mais qu'il s'agisse d'un hommage délibéré ou d'une erreur
involontaire, l'insertion de la séquence DH 1-DH 2 dans les fragments de les Histoiresde
Nicolas de Damas jette le doute sur la fiabiblité des Excerpta constantiniens.
12
NOTES
1 Les fragments qui subsistent de l'œuvre de Nicolas de Damas portent le n° 90 des Fragmente der
Griechischen Historiker de Felix JACOBY (FGrH II A/texte-II C/commentaire, Berlin 1926). Cf. Nicolas de
Damas, « Histoires », « Recueil de coutumes », « Vie d’Auguste », « Autobiographie », traduction et commentaire
par E. PARMENTIER & F.P. BARONE, Paris : Les Belles Lettres(Collection Fragments) 2011.
2 Des 53 livres qui composaient cette étrange collection, il ne subsiste qu'à peine le 1/30è
(cf. P. LEMERLE, Le premier humanisme byzantin, Paris, 1971, p. 281) : Excerpta historica iussu imp. Constantini
Porphyrogeneti confecta I-IV, éd. U.Ph. BOISSEVAIN, C. DE BOOR, Th. BÜTTNER-WOBST, Berlin 1903-1910 :
vol. I Excerpta de legationibus, éd. C. DE BOOR, Berlin 1903; vol. II Excerpta de Virtutibus et Vitiis, éd.
Th. BÜTTNER-WOBST, Berlin 1906 (édition du Turonensis 980) ; vol. III Excerpta de insidiis, éd. C. DE BOOR,
Berlin 1905 (édition du Scorialensis I 11) ; vol. IV Excerpta de sententiis, éd. U.Ph. BOISSEVAIN, Berlin 1906.
3 Le Chisianus R VIII 60 (Xe s.), l'Urbinas gr. 105 (Xe-XIe s.) et le Marcianus gr. 372 (XVe s.). Cf. Denys
d'Halicarnasse, Antiquités romaines. Livre 1, éd. V. FROMENTIN, Paris, 1998, p. LXXXV.
4 Excerpta Historica iussu Imperatoris Contantini Porphyrogeniti, volume II : Excerpta de virtutibus et vitiis,
cit., p. 349-353, F 30 et F 31. Dans ce recueil, Denys d'Halicarnasse et Nicolas de Damas voisinent avec
Hérodote, Thucydide, Xénophon, Diodore de Sicile, Polybe, Appien, Dion Cassius, Flavius Josèphe et
trois chroniqueurs byzantins : Georges le Moine, Jean Malalas et Jean d'Antioche.
5 Cf. Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines. Livre 1, cit., p. 206-210. Ce fragment est le FGrH 90 F 69
(Nicolas de Damas) du corpus de Felix Jacoby. Pour simplifier les références, nous l'appellerons
désormais DH 1.
6 Cf. Dionysi Halicarnasensis Antiquitatum Romanorum, vol. I, C. JACOBY (ed.), Leipzig 1885, p. 198-201
(= FGrH 90 F 70). Ci-après DH 2.
7 FGrH 90 F 68.
8 Turonensis 980, fol. 162. Sur ce manuscrit du Xe siècle, témoin unique des Excerpta de virtutibus,
cf. A. DORANGE, Catalogue descriptif et raisonné des manuscrits de la bibliothèque de Tours, Tours, 1875, p. 428-
429.
9 Tur., fol. 162r, l. 9, après un espace de séparation d'environ 2,5 cm qui est le même dans tout le
manuscrit (le Turonensis 980 étant le seul manuscrit grec conservé à la bibliothèque municipale de Tours,
l'abréviation Tur. peut le désigner sans équivoque).
10 Tur., fol. 155. Le fragment DH 1 commence donc au fol. 162 et se poursuit au fol. 155r, dans cet ordre :
fol. 162r (l. 9-32), fol. 162v et fol. 155r (l. 1-14). Le fol. 155 suit le fol. 162, de la même façon que les fol. 152-
154 (texte de Nicolas de Damas) prennent la suite du fol. 227. En effet, l'une des anomalies du Turonensis
est son désordre (l'ordre du texte ne suit pas celui des folios). Pour se faire une idée de l'entrelacement
des feuillets du Turonensis, se reporter à l'annexe 1 : Place des fragments de Denys d'Halicarnasse
attribués à Nicolas de Damas dans le Turonensis C 980.
