coexistence et conflits confessionnels
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Conclusions de : Catherine Maurer et Catherine Vincent
(éd.) , La Coexistence confessionnelle en France et en Europe
germanique et orientale du Moyen Âge à nos jours , Lyon,
LARHRA, 2015. ISBN 979-10-91592-12-3
CONCLUSIONS :
COEXISTENCE ET CONFLITS CONFESSIONNELS
Yves KRUMENACKER
Au centre de Strasbourg, l’église Saint-Pierre-le-Jeune, qui figure en couverture
de ce volume, représente un bel exemple de la coexistence confessionnelle et de
ses limites. Eglise luthérienne depuis 1524, elle abrite un simultaneum depuis le
rattachement de Strasbourg à la France, en 1681, et cela jusqu’en 1898. La nef,
réservée à l’écoute de la Parole, est attribuée aux luthériens, alors que le
sanctuaire est catholique, avec un mur prenant appui sur le jubé pour inscrire
clairement dans l’espace la séparation entre les deux confessions. Le
simultaneum, ainsi, associe et oppose deux confessions rivales : occupation d’un
même édifice, mais pas au même endroit ni à la même heure. A la nef gothique,
revêtue d’un badigeon de chaux, s’oppose le chœur pourvu d’un décor baroque.
L’occupation de l’espace comme le décor associent et opposent ainsi
catholicisme et luthéranisme.
Pour beaucoup d’historiens, notamment allemands et anglo-saxons, le paradigme
de la confessionnalisation, proposé par W. Reinhard et H. Schilling, est devenu
indispensable pour analyser l’évolution des sociétés européennes de l’époque
moderne1. Il a cependant donné lieu à un certain nombre de critiques. On lui a
1 Wolfgang REINHARD, « Konfession und Konfessionalisierung in Europe », dans Idem (éd.),
Bekenntnis und Geschichte. Die Confessio Augustina im historischen Zusammenhang,
Munich, Verlag Ernst Vögel, 1981, p. 165-189 ; Heinz SCHILLING, Konfessionskonflikt und
Staatsbildung. Eine Fallstudie über das Verhältnis von religiösem une sozialem Wandel in
der Frühneuzeit am Beispiel der Grafschaft Lippe, Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus,
1981 ; Idem, Die reformierte Konfessionalisierung in Deutschland – Das Problem der
« Zweiten Reformation », Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus, 1986 ; Idem, « Die
Konfessionalisierung im Reich – Religiöser und gesellschaftlicher Wandel in Deutschland
zwischen 1555 und 1620 », Historische Zeitschrift, 1988, 246, p. 1-45 ; Hans-Christoph
RUBLACK (dir.), Die lutherische Konfessionalisierung in Deutschland, Gütersloh,
Gütersloher Verlagshaus, 1992 ; Heinrich R. SCHMIDT, Konfessionalisierung im 16.
Jahrhundert, Munich, Oldenbourg, 1992 ; Wolfgang REINHARD, Heinz SCHILLING (dir.),
Die katholische Konfessionalisierung, Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus, 1995 ; Heinz
Conclusions : coex is tence et conf l i ts confess ionne ls
reproché de faire la part trop belle à la construction de l’État, au détriment
d’autres formes de territoires, notamment les communautés rurales2, de sous-
estimer les résistances et les accommodements nécessaires des populations3, de
trop privilégier les sources normatives et de confondre ainsi les intentions
officielles et leurs effets réels4, d’unifier artificiellement les confessions en sous-
estimant l’importance des marges et des dissidences et de négliger les
spécificités irréductibles des différentes confessions5. D’autre part, si le
paradigme de la confessionnalisation semble pouvoir s’appliquer, au moins en
partie, aux relations internationales, à la formation des corps pastoraux ou à
l’histoire intellectuelle6, on a plus de mal à l’utiliser pour des domaines comme
l’histoire du droit, le fonctionnement de la République des Lettres ou l’évolution
des arts. La périodisation pose également problème : classiquement, elle couvre
la période 1555-1648 ; mais elle est souvent étendue à la seconde modernité, à
travers le concept d’âge confessionnel ou, de manière plus modérée, d’âge du
confessionalisme, pour la France comme pour les pays germaniques, et même
SCHILLING, « Confession religieuse et identité politique en Europe. Vers les Temps
Modernes (XVe-XVIII
e siècles) », Concilium, 1995, n° 262, p. 13-23 ; Anton SCHINDLING,
Walter ZIEGLER (dir.), Die Territorien des Reichs im Zeitalter der Reformation und
Konfessionalisierung. Land und Konfession. VII : Bilanz – Forschungsperspektiven –
Register, Münster, Aschendorff, 1997 ; Gérald CHAIX, « La confessionnalisation. Note
critique », Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, 2002, 148,
p. 851-865 ; Idem, « La confessionnalisation dans le Saint-Empire XVIe-XVIII
e siècles »,
Études Germaniques, 2002, p. 395-576 ; Olivier CHRISTIN, « Confessionalisation », dans
Régine AZRIA, Danièle HERVIEU-LÉGER (dir.), Dictionnaire des faits religieux, Paris, PUF,
2012, p. 169-174. 2 Heinrich R. SCHMIDT, « Sozialdisziplinierung ? Ein Plädoyer für das Ende des Etatismus in
der Konfessionalisierungsforschung », Historische Zeitschrift, 1997, 265, p. 639-682. 3 Thomas P. BECKER, Konfessionalisierung in Kurköln. Untersuchungen zur Durchsetzung der
katholischen Reform in den Dekanaten Ahrgau und Bonn anhand von Visitationsprotokollen
1583-1761, Bonn, Röhrscheid, 1989. 4 Marc R. FORSTER, The Counter-reformation in the Villages. Religion and Reform in the
Bishopric of Speyer, 1560-1720, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 1992 ; Heinrich
R. SCHMIDT, Dorf und Religion. Reformierte Sittenzucht in Berner Landgemeinden der
frühen Neuzeit, Stuttgart, Iéna et New York, Gustav Fischer Verlag, 1995. 5 Thomas KAUFMANN, « Die Konfessionalisierung von Kirche und Gesellschaft.
Sammelbericht über eine Forschungsdebatte », Theologische Literaturzeitung, 1996, 121,
p. 1008-1121. 6 Heinz SCHILLING, « Formung und Gestalt des internationalen Systems in der werdenden
Neuzeit – Phasen und bewegende Kräfte », dans Peter KRÜGER (dir.), Kontinuität und
Wandel in der Staatenordnung der Neuzeit. Beiträge zur Geschichte des internationalen
Systems, Marburg, Hitzeroth, 1991, p. 19-46 ; Luise SCHORN-SCHÜTTE, « The “New
Clergies” in Europe : Protestant Pastors and Catholic Reform Clergy after the
Reformation », dans Bridget HEAL, Ole Peter GRELL (dir.), The Impact of the European
Reformation, Aldershot, Ashgate, 2008, p. 103-124 ; Erika RUMMEL, The
Confessionalization of Humanism in Reformation Germany, Oxford, Oxford University
Press, 2000.
Yves KR UM EN AC K ER
au-delà. On peut même suggérer que la confessionnalisation s’applique
également à l’époque contemporaine, jusque dans les années 1960, dans la
mesure où la liberté religieuse a obligé les Églises à se redéfinir et à renforcer
leur identité7.
L’extension géographique est aussi objet de débats : à l’origine pensée davantage
pour les territoires luthériens du Saint-Empire, elle s’est rapidement appliquée
aux États catholiques et calvinistes du même ensemble, puis aux autres États
européens, non sans susciter des résistances. La France, en particulier, semble
résister à l’analyse, en raison du poids du gallicanisme8 et la coexistence,
institutionnalisée par l’édit de Nantes, des protestants et des catholiques : la
France n’aurait ainsi connu qu’une « confessionnalisation faible », une identité
confessionnelle construite en grande partie indépendamment de l’État9. L’accent
est donc plutôt mis, dans les études concernant la France, sur le « plat-pays de la
croyance », les résistances aux identités confessionnelles fortes10
ou sur la
coexistence confessionnelle11
. Mais on sait bien que, dans le Saint-Empire,
malgré la paix d’Augsbourg et le principe cujus regio ejus religio, les territoires
partagés confessionnellement ont été finalement assez nombreux, que ce soit
légalement, dans les villes libres biconfessionnelles comme Augsbourg, ou par
une coexistence de fait. Le cas d’Augsbourg est bien connu et sert depuis
longtemps de modèle à l’étude de la coexistence religieuse12
, mais bien d’autres
cas de coexistence pacifique ou de conflits peuvent être observés13
.
