charité bien ordonnée commence par soi-même: de la théologie à la raison d’État. in: (a cura...
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CHARITE BIEN ORDONNEE COMMENCEPAR SOI-MÉME: DE LA THÉOLOGIE
,l r,l RAISON »,ÉTAt
Alberto FRIGOUniversité de Caen - Basse Normandie
Il est fort rare que les théologiens s'intéressent aux proverbes. Unabime plus ou moins infranchissable semble séparer la parole divine etle savoir terrestre et terrien de la parole humaine. Les rares exceptionsà cette séparation de la sagesse sacrée et de la sagesse profane méritentdonc d'étre mentionnées et éfudiées avec attention, et cela d'autant plussi l'on trouve une telle réflexion sur la vérité des proverbes sous laplume, non de quelque théologien inconnu, mais d'un puissant cardi-nal, que seul un concours de circonstances empécha de s'asseoir sur lesiège papal. Bien que presque oublié aujourd'hui, le cardinal DomenicoToschir (1535-1620) était en effet assez célèbre dans l'Europe de laseconde moitié du XVI" siècle gràce à ses Practicarltm conclusionumiuris, lune monumentale somme sur le droit canonique en huit grosvolumes. Son élection, qui semblait plus ou moins certaine lors duconclave de 1605, n'échoua, selon les historiens, qu'en raison d'unvaste complot politique2. Or, parmi les écrits de cet influent théoriciende la monarchie papale, on trouve un petit opuscule au titre assez inté-ressant : << An proverbium istud : "Prima charitas incipit a se ipso" :Cum Sacris concordet scripturis, et ejus quis sit proprius, et gerrnanus
l. Voir RaffaellaGovoni,Il Cardinale Domenico Tbschi. Da Castellarano a Roma.1535-1620. A cura di Valentina Gardenghi. Prefazione di Paolo Prodi,Reggiod' Emilie, Diabasis, 2009.
2. Voir Lorenzo Cardella, Memorie storiche de'cardinali della Santa RomanaChiesa, Rome, Stamperia Pagliarini,1793, VI, pp. 52-55 ;Alfonso Chac6n, Wtae,et res gestae Pontificum Romanorum et S. R. E. Cardinalium ab initio nascentisEcclesiae usque ad Urbanum VIII. Pont. Max,2 vol., Rome, Typis Vaticanis, 1630,II, cols. 1897-1899.
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sensus ))3. Nous traduisons : « Le proverbe "charité bien ordonnéecommence par soi-méme" s'accorde-t-i1 avec la Bible et quelle est sa
signification exacte ? >>.La question est claire :pour le cardinal Toschiil s'agit d'évaluer le bien-fondé théologique d'un adage qui sembleévoquer tout spontanément le thème biblique et évangélique de lacharite, en passant non seulement par une confrontation avec l'Écriture,mais aussi par une explicitation de la signification profonde du dicton.On ne doit pourtant pas se laisser tromper par la lourdeur de ce longtitre latin. La question posée par Toschi dans son opuscule est loin dese réduire à une pure subtilité scolastique. Au contraire, elle rend expli-cite une difficulté majeure qui marque longuement et en profondeur lapensée chrétienne. Depuis son apparition au XIII" siècle, le proverbesur la charité bien ordonnée souffre en effet de ce statut paradoxal quile rend, en mème temps, proche de la théologie et théologiquementsuspect. Dans la Bible, notamment dans le Cantique des Cantiques (II,4), on lit que Dieu « ordinavit in me caritatem >>a ce qui suggère assez
spontanément la possibilité de concevoir un ordre de et dans la charité.Mais comment accorder l'évocation de cette vertu théologale et unemaxime qui semble pròner l'égoisme5 et dont, pour cette raison, leslibertins ont fait souvent leur devise ? D'un cÒté résonnent les parolesdelaPremière épitre aux Corinthiens (XILI,S) où saint Paul écrit que lacharité << non quaerit quae sua sunt >>. De I'autre, on entend la sagesse
populaire qui proclame : « charité bien ordonnée commence par soi-
3. An proverbium istud : "Prima charitas incipit a se ipso" : Cum Sacris concor-det scripturis, et ejus quis sit proprius, et germanus sensus ex eiusdem DominiciTuschi regiensis civis quaestiunculis Quaestio secunda, Bologne, Typis IacobiMontij, 1664.
4. << Introduxit me in cellam vinariam ordinavit in me caritatem »; selon latraduction de la Vulgate. Dans le texte hébra'r'que on lit plutòt : « son étendard surmoi c'est l'amour »>.
