« making change at walmart » : le syndicalisme solidaire étasunien au sein d’une multinationale...

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64 juillet-septembre 2014 Les conits du travail dans le monde Les conflits du travail : enjeux scientifiques d’un phénomène global par Maxime Quijoux « Making Change at Walmart » : le syndicalisme solidaire étasunien au sein d’une multinationale des services par Mathieu Hocquelet Une extension du domaine de la lutte : l’internationalisation des savoir-faire syndicaux américains en Amérique centrale par Quentin Delpech Un apprentissage sous tension : la formation des adhérents syndicaux du commerce à l’usage de la grève en France par Baptiste Giraud Entre Exit et Voice : les conflits du travail dans les entreprises publiques chinoises par Claude Didry, Annette Jobert, Yi Zhenzhen 4 Revue comparative de sciences sociales

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64juillet-septembre 2014

Les conflits du travail dans le monde Les conflits du travail : enjeux scientifiques d’un phénomène global

par Maxime Quijoux

« Making Change at Walmart » : le syndicalisme solidaire étasunien au sein d’une multinationale des services

par Mathieu Hocquelet

Une extension du domaine de la lutte : l’internationalisation des savoir-faire syndicaux américains en Amérique centrale

par Quentin Delpech

Un apprentissage sous tension : la formation des adhérents syndicaux du commerce à l’usage de la grève en France

par Baptiste Giraud

Entre Exit et Voice : les conflits du travail dans les entreprises publiques chinoises

par Claude Didry, Annette Jobert, Yi Zhenzhen

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ThemaLes conflits du travail dans le mondeVolume 1. Construire le conflit au travail : des mobilisations entre ruptures, circulations et continuitésÀ partir des années 1960, les sciences sociales ont progressivement délaissé l’étude des conflits du travail, y compris dans le cadre même des recherches sur le travail ou sur les mouvements sociaux. Pourtant, ces mobilisations n’ont jamais cessé. Dans les pays occidentaux, la genèse et les formes de ces luttes ont été marquées par de profondes mutations tandis que le profil de leurs acteurs évoluait largement. Dans le reste du monde, de nombreux pays connaissent aujourd’hui une vague inédite de grèves, d’émeutes et de confrontations. Ce double dossier (64, juillet-septembre, et 65, octobre-décembre 2014) non seulement vise à rendre compte de la diversité des causes, des acteurs et des formes de conflits du travail dans le monde, mais aussi se propose d’examiner les spécificités des luttes transnationales et de s’interroger sur leurs effets à l’échelle de la planète. Au-delà des révolutions arabes ou des catastrophes industrielles, quelle place le travail occupe-t-il dans l’espace des mobilisations mondiales ? Et dans quelle mesure est-il un enjeu déterminant des relations internationales ?

VariaL’origine populaire comme ressource au sein des élites en France, aux États-Unis et en Indepar Jules Naudet

À l’ombre de la reconnaissance : politiques identitaires et conflit social en Boliviepar Lorenza Belinda Fontana

Deux décennies de transformations structurelles de l’économie allemande : quelques leçons iconoclastespar Rémi Colliat

Presses de Sciences Po117, boulevard Saint-Germain – 75006 Paris – FranceTél. : +33 (0)1 45 49 83 64 – Fax : +33 (0)1 45 49 83 34 – Diffusion/distribution CDE/SODISwww.pressesdesciencespo.frRetrouvez la revue sur www.cairn.info et www.persee.fr

22,00 €SODIS 768 293.9ISSN 1290-7839ISBN 978-2-7246-3350-4 9 782724 633504

Derniers thema parus :Politiques du changement climatique 62Vers un renouveau de l'État développeur en Asie ? 63

Revue comparative de sciences sociales

Revue comparative de sciences sociales

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Numéro 64 – juillet-septembre 2014

Trimestriel

Critique internationaleRevue comparative de sciences sociales

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Critique internationaleRevue comparative de sciences sociales

RédactionCERI. 56 rue Jacob, 75006 ParisTél. 01 58 71 70 77. Fax. 01 58 71 70 [email protected]/ceri/fr/critique

Rédactrice en chef Laurence LouërResponsable de la rubrique Lectures Nadège RagaruResponsable éditoriale Catherine BurucoaRédaction Jenny Andersson, Laetitia Atlani-Duault, Antonela Capelle-Pogăcean, Hélène Combes, Andrew J. Diamond, Gilles Favarel- Garrigues, François Foret, Chloé Froissart, †Bastien Irondelle, Jeanne Lazarus, Sébastien Lechevalier, Benjamin Lemoine, Catherine Perron, Sandrine Perrot, Franck Petiteville, Nadège Ragaru, Sandrine Revet, Antoine Roger, Daniel Sabbagh, Hélène Thiollet, Antoine Vauchez, Douglas Webber