7 Olaf BLASCHKE (dir.), Konfessionen im Konflikt. Deutschland zwischen 1800 und 1970 : ein
zweites konfessionelles Zeitalter, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2002. 8 Alain TALLON, Conscience nationale et sentiments religieux en France au XVII
e siècle, Paris,
PUF, 2002. 9 Philip BENEDICT, « Confessionalization in France ? Critical reflections and new evidence »,
dans Raymond MENTZER, Andrew SPICER (dir.), Society and Culture in the Huguenot
World, 1559-1685, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 44-61. 10 Thierry WANEGFFELEN, Ni Rome ni Genève. Des fidèles entre deux chaires en France au
XVIe siècle, Paris, 1997 ; Idem, Une difficile fidélité. Catholiques malgré le concile en
France, XVIe-XVII
e siècles, Paris, PUF, 1999. Pour un contrepoint dans le Saint-Empire :
Kaspar VON GREYERZ, Manfred JAKUBOWSKI-TIESSEN, Thomas KAUFMANN, Hartmut
LEHMANN (dir.), Interkonfessionalität − Transkonfessionalität − binnenkonfessionelle
Pluralität. Neue Forschungen zur Konfessionalisierungsthese (Schriften des Vereins für
Reformationsgeschichte, vol. 201), Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus, 2003. 11 Didier BOISSON, Yves KRUMENACKER (dir.), La Coexistence confessionnelle à l’épreuve.
Études sur les relations entre protestants et catholiques dans la France moderne, Lyon,
Chrétiens et Sociétés (Documents et Mémoires n° 9), 2009 ; « La Coexistence religieuse
dans la paix (XVIe-XIX
e siècles) », Liame, n° 21, 2011. 12 Étienne FRANÇOIS, Protestants et catholiques en Allemagne. Identités et pluralisme à
Augsbourg, 1648-1806, Paris, Albin Michel, 1993. 13 Christophe DUHAMELLE, « L’invention de la coexistence confessionnelle dans le Saint-
Empire (1555-1648) », dans Les Affrontements religieux en Europe (1500-1650), Paris,
Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2009, p. 223-243.
Conclusions : coex is tence et conf l i ts confess ionne ls
C’est dans cet esprit, finalement peut-être plus français qu’allemand, que la
Société d’Histoire Religieuse de la France a organisé en Alsace, espace privilégié
en ce domaine, ce colloque sur « La coexistence confessionnelle en France et
dans les mondes germaniques du Moyen Âge à nos jours », bien que, le titre
l’indique, l’espace étudié couvre aussi bien les terres classiques de la
confessionnalisation, bien au-delà des terres germaniques, que celles de sa
remise en cause la plus radicale. Ce faisant, elle invite à un décentrement, de
l’action des États et des Églises vers une étude des comportements, au plus près
des réalités vécues. Elle va même plus loin, en ouvrant largement la
problématique à une chronologie large et à un grand éventail de religions. Car,
on l’aura remarqué, l’historiographie de la confessionnalisation ne s’intéresse
qu’aux catholiques et aux protestants (et même essentiellement, parmi ceux-ci,
aux luthériens et aux réformés), surtout à l’époque moderne. Le Moyen Âge
n’est évidemment pas abordé et la période contemporaine rarement. Quant aux
études sur les relations confessionnelles, elles sont également dominées par le
poids de l’histoire moderne.
Le Moyen Âge n’a pourtant pas été négligé, mais c’est la péninsule ibérique qui
a souvent été considérée comme le laboratoire privilégié de la coexistence,
attirant ainsi l’attention des historiens sur les rapports entre chrétiens, juifs et
musulmans14
. Sur ce thème, des travaux ont également été faits concernant le
Saint-Empire et la France, mais en moins grand nombre15
. Très récemment, les
relations avec les juifs et les païens ont été étudiés pour le Nord-Est de
l’Europe16
. Les relations entre l’Église chrétienne dominante et les dissidences
apparaissent au gré de l’étude de ces dissidences, mais ont rarement fait l’objet
14 Parmi les travaux récents, voir David NIRENBERG, Violence et minorités au Moyen-Âge,
Paris, PUF, 2001 (éd. orig. : Communities of violence : persecution of minorities in the
Middle Ages, Princeton, Princeton University Press, 1996) et le très récent colloque « La
cohabitation religieuse dans les villes européennes (Xe-XVI
e siècles) » (21-26 mai 2012),
dont les actes devraient paraître chez Brepols et qui traite aussi de l’Italie et de la Hongrie. 15 Voir notamment Alfred HAVERKAMP (dir.), Zur Geschichte der Juden im Deutschland des
späten Mittelalters und der frühen Neuzeit, Stuttgart, Anton Hierseman, 1981; Ronan
POCHIA HSIA, Hartmut LEHMANN (dir.), In and Out of the Ghetto. Jewish-Gentile Relations
in Late Medieval and Early Modern Germany, New York, Cambridge University Press,
1995 ; William C. JORDAN, The French Monarchy and the Jews : from Philip Augustus to
the Last Capetians, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1989 ; quelques
exemples pour la France méridionale dans Gabriel AUDISIO, Régis BERTRAND, Madeleine
FERRIÈRES, Yves GRAVA (dir.), Identités juives et chrétiennes. France méridionale XIVe-XIX
e
siècle, études offertes à René Moulinas, Aix-en-Provence, Publications de l’université de
Provence, 2003. 16 « Christians and the Non-Christian Other », Baūnyčios istorijos studijos, Studies in Church
History, VI, 2013.
Yves KR UM EN AC K ER
d’études spécifiques17
et sont surtout marquées par l’histoire des conflits. De
manière générale, l’Église médiévale semble surtout avoir voulu éviter toute
coexistence avec les « hérésies ».
Quant à l’époque contemporaine, elle est également assez peu riche, les
interrogations actuelles sur la tolérance, la coexistence et le vivre-ensemble étant
plutôt prises en charge par les sociologues. Les principales études historiques
concernent, classiquement, les relations entre chrétiens et juifs18
ou entre
catholiques et protestants, plutôt, là encore, sur le mode du conflit, en en faisant,
éventuellement, un élément essentiel de l’histoire contemporaine19
. On ne peut
donc que se réjouir d’avoir eu des communications allant du XIe au XX
e siècle,
avec un certain équilibre entre les périodes médiévale et contemporaine, même si
l’histoire moderne reste privilégiée. Les religions mentionnées sont nombreuses :
catholiques, protestants sous différentes formes, juifs, cathares, vaudois, hussites,
païens de Samogitie ont attiré l’attention des intervenants. Cette double
ouverture, dans le temps et dans les religions, a permis une approche
comparatiste bien plus vaste que ce qu’on a l’habitude de trouver et, ainsi,
d’avoir un questionnement plus riche. On peut classer ses principaux apports en
trois catégories :
‒ Désigner et ressentir l’« autre » confessionnel
‒ Les différents modes de coexistence
‒ Déclenchement et résolution des conflits confessionnels
Désigner et ressentir l’« autre » confessionnel
La première condition pour qu’il y ait coexistence confessionnelle est qu’il y ait
un autre d’une confession différente, ou plutôt que cet autre soit reconnu comme
différent, même s’il s’agit souvent d’une méconnaissance. La désignation de
l’autre afin de le caractériser est ainsi essentielle et les débats savants comme les
17 Quelques exceptions dans Gabriel AUDISIO (dir.), Vivre dans la différence, hier et
aujourd’hui – Actes du colloque de Nîmes, 24-25 novembre 2006, Avignon, Alain
Barthélemy, 2008. 18 Pierre BIRNBAUM, Ira KATZNELSON (dir.), Paths of Emancipation. Jews, States and
Citizenship, Princeton, Princeton University Press, 1995 ; Patrick CABANEL, Chantal
BORDES-BENAYOUN, Un modèle d’intégration. Juifs et israélites en France et en Europe,
XIXe -XX
e siècles, Paris, Berg International, 2004. 19 Michèle SACQUIN, Entre Bossuet et Maurras : l’antiprotestantisme en France de 1814 à
1870, Paris, École des Chartes, 1998 ; Jean BAUBEROT, Valentine ZUBER, Une haine
oubliée. L’antiprotestantisme avant le « pacte laïque » (1870-1885), Paris, Albin Michel,
2000 ; Jean BAUBEROT, « L’antiprotestantisme politique à la fin du XIXe siècle », Revue
d’histoire et de philosophie religieuse, 1972, n° 4, p. 449-484 et 1973, n° 2, p. 178-221 ;
Josias TEISSONNIÈRE, « Les rapports entre catholiques et protestants dans le Midi. Brève
historiographie », Liame, n° 21, p. 24-25.
