apport du screening toxicologique par clhp/bd lors d'intoxications médicamenteuses

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APPORT DU SCREENING TOXICOLOGIQUE PAR CLHP/BD (1)LORS D'INTOXICATIONSMI DICAMENTEUSES Celine Dehan a,*, Christine Ponchel b, Manuela Oliver a, Sandra Bohand a, Jean-Luc Moalic a, Michel Chevrier a, Jean-Pierre Carpentier b, Anne-Marie Pauli c 1. Cas cliniques 1.1. Cas ciinique n ° 1 M. B., 36 ans, psychotique, est admis aux urgences apres une prise polymedicamenteuse volontaire. On retrouve dans ses antecedents plusieurs episodes auto-agressifs comparables et une epilepsie essentielle. Son traitement habituel associe I'acide valpro'(que (Depakine chrono~"~), le clobazam (UrbanyF"~), le pipamperone (Dipiperon'), la tropatepine (Lepticur~), et I'anetholthritione (Sulfarlem~). .&. I'admission, il est somnolent (score de Glasgow = 10) et I'examen clinique ne trouve aucun signe de defaillance hemodynamique ni respiratoire, aucun signe de focalisation & I'examen neurologique, ni d'element en faveur d'une pathologie comitiale post-critique. La conscience s'altere rapidement et impose la protection des voles aeriennes superieures par intubation oro-tracheale, la mise sous ventilation artificielle et une sedation initiale est realisee par le chlorhydrate d'etomidate (Hypnomidate®) et le midazolam (Hypnovel®). Le lavage gastrique est immediatement realise et du charbon active est administre dans la sonde gastrique. Les pompiers trouvent au domicile du patient les emballages des medicaments suivants : citalopram (Seropram~>), I'association aceprometazine-meprobamate (Mepronizine:~), I'alimemazine (Thera- lene:~), Ioperamide (Imodium®'), et phloroglucinol (Spasfon-~:). - Les premiers examens biologiques realises a I'admission ne revelent pas de troubles hydro-electrolytiques, d'acidose, de cytolyse ni de rhabdomyolyse. L'alcoolemie est negative et le taux serique d'acide valprofque est en zone therapeutique & 99 pg.L-1. - Les examens de recherche toxicologique (tableau I) montrent une positivite du depistage pour les antidepresseurs tricycliques et des benzodiazepines dans le liquide gastfique et les urines, et non dans le serum. La recherche de carbamates dans les urines est negative. Le traitement symptomatique est poursuivi, aucune defaillance hemodynamique n'apparaTt. Le reveil du patient est complet et permet I'extubation au bout de 5 heures, sans aucune sequelle neurologique. II est confie au psychiatre le lendemain de son hospitalisation. a Laboratoire de biochimie bService de reanimation Hepital d'lnstruction des Armies 4, bd Laveran 13998 Marseille Armees ° Laboratoire de chimie analytique Faculte de pharmacie 13005 Marseille cedex * Correspondance. E-mail: [email protected] article re(;u le 3 mai, accepte le 29 mai 2001. © Elsevier,Paris. i(:/¸¸?iii¸¸¸ ~: iii iiii~ii!iiii~ .-~w?:iiiiii!iiii!iiii!iiii!ill ,~i/~ii:~i !:'~i ,: i, u~ :¸¸¸¸ ¸¸¸¸¸¸ ¸¸¸¸¸¸ Barbituriques NEG Recherche (methode EMIT Benzodiazepines POS ou AMIA Antidepresseurs pour les urines) tricycliques POS Carbamazepine N D Dosage Acide valprdl'que ND (FPIA) Phenytd~'ne N D Phenobarbital N D Technique Alcool ND enzymatique R(~action coloree Carbamates N D NEG : recherchenegative. ND : non determine. POS : recherchepositive. NEG ND NEG POS NEG POS < 0,5 mg/I ND 99 mg/I ND <0,5 mg/I ND <0,5 mg/I ND NEG ND ND NEG Le screening toxicologique, realise dans les 24 h sur les liquides biologiques preleves & I'admission (sang, urines, liquide gastrique), a permis d'identifier objectivement des substances susceptibles d'avoir ere ingerees (traitement habituel et/ou emballages retrouves au domicile), ainsi que d'autres molecules non suspectees (tableau II, figure 1). - Quatre benzodiazepines differentes ont et6 identifiees : le clobazam et son metabolite, le norclobazam (UrbanyF":), le bromazepam (Lexomi[ ":) ont ere isoles & la fois dans le serum et I'urine. Deux autres benzodiazepines, le diazepam (Valium ~) et I'alprazolam (Xanax:";), n'ont ere retrouvees que dans le liquide gastrique. - Un antidepresseur inhibiteur selectif de la recapture de la serotonine, le citaprolam (Seropram~), a ere identifie dans le serum et les urines. - Une phenotiazine anti-histaminique, I'alimemazine (Theralene~'), a ere isolee dans les trois milieux biologiques analyses. - Un antispasmodique, le phloroglucinol (Spasfon ~"~)a ete retrouve uniquement dans le liquide gastrique. - Un neuroleptique, le pipamperone (Dipiperon:"~'), n'est retrouve que dans les urines et rend probablement compte de la prise therapeutique habituelle. Enfin, le screening toxicologique a mis en evidence la presence d'oleandrine, molecule de decouverte surprenante, dans le serum et les urines du patient. Cette molecule est le principe actif du Nerium oleander ou laurier-rose, et son mode d'ingestion n'a pu ~tre precise. (1) Chromatographie liquide haute performancecouplee #. un detecteur & barette de diode. RevueFranoaise des Laboratoires, octobre2001, N ° 336 65