11 Tur., fol. 155v, l. 30. Le fragment DH 2 occupe donc les fol. 155rv du Turonensis.
12 Tur., fol. 155v, l. 31-32.
13 Notamment leur opposition à l'épicurisme, signalée par Diogène Laërce : "Diotimos le Stoïcien, qui
était l'ennemi d'Epicure, l'a odieusement calomnié en lui imputant la paternité de cinquante lettres
scandaleuses [...]. Nicolas et Denys d'Halicarnasse lui emboîtèrent le pas : ils prétendent qu'Epicure allait
de maison en maison avec sa mère pour lire des formules magiques et aidait son père, qui était maître
d'école, pour un salaire ridicule" (Vie d'Epicure 3-4).
14 Références supra et n. 5-6.
13
15 La Bibliothèque historique de Diodore est parue vers 30 av. J.-C., Nicolas de Damas a commencé la
rédaction de ses Histoires en 14 av. J.-C.
16 Rappelons que le contenu des livres perdus de la deuxième partie de la Bibliothèque historique peut se
déduire de la fin qui, elle, est conservée entièrement (livres 11-17, retraçant les événements survenus
de 420 à 323 av. J.-C.).
17 D'après le témoignage d'Athénée, Deipnosophistes 6. 54 (FGrH 90 T 11).
18 Voir l'annexe 2 : Plan des fragments des Histoires de Nicolas de Damas.
19 Notamment VALESIUS (Henri de Valois), auteur de l'editio princeps du Turonensis, en 1634 : Polybii,
Diodori Siculi, Nicolai Damasceni, Dionysii Halicar., Appiani Alexand., et Joannis Antiocheni Excerpta ex
collectaneis Constantini Augusti PorphyroDionis genetae Henricus Valesius nunc primum graece edidit, latine
vertit notisque illustravit. Parisiis, sumptibus M. Du Puis. L'historique du débat a été résumé par G. WITTE,
De Nicolai Damasceni fragmentorum Romanorum fontibus, Berlin 1900, p. 5.
20 "Hérode se tourna vers l'histoire avec ardeur, en poussant Nicolas à écrire un ouvrage historique. Se
mettant à l'œuvre avec une ardeur décuplée, ce dernier réunit les éléments d'une Histoire générale et
entreprit une tâche écrasante, que nul autre n'avait accomplie. Ce fut un long et pénible labeur et, quand
il l'eut achevé, il déclara que, si Eurysthée avait imposé cette épreuve à Héraclès, il l'aurait totalement
épuisé" (FGrH 90 F 135).
21 FGrH 90 F 68.
22 FGrH 90 F 131-139. Cf. Nicolas de Damas, « Histoires », « Recueil de coutumes », « Vie d’Auguste »,
« Autobiographie », E. PARMENTIER & F.P. BARONE, cit., p. 296-319.
23 FGrH 90 T 1-15 (cf. Nicolas de Damas, cit., p. 1-13).
24 En 5 av. J.-C., c'est à Nicolas de Damas qu'Hérode confia la conduite du procès contre son fils aîné
Antipater, qui avait pris la tête d'une conjuration contre son père (cf. Flavius Josèphe, Les Antiquités
juives XVII 93-133 et La Guerre des Juifs I 620-640).
25 Sur ce point, voir notamment M. TOHER, On the use of Nicolaus' historical fragments, dans Classical
Antiquity 8, 1989, p.159-172.
26 En particulier dans le passage DH 1. Au demeurant, Denys cite Valérius Antias si souvent que les
Anciens considéraient les Annales de ce dernier comme le modèle des Antiquités romaines. On retrouve
cette opinion commune chez l'auteur anonyme de l'Origo gentis Romanae, à la fin du IVe siècle après J.-C.
(Pseudo-Aurélius Victor, Les origines du peuple romain, éd. J.-C. RICHARD, Paris 1983, XXI 1).