Conclusions : coex is tence et conf l i ts confess ionne ls
controverses théologiques jouent, depuis l’Antiquité, un rôle fondamental dans
ce processus20
. Le cas peut-être le plus emblématique, étudié par Uwe Brunn, est
celui de l’invention de l’Église cathare grâce à une source prédominante, saint
Augustin, contre presque toute la tradition postérieure ; on a là un bel exemple de
sélection et de projection de sources antiques sur une époque ultérieure. Mais il y
a lieu de s’interroger également sur la manière dont toutes les dissidences,
vaudoises, hussites, protestantes ou autres sont peu à peu perçues comme
extérieures à l’Église romaine, comment elles précisent progressivement leur
doctrine et leur discipline, de revenir ainsi à la vieille notion de
Konfessionsbildung21
et de voir comment l’autre est construit et représenté dans
les discours – un processus qui se retrouve dans les autres religions, par exemple
dans la formation, dès les premiers siècles de l’hégire, d’un islam officiel22
.
Pour en revenir au christianisme, on sait que le principe fondamental est de
ramener toute nouvelle dissidence à une hérésie ancienne, déjà réfutée, grâce à
des catalogues dressés par saint Clément d’Alexandrie, saint Irénée, saint
Épiphane, saint Augustin, etc. ; la perception que les théologiens ont de ces
dissidences dépend donc des contacts directs qu’ils ont avec elles ou des récits
qui leur sont rapportés, mais lus à travers le prisme d’une connaissance livresque
de l’histoire de l’Église. Il faudrait, bien entendu, tenir compte de l’évolution,
noter par exemple qu’à l’époque moderne l’hérésie est reconnue comme Église –
fausse, mais Église quand même – ce qui va brouiller les perceptions et rendre
plus crucial le problème de la coexistence, puisque ce sont des Églises instituées
qui coexistent23
; cela peut expliquer la volonté de renvoyer l’autre à un statut
privé, en interdisant par exemple le port de signes d’appartenance religieuse. On
a sans doute des prémices de cette évolution au Moyen Âge, peut-être avec la
vision des cathares par Eckbert, mais dont on a vu qu’elle peine à s’imposer aux
XIIe-XIII
e siècles, qu’elle disparaît aux XIV
e-XV
e siècles et n’est plus ensuite
connue que des érudits ; peut-être avec les vaudois, qui forment l’« armée de
Satan » sans pourtant se séparer totalement de l’Église romaine ; plus sûrement
avec les Hussites, puisqu’on accepte de débattre avec eux, comme le montre
Olivier Marin. Mais il s’agit d’Églises chrétiennes, donc de confessions, de
groupes religieux dotés à partir du XVIe siècle d’une confession de foi, ce qui les
20 Piroska NAGY, Michel-Yves PERRIN, Pierre RAGON, Les Controverses religieuses entre
débats savants et mobilisations populaires, Mont-Saint-Aignan, PURH, 2011. 21 Ernst-Walter ZEEDEN, Die Entstehung der Konfessionen. Grundlagen und Formen der
Konfessionsbildung im Zeitalter der Glaubenskämpfe, Munich, Oldenbourg, 1965 ; Idem,
Konfessionsbildung : Studien zur Reformation, Gegenreformation und katholischen Reform,
Stuttgart, Klett-Cotta, 1985. 22 Chrystel BERNAT, Hubert BOST, Énoncer/Dénoncer l’autre. Discours et représentations du
différend confessionnel à l’époque moderne, Paris, Brepols, 2012. 23 Alphonse DUPRONT, « Réflexions sur l’hérésie moderne », Archives de Sciences Sociales
des Religions, 1962, 14, p. 17-25.
Yves KR UM EN AC K ER
distingue radicalement des communautés juives et musulmanes. Celles-ci, aux
époques qui nous intéressent, sont bien connues. Reste à voir néanmoins la
manière dont on les désigne précisement : la communication de Benoît-Michel
Tock est précieuse à cet égard en nous montrant qu’on distingue nettement les
juifs, mais sans trop d’animosité, au moins durant le haut Moyen Âge et le
Moyen Âge central.
Nous avons vu de nombreux exemples de ces désignations, et leur étude
systématique serait sans doute utile pour réfléchir sur les difficultés ou non de la
coexistence confessionnelle. Ainsi, les « cathares » sont qualifiés d’hérétiques,
de bonshommes mais, très souvent, on ne les voit pas du tout ; il est sans doute
plus efficace pour les exclure de les traiter de catafrigiens ou de cathares, car cela
désigne alors une Église radicalement différente. Quant aux protestants de
l’époque moderne, ils parlent de papistes ou de catholiques romains, et ces
termes, plus ou moins virulents, permettent des relations plus ou moins apaisées.
Mais, s’il est nécessaire de désigner l’autre pour prendre conscience de son
existence, ce ne sont pas les définitions des théologiens qui président aux
diverses formes de coexistence. Il faut alors changer d’échelle et passer à une
analyse de type anthropologique pour examiner ce qui, aux yeux des populations,
fait la différence : une langue, un accent, une manière de se vêtir, des habitudes
alimentaires, des coutumes particulières, des fêtes religieuses, etc. L’attention est
alors attirée sur l’importance de l’habitus, sur les pratiques qui produisent une
identité religieuse et sont induites par elle. La confession apparaît de ce fait plus
comme une manière de vivre et une manière de croire que comme l’application
d’un dogme24
.
Se pose alors la question de la frontière confessionnelle, qui peut revêtir diverses
formes : une frontière rigide (mais qui n’entraîne pas forcément de conflit,
comme le montrent les rapports entre les samogites chrétiens et les chevaliers
teutoniques) ; une démarcation négociée, encouragée et imposée par l’État,
comme en France sous le régime de l’édit de Nantes ; une frontière brouillée,
poreuse25
. Ce troisième type de frontière a du mal à durer, car tout est prétexte à
réactiver, comme cet exemple que l’on pourrait qualifier de « baroque », mais
situé au siècle des Lumières, des deux Pâques de 1724, analysé par Christophe
Duhamelle, qui renvoie évidemment à la querelle des calendriers,
particulièrement vive dans le Saint-Empire26
. Cette question est d’autant plus
24 Michel PLENET, Catholiques et protestants en Vivarais aux XVII
e et XVIIIe siècles : modes de
vie, modes de croire, thèse de doctorat sous la direction de Jean-Pierre Gutton, université
Lyon II, 2007. 25 Keith LURIA, Sacred Boundaries. Religious Coexistence and Conflict in Early-Modern
France, Washington, The Catholic University of America Press, 2005. 26 Francesco MAIELLO, Histoire du calendrier. De la liturgie à l’agenda, Paris, Seuil, 1996
(éd. ital. 1993) ; Christophe DUHAMELLE, « Une frontière abolie ? Le rapprochement des
Conclusions : coex is tence et conf l i ts confess ionne ls
intéressante qu’elle révèle une coexistence dans la distinction, avec des
compromis réalisés par les populations quand les politiques et les théologiens
marquent plus fortement les différences. On pourrait aussi évoquer le travail du
dimanche par les protestants, alors même que cela leur est interdit par leurs
Églises et régulièrement rappelé dans les colloques et les synodes. Mais il s’agit
de se démarquer de l’autre et, en ce sens, on pourrait distinguer le confessionnel
du religieux.
Les textes qui précèdent ont permis de mettre au jour de nombreuses frontières.
Les cimetières et les funérailles devraient diviser les populations27
et tel est le cas
à Metz ; mais dans bien des endroits les populations se mêlent car la mort est un
phénomène social bien autant que religieux : les enterrements sont mixtes à
Neuchâtel. Les mariages représentent, pour Étienne François, un tabou28
; les
recherches actuelles montrent qu’ils ne sont pas si rares. Or ils ouvrent une
brèche dans le processus de confessionnalisation, faisant passer de la frontière
rigide voulue par les théologiens à la frontière brouillée de la subjectivité
religieuse. Quant à l’assistance à un culte qui n’est pas le sien, elle apparaît
ambiguë, à la fois appréciée et redoutée aussi bien par les prêtres que par les
pasteurs ; on sait qu’elle a eu une certaine importance, notamment en France
pendant la période du Désert. On peut aussi s’interroger sur d’éventuelles
ségrégations géographiques. Les rues et les quartiers juifs du Moyen Âge sont
bien connus. À l’époque moderne, il existe des espaces confessionnalisés (mais
rarement totalement) dans le Saint-Empire et dans une partie de la Suisse ; en
revanche, on ne peut pas parler de ségrégation dans la France moderne et
contemporaine, même s’il n’y a pas de protestants dans de nombreux quartiers
ou villes. La situation semble donc très diverse mais, nulle part, une frontière
rigide ne peut être maintenue très longtemps.