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APPORT DU SCREENING TOXICOLOGIQUE PAR CLHP/BD (1)LORS D'INTOXICATIONS MI DICAMENTEUSES

Celine Dehan a,*, Christine Ponchel b, Manuela Oliver a, Sandra Bohand a, Jean-Luc Moalic a, Michel Chevrier a, Jean-Pierre Carpent ier b, Anne-Marie Pauli c

1. Cas cliniques

1.1. Cas c i in ique n ° 1

M. B., 36 ans, psychotique, est admis aux urgences apres une prise polymedicamenteuse volontaire. On retrouve dans ses antecedents plusieurs episodes auto-agressifs comparables et une epilepsie essentielle. Son traitement habituel associe I'acide valpro'(que (Depakine chrono~"~), le clobazam (UrbanyF"~), le pipamperone (Dipiperon') , la tropatepine (Lepticur~), et I'anetholthritione (Sulfarlem~).

.&. I 'admission, il est somnolent (score de Glasgow = 10) et I'examen clinique ne trouve aucun signe de defaillance hemodynamique ni respiratoire, aucun signe de focalisation & I'examen neurologique, ni d'element en faveur d'une pathologie comitiale post-critique.

La conscience s'altere rapidement et impose la protection des voles aeriennes superieures par intubation oro-tracheale, la mise sous ventilation artificielle et une sedation initiale est realisee par le chlorhydrate d'etomidate (Hypnomidate ®) et le midazolam (Hypnovel®). Le lavage gastrique est immediatement realise et du charbon active est administre dans la sonde gastrique.

Les pompiers trouvent au domicile du patient les emballages des medicaments suivants : citalopram (Seropram~>), I'association aceprometazine-meprobamate (Mepronizine:~), I'alimemazine (Thera- lene:~), Ioperamide (Imodium®'), et phloroglucinol (Spasfon-~:).

- Les premiers e x a m e n s b io log iques realises a I'admission ne revelent pas de troubles hydro-electrolytiques, d'acidose, de cytolyse ni de rhabdomyolyse. L'alcoolemie est negative et le taux serique d'acide valprofque est en zone therapeutique & 99 pg.L -1.

- Les e x a m e n s de recherche tox ico log ique (tableau I) montrent une positivite du depistage pour les antidepresseurs tricycliques et des benzodiazepines dans le liquide gastfique et les urines, et non dans le serum. La recherche de carbamates dans les urines est negative.

Le traitement symptomatique est poursuivi, aucune defaillance hemodynamique n'apparaTt. Le reveil du patient est complet et permet I'extubation au bout de 5 heures, sans aucune sequelle neurologique. II est confie au psychiatre le lendemain de son hospitalisation.

a Laboratoire de biochimie b Service de reanimation Hepital d'lnstruction des Armies 4, bd Laveran 13998 Marseille Armees ° Laboratoire de chimie analytique Faculte de pharmacie 13005 Marseille cedex

* Correspondance. E-mail: [email protected]

article re(;u le 3 mai, accepte le 29 mai 2001.