27 Les premiers à faire cette remarque - que Jacoby reprend à son compte (FGrH II C, p.253) - furent
A. KORAIS dans sa Bibliothèque hellénique (
, Paris 1805) et J.C. VON ORELLI, auteur de
l'editio variorum de Nicolas de Damas (Nicolai Damasceni Historiarum excerpta et fragmenta quae supersunt,
Leipzig 1804-1811 : Supplementum notarum in Nicolaum Damascenum, p. 43).
28 (trad. V. Fromentin).
29 FGrH 90 F 8 (cf. Nicolas de Damas, cit., p.42-44).
30 Le Chisianus R VIII 60 et l'Urbinas gr. 105 (cf. Denys d'Halicarnasse, Livre 1, cit., p. 67-68). D'ailleurs, si
l'on compare les leçons du Turonensis avec les variantes des vetustiores d'AR 1, on constate que ces
derniers s'opposent entre eux presque aussi souvent qu'ils s'accordent contre le Turonensis. Si l'on
désigne ce manuscrit par T et les vetustiores par A (Chisianus) et B (Urbinas), on obtient, sur un total de
38 variantes : 17 A contre B (5 AT contre B et 12 BT contre A) et 21 T contre AB.
14
31 C'est-à-dire la numérotation des cahiers (comme c'est plus ou moins la règle pour tous les manuscrits
grecs, les cahiers du Turonensis sont formés de 2 quaternions, c'est-à-dire de 2 feuilles de parchemin que
l'on a coupées en 2 avant d'écrire, ce qui fait 4 foliosrv par quaternion).
32 Arrien ne figure pas dans les Excerpta de virtutibus. C'est une erreur de Peiresc, commise dans
l'enthousiasme de son acquisition toute récente. On retrouve de nos jours cette erreur dans la plupart des
publications ayant trait à ce manuscrit.
33 Lettre aux frères Dupuy, 18 décembre 1627 (Lettres de Peiresc, éd. Ph. TAMIZEY DE LARROQUE, tome 1,
Paris 1888, p. 445).
34 Cette dispersion des fragments explique en partie les difficultés qu'a posées l'editio princeps. Après
avoir fait restaurer et relier son manuscrit, Peiresc l'avait d'abord envoyé à Hugo de Groot (Grotius),
dans l'espoir que ce dernier accepterait de l'éditer. Grotius le réexpédia à Peiresc en 1630, accompagné
d'une traduction latine des fragments de Nicolas de Damas, de plusieurs additions (notamment une série
de Testimonia) et d'un refus. Peiresc s'adressa alors à Claude Saumaise, qui fit une copie du manuscrit et
complèta le travail préparatoire de Grotius en ajoutant des corrections et des fragments de Nicolas de
Damas qui, dispersés, avaient échappé à Grotius (= Peirescianus, Paris, B.N., ms. gr. 2550). Mais Saumaise,
ayant accepté un poste à Leyde, quitta Paris en novembre 1632. Désespéré, Peiresc finit par confier
l'édition de son manuscrit au jeune Henri de Valois, qui le publia enfin en 1634. La correspondance de
Peiresc avec Holstenius en 1627-1628 (cf. Lettres de Peiresc, éd. Ph. TAMIZEY DE LARROQUE, tome 5, Paris
1894, Lettres IV-XV, p. 250-300) et l'édition par A. BRESSON de la correspondance de Peiresc avec
Saumaise (Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, Lettres à Claude Saumaise et à son entourage (1620-1637), Florence
1992, en particulier la lettre 10 du 22 septembre 1634, p. 128-129) font revivre l'enthousiasme et l'angoisse
de l'antiquaire aux prises avec ses éditeurs.
35 Si une lacune commence après un verso/cuir et s'achève sur un recto/cuir, il manque au moins deux
folios.
36 32 lignes par page, avec une moyenne de 50 lettres par ligne (entre 46 et 54. Cf. Excerpta de virtutibus,
éd. Th. BÜTTNER-WOBST, Préface, p. XXI). Sur les caractéristiques techniques de ce type de manuscrit
byzantin, cf. J. IRIGOIN, Les manuscrits d'historiens grecs et byzantins à 32 lignes, dans Studia codicologica.
