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VOL. SPEC. - N° 10, 2005

1 CNRS, UMR 6565 et IPNA-Institut für Prähistorische und Naturwissenschaftliche Archäologie, 145 Spalenring, CH-4055 Basel, Suisse.

2 IPNA-Institut für Prähistorische und Naturwissenschaftliche Archäologie, 145 Spalenring, CH-4055 Basel, Suisse.

Revue de Paléobiologie, Genève (décembre 2005) Vol. spéc. 10 : 171-183

Du loup au « chien des tourbières ».Les restes de canidés sur les sites lacustres entre Alpes et Jura

Rose-Marie ARBOGAST1, Sabine DESCHLER-ERB2, Elisabeth MARTI-GRÄDEL2,Petra PLÜSS2, Heide HÜSTER-PLOGMANN2 & JÖRG SCHIBLER2

RésuméLe propos de cette contribution est dʼesquisser un bilan au sujet du rôle et de lʼutilisation du chien sur les sites datés du Néolithique et de lʼAge du bronze du domaine nord alpin, entre la Suisse et le Jura occidental, ainsi quʼune synthèse des données biométriques disponibles par grandes séries dans ces régions. L̓ essentiel des vestiges se rapportent à des sites dʼambiance humide marqués par dʼexcellentes conditions de conservation sur lesquels sʼenregistre aussi une représentation des vestiges de chiens généralement plus importante que sur dʼautres types dʼoccupations. Ces atouts permettent dʼenvisager une approche plus détaillée de certaines des facettes de la relation particulière instaurée entre lʼhomme et le chien qui demeurent généralement hors de portée des reconstitutions archéologiques du fait de la relative discrétion des restes de chien sur la plupart des sites et de la moindre qualité de leur préservation. Les indices recueillis se rapportent à lʼexploitation de cet animal à des fins aussi bien alimentaires que pour des produits comme la fourrure ou les matières dures (os et dents) comme support dʼartisanat. Même si bien des aspects de lʼutilisation du chien restent encore inaccessibles, comme par exemple son implication comme auxiliaire (de chasse, de gardien de troupeau), les données réunies laissent cependant soupçonner des formes dʼutilisation dont la logique nʼest pas dʼordre économique. A travers lʼimportance de sa valorisation symbolique dont témoigne la prédilection pour ses canines et ses métapodes comme support pour la confection de la parure et le traitement particulier réservé à sa dépouille, sʼesquisse une relation qui plus que pour tout autre animal, est marquée par la polyvalence. Dʼaprès les données métriques, les chiens néolithiques relèvent dʼun type morphologique assez homogène, dont la stature moyenne estimée à environ 40-45 cm varie très légèrement dʼune région à lʼautre. A partir du Cordé se perçoivent les prémisses dʼune évolution marquée par lʼaugmentation de la stature des animaux qui sʼélève jusquʼà 61 cm sur les sites de lʼAge du Bronze final.

Mots-clésChien, Néolithique, Age du bronze, sites lacustres, Suisse, Jura français, biométrie.

Abstract From wolf to “dog of the peat bogs”. Canid remains in lakeside settlements between the Alps and the Jura.- The purpose of this contribution is to provide a synthesis concerning the possible utilisation, size and proportions of dogs in the Neolithic and Bronze Age settlements of the North Alpine region, situated between Switzerland and the French Jura. The majority of the canid bones were excavated from lakeside settlements and are therefore in an excellent state of preservation. Their remains are generally more frequent in these than in other sites. It is therefore possible that the symbolic or religious significance of these bones has been underestimated. Utilisation of dogs both for food and the exploitation of fur, are considered here. The symbolic value of the dog is indicated by bone and tooth adornments, manufactured from canine teeth and metapodials. No one definitive conclusion can be drawn from the qualitative and quantitative results. Rather, in these Neolithic and Bronze Age settlements, these animals were important on many levels, both symbolic and economic. The Neolithic settlements show a relative uniformity in the size of dogs that were kept. The estimated average withers height is 40-45 cm, with only slight regional variation. A slight increase in this figure can be seen towards the end of the Neolithic period. A clear size difference can be observed during the later Bronze Age with withers height increasing to an average of 61 cm (translation R. FRODSTICK).

Key wordsDog, Neolithic, Bronze Age, lakeside settlements, Switzerland, French Jura, biometry.