5. Voir Pierre Richelet, Dictionnaire frangois contenant les mots et les choses,plusieurs nouvelles remdrques sur la langue franqaise 1...], Genève, chez JeanHermanWiderhlod, 1680, « Remarques surlalettre c. », 19, adv. << charité »:« Charité bien ordonnée commence par soi-méme. C'est-à-dire, selon le langagedes gens du siècle, qu'il faut songer à ses intérèts avant que de songer à ceuxd'autrui ».
méme ». La conciliation semble difficile sinon impossible6. Et si, aufil des siècles, plusieurs auteurs spirituels s'interrogeront sur le statutambigu de ce dicton, les auteurs de l'Encyclopédie nlhesiteront pas à endénoncer l'immoralité, en écrivant que, si « le proverbe dit, charité bienordonnée commence par soi-méme, [...] la générosité dit, au contraire,charité bien ordonnée commence par les autres »7.
La question n'était donc pas nouvelle au moment où le cardinalToschi publie son opuscule. cependant, son traité est un exempleunique dont on ne doit pas sous-estimer |importance. pour ra premièrefois les doutes suscités par le dicton sur la charité bien ordonìée sontdiscutés d'une fagon thématique et systématique -qui plus est, par unthéologien qui cherche à les lever avec les instruments de la seule théo_logie. Pour éclaircir la contradiction qui subsiste entre ce proverbe etla vérité biblique, le cardinal Toschi s'engage tout d,abord à défirir l",deux éléments qui composent l'adage : il entend ainsi préciser re sensde l'expression << a seipso » et définir en outre re terme caritas, dansson acception strictement théologiques. En mobilisant une multitude de
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6. c'est la position de Mélanchthon : << Nam vera caritas gloriam dei et proximisalutem suae gloriae aut saruti praeponit ; Caritas enim non quaerit, quae sua sunt.Adeo folsa est sententiq, quam docet vulgus, quod ordinatà caritqs'a nobis ipsisincipiat » (Rolf Schàfer, << ztr pràdestinationslehre beim jungen Melanchthon »,Zeitschrift fi)r Theologie un_d Kirche, 63 (1966), pp. ZiZ_{tS ; p- iJSl. r.O.intéressant le commentaire de ra célèbre scàne du mànteau (rhomàs a. c.trro,wta secunda s. Francisci Ass-isiensis, § gg) proposé par DaÀian c"À.:o dans saChronica seraphica : vida,del glorioso patriàrcà San Fron"ir*, y a",ri)ri*ndiscipulos,Ià" parrie, Madri{, Juan Garcia Infangon, 16g2,p. f Si. éò;":i'.ppor.en effet d'une fagon assez craire ra << santa ribeiarirad » dÉ saint r.angoir, qui r.connait pas de règles, alx << leyes de bien ordenada caritad >».
7. Encyclopedie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, parune société de Gens de lettres, vol. XI, Neuchàtel (paris), ctrez Samuei Faulche,1765,art. « Ordonner».
8. An proverbium istud [...1, op. cit., p.3 : << Et ad claram, et stabilem huius ut va_leamus resolutionis pertenire deriberationem, duo se nobis prius videnda offerunt,quorum primo est : Quomodo verba A sE lpso INCI.IT in eo posita t"gi)ao, o"exponenda sint. Alterum verò : euot modis hoc verbum charitas accipi piisit ». Ence qui concerne ce premier point, Toschi envisage deux hypothèr"s , ,o'it iu ct u.itetrouve soz origine en nous-mémes, soit ere s'adresse à;abord à ro.rs-Àcmes :<< verba illa INCIPIT A sE lpso duobus hisce videtur posse regi *oai. pri*ovidelicet : Quod illa, quae in nobis inest charitas, o nobir, o,uZ mnqro*,"ro,
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citations bibliques, Toschi démontre que rien dans l'Écriture ne justifie
l'idée que la charité doive d'abord s'adresser à nous-mémes, avant toute
autre chose. Au contraire, le premier et principal objet de la charité est lr
Dieu, qui en est en méme temps le principe, et quand Jésus-Christ inviteà aimer son prochain comme soi-méme, c'est seulement pour fournirune règle et une mesure à cet amour, non pas pour nous induire à nouò
préferer aux autrese. D'ailleurs, souligne Toschi, si Dieu n'a pas donné
un précepte de charité qui nous ordonne de nous aimer nous-mémes,
c'est pour une très bonne raison : l'homme manifeste déjà depuis
sa création un amour naturel de lui-méme, un amour que le péché a
malheureusement rendu disproportionné et tyranniquelo. Inutile donc l
d'obliger l'homme à s'aimer en premier : il le fait déjà, voire il le faittrop ! L'amour naturel est certes un sentiment légitime, mais il risque
aussi très souvent de dégénérer dans le péché d'orgueil : c'est pourquoi
on a tort d'en faire, comme notre proverbe semble nous y inviter, unprécepte de la charité. Certes, il y a des circonstances où l'adage sur
la charité bien ordonnée semble s'imposer cofltme une vérité hors de,
doute. I1 s'agit notamment des cas d'urgence, par exemple les nau-
frages, où chacun est tenu de conserver sa propre vie plutòt que celle
des autres. Mais le cardinal Toschi ne manque pas de subtilité lorsqu'il
ac proprio procedat, et pendeat principio 1...1. Secundo autem, quod charitashuiusmodi nosmet primo, et principaliter illius tanquam obiectum, terminum, et
finem respiciat, processivosque illius in nos, illorum proprium tamquam scoPum i
intendat, et tern'tinel actus »» (pp. 3-4). En ce qui concerne le deuxième point, il '
s'agit au contraire de distinguer entre la charité en tant que Saint-Esprit, la vertuthéologale dans l'homme et les actes qui découlent de cette vertu surnaturelle.