© Elsevier, Paris.

i(:/¸¸?iii¸¸¸ ~: iii iiii~ii!iiii~ .-~w?:iiiiii!iiii!iiii!iiii!ill ,~i/~ii:~i ! : ' ~ i ,: i, u ~ :̧ ¸̧ ̧¸̧ ¸̧ ¸̧ ¸̧ ¸̧ ¸̧

Barbituriques NEG Recherche

(methode EMIT Benzodiazepines POS

ou AMIA Antidepresseurs pour les urines) tricycliques POS

Carbamazepine N D

Dosage Acide valprdl'que ND

(FPIA) Phenytd~'ne N D

Phenobarbital N D

Technique Alcool ND enzymat ique

R(~action coloree Carbamates N D

NEG : recherche negative. ND : non determine. POS : recherche positive.

NEG ND

NEG POS

NEG POS

< 0,5 mg/I ND

99 mg/I ND

<0 ,5 mg/I ND

<0 ,5 mg/I ND

NEG ND

ND NEG

Le screening tox ico logique, realise dans les 24 h sur les liquides biologiques preleves & I'admission (sang, urines, liquide gastrique), a permis d'identifier objectivement des substances susceptibles d'avoir ere ingerees (traitement habituel et/ou emballages retrouves au domicile), ainsi que d'autres molecules non suspectees (tableau II, figure 1).

- Quatre benzodiazepines differentes ont et6 identifiees : le clobazam et son metabolite, le norclobazam (UrbanyF":), le bromazepam (Lexomi[ ":) ont ere isoles & la fois dans le serum et I'urine. Deux autres benzodiazepines, le diazepam (Valium ~) et I'alprazolam (Xanax:";), n'ont ere retrouvees que dans le liquide gastrique. - Un antidepresseur inhibiteur selectif de la recapture de la serotonine, le citaprolam (Seropram~), a ere identifie dans le serum et les urines. - Une phenotiazine anti-histaminique, I'alimemazine (Theralene~'), a ere isolee dans les trois milieux biologiques analyses. - Un antispasmodique, le phloroglucinol (Spasfon ~"~) a ete retrouve uniquement dans le liquide gastrique. - Un neuroleptique, le pipamperone (Dipiperon:"~'), n'est retrouve que dans les urines et rend probablement compte de la prise therapeutique habituelle.

Enfin, le screening toxicologique a mis en evidence la presence d'oleandrine, molecule de decouverte surprenante, dans le serum et les urines du patient. Cette molecule est le principe actif du Nerium oleander ou laurier-rose, et son mode d'ingestion n'a pu ~tre precise.

(1) Chromatographie liquide haute performance couplee #. un detecteur & barette de diode.

Revue Franoaise des Laboratoires, octobre 2001, N ° 336 65

Dossier scientifique

Mol6cule Sp~dalitO

No,c o =m B m ~ Lexomil ®

O i a z ~ p a m Valium ®

Alprazolam Xanax ®

Phloroglucinol

Lidoca'~'ne Lidocai'ne ®

Loperamide

Anetholtrithione ~ N R

Acide valproi"que ~ NR

Tropatepine ~ N R

Specia]ites possiblement ingerees par le patient

• !

gastrique Urine

_

_

_ _

_ _

_

_ _

_

_

NR

(traitement habituel ou boites retrouvees au domicile).

r ] Specialites vraissemblablement responsables du tableau clinique d'intoxication

NR : non renseigne.

I 'identification de lidocai'ne dans les urines est en rapport quasi certain avec I'utilisation de Xylocai'ne gel ® pour la realisation du sondage vesical A I'admission.

Les medicaments utilises pour la sedation initiale n'ont pas ete retrouves car les prelevements ont ete effectues avant I'intubation.

1.2. Gas c l i n ique n ° 2

Madame M., patiente de 72 ans, est retrouvee a_ domicile dans le coma et est prise en charge par le Samu. Elle presente un coma hypotonique (score de Glasgow = 9), sans signe meninge ni de Iocalisation. II existe une detresse respiratoire associant une polypnee, un tirage, un encombrement bronchique avec une SpO 2 a 91 O/o sous oxygenotherapie a fort debit (9 I/mn), un collapsus avec une pression arterielle systolique a_ 80 mmHg et une frequence cardiaque 55 battements.min n.