Les différents modes de coexistence
Sans doute faut-il distinguer la coexistence à l’intérieur du cadre chrétien et celle
qui concerne les chrétiens et les non-chrétiens, bien que l’antisémitisme puisse se
développer sur un arrière-plan de conflits confessionnels ; en France, à la fin du
XIXe siècle, antisémitisme et anti-protestantisme ont été proches
29. La rareté
calendriers catholiques et protestants du Saint-Empire en 1700 », dans Bertrand FORCLAZ
(dir.), L’expérience de la différence religieuse dans l’Europe moderne (XVIe-XVIII
e s.),
Neuchâtel, Alphil - Presses universitaires suisses, 2013, p. 99-114. 27 Keith LURIA, « Separated by Death ? Burials, Cemeteries, and Confessional Boundaries in
Seventeenth-Century France », French Historical Studies, 2001, 24/2, p. 185-222. 28 É. FRANÇOIS, op. cit. (voir n. 12). 29 Patrick CABANEL, Juifs et protestants en France, les affinités électives (XVI
e-XXIe siècles),
Paris, Fayard, 2004 ; J. BAUBEROT, V. ZUBER, op.cit. (voir n. 19).
Yves KR UM EN AC K ER
extrême des conversions au judaïsme et à l’Islam, jusqu’à une date très récente,
fait qu’on a face à face des populations différentes, alors que, surtout en France
et dans toutes les régions du Saint-Empire où voisinent des micro-États, où les
souverainetés s’entremêlent, protestants et catholiques peuvent appartenir aux
mêmes familles ; cette question de la coexistence confessionnelle au sein d’une
même famille mériterait d’ailleurs d’être davantage étudiée. Les conversions
princières, évoquées par Matthias Schnettger, ne sont qu’un des aspects de la
vaste question de la différence des confessions entre membres d’un même État30
.
La coexistence entre juifs et chrétiens a souvent été traitée sur le mode de la
persécution ou sur celui de la fascination lettrée et des échanges entre savants
juifs et chrétiens. Une typologie des différents types de violence a été dressée,
pour le Moyen Âge, par Nirenberg31
, et reste valable pour l’époque moderne et
sans doute l’époque contemporaine, au moins jusqu’à la Shoah, qui représente
une forme radicalement nouvelle de violence. Comment ensuite vivre ensemble,
c’est l’interrogation posée par Audrey Kichelewski à propos de la Pologne
communiste, où l’antisémitisme reste fort. Mais, pour les périodes plus
anciennes, il faut, sans bien entendu nier la violence, prendre la mesure de
l’hostilité systématique envers les juifs, ce qu’ont tenté Benoît-Michel Tock et
Rolf Grosse. Sans nier les conflits, ils montrent que les clauses hostiles aux juifs
sont plutôt rares dans les chartes des Xe-XII
e siècles et qu’une certaine intégration
des juifs existe dans le Paris des VIe-XII
e siècles, comme à Cologne du IV
e au XI
e ,
puis du XIIe à la mi-XIV
e siècle.
Dans le cadre chrétien, on coexiste entre frères partageant très largement les
mêmes valeurs. Les conflits s’appuient-ils alors essentiellement sur des causes
non religieuses, des rivalités anciennes, comme le suggère Wofgang Kaiser32
?
C’est sans doute davantage vrai dans le cas d’affrontements entre États que dans
les relations quotidiennes au sein des communautés, même si, aujourd’hui
comme hier, les rapports sociaux et les oppositions politiques peuvent jouer un
rôle important. La réactivation des guerres de religion sous la Révolution est bien
connue33
, et les travaux portant sur le XIXe et le XX
e siècles dans le Sud de la
France sont nombreux à adopter cette problématique34
. Mais cela n’explique sans
30 Un exemple différent, d’une princesse qui ne se convertit pas mais vit dans une cour qui ne
partage pas sa confession, peut être fourni par Catherine de Bourbon : Marie-Hélène
GRINTCHENKO, Catherine de Bourbon (1559-1604), Paris, Honoré Champion, 2009. 31 D. NIRENBERG, op. cit. (voir n. 14). 32 Wolfgang KAISER (dir.), L’Europe en conflits. Les affrontements religieux et la genèse de
l’Europe moderne vers 1500 – vers 1650, Rennes, PUR, 2008, p. 351. 33 Valérie SOTTOCASA, Mémoires affrontées. Protestants et catholiques face à la Révolution
dans les montagnes du Languedoc, Rennes, PUR, 2004. 34 Parmi bien d’autres, Rémy CAZALS, Les Révolutions industrielles à Mazamet (1750-1900),
Paris, La Découverte, 1983 ; Yolande FOURCHARD-GOUNELLE, Religion et politique en
Conclusions : coex is tence et conf l i ts confess ionne ls
doute pas tout. En effet, la coexistence n’est pas la paix. Beaucoup de formes de
coexistence visent en réalité à éliminer l’autre en dressant des frontières. Malgré
le refus des conflits violents, la haine ne disparaît pas ; elle prend simplement
d’autres formes.
La coexistence confessionnelle peut présenter plusieurs aspects, même si elle est
souvent une « coexistence dans l’intolérance »35
. On peut en tenter une
typologie :
La controverse théologique, en fort déclin depuis Vatican II. Elle est restreinte
aux milieux savants, mais peut servir d’argument, de justification aux conflits.
Elle sert généralement surtout à légitimer sa position, à renforcer son identité,
bien plus qu’à discuter sérieusement avec l’autre. Elle peut aussi être refusée
par une communauté sur la défensive, comme c’est le cas pour les protestants
messins au XVIIe siècle.
L’hostilité muette a sans doute été fréquente. Mais nous sommes là confrontés
au problème de l’absence de sources.
L’exclusion/intégration, bien illustrée par le cas de l’excommunication des
juifs au XIIIe siècle : l’exclusion de quelqu’un qu’on reconnaît de ce fait
comme appartenant au même monde alors même qu’il est d’une religion
différente, sans que cette mesure ait d’effet réel.
La lutte politico-religieuse, illustrée par les guerres de religion aussi bien que
par l’opposition à un prince qui n’est pas de la religion majoritaire dans l’État,
ou par le massacre de populations dissidentes. Les violences contre les
samogitiens, l’expulsion des juifs, les croisades en Terre sainte comme contre
les vaudois ou les albigeois, les persécutions à l’encontre des protestants autour
de l’édit de Nantes en sont autant d’exemples.
La violence contre les objets (iconoclasme, outrages contre les objets du culte
adverse dans le cas du simultaneum), les violences individuelles contre les
personnes ; elles ont sans doute en grande partie disparu en France après la
Terreur blanche36
. Mais il ne faut pas oublier la violence verbale et
France : Le Gard (1881-1914), clivages idéologiques et conflits sociaux, thèse de doctorat,
université Montpellier III, 1997 ; François PUGNIÈRE (dir.), Les cultures politiques à Nîmes
et dans le Bas-Languedoc oriental du XVIIe siècle aux années 1970 : affrontements et
dialogue, Paris, L’Harmattan, 2008. 35 Michel GRANDJEAN, Bernard ROUSSEL (dir.), Coexister dans l’intolérance. L’édit de Nantes
(1598), Genève, Labor et Fides, 1998. 36 Pierre TRIOMPHE, « Le discours libéral sur la Terreur blanche nîmoise », dans Jean-Claude
CARON et alii, Entre violence et conciliation. La résolution des conflits socio-politiques en
Europe au XIXe siècle, Rennes, PUR, 2008, p. 39-49 ; Idem, « La justice de la Restauration
face à la Terreur blanche gardoise (1815-1820) », Cahiers de la Nouvelle Société des études
sur la Restauration, 2007, VI, p. 57-80 ; Idem, « Des difficultés de sortir d’une crise
politico-confessionnelle : le Gard après la Terreur blanche de l’été 1815 », dans Jérôme
Yves KR UM EN AC K ER
symbolique, qui s’exprime par des blasphèmes, des persiflages, une
délimitation symbolique de l’espace, des interdictions diverses, et qui peut être
particulièrement efficace.
L’affrontement au quotidien. L’exemple particulier de l’assistance permet d’en
voir les effets : tentatives de conversion à Memmingen, exclusion des hôpitaux
d’Augsbourg ou de Strasbourg au XVIIIe siècle. Mais il est rarement la seule
règle : comme le montre Bertrand Forclaz à partir du cas d’Abraham Chaillet,
des identités multiples, confessionnelles, politiques, sociales, permettent de
mobiliser des modes très variés de coexistence et d’avoir des amis catholiques
tout en étant hostile au catholicisme ; on peut donner des exemples similaires
pour la France37
.
L’instrumentalisation de la différence religieuse, dont un bel exemple a été
donné par l’histoire de Blasius Wild et de Martha, où Blasius joue des
différences théologiques pour divorcer et pouvoir se remarier. Mais on connaît
aussi de nombreux cas aux XVIIe-XVIII
e siècles, sous forme de menace de
conversion quand le clergé se montre trop rigoureux. Il ne faudrait pas oublier
non plus les accusations religieuses servant à discréditer un adversaire, comme
le fait de traiter Anaclet de juif, au XIe siècle.