Conseil scientifiquePrésident Frédéric MionAlban Bensa, John R. Bowen, Hamit Bozarslan, Jean-Luc Domenach, A.J.R. Groom, Gérard Grunberg, Pierre Hassner, Christopher Hill, Christophe Jaffrelot, Sunil Khilnani, Jean Leca, David Lehmann, Thomas Lindenberger, Andreas Mehler, Anand Menon, Jean-Luc Parodi, Pablo A. Piccato, Jennifer Pitts, Vivien Schmidt, Roger de WeckDirecteur de la publication Alain Dieckhoff

Édition, ventes et abonnementsPresses de Sciences Po117 boulevard Saint-Germain, 75006 ParisTél. 01 45 49 83 64. Fax. 01 45 49 83 [email protected] d’abonnement et bon de commande p. 175

© Presses de Sciences Po

Maquette Conception Ghislaine Garcin Couverture et illustrations Elsa Mathern

Critique internationale est une revue de

Sciences Po (Fondation nationale des sciences politiques

et Institut d’études politiques de Paris), publiée avec le

concours du Centre national de la recherche scientifique

et du Centre national du livre.

vu sous différents angles, un enjeu majeur de l’évolution internationale

des essais, des enquêtes, l’état de la recherche, des documents originaux,des entretiens

des événements de l’actualité internationale remis en perspective

un aperçu de la recherche en mouvement

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4 Éditorial 5

ThemaLes conflits du travail dans le mondeSous la responsabilité de Maxime QuijouxVolume 1. Construire le conflit au travail : des mobilisations entre ruptures, circulations et continuités

Les conflits du travail : enjeux scientifiques d’un phénomène global 9par Maxime Quijoux

« Making Change at Walmart » : le syndicalisme solidaire étasunien au sein d’une multinationale des services 17par Mathieu Hocquelet

Une extension du domaine de la lutte : l’internationalisation des savoir-faire syndicaux américains en Amérique centrale 33par Quentin Delpech

Un apprentissage sous tension : la formation des adhérents syndicaux du commerce à l’usage de la grève en France 47par Baptiste Giraud

Entre Exit et Voice : les conflits du travail dans les entreprises publiques chinoises 63par Claude Didry, Annette Jobert, Yi Zhenzhen

VariaL’origine populaire comme ressource au sein des élites en France, aux États-Unis et en Inde 81par Jules Naudet

À l’ombre de la reconnaissance : politiques identitaires et conflit social en Bolivie 101par Lorenza Belinda Fontana

Deux décennies de transformations structurelles de l’économie allemande : quelques leçons iconoclastespar Rémi Colliat 121

LecturesI Swear I Saw This: Drawings in Fieldwork Notebooks, Namely My Own de Michael Taussig 145(Laurent Gayer)

La Jordanie contestataire : militants islamistes, nationalistes et communistes de Pénélope Larzillière 149(Élizabeth Picard)

Jeunesses arabes. Du Maroc au Yémen : loisirs, cultures et politiques de Laurent Bonnefoy et Myriam Catusse (dir.) 153(Pénélope Larzillière)

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4 — Critique internationale n° 64 – juillet-septembre 2014

Le sacré à l’épreuve du politique : Noël à Bethléem de Sossie Andézian 157(Chantal Saint-Blancat)

The Price of Rights: Regulating International Labor Migration de Martin Ruhs(Antoine Pécoud) 161

Abstracts 165

Note aux contributeurs 169

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Éditorial

Pour ce numéro d’été, Critique internationale vous propose la première partie d’un

« thema » en deux volets consacré à une comparaison internationale des conflits du tra-

vail et dirigé par Maxime Quijoux, chargé de recherche CNRS au laboratoire PRINTEMPS

– Professions, Institutions, Temporalités – de l’Université Versailles-Saint-Quentin-en-

Yvelines. Partant du constat d’une relative désaffection, de la part de la recherche française,

pour la question des conflits du travail alors même que ceux-ci se multiplient à l’échelle de

la planète, ce double dossier propose un véritable programme de recherche sur les diffé-

rentes expressions de la conflictualité au travail, et notamment sur le renouvellement des

formes de mobilisations et de négociations qui se déroulent de plus en plus souvent en

dehors du classique système des relations professionnelles.