INTRODUCTION

Premier animal vivant près de lʼhomme, le chien est aussi, dans le monde préhistorique européen, le seul animal dont la domestication sʼinscrit dans le cadre de sociétés de chasseurs cueilleurs et précède, dans le temps et lʼespace,

celle des autres animaux domestiques. En Europe occidentale, les plus anciennes traces de la présence du chien, attestées parmi les vestiges dʼoccupations datées de la fin du Paléolithique, remontent bien antérieurement à lʼavènement du mode de vie néolithique (BENECKE, 1995). Quoique discrète, cette présence précoce du chien

ISSN 1661-5468

semble bien correspondre à une réalité dont on peut attendre quʼelle se conforte à la faveur du renouvellement des données. Dans le domaine alpin, auquel cette contribution est plus particulièrement consacrée, la représentation de restes de chiens a été reconnue dès le Magdalénien comme à Hauterives-Champréveyres (Suisse, canton de Neuchâtel)(MOREL & MÜLLER, 1997) ainsi que sur plusieurs sites du Mésolithique comme à Saint Thibaud de Couz (Savoie)(CHAIX, 2000), à Ruffey sur Seille (Jura)(SEARA et al., 2002) ou encore à la Baume de Montandon (Doubs)(CUPILLARD et al., 2000). A la lumière de ces témoignages de lʼancienneté des liens privilégiés qui se sont instaurés entre lʼhomme et le chien, nous chercherons à mieux connaître la destinée de cette relation dans le cadre des sociétés dʼéleveurs du Néolithique dans le domaine nord-alpin, de comprendre son insertion dans le cadre des autres activités dʼélevage et dʼexploitation des animaux domestiques et de cerner la diversité des motivations quʼelle a pu recouvrir, en nous appuyant de façon privilégiée sur les abondantes séries de données livrées par les sites dʼambiance humide des bords des lacs des plateaux suisses et du Jura français.

LE RÔLE DU CHIEN AU NÉOLITHIQUE : UNE QUESTION DʼÉCLAIRAGE?

Sur les sites du Néolithique ancien, la présence du chien est en règle générale relativement discrète (ARBOGAST, 1984). Les vestiges osseux, qui en représentent les indices directs, ne figurent pas de façon systématique parmi les vestiges dʼhabitat et restent relativement rares. La représentation du chien se réduit à une poignée de restes, une petite centaine pour lʼensemble des villages du Néolithique ancien dʼEurope occidentale et quelques os épars dans le néolithique valaisan (CHAIX et al., 1987 ; CHAIX & SIDI MAAMAR, 1993). A lʼévidence, le chien nʼa pas sa place dans ces contextes qui correspondent pour la plupart à des dépotoirs dʼhabitat, principalement constitués de déchets de consommation. Cette réalité est en soi significative de la position particulière qui lui revient par rapport aux autres animaux domestiques dont il se distingue par le fait quʼil nʼest pas consommé et que de ce fait il se situe hors des possibilités de recouvrement des sources à notre disposition. Pour sʼen convaincre il suffit de se tourner vers des contextes un peu inhabituels, comme ceux formés par les fossés dʼenceinte. Celui fouillé sur le site de Herxheim (Hesse, Allemagne) mérite une attention toute particulière. Il sʼagit dʼun système de deux fossés parallèles qui ceinturent une importante occupation datée du Rubané, constituée de structures domestiques (fosses, trous de poteaux, sépultures)(HÄUSSER, 2001). La faune retrouvée en abondance (environ 4500 restes déterminés) se répartit entre les fossés et les structures dʼhabitat et se retrouve assez fréquemment mêlée à des ossements humains reconnus sous des états les plus divers ; restes fragmentaires, dissociés et isolés, segments en connexion,

masques faciaux, calottes crâniennes, qui sʼinscrivent dans le cadre de traitements particuliers du corps humain (HAIDLE & ORSCHIEDT, 2001). L̓ une des caractéristiques les plus remarquables réside dans lʼimportante représentation du chien auquel se rapportent un peu plus de 200 restes osseux, presque tous issus du fossé interne. Il sʼagit dʼos entiers non fragmentés qui traduisent la présence dʼau moins 6 animaux représentés par des segments de squelettes en connexion ou des squelettes complets (ARBOGAST, 2003). Contrairement à ceux des autres espèces, ces restes ne se présentent pas comme des déchets alimentaires. L̓ absence de fragmentation et la préservation de nombreuses connexions anatomiques laissent plutôt penser à des dépôts qui impliquent des dépouilles plus ou moins complètes. Ils présentent différents types de marques (brûlures, traces de découpe) qui peuvent être rapportées à des activités (échaudage, prélèvement du crâne) qui sʼapparentent plus à des manipulations post mortem quʼau traitement boucher tel quʼil sʼapplique aux animaux consommés. Ces observations apportent un témoignage direct et inédit sur la nature du rôle qui revient au chien et qui lui vaut ces traitements si particuliers et laissent deviner une relation dont la nature ne semble pas très différente de celle que restituent les données issues du monde des chasseurs-cueilleurs mésolithiques. La mobilisation du chien dans les pratiques funéraires, sous forme de dépôts de squelettes ou de parties de squelettes associées aux sépultures ou de véritables inhumations, dans le cas notamment des nécropoles de Vedbaeck et de Skateholm (LARSSON, 1990) traduit un statut privilégié que les données de sites dʼhabitat ne laissent pas soupçonner. A partir du Néolithique moyen, lʼattestation plus régulière de restes de chien mais surtout la multiplication des cas de dépôts de squelettes de chiens associés à des contextes de type tant domestique que funéraire ou encore cultuels (ARBOGAST et al., 1989) concourent à une meilleure visibilité de la nature particulière des relations avec cet animal. Cette observation est assez aisément transposable au domaine des occupations des bords des lacs du Jura français et du Plateau suisse, à la différence que la qualité et lʼimportance de la documentation accumulée sur ces sites offrent lʼopportunité dʼexplorer plus en détail les diverses manifestations de cette liaison si particulière. Dans ces contextes particulièrement bien documentés, rares sont les ensembles de faune qui ne recèlent pas quelques restes de chien. Leur représentation ne tend pas seulement à se systématiser, elle est aussi beaucoup plus importante que sur les sites de terre ferme (Fig.1). Cette particularité conduit à se demander dans quelle mesure cette situation nʼest pas en grande partie déterminée par les conditions de gisement généralement plus favorables sur ces sites que sur ceux de terre ferme. Il nʼest pas non plus possible dʼexclure que, comme sur les autres sites, cette présence renforcée du chien en domaine lacustre ne tient pas en grande partie à la nature des indices disponibles. Ceux-ci correspondent pour lʼessentiel à des ossements