Or, la charité ne peut pas trouver son origine dans I'homme parce que << ex Deo,
et à Deo in nos provenit » (p. 4). D'autre part, dans la Bible on lit toujours que lepremier objet de l'amour est Dieu (p. 5).
9. Yoir An proverbium istud f . . .1, op. cit., pp. 10- I l.10. An proverbium istud 1...1, op. cit.,pp. 17-18 : << Nobis dutem non praecepitDeus, ut nosmet ipsos ameremus, ut nos amantes charitatem exercere diceremurimmo vult magis, ut naturalem nostrum cohibeamus amorem, tanquam ad exu-
perantiam potius, quam ad defectum pronum, à cuius exuperantia in nos omne
egreditur malum. 1...1 E contra verò cum nostra in proximum nostrum dilectionatura potius ad defectum, quam ad exuperantiam prona sit, voluit Deus, ut eam
ad nostri sustineremus aequalitatem naturalis amoris, cuius mensuram semper in
cordibus nostris gerimus >>.
De la théologie à la raison d'Ént
montre qu'il ne s'agit pas 1à de se préférer soi-m6me aux autres, maisplutòt d'adhérer à la volonté divine qui a décrété notre salut et la mortd'autruill.
Nous n'avons pas le temps d'analyser plus en détail la démonstra-tion que le cardinal Toschi développe tout au long de son opuscule, nide la situer -comme il le faudrait- à l'intérieur du panorama complexede la scolastique de son temps. Ce qui nous semble capital et que nousvoudrions tout simplement souligner ici est l'acharnement avec lequelce théologien célèbre pour son érudition s'engage à critiquer la valeuréthique d'un proverbe populaire. Au lieu d'étre seulement troublé,comme beaucoup d'autres chrétiens avant et après lui, par le caractèreambigu de cette exhortation à la charité envers soi-méme, Toschi prendau sérieux le proverbe et le discute cofltme s'il s'agissait d'une thèse
ll. An proverbium istud [...], op. cit., pp. 20-21 : << Ea nec praedictis obstant,quae de victu uni tantum sfficienti personae obijciuntur, quem cum proximo darenon teneamur; sed illum pro nostra sumere debeamus salute, propter hoc confir-mari videtur, quod prima charitas à nobis incipere debeat, quia non ex eo, sedex hoc illud provenit, quia si necessarium ad substentationem nostrqm a nobisvoluntariè amoyeremus cibum, illum alteri dando nobis mortem voluntariè infer-remus, quodfacere non licet, quoniam domini non sumus membrorum nostrorum,nec vitae nostrae 1...). De Deo praetereà malè sentiremus, quia si scimas, quod illide omnibus aequaliter cura est [ . . . ], existimare etiam debemus, quod sicut nobis exsua liberalitate, et gratia providit, sic etiamfaciet proximo nostro, si sibi bonumesse videbitur: sin minus : certè non sumus nos, qui cibum, quem Deus posuit inmanu nostra, sumentes, ne nosmet occideremus, eiusque divinae ne improperare-mus providentiae, occidimus illum, sed est Deus, qui vitae, et necis est Dominus,qui ulterius noluit eius producere vitam >>. Le thème est bien connu, voir JohnP. Doyle, « Two Thomists on the morality of a jailbreak », The Modern Schoolman,74 (1997),pp. 95-115. Uhomme n'est pas maitre de sa vie qui lui a été octroyée parDieu donc il doit la sauvegarder et méme lutter pour elle dans les cas d'urgence. Apartir du milieu du XVI" siècle les théologiens de l'école de Salamanca critiquerontcette argumentation. Voir, par exemple, Francisco Oviedo : << Insuper est valde mihiprobabile, mihi licere iam in mortis periculo constituto propriam vitam non defen-dere, ne proximo impediam suam defendere. Ex quo infero casu quo duo pariternaufragentur 1...1, cuilibet eorum licere alteri permittere, ut tabulam 1...1 sibiarriperet, et hac rqtione mortem pati 1...1. Licet tenear per se loquendo propriamvitam defendere, non videtur ad id teneri impediendo alii defensionem propriaevitae >», cité par Sven K. Knebel, « Casuistry and the Early Modem Paradigm Shiftin the Notion of Charity >», in J. Kraye, R. Saarinen (éd.), Moral Philosophy on theThres hold of Modernity, Dordrecht, Springer, 2005, pp. l l 5- 1 39 ; p. 128.
