Étude des réponses psychophysiologiques des sapeurs
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Étude des réponses psychophysiologiques dessapeurs-pompiers lors des interventions de lutte contre
les incendiesPhilemon Marcel-Millet
To cite this version:Philemon Marcel-Millet. Étude des réponses psychophysiologiques des sapeurs-pompiers lors des in-terventions de lutte contre les incendies. Santé. Université Bourgogne Franche-Comté, 2020. Français.�NNT : 2020UBFCE020�. �tel-03353897�
UNIVERSITE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE
École doctorale n°554 – Environnements-Sante
THESE DE DOCTORAT
En vue de l’obtention du grade de Docteur de l’Université de Bourgogne Franche-Comté
Spécialité Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS)
Par
M. Philémon MARCEL-MILLET
ETUDE DES REPONSES PSYCHOPHYSIOLOGIQUES DES
SAPEURS-POMPIERS LORS DES INTERVENTIONS DE LUTTE
CONTRE LES INCENDIES
Thèse présentée et soutenue publiquement a Besançon, le 11 décembre 2020
Composition du jury :
M. Jérémy COQUART
(Président)
Professeur des Universités
Université de Rouen-Normandie
M. Antoine GAUTHIER
(Rapporteur)
Professeur des Universités
Université de Caen-Normandie
M. Grégoire MILLET
(Examinateur)
Professeur des Universités
Université de Lausanne
M. Sébastien FREIDIG
(Invité)
Commandant de sapeurs-pompiers professionnels
Chef de centre – CSP Besançon Centre
M. Gilles RAVIER
(Co-directeur)
Maître de Conférences
Université de Bourgogne Franche-Comté
M. Alain GROSLAMBERT
(Directeur)
Professeur des Universités
Université de Bourgogne Franche-Comté
EA 4660 Culture – Sport – Santé – Société (C3S)
REMERCIEMENTS
3
REMERCIEMENTS
Je tiens ici à exprimer mes remerciements à toutes les personnes qui m’ont accompagne,
soutenu et aidé, de près ou de loin, au cours de ce travail de thèse :
A Gilles Ravier, pour m’avoir propose puis accompagne tout au long de ce travail de thèse. Je
vous remercie tout d’abord de m’avoir fait confiance et de m’avoir permis de me lancer dans
cette aventure. Je vous remercie ensuite pour ces trois années passées à vos côtés. Merci pour
le temps que vous m’avez consacre, pour la qualité de nos échanges et pour tout ce que vous
m’avez transmis. C’est grâce a vous que j’ai pu debuter et aller au bout de ce travail.
A Alain Groslambert, pour avoir codirigé ce travail de thèse. Je vous remercie pour la confiance
que vous m’avez accordé depuis le début. Merci pour votre bienveillance, votre soutien, votre
disponibilité et vos conseils précieux durant cette collaboration.
A Gilles Ferréol, pour m’avoir accueilli au sein du laboratoire C3S. Merci egalement a Annick
Rousseau, d’avoir ete là et d’avoir assuré quand il le fallait.
Aux membres du jury pour avoir accepté de juger mon travail. Merci aux rapporteurs Jérémy
Coquart et Antoine Gauthier et merci à Grégoire Millet. Je suis très honoré que mon travail soit
examiné par un jury de si grande qualité.
A Sebastien Freidig, pour votre soutien sans faille dans ce projet. Je vous remercie de m’avoir
accorde votre confiance et d’avoir toujours tout fait pour nous permettre de travailler dans les
meilleures conditions possibles au sein de la caserne de Besançon Centre.
A tous les sapeurs-pompiers de Besançon Centre, et particulièrement à ceux assez fous pour
m’avoir servi de cobaye. Merci pour votre participation enthousiaste. Sans vous, nous n’aurions
pas pu mener de telles expérimentations.
Aux collègues du laboratoire C3S, et très particulièrement à Philippe et Sidney. Merci à vous
deux d’avoir toujours repondu presents et d’avoir pris le temps de partager vos connaissances
et votre expérience. Merci également aux collègues de Campus Sport, Claude, Sandrine, Nico
REMERCIEMENTS
4
et les autres… « il n’y a pas que le travail dans la vie » : vous avez toujours si bien su me le
rappeler.
Aux collègues doctorants du COPS/PIMS, Theo, Lucas, Victor… Theo, un grand merci a toi,
tu m’as accueilli et guide dans mes debuts. Tes conseils etaient si precieux. Lucas, merci pour
nos longs echanges, toujours riches et constructifs. J’ai hâte d’assister à ta soutenance !
Enfin et surtout je souhaite remercier du fond du cœur ma famille, mes parents, grands-parents,
mon frère, ma sœur... Merci à mes parents, pour votre amour et votre soutien en tout lieu et en
tout temps. Je souhaite délivrer une mention spéciale à Nathan et à Perrine. C’est grâce a une
enfance passee a vos côtes que j’ai acquis une patience, un sang-froid et une persévérance à
toute epreuve. C’est donc grâce a vous que j’en suis la. Et vu vos parcours, j’ai dû vous en faire
sacrément baver également…
A ma famille egalement… Leu, Marine, Spino, Tim, Cyrielle, Candice, Simon, Thomas G.,
Thomas D., Thomas J., Aline, Val, Filou, Bizu, Sarah, Deutsch, Carotte, Nono, Léo et tous les
autres… Ça n’a jamais ete facile de caler quelques minutes de travail entre deux de vos
invitations ! Un merci particulier a Spino et Bizu, d’avoir eu le courage et la gentillesse de relire
cette thèse.
Et le meilleur pour la fin. Juline, merci du fond du cœur pour ton amour et ton soutien que tu
m’as apporte tout au long de cette thèse. Enfin au bout… pour de nouvelles aventures !
RÉSUMÉ
5
Étude des réponses psychophysiologiques des sapeurs-pompiers lors des interventions
de lutte contre les incendies
Université de Bourgogne Franche-Comté
RÉSUMÉ
Les interventions de lutte contre les incendies sont a l’origine d’un stress
psychophysiologique consequent sur l’organisme des sapeurs-pompiers, ce qui provoque une
augmentation significative du risque de decès d’origine pathologique. L’enjeu actuel est de
préserver la santé et la sécurité des sapeurs-pompiers par une meilleure connaissance de leurs
réponses physiologiques et psychologiques au travail. Ainsi, l’objectif des travaux conduits
dans le cadre de cette thèse etait d’investiguer les reponses psychophysiologiques des
sapeurs-pompiers durant des interventions simulées de lutte contre les incendies, en
conditions écologiques.
Les principaux résultats de l’etude n°1 montrent qu’en plus d’un stress physiologique eleve
et d’une perturbation des fonctions executives durant l’intervention, la phase post-
intervention est marquée par une très faible activité parasympathique cardiaque. Cependant,
bien que l’appareil respiratoire ait entraine une augmentation de la duree de l’intervention,
du stress cardiaque et de la perception de la difficulte de l’effort, il n’a pas eu d’influence sur
la reactivation parasympathique cardiaque. Les deux etudes suivantes etaient d’ordre
méthodologique. L’etude n°2 a permis de quantifier la charge de travail generee par une
intervention de lutte contre les incendies. Elle révèle que la quantification subjective de la
charge de travail est la méthode la plus sensible aux differentes conditions d’equipement et
semble donc plus adaptée pour un suivi de la charge de travail des sapeurs-pompiers. Ensuite,
l’etude n°3 a teste la fiabilite et la sensibilite de l’analyse post-exercice de la variabilité de la
fréquence cardiaque à très court terme dans le but de faciliter son utilisation en conditions
ecologiques. Cependant, les resultats ont montre une faible sensibilite de l’analyse de la
variabilité de la fréquence cardiaque post-exercice à très court terme, et suggèrent donc de
conserver une analyse classique à court terme.
Après avoir révélé un stress psychophysiologique et une perturbation parasympathique
importante lors d’une intervention simulee de jour, nous avons montre dans l’etude n°4 que
le stress psychophysiologique était plus important la nuit que le jour, lors de la phase d’alarme
et lors de la récupération. Enfin, lors de l’etude n°5, l’investigation d’une phase plus retardee
de la récupération, durant le sommeil des sapeurs-pompiers a montre que l’activite autonome
cardiaque nocturne était perturbée lors des nuits de garde avec et sans interventions.
Ce travail de thèse apporte de nouvelles connaissances sur les réponses
psychophysiologiques des sapeurs-pompiers, et notamment sur la régulation autonome
cardiaque nocturne et post-intervention. Les résultats issus de ce travail de thèse fournissent
des recommandations sur l’utilisation de certains outils d’evaluation pour les sapeurs-
pompiers et ouvrent de nouvelles perspectives de recherches visant à réduire le stress
psychophysiologique de ces derniers.
Mots clés : Sapeurs-pompiers, Lutte contre les incendies, Récupération, Physiologie de
l’exercice, Regulation autonome du myocarde, Variabilité de la fréquence cardiaque,
Fonctions exécutives
ABSTRACT
6
Psychophysiological responses of firefighters during firefighting interventions
University of Bourgogne Franche-Comté
ABSTRACT
Firefighting interventions lead to high psychophysiological stress in firefighters, which causes
a significant increase in the risk of death from pathological causes. The current challenge is to
preserve the health and safety of firefighters through better knowledge of their physiological
and psychological responses at work. Thus, the objective of this doctoral work was to
investigate the psychophysiological responses of firefighters during simulated firefighting
interventions, in ecological conditions.
The main results of study 1 showed that in addition to the high physiological stress and the
disruption of executive functions during the firefighting intervention, the post-intervention
phase is marked by very low cardiac parasympathetic activity. However, although the breathing
apparatus increased the duration of the intervention, as well as the cardiac stress and the
perceived exertion, it did not influence the cardiac parasympathetic reactivation.
The next two studies were methodological. Study 2 has quantified the workload generated by a
firefighting intervention. The results revealed that subjective quantification of the workload is
the most sensitive method to discriminate different equipment conditions and therefore seems
more suitable for monitoring the workload of firefighters. Then, study 3 tested the reliability
and the sensitivity of post-exercise analysis of ultra-short-term heart rate variability in order to
facilitate its use in ecological conditions. However, the results showed a low sensitivity of ultra-
short-term heart rate variability analysis, and therefore suggest to keep a conventional short-
term analysis.
After showing a psychophysiological stress and a significant parasympathetic disturbance
during a simulated daytime intervention, we showed in study 4 that psychophysiological stress
was greater at night than during the day, both during the alarm phase and the recovery phase.
Finally, in study 5, the investigation of a more delayed phase of recovery, during the sleep of
firefighters, showed that nocturnal cardiac autonomic activity was disturbed during nights when
firefighters are on-call, with and without interventions.
This doctoral work provides new knowledge on the psychophysiological responses of
firefighters during firefighting interventions, and in particular on nocturnal and post-
intervention cardiac autonomic regulation. The results of this thesis provide recommendations
on the use of firefighter monitoring tools and open up new research perspectives aimed at
reducing their psychophysiological stress.
Key words: Firefighters, Firefighting, Recovery, Exercise physiology, Autonomic control of
the heart, Heart rate variability, Executive functions
TABLE DES MATIÈRES
7
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS ............................................................................................................................................ 3
RÉSUMÉ ............................................................................................................................................................... 5
ABSTRACT ........................................................................................................................................................... 6
TABLE DES MATIÈRES .................................................................................................................................... 7
LISTE DES PUBLICATIONS ........................................................................................................................... 10
LISTE DES ABRÉVIATIONS .......................................................................................................................... 13
LISTE DES FIGURES ....................................................................................................................................... 15
LISTE DES TABLEAUX ................................................................................................................................... 17
INTRODUCTION GENERALE ....................................................................................................................... 19
1. CONTEXTE GENERAL DU TRAVAIL DE RECHERCHE .................................................................................. 19
2. INTRODUCTION ........................................................................................................................................ 21
CHAPITRE 1 : REVUE DE LITTERATURE ................................................................................................. 25
1.1 LES SAPEURS-POMPIERS : LES INTERVENTIONS DE LUTTE CONTRE LES INCENDIES .............................. 25
1.1.1 La phase du signal d’alarme et de mobilisation ............................................................................ 25
1.1.2 La phase d’intervention ................................................................................................................. 31
a. Le coût énergétique ........................................................................................................................................ 31
b. Les réponses cardiovasculaires ...................................................................................................................... 35
c. Le stress thermique ........................................................................................................................................ 38
d. Le stress psychologique ................................................................................................................................. 41
e. Les fonctions cognitives ................................................................................................................................. 42
f. Les réponses hormonales et inflammatoires................................................................................................... 44
g. Les blessures sur intervention ........................................................................................................................ 45
h. Conclusions .................................................................................................................................................... 45
1.1.3 La phase post-intervention ............................................................................................................ 48
1.2 LE SYSTEME NERVEUX AUTONOME ..................................................................................................... 53
1.2.1 Le SNA dans le système nerveux ................................................................................................... 53
1.2.2 Structure du système nerveux sympathique ................................................................................... 55
1.2.3 Structure du système nerveux parasympathique ........................................................................... 57
1.2.4 Les neurotransmetteurs du SNA .................................................................................................... 60
1.2.5 Les rôles du SNA ........................................................................................................................... 61
1.3 LE CONTROLE DE LA FREQUENCE CARDIAQUE PAR LE SYSTEME NERVEUX AUTONOME ...................... 63
1.3.1 Le système de conduction du cœur ................................................................................................ 63
1.3.2 Les récepteurs sensoriels et le centre cardiovasculaire ................................................................ 65
1.3.3 L’innervation du cœur par le SNA................................................................................................. 66
TABLE DES MATIÈRES
8
1.3.4 La régulation de la FC par le SNA ................................................................................................ 68
1.4 LA VARIABILITE DE LA FREQUENCE CARDIAQUE ................................................................................. 69
1.4.1 Les méthodes d’analyse ................................................................................................................. 69
a. L’analyse temporelle ...................................................................................................................................... 70
b. L’analyse spectrale ......................................................................................................................................... 71
c. L’analyse de Poincarre ................................................................................................................................... 71
1.4.2 Les durées d’évaluation de la VFC ............................................................................................... 72
1.4.3 Les situations d’évaluation de la VFC .......................................................................................... 73
a. Analyse sur une période de repos stable ........................................................................................................ 73
b. Analyse lors d’un test orthostatique ............................................................................................................... 73
c. Analyse nocturne ........................................................................................................................................... 74
d. Analyse durant un exercice physique ............................................................................................................. 75
e. Analyse post-exercice .................................................................................................................................... 76
f. Conclusions autour de la méthodologie de la VFC ........................................................................................ 76
1.4.4 Les réponses de la VFC à un stress physique ................................................................................ 77
a. Durant l’exercice physique ............................................................................................................................ 77
b. En post-exercice ............................................................................................................................................. 79
1.4.5 Les réponses de la VFC à un stress psychologique ....................................................................... 83
1.4.6 Conclusion autour de la VFC ........................................................................................................ 84
1.5 SYNTHESE ET PROBLEMATIQUE DE THESE ........................................................................................... 85
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION ..................................................................................... 88
2.1 ÉTUDE N°1 : REPONSES PHYSIOLOGIQUES ET REACTIVATION PARASYMPATHIQUE DURANT LES
INTERVENTIONS DE LUTTE CONTRE LES INCENDIES : L’EFFET DE L’APPAREIL RESPIRATOIRE ISOLANT .............. 89
2.1.1 Introduction ........................................................................................................................................ 89
2.1.2 Méthodologie ...................................................................................................................................... 90
2.1.3 Résultats ............................................................................................................................................. 96
2.1.4 Discussion ......................................................................................................................................... 102
2.1.5 Conclusion et perspectives ............................................................................................................... 109
2.2 ÉTUDE N°2 : EFFET DE L’EQUIPEMENT DE PROTECTION DES SAPEURS-POMPIERS SUR LA CHARGE DE TRAVAIL
EXTERNE ET INTERNE DURANT UNE INTERVENTION DE LUTTE CONTRE LES INCENDIES ................................... 110
2.2.1 Introduction ...................................................................................................................................... 110
2.2.2 Méthodologie .................................................................................................................................... 112
2.2.3 Résultats ........................................................................................................................................... 115
2.2.4 Discussion ......................................................................................................................................... 118
2.2.5 Conclusion et applications pratiques ............................................................................................... 122
2.3 ÉTUDE N°3 : LA CONDITION PHYSIQUE DES SAPEURS-POMPIERS INFLUENCE-T-ELLE LEUR REACTIVATION
PARASYMPATHIQUE CARDIAQUE ? ANALYSE AVEC LA VARIABILITE DE LA FREQUENCE CARDIAQUE POST-
EXERCICE PAR DES MESURES A COURT TERME ET TRES COURT TERME ............................................................ 124
2.3.1 Introduction ...................................................................................................................................... 124
2.3.2 Méthodologie .................................................................................................................................... 125
2.3.3 Résultats ........................................................................................................................................... 127
TABLE DES MATIÈRES
9
2.3.4 Discussion ......................................................................................................................................... 131
2.3.4 Conclusion ........................................................................................................................................ 135
CHAPITRE 3 : SECONDE EXPERIMENTATION ..................................................................................... 136
3.1 ÉTUDE N°4 : REPONSES PSYCHOPHYSIOLOGIQUES DES SAPEURS-POMPIERS LORS D’INTERVENTIONS DE
LUTTE CONTRE LES INCENDIES REALISEES DE JOUR ET DE NUIT ....................................................................... 137
3.1.1 Introduction ...................................................................................................................................... 137
3.1.2 Méthodologie .................................................................................................................................... 138
3.1.3 Résultats ........................................................................................................................................... 143
3.1.4 Discussion ......................................................................................................................................... 147
3.1.5 Conclusion ........................................................................................................................................ 152
3.2 ÉTUDE N°5 : EFFET D’UNE NUIT DE GARDE AVEC ET SANS INTERVENTION SUR L’ACTIVITE AUTONOME
CARDIAQUE NOCTURNE ET LA QUALITE DU SOMMEIL DES SAPEURS-POMPIERS ............................................... 154
3.2.1 Introduction ...................................................................................................................................... 154
3.2.2 Méthodologie .................................................................................................................................... 156
3.2.3 Résultats ........................................................................................................................................... 159
3.2.4 Discussion ......................................................................................................................................... 163
3.2.5 Conclusion ........................................................................................................................................ 167
DISCUSSION GÉNÉRALE ............................................................................................................................. 168
LIMITES ET PERSPECTIVES ...................................................................................................................... 173
CONCLUSION GÉNÉRALE .......................................................................................................................... 176
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 177
LISTE DES PUBLICATIONS
10
LISTE DES PUBLICATIONS
Publications en lien avec la thématique :
Marcel-Millet P., Ravier G., Grospretre S., Gimenez P., Freidig S., Groslambert A.
Physiological responses and parasympathetic reactivation in rescue interventions: The effect of
the breathing apparatus. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, 2018, vol. 28,
no 12, p. 2710-2722. DOI : 10.1111/sms.13291.
Marcel-Millet P., Ravier G., Groslambert A. Effect of firefighter’s protective equipment on
external and internal load during a simulated rescue intervention. Journal of Strength and
Conditioning Research, Publié en ligne avant impression le 12 mars 2020. DOI:
10.1519/jsc.0000000000003551.
Marcel-Millet P., Ravier G., Esco MR., Groslambert A. Does the firefighters’ physical fitness
influence their cardiac parasympathetic reactivation? Analysis with post-exercise heart rate
variability and ultra-short-term measures. International Journal of Occupational Safety and
Ergonomics (JOSE), 2020, p. 1-9. DOI : 10.1080/10803548.2020.1738689.
Marcel-Millet P., Groslambert A., Ravier G. Effects on firefighters’ nocturnal cardiac
autonomic activity and sleep quality of on-call nights with and without firefighting
interventions. Journal of Occupational and Environmental Medicine (JOEM). Publié en ligne
avant impression, septembre 2020. DOI: 10.1097/JOM.0000000000002025.
Publication sur une thématique différente :
Ravier G., Marcel-Millet P. Cardiac parasympathetic reactivation following small-sided
games, repeated sprints and circuit training in elite handball players. Journal of Human
Kinetics, 2020, vol. 73, no 1, p. 115-124. DOI: 10.2478/hukin-2019-0136
LISTE DES PUBLICATIONS
11
Publications attendues :
Marcel-Millet P., Groslambert A., Grospretre S., Gimenez P., Ravier G. Psychophysiological
responses of firefighters during simulated rescue interventions at night and during the day.
Soumission dans une revue scientifique à comité de lecture international en cours.
Ravier G., Marcel-Millet P., Fostel C., Baradat E. Post-exercise cold- and contrasting-water
immersion effects on heart rate variability recovery with international handball female players.
En révision dans la revue Journal of Human Kinetics. Aout 2020.
Marcel-Millet P., Gimenez P., Groslambert A., Ravier G., Grosprêtre S. The influence of the
type of biofeedback on maximal handgrip strength. Soumission dans une revue scientifique à
comité de lecture international en cours.
Scholler V., Groslambert A., Marcel-Millet P., Simonin V., Ravier G., Grappe F., Heat and
sweat management by a cycling garment impact thermal sensation during exercise in hot and
moist conditions. En révision dans Sports Engineering. Juillet 2020.
Communications orales :
Marcel-Millet P. Quand ils se prennent pour des pompiers, les super-héros s’enflamment-ils
? Présentation orale, Rencontres universitaires, laboratoire C3S, Besançon, 4 mai 2018.
Marcel-Millet P. Les vêtements connectés au service du sapeur-pompier. Présentation orale,
Séminaire « le sapeur-pompier 2.0 », laboratoire C3S, Besançon, 18 octobre 2018.
Marcel-Millet P., Ravier G. Le système nerveux autonome chez le sapeur-pompier.
Présentation orale, Colloque des Jeunes Chercheurs, École Doctorale Environnement Santé,
Besançon, 14-15 juin 2018.
Marcel-Millet P., La mesure du risque professionnel. Le cas des sapeurs-pompiers.
Présentation orale. Colloque Jeunes chercheurs C3S « Recueil des données et interprétation des
résultats », Besançon, 20 mars 2019.
LISTE DES PUBLICATIONS
12
Marcel-Millet P., Objective and subjective methods for quantifying workload and their
relationships in firefighters’ occupational activities. Présentation orale, Colloque des Jeunes
Chercheurs, École Doctorale Environnement Santé, Dijon, 13-14 juin 2019.
Marcel-Millet P., Ravier G. Évaluation de l’activité du système nerveux parasympathique
post-exercice chez les sapeurs-pompiers. Présentation orale, 18ème congrès international de
l’Association des Chercheurs en Activites Physiques et Sportives, Paris, 29 – 31 Octobre 2019.
Marcel-Millet P. L’analyse de la variabilité de la fréquence cardiaque chez les sportif·ve·s.
Présentation orale, colloque C3S « Sports, culture populaire et culture matérielle », Besançon,
24-25 septembre 2020.
Un acte de seminaire a fait l’objet d’un chapitre d’ouvrage.
Marcel-Millet P., La mesure du risque professionnel. Le cas des sapeurs-pompiers. in Ferreol
G (sous la coord. de), Actes du colloque Jeunes chercheurs C3S « Recueil des données et
interprétation des résultats », 17-24, 2019.
Communication affichée :
Marcel-Millet P., Ravier G. L’intensité de l’exercice de pédalage a un effet positif sur les
fonctions exécutives post-exercice. Pedalling intensity has a positive effect on post-exercise
executive functions. Poster au 17ème congrès international de l’Association des Chercheurs en
Activités Physiques et Sportives, Dijon, 29 – 31 Octobre 2017.
LISTE DES ABRÉVIATIONS
13
LISTE DES ABRÉVIATIONS
• ACTH : adrénocorticotrophine
• ANOVA : Analyse de variance
• ARI : appareil respiratoire isolant
• BF : bande des basses fréquences
• Bpm : battements par minute
• CEPARI : centre d’entrainement au port de l’appareil respiratoire isolant
• ECG : électrocardiogramme
• EPI : équipement de protection individuel
• ES : effect size
• ET : écart type
• FC : fréquence cardiaque
• FCmax : fréquence cardiaque maximale
• FCR : fréquence cardiaque de récupération
• FR : fréquence respiratoire
• HF : bande des hautes fréquences
• HPA : axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien
• ICC : coefficient de corrélation intra-classe
• IFT : intermittent fitness test
• IMC : indice de masse corporelle
• LoA : limites d’agrement
• MCOM : quantite totale des mouvements detectes par l’acceleromètre
• PA : pression artérielle
• RMSSD : racine carrée de la moyenne de la somme des carrés des différences entre des
intervalles RR successifs
• RPE : évaluation de l’effort perçu
• SD1 : ecart type de l’intervalle RR instantane
• SD2 : ecart type de l’intervalle RR continu a long terme
• SDIS : service departemental d’incendie et de secours
• SDNN : ecart type d’une serie d’intervalles RR
• SNA : système nerveux autonome
• SNC : système nerveux central
LISTE DES ABRÉVIATIONS
14
• SNP : système nerveux parasympathique
• SNS : système nerveux sympathique
• SV1 : seuil ventilatoire 1
• SV2 : seuil ventilatoire 2
• TEM : erreur typique de mesure
• UA : unités arbitraires
• VFC : variabilité de la fréquence cardiaque
• VIFT : vitesse du dernier palier de l’intermittent fitness test
• VO2 : consommation d’oxygène
• VO2max : consommation maximale d’oxygène
LISTE DES FIGURES
15
LISTE DES FIGURES
Figure 1. Circonstance des décès en service des sapeurs-pompiers en France entre 2009 et 2018
(source : direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises). .......................... 23
Figure 2. Principaux modes de thermolyse de l’organisme ..................................................... 39
Figure 3. Interactions théoriques entre les réponses cardiaques, vasculaires et hémostatiques et
les interventions de lutte contre les incendies et les événements cardiaques soudains chez les
personnes sensibles. RH, hypothermie réactive ; BF, débit sanguin ; Fxn, fonction ; SEVR,
viabilité myocardique sous-endocardique ; SV, volume d’ejection systolique ; RPP, produit
fréquence-pression ; SS, contrainte de cisaillement. De Smith D., Deblois JP, Kales SN and
Horn GP. Cardiovascular strain of firefighting and the risk of sudden cardiac events. Exerc.
Sport Sci. Rev., Vol. 44, No. 3, pp. 90–97, 2016. Utilise avec la permission de l’auteur. ...... 46
Figure 4. Organisation du système nerveux et de ses principales subdivisions ....................... 54
Figure 5. Comparaison schématique des neurones moteurs sympathiques et parasympathiques.
Reproduction de la figure 14.2 p. 605 dans « Anatomie et physiologie humaines. 11ème édition »
de Marieb E. et Hoehn K. (2019). ............................................................................................ 55
Figure 6. Description anatomique du système nerveux sympathique. Reproduction de la figure
14.7 p. 613 dans « Anatomie et physiologie humaines. 11ème édition » de Marieb E. et Hoehn
K. (2019). ................................................................................................................................. 57
Figure 7. Description anatomique du système nerveux parasympathique. Reproduction de la
figure 14.4 p. 609 dans « Anatomie et physiologie humaines. 11ème édition » de Marieb E. et
Hoehn K. (2019). ...................................................................................................................... 59
Figure 8. Système de conduction du coeur. Reproduction de la figure 18.13 p. 789 dans «
Anatomie et physiologie humaines. 11ème édition » de Marieb E. et Hoehn K. (2019). ........ 64
Figure 9. Tracé d'un ECG et correspondances avec les étapes de dépolarisation et de
repolarisation du cœur .............................................................................................................. 65
Figure 10. Innervation du cœur par les nerfs sympathiques et parasympathiques. Reproduction
de la figure 14.14 p. 791 dans « Anatomie et physiologie humaines. 11ème édition » de Marieb
E. et Hoehn K. (2019). ............................................................................................................. 67
Figure 11. Definition de l’intervalle RR .................................................................................. 69
Figure 12. Diagramme de Poincaré .......................................................................................... 72
Figure 13. Variabilité de la fréquence cardiaque au repos, durant l'exercice et la récupération,
selon trois intensités d'exercice. LOW : faible intensité : <SV1 à 40-45% de la FC de réserve ;
LISTE DES FIGURES
16
MOD : intensité modérée : entre SV1 et SV2 à 75-80% de la FC de réserve ; HIGH : haute
intensité >SV2 à 90-95% de la FC de réserve. De Michael, S., Jay, O., Halaki, M., Graham, K.,
& Davis, G. M. (2016). Submaximal exercise intensity modulates acute post-exercise heart rate
variability. European journal of applied physiology, 116(4), 697-706. Utilisé avec la permission
de l’auteur. ................................................................................................................................ 81
Figure 14. Vue d'ensemble de la conception expérimentale. MR : mauvaises réponses ; TR :
temps de réponse ; SCWT : Stroop Colour Word test ; MCOM : quantité totale des mouvements
de l’acceleromètre. ................................................................................................................... 92
Figure 15. Valeurs moyennes ± erreurs standards du lnRMSSD30s durant les 10 minutes de
récupération après les conditions PPC, ARIb, ARIc et IFT. .................................................... 98
Figure 16. Comparaison des réponses physiologiques (FC ; FR) entre les trois interventions
simulées (PPE, ARIb, ARIc) pour l'intervention globale et chacune des six tâches. * différence
significative (p < 0,05) ; *** différence significative (p < 0,0001). ...................................... 100
Figure 17. Comparaison de l’activite mecanique (MCOM) entre les trois interventions simulees
(PPE, ARIb, ARIc) pour l'intervention globale et chacune des six tâches. ............................ 101
Figure 18. Comparaison des valeurs pré et post-intervention du Stroop Colour Word test pour
les trois interventions simulées. ***: différence significative (p <0,0001). .......................... 102
Figure 19. Vue d'ensemble du protocole expérimental. CSAI-2 : Competitive State Anxiety
Inventory–2 ; SSS : échelle de somnolence de Stanford ; PA : pression artérielle ; FC :
fréquence cardiaque ; RPE : perception de la difficulte de l’effort ; FCR : fréquence cardiaque
de récupération ; VFC : variabilité de la fréquence cardiaque. .............................................. 141
Figure 20. Évolution de la PA systolique et diastolique au cours des trois conditions
expérimentales. *: différence significative vs repos (p < 0,01); **: différence significative vs
repos (p < 0,0001); #: différence significative vs pré-intervention (p < 0,05); $: différence
significative vs post-1 minute (p < 0,001). ............................................................................. 145
Figure 21. FC nocturne, mRR, RMSSD et SD1 moyens des trois premières heures analysées
pour les trois conditions expérimentales. * indique p <0,05, ** indique p <0,01. ................. 162
Figure 22. Apports des études 1 à 5 dans la compréhension des trois phases d'une intervention
de lutte contre les incendies ................................................................................................... 169
LISTE DES TABLEAUX
17
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1. Fonctions du SNS et du SNP sur les differents organes qu’ils innervent.
Reproduction de la figure 14.5 p. 619 dans « Anatomie et physiologie humaines. 11ème édition »
de Marieb E. et Hoehn K. (2019). ............................................................................................ 62
Tableau 2. Fréquence cardiaque de récupération et variabilité de la fréquence cardiaque après
les conditions PPC, ARIb, ARI et IFT ...................................................................................... 97
Tableau 3. Réponses physiologiques, perceptives et activité durant les conditions PPC, ARIb et
ARIc. ......................................................................................................................................... 99
Tableau 4. Comparaison de la FC moyenne entre les six tâches de l'intervention simulée pour
les conditions PPC, ARIb et ARIc........................................................................................... 101
Tableau 5. Durée de réalisation, FC et RPE pour les trois conditions d'équipement ............. 115
Tableau 6. Charges de travail internes, externes et indirectes pour les trois conditions
d’equipement .......................................................................................................................... 116
Tableau 7. Comparaisons qualitatives des charges de travail entre les trois conditions
d'équipement........................................................................................................................... 116
Tableau 8. Matrice de corrélation entre les charges de travail internes, externes et indirectes
................................................................................................................................................ 117
Tableau 9. Fiabilite entre l’analyse a très court terme et l’analyse de reference du lnRMSSD
pour la condition IFT .............................................................................................................. 128
Tableau 10. Fiabilite entre l’analyse a très court terme et l’analyse de reference du lnRMSSD
pour la condition PPC ............................................................................................................ 128
Tableau 11. Fiabilite entre l’analyse a très court terme et l’analyse de reference du lnRMSSD
pour la condition ARIb ........................................................................................................... 128
Tableau 12. Fiabilité entre l’analyse a très court terme et l’analyse de reference du lnRMSSD
pour la condition ARIc............................................................................................................ 129
Tableau 13. Présentations des valeurs de lnRMSSD pour les conditions PPC, ARIb, ARIc et IFT
pour les 24 participants .......................................................................................................... 129
Tableau 14. Présentation des réponses pour chaque condition expérimentale pour chacun des
deux groupes de condition physique ...................................................................................... 131
Tableau 15. Performances, FC et réactivation parasympathique pour les phases d’alarme et
mobilisation, d’intervention et post-intervention des conditions JourAS et NuitAS ................ 144
LISTE DES TABLEAUX
18
Tableau 16. Évolution des variables psychologiques entre les mesures de repos et pré-
intervention pour les conditions JourAS, NuitAS et NuitAV. .................................................... 146
Tableau 17. FC et indices de VFC présentés heure par heure pour les trois conditions
expérimentales ........................................................................................................................ 161
Tableau 18. Ensemble des indices de la qualité du sommeil pour les trois conditions
expérimentales ........................................................................................................................ 163
INTRODUCTION GENERALE
19
INTRODUCTION GENERALE
1. Contexte général du travail de recherche
Cette thèse s'inscrit dans la réalisation du programme de recherche RESponSE (RESeau de
capteurs pour la santé des POmpiers et leur SEcurité). Le projet s'est déroulé sur la période du
01/06/2016 au 31/08/2020. Il a été soutenu (convention n°2367) par le programme européen de
coopération transfrontalière Interreg V France-Suisse 2014-2020 et a bénéficié à ce titre d'un
soutien financier du Fond Europeen de Developpement Regional de 543.000 € et de fonds
federaux Interreg suisses de 99.000 €. Une partie de l'aide financière a couvert mon salaire de
doctorant, l'achat du matériel nécessaire à la réalisation des expérimentations et les frais
associés aux publications. Ce projet était porté par Christophe Guyeux (FEMTO-ST, Université
de Bourgogne Franche-Comté) et par Pierre-André Farine (ESPLAB, Ecole Polytechnique
Fédérale de Lausanne). Le projet RESponSE est un projet de recherche appliqué collaboratif
entre entreprises privées (situées de part et d’autre de la frontière, dans le Canton de Neuchâtel
et dans le département du Doubs), laboratoires universitaires (École Polytechnique Fédérale de
Lausanne, l’Universite de Bourgogne Franche-Comte, l’Université de technologie de Belfort
Montbeliard et l’institut Franche-Comté Electronique Mécanique Thermique et Optique –
Sciences et Technologies) et le Service Departemental d’Incendie et de Secours du Doubs
(SDIS 25).
Le travail de thèse a été mené dans le cadre de la réalisation du work-package n° 5 intitulé
"Acquisition et analyse des données corporelles : suivi des réponses physiologiques,
psychologiques et mécaniques du sapeur-pompier en manœuvre". Ce work-package était dirigé
par Gilles Ravier (Laboratoire Culture Sport Santé Société, UBFC), coordinateur d'équipe
académique (les membres du laboratoire C3S participants au projet). A ce titre, Gilles Ravier
était impliqué dans le management du projet RESponSE (work-package n°1) ainsi que dans la
communication et la dissémination des résultats (work-package n°6).
Les autres work-package avaient pour objectif la conception d’un système d’interrogation des
capteurs passifs (évaluation du bâti) et des capteurs corporels. Le projet RESponSE vise à
développer des produits innovants à haute valeur ajoutée, que sont des capteurs passifs
résistants aux conditions hostiles, des solutions algorithmiques permettant le suivi des
personnes et des environnements, une application smartphone pour la géolocalisation des
INTRODUCTION GENERALE
20
pompiers lors d'appel à intervention, des vêtements intelligents pour les interventions de
secours.
Le laboratoire C3S, dirige par le Pr. Gilles Ferréol, se caracterise par une equipe d’accueil
multidisciplinaire organisee en trois axes, dont l’objet d’etude commun qui est le sport, est
etudie a travers la physiologie, la sociologie ou encore l’histoire.
Le SDIS 25 était représenté dans le projet RESponSE par le Commandant Sébastien Freidig,
chef de centre du Centre de Secours Principal de Besançon centre. Le SDIS 25 étant ouvert et
intéressé par les potentielles innovations apportées par le projet RESponSE, nous avons pu
compter sur l’entière collaboration des sapeurs-pompiers du Doubs et notamment sur les
sapeurs-pompiers du centre de secours de Besançon Centre, commandés par Sébastien Freidig.
C’est ainsi que cette thèse a pu debuter en septembre 2017 au sein de l’axe « sport et
performance » du laboratoire C3S, sous la codirection de Gilles Ravier et d’Alain Groslambert.
L’objectif de cette thèse etait de realiser un suivi des reponses psychophysiologiques des
sapeurs-pompiers lors des interventions de lutte contre les incendies, en situation écologique, à
l’aide de capteurs connectes deja commercialises, permettant ainsi de tester leur utilisation sur
le terrain.
INTRODUCTION GENERALE
21
2. Introduction
Les sapeurs-pompiers sont placés sous la tutelle du ministère de l'Intérieur via la Direction
générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. Cette direction est chargée de « la
prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ainsi que la
protection des personnes, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et
les catastrophes par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés
relevant de l’État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées »
(Article 1 - Loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile). Pour ce
faire, elle peut s’appuyer sur differents acteurs dont font partie les sapeurs-pompiers ou encore
les Services d’Aide Médicale Urgente ainsi que toutes les associations agréées de sécurité
civile.
En France en 2018, 249 700 sapeurs-pompiers étaient regroupés au sein d’etablissements
publics départementaux, les services departementaux d’incendie et de secours (SDIS), ou
encore au sein d’unites militaires, la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris et le Bataillon des
marins-pompiers de Marseille. Ces deux unités militaires représentent environ 5% des effectifs
avec 12 700 militaires. Parmi les sapeurs-pompiers restant, 40 400 sont professionnels (16%)
et 196 600 sont volontaires (79%). Au niveau départemental, les SDIS sont dirigés par un
officier supérieur de sapeurs-pompiers qui est placé sous la double autorité du préfet (gestion
opérationnelle) et du président de leur Conseil d'administration (gestion administrative et
financière). Les SDIS sont chargés des missions suivantes :
- Missions de prévention : analyse et vérification du respect des règles de sécurité dans
les bâtiments destinés à accueillir du public
- Missions de prévision : tout ce qui contribue à faciliter l'organisation des secours doit
être vérifié ou mis en place (étude des risques, points d'eau, etc.)
- Opérations de secours
Les activités opérationnelles des sapeurs-pompiers sont donc très variées : elles varient dans
leur nature et dans leur fréquence au cours des périodes de garde qui s’etendent sur 24 heures.
La nature des interventions est classée par la direction générale de la sécurité civile et de la
gestion des crises selon sept grandes catégories : les interventions de lutte contre les incendies,
les secours à victime, les aides à la personne, les accidents de circulation, les risques
technologiques, la protection des biens et les opérations diverses. Les interventions de secours
INTRODUCTION GENERALE
22
à victime sont de loin les plus nombreuses (73%) devant les interventions de lutte contre les
incendies (6%), les accidents de circulation (6%) et les opérations diverses (6%). Les
contraintes appliquées sur les sapeurs-pompiers, de par la nature et la répartition des
interventions, les formations continues et l’entretien de leur condition physique en font une des
activités professionnelles les plus dangereuses, avec un risque important de blessure et de décès
(Kales et al. 2003, 2007; Farioli et al. 2014; Haynes and Molis 2015; Smith et al. 2016). En
effet, le niveau de risque de blessure chez les sapeurs-pompiers est élevé, avec un indice de
fréquence en 2018 de 102 accidents pour 1000 sapeurs-pompiers (pour une moyenne nationale
en France, toutes professions confondues, de 33,4).
Par ailleurs, les décès en service représentent une préoccupation majeure pour les sapeurs-
pompiers. Bien qu’en France le nombre de décès en service tende à diminuer, avec 154 décès
sur la période 1999-2008 et 88 décès entre 2009 et 2018, leur nombre reste cependant élevé
avec 11 decès rien que pour l’annee 2018. Sur la periode 2009-2018, 33% des décès ont eu lieu
sur le site d’intervention, 37% sur la voie publique par des accidents de circulation et 24% sont
d’origine pathologique (Figure 1). Bien que leur nombre soit en forte baisse, les accidents
d’origine pathologique representent regulièrement la principale cause de decès en service : ils
sont arrivés en tête à 7 reprises sur les 10 dernières années et sont a l’origine de 21 decès en
service chez les sapeurs-pompiers sur cette même période. Cette proportion est encore plus
elevee a l’etranger, aux États-Unis notamment, où entre 45 et 50% des décès en service sont
d’origine pathologique (Kales et al. 2003, 2007).
INTRODUCTION GENERALE
23
Figure 1. Circonstance des décès en service des sapeurs-pompiers en France entre 2009 et
2018 (source : direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises).
La part importante du nombre de decès d’origine pathologique dans la totalité des décès des
sapeurs-pompiers serait principalement due aux interventions de lutte contre les incendies. En
effet, les autres interventions (secours à victime, opérations diverses etc.) ne présentent pas de
risque accru de décès de ce type (Kales et al. 2003, 2007; Farioli et al. 2014). Bien qu’elles ne
représentent que 6% de la totalité de leurs missions, les interventions de lutte contre l’incendie
ont représenté plus de 305 000 interventions en France en 2018. Ce sont les contraintes
psychologiques et physiologiques particulières rencontrées lors de ces interventions qui sont à
l’origine de cette augmentation du risque de decès (Smith et al. 2016; Kales and Smith 2017).
Ce stress psychophysiologique qui resulte de ces interventions depend de l’interaction de trois
différentes phases successives que l’on retrouve presque systematiquement dans le déroulé
d’une intervention de lutte contre les incendies (Kales et al. 2003, 2007; Farioli et al. 2014).
On va tout d’abord retrouver la première phase, qui est la phase du signal d’alarme et de la
mobilisation subséquente. Cette phase correspond au moment où le sapeur-pompier est averti
de son depart en intervention par un signal d’alarme. S’ensuit alors une periode de mobilisation
durant laquelle le sapeur-pompier stoppe son activite en cours pour s’informer du motif de
l’intervention, puis se preparer en s’equipant avec ses équipements de protection individuelle
(EPI) et pour enfin se rendre dans le véhicule dans lequel il terminera de s’equiper lors du trajet
INTRODUCTION GENERALE
24
le conduisant sur le lieu de l’intervention. La seconde phase debute dès l’arrivee sur les lieux
de l’intervention. Lors de cette phase, les sapeurs-pompiers sont amenés à attaquer et éteindre
des incendies, rechercher et sauver des victimes, se déplacer et transporter des équipements
lourds (échelles, tuyaux, outils, etc.), forcer des entrées ou encore ventiler des bâtiments
enfumés, le tout dans des situations psychologiquement stressantes. Ces différentes tâches sont
generalement realisees dans une atmosphère chaude et viciee, necessitant le port d’EPI lourds
( 24kg) et encombrants. La durée de cette phase est extrêmement variable, allant de quelques
minutes pour des incendies mineurs à plusieurs heures ou jours pour les opérations de plus
grande envergure. La seconde phase prend fin lorsque l’intervention se termine laissant place
ainsi à la troisième phase, la phase de récupération post-intervention. La durée de cette phase
peut également être très variable, allant de quelques minutes seulement en cas de nouvelle
intervention jusqu’a plusieurs heures post-intervention. Elle inclut tous les éléments que le
sapeur-pompier va mettre en place pour recuperer de l’intervention qu’il vient de realiser
(repos, repas, sommeil etc.) mais elle comprend également toutes les activités pouvant perturber
et retarder cette récupération (nettoyage du matériel, réarmement du véhicule, tâches courantes
dans la caserne, etc.). Un stress psychophysiologique va donc résulter de ces trois phases. Ce
stress peut être soit spécifique à une phase en particulier, soit commun à une ou plusieurs de
ces phases et peut ainsi parfois être a l’origine de changements physiopathologiques
augmentant considérablement le risque de décès (Kales et al. 2003; Fahy 2005; Farioli et al.
2014; Smith et al. 2016; Kales and Smith 2017).
Dans ce contexte, on comprend aisément que les interventions de lutte contre les incendies
soient une préoccupation majeure pour les sapeurs-pompiers. L’enjeu actuel est de prevenir les
risques et d’ameliorer les conditions de travail par une meilleure connaissance de la reponse
physiologique et psychologique du sapeur-pompier au travail. L’objet d’etude de ce travail de
thèse portera donc sur l’analyse des réponses psychophysiologiques des sapeurs-pompiers lors
des interventions de lutte contre les incendies, à travers l’investigation de chacune des trois
phases de l’intervention : du signal d’alarme aux heures qui suivent l’arrêt de l’intervention.
Ce travail de recherche sera constitué de trois grands chapitres. Le premier chapitre consiste en
une revue de littérature des réponses psychophysiologiques des sapeurs-pompiers phase par
phase, lors d’une intervention de lutte contre les incendies. Ce premier chapitre débouchera sur
la problématique générale de ce travail de recherche. Les deuxièmes et troisièmes chapitres
présenteront les études menées dans le cadre de cette thèse pour répondre à ces objectifs.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
25
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
1.1 Les sapeurs-pompiers : les interventions de lutte contre les incendies
Pour les sapeurs-pompiers, les interventions de lutte contre les incendies sont une source
majeure d’un stress psychophysiologique aigu. Le stress qui resulte de ce type d’intervention
depend de l’interaction des trois différentes phases successives dans le déroulement d’une
intervention : (1) la phase du signal d’alarme et de la mobilisation subsequente ; (2) la phase de
l’intervention en elle-même ; (3) la phase de récupération post-intervention. Le choix a donc
été fait de dresser un etat de l’art des travaux deja realises sur les sapeurs-pompiers autour de
ce découpage en trois phases distinctes et successives.
1.1.1 La phase du signal d’alarme et de mobilisation
Cette première phase, qui precède l’intervention en elle-même, n’est pas sans consequences sur
l’organisme des sapeurs-pompiers. Cette phase correspond au moment où le sapeur-pompier
est averti de son depart en intervention par un signal d’alarme. S’ensuit alors la période de
mobilisation durant laquelle le sapeur-pompier stoppe son activité en cours pour se préparer,
pour s’equiper avec ses EPI et pour ensuite aller dans le véhicule avec lequel il se rendra en
intervention. Cette transition d’un etat de repos a un etat de stress à la fois mental et physique
est l’une « des caractéristiques du métier de sapeur-pompier » (Kuorinka and Korhonen 1981).
Plusieurs études ont déjà investigué les réponses psychophysiologiques rencontrées lors de
cette période (Barnard and Duncan 1975; Kuorinka and Korhonen 1981; Lim et al. 1987;
Karlsson et al. 2011; Hall et al. 2016; Jay et al. 2019; Tait et al. 2019), et ces réponses seraient
cohérentes avec la réaction physiologique de préparation au « combat ou à la fuite » selon
plusieurs chercheurs (Smith et al. 2016; Kales and Smith 2017). Dans cette section, nous
présenterons donc les études qui ont investigué les réponses psychophysiologiques des sapeurs-
pompiers durant la phase d’alarme et de mobilisation. Nous aborderons dans un premier temps
les etudes qui permettent d’identifier et de quantifier les reponses des sapeurs-pompiers face à
ce stress aigu. Puis nous présenterons des études qui se sont intéressées à une seconde
problematique liee a cette phase de l’intervention, qui est l’inertie du sommeil dans le cas d’une
intervention de nuit.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
26
La réaction de préparation « au combat ou à la fuite » (« fight-or-flight response ») est une
notion introduite par Cannon dans les années 1920-1930, puis reprise par Selye à partir de 1956
(Jansen et al. 1995; Goldstein and Kopin 2007). Cet état correspond aux réactions non
spécifiques de l’organisme en réponse à un stress. Pour faire face à un stress, une cascade de
réactions physiologiques va se déclencher pour permettre a l’organisme d’apporter une réponse
adaptée à ce stress. Au départ de cette cascade, l’amygdale va envoyer un signal de stress à
l’hypothalamus qui via le système nerveux sympathique (SNS) provoque la libération de
catécholamines (adrénaline et noradrénaline) par une stimulation nerveuse des glandes
médullaires surrénales (Schoder et al. 2000; Gerra et al. 2001; Webb et al. 2008). Ces dernières,
en sécrétant des catécholamines, vont ainsi provoquer une augmentation de la fréquence
cardiaque (FC), de la pression artérielle (PA) et de la glycémie. Si le stress persiste,
l’hypothalamus va activer l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA) via la libération
de corticolibérine qui provoque la sécrétion de l’adrenocorticotrophine (ACTH) qui va stimuler
le cortex surrénal. Ce dernier va alors sécréter des corticostéroïdes et notamment les hormones
glucocorticoïdes dont le cortisol fait partie (Gerra et al. 2001; Webb et al. 2011).