172 R.-M. ARBOGAST et al.

isolés, qui dʼaprès la présence régulière de marques de découpe ne se distinguent à priori pas de ceux dʼanimaux exploités à des fins alimentaires, à la différence que ces restes de chien sont généralement moins intensément fragmentés que ceux dʼanimaux dʼembouche de taille comparable comme les petits ruminants (HÜSTER-PLOGMANN & SCHIBLER, 1997 ; SCHIBLER & CHAIX, 1995). Mais la principale originalité de ces contextes est que le chien y aussi attesté à travers des catégories de vestiges non alimentaires, comme la parure qui fait la part belle aux canines et éléments des bas de pattes comme supports de pendeloques ou des ensembles anatomiques, squelettes plus ou moins complets ou parties de squelette en connexion, qui attirent lʼattention sur le traitement des dépouilles de ces animaux (SCHIBLER, 1981 ; SCHIBLER et al., 1997 ; DESCHLER-ERB et al., 2002). Cette diversité nʼa rien dʼexceptionnel, elle se rencontre aussi bien en contexte lacustre que sur des habitats de terre ferme contemporains, à la différence que la conservation nettement meilleure en contexte humide ainsi quʼun enfouissement plus direct en assurent certainement une plus grande visibilité. Cʼest cette réalité, et la complexité sous-jacente du statut du chien, quʼil est plus particulièrement proposé dʼexplorer à travers cette contribution.

CHIENS DE BOUCHERIE, DE CHASSE, DE BERGER OU ANIMAL EMBLÉMATIQUE?

L̓ importance des restes de chien au sein des faunes lacustres est relativement variable. Aux ensembles au sein desquels ils représentent à peine 5 % des vestiges sʼopposent ceux dans lesquels ils forment, avec des taux de restes supérieurs à 10 %, une contribution beaucoup plus importante (Fig. 2). L̓ origine de ces variations apparaît assez indépendante de facteurs généraux comme