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proprement théologiquel2' En écrivant son opuscule' il reconnaìt le
ioi.rti"r d,hétérodoxie implicite du dicton sur la charité bien ordonnée
et il emploie toute son intelìigence à démasquer le danger d'un tel adage
q"i r"*Uf" nous parler de charité, mais qui de fait propose' selon lui'
une maxime qui n'a rien de charitable'
On peut pourtant se demander si Toschi n'accotde pas trop d'impor-
tance aux risques théologiques qui se cacheraient derrière ce proverbe'
apres tout, ii suffrt de distinguer, comme le suggère déjà le cardinal'
la charité au sens strict et théologique du terme de l'amour propre'
qu'on peut nommer seulement d'une fagon équivoque charité' Une fois
,opprirne" l'équivocité, le dicton perdra d'emblée toute sa légitimité de
maxime religieuse. Toutefois l'allure théologiquedu proverbe ": t:]::;
tifie pas seulement par la présence de la notion de caritas' mals aussl'
ou peut-étre suttout, pu, .àil" d'ordre, ordo' Attrement dit' c'est f idée
d'wordrede la chari'té, plus encore que la simple mention de la charité'
quijustifie une lectureiiréologique du proverbe' Le cardinal Toschi ne
,*ii. pu* ce thème dans son ofos"rrl", mais son silence n'est -du moins
àcequ'ilrrorrss"*ble-quelesimplefruitduhasard'Dansl'espritdubibliste, comme aussi du Àéologie", f idé" d'ott ordo caritatis ne pouvait
pas en effet manquer d'évoquei une question classique et constamment
discutée par les scolastiques' Pour preuve' nous voudrions citer un
exemple tiré d'un texte en apparence assez loin de l'opuscule de Toschi'
res conversations morales sur les jeux et les divertissemens publiées
en1685parJeanFrainDuTremblay.Verslamoitiédecepamphletsous forme de dialogue, qui vise à dénoncer l'immoralité des jeux de
hasard, le porte-parofe deì'auteur, Theophile' accuse le joueur Eugene
d,agircolnmeunvoleurenverssesadversaires.Eugenesedéfendalorset il réplique « vous sqavez,Theophile' que la charité bien ordonnée
commence pr, .oy-*t;e : ainsi jadois préferer mon avantage à celuy
des autres. Il n'y a donc rien "orrt "
la charité, lors que je souhaite de
gagner ». Et Theophile de répondre : « Vòtre maxime est tres-vraye''
T7o-pro*rbiu* istudl..'), op' cit-',p'29 : « ad ipsa igitur tradenda' perci'
pienda, atque instituen'ao p'oà"$to chaiitatis proverbii huius non tutam putamu§
esse legem, nam etsi uo* ui*, eifirrnitatem' quam illius verba sonant' quandoque
praeseferre videaturi ià non io*-"n à propria ipsius veracitate, sed alliundè in se
provenit »>.
De la théologie à la raison d'Etat
Eugene ; et il n'y a point d'autre vertu, selon S. Augustin, que l'ordrede la charité, ot la charité bien ordonnée. Qtand deux personnes se
trouvent dans un danger, où il faut que l'une ou l'autre perisse, on peut
et on doit13, selon l'ordre de la charité, préferer son salut à ce§ d'unautre. S'il faut que ma maison brùle, ou celle de mon voisin, je dois
faire mon possible pour sauver la mienne, aux dépens de la sienne »>14.
L'idée d'une charité bien ordonnée semble donc trouver sa légitimationdans la pensée de saint Augustin. Dans une page célèbre dt De civitateDeilepère de l'Église avance en effet une définition de la vertu comme
<< ordo amoris >>15 et il distingue, dans le De doctrina christiana, quatre
objets possibles de la charité, << quod supra nos est >>, ce qui est au-
dessus de nous, c'est-à-dire Dieu ; nous-mémes ; << quod iuxta nos est >»,
ce qui est à còté de nous, c'est-à-dire le prochain ; et enfin << quod infranos est »>, ce qui est au-dessous de nous, c'est-à-dire notre corps. Outre
cette distinction, saint Augustin établit aussi une hiérarchie entre ces
quatre objets : un méme ordre, dessiné par les dimensiones de la charité,
finit ainsi par strucfurer l'action humaine et l'univers entier dans sa
construction scalaire r6.
13. Yoir supra note 11.
14. Jean Frain Du Tremblay, Conversations morales sur les jeux et les divertisse-mens,Paris, chezAndré Pralard, 1685, p. 136.