Les cinq articles de cette première partie s’intéressent plus particulièrement à la

construction des conflits au travail et au repérage de différentes formes de mobilisation

entre ruptures, circulations et continuités. Mathieu Hocquelet (post- doctorant au Centre

Maurice Halbwachs (EHESS) et chercheur associé au Centre Pierre Naville) analyse le cas

des mobilisations dans la firme américaine de grande distribution Walmart, plus grand em-

ployeur privé mondial mais aussi véritable « bastion anti-syndical ». Sophie Béroud (maître

de conférences en science politique à l’université Lumière Lyon 2 et membre du laboratoire

TRIANGLE) revient sur les liens entre le mouvement des Indignés et le syndicalisme en

Espagne, et ce faisant questionne l’idée admise d’une coupure entre ces deux mondes.

Quentin Delpech (chercheur associé au Centre d’études mexicaines et centre- américaines-

CEMCA) s’intéresse à la diffusion des savoir-faire syndicaux américains en Amérique cen-

trale dans le contexte de la transformation de la division internationale du travail. Baptiste

Giraud (maître de conférences en science politique à l’Université de sciences économiques

et de gestion d’Aix-Marseille et membre du LEST, Laboratoire d’économie et de sociologie

du travail) revient, quant à lui, sur les usages de la grève en France à partir de l’étude du

travail de formation et d’encadrement des militants CGT du secteur du commerce. Enfin,

Claude Didry ( directeur de recherche au CNRS, directeur du laboratoire Institutions et dyna-

miques historiques de l’économie (IDHES) à l’ENS de Cachan), Annette Jobert (directrice de

recherche émérite au CNRS, IDHES-ENS Cachan) et Yi Zhenzhen (doctorante à l’IDHES-ENS

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6 — Critique internationale n° 64 – juillet-septembre 2014

Cachan et à l’Université Normale de la Chine de l’Est) examinent les stratégies en situations

de conflit des salariés des entreprises publiques chinoises dans le nouveau contexte créé par

les réformes de la législation du travail.

Ce « thema » a fait l’objet d’un séminaire préparatoire qui s’est tenu au CERI au mois

de janvier 2014. Merci à Claude Didry (directeur de recherche au CNRS, directeur du labo-

ratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie (IDHES) à l’ENS de Cachan),

Arnaud Mias (maître de conférences en sociologie à l’université de Rouen, en délégation

au laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie (IDHES) à l’ENS de

Cachan), Camille Goirand (professeure de science politique à l’Institut des hautes études

d’Amérique latine (IHEAL) – Université Paris III Sorbonne Nouvelle et rattachée au Centre

d’études et de recherches administratives, politiques et sociales), Dominique Vidal (profes-

seur de sociologie à l’Université Paris 7 – Denis Diderot, rattaché à l’Unité de Recherche

Migrations et Société, URMIS), Gilles Guiheux (professeur en sociohistoire de la Chine à

l’Université Paris 7 – Denis Diderot, rattaché au Centre d’études en sciences sociales sur

les mondes africains, américains et asiatiques, CESSMA), Annie Collovald (professeure de

sociologie à l’Université de Nantes et directrice du Centre nantais de sociologie, CENS) et

Julian Mischi (chargé de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA)

et au Centre d’économie et de sociologie appliquées à l’agriculture et aux espaces ruraux

(CESAER) à Dijon) d’avoir, à cette occasion, endossé le rôle de discutant.

La seconde partie de ce « thema » (n° 65, octobre-décembre 2014) portera sur la dé-

fense des travailleurs et sera plus précisément centrée sur les acteurs, les pratiques et les

enjeux des relations professionnelles dans des contextes géographiques et culturels encore

une fois très variés.