Un « irénisme fruste »38
, témoignant d’une véritable porosité des frontières. Un
certain nombre d’observations peuvent en effet intriguer. C’est le cas de
l’usage du serment, en principe chrétien, par des juifs, relevé par Benoît-
Michel Tock, ou du fait que la structure du béguinage continue à l’hôpital de
Strasbourg après le passage de la ville à la Réforme, ou encore qu’on parle
d’un « évêque » des juifs à Mayence, à Worms, à Spire, à Strasbourg au bas
Moyen Âge, ainsi qu’en Angleterre. On peut rappeler aussi qu’à l’époque
moderne, protestants et catholiques fréquentent souvent les mêmes collèges,
qu’ils soient jésuites ou réformés, et qu’ils ont ainsi une éducation commune.
Le vocabulaire, les pratiques vont d’une confession ou d’une religion à une
autre, favorisant sans doute le subjectivisme religieux. L’idée qu’on peut être
sauvé dans sa religion, quelle qu’elle soit, peut se répandre, et sans doute
encore plus facilement dans les couples mixtes et les familles divisées
confessionnellement. Certains vont même jusqu’à ne pas choisir et on les
GRÉVY (dir.), Sortir de crise. Les mécanismes de résolution de crises politiques (XVIe-XX
e
siècle), Rennes, PUR, 2010, p. 57-70. 37 Yves KRUMENACKER, « Être protestant en terre catholique : l’exemple du Bas-Poitou au
XVIIIe siècle », dans Christianisme et Vendée. La création au XIX
e siècle d’un foyer du
catholicisme, La Roche-sur-Yon, Centre vendéen de recherches historiques, 2000,
p. 179-185. 38 Gregory HANLON, Confession and Community in Seventeenth-Century France. Catholic and
Protestant Coexistence in Aquitaine, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1993.
Conclusions : coex is tence et conf l i ts confess ionne ls
qualifie de « libertins » ; mais c’est sans doute plus facile dans certains lieux
que dans d’autres.
Des relations pacifiées. On les constate dans les rapports économiques avec les
juifs, mais aussi, aux temps modernes, entre catholiques et protestants39
. De
même, Élisabeth Clementz a pu noter de bonnes relations entre juifs et
chrétiens au XIIe siècle, la présence de malades catholiques dans l’hôpital de
Strasbourg du XVIe au début du XVIII
e siècle, sans que cela pose problème ou
une mixité confessionnelle dans les léproseries alsaciennes jusqu’au XVIIe
siècle. Des réseaux matrimoniaux, familiaux, professionnels, financiers,
intellectuels peuvent ainsi se créer en faisant abstraction des différences
confessionnelles.
Le gommage des différences, la neutralisation de la visibilité religieuse. Cela
peut se réaliser par l’obtention des mêmes droits pour tous, comme c’est le cas
à Genève jusqu’au Kulturkampf. On pourrait trouver d’autres exemples – on
songe notamment à la France depuis la séparation entre l’Église et l’État –
mais sans doute uniquement à l’époque contemporaine. Cela ne nous dit
cependant pas quelles sont les relations réelles entre membres de diverses
confessions.
Déclenchement et résolution des conflits
confessionnels
Le problème essentiel est de comprendre pourquoi, dans certaines circonstances,
une forme de coexistence prend le pas sur l’autre, et comment cela évolue. Il faut
rendre compte du fait que la violence se déclenche dans certaines communautés
divisées confessionnellement et non pas dans d’autres. Mais aussi se demander
quelles stratégies marchent, une fois la violence déclenchée, pour une
désescalade ou une fin de la violence. On touche ici, entre autres, à la question de
la gestion du pluralisme religieux par le souverain, ramenée, par Jean Delumeau
et Thierry Wanegffelen, à trois modèles : le modèle allemand de ségrégation
confessionnelle, mais dont on voit de plus en plus les limites ; le modèle français
de confrontation confessionnelle, qui peut mener aussi bien à l’affrontement qu’à
la coexistence pacifique ; le modèle anglais40
. L’« autonomisation de la raison
politique », mise en avant par Olivier Christin41
, est-elle le passage obligé pour
39 Christian AUBRÉE, « Les relations entre protestants et catholiques dans le marché du crédit
parisien au XVIIe siècle », dans Didier BOISSON, Yves KRUMENACKER (dir.), op. cit. (voir
n. 11), p. 127-149. 40 Jean DELUMEAU, Thierry WANEGFFELEN, Naissance et affirmation de la Réforme, Paris,
PUF, 1997, p. 356-258. 41 Olivier CHRISTIN, La paix de religion. L’autonomisation de la raison politique au XVI
e
siècle, Paris, Seuil, 1997.
Yves KR UM EN AC K ER
un dialogue interconfessionnel ? Il y a au moins une exception, le dialogue avec
les hussites au concile de Bâle de 1431, dans la mesure où c’est l’Église qui
invite les Bohémiens, alors même que leur doctrine a déjà été condamnée ; mais
la nécessité d’établir la paix est le motif essentiel. Organiser et garantir la paix
est aussi une nécessité au XVIe siècle, mais ce sont alors les autorités politiques
qui convoquent les adversaires à des dialogues, ce qui explique cette
autonomisation.
Dans le cas de Genève, ce sont bien les conflits religieux qui ont amené l’État à
imposer la séparation d’avec les Églises en 1907, ce qui, explique Sarah Scholl, a
permis l’émergence d’une laïcité chrétienne. Quelle est la part du pragmatisme,
dont l’importance a été soulignée au temps des guerres de religion, tant de la part
des communautés pour éviter le passage des soldats que des commissaires du roi
pour apporter des solutions concrètes à l’établissement de la paix42
? Au XVIIe
siècle, au sein d’une ville comme Metz, étudiée par Julien Léonard, une union se
fait, qui transcende les confessions, pour préserver les intérêts municipaux. En
Suisse, Kaspar von Greyerz a montré que le religieux est quelquefois sacrifié au
politique afin d’assurer la survie de la Confédération (XVIe -XVIII
e siècles).
Serait-on à l’origine, encore lointaine, de la séparation entre l’Église et l’État ? Il
faut également se méfier des solutions trouvées : le simultaneum, quelquefois
présenté comme permettant la coexistence pacifique en Alsace, en Lorraine, dans
le Palatinat, en Suisse et même en Silésie, a souvent été générateur de violences,
aux XVIIe et XVIII
e siècles (sur le décor de l’église, les heures de célébration, le
mobilier, etc.)43
, comme au siècle suivant, ainsi que nous l’a rappelé Claude
Muller – et ce pourrait être un symptôme du second âge du confessionnalisme.
La solution de la parité adoptée dans certaines villes allemandes et en Suisse a
l’avantage de pacifier apparemment les relations, mais risque de paralyser les
institutions.
Ces questions nous amènent à nous demander quels sont les acteurs qui ont un
rôle dans le conflit ou la coexistence pacifique : l’État, les communautés, les
Églises, les individus ? L’État a sans doute un rôle fondamental. Son attitude
envers les minorités, protection, ségrégation, exclusion, joue évidemment sur les
rapports entre les religions ou les confessions. Le changement d’attitude du roi
de France en 1182 envers les juifs, alors qu’ils sont sous sa protection, est
symptomatique à cet égard. On peut rappeler que, partout, les juifs sont sous la
42 Pierre-Jean SOURIAC, Une guerre civile. Affrontements religieux et militaires dans le Midi
toulousain (1562-1596), Seyssel, Champ Vallon, 2008 ; Jérémie FOA, Le Tour de la Paix.
Missions et commissions d’application des édits de pacification sous le règne de Charles IX
(1560-1574), thèse de doctorat, université Lyon II, 2008. 43 Laurent JALABERT, Catholiques et protestants sur la rive gauche du Rhin. Droits,
confessions et coexistence religieuse de 1648 à 1789, Bruxelles, Peter Lang, 2009,
p. 393-416.