15. De Civitate Dei, XY, 22, éd. B. Dombart et A. Kalb (: CCL 48, Opera AureliiAugustini 14, 2), Tumhout, Brepols, 1955, p. 488 : « Creator autem si veraciterametur, hoc est si ipse, non aliud pro illo quod non est ipse, ametur, male amari nonpotest. Nam et amor ipse ordinate amandus est, quo bene amatur quod amandumest, ut sit in nobis virtus qua vivitur bene. Unde mihi videtur, quod definitio breviset vera virtutis ordo est amoris ; propter quod in sancto Cantico canticorum cantatsponsa Christi, civitos Dei: Ordinate in me caritatem ».
16. De Doctrina christiana, l, 23, 22 ; 27, 28, éd. J. Martin (: CCL 32, OperaAureliiAugustini4,2), Turnhout, Brepols, 1962, pp.18 et22: << Cum ergo quattuorsint diligenda, unum quod supra nos est, alterum quod nos sumus, tertium quodiuxta nos est, quartum quod infra nos est, de secundo et quarto nulla praeceptadanda erqnt.1...1 llle autem iuste et sancte vivit, qui rerum integer aestimatorest ; ipse est autem, qui ordinatam habet dilectionem, ne aut diligat, quod non estdiligendum, (tut non diligat, quod diligendum est, aut amplius diligat, quod minusdiligendum est, aut aeque diligat quod vel minus vel amplius diligendum est, autminus vel amplius, quod aeque diligendum esl ». Voir aussi Norbert Hartmann,« Ordo amoris. Zur augustinischen Wesensbestimmung des Sittlichen >>, Wssen-
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Mais si la référence patristique est bonnerT, les exemples évoqués parTheophile renvoient à des sources qui ne relèvent pas strictement de lathéologie ou de la patristique. c'est en effet dans les pages de juristes etdes commentateurs du, Code de Justinien et du. Décret de Gratien qu,ontrouve systématiquement évoqués des cas tels que ceux de l'incendieou du naufrage. Plus encore, c'est précisément dans les gloses at Codede Justinien que le proverbe « charité bien ordonnée commence par soi-méme » fait sa première apparitionrs, où il fait fonction de commentaired'une loi qui interdit à quiconque, en possession d,une source d,eau,de laisser dessécher ses champs pour irriguer ceux d,autruire. Dans laculture médiévale, on peut identifier toute une famille de proverbes quisont synonymes de « charité bien ordonnée commence par soi-méme >>
et qui envisagent cette méme situation concrète : << Alpibus ille peritqui se plus diligit ullum >>; « Qui mieuz aime autrui de soi, Au molin fumorz de soi » ; « L'on dit c'a bon droit muert de soi eui plus ainmè autreque soi »)20. Et quand la Stultifera navis, an chapitre << De oblivione sui
schaft und Weisheit, l8 (1955), pp. l-23 ; 10-121.
17. voir Friedrich ohly, « Goethes Ehrfurchten * ein ordo caritatis >», Euphorion,55 (1961), pp. 113-145 et 405-448; Femand Guimet, « Notes en marge d'untexte de Richard de Saint-Victor »», AHLDMA, l8 (1943), pp.37l-394; FrangoisChatillon, « Au dossier de la caritas ordinata >», Revue du Moyen Age Latin, 4(1948), pp. 65-66; F. Guimet, << Caritas ordinata et amor discretus dans la théo-logie trinitaire de Richard de Saint-victor >>, Revue du Moyen Àge Latin,4 (1949),pp. 225-236 ; Hélène Pétré, « Ordinata Caritas. Un enseignement d,Origène surla charité »>, Recherches de Science Religieuse, 42 (1954), pp. 40-57 ; Karl SusoFrank, « Geordnete Liebe. cant. 2,4b it der patristischen Auslegung >», wissens-chaft und Weisheit,49 (1986), pp. l5-30 ; Teresa pugh Rupp, Ordo caritatis : Thepolitical thought of Remigio dei Girolami. (PhD dissertation, comell 19gg), AnnArbor (Mi) Univ., Microfilms International, 1988, pp. 104-138 ; David Herlihy,« Family >», The American Historical Review,96 (1991), pp. l-16.18. Nous nous permettons de renvoyer à notre éfude « "Charité bien ordonnéecommence par soi-méme". Notes sur la genèse d'un adage >>, Freiburger Zeits_chrift filr Philosophie und Theologie, 59 (2012), pp.234-24g.
19. Ils'agitdelaloiPraesesprovinciaeusuaquae(11I,34,6):<<praesesprovin-ciae usu aquae, quam exfonte iuris tui profluere adlegas, contra statutdm consue-tudinis formam carere te non permittet, cum sit durum et crudelitati proximum extuis praediis aquae agmen ortum sitientibus agris tuis ad aliorum usum vicinoruminiuria propagari »>.
