\" un voyage universitaire au turkménistan\"
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26/11/15 23:53Francekoul | Article | Un voyage universitaire au Turkménistan
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25.11.2015
Du 11 au 13 novembre (http://www.turkmenistan.ru/ru/articles/41265.html)
2015, les autorités turkmènes ont organisé à Achgabat, la capitale du
Turkménistan, un colloque international d’envergure intitulé « Le dialogue des
cultures sur la Route de la Soie ». La visite de chercheurs étrangers étant un
fait rare au Turkménistan, cet événement a représenté une occasion inédite
pour nombre d’entre eux. Svetlana Gorshenina-Rapin (http://www.svetlana-
gorshenina.net/), historienne du Fonds national suisse de la recherche
scientifique à l’Université de Lausanne, se trouvait parmi ces privilégiés.
Pour Novastan, elle explique les raisons de sa participation et fait part de
quelques-unes de ses impressions de ce voyage peu ordinaire.
Un voyage universitaire au Turkménistan
La rédaction
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Florian Coppenrath
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L’idée de ce type de colloque a été lancée il y a plusieurs années par le célèbre
archéologue Vadim M. Masson, à l’époque directeur de l’Institut de la culture
matérielle à Saint-Pétersbourg et conseiller du premier président turkmène. Dès
lors, la première liste d’invités esquissée par Masson (elle reste jusqu’à
aujourd’hui à la base des invitations) s’est enrichie de nombreux autres noms de
chercheurs qui peuvent se présenter de manière épisodique à ces événements
politico-scientifiques plus ou moins régulièrement espacés dans le temps.
Une conférence d'envergure pour les autorités turkmènes
Issus de plus de trente pays, les participants ont été représentés cette année par
une soixantaine d’historiens, anthropologues, archéologues, critiques d’art,
musicologues et artistes. Fondée sur une statistique géographique, thématique et
quantitative, cette présence est particulièrement importante pour les
organisateurs, car elle doit selon eux permettre de démontrer à tous l’envergure
de la politique culturelle et scientifique du gouvernement, l’importance de
l’histoire turkmène pour la communauté internationale et dans le cadre de
« l’histoire universelle », la place particulière du pays sur « la Route de la Soie »…
et elle doit, semble-t-il aussi, leur prouver le niveau de complicité des chercheurs
occidentaux et autres universitaires étrangers qui devraient être censés cautionner
le régime par leur seule présence à cette conférence. Ces réflexions expliquent
l’importance de l’enveloppe budgétaire accordée par le gouvernement à cet
événement, qui prend en charge tous les frais (voyages, hôtels, alimentation,
déplacements à l’intérieur du pays, visites des musées et des monuments). Sans
compter les dépenses collatérales générées par le déplacement d’un bon millier, si
ce n’est plus, de collaborateurs et de figurants locaux – écoliers, étudiants,
professeurs, chercheurs, musiciens, curateurs de musées – pour présenter aux
visiteurs étrangers les divers aspects – bien sélectionnés et arrangés – de la vie au
Turkménistan en cette époque de « bonheur et de prospérité ».
Du côté des participants étrangers les motivations sont en revanche plus nuancées.
Pour une partie d’entre eux ce type de colloque est une rare occasion de se rendre
sur le terrain, souvent inaccessible à cause du fait que les visas sont accordés au
compte-goutte par les autorités turkmènes, et cela permet de voir de ses propres
yeux une situation très particulière, même dans le paysage politique
centrasiatique, caractérisé par divers régimes autoritaires pénétrés par la
corruption. Pour une autre partie des participants, ces conférences sont la
condition sine qua non pour l’obtention d’une autorisation de mener des
recherches de longue haleine dans le pays. Ceci concerne avant tout les
archéologues dont les programmes d’études sont liés au terrain archéologique et
aux dépôts des trouvailles ; ou les architectes-restaurateurs, puisque les
monuments historiques ne sont pas déplaçables.