Conclusions : coex is tence et conf l i ts confess ionne ls
protection d’un seigneur à qui ils paient une redevance (c’est encore vrai au XVIIe
siècle pour les juifs de Metz). La volonté d’Henri IV d’imposer l’édit de Nantes,
alors que les édits de pacification précédents ont échoué, puis inversement celle
de Louis XIV de ne plus tolérer le protestantisme, sont également révélateurs du
poids des autorités politiques, de même que la volonté royale, à Metz en 1610,
d’imposer la coexistence entre catholiques et protestants. Le cas des princes qui
se convertissent, vu par Matthias Schnettger, est particulièrement intéressant ;
leur capacité à favoriser leur nouvelle confession ne doit pas être surestimée et
leur action peut même provoquer de nouveaux conflits. On peut le mettre en
parallèle avec les exemples neuchatellois d’un prince catholique en terre
réformée, brandebourgeois puis prussien d’un prince calviniste en terre
luthérienne et ayant des territoires catholiques, ou polonais (en 1697) d’un prince
d’origine luthérienne en terre catholique devenant prince catholique d’un
électorat luthérien... Il apparaît en tout cas clairement que les autorités politiques
peuvent avoir des manières très différentes d’appréhender la différence
religieuse, y compris quand celle-ci concerne le même espace : l’exemple de
l’évangélisation de la Samogitie, rappelé par Loïc Chollet, est particulièrement
intéressant pour cela. Il faut aussi rappeler les limites de l’action politique : la
tolérance de Rodolphe II, a rappelé Franck Muller, n’a pas pu résister à la
montée de l’absolutisme et au catholicisme militant de la Contre-Réforme.
Si l’on change d’échelle, si l’on passe de l’État au souverain, au seigneur, au
patron, les choses sont beaucoup plus complexes, avec les conflits de
souveraineté, bien développés par Laurent Jalabert, fréquents dans certaines
régions de l’Empire. Ce qui s’impose, c’est la mise en œuvre d’une solution
pragmatique pour vivre au quotidien. Il en est de même aux Pays-Bas, puis aux
Provinces-Unies, et ailleurs. Quant aux agents de l’État, comme les intendants en
France, ils ont des attitudes très diverses.
Le rôle des Églises, et plus précisément les clergés des différentes Églises, est
généralement présenté comme plutôt favorable à l’affrontement, sinon à
l’édification de frontières étanches entre les confessions ; il est d’autant plus
efficace quand il peut avoir l’appui des autorités politiques. Mais les Églises ont
en réalité des positions très diverses, y compris en période de tolérance. Du côté
catholique, ce sont surtout certaines congrégations religieuses qui sont présentées
comme très offensives (les capucins, les jésuites). Le cas de Metz au XVIIe siècle
oblige à nuancer cette présentation. Le discours catholique est plutôt négatif
envers la tolérance ; des mesures sont prises contre les protestants ; il existe
pourtant une proximité sociale et culturelle entre les pasteurs et les prêtres, et une
lutte commune pour discipliner la population. L’attitude des clergés est
particulièrement délicate lorsque le pouvoir politique est d’une autre confession.
L’affrontement ou la dissimulation sont alors fréquemment représentés,
dissimulation qu’on retrouve d’ailleurs dans des circonstances très différentes,
par exemple avec les juifs en Pologne communiste. L’analyse précise de
Yves KR UM EN AC K ER
l’attitude des prêtres alsaciens pendant la première guerre mondiale montre
qu’on leur attribue alors un rôle important, même si c’est en partie un fantasme,
comme le montre Annette Jantzen.
Quant aux individus, ils apparaissent souvent responsables lorsqu’il s’agit de
rechercher un bouc émissaire pour des questions qui ne sont pas religieuses,
comme dans le cas de la peste de Cologne de 1349. Mais ils peuvent aussi vivre
pacifiquement au quotidien, comme on l’a vu plus haut, et former des sociétés
intellectuelles et artistiques comme celles qu’a analysées Franck Muller à
Haarlem et à la cour de Prague ou qu’on peut retrouver à Metz au XVIIe siècle ;
cette sociabilité savante se retrouve plus tard dans la République des Lettres44
ou
dans les rapports qu’entretiennent entre elles les élites, par exemple à Lyon45
. La
difficulté est que des individus sont foncièrement ambivalents. Comme l’a
montré Jérémie Foa, les mêmes qui peuvent assassiner froidement des
protestants sont aussi capables de les protéger, car les liens familiaux, les réseaux
sociaux, les nécessités économiques, etc., peuvent prendre le pas sur les
motivations religieuses
Enfin, la question sans doute la plus importante pour notre temps est de savoir si
l’on peut faire mieux qu’une coexistence non violente ? Peut-être faut-il
introduire le concept de mixité, ou de convivance, comme le suggère Céline
Borello ; ce concept prend en compte la différence religieuse, mais sans que ce
soit discriminant dans la vie sociale, car coexister, c’est vivre côte à côte, mais
non vivre ensemble. Il faut pouvoir rendre intelligibles des rapports pacifiés, des
relations quotidiennes paisibles, mais dans un contexte d’insécurité persistante.
Mais il n’implique pas encore la reconnaissance de la richesse de la présence de
l’autre. Il faut, dans tous les cas, bien distinguer les modalités de coexistence ou
de convivance, qui renvoient à des pratiques, à de la tolérance, à la concorde ou à
l’œcuménisme, qui sont plus du domaine des idées, de la doctrine ou de la
législation ; c’est pourquoi l’expression quelquefois employée
d’« œcuménisme au quotidien » est plutôt malheureuse. Toute la question est de
savoir si l’on peut passer des unes aux autres. Une coexistence paisible sur le
long terme peut-elle amener une réelle reconnaissance de l’autre ?
Cela nous entraîne, me semble-t-il, sur la question, peut-être plus philosophique
qu’historique, de la tolérance, de la liberté de conscience, de la valeur positive
reconnue au pluralisme religieux. Sur la tolérance, après des réflexions menées
sous l’influence des Lumières ou, dans un esprit différent, de l’Aufklärung, ou
encore chez les protestants français de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, bien
44 Hans BOTS, Françoise WAQUET, La République des Lettres, Paris, Belin, 1997. 45 Odile MARTIN, La Conversion protestante à Lyon (1659-1687), Genève, Droz, 1986 ; Yves
KRUMENACKER, Des Protestants au siècle des Lumières. Le modèle lyonnais, Paris,
Champion, 2002.
Conclusions : coex is tence et conf l i ts confess ionne ls
des études ont été faites et l’on connaît maintenant les limites du concept46
. On
va plus loin avec la liberté de conscience et la reconnaissance du pluralisme.
Mais ces concepts ne sont apparus avec une connotation positive qu’à une
période relativement récente.
Ce volume nous présente une réflexion très riche sur ce thème de la coexistence
confessionnelle. Elle demanderait toutefois à être prolongée.
Sur le plan chronologique, tout d’abord. Peut-on vraiment parler de
coexistence confessionnelle au Moyen Âge ? Est-il d’ailleurs possible de parler
de confession, en dehors peut-être du cas hussite ? De manière plus générale,
cherche-t-on à organiser une coexistence entre personnes de croyances
différentes, en dehors des juifs, ou ne veut-on pas plutôt réintégrer les
dissidents ou en venir à bout ? Pour les périodes ultérieures, il faut être attentif
aux temps de crispation et d’apaisement, dus d’ailleurs quelquefois à des
phénomènes non religieux. Dans le Saint-Empire, les conflits sont plus ténus
après la paix de Westphalie ; il en est de même en France entre l’édit de Nantes
et sa révocation. Pour les juifs, une véritable coupure s’opère dans les derniers
siècles du Moyen Âge. L’identité est différente dans la vie quotidienne et dans
des événements particuliers, ainsi que selon les lieux où l’on se trouve, ce qui
nous amène à une deuxième conclusion.
Des nuances fortes à la théorie de la confessionnalisation. Faut-il comprendre
l’identité religieuse comme une réalité cognitive ou plutôt comme le produit de
pratiques spécifiques, plus ou moins en rapport avec les règles des Églises ?
Plus fondamentalement, peut-on même parler d’identité religieuse, comme si la
religion était séparée de tous les autres aspects de l’existence ? Il a plutôt été
questions, dans tout ce qui précède, d’identités multiples. On a noté, de plus,
des pratiques locales, des bricolages interconfessionnels qui s’imposent même
quelquefois aux princes, comme dans le cas des deux Pâques de 1724. Il y a
46 Jean LECLER, Histoire de la tolérance au siècle de la Réforme, Paris, Aubier-Montaigne,
1955 (rééd. Albin Michel, 1994) ; Michel PERONNET (dir.), Naissance et affirmation de
l’idée de tolérance, XVIe et XVII
e siècles. Bicentenaire de l’édit des non catholiques
(novembre 1787), Actes du Ve colloque Jean Boisset, Montpellier, Centre d’Histoire de la
Réforme et du Protestantisme, 1988 ; Barbara de NEGRONI, Intolérances. Catholiques et
protestants en France, 1560-1787, Paris, Hachette, 1996 ; Nicolas PIQUE, Ghislain
WATERLOT (dir.), Tolérance et Réforme. Éléments pour une généalogie du concept de
tolérance, Paris, L’Harmattan, 1999 ; Guy SAUPIN, Naissance de la tolérance en Europe aux
temps modernes : XVIe-XVIII
e siècles, Rennes, PUR, 1998 ; Thierry WANEGFFELEN, L’Édit de
Nantes. Une histoire européenne de la tolérance du XVIe au XX
e siècle, Paris, Librairie
générale française, 1998 ; Jean DELUMEAU (dir.), L’acceptation de l’autre : de l’édit de
Nantes à nos jours, Paris, Fayard, 2000.