20. voir Thesaurus Proverbiorum Medii Aevi. Lexikon der sprichwòrter des
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ipsius >», nous montre le Fou qui laisse brOler sa maison pour sauvercelle du voisin -soit justement le contraire de ce que prescrit << l'ordrede la charité, ou la charité bien ordonnée >», selon le personnage de DuTremblay- à c6té de l'image on lit : << Agris suis sitientibus : alieniirrigandi non sunt. ordinata charitas incipit a seipsa »2r. Les difficul-tés que suscite le proverbe sur la charité bien ordonnée sont donc plusprofondes encore que ce que la critique du cardinal roschi laissait déjàimaginer. Issu d'une double origine, juridique et théologique, confortépar l'autorité augustinienne, mais aussi chargé d,une significationinédite par rapport à la notion d'ordo caritatis, ce dicton sur la charitése présente comme un Janus bifrons, voire comme un monstre qui necesse d'inquiéter et d'interroger les théologiens et les philosophes.un canoniste de la fin du XVI" siècle, Pedro Alfonso de vasconcelosdénonce avec force l'usage abusifde l'idée d'une charitebien ordonnéequ'on retrouve chezles << iurisperiti >>
..
Il me semble que les juristes abusent de ce dicton d'une fagon tyranniquequand ils le citent pour commenter laloi praeses ... selon eux I'ordre dela charité impose que, si mes champs sont sans eau, je ne dois pas irriguerceux des autres etje dois laisser dessécher les champs de mes voisins sansrenoncer à irriguer les miens. or, la charité, écrit saint paul qui en fait lalouange, << non quaerit quae sua sunt >>, et de méme << patiens est, omniasuffert ». Ce dicton est donc valable seulement dans le tribunal de l,àme :
ici la charité bien ordonnée commence par soi-méme parce que nous nepouvons pas préférer le salut des autres au nòtre2z.
romanisch-germanischen Mittelakers. Begrùndet von Samuel Singer. Herausge-geben vom Kuratorium Singer der schweizerischen Akademie der Geistes- undSozialwissenschaften, Berlin - New York, Walter de Gruyteq vol. 7, 199g, pp.477et 481-482.
21. VoirSebastianBrant,StultiferaNavls,Bàle,BergmandeOlpe, la9g,p.[131].22. De Harmonia Rubricarum Iuris canonici. prima, et secunda pars,Madrid,,apud Petrum Madrigal, 1590, p. 97 : << sed mihi quidem videntur iurisperiti hocaxioma tyrannicè usurpare ; in eo enim casu, ubi illo utuntw: lege nempè, quaeincipit, praeses C. de servitut. quòd nempè meis agris sitientibus non sunt alieniex meis fontibus irrigandi, charitas benè ordinata suadebqt, ut arentes potiùs vici-norum agros, quàm meos paterer irrigari : charitas enim, ut inquit paul. de illiuslaudibus agens [r cor. XIII] Non quaerit, quae sua sunt, imo, ut idem ait, patiensest, omnia suffert. Est autem illud axioma ad forum animae referendum : in hoc
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Si, comme on l'a vu dans les Conversations morales sur les ieuxde Du Tremblay, le proverbe sur la « caritas ordinata » pouvait servir
d,alibi à des joueurs compulsifs, les soucis critiques du cardinal Toschi
n,étaient pas tout à fait injustifiés. comme le synthétise de fagon assez
éloquente le théologien protestant, Daniel Chamier : << les paroles
de saint Pa.ul, la charité ne cherche pas son intérét, sont devenues
obsolètes. A leur place on a désormais l'adage approuvé par tous les
scolastiques , charité bien ordonnée commence par soi-méme - ce qui
signifie : qui potest capere, capiat >>23.
L'opuscule du cardinal Toschi et l'histoire complexe du dicton sur
la charité bien ordonnée qu'on vient de rappeler montrent donc de
manière assez claire -nous semble-t-il- jusqu'à quel point un proverbe
peut devenir l'occasion d'une série de réflexions et de discussions théo-
riques qui se situent à la croisée de différentes disciplines. En raison de
son ambiguilé, ce dicton représente un extraordinaire papier tournesol
pour relever les mutations que connaissent les idées d'amour et de
charité à l,aube de la modernité. En ce sens, nous voudrions conclure
en évoquant un dernier corollaire possible de notre adage, ce qui nous
permettra non seulement d'en confirmer une fois de plus la richesse,
mais aussi de justifier le sous-titre que nous avons donné à notre inter-
vention : de la théologie à la raison d'Etat. L'idée que la charité doit
tout d'abord s'adtesser à soi-méme a en effet des implications et des
conséquences d'ordre politique. Comment admettre, si on prend au
sérieux une telle maxime, les sacrifices que la patrie demande à ses
citoyens ? Certes, la théologie ne manque pas d'arguments justifiant
la mort des soldats pour la nation ou l'obligation des sujets envers leur
prince2a. Toutefois,l'affirmation de l'État absolutiste et les débats autour
enim charitas bene ordinata à se ipso incipit ; nec enim salutem nostram prodere
debemus, ut alienam constituamus »>.