Bonne lecture

La rédaction

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Les conflits du travail dans le mondeVolume 1. Construire le conflit au travail :

des mobilisations entre ruptures, circulations et continuités

Maxime Quijoux

Mathieu Hocquelet

Quentin Delpech

Baptiste Giraud

Claude Didry, Annette Jobert, Yi Zhenzhen

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« Making Change at Walmart » : le syndicalisme solidaire étasunien au sein d’une multinationale des services

par Mathieu Hocquelet

depuis le milieu des années 1990, les conflits du travail bénéficient d’un regain d’intérêt chez certains chercheurs étasuniens1. Évoquant la revitalisation d’un mouvement syndical pourtant au plus bas depuis un siècle, et ce pour des raisons exogènes (législation défavorable, déstabilisation économique et politique) aussi bien qu’endogènes (bureaucratisation de syndicats prenant par ailleurs tardivement en compte les transformations économiques et démographiques en cours)2, ces chercheurs observent un renouveau des mobilisations autour de l’organizing, une posture syndicale ciblant des franges du salariat jusque-là ignorées par les syndicats. Ces constats font écho aux divisions qui se multiplient au même

1. Outre les titres mentionnés ci-après, voir en particulier Kate Bronfenbrenner, Sheldon Friedman, Richard W. Hurd, Rudolph A. Oswald, Ronald L. Seeber (eds), Organizing to Win. New Research on Union Strategies, Ithaca, Cornell University Press, Press, 1998 ; Ruth Milkman, Kim Voss (eds), Rebuilding Labor: Organizing and Organizers in the New Union Movement, Ithaca, Cornell University Press, 2004 ; R. Milkman, L.A. Story. Immigrant Workers and the Future of the U.S. Labor Movement, New York, Russell Sage Foundation Publications, 2005. 2. Kim Moody, U.S. Labor in Trouble and Transition, New York, Verso, 2007 ; Catherine Sauviat, Laurence Lizé, La crise du modèle social américain, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.

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moment au sein de la grande fédération syndicale nord-américaine, l’American Federation of Labour - Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO), et aboutissent au milieu des années 2000 à la dissidence de cinq grandes centrales syndicales emmenées par les Teamsters (IBT), la Service Employee International Union (SEIU) et l’Union Food and Commercial Workers (UFCW) qui créent la fédération Change to Win (CTW). Revendiquant une approche qualifiée de « syndicalisme de mouvement social », CTW émerge en opposition à la bureau-cratisation des syndicats de l’AFL-CIO et au modèle qualifié de « syndicalisme d’affaires » qui s’appuie sur des permanents spécialisés veillant avant tout à fournir une offre de services et à protéger leurs adhérents. Change to Win promeut à l’inverse l’organisation des inorganisés par le biais de nombreux activistes locaux (organizers). Déjà répandue avant la reconnaissance institutionnelle du mouvement syndical par la loi Wagner en 1935, cette approche vise à recruter les employés issus d’entreprises et de périmètres non syndiqués pour les former à l’organisa-tion syndicale. Elle marquerait, ce faisant, le retour d’un syndicalisme militant et participatif s’adressant aux industries non couvertes par un accord collectif. Face aux conditions d’emploi et de travail dans les services, dont l’importance économique ne cesse de croître, les procédures, institutions et organisations issues du New Deal comme le syndicalisme d’affaires deviennent obsolètes3 tandis que le contournement des conditions exigées par le National Labour Relations Board (NLRB)4 (signature de cartes de reconnaissance d’un syndicat, organisa-tion d’élections et négociation d’un contrat entre représentants des employés et employeurs) se révèle nécessaire.Dans un tel contexte, le distributeur Walmart constitue un objet d’étude char-nière, car témoignant à la fois du développement du secteur tertiaire et de l’intérêt tardif que celui-ci suscite aujourd’hui chez les acteurs syndicaux. Le succès du plus grand employeur privé mondial (2,2 millions de salariés dont 1,3 million en Amérique du Nord, et plus de 4 000 magasins), repose sur la recherche des coûts de production et de distribution les plus bas. Cette orientation conduit l’enseigne à devenir l’un des principaux bastions de la lutte antisyndicale5, toute tentative en matière d’organisation ayant donné lieu jusqu’à présent à des représailles allant du licenciement à la fermeture définitive de magasins6. Cependant, depuis 2012, année de son cinquantième anniversaire, Walmart est la cible de manifestations d’une ampleur inédite menées dans le cadre d’une campagne – « Making Change at Walmart » (MCWM) – et d’une association – Our Walmart (OWM) – nationales

3. Marianne Debouzy, « Les travailleurs des services et l’avenir du mouvement syndical aux États-Unis », Revue française d’études américaines, 111, 2007, p. 130-142. 4. Instance fédérale chargée d’arbitrer les relations professionnelles et les conflits entre direction et syndicats.5. Nelson Lichtenstein, The Retail Revolution: How Walmart Created a Brave New World of Business, New York, Metropolitan Books, 2009, et State of the Union: A Century of American Labor, Princeton, Princeton University Press, 2013 (2e édition revue et augmentée). 6. Mathieu Hocquelet, « Grande Distribution globale et contestations locales : les salariés de Walmart entre restructurations discrètes et nouvelles stratégies syndicales », Travail et Emploi, 137, 2014, p. 85-103.