la chronologie, la géographie ou les influences culturelles. En Suisse occidentale, ce sont les sites de la culture de Cortaillod qui ont livré les séries de vestiges de chien les plus abondantes tandis quʼau bord du lac de Zürich, les concentrations les plus importantes sont caractéristiques des occupations du Horgen. Peu marquée au cours du Néolithique récent et du début de lʼAge du Bronze au sein des villages des lacs de Neuchâtel et de Bienne, cʼest au contraire durant cette même période que la présence du chien est la plus affirmée en Suisse orientale. Les éventuelles relations avec lʼexploitation des autres ressources animales paraissent pour le moins ténues car la plus ou moins grande importance qui revient au chien nʼapparaît pas solidaire des fluctuations qui marquent lʼévolution des autres ressources carnées. A la relation entre lʼimportance du chien et le développement de la chasse du cerf, proposée pour certains sites comme celui de Twann (FURGER & HARTMANN, 1983 ; BECKER & JOHANSSON, 1981), ne peut être conférée aucune valeur explicative générale car elle ne se décèle dans aucune autre série. Il en va de même si lʼon tente de croiser la représentation du chien avec celle dʼautres groupes dʼanimaux comme les petits ruminants ou les oiseaux sauvages pour le contrôle ou lʼacquisition desquels ses aptitudes de berger ou de chasseur ont pu être mobilisées. L̓ absence dʼun rapport direct entre lʼimportance de telle activité pour laquelle lʼhomme a pu sʼadjoindre les qualités du chien et sa traduction matérielle dans le mobilier archéologique ne peut être tenue pour significative mais renvoie bien plutôt aux limites des sources disponibles et à leur aptitude à restituer une relation qui peut être dʼune extrême polyvalence. Cette difficulté incite à changer de perspective et à considérer la question du rôle du chien non plus du point de vue de son utilisation par lʼhomme mais plutôt des produits quʼil lui fournit et pour lesquels il a pu faire lʼobjet dʼutilisations multiples.La variabilité du rôle du chien apparaît en grande partie liée à lʼintérêt plus ou moins soutenu voué à son exploitation bouchère. Sur certains des sites les plus riches en vestiges canins, les données relatives à lʼâge au décès des animaux laissent aussi soupçonner une exploitation reposant sur des règles de sélection qui semblent assez constantes dès lors que les données disponibles sont suffisantes pour permettre une exploitation statistique sous forme de courbes dʼabattage (Fig. 3). Les restes de chiens des niveaux Cortaillod du site de Twann correspondent en majorité à ceux dʼanimaux tués au cours de leur première année, soit entre 6 et 12 mois (BECKER & JOHANSSON, 1981). Cette prédilection pour les jeunes de lʼannée sʼenregistre aussi pour les occupations du lac de Zürich (HÜSTER-PLOGMANN & SCHIBLER, 1997) ainsi que pour le site de Arbon-Bleiche 3 (DESCHLER-ERB & MARTI-GRÄDEL, 2004). La présence importante de chiots de moins de 6 mois, comme à Arbon-Bleiche 3, peut être mise au compte de la régulation des populations, ce qui nʼexclut pas que ces animaux aient aussi été mangés. Cette explication ne permet cependant pas de

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Néolithique

Age du Bronze

n sites

Fig. 1 : Fréquences des restes de chien sur les sites lacustres et sur les sites terrestres.

Du loup au « chien des tourbières » 173

Jura françaisLacs de Chalain et de Clairvaux

10 % total déterminés

Suisse occidentaleLacs de Neuchâtel et de Bienne

Nidau 5

Nidau 3

10 % total déterminés10 % total déterminés

Suisse orientaleLac de Zurich

CH 19 0CH 3 VIII

CH 3 VICH 3 IVCH 3 II

CH 4 ph 1CH 4 ph 2CH 4 ph 3

CH 2 C///***CH 4 ph 4

CH 2 CCLMM ABC

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CL MM K

Horgen

Clairvaux

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Horgen

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Cortaillod

EgolzwilZH-Kleiner Hafner 5A+B

ZH-Kleiner Hafner 4A

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ZH-Mozart Str. 6uZH-Kleiner Hafner 4D

ZH-Mozart Str. 6oZH-Kleiner Hafner 4EMeilen Rohrenhaab 5

ZH-Kleiner Hafner 4FZH-Mozart str. 5uZH-Mozart Str. 5o

ZH-Kleiner Hafner 4GZH-Seefeld 9

ZH-Pressehaus LFeldmeilen Vor. 9Feldmeilen Vor. 8Feldmeilen Vor. 6

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ZH-PressehausJGachnang Niderwil

Horgen Dampfschif.Meilen Rohrenhaab 3

ZH-Mozart Str. 4uZH-Mozart Str. 4mZH-Mozart Str. 4o

ZH-Seefeld 5

Arbon-Bleiche 3

Feldmeilen Vor. 4

Feldmeilen Vor 3ZH-Seefeld 4ZH-Seefeld 3

Mythenschloss 3Zug-SchützenmattFeldmeilen Vor. 1ZH-Mozart Str. 3uZH-Mozart Str. 3aZH-Mozart Str. 3o

Horgen-Scheller S4Horgen-Scheller S3

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Zug-Sennweid S5

Zug-Sennweid S4

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ZH-Seefeld C/BMythenschloss 2.4