Dans ses antecedents, on retrouve : une hypertension arterielle traitee ancienne, un accident vasculaire cerebral ischemique deux ans auparavant sans sequelles et un syndrome depressif. Son traitement comprend un antihypertenseur associant altizide et spironolactone (Aldactazine®). II n'existe aucune habitude toxique selon la famille.

Les troubles de conscience s'aggravent pendant le transport en reanimation (score de Glasgow = 5), la SpO 2 est a 93 o/o sous 15 I/ran d'oxygene, la FC a. 65 battements.min n, la PAS & 85 mmHg, la temperature corporelle A 33,6 °C. Elle est intubee et raise sous ventilation contr61ee. Uhypoxemie est corrigee par la ventilation, I 'hemodynamique est restauree par un remplissage vasculaire, et le rechauffement de la patiente est debute.

A) I~CHANTILLON SANGUIN

spectre spectre bib/iotheque ( . . . . ) #~chant i / /on ( . . . . )

13,742 13.999 15.368 17.258 19,112 19.378 220.00 nm 22000 nm 220.00 nm 220.00 nm 220.00 nm 220.00 nm

~ o o o i ~ o o o ~ o o o i 3 , 0 0 0 ~ o o o 3 4 o 0 0

/ " % 14.731\ 14.385 t"', 15.26 /~ 17.11t I t 19.19 / I 19.06

0.40 i

0.20 i

0.00~ . . . . . . .

2.00

E t f i ̧ i :,

4.00 600 8.00 I0.00 12,00 1400 16.00 18.00 20.00 22.00 24.00 Minutes

Match . . . . T e m ~ de r~tention ~ l ~ l e i d e n t i f i ~

1 13.742 5.761 Bromazepam

2 13.999 3.954 Citalopram

3 15.368 2.403 Alimemazine

4 17.258 1.481 Norclobazam

5 19.112 2.471 Clobazam

6 19.378 2.509 Oleandrine

2600 28.00 30.oo

66 Revue Frangaise des Laboratoires, octobre 2001, N ° 336

sp( ;c t re spec t re b i b l i o t h e q u e ( . . . . ) dchant i l /on ( . . . . )

9,732 10.566 10.899 12.361 13.751 14.028 15.843 17.274 220.00 nm 22000 nm 22000 nm 220,00 nm 220r00 nm 220.00 nm 22000 nm 220.00 nm

340.00 340.00 340.00 34000 340.0(3 340.00 340.00 340.00

9.92~ 11.90 j 11.60~' ,~'~t 13.28! / i 14.73~ 14 38'~ / I 15,26 II 17 ,11

", i/' l,e,i ',, ',

1.00 ~ ~"

2.00 4.00 6.00 e.~ 10100 ~ 2 ~ 14r ~ 1 e . ~ ~8.~ ~.~ ~.~ 24.~ 26 00 28"00 30.00

Minut~

Match Temps de retention Angle Mol0cule identifiee

1 9.732 0.66? Lidoca'(ne

2 10.566 3.813 Pipamperone metabolite

3 10.899 3,509 Alimemazine m(~tabolite 3

4 12.381 6.620 Alimemazine metabolite 1

5 13.751 5,000 Bromazepam

6 14.028 1 ,'797 Citalopram

7 15.843 1.720 Alimemazine

8 1 ?.274 1,294 Norclobazam

C) I~CHANTILLON GASTRIQUE s p e c t r e spec t re b~bho theque ( . . . . ) ~chanb l /on ( . . . . )

2 ~ , 0 0

1202.8

4.157 11 029 15.960 18,992 nm 220,00 nm 22000 nm 220,00 nm

34000 340.00 340.00

4.16 : ~ , ~ 1 1 0 3 ' 25,3.5 1 5 . 9 6 1 2 ~ . 5 4.17 11.50 15.79L /

252.0

/2,o, \ 271 ~ )

~ _ = ~ _ . ~ \ . --

3.00

<~ 200

100

0.00

18.562 220.00 nm

34000

le.~i~.~, 16.97

340,00

18.56 20.33

312,8

2.0C 4.00 6,00 8.00 I0.00 12.000 14.00 18.00 18, C~ 20.00 22.00 24.00 26,00 26,00 00.00 Minutes