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Le syndicalisme solidaire étasunien au sein d’une multinationale des services — 19

sous l’égide de l’UFCW. Comme la campagne lancée peu après par la SEIU autour de McDonald’s et des grandes enseignes de fast food (« Fight for 15 » et « Fast Food Forward »), « Making Change at Walmart » semble être une mise en pratique du « syndicalisme solidaire » (solidarity unionism)7. En effet, la campagne s’inscrit dans les tentatives d’élargissement du mouvement syndical par l’organisation des inorganisés, femmes et minorités en tête, et ce sans attendre d’avoir une majorité d’employés favorables à la représentation et sans passer par des stratégies légalistes (organisation d’une élection syndicale et négociation d’accords collectifs avec l’employeur) au demeurant vouées à l’échec dans ce type d’entreprises. À partir d’une ethnographie précise de cette campagne depuis un terrain mené à Chicago (voir Une ethnographie du travail d’organizer) autour de la journée de mobilisation majeure du Black Friday fin novembre 2013, itération de la première manifestation nationale des employés de Walmart et de leurs alliés (voir La mobi-lisation nationale du Black Friday), nous reviendrons sur la genèse et les modalités pratiques de ces nouvelles tentatives de mobilisations au travail. Dans un contexte national et local marqué par des politiques profondément antisyndicales8, nous interrogerons les effets de ces tentatives sur les dynamiques actuelles du syndi-calisme aux États-Unis. Nous reviendrons d’abord sur la structure, les enjeux et le fonctionnement quotidien de la campagne MCWM et de l’association OWM. Acculée par une décennie de développement agressif de Walmart déstabilisant sa base de membres aux abords de ses bastions, les grandes métropoles, l’UFCW s’appuie aujourd’hui sur une campagne pluridimensionnelle. Elle reprend notam-ment les principales innovations issues des débats survenus au cours de ces deux dernières décennies au sein du mouvement syndical pour contourner les obstacles institutionnels et organisationnels qui ont fait jusqu’à présent de l’organisation des employés de l’entreprise un objectif inaccessible. Nous nous intéresserons ensuite aux répertoires rhétoriques et d’actions mobilisés pour souligner les paradoxes et les tensions que soulève une telle campagne aux multiples visages, dépassant le cadre originel de la lutte syndicale, le lieu de travail, et s’appuyant sur une variété d’acteurs à différentes échelles. Nous verrons ainsi que la campagne menée contre Walmart s’inspire, et non sans risques, des répertoires d’action des mobilisations industrielles des années 1930 (désobéissance civile, sit-in, actions directes sur les lieux de travail) tout en tentant de combler la distance établie par le mouvement syndical avec les nouveaux mouvements sociaux et ses acteurs, du mouvement

7. Sur la notion de syndicalisme solidaire ou minoritaire (minority unionism), voir Richard B. Freeman, Joel Rogers, « Open Source Unionism: Beyond Exclusive Collective Bargaining », Working USA, 5 (4), 2002, p. 8-40, et la chronique intitulée « Minority Report », écrite dans Industrial Workers, la revue de l’IWW (Industrial Workers of the World), par Alexis Buss quand il en était le secrétaire trésorier, entre juillet 2002 et juin 2003. 8. Rick Fantasia, « Dictature sur le prolétariat. Stratégies de répression et travail aux États-Unis », Actes de la recherche en sciences sociales, 138, 2001, p. 3-18 ; John Logan, « Consultants, Lawyers, and the “Union Free” Movement in the USA since the 1970s », Industrial Relations Journal, 33 (3), 2002, p. 197-214 ; Émilien Julliard, « Les syndicats américains face aux stratégies managériales d’entrave au syndicalisme », Agone, 50, 2013, p. 89-114.

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des droits civiques des années 1960 au développement du community organizing des années 1980 (mobilisation en dehors du lieu de travail, établissement de liens entre communautés autour de la justice sociale, de l’emploi, du logement, de la protection sociale et de l’accès aux soins)9.