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Egolzwil 3

Muntelier/Fischergässli

Twann E.1+2Burgäschisee-SW

Auvernier-Port Vb-c

Burgäschisee-SüdAuvernier-Port Va

Twann E3Twann E4

Port-Stüdeli USTwann E5

Twann E5aYverdon-G.Mar18-20

Twann E6Twann E7

Yverdon-G.Mar14-16bAuvernier-Po IIIPort-Stüdeli OS

Twann E8Twann E9

Twann UHLattrigen VI

Twann MHLa Neuveville-Schaffis

Portalban les GrèvesLüscherz-Binggeli

St-Blaise Bain Dames 9

Vinelz 1960Yvonand IV

Yverdon G. Mar 11-12St-Blaise Bain Dames 7Auvernier Brise Lames

Pont-de-ThielleLüscherz-Dorf, äus.Stat

Vinelz-Hafen

Sutz-RütteVinelz-Alte Stat, NW

Auvernier-La Saunerie

St-Blaise Bain Dames Auvernier

St-Blaise Bain Dames E St-Blaise Bain Dames F

St-Blaise Bain Dames G St-Blaise Bain Dames H

Horgen Port Conty

Cortaillod

Egolzwil

Horgen occidental

Lüscherz

AuvernierCordé

Fig. 2 : Variations de la représentation des restes de chien sur les sites lacustres de Suisse orientale (bassin du lac de Zürich), de Suisse orientale (région des trois lacs) et du Jura français (CH : Chalain, CL : Clairvaux, MM : Motte aux Magnins). Références bibliographiques et datations dʼaprès JACOMET, 2004, pour la Suisse et dʼaprès PÉTREQUIN, 1997 pour les sites du Jura français.

174 R.-M. ARBOGAST et al.

rendre compte des prélèvements qui interviennent entre 6 mois et 1 an et qui traduisent une sélection des animaux ayant atteint leur maturité pondérale dans le cadre dʼune exploitation dont le principal objet semble être la viande. La présence de marques de découpe procédant du partage des carcasses et du prélèvement des chairs ne laisse par ailleurs aucun doute quant à la finalité alimentaire de cette valorisation du chien. Si sa contribution comme ressource carnée ne peut être évaluée directement, il est cependant intéressant de relever que sur bien des sites, elle recouvre une importance comparable, si ce nʼest supérieure à celle des petits ruminants. Cette caractéristique permet de la considérer comme une ressource de complément, voire comme un appoint dʼautant plus opportun que le développement de lʼélevage reste sur la plupart de ces sites contenu à un rôle secondaire (ARBOGAST, 1997 ; HÜSTER-PLOGMANN & SCHIBLER, 1997).Fréquemment mise en avant, lʼexploitation de la fourrure ne peut être que rarement attestée de façon certaine. Cela tient à la discrétion des marques rapportables à lʼécorchage ainsi quʼau fait que le plus souvent elles ne se présentent pas de façon très différente de celles liées à dʼautres actions. Parmi les plus explicites figurent celles localisées sur les bas de pattes (sur les métapodes ou juste au-dessus) et autour du museau (à lʼavant des mandibules et des maxillaires) soit à lʼappui de parties peu charnues, sur lesquelles la peau est au contact direct de lʼos. Ce

cas de figure se rencontre sur le site de Hauterive-Champréveyres sur lequel a été dégagé un squelette de chien complet dont seules les extrémités des deux tibias et celle de la fibula arboraient de fines incisions rapportables au dépouillement (STUDER, 1989). Dans la plupart des cas cependant les stigmates nʼen sont pas si évidents et leur localisation seule ne permet pas de les distinguer des marques liées à lʼexploitation bouchère.A travers ces productions, le chien apparaît comme un fournisseur relativement polyvalent dont lʼexploitation ne revêt cependant pas seulement un caractère économique car il semble tout autant apprécié dans le cadre dʼutilisations ornementales ou symboliques. Parmi les supports utilisés pour la confection dʼobjets de parure se dessine en effet une très nette prédilection en sa faveur, ou plutôt de certaines de ses parties car sa présence dans ce domaine se limite aux canines et aux métapodes (Fig 4). Le façonnage de ces éléments se résume le plus souvent à une simple perforation, par abrasion ou rotation, qui permet de les utiliser comme pendeloques. Celles-ci sont le plus souvent retrouvées isolées, mais des groupements sont également attestés comme les « paquets » de plusieurs métapodes retrouvés à Chalain 4 (MARÉCHAL et al., 1998) ou à Twann (SCHIBLER, 1981) ainsi quʼun ensemble associant des perles en pierre, des galets perforés, des coquillages, des dents de suidés et des canines de chien perforées à Montelier (RAMSEYER &

Twann-Cortaillodn = 438

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20

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00-1 mois 1-6 mois 6 mois-1 an adulte très vieux

Fig. 3 : Courbe dʼabattage des chiens du site néolithique de Twann (niveaux Cortaillod), établie dʼaprès lʼétat dʼéruption et dʼusure dentaires (BECKER & JOHANSSON, 1981).

Du loup au « chien des tourbières » 175

MICHEL, 1990). Ce choix du support, limité aux parties des animaux les plus facilement identifiables, participe dʼune évocation symbolique des animaux dans le cadre de laquelle le chien apparaît plus particulièrement valorisé. Les canines percées représentent une catégorie de parures très répandues à laquelle est le plus souvent associée une valeur de trophée ou de magie de chasse, surtout lorsque le choix se porte surtout sur des animaux sauvages. Sur les sites lacustres, leur emploi est loin dʼêtre systématique. Peu représentée en Suisse orientale, plus courante sur les sites du lac de Neuchâtel, cette catégorie dʼobjets se retrouve en revanche en abondance sur les sites du Jura français (Fig. 5) où elle représente même dans certains ensemble le seul type de parure attestée.