Tous à vélo au Turkménistan! (/articles/tous-a-velo-au-
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Si l’on tient compte de cette particularité du travail au Turkménistan on est bien
contraint d’être indulgent à l’égard des participants invités à ces rencontres. Ces
derniers n’ont en effet pas le choix. Dans ces manifestations ils sont soumis à un
rituel très spécifique dont les racines remontent aux pratiques de jubilés pompeux
des dernières années de l’époque soviétique : des mots de remerciements sont à
toutes les occasions adressés au président turkmène et au gouvernement et des
interviews traduites librement – même trop – par la télévision locale, se succèdent
l’une à l’autre sans interruption ; à cela il faut ajouter les applaudissements
assourdissants à chaque fois que l’on pénètre dans une salle et à chaque
communication, la mise sur écoutes, une présence obligatoire à toutes les
nombreuses et épuisantes manifestations dites culturelles, préalablement
organisées dans le moindre détail à l’attention des étrangers…
En fin de compte, dans ce théâtre où personne ne croit à ses propres actes, ce
rituel transforme chaque élément de l’événement en une profanation. Les
chercheurs invités présentent les vœux et remerciements obligatoires que l’on
exige d’eux, mais restent profondément frustrés de ne pas pouvoir présenter les
résultats de leurs recherches. Pour beaucoup d’entre eux les communications
scientifiques ont été limitées à cinq-dix minutes ; pour certains le temps de parole
a même été tout simplement réduit à zéro, car le programme, trop chargé par des
activités que les organisateurs ont jugées plus importantes, n’avait pas prévu de
panels scientifiques de plusieurs heures. À l’issue du colloque il était donc difficile
de comprendre quelle a pu être la réception de nos idées scientifiques, d’autant
plus que les participants ont été dispersés dans quatre salles réparties dans des
endroits différents de la ville – du Musée national d’histoire à l’Institut de la
culture – et bondées d’étudiants bien entraînés à applaudir ; ces derniers ont en
effet été très rares à se présenter après les sections pour poser de timides
questions, et aucune séance de discussions/questions n’avait été prévue. Il était
en revanche palpable que les figurants, contraints d’occuper jusqu’à la dernière
des places en prévision du tournage de la télévision locale, se hâtaient de partir
après avoir accompli leur tâche de mannequins vivants ; les organisateurs, épuisés,
ne parvenaient que difficilement à gérer le planning du programme culturel…
Avec son marbre de Carrare et ses dorures étalées sans modération, la nouvelle
ville d’Achgabat constitue le meilleur décor de ce théâtre de l’absurde :
mélangeant le classicisme stalinien tardif à un kitch orientalisant, avec des
variations architecturales tirées de « Stars Wars », la ville flamboie, comme Las
Vegas, de mille couleurs inter-changeantes ; elle est en revanche totalement vide
de population, mais comme on a pu le voir à trois carrefours au moins, elle signale
fidèlement le temps qu’il fait au moyen de thermomètres géants qui pointent le
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ciel avec des graduations allant jusqu’à une température de 80°C. L’ancienne ville
– encore marquée par l’époque soviétique et où les arbres sont encore debout –
nous est restée totalement invisible.
A lire sur Novastan.org : Achgabat, portrait d’une des cités les plus fermées au
monde (http://novastan.org/articles/achgabat-portrait-dune-des-cites-les-plus-
fermees-au-monde)
Sans vouloir analyser en détail la totalité de l’événement, de manière à ne pas
interférer dans l’activité des collègues œuvrant sur place, je me limiterai ici à
présenter un seul des éléments du mécanisme mis en œuvre pour instrumentaliser
la science et, de manière plus générale, pour présenter l'héritage culturel et le
temps présent du pays, à savoir l’excursion organisée en grande pompe à Kounya-
Ourguentch, à près de 500 km au nord de la capitale.
Voyage à Kounya-Ourguentch
Dans le cadre de cette conférence et du thème qui y a été développé, il a en effet
été prévu d’emmener les chercheurs étrangers dans la région de Daşoguz
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Da%C5%9Foguz_(ville)) (prononcez « Dachogouz »),
dans le nord du pays, pour visiter les sites historiques de « la Route de la Soie » de
Kounya-Ourguentch (https://fr.wikipedia.org/wiki/Kounia-Ourguentch).
Notre voyage pour cette destination a débuté à 3h00 du matin par plusieurs faux
départs, notre avion qui devait décoller d’Achgabat ayant été retardé d’une demi-
heure, puis d’une heure, puis jusqu’au milieu de la journée. Après
l’embarquement, l’avion n’a pu rouler que quelques mètres avant qu’on nous fasse
aussitôt redescendre, car, à Daşoguz, il régnait un brouillard à couper au couteau.
Aucun des responsables de la conférence n’a visiblement pu prendre la
responsabilité d’annuler le vol et, donc, de changer le programme dans lequel
beaucoup d’argent avait déjà été investi et pour lequel on avait mobilisé un grand
nombre de personnes. Il est clair que c’est sous une énorme pression que le pilote
a fini par accepter de décoller d’Achgabat, quoi qu’il arrive, avec l’espoir que le
portrait du président affiché comme talisman à bord de l’appareil permette
d’arriver à bon port à travers ce brouillard laiteux.