Une ethnographie du travail d’organizer

Nous nous appuyons ici sur des données recueillies dans le cadre d’une recherche explo-ratoire consacrée aux mobilisations nationales inédites survenues depuis 2012 autour de l’enseigne Walmart sur son marché domestique, les États-Unis, et plus particulièrement sur une enquête qualitative que nous avons menée à Chicago, l’une des trois grandes métro-poles, avec Los Angeles et Miami, que nous avons étudiée parce qu’elle est un épicentre des mobilisations visant Walmart depuis la fin des années 2000. Après une première série de 16 entretiens conduits auprès d’employés et de syndicalistes en janvier et février 2010 dans le cadre d’une thèse portant sur les mutations du procès de travail dans la grande distribution, nous avons poursuivi notre enquête en novembre et décembre 2013 autour du travail d’organisation des salariés de l’enseigne mené par les organizers de l’association Our Walmart. Cette enquête repose sur 18 entretiens conduits auprès de 12 employés membres de l’association, du responsable de l’organizing et du président de l’un des deux principaux bureaux de l’UFCW (local union) ainsi que de 4 organizers travaillant au sein d’OWM. Tous portaient sur leurs trajectoires, leur investissement au sein d’OWM, le rôle de l’association et leur vision de la campagne menée autour de Walmart10. Notre analyse s’appuie également sur une enquête ethnographique menée durant les dix jours qui ont précédé la manifes-tation du Black Friday 2013 (voir encadré 2) et qui a consisté à prendre part aux activités quotidiennes d’une équipe d’organizers (réunions préparatoires avec les leaders (des employés membres actifs) de l’association) ; aux contacts établis avec les employés, les associations et congrégations religieuses locales, qui tentaient de négocier les conditions de leur présence lors de la mobilisation du Black Friday ; aux actions menées dans des magasins environnants avec les leaders (distribution de tracts aux employés, transmissions de décisions du NLRB aux directeurs de magasin) ; aux actions menées en soutien aux associations partenaires ; aux actions de communication (participation à une émission télévisée diffusée par Rainbow Push, une coalition nationale religieuse consacrée au développement social fondée par le révérend Jesse Jackson) ; aux échanges avec leurs supérieurs hiérarchiques régionaux et avec les membres des bureaux locaux de l’UFCW ; à la préparation logistique (timeline et répartition des rôles, concertation avec la police, préparation des affiches et des slogans), au déroulement et au bilan de la manifestation du Black Friday.

Une campagne entre syndicalisme d’autonomisation et renforcement du pouvoir syndical

En 2011, l’UFCW lance à partir de ses principaux bastions, notamment Chicago, Los Angeles, New York et Washington, une campagne nationale d’organizing visant la firme Walmart. Cette campagne d’une ampleur inédite est originale par sa structure et par son orientation. En effet, les recherches portant sur la revitalisation du mouvement syndical se sont souvent intéressées aux réorganisations internes

9. Vanessa Tait, Poor Workers’ Unions: Rebuilding Labor from Below, Cambridge, South End Press, 2005 ; Isabelle Richet, « La lutte pour un salaire décent (living wage) », Politique américaine, 20, 2012, p. 103-122.10. Les extraits de ces entretiens présentés ici sont traduits de l’anglais par nos soins.

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Le syndicalisme solidaire étasunien au sein d’une multinationale des services — 21

des syndicats, aux changements des mentalités et des pratiques11 ou encore aux conditions du succès des campagnes d’organizing entre impulsions descendantes (top down) et montantes (bottom up). Questionnant la complémentarité des ressources12 (notamment militantes et financières) et les tensions pouvant survenir entre la direction nationale et la base autour des enjeux de syndicalisation massive et de démocratie au sein du syndicat, elles ont mis en relief deux visions démocratiques principales correspondant aux deux directions prises par ce « syndicalisme de mouvement social »13. La première, centrée sur les travailleurs (worker-centred unio-nism), vise à former et à renforcer les capacités d’auto-organisation (empowerment) de ces derniers. La seconde s’appuie sur l’organizing pour construire un pouvoir associatif au sein du mouvement syndical (leverage-centred unionism) et aboutir par le renforcement de celui-ci à une démocratie économique. Ainsi, là où se joue dans la plupart des cas d’organizing une compétition entre ces deux postures, l’association Our Walmart et la campagne « Making Change at Walmart » sont en permanence traversées par ces deux ambitions.