Match Temps de r(~ention Angle Moi~Icule identm~Je

1 4.157 2.956 Phloroglucinol

2 11.029 5.120 Alimemazine m~tabolite 3

3 15,960 4,680 Alimemazine sulfoxide

4 16.992 1.890 Alprazolam

5 18.562 1.147 Diazepam

Revue Franoaise des Laboratoires, octobre 2001, N ° 336 67

. . f . Dossier sc ent= =que

- Les premiers elements biologiques montrent un ionogramme sanguin et un hemogramme normaux. II existe une acidose avec un pH & 7,23, une hypercapnie a 60 mmHg, sans souffrance hepatique, renale ni myocardique (ECG et enzymes cardiaques normales).

La recherche habituelle de toxiques dans le serum est negative ( tab leau i l l), ralcoolemie est & 1,09 g.L -~ sans stigmates biologiques d'alcoolisme chronique. - La tomodensitom~trie c~rdbrale sans injection r6alis~e environ une heure et demie apres son admission est normale, sans argument pour un accident vasculaire recent. UEEG retrouve une souffrance cerebrale aspecifique sans element en faveur d'une oomitialite.

II n'existe aucun argument en faveur d'une etiologie infectieuse, metabolique ou toxique du coma ; rhypoth~se etiologique la plus probable est alors vasculaire.

La sddat ion est arr~tE~e le deuxi~me jour, aucun signe clinique de reveil n'est observe. I ' IRM cerebrale realis~e est elle aussi normale. La methanolemie est negative, demand~e dans le contexte initial d'acidose mixte avec prise d'alcool.

Au t r o i s i bme jour, la famille decouvre des comprimes blancs non identifiables, sans emballage, soigneusement caches au domicile.

Le rdvei l est complet au septieme j ou r et I'extubation est realisee. La patiente confirme au psychiatre une intoxication volontaire.

Elle est transf6rde en service de psychiatrie au d i x i bme jou r de son hospitalisation.

Le screening toxicologique a ~te effectu~ sur les prel~vements de s~rum realists au deuxi~me jour de I'admission et sur les comprimes

Recherche (Methode EMIT)

Technique enzymatique

Barbituriques Benzodiaz6pines Antid~presseurs tricycliques

Alcool

Salicyl~s

S(~lrum

NEG NEG NEG

1.09 g/I

< 10 mg/I

NEG : recherche n~gative.

retrouves ( tab leau IV, f igure 2). L'intoxication massive etait volontaire par un hypnotique de la famille des imidazopyridines, le zolpidem (Ivadal ®) associe & une benzodiazepine d'action prolongee, le nitrazepam (Mogadon®). L'intoxication est donc affirmee au quatri~me jour, en m~me temps que les premiers signes de reveil.

spectre spectre bibl iotheque ( . . . . ) 6chanti l lon ( . . . . )

9.843 11.891 25000 nm 25000 n m

3~000 1 300.00 . . . . . . . . . t . . . . . . . . .

g 85 ~ . l ~", 245,2 1060"

\ . / 34(I.I/

1 O0 ~i

OaOi

0,60~

0"401 L

0.201

r

2,00 4,00 6.00 8.00 10.00 12,00 14.00 1600 18,00 20.00 Minutes

~ 7.069 250.00 n m

11.89~ 11.88i\ \

300.00

17.07 16.93

22,00 24,00 26.00 28,00 30.00

T e m ~ de r~ention Match A n g l e M o V i e ~entif i6e

1 9.843 2.048 ?-amino nitraz~pam

2 11.891 1.322 Zolpidem

3 17.069 0.949 Nitraz~pam

68 Revue Fran~;aise des Laboratoires, octobre 2001, N ° 336

Solvant A

Solvant B

Gradient

H20/NaH2PO 4 50 mM, pH 3.6 ajuste avec H3PO 410 %

Acetonitrite

Temps (min) Init 3 9 28 31

31.5 53

30°0

D~bit (ml) 1 1 1

1.5 1.5 1.5 1

%A 85 85 65 20 20 85 85

Four

Colonne Symmetry C8

Precolonne Sentry guard symmetry C18

I~tecteur 996 Gamme 200-350 nm Resolution 1.2 nm Auto-exposure Spectral rate 2 spectres/seconde

Extraction des Max-plot Iongueurs d'onde

* '. aucun type de courbe n'est associe au temps initial.