Mélanges Marcel Richard, éd. K. TREU, Berlin 1977, p.237-245 (p. 238-241 sur le Turonensis)
37 A. DORANGE, Manuscrits de Tours, Tours 1875, Avertissement, p. VIII.
38 DORANGE p. VII.
39 Au départ, avec l'accord de Peiresc, d'ailleurs : ce dernier ne garda son précieux manuscrit que très
peu de temps et, après l'avoir renvoyé à Claude Saumaise en 1632, mourut sans le revoir.
40 Et même des changements de pagination, si bien qu'il y a trois systèmes de numérotation. L'usage est
désormais d'adopter le système selon lequel le premier folio de parchemin porte le numéro 3 (les fol. 1-2,
sur papier, sont des ajouts).
41 (sic) .
42 Cf. P.A. BRUNT, On Historical Fragments and Epitomes, dans Classical Quarterly n.S. 30, 1980, p. 477-494.
43 Voir le fac-simile en annexe 3 : Fin des fragments de Denys d'Halicarnasse attribués à Nicolas de
Damas (Turonensis C 980, fol. 155v). Büttner-Wobst en propose une transcription dans l'apparat des Exc.
de virt., p. 353.
44 Les problèmes posés par les Excerpta sont bien connus des historiens qui ont à travailler sur les
auteurs fragmentaires. On en trouvera une illustration dans l'ouvrage de J.-Ch. DUMONT, Servus. Rome et
l'esclavage sous la république, Paris-Rome 1987 (Collection de l'E.F.R., 103), p. 200-203 (à propos de Diodore)
et un résumé général dans l'introduction de P. BOTTERI, Les fragments de l'histoire des Gracques dans la
15
Bibliothèque de Diodore de Sicile, Genève 1992 (Collection des Hautes études du monde gréco-romain, 18),
p. 32-40.
45 Ce manuscrit est l'un des plus anciens qui existent en écriture cursive, car l'entreprise encyclopédique
de Constantin Porphyrogénète coïncide avec la translittération : les morceaux choisis pour entrer dans la
collection des Excerpta étaient recopiés en minuscules à partir de manuscrits en onciales.
46 Il mesure 36,5 sur 27,8 cm.
47 D'après J. Wollenberg, qui l'utilisa entre 1860 et 1871 pour préparer les cours qu'il donnait au
Gymnasium français de Berlin sur Jean d'Antioche, Hérodote et Josèphe, le Turonensis 980 est de la
même main que le Parisinus 1835, manuscrit d'Aristote (cf. Exc. de virt., éd. Th. BÜTTNER-WOBST, Préface,
p. XXI, n. 2).
48 C'est-à-dire avant 959, date de la mort de Constantin.
49 Ce manuscrit est cependant réputé n'avoir pas été destiné à l'empereur lui-même : il aurait été
confectionné non pas pour être lu et recopié, mais pour être archivé dans la bibliothèque impériale. Tous
les volumes de l'encyclopédie constantinienne auraient ainsi été enfermés dans cette bibliothèque, où il
aurait été interdit de les recopier et où ils ne se seraient donc trouvés que pour être éventuellement
consultés (cf. J. IRIGOIN, Pour une étude des centres de copie byzantins, dans Scriptorium 12, 1958, p. 208-227
et 13, 1959, p. 177-181 : p. 180). Cette hypothèse nous semble hasardeuse, non seulement parce qu’une
telle interdiction n'est nullement avérée pour les Excerpta, qui ne sauraient être classés dans la même
catégorie de documents confidentiels que le De administrando imperio, par exemple. Mais surtout parce
que si Constantin Porphyrogénète prenait tant de soin à "faire activement rechercher et rassembler de
toutes les parties de la terre les livres" [...] "enfermant toutes les leçons de l'histoire", c'était pour les
"mettre largement à la disposition de tous", comme il l'affirme dans le Préambule des Excerpta (Exc. de
virt., p. 1-2). Les intentions de l'empereur byzantin étaient claires : diffuser la culture classique qu'il
admirait et la rendre accessible à ses sujets, comme en témoignent d'ailleurs les copistes des Excerpta, tel
celui des Excerpta de sententiis qui se plaignait que les livres (dont il avait lui-même besoin) appartenant à
des collectionneurs privés ne fussent pas communiqués au public (Excerpta de sententiis,
éd. U.Ph. BOISSEVAIN, Berlin, 1906, p. 70). L'encyclopédie composée par Constantin Porphyrogénète
conserve certes bien des mystères, mais son objectif ne fait aucun doute : promouvoir le mouvement de
renaissance culturelle du "premier humanisme byzantin" (cf. B. FLUSIN, Les Excerpta constantiniens :
logique d"une "anti-histoire" ? dans S. PITTIA (dir.), Fragments d'historiens grecs : autour de Denys
d’Halicarnasse, Paris-Rome 2002).