Lors de cette phase d’alarme, les reponses physiologiques les plus etudiees sont les reponses
cardiovasculaires des sapeurs-pompiers à travers la PA et la FC. Plusieurs études ont montré
que durant l’alarme, la FC augmente brusquement, avec une augmentation comprise entre 38
et 61 battements par minute (bpm) dans un laps de temps court (30 à 90 secondes) (Barnard and
Duncan 1975; Kuorinka and Korhonen 1981; Lim et al. 1987; Hall et al. 2016). Cette
augmentation de la FC pourrait avoir plusieurs origines. Selon Barnard et Duncan (1975),
l’augmentation de la FC lors de la phase d’alarme et de mobilisation serait principalement
causée par des hauts niveaux d’anxiete, d’autant plus que dans leur etude, la FC continuait
d’augmenter durant le trajet a l’approche de l’incendie. Cependant, il semblerait plus probable
que ce stress cardiaque soit dû a l’addition d’un stress physique (brutal changement de position
suivi de deplacements) et d’un stress psychologique (excitation, anxiété) (Kuorinka and
Korhonen 1981; Hall et al. 2016). Ni la condition physique des sapeurs-pompiers, ni leur âge
ne semblent influencer cette réponse cardiaque (Kuorinka and Korhonen 1981). Cependant,
certains facteurs extérieurs pourraient avoir une influence sur ce stress cardiaque.
Tout d’abord, l’intitule de la mission semble influencer ces niveaux de stress (Paterson et al.
2016). En effet, selon cette étude, les interventions les plus urgentes seraient associées à un
stress physiologique plus sévère et plus prolongé dans le temps. Cela a également été montré
sur des ambulanciers, chez lesquels la réactivité de la FC dépendait de l’intitule de la mission
(Karlsson et al. 2011). De plus, il est intéressant de noter que cette association entre la gravité
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
27
de l’intervention et le stress physiologique concernait a la fois les sapeurs-pompiers volontaires
et les professionnels, pourtant plus habitués à ces situations (Paterson et al. 2016).
Ensuite, l’influence du rythme circadien sur la reactivite cardiaque reste a etablir. En effet, Lim
et al. (1987) montrent que la réactivité de la FC est plus prononcée durant les départs en
intervention de nuit que de jour. Cette différence se ferait principalement ressentir tardivement,
lors du trajet, a l’approche du lieu d’intervention. Cependant, une etude plus recente, conduite
en laboratoire n’a releve aucune difference significative dans la reactivite de la FC mesuree de
jour ou de nuit (Hall et al. 2016). Or, ces deux etudes ont des limites majeures. L’etude de Lim
et al. (1987) est une étude en situation écologique qui possède un certain nombre de variables
confondantes sur les resultats. A l’inverse, l’etude de laboratoire de Hall et al. (2016) n’a pas
été réalisée avec des sapeurs-pompiers et les conditions expérimentales étaient éloignées des
conditions écologiques. Par consequent, l’influence du rythme circadien sur la reactivite de la
FC mériterait de nouvelles investigations.
Enfin, cette augmentation de la FC serait également accompagnee d’une augmentation brutale
de la PA (Kales et al. 2009). Les estimations réalisées par ce groupe de recherche évaluent une
augmentation de la PA systolique de 6 à 12 mmHg uniquement en raison de l’exposition des
sapeurs-pompiers aux bruits causes par l’alarme et par les sirènes des engins. En effet, les
sapeurs-pompiers sont régulièrement exposés à des niveaux élevés de bruits dus aux signaux
d’alerte, aux sirènes et aux klaxons (Hong and Samo 2007). En plus d’influencer la PA,
l’exposition regulière a ces sources de bruits intenses represente un problème de sante au travail
avec une perte auditive pour plus d’un million de sapeurs-pompiers Américains (Hong and
Samo 2007).
Par ailleurs, des mesures hormonales et inflammatoires ont également été réalisées durant cette
phase d’alarme. L’activation de l’axe HPA a ete mesuree durant une étude menée en laboratoire,
a travers l’augmentation des concentrations salivaires en cortisol (Hall et al. 2016). Dans cette
etude, les auteurs ont analyse l’augmentation des taux de cortisol lors d’un signal d’alarme reçu
de jour (16h00) et de nuit (04h00), en comparaison d’une condition contrôle durant laquelle les
mesures ont été effectuées sans que les participants ne subissent une alarme ou ne doivent se
déplacer. Les resultats de l’etude ont montre qu’il y avait une activation de l’axe HPA en
reponse au stress lors du reveil pendant la nuit, mais aucune reponse de l’axe HPA pendant la
journée. Cependant, encore une fois, l’une des principales limites de cette etude est qu’elle n’ait
pas été réalisée dans un contexte écologique d’urgence reelle, avec des participants travaillant
dans des services de secours. Il est donc possible que l’importance du déclenchement de
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
28
l’alarme ait ete reduite par les participants, provoquant une diminution des reponses de l’axe
HPA la journee. La nuit, l’activation de l’axe HPA lors de la phase d’alarme s’explique par
l’absence de raisonnement sur l’interpretation des bruits durant le sommeil (Ising and Braun
2000). Les participants ayant une capacité réduite à prédire et à interpréter le signal d’alarme la
nuit peuvent donc le prendre pour un danger et ainsi augmenter la production de cortisol (Hall
et al. 2016). A ce jour cependant, aucune etude n’a analyse les reponses de l’axe HPA lors de
la phase d’alarme et de mobilisation avec des sapeurs-pompiers et en situation écologique.
De plus, Tait et al. (2019) ont analysé les réponses inflammatoires suite au déclenchement d’une
alarme et à la mobilisation subséquente, via la mesure de cytokines. Contrairement aux
hypothèses emises par les auteurs, la phase d’alarme et de mobilisation n’a declenche aucune
réponse inflammatoire, de jour comme de nuit. Cependant, ici encore, cette étude était conduite
en laboratoire et pourrait donc donner des résultats différents en comparaison aux réponses
observees lors de situations d’urgence reelles (Tait et al. 2019).
Les recherches ont donc permis de montrer, avec notamment l’analyse de la reactivite de la FC,
une perturbation autonome au moment du signal d’alarme. Un stress physique et/ou
psychologique serait a l’origine de cette perturbation autonome. Cependant, les resultats actuels
ne permettent pas de definir avec precision les mecanismes a l’origine de cette reactivite de la
FC. Les recherches menees en physiologie de l’exercice ont montre qu’au commencement d’un
exercice physique, l’augmentation de la FC etait dans un premier temps provoque par un retrait
de l’activite parasympathique, qui etait suivi d’une activation sympathique seulement à partir
d’une certaine intensite d’exercice (Fisher et al. 2011; White and Raven 2014; Fadel 2015;
Michelini et al. 2015; Michael et al. 2017a; Teixeira et al. 2018). De nouvelles mesures doivent
donc être réalisées afin de déterminer avec précision la régulation autonome durant cette phase
de l’intervention, avec notamment une mesure des catécholamines. De plus, une seule étude a
investigue les reponses de l’axe HPA a travers des mesures de cortisol salivaire (Hall et al.
2016). Cette etude de laboratoire a permis de mettre en evidence une activation de l’axe HPA
lors d’une alarme de nuit, mais pas de jour. D’autres recherches en situation plus écologique
seront donc necessaires pour approfondir l’etude des reponses de cet axe HPA.
Bien que tous les mecanismes a l’origine de cette reactivite cardiaque ne soient pas encore
totalement élucidés, il semblerait que ce stress cardiovasculaire provoqué par cette phase
d’alarme soit a l’origine d’evenements cardiaques. En effet, les sapeurs-pompiers sont
confrontes a un risque eleve de decès d’origine pathologique (Kales et al. 2003, 2007; Smith et
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
29
al. 2016; Kales and Smith 2017) et la phase d’alarme et de mobilisation est impliquee de
manière significative dans ces décès (Holder et al. 2006; Kales et al. 2007). Comme nous
venons de le voir, cette phase entraine un stress psychophysiologique chez le sapeur-pompier
et c’est ce stress qui peut conduire a un evènement cardiovasculaire indesirable. Holder et al.
(2006) ont observe que le risque relatif d’un evenement cardiovasculaire indesirable durant la
phase d’alarme était plus de 6 fois supérieur aux tâches non urgentes chez les sapeurs-pompiers
américains. Toujours chez les sapeurs-pompiers américains, Kales et al. (2007) observent que
les chances de décès par maladie coronarienne lors de cette phase sont de 2 à 14 fois supérieures
a des situations non urgentes. La phase d’alarme est impliquee dans 18% des evenements lies
aux maladies coronariennes non mortelles (Geibe et al. 2008) et dans 13% des décès par maladie
coronarienne chez les sapeurs-pompiers américains (Kales et al. 2007).
Par ailleurs, malgré la potentielle activation du système nerveux sympathique et de l’axe HPA
lors de la phase d’alarme, les sapeurs-pompiers sont confrontés à une inertie du sommeil
lorsqu’ils sont reveilles pour partir en intervention. L’inertie du sommeil correspond à un état
transitoire vécu immédiatement après le réveil durant lequel il y a une désorientation, une
augmentation de la somnolence et/ou une baisse des performances cognitives (Tassi and Muzet
2000). Il apparait que l’amplitude et la duree de l’inertie de sommeil dependent de differents
facteurs tels que la durée du sommeil qui a précédé le réveil, le stade de sommeil dans lequel
on se trouve au moment du réveil ou la privation de sommeil (Tassi and Muzet 2000). Le rythme
circadien peut également influencer l’inertie du sommeil avec pour consequence une
augmentation de la somnolence et une diminution des performances cognitives plus importante
après un réveil tôt le matin (02h00 ou 08h00) qu’après un reveil plus tardif (14h00 et 20h00)
(Hilditch et al. 2016). Enfin, le type de réveil est un facteur d’influence qui peut diminuer
l’inertie du sommeil (Tassi et al. 1992). En effet, un réveil à 01h00 provoqué par une alarme
sonore forte permettrait d’annuler l’inertie du sommeil (Tassi et al. 1992). Une alarme sonore
déclencherait une transition plus rapide entre le sommeil et une excitation du cortex préfrontal
pouvant ainsi reduire l’impact de l’inertie du sommeil dans certaines situations (Ferguson et al.
2016). Cependant, l’effet benefique d’une alarme sonore semble annihilé lorsque le réveil est
plus tard dans la nuit (Tassi et al. 1992; Jay et al. 2019). En effet, lors d’un reveil a 04h00,
l’utilisation d’une alarme sonore n’a pas permis de diminuer l’inertie du sommeil par rapport a
un réveil en douceur, probablement en raison des effets de la phase circadienne dans laquelle
se passe le réveil (Tassi et al. 1992; Jay et al. 2019).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
30
L’inertie du sommeil represente une preoccupation importante chez les sapeurs-pompiers, qui
sont confrontes a un risque accru d’accident lors de la conduite très rapprochee du reveil
(Paterson et al. 2016). Ce risque est d’autant plus important pour les sapeurs-pompiers
volontaires qui conduisent seuls leur voiture pour se rendre à la caserne avant de se rendre en
intervention. Dans leur revue de littérature, Ferguson et al. (2016) debattent de l’impact reel de
l’inertie du sommeil sur le terrain lorsque les sapeurs-pompiers sont confrontés à des
interventions réelles. En effet, une augmentation de la somnolence et une dégradation des
performances cognitives ont été démontrées a plusieurs reprises lors d’etudes de laboratoire.
Cependant, il est possible que les risques lies a l’inertie du sommeil soient moindres dans un
environnement de travail où une activation physique, cognitive ou physiologique se produit en
réponse à l'appel, contrairement a l’environnement de laboratoire (Ferguson et al. 2016). Enfin,
la prise de caféine sous forme de pastille a permis de diminuer l’inertie du sommeil après des
periodes d’une et six heures de sommeil (Newman et al. 2013). Les futures recherches
pourraient alors explorer les effets combinés de la caféine avec différentes combinaisons
d'alarmes, dans des conditions écologiques, afin de réduire cette inertie du sommeil (Ferguson
et al. 2016).
Ce qu’il faut retenir :
- Durant la phase d’alarme et de mobilisation, le sapeur-pompier est averti de son
depart en intervention. Il stoppe immediatement son activite en cours pour s’equiper
puis se rendre sur les lieux de l’intervention.
- Cette phase est caractérisée par une augmentation rapide de la FC et de la PA.
- Les réponses hormonales revèlent une activation de l’axe HPA lorsque cette phase a
lieu la nuit.
- Le reveil la nuit s’accompagne d’une inertie du sommeil pouvant impacter les
fonctions cognitives des sapeurs-pompiers
- Ces reponses psychophysiologiques sont a l’origine d’une augmentation significative
du risque de décès durant cette phase de l’intervention
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
31
1.1.2 La phase d’intervention
Après avoir analysé les réponses psychophysiologiques des sapeurs-pompiers lors de la phase
d’alarme et de mobilisation, nous allons étudier ces réponses lors de la phase suivante, la phase
d’intervention. Cette phase debute dès l’arrivee des sapeurs-pompiers sur le site d’intervention
et se termine lorsqu’ils le quittent. Elle inclut l’ensemble des activites opérationnelles à réaliser.
Comme nous l’avons aborde precedemment, lors des interventions de lutte contre les incendies,
les sapeurs-pompiers sont amenés à réaliser différentes tâches, comme rechercher et sauver des
victimes, attaquer et éteindre des incendies, se déplacer, transporter des équipements lourds
(échelles, tuyaux, outils, etc.), forcer des entrées ou encore ventiler des bâtiments enfumés. Les
intervenants sont ainsi amenes a manipuler, soulever, tirer et transporter des objets d’un poids
compris entre 36 et plus de 61 kg (Gledhill and Jamnik 1992). Lors des différentes tâches, les
sapeurs-pompiers vont réaliser un travail physique exigeant, dans des environnements
dangereux et chaotiques, sous la pression du temps et d’un stress psychologique (Perroni et al.
2014). Cela va avoir diverses conséquences tant sur le plan physiologique que sur le plan
psychologique, entrainant des adaptations cardiorespiratoires, métaboliques, hormonales,
immunologiques ou encore cognitives.
a. Le coût énergétique
La consommation d’oxygène (VO2) a largement ete utilisee pour quantifier l’intensite des
exercices physiques que les sapeurs-pompiers sont amenés à réaliser lors des interventions de
lutte contre les incendies et ainsi en estimer le coût énergétique. Les études ont montré que la
VO2 moyenne des sapeurs-pompiers était comprise entre 23,2 et 41,7 mL·min-1·kg-1 pour
réaliser une intervention de lutte contre l’incendie, ce qui represente une intensité comprise
entre 47 et plus de 90% de la consommation maximale d’oxygène (VO2max) (Sothmann et al.
1991; Gledhill and Jamnik 1992; Bilzon et al. 2001; Holmér and Gavhed 2007; Elsner and
Kolkhorst 2008; Perroni et al. 2010; Williams-Bell et al. 2010). A partir des mesures de VO2,
des auteurs ont estime la contribution de chaque filière energetique pour ce type d’exercice.
Perroni et al. (2010) ont montre que lors d’une intervention durant laquelle la VO2 est comprise
entre 67 et 90% de la VO2max, la fourniture d’energie provient a 86% du métabolisme aérobie,
5% du métabolisme anaérobie lactique et 9% du métabolisme anaérobie alactique. Bilzon et al.
(2001) ont analysé la contribution des filières énergétiques pour certaines tâches spécifiques
comme monter une échelle, transporter des tuyaux et extincteurs, tracter un mannequin ou
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
32
encore attaquer un incendie. La part des différentes filières dans la fourniture d’energie variait
finalement peu entre ces différentes tâches, avec une contribution du métabolisme aérobie
comprise entre 60 et 66% et une contribution de la filière anaérobie comprise entre 30 et 40%.
Windisch et al. (2017) ont montré quant à eux que lors d’une intervention de lutte contre les
incendies, les sapeurs-pompiers passaient 23% du temps en dessous du seuil ventilatoire 1
(SV1) (i.e. dans la zone du métabolisme aérobie) et 69% du temps dans la zone de transition
métabolique entre la filière aérobie et anaérobie, située entre le SV1 et le seuil ventilatoire 2
(SV2). Enfin, 9% du temps était passé au-dessus du SV2, soit dans la zone du métabolisme
anaérobie. Dans cette étude, malgré une VO2 d’exercice egale a 56% de la VO2max des sapeurs-
pompiers, qui se situe dans la fourchette basse des valeurs relevees par d’autres etudes, le
quotient respiratoire moyen était de 1,08 et plus de 64% du temps était passé avec un quotient
respiratoire supérieur ou égal à 1. Ces résultats indiquent une contribution majeure du
metabolisme anaerobie dans l’energie produite pour ce type d’intervention (Windisch et al.
2017b). Ces résultats sont confirmés par les concentrations en lactates sanguins mesurés durant
les interventions simulées de lutte contre les incendies. En effet, plusieurs études ont relevé une
lactatémie comprise entre 2,2 et 13,3 mmol/L durant ou a l’issue d’une intervention de lutte
contre les incendies (Gledhill and Jamnik 1992; Smith et al. 1996, 1997; Eglin and Tipton 2005;
Von Heimburg et al. 2006; Perroni et al. 2009; Williams-Bell et al. 2009).
Le coût énergétique presente jusqu’a maintenant est celui obtenu lors d’interventions de lutte
contre les incendies dites « de structures », et est différent de celui mesuré lors d’opérations
d’extinction de feux de forêt. En effet, la duree de ces dernières est generalement superieure a
celle des feux de structures et on observe des différences dans le temps passé dans les différentes
zones d’intensite. En effet, lors des feux de forêt, les sapeurs-pompiers passent entre 64 et 84%
du temps en dessous du SV1, entre 13 et 27% du temps entre SV1 et SV2 et entre 3 et 7% du
temps au-dessus de SV2 (Rodríguez-Marroyo et al. 2011).
Lors des interventions de lutte contre les incendies de structure, les hauts niveaux de VO2 et les
différentes contributions des filières énergétiques sont le resultat de l’interaction de différents
facteurs, comme les contraintes physiques liées à la nature des tâches à réaliser, les équipements
de protection ou encore le stress psychologique.
Tout d’abord, les contraintes physiques liees a la nature de l’activité des intervenants
représentent une part majeure de cette VO2, qui varie énormément selon la tâche à effectuer.
Gledhill et Jamnik (1992) ont investigue des activites telles que le transport d’equipements dans
les etages d’immeubles a grande hauteur, le sauvetage de victimes ou encore forcer une entrée.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
33
L’activite la plus exigeante metaboliquement etait le transport d’equipements dans les escaliers
avec une VO2 de 44 mL·min-1·kg-1. Les activités comme forcer une entrée ou déplacer un
mannequin de 90 kg ont respectivement mobilisé une VO2 de 30,5 et 20 mL·min-1·kg-1. Holmer
et Gahved (2007) ont quantifié le coût métabolique des différentes activités comme marcher ou
courir sur un terrain plat, monter et descendre des escaliers ou ramper. La VO2 la plus élevée a
ete observee lors de la montee d’escaliers avec une VO2 de 43,8 mL·min-1·kg-1. Von Heimburg
et al. (2006) ont quant à eux relevé une VO2 inférieure à celle des deux études précédentes, avec
une VO2 de 34 mL·min-1·kg-1 lors d’une montee d’escaliers de 6 etages. Cependant, dans cette
etude, la montee d’escaliers etait suivie d’un sauvetage de 6 victimes de 80kg, qui a necessite
une VO2 de 44 mL·min-1·kg-1. Perroni et al. (2010) ont analysé le cout métabolique de tâches
telles que « sauver un enfant », courir ou encore trouver la sortie d’un labyrinthe dans le noir.
Le coût énergétique de la course était le plus élevé, avec une VO2 comprise entre 34,9 et 38,5
mL·min-1·kg-1, devant le sauvetage d’un enfant qui a un cout energetique inferieur à celui du
sauvetage d’un adulte (29,4 mL·min-1·kg-1). La VO2 dans le labyrinthe (28,2 mL·min-1·kg-1)
était inférieure à celle mesurée par Windisch et al. (2017) lors de la realisation d’une tâche
similaire (38 mL·min-1·kg-1). L’analyse des autres tâches accomplies durant cette dernière etude
a montré que le coût energetique d’une montee d’echelle de 20 mètres etait de 30 mL·min-1·kg-
1 et que celui de déplacer et soulever un tuyau rempli d’eau etait de 27 mL·min-1·kg-1. La nature
des tâches que les sapeurs-pompiers vont réaliser représente donc un élément déterminant dans
le coût energetique total d’une intervention.
En plus du travail physique, les EPI portés par les sapeurs-pompiers vont également influencer
la VO2 lors des interventions. Durant les interventions de lutte contre les incendies, les sapeurs-
pompiers vont se proteger a l’aide de couches de vêtements de protection thermique, de bottes
de protection pour se protéger contre la pénétration d’objets et les blessures par écrasement,
d'un casque pour se protéger la tête et d'un appareil respiratoire isolant (ARI) pour se protéger
de la fumée et des gaz nocifs. L’ARI se compose d’un masque facial relie a une bouteille d’air
fixée sur le dos du sapeur-pompier par un dossard. Un micro-régulateur intégré au dispositif de
l’ARI permet de creer une surpression (comprise entre 1,5 et 3 millibars) à la sortie de la
bouteille, afin d’eviter tout risque d’inhalation de fumee en cas d’accident ou de mauvaise
étanchéité du masque. Plusieurs études menées en condition de laboratoire ont montré que les
différentes parties de ces EPI vont influencer la VO2 lors d’exercices physiques. A intensité
sous-maximale, que ce soit pour un exercice de marche a vitesse constante ou lors d’un exercice
de montee d’escaliers, la totalite des EPI (vêtements de protection + ARI) contribue a près de
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
34
30% de la VO2 d’exercice (Taylor et al. 2012b). Lors de l’exercice de marche, ce sont les bottes
qui sont responsable du plus gros excédent énergétique en mobilisant plus de 11% de la VO2
totale pour elles-seules. Malgre un poids inferieur a celui de l’ARI (11,30 kg), l’ensemble des
vêtements de protection (bottes, casque, vêtements ; 8,50 kg) impose une charge métabolique
nettement supérieure, avec 20% de la VO2 attribuee aux vêtements et 9% attribuee a l’ARI. Des
etudes anterieures avaient deja etabli qu’au-delà de leur masse, le positionnement sur le corps
de charges additionnelles influence son impact physiologique (Myers and Steudel 1985). C’est
ce que l’on retrouve avec les equipements des sapeurs-pompiers, lorsque la VO2 est exprimée
par kilogramme de charge transportée, l’effet des bottes de protection est 8,7 fois plus important
que le transport d'une masse équivalente sous la forme d'un ARI (Taylor et al. 2012b). Par
conséquent, dans une optique de diminuer les coûts metaboliques de l’equipement des sapeurs-
pompiers, il serait davantage interessant d’alleger les bottes de protection. En effet, retirer 100
g de chaque botte équivaudrait métaboliquement à réduire la masse de l’ARI de 1,74 kg (Taylor
et al. 2012b). D’autres experimentations visant a evaluer l’impact des EPI sur la VO2 ont été
réalisées lors d’exercices a intensite croissante. Lors de tests incrémentaux, aux intensités sous
maximales d’exercice, le port des EPI va augmenter la VO2 en comparaison d’une tenue de
sport légère (Louhevaara et al. 1985; Dreger et al. 2006). Cette augmentation du coût
énergétique peut être attribuée à différents facteurs. Il a été suggéré que le poids de
l’equipement, une inclinaison prononcee vers l’avant du sapeur-pompier ou encore
l’augmentation du travail de la respiration peuvent contribuer individuellement ou
collectivement à cette VO2 accrue (Louhevaara et al. 1985; Eves et al. 2005; Butcher et al.
2006; Dreger et al. 2006). Cependant, à des intensités maximales, la VO2 est réduite avec le
port de l’ARI, provoquant alors une diminution de la VO2max comprise entre 15 et 27%
(Louhevaara et al. 1985; Eves et al. 2005; Dreger et al. 2006; Perroni et al. 2015). Cette baisse
de VO2max est essentiellement due a la baisse de la ventilation maximale en fin d’exercice
(Dreger et al. 2006). La diminution de la ventilation proviendrait à la fois de la résistance
expiratoire, qui augmenterait le travail de la respiration (Eves et al. 2005; Butcher et al. 2006),
et egalement, dans une moindre mesure, d’une alteration des mouvements thoraciques causée
par le poids de l’ARI (Louhevaara et al. 1985).
Enfin, le stress psychologique que rencontrent les sapeurs-pompiers peut également affecter
leurs reponses ventilatoires. Des etudes menees en laboratoire ont analyse l’effet de la
surimposition d’un defi mental au cours d’un exercice physique sur les reponses
cardiorespiratoires des sapeurs-pompiers (Webb et al. 2010, 2011). Les auteurs ont utilisé des
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
35
scénarios informatiques de lutte contre les incendies combinés à un exercice physique afin
d’evaluer les effets d’un stress physique et mental combiné. Bien que la combinaison des deux
stress ne semble pas altérer la VO2 (Webb et al. 2011) ou le quotient respiratoire (Webb et al.
2010), la surimposition d’un stress psychologique semble exacerber les reponses ventilatoires,
avec une augmentation de la fréquence respiratoire (FR), une augmentation de la ventilation
ainsi qu’une augmentation du rapport ventilation sur VO2 (Webb et al. 2008, 2010). Le défi
mental que rencontrent les sapeurs-pompiers va donc influencer les réponses ventilatoires
pouvant ainsi augmenter les contraintes mesurées habituellement dans des situations non
stressantes.
Pour conclure, sur la base de toutes les mesures de VO2 effectuées lors de l’exécution des
différentes tâches que les sapeurs-pompiers ont à réaliser, des chercheurs ont proposé des
limites inférieures de VO2max pour le recrutement des sapeurs-pompiers. Ces recommandations
sont de 33,5 à 42 mL·min-1·kg-1 (Sothmann et al. 1990, 1992), ou encore de 39 mL·min-1·kg-1
(O’Connell et al. 1986), 40 mL·min-1·kg-1 (Lemon and Hermiston 1977), 41 mL·min-1·kg-1
(Bilzon et al. 2001), 45 mL·min-1·kg-1 (Gledhill and Jamnik 1992), 46 mL·min-1·kg-1 (Windisch
et al. 2017b), 3,5 L·min-1 (Louhevaara et al. 1986), 4 L·min-1 (Von Heimburg et al. 2006). Ces
limites sont les limites inférieures de VO2max recommandées pour que les sapeurs-pompiers
puissent mener à bien et en sécurité les activités de lutte contre les incendies. En France, les
recommandations sont basées sur ces données scientifiques, il est ainsi préconisé de fixer un
seuil minimal de VO2max compris entre 38 et 42 mL·min-1·kg-1 (Guide de doctrine
opérationnelle, incendies de structures, 16 avril 2018).
b. Les réponses cardiovasculaires
Les réponses cardiovasculaires ont été largement étudiées à partir de l'évolution de la FC durant
des interventions réelles ou des interventions simulées. En effet, quelques groupes de recherche
ont analysé la FC lors d’intervention réelles de lutte contre les incendies (Barnard and Duncan
1975; Kuorinka and Korhonen 1981; Sothmann et al. 1992; Bos et al. 2004). Lors des 15
premières minutes de l’intervention, la FC moyenne des sapeurs-pompiers était comprise entre
157 et 188 bpm (Barnard and Duncan 1975; Sothmann et al. 1992), soit plus de 88% de leur
FC maximale (FCmax) mesurée en laboratoire (Sothmann et al. 1992). Cependant, le manque de
contrôle dans la surveillance et la régulation des conditions environnementales lors
d’interventions réelles rend difficile la collecte de données adaptée à la recherche. Par
consequent, comme pour l’analyse de la VO2, des exercices simulant les interventions réelles
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
36
ont été utilisés pour mesurer les réponses cardiovasculaires des sapeurs-pompiers. La mise en
place de ces simulations d’intervention a permis de quantifier la réponse cardiaque des sapeurs-
pompiers, pouvant s’etendre de 143 a 189 bpm (Sothmann et al. 1990; Smith et al. 2001; Perroni
et al. 2010; Windisch et al. 2017b). Durant les activités de lutte contre les incendies, la FC
atteint des niveaux maximaux ou presque maximaux et peut même parfois dépasser la FCmax
predite a partir d’equations basees sur l’âge des sapeurs-pompiers (Smith et al. 2001). Elsner et
al. (2008) ont montré que pour réaliser une intervention d’une duree de 11 minutes, les sapeurs-
pompiers sont à une intensité moyenne qui correspond à 95% de leur FCmax et certaines valeurs
peuvent monter jusqu’a 110% de la FCmax mesuree en laboratoire. Même lors d’exercices d’une
durée prolongée comprise entre 38 et 50 minutes, qui nécessitent l’utilisation de plusieurs
bouteilles d’ARI, le stress cardiaque des sapeurs-pompiers demeure important avec une FC
moyenne sur la totalite de l’exercice superieure a 150 bpm (Al-Zaiti et al. 2015). Dans cette
dernière étude, plus de 70% des participants ont dépassé leur FCmax mesurée au préalable sur
tapis roulant. Même si la FC d’exercice ne depasse pas toujours la FCmax théorique ou mesurée
en laboratoire, les réponses cardiaques habituellement mesurées demeurent élevées et sont
comprises entre 80 et 95% de la FCmax des sapeurs-pompiers (Von Heimburg et al. 2006; Elsner
and Kolkhorst 2008; Williams-Bell et al. 2009, 2010; Windisch et al. 2017b, a). Perroni et al.
(2010) ont analysé les réponses cardiaques pour différentes tâches et ont montre que l’intensite
de l’effort lors du sauvetage d’un enfant (77% de la FCmax) est inférieure à celle mesurée lors
de portions de course a pied et lors d’un reperage dans un labyrinthe (88 à 80% de la FCmax).
Par ailleurs, la tenue de protection des sapeurs-pompiers joue un rôle important dans le stress
cardiaque enduré lors des interventions. Bruce-Law et al. (2007) ont montre que lors d’un
exercice sous-maximal réalisé en laboratoire, la FC était supérieure avec le port des vêtements
de protection et de l’ARI en comparaison d’une tenue de sport legère. Cette augmentation de la
FC d’exercice serait principalement due au poids des EPI. En effet, aucune difference n’avait
été obtenue entre la condition EPI et une condition dans laquelle les sapeurs-pompiers portaient
une surcharge d’un poids equivalent (Bruce-Low et al. 2007). Toujours à intensité sous-
maximale, Taylor et al. (2012a) ont permis de montrer que cette surcharge imposée par les EPI
représentait une augmentation de 35% de la FC. La part que représentent les vêtements de
protection dans cette élévation du stress cardiaque est la plus importante, avec 19%
d’augmentation qui lui est attribuée, contre environ 6% qui est attribuée au port de l’ARI
(Taylor et al. 2012a). Ces résultats viennent confirmer ceux obtenus lors d’etudes precédentes,
indiquant une augmentation de la FC lors du port des EPI à intensité sous-maximale
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
37
(Sköldström 1987; Louhevaara et al. 1995). L’impact des EPI sur le stress cardiaque est encore
plus important lorsque l’exercice est realise dans une atmosphère chaude (45°C) en
comparaison d’un environnement neutre (Sköldström 1987).
La chaleur rayonnante provoquée par l’incendie est egalement un facteur d’influence du stress
cardiaque. Bien que nombre d’etudes aient été réalisées dans des atmosphères tempérées,
certaines recherches ont realise des simulations d’intervention dans des ambiances chaudes.
C’est le cas de l’etude menee par Windisch et al. (2018) dans laquelle les auteurs ont comparé
un exercice réalisé dans une condition tempérée (20-30°C) et un exercice réalisé dans des très
hautes températures (300°C). De telles températures peuvent être atteintes lorsque les sapeurs-
pompiers sont confrontés à des embrasements généralisés éclairs (i.e. « flashover »). Le stress
cardiaque provoqué par les interventions réalisées en ambiance tempérée était inférieur à celui
obtenu dans les atmosphères chaudes (79,9 vs 85,5% de la FCmax). En plus d’augmenter la FC
moyenne, les exercices réalisés dans des très hautes températures ont modifié le temps passé
dans les differentes zones d’intensite. En effet, lors de l’exercice realise en ambiance chaude,
en comparaison de l’environnement tempere, les sapeurs-pompiers ont passé moins de temps
en dessous du SV1 (16,3% vs 24,6% du temps total) et plus de temps au-dessus de SV2 (33,3%
vs 9,7% du temps total). En consequence, la production d’energie supportee par la filière
anaérobie est largement augmentée lorsque les sapeurs-pompiers sont confrontés à des
températures extrêmes (Windisch et al. 2017a). Des résultats similaires ont été observés par
Larsen et al. (2015), qui ont comparé un protocole de 3 heures réalisé dans une atmosphère
chaude (45°C) à un même exercice réalisé dans un environnement tempéré (18°C). Durant ces
3 heures d’exercice, les sapeurs-pompiers devaient réaliser des tâches régulièrement
rencontrées pendant les feux de forêts ainsi que des exercices standardisés sous-maximaux,
entrecoupés de périodes de récupération. Bien que les sapeurs-pompiers se soient autorégulés
dans la condition chaude (i.e. baisse des performances), la FC durant les périodes de travail
était en moyenne supérieure de 22 bpm par rapport à la condition tempérée. Cette augmentation
de la FC est inférieure a l’augmentation de 37 bpm observee dans une precedente etude (Smith
et al. 1997), cependant la température ambiante de cette étude était bien supérieure avec une
température moyenne de 89,6°C.
L’augmentation de la FC lors d’un exercice en ambiance chaude en comparaison d’une
atmosphère tempérée s’est notamment accompagnee de plus grandes pertes hydriques (Larsen
et al. 2015), pouvant ainsi potentiellement expliquer ce stress cardiaque plus important (Smith
et al. 2001). Dans leur étude, Smith et al. (2001), ont analysé les réponses cardiovasculaires via
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
38
la FC mais egalement via le volume d’ejection systolique (VES) et via le debit cardiaque. Dans
cette étude, les sapeurs-pompiers devaient réaliser 3 sequences d’exercices de 7 minutes
environ, en ambiance chaude (entre 46 et 60°C), avec une récupération incomplète entre les
passages. A la fin du premier passage, la FC etait de 175 bpm et augmentait jusqu’a 189 bpm a
la fin du troisième passage, alors que dans le même temps, le VES diminuait de 38%. Cette
diminution du VES peut avoir deux causes, séparées ou combinées : soit une diminution du
retour veineux due à une vasodilatation au niveau des muscles actifs et dans les réseaux
vasculaires cutanés ; soit une réduction du volume plasmatique, causée par des pertes hydriques
abondantes. Quoi qu’il en soit, l’augmentation de la FC au cours de l’exercice n’aura pas permis
de compenser cette baisse du VES, provoquant ainsi une diminution du débit sanguin, passant
de 17,1 L·min-1 à la fin du premier passage à 12 L·min-1 à la fin du troisième passage, soit une
diminution de 30% (Smith et al. 2001).
Pour conclure, durant les interventions de lutte contre les incendies, les sapeurs-pompiers font
face a un stress cardiovasculaire important, avec des FC d’exercice proches ou egales a leur
FCmax ainsi qu’une modification de leur VES. Les activites operationnelles à réaliser, les EPI
et les conditions environnementales ont une influence sur ce stress cardiovasculaire. Nous
allons maintenant aborder un autre aspect des réponses des sapeurs-pompiers qui est le stress
thermique provoqué par ces interventions.
c. Le stress thermique
Un stress thermique est caractérisé par une température interne qui s’elève ou qui s’abaisse en
dehors de la température « normale » de l’organisme. Dans le cadre d’une hyperthermie, le
stress thermique est causé par un déséquilibre entre les apports de chaleur et la capacité de
l’organisme a l’evacuer (Simon 1993). Les apports de chaleur peuvent provenir de
l’environnement exterieur et/ou de la production de chaleur metabolique par les muscles actifs
(thermogenèse). La thermolyse quant a elle peut se definir comme l’ensemble des processus
permettant au corps d’evacuer la chaleur excessive. L’evacuation de la chaleur de l’organisme
se fait principalement au niveau de la peau via quatre modes : la conduction, la convection, la
radiation et l’évaporation (Figure 2).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
39
Figure 2. Principaux modes de thermolyse de l’organisme
Les conditions dans lesquelles interviennent les sapeurs-pompiers sont donc propices à
l’apparition d’un stress thermique, avec la combinaison de différents facteurs qui vont agir
d’une part sur les apports de chaleur et d’autre part sur les processus de la thermorégulation.
Ces facteurs sont (1) un apport de chaleur par l’environnement exterieur, (2) le port d’EPI
lourds, isolants et non perméables, emprisonnant ainsi la chaleur métabolique et (3) un travail
physique entrainant une forte thermogenèse (Smith et al. 2001).
(1) Lors des interventions de lutte contre les incendies, les conditions environnementales
sont parfois source d’un apport de chaleur, a travers la combinaison d’une temperature
ambiante élevée et d’une chaleur radiante emanant de l’incendie (Hoschke 1981; Foster
and Roberts 1994). Foster et Roberts (1994), ont étudié les différents niveaux de
températures ambiantes et de radiation thermiques auxquels les sapeurs-pompiers
peuvent être confrontes lors des incendies. Les auteurs ont classe 4 niveaux d’exposition
avec une duree limite d’exposition dependante a la fois de la temperature ambiante et à
la fois du niveau de radiation. La durée de travail maximale préconisée était de 25
minutes dans une température ambiante de 100°C et avec 1 kW/m2 de radiations
thermiques. Cette durée diminue pour atteindre 1 minute avec une température ambiante
comprise entre 160 et 235°C et des radiations thermiques comprises entre 4 et 10 kW/m2
(Foster and Roberts 1994). La durée de travail des sapeurs-pompiers devrait donc
dépendre des contraintes thermiques environnementales. Cependant, il peut arriver que
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
40
les interventions s’etendent sur plusieurs heures (Ruby et al. 2002). De plus, durant les
exercices d’entrainement, l’exposition a la chaleur peut dépasser 40 minutes pour les
instructeurs (Eglin and Tipton 2005). Or, il est bien établi que les exercices réalisés en
ambiance chaude vont accentuer le stress thermique en comparaison d’un exercice
réalisé en ambiance tempérée (Sköldström 1987; Smith et al. 1997; Carter et al. 2007).
L’augmentation de la temperature corporelle lors d’exercices sous-maximaux réalisés
en laboratoire est comprise entre + 0,03 et + 0,11°C·min-1 lorsqu’ils sont realises en
ambiance chaude, contre une augmentation comprise entre + 0,01 et + 0,017°C·min-1
lorsqu’ils sont réalisés dans un environnement neutre (Sköldström 1987; Smith et al.
1997; Carter et al. 2007).
(2) Par ailleurs, les EPI font partie intégrante de la mission de lutte contre les incendies et
vont participer a la perturbation de l’homeostasie. Lorsque les sapeurs-pompiers portent
les EPI, une couche d’air va se former directement au-dessus de la surface de la peau.
Ce microenvironnement ainsi créé va donc correspondre à la couche environnementale
initiale entre le corps et l’environnement (Cheung et al. 2010). Lors de la
thermorégulation, la dissipation maximale de chaleur par évaporation se produit lorsque
la sueur sécrétée est vaporisée sur la peau. Or les EPI vont absorber et emprisonner la
sueur produite et ainsi considérablement diminuer les taux de transfert de chaleur
(Bruce-Low et al. 2007; Petruzzello et al. 2009; Cheung et al. 2010). Par conséquent,
de par la production metabolique de chaleur et la diminution de l’efficacite de la
thermolyse, le port des EPI peut provoquer un stress thermique, et ce, même dans un
environnement neutre. Sköldström (1987) a montré que même à faible intensité, dans
une ambiance neutre, les EPI augmentent la température cutanée des sapeurs-pompiers,
passant de 31,5 à 35°C. L’effet des EPI sur la température corporelle est encore plus
important lorsque l’exercice est realise en ambiance chaude (i.e. 45°C). En effet, il a été
montré que les EPI provoquent une augmentation de la température cutanée de 1,5°C et
une augmentation de la température rectale de 1,1°C (Sköldström 1987).
(3) Plusieurs etudes ont permis de quantifier l’impact des differentes tâches que les sapeurs-
pompiers sont amenes a realiser lors d’interventions simulees sur leur température
corporelle (Romet and Frim 1987; Smith et al. 1996). Romet et Frim (1987) ont montré
que lors de la tâche la plus ardue de leur etude, qui s’etendait sur 24 minutes, la
température rectale augmentait de 37,7°C à 39°C. Smith et al. (1998) ont observé une
augmentation similaire avec une mesure de la temperature tympanique lors d’un
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
41
exercice de 16 minutes réalisé dans une ambiance chaude, avec une augmentation de
+1,5°C.
En conclusion, durant les interventions de lutte contre les incendies, les conditions
d’intervention peuvent desequilibrer la thermoregulation. Une forte thermogenèse, additionnee
à un environnement chaud provoque une augmentation de la température corporelle que le corps
des sapeurs-pompiers a du mal à évacuer, les EPI diminuant fortement l’efficacite de la
thermolyse. Ce stress thermique vient s’ajouter et aggraver la deshydratation (réduction du
volume plasmatique) déjà abordée dans la section précédente, contribuant ainsi à
l’augmentation du stress cardiovasculaire.
d. Le stress psychologique
Relativement peu d’etudes ont investigue le stress psychologique engendre par une intervention
de lutte contre les incendies. Un état de stress psychologique aigu est un état qui se produit
généralement dans des situations impliquant des problèmes nouveaux ou peu fréquents, avec
des contraintes de temps et une forte incertitude quant à son issue. Ce type de situation
correspond aux situations rencontrées par les sapeurs-pompiers durant les interventions de lutte
contre les incendies (Perroni et al. 2014). La plupart des données disponibles sur l’evaluation
des réponses psychologiques des sapeurs-pompiers proviennent d’une equipe de recherche
américaine qui a mesuré ces reponses lors d’interventions simulees (Smith et al. 1996, 1997,
2001; Smith and Petruzzello 1998; Petruzzello et al. 2009). Les auteurs ont réalisé des mesures
subjectives de la detresse respiratoire, du stress thermique, de l’etat des sensations ou encore
de l’etat d’anxiete. Les resultats de ces recherches montrent qu’a la suite d’une manœuvre
d’entrainement, les reponses psychologiques sont degradees (Greenlee et al. 2014). En effet,
les auteurs ont observe qu’en comparaison de valeurs de référence, une intervention simulée
entraine une augmentation significative de l’anxiete (+1,4 unites), de la tension (+0,63 unites),
de la détresse respiratoire (+1,64 unités) et du stress thermique (+ 1,60 unités). Lorsque ces
exercices d’entrainement sont répétés à plusieurs reprises et entrecoupes d’une recuperation
incomplète, cette dégradation augmente au fil des répétitions (Smith et al. 1997, 2001; Smith
and Petruzzello 1998). De plus, ces réponses semblent influencées à la fois par les températures
extérieures et à la fois par les EPI. En effet, Smith et al. (1997) ont montré que la dégradation
des reponses perceptives et psychologiques etait accentuee lorsque les manœuvres etaient
réalisées dans des atmosphères chaudes (89,6°C) en comparaison d’atmosphères temperees
(13,7°C). Une etude de ce même groupe parue l’annee suivante (Smith and Petruzzello 1998)
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
42
révèle que les EPI ont également une influence sur les réponses perceptives, le développement
de nouveaux EPI plus performants ayant entraine une reduction de l’effort perçu et une
amélioration des sensations thermiques.
Par ailleurs, une étude menée avec des sapeurs-pompiers italiens n’a revele aucune modification
de leur etat psychologique a la suite d’une intervention simulee (Perroni et al. 2009). Cependant,
la manœuvre etait realisee dans une atmosphère fraiche (13°C). De plus, l’habitude et la
connaissance de l’environnement ont pu influencer les résultats de cette étude et expliquer
l’absence de stress psychologique (Perroni et al. 2009).
Pour conclure, il semblerait que même lorsqu’elle est simulee, une intervention de lutte contre
les incendies puisse être à l’origine d’un stress psychologique. Ce stress semble influence par
la température et les EPI. Cependant, ces réponses psychologiques demeurent peu étudiées au
regard de la littérature scientifique et méritent d’être approfondies avec notamment la
réalisation de mesures dans des situations les plus écologiques possibles.
e. Les fonctions cognitives
Les fonctions cognitives correspondent aux processus qui permettent l’apprentissage et la
manipulation de l’ensemble de nos connaissances (mémoire, attention, résolution de problème,
perception etc.) par le système nerveux central (SNC) (Albinet et al. 2008). Tout comme les
réponses psychologiques, cet aspect chez les sapeurs-pompiers n’a que peu ete etudie dans la
littérature. Les processus cognitifs étudiés varient selon les études, tout comme les résultats.
Kivimäki et Lusa (1994) ont pour la première fois investigué les réponses cognitives des
sapeurs-pompiers durant une simulation d’intervention de lutte contre les incendies. Lors de
cette expérimentation, les sapeurs-pompiers devaient réaliser les tâches imposées en exprimant
oralement toutes leurs pensees. Les auteurs ont ainsi mesure la capacite d’attention des sapeurs-
pompiers, en comptabilisant le temps passé à être concentré sur la tâche à réaliser. Les résultats
de l’etude montrent une diminution des performances cognitives (moins de temps passe
concentre sur la tâche) avec l’augmentation du stress cardiaque provoque par l’intervention
(Kivimäki and Lusa 1994). D’autres études ont utilisé le Continuous Performance Test comme
outil d’evaluation des performances cognitives (Smith and Petruzzello 1998; Smith et al. 2001;
Greenlee et al. 2014; Hemmatjo et al. 2017a, b, 2018). Ce test permet d’evaluer plus
particulièrement la capacité à maintenir une attention soutenue. Deux critères sont obtenus à
l’issue du test, le temps de reaction moyen pour répondre aux stimuli ainsi que la précision
(nombre de bonnes ou mauvaises réponses). Toutes les études utilisant ce test ont montré une
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
43
amelioration du temps de reaction mesure immediatement a l’issue de l’intervention en
comparaison de valeurs obtenues au repos. En revanche, alors que certains n’obtiennent pas de
différences dans la précision (Smith and Petruzzello 1998; Greenlee et al. 2014), d’autres
observent une augmentation du nombre d’erreurs a l’issue de l’intervention (Hemmatjo et al.
2017a, b, 2018). L’amelioration du temps de reaction pourrait être expliquee par l’activation du
SNS liee a l’exercice physique intense. Cette activation du SNS va provoquer la libération de
catécholamines (Mazzeo 1991) qui peuvent être a l’origine de l’augmentation des niveaux
d’excitation et ainsi permettre une amélioration du temps de réaction (McMorris et al. 2011).
Par ailleurs, la diminution de la précision semble être dépendante des conditions
environnementales. En effet, il a ete montre qu’une presence importante de fumée durant
l’intervention diminuait la precision sur le Continuous Performance Test (Hemmatjo et al.
2018). De plus, dans une seconde étude, les chercheurs ont montré que cette précision était
influencée par la température de la pièce, avec une diminution des performances lorsque la
température augmente (Hemmatjo et al. 2017b). Enfin, le Paced Auditory Serial Addition Test,
qui mesure egalement l’attention soutenue a permis de montrer que le type d’intervention
influait sur les performances cognitives, les interventions en milieu aérien (sauvetage d’une
victime en hauteur a l’aide de techniques speciales sur cordes) entrainant un plus grand nombre
d’erreurs post-exercice que des interventions classiques de lutte contre les incendies (Zare et
al. 2018).
Des stratégies ont été étudiées dans le but de limiter la détérioration des performances
cognitives. Zhang et al. (2014) ont mesuré les effets de la caféine et du menthol sur les
performances cognitives des sapeurs-pompiers, a l’issue d’un exercice physique. Les tests
utilisés mesuraient le temps de réaction simple, la mémoire et l’attention soutenue. Cependant,
dans cette étude, les sapeurs-pompiers devaient réaliser des exercices sur tapis roulant,
condition qui est loin de la réalité stressante d’une intervention. Les auteurs n’ont donc observe
aucune diminution des performances cognitives, empêchant ainsi d’observer un potentiel
bénéfice lié à la caféine ou au menthol (Zhang et al. 2014). Hemmatjo et al. (2017a) ont quant
à eux obtenu des effets positifs sur les performances cognitives avec la mise en place d’une
stratégie de refroidissement (i.e. cooling) durant l’exercice. Dans cette etude, les chercheurs ont
montre que l’utilisation d’une veste de cooling durant la manœuvre permettait de diminuer le
nombre d’erreurs post-exercice, sans pour autant contrebalancer totalement les effets délétères
de l’exercice (Hemmatjo et al. 2017a).