O/oB 15 15 35 80 80 15 15

Courbe

6 6 6 6 6 6

2. Discussion

De nombreuses molecules ne sont pas decelees par les techniques analytiques utilisees en garde [15]. De plus, des principes actifs appartenant & des classes therapeutiques variees non recherchees systematiquement sont susceptibles d'etre responsables d'intoxication medicamenteuse [12, 18].

Oette situation montre I'importance d'associer une methode physico- chimique du type CPG ou CLHP & I'approche immunologique classiquement utilisee [4, 8].

La chromatographie liquide haute performance couplee & un detecteur & barette de diode (CLHP/BD) est une des techniques alternatives disponible [3, 11]. Diverses configurations analytiques permettent de realiser un screening par CLHP/BD.

Nous utilisons une chafne CLHP alliance couplee & un detecteur & barrette de diode PDA 996 (Waters), pilotee par le Iogiciel Millenium ® et possedant la bibliotheque ,, Toxicol ,,. La colonne utilisee est une Symmetry C8 (5 pm, 250 mm x 4.6 mm) precedee d'une precolonne Symmetry C18 de 20 mm (Waters). La phase mobile est un melange tampon phosphate-acetonitrile dont les proportions varient selon un gradient s'etalant sur une duree totale de 30 minutes (tableau V). Le debit varie de 1 & 1.5 ml/min. La separation est effectuee au sein d'une enceinte thermostatee & 30 °C.

Une extraction prealable & I'analyse chromatographique est necessaire. Nous utilisons une extraction liquide-liquide & I'aide des toxitubes ,, A ,, fournis par la societe Amilabo.

L'extraction des molecules basiques ou neutres est privilegiee mais les substances acides sont egalement extraites, bien qu'avec un rendement moindre. Ce rendement est suffisant dans les cas d'intoxication ou I'on se trouve en situation de surdosage [7].

Cette bibliotheque contient actuellement 970 spectres de reference correspondant & des molecules appartenant & des classes tres diverses : psychotropes stupefiants, antihistaminiques, anticoagulants, antibiotiques, antiparasitaires, betabloquants, antidiabetiques, antineoplasiques, pesticides... Elle est evolutive et d'autres molecules peuvent ~tre ajoutees & cette base.

Uidentification s'effectue selon deux criteres : le temps de retention et le spectre ultraviolet.

Le Iogiciel Millenium ~ permet de verifier la purete des pics chromatographiques et de comparer les spectres inconnus avec ceux de la bibliotheque de spectres de reference.

La comparaison des spectres est effectuee en utilisant la theorie du contraste spectral : un spectre, transforme en vecteur, est compare aux vecteurs (i.e. spectres) de la base de donnees definissant un angle de reconnaissance permettant I'identification [9].

I 'interet d'une methode de screening toxicologique par CLHP/BD [14] s'avere determinant dans deux types d'applications, illustrees par les deux cas cliniques rapportes ici.

• Tout d'abord, le diagnostic des intoxications polymedica- menteuses (casn ° 1 ) : cette technique permet en une seule analyse d'identifier plusieurs composes appartenant & des classes chimiques differentes. II nous a ainsi ete possible de differencier les nombreuses benzodiazepines impliquees dans I'intoxication du casn ° 1, mais aussi de determiner la presence de molecules appartenant & des classes medicamenteuses tres variees. L'analyse chromatographique nous a permis de montrer que le resultat obtenu par methode EMIT pour la recherche des antidepresseurs tricycliques etait un faux positif dr3 & une reaction croisee avec une phenothiazine, le Theralene ® (alimemazine), puisqu'aucun antidepresseur tricyclique n'a ete isole [10].

L'association d'une intoxication par les benzodiazepines et I'alimemazine explique le coma calme hypotonique [1, 5]. La dose toxique d'alimemazine est vraisemblablement peu importante du fait de I'absence de mydriase, de vasoplegie, de troubles de la thermoregulation retrouves dans les intoxications massives [1].

Les intoxications par les ISRS sont peu symptomatiques et exceptionnellement graves, associant des troubles digestifs et une somnolence. Dans le cas du citaprolam (Seropram~), on peut voir des convulsions, des troubles du rythme ou de la conduction cardiaques [6], ce qui n'a pas ete le cas chez notre patient.