La mobilisation nationale du Black Friday

Le 23 novembre 2012, journée de soldes au lendemain de Thanksgiving (Black Friday) et après plusieurs mois d’actions locales menées principalement dans le Sud de la Californie et dans le Maryland, plus de 400 salariés membres de Our Walmart, accompagnés d’un millier de militants et activistes associatifs et syndicaux, manifestent dans 100 villes et 46 États. Les salariés mobilisés, dont une minorité de débrayeurs, réclament davantage d’heures de travail (la plupart travaillent 20 à 30 heures par semaine), des horaires prévisibles (les Supercenters, équivalents des hypermarchés, sont généralement ouverts jour et nuit en continu et les employés peuvent voir fluctuer leurs horaires et nombre d’heures de travail sans préavis) ainsi que de meilleurs salaires (la plupart des employés de l’entreprise, les « associés », sont rémunérés à l’heure et perçoivent moins de 10 dollars de l’heure pour un salaire annuel allant de 12 000 à 20 000 dollars, contre un salaire moyen de 21 000 dollars dans la branche selon le Bureau of Labor Statistics). À ces revendications visant l’amélioration des conditions de travail et d’emploi viennent s’ajouter des réclamations relatives à l’application des règles en vigueur dans la firme face au manque de respect de l’encadrement (chantage aux heures de travail, menaces de licenciement). Cette première mobilisation nationale, communément décrite comme une série de grèves (strike) ou de débrayages (walkout) par les médias, s’apparente plutôt à des piquets de mani-festants composés principalement de militants et d’activistes syndicaux et communautaires et installés devant les magasins mais ne pouvant ni en bloquer l’accès aux clients et aux salariés ni interrompre le travail. Tout au long de l’année 2013, cette mobilisation est suivie d’actions locales et nationales de taille et de nature variées : distribution de tracts, manifes-tations d’employés des entreprises sous-traitantes, boycott de la part des clients, rencontre et tentatives d’échanges avec les chefs de magasins et l’encadrement, financement participatif des grèves, pèlerinage jusqu’au siège de l’entreprise, prise de parole lors de l’assemblée des actionnaires, multiples dépôts de plaintes pour pratiques de travail injustes (Unfair Labor Practices) auprès du NLRB, actes de désobéissance civile mais aussi quelques débrayages.

11. Kim Voss, Rachel Sherman R., « Breaking the Iron Law of Oligarchy: Union Revitalization in the American Labor Movement », American Journal of Sociology, 106 (2), 2000, p. 303-349.12. Richard W. Hurd, Ruth Milkman, Lowell Turner, « Reviving the American Labour Movement: Institutions and Mobilization », European Journal of Industrial Relations, 9 (1), 2003, p. 99-117. 13. K. Voss, « Democratic Dilemnas: Union Democracy and Union Renewal », Transfer, 16 (3), 2010, p. 369-382.

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À la fin de l’année, une nouvelle mobilisation a lieu lors du Black Friday, cette fois-ci devant 1 500 magasins répartis sur l’ensemble du territoire nord-américain. Cette action se solde par plus d’une centaine d’arrestations d’employés, d’activistes, de syndicalistes, de pasteurs et de prêtres ayant participé à des actes de désobéissance civile inspirés par une première action menée quelques semaines auparavant à Los Angeles qui a conduit à l’arrestation de 50 employés et soutiens.

Our Walmart : former les employés à l’auto-organisation

OWM se définit comme une association indépendante réservée aux employés et ex-employés de l’entreprise. Par l’intermédiaire d’organizers répartis sur tout le territoire et coordonnés à l’échelle nationale, elle vise à recruter et à former les employés à s’organiser de manière autonome face à leur employeur. Sa création par l’UFCW part du constat qu’à court terme une stratégie légaliste tradi-tionnelle est vouée à l’échec. La taille de l’entreprise et la dissémination de sa main-d’œuvre dans des milliers d’établissements ont jusqu’à présent permis à la direction d’isoler les contestations les plus vives. Ainsi, les deux prérequis de la campagne sont d’éviter les dispositifs antisyndicaux déployés par la direction et d’établir un lien avec des employés craignant de perdre des heures de travail ou d’être licenciés au moindre faux pas. Son statut d’organisation à but non lucratif permet à OWM de s’affranchir des limites juridiques imposées aux syndicats. En se défendant de toute volonté de représentation des employés de Walmart14, l’association peut organiser des mobilisations courtes à répétition sans obligation de s’engager dans un processus d’élection. Par ailleurs, en tant qu’association, elle affiche très discrètement ses liens avec l’UFCW, ce qui lui permet de séduire les employés les plus réfractaires aux organisations syndicales car les plus influencés par l’argumentaire des employeurs nourri des travers du syndicalisme d’affaires. L’approche des organizers consiste à entrer en contact avec les employés, généralement par téléphone ou à leur domicile, et à gagner leur confiance en les invitant à assister à une première réunion dans des lieux neutres ou familiers (au domicile d’un membre, au restaurant, dans les locaux de l’association). Compte tenu des interdictions frappant les syndicats en matière de sollicitation des employés et de distribution de tracts sur le lieu de travail15 ainsi que des ressources considérables nécessaires pour mener à bien une telle campagne, les leaders occupent le rôle d’informateurs et d’organizers dans les magasins. Leur formation (droit du travail,