50 Tur., fol. 252r-256v (= fragments des AR 8 à 20). L'attribution à Denys est indiquée à la fin de la
séquence, par la formule :"Fin de l'Histoire de Denys
d'Halicarnasse" (fol. 256v, l. 2).
51 Cf. Th. BÜTTNER-WOBST, Der Codex Peirescianus. Ein Beitrag zur Kenntnis der Excerpte des Konstantinos
Porphyrogennetos, dans les Berichte über Verhandlungen 45, Leipzig 1893, p. 261-352 (p. 311).
52 En fait, il manque vraisembablement plutôt 8 foliosrv au minimum, c'est-à-dire un cahier (cf. supra,
n. 31).
53 Ce qui correspond à l'évaluation haute de Büttner-Wobst, qui chiffrait la perte à un quaternion, peut-
être à deux ou trois (Exc. de virt., p. 72, apparat).
54 Les fragments s'achèvent de temps en temps sur le renvoi : (s-e ). "Chercher
[la suite] dans la section [des Excerpta] Sur ...".
55 Paul Lemerle en donne la liste dans Le premier humanisme byzantin, p. 283-284.
16
56 "Aucun
sujet n'échappera à cette liste de [53] sections" (pour une traduction de l'ensemble du Préambule,
cf. P. Lemerle, Le premier humanisme, p. 281-282).
57 Contrairement au De thematibus, qui donne beaucoup de citations de poètes, notamment Homère et
Hésiode, l'encyclopédie des Excerpta ne cite que des historiens.
58 Certains commentateurs se sont naguère fondés sur cette hypothèse pour invalider toute la
souscription (cf. G. WITTE, De Nicolai Damasceni gragmentorum Romanorum fontibus, Berlin 1900, p.5-6).
59 (Préambule des Excerpta, p. 2).
60 Photius, au siècle précédent, ne connaissait déjà plus que les premiers livres des Histoires
(cf. Bibliothèque 189 = FGrH 90 T 13).
61 Souda, s. u. (FGrH 90 T 1).
62 Parisinus gr. 1397, fol. 299, l. 7 (cf. Nicolas de Damas, cit., p. XXI-XXIII).
63 Ludwig Dindorf en avait fait l'observation le premier (L. DINDORF, Nikolaos von Damaskos, in
Jahrbücher für classische Philologie, Leipzig 1869, p. 107-119 : p. 113).
64 Tur., fol. 156r, l. 17 (= FGrH 90 F 126).
65 FGrH 90 F 125.
66 : "Chercher dans la section Sur les exploits" (on trouve dans les
Excerpta trois renvois à cette section, par ailleurs entièrement disparue).
67 Il est possible de lire les Excerpta comme un puzzle, auquel il manque certes bien des morceaux, mais
dont quelques parties sont restées intactes. Le collage de certains fragments des Excerpta de virtutibus et
des Excerpta de insidiis permet, par exemple, de reconstituer des pans entiers du texte de Nicolas de
Damas, quand il arrive que les Excerpta de insidiis prennent la suite des Excerpta de virtutibus, la première
phrase du second étant la dernière du premier (FGrH 90 F 2-F 3). Cf. E. PARMENTIER-MORIN, L'Oeuvre
historique de Nicolas de Damas, Lille : éditions du Septentrion 2001, p. 183-190.
68 Employée pour Photius (cf. J. BOMPAIRE, Photius et la Seconde Sophistique d'après la Bibliothèque,
Hommage à Paul Lemerle, dans Travaux et Mémoires 8, p. 86), l'expression d'"atticisme byzantin" convient
également à l'œuvre de Constantin Porphyrogénète.