L'intoxication par le laurier-rose est rare, par I'ingestion directe de feuilles, fleurs ou graines, decoction [14]. II existe une analogie structurale de I'oleandrine avec les heterosides cardiotoniques digitaliques. La quantite ingeree etait sans doute insuffisante pour mettre en jeu le pronostic vital. Le traitement de cette intoxication est avant tout symptomatique. Des fragments d'anticorps Fab antidigoxine ont ete injectes en clinique humaine avec un succes controverse, en revanche I'efficacite a ete demontree chez I'animal [2]. I 'identification des molecules responsables de I'intoxication et la confrontation au tableau clinique a donc confirme le bon pronostic, I'absence de gravite et d'indication de methodes invasives d'epuration des toxiques ou de therapeutiques specifiques (antidotes) dans un contexte de prise polymedicamenteuse.

• L'identification formelle de compos~s non reconnus par les tests immunochimiques constitue le deuxieme apport determinant de la CLHP/BD (casn ° 2). Ces tests ne fournissent le plus souvent qu'un diagnostic de classe medicamenteuse, sans preciser la nature exacte du produit en cause. D'autre part, la liste des substances reconnues est limitee et de nombreuses classes medicamenteuses sont ignorees. La technique C L H P / B D se revele ainsi particulierement precieuse dans les cas d'intoxication par les hypnotiques apparentes aux benzodiazepines, comme le zolpidem. Ces molecules sont impliquees dans environ 3 % des intoxications medicamenteuses [16]. De plus, cette technique est applicable & I'analyse d'echantillons non biologiques (poudre, comprimes) parfois retrouves aupres des patients intoxiques et dont il est utile de connaftre la composition. Le cas n ° 2 est un exemple de I'interet de cette possibilite car les comprimes retrouves chez la patiente etaient deconditionnes et ne portaient aucune information permettant de les identifier. Les intoxications aigu~s

Revue Fran?aise des Laboratoires, octobre 2001, N ° 336 69

par le zolpidem sont rarement responsables de coma, meme dans les intoxications de plus de 30 comprimes (300 mg) [13, 17]. [_'association au nitrazepam et & I'alcool, ainsi que I'&ge, semblent expliquer le tableau clinique isole de coma calme hypotonique du fait de I'absence de complications et de I'evolution spontanee favorable apres elimination des molecules.

3. Conclusion

3.1. Po in t de vue du c l in ic ien

Dans le premier cas clinique d'une intoxication polymedicamenteuse, I'identification de toutes les molecules ingerees, confrontee & I'investigation clinique, a permis d'evaluer le risque toxique, de discuter les indications de traitement specifique et de prevoir le reveil rapide du patient.

Dans le second cas, I'intoxication avait d'abord ete ecartee devant la negativite des examens usuels. Le redressement diagnostique a pu 6tre realise seulement au quatrieme jour, apres plusieurs examens morphologiques cerebraux normaux.

Ces deux cas cliniques illustrent parfaitement I'inter(~t clinique, diagnostique et therapeutique pour le medecin urgentiste ou le

reanimateur d'un screening toxicologique sur le serum des patients suspects d'intoxication. Le nombre de molecules en bibliotheque dolt etre maximal et le screening realise au plus t6t pour etablir le diagnostic, le pronostic, informer et rassurer la famille ou l'entourage sur I'evolution.

3 .2 . Po in t d e vue du b i o l o g i s t e

Le screening toxicologique par CLHP/BD nous a permis d'apporter un complement d'information utile pour le diagnostic toxicologique des deux cas decrits, non resolus par les techniques usuellement employees dans notre laboratoire de garde.

Sa mise en oeuvre demeure complexe et ce screening ne possbde pas les caracteristiques requises pour 6tre utilise darts le contexte de I'urgence, 24 heures sur 24 : d'une part, le temps necessaire I'extraction e ta I'analyse est assez long (minimum 1 h 30), mais surtout il implique une technicite et un savoir-faire imposant la presence de personnels experimentes en CLHR

Elle intervient dans un second temps, pour tenter d'eclairer des cas pour lesquels les techniques de premiere tigne n'apportent pas de reponse. [_'importance du d i a l o g u e c l i n i c i e n - b i o l o g i s t e est determinant pour evaluer de fagon concertee ropportunite de sa realisation.

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