14. Sur chaque tract et sur le site de OWM, on peut lire : « L’UFCW et OWM entendent aider les employés de Walmart individuellement et collectivement dans leurs démarches (…) portant sur le droit du travail et les conditions d’emploi, ainsi que dans leurs efforts pour que Walmart s’engage publiquement à respecter la législation en la matière. L’UFCW et OWM n’ont aucunement l’intention de se faire reconnaître auprès de Walmart comme syndicat négociant au nom de ou représentant ses employés ». L’apparition de ce message fait suite à une plainte adressée le 20 novembre 2012 par Walmart au NLRB (http://www.nlrb.gov/news-outreach/news-story/nlrb-charge-alleging-illegal-picketing-wal-mart-held-abeyance) (traduit de l’anglais par nos soins). 15. Barry Winograd, « Union Access to Organize the Workplace vs. an Employer’s Right to Control Its Private Property », IUS Labor, vol. 1, 2008 (http://www.upf.edu/iuslabor/_pdf/2008-1/EEUUBarry.pdf ).

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règlement interne, prise de parole en public, évaluation du potentiel de leurs pairs à rejoindre l’association, échange avec d’autres leaders au niveau national) vise à faire d’eux des activistes capables de s’auto-organiser pour faire pression sur leur employeur. L’équipe d’organizers que nous avons suivie en novembre 2013 à Chicago était modestement composée de 6 membres chargés depuis fin 2012 d’organiser les magasins situés dans un vaste périmètre allant du Chicagoland à Milwaukee, plus de 100 kilomètres au Nord. Dans ces conditions, l’équipe s’est concentrée sur une douzaine d’établissements au potentiel de recrutement élevé et comptant les leaders les plus actifs. Lors de ces premières années de campagne, les membres d’OWM constituent de précieux ambassadeurs auxquels les organizers veillent à bien faire comprendre, lors de réunions régulières, qu’ils n’ont pas à craindre de représailles de la part de leur employeur et qu’au-delà de leur cotisation annuelle16 leur engagement est entièrement couvert par l’association (perte de salaire lors d’un débrayage, transports et hébergement lors d’actions, frais d’avocat lors d’actes de désobéis-sance civile). Comme le souligne Richard, organizer : « Marvin a pris un vol pour Washington, DC pour y tenir un discours. Il y a dormi deux nuits à l’hôtel et il n’a pas dépensé un seul centime. Ceux qui sont venus à Bentonville y ont passé 11 jours. Ils ont été nourris, logés et transportés sans rien dépenser ». Il s’agit donc de déconstruire le discours managérial officieux (toute contestation sera punie par un renvoi) et officiel (le syndicat en veut à votre argent et ne vous protégera pas) qui cherche à la fois à menacer les employés de l’enseigne et à les prévenir contre le syndicat, comme en témoigne l’expérience de Shandra, évoquant lors d’une réunion sa fierté d’être de retour au magasin au lendemain d’une manifestation devant ce dernier : « Vous auriez dû voir leur tête et celle des managers ! Ils n’en revenaient pas qu’on soit encore là ! ». Ce retour triomphal, sans représailles, marque la fin d’une répression systématique des mobilisations et laisse entrevoir la possibilité d’une contestation ouverte dans l’entreprise.

« Making Change at Walmart » : l’appui communautaire et associatif au syndicat

OWM s’inscrit dans une campagne plus vaste, celle de « Making Change at Walmart », qui se définit comme « une coalition multiethnique d’employés de Walmart, de membres du syndicat, de petits commerçants indépendants, de leaders religieux, de groupes d’organisateurs des communautés locales et de défense des droits des femmes, d’élus et de citoyens ordinaires convaincus que changer Walmart est vital pour l’avenir du pays »17. Cette posture correspond aux nouvelles orientations

16. La cotisation annuelle pour être membre d’OWM s’élève à 60 dollars et inclut un exemplaire du règlement intérieur de