Yves KR UM EN AC K ER
donc nécessité de faire varier les jeux d’échelle47
et de voir comment ces
échelles différentes interagissent. L’exemple fourni par Laurent Jalabert des
comtés de Nassau-Saarbrucken et de Nassau-Ottweiler est, sur ce plan,
fascinant : en se déplaçant un tout petit peu, des groupes d’habitants peuvent,
dans certains cas, aller soit à la messe, soit au prêche. Et pourtant, des signes
religieux identitaires existent, certains sont apparus pendant les périodes que
nous avons étudiés : le chapelet, le signe de croix, le chant des psaumes, etc. Ils
expriment sans doute une réification de la différence confessionnelle et sont le
témoignage que la biconfessionnalité est à présent bien en place. Reste à voir
comment et pourquoi cette réification peut faire rejouer les conflits
confessionnels à l’époque contemporaine.
Être attentif à la diversité des lieux. Il apparaît clairement que selon le poids
respectif des différentes confessions, selon la forme d’autorité politique qui
s’exerce sur un territoire donné, selon la force symbolique de certains lieux
aussi (Cévennes protestantes, Pologne catholique, etc.), la cohabitation paisible
est plus ou moins facile. Les réalités du morcellement politique de la Suisse ou,
encore plus, de certaines parties du Saint-Empire, ne sont pas celles des
grandes monarchies comme la France ; ce ne sont pas non plus celles d’une
ville-État, d’une principauté ecclésiastique, d’une monarchie absolue ni d’une
république.
Il est donc bien difficile d’élaborer des modèles de coexistence confessionnelle,
sans compter que le simple fait de le tenter implique déjà de nuancer le modèle
de la confessionnalisation. On ne peut pas parler, sans plus de précision, de
confessionnalisation, de confession, de coexistence : tous ces termes sont piégés.
Il ne faudrait cependant pas renoncer à les utiliser, pas même pour l’époque
contemporaine, car ils permettent de réfléchir, d’élaborer des schémas de
compréhension du passé et du présent, de faire finalement métier d’historien, ce
qui consiste à comprendre plus qu’à décrire.
47 Jacques REVEL (dir.), Jeux d’échelle. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard – Le
Seuil, 1996.
LES AUTEURS
Olaf BLASCHKE est professeur d’Histoire des XIXe et XX
e siècles à l’Université
de Münster (Allemagne). Il a notamment publié Konfessionen im Konflikt.
Deutschland zwischen 1800 und 1970: ein zweites konfessionelles Zeitalter
(2002) et Die Kirchen und der Nationalsozialismus (2014).
Céline BORELLO est maître de conférences en Histoire moderne à l’Université
de Haute Alsace et membre du CRESAT ‒ EA 3436. Ses travaux actuels
s’orientent vers l’étude des rapports interchrétiens au XVIIIe siècle. Elle a
notamment publié Les protestants de Provence au XVIIe siècle (2004) et Du
Désert au Royaume. Paroles publiques et écritures protestantes (1765-1788)
(2013).
Uwe BRUNN est maître de conférences en Histoire médiévale à l’Université Paul-
Valéry Montpellier III et membre du Centre d’Études Médiévales de Montpellier
‒ EA 4583 ‒. Ses recherches portent sur les interactions entre les constructions
ecclésiologiques monistes dans les traités théologiques du XIIe siècle, ainsi que
sur l’émergence d’un discours antidualiste, antimanichéen et anticathare. Il a
notamment publié Des contestataires aux « cathares » – discours de réforme et
polémique antihérétique dans les pays du Rhin et de la Meuse avant l’Inquisition
(2006).
Loïc CHOLLET est assistant doctorant en Histoire du Moyen Âge à l’Université
de Neuchâtel (Suisse). Il prépare actuellement une thèse de doctorat portant sur
la perception de la Lituanie en Europe occidentale. L’une de ses dernières
publications est : « Écrire l’histoire de la conquête : l’utilisation de l’histoire
dans la polémique contre l’Ordre Teutonique au sujet des droits des infidèles
(1386-1418) », Hereditas Monasteriorum, p. 17-47 (2014).
Élisabeth CLEMENTZ est maître de conférences en Histoire médiévale et
moderne de l’Alsace à l’Université de Strasbourg et membre de l’EA ARCHE
(Arts, civilisation et histoire de l’Europe) ‒ EA 3400. Ses recherches portent sur
les hôpitaux et les léproseries, ainsi que sur la vie religieuse. Elle a notamment
publié Les Antonins d’Issenheim. Essor et dérive d’une vocation hospitalière à la
lumière du temporel (1998) et plusieurs articles sur les pèlerinages.
Christophe DUHAMELLE est ancien élève de l’École normale supérieure de
Fontenay‒Saint-Cloud, directeur d’études à l’École des Hautes Études en
Sciences Sociales (Paris) et membre du Centre de recherches historiques ‒ UMR
8558. Ses recherches portent sur la construction politique, sociale et
confessionnelle des appartenances dans le Saint-Empire moderne. Il a
notamment publié L’Héritage collectif. La noblesse d’Église rhénane, 17e et 18
e
La coexis tence confess ionnel le en France e t en Europe
siècles (1998) et La frontière au village. Une identité catholique allemande au
temps des Lumières (2010).
Jérémie FOA est ancien élève de l’École normale supérieure de Fontenay‒Saint-
Cloud, maître de conférences en Histoire moderne à Aix-Marseille Université et
membre du laboratoire Telemme ‒UMR 7303. Ses recherches portent sur la
coexistence confessionnelle au XVIe siècle en France et sur le quotidien des
guerres civiles. Il a notamment publié Le tombeau de la paix. Une histoire des
édits de pacification (1562-1572) (2015).
Bertrand FORCLAZ est chargé de recherches en Histoire moderne à l’Université
de Neuchâtel (Suisse). Il s’intéresse actuellement aux identités politiques et
confessionnelles en Suisse pendant la guerre de Trente ans. Il a publié
récemment Catholiques au défi de la Réforme. La coexistence confessionnelle à
Utrecht au XVIIe siècle (2014).
Kaspar VON GREYERZ est professeur émérite d’Histoire moderne à l’Université
de Bâle (Suisse). Il a publié de nombreux travaux en histoire culturelle et
religieuse de l’époque moderne, notamment Religion and Culture in Early
Modern Europe, 1500-1800 (2008) et Von Menschen, die glauben, schreiben und
wissen. Ausgewählte Aufsätze (2013).
Rolf GROßE est chercheur à l’Institut historique allemand de Paris, où il dirige la
section « Moyen Âge », et professeur d’Histoire médiévale à l’Université de
Heidelberg. Ses recherches portent sur l’histoire politique et ecclésiastique de
l’Empire et du royaume de France. Il a notamment publié Du royaume franc aux
origines de la France et de l’Allemagne, 800-1214 (2014) et, avec Dominique
Barthélemy, Moines et démons. Autobiographie et individualité au Moyen Âge
(VIIe-XIII
e siècle) (2014).
Laurent JALABERT est maître de conférences en Histoire moderne à
l’Université de Lorraine et membre du CRULH ‒ EA 3945. Ses recherches ont
notamment porté sur la coexistence religieuse et il a publié sur ce thème
Catholiques et protestants sur la rive gauche du Rhin. Droits, confessions et
coexistence religieuse (1648-1789) (2009). Il a récemment travaillé sur les
marques et les pratiques de la piété luthérienne à travers les textes de Hans
Michael Moscherosch : voir Dire et transmettre la foi dans le monde luthérien:
Insomnis cura parentum (1643) (2015).
Annette JANTZEN est docteure en théologie catholique de l’université de
Tübingen (Allemagne) et adjointe du directoire de la Fédération de la Jeunesse
Catholique Allemande (BDKJ). Elle a notamment publié Priester im Krieg.
Elsässische und französisch-lothringische Geistliche im Ersten Weltkrieg (2010).
Audrey KICHELEWSKI est ancienne élève de l’École normale supérieure de la
rue d’Ulm, maitresse de conférences en Histoire contemporaine à l’Université de
Strasbourg et membre de l’EA ARCHE (Arts, civilisation et histoire de l’Europe)
LES AU TE UR S
‒ EA 3400. Ses recherches portent sur l’histoire des Juifs polonais et de la
mémoire de la Shoah, en France et en Pologne. Elle a publié de nombreux
articles et achève la préparation du livre issu de sa thèse, intitulé Les Survivants.
Etre Juif en Pologne depuis 1945, à paraître aux éditions Vendémiaire en 2016.