23. Panstratiae catholicae. Tomus Tertius. De homine corrupto et instaurato,
Genève, §pis Roverianis, 1626, p. 1070 '- << Nam, etsi caritatem obiicias : tamen
illud Paulinum iampridem antiquatum esl : caritas non quaerit quae sua sunt : el
in eius locum, de omnium Scholasticorum sententia, substitutum: Caritas bene
ordinata incipit à seipso. Itaque praxis habet, Qui potest capere' capiat ».
24. Voir Emst H. Kantorowicz, << Pro patria mori in Medieval Political Thought »,
American Historical Review,56 (1951), pp- 472-492 (trad. frang. de Laurent
Mayali, Mourir pour la patrie et autres textes. Traduit de l'américain et de
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de f idée de raison d'Etat imposent de définir avec beaucoup plus deprécision les limites de l'autonomie dans la vie politique. Cajetan, dansses Opuscula, évoque par exemple le concept d'ordo caritatis à proposd'une réflexion << de vinculo obedientiae »»25. Le célèbre commentateurthomiste se demande si « un homme doit obéir à son supérieur au cas oùcela impose de mettre en danger sa vie >>26. L'ordre de la charité sembleexclure que quelqu'un renonce à sa vie corporelle pour la vie corpo-relle d'un autre. La désobéissance est donc déduite du principe selonlequel << caritas bene ordinata incipit a seipso ». Cependant, Cajetanobjecte qu'il s'agit d'une mauvaise lecture du dicton : en effet il fautpréférer la vie spirituelle à la vie corporelle. Donc un homrne peut se
sacrifier pour accomplir un acte vertueux et son obéissance n'entre pas
en contradiction avec l'ordo caritatis2l. La solution est subtile, maiselle reste, nous semble-t-il, plutòt insatisfaisante. On peut en effet se
demander si ce que l'obéissance impose coihcide toujours avec un actevertueux : Cajetan le postule28, mais, après Machiavel, on peut légiti-
l'allemand par L. Mayali et A. Schùtz. Présentation par P. Legendre, Paris, PUF,1984, pp. 105-141) ; Kantorowicz, The Kingb two Bodies : A Study in MediaevalPolitical Theology, Princeton, Princeton University Press, 1957 ; trad. frang. parJ.-P. Genet et N. Genet, dans CEuvres, Paris, Gallimard,2000, pp. 643-1022 ,
Gaines Post, « Two Notes on Nationalism in the Middle.Ages : l. Pugna pro patria,lI. Rex imperator >», Traditio, 9 (1953), pp.28l-320; Eric Desmons, Mourir pourla patrie 7, Paris, PUF, 2001 ; Philippe Contamine, Mourir pour la patrie. X-XX"siècles, dars Les lieux de mémoire, sous la direction de Pierre Nora, II, La nation,vol. 3, Paris, Gallimard, 1986, pp. l1-43 ; Maurizio Viroli, Per amore della patria.Patriottismo e nazionalismo nella storia,Rome * Bari, Laterza,2Ù}l2.
25. Opuscula Omnia, Lyon, apud haeredes Iacobi Iunta, 1562, pp. 284-285.
26. << Num Homo teneatur superiori obedire in his, in quibus parando oportetpericulo mortis se exponere >».
27. Cajetan, Opuscula Omnia, op. cit., p. 285 : << Ad secunda verò rationem decharitatis ordine, respondetur quod charitatis ordo habet, ut pro actu virtutiscuilibet exponat vitam suam corporalem, et miles pro actu virtutis, scilicet iustaedefensionis aut iustae ultionis, exponit vitam suam periculo, et seryiens infectis,pro actu virtutis, scilicet religiosi obsequij exponit se periculo mortis, et non probonis externis aut corporali salute alterius. Constat autem hos et similes virtutumactus debitos posse praecipi, nec contra nec supra charitatis ordinem, sed secun-dum charitatis ordinem quanturn bonum animae praestat corporali vita »>.
28. Dans la conclusion on lit en effet : « Tenentur inferiores at subditi, legi etsuperioribus in omnibus obedire, quae ab ipsis praecipiuntur,utadvirfiitvmactls,
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mement en douter. On a la méme impression en lisant le commentaire
dt Cantique des Cantiques publié par Ludovico Da Ponte en 16222e.