Au moment de l’approche, la terre de l’antique Khwarezm
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Khwarezm) (région historique où se situe Daşoguz)
s’est par bonheur dévoilée à peine plus de 100 mètres sous les lumières de l’avion,
ce qui nous a permis de nous poser malgré le brouillard, même si l’atterrissage a
manqué de douceur. Quoi qu’il en soit tout avait été prévu, car de nombreuses
voitures de police, d’ambulances et de pompiers étaient déjà présentes pour notre
accueil. Progressant sous les flashs et les caméras des journalistes locaux et sous
l’attention sans relâche des administrateurs sur place, notre délégation est
descendue en courant devant une file de jeunes filles engourdies par le froid et
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tenant des plats couverts de pains et de fruits en guise de bienvenue, eux aussi
complètement congelés par le vent du nord. Nous sommes alors partis pour
Kounya-Ourguentch dans deux grands autobus de tourisme aux pare-brises équipés
de portraits présidentiels, escortés, en un cortège pompeux comme à l’époque
soviétique, de deux voitures de police qui balayaient la route toutes sirènes
dehors.
Drapeaux et artistes en pleine « inspiration » dans le froid
Le long des routes pluvieuses de la région de Daşoguz, il n’y a rien du marbre blanc
et des ors de la capitale. À notre passage, dans les champs de cotons bordant la
route de petits groupes de population ramassaient encore les restes trempés d’« or
blanc » (le coton turkmène). Sur la bordure de la route des écoliers progressaient
dans la boue, car il n’y a pas de trottoirs. Les voitures nous croisant s’arrêtaient
aussitôt sur le bord pour nous laisser passer. Les paysages désertiques rappelaient
les alentours d’Achgabat. Seule différence : le vent, qui au lieu de mourir dans les
petits sapins partout présents dans la capitale, vient ici finir dans de petits
arbustes dont les feuilles sont déjà tombées.
À l’entrée de Kounya-Ourguentch, des deux côtés de la route, des drapeauxmulticolores idéalement propres et fraîchement repassés. Au centre de la villenous attendaient déjà sous la pluie des jeunes filles en uniforme national « numéroun » et tenant de nombreuses sucreries, bien alignées sur d’immenses tapis devantdes yourtes au décor intérieur traditionnel. Plus loin on voyait le musée historiqueorganisé en forme de caravansérail et dont les portes des cellules avaient été trop
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fraîchement repeintes. De même, de jeunes étudiants en art en pleine« inspiration » artistique étaient en train de peindre les monuments antiques, peuimporte le froid, la pluie et les rafales de vent. On n’osait pas trop imaginer ceque les pauvres figurants de ce spectacle pensaient de nous après avoir passé lajournée à nous attendre dans ce froid glacial (notre avion avait eu cinq heures deretard), puis nous avoir exposé cette installation appelée à illustrer une vieheureuse comblée par les arts et le respect à l’égard des monuments historiques.
Sous la pression des organisateurs et du froid, nous avons alors visité « au trot » les
principaux monuments (très bien rénovés par ailleurs) inscrits au patrimoine
mondial de l’UNESCO, avant d’être ramenés à Daşoguz.
Des étudiants surveillés de près par leurs professeurs
Une fois arrivés au centre de la ville, nous avons été séparés en deux groupes
(pour pouvoir accélérer le rythme) : l’un a été envoyé au musée d’art et l’autre
dans une bibliothèque fraîchement construite, en forme de livre blanc-or
scintillant de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Nous avons enfin été invités à
évaluer l’efficacité du travail effectué dans la salle des ordinateurs (avec
probablement un internet présent-absent comme dans notre hôtel auquel aucun
d’entre nous n’a pu se connecter), où nous avons été intensément observés par
des étudiants, eux-mêmes étroitement surveillés par leurs professeurs. Nous avons
ensuite apprécié les talents musicaux et linguistiques des écoliers lors d’un petit
spectacle consacré aux livres ; et pour finir, avons été témoins du profond respect
adressé aux personnes âgées déplacées pour l’occasion et qui (sans lunettes)
feuilletaient diverses publications.
À la sortie de la bibliothèque nous avons été expédiés vers une salle de concert, où
nous avons gagné nos sièges d’honneur sous les applaudissements enthousiastes
des figurants et habitants de la ville, qui avaient rempli la totalité de la salle,
vêtus de costumes et de chapeaux tous identiques, les dames en costumes
traditionnels et les hommes habillés « à l’européenne ».
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Après le concert, nous avons été invités dans le meilleur hôtel de la ville pour un
dîner de fête de vingt minutes. Puis, sans passer aucun contrôle, sans billets
d’avion, sans même présenter nos documents – presque comme si nous étions de la
jet-set – nous prenions l’avion pour rejoindre la capitale de marbre blanc. Ce rêve
irréaliste, ou plutôt surréaliste, s’est estompé rapidement dans notre petit avion
grâce au brouillard persistant à la source de tous les problèmes de cette journée…
Nous remercions sincèrement Svetlana Gorshenina-Rapin
(http://www.svetlana-gorshenina.net/) d’avoir permis à Novastan de publier son
récit et ses photos.
La rédaction
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