Tous les carnivores sont représentés, mais une place de choix revient au chien, majoritairement sélectionné même lorsque les canines percées se font moins communes et que la mode tourne en faveur dʼautres types de parures. Le chien est aussi très prisé parmi les os percés pour lesquels ses métapodes constituent lʼun des supports les plus utilisés. Surtout répandu sur les sites du Cortaillod tardif de Suisse occidentale, ce type de parure se diffuse très peu en Suisse orientale mais connaît, un peu plus tard, une certaine vogue dans le Jura français où il assure en partie le relais des dents percées (MARÉCHAL et al., 1998). La popularité, plus ou moins grande selon les régions, de ces objets peu transformés peut être assez étroitement liée à la diffusion dʼinfluences culturelles

Fig. 4 : Pendeloques sur métapodes (1-4) et canines de chien (5-10) perforées du site dʼArbon Bleiche 3. Dessin AATG, E. E. BELZ, M. LIER et K. VOGEL

176 R.-M. ARBOGAST et al.

originaires du Midi de la France (MARÉCHAL et al., 1998 ; SCHIBLER, 1981). Objet dʼéchanges, opérant à la manière de marqueurs identitaires, ces parures participent dʼune symbolique de la chasse assez prononcée. En effet, sur les sites de Chalain et de Clairvaux, leur représentation culmine tant que la chasse reste très développée, mais se raréfie dès que lʼexploitation du gibier perd de sa prééminence (MARÉCHAL et al., 1998). Cette relation avec le monde de la chasse conforte la valeur de trophée ou dʼamulette qui leur est généralement conférée. Dans ce domaine le recours plus fréquent au chien est manifeste de son rôle symbolique et de son utilisation comme signe plutôt que de son implication comme auxiliaire de chasse, pour le pistage, la traque ou la recherche du gibier. Son utilisation préférentielle dans la parure alors même que son concours à la chasse est en passe de devenir inutile,

signe bien un intérêt dont la logique nʼest pas dʼordre économique. Cette interprétation pourrait aussi rendre compte de la découverte de parties de squelettes ou de squelettes de chiens complets dans lʼaire dʼhabitat de plusieurs villages comme Feldmeilen (EIBL, 1974), Pfäffikon-Burg (EBERSBACH et al., sous presse), Auvernier Brise-Lames (DESSE, 1974), Saint-Blaise (STOPP, inédit) ou encore Arbon-Bleiche 3 où sa dépouille a été installée à proximité immédiate dʼune des maisons du village (DESCHLER-ERB & MARTI-GRÄDEL, 2004). Dans tous ces cas, ces ossements sont indemnes de toute marque dʼexploitation, non fragmentés, non découpés et se présentent le plus souvent en situation de connexion anatomique, ce qui les distingue de restes dʼanimaux soumis à une exploitation économique (Fig. 6). Ils se rapportent exclusivement à des animaux adultes, ce qui ne sʼaccorde pas avec lʼexplication quʼil pourrait sʼagir de dépouilles dʼanimaux évacuées dans le cadre dʼactivités de régulation des populations qui touchent beaucoup plus les animaux jeunes. L̓ intégration de ces squelettes au sein de la zone villageoise ne correspond pas non plus au traitement habituel des cadavres dʼanimaux morts naturellement, qui sont le plus souvent relégués à la périphérie de lʼespace villageois comme cela a pu être montré sur le site de Chalain 19 (ARBOGAST, en cours). Il nʼest par contre pas possible dʼexclure que ces squelettes ne se rapportent pas à des dépôts dʼanimaux intentionnellement installés au plus près des habitations en signe de leur proximité vis-à-vis de lʼhomme. Dans le cas du chien, un traitement de ce type nʼaurait rien dʼexceptionnel et pourrait être considéré comme lʼéquivalent des dépôts et des inhumations de chiens dont les exemples ne manquent pas sur les sites terrestres de la même période.

LE « CHIEN DES TOURBIÈRES » À LʼÉPREUVE DES DONNÉES BIOMÉTRIQUES DES SITES LACUSTRES

L̓ abondance des séries de mesures disponibles pour lʼensemble des sites lacustres tant en Suisse que dans Jura permet dʼappuyer lʼétude biométrique des canidés sur des bases qui souscrivent aux conditions dʼune étude statistique. La caractéristique la plus marquante des restes de chien réside dans leurs dimensions relativement modestes par rapport à celles des ossements de loups découverts sur ces mêmes sites (Fig. 7). Les domaines de variation des valeurs relatives à lʼune et lʼautre forme ne se recouvrent pas, ce qui autorise une distinction assez aisée de leurs restes. Cette différence renvoie à un état de domestication avancé dont les effets sur la morphologie des animaux semblent assez accusés. Les données disponibles sur la hauteur au garrot peuvent, en première approche, être considérées comme particulièrement éclairantes à ce sujet. Les estimations disponibles

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Suisse occidentale et Jura français

Suisse orientale

Fig. 5 : Représentation des canidés parmi les dents et les métapodes perforés sur les sites néolithiques de Suisse (SCHIBLER 1980 et 1981, SCHIBLER et al., 1997, DESCHLER-ERB et al., 2002) et du Jura français (MARÉCHAL et al., 1997).

Du loup au « chien des tourbières » 177

concernant les loups varient de 70 à 73 cm tandis que pour les chiens les valeurs sont comprises entre 40 et 55 cm, soit des statures de près dʼun tiers inférieures à celles des loups. Comparées à celle dʼun individu standard qui sert de référence (méthode des logratios, MEADOW, 1999), les

mesures relatives aux restes de chien des différents sites lacustres du Jura occidental et de Suisse présentent une relative homogénéité (Fig. 8). Dʼun site à lʼautre, voire entre les différentes régions, les valeurs médianes sont assez proches et se recouvrent le plus souvent, ne serait ce quʼen partie. La variabilité plus marquée qui apparaît sur certains sites traduit la présence dʼindividus dont les caractéristiques métriques sʼécartent du standard moyen auquel correspondent la plupart des bêtes. Elle nʼest restituée que par les séries les plus importantes qui semblent de fait les seules aptes à couvrir intégralement la dispersion des mesures. Pour autant, les dimensions moyennes restent relativement modestes sur tous les sites du Néolithique et ne montrent quʼune variation limitée. Ce nʼest quʼà partir de lʼhorizon Cordé que des valeurs un peu plus élevées et une variation plus importante marquent les séries comme celles des sites de Zürich notamment, où cette évolution semble assortie dʼune différenciation morphologique dont les effets restent cependant limités (HÜSTER-PLOGMANN & SCHIBLER, 1997). Le fait le plus marquant réside dans la nette augmentation qui sʼamorce vers la fin du Néolithique pour aboutir à des animaux beaucoup plus robustes au Bronze final. Cette évolution se dessine aussi bien à travers les séries des sites de la zone orientale, comme Zürich-Alpenquai, que de celles des sites plus occidentaux comme Hauterive-Champréveyres (STUDER, 1991).

Fig. 6 : Eléments du squelette de chien découvert en connexion anatomique sur le site dʼArbon Bleiche 3. Photo AATG, D. STEINER.

100 120 140 160 180 200 220 240 mm

6

7

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Chien sites lacustresNéolithique

Chien sites lacustres Age du Bronze final

Loup sites lacustres

Fémur

Fig. 7 : Variation des mesures des ossements de chien et de loup sur les sites lacustres de Suisse et du Jura français datés du Néolithique à lʼAge du Bronze final.

178 R.-M. ARBOGAST et al.

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-.15

Suisse orientale lacs de Zurich et de Constance

Suisse occidentale et Jura français

Fig. 8 : Comparaison des caractéristiques métriques des chiens des sites lacustres de Suisse et du Jura français et de celles dʼun individu standard qui sert de référence (squelette de chien néolithique du site de Arbon Bleiche 3) (indices logarithmiques dʼaprès MEADOW, 1999).

Du loup au « chien des tourbières » 179

Champréveyres Bronze final

Humé

rus

Radiu

s

Fému

r

Tibia

Saint Blaise Auvernier

Twann CortaillodChalain Clairvaux

35

40

45

50

55

60

65

70

35

40

45

50

55

60

65

70

Zurich AlpenquaiBronze final

Zurich Cordé

Arbon Pfyn-Horgen

Feldmeilen Horgen

Zurich Horgen

Suisse orientale Lacs de Zurich et de Constance

Suisse occidentale et Jura français Lacs de Neuchâtel et de Chalain-Clairvaux

Hau

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m)

Hau

teur

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Humé

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Tibia

Fig. 9 : Variation des estimations de hauteur au garrot concernant les différentes parties anatomiques des chiens des sites lacustres de Suisse datés du Néolithique à lʼAge du Bronze final et des chiens du site Michelsberg de Mairy (en grisé).

180 R.-M. ARBOGAST et al.

La rareté des séries de mesures se rapportant au Bronze ancien et moyen ne permet pas réellement de saisir la portée de cette évolution de la taille des animaux dont on ne sait pas précisément si elle ne pourrait pas débuter plus tôt et concerner dʼautres types dʼoccupations que celles des bords de lacs. Signalée dès le début de lʼAge du bronze sur différents sites, mais toujours par des restes isolés, la présence de ces chiens plus grands semblent cependant rester assez discrète. Les rares séries de données métriques disponibles, comme celles relatives aux sites italiens de Barche et Lagi di ledro reflètent la prédominance, tout au long de lʼâge du bronze, du type des chiens de gabarit moyen à petit, de morphologie proche de celle des chiens du Néolithique. Cʼest aussi cette situation qui prévaut sur les sites du domaine alpin comme Cresta-Cazis Crestaulta (près de Surrhin) durant toute la période. Cette particularité témoigne probablement dʼune bonne adaptation des animaux aux conditions de vie plus rudes ou des utilisations particulières qui caractérisent ces milieux de montagne et qui pourraient représenter autant dʼisolats dans lesquels le type de chien plus corpulent nʼarrive pas à sʼimposer.Les estimations de taille disponibles restituent dʼune autre manière ces modifications. Les statures moyennes des chiens des sites néolithiques sont relativement constantes, avec une variation comprise entre 33 et 45 cm. Des différences relativement faibles, mais néanmoins assez systématiques pour être considérées comme significatives, apparaissent au niveau régional. Cʼest ainsi que les chiens des sites de la région des trois lacs et du Jura français se distinguent par des valeurs légèrement supérieures à celles de leurs congénères des sites de Suisse occidentale. Ces différences ne sont pas gommées par les effets de lʼévolution chronologique qui se traduisent par la présence de chiens dont la stature passe progressivement de 47 cm sur les sites datés du Cordé à 61 cm sur les sites du Bronze final. Une des explications susceptibles de rendre compte dʼune telle évolution pourrait être une sélection déterminée par une finalité particulière comme celle de disposer dʼanimaux plus productifs en viande. Seules les données relatives aux modalités de sélection des chiens du site de Hauterive-Champréveyres pourraient sʼaccorder avec une exploitation aussi ciblée (STUDER, 1989). Sur dʼautres sites, notamment ceux datés du Cordé sur lesquels sʼenregistrent les prémisses de cette modification, une telle spécialisation nʼest pas décelable, ce qui incite à nuancer la relation que lʼon peut être tenté dʼétablir entre cette augmentation de la stature et une forme particulière dʼutilisation des animaux. Cela est dʼautant plus justifié que la modification de la taille ne semble pas avoir dʼautre répercussion sur la morphologie des animaux. Les variations des estimations de taille selon les parties anatomiques renvoient à des proportions métriques entre les différentes parties du squelette qui ne se différencient guère quʼau niveau individuel. Dʼun point de vue plus général, les moyennes établies au niveau régional et

par tranche chronologique restent très homogènes. Des différences suffisamment marquées ne se décèlent pas plus entre les chiens et les loups quʼentre les chiens les plus petits et les plus grands, ce qui suggère que tous ces animaux se rapportent à un même type morphologique. Cette homogénéité pourrait être considérée comme la confirmation de lʼexistence dʼun type morphologique peu différencié, commun à tous ces sites lacustres. Pour autant il nʼest pas possible dʼy reconnaître le fameux « chien des tourbières » ou des palafittes, décrit, sur la base de critères craniologiques, par RÜTIMEYER en 1860, et qui hantait encore les publications jusquʼà une date récente. La comparaison avec les données choisies en dehors du domaine lacustre, comme celles relatives au site Michelsberg de Mairy (ARBOGAST, 1989), tendent à indiquer que le type auquel se rapportent les chiens de ces sites lacustres peut être reconnu sur dʼautres sites du Néolithique. Tant du point de vue de leur stature que de leurs proportions métriques les caractéristiques des chiens du site Michelsberg de Mairy (ARBOGAST, 1989) se confondent avec celles des bêtes des sites lacustres. Cette homogénéité renvoie à des populations de chiens peu diversifiées dont la sélection en vue de lʼobtention de types morphologiques particuliers ne semble pas avoir été une des préoccupations majeures des maîtres des chiens néolithiques.

Même si bien des aspects de la relation entre lʼhomme et le chien restent inaccessibles par le biais de la documentation archéologique, les données disponibles traduisent bien la diversité des productions pour lesquelles le chien a été sollicité sur ces sites du Néolithique et de lʼAge du Bronze. Quʼil sʼagisse de sa contribution à lʼéconomie alimentaire, à celle des matières premières ou de sa valorisation dans le domaine symbolique, son utilisation présente un caractère très polyvalent, car tant sur le plan des modes dʼexploitation que sur celui de la sélection dʼun type morphologique, aucun signe de spécialisation nʼest perceptible. Plus que pour toute autre espèce animale, lʼhomme semble avoir largement joué sur la complémentarité de ces divers registres dʼutilisation, contribuant à tisser une relation aussi complexe quʼoriginale.

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