Ici de nouveau il est question d'obéissance, mais Da Ponte profite du
verset sur la charité ordonnée (Ct.II,4) pour proposer une méditation
sur la << militia christiana »>, c'est-à-dire l'armée des Jésuites, dont ilfait partie :
La charité bien ordonnée t'impose de renoncer à ton autonomie, à ton
arbitre personnel et à ton jugement. Tu dois te convertir d'une manière
presque divine aux supérieurs, les aimer d'un réel amour en Dieu, non en
tant qu'hommes mais en tant que vicaires de Dieu et vice-gouverneurs. Dieu
ordonne que tu dois te soumettre aux supérieurs [...], te laisser conduire
et gouverner par eux, en adhérant à leur volonté et à leur jugement et en
obéissant avec l'obéissance que Pierre appelle « obedientia charitatis ». En
effet la charité impose cette obéissance3o.
Chez Cajetan comme aussi chez Da Ponte la valeur critique et dés-
tabilisante du dicton sur la charité bien ordonnée est donc rejetée, au
et commune bonum attinent, etiam si mortis periculum parendo immineat » (nous
soulignons).
29. Expositio moralis et mystica in Canticum canticorum, continens exhortatio-nes, sive sermones, de omnibus christianae religionis mysteriis atque virtutibus ;in duobus tomos distributa ...,Cologne apud Ioannem Kinckium Bibliopolam subMonocerote, 1622, t. I, p. 997. Pour ce personnage voir Wta del padre Lodovicoda Ponte della Compagnia di Giesìr, scritta dal P. Francesco Cachupin, dellamedesima Compagnia, e nuovamente in breve ristretta, Bologne, Per l'Erede delBenacci, 1709.
30. Da Potte, Expositio moralis et mystica, op. cit.,p.97 : << Sic igitur inferioresordinata charitas exigit, ut non sis tui iuris, nec tuo te regas arbitrio, et iudicio, sedad superiores et praelatos divinam quadam conversionem te transferas, diligensillos vera dilectione propter Deum, non tantum ut homines, sed ut ipsius Dei vica-rios, et vicem gerentes, quibus propter ipsum Deum te subijcias, et ab illis te duci,ac regi sinas, eorum voluntatem ac iudicium tuo proprio praeponens, obedienseis per eam quam D. Petrus vocat obedientiam charitatis ; nam charitas hancobedientiam parit, et ordinat, ut subditos praelatis uniat, et sub eorum imperiohumiliter constituat, eosque sua sorte contenlos essefaciat, ut à suo loco quisquisinfimo non recedant, ne congregationis ordinem perturbent. Tunc enim castrorumacies bene ordinata conservatut: cum milites suo subijciuntur Imperatori, et assi-gnatam sibi locumfirmiter tenent, nec altiorem petunt >».
De la théologie à la raison d'Etal
profit d'une lecture politique et, pour ainsi dire, militaire de l'ordre de
la charité.Parmi les auteurs les plus sensibles à ces problématiques nouvelles
engendrées par l'idée de raison d'État il y a sans aucun doute Michel
de Montaigne. Dans un essai célèbre, De ménager sa volonté, il écrit :
Il est way-semblable qu'en ceux-cy [les mystères les plus secrets du
temple de Pallas], se trouve le vray poinct de l'amitié que chacun se doit.
t. . .] Qui en sgait les devoirs, et les exerce, il est vrayement du cabinet des
muses ; il a attaint le sommet de la sagesse humaine, et de nostre bon heur'
Cettuy-cy, sgachant exactement ce qu'il se doit trouve dans son rolle, qu'ildoit appliquer à soy, l'usage des autres hommes, et du monde ; et pour ce
faire, contribuer à la societé publique les devoirs et offrces qui le touchent3t.
« Le vray poinct de l'amitié que chacun se doit » dont parle iciMontaigne fait bien évidemment écho au proverbe sur la charité bien
ordonnée. Face àune politique qui préfère l'utile à l'honnète, Montaigne
cherche la possibilité d'un bon usage de la politique dans I'ordre de la
charité. Si les « percepts » moraux -écrit Montaigne quelques lignes
plus haut* « nous ordonnent, d'aymer avant nous, trois, quatre, et cin-
quante degrez de choses »>, la vraie règle de la charité conìmence par
soi-mème et de là seulement elle peut véritablement s'appliquer aux
autres, à la communauté civile, à l'humanité entière. Cette page des
Essais demanderait sans doute une analyse bien plus détaillée, que nous
ne pouvons pas aborder ici. Cependant, elle méritait au moins d'étre
mentionnée non seulement en raison de l'application au domaine de
la politique, mais aussi et surtout pour montrer ce que ce dicton sur la
charité bien ordonnée a pu avoir de fertile, dans la pensée d'un homme
et d'un philosophe si passionné par la sagesse des proverbes.
31. Les Essais, éd. par J. Balsamo, M. Magnien et C. Magnien-Simonin, Galli-mard, Paris, Gallimard, 2007, pp. 1051-1052. Nous remercions Laure Verhaeghe
et Bérénice Vincent pour leur relecture et leurs remarques.