En conclusion, seulement peu de processus cognitifs ont ete investigue lors d’interventions
simulées chez les sapeurs-pompiers. L’attention soutenue est le processus qui a le plus ete
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
44
évalué, avec des résultats révélant une amélioration systématique du temps de reaction a l’issue
de la manœuvre. En revanche, les resultats sont plus contrastes en ce qui concerne la précision,
dont la potentielle diminution semble être accentuée par certaines situations et conditions
environnementales. Malgré une amélioration du temps de réaction, ces résultats sont associés à
une diminution des performances cognitives, une perturbation de la capacité de répondre avec
précision à un stimulus pouvant potentiellement nuire aux performances et à la sécurité des
sapeurs-pompiers (Smith et al. 2001; Hemmatjo et al. 2017a; Zare et al. 2018).
f. Les réponses hormonales et inflammatoires
En cas de stress physique ou psychologique, l’activation du SNS et de l’axe HPA provoque la
liberation d’hormones telles que l’adrénaline et la noradrénaline pour le premier et le cortisol
pour le second. De plus, il a egalement ete montre qu’un stress physique ou une tâche mentale
influent sur les réponses immunologiques et inflammatoires (Suzuki et al. 1999; Schoder et al.
2000; Gerra et al. 2001; Webb et al. 2008, 2011). Cependant, les réponses hormonales et
immunologiques n’ont que très peu ete etudiees chez les sapeurs-pompiers. Smith et al. (2005)
sont les premiers a avoir fait des prelèvements sanguins a l’issue d’une intervention simulee de
lutte contre les incendies. Dans cette étude, les auteurs ont mesuré l’activation de l’axe HPA
avec une mesure du cortisol et de l’ACTH, ainsi que les reponses immunologiques avec la
mesure de differents leucocytes. Les resultats de cette etude revèlent qu’une intervention induit
une augmentation des taux de cortisol, d’ACTH ainsi que des leucocytes (Smith et al. 2005).
Les mécanismes de ces augmentations peuvent avoir deux origines, le stress physique et le
stress mental provoques par les interventions de lutte contre les incendies. En effet, l’influence
de l’activite physique sur les reponses hormonales et immunologiques était déjà bien établie à
partir d’etudes menees dans le domaine du sport (Camus et al. 1994; Suzuki et al. 1999).
Cependant, des etudes de laboratoire ont montre que la surimposition d’une tâche mentale a un
exercice physique peut avoir une influence sur ces réponses hormonales et immunologiques
(Webb et al. 2008, 2011; Huang et al. 2010). Dans ces études, les sapeurs-pompiers ont réalisé
un exercice de pédalage durant lequel ils ont dû réaliser une tâche mentale basée sur des
strategies et des prises de decision rencontrees lors d’interventions reelles. Les resultats revèlent
qu’en comparaison de la condition contrôle, la realisation d’une tâche mentale provoque une
sécrétion plus importante de cortisol et de catécholamines (Webb et al. 2011) ainsi qu’une
augmentation des marqueurs inflammatoires (cytokines pro-inflammatoires IL-2 et
lymphocytes CD56+) (Huang et al. 2010).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
45
g. Les blessures sur intervention
En France, si, pour les sapeurs-pompiers professionnels, le sport représente la principale cause
d’accident en service (39%) devant les accidents sur site d’intervention (28%), ces resultats
s’inversent chez les sapeurs-pompiers volontaires avec plus de 44% des accidents qui ont lieu
sur le lieu d’intervention devant le sport (23%) et les manœuvres de formation (18%) (ministère
de l’Interieur, 2018). Bien que la fréquence des arrêts tende à se stabiliser ces dernières années,
la duree moyenne d’arrêt d’activite est en legère augmentation chez les sapeurs-pompiers
professionnels, avec une moyenne de 34 jours. Ces blessures en service représentent in fine
23,8% du total des indisponibilités par arrêt de travail des sapeurs-pompiers. Aux États-Unis,
la proportion de blessures sur les lieux d’intervention est beaucoup plus importante qu’en
France, avec 43% du total des blessures qui a lieu sur les interventions de lutte contre les
incendies (Haynes and Molis 2015). De plus, aux États-Unis, du fait du nombre important de
blessures, il a été possible de produire des statistiques plus detaillees qui ont permis d’etablir
que les glissades, les trébuchements et les chutes (i.e. perte d’equilibre) sont la principale cause
de blessure sur intervention (27%), juste devant le surmenage et la fatigue (27%). Viennent
ensuite les contacts et les heurts avec des objets (16%) et les autres blessures de causes diverses
(Haynes and Molis 2015). Ces blessures ont mene a une reflexion sur l’evolution des EPI tels
que les bottes, le casque ou encore l’ARI. En effet, plusieurs études ont montré que les EPI
influencent la capacité des sapeurs-pompiers à maintenir leur équilibre sur le terrain (Park et al.
2010, 2011; Hur et al. 2015; Kesler et al. 2018). C’est pourquoi de nouveaux EPI sont
régulièrement testés et mis sur le marché, afin de diminuer leur incidence sur les facteurs de
risque de blessure encourus par les sapeurs-pompiers (Park and Hahn 2014; Hur et al. 2015;
Kesler et al. 2018).
h. Conclusions
Durant la seconde phase d’une intervention, les sapeurs-pompiers sont amenés à réaliser des
exercices physiques parfois intenses, sous la pression du temps, dans des atmosphères chaudes
et viciees le tout sous la protection d’EPI lourds, encombrants et isolants thermiquement. Ainsi,
cette phase de l’intervention se caracterise par une depense energetique elevee, avec une forte
contribution du métabolisme anaérobie dans cette dépense énergétique. Plusieurs facteurs ont
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
46
une influence sur cette dépense énergétique : le type d’exercice realise, les conditions
environnementales, les EPI ainsi que les tâches mentales. L’accumulation de tous ces facteurs
conduit à un stress cardiovasculaire, thermique, psychologique et à des perturbations
cognitives. On retrouve des marqueurs hormonaux et inflammatoires de ces stress au niveau
sanguin et salivaire.
Par une cascade de réactions physiologiques, le stress cardiovasculaire provoqué par cette phase
de l’intervention peut parfois provoquer un événement cardiovasculaire indésirable (Smith et
al. 2016). Récemment, plusieurs articles ont proposé un modèle théorique (Figure 3) exposant
cette cascade de réactions physiopathologiques entre les contraintes cardiovasculaires subies
lors des interventions de lutte contre les incendies et les événements cardiovasculaires
indésirables (Smith et al. 2016; Kales and Smith 2017).
Figure 3. Interactions théoriques entre les réponses cardiaques, vasculaires et hémostatiques
et les interventions de lutte contre les incendies et les événements cardiaques soudains chez les
personnes sensibles. RH, hypothermie réactive ; BF, débit sanguin ; Fxn, fonction ; SEVR,
viabilité myocardique sous-endocardique ; SV, volume d’éjection systolique ; RPP, produit
fréquence-pression ; SS, contrainte de cisaillement. De Smith D., Deblois JP, Kales SN and
Horn GP. Cardiovascular strain of firefighting and the risk of sudden cardiac events. Exerc.
Sport Sci. Rev., Vol. 44, No. 3, pp. 90–97, 2016. Utilisé avec la permission de l’auteur.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
47
Ainsi, la phase d’intervention est un moment crucial pour la sante et la securite des sapeurs-
pompiers. Cette phase conduit à une augmentation de 12 à 136 fois du risque de décès par
accident cardiovasculaire durant les interventions en comparaison de situations non urgentes
(Kales et al. 2003, 2007; Geibe et al. 2008; Farioli et al. 2014).
Ce qu’il faut retenir :
- La seconde phase de l’intervention comprend toutes les activites operationnelles que
les sapeurs-pompiers doivent réaliser sur les lieux de l’intervention
- Cette phase a des répercussions sur la dépense énergétique, les réponses
cardiovasculaires, thermiques, psychologiques, hormonales et cognitives
- Les conditions environnementales et les EPI ont une influence majeure sur ces
différentes réponses
- Ces adaptations psychophysiologiques peuvent être a l’origine de changements
physiopathologiques et augmentent le risque de décès des sapeurs-pompiers
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
48
1.1.3 La phase post-intervention
La troisième phase correspond à la phase post-intervention. Cette phase debute dès l’arrêt de
l’intervention et se prolonge durant plusieurs heures, jusqu’a un rétablissement de
l’homeostasie (Kales et al. 2007). Relativement peu d’etudes ont investigue cette phase de
l’intervention. Nous étudierons dans un premier temps les recherches qui ont évalué la
recuperation des differents stress psychophysiologiques provoques par l’intervention. Dans un
second temps, nous présenterons les études qui ont proposé différentes stratégies afin
d’ameliorer et de reduire la duree de la récupération de ces différents paramètres
psychophysiologiques.
Les recherches ayant investigué la récupération des sapeurs-pompiers révèlent que le stress
genere par l’intervention perdure même après l’arrêt de l’exercice et que pour certains
paramètres, la restauration de l’homeostasie peut prendre jusqu’a plusieurs heures. Perroni et
al. (2010) ont montre qu’après une manœuvre d’une duree de 11 minutes seulement, la FC et
la VO2 n’etaient toujours pas revenues à des valeurs de repos après une récupération passive de
30 minutes. A l’issue de cette période de récupération, la FC était encore supérieure à la FC de
repos de plus de 50 bpm. D’autres etudes ont trouve des resultats similaires, avec un retour lent
et progressif de la FC à des valeurs de repos (Horn et al. 2011; Windisch et al. 2017a). Selon
l’etude de Horn et al. (2011), il faudrait entre 50 et 80 minutes de récupération pour un retour
de la FC a des valeurs preexercice. Cette lente recuperation de la FC s’accompagne d’une lente
diminution de la température corporelle également. Nous avons vu précédemment que la
température corporelle augmente de manière significative durant une intervention de lutte
contre les incendies (Romet and Frim 1987; Smith et al. 1997; Smith and Petruzzello 1998;
Carter et al. 2007). Or, plusieurs études ont montré que cette augmentation peut se poursuivre
durant plusieurs minutes après l’arrêt de l’exercice (Giesbrecht et al. 2007; Hostler et al. 2010;
Horn et al. 2011). Une fois le pic atteint, la température décroit progressivement jusqu’a des
valeurs de repos (Hostler et al. 2010; Horn et al. 2011). Tout comme pour la FC, il faudrait
entre 50 et 80 minutes de récupération passive pour que la température redescende à des valeurs
de repos (Horn et al. 2011). Plus que de la duree ou de l’intensite de l’exercice, le niveau de la
récupération semble dépendre de la durée de celle-ci (Horn et al. 2013). En effet, dans cette
dernière étude, les sapeurs-pompiers ont réalisé un enchainement de plusieurs interventions de
durées et intensités variables, entrecoupées de récupérations incomplètes. Les FC de
récupération les plus basses étaient obtenues par une durée de récupération plus importante,
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
49
independamment de la duree ou de l’intensite de l’exercice qui la precedait. Par ailleurs, il
apparait que la temperature de l’environnement dans lequel est realise l’exercice puisse
influencer la récupération de la FC et de la température (Smith et al. 1997; Windisch et al.
2017a). En effet, Smith et al. (1997) ont montre qu’après une intervention realisee dans une
atmosphère tempérée, la FC et la température tympanique retrouvaient des valeurs de repos
après seulement 10 minutes de recuperation. En revanche, lorsque l’exercice etait realise dans
une atmosphère chaude, ces valeurs à 10 minutes post-exercice demeuraient supérieures à celles
de repos. Une différence similaire a éte observee par Windisch et al. (2017a) lors d’une
évaluation de la FC dans les 30 minutes qui ont suivi l’arrêt de l’exercice.
Par ailleurs, toujours au regard des réponses cardiovasculaires, Horn et al. (2013) ont montré
qu’une intervention de 18 minutes aboutissait a une hypotension arterielle post-exercice. Après
20 minutes de récupération, la PA systolique était inférieure de 20 mmHg à celle de repos. Des
changements au niveau du SNA seraient a l’origine de cette hypotension post-exercice en
provoquant une vasodilatation périphérique afin de favoriser la thermolyse (Halliwill 2001). De
plus, la chaleur de l’environnement peut favoriser cette hypotension à travers une baisse du
volume plasmatique ainsi qu’une amplification de la vasodilatation périphérique (Horn et al.
2013).
A propos des réponses hormonales et inflammatoires, seuls Smith et al. (2005) ont réalisé des
mesures durant la récupération post-intervention. Dans cette étude, les auteurs observent
immediatement après la fin de l’exercice une augmentation de 400 % des concentrations en
ACTH plasmatique et un retour à des valeurs de repos après 90 minutes de récupération. En
revanche, après cette même durée de récupération, les concentrations sanguines en cortisol
demeuraient supérieures aux valeurs de repos. Cela est également valable pour certaines
réponses inflammatoires, avec un nombre de leucocytes toujours supérieur aux valeurs de repos
après 90 minutes de récupération (Smith et al. 2005).
Concernant le stress psychologique, sa récupération semble dépendre des conditions
environnementales (Smith et al. 1997). En effet, les auteurs ont montre que le niveau d’anxiete
mesuré 10 minutes après l’arrêt de l’exercice demeurait eleve uniquement lorsque l’exercice
était réalisé en ambiance chaude. Greenlee et al. (2014) ont montré qu’après une recuperation
de 120 minutes, cet etat d’anxiete etait revenu a un etat de repos. En ce qui concerne les
fonctions cognitives, bien que l’on observe une diminution des performances mesurees
immédiatement post-exercice (Hemmatjo et al. 2017a, b, 2018), il semblerait qu’une
récupération de seulement 10 minutes permette d’annuler les effets negatifs de l’intervention
sur ces performances (Greenlee et al. 2014).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
50
Differentes strategies ont ete proposees afin d’ameliorer la recuperation lors de cette phase post-
intervention. Ces stratégies ont deux objectifs. Le premier est de réduire la durée de restauration
de l’homéostasie, ce qui permet de préserver la santé et la sécurité des sapeurs-pompiers. Le
second objectif permet de préparer plus rapidement l’organisme des sapeurs-pompiers à une
eventuelle intervention ulterieure. Nous venons de voir que dans le cas d’une récupération
passive, la température corporelle continue d’augmenter dans les premières minutes qui suivent
l’exercice et le retour a des valeurs de repos peut prendre jusqu’a plus d’une heure (Horn et al.
2011). Ainsi, des stratégies de refroidissement ont été proposées afin de réduire ce stress
thermique et de ce fait accélérer la récupération.
Une des stratégies les plus étudiées est le refroidissement des mains seules ou accompagné des
avant-bras. Le refroidissement de ces parties du corps peut être réalisé soit par des poches de
froid soit par une immersion dans de l’eau a differentes températures (Giesbrecht et al. 2007;
Zhang et al. 2009; Barr et al. 2010). Si la majorité de ces études rapporte un effet bénéfique de
ces techniques de refroidissement sur la température corporelle et la FC, il semblerait que les
stratégies refroidissant à la fois les mains et les avant-bras soient les plus efficaces. En effet,
Zhang et al. (2009) ont montré qu’un refroidissement uniquement des mains par des poches de
froid n’avait une influence positive sur la baisse de temperature qu’à partir de la 30ème minute
de récupération. De plus, Giesbrecht et al. (2007) ont observé un effet bénéfique sur la
température corporelle et la FC lors de l’immersion des mains uniquement lorsque l’eau etait a
10°C, sans relever de bénéfice avec une eau à 20°C. Ces bénéfices semblent plus évidents
lorsque l’immersion concerne à la fois les mains et les avant-bras (Selkirk et al. 2004;
Giesbrecht et al. 2007; Hostler et al. 2010; Barr et al. 2011). Giesbrecht et al. (2007) ont observé
lors de la récupération une diminution de la FC et de la température avec une immersion des
mains et avant-bras pour une temperature de l’eau de 10 et 20°C. En revanche, les résultats
divergent sur la prolongation ou non de ces bénefices lors d’exercices realises ulterieurement.
En effet, l’etude menee par Hostler et al. (2010) a montré que les bénéfices observés durant la
récupération (diminution de FC et la température) ne permettent ni d’augmenter la tolérance à
l’effort, ni de diminuer le stress cardiaque ou thermique d’exercice. Or, d’autres recherches ont
montre que l’immersion des mains et avant-bras lors de la récupération permet de diminuer la
FC et la temperature corporelle lors de l’exercice qui suit (Selkirk et al. 2004; Giesbrecht et al.
2007; Barr et al. 2009). De plus, ces strategies ont permis d’augmenter la tolerance a l’effort et
ainsi prolonger la duree de l’effort des sapeurs-pompiers. Cette stratégie de refroidissement
permet de favoriser la thermolyse au niveau des mains et avant-bras. Ces parties du corps
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
51
seraient riches en anastomoses artérioveineuses, qui permettraient la dilatation des capillaires
lors d’un stress thermique pour favoriser l’evacuation de la chaleur (Vanggaard et al. 1999;
Giesbrecht et al. 2007). De plus, l’efficacite du refroidissement dépend de la surface corporelle
refroidie (Douzi et al. 2019). L’exposition a la fois des avant-bras et à la fois des mains permets
d’exposer une plus grande surface de la peau au froid et ainsi augmenter l’efficacite de la
thermolyse.
Par ailleurs, d’autres strategies de refroidissement ont également été testées afin de favoriser la
récupération des sapeurs-pompiers. L’utilisation de vestes de refroidissement durant l’exercice
semble être une stratégie intéressante également. Hemmatjo et al. (2017a), ont montré que
l’utilisation de vestes de refroidissement durant l’exercice permettait de limiter la degradation
des performances cognitives post-exercice, d’abaisser la temperature centrale et la FC. Ces
resultats sont en accord avec les resultats d’etudes precedentes, qui ont montre une diminution
de la temperature centrale et de la FC grâce a l’utilisation de vestes de refroidissement (Bennett
et al. 1995; Smolander et al. 2004). De plus, cette strategie de refroidissement durant l’exercice
permettrait une augmentation de la tolerance a l’effort (Bennett et al. 1995). Cependant,
l’utilisation d’une veste de refroidissement uniquement lors de la phase de recuperation ne
semble pas suffisante pour améliorer la recuperation ou les performances durant l’exercice
subséquent (Hostler et al. 2010; Barr et al. 2011). Bien qu’une utilisation de vestes
refroidissantes durant les interventions semble intéressante, cette méthode manque encore de
praticite pour une mise en place en situation ecologique lors d’interventions reelles. Enfin,
d’autres strategies ont montre des resultats encourageants mais necessitent de plus amples
investigations, telles que l’utilisation d’un ventilateur (Selkirk et al. 2004; Hostler et al. 2010),
la réhydratation (Selkirk et al. 2006) ou encore un allégement des vêtements situés sous la tenue
de protection (McLellan and Selkirk 2004).
Pour conclure, bien que cette phase de l’intervention n’ait fait l’objet que de relativement peu
d’etudes, il apparaît que le stress psychophysiologique généré par les deux premières phases de
l’intervention puisse se prolonger durant la récupération post-intervention. Durant cette phase,
la restauration de l’homeostasie se fait progressivement et peut pour certains paramètres
prendre jusqu’a plus d’une heure. Des strategies de refroidissement ont ete proposees afin
d’accelerer ce retour a un etat initial. De plus, durant cette période, le risque de décès pour les
sapeurs-pompiers reste eleve, avec un risque de decès jusqu’a 10 fois superieur en comparaison
de situations non-urgentes (Kales et al. 2007).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
52
Ce qu’il faut retenir :
- La phase post-intervention debute dès l’arrêt de l’intervention et se prolonge jusqu’a
la récupération complète du sapeur-pompier
- Durant cette phase, le stress psychophysiologique généré par les deux premières
phases de l’intervention se prolonge et diminue progressivement
- Des strategies de refroidissement permettent d’accelerer le processus de recuperation
- Cette prolongation de la perturbation de l’homeostasie est responsable d’une
augmentation du risque de decès, même après l’arrêt de l’intervention
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
53
1.2 Le système nerveux autonome
Les interventions de lutte contre les incendies sont des activités très contraignantes pour les
sapeurs-pompiers, avec des perturbations importantes de l’homeostasie, tant sur un plan
cardiovasculaire, que sur le plan de la thermorégulation. Lors de ces interventions, le système
nerveux autonome (SNA), qui joue un rôle primordial dans la régulation de ces fonctions
homéostatiques, est donc largement sollicité. Nous allons étudier dans cette seconde partie le
fonctionnement du SNA et ses mécanismes impliqués dans la regulation de l’homeostasie.
1.2.1 Le SNA dans le système nerveux
Le système nerveux est le centre de régulation et de communication de notre organisme.
Comme le présente la Figure 4, on distingue le SNC du système nerveux périphérique. Le SNC
se compose de l’encephale et de la moelle epinière. Il est le centre d’integration du système
nerveux en interpretant l’information sensorielle qui lui provient et en elaborant des réponses
motrices adaptées. Le système nerveux périphérique se compose de l’ensemble des nerfs situes
en dehors du SNC, regroupés en deux types de voies :
- Une voie afferente (ou voie sensitive), qui permet l’acheminement des potentiels
d’action des récepteurs sensoriels vers le SNC.
- Une voie efférente (ou voie motrice) qui permet de transmettre le potentiel d’action émis
par le SNC vers les organes effecteurs.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
54
Figure 4. Organisation du système nerveux et de ses principales subdivisions
La voie afferente, tout d’abord, permet de recueillir les stimulus et ainsi de transmettre une
information au SNC. Ce sont les récepteurs sensoriels qui vont recueillir les stimulus. Ils
peuvent être classés selon le type de stimulus auquel ils vont être sensible. On peut retrouver :
- Des mécanorécepteurs, sensibles aux déformations mécaniques
- Des chimiorécepteurs, sensibles aux substances chimiques
- Des thermorécepteurs, sensibles aux changements de température
- Des photorécepteurs, sensibles à la lumière
- Des nocicepteurs, sensibles à la douleur
Ces recepteurs font remonter l’information au SNC qui va l’integrer, l’interpreter et transmettre
une réponse motrice via la voie efférente du système nerveux périphérique. Cette dernière
comprend deux subdivisions fonctionnelles : le système nerveux somatique et le SNA. Le
système nerveux somatique (ou système nerveux volontaire) achemine les potentiels d’action
du SNC vers les muscles squelettiques. Le SNA (ou système nerveux végétatif) achemine les
potentiels d’action du SNC vers les muscles lisses, le myocarde et les glandes. L’activite du
SNA est soumise a la regulation du SNC a partir de l’hypothalamus, du tronc cerebral et la
moelle épinière ainsi que du cortex cérébral. Le SNA se différencie du système nerveux
somatique à la fois de par leurs centres effecteurs, mais également au niveau des voies
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
55
efférentes. Si dans ce dernier, le trajet du SNC jusqu’aux organes effecteurs se fait via un seul
neurone moteur, dans le SNA ce sont deux neurones successifs qui vont transmettre
l’information : le neurone préganglionnaire et le neurone postganglionnaire.
Comme le montre la Figure 5, il existe des différences anatomiques entre les neurones moteurs
du SNS et du système nerveux parasympathique (SNP). Ces différences se situent
principalement au niveau de la taille des neurones, de leur position dans le SNC et dans les
neurotransmetteurs libérés par ces neurones. Les prochaines sections ont pour objectif de
présenter ces différences, anatomiques et fonctionnelles entre le SNS et le SNP.
Figure 5. Comparaison schématique des neurones moteurs sympathiques et parasympathiques.
Reproduction de la figure 14.2 p. 605 dans « Anatomie et physiologie humaines. 11ème édition »
de Marieb E. et Hoehn K. (2019).
1.2.2 Structure du système nerveux sympathique
La voie afférente du SNS se compose de chaines de deux neurones, un neurone
préganglionnaire et un neurone postganglionnaire, reliés par une synapse qui se trouve dans un
ganglion. Quel que soit le lieu de la synapse, tous les ganglions sympathiques sont proches de
la moelle épinière. Par conséquent, on considère que les neurones préganglionnaires
sympathiques sont courts, a l’inverse des neurones postganglionnaires sympathiques qui sont
longs. Les neurones pré- et postganglionnaires se différencient également par leur gaine, qui
est faiblement myélinisée pour les neurones préganglionnaires et amyélinisée pour les neurones
postganglionnaires.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
56
La composition anatomique du SNS est représentée dans Figure 6. Les corps cellulaires des
neurones préganglionnaires se situent dans les régions thoraciques et lombaires de la moelle
épinière, entre les segments médullaires T1 et L2. Les axones des neurones préganglionnaires
sympathiques sortent de la moelle épinière pour entrer dans un des ganglions du tronc
sympathique (ou ganglions paravertébraux). La synapse avec le neurone postganglionnaire peut
ensuite se faire soit dans ce même ganglion, soit dans un autre ganglion du tronc sympathique
(de niveau supérieur ou inférieur) soit enfin dans un ganglion collatéral distant.
Par conséquent, le corps cellulaire des neurones postganglionnaires se situe soit dans un
ganglion du tronc sympathique soit dans un ganglion collatéral. Les axones postganglionnaires
sortent des ganglions du tronc sympathique et se prolongent par l’intermediaire des nerfs
spinaux jusqu’a leurs effecteurs.
- Les neurones postganglionnaires à destination de la tête émergent tous du ganglion
cervical supérieur, situé dans le tronc sympathique.
- Les neurones postganglionnaires à destination du thorax émergent des ganglions
cervicaux moyen et inférieur ainsi que des ganglions du tronc sympathique compris
entre T1 et T6.
- Les neurones postganglionnaires sortant des ganglions collatéraux vont desservir soit
des organes situes dans l’abdomen soit des organes situes dans le bassin.
- Enfin, certains neurones postganglionnaires empruntent les nerfs splanchniques et
passent dans un ganglion collateral (le ganglion cœliaque) sans y faire synapse avec un
nerf postganglionnaire. Ils se prolongent jusqu’a la glande médulaire surrénale, dans
laquelle ils feront synapse avec des cellules chromaffines, des cellules productrices
d’hormones.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
57
Figure 6. Description anatomique du système nerveux sympathique. Reproduction de la figure
14.7 p. 613 dans « Anatomie et physiologie humaines. 11ème édition » de Marieb E. et Hoehn
K. (2019).
1.2.3 Structure du système nerveux parasympathique
La structure anatomique du SNP est egalement constituee d’une chaine de deux neurones, relies
par une synapse située dans un ganglion. En revanche, les ganglions parasympathiques se
situent a proximite ou même a l’interieur de la paroi des organes effecteurs. Par conséquent, les
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
58
neurones préganglionnaires parasympathiques sont considérés comme longs et les neurones
postganglionnaires parasympathiques comme courts. La description anatomique du SNP est
représentée dans la Figure 7.
Les corps cellulaires des neurones préganglionnaires parasympathiques sont regroupés aux
deux extrémités du SNC, dans le tronc cérébral et dans la région sacrale de la moelle épinière.
Dans le tronc cérébral se trouvent les corps cellulaires des nerfs oculomoteurs, faciaux et
glossopharygiens. Ces neurones préganglionnaires font synapse avec des neurones
postganglionnaires situés au niveau de la tête. Deux nerfs vagues ont également leur corps
cellulaire situé dans le tronc cérébral. Ces deux nerfs innervent les organes situés dans le cou
et dans les cavités thoraciques et abdominales. La plupart des ganglions terminaux de ces nerfs
préganglionnaires se situent dans les parois des organes cibles.
D’autres neurones preganglionnaires parasympathiques ont une origine sacrale et vont innerver
la region pubienne ainsi qu’une partie du gros intestin.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
59
Figure 7. Description anatomique du système nerveux parasympathique. Reproduction de la
figure 14.4 p. 609 dans « Anatomie et physiologie humaines. 11ème édition » de Marieb E. et
Hoehn K. (2019).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
60
1.2.4 Les neurotransmetteurs du SNA
Les neurones du SNA peuvent libérer deux types de neurotransmetteurs, la noradrénaline et
l’acetylcholine. En fonction des neurotransmetteurs qu’ils vont secreter, on peut retrouver soit
des neurones cholinergiques soit des neurones adrénergiques.
- Les neurones cholinergiques sont les neurones qui vont liberer l’acetylcholine. Dans le
SNP, l’ensemble des neurones pre- et postganglionnaires est de type cholinergique.
Dans le SNS, seuls les neurones preganglionnaires utilisent l’acetylcholine comme
neurotransmetteur.
- L’ensemble des neurones postganglionnaires du SNS est de type adrénergique et utilise
la noradrénaline comme neurotransmetteur. Seuls les neurones postganglionnaires
sympathiques qui innervent les glandes sudoripares sont de type cholinergique.
Les effets de ces deux neurotransmetteurs varient selon le recepteur et l’organe cible. Il existe
également deux grandes catégories de récepteurs dans le SNA. On retrouve soit des récepteurs
cholinergiques soit des récepteurs adrénergiques.
- Les récepteurs cholinergiques, qui reçoivent l’acetylcholine, se divisent eux-mêmes en
deux classes de récepteurs, les récepteurs nicotiniques et les récepteurs muscariniques.
La liaison de l’acetylcholine avec un recepteur nicotinique a toujours un effet stimulant
pour l’organe cible. En revanche, l’effet de l’acetylcholine sur un recepteur
muscarinique peut être soit inhibiteur soit excitateur, selon l’organe cible sur lequel il
est fixé.
- Les recepteurs adrenergiques vont quant a eux recevoir soit l’adrenaline soit la
noradrénaline. Ces récepteurs se décomposent également en plusieurs classes de
récepteurs, dans lesquelles on retrouve les récepteurs alpha et bêta qui eux-mêmes se
divisent en sous-classes de recepteurs. Selon le type de recepteur present dans l’organe
cible, l’effet du neurotransmetteur (adrénaline ou noradrénaline) sera inhibiteur ou
excitateur.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
61
1.2.5 Les rôles du SNA
Le SNS et le SNP ont un rôle oppose dans le maintien de l’homéostasie. Le SNP est associé au
repos et aux fonctions digestives, il a un rôle dit trophotrope. Le SNS quant à lui se manifeste
dans des situations stressantes, d’urgence, pour nous preparer au « combat et à la fuite », il a un
rôle dit ergotrope.
Comme nous l’avons aborde precedemment, la plupart des organes innerves par le SNA ont
une double innervation, a la fois sympathique et parasympathique. Lorsque c’est le cas, les deux
systèmes peuvent avoir soit un effet antagoniste soit un effet synergique sur ces organes. Dans
de nombreux cas, les effets sympathiques et parasympathiques vont avoir une action
antagoniste. Par exemple, au niveau du cœur, le SNS accroit la FC alors que le SNP la diminue.
Pour d’autres fonctions, les deux systèmes vont avoir un rôle synergique, comme pour la
régulation des organes génitaux. Une stimulation parasympathique va permettre l’erection du
penis ou du clitoris, puis une stimulation sympathique permettra l’ejaculation chez l’homme ou
la contraction du vagin chez la femme. Enfin, certains organes ne sont innervés que par le SNS
et ne reçoivent donc que des stimulations sympathiques. Parmi ces organes on retrouve par
exemple la médullosurrénale, la plupart des vaisseaux sanguins ou encore les glandes
sudoripares. De ce fait, une des fonctions exclusives du SNS concerne la thermorégulation. En
effet, en cas d’augmentation de la temperature interne, c’est le SNS qui permet la dilatation des
artérioles pour permettre la déviation du sang au niveau cutané ainsi que la stimulation des
glandes sudoripares permettant la sécrétion de sueur. Inversement, afin de lutter contre le
refroidissement, c’est le SNS qui permet la vasoconstriction peripherique afin de conserver le
sang au niveau des organes profonds.
Par ailleurs, si l’effet du SNP est très bref, celui du SNS peut être beaucoup plus diffus dans la
durée pour trois raisons. Tout d’abord, un neurone preganglionnaire sympathique fait synapse
avec plusieurs neurones postganglionnaires, contrairement au neurone préganglionnaire
parasympathique qui fait synapse avec un seul neurone postganglionnaire. De plus,
l’acétylcholine libérée par les neurones parasympathiques est dégradée beaucoup plus
rapidement que la noradrénaline libérée par les neurones postganglionnaires sympathiques.
Enfin, le SNS va stimuler la médullosurrénale qui va libérer dans le sang deux hormones,
l’adrenaline et la noradrenaline. Ces deux hormones vont amplifier et prolonger les effets
sympathiques.
Le Tableau 1 présente les nombreuses fonctions du SNS et SNP sur les differents organes qu’ils
innervent.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
62
Tableau 1. Fonctions du SNS et du SNP sur les différents organes qu’ils innervent.
Reproduction de la figure 14.5 p. 619 dans « Anatomie et physiologie humaines. 11ème édition »
de Marieb E. et Hoehn K. (2019).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
63
1.3 Le contrôle de la fréquence cardiaque par le système nerveux autonome
Comme l’indique le Tableau 1, le SNA permet le maintien de l’homeostasie pour de
nombreuses fonctions physiologiques, avec l’action soit separee soit coordonnee du SNS et du
SNP. Pour assurer le bon fonctionnement des organes, il est nécessaire de maintenir une
pression sanguine stable. Cette stabilité dépend de trois variables en ajustements constants : le
débit cardiaque, la résistance des vaisseaux sanguins dans la circulation systémique et le volume
sanguin. Le SNA a des moyens d’action sur ces trois paramètres. Dans cette partie, à travers
l’analyse de la régulation du rythme cardiaque, nous nous intéressons uniquement a l’une des
réponses du SNA qui permet la régulation du débit cardiaque, et in fine, la régulation de la
pression sanguine. Le choix de ne traiter que la FC dans cette partie a ete fait car l’analyse de
la variabilité de la FC (VFC), que nous aborderons dans la section suivante, ne permet
l’investigation que des aspects chronotropes du cœur et n’aborde pas les aspects inotropes
(force de contraction) ou dromotropes (vitesse de conduction des fibres), bien que pouvant être
contrôlés par le SNA.
1.3.1 Le système de conduction du cœur
Le cœur est un organe musculaire dote d’un système specialise en excitation et en conduction,
capable de générer des impulsions électriques et ainsi transmettre ces signaux à travers le
myocarde.
Le cœur possède un rythme cardiaque intrinsèque. L’origine de ce rythme provient du nœud
sinusal, qui est le centre rythmogène du cœur (pacemaker). Le nœud sinusal ou nœud sino-
auriculaire est un ensemble de cellules, situees dans la paroi superieure de l’oreillette droite,
qui va émettre spontanément des potentiels d’action. Le potentiel d’action genere par le nœud
sinusal va se propager jusqu’au nœud auriculoventriculaire situe dans la partie basse de
l’oreillette droite via les faisceaux inter-nodaux. Ce nœud auriculoventriculaire va servir de
relai pour propager le potentiel d’action dans les ventricules via, dans un premier temps, le
faisceau de His puis via les fibres de Purkinje jusqu’a l’apex du cœur (voir Figure 8). Ces
cellules qui permettent la conduction du potentiel d’action sont des cellules autorythmiques, ou
cellules cardionectrices. Afin de donner naissance au potentiel d’action, l’interieur de la
membrane des cellules autorythmiques va lentement se dépolariser avec la fermeture des
canaux à potassium et l’ouverture des canaux à sodium, permettant ainsi une lente entrée de
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
64
sodium intracellulaire. Cela va diminuer la polarisation de la cellule jusqu’a l’atteinte du seuil
d’excitation (de - 40 mV environ), qui va ensuite provoquer une entrée massive du calcium
dans la cellule, declenchant ainsi le potentiel d’action. Enfin, l’ouverture des canaux à
potassium permet la sortie de potassium de la cellule et ainsi la repolarisation de la membrane.
Ces cellules autorythmiques représentent 1% des cellules du muscle cardiaque. Les 99% des
cellules restantes sont des cellules contractiles qui vont permettre la contraction des oreillettes
et des ventricules en effectuant le travail mécanique.
Figure 8. Système de conduction du coeur. Reproduction de la figure 18.13 p. 789 dans «
Anatomie et physiologie humaines. 11ème édition » de Marieb E. et Hoehn K. (2019).
L’electrocardiogramme (ECG), mesuré par un électrocardiographe, reflète cette activité
électrique cardiaque. Il est possible d’observer sur le trace ECG les differentes etapes de
depolarisation et de repolarisation du cœur, via l’enregistrement des differents potentiels
d’action. Le trace d’un ECG est compose de differentes ondes, qui correspondent toutes à une
etape de la depolarisation ou de la repolarisation lors d’une contraction du cœur. On distingue
les ondes suivantes (Figure 9) : P, Q, R, S et T. L’onde P correspond à la naissance du potentiel
d’action dans le nœud sinusal suivi de la dépolarisation des oreillettes. Le complexe QRS
correspond à la propagation du potentiel d’action dans les ventricules, précédant ainsi leur
contraction. Enfin, l’onde T correspond à la repolarisation ventriculaire. Par conséquent, on
distingue l’intervalle PR, qui represente le temps entre le debut de la depolarisation auriculaire
et celui de la dépolarisation ventriculaire, le segment ST qui correspond au temps entre la fin
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
65
de la dépolarisation et le début de la repolarisation des ventricules et enfin au segment QT qui
correspond au temps d’entre le début de la dépolarisation et le début de la repolarisation des
ventricules.
Figure 9. Tracé d'un ECG et correspondances avec les étapes de dépolarisation et de
repolarisation du cœur
1.3.2 Les récepteurs sensoriels et le centre cardiovasculaire
Le centre cardiovasculaire est situé dans le bulbe rachidien. Il comprend les centres cardiaques
et vasomoteurs et va réguler la PA en agissant à la fois sur le débit cardiaque et sur la résistance
peripherique. L’activite du centre cardiovasculaire est influencée par les informations
transmises par des récepteurs sensoriels : les barorécepteurs et les chimiorécepteurs.
- Les barorecepteurs sont situes dans les sinus carotidiens, dans le sinus de l’aorte et dans
les parois des grosses artères du cou et du thorax. Une variation d’etirement (reduction
ou augmentation de l’etirement) va être captee par ces recepteurs qui vont transmettre
l’information au centre cardiovasculaire, via le nerf de Hering depuis les sinus
carotidien et le nerf de Cyon depuis la crosse de l’aorte.
- Les chimiorecepteurs vont eux être sensibles aux variations d’oxygène, de dioxyde de
carbone et de ions hydrogène sanguin. Ces récepteurs vont également transmettre ces
informations au centre cardiovasculaire.
- Dans certaines situations, les réponses du centre cardiovasculaire peuvent également
être influencees par le cortex cerebral et l’hypothalamus. Par exemple, dans des
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
66
situations anxiogènes ou de mise en danger, c’est l’hypothalamus qui active le SNS pour
la mise en situation de préparation au combat ou à la fuite.
Le centre cardiovasculaire va ensuite produire une réponse via une stimulation ou une inhibition
des systèmes sympathiques et parasympathiques.
1.3.3 L’innervation du cœur par le SNA
Pour transmettre la réponse émise par le centre cardiovasculaire, les systèmes sympathiques et
parasympathiques innervent differentes parties du cœur, comme cela est presente dans la Figure
10. Le nerf vague, qui transmet les potentiels d’action du système parasympathique, part du
centre cardiovasculaire situé dans le bulbe rachidien pour faire synapse avec les neurones
postganglionnaires situes directement dans la paroi du cœur. Ces neurones postganglionnaires
innervent presque uniquement le nœud sinusal et le nœud auriculoventriculaire. Le trajet de
l’information sympathique est quant a lui different. L’information partant du centre
cardiovasculaire reste au sein du SNC, allant du bulbe rachidien jusqu’aux segments de T1 à T5
de la moelle epinière. De la, partent de courts neurones preganglionnaires qui s’etendent
jusqu’aux ganglions cervicaux et thoraciques du tronc sympathique. Ils font synapse dans ces
ganglions avec les neurones postganglionnaires qui iront innerver les nœuds sinusaux et
auriculoventriculaires, mais également les artères coronaires et les cellules contractiles.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
67
Figure 10. Innervation du cœur par les nerfs sympathiques et parasympathiques.
Reproduction de la figure 14.14 p. 791 dans « Anatomie et physiologie humaines. 11ème
édition » de Marieb E. et Hoehn K. (2019).
Ces différences anatomiques entre le SNS et SNP vont avoir des conséquences sur la vitesse de
transmission de l’information entre le centre cardiovasculaire et les réponses cardiaques. En
effet, la vitesse de propagation du potentiel d’action est plus importante dans les axones
myélinisés que dans les axones amyélinisés. Or, nous avons vu précédemment que les neurones
autonomes préganglionnaires sont tous myélinisés, contrairement aux neurones
postganglionnaires qui sont eux amyelinises. Le trajet de l’information parasympathique, se
faisant principalement dans des neurones préganglionnaires myélinisés, sera par conséquent
plus rapide que le trajet de l’information sympathique, qui se fait majoritairement dans des
neurones postganglionnaires amyélinisés.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
68
1.3.4 La régulation de la FC par le SNA
Les systèmes sympathiques et parasympathiques se différencient principalement par le type de
réponse qu’ils apportent : ils ont une action antagoniste sur l’activite cardiaque. De plus, du fait
de leur anatomie différente, les deux systèmes se distinguent par le délai de leur réponse, entre
l’emission du potentiel d’action par le centre cardiovasculaire et la réponse cardiaque. Dans
cette partie, nous aborderons ces différences fondamentales pour comprendre la régulation de
l’activite cardiaque par le SNA.
Observons tout d’abord l’action du SNP. Les recepteurs cholinergiques situes au niveau des
oreillettes vont se lier au neurotransmetteur libéré par les neurones postganglionnaires
parasympathique, l’acetylcholine. La liberation d’acetylcholine va provoquer l’ouverture des
canaux à potassium, diminuant la concentration de potassium intracellulaire ce qui provoque
une hyperpolarisation de la cellule entrainant ainsi une diminution de la fréquence des potentiels
d’action du nœud sinusal. Le SNP a donc un effet chronotrope negatif sur la FC. L’action du
SNS quant a elle est transmise par deux messagers, l’adrenaline et la noradrenaline. La
noradrénaline est libérée par les neurones postganglionnaires sympathique et va se fixer sur les
récepteurs adrénergiques β-1, ce qui provoque la diminution du seuil d’excitation du nœud
sinusal et augmentant ainsi la frequence des potentiels d’action. Le SNS va egalement avoir
une action sur la FC via la secretion d’adrenaline, a la suite d’une stimulation par les neurones
préganglionnaires sympathiques de la glande médullaire surrenale. L’adrenaline ainsi liberee
dans le sang va également se lier sur les récepteurs adrénergiques β-1, entrainant une
augmentation de la frequence des potentiels d’action du nœud sinusal. Le SNS a un effet
chronotrope positif.
Au repos, les deux systèmes envoient des potentiels d’action. Cependant, le SNP en inhibant
les effets sympathiques, va être prédominant, abaissant ainsi la FC. En situation de stress
physique ou émotionnel, la fréquence des potentiels d’action emis par le SNS va augmenter,
celle du SNP va diminuer, la prédominance du SNS va donc provoquer une augmentation de la
FC. Les deux systèmes ont donc une action antagoniste sur la FC. Cependant, leurs effets sur
le rythme cardiaque peuvent être synergiques, lorsque l’inhibition d’un système est couplée à
la stimulation du second.
Dans cette section, nous avons abordé les spécificités anatomiques et fonctionnelles du SNS et
du SNP dans la regulation d’une fonction specifique, celle de la PA via le contrôle du rythme
cardiaque. Le cœur possède des cellules autorythmiques qui lui donnent un rythme intrinsèque.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
69
Le SNA va réguler ce rythme cardiaque via le SNP qui a un effet chronotrope négatif et via le
SNS qui a un effet chronotrope positif. Du fait de ce double contrôle, l’analyse du rythme
cardiaque permet d’obtenir des informations instantanees sur l’activation ou l’inhibition des
SNS et SNP. L’objet de la section suivante sera la presentation d’un indicateur qui permet
l’investigation de cette balance sympatho-vagale dans le contrôle du rythme du cœur.
1.4 La variabilité de la fréquence cardiaque
L'évaluation de la VFC est considérée comme une méthode non invasive capable de donner des
informations indirectes sur la modulation autonome de l’activite chronotrope cardiaque. Cette
méthode consiste à analyser les fluctuations d'intervalle de temps entre les battements
cardiaques successifs, définies par la distance entre deux ondes R (intervalle RR), comme le
montre la Figure 11. L’analyse de l’intervalle RR reflète l’influence qu’ont les systèmes
sympathiques et parasympathiques sur le rythme cardiaque. Dans cette section, nous
détaillerons des différentes méthodes d’analyse de la VFC, ainsi que diverses durées et
situations d’evaluation. Enfin, nous aborderons les réponses de la VFC à un stress physique et
psychologique.
Figure 11. Définition de l’intervalle RR
1.4.1 Les méthodes d’analyse
L’analyse de la VFC peut se faire de differentes manières, a l’aide de differents traitements
mathématiques. Lors des travaux réalisés dans le cadre de cette thèse, trois grandes méthodes
d’analyse de la VFC ont été utilisées. Bien qu’il en existe d’autres, ce sont ces trois methodes
d’analyse, les plus couramment utilisées, que nous avons donc choisi de détailler dans cette
section :
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
70
- L’analyse temporelle
- L’analyse de Poincarre
- L’analyse spectrale
a. L’analyse temporelle
L’analyse temporelle se fait a partir d’une analyse statistique des donnees de l’intervalle RR. Il
existe différentes méthodes de calcul pour une analyse statistique.
L’intervalle RR moyen : Il correspond au temps moyen des intervalles RR analysés. Cet indice
est influencé par les deux voies du SNA sans qu’il ne puisse les discriminer : le SNP et le SNS
peuvent avoir une action sur le résultat, il peut être considéré comme un marqueur de la balance
sympatho-vagale (Goldberger 1999).
Le SDNN : Il correspond à l’ecart-type de l’echantillon d’intervalles RR sélectionné (de
l’anglais Standard Deviation of Normal to Normal interval). Ce paramètre renseigne sur la
dispersion globale de l’echantillon autour de sa moyenne rendant ainsi compte de la variabilite
globale. Il est donc également influencé à la fois par le SNS et le SNP (Kleiger et al. 1992;
Kamen et al. 1996; Task Force 1996).
Le RMSSD : Il correspond à une moyenne quadratique qui équivaut à la racine carrée de la
moyenne des différences au carre des intervalles RR successif (de l’anglais Root Mean Square
of Sucessive RR Differences). Ce paramètre reflète la variabilité battement par battement, il est
donc modulé par le SNP, qui a un délai de régulation beaucoup plus court que le SNS (Task
Force 1996; Goldberger et al. 2006). Cet indice est largement utilisé en situations écologiques,
du fait de sa moindre sensibilité à la fréquence respiratoire et aux bruits environnants (Saboul
et al. 2013; Buchheit 2014).
Le pNN50 : Il correspond au pourcentage des intervalles RR différents de plus de 50 ms par
rapport a l’intervalle RR adjacent. Tout comme le RMSSD, ce paramètre renseigne également
de la variabilité à très court terme et reflète donc l’activite du SNP (Task Force 1996;
Goldberger et al. 2006).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
71
b. L’analyse spectrale
L’analyse spectrale peut se definir comme une decomposition d’un signal stable, stationnaire
et fluctuant en fonction du temps. Elle permet de déterminer la puissance des composantes
sinusoïdales du signal en fonction de leur frequence. L’analyse spectrale peut se faire par une
Transformee Rapide de Fourrier (FFT), qui permet de reperer dans la suite d’intervalles RR les
fréquences qui correspondent aux boucles de régulation autonomes (Akselrod et al. 1981;
Pomeranz et al. 1985; Yamamoto et al. 1991; Task Force 1996; Martinmaki et al. 2006). Ces
fréquences sont généralement découpées en trois bandes :
- Les hautes fréquences (HF), comprises entre 0,15 et 0,40 Hz. Cette bande de fréquence
reflète uniquement une activité parasympathique, les réponses sympathiques étant plus
lentes que cette bande de fréquence.
- Les basses fréquences (BF), comprises entre 0,04 et 0,15 Hz. Cette bande de fréquence
reflète les interactions entre les systèmes sympathiques et parasympathiques.
- Les très basses fréquences qui correspondent a l’analyse des fluctuations inferieures a
0,04 Hz. Cette analyse reflèterait la modulation sympathique sur le plus long terme,
ainsi que l’activite de la thermorégulation.
c. L’analyse de Poincarré
A partir des enregistrements de VFC, il est possible de construire un diagramme de dispersion,
le diagramme de Poincarré (Figure 12).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
72
Figure 12. Diagramme de Poincaré
Ce diagramme fait correspondre chaque intervalle RR a l’intervalle precedent. A l’aide du
nuage de points, ce diagramme permet de visualiser rapidement les battements irréguliers dus
aux artefacts. Il est également possible de calculer deux indices issus de ce diagramme (Tulppo
et al. 1996; Billman 2011):
- L’indice SD1, qui correspond a l’ecart type de la variabilite battement a battement. Cet
indice reflète l’activite du SNP, avec la variabilite instantanee de l’intervalle RR.
- L’indice SD2, qui correspond à l’ecart type de la variabilité battement a battement
continue « a long terme ». Cet indice reflète la variabilité à plus long terme, et reflète à
la fois l’activite du SNS et du SNP.
1.4.2 Les durées d’evaluation de la VFC
L’evaluation de la VFC a ete realisee sur des periodes de temps soit inferieures a 2 minutes
(analyse à très court terme), soit de quelques minutes (analyse à court terme), soit de plusieurs
heures (analyse à long terme).
Les recommandations classiques pour l’analyse a court terme de la VFC preconisent l’analyse
de segments de 5 minutes minimum, après une période de stabilisation du signal de 5 minutes
(Task Force 1996). Cette procedure doit permettre d’assurer la stationnarite du signal, comme
recommandé pour une analyse de VFC (Task Force 1996).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
73
Récemment, une analyse à très court terme des données de VFC a été proposée (Nussinovitch
et al. 2011; Esco and Flatt 2014; Nakamura et al. 2015; Pereira et al. 2016; Flatt et al. 2017).
Les mesures a très court terme sont definies a partir d’analyses de VFC sur des segments de 1
à 2 minutes, avec ou sans période de stabilisation au préalable.
Enfin, il est également possible de réaliser une analyse de la VFC à long terme, sur des durées
allant de quelques heures a 24h d’analyse (Furlan et al. 1990; Task Force 1996; Horsten et al.
1999; Kaikkonen et al. 2017). L’analyse des donnees sur 24 heures se fera de preference a partir
d’une analyse temporelle de la VFC, pour minimiser l’influence de l’environnement sur les
résultats (Task Force 1996).
1.4.3 Les situations d’evaluation de la VFC
Comme nous venons de le voir, l’evaluation de la VFC peut se faire sur des durees differentes.
Par ailleurs, les situations d’analyse peuvent egalement être très variables, selon ce que l’on
souhaite évaluer.
a. Analyse sur une période de repos stable
Tout d’abord, l’analyse peut se faire lors d’une periode de repos, stable. Afin d’obtenir la
stationnarité du signal, il est nécessaire de faire la mesure après une période de repos
suffisamment longue, dans un environnement le plus neutre possible (Task Force 1996). Il est
préférable de réaliser la mesure dans un endroit sans bruit, sans lumière vive, avec une
température ressentie par le sujet neutre, ni trop froide, ni trop chaude. La position influençant
la VFC, il est important de toujours conserver la même position lors des mesures (Buchheit et
al., 2009).
b. Analyse lors d’un test orthostatique
Il est egalement possible d’analyser la VFC lors d’un test orthostatique (Tilt Test ou Stand Test)
(Mourot et al. 2004; Le Meur et al. 2013; Schmitt et al. 2013, 2015). Lors de ce test, après
plusieurs minutes passées dans une position allongée, les sujets se redressent en position debout,
immobiles, pendant plusieurs minutes egalement. Ce test permet d’obtenir trois informations
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
74
différentes : la VFC lors d’un etat stable allonge, la VFC lors d’un etat stable debout, le ratio
entre la position couchée et debout. D’un point de vue physiologique, le passage de la position
allongée à la position debout perturbe le flux sanguin, qui augmente dans la partie inférieure du
corps, modifiant ainsi la PA. Cette hypotension arterielle provoque une inhibition de l’activite
parasympathique, qui est predominante au repos, et une stimulation de l’activite sympathique.
Ces adaptations du système autonome sont révélées par les indices de VFC relevés lors des
deux phases du test orthostatique.
La VFC étant influencée par de nombreux facteurs, tels que le rythme circadien (Furlan et al.
1990), le niveau de fatigue (Le Meur et al. 2013; Schmitt et al. 2015) ou encore l’etat
psychologique (Horsten et al. 1999; Mestanik et al. 2015; Luque-Casado et al. 2016), de
nombreuses recherches ont réalisé les enregistrements de VFC le matin au levé, que ce soit avec
des mesures à court ou très court terme ou avec des tests orthostatiques (Hynynen et al. 2011;
Le Meur et al. 2013; Plews et al. 2013; Schmitt et al. 2013).
c. Analyse nocturne
L’analyse de la VFC peut egalement se faire lors du sommeil de nuit, où l’on peut considerer
que les influences extérieures sont minimes (Herzig et al. 2018). Plusieurs méthodes ont été
proposées pour réaliser cette analyse nocturne de la VFC. Certaines méthodes se basent sur une
analyse de la VFC moyenne sur la nuit complète (Myllymäki et al. 2011) ou sur les 3 ou 4
premières heures après le coucher (Pichot et al. 2000; Hynynen et al. 2010; Myllymäki et al.
2012; Dupuy et al. 2013). Ces premières heures seraient particulièrement intéressantes pour
l’analyse de la VFC, car ce sont les heures qui contiennent le plus de sommeil lent profond,
phase de sommeil durant laquelle l’analyse de la VFC presente la plus grande reproductibilite
(Brandenberger et al. 2005; Herzig et al. 2018). Il est possible d’analyser la VFC sur ces mêmes
périodes (premières heures ou nuit complète) à travers un découpage heure par heure qui permet
ainsi de mesurer l’evolution de la VFC au cours du sommeil (Myllymäki et al. 2011). Ces
analyses débutent généralement 30 minutes après le couché, afin de s’assurer que la VFC ne
soit mesurée que lorsque le sujet est endormi (Hynynen et al. 2010; Myllymäki et al. 2012;
Dupuy et al. 2013). Enfin, il a egalement ete propose d’analyser la VFC nocturne lors du
premier épisode de sommeil lent profond (Buchheit et al. 2004; Brandenberger et al. 2005; Al
Haddad et al. 2009; Dupuy et al. 2013; Costa et al. 2018, 2019). En effet, les différentes phases
de sommeil qui se suivent vont toutes avoir une influence sur la VFC. La mesure de la VFC
uniquement sur cette periode serait particulièrement interessante car c’est la phase de sommeil
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
75
durant laquelle le tonus musculaire est au plus bas (Brandenberger et al. 2005). Cette période
d’analyse ne necessite qu’une analyse a court terme de la VFC, d’une duree de 5 à 10 minutes.
Cependant, bien que certaines études détectent et analysent ce segment uniquement à partir
d’un enregistrement de la FC et de la VFC (Dupuy et al. 2013; Costa et al. 2018), le risque
d’erreur de mesure lors d’autres phases du sommeil demeure important avec un risque
d’influence des donnees (Herzig et al. 2018). C’est pourquoi il semble preferable, lorsque l’on
souhaite analyser la VFC durant des phases spécifiques du sommeil, de le faire en complément
d’une analyse de polysomnographie, mais ce qui limite par ailleurs considérablement son
utilisation sur le terrain.
d. Analyse durant un exercice physique
La VFC a également été étudiée durant les exercices physiques (Yamamoto et al. 1991; Tulppo
et al. 1996; Hautala et al. 2003; Cottin et al. 2004, 2007; Blain et al. 2005, 2009; Leicht et al.
2008; Di Michele et al. 2012; Michael et al. 2017a). Cependant, cette situation de mesure est
complexe pour l’analyse et l’interpretation des resultats et limite donc son utilisation. En effet,
il est complique d’obtenir un signal stationnaire durant un exercice physique. Pour s’affranchir
de cette contrainte, il est possible de realiser la mesure lors d’exercices a intensite constante et
avec une fréquence gestuelle stable lorsque cela est réalisable (Cottin et al. 2004). En cas de
non stabilité de la FC, il est tout de même possible de realiser l’analyse sur un segment stable
en supprimant la courbe de tendance de fond d’augmentation de la FC (Blain et al. 2009). Par
ailleurs, les modalites d’exercice ainsi que les durees que les participants ont passé à chaque
intensite d’exercice varient d’une etude a l’autre. Ainsi, la VFC a ete analysee lors d’exercices
de pédalage (Yamamoto et al. 1991; Tulppo et al. 1996; Hautala et al. 2003; Cottin et al. 2006;
Martinmäki et al. 2008), de marche et de course (Hautala et al. 2003; Cottin et al. 2007;
Kaikkonen et al. 2010), de rameur (Cheng et al. 2005) ou encore de natation (Di Michele et al.
2012), pour des durées passées à chaque intensite d’exercice allant de 2 minutes a 15 minutes
(Yamamoto et al. 1991; Tulppo et al. 1996; Hautala et al. 2003; Leicht et al. 2008; Martinmäki
et al. 2008). Enfin, il semble possible de detecter, grâce au phenomène d’arythmie sinusale
respiratoire, les SV1 et SV2, au cours d’exercices a intensite croissante (Blain et al. 2005; Cottin
et al. 2006; Buchheit et al. 2007c; Cassirame et al. 2015).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
76
e. Analyse post-exercice
L’analyse de la VFC post-exercice a été quant à elle largement étudiée. Bien que les modalités
de récupération (récupération passive, active, position etc.) puissent varier selon les études,
plusieurs methodes d’analyse ont bien ete definies. Tout d’abord, il a ete propose de proceder
a l’analyse d’un segment de 5 minutes, enregistré après une période de stabilisation de 5 minutes
demarrant a la cessation de l’exercice (Task Force 1996). Cette methode d’analyse a court terme
en post-exercice, permet l’analyse de la VFC a partir d’un signal stationnaire de la FC. Afin de
reduire ce temps necessaire pour realiser ce type d’analyse, une methode d’analyse a très court
terme a également été proposée en post-exercice (Esco and Flatt 2014; Esco et al. 2017). Les
auteurs ont montre qu’après la periode de stabilisation de 5 minutes, l’analyse de la VFC sur
un segment de 1 minute seulement présentait une bonne validité en comparaison d’une analyse
classique de 5 minutes.
Afin de mesurer la VFC dès la fin de l’exercice, une analyse du RMSSD sur des fenêtres de
temps plus courtes (de 15 à 60 secondes) a été proposée par Goldberger et al. (2006). Selon
cette etude, l’utilisation d’une fenêtre d’enregistrement plus courte permettrait de limiter le
problème de la non stationnarité du signal, lors de la phase rapide de récupération de la FC. Les
résultats de cette même étude suggèrent que ce sont les segments de 30 secondes qui reflètent
de manière la plus adéquate la réactivation du SNP. Cette methode d’analyse a ensuite ete
utilisée dans le domaine du sport (Buchheit et al. 2007a, 2009d; Nakamura et al. 2009; Pecanha
et al. 2014) ainsi que dans le domaine médical pour sa relation avec les maladies
cardiovasculaires (Lahiri et al. 2012).
Enfin, il est possible de mesurer l’effet de l’exercice physique sur la VFC sur le plus long terme,
en utilisant les methodes classiques d’analyse de la VFC sur des periodes de repos, a des
moments post-exercice variables (de plusieurs minutes à plusieurs heures) (Terziotti et al. 2001;
Mourot et al. 2004; Parekh and Lee 2005; Esco et al. 2017).
f. Conclusions autour de la méthodologie de la VFC
La VFC est un outil d’analyse qui permet de refleter le contrôle autonome de l’activite
chronotrope cardiaque. Les differents indices calcules a partir de la mesure de l’intervalle RR
permettent une mesure indirecte soit de l’activite du SNP, soit de la balance sympatho-vagale,
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
77
qui est le résultat du rapport entre l’activation du SNS et du SNP. Les durees et situations
d’analyse sont très variees et vont dependre de la population etudiee et des objectifs de l’analyse
realisee. De par son rôle dans le maintien de l’homeostasie, le SNA est sensible aux differents
stress que l’organisme peut subir. La VFC est donc utilisee comme un marqueur physiologique
de stress de l’organisme. La sensibilite de cet outil permet d’evaluer le stress dans differentes
situations d’analyse, que le stress soit d’origine physique ou psychologique. Nous allons donc
aborder maintenant les réponses de la VFC à différentes situations de stress, provoquées par un
exercice physique dans un premier temps et provoquées par une situation de stress
psychologique dans second temps.
1.4.4 Les réponses de la VFC à un stress physique
a. Durant l’exercice physique
Lors d’un exercice physique, le système cardiovasculaire permet de repondre aux besoins
metaboliques des muscles actifs (apport d’O2 et de nutriments, évacuation du CO2 et des déchets
metaboliques) ainsi qu’aux besoins de thermoregulation (augmentation du flux sanguin cutane),
tout en maintenant une pression sanguine suffisante pour la bonne perfusion de tous les organes.
Les modèles dominants ont permis d’etablir que pour repondre a ces besoins, quatre principaux
mécanismes vont agir sur les réponses cardiovasculaires (Fisher et al. 2011; White and Raven
2014; Fadel 2015; Michelini et al. 2015; Michael et al. 2017a; Teixeira et al. 2018).
Le premier mécanisme provient de la commande centrale. Ce mécanisme correspond aux
signaux neuronaux descendants des centres moteurs du cerveau qui activent en parallèle les
systèmes somatomoteurs pour la contraction des muscles squelettiques et autonomes pour le
contrôle cardiorespiratoire (Goodwin et al. 1972; Mitchell 1985).
Le second mécanisme provient des voies afférentes des muscles squelettiques actifs. Les
chimiorecepteurs et les mecanorecepteurs musculaires sont sensibles a l’accumulation des
produits du metabolisme musculaire pour les premiers, et a l’augmentation du volume sanguin
dans le réseau veineux pour les seconds. Ces métaboréflexes et mécanoréflexes sont transmis
au SNC via les nerfs afférents des groupes III et IV (Mitchell 1985; Haouzi et al. 1999; Gladwell
and Coote 2002; Hureau et al. 2018).
Le troisième mecanisme provient des barorecepteurs aortiques et carotidiens. L’activite
baroréflexe va être modifiée lors de l’exercice physique. Elle est reinitialisee à un niveau plus
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
78
élevé, qui est dépendant de l’intensite de l’exercice. Cette réinitialisation est médiée à la fois
par un mécanisme direct, provenant de la commande centrale, et à la fois par un mécanisme
indirect, associé aux afférences musculaires précédemment décrites (Potts et al. 1993; Raven et
al. 2006; Fadel and Raven 2012; Hureau et al. 2018; Teixeira et al. 2018).
Enfin, le dernier mécanisme, qui est moins connu, semble être lié au baroréflexe
cardiopulmonaire. Ce baroréflexe serait produit par des barorécepteurs de basse pression,
sensibles à la pression sanguine situes dans le cœur, les grandes veines et les vaisseaux des
poumons (Fadel and Raven 2012). En raison d’une augmentation de retour veineux au debut de
l’exercice, les barorecepteurs vont egalement inhiber l’activite sympathique, permettant ainsi
au système parasympathique d’exercer un contrôle plus important sur le cœur. Cet effet serait
ensuite surmonté par une stimulation plus importante des afférences provenant des muscles
squelettiques ainsi que de la commande centrale, contribuant a l’elevation de l’activite
sympathique (Ray et al. 1993; Saito et al. 1993; Fadel and Raven 2012).
Par conséquent, au commencement d’un exercice, ces mecanismes sont a l’origine d’un retrait
de l’activite parasympathique, accompagne egalement d’un très leger retrait de l’activite
sympathique. La modulation rapide la FC a des faibles intensites d’exercice serait donc
principalement sous un contrôle parasympathique. L’activite parasympathique cardiaque va
progressivement diminuer avec l’augmentation de l’intensite d’exercice jusqu’a atteindre un
seuil minimal qui sera maintenu jusqu’a la fin de l’exercice. On considère que l’activite du SNP
atteint son seuil minimal a une intensite d’exercice environ equivalente au SV1. Au-delà de
cette intensité, la régulation de la FC sera quasiment exclusivement sous un contrôle
sympathique, à travers la sécrétion de catécholamines (Kamath et al. 1991; Casadei et al. 1996).
L’analyse de la VFC durant l’exercice reflète ces modulations cardiaques autonomes avec une
diminution progressive de la VFC avec l’augmentation de l’intensite d’exercice. Cette
diminution de VFC durant l’exercice semble principalement dependante de l’intensite
d’exercice, les modalites et les durees d’exercices ayant des effets mitiges (Michael et al.
2017a). En effet, la VFC va diminuer avec l’augmentation de l’intensite de l’exercice. Cette
réduction qui est dépendante de l’intensite a ete observee notamment avec les indices RMSSD,
SD1 ou HF (Bernardi et al. 1990; Yamamoto et al. 1991; Tulppo et al. 1996; Cottin et al. 2006;
Leicht et al. 2008). Ces indices vont diminuer progressivement jusqu’a une intensite d’exercice
comprise entre 50 et 60% de la VO2max. Cette intensité correspond au SV1 et ce seuil minimal
de VFC a également été nommé « seuil de VFC » (Michael et al. 2017a). Au-delà de ce seuil,
les indices de VFC restent stables à leur niveau minimal ou augmentent très légèrement à des
intensites d’exercice superieures (Michael et al. 2017a).
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
79
b. En post-exercice
Dès la cessation de l’exercice, un arrêt brutal de la « commande centrale » ainsi qu’une
diminution de la stimulation des mécanorécepteurs musculaires va réinitialiser les baroréflexes
à un niveau inférieur. Ce réajustement entraine une diminution brusque et rapide de la FC,
assuree d’une manière predominante par le SNP (Perini et al. 1989; Imai et al. 1994). Cette
phase de réactivation du SNP correspond à la « phase rapide » de récupération, comprise dans
la première minute après l’arrêt de l’exercice. Vient ensuite une « phase lente » dans le
ralentissement du rythme cardiaque, qui est attribuée à la fois à une réactivation
parasympathique et à la fois à un retrait sympathique (Perini et al. 1989; Buchheit et al. 2007b;
Coote 2010; Peçanha et al. 2014).
Les methodes d’analyse de la VFC par fenêtres glissantes (15 ou 30 secondes) comme évoquées
precedemment permettent d’evaluer la reactivation parasympathique dès la phase rapide de
récupération (Goldberger et al. 2006; Peçanha et al. 2014). Les methodes d’analyse classiques
à court terme réalisées lors des minutes 5 à 10 post-exercice (ou ultérieures) ne permettent de
mesurer l’activite autonome que lors de la phase lente de la recuperation. A l’arrêt de l’exercice,
la VFC va augmenter progressivement jusqu’a un retour a des valeurs de repos (Michael et al.
2017a). Cette récupération de la VFC est dépendante de plusieurs facteurs. Des facteurs
intrinsèques, tels que l’âge, le sexe, ou encore la condition physique peuvent influencer cette
récupération (Aubert et al. 2003; Buchheit et al. 2004, 2008; Buchheit and Gindre 2006;
Peçanha et al. 2014). En ce qui concerne la condition physique, Buchheit et al. (2008) ont
montre chez des adolescents qu’un programme d’entraînement (entraînements par intervalles à
haute intensite) a permis d’ameliorer les performances aerobies ainsi que la reactivation
parasympathique cardiaque (RMSSD lors des minutes 5 à 10 post-exercice). De plus, une
relation entre la réactivation parasympathique cardiaque et les valeurs de VO2max a également
été établie dans une étude précédente (Hautala et al. 2001). Cependant ces résultats ne font pas
l’unanimite et d’autres recherches n’ont pas permis d’etablir de relations entre les aptitudes
aérobies et la VFC post-exercice (Stanley et al. 2012).
Néanmoins, ces facteurs ne sont pas dépendants de l’exercice physique et ne reflètent donc pas
le stress que celui-ci engendre. En revanche, des facteurs extrinsèques, lies a l’intensite, la duree
ou la modalite de l’exercice ainsi que lies a l’environnement vont refleter l’incidence de
l’exercice physique sur la recuperation autonome.
Tout d’abord, l’intensite de l’exercice semble être le facteur d’influence principal de la
récupération de la VFC. Dans leur revue de littérature, Stanley et al. (2013) suggèrent que le
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
80
SV1 serait un « seuil binaire » en dessous duquel la récupération de la VFC serait rapide et au-
dessus duquel elle serait retardée (Stanley et al. 2013). Cette hypothèse s’etaye sur les resultats
observés dans de précédentes études (Terziotti et al. 2001; Parekh and Lee 2005; Seiler et al.
2007). Cependant, d’autres recherches suggèrent que l’intensite de l’exercice pourrait
influencer de manière plus graduée la récupération de la VFC (Kaikkonen et al. 2007; Gladwell
et al. 2010; Michael et al. 2016), comme l’illustre la Figure 13. L’impact de l’intensite de
l’exercice sur la réactivation parasympathique serait lie a plusieurs facteurs. L’augmentation de
l’intensite d’exercice induit une augmentation des catecholamines (adrenaline et noradrenaline)
et une augmentation de différents métabolites pouvant provoquer ainsi un déséquilibre acido-
basique (Hagberg et al. 1979; Perini et al. 1989; Glaister 2005; Al Haddad et al. 2012). La
réactivation du SNP post-exercice serait dépendante de la vitesse d’elimination des ions H+
ainsi que des hormones sympathiques (Perini et al. 1989; Buchheit et al. 2007a; Al Haddad et
al. 2012). Par ailleurs, plusieurs travaux ont montre qu’une modification du volume plasmatique
entrainee par l’exercice physique peut provoquer une perturbation de la VFC post-exercice
(Convertino 2003; Buchheit et al. 2009c; Pecanha et al. 2014). Enfin, le stress thermique, généré
par l’exercice physique ou l’environnement peut egalement avoir une influence negative sur la
récupération de la balance autonome (Peçanha et al. 2017b). Or, tous ces mécanismes
susmentionnes sont susceptibles d’être de plus grande ampleur avec l’augmentation de
l’intensite d’exercice, et peuvent par consequent expliquer l’importance de l’intensité de
l’exercice dans la perturbation autonome.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
81
Figure 13. Variabilité de la fréquence cardiaque au repos, durant l'exercice et la
récupération, selon trois intensités d'exercice. LOW : faible intensité : <SV1 à 40-45% de la
FC de réserve ; MOD : intensité modérée : entre SV1 et SV2 à 75-80% de la FC de réserve ;
HIGH : haute intensité >SV2 à 90-95% de la FC de réserve. De Michael, S., Jay, O., Halaki,
M., Graham, K., & Davis, G. M. (2016). Submaximal exercise intensity modulates acute post-
exercise heart rate variability. European journal of applied physiology, 116(4), 697-706.
Utilisé avec la permission de l’auteur.
Par ailleurs, des recherches recentes ont montre que la duree d’exercice pouvait egalement
influencer la récupération de la VFC mesurée à court terme (Kaikkonen et al. 2010; Michael et
al. 2017b), bien que ces resultats ne fassent pas l’unanimite (Kaikkonen et al. 2007; Seiler et
al. 2007; Casonatto et al. 2011). Michael et al. (2017b) ont montre qu’une augmentation de
300% (i.e. 8 vs 32 minutes) de la duree d’un exercice de pédalage à 70% de la FC de réserve
provoque une perturbation de la récupération parasympathique post-exercice. Des résultats
similaires ont été obtenus par Kaikkonen et al. (2010), après deux exercices de course à pied de
3 et 14 km à une intensité de 60% de leur VO2max. Cependant, d’autres recherches n’obtiennent
pas de differences lorsque l’augmentation de la duree d’exercice est plus faible, comprise entre
30 et 100% (Kaikkonen et al. 2007; Seiler et al. 2007; Casonatto et al. 2011). Michael et al.
suggèrent donc que l’augmentation de la duree d’exercice ne puisse perturber la recuperation
que lorsqu’elle est « conséquente » (i.e. augmentation de 300%) (Michael et al. 2017b). De
plus, la duree d’exercice semble avoir une influence plus importante que l’intensite d’exercice
sur la VFC nocturne (Myllymäki et al. 2012). En effet, les auteurs ont montre qu’une
augmentation de la duree d’exercice (i.e. de 30 à 90 minutes) entraine une perturbation de la
VFC nocturne, alors qu’aucune difference n’a ete obtenue avec une augmentation de l’intensite
d’exercice. Les mecanismes a l’origine de ces differences mesurees immediatement post-
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
82
exercice seraient les mêmes que ceux déclenchés par une augmentation de l’intensite. En effet,
la production de métabolites et de catécholamines augmenterait avec l’augmentation de la duree
d’exercice (Romijn et al. 1993; Grego et al. 2004).
De plus, la modalite d’exercice peut egalement avoir une influence sur la recuperation de la
VFC (Nakamura et al. 2009; Ahmadian et al. 2015; Cunha et al. 2015; Dellal et al. 2015;
Kliszczewicz et al. 2016; Michael et al. 2018). Ahmadian et al. (2015) ont montré que la
réactivation parasympathique était plus importante après un exercice jusqu’a intensite
maximale réalisé sur ergomètre a bras qu’après un exercice de pedalage. Des resultats similaires
ont été obtenus par Michael et al. (2018) à des intensites d’exercice maximales. En revanche,
aucune difference n’a ete observee dans la recuperation de la VFC lorsque les exercices étaient
réalisés en intensité sous-maximale (Michael et al. 2018). De plus, Kliszczewicz et al. (2016)
ont montré que 20 minutes d’exercices de musculation au poids de corps à haute intensité,
perturbaient davantage la réactivation parasympathique que 20 minutes de course à pied à 85%
de la FCmax. Cunah et al. (2015) ont quant à eux montré que la récupération de la VFC était
meilleure après un exercice maximal de pedalage qu’après un exercice de marche ou de course
à pied. Ces résultats montrent que la masse musculaire mobilisée ainsi que la dépense
energetique liee a la modalite d’exercice peuvent influencer la reactivation parasympathique
(Ahmadian et al. 2015; Cunha et al. 2015; Michael et al. 2018).
Enfin, les réponses autonomes post-exercice sont également influencées par le stress thermique
provoque par l’exercice et l’environnement extérieur (Peçanha et al. 2014, 2017a; Michael et
al. 2017a). Dans une étude récente, Peçanha et al. (2017b) ont comparé la récupération de la
FC et de la VFC après un exercice en ambiance thermique neutre et un exercice en ambiance
chaude. L’exercice en ambiance chaude s’est caracterise par un stress thermique, avec une
augmentation de la température centrale (+0,7°C) et de la température cutanée (+3,2°C). Ce
stress thermique était associé à des perturbations hémodynamiques (diminution de la PA,
augmentation du flux sanguin cutané) et l’ensemble de ces réponses était relié à une
modification de la réponse autonome post-exercice (altération de la récupération du RMSSD et
de la FC) (Peçanha et al. 2017b). Des résultats similaires avaient été observés dans des études
précédentes a partir d’une analyse basée sur la FC, révélant une FC de récupération (FCR) plus
lente lors d’exercices en conditions chaudes (Franklin et al. 1993; Lynn et al. 2009). Par
conséquent, de nombreuses recherches ont permis de tester les effets de stratégies de cooling,
a partir de differents protocoles d’immersion (Leicht et al. 2009; Al Haddad et al. 2010a; de
Oliveira Ottone et al. 2014; Almeida et al. 2016; C Choo et al. 2018). Les résultats de ces études
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
83
ont revele que l’immersion dans de l’eau froide est efficace pour augmenter la réactivation
parasympathique cardiaque post-exercice.
1.4.5 Les réponses de la VFC à un stress psychologique
L’evaluation de la VFC en reponse a un stress psychologique a ete faite avec une large variete
de procedes. Tous d’abord, les durees de mesure s’etendent de mesures a très court terme ou
court terme, à des mesures réalisées à long terme sur 24 heures. De plus, les origines de ce stress
peuvent être variées, avec un stress généré par des tâches mentales complexes (Stroop color
word test, calcul mental, memorisation, etc.), des situations d’examen ou de travail. Les
réponses du SNA face à ces différents types de stress ont été étudiées soit a partir d’un stress
aigu, soit a partir d’un stress chronique.
Tout d’abord, la VFC a ete etudiee en situation de stress psychologique aigu. Les réponses
aigues du SNA ont été étudiées en condition de laboratoire, durant des tâches mentales
exigeantes (Stroop Color Word Test, calcul mental, mémorisation, preparation d’un discours
sous la pression du temps, etc.) (Delaney and Brodie 2000; Hall et al. 2004; Hjortskov et al.
2004; Salahuddin et al. 2007; Castaldo et al. 2015). Ces réponses ont également été étudiées
dans des situations écologiques qui peuvent être source de stress, comme parfois sur le lieu de
travail ou juste avant un examen (Vrijkotte et al. 2000; Lucini et al. 2002). Les résultats de ces
travaux montrent que malgré une différence observée selon la tâche à réaliser (Berntson et al.
1994; Luque-Casado et al. 2016), la VFC est fortement perturbée lors d’un stress
psychologique, avec une diminution des HF, du RMSSD, SDNN et de l’intervalle RR et une
augmentation des BF et du ratio BF/HF (Berntson et al. 1994; Delaney and Brodie 2000; Lucini
et al. 2002; Hjortskov et al. 2004; Castaldo et al. 2015; Luque-Casado et al. 2016). Ces résultats
revèlent un retrait parasympathique accompagne d’une augmentation sympathique en reponse
à une situation de stress psychologique aigu. Ces effets aigus du stress peuvent se prolonger
durant le sommeil. En effet, il a été montré que la VFC nocturne était perturbée lorsque les
personnes étaient psychologiquement stressées au moment du couché (Hall et al. 2004). Les
auteurs ont montre qu’en cas de stress, l’activite nocturne parasympathique etait alteree alors
que la balance sympatho-vagale était augmentée.
De plus, il a été montré que cette perturbation aiguë du SNA peut se prolonger de manière
chronique en cas d’exposition prolongee au stress (Kim et al. 2018). En effet, des recherches
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
84
ont également été menées en évaluant les niveaux de stress chronique par questionnaires
d’evaluation du stress lie au travail (Kang et al. 2004; Hemingway et al. 2005; Chandola et al.
2008; Orsila et al. 2008). Les résultats de ces études révèlent que le stress aigu lié au travail
peut se prolonger de manière chronique, entrainant ainsi une diminution chronique de la VFC.
Plus spécifiquement, une étude récente menée avec des sapeurs-pompiers coréens a évalué la
relation entre la VFC et les niveaux de stress associés à leur travail (Shin et al. 2016). Les
resultats de cette etude montrent tout d’abord que les niveaux de stress perçus sont différents
selon la spécialité du sapeur-pompier (incendie, secours à personne, administratif, service
médical) et le rythme de travail (gardes de 24 heures, travail journalier). De plus, les résultats
révèlent que plus les niveaux de stress évalués par questionnaire sont élevés, plus la VFC
(SDNN, RMSSD, HF) est faible. Un niveau de stress élevé lié à leur activité professionnelle
peut donc avoir une influence chronique sur l’activite autonome des sapeurs-pompiers. Ces
résultats viennent compléter les travaux précédemment évoqués de Ray et al. (2006), qui ont
montré chez des sapeurs-pompiers indiens que les niveaux de catécholamines sanguins mesurés
au repos étaient supérieurs lorsque les sapeurs-pompiers étaient en situation de stress chronique.
L’accumulation de stress lie au travail mène donc a un retrait chronique parasympathique ainsi
qu’a une saturation sympathique et peut donc avoir des consequences negatives sur la santé
(Hemingway et al. 2005; Chandola et al. 2008).
1.4.6 Conclusion autour de la VFC
Pour conclure, la VFC est un outil d’evaluation non invasif du contrôle de l’activite cardiaque
par le SNA. Les methodes, durees et situations d’analyse sont variees. Neanmoins, de par sa
sensibilite au stress, qu’il soit d’origine physique ou psychologique, l’analyse de la VFC a ete
largement utilisée en situation écologique ou de laboratoire afin de mesurer la perturbation de
l’homeostasie cardiovasculaire en réponse à un stress. C’est un outil qui est sensible a des
facteurs intrinsèques mais également à des facteurs extrinsèques liés au type de stress et à
l’environnement. Dans le cas d’un exercice physique, l’evaluation de la VFC dans la phase
post-exercice permet l’investigation de la recuperation du SNA et donc la capacite de
restauration de l’homeostasie cardiovasculaire de l’organisme. Bien qu’influencee par plusieurs
facteurs, l’intensite d’exercice, semble être l’element principal d’influence de la VFC de
récupération. La VFC est également influencée en cas de stress psychologique aigu ou
chronique. Ici encore, l’analyse de la VFC permet de refleter la perturbation de l’homeostasie
cardiovasculaire, traduite par un retrait de l’activite vagale et une saturation sympathique.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
85
1.5 Synthèse et problématique de thèse
Pour les sapeurs-pompiers, les interventions de lutte contre les incendies peuvent généralement
se décomposer en trois phases distinctes : la phase d’alarme et de mobilisation, la phase sur le
site d’intervention et enfin la phase de recuperation post-intervention. La première phase
correspond au moment où le sapeur-pompier est averti de son départ en intervention par un
signal d’alarme, suivi d’une phase de preparation avec l’equipement correspondant au type
intervention. Cette phase se caractérise par une réponse du sapeur-pompier dite de « préparation
à la fuite ou au combat », durant laquelle le SNS est brusquement activé, suivi par la mise en
action de l’axe HPA. Ces reponses comprennent une suite de reactions physiologiques, avec
notamment la libération de cortisol, une augmentation de la FC et de la PA. Lors de la seconde
phase qui débute à l’arrivee sur les lieux de l’intervention, ces reactions physiologiques
déclenchées lors de la phase précédente se poursuivent et sont même exacerbées par un travail
musculaire important, realise sous la pression du temps et d’un stress psychologique dans des
environnements parfois chauds et dangereux. Lors de ce travail, la consommation énergétique
et le stress cardiovasculaire sont élevés, entrainant une accumulation de métabolites sanguin
(ions H+) et s’accompagnant generalement d’une augmentation significative de la température
et d’une deshydratation. Les EPI occupent une part non négligeable dans l'élévation des
réponses physiologiques, provoquant notamment une augmentation de la dépense énergétique,
du stress thermique ainsi que des déséquilibres neuromoteurs. Une fois l’intervention terminee,
la recuperation se fait de manière passive ou active, en retour d’intervention. La restauration de
l’homeostasie peut prendre jusqu’a plusieurs heures pour revenir a des valeurs basales.
Cette perturbation de l’homeostasie cardiovasculaire peut avoir de graves consequences pour
les sapeurs-pompiers. Les recherches montrent une augmentation significative du risque de
decès durant les trois phases de l’intervention (Kales et al. 2003, 2007; Fahy 2005; Farioli et al.
2014; Smith et al. 2016). Dans ce contexte, une meilleure compréhension des réponses
cardiovasculaires des sapeurs-pompiers durant les trois phases d’une intervention doit faire
l’objet d’une réflexion particulière.
L’analyse de la VFC permet de mesurer la fonction du SNA, en evaluant l’influence
sympathique et parasympathique sur l’activite chronotrope cardiaque. Par consequent, elle
permet d’evaluer la perturbation de l’homeostasie et sa restauration a la suite d’un exercice
physique ou en situation de stress psychologique. De plus, une diminution de la VFC au repos
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
86
ou en post-exercice est associée à une augmentation du risque de pathologies cardiovasculaires
et de mort subite.
Une étude menée sur des sapeurs-pompiers coréens a permis de montrer que les sapeurs-
pompiers ayant un rythme de travail cycle, par gardes, souffraient d’un stress chronique, avec
une VFC inférieure en comparaison des sapeurs-pompiers travaillant en administration (Shin
et al. 2016). Une étude similaire menée sur des sapeurs-pompiers brésiliens a révélé une
élévation chronique du tonus sympathique et un retrait parasympathique, mais sans distinction
selon leur rythme de travail. En revanche, ils observent une différence selon la condition
physique, une augmentation des capacités cardiorespiratoires apportant un effet
cardioprotecteur (Porto et al. 2019). Enfin, une troisième étude menée sur des sapeurs-pompiers
finlandais a montre a partir d’un suivi de la VFC sur une garde de 24 heures que la « charge
physiologique » était temporairement élevée durant les interventions (Kaikkonen et al. 2017).
Malgré ces études, la VFC demeure très peu étudiée chez les sapeurs-pompiers. Elle présente
pourtant un interêt evident dans l’analyse de cette activite professionnelle pour plusieurs
raisons. Tout d’abord, cet outil est non-invasif et il présente des durées et des situations
d’analyse très variees. Il peut facilement s’adapter aux contraintes spécifiques liées aux
différentes activités des sapeurs-pompiers permettant ainsi une évaluation en milieu
ecologique. De plus, c’est un outil sensible au stress physique et psychologique, deux formes
de stress auxquels sont confrontés les sapeurs-pompiers. La VFC permettrait d’evaluer les
perturbations de l’homeostasie liee aux interventions et aux conditions de travail des sapeurs-
pompiers.
Par conséquent, l’objectif de cette thèse etait d’evaluer les reponses physiologiques des sapeurs-
pompiers durant les trois phases d’une intervention de lutte contre les incendies : du signal
d’alarme a la recuperation post-intervention. L’aspect novateur des recherches menees lors de
ce travail de thèse repose sur l’evaluation de la fonction autonome des sapeurs-pompiers à
travers une analyse de la VFC.
Par ailleurs, les aspects psychologiques et cognitifs n’ont ete que peu investigues dans la
littérature scientifique et restent donc encore mal connus. Pourtant, comme abordé dans ce
premier chapitre, ces aspects représentent un enjeu pour la santé et la sécurité des sapeurs-
pompiers. Dans le but d’une approche holistique de l’activite des sapeurs-pompiers, une analyse
des réponses psychologiques et des fonctions cognitives a été réalisée lors des expérimentations
conduites durant ce travail de thèse.
CHAPITRE 1 : Revue de littérature
87
Nous avons emis l’hypothèse que les mesures psychophysiologiques selectionnees dans ce
travail de thèse soient suffisamment sensibles pour révéler les contraintes rencontrées par les
sapeurs-pompiers durant les differentes phases d’une intervention simulee de lutte contre les
incendies.
Afin de répondre à cette double problématique, deux expérimentations ont été réalisées durant
ce travail de thèse (chapitre 2 et chapitre 3) dont les objectifs étaient les suivants :
- Determiner l’effet de l’ARI sur les reponses psychophysiologiques et sur la réactivation
parasympathique cardiaque des sapeurs-pompiers lors d’une intervention de lutte contre
les incendies (Chapitre 2, étude n°1).
- Determiner l’effet de l’ARI sur la charge de travail durant une intervention de lutte
contre les incendies à partir de méthodes de quantification internes, externes et
indirectes (Chapitre 2, étude n°2).
- Determiner l’influence de la condition physique des sapeurs-pompiers sur leurs
performances ainsi que sur la réactivation parasympathique cardiaque a l’aide d’une
analyse de la VFC à court terme et à très court terme (Chapitre 2, étude n°3).
- Determiner l’influence du moment de l’intervention (jour vs nuit) et du type d’alarme
(sonnerie vs vibreur) sur les réponses psychophysiologiques des sapeurs-pompiers
durant les 3 phases d’une intervention de lutte contre les incendies (Chapitre 3, etude
n°4).
- Determiner l’influence d’une nuit de garde, avec et sans intervention de lutte contre les
incendies sur l’activite autonome cardiaque et la qualité du sommeil des sapeurs-
pompiers (Chapitre 3, étude n°5).
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
88
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
La première expérimentation a été réalisée dans le cadre des travaux de thèse, au sein du SDIS
25, au centre de secours principal de Besançon Centre situé au 41, rue du Général Brulard. Cette
expérimentation a été menée afin de répondre à trois objectifs :
- Determiner l’effet de l’ARI sur les reponses psychophysiologiques et sur la reactivation
parasympathique cardiaque des sapeurs-pompiers lors d’une intervention de lutte contre
les incendies
- Determiner l’effet de l’ARI sur la charge de travail durant une intervention de lutte
contre les incendies à partir de méthodes de quantification internes, externes et
indirectes
- Determiner l’influence de la condition physique des sapeurs-pompiers sur leurs
performances ainsi que sur la réactivation parasympathique cardiaque a l’aide d’une
analyse de la VFC à court terme et à très court terme
L’experimentation a donne lieu a trois publications :
Philémon Marcel-Millet, Gilles Ravier, Sidney Grospretre, Philippe Gimenez, Sébastien
Freidig, Alain Groslambert. Physiological responses and parasympathetic reactivation in rescue
interventions: The effect of the breathing apparatus. Scandinavian Journal of Medicine &
Science in Sports, 2018, vol. 28, no 12, p. 2710-2722. DOI: 10.1111/sms.13291
Philémon Marcel-Millet, Gilles Ravier, Alain Groslambert. Effect of Protective Equipment on
Firefighters' External and Internal Workloads During a Simulated Rescue Intervention. Journal
of Strength and Conditioning Research, 2020. DOI : 10.1519/jsc.0000000000003551
Philémon Marcel-Millet, Gilles Ravier, Michael Esco, Alain Groslambert. Does firefighters’
physical fitness influence their cardiac parasympathetic reactivation? Analysis with post-
exercise heart rate variability and ultra-short-term measures. International Journal of
Occupational Safety and Ergonomics, 2020, p. 1-9.
https://doi.org/10.1080/10803548.2020.1738689
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
89
2.1 Étude n°1 : Réponses physiologiques et réactivation parasympathique durant les
interventions de lutte contre les incendies : l’effet de l’appareil respiratoire isolant
2.1.1 Introduction
Les réponses physiologiques intenses mesurées durant les interventions de lutte contre les
incendies peuvent en partie être reliées aux EPI que portent les sapeurs-pompiers. Le poids des
vêtements de protection et de l’ARI combines avoisine les 21 kg. Il a été montré que le port de
ces équipements augmente significativement la FC et la VO2 à intensité sous maximale
(Louhevaara et al. 1985) et diminue la VO2max, la ventilation et la puissance lors d’un test
d’effort maximal (Eves et al. 2005). De plus, des études menées en laboratoire ont montré que
les EPI perturbaient la thermorégulation, augmentaient le travail de la respiration et
augmentaient la température corporelle (Butcher et al. 2006; Holmér et al. 2006). A ce jour
cependant, une seule etude a analyse l’effet des EPI complets (vêtements de protection et ARI)
sur la performance des sapeurs-pompiers (en terme de durée de réalisation) lors d’une
intervention simulée en condition écologique (Taylor et al. 2012b). Ainsi, il serait intéressant
d'étudier la manière dont les EPI influencent le stress physiologique des sapeurs-pompiers en
condition écologique et de mettre en évidence si ces réponses sont provoquées par la charge
supplementaire de l’equipement et / ou par la résistance respiratoire induite par le
microrégulateur.
Par ailleurs, le stress cardiaque durant les interventions de lutte contre les incendies a largement
ete etudie a partir de la FC d’exercice (Williams-Bell et al. 2010; Windisch et al. 2017b). Or,
durant la récupération, la quantification de la VFC permet d’evaluer la reactivation du SNP
(Goldberger et al. 2006). Des études ont montré que la réactivation du SNP pouvait être reliée
a l’intensite de l’exercice (Michael et al. 2016) ou a l’accumulation de métabolites sanguins
(Buchheit et al. 2007a) et qu’elle pouvait être utilisée comme facteur pronostique de la
morbidité cardiaque (Cole et al. 1999). A ce jour, la réponse parasympathique post-intervention
demeure inconnue, alors qu’elle pourrait fournir des informations importantes au regard du
stress cardiaque induit par ces interventions.
Enfin, analyser l’effet des interventions de lutte contre les incendies sur les fonctions cognitives
représente également un intérêt de recherche majeur. En effet, le maintien des fonctions
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
90
exécutives durant les activités de lutte contre les incendies est crucial pour mener à bien les
interventions. Bien que certaines études aient montré une perturbation de certaines fonctions
cognitives (Hemmatjo et al. 2017a), la réponse des fonctions exécutives (attention sélective,
inhibition) reste inconnue.
Par conséquent, l’objectif de la presente etude etait donc d’evaluer les reponses physiologiques,
la réactivation parasympathique cardiaque et les fonctions exécutives durant une intervention
simulée de lutte contre les incendies, realisee dans trois conditions d’equipement differentes :
1) avec les vêtements de protection uniquement (condition PPC – personal protective clothing) ;
2) avec les vêtements de protection plus l’ARI complet (condition ARIc - incluant le masque,
la bouteille d’air et le microregulateur) ; 3) avec les vêtements de protection plus la bouteille
d’air de l’ARI uniquement (condition ARIb).
Nous avons emis l’hypothèse que la reactivation parasympathique cardiaque et que les
fonctions exécutives seraient plus altérées dans les conditions ARIc et ARIb que dans la
condition PPC, en raison de plus haut niveaux de stress psychophysiologique durant ces
conditions.
2.1.2 Méthodologie
Participants
Trente-deux sapeurs-pompiers professionnels et deux sapeurs-pompiers volontaires ont
participé à cette étude (28 hommes : âge : 37±7 ans ; taille : 179±6 cm ; poids : 76±9 kg ; indice
de masse corporelle [IMC] : 24±2 kg/m2 ; et 6 femmes : âge : 29±3 ans ; taille : 171±4 cm ;
poids : 64±3 kg ; IMC : 22±1 kg/m2). L’experience moyenne des participants en tant que sapeur-
pompier était de 18±6 ans. Tous les participants ont passé un examen médical réalisé par un
médecin du service médical du SDIS du Doubs et tous avaient reçu l’aptitude médicale pour
effectuer des interventions de lutte contre les incendies. Après avoir été informés des avantages
et des risques relatifs à cette étude, tous les participants ont signé un formulaire de consentement
éclairé pour la participation à cette étude. Cette étude a été menée conformément aux
recommandations de la Déclaration d'Helsinki. Le plan de recherche a été examiné et validé par
le service médical du SDIS du Doubs.
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
91
Protocole expérimental
L’etude a utilise une conception croisee randomisée afin de déterminer les effets du port de
l’ARI sur les reponses physiologiques, perceptives et cognitives ainsi que sur les déplacements
durant une intervention de lutte contre les incendies. Le protocole expérimental consistait en
une presentation collective de l’etude, une session de familiarisation, quatre sessions
expérimentales et une session de retours individuels. Durant la présentation collective qui avait
pour but de recruter les participants, une vue d’ensemble de l’etude a ete presentee et incluait
les objectifs et les contraintes qu’impliquait l’etude. Durant la session de familiarisation, les
procédures ont été expliquées en détail. De plus, les participants ont essayé les t-shirts connectés
qui allaient être utilisés durant les conditions expérimentales. Ils ont également réalisé une
session de familiarisation avec l’intervention simulée de lutte contre les incendies ainsi qu’une
session d’habituation de 5 minutes au Stroop Colour Word test. Les participants ont ensuite
accompli les quatre sessions expérimentales dans un ordre aléatoire. Durant la première session
expérimentale, les performances physiques et la FCmax ont été évaluées a l’aide d’un test de
course à pied, l’intermittent fitness test (IFT), selon les procédures décrites par Buchheit et al.
(2009b). Le test consiste en la réalisation de navettes sur une distance de 40 mètres pendant 30
secondes entrecoupées de périodes de 15 secondes de récupération passive. La vitesse initiale
était de 8 kmh-1 et augmentait de 0,5 kmh-1 toutes les 45 secondes jusqu’a l’epuisement des
participants (Buchheit et al. 2009b). La vitesse du dernier palier définissait la performance
physique du sapeur-pompier (VIFT) et la FC pic définissait la FCmax. L’IFT a été utilisé comme
référence pour analyser les réponses physiologiques mesurées lors des interventions simulées.
La VO2max a été estimée en fonction de la vitesse de course finale du participant à l'aide de la
formule suivante (Buchheit 2010) :
VO2max (mlmin-1kg-1) = 28.3 – (2.15 x G) – (0.741 x A) – (0.0357 x W) + (0.0586 x A x
VIFT) + (1.03 x VIFT)
Où : VIFT est la vitesse de course finale, G est le genre (homme = 1 ; femme = 2), A est l’âge
(en années) et W est le poids (en kg). Tous les participants ont realise l’IFT en tenue de sport,
constituée de chaussures de course à pied, un short et un t-shirt. La FCmax était également
estimee a partir de l’equation de Fox (Fox 3rd et al. 1971) :
FCmax = 220-âge
Durant les trois autres sessions expérimentales (Figure 14), les sapeurs-pompiers ont réalisé
une intervention simulée de lutte contre les incendies, dans trois conditions d’equipement de
protection différentes, dans un environnement tempéré (~20°C). Ces sessions expérimentales
étaient interceptées par une période de minimum 48 heures et de maximum 6 jours. Avant et
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
92
après chaque session expérimentale, les participants étaient assis durant 10 minutes, dans une
pièce silencieuse. Toutes les procédures ont été réalisées le matin, entre 8 et 12 heures, et chaque
participant a réalisé ses sessions expérimentales dans le même créneau horaire (±1 heure). Il
était demandé aux participants de ne pas consommer de caféine dans les 3 heures précédant les
tests et de ne pas realiser d’exercice physique intense ni de consommer de l’alcool dans les 24
heures précédant les tests. Tous les participants étaient familiers avec cette intervention simulée
ainsi qu’avec l’IFT, car ces deux exercices font partie de leur formation continue
professionnelle et du suivi régulier de leurs capacités physiques. De plus, tous les participants
portent régulièrement les EPI au cours de leurs interventions ou de leurs exercices
d’entrainement. Les sessions expérimentales ont été réalisées durant leurs gardes et les
participants étaient supervisés à la fois par leurs responsables hiérarchiques et à la fois par les
responsables scientifiques de l’etude. Au cours de la dernière session, un rapport individuel sur
les données du participant lui a été fourni.
Figure 14. Vue d'ensemble de la conception expérimentale. MR : mauvaises réponses ; TR :
temps de réponse ; SCWT : Stroop Colour Word test ; MCOM : quantité totale des mouvements
de l’accéléromètre.
Les équipements de protection des sapeurs-pompiers et l’intervention simulée
L’intervention simulée de lutte contre les incendies a ete realisee dans l’une de ces trois
conditions d’equipement suivantes : 1) La condition PPC, dans laquelle le sapeur-pompier était
équipé des vêtements de protection contre l’incendie, à savoir : des bottes, un sur-pantalon, une
veste, une cagoule et un casque, pour un poids total de 9 kg ; 2) La condition ARIc dans laquelle
le sapeur-pompier était équipé des vêtements de protection ainsi que d’un ARI complet, qui est
compose d’une bouteille de 6 litres d’air comprimé, fixé sur un dossard, un microrégulateur et
un masque pour un poids de 14 kg ; 3) La condition ARIb dans laquelle le sapeur-pompier était
équipé des vêtements de protection ainsi que de la bouteille d’air et du dossard de l’ARI, sans
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
93
le masque et le microrégulateur, lui permettant ainsi de respirer librement l’air ambiant, et non
pas celui de l’ARI.
L’intervention simulée de lutte contre les incendies consistait en la réalisation de six tâches à
réaliser sans temps d’arrêt : (1) les tuyaux : les participants ont porté deux tuyaux (de 7 kg
chacun) sur un sol plat sur une distance de 60 mètres ; (2) la tour n°1 : les participants sont
monté jusqu’au sommet d’une tour de huit étages, puis redescendu, toujours en portant les deux
tuyaux ; (3) le CEPARI : après avoir déposé les tuyaux, les participants ont réalisé un passage
dans le centre d’entrainement au port de l’ARI (CEPARI). Le CEPARI est un labyrinthe etroit
d’une longueur de 50 mètres, compose d’obstacles a franchir, dans lequel les participants
doivent ramper jusqu’a la sortie, dans le noir complet. Le responsable du CEPARI s’assurait de
la securite des participants en le surveillant a l’aide d’une camera nocturne ; (4) le Stroop test :
immediatement a l’issue du CEPARI, les participants ont realise le Stroop Colour Word test
sur un ordinateur durant 2 minutes ; (5) la tour n°2 : les participants sont de nouveau monté
puis descendu dans une tour de huit étages ; (6) le mannequin : a l’aide d’une sangle, les
participants ont tracté sur le sol un mannequin de 40 kg, sur une distance de 75 mètres.
Pour chaque session, les participants ont realise l’intervention simulee le plus rapidement
possible ; des encouragements etaient donnes tout au long de l’exercice. Le chronomètre
démarrait au commencement de la première tâche et se terminait à la fin de la tâche du
mannequin. La durée de chaque tâche était enregistrée manuellement. Un marqueur de temps
etait lance au debut de la manœuvre puis a chaque passage intermediaire afin de démarquer les
différentes tâches. Chaque participant était familier avec ces différentes tâches car elles
faisaient partie de leur entrainement habituel. Trois chronomètres étaient déclenchés avant le
début du protocole et des marqueurs de temps étaient notés au démarrage du tracker Hexoskin®
puis au debut et a la fin de chacune des phases (debut de l’intervention, debut et fin des mesures
de repos, etc.).
Analyse des données
Les paramètres physiologiques et d’activite ont ete enregistre en continu durant l’IFT et les
trois interventions simulees a l’aide d’un t-shirt connecté (Hexoskin® Carré Technologies Inc.,
Montréal, Canada). Les paramètres enregistrés incluaient : un signal ECG à une fréquence de
256 Hz à partir de trois électrodes (deux sur la poitrine, une sur la région supra iliaque), les
mouvements cycliques de la respiration (FR) a une frequence de 128 Hz (a partir d’une bande
abdominale et d’une bande thoracique) et les accelerations a une frequence de 64 Hz a partir
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
94
d’un acceleromètre (3 axes) place au-dessus de la hanche droite. La quantité totale des
mouvements de l’acceleromètre (MCOM) indiquent les niveaux d’activite des participants à
partir de la racine carrée de la somme des carrés des accélérations des trois axes
(√𝑥2 + 𝑦2 + 𝑧2 ; où x, y et z sont les accelerations dans l’axe vertical, longitudinal et lateral,
respectivement). Les FC, FR et MCOM moyens et maximaux ont ete calcules sur l’intervention
simulee complète a 1 Hz, ainsi que pour chacune des tâches de l’intervention. Le temps passe
dans differentes zones de FC a ete calcule pour quatre zones d’intensite : Z1 ≤ 75% FCmax, Z2
= 76–85% FCmax, Z3 = 86–95% FCmax et Z4 ≥95% FCmax (Perroni et al. 2009) à partir de la
FCmax obtenue durant l’IFT. Les donnees de FC, FR et MCOM enregistrees a partir du t-shirt
Hexoskin® se sont révélées fiables et valides en conditions de laboratoire (Villar et al. 2015;
Elliot et al. 2019). Afin d'avoir le meilleur ajustement possible, les participants portaient les t-
shirts selon la taille recommandée par le fabricant (en fonction de leurs mesures de tour de
poitrine et de taille) (les tailles disponibles variaient de très petite [XS] à très grande [XL]).
Enfin, une ceinture a été placée sur la poitrine et les bandes abdominales pour s'assurer que le
t-shirt ne bouge pas pendant les exercices.
La VFC extraite du signal ECG fourni par le t-shirt Hexoskin® a été analysée au repos, durant
10 minutes avant et 10 minutes après les sessions expérimentales. Durant ces mesures, les
participants étaient en position assise, dans une pièce silencieuse et tempérée (~20°C). Une
minute séparait la fin des protocoles et le début des mesures post-exercice, afin de laisser le
temps aux participants d’enlever leurs EPI. Les intervalles RR ont ete analyses sur le logiciel
Kubios, et les artefacts du signal ont été corrigés automatiquement à partir de la correction
moyenne appliquée par le logiciel (Kubios HRV Analysis v 2.0, Bio-signal Analysis and
Medical Imaging Group at the Department of Applied Physics, University of Kuopio, Kuopio,
Finland). La première analyse de la VFC a fourni un indice de l’activite vagale, mesure par le
calcul du RMSSD sur les segments successifs de 30 secondes durant les 10 minutes de
récupération (RMSSD30s) (Goldberger et al. 2006). De plus, l’analyse de la VFC a court terme
a été réalisée durant les minutes 5 à 10 de la période de repos pré- et post-exercice (Task Force
1996). Les indices calculés sur ces périodes de temps étaient le SDNN et le RMSSD (SDNN5-
10min et RMSSD5-10min). Les pourcentages de changement entre les indices pré et post-exercice
ont également été calculés. En raison de résultats similaires, pour la clarté de la présentation
des résultats, seules les valeurs post-exercice sont discutés dans cette étude.
La FCR a été mesurée en calculant la différence entre la FC de fin d’exercice et la FC a 60 et
300 secondes après la fin de l’exercice (FCR60s et FCR300s). De plus, une constante de temps à
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
95
court-terme a été calculée a partir de l’inverse de la pente de la droite de regression (-1/pente)
de la FC durant les 30 premières secondes (T30) (Imai et al. 1994; Buchheit et al. 2007a). Il a
été montré que les indices FCR60s et T30 reflètent la réactivation parasympathique cardiaque à
l’issue de l’exercice alors que la FCR300s reflète à la fois la réactivation parasympathique et le
retrait sympathique (Imai et al. 1994).
Les fonctions cognitives englobent différentes fonctions du cerveau et notamment les fonctions
exécutives. Ces dernières peuvent être mesurées par un Stroop Colour Word test incongruent,
qui implique les capacités d’attention selective et d’inhibition (Stroop 1935; MacLeod 1991).
Le test utilisé dans cette étude a été conçu grâce au logiciel Psychopy basé sur du code python
(Peirce 2009). Trois mots (‘bleu’, ‘vert’ et ‘rouge’) etaient affiches aleatoirement sur un écran
d’ordinateur, devant les participants. La couleur d’ecriture des mots ne correspondait pas
toujours au mot qui était affiché et variait de manière aléatoire. Pour les mots affichés avec de
l’encre bleue ou verte, la réponse correcte attendue correspondait a la couleur de l’encre, quelle
que soit la signification du mot affiche. Cependant, lorsque la couleur de l’encre etait rouge, les
participants devaient donner la signification du mot qui était affiché. Les participants devaient
répondre aussi précisément et rapidement que possible en appuyant sur différents boutons d'un
clavier en fonction de la réponse attendue. Le Stroop test était réalisé au repos, durant une
période de 2 minutes avant l’intervention, ainsi que durant une période de 2 minutes au milieu
de l’intervention. Afin d’évaluer les fonctions exécutives, le temps de réponse a été évalué en
calculant la moyenne de tous les temps de réponse pendant chaque test de 2 minutes. La
précision des réponses a été évaluée comme le nombre de mauvaises réponses durant chaque
test.
La difficulte de l’effort perçu (RPE) a été auto-evaluee a l’aide d’une echelle CR-10
immédiatement après chaque intervention simulée (Borg 1982). La durée de chaque
intervention simulée ainsi que de chaque tâche a été enregistrée a l’aide d’un chronomètre
manuel.
Pour la condition ARIc, la consommation d’air a été quantifiée en bars directement à partir de
la pression affichee sur le manomètre de l’ARI au debut et a la fin de l’intervention simulee.
Les bouteilles d’air contenaient 6 litres d’air compressee a 300 bars. La précision du manomètre
était de ± 5 bars. La consommation d’air etait calculee avec la formule suivante :
Volume de la bouteille (litres) * pression de départ (bars) – volume de la bouteille (litres) *
pression d’arrivee (bars)
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
96
Analyse statistique
Toutes les données sont exprimées sous forme de moyenne ± écart type (ET). Toutes les
données collectées ont été analysées à partir du logiciel XLSTAT 2013 (Addinsoft SARL, Paris,
France). La normalite de l’echantillon de donnees a ete verifiee avec le test de Shapiro-Wilk.
Lorsque que l’echantillon ne suivait pas une loi normale (RMSSD), une transformation
logarithmique (ln) était appliquée (lnRMSSD). Les différences pour la durée de réalisation,
RPE, FC, FR, MCOM, le temps de réaction et le nombre de mauvaises réponses entre les trois
interventions simulées ont été analysées avec une analyse de variance (ANOVA) à mesures
répétées avec comme facteur répété le facteur condition (PPC, ARIc, ARIb). Les différences
pour le T30, les FCR60s-300s, le SDNN5-10min et le lnRMSSSD5-10min entre les quatre conditions
expérimentales ont été analysées avec une ANOVA à mesures répétées avec comme facteur
répété le facteur condition (PPC, ARIc, ARIb, IFT). Une ANOVA à mesures répétées à deux
facteurs, avec le facteur temps (segments de 30 secondes successifs) et le facteur condition
(PPC, ARIc, ARIb, IFT) a ete utilisee pour examiner les changements pour l’indice
lnRMSSD30s. Les comparaisons de la FC, FR et MCOM pour chacune des tâches des
interventions simulées ont été analysées avec une ANOVA à mesures répétées à deux facteurs,
avec le facteur tâche (tuyaux, tours n°1 et 2, CEPARI, Stroop test, mannequin) et le facteur
condition (PPC, ARIc, ARIb, IFT). Lorsque le résultat de l’ANOVA était significatif, le test
post-hoc de Fisher était appliqué. Des régressions linéaires ont été utilisées afin de déterminer
les relations entre le lnRMSSD5-10min et le temps passé dans les différentes zones de FC (FC Z1,
FC Z2, FC Z3, FC Z4). La signification statistique était fixée à p < 0.05.
2.1.3 Résultats
Recueil des données
Pour six des 34 participants, l’enregistrement des paramètres physiologiques et des signaux
d’acceleration a echoue dans l’une des quatre conditions experimentales. L’analyse de la VFC,
FC, FR et MCOM a donc été réalisee pour 28 participants. Pour les autres paramètres, l’analyse
des données a été réalisée sur les 34 participants.
Évaluation des performances physiques
La VIFT moyenne était de 18,3±1,4 kmh-1, la FCmax enregistrée de 185,5±7,7 bpm et la FCmax
estimée de 184,6±6,7 bpm, ce qui correspond à 99,5% de la FCmax enregistrée. La FC et la FR
moyenne durant le dernier palier de 30 secondes était de respectivement 97,6±7,8% de la FCmax
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
97
enregistrée et de 59,2±9,8 respirations par minute. La VO2max moyenne estimée était de
54,3±4,9 mLmin-1kg-1.
La réactivation parasympathique post-exercice
Les indices de la réactivation parasympathique cardiaque sont présentés dans le Tableau 2. Les
FCR60-300s et le lnRMSSD5-10min étaient significativement inférieurs et le T30 était
significativement supérieur dans les conditions PPC, ARIb et ARIc en comparaison de la
condition IFT. L'évolution temporelle des segments du lnRMSSD30s après les quatre conditions
est présentée dans la Figure 15. Le lnRMSSD30s était inférieur dans les conditions PPC, ARIb
et ARIc en comparaison de la condition IFT.
Tableau 2. Fréquence cardiaque de récupération et variabilité de la fréquence cardiaque après
les conditions PPC, ARIb, ARI et IFT
PPC ARIb ARIc IFT
T30 (s) 232,1±108* 284,1±154,1*** 324,2±164,3***# 166,4±69,4
FCR60s (bpm) 31,4±11,4* 27,1±11,1*** 24,3±11,1***# 40,4±11,5
FCR300s (bpm) 78,3±10,4*** 78,3±11,4*** 76,4±10,6*** 89,8±10,2
SDNN5-10min (ms) 27,8±14,1 21,7±13,1 21,4±9,2# 23,8±7,6
lnRMSSD5-10min (ms) 2,1±0,5* 2,0±0,5* 2,0±0,5* 2,4±0,5
Les valeurs moyennes ± ET sont présentées pour les conditions PPC, ARIb, ARIc et IFT. *:
différence significative vs IFT (p <0,01) ; ***: différence significative vs IFT (p <0,0001) ; #:
différence significative vs PPC (p <0,05).
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
98
Figure 15. Valeurs moyennes ± erreurs standards du lnRMSSD30s durant les 10 minutes de
récupération après les conditions PPC, ARIb, ARIc et IFT. ** p<0.001.
Réponses physiologiques, perceptives, et activité durant les interventions simulées
La durée de réalisation, les valeurs moyennes et maximales pour la FC, FR, MCOM, RPE et le
temps passé dans les quatre zones de FC durant les interventions simulées sont présentées dans
Tableau 3. Pour la condition ARIc, la consommation moyenne d’air etait de 223±43 bars, ce
qui représente 1338±257 litres d’air non compresse. En moyenne, les participants ont
consommé 74±14 % de l’air de la bouteille pour realiser l’intervention simulee.
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
99
Tableau 3. Réponses physiologiques, perceptives et activité durant les conditions PPC, ARIb et
ARIc.
PPC ARIb ARIc
Durée (s) 635±91 771±120*** 804±127***
FC moyenne (%FCmax) 79,5±5,3 83,2±4,1* 83,1±5,2*
FC pic (%FCmax) 96,9±1,9 97,1±1,8 97,6±2,1
FR moyenne (respirations/min) 40,4±5,6 43,5±5,6 34,1±5,9***##
FR pic (respirations/min) 60,6±7,6 63,1±8,9 52,1±8,3***##
MCOM moyen (ms-2) 0,5±0,1 0,4±0,1*** 0,3±0,1***
MCOM pic (ms-2) 1,4±0,3 0,9±0,2*** 0,9±0,2***
RPE 5,9±1,5 6,9±1,2* 7,8±1,3***#
Temps passé dans (%) : - Z1 18,4±12,2 9,6±8,3* 10,7±11,1
- Z2 33,7±18,4 29,7±21,8 32,8±20,2
- Z3 42,6±22,1 54,0±23,6 48,8±21,1
- Z4 5,3±4,6 6,7±5,9 7,7±5,8
Moyenne ± ET. *: différence significative vs PPC (p <0,05) ; ***: différence significative vs
PPC (p <0,0001) ; # : différence significative vs ARIb (p <0,05)
Pour les interventions simulées dans leur ensemble, lorsque la FC durant le Stroop test était
exclue, la FC moyenne était de 84±5 %, 87±3% et 87±4% de la FCmax pour les conditions PPC,
ARIb et ARIc, respectivement. La FC durant le Stroop test était significativement supérieure (p
= 0,004 et p = 0,014, respectivement) pour les conditions ARIb et ARIc en comparaison de la
condition PPC. La FR était significativement inférieure dans la condition ARIc en comparaison
des conditions PPC et ARIb (p < 0,0001). Le temps passé en Z1 était significativement inférieur
pour la condition ARIb en comparaison de la condition PPC (p = 0,041). La Figure 16 présente
les valeurs moyennes de FC et FR pour les six tâches. Les différences entre les six tâches pour
chaque condition sont présentées dans le Tableau 4. La Figure 17 présente les valeurs moyennes
pour le MCOM pour les six tâches.
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
100
Figure 16. Comparaison des réponses physiologiques (FC ; FR) entre les trois interventions
simulées (PPE, ARIb, ARIc) pour l'intervention globale et chacune des six tâches. * différence
significative (p < 0,05) ; *** différence significative (p < 0,0001).
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
101
Tableau 4. Comparaison de la FC moyenne entre les six tâches de l'intervention simulée pour
les conditions PPC, ARIb et ARIc
PPC ARIb ARIc
Tuyaux 65±7***#$$$ 70±7***#$$$ 70±6***#$$$
Tour 1 86±5*** 87±3*** 86±4***
CEPARI 81±6***# 84±5***# 84±6***#
Stroop test 63±9***#$$$ 69±7***#$$$ 70±9***#$$$
Tour 2 85±7*** 89±3*** 88±5***
Mannequin 94±6 95±2 95±3
Moyenne ± ET. ***: différence significative vs Mannequin (p <0,0001) ; # : différence
significative vs Tour 1 et 2 (p <0,005) ; $$$ : différence significative vs CEPARI (p <0,0001).
Figure 17. Comparaison de l’activité mécanique (MCOM) entre les trois interventions
simulées (PPE, ARIb, ARIc) pour l'intervention globale et chacune des six tâches.
Le Stroop Colour Word Test
Pour les trois interventions simulées, le temps de réaction post-intervention était
significativement inférieur en comparaison du temps de réaction pré (1,08±0,29 vs 0,98±0,24
secondes, 1,08±0,27 vs 0,99±0,24 secondes et 1,3±3,1 vs 1,01±0,25 secondes pour les
conditions PPC, ARIb et ARIc, respectivement). Les mauvaises réponses post- ont augmenté
significativement en comparaison des mauvaises réponses pré-intervention (1,4±1,8 vs 2,2±2,3
2,1±4,7 vs 3,4 ±7,4 et 1,3±3,1 vs 2,1±3,6 pour les conditions PPC, ARIb et ARIc,
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
102
respectivement). Aucune difference significative n’a ete trouvee entre les trois conditions
d’équipement (Figure 18).
Figure 18. Comparaison des valeurs pré et post-intervention du Stroop Colour Word test
pour les trois interventions simulées. ***: différence significative (p <0,0001).
Relations entre le lnRMSSD5-10min et l’intensité d’exercice
Des relations significatives ont été observées entre le lnRMSSD5-10min et le temps passé en Z1
de FC (r = 0,67, p < 0,0001 ; r = 0,50, p = 0,007 ; r = 0,59, p = 0,001 pour les conditions PPC,
ARIb et ARIc, respectivement) et le temps passé en Z3 de FC (r = -0,40, p = 0,003 ; r = -0,39,
p = 0,040 ; r = -0,45, p = 0,015 pour les conditions PPC, ARIb et ARIc, respectivement).
2.1.4 Discussion
Cette étude avait trois objectifs. Premièrement, cette étude visait à décrire les réponses
psychophysiologiques des sapeurs-pompiers durant différentes tâches de lutte contre les
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
103
incendies. Deuxièmement, elle visait à investiguer la réactivation parasympathique cardiaque
après une intervention simulee. Troisièmement, ce travail visait a analyser l’effet de l’ARI sur
ces réponses. Les principaux resultats revèlent qu’une intervention de lutte contre les incendies
conduit à un stress physiologique élevé (valeurs de FC et FR), à une perturbation des fonctions
exécutives (baisse de la précision) et à une perturbation vagale post-exercice importante. Le
principal effet de l’ARI etait d’augmenter la duree de l’intervention, le stress cardiaque et la
perception de la difficulte de l’effort durant l’intervention.
Réponses physiologiques et cognitives durant une intervention de lutte contre les
incendies
Dans cette étude, la durée de réalisation de l'ensemble de l'intervention dépendait de la
condition, avec une durée allant de 635 secondes pour la condition PPC à 771 secondes et 804
secondes pour les conditions ARIb et ARIc respectivement. Comme présenté dans la Figure 16,
la FC moyenne des sapeurs-pompiers se situait entre 79 et 83% de la FCmax, selon la condition.
Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par Windisch et al. (2017b), mais sont inférieurs à
ceux repostés par Perroni et al. (2010) et Williams-Bell et al. (2010) pour des tâches proches
de celles de cette étude. Cette différence peut être expliquée par le Stroop test de 2 minutes, qui
a diminué la FC moyenne dans nos expérimentations. En effet, dans notre étude, sans le Stroop
test, la FC variait entre 84 et 87% de la FCmax. L’analyse de la FC dans les quatre zones
d’intensite a montré des pourcentages différents pour le temps passé au-dessus de 85% de la
FCmax (e.g. 48% pour PPC, 61% pour ARIb et 57% pour ARIc). Les résultats de notre étude
mettent en évidence le temps considérable passé dans les zones de haute FC, comme indiqué
précédemment par Perroni et al. (2009). Nos résultats ont montré également que les réponses
physiologiques varient en fonction des différentes tâches de lutte contre l'incendie. Dans notre
étude, le tractage d'un mannequin semble être la plus exigeante de toutes les tâches de
l’intervention (voir Figure 16 ; pour les trois conditions, la FC moyenne atteint 94 à 95% de la
FCmax et la FR moyenne atteint 45 à 55 respirations par minute). Ces valeurs obtenues dans
notre étude pour cette tâche étaient similaires à celle obtenues lors du dernier palier de 30
secondes de l’IFT (FC moyenne = 97,6±7,8% de la FCmax ; la FR moyenne = 59±9,8
respirations par minute). Ces résultats sont en accord avec ceux obtenus dans des études
précédentes qui montrent que le sauvetage de victimes ou la montée d’escaliers sont les tâches
les plus difficiles, avec une FC ou une VO2 supérieure aux autres tâches (Williams-Bell et al.
2010; Windisch et al. 2017b). Enfin, pour la condition ARIc, les sapeurs-pompiers ont
consommé 1338±257 litres d’air en 804±127 secondes (≈ 100 Lmin-1), avec une grande
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
104
différence entre les participants (variant de 72 Lmin-1 à 146 Lmin-1). Plus précisément, avec
l'équipement utilisé dans notre étude, l'autonomie de l’ARI serait de seulement 1080 secondes
avec une consommation de 100 Lmin-1, et cette autonomie chute à 740 secondes pour une
consommation de 146 Lmin-1. Ces taux de consommation d’air sont superieurs aux 90 Lmin-
1 préconisés dans le guide national de référence (Guide National de Référence : appareil
respiratoire isolant, JO 17 Avril 1999) qui surestime donc l’autonomie reelle lors d’activités
très ardues. Dans l'ensemble, ces résultats mettent en évidence la nature très ardue d'une
intervention de lutte contre les incendies et la nécessité pour chaque sapeur-pompier de
connaître sa consommation d'air lorsqu'il est engagé dans des activités de lutte contre les
incendies intenses. La VIFT est bien accepté comme indicateur de terrain des performances
physiques en raison de sa corrélation significative avec la VO2max (Buchheit et al. 2009b). Dans
cette étude, la VO2max moyenne des sapeurs-pompiers était de 54,3±4,9 mLmin-1kg-1, ce qui
est supérieur aux valeurs minimales recommandées précédemment pour les sapeurs-pompiers
opérationnels (comprises entre 33,5 et 46 mL·min-1·kg-1) (Sothmann et al. 1990; Bilzon et al.
2001; Windisch et al. 2017b).
L’intervention de lutte contre les incendies a induit deux reponses differentes sur les fonctions
exécutives des sapeurs-pompiers, comme en témoignent les résultats obtenus sur le Stroop test.
D'une part, pour les trois conditions d'équipement de protection, le temps de réaction s'est
amélioré pour Stroop test effectué durant de la manœuvre, avec une plus grande rapidite dans
la prise de décision. En revanche, la précision a diminué durant l'intervention, comme en
témoigne l'augmentation du nombre d'erreurs. Des résultats similaires avaient été rapportés
avec un autre test psychométrique (le continuous performance test) juste après des activités de
lutte contre l'incendie (Hemmatjo et al. 2017a). Les activités de lutte contre les incendies sont
des exercices physiques qui activent fortement le SNS ce qui provoque une augmentation de la
concentration en catécholamines plasmatiques (Mazzeo 1991). La libération de ce
neurotransmetteur induit une augmentation de l'activité du cortex préfrontal et du stress
psychologique, conduisant à un temps de réaction plus court (McMorris et al. 2011). Cependant,
des études antérieures ont montré une diminution qualitative des fonctions cognitives après une
intervention simulée impliquant un labyrinthe sombre, tel que celui utilisé dans cette étude,
entrainant une altération de la précision des réponses (Hemmatjo et al. 2017a, b, 2018). En fait,
une augmentation des catécholamines ne semble pas affecter la vitesse et la précision de la
même manière. L’activation globale du SNC induite par le stress physique ou émotionnel
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
105
pourrait conduire à un bruit neuronal, ce qui pourrait expliquer cette baisse de précision
(McMorris et al. 2011). Bien que la présente étude n'ait pas mesuré la température corporelle,
d'autres études ont montré que le port des vêtements de protection augmente la température
centrale (Holmér et al. 2006), augmente la transpiration et conduit à la déshydratation (Cheung
et al. 2010). Une récente revue de littérature a indiqué que le stress thermique pouvait diminuer
les performances lors de tâches cognitives « complexes », telles que les fonctions exécutives
(Taylor et al. 2016). Par conséquent, l'augmentation de la température centrale provoquée par
les vêtements de protection pourrait également avoir eu un impact négatif sur les fonctions
exécutives des participants. Cette diminution de la précision montrée par le Stroop test met en
évidence la nécessité pour les sapeurs-pompiers de prendre en compte l'évolution des
paramètres psychométriques durant les interventions de lutte contre les incendies. En
conclusion, l'augmentation de la température centrale combinée à des niveaux élevés de stress
et d'activité physique, pourrait potentiellement conduire à un processus de prise de décision
altéré chez les sapeurs-pompiers.
La réactivation post-exercice parasympathique
Le deuxième résultat important de cette étude était que les trois interventions de lutte contre les
incendies ont causé une plus grande perturbation de la réactivation parasympathique cardiaque
qu’un test incrémental maximal. Les trois interventions ont présenté un T30 plus important et
des lnRMSSD5-10min, LnRMSSD30s et FCR (FCR60s-300s) inferieurs en comparaison de l’IFT
(Tableau 2). Alors que la réactivation aiguë du système parasympathique n’a jamais ete etudiee
chez les sapeurs-pompiers, plusieurs études dans le domaine du sport ont comparé la
reactivation vagale après differents types et intensites d’exercices (Buchheit et al. 2007a;
Stanley et al. 2013). Il a ete montre que l’IFT perturbe l’activite post-exercice parasympathique
cardiaque plus qu’un test continu incremental maximal de course a pied (Buchheit et al. 2009b),
et induit des perturbations vagales similaires en comparaison d’un test de repetitions de sprints
(Nakamura et al. 2009). Alors que l’IFT peut être classe comme un exercice intense qui induit
un stress important sur le SNA, les resultats de cette etude montrent qu’une intervention de lutte
contre les incendies induit une perturbation parasympathique encore plus importante. Bien que
les valeurs des indices de la réactivation vagale varient d’une etude a une autre, nos résultats
sont similaires à ceux observés lors d’etudes antérieures après des exercices de haute intensité.
Par exemple, après un test incrémental maximal et des exercices à haute intensité, le T30 variait
entre 261 et 295 secondes (Buchheit et al. 2007a, 2009b; Nakamura et al. 2009), la FCR60s
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
106
variait entre 36 et 39 bpm (Buchheit et al. 2007a; Nakamura et al. 2009) et le lnRMSSD5-10min
était de 1,60 ms (Esco et al. 2017).
Bien qu'aucune corrélation n'ait été trouvée entre les indices de réactivation parasympathique
et la FC moyenne, le lnRMSSD5-10min était corrélé positivement avec le temps passé dans la
zone de faible intensité (FC Z1) et corrélé négativement avec le temps passé dans la zone de
haute intensité (HR Z3). Ainsi, on peut supposer que la réactivation parasympathique est
corrélée à l'intensité de l’exercice précédent (Stanley et al. 2013; Michael et al. 2016). Nos
résultats ont montré la présence d'un stress physiologique important (FC et FR), notamment
lors de la dernière tâche (mannequin). Von Heimburg et al. (2006) ont reporte qu’après avoir
secouru six victimes, les concentrations en lactates sanguin des sapeurs-pompiers atteignait 13
mm/L. Bien que la concentration en lactates n’ai pas ete mesuree dans cette etude, on pourrait
émettre l'hypothèse que les interventions simulées dans notre étude aient conduit à une
production importante de métabolites. Il a été montré que la réactivation parasympathique est
perturbée lorsque l’exercice qui la precède implique un processus anaérobie entrainant
accumulation de lactates sanguin (Buchheit et al. 2007a). Dans notre étude, la diminution de la
réactivation parasympathique après les interventions pourrait donc s'expliquer par une
accumulation importante de métabolites. La différence dans la réactivation parasympathique
cardiaque entre l'IFT et les interventions de lutte contre les incendies pourrait également être
liée aux vêtements de protection. En effet, comme mentionné précédemment, il est raisonnable
de supposer que le port des vêtements de protection ait augmenté la température centrale et la
déshydratation diminuant ainsi le volume plasmatique, tandis que l'IFT, réalisée avec des
vêtements de sport, n’a probablement pas perturbé la thermorégulation dans la même mesure.
Ainsi, l'altération de la réactivation parasympathique post-exercice pourrait s'expliquer par
deux causes distinctes : la diminution des volumes plasmatiques, détectée par les barorécepteurs
artériels (Spinelli et al. 1999) et le stress thermique (Peçanha et al. 2017b). Durant la troisième
phase, la phase post-intervention, le risque de decès en raison d’un evenement cardiovasculaire
est multiplie par 10 en comparaison d’activites non urgentes (Kales et al. 2007). La réactivation
parasympathique altérée après les activités de lutte contre l'incendie pourrait être l'une des
causes de ce risque, une faible activité parasympathique cardiaque post-exercice étant associée
à un risque accru de décès (Cole et al. 1999; Lahiri et al. 2008).
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
107
Les effets de l’ARI sur les paramètres physiologiques, psychologiques et d’activité durant
une intervention de lutte contre les incendies
En ce qui concerne l'effet de l’ARI sur les réponses physiologiques des sapeurs-pompiers, les
résultats de la présente étude ont montré que la FC moyenne augmentait de près de 5% pour les
conditions ARIb et ARIc par rapport à la condition PPC. Ces résultats sont similaires aux
résultats précédemment rapportés, qui indiquaient qu’a charge de travail externe égale, le port
d'un ARI augmente la FC d’exercice (Louhevaara et al. 1985). Selon Taylor et al. (2012b), au
cours d'un exercice à intensité constante, les EPI (incluant les vêtements de protection et l’ARI)
contribuent à près de 25% de la réponse de la FC, et l’ARI représente à lui seul près de 7% de
la réponse cardiaque. Dans notre etude, l’absence de difference dans la FC moyenne entre les
conditions ARIb et ARIc suggère que l’augmentation du stress cardiaque est principalement due
a la surcharge de l’ARI plutôt qu'à la résistance expiratoire causée par le microrégulateur
respiratoire. Cette hypothèse avait déjà été émise dans une étude antérieure (Louhevaara et al.
1985) et elle est appuyée par les résultats de Butcher et al. (2006) qui indiquent que le
microrégulateur respiratoire de l’ARI n'augmente pas le stress cardiaque.
La surcharge de l’ARI semble avoir d’autres effets, comme une diminution de 22 et 27% des
performances (temps de realisation de l’intervention) dans les conditions ARIb et ARIc en
comparaison de la condition PPC. De plus, les niveaux d’activite (mesures du MCOM) pour
les conditions ARIb et ARIc sont réduits en comparaison de la condition PPC. L’augmentation
de la duree de l’intervention est en accord avec la diminution de la performance (27%) trouvée
par Taylor et al. (2012b) lors d’une intervention similaire à la nôtre. Dans la présente étude, les
participants se sont déplacés plus lentement dans les conditions ARIb et ARIc, ce qui pourrait
induire une diminution des accélérations totales mesurées par le MCOM. Dans une revue de la
littérature sur l'activité militaire, Knapik et al. (2004) ont relevé qu'une charge sur le dos pouvait
déstabiliser le MCOM, ce qui est similaire aux modifications observées dans notre étude avec
des équipements de lutte contre l'incendie. La perturbation du MCOM pourrait entraîner
différentes activations musculaires et entraîner une dépense énergétique plus élevée,
provoquant ainsi des blessures spécifiques (Knapik et al. 2004).
L’ARI a egalement affecte la FR. Les FR moyennes et maximales étaient inférieures dans la
condition ARIc en comparaison des conditions PPC et ARIb. Ces résultats sont différents des
résultats rapportés dans des études précédentes, qui indiquaient qu'au repos ou à très faible
intensité, l’ARI diminuait la FR, mais que très rapidement, une fois que l'intensité augmente,
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
108
l’ARI accroit la FR jusqu'à la fin du test où elle ne diffère plus entre les conditions (Louhevaara
et al. 1985; Eves et al. 2005). Cependant, ces études ont été menées dans des conditions de
laboratoire afin de contrôler la vitesse et/ou la puissance ; dans notre étude, les participants ont
autorégulé leur intensité d’effort afin de réaliser l'intervention décrite dans le protocole. De
plus, les participants devaient tenir compte de l'autonomie limitée fournie par la bouteille d’air
dans la condition ARI (plusieurs participants ont consommé tout l'air du cylindre pour exécuter
l'ensemble du protocole). Par conséquent, il est possible qu’ils aient inconsciemment adopté
une stratégie pour préserver l'air de la bouteille. Selon Windisch et al. (2017b), une faible
consommation d'air est un aspect important à prendre en compte lors de la quantification des
performances lors des interventions de lutte contre l'incendie. Par conséquent, la consommation
d'air est probablement le principal facteur expliquant la baisse de la FR. Enfin, pour la condition
ARIc, la diminution de la FR pourrait avoir diminué la ventilation (Eves et al. 2005); de plus,
l'intensité d'exercice plus élevée dans la condition ARIc par rapport à la condition PPC peut
provoquer un déficit en oxygène. Cela pourrait être la raison pour laquelle la réactivation
parasympathique cardiaque était moins bonne après la condition ARIc qu’après la condition
PPC (à partir des indices T30, FCR60s et SDNN5-10min).
Enfin, l’ARI a eu une influence sur la perception de la difficulte de l’effort. Le RPE a augmenté
dans la condition ARIb en comparaison de la condition PPC, et la condition ARIc a encore
augmenté le RPE en comparaison de la condition ARIb (Tableau 3). Étonnamment, dans des
études précédentes menées avec des sapeurs-pompiers, l’ARI seul ou additionné à des
vêtements de protection n'a pas augmenté le RPE des participants (Eves et al. 2005; Taylor et
al. 2012b). Cependant, dans ces études, les valeurs de RPE ont été mesurées à la fin d'un test
incrémental maximal, qui correspond donc à une vitesse inférieure dans des conditions avec un
EPI, en comparaison de conditions sans EPI. En revanche, à une intensité sous-maximale
similaire, le port d'une charge externe augmente le RPE, en particulier en raison de facteurs
musculaires ou cardio-respiratoires périphériques (Goslin and Rorke 1986). De plus, comme
indiqué précédemment, la respiration était altérée dans la condition ARIc. Le microrégulateur
de l’ARI augmente le travail de la respiration (Butcher et al. 2006), ce qui peut augmenter
l'essoufflement (Iandelli et al. 2002) et ainsi expliquer l'augmentation de la perception de la
difficulte de l’effort.
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
109
Limites de l’étude
Cette étude présente plusieurs limites. Premièrement, l'intervalle de temps entre les sessions
expérimentales variait de 48 heures à 6 jours. Cependant, une étude précédente a montré que la
VFC est restée en dessous des valeurs de repos 48 heures après un exercice à haute intensité
(Mourot et al. 2004). De plus, les femmes représentent 17,6% de la population de cette étude.
Ce pourcentage, qui correspond à la proportion de femmes sapeurs-pompiers en France (16%
en 2016, ministère de l'Intérieur), peut-être trop faible pour généraliser ces résultats aux
femmes. Enfin, bien que les participants aient dû effectuer les interventions le plus rapidement
possible, ils ont autorégulé leurs intensités. Cela pourrait avoir un impact sur les différences ou
l'absence de différences entre les différentes conditions.
2.1.5 Conclusion et perspectives
Les réponses physiologiques et la perturbation de la réactivation parasympathique cardiaque
observées dans la présente étude ont montré qu'une intervention de lutte contre les incendies
peut être caractérisée comme une activité très intense, avec un stress cardiaque élevé pendant
les différentes tâches et une perturbation parasympathique aiguë post-exercice importante. Ces
résultats fournissent de nouvelles informations sur l'équilibre du système autonome cardiaque
après une intervention de lutte contre les incendies. Au cours de cette période, le risque de
mortalité provoqué par un événement cardiovasculaire s'est révélé être de 2 à 10 fois plus élevé
pour les sapeurs-pompiers en comparaison à d'autres activités de service non urgentes (Kales
et al. 2007). Il serait donc interessant d’etudier les paramètres qui influencent cette recuperation
autonome post-intervention. Différentes méthodes de récupération comme des stratégies de
refroidissement ou de rehydratation ont ete proposees afin d’ameliorer la reactivation
parasympathique cardiaque (Pecanha et al. 2014; Almeida et al. 2016). De plus, les capacités
cardiorespiratoires semblent influencer cette récupération, une meilleure condition physique
permettant d’accelerer la reactivation parasympathique (Stanley et al. 2013). Il serait donc
intéressant de mener de futures recherches avec les sapeurs-pompiers afin d’evaluer l’effet de
ces paramètres sur leur récupération autonome.
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
110
2.2 Étude n°2 : Effet de l’equipement de protection des sapeurs-pompiers sur la charge
de travail externe et interne durant une intervention de lutte contre les incendies
2.2.1 Introduction
Bien que la lutte contre les incendies soit considérée comme une activité exigeante sur le plan
psychophysiologique, une seule étude a analysé la charge de travail des sapeurs-pompiers à
l'aide de deux méthodes, l'une basée sur la FC et l'autre basée sur le RPE (Bouzigon et al. 2015).
Les auteurs ont révélé des différences entre les tâches courantes de la caserne que les sapeurs-
pompiers avaient à réaliser, pour les deux méthodes (séances de sport, travail dans les services,
tâches d'inventaire), mais ils n'ont pas testé les relations entre ces méthodes.
Dans le domaine du sport, la charge de travail a été définie comme « la quantité cumulée de
stress exercé sur un individu à partir de plusieurs séances d'entraînement et de matchs sur une
période de temps, exprimée en terme de charge de travail externe effectuée ou de réponse
interne à cette charge de travail » (P.992) (Gabbett et al. 2014). Le suivi de la charge de travail
est largement utilisé pour évaluer la fatigue chez les athlètes afin de prévenir le risque de
surentrainement non fonctionnel et de prévenir le risque de blessure (Rogalski et al. 2013). La
charge de travail externe correspond au suivi de l'activité physique au cours d'une tâche
spécifique, à partir de paramètres comme la distance parcourue, la vitesse de déplacement, la
charge soulevée (Gabbett et al. 2014; Impellizzeri et al. 2019) et plus récemment, par des
accéléromètres triaxiaux (Boyd et al. 2013; Scanlan et al. 2014b; Barker et al. 2018; Luteberget
et al. 2018). Les accéléromètres peuvent être situés en haut du dos (Boyd et al. 2013; Scanlan
et al. 2014b; Luteberget et al. 2018) ou au-dessus de la hanche (Barker et al. 2018). L'utilisation
des accéléromètres permet une quantification de la charge de travail dans diverses disciplines
telles que le basket-ball (Scanlan et al. 2014b), le handball (Luteberget et al. 2018), le football
(Boyd et al. 2013) ou encore le trampoline (Barker et al. 2018). Les charges de travail basées
sur l'accéléromètre peuvent être évaluées à partir de différents indices tels que la charge
d'accélération moyenne (CAmoy) et la charge d’acceleration par minute (CAmin), basés sur des
variations instantanées dans chacune des accélérations dans les 3 axes. La charge d'accélération
peut être déterminée à partir de différentes zones d'intensité de mouvement (CAzone) en fonction
du temps passé dans différentes zones d'accélération (Barker et al. 2018; Luteberget et al. 2018).
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
111
La charge de travail interne correspond à la réponse psychophysiologique aiguë générée par la
charge de travail externe; elle est déterminée à partir de méthodes objectives et/ou subjectives,
telles que la FC d’exercice, le RPE ou les réponses hormonales (Impellizzeri et al. 2019). Des
méthodes objectives, basées sur la FC, ont d'abord été proposées par Banister qui a calculé le
« stimulus d’entrainement » (« training impulse », bTRIMP) (Banister 1991). Le bTRIMP
combine la FC moyenne, la durée d'entraînement et l'intensité d'exercice pondérée à partir de
la relation exponentielle entre les concentrations de lactate sanguin et la FC (Banister 1991).
Ensuite, Edwards a modifié ce calcul du stimulus d’entrainement (eTRIMP) en pondérant
l’intensite de l’exercice à partir du temps passé dans différentes zones d'intensité multiplié par
un coefficient associé à chaque zone (Edwards 1993). Les méthodes bTRIMP et eTRIMP ont
été validées et utilisées dans divers sports pour suivre la charge de travail interne (Banister
1991; Edwards 1993; Manzi et al. 2010; Scanlan et al. 2014b). La méthode bTRIMP a été
utilisée pour quantifier la charge de travail durant les tâches en service effectuées par les
sapeurs-pompiers (Bouzigon et al. 2015). Des études supplémentaires sont nécessaires pour
déterminer les charges de travail bTRIMP et eTRIMP et leurs relations, durant les interventions
de lutte contre les incendies.
Il est également possible de quantifier subjectivement la charge de travail interne (sRPE) en
multipliant la note du RPE par la durée de l'exercice (Foster et al. 2001). La méthode sRPE a
été validée et présente des relations significatives avec les méthodes basées sur la FC (Foster et
al. 2001; Manzi et al. 2010; Scanlan et al. 2014a; McLaren et al. 2018). En raison de sa
simplicité d'utilisation, cette méthode a été largement utilisée pour quantifier une charge interne
dans divers sports (Manzi et al. 2010; Rogalski et al. 2013; Scanlan et al. 2014b; Tabben et al.
2015; Iturricastillo et al. 2016). Bouzigon et al. (2015) ont également quantifié la charge de
travail sRPE durant les diverses tâches en service des sapeurs-pompiers. L'effort perçu est
influencé par des facteurs physiologiques et psychologiques (Noble 1996; Pageaux 2016). Par
consequent, il serait particulièrement interessant d’etudier la charge de travail sRPE lors des
interventions de lutte contre l'incendie, qui conduisent à un stress psychophysiologique.
Enfin, la charge de travail indirecte peut être évaluée par l'état de récupération immédiatement
après l'exercice en surveillant la VFC post-exercice (Impellizzeri et al. 2019). Plus
spécifiquement, la VFC post-exercice est influencee par differents facteurs tels que l’intensite
de l’exercice (Stanley et al. 2013), l’accumulation de metabolites sanguins (Buchheit et al.
2007a), la duree ou la modalite d’exercice (Michael et al. 2017b, 2018) et a été utilisée comme
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
112
facteur pronostique de la morbidité cardiaque (Cole et al. 1999).
Dans le domaine du sport, la quantification de la charge de travail aide les entraîneurs à prévenir
la fatigue extrême et à réduire le risque de blessure. À notre connaissance, une seule étude a
quantifié de la charge de travail chez les sapeurs-pompiers à partir de méthodes basées sur la
FC ou le RPE (Bouzigon et al. 2015). Par conséquent, la présente étude visait à déterminer 1)
l'effet de trois EPI portés lors d'une intervention simulée de lutte contre les incendies sur la
charge de travail, déterminée à partir de méthodes basées sur la FC, le RPE, la VFC et les
accélérations ; et 2) les relations entre les valeurs de charge de travail quantifiées à partir de ces
méthodes. Nous avons émis l'hypothèse que les charges de travail mesurées seraient différentes
selon le type d’EPI en raison de l'influence des équipements de protection sur le stress
psychophysiologique. Ensuite, nous avons l'hypothèse que les méthodes de quantification de la
charge de travail utilisées dans cette étude présenteraient des relations significatives.
2.2.2 Méthodologie
Approche expérimentale du problème
Le protocole de la presente etude etait le même que celui presente dans l’etude n°1. Cette étude
repose sur une conception croisée randomisée afin de determiner l’effet des EPI sur la charge
de travail des sapeurs-pompiers durant une intervention simulée.
Participants
Afin d’eviter toute redondance dans les resultats entre les differentes etudes, seuls les hommes
ayant participé à cette expérimentation ont été intégrés dans la présente étude. Par conséquent,
22 hommes sapeurs-pompiers ont été comptabilisés dans cette étude (âge : 36±7 ans ; taille :
178±6 cm ; poids : 75±9 kg ; IMC : 24±2 kgm-2).
Procédures
Les procédures expérimentales ont déjà été détaillées dans la section « procédures » de l’etude
n°1. Brièvement, les quatre conditions experimentales de l’etude etaient les suivantes :
- Un test intermittent incrémental maximal (condition IFT)
- Trois interventions simulées de lutte contre les incendies, différenciées par les EPI : la
condition PPC, composee des vêtements de protection contre l’incendie ; la condition
ARIb, composee des vêtements de protection plus de la bouteille d’air de l’ARI ; la
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
113
condition ARIc, composée des vêtements de protection plus de l’ARI complet, incluant
la bouteille d’air, le microregulateur et le masque.
Les interventions simulees se composaient d’une succession de differentes tâches que les
sapeurs-pompiers devaient réaliser le plus rapidement possible.
Durant les quatre conditions expérimentales, les participants étaient équipés de t-shirts
connectés qui recueillaient les signaux physiologiques (FC, VFC) et les accélérations dans les
trois axes (x, y, z). A l’issue des trois interventions simulees, le RPE etait recueilli a l’aide de
l’echelle CR-10.
Pour cette étude, la charge de travail a ensuite été calculée à partir des méthodes bTRIMP,
eTRIMP, sRPE, VFC post-exercice et les méthodes basées sur les accélérations.
Les charges de travail basées sur les accélérations
Afin de quantifier la charge de travail externe, les méthodes basées sur les accélérations étaient
les suivantes : la charge d'accélération moyenne (CAmoy en unités arbitraires [UA]), définie
comme la racine carrée de la somme des carrés des accélérations dans chacun des trois axes
(√𝑥2 + 𝑦2 + 𝑧2 ; où x, y, z sont les accelerations de l’axe vertical, longitudinal et lateral,
respectivement) ; la charge d’acceleration par minute (CAmin, UA), qui correspond à la CAmoy
divisee par la duree de realisation de l’exercice ; et la charge d'accélération définie à partir des
différentes zones d'intensité des mouvements (CAzone, UA), qui correspond au temps passé dans
chacune des cinq zones d’accelerations multiplie par un coefficient attribué à chaque zone. Les
différentes zones ont été sélectionnées a partir des resultats obtenus dans l’etude n°1 et
correspondaient aux tâches specifiques realisees durant l’intervention simulee, comme présenté
dans la Figure 17 (zone 1: 0.01–0.29 ms2 – coefficient 1; zone 2: 0.3–0.59 ms2 – coefficient 2;
zone 3: 0.6–0.79 ms2 – coefficient 3; zone 4: 0.8–0.89 ms2 – coefficient 4; zone 5: >0.9 ms2 –
coefficient 5).
Les charges de travail basées sur la FC
La charge de travail proposée par Banister (1991) (bTRIMP, UA) a été calculée à partir de la
formule suivante :
bTRIMP = temps de réalisation (min) × 𝑥 × 0,64℮1,92x
Où ℮ est la base du logarithme népérien, 1,92 est une constante attribuée aux hommes et 𝑥 est
égal à (FC moyenne – FC de repos) / (FCmax – FC de repos).
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
114
La charge de travail proposée par Edwards (1993) (eTRIMP, UA) était calculée à partir du
temps passé dans cinq zones d'intensité multiplié par un coefficient attribué à chaque zone (50–
59% de la FCmax = 1; 60–69% de la FCmax = 2; 70–79% de la FCmax = 3; 80–89% de la FCmax
= 4; 90–100% de la FCmax = 5).
La charge de travail basée sur le RPE
La charge de travail proposée par Foster et al. (2001) (sRPE, UA) a été calculé comme le produit
du temps de réalisation (minutes) et de l'intensité de l’effort perçue en utilisant les scores de
l'échelle CR-10 (Borg 1998).
La charge de travail basée sur la VFC
La charge de travail indirecte a ete evaluee a partir de l’analyse de la VFC entre les minutes 5
à 10 post-exercice (Task Force 1996). La bande des hautes fréquences (HF, ms2) qui s’etend
entre 0,15 et 0,40 Hz a ete selectionnee dans cette etude afin d’evaluer la réactivation
parasympathique cardiaque post-exercice (Yamamoto et al. 1995). Cette mesure a été
consideree comme une mesure indirecte de la charge de travail avec l’analyse de la réponse
post-exercice à la charge interne (Impellizzeri et al. 2019).
Analyse statistique
Toutes les données sont exprimées sous forme de moyenne ± ET. Toutes les données collectées
ont été analysées à partir du logiciel XLSTAT 2013 (Addinsoft SARL, Paris, France). La
normalite de l’échantillon de données a été vérifiée avec le test de Shapiro-Wilk. L’egalite de
variance entre les échantillons a été vérifiée avec le test de Barlett. Lorsque que l’echantillon
ne suivait pas une loi normale (HF), une transformation logarithmique (ln) a été appliquée
(lnHF). Les differences entre les trois conditions d’equipements de protection ont été analysées
avec une ANOVA à mesures répétées avec comme facteur répété le facteur condition (PPC,
ARI, ARIb). Lorsque le resultat de l’ANOVA etait significatif, le test post-hoc de Fisher était
applique. L’analyse de la taille de l’effet d de Cohen (ES) a été effectuée pour déterminer
l’ampleur des effets entre les trois conditions d’equipement pour chaque methode de charge de
travail séparément. Un ES <0,20 était classé comme trivial, un ES compris entre 0,20 et 0,40
était classé comme petit, un ES compris entre 0,50 et 0,79 était classé comme modéré et un ES
>80 était classé comme grand. Les corrélations de Pearson ont été utilisées afin de déterminer
les relations entre les charges de travail internes, externes et indirectes. L’ampleur des
corrélations a été classifiée selon les critères de Hopkins
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
115
(http://www.sportsci.org/resource/stats/effectmag.html), où : r = 0 - 0,10 était trivial, r = 0,11 -
0,30 était petit, r = 0,31 - 0,50 était modéré, r = 0,51 - 0,70 était grand, r = 0,71 - 0,90 était très
grand et r = 0,91 - 1 était presque parfait. L’analyse statistique a ete realisee a l’aide du logiciel
XLSTAT 2013 (Addinsoft SARL, Paris, France) et les ES ont été calculés à l'aide d'une feuille
de calcul disponible sur : https://www.cem.org/effect-size-calculator. La signification
statistique était fixée à p < 0.05.
2.2.3 Résultats
Le Tableau 5 montre la durée de réalisation, la FC et le RPE pour les conditions PPC, ARIb et
ARIc. Le temps de réalisation moyen, la FC moyenne et le RPE étaient significativement
inférieurs dans la condition PPC que dans les conditions ARIb et ARIc. Le RPE était
significativement supérieur dans la condition ARIc que dans la condition ARIb (p < 0,05).
Tableau 5. Durée de réalisation, FC et RPE pour les trois conditions d'équipement
PPC ARIb ARIc
Durée de réalisation (s) 650,0 ± 91,9 774,5 ± 130,2 ** 817,3 ± 125,7 ***
FC moyenne (%FCmax) 84,3 ± 4,0 86,8 ± 2,8 * 87,5 ± 4,0 *
RPE 6,1 ± 1,5 7,0 ± 1,3 * 7,9 ± 1,2 *** #
Moyenne ± ET sont présentés pour les conditions PPC, ARIb et ARIc. * : différence significative
vs condition PPC (p <0,05) ; ** : différence significative vs condition PPC (p <0,001) ; ***:
différence significative vs condition PPC (p <0,0001) ; # : différence significative vs condition
ARIb (p <0,05).
Le Tableau 6 montre les charges de travail basees sur les methodes d’acceleration, bTRIMP,
eTRIMP, sRPE et de VFC post-exercice. La VFC post-exercice était la seule méthode à
presenter des valeurs non significativement differentes entre les trois conditions d’equipement.
Le Tableau 7 presente les differences qualitatives entre les trois conditions d’equipement pour
les charges de travail basees sur les methodes d’acceleration, bTRIMP, eTRIMP, sRPE et de
VFC post-exercice. Comme pour le Tableau 6, les comparaisons qualitatives ont révélé que la
VFC post-exercice était la seule méthode à ne montrer que des ES trivials entre les trois
conditions d’equipement. De plus, la methode sRPE etait la seule methode à présenter des ES
grands entre toutes les conditions d’equipement.
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
116
Tableau 6. Charges de travail internes, externes et indirectes pour les trois conditions
d’équipement
PPC ARIb ARIc
bTRIMP (UA) 18,5 ± 4,3 25,4 ± 5,8 * 27,0 ± 7,1 *
eTRIMP (UA) 584,3 ± 83,3 707,0 ± 131,6 * 754,7 ± 121,1 *
sRPE (UA) 66,2 ± 17,0 89,5 ± 14,4 * 106,8 ± 21,5 * #
lnHF (ms2) 2,09 ± 1,24 2,01 ± 1,03 2,11 ± 1,18
CAmoy (UA) 5,8 ± 0,5 4,5 ± 0,5 * 4,5 ± 0,6 *
CAzone (UA) 1133,5 ± 89,3 942,6 ± 101,1 * 938,3 ± 134,0 *
CAmin (UA) 22,1 ± 4,4 15,6 ± 2,8 * 14,8 ± 2,6 *
Moyenne ± ET sont présentés pour les conditions PPC, ARIb et ARIc. * : différence significative
vs condition PPC (p <0,0001) ; # : différence significative vs ARIb (p <0,01).
Tableau 7. Comparaisons qualitatives des charges de travail entre les trois conditions
d'équipement
PPC vs ARIb PPC vs ARIc ARIb vs ARIc
bTRIMP 1,35 (grand) ± 0,55 1,45 (grand) ± 0,56 0,25 (small) ± 0,50
eTRIMP 1,33 (grand) ± 0,55 1,64 (grand) ± 0,57 0,38 (small) ± 0,50
sRPE 1,48 (grand) ± 0,56 2,09 (grand) ± 0,61 0,95 (grand) ± 0,52
lnHF 0,07 (trivial) ± 0,50 0,02 (trivial) ± 0,50 0,09 (trivial) ± 0,50
CAmoy 2,60 (grand) ± 0,67 2,35 (grand) ± 0,64 0,18 (trivial) ± 0,50
CAzone 2,00 (grand) ± 0,60 1,71 (grand) ± 0,58 0,04 (trivial) ± 0,50
CAmin 1,76 (grand) ± 0,58 2,02 (grand) ± 0,61 0,30 (petit) ± 0,50
ES (description) ± intervalles de confiance (90%) sont présentés pour les conditions PPC, ARIb
et ARIc.
Les correlations entre les charges de travail basees sur les methodes d’acceleration, bTRIMP,
eTRIMP, sRPE et de VFC post-exercice sont présentées dans le Tableau 8, avec les trois
conditions d’equipement analysees ensemble. Des corrélations positives significatives ont été
observées entre la méthode sRPE et les méthodes bTRIMP et eTRIMP (corrélations grandes et
très grandes). Des corrélations positives significatives ont été observées entre les méthodes
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
117
CAmoy, CAmin et CAzone (de modérées à très importantes). Enfin, des corrélations inverses
significatives ont été observées entre les méthodes internes (méthodes sRPE, bTRIMP et
eTRIMP) et externes (méthodes CAmoy et CAmin).
Tableau 8. Matrice de corrélation entre les charges de travail internes, externes et indirectes
bTRIMP eTRIMP sRPE lnHF CAmoy CAzone CAmin
bTRIMP 1
0,757
***
0,579
***
- 0,338
*
- 0,433
**
- 0,118
- 0,597
***
eTRIMP
Très
grand
1
0,668
***
- 0,168
- 0,398
**
0,014
- 0,795
***
sRPE Grand Grand 1
- 0,185
- 0,441
**
- 0,227
- 0,628
***
lnHF Modéré Petit Petit 1
- 0,062
- 0,137
- 0,015
CAmoy Modéré Modéré Modéré Trivial 1
0,678
***
0,741
***
CAzone Petit Trivial Petit Petit Grand 1
0,417
**
CAmin Grand
Très
grand
Grand Trivial
Très
grand
Modéré 1
Corrélations significatives avec : * p < 0,01 ; ** p < 0,005 ; *** p < 0,0001.
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
118
2.2.4 Discussion
À ce jour, très peu de recherches ont étudié la charge de travail des sapeurs-pompiers ; de plus,
sa quantification simultanée à l'aide de méthodes externes et internes n'avait encore jamais été
investiguée. Cette étude est donc la première à analyser les relations entre les méthodes externes
et internes de quantification de la charge de travail chez les sapeurs-pompiers. Bien que l'effet
du port des EPI sur les réponses physiologiques, biomécaniques et psychologiques ait déjà été
analysé (FC, accélérations, RPE), son influence sur la charge de travail des sapeurs-pompiers
dans des conditions écologiques n'a jamais été étudiée. Le premier résultat de cette étude était
que les méthodes bTRIMP, eTRIMP et sRPE ont montré que la charge de travail était
augmentée avec le port de l’ARI (conditions ARIb et ARIc) en plus des vêtements de protection
(condition PPC). Inversement, les charges de travail basées sur les accélérations étaient plus
élevées pour la condition PPC que pour les conditions ARIb et ARIc. Deuxièmement, la
méthode sRPE était la seule à révéler une charge de travail plus élevée pour la condition ARIc
en comparaison de la condition ARIb. Enfin, la méthode bTRIMP était la seule méthode
corrélée à l'indice lnHF post-exercice.
La quantification de la charge de travail à partir des méthodes basées sur la FC a révélé que
durant une intervention simulee, l’ARI, avec et sans le microregulateur, augmente la charge de
travail bTRIMP et eTRIMP en comparaison de la condition PPC (Tableau 6). Cette
augmentation de la charge de travail basée sur la FC était très probablement due à
l'augmentation significative du temps de réalisation et de la FC d'exercice dans les conditions
ARIb et ARIc par rapport à la condition PPC. Ce résultat suggère que l'augmentation de la charge
de travail basée sur la FC, pourrait principalement être provoquée par la surcharge de l’ARI, et
non pas par l’utilisation du microregulateur respiratoire. Ces résultats sont en accord avec les
resultats de l’etude n°1 et ceux d’etudes precedentes, qui ont rapporte que la surcharge de l’ARI
augmentait la FC de l'exercice (Louhevaara et al. 1985; Marcel-Millet et al. 2018). Enfin,
l’absence de différence dans la charge de travail mesurée par les méthodes bTRIMP et eTRIMP
suggère que cette augmentation de la FC est principalement due au poids de l’ARI plutôt qu'à
la résistance respiratoire du microrégulateur. Cette hypothèse semble être confirmée par les
resultats d’études antérieures qui indiquaient que le microrégulateur de l’ARI n'augmentait pas
la FC d’exercice des sapeurs-pompiers (Louhevaara et al. 1985; Marcel-Millet et al. 2018).
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
119
De plus, les résultats de cette étude ont révélé que la charge de travail sRPE était supérieure
dans les conditions ARIb et ARIc en comparaison de la condition PPC. Cette augmentation était
probablement due à l'augmentation significative de la duree de l’intervention simulée ainsi que
du RPE, ce qui suggère que le poids de l’ARI a augmenté la charge de travail subjective. Il a
été montre qu’une augmentation de la FC d’exercice pouvait être associee à une augmentation
du RPE (Noble 1996). Par conséquent, l'augmentation des réponses autonomes induite par la
surcharge de l’ARI (Tableau 5) peut expliquer la plus grande charge de travail sRPE dans les
conditions ARIb et ARIc par rapport à la condition PPC. En outre, la méthode sRPE a également
montré une charge de travail supérieure dans la condition ARIc en comparaison de la condition
ARIb. Cette augmentation etait principalement provoquee par l’augmentation du RPE,
suggérant ainsi que le microrégulateur à lui seul influence la charge de travail subjective. Ce
resultat est en accord avec l’augmentation du RPE observee dans l’etude n°1. Il a ete montre
qu’en plus d’autres feedbacks afferents, une difficulte respiratoire peut avoir une influence
majeure sur le RPE (Noble 1996; Marcora 2009). Or, le microregulateur de l’ARI augmente le
travail de la respiration, diminue la ventilation et diminue le volume courant (Eves et al. 2005;
Butcher et al. 2006). Par conséquent, la résistance expiratoire provoquée par le microrégulateur
dans la condition ARIc pourrait expliquer l’augmentation de la charge de travail sRPE en
comparaison de la condition ARIb. Ces résultats suggèrent que la méthode sRPE est plus
sensible que les méthodes bTRIMP et eTRIMP afin de mettre en évidence le stress induit par
la résistance respiratoire de l’ARI.
En ce qui concerne les charges de travail basées sur les accélérations, les charges CAmoy, CAmin
et CAzone étaient plus faibles dans les conditions ARIb et ARIc que dans la condition PPC. Ces
résultats diffèrent des résultats observés avec la charge de travail interne, avec une diminution
de la charge de travail externe avec le port de l’ARI. Cela indique que la surcharge de l’ARI a
diminué les mouvements des sapeurs-pompiers, diminuant ainsi la charge de travail externe
quantifiée par les accélérations. Il a déjà été démontré que le poids de l’ARI affecte
négativement le pattern de la marche des sapeurs-pompiers (Park et al. 2010), accentue leur
balance latérale (Hur et al. 2015) et diminue leur équilibre fonctionnel (Kesler et al. 2018) en
conditions de laboratoire. De plus, il a été montré que les EPI des sapeurs-pompiers réduisaient
l'amplitude des mouvements par rapport à des vêtements légers (Park et al. 2010) et l'utilisation
d'un ARI plus leger a permis d’augmenter la mobilite par rapport a un ARI conventionnel (Park
et al. 2011). Par conséquent, notre étude a montre qu’en condition ecologique, la charge de
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
120
travail externe mesuree par les accelerations reflète les consequences negatives du port de l’ARI
pour le sapeur-pompier.
En ce qui concerne l’analyse de la VFC post-exercice, aucune différence n'a été trouvée entre
les trois conditions d’equipements de protection (Tableau 6). La quantification indirecte de la
charge de travail, à travers un indice de la réactivation parasympathique cardiaque, ne semble
pas suffisamment sensible pour détecter une différence entre les différentes conditions d’EPI.
Les resultats de l’etude n°1 avaient montre une perturbation parasympathique importante durant
la phase post-intervention, en comparaison à un test de condition physique maximal. La
réactivation cardiaque parasympathique est influencée par différents facteurs, comme
l’intensite (Stanley et al. 2013) et la modalite d’exercice (Michael et al. 2018), l’accumulation
de métabolites sanguins (Buchheit et al. 2007a) et le stress thermique (Peçanha et al. 2017b),
mais son évaluation grâce à la VFC ne semble pas adaptée à la quantification de la charge de
travail des sapeurs-pompiers.
Les résultats de cette étude soutiennent la relation entre les méthodes sRPE et les méthodes
basées sur la FC comme précédemment rapporté par des études menées dans le domaine du
sport. Alors que la corrélation entre le sRPE et les méthodes bTRIMP et eTRIMP a été
largement rapportée dans des études menées avec des sportifs (Impellizzeri et al. 2004; Manzi
et al. 2010; Scanlan et al. 2014a; Tabben et al. 2015; Iturricastillo et al. 2016), c’est la première
fois que ce résultat est observé chez les sapeurs-pompiers. Dans cette étude, les valeurs des
coefficients de corrélation allaient de grands à très grands (r = 0.579 – 0.757 ; Tableau 8) et
étaient proches de ceux précédemment observées dans diverses activités sportives, comme les
coefficients de grands à très grands observés en basketball (r = 0.69–0.89) (Manzi et al. 2010;
Scanlan et al. 2014a) et en basket fauteuil (r = 0.63–0.67) (Iturricastillo et al. 2016), les
coefficients de moyens à très grands relevés en football (r = 0.50–0.85 ) (Impellizzeri et al.
2004) ou encore les coefficients de très grands à presque parfaits mesurés en karaté (r = 0.65–
0.95) (Tabben et al. 2015). Nos résultats confirment la pertinence de la méthode sRPE pour
quantifier la charge de travail interne des sapeurs-pompiers en mesurant les composantes
psychologiques et physiologiques du stress. Pour garantir de bonnes données sur le RPE, la
normalisation des procédures doit être assurée. Précédemment, Pageaux avait dévoilé un certain
nombre d'instructions pour recueillir le RPE dans de bonnes conditions, comme prévoir une
session de familiarisation au préalable, un rappel de la définition de l'effort avant chaque mesure
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
121
et une description spécifique sur la façon d'évaluer le RPE en fonction du type d'exercice
(Pageaux 2016).
À notre connaissance, cette étude est la première à quantifier la charge de travail externe basée
sur les accélérations des sapeurs-pompiers ; dans le domaine sportif, la mesure des accélérations
est généralement utilisée pour quantifier la charge de travail externe (Scanlan et al. 2014b;
Vlantes and Readdy 2017; Luteberget et al. 2018). Cependant, nos résultats étaient inattendus
car ils présentent une corrélation inverse entre les charges de travail internes et externes
(Tableau 8). Plus les charges de travail externes sont élevées plus les charges internes
diminuent. Ainsi, les résultats actuels ne corroborent pas les résultats précédemment rapportés
dans les études sportives, qui ont trouvé des corrélations positives entre les charges de travail
internes et externes (Bartlett et al. 2017; McLaren et al. 2018). Cependant, les relations entre
les charges internes et externes observées précédemment semblaient dépendre des paramètres
analysés. En effet, les charges externes basées sur la quantification des distances en course à
pied ont montré de plus fortes correlations avec les charges internes que lorsqu’elles etaient
basées sur les accélérations (Scanlan et al. 2014b; McLaren et al. 2018). De plus, l'ampleur des
corrélations pourrait dépendre des modalités d'exercice (McLaren et al. 2018); or, les activités
des sapeurs-pompiers comprennent une grande variété de mouvements et de tâches (ramper,
transporter des charges), avec un équipement spécifique (ARI) dans divers environnements (se
déplacer dans des espaces restreints, avec des températures élevées, etc.). Par exemple, pour la
même distance parcourue, le poids déplacé par un sapeur-pompier est plus élevé avec l’ARI
que sans, mais cela ne se reflète pas dans la charge de travail externe. Il est probable que les
accélérations ne tiennent pas compte de toutes ces contraintes, autres que la simple locomotion.
Enfin, en ce qui concerne le niveau de récupération, les lnHF n'étaient significativement
corrélés qu’à la charge de travail bTRIMP (Tableau 8). La méthode bTRIMP est basée sur la
FC d’exercice moyenne (Banister 1991) et les HF sont considérées comme un marqueur de
l’activite parasympathique cardiaque (Yamamoto et al. 1995; Task Force 1996). Par
conséquent, les résultats de notre étude suggèrent que la réactivation parasympathique
cardiaque mesurée par les HF était liée à l'intensité de l'exercice précédent. Cela est cohérent
avec les résultats rapportés précédemment, qui ont démontré que l'intensité de l'exercice
influençait la réactivation parasympathique cardiaque post-exercice (Stanley et al. 2013).
Cependant, dans notre étude, aucune relation n'a été trouvée entre les lnHF et d'autres méthodes
de quantification de la charge de travail (internes et externes). Par conséquent, la quantification
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
122
indirecte de la charge de travail, basee sur l’analyse de la VFC post-exercice, ne semble pas
appropriée pour la quantification de la charge de travail liée aux interventions des sapeurs-
pompiers.
Cette étude présente plusieurs limites. Tout d'abord, tous les participants n'étaient pas familiers
avec l’evaluation du RPE, même si l'échelle CR10 a été montrée et expliquée aux participants
lors de la séance d'habituation réalisée en debut d’experimentation. En ce qui concerne
l'utilisation des accélérations pour quantifier la charge externe, une des limites est liée à la
l’utilisation du temps passé dans les différentes zones d'accélération. Des études futures sont
nécessaires pour déterminer quelles zones seraient les plus appropriées pour la quantification
de la charge de travail à partir des accélérations durant les interventions de lutte contre
l'incendie.
2.2.5 Conclusion et applications pratiques
En conclusion, cette étude a analysé la charge de travail que représente une intervention simulée
de lutte contre les incendies, réalisée avec différents EPI, en utilisant des méthodes objectives
et subjectives ; elle a également permis d’observer les relations entre ces différentes méthodes
de quantification de la charge de travail. Nos résultats ont révélé que le port de la bouteille d’air
de l’ARI augmentait les charges de travail bTRIMP, eTRIMP et sRPE. Cependant, le
microrégulateur de l’ARI n'a fait augmenter que la charge de travail sRPE ; ce résultat soutient
l'utilisation d’une méthode subjective pour prendre en compte le stress psychologique lié à
l’equipement. À l'inverse, l’ARI a diminué la charge de travail externe, mesurée par les
accélérations. Des corrélations significatives ont été trouvées entre les méthodes basées sur la
FC et la méthode sRPE. Des corrélations significatives ont également été trouvées entre les
trois charges de travail basées sur les accélérations, mais des relations inverses ont été mesurées
entre les charges de travail internes (méthodes sRPE, bTRIMP, eTRIMP) et externes (méthodes
CAmin et CAmoy). Les paramètres basés sur les mesures d'accélération sélectionnées dans cette
étude ne semblent pas pertinents pour quantifier la charge de travail externe des interventions
de lutte contre les incendies. Enfin, la charge de travail indirecte, mesurée par la VFC post-
exercice, n'était corrélée qu'à la charge de travail bTRIMP.
Les résultats de cette étude suggèrent que (a) la méthode sRPE semble la plus adaptée aux
missions des sapeurs-pompiers en raison de sa sensibilité à leurs différents EPI ; (b) c'est une
méthode simple, avec des explications et des coûts minimes, qui permet une mise en place
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
123
régulière sur le terrain ; (c) cette méthode permettrait un suivi quotidien de la charge de travail
des sapeurs-pompiers et (d) avec une instruction minimale des officiers et/ou sous-officiers,
cette quantification pourrait faire partie des rapports remplis en fin d'intervention. Par ailleurs,
une charge de travail externe quantifiée par les accélérations dépend probablement du mode de
locomotion (McLaren et al. 2018), et elle ne semble pas adaptée aux mouvements liés aux
tâches spécifiques des sapeurs-pompiers et à l'équipement qu'ils portent.
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
124
2.3 Étude n°3 : La condition physique des sapeurs-pompiers influence-t-elle leur
réactivation parasympathique cardiaque ? Analyse avec la variabilité de la fréquence
cardiaque post-exercice par des mesures à court terme et très court terme
2.3.1 Introduction
Les recommandations pour l’analyse classique a court terme de la VFC comprennent une
période de stabilisation de 5 minutes suivie d’une periode d’analyse de 5 minutes (mesure de
référence) (Task Force 1996). Récemment, des études ont montré que l'analyse de la VFC post-
exercice à partir de segments de 1 minute après une période de stabilisation de 5 minutes a
abouti à des niveaux acceptables de fiabilité en comparaison du segment de 5 minutes de
référence (Esco and Flatt 2014; Esco et al. 2018). Cependant, une analyse à très court terme n'a
jamais été menée avec une période de stabilisation plus courte. Afin d'étendre l'utilisation de
l'analyse de la VFC dans différentes activités professionnelles (telles que les interventions de
lutte contre les incendies), il est important de réduire la durée nécessaire pour l’évaluation de
la réactivation parasympathique cardiaque. Avant d'envisager une analyse post-exercice à très
court terme du RMSSD, la fiabilité de cette analyse doit être testée. De plus, pour être
pertinente, l’analyse du RMSSD à très court terme doit être aussi sensible que l’analyse de
référence pour révéler le stress physiologique survenu durant l’exercice qui la precède et ainsi
révéler l’etat de recuperation des sapeurs-pompiers. Ce dernier point est particulièrement
important car les différents types d’EPI que portent les sapeurs-pompiers sont connus pour
induire différents niveaux de stress physiologique (Barr et al. 2010; Cheung et al. 2010).
Actuellement, peu de données sont disponibles sur la réactivation parasympathique cardiaque
des sapeurs-pompiers et plus particulièrement sur l'impact de leur condition physique. De plus,
la période post-exercice de 10 minutes recommandee pour l’analyse de la VFC (Task Force
1996) peut ne pas être une période de temps appropriée pour une analyse avec des sapeurs-
pompiers, dans un cadre écologique avec des contraintes de temps. Ainsi, des procédures
raccourcies pour mesurer la VFC sur le terrain, comme l'analyse à très court terme, pourraient
être bénéfiques. Par conséquent, la présente étude visait à tester la fiabilité de l’analyse post-
exercice du RMSSD à très court terme, réalisée après différentes périodes de stabilisation (de
0 à 5 minutes de stabilisation) en comparaison du segment de référence de 5 minutes. Le
deuxième objectif de cette étude était de tester la sensibilité de ces deux méthodes pour révéler
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
125
des différences dans la réactivation parasympathique entre différentes conditions
expérimentales d'exercice. Enfin, le troisième objectif de l'étude était l’analyse de l'importance
de la condition physique sur la réactivation parasympathique cardiaque et les performances des
sapeurs-pompiers lors d'une intervention simulée de lutte contre les incendies. L'hypothèse
émise était que la réactivation parasympathique cardiaque serait différente selon le niveau de
condition physique des sapeurs-pompiers et que l’analyse a très court terme du RMSSD pourrait
fournir des mesures précises qui permettraient de révéler des différences après différentes
conditions d’exercice.
2.3.2 Méthodologie
Participants
Les 28 participants dont le recueil des données physiologiques était complet ont été intégrés à
cette etude. Afin d’evaluer l’effet du niveau de condition physique sur la réactivation
parasympathique cardiaque et les performances des sapeurs-pompiers, les participants ont été
divisés en deux groupes à partir de leur VIFT. La VIFT médiane de l'ensemble du groupe (VIFT =
18 kmh-1) a été utilisée pour répartir les sujets dans les deux groupes. Quatre des 28 participants
avaient une VIFT égale à la VIFT médiane et ont donc ete exclu de l’etude. Le premier groupe
était composé des participants ayant la meilleure condition physique (groupe HPF [higher
physical fitness] : VIFT >18 kmh-1 ; hommes = 10 ; femmes = 2 ; VO2max : 56,8±3,1 mLmin-
1kg-1 ; âge : 34,0±5,7 ans ; taille : 177,8±6,2 cm ; poids : 76,3±8,0 kg). Le second groupe était
composé des participants ayant la moins bonne condition physique (groupe LPF [lower
physical fitness] : VIFT < 18 kmh-1 ; hommes = 8 ; femmes = 4 ; VO2max : 49,4±3,0 mLmin-
1kg-1 ; âge : 35,6±7,5 ans ; taille : 173,6±6,5 cm ; poids : 71,6±11,6 kg).
Procédures
Les procédures expérimentales utilisées dans cette étude ont déjà été décrites précisément dans
la section « protocole expérimental » de l’etude n°1. Brièvement, les quatre sessions
expérimentales étaient les suivantes :
- Un test intermittent incrémental maximal (la condition IFT)
- Trois interventions simulées de lutte contre les incendies, différenciées par les EPI : la
condition PPC, composee des vêtements de protection contre l’incendie ; la condition
ARIb, composée des vêtements de protection plus de la bouteille d’air de l’ARI ; la
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
126
condition ARIc, composee des vêtements de protection plus de l’ARI complet, incluant
la bouteille d’air, le microregulateur et le masque.
Les interventions simulees se composaient d’une succession de differentes tâches que les
sapeurs-pompiers devaient réaliser le plus rapidement possible.
Pour la présente étude, les variables considérées ont été les suivantes :
- L’IFT a permis de determiner les deux sous-groupes, la FCmax et d’estimer la VO2max
des participants
- Durant les trois interventions simulées, la FCpic, la FCmoy et le RPE ont été enregistrés.
De plus, les performances des sapeurs-pompiers étaient déterminées à partir de la durée
de réalisation de l’intervention simulee.
- Pour les quatre conditions expérimentales (IFT, PPC, ARIb, ARIc), l’analyse des
intervalles RR a été réalisée durant les périodes pré et post-exercice. Pour la période
pré-exercice, l’indice RMSSD a ete calcule durant les minutes 5 a 10, après une periode
de 5 minutes de stabilisation. Pour la période post-exercice, l’indice RMSSD a ete
calcule a partir d’une analyse a très court terme, à partir de segments de 1 minute, sur
les périodes post-exercice suivantes : des minutes 0 à 1 (min-1), des minutes 1 à 2 (min-
2), des minutes 2 à 3 (min-3), des minutes 3 à 4 (min-4), des minutes 4 à 5 (min-5), des
minutes 5 à 6 (min-6). L’indice RMSSD a egalement ete calcule a partir de l’analyse
classique sur une période de 5 minutes, des minutes 5 à 10 (mesure de référence ;
lnRMSSD5-10min).
Analyse statistique
Toutes les données sont exprimées sous forme de moyenne ± ET. La normalite de l’echantillon
de données a été vérifiée avec le test de Shapiro-Wilk. Lorsque que l’echantillon ne suivait pas
une loi normale (RMSSD), une transformation logarithmique (ln) a été appliquée (lnRMSSD).
Pour déterminer la fiabilité de la VFC à très court terme, des tests t appariés ont été utilisés pour
comparer chaque segment de 1 minute avec le segment de référence de 5 minutes. De plus,
toujours pour déterminer la fiabilité des mesures à très court terme en comparaison de la mesure
à court terme, le coefficient de corrélation intra-classe (ICC), l’erreur typique de mesure (TEM)
et l’analyse de Bland-Altman (Biais et limites d’agrement [LoA]) ont également été déterminés
pour les 24 participants. Un ICC compris entre 0 et 0,30 était considéré comme petit, entre 0,31
et 0,49 comme modéré, entre 0,50 et 0,69 comme grand, entre 0,70 et 0,89 comme très grand
et entre 0,90 et 1 comme presque parfait (Hopkins et al. 2009). Afin de déterminer la sensibilité
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
127
des segments de 1 minute, les différences entre les quatre sessions expérimentales pour chaque
segment de 1 minute ainsi que pour le segment de référence ont été analysées a partir d’une
ANOVA à mesures répétées à un facteur, avec le facteur condition (IFT, PPC, ARIb et ARIc).
Afin de vérifier si le lnRMSSD pré-exercice influence les valeurs post-exercice, une ANOVA
à mesures répétées à deux facteurs, avec le facteur condition (IFT, PPC, ARIb et ARIc) et le
facteur groupe (groupes HPF et LPF), a été appliquée sur le lnRMSSD pré-exercice. Une
ANOVA à mesures répétées à deux facteurs, avec le facteur condition (IFT, PPC, ARIb et ARIc)
et le facteur groupe (groupes HPF et LPF) a ete utilisee afin de determiner l’influence de la
condition physique des sapeurs-pompiers sur le lnRMSSD5-10min post-exercice. Lorsque le
resultat de l’ANOVA etait significatif, le test post-hoc de Fisher etait applique. L’analyse de la
taille de l’effet d de Cohen (ES) a été effectuée pour déterminer l'ampleur des effets entre les
quatre conditions expérimentales (IFT, PPC, ARIb et ARIc) sur le lnRMSSD5-10min post-exercice
pour les deux groupes de conditions physique (groupes HPF et LPF), séparément. Des tests t
appariés ont été utilisés pour analyser les différences dans les caractéristiques des participants
et leurs réponses aux conditions expérimentales (durée de réalisation, FC moyenne et
maximale, RPE) entre les deux groupes de condition physique. Les corrélations de Pearson ont
été utilisées pour déterminer la relation entre la VO2max et la VIFT avec les performances des
sapeurs-pompiers pour les trois interventions simulées (durée de réalisation). Toutes les
données collectées ont été analysées à partir du logiciel XLSTAT 2013 (Addinsoft SARL, Paris,
France), les ICC et les TEM ont été calculées à partir de la feuille de calcul de Hopkins
(disponible a l’adresse suivante : http://www.sportsci.org/index.html). La signification
statistique était fixée à p < 0,05. Un ES <0,20 était classé comme trivial, un ES compris entre
20,20 et 0,40 était classé comme petit, un ES compris entre 0,50 et 0,79 était classé comme
modéré et un ES >80 était classé comme grand.
2.3.3 Résultats
Les tableaux Tableau 9, Tableau 10, Tableau 11 etTableau 12 présentent la fiabilité entre l’analyse
du lnRMSSD a très court terme et l’analyse de reference à court terme, pour les conditions IFT,
PPC, ARIb et ARIc. Les ICC étaient très grands ou presque parfaits entre les segments de 1
minute et le lnRMSSD5-10min. Les résultats des tests t appariés n'ont révélé aucune différence
entre les mesures à très court terme et le lnRMSSD5-10min, a l’exception du segment min-1 dans
la condition IFT.
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
128
Tableau 9. Fiabilité entre l’analyse à très court terme et l’analyse de référence du lnRMSSD pour la
condition IFT
Comparaison des
segments ICC [CI 95%] TEM [CI 95%] Test t Biais (LoA)
Référence vs min-1 0,33 [0,01; 0,60] (modéré) 0,43 [0,34; 0,57] p < 0,05 0,18 (1,10)
Référence vs min-2 0,43 [0,10; 0,67] (modéré) 0,39 [0,31; 0,51] p > 0,05 0,08 (0,99)
Référence vs min-3 0,67 [0,43; 0,82] (grand) 0,35 [0,28; 0,46] p > 0,05 0,02 (1,05)
Référence vs min-4 0,58 [0,30; 0,76] (grand) 0,39 [0,31; 0,51] p > 0,05 0,06 (0,99)
Référence vs min-5 0,62 [0,35; 0,79] (grand) 0,40 [0,32; 0,52] p > 0,05 0,07 (0,86)
Référence vs min-6 0,78 [0,60; 0,89] (très grand) 0,28 [0,23; 0,37] p > 0,05 0,09 (0,50)
Tableau 10. Fiabilité entre l’analyse à très court terme et l’analyse de référence du lnRMSSD pour la
condition PPC
Comparaison des
segments ICC [CI 95%] TEM [CI 95%] Test t Biais (LoA)
Référence vs min-1 0,60 [0,29; 0,78] (grand) 0,42 [0,33; 0,57] p > 0,05 0,10 (1,67)
Référence vs min-2 0,86 [0,72; 0,96] (très grand) 0,21 [0,16; 0,28] p > 0,05 0,08 (0,94)
Référence vs min-3 0,91 [0,81; 0,95] (presque parfait) 0,16 [0,13; 0,22] p > 0,05 0,09 (0,91)
Référence vs min-4 0,96 [0,92; 0,98] (presque parfait) 0,11 [0,09; 0,15] p > 0,05 0,07 (0,79)
Référence vs min-5 0,77 [0,56; 0,88] (très grand) 0,31 [0,24; 0,42] p > 0,05 0,13 (1,30)
Référence vs min-6 0,97 [0,94; 0,99] (presque parfait) 0,11 [0,09; 0,15] p > 0,05 0,12 (1,36)
Tableau 11. Fiabilité entre l’analyse à très court terme et l’analyse de référence du lnRMSSD pour la
condition ARIb
Comparaison des
segments ICC [CI 95%] TEM [CI 95%] Test t Biais (LoA)
Référence vs min-1 0,67 [0,43; 0,82] (grand) 0,33 [0,26; 0,43] p > 0,05 0,01 (0,90)
Référence vs min-2 0,63 [0,37; 0,80] (grand) 0,34 [0,28; 0,45] p > 0,05 0,11 (0,95)
Référence vs min-3 0,68 [0,44; 0,83] (grand) 0,32 [0,26; 0,42] p > 0,05 0,01 (0,88)
Référence vs min-4 0,48 [0,17; 0,70] (modéré) 0,42 [0,34; 0,56] p > 0,05 - 0,10 (1,17)
Référence vs min-5 0,69 [0,46; 0,83] (grand) 0,29 [0,24; 0,39] p > 0,05 0,05 (0,81)
Référence vs min-6 0,95 [0,90; 0,98] (presque parfait) 0,12 [0,10; 0,16] p > 0,05 0,00 (0,34)
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
129
Tableau 12. Fiabilité entre l’analyse à très court terme et l’analyse de référence du lnRMSSD pour la
condition ARIc
Comparaison des
segments ICC [CI 95%] TEM [CI 95%] Test t Biais (LoA)
Référence vs min-1 0,53 [0,24; 0,74] (grand) 0,30 [0,24; 0,40] p > 0,05 0,04 (0,83)
Référence vs min-2 0,34 [0,01; 0,61] (modéré) 0,41 [0,33; 0,54] p > 0,05 0,07 (1,14)
Référence vs min-3 0,72 [0,50; 0,85] (très grand) 0,20 [0,16; 0,27] p > 0,05 0,02 (0,56)
Référence vs min-4 0,78 [0,60; 0,88] (très grand) 0,19 [0,15; 0,25] p > 0,05 0,08 (0,52)
Référence vs min-5 0,77 [0,59; 0,88] (très grand) 0,19 [0,15; 0,25] p > 0,05 0,06 (0,52)
Référence vs min-6 0,86 [0,73; 0,96] (très grand) 0,17 [0,14; 0,22] p > 0,05 0,01 (0,47)
Le Tableau 13 présente les différences entre les quatre conditions expérimentales pour les
segments de 1 minute et le lnRMSSD5-10min. Le lnRMSSD5-10min était significativement inférieur
dans les conditions PPC, ARIb et ARIc en comparaison de la condition IFT (p < 0,05, p < 0,01
et p < 0,01, respectivement). L’analyse a très court terme du lnRMSSD etait inferieure dans les
segments min-3 et min-5 pour les conditions ARIb et ARIc en comparaison de la condition IFT
(p < 0,05), et elle était inférieure dans les segments min-4 et min-6 uniquement dans la condition
ARIc en comparaison de la condition IFT.
Tableau 13. Présentations des valeurs de lnRMSSD pour les conditions PPC, ARIb, ARIc et IFT
pour les 24 participants
lnRMSSD PPC
(plage)
ARIb
(plage)
ARIc
(plage)
IFT
(plage)
Référence 2,05 ± 0,54 *
(1,24 – 3,43)
1,99 ± 0,52 **
(1,22 – 3,18)
1,98 ± 0,40 **
(1,34 – 2,81)
2,43 ± 0,53
(1,39 – 3,32)
Min-1 2,09 ± 0,74
(1,26 – 4,20)
2,00 ± 0,59
(1,02 – 3,45)
1,95 ± 0,46
(1,32 – 3,19)
2,16 ± 0,50
(1,38 – 3,35)
Min-2 2,06 ± 0,53
(1,37 – 3,16)
2,09 ± 0,58
(1,24 – 3,52)
2,05 ± 0,58
(1,34 – 3,92)
2,25 ± 0,47
(1,23 – 3,31)
Min-3 2,14 ± 0,50
(1,37 – 3,74)
2,00 ± 0,57 *
(1,19 – 3,31)
1,96 ± 0,33 *
(1,44 – 2,51)
2,39 ± 0,64
(1,26 – 4,12)
Min-4 2,07 ± 0,57
(1,09 – 3,94)
2,09 ± 0,63
(1,23 – 3,73)
1,90 ± 0,37 *
(1,37 – 2,65)
2,27 ± 0,63
(1,24 – 4,18)
Min-5 2,15 ± 0,70
(1,25 – 4,19)
1,94 ± 0,50 *
(1,23 – 3,05)
1,92 ± 0,36 *
(1,34 – 2,53)
2,32 ± 0,70
(1,32 – 4,10)
Min-6 2,13 ± 0,73
(1,20 – 4,53)
1,99 ± 0,56
(1,14 – 3,32)
1,97 ± 0,46 *
(1,40 – 3,45)
2,30 ± 0,62
(1,23 – 3,70)
Différence vs IFT : *p < 0,05 ; **p < 0,01
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
130
Des relations significatives ont été trouvées entre la VIFT et la durée de réalisation de
l’intervention (r = –0,718, p < 0,001; r = –0,695, p = 0,000; r = –0,658, p = 0,000 pour les
conditions PPC, ARIb et ARIc, respectivement) ainsi qu’entre la VO2max et la durée de
réalisation de l’intervention (r = –0,484, p = 0.016; r = –0,601, p = 0,002; r = –0,511, p = 0,011
pour les conditions PPC, ARIb et ARIc, respectivement).
Le Tableau 14 présente les comparaisons entre les deux groupes de condition physique pour
chaque condition expérimentale. En raison de la faible sensibilité observée pour l'analyse de la
VFC à très court terme (Tableau 13), les donnees qui analysent l’effet de la condition physique
se limitent à l'analyse du segment de référence (lnRMSSD5-10min). La durée de réalisation de
l’intervention etait plus longue dans chaque condition experimentale pour le groupe LPF.
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
131
Tableau 14. Présentation des réponses pour chaque condition expérimentale pour chacun des
deux groupes de condition physique
Paramètre Groupe HPF (VIFT >18 kmh-1) Groupe LPF (VIFT <18 kmh-1)
Condition PPC
Temps de réalisation (s) 603,9 ± 85,4 684,9 ± 67,8 *
FC moyenne (%FCmax) 79,1 ± 5,4 80,2 ± 5,2
FC pic (%FCmax) 96,9 ± 1,9 97,3 ± 1,9
RPE 6,3 ± 1,8 5,3 ± 1,3
Pré-exercice lnRMSSD (ms) 3,4 ± 0,6 3,6 ± 0,4
Post-exercice lnRMSSD (ms) 2,1 ± 0,7 2,0 ± 0,4
Condition ARIb
Temps de réalisation (s) 729,8 ± 137,8 836,7 ± 90,4 *
FC moyenne (%FCmax) 82,0 ± 4,4 84,4 ± 2,9
FC pic (%FCmax) 96,8 ± 2,0 97,5 ± 2,0
RPE 7,4 ± 1,3 6,5 ± 1,0
Pré-exercice lnRMSSD (ms) 3,5 ± 0,5 3,6 ± 0,3
Post-exercice lnRMSSD (ms) 2,1 ± 0,6 1,9 ± 0,4
Condition ARIc
Temps de réalisation (s) 764,5 ± 85,3 881,1 ± 142,1 *
FC moyenne (%FCmax) 81,8 ± 6,6 84,7 ± 4,0
FC pic (%FCmax) 98,0 ± 2,0 97,9 ± 1,6
RPE 7,9 ± 1,6 7,8 ± 1,3
Pré-exercice lnRMSSD (ms) 3,5 ± 0,6 3,5 ± 0,5
Post-exercice lnRMSSD (ms) 1,9 ± 0,4 2,0 ± 0,4
IFT
FC moyenne (%FCmax) 79,5 ± 3,4 82,2 ± 5,2
FC pic (bpm) 188,2 ± 6,0 182,4 ± 6,3 *
VIFT (kmh-1) 19,4 ± 0,9 17,1 ± 0,6 ***
VO2max (mlmin-1kg-1) 56,8 ± 3,2 49,4 ± 3,0 ***
Pré-exercice lnRMSSD (ms) 3,7 ± 0,6 3,7 ± 0,4
Post-exercice lnRMSSD (ms) 2,3 ± 0,5 2,5 ± 0,5
Différence vs groupe HPF : *p < 0,05 ; ***p < 0,001
2.3.4 Discussion
La présente étude visait à déterminer la précision et la sensibilité de l’analyse a très court terme
du lnRMSSD après avoir pratiqué quatre exercices physiques différents. Ensuite, cette étude
visait à évaluer l'influence du niveau de condition physique des sapeurs-pompiers sur leurs
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
132
performances et leur réactivation parasympathique cardiaque lors des interventions simulées de
lutte contre les incendies. La fiabilité, mesurée par les comparaisons entre l'analyse à très court
terme et l'analyse de référence, différait selon le segment testé (les ICC s’etendent entre modéré
et presque parfait) ; le segment min-6 présentait l'ICC le plus élevé (0,86-0,97). Concernant la
sensibilité des deux analyses, la mesure de référence a révélé des différences entre les trois
interventions simulees d’une part et l’IFT d’autre part. Cependant, ces résultats n'ont pas été
observés avec les mesures à très court terme (Tableau 13). Enfin, les résultats actuels ont
confirmé que le niveau de condition physique influence les performances des sapeurs-pompiers
sur les interventions de lutte contre les incendies. En revanche, la condition physique ne semble
pas influencer leur réactivation parasympathique cardiaque post-intervention.
Tour d’abord, les resultats de cette etude ont montré une bonne concordance entre le segment
min-6 de l’analyse du lnRMSSD à très court terme et le lnRMSSD de référence. En effet,
aucune différence significative n'a été observée entre ces deux segments (min-6 et référence),
et les ICC étaient soit grands soit presque parfaits selon la condition. En situation post-exercice,
Esco et al. (2014, 2018) ont également montré une bonne concordance pour l’analyse a très
court terme du lnRMSSD sur des segments de 1 minute après une période de stabilisation de 5
minutes (entre les minutes 5 à 10 après l'arrêt de l'exercice) et de 25 minutes après l'arrêt de
l’exercice. Dans notre étude, pour le segment min-6, les ICC étaient similaires à ceux rapportés
par Esco et al. (2014, 2018) et ils étaient similaires ou supérieurs à ceux rapportés dans des
études précédentes menées au repos (Flatt and Esco 2016). Les valeurs des erreurs typiques de
mesure, qui se situaient entre 0,28 et 0,11, étaient également similaires à celles rapportées par
Esco et al. (2014, 2018). Les biais étaient faibles pour tous les segments d'une minute (<0,15 ;
sauf pour le segment min-1 après l'IFT). Les limites d’agrement avaient tendance à diminuer
avec l’avancee de la récupération et celles du segment min-6 étaient similaires à celle d’études
précédentes (Esco and Flatt 2014; Esco et al. 2018). Par conséquent, les résultats de cette étude
sont en accord avec les études précédentes qui ont révélé une bonne fiabilité de l'analyse à très
court terme du lnRMSSD post-exercice, lorsqu’elle etait realisee après une période de
stabilisation de 5 minutes. La faible fiabilité observée entre les cinq premiers segments (min-1
à min-5) et la mesure de référence (ICC étaient parfois modérés et les TEM supérieurs à 0,40)
était probablement due à la réponse non linéaire de la FC dans les premières minutes post-
exercice (Goldberger et al. 2006).
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
133
En ce qui concerne la sensibilité, les mesures de référence (lnRMSSD5-10min) ont révélé des
différences significatives entre l'IFT et les trois interventions simulées (Tableau 13). En
revanche, aucune différence entre les conditions IFT et PPC n’a été observée avec des mesures
à très court terme. De plus, les différences entre les conditions IFT et ARIb ou ARIc n’ont été
observées que pour seulement quelques segments de l’analyse a très court terme. À notre
connaissance, cette étude est la première à mesurer la sensibilité des mesures à très court terme
du lnRMSSD post-exercice. Au repos, des études précédentes ont montré que l’analyse a très
court terme de la VFC est sensible aux adaptations liees a l’entraînement (Nakamura et al. 2015)
ainsi qu’a la charge d'entraînement (Flatt et al. 2017). Il est recommande de realiser l’analyse
de la VFC sur un signal stationnaire (Task Force 1996; Aubert et al. 2003; Peçanha et al. 2017a).
Par conséquent, une mauvaise sensibilité dans l’analyse a très court terme du lnRMSSD post-
exercice peut être due à l'instabilité de la FC dans les premières minutes de récupération
(Goldberger et al. 2006). La VFC post-exercice est influencée par plusieurs facteurs, tels que
la FC d’exercice (Michael et al. 2016), l'accumulation de métabolites sanguins (Buchheit et al.
2007a), le volume plasmatique (Spinelli et al. 1999) ou la modalité d'exercice (Michael et al.
2018). De plus, l'âge et le sexe ont pu influencer la VFC dans notre étude. En effet, il a été
démontré que le tonus vagal diminue avec le vieillissement (Yamasaki et al. 1996) et que le
cycle menstruel affecte la VFC selon la phase du cycle (Bai et al. 2009). Dans notre étude, nous
n'avons pas pu déterminer lequel de ces précédents facteurs a influencé la récupération de la
VFC. Par conséquent, la sensibilité de l’analyse a très court terme du lnRMSSD nécessite une
analyse future plus approfondie.
Enfin, la VIFT et la VO2max ont présenté des corrélations significatives avec le temps de
réalisation des interventions simulées. De plus, le groupe HPF a obtenu des performances plus
élevées que le groupe LPF (Tableau 14). Ces résultats confirment que le niveau de condition
physique des sapeurs-pompiers influence leurs performances lors des interventions de lutte
contre les incendies. Ces résultats sont cohérents avec ceux des études précédentes qui
soulignaient que la VO2max était un facteur important pour les performances durant les
interventions de lutte contre les incendies en terme de durée de réalisation (Von Heimburg et
al. 2006; Windisch et al. 2017b). Nos résultats mettent en évidence l'importance des capacités
cardiorespiratoires afin de mener à bien les interventions de lutte contre les incendies le plus
rapidement possible.
Cependant, nos résultats ne montrent aucune différence entre les deux groupes pour le
lnRMSSD post-exercice (Tableau 14). À notre connaissance, cette étude est la première à
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
134
évaluer la réactivation parasympathique cardiaque chez deux groupes de sapeurs-pompiers
différenciés par leur niveau de condition physique. L'absence de différence entre les groupes
HPF et LPF n’etait pas attendue. En effet, dans le domaine du sport, des études précédentes ont
révélé une activité parasympathique cardiaque post-exercice plus faible chez des individus
inactifs en comparaison d’athlètes très entraînés (Seiler et al. 2007; Stanley et al. 2013).
L'absence de différence entre nos deux groupes pourrait s'expliquer par la demande
physiologique des exercices expérimentaux et par les caractéristiques des participants. Tout
d’abord, les efforts pour réaliser les interventions simulées de cette étude ont été perçus comme
des efforts intenses (le RPE variait entre 5,3 et 7,9) et ces interventions ont généré un stress
physiologique élevé (Tableau 14). En effet, les FC moyennes d’exercice étaient comprises entre
79,1 ± 5,4 et 84,7 ± 4,0 % de FCmax, pendant une durée allant de 603,9 ± 85,4 à 881,1 ± 142,1
secondes et la FC pic a atteint 98,0 ± 2,0 % de la FCmax. Or, il semblerait que la réactivation de
l'activité parasympathique cardiaque post-exercice soit principalement influencée par l'intensité
de l'exercice qui la précède (Stanley et al. 2013; Michael et al. 2017a). Dans notre étude, on
peut supposer que la récupération parasympathique similaire observée pour les deux groupes
est due à la forte intensité d’exercice rencontrée dans les conditions expérimentales.
Deuxièmement, le moment de l'analyse de la VFC post-exercice (la récupération aiguë
immédiate) dans notre étude pourrait expliquer nos résultats. Alors que Seiler et al. (2007) ont
rapporté un effet positif de la condition physique sur la réactivation parasympathique cardiaque
entre la 15ème et la 60ème minute après la fin d'un exercice à haute intensité, ils n’observent
aucune différence entre les groupes dans les 15 premières minutes qui ont suivi l'exercice. Dans
notre étude, l'analyse de la VFC a été réalisée lors des 10 premières minutes après l’arrêt de
l’exercice, ce qui pourrait être insuffisant pour révéler des différences dans la récupération
parasympathique entre les groupes. Troisièmement, l'écart du niveau de condition physique
entre les deux groupes expérimentaux pourrait être trop faible pour induire des différences
marquées dans la récupération de la VFC. En effet, la VIFT pour le groupe total était de 18,25 ±
1,40 kmh-1 avec un intervalle de confiance à 95% compris entre 17,66 et 18,84 kmh-1. Alors
que Stanley et al. (2013) ont rapporté des différences dans l'activité parasympathique aiguë
post-exercice entre des athlètes très entraînés et des individus inactifs, les auteurs n’avaient
observé aucune différence entre les athlètes très entraînés et les athlètes moyennement
entraînés.
CHAPITRE 2 : PREMIÈRE EXPÉRIMENTATION
135
2.3.4 Conclusion
En conclusion, le segment min-6 de l'analyse à très court terme du lnRMSSD a montré un haut
degré de précision en comparaison de l’analyse de référence (ICC allants de très grands à
presque parfaits). Néanmoins, les mesures à très court terme ne semblent pas suffisamment
sensibles pour évaluer les différences entre les interventions simulees et l’IFT, comme cela a
été révélé par l'analyse de référence (lnRMSSD5-10min). Enfin, le niveau de condition physique
des sapeurs-pompiers a influencé leurs performances lors des interventions simulées de lutte
contre les incendies. Cependant, les resultats n’ont pas permis de montrer que l'aptitude
physique des sapeurs-pompiers influence leur récupération parasympathique, probablement en
raison de la forte demande physiologique (FC d’exercice) des interventions simulées.
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
136
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
La seconde expérimentation réalisée dans le cadre de ces travaux de thèse, toujours avec les
sapeurs-pompiers du centre de secours de Besançon Centre, a été menée afin de répondre à
deux objectifs :
- Determiner l’influence du moment de l’intervention (jour vs nuit) et du type d’alarme
(sonnerie vs vibreur) sur les réponses psychophysiologiques des sapeurs-pompiers
durant les 3 phases d’une intervention de lutte contre les incendies
- Determiner l’influence d’une nuit de garde, avec et sans intervention de lutte contre les
incendies sur l’activite autonome cardiaque et la qualité du sommeil des sapeurs-
pompiers
L’experimentation a donne lieu a un article en cours de soumission :
Philémon Marcel-Millet, Alain Groslambert, Sidney Grospretre, Philippe Gimenez, Gilles
Ravier: « Psychophysiological responses of firefighters to day and night rescue interventions »
L’experimentation a egalement donne lieu a un article accepté :
Philémon Marcel-Millet, Alain Groslambert, Gilles Ravier. Effects on firefighters’ nocturnal
cardiac autonomic activity and sleep quality of on-call nights with and without firefighting
interventions, Journal of Occupational and Environmental Medicine (JOEM). Publié en ligne
avant impression, septembre 2020. DOI: 10.1097/JOM.0000000000002025
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
137
3.1 Étude n°4 : Réponses psychophysiologiques des sapeurs-pompiers lors
d’interventions de lutte contre les incendies réalisées de jour et de nuit
3.1.1 Introduction
En France, les sapeurs-pompiers ont des périodes de travail qui s’etendent sur 24 heures, ils
doivent donc maintenir un haut niveau de performance quelle que soit l'heure du jour ou de la
nuit. Cependant, à ce jour, les performances des sapeurs-pompiers et le stress physiologique lié
aux interventions n'ont été étudiés que de jour (Williams-Bell et al. 2009; Horn et al. 2011,
2019; Windisch et al. 2017a), a l’exception de la réponse aiguë au signal d'alarme, qui a été
étudiée de jour et de nuit en conditions de laboratoire (Hall et al. 2016). En ce qui concerne les
performances physiques, plusieurs études menées auprès de sujets sains ont montré que les
performances étaient plus élevées en fin d'après-midi qu'en début de matinée (Baxter and Reilly
1983; Thun et al. 2015). Cependant, ces résultats semblent être équivoques et d'autres études
n'ont révélé aucun effet du rythme circadien sur les performances physiques (Reilly and Brooks
1982; Deschenes et al. 1998; Bessot et al. 2011). De plus, au repos, plusieurs fonctions
physiologiques, telles que la température rectale, la FC, les lactates plasmatiques, la PA ou les
niveaux de cortisol, suivent une rythmicité circadienne (Reilly and Brooks 1982; Deschenes et
al. 1998), qui peut également être retrouvée durant ou après un exercice physique (Harma et al.
1982). Cependant, ici encore, ces résultats sont controversés car d'autres études n'ont montré
aucune variation circadienne de la FC d’exercice (Reilly and Brooks 1982; Deschenes et al.
1998). Par conséquent, les modulations circadiennes des performances physiques et des
variables physiologiques ne sont pas clairement établies. Il semblerait que cette variation
dépende fortement du type d'exercice et des caractéristiques des participants. Par conséquent,
il serait intéressant de mesurer si la performance des sapeurs-pompiers est modulée par des
variations circadiennes.
De plus, comme nous l’avons aborde dans le premier chapitre, le stress psychophysiologique
qui résulte des interventions de lutte contre l'incendie dépend de l'interaction des trois phases
d'une intervention, la phase d’alarme, la phase sur le site d’intervention et la phase de
récupération. L'augmentation significative du stress cardiovasculaire lors des interventions peut
induire des changements physiopathologiques entraînant un risque de décès pour les pompiers
(Smith et al. 2016). Dans la population générale, le nombre d’accidents cardiovasculaires suit
un rythme circadien avec un pic entre 06h00 et 12h00; chez les sapeurs-pompiers, ce nombre
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
138
est liée à la répartition des interventions avec un pic entre 12h00 et 24h00 (Kales et al. 2003).
Par conséquent, il serait intéressant de comparer une intervention réalisée de jour et de nuit afin
de déterminer si les performances et le stress psychophysiologique des sapeurs-pompiers sont
affectés par le moment durant lequel l'intervention se produit.
Enfin, l'augmentation soudaine de la FC et de la PA durant la phase d’alarme et de mobilisation
augmente le risque de décès chez les sapeurs-pompiers (Kales et al. 2003). Une étude
précédente a montré qu’en comparaison d’un signal d’alarme classique, un réveil en douceur
effectué par un expérimentateur permettait d’attenuer l'augmentation de la FC (Hall et al. 2016).
Habituellement, le signal d'alarme correspond à un son d'au moins 85 dB(A) émis par un
émetteur porté par le sapeur-pompier. Ainsi, il serait intéressant de mesurer si l'utilisation d'un
signal d’alarme moins brutal dans des conditions écologiques pourrait réduire le stress
cardiovasculaire des sapeurs-pompiers.
Par conséquent, la présente étude visait à : (1) comparer les réponses physiologiques de chacune
des trois phases d'une intervention simulée de lutte contre les incendies réalisée de nuit et de
jour ; (2) comparer les réponses physiologiques au cours d'une intervention simulée de lutte
contre les incendies de nuit après une alarme sonore traditionnelle et une alarme modifiée sur
vibreur ; (3) comparer les réponses psychologiques (anxiété, somnolence, RPE, confiance en
soi) mesurées avant et après une intervention simulée de lutte contre les incendies réalisée de
jour et de nuit. Nous avons émis l'hypothèse que l'intervention de nuit engendrerait des réponses
physiologiques plus élevées que l'intervention de jour, et que cette réponse plus élevée pourrait
être atténuée par un signal d’alarme moins bruyant.
3.1.2 Méthodologie
Participants
Seize hommes, sapeurs-pompiers professionnels (âge: 36,1 ± 5,8 ans ; taille: 175,3 ± 6,1 cm;
poids: 73,6 ± 10,1 kg; IMC: 23,8 ± 1,7 kg/m2) ont participé à cette étude. L’expérience moyenne
des sapeurs-pompiers était de 18,6 ± 5,9 ans. Tous les participants ont passé une visite médicale
dispensée par le service de santé du SDIS du Doubs et avaient reçu l’aptitude médicale pour
réaliser des activités de lutte contre les incendies. Avant le test, tous les participants ont rendu
par écrit le formulaire de consentement éclairé, qui indiquait le but, les avantages et les risques
de l’etude ainsi que leur droit de retrait à tout moment de l’experimentation. Cette étude a été
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
139
menée conformément aux recommandations de la Déclaration d'Helsinki. Le plan de recherche
a été examiné et validé par le service médical du SDIS du Doubs.
Procédures
L'étude a été menée en condition écologique, sur le lieu de travail des participants, et
l'intervention simulée faisait partie de leurs exercices d'entraînement réguliers. Avant les
sessions expérimentales, lors d'une session de familiarisation, les procédures ont été expliquées,
et les participants ont testé le t-shirt connecté et les questionnaires psychologiques utilisés
durant les sessions expérimentales. Ensuite, les participants ont réalisé l’IFT (Buchheit 2008)
pour déterminer leur FCmax. Puis, tous les participants ont effectué les trois conditions
expérimentales décrites ci-dessous, dans un ordre aléatoire, entrecoupé d’une période de
minimum de 3 jours et de maximum 14 jours. Les trois conditions expérimentales
correspondent à la même intervention simulée de lutte contre les incendies (Figure 19) réalisée
dans trois conditions différentes : 1) durant la journée, le matin, avec un signal d’alarme sonore
(JourAS), 2) durant la nuit, avec un signal d’alarme sonore (NuitAS) et 3) durant la nuit, avec un
signal d’alarme en vibreur (NuitAV). L'intervention simulée comprenait 5 tâches à réaliser sans
temps d'arrê t: (a) Tuyaux : Les participants ont transporté deux tuyaux (7 kg chacun) sur un sol
plat sur une distance de 100 m ; (b) Parcours d'obstacles : Après avoir posé les tuyaux, les
participants ont réalisé un parcours de 50 mètres dans lequel ils devaient ramper sous des
obstacles ; (c) Tour : Les participants ont repris leurs tuyaux et les ont déposés au 4ème étage
d'une tour ; (d) Mannequin : Les participants ont utilisé une sangle pour descendre puis remonter
d’un etage un mannequin de 60 kg; (e) Tuyaux : Enfin, les participants ont repris à nouveau les
deux tuyaux avant de descendre les 4 étages de la tour et de revenir au point de départ. Au cours
de chaque session, les participants ont été invités à réaliser l'intervention le plus rapidement
possible ; ils ont reçu des encouragements oraux tout au long du test.
Pour la condition JourAS, les participants ont effectué une période de repos assise, durant 10
minutes, à 08h00 dans une pièce calme à température ambiante (~ 20 ° C) afin d'effectuer les
mesures de repos. Puis, à 08h30, ils se sont rendus dans une chambre qui leur était assignée
pour la totalité de l'étude. Dans la chambre, ils se sont reposés, sans dormir, allongés et vêtus
de la même tenue vestimentaire que lorsqu’ils dorment la nuit durant leurs gardes. Les
participants étaient informés qu'ils pourraient être alertés à tout moment de la matinée pour
realiser l’intervention simulee. À 09h00, le signal d'alarme était déclenché. Il était émis par un
terminal (récepteur radio) affecté au sapeur-pompier et habituellement utilisé pour les
interventions réelles. Le terminal était placé sur une table à côté du lit, à une distance d'environ
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
140
1 mètre du sapeur-pompier. Le son du signal était d'environ 85 dB (A). En entendant le signal,
les sapeurs-pompiers ont dû s'habiller et se rendre au vestiaire le plus rapidement possible. La
durée entre le déclenchement du signal d’alarme et l'arrivée au vestiaire correspond à la phase
de mobilisation de l'alarme. Une fois dans le vestiaire, pendant 5 minutes, les mesures pré-
intervention ont été effectuées et les participants se sont équipés des EPI prévus pour
l'intervention simulée. Les EPI pour cette intervention simulée étaient composés des vêtements
de protection contre l’incendie (casque, gants, cagoule, sur-pantalon et veste, bottes) et d’un
ARI complet (bouteille d’air, harnais, masque, microregulateur), pour un poids total d’environ
22 kg. Une fois équipés et prêts, tous les participants ont réalisé l'intervention simulée le plus
rapidement possible. À la fin de l'intervention, ils avaient 1 minute pour retirer leurs EPI avant
de réaliser une période de repos de 10 minutes en position assise dans une pièce calme à
température ambiante (~ 20 ° C). Pour les conditions NuitAS et NuitAV, les mesures de repos ont
été effectuées à 22h00 dans la même pièce que dans la condition JourAS. Ensuite, les participants
se sont rendus dans la même chambre que celle utilisée pour l’intervention de jour, entre 22h30
et 23h30, selon leurs habitudes. Les participants étaient informés qu'ils pourraient être alertés
pour réaliser l'intervention simulée à tout moment de la nuit. Le signal d'alarme a été déclenché
environ 2 heures après l'heure du coucher indiquée par le sapeur-pompier, soit entre 00h30 et
01h30. Une attention particulière a ete portee sur l’etat d’endormissement des participants au
moment du signal d’alarme. S'ils étaient réveillés au moment de l’alarme, l'expérience était
reportée à une nuit ultérieure. Le même émetteur et la même sonnerie ont été utilisés pour les
conditions NuitAS et JourAS. Pour la condition NuitAV, le signal du terminal a été modifié afin
qu'il ne fasse que vibrer pendant 30 secondes. À la fin des 30 secondes, si le sapeur-pompier
n'a pas éteint l'émetteur, un signal sonore était ajouté aux vibrations. Ensuite, la phase de
mobilisation et le reste du protocole étaient les mêmes que dans la condition NuitAS (Figure 19).
Encore une fois, nous nous sommes assurés que les participants n’aient ete réveillés que par les
vibrations. Si c'est la sonnerie de l’alarme qui les a réveillés, l'expérience était reportée à une
nuit ultérieure. Les trois conditions expérimentales ont été réalisées dans un ordre aléatoire.
Pour les trois conditions, tout a été fait pour créer une incertitude maximale, comme en
condition reelle. L’etude a ete realisee sur le lieu de travail des participants, elle était intégrée
dans leur activite professionnelle et ils pouvaient être appeles soit pour l’intervention simulee,
soit pour des interventions réelles. Les participants ont également été invités à ne pas
consommer de caféine 3 heures avant les tests et de ne pas réaliser d’exercices à haute intensité
ni de consommer de l'alcool les 24 heures qui ont précédé les tests. Tous les participants
connaissaient l'intervention simulée et l’IFT utilises dans cette etude, car tous les deux font
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
141
partie de leur formation professionnelle continue et du suivi régulier de leurs capacités
physiques.
Figure 19. Vue d'ensemble du protocole expérimental. CSAI-2 : Competitive State Anxiety
Inventory–2 ; SSS : échelle de somnolence de Stanford ; PA : pression artérielle ; FC :
fréquence cardiaque ; RPE : perception de la difficulté de l’effort ; FCR : fréquence cardiaque
de récupération ; VFC : variabilité de la fréquence cardiaque.
Analyse des données
Évaluation des performances de lutte contre l'incendie
Pour les phases d’alarme et de mobilisation et d’intervention simulée, la durée de réalisation a
été enregistrée manuellement à l'aide d'un chronomètre. Pour la phase d'alarme et de
mobilisation, le lancement du chronomètre a débuté au moment du déclenchement de l'alarme
et s'est terminé lorsque les sapeurs-pompiers sont entrés dans les vestiaires. Pour l'intervention
simulée, le lancement du chronomètre débutait avec la première tâche et s'est terminé lorsque
le sapeur-pompier a franchi la ligne d'arrivée. La consommation d'air a été quantifiée en bars
directement a partir de la pression affichee sur le manomètre de l’ARI au debut et a la fin de
l'intervention simulée. La précision du manomètre était de ± 5 bars.
Évaluation des paramètres physiologiques
Les participants ont été équipés d'un t-shirt connecté (Hexoskin® Carré Technologies Inc.,
Montréal, Canada) pendant les trois conditions experimentales et pendant l’IFT. Le t-shirt
connecté fournissait un signal ECG à une fréquence de 256 Hz à partir de trois électrodes (deux
sur la poitrine, une sur la région supra-iliaque droite). Ensuite, la FC a été calculée à une
fréquence de 1 Hz, et a été analysée pendant trois périodes distinctes. Pendant la phase d'alarme
et de mobilisation, la FC pré-alarme correspond à la FC moyenne des 5 secondes qui ont
précédé le signal d'alarme, la FCpic correspond au pic de FC atteint durant cette phase et la
réactivité de la FC correspond à la différence entre la FCpic et la FC pré-alarme. Pour cette phase
d'alarme et de mobilisation, la FC pré-alarme, la FCpic et la réactivité de la FC étaient exprimées
en bpm. Ensuite, la FC moyenne et pic ont été déterminées pour l'ensemble de l'intervention
simulée et étaient exprimées en pourcentage de la FCmax mesurée pendant l’IFT. Enfin, pendant
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
142
la période de récupération post-intervention, la FCR60s et l’indice T30 ont ete calcules afin de
refléter la réactivation parasympathique cardiaque (Peçanha et al. 2017a).
De plus, à partir du signal ECG fourni par le t-shirt connecté, la VFC a été enregistrée durant
la periode de 10 minutes qui a suivi l’intervention simulee. Les intervalles RR ont été analysés
à la fois sur les domaines temporels et fréquentiels, à l'aide du logiciel Kubios (Kubios HRV
Analysis v3.0; Bio ‐ signal Analysis and Medical Imaging Group au Department of Applied
Physics, University of Kuopio, Kuopio, Finland), et le signal a été corrigé automatiquement à
l'aide du niveau de correction moyen du logiciel. Après une période de stabilisation de 5
minutes, l’analyse de la VFC a été effectuée sur la période des minutes 5 à 10 après l'exercice.
Pour l’analyse spectrale, la VFC a été analysée en utilisant une Transformée Rapide de Fourrier.
La bande des HF (ms2), comprise entre 0,15 Hz et 0,40 Hz, a été analysée dans cette étude afin
d’évaluer la réactivation du SNP post-exercice. Les modulations vagales post-exercice ont
également été évaluées par des indices du domaine temporel en calculant le RMSSD et le SD1
sur les minutes 5 à 10 post-exercice. La PA systolique et diastolique a été évaluée par
auscultation du bras gauche pendant que l’avant-bras était soutenu passivement. Dans chaque
condition, la PA des participants a été évaluée à la fin des mesures de repos, au cours des
mesures pré-intervention, dans la première minute post-intervention et après les 10 minutes de
récupération post-intervention.
Évaluation des paramètres psychologiques
Les niveaux d’anxiete et de confiance en soi des sapeurs-pompiers ont ete mesures a l’aide
d’une adaptation française (echelle d’etat d’anxiete en competition) (Cury et al. 1999) du
questionnaire Competitive State Anxiety Inventory–2 (CSAI-2) (Martens et al. 1990). Ce
questionnaire comprend 27 items liés aux sentiments d'anxiété cognitive, d'anxiété somatique
et de confiance en soi. Dans les trois conditions experimentales de l’etude, les participants ont
rempli le questionnaire pendant les mesures de repos et pendant les mesures pré-intervention.
Ensuite, la somnolence a été évaluée pendant les mesures de repos et pré-intervention à l'aide
de l'échelle de somnolence de Stanford (SSS) (Herscovitch and Broughton 1981). Enfin, le RPE
a été évalué 10 minutes après la fin de l'intervention simulée a l’aide de l’echelle CR-10.
Analyse statistique
Toutes les données sont exprimées sous forme de moyenne ± ET. Toutes les données collectées
ont été analysées à partir du logiciel XLSTAT 2013 (Addinsoft SARL, Paris, France). La
normalite de l’echantillon de donnees a ete verifiee avec le test de Shapiro-Wilk. L’egalite de
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
143
variance entre les échantillons a été vérifiée avec le test de Barlett. Parce que le RMSSD et les
HF ne suivaient pas une loi normale, une transformation logarithmique (ln) a été appliquée
(lnRMSSD et lnHF). Les différences entre les conditions JourAS et NuitAS et les différences
entre les conditions NuitAS et NuitAV ont été analysées à l'aide de tests t appariés si les données
étaient normalement distribuées (pour les paramètres : durée de réalisation, consommation
d'air, FC, T30, FCR60s, lnRMSSD, lnHF et SD1) ou les tests de Wilcoxon si les données
n'étaient pas normalement distribuées (pour les paramètres psychologiques et les valeurs de
PA). Les tests de Friedman ont été utilisés pour analyser l’evolution des PA dans le temps
(mesures au repos, pré-, post-1 min, post-10 min) et la procédure de Nemenyi a été utilisée
lorsque l'hypothèse nulle était rejetée. La signification statistique était fixée à p < 0,05.
L’ampleur des differences a ete interpretee en utilisant l’ES d de Cohen. Un ES < 0,20 était
classé comme trivial, un ES compris entre 0,20 et 0,40 était classé comme petit, un ES compris
entre 0,50 et 0,79 était classé comme modéré et un ES > 80 était classé comme grand.
3.1.3 Résultats
Différences entre les conditions JourAS et NuitAS
Pour les conditions JourAS et NuitAS, les durées de réalisation et les FC pour la phase d'alarme
et de mobilisation et la phase d'intervention simulée sont présentées dans le Tableau 15. Les
indices de la réactivation parasympathique cardiaque post-intervention pour les conditions
JourAS et NuitAS sont également présentés dans le Tableau 15. Tous les indices de la réactivation
parasympathique cardiaque étaient inférieurs dans la condition NuitAS en comparaison de la
condition JourAS. La consommation d'air pendant l'intervention simulée n'était pas
significativement différente entre les conditions JourAS et NuitAS (85,6 ± 19,7 et 78,8 ± 17,2
bars, respectivement).
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
144
Tableau 15. Performances, FC et réactivation parasympathique pour les phases d’alarme et
mobilisation, d’intervention et post-intervention des conditions JourAS et NuitAS
JourAS NuitAS ES (±90 CI) ES descripteur
Alarme et mobilisation
Durée mobilisation (s) 57,9 ± 26,6 104,9 ± 31,6 *** 1,61 (±0,69) Grand
FC pré-alarme (bpm) 58,6 ± 8,2 50,7 ± 4,5 *** 1,18 (±0,65) Grand
FC pic (bpm) 123,7 ± 18,4 127,9 ± 20,3 0,22 (±0,60) Petit
Réactivité de la FC (bpm) 65,1 ± 17,9 77,2 ± 20,4 ** 0,63 (±0,61) Moyen
Intervention simulée
Durée intervention (s) 251,8 ± 38,6 257,6 ± 50,1 0,13 (±0,60) Trivial
FC moyenne (% FCmax) 86,0 ± 4,0 85,2 ± 4,7 0,19 (±0,60) Trivial
FC pic (% FCmax) 90,6 ± 2,9 89,6 ± 3,4 0,34 (±0,60) Petit
Récupération aigue
T30 (s) 171,8 ± 71,4 251,1 ± 106,0 ** 0,88 (±0,63) Grand
FCR60s (bpm) 38,0 ± 12,2 31,6 ± 8,4 * 0,61 (±0,61) Moyen
lnRMSSD (ms) 2,46 ± 0,64 2,15 ± 0,47 ** 0,56 (±0,61) Moyen
SD1 (ms) 9,89 ± 5,93 6,73 ± 3,29 * 0,66 (±0,62) Moyen
lnHF (ms2) 3,88 ± 1,47 2,85 ± 1,11 ** 0,79 (±0,62) Moyen
Moyennes ± ET sont présentées pour les conditions JourAS et NuitAS. *: différence significative
vs JourAS (p <0.05); **: différence significative vs JourAS (p <0.01); ***: différence
significative vs JourAS (p <0.0001).
La PA systolique et la PA diastolique pour les conditions JourAS et NuitAS sont présentées dans
la Figure 20. Une différence significative était observée entre la PA systolique pré- et post-1
minute par rapport à la PA systolique au repos pour les conditions JourAS et NuitAS (Figure 20),
mais aucune différence n'a été observée entre les conditions.
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
145
Figure 20. Évolution de la PA systolique et diastolique au cours des trois conditions
expérimentales. *: différence significative vs repos (p < 0,01); **: différence significative vs
repos (p < 0,0001); #: différence significative vs pré-intervention (p < 0,05); $: différence
significative vs post-1 minute (p < 0,001).
Le RPE post-intervention n'était pas significativement différent entre les conditions JourAS et
NuitAS (7,4 ± 2,1 et 8,1 ± 2,2 respectivement). Les différences entre les valeurs de repos et pré-
intervention pour les questionnaires CSAI-2 et SSS sont présentées dans le Tableau 16. La
comparaison des conditions JourAS et NuitAS a révélé une somnolence pré-intervention plus
importante (p <0,0001) et une confiance en soi pré-intervention inférieure (p <0,01) dans la
condition NuitAS en comparaison de la condition JourAS.
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
146
Tableau 16. Évolution des variables psychologiques entre les mesures de repos et pré-
intervention pour les conditions JourAS, NuitAS et NuitAV.
Differences (∆) ± ET et leurs ES entre les mesures de repos et pré-intervention pour les
conditions JourAS, NuitAS et NuitAV. *: différence significative (p <0,05) ; **: différence
significative (p <0,01) ; ***: différence significative (p <0,0001).
Différences entre les conditions JourAS et NuitAS
Pour la condition NuitAV, pour la phase d'alarme et de mobilisation, la durée moyenne de la
phase était de 114,7 ± 27,8 secondes, la FC pré-alarme était de 51,3 ± 8,1 bpm, la FC maximale
était de 116,1 ± 21,7 bpm et la réactivité de la FC était de 64,7 ± 19,5 bpm. La FC pic et la
réactivité de la FC étaient inférieures dans la condition NuitAV en comparaison de la condition
NuitAS (p <0,05). Pour l'intervention simulée dans la condition NuitAV, la durée d'intervention
était de 254,7 ± 33,2 secondes, la FC moyenne était de 84,3 ± 4,0 % de la FCmax et la FC pic
était de 89,6 ± 2,2% de la FCmax. La consommation d'air pendant l'intervention simulée dans la
condition NuitAV était de 77,5 ± 14,8 bars. Les indices de la réactivation parasympathique
cardiaque pour la condition NuitAV étaient de 217,3 ± 46,7 secondes pour l’indice T30, 31,7 ±
10,0 bpm pour la FCR60s, 2,34 ± 0,47 ms pour le lnRMSSD, 8,07 ± 3,07 ms pour le SD1 et 3,04
± 1,17 ms2 pour les lnHF. Aucune différence significative n'a été trouvée entre les conditions
NuitAV et NuitAS pour les paramètres de l’intervention et les indices de la réactivation
parasympathique.
La PA systolique et diastolique pour la condition NuitAV est présentée dans la Figure 20. On
observe une augmentation significative entre la PA systolique pré- et post-1 minute par rapport
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
147
à la PA systolique de repos, mais aucune différence n'a été trouvée entre les conditions NuitAV
et NuitAS.
Le RPE post-intervention était de 8,1 ± 1,7 pour la condition NuitAV, ce qui n'était pas
significativement différent du RPE de la condition NuitAS (8,1 ± 2,2). Les différences entre les
valeurs de repos et valeurs pré-intervention pour les questionnaires CSAI-2 et SSS pour la
condition NuitAV sont présentées dans le Tableau 16. La comparaison des questionnaires CSAI-
2 et SSS n'a révélé aucune différence entre les conditions NuitAV et NuitAS.
3.1.4 Discussion
Cette étude visait à évaluer les réponses psychophysiologiques des sapeurs-pompiers tout au
long d'une intervention simulée de lutte contre les incendies, effectuée de jour et de nuit, en
condition écologique. De plus, l'étude visait à déterminer si la modification d’une alarme sonore
en une alarme sur vibreur avait un impact sur ces réponses psychophysiologiques, lors d'une
intervention de nuit. Les principaux résultats ont révélé que durant la phase d’alarme et de
mobilisation, la réactivité de la FC était plus élevée lors de l'intervention de nuit que lors de
l'intervention de jour. Cette réactivité de la FC peut être diminuée avec l'utilisation d'une alarme
sur vibreur lors des interventions de nuit. Pendant la phase d’intervention, aucune difference
n’a été observée entre les conditions diurnes et nocturnes, ou, entre les deux signaux d’alarme
différents, au regard des performances des sapeurs-pompiers et des réponses cardiaques.
Cependant, la réactivation parasympathique cardiaque post-intervention était plus faible la nuit
que le jour. En ce qui concerne les réponses psychologiques, la somnolence était plus élevée et
la confiance en soi était plus faible avant l'intervention de nuit qu'avant l'intervention de jour.
De plus, l'anxiété somatique pré-intervention a augmenté en comparaison des mesures de repos
pour les conditions diurnes et nocturnes, mais aucune différence n'a été trouvée entre les
conditions.
Premièrement, pendant la phase d’alarme et de mobilisation, la réactivité de la FC était plus
élevée dans la condition NuitAS que dans la condition JourAS (77,2 ± 20,4 vs 65,1 ± 17,9 bpm,
respectivement). Dans notre étude, la réactivité de la FC mesurée au cours de la journée était
légèrement supérieure à celle mesurée dans les études précédentes (qui s’etendait de 20 à 61
bpm) (Kuorinka and Korhonen 1981; Karlsson et al. 2011; Hall et al. 2016). Dans notre étude,
dans la condition JourAS, bien que les participants n’etaient pas endormis au moment de
l’alarme, ils étaient au repos, en position couchée, pendant environ 30 minutes et portaient la
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
148
même tenue vestimentaire que dans la condition NuitAS. Par conséquent, la FC pré-alarme était
plus faible dans notre étude que dans les études précédentes, ce qui pourrait expliquer notre
réactivité de la FC plus élevée. Une seule étude a analysé la réactivité de la FC en condition
nocturne, et elle a également trouvé des valeurs de réactivité de la FC inférieures à celles
mesurées dans la condition NuitAS (Hall et al. 2016). Les auteurs avaient également comparé la
réactivité de la FC entre la phase d’alarme et de mobilisation de jour et de nuit et n’avaient
observé aucune différence significative. Dans notre étude, l’augmentation de la réactivité de la
FC la condition NuitAS était due à une FC pré-alarme significativement plus faible en
comparaison de la condition JourAS ; la FC pic n'était quant à elle pas différente entre les
conditions diurnes et nocturnes. Il est bien établi que la FC de repos suit des variations
circadiennes, et les valeurs les plus faibles sont obtenues entre 01h00 et 02h00 (Harma et al.
1982), comme le révèle notre étude. De plus, les participants étaient endormis dans la condition
de nuit contrairement à la condition de jour. Cela pourrait également avoir influencé la FC de
repos, qui est plus faible lorsqu'une personne dort (Viola et al. 2002). Enfin, la phase d’alarme
et de mobilisation a entraîné une augmentation de la PA systolique pré-intervention par rapport
aux valeurs de repos, sans différence entre les conditions NuitAS et JourAS. L'augmentation
significative de la FC et de la PA systolique pré-intervention étaient conformes à la réaction de
préparation au combat ou à la fuite des sapeurs-pompiers durant la phase d’alarme et de
mobilisation décrite dans des études antérieures (Hall et al. 2016; Smith et al. 2016).
Deuxièmement, en ce qui concerne l'intervention simulée, nos résultats n'ont révélé aucune
différence entre les conditions NuitAS et JourAS au regard des performances, de la FC d’exercice
et de la PA. Comme le montre le Tableau 15, selon la condition, la FC moyenne variait entre
85% et 86% de la FCmax et la FC pic se situait entre 90% et 91% de la FCmax. Ces résultats sont
similaires à ceux rapportés par des études précédentes avec des activités de lutte contre
l'incendie (Williams-Bell et al. 2009; Windisch et al. 2017a; Marcel-Millet et al. 2018). De plus,
l'augmentation de la PA systolique pendant l'intervention (Figure 20) était plus élevée dans
notre étude que dans une étude précédente (Horn et al. 2011). Cependant, dans cette précédente
étude, l’intervention simulee était plus longue (18 minutes) et comprenait des périodes de repos,
ce qui a pu diminuer la PA systolique et ainsi expliquer la différence avec les résultats de la
présente étude. Les FC et PA rapportés dans notre étude révèlent que l'intervention simulée
était un exercice difficile. Par ailleurs, à notre connaissance, notre étude est la première à
comparer, chez les sapeurs-pompiers, des interventions simulées de jour et de nuit. Bien que
les résultats des études menées avec des sujets sains soient parfois en contradiction, plusieurs
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
149
études antérieures n'ont révélé aucun effet du rythme circadien sur les performances physiques
ou les réponses physiologiques (VO2, FC) pendant des exercices sous-maximaux (Reilly and
Brooks 1982; Deschenes et al. 1998) ou maximaux (Deschenes et al. 1998). De plus, il a été
montre qu’un entraînement régulier à des moments précis de la journée peut permettre de
limiter les variations de performances entre le soir et le matin (Chtourou and Souissi 2012).
Parce que leurs périodes de travail s’etendent sur 24 heures, les sapeurs-pompiers doivent faire
face à des interventions à toute heure du jour ou de la nuit. Par conséquent, cet entrainement
régulier pourrait les aider à être autant performant la nuit que le jour. De plus, les activités de
lutte contre l'incendie sont a l’origine d’un stress physique et d’un stress psychologique
(Robinson et al. 2013). En réponse à une situation stressante, l'axe HPA provoque la libération
de cortisol, ce qui permet au corps d'être en état d'alerte élevé et qui peut améliorer la réponse
physique en cas d'urgence. La production de cortisol suit une rythmicité circadienne, mais elle
comprend également une réponse adaptative au stress aigu que subissent les pompiers avant les
interventions simulées (Robinson et al. 2013) ou pendant la phase d’alarme et de mobilisation
(Jay et al. 2019). Dans notre étude, pour les conditions NuitAS et JourAS, pendant la phase
d’alarme et de mobilisation, la FC pic et les niveaux d’anxiete somatique étaient similaires
(Tableau 16). Ces résultats révèlent que les sapeurs-pompiers étaient dans une situation de
stress physique et psychologique similaire entre les interventions de jour et de nuit. Bien que
les concentrations en cortisol n'aient pas été mesurées dans notre étude, sa production en
réponse au stress aigu peut avoir aidé les sapeurs-pompiers à être autant performant de nuit que
de jour.
Troisièmement, cette étude visait à étudier la réactivation parasympathique cardiaque après une
intervention de lutte contre les incendies réalisée de nuit et de jour. Dans notre première
expérimentation, nous avons étudié la réactivation parasympathique cardiaque après des
activités de lutte contre l'incendie (étude n°1), mais à notre connaissance, aucune étude ne l'avait
évalué la nuit. Dans cette étude, les indices de la réactivation parasympathique cardiaque étaient
supérieurs à ceux que nous avions observés précédemment (FCR60s, lnRMSSD), ce qui suggère
une meilleure réactivation parasympathique cardiaque dans la présente étude. Cette différence
pourrait être due à la durée de l'exercice, qui était plus longue dans l'étude précédente que dans
cette étude (13,4 ± 2,1 vs 4,2 ± 0,6 minutes). En effet, des recherches antérieures avaient montré
qu'une durée d'exercice plus longue pouvait diminuer les indices de VFC post-exercice
(Michael et al. 2017b). Néanmoins, malgré la courte durée de l'intervention dans notre étude,
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
150
les valeurs des indices de la réactivation parasympathique sont similaires à celles observées
après des exercices sportifs de haute intensité (Buchheit et al. 2007a; Nakamura et al. 2009).
De plus, alors que l'intensité et la durée étaient similaires entre les interventions de nuit et de
jour, l'activité parasympathique cardiaque post-exercice était plus faible dans la condition
NuitAS que dans la condition JourAS. Seules quelques études avaient étudié l'effet du moment
de la journée sur la récupération aiguë post-exercice, avec des résultats contradictoires.
Certaines ont rapporté une FCR inférieure après un exercice réalisé le soir en comparaison d’un
exercice réalisé le matin chez les sujets sains (Cohen and Muehl 1977). Cependant, d'autres
études n'ont trouvé aucune différence dans la récupération aiguë après un exercice réalisé le
matin et le soir (Harma et al. 1982; Prodel et al. 2017). Une concentration plus élevée en lactates
sanguin post-exercice pourrait être une explication possible à cette diminution de la réactivation
parasympathique la nuit. Des études antérieures avaient observé une variation circadienne des
concentrations en lactate sanguin après des exercices d’intensite similaire (Baxter and Reilly
1983; Deschenes et al. 1998). Or il a été montré que la concentration en lactate sanguin était
associée à la réactivation parasympathique cardiaque (Buchheit et al. 2007a). Il a également été
montré que la contribution aérobie durant un test Wingate était plus faible le matin que l'après-
midi (Souissi et al. 2007). Une faible activité parasympathique cardiaque post-exercice étant
associée à un risque accru de décès (Cole et al. 1999; Lahiri et al. 2008), la réactivation
parasympathique altérée post-intervention de lutte contre les incendies pourrait être l'une des
causes du risque accru de décès des sapeurs-pompiers dans la phase post-intervention (Kales et
al. 2003).
La modification du signal d'alarme la nuit par une alarme sur vibreur, qui permet une alarme
plus douce que l'alarme sonore, a permis de diminuer le stress cardiaque pendant la phase
d’alarme et de mobilisation. En effet, entre les conditions NuitAS et NuitAV, la FC pré-alarme
était similaire mais la FC pic et la réactivité de la FC étaient plus faibles dans la condition
NuitAV que dans la condition NuitAS. Des résultats similaires avaient été observés dans une
étude précédente, qui avait montré une réactivité de la FC plus faible lorsque les participants
étaient gentiment réveillés par les expérimentateurs en comparaison d'un signal d'alarme sonore
(Hall et al. 2016). Cependant, dans cette dernière étude, les auteurs avaient modifié le signal
d'alarme (réveil par les expérimentateurs) mais également la mobilisation subséquente, ce qui
a impliqué une diminution de l’effort physique durant la mobilisation. Néanmoins, on peut
considérer que l'augmentation significative de la FC pendant la phase d’alarme et de
mobilisation est due à la fois a l’activite physique de la mobilisation mais également au stress
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
151
de l'alarme (Hall et al. 2016). En effet, le stress lié au signal d'alarme semble contribuer de
manière significative à la réponse de la FC, comme montré précédemment dans une étude
menée sur des ambulanciers (Karlsson et al. 2011). Par conséquent, les résultats de cette étude
revèlent qu’un changement du signal d'alarme la nuit semble suffisant pour diminuer le stress
cardiaque lié à cette alarme. De plus, aucune différence n'a été observée entre les conditions
NuitAS et NuitAV pour tous les autres paramètres, tels que la performance, la FC d’exercice et
les indices de réactivation parasympathique cardiaque. Le déclenchement de l'alarme entraîne
une réaction de préparation au combat ou à la fuite avec une activation sympathique importante
(Smith et al. 2016) et une augmentation significative du risque de décès (Kales et al. 2003).
Dans ce contexte, il serait très intéressant pour les services de secours de fournir aux sapeurs-
pompiers un signal d'alarme modifié, sur vibreur, ce qui pourrait diminuer leur stress cardiaque
lors de la phase d’alarme et de mobilisation.
Enfin, en ce qui concerne les mesures psychologiques, le niveau de somnolence pré-
intervention était plus élevé dans la condition NuitAS que dans la condition JourAS. De plus,
l’evolution de la somnolence est egalement differente entre les deux conditions : en
comparaison des valeurs de repos, la somnolence pré-intervention a augmenté dans la condition
de nuit, mais pas dans la condition de jour (Tableau 16). Ces résultats sont en accord avec les
résultats d'études antérieures qui indiquaient que la somnolence suivait une rythmicité
circadienne, avec un pic de somnolence entre 03h00 et 07h00 (Valdez 2019). Cette variation
circadienne de la somnolence pourrait être liée à la sécrétion de mélatonine, qui augmente
pendant la nuit (Kazemi et al. 2018). La restriction du sommeil générée par l'intervention
pourrait également être une seconde explication possible de l'augmentation de la somnolence
(Philip et al. 2012). De plus, nous n'avons observé aucune différence de somnolence entre les
conditions NuitAS et NuitAV. Ce dernier résultat est en accord avec l'étude de Jay et al. (2019),
qui a montré qu’un réveil moins brutal ne modifiait pas la somnolence des participants après le
réveil. Ce sont des observations importantes dans un contexte où les sapeurs-pompiers doivent
se « mobiliser », conduire et prendre des décisions juste après le réveil (Jay et al. 2019).
Par ailleurs, nous pouvons observer une différence significative dans la confiance en soi pré-
intervention entre les conditions NuitAS et JourAS. En comparaison des mesures de repos, le
niveau de confiance en soi des participants a diminué pour l’intervention de nuit mais pas pour
celle de jour (Tableau 16). Dans le domaine du sport, une relation linéaire positive entre la
confiance en soi et la performance sportive a été révélé précédemment (Woodman and Hardy
2003). Cependant, d'autres facteurs peuvent modérer cette relation, tels que le sexe et les
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
152
niveaux de compétition (Woodman and Hardy 2003), ce qui peut expliquer l’absence de
différence dans notre étude entre les performances diurnes et nocturnes des sapeurs-pompiers
alors que les niveaux de confiance en soi étaient plus faibles la nuit. Néanmoins, il est important
pour les sapeurs-pompiers de prendre en considération cette baisse de confiance en soi, car ils
peuvent être confrontés à des situations très difficiles mentalement et physiquement durant ce
type d’intervention.
En ce qui concerne l'anxiété, l'anxiété somatique était plus élevée lors des mesures pré-
intervention que lors des mesures de repos, pour les conditions de jour et de nuit, sans différence
entre les conditions. L'anxiété somatique a été définie comme « les éléments physiologiques et
affectifs de l'expérience anxieuse qui se développent directement à partir de l'excitation
autonome » (p.6) (Martens et al. 1990). Par conséquent, l'augmentation de l'anxiété somatique
observée dans notre étude n'était pas surprenante, avec l'activation du système nerveux
sympathique pendant la phase d’alarme et de mobilisation, telle que mesurée par l'augmentation
de la FC et avec l'activation probable de l'axe HPA qui a été mesurée dans des études
précédentes (Robinson et al. 2013; Hall et al. 2016). Cependant, aucune différence n'a été
trouvée pour l'anxiété cognitive, qui a été définie par Martens et al. (1990) comme « la
composante mentale de l'anxiété qui est causée par des prévision de succès négatives ou par
une auto-évaluation négative » (p.6). Dans notre étude, les participants connaissaient bien
l'intervention simulée, car elle fait partie de leur formation professionnelle continue. Par
conséquent, ils n'avaient aucun doute sur leur capacité à la réaliser. Cependant, il semble
raisonnable de supposer que durant les interventions réelles, lorsque les sapeurs-pompiers sont
confrontés à des situations imprévisibles et pouvant impliquer des urgences vitales, leur niveau
d'anxiété cognitive puisse augmenter. Néanmoins, l'augmentation du niveau d'anxiété
somatique observée dans cette étude est déjà un résultat important car il a été démontré qu'il
existe une relation entre l'anxiété somatique et la performance sportive (Martens et al. 1990).
L'augmentation de l'anxiété représente également une préoccupation importante pour la santé
des sapeurs-pompiers, qui sont considérablement touchés par les maladies coronariennes
(Smith et al. 2016). Or, il a été démontré que l'anxiété peut augmenter le risque de maladies
coronariennes (Kubzansky et al. 1998). Des études supplémentaires seraient donc nécessaires
afin de déterminer si la performance et la santé des sapeurs-pompiers sont liées à leur anxiété
ou confiance en soi.
3.1.5 Conclusion
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
153
En conclusion, nous avons pu observer que le stress cardiaque des sapeurs-pompiers en réponse
au signal d'alarme était plus important la nuit que la journée. De plus, la réactivation
parasympathique cardiaque post-intervention était plus altérée après l’intervention de nuit que
de jour. Enfin, la nuit, la somnolence des sapeurs-pompiers est plus importante et leur confiance
en eux est inférieure en comparaison des interventions réalisées la journée. Néanmoins, les
sapeurs-pompiers ont été tout autant performants durant l'intervention simulée de nuit que de
jour, avec une durée de réalisation et des FC d’exercice similaires entre les deux conditions.
L'utilisation d'un vibreur comme signal d'alarme durant la nuit a diminué le stress cardiaque des
sapeurs-pompiers tout au long de la phase d’alarme et de mobilisation, sans influencer ni leurs
performances ultérieures, ni leur récupération parasympathique cardiaque et ni leurs réponses
psychologiques.
En ce qui concerne les applications pratiques de cette étude, les SDIS devraient envisager de
mettre en œuvre des strategies afin d’améliorer la réactivation parasympathique après les
interventions de lutte contre les incendies, en particulier la nuit, lorsque les perturbations post-
exercice sont importantes. L'immersion des mains et des avant-bras a été proposée comme
stratégie de refroidissement efficace et utilisable en conditions écologiques afin de réduire le
stress physiologique des sapeurs-pompiers (Barr et al. 2011).
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
154
3.2 Étude n°5 : Effet d’une nuit de garde avec et sans intervention sur l’activite
autonome cardiaque nocturne et la qualité du sommeil des sapeurs-pompiers
3.2.1 Introduction
Le stress psychophysiologique auquel sont confrontés les sapeurs-pompiers durant les
interventions de lutte contre les incendies peut se prolonger après l’arrêt de l’intervention et
l’augmentation du risque de decès perdure durant plusieurs heures (Kales et al. 2003, 2007).
Ainsi, il semble essentiel de poursuivre l’investigation des réponses psychophysiologiques des
sapeurs-pompiers au-delà de la phase aiguë dans la récupération, dans une phase plus différée,
comme durant les nuits de garde par exemple.
Lorsqu’ils sont de garde la nuit, les sapeurs-pompiers ont la possibilité de dormir, avec
l’eventualite d’un reveil a tout moment pour partir en intervention. Il s’agit d’une pratique
courante chez les sapeurs-pompiers, pour qui, la répartition des interventions s'étend sur 24
heures. Cependant, ce rythme de travail peut avoir une influence négative sur l’hygiène du
sommeil, la santé mentale et la qualité de vie des travailleurs (Nicol and Botterill 2004).
L’activite autonome cardiaque nocturne ainsi que la qualite objective et subjective du sommeil
sont des paramètres susceptibles d’apporter des informations importantes sur la qualite des nuits
de garde des sapeurs-pompiers.
L'analyse de la VFC nocturne semble être une méthodologie appropriée pour évaluer la
modulation autonome cardiaque durant le sommeil (Pichot et al. 2000; Brandenberger et al.
2005; Hynynen et al. 2010, 2011; Myllymäki et al. 2011, 2012; Thomas et al. 2020). Cependant,
à notre connaissance, la VFC nocturne n'a jamais été étudiée chez les sapeurs-pompiers. Une
étude menée auprès d'ingénieurs de la marine a révélé qu’en raison d’une anxiete accrue, la FC
nocturne était plus élevée les nuits où les travailleurs pouvaient être appelés dans le cadre de
leur travail (Torsvall and Åkerstedt 1988). Par ailleurs, des études menées dans le domaine du
sport ont rapporté une augmentation de la FC nocturne, due a la realisation d’un exercice
physique intense tard dans la soirée (Hynynen et al. 2010; Myllymäki et al. 2012; Thomas et
al. 2020). Par conséquent, durant leurs gardes, les sapeurs-pompiers sont confrontés à deux
facteurs qui peuvent potentiellement affecter leur fonction autonome cardiaque nocturne : tout
d’abord, l'anxiété qui résulte de la journée de travail et/ou de l’anticipation d’un potentiel appel
durant le sommeil (Paterson et al. 2016) ensuite, l'activité physique intense qui peut survenir à
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
155
tout moment du jour ou de la nuit, en raison d’une intervention de lutte contre les incendies
(Kales et al. 2003).
Par ailleurs, le sommeil est un autre paramètre pouvant potentiellement être perturbé chez le
sapeur-pompier. Des études menées avec des ingénieurs de la marine et des internes en
médecine ont montré que la qualité du sommeil était diminuée durant les nuits de garde en
comparaison des nuits contrôles (Torsvall et al. 1987; Torsvall and Åkerstedt 1988; Richardson
et al. 1996; Arora et al. 2008; Wuyts et al. 2012). Ces recherches ont montré que lorsque la
période de sommeil est entrecoupée par des périodes de travail, la quantité et la qualité du
sommeil diminuent (Torsvall et al. 1987; Torsvall and Åkerstedt 1988; Arora et al. 2008). De
plus, le stress psychologique potentiel, provoque par le fait d’être de garde, pourrait être un
facteur supplémentaire pouvant affecter la qualité du sommeil (Torsvall and Åkerstedt 1988;
Richardson et al. 1996; Wuyts et al. 2012). Cependant, à notre connaissance, aucune étude de
laboratoire ou de terrain n'a été menée avec des sapeurs-pompiers. Des études antérieures
menées dans le domaine du sport ont montré que la realisation d’un exercice physique avant le
coucher pouvait diminuer la qualité du sommeil subséquent en affectant la durée
d’endormissement et de sommeil lent (sommeil lent léger et sommeil lent profond) (Torsvall et
al. 1984; Driver et al. 1988; Oda and Shirakawa 2014). Par conséquent, nous pouvons
également supposer que la réalisation d'une intervention de lutte contre l'incendie en soirée ou
la nuit peut perturber la qualité du sommeil des sapeurs-pompiers de garde.
La polysomnographie représente la mesure de référence pour évaluer la qualité du sommeil
(l'architecture du sommeil, l'efficacité du sommeil, etc.). Cependant, sa complexité et sa mise
en place encombrante rendent son utilisation sur le terrain très difficile, notamment si l’on
souhaite réaliser des observations lors des nuits de garde. Les progrès technologiques ont
notamment permis le développement de t-shirt biométriques, qui permettent la mesure de
différentes variables physiologiques et biomécaniques (Elliot et al. 2019). Récemment, il a été
montré que l'analyse de différentes variables durant le sommeil, telles que la FC, la FR et les
mouvements, enregistrées à partir de t-shirts biométriques, permettait d’obtenir des donnees
valides sur la qualité du sommeil, en comparaison de mesures de polysomnographie (Pion‐
Massicotte et al. 2019).
Bien que les sapeurs-pompiers puissent faire face à un stress au travail important et que ce stress
puisse potentiellement affecter la qualité de leur sommeil, cela n'a encore jamais été étudié. Par
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
156
conséquent, l’objectif de cette étude était de comparer, chez les sapeurs-pompiers, la VFC
nocturne et la qualité subjective et objective du sommeil entre une nuit contrôle (à domicile) et
deux nuits de garde sur leur lieu de travail, avec et sans intervention. Sur la base d'études
antérieures menées dans d'autres activités professionnelles, nous avons émis l'hypothèse que le
fait d’être de garde sans intervention perturberait la fonction autonome nocturne et la qualité du
sommeil. Nous avons également émis l'hypothèse qu’une intervention de lutte contre les
incendies de nuit perturberait davantage la fonction autonome nocturne et la qualité du sommeil
des sapeurs-pompiers.
3.2.2 Méthodologie
Participants
Sur les 16 participants presentes dans l’etude precedente, l’etude n° 4, trois n’ont pu realiser le
protocole entièrement (au moins une des trois nuits expérimentales était manquante). Par
conséquent, 13 hommes, sapeurs-pompiers professionnels ont participé à cette étude (âge : 36,3
± 6,2 ans ; taille : 175,2 ± 6,9 cm; poids: 73,7 ± 9,4 kg; IMC: 23,9 ± 1,7 kg/m2).
Protocole expérimental
L'étude a utilisé une conception croisée randomisée pour déterminer les effets d’une nuit de
garde avec et sans interventions sur l'activité autonome cardiaque des sapeurs-pompiers, la
qualité subjective et objective du sommeil. Le protocole expérimental consistait en une
rencontre individuelle avec chaque participant et trois sessions expérimentales. Avant les
sessions expérimentales, au cours de la rencontre individuelle, les procédures ont été expliquées
en détail et les participants ont testé le t-shirt biometrique utilise dans l’etude. Ensuite, tous les
participants ont réalisé trois conditions expérimentales dans un ordre aléatoire. Les trois
conditions expérimentales étaient les suivantes : une nuit contrôle au domicile des participants
et deux nuits de garde à la caserne, une sans intervention et une avec intervention. Durant la
condition contrôle, les participants devaient maintenir leurs activités habituelles pendant la
journée et le soir, sans activité physique intense, sans consommation d'alcool et ils devaient
conserver leur mode de vie, leur durée de sommeil et leur environnement habituel en soirée. De
plus, les participants n'étaient pas autorisés à effectuer la nuit contrôle, ni la veille ni le
lendemain d’une garde, afin d'éviter toute interférence avec la fatigue et le stress liés au travail.
Les participants devaient confirmer que la nuit contrôle s'était déroulée dans de bonnes
conditions. Ainsi, pour deux participants qui ont eu des perturbations atypiques (réveils
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
157
inhabituels causés par le mauvais temps ou par leurs enfants) les mesures ont été reportées à
une autre nuit. Les nuits de garde ont été analysées durant les gardes de 24 heures que les
participants réalisaient. Ces gardes débutent et se terminent à 07h00. Pour les deux conditions
de garde, tout a été fait pour permettre une incertitude maximale, comme dans les conditions
réelles. L'étude a été réalisée sur le lieu de travail des participants et faisait partie de leurs
activités professionnelles habituelles. Les participants pouvaient être appelés soit pour une
intervention simulée, soit pour des interventions réelles. Si les participants ont effectué des
interventions fatigantes (interventions de lutte contre les incendies) la journée, les mesures de
nuit étaient reportées sur une garde ultérieure. La condition nuit de garde sans intervention était
considérée comme valide si les sapeurs-pompiers n'avaient aucune intervention entre le coucher
et le réveil. Lors de la condition nuit de garde avec une intervention, nous avons utilisé
l’intervention simulee decrite dans l’etude n°4. L’utilisation d’une intervention simulee nous a
permis de contrôler l’heure du reveil, la duree et le type d’exercice que les sapeurs-pompiers
ont réalisé. Dans cette condition expérimentale, les participants ont été réveillés pour effectuer
l'intervention simulée environ 96 ± 36 minutes après le coucher. Une fois l'intervention simulée
terminée, les participants sont retournés se coucher, pour terminer la nuit, tout en étant
disponibles pour d'autres interventions, réelles. Lors des interventions simulées, les sapeurs-
pompiers étaient temporairement retirés de la garde, afin de pouvoir réaliser le protocole
entièrement sans risque d'être envoyé sur des interventions réelles. Le reste du temps, ils étaient
disponibles comme habituellement, pour des interventions réelles le cas échéant. La condition
nuit de garde avec une intervention était considérée comme valide si les sapeurs-pompiers
n'avaient aucune autre intervention que l’intervention simulee durant la nuit. Pour les trois
conditions expérimentales, les participants devaient s'abstenir de consommer de la caféine 3
heures avant les mesures et de réaliser des exercices à haute intensité ou de consommer de
l'alcool dans les 24 heures qui ont précédé les mesures.
Mesures
Le t-shirt Hexoskin
Comme déjà décrit dans les quatre premières études, le t-shirt biométrique utilisé dans cette
étude était le t-shirt Hexoskin Hexoskin® Carre Technologies Inc., Montreal, QC, Canada). Ce
t-shirt permet l’enregistrement en continu d’un ECG, de la FR et des mouvements (Elliot et al.
2019). Récemment, le t-shirt Hexoskin a été validé pour évaluer le sommeil en comparaison
d’une mesure de polysomnographie (Pion‐Massicotte et al. 2019). La duree d’endormissement,
la durée totale du sommeil et l'efficacité du sommeil fournies par le t-shirt Hexoskin étaient
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
158
significativement corrélées et non significativement différentes des mesures de
polysomnographie.
La FC d’exercice et les mesures perceptives durant l’intervention simulée
Pour l’intervention simulee durant la nuit de garde avec une intervention, les paramètres retenus
pour cette étude étaient les suivants : la duree de realisation de l’intervention, la FC moyenne
et pic d’exercice ainsi que le RPE. Les modalites d’enregistrement de ces paramètres sont
detaillees dans la partie methodologie de l’etude n°4. Dans la presente etude, la FC moyenne et
pic était exprimée en pourcentage de la FCmax estimee, basee sur l’equation de Fox (Fox 3rd et
al. 1971) : FCmax = 220-âge.
L’activité autonome cardiaque nocturne
Les intervalles RR ont été analysés à l'aide du logiciel Kubios (Kubios HRV Analysis v3.0; Bio
‐ signal Analysis and Medical Imaging Group au Department of Applied Physics, University
of Kuopio, Kuopio, Finland), et le signal a été corrigé automatiquement à l'aide du niveau de
correction moyen du logiciel. Les variables analysées étaient les suivantes : la FC, l’intervalle
RR moyen (mRR), le SDNN, le RMSSD, le SD1, et SD2. Tous ces indices sont des indices
permettant d’evaluer la fonction autonome cardiaque. Le RMSSD et le SD1 reflètent l’activite
parasympathique cardiaque alors que la FC, le mRR, le SDNN et le SD2 reflètent à la fois
l’activite sympathique et parasympathique cardiaque.
L'activité autonome cardiaque nocturne a été évaluée heure par heure sur une période de 3
heures qui a débuté 30 minutes après le coucher. Dans la condition de garde avec une
intervention, l'analyse a été effectuée sur la période de sommeil qui a suivi l'intervention
simulée. L'analyse heure par heure avait été utilisée dans des études précédentes et cette période
de 3 heures a été sélectionnée afin d’avoir une période de temps égale pour chaque participant
dans les trois conditions expérimentales et afin de minimiser les effets des différentes durées
d’endormissement, comme précédemment recommandé (Pichot et al. 2000; Hynynen et al.
2010; Myllymäki et al. 2012).
La qualité du sommeil
Les participants ont dû enregistrer les heures de coucher et de lever afin de calculer le temps
passé au lit pour chaque condition expérimentale. Pour la nuit de garde avec une intervention,
le temps passé au lit comprenait l'addition du temps passé au lit avant et du temps passé au lit
après l'intervention simulée.
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
159
Les indices de qualité du sommeil Hexoskin ont été fourni par le tableau de bord Hexoskin
(my.hexoskin.com © 2019 Carré Technologies, Inc.). Trois indices de la qualité du sommeil
Hexoskin ont été utilisés dans cette étude : le temps de sommeil total (en minutes), le temps
d’endormissement (en minutes) et l'efficacité du sommeil (le pourcentage de temps de sommeil
sur la période de sommeil totale, en %). Ces trois indices Hexoskin ont été choisis car ils ont
été validés, n’etant pas différents et étant significativement corrélés avec les valeurs obtenues
par polysomnographie (Pion‐Massicotte et al. 2019).
La qualité subjective du sommeil a été évaluée à l'aide du Spiegel Sleep Quality Perception
Questionnaire (Spiegel 1984). Au réveil, les participants ont répondu à six questions qui
incluaient la durée du sommeil, la duree d’endormissement, la qualité du sommeil, les réveils
nocturnes, les rêves et l'état de forme au réveil. Pour chaque élément, les scores variaient de 0
à 5 et le score total déterminait la qualité subjective du sommeil (plus le score était élevé,
meilleure était la qualité du sommeil).
Analyse statistique
Toutes les données sont exprimées sous forme de moyenne ± ET. Toutes les données collectées
ont été analysées à partir du logiciel XLSTAT 2013 (Addinsoft SARL, Paris, France). La
normalite de l’echantillon de donnees a ete verifiee avec le test de Shapiro-Wilk. L’egalite de
variance entre les échantillons a été vérifiée avec le test de Barlett. Une ANOVA à mesures
répétées à deux facteurs, avec le facteur condition et le facteur temps a été utilisée afin
d’examiner les changements dans les indices de l’activité autonome cardiaque nocturne. Les
différences pour les paramètres de la qualité du sommeil ont été analysées à l'aide d’une
ANOVA à mesures répétées à un facteur si les données étaient normalement distribuées, ou à
l'aide des tests de Friedman si les données n'étaient pas normalement distribuées. Lorsque le
resultat de l’ANOVA etait significatif, le test post-hoc de Fisher était appliqué. La procédure
de Nemenyi a été utilisée lorsque l'hypothèse nulle était rejetée par le test de Friedman. La
signification statistique a été fixée à p <0,05.
3.2.3 Résultats
L’intervention simulée de lutte contre les incendies
La durée moyenne de l'intervention simulée était de 4,2 ± 0,9 minutes et la FC moyenne et pic
était respectivement de 87,3 ± 4,2 % et 91,6 ± 4,1 % de la FCmax. Le RPE moyen était de 7,9 ±
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
160
2,4, ce qui correspond à un effort « très difficile ». La durée moyenne entre le réveil et le coucher
après l'intervention simulée était de 37 ± 13 minutes.
L’activité autonome cardiaque nocturne
Un sujet a ete exclu de l’analyse autonome cardiaque et de l'analyse de la qualité du sommeil
car la collecte des données a échoué dans l’une des conditions. Les indices nocturnes de VFC
et FC sont présentés, heure par heure, dans le Tableau 17. Un effet significatif pour le facteur
condition a été trouvé pour la FC, le mRR, le RMSSD et le SD1 (p <0,001). Une tendance était
observée pour le SDNN (p = 0,074). Les comparaisons post-hoc pour les valeurs moyennes des
trois heures pour la FC, le RMSSD, le mRR et le SD1, pour chaque condition, sont présentées
dans la Figure 21. Un effet significatif pour le facteur temps n'a été trouvé que pour le SDNN
(p <0,001), la troisième heure étant supérieure à la première heure (p <0,05). Aucun effet
condition * temps n'a été trouvé parmi les paramètres de VFC.
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
161
Tableau 17. FC et indices de VFC présentés heure par heure pour les trois conditions
expérimentales
1 H 2 H 3 H Effet
condition
Effet
temps
Effet
condition
* temps
mRR
(ms)
Contrôle 1201,3 ± 187,5 1199,3 ± 180,2 1220,0 ± 177,5
p = 0,000 p = 0,265 p = 0,969 Garde sans
intervention 1103,5 ± 184,2 1100,9 ± 177,2 1139,7 ± 153,8
Garde avec une
intervention 1104,5 ± 178,8 1131,1 ± 111,1 1156,0 ± 157,4
FC
(bpm)
Contrôle 51,6 ± 7,0 51,7 ± 7,1 50,8 ± 7,0
p = 0,000 p = 0,240 p = 0,880 Garde sans
intervention 56,6 ± 9,0 56,7 ± 9,4 54,3 ± 6,9
Garde avec une
intervention 56,1 ± 8,1 54,2 ± 5,4 53,8 ± 7,3
RMSSD
(ms)
Contrôle 74,2 ± 29,2 68,4 ± 26,9 71,2 ± 27,9
p < 0,0001 p = 0,327 p = 0,299 Garde sans
intervention 56,9 ± 23,5 59,4 ± 23,3 61,7 ± 25,9
Garde avec une
intervention 53,9 ± 21,8 61,1 ± 23,7 64,8 ± 25,8
SDNN
(ms)
Contrôle 103,1 ± 32,7 98,3 ± 31,3 107,2 ± 31,6
p = 0,074 p = 0,001 p = 0,218 Garde sans
intervention 86,7 ± 29,1 92,1 ± 23,3 110,4 ± 43,1
Garde avec une
intervention 78,2 ± 26,1 95,5 ± 22,1 102,4 ± 37,8
SD1
(ms)
Contrôle 52,5 ± 20,7 48,4 ± 19,0 50,3 ± 19,7
p < 0,0001 p = 0,327 p = 0,299 Garde sans
intervention 40,2 ± 16,6 42,0 ± 16,4 43,7 ± 18,3
Garde avec une
intervention 38,1 ± 15,4 43,2 ± 16,8 45,9 ± 18,3
SD2
(ms)
Contrôle 166,4 ± 59,8 163,2 ± 50,3 173,1 ± 49,6
p = 0,515 p = 0,075 p = 0,766 Garde sans
intervention 156,3 ± 59,8 156,7 ± 46,4 171,3 ± 58,5
Garde avec une
intervention 142,2 ± 53,2 150,9 ± 33,4 178,1 ± 71,9
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
162
Figure 21. FC nocturne, mRR, RMSSD et SD1 moyens des trois premières heures analysées
pour les trois conditions expérimentales. * indique p <0,05, ** indique p <0,01.
La qualité du sommeil
Les variables de la qualité du sommeil sont présentées dans le Tableau 18. Les heures de
coucher n'étaient pas significativement différentes entre les trois conditions expérimentales,
mais l’heure du réveil était retardée dans la condition contrôle en comparaison des nuits de
garde avec et sans intervention (+ 60,0 minutes, p <0,01 et + 44,0 minutes, p <0,05,
respectivement). Le temps de sommeil total était plus faible dans la nuit de garde avec une
intervention en comparaison de la nuit de garde sans intervention (-118,0 min, p <0,05) et en
comparaison de la nuit contrôle (-150,7 min, p <0,001). La qualité subjective du sommeil,
évaluée à partir du questionnaire de Spiegel, était plus faible lors de la nuit de garde avec une
intervention en comparaison de la nuit contrôle (-19,4%, p <0,01).
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
163
Tableau 18. Ensemble des indices de la qualité du sommeil pour les trois conditions
expérimentales
Contrôle Garde sans
intervention
Garde avec une
intervention
Variables du sommeil
Heure de couché n°1 (h:min) 23h02 ± 00h54 23h09 ± 00h41 23h24 ± 00h28
Heure de couché n°2 (h:min) - - 01h37 ± 00h34
Heure de réveil (h:min) 07h38 ± 00h55 06h54 ± 00h33* 06h38 ± 00h26**
Temps passé au lit (h:min) 08h36 ± 01h18 07h45 ± 00h53# 06h58 ± 00h58*
Indices de qualité du sommeil Hexoskin
Total sleep time (min) 432.2 ± 73.4 399.5 ± 58.2# 281.5 ± 67.4***
Sleep onset latency (min) 16.0 ± 20.2 22.5 ± 12.7 26.2 ± 30.4
Sleep efficiency (%) 93.2 ± 4.2 91.5 ± 3.7 88.7 ± 10.8
Qualité du sommeil subjective
Score de Spiegel (/30) 22.7 ± 1.8 21.0 ± 2.9 18.3 ± 2.1**
# Indique p <0,05 par rapport à garde avec une intervention ; * indique p <0,05, ** indique p
<0,01 et *** indique p <0,001 par rapport à la condition contrôle.
3.2.4 Discussion
La présente étude visait à examiner les effets d’une nuit de garde avec et sans intervention sur
l'activité autonome cardiaque nocturne ainsi que sur la qualité du sommeil des sapeurs-
pompiers. Les méthodes utilisées étaient non invasives et ont donc permis pour la première fois
d’investiguer le sommeil des sapeurs-pompiers en condition écologique. Les résultats ont
montré que les deux conditions de garde, avec et sans intervention, affectaient la fonction
autonome cardiaque durant le sommeil. Cependant, seule la nuit de garde avec une intervention
a affecté la qualité du sommeil des sapeurs-pompiers (le temps de sommeil total mesuré par le
t-shirt Hexoskin et la qualité subjective du sommeil).
L’activité autonome cardiaque nocturne
Les résultats de cette étude ont révélé que le fait d'être de garde, même sans intervention, affecte
la fonction autonome cardiaque nocturne des sapeurs-pompiers en augmentant la FC et en
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
164
diminuant les RMSSD, SD1 et mRR (Tableau 17 et Figure 21). À notre connaissance, c’est la
première fois que l’activite autonome cardiaque des sapeurs-pompiers est étudiée pendant le
sommeil. Dans une étude menée avec des ingénieurs marins, Torsvall et Åkerstedt (1988) ont
montré que la FC était plus élevée durant les nuits de garde en comparaison des nuits contrôle.
Les auteurs ont émis l'hypothèse que le risque d’alarme provoque de l’apprehension chez les
travailleurs, ce qui augmente l'anxiété et la FC nocturne. De plus, les nuits de garde ont été
associées à une élévation du stress au moment du coucher chez les sapeurs-pompiers (Paterson
et al. 2016) et dans d'autres activités professionnelles (Torsvall and Åkerstedt 1988). Comme
décrit par Jay et al. (2016), le stress des nuits de garde peut provenir de différents facteurs,
comme l'anticipation d'un réveil potentiel à une heure inconnue, l'anxiété de manquer un appel
ou l'appréhension concernant la mission à effectuer. De plus, il a été démontré que l'anticipation
d'un réveil conduit à une libération anticipe d’ACTH (Born et al. 1999). Par conséquent, l'état
de stress des sapeurs-pompiers au moment du coucher peut avoir influencé l’eveil
physiologique mesurée dans la présente étude. Cet état physiologique est caractérisé par un
retrait parasympathique et/ou une prédominance sympathique comme mesurée par la FC et la
VFC (Task Force 1996; Goldberger et al. 2006; Thayer et al. 2010). Ainsi, pour les sapeurs-
pompiers, être de garde la nuit suscite une excitation physiologique et affecte leur homéostasie,
même lorsque les périodes de sommeil ne sont pas entrecoupées par des interventions. De plus,
nos résultats ont montré que le fait d'être de garde avec une intervention affecte également la
FC et la VFC nocturne en comparaison d’une nuit de contrôle au domicile. Cependant,
contrairement à notre hypothèse, une intervention intense effectuée au cours de la nuit de garde
n'a pas perturbé davantage la fonction autonome cardiaque en comparaison des nuits où les
sapeurs-pompiers n'avaient aucune intervention. En effet, il n'y avait pas de différences pour la
FC et la VFC nocturne entre les deux nuits de garde (avec et sans intervention), bien que
l'intervention simulée puisse être considérée comme difficile : la FC dépasse 90% de la FCmax
théorique et l'effort perçu par les sapeurs-pompiers était "très difficile". L’amplitude et la
vitesse de la récupération de l'équilibre sympathovagal semblent être liés aux paramètres
d'exercice (intensité, durée et modalité) (Seiler et al. 2007; Nakamura et al. 2016; Michael et
al. 2018; Ravier and Marcel-Millet 2020). Nous avions montre dans l’etude n°1 que la
réactivation parasympathique cardiaque était fortement perturbée après une intervention de
lutte contre les incendies (Marcel-Millet et al. 2018). Par conséquent, dans la présente étude,
nous nous attendions à observer une activité parasympathique réduite après l'intervention
simulée, au moins la première heure de la nuit. De plus, Myllymäki et al. (2012) ont montré
qu'un exercice vigoureux (FC> 75% de FCmax) peut influencer la fonction autonome cardiaque
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
165
de nuit, en augmentant la FC nocturne. Cependant, leur durée d'exercice était beaucoup plus
longue que la nôtre (30 minutes contre 4,2 minutes, respectivement) et dans leur étude, seule la
FC nocturne était influencée et non la VFC. D'autres recherches ont montré des résultats
similaires, avec une augmentation de la FC nocturne après un exercice à haute intensité, sans
modification de la VFC (Myllymäki et al. 2011; Thomas et al. 2020). Contrairement à un
exercice effectué durant la journée, lorsqu’un exercice est realisee avant le coucher, c’est la
durée plutôt que l'intensité de l'exercice qui semble avoir un impact significatif sur la VFC
nocturne (Myllymäki et al. 2012). Ce résultat était corroboré par une autre étude qui a révélé
une diminution de la VFC nocturne après un exercice à intensité modérée mais d'une durée de
50 minutes (Hynynen et al. 2010). Concernant les résultats de la présente étude, bien que
l'intervention simulée ait été vigoureuse, l'évolution de la VFC au cours de la nuit ne semble
pas être affectée par l'intervention nocturne (qui était de courte durée). Cependant, il est possible
que dans des situations réelles, le stress psychologique et / ou physiologique ait été
potentiellement plus élevé que dans la présente étude. Ainsi, bien que tout a été fait pour
reproduire l’intervention au plus près de la realite, il est possible que les résultats aient été
différents si l'intervention de lutte contre l'incendie n'avait pas été simulée.
La qualité du sommeil
Les résultats de cette étude ont montré que le temps passé au lit diminuait pendant la nuit de
garde avec une intervention en comparaison de la nuit contrôle et la nuit de garde sans
intervention (Tableau 18). Cette diminution s'est accompagnée d'une réduction de la durée
totale du sommeil mesurée par le t-shirt Hexoskin. Enfin, la condition de garde avec une
intervention était la seule à diminuer la qualité subjective du sommeil en comparaison de la nuit
contrôle. Ces résultats sont cohérents avec ceux d'études antérieures, qui ont également montré
une diminution de la qualité et de la quantité de sommeil, mesurée de manière objective et
subjective, lorsque les nuits de garde sont interrompues par des tâches professionnelles
(Torsvall et al. 1987; Torsvall and Åkerstedt 1988; Arora et al. 2008). Cependant, l'absence de
différence entre la nuit contrôle et la nuit de garde sans intervention pour les indices Hexoskin
et la qualité subjective du sommeil était inattendue. En effet, des recherches antérieures ont
montré que le fait d'être de garde perturbait la qualité du sommeil des ingénieurs marins et des
internes en médecine, même lorsque le sommeil n’etait pas interrompu par un appel (Torsvall
et al. 1987; Torsvall and Åkerstedt 1988; Richardson et al. 1996). Ces études ont observé une
diminution de la qualité subjective du sommeil, de la durée totale du sommeil et du sommeil
lent profond lors des gardes. Ces résultats ont été attribués à l'appréhension d'un sommeil
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
166
potentiellement perturbé par les travailleurs (Torsvall and Åkerstedt 1988). Une étude conduite
en laboratoire révèle des résultats similaires, en observant une perturbation de la qualité du
sommeil subjective et objective lorsque les participants s'attendaient à être appelés (Wuyts et
al. 2012). Dans cette étude, il est probable que les auteurs aient réussi à recréer un niveau
suffisant de stress et d'inquiétude au coucher pour perturber le sommeil. Il semblerait donc
qu'un faible niveau de stress ou d'inquiétude au moment du coucher puisse expliquer l'absence
de différence entre une nuit contrôle et une nuit de garde (Jay et al. 2016). Précédemment, une
étude qualitative rapportait que dans l’attente d’être appeles pour une intervention de nuit, les
sapeurs-pompiers australiens se sentaient inquiets et avaient donc un sommeil perturbé
(Paterson et al. 2016). Bien que l'anxiété n'ait pas été mesurée dans la présente étude, le fait que
nos participants aient été des sapeurs-pompiers professionnels avec une certaine expérience (~
19 ans) a pu influencer leurs niveaux d’anxiete au coucher et pourrait donc expliquer cette
absence de diminution de la qualité du sommeil lors des gardes sans interventions.
Les perturbations du sommeil observées durant la nuit de garde avec une intervention pourraient
également provenir de l'intensité de l'exercice physique effectué lors de l'intervention simulée
(Torsvall et al. 1984; Driver et al. 1988; Myllymäki et al. 2011). Cependant, cette hypothèse
semble peu probable dans le contexte de notre étude pour deux raisons : (1) nos résultats n'ont
révélé qu'un temps de sommeil total réduit mais aucune différence pour le temps
d’endormissement, comme observé précédemment (Oda and Shirakawa 2014); (2) d'autres
études n'ont montré aucun effet de l'activité physique sur la qualité du sommeil subséquent
(Myllymäki et al. 2012; Thomas et al. 2020). Par conséquent, la réduction du temps de sommeil
total et de la qualité subjective du sommeil observées dans cette étude résultent très
probablement uniquement de la réduction du temps passé au lit.
Limites
L'une des limites de cette étude est liée à la validité des résultats du t-shirt Hexoskin pour
l'évaluation de l’architecture du sommeil. En effet, les différences mesurées entre les nuits
contrôle et les nuits de garde dans les études précédentes ont été observées au niveau du
sommeil lent profond et du sommeil paradoxal (Torsvall and Åkerstedt 1988; Richardson et al.
1996; Wuyts et al. 2012). Cependant, bien que l'algorithme d’Hexoskin fournisse des
informations sur cette architecture du sommeil, ces informations n’ont pas révélé une validité
suffisante en comparaison d’une mesure de polysomnographie pour permettre de procéder à
cette analyse dans la présente étude (Pion‐Massicotte et al. 2019). De plus, nous n'avons
contrôlé ni le repas du soir ni la température de la chambre, qui pourraient tous deux avoir une
CHAPITRE 3 : Seconde expérimentation
167
influence sur la qualité du sommeil (St-Onge et al. 2016; Lan et al. 2017). Aussi, les bruits
environnants n’ont pas ete contrôlés lors des nuits de garde, bien qu’ils puissent être à l'origine
d'une modification à la fois de la qualité du sommeil et des réponses autonomes nocturnes
(Muzet 2007). Enfin, le nombre de participants pourrait être trop faible, ce qui pourrait
potentiellement augmenter le risque d'erreur de type II dans la présente étude.
3.2.5 Conclusion
En conclusion, les résultats de la présente étude ont révélé que pour les sapeurs-pompiers, être
de garde durant la nuit, avec ou sans intervention, influence leur activité autonome cardiaque
nocturne, conduisant à une excitation physiologique. Cependant, bien que la nuit de garde ait
provoqué une perturbation de la fonction autonome cardiaque des sapeurs-pompiers, la qualité
du sommeil évaluée subjectivement et avec le t-shirt Hexoskin est restée inchangée. La qualité
du sommeil n'a été perturbée que lorsque les nuits de garde ont été interrompues par une
intervention de lutte contre l'incendie. Ces résultats mettent en évidence l'importance pour les
sapeurs-pompiers de maintenir une période de repos adéquate entre deux gardes, même
lorsqu'ils n'ont pas d'interventions au cours de la nuit. Ces résultats encourageants donnent des
perspectives afin d’étudier les relations potentielles entre une perturbation chronique de la
fonction autonome cardiaque nocturne et la diminution de la VFC de repos observée pour les
sapeurs-pompiers qui ont un niveau de stress au travail élevé (Shin et al. 2016).
DISCUSSION GÉNÉRALE
168
DISCUSSION GÉNÉRALE
L’objectif de ce travail de thèse etait d’investiguer les reponses psychophysiologiques des
sapeurs-pompiers durant les trois phases d’une intervention de lutte contre les incendies.
Comme le montre la Figure 22, les résultats obtenus ont permis d’apporter de nouveaux
éléments qui permettent une meilleure compréhension des réponses induites par chacune des
trois phases d’une intervention de lutte contre les incendies.
Tout d’abord, l’etude n°4 a permis d’investiguer la première phase de l’intervention, la phase
d’alarme et de mobilisation. Deux aspects des reponses des sapeurs-pompiers ont ainsi été
étudiés, un aspect physiologique et un aspect psychologique. D’un point de vue physiologique,
les reponses cardiovasculaires ont ete investiguees a travers l’analyse de reactivite de la FC lors
du signal d’alarme et de la PA à la suite de la mobilisation. Les résultats ont révélé une
augmentation de la PA et de la FC durant cette phase de l’intervention. De plus, la reactivite de
la FC a ete influencee par differents facteurs. Une influence circadienne tout d’abord, avec une
reactivite de la FC plus elevee la nuit que le jour. De plus, la nuit, le type d’alarme a également
une influence sur la reactivite de la FC, qui est plus faible lorsque le signal d’alarme utilisé est
sous forme de vibreur que lorsqu’il est sous forme de sonnerie. Ensuite, d’un point de vue
psychologique, les niveaux de somnolence, de confiance en soi, d’anxiete cognitive et d’anxiete
somatique ont ete releves a l’issue de cette première phase. Une augmentation de l’anxiete
somatique a été observée, ce qui révèle une perception des réponses physiologiques liés à
l’activation du système nerveux autonome et ce, quelle que soit la condition, sans influence
circadienne ou du type d’alarme. Par ailleurs, une influence circadienne a été observée sur les
niveaux de somnolence et de confiance. En effet, la nuit seulement, les résultats ont révélé une
augmentation de la somnolence et une diminution de la confiance lors de la phase d’alarme.
Ainsi, les resultats de l’etude n°4 confirment la presence d’un stress psychophysiologique chez
les sapeurs-pompiers dès la phase d’alarme et de mobilisation. Ce stress est influencé par divers
paramètres comme le moment de l’intervention et le type d’alarme. Si une intervention nocturne
semble avoir une influence négative sur certains paramètres psychologiques et physiologiques,
une réduction du stress sonore lors du signal d’alarme la nuit permet de reduire le stress
cardiaque des sapeurs-pompiers.
Figure 22. Apports des études 1 à 5 dans la compréhension des trois phases d'une intervention de lutte contre les incendies
Les etudes 1 a 4 ont ensuite aborde differents aspects de la seconde phase d’intervention, la
phase sur les lieux de l’intervention. Les aspects physiologiques ont ete etudies a partir de
mesures de la FC (études 1, 2, 3, 4), de la FR (étude 1) et de la PA (etude 4). L’etude n°1 a
permis une analyse détaillée des réponses cardiaques et respiratoires avec le calcul de la FC et
FR pour chacune des tâches de l’intervention simulee. Les resultats obtenus sont en accord avec
ceux de travaux précédents, révélant une réponse cardiaque et respiratoire qui varie selon la
tâche à effectuer, mais atteignant des niveaux maximaux ou proches du maximal pour certaines
tâches. Les conditions expérimentales ont également permis de montrer pour la première fois,
qu’en conditions écologiques, le port de l’ARI augmente ce stress cardiaque. De plus, les
resistances expiratoires provoquees par le microregulateur de l’ARI ont eu une influence sur la
respiration des sapeurs-pompiers durant l’exercice.
Par ailleurs, au regard de la performance des sapeurs-pompiers durant l’intervention, les
resultats de l’etude n°3 sont en accord avec les resultats d’etudes anterieures, en montrant une
relation entre la condition physique et la performance lors de l’intervention simulee, des
capacités cardiorespiratoires elevees permettant l’amelioration des performances.
Au regard des aspects psychologiques et cognitifs, la perception de la difficulte de l’effort
recueillie dans les etudes 1 a 4 etait comprise entre 5,9 et 8,1 sur l’echelle CR10 de Borg, ce
qui correspond à un effort perçu comme « difficile » à « très difficile ». De par son poids d’une
part et ses resistances expiratoires d’autre part, l’ARI a une influence importante sur ce
paramètre en provoquant son augmentation. L’etude n°1 a par ailleurs révélé une altération des
fonctions exécutives au cours de l’intervention simulee. En effet, le temps de reponse moyen
au Stroop Test a diminué durant l’intervention, mais ce résultat était accompagné par une
augmentation significative du nombre d’erreurs.
Enfin, contrairement a la phase d’alarme, la phase de l’intervention ne semble pas suivre une
variation circadienne, comme le montrent les paramètres investigues dans l’etude n°4. En effet,
ni les paramètres cardiovasculaires (FC et PA), ni la perception de la difficulte de l’effort et ni
les performances des sapeurs-pompiers n’ont presente de differences significatives entre
l’intervention de jour et l’intervention de nuit.
Tous ces résultats révèlent un stress psychophysiologique aigu lors des interventions de lutte
contre les incendies. Une accumulation d’interventions de ce type pourrait alors provoquer une
accumulation de stress. Or, dans le concept du syndrome general d’adaptation, Selye decrit que,
dans le cas d’une exposition prolongee au stress, l’organisme peut entrer en phase de résistance,
puis en phase d’épuisement avec des conséquences négatives sur la santé des individus (Selye
1956; Goldstein and Kopin 2007). Il pourrait donc sembler judicieux de réaliser un suivi
DISCUSSION GÉNÉRALE
171
régulier des contraintes subies par les sapeurs-pompiers dans le cadre de leurs missions. Ainsi,
c’est pour repondre a ce besoin de quantification de la charge de travail des sapeurs-pompiers
que l’etude n°2 a ete realisee. L’objectif de cette etude etait d’etudier l’effet de l’ARI sur
différentes méthodes de quantification de la charge de travail et d’investiguer les relations entre
ces differentes methodes. Les resultats de cette etude ont confirme l’hypothèse d’une
augmentation de la charge de travail interne, provoquee par le port de l’ARI. De plus, les
résultats suggèrent que la méthode de quantification de la charge de travail basée sur la
perception de la difficulte de l’effort soit la methode la plus sensible aux contraintes de l’ARI,
et donc la plus appropriée pour réaliser un suivi de la charge de travail chez les sapeurs-
pompiers.
Enfin, la troisième phase de l’intervention, la phase de recuperation, a été abordée dans les
études de 1 à 5. L’etude n°1 est la première a avoir evalue la fonction autonome cardiaque post-
intervention chez les sapeurs-pompiers. Les résultats ont révélé une forte diminution de
l’activite parasympathique post-intervention. En effet, dans cette étude, l’activite
parasympathique cardiaque des sapeurs-pompiers était plus faible après l’intervention simulée
qu’après l’IFT. De plus, bien que l’intensite de l’exercice soit superieure avec le port de l’ARI,
le port de ce dernier n’a pas eu d’influence sur la réactivation du SNP. Par ailleurs, comme
mesure dans l’etude n°3, cette réactivation du SNP ne semble pas influencée par la condition
physique des sapeurs-pompiers, des capacités cardiorespiratoires plus elevees n’ayant pas
permis d’augmenter l’activite parasympathique cardiaque post-exercice. En revanche, si la
dépression vagale post-intervention était déjà importante le jour, les résultats de l’etude n°4 ont
revele qu’elle etait encore superieure après une intervention de nuit.
Afin de faciliter l’investigation de la fonction autonome cardiaque en condition ecologique chez
les sapeurs-pompiers, l’objectif de la troisième etude etait de tester la fiabilité et la sensibilité
d’une analyse de la VFC post-exercice à très court terme en comparaison d'une analyse de
reference a court terme. Malgre l’obtention d’une bonne fiabilite, les donnees a très court terme
n’ont pas presente une sensibilité suffisante pour révéler des différences entre les conditions
experimentales. Ces resultats montrent qu’il semble préférable de conserver une analyse de la
VFC classique a court terme lors d’une analyse post-exercice chez les sapeurs-pompiers.
Enfin, après avoir analyse la phase aiguë de recuperation, immediatement après l’intervention,
l’etude n°5 a permis l’investigation d’une phase de recuperation retardee, dans les heures qui
suivent l’intervention. En effet, la phase de recuperation peut s’etendre sur plusieurs heures, et
peut avoir lieu durant le sommeil lorsque les sapeurs-pompiers ont la possibilité de dormir
DISCUSSION GÉNÉRALE
172
lorsqu’ils sont de garde. Ainsi, la VFC nocturne et la qualité objective et subjective du sommeil
ont été évaluées en comparant une nuit contrôle réalisée au domicile des sapeurs-pompiers et
deux nuits de garde, une avec une intervention simulée de lutte contre les incendies et une sans
intervention. Les resultats de cette etude ont montre qu’être de garde sans intervention
perturbait la fonction autonome cardiaque nocturne, avec une diminution des indices reliés à
l’activite parasympathique cardiaque. Cette perturbation de la fonction autonome nocturne ne
semble pas aggravee lorsqu’une intervention est realisee en debut de nuit. En ce qui concerne
la qualité objective et subjective du sommeil, seule la nuit de garde avec une intervention a eu
un effet sur ces paramètres, avec une diminution de la qualité subjective et de la quantité de
sommeil. Ainsi, après avoir montré que la réactivation parasympathique cardiaque aiguë était
fortement perturbée dans les premières minutes de récupération post-intervention (étude n°1)
et que cette perturbation était accentuée après les interventions réalisées de nuit (étude n°4),
l’etude n°5 revèle que l’activite parasympathique cardiaque est egalement diminuee lors d’une
phase plus retardée de la récupération, la nuit lorsque les sapeurs-pompiers sont de garde.
LIMITES ET PERSPECTIVES
173
LIMITES ET PERSPECTIVES
En France, un plan d’actions en faveur de la feminisation de la profession a ete récemment
presente par le Ministère de l’Interieur et relaye lors des ceremonies du 40ème anniversaire des
femmes chez les sapeurs-pompiers (10 novembre 2016). Le nombre de femmes sapeurs-
pompiers ne cesse d’augmenter, avec une augmentation de 3% rien que pour l’annee 2014. Or,
très peu d’etudes se sont penchees sur les reponses physiologiques des femmes lors d’exercices
de lutte contre les incendies. Williams-Bell et al. (2009) ont montré que les hommes étaient
plus rapides que les femmes pour réaliser une intervention simulée de lutte contre les incendies.
Cette difference de performance s’accompagnait d’une VO2, d’une VCO2 et d’une ventilation
plus élevée pour les hommes que pour les femmes. Cependant, aucune différence n’a ete
observee en ce qui concerne la FC d’exercice ou le quotient respiratoire. Par ailleurs, Park et
al. (2014) ont montre que l’impact negatif du port des EPI sur le confort et la mobilite etait plus
important pour les femmes que pour les hommes. Un équipement non adapté au personnel
feminin serait a l’origine de cette difference. Au cours de cette thèse, six femmes ont participé
à la première expérimentation. La proportion de femmes incluses dans la première étude
(17,7%) correspond à la proportion de femmes sapeurs-pompiers en France (17% en 2018).
Cependant, ce pourcentage demeure trop faible pour une généralisation des résultats aux
femmes sapeurs-pompiers. Il serait donc intéressant dans des recherches futures de poursuivre
ces investigations avec un nombre plus important de participantes afin de pouvoir élargir les
conclusions aux femmes sapeurs-pompiers.
De plus, diverses stratégies de récupération ont été investiguées chez les sapeurs-pompiers avec
des bénéfices parfois mitigés (Barr et al. 2010). Cependant, les stratégies de refroidissement
avec une immersion des mains et avant-bras ont montré des résultats positifs en termes de
réduction du stress thermique, de la VO2 et de la tolerance a l’effort (Selkirk et al. 2004;
Giesbrecht et al. 2007; Barr et al. 2009; Hostler et al. 2010). Les résultats des travaux de cette
thèse montrent la forte perturbation parasympathique post-intervention. Des travaux dans le
domaine sportif ont montre que certaines strategies permettent d’ameliorer la reactivation
parasympathique cardiaque post-exercice. En effet, des stratégies de refroidissement par bains
froids (Buchheit et al. 2009d; Al Haddad et al. 2010b; de Oliveira Ottone et al. 2014; Almeida
et al. 2016; C Choo et al. 2018), par immersion du visage (Al Haddad et al. 2010a) ou encore
des stratégies de réhydratation (Vianna et al. 2008; de Oliveira et al. 2011; Pecanha et al. 2014)
LIMITES ET PERSPECTIVES
174
ont permis d’accelerer la reactivation parasympathique post exercice. Il serait donc interessant
de mesurer si de telles stratégies mises en place après les interventions de lutte contre les
incendies permettraient d’améliorer la réactivation parasympathique cardiaque des sapeurs-
pompiers.
Il est desormais bien etabli qu’avoir une bonne condition physique est primordial pour les
sapeurs-pompiers. Tout d’abord, au regard de leur santé, il a été montré que des capacités
cardiorespiratoires élevées permettraient de réduire le risque d'événement cardiaque durant les
interventions de lutte contre les incendies (Baur et al. 2012; Smith et al. 2016) et qu’elles
apporteraient un effet cardioprotecteur au repos (Porto et al. 2019). De plus, la condition
physique des sapeurs-pompiers influence leurs performances durant les interventions de lutte
contre les incendies (Andrews et al. 2019). Des capacités cardiorespiratoires élevées permettent
d’ameliorer la performance des sapeurs-pompiers (Von Heimburg et al. 2006; Windisch et al.
2017b; Nazari et al. 2018), c’est pourquoi des niveaux minimums de VO2max ont parfois été
recommandés (Lemon and Hermiston 1977; Louhevaara et al. 1986; Gledhill and Jamnik 1992;
Sothmann et al. 1992; Von Heimburg et al. 2006; Windisch et al. 2017b). De plus, les niveaux
de force, de puissance et d’endurance musculaire des membres inférieurs et supérieurs ont
également présenté des corrélations avec les performances lors des interventions de lutte contre
les incendies (Davis et al. 1982; Williford et al. 1999; Rhea et al. 2004; Michaelides et al. 2008,
2011). Cependant, très peu d’etudes ont cherché à évaluer les effets d’un entraînement
spécifique sur les performances des sapeurs-pompiers. Hilyer et al. (1999) ont montre qu’il etait
nécessaire de mettre à disposition du matériel d’entraînement durant les gardes afin de
permettre aux sapeurs-pompiers d’ameliorer leur condition physique. En effet, un programme
d’entraînement sans matériel, programme sur le temps de garde n’a pas permis d’ameliorer la
condition physique des sapeurs-pompiers, contrairement à un programme réalisé avec matériel
(Hilyer et al. 1999). Par ailleurs, un stress anaérobie similaire a été observé entre un circuit
training composé de différents exercices de renforcement et une intervention de lutte contre les
incendies (Abel et al. 2011). Peterson et al. (2008) ont investigué les effets de deux programmes
d’entraînement sur les performances des sapeurs-pompiers durant des interventions simulées.
Les resultats de cette etude revèlent que les deux programmes ont permis d’ameliorer les
performances des sapeurs-pompiers, avec un progrès plus grand pour le groupe qui a suivi une
planification par blocs non lineaire de l’entraînement (Peterson et al. 2008). Ainsi, des
recommandations ont ete formulees afin d’optimiser la preparation physique des sapeurs-
pompiers (Abel et al. 2011, 2015). Ces recommandations suggèrent la réalisation de circuits
LIMITES ET PERSPECTIVES
175
training comprenant entre 5 et 15 exercices fonctionnels multi-articulaires, réalisés à haute
intensité, entrecoupés de brèves périodes de récupération (pour un ratio travail-récupération de
1/1 environ). Les exercices devraient reproduire les mouvements réalisés lors des interventions
reelles et le programme d’entrainement devrait suivre une periodisation par blocs (mesocycles).
Cependant, ces recommandations sont principalement basées sur des recherches menées dans
le domaine sportif. Ainsi, des recherches supplémentaires doivent être menées afin de mesurer
l’influence de ces programmes sur les performances et la sante des sapeurs-pompiers.
Enfin, les travaux de cette thèse supportent l’idee qu’un reseau de capteurs, tel que souhaité par
le projet RESponSE, permettant un monitoring des sapeurs-pompiers en intervention puisse
leur être bénéfique. En effet, les contraintes subies lors d’une intervention de lutte contre les
incendies ont un impact important sur l’homeostasie des sapeurs-pompiers. Les résultats
obtenus montrent que des paramètres tels que la FC et la VFC sont des paramètres sensibles
aux contraintes subies par les sapeurs-pompiers. Ainsi, la mise en place de capteurs permettant
le recueil et l’analyse de ces donnees en direct durant les interventions de lutte contre les
incendies pourrait apporter des informations vitales au regard de la santé et de la sécurité des
sapeurs-pompiers.
CONCLUSION GÉNÉRALE
176
CONCLUSION GÉNÉRALE
Les différentes études menées chez les sapeurs-pompiers avaient mis en évidence un stress
psychophysiologique important durant les trois phases d’une intervention de lutte contre les
incendies. Les travaux réalisés au cours de cette thèse ont permis de confirmer les résultats déjà
observés précédemment et apportent de nouvelles informations sur chacune des trois phases
d’une intervention de lutte contre les incendies. Ces travaux ont montré que dès la phase
d’alarme et de mobilisation, les sapeurs-pompiers sont soumis à un stress cardiovasculaire
(augmentation de la FC et de la PA) et psychologique (augmentation de l’anxiete). La nuit, ce
stress psychophysiologique est accentué (augmentation de la réactivité de la FC, diminution de
la confiance en soi, etc.). Lors de la seconde phase, durant l’intervention, nous avons montre
que ce stress psychophysiologique se poursuivait et s’accentuait encore davantage (perturbation
des fonctions exécutives, la FC et la FR atteignent parfois des valeurs maximales, etc.). Ce
stress est accentue par le port de l’ARI (augmentation de la FC d’exercice et du RPE) qui va
également diminuer les performances des sapeurs-pompiers (durée de réalisation). En revanche,
cette phase de l’intervention ne semble pas affectee par une variation circadienne, avec des
performances et un stress physiologique similaires entre une intervention de jour et de nuit.
Enfin, ces travaux apportent de nouvelles informations relatives à la régulation autonome
cardiaque dans la phase post-intervention et nocturne. Nos résultats mettent en évidence une
très forte perturbation de l’activité parasympathique cardiaque post-intervention diurne. Cette
dépression parasympathique est accentuée dans le cas d’une intervention nocturne. Pour finir,
l’activite autonome cardiaque est egalement perturbee durant le sommeil lorsque les sapeurs-
pompiers sont de garde. En conséquence, il semble nécessaire de mettre en place différentes
stratégies afin de limiter ce stress psychophysiologique et notamment cardiovasculaire durant
les interventions et la phase de récupération subséquente.
BIBLIOGRAPHIE
177
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