Yves KRUMENACKER, ancien élève de l’École Normale Supérieure de Saint-
Cloud, est professeur d’Histoire moderne à l’Université Jean Moulin-Lyon III et
membre de l’IUF. Ses recherches portent sur le protestantisme réformé de
l’époque moderne. Il a notamment publié Calvin au-delà des légendes (2009) et,
en collaboration avec Didier Boisson, La coexistence confessionnelle à
l’épreuve. Études sur les relations entre protestants et catholiques dans la
France moderne (2009).
Julien LÉONARD est maître de conférences en Histoire moderne à l’Université
de Lorraine et membre du CRULH ‒ EA 3945, équipe « Histoire des faits
religieux ». Ses recherches portent sur l’exercice du ministère pastoral chez les
réformés, en France et dans le Refuge francophone au XVIIe siècle, dans une
perspective sociale et culturelle. Il vient de publier Être pasteur au XVIIe siècle.
Le ministère de Paul Ferry à Metz (1612-1669) (2015).
Olivier MARIN est ancien élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm,
maître de conférences en Histoire du Moyen Âge à l’Université Paris 13 ‒
Sorbonne Paris Cité, membre de l’EA 7338 ‒ Pléiade et membre junior de
l’Institut universitaire de France. Il a notamment publié L’archevêque, le maître
et le dévot. Genèses du mouvement réformateur pragois (2005) et Les traités
antihussites du dominicain Nicolas Jacquier (2012).
Catherine MAURER est ancienne élève de l’École Normale Supérieure de la rue
d’Ulm, professeure d’Histoire contemporaine à l’université de Strasbourg,
membre de l’EA ARCHE (Arts, civilisation et histoire de l’Europe) ‒ EA 3400 et
membre honoraire de l’Institut Universitaire de France. Ses recherches portent
sur l’histoire sociale et culturelle du fait religieux en Allemagne et en France.
Elle a notamment publié La ville charitable. Les œuvres sociales catholiques en
France et en Allemagne (2012).
Claude MULLER est professeur d’Histoire d’Alsace à l’Université de
Strasbourg, directeur de l’Institut d’histoire d’Alsace et membre de l’EA
ARCHE (Arts, civilisation et histoire de l’Europe) ‒ EA 3400. Il a notamment
publié L’Alsace napoléonienne (1802-1815) (2012), Dieu, la Prusse et l’Alsace
(1870-1914) (2013) et L’Alsace du Second Empire (1852-1870) (2015).
Frank MULLER est professeur émérite d’Histoire moderne à l’Université de
Strasbourg et membre de l’EA ARCHE (Arts, civilisation et histoire de l’Europe)
‒ EA 3400. Il a notamment publié Artistes dissidents dans l’Allemagne du
seizième siècle : Lautensack-Vogtherr-Weiditz (2001) et De l’objet cultuel à
l’œuvre d’art en Europe. Repères de transition (2013). Son livre Images
La coexis tence confess ionnel le en France e t en Europe
polémiques, images dissidentes : Art et Réforme à Strasbourg (1520 – 1550) doit
paraître en 2016.
Sarah SCHOLL est docteure de l’Université de Genève (Suisse) et de l’École des
Hautes Études en Sciences Sociales (Paris), en théologie et en histoire, et
chercheure postdoctorante de l’Université de Genève. Ses recherches portent
notamment sur les relations entre la sphère religieuse et la sphère politique en
Suisse. Elle vient de publier En quête d’une modernité religieuse. La création de
l’Église catholique-chrétienne de Genève au cœur du Kulturkampf (1870-1907)
(2015).
Matthias SCHNETTGER est professeur d’Histoire moderne à l’Université
Johannes Gutenberg de Mayence (Allemagne). Il a notamment publié « Principe
sovrano » oder « civitas imperialis » ? Die Republik Genua und das Alte Reich
in der Frühen Neuzeit (1556-1797) (2006) et Der Spanische Erbfolgekrieg.
1701–1713/14 (2014). Il est membre de la rédaction des revues en ligne
sehepunkte et zeitenblicke.
Benoît-Michel TOCK est professeur d’Histoire du Moyen Âge à l’Université de
Strasbourg et membre de l’EA ARCHE (Arts, civilisation et histoire de l’Europe)
‒ EA 3400. Il a notamment publié Le diocèse de Thérouanne au Moyen Âge
(2010) et Actes confirmatifs et vidimus dans le Nord de la France jusqu’à la fin
du XIIIe siècle, dans Urkunden und ihre Erforschung. Zum Gedenken an
Heinrich Appelt, éd. Werner Maleczek, p. 227-246 (2014).
Catherine VINCENT est ancienne élève de l’École Normale Supérieure de la rue
d’Ulm, professeur d’Histoire du Moyen Âge à l’Université Paris Ouest Nanterre
La Défense, membre du CHISCO ‒ EA 1587 et membre senior de l’Institut
universitaire de France. Depuis 2011, elle est présidente de la Société d’histoire
religieuse de la France. Elle a notamment publié Église et société en Occident,
XIIIe – XV
e siècle (2009) et dirigé avec Alain Tallon une Histoire du
christianisme en France (2014).
TABLE DES MATIÈRES
Catherine MAURER, Introduction ……......……......................................….. 7
Réactions à la coexistence : regards mutuels
Benoît-Michel TOCK, Les Juifs dans les sources diplomatiques chrétiennes
des XIe et XII
e siècles ………....……................…….............….........…........
15
Uwe BRUNN, Schall und Rauch – Der Name „Katharer“ und das Gespenst
der ketzerischen Gegenkirche vom Mittelalter bis in die neueste Zeit
……................……................……................……..............….........….........
27
Elisabeth CLEMENTZ, Catholiques, protestants et assistance en Alsace au
XVIe siècle …………...........................................................................….......
59
Julien LÉONARD, Les “hommes de Dieu” face à la coexistence dans une
ville triconfessionnelle : l’exemple de Metz au XVIIe siècle ….........…........
77
Annette JANTZEN, Le clergé catholique en Alsace pendant la Première
Guerre mondiale : question nationale, confession et dictature militaire …...
93
Modalités de la coexistence : débats, confessionnalisation,
conversions.
Olivier MARIN, Pourquoi débattre avec les Hussites : le tournant
stratégique bâlois à la lumière du Tractatus super justificatione vocationis
Bohemorum (1432) …….........................................................….........….....
107
Bertrand FORCLAZ, La coexistence au prisme des écrits personnels : le
Mémoire d’Abraham Chaillet (Neuchâtel, XVIIe siècle) ..........................….
131
Matthias SCHNETTGER, « … With his example many might move ».
Princely conversions in the XVIIth
and XVIIIth
century ........................…...
145
Christophe DUHAMELLE, Les deux Pâques de 1724 : coexistence et
distinction confessionnelles dans le Saint-Empire ...................................….
159
Inscrire la coexistence dans l’espace
Rolf GROßE, Paris et Cologne au XIIe siècle : un âge d’or des communautés
juives ? ...................................................................................
117
7
Loïc CHOLLET, D’une cohabitation à l’autre : controverses autour des
Chevaliers Teutoniques et de la Samogitie, dernière province païenne
d’Europe (1398-1417) ...................................................................................
191
Laurent JALABERT, Territoire, droit seigneurial et coexistence
confessionnelle aux marges occidentales du Saint-Empire (XVIe -XVIII
e
siècles) ...........................................................................................................
207
Kaspar VON GREYERTZ, La coexistence confessionnelle en Suisse aux XVIe
et XVIIe siècles ...............................................................................................
225
Claude MULLER, Une croix et trois cultes. L’Alsace, un laboratoire
multiconfessionnel au XIXe siècle ? ...............................................................
239
Sarah SCHOLL, Les effets paradoxaux de la mixité religieuse : le
laboratoire genevois et la naissance d’une laïcité chrétienne .......................
253
Vivre la coexistence ? Tolérances - Intolérances
Jérémie FOA, En finir avec la coexistence. Survivre au massacre de la
Saint-Barthélemy (1572) ...............................................................................
269
Frank MULLER, Tolérance et nicomédisme chez les artistes et les
intellectuels dans les débuts des provinces-unies et à la cour de Rodolphe
II à Prague (v. 1580-v. 1610) ........................................................................
285
Olaf BLASCHKE, Le XIXe siècle : un deuxième âge confessionnel ou un
deuxième âge du confessionnalisme ? ..........................................................
301
Céline BORELLO, Entre tolérance et intolérance catholico-protestante : la
convivance du second XVIIIe siècle français ..................................................
309
Audrey KICHELEWSKI, Derniers des Mohicans ou nouveaux marranes?
Être Juif en Pologne communiste et catholique, 1945-1989 .........................
323
Yves KRUMENACKER, Conclusions : coexistence et conflits confessionnels 339
Les auteurs .................................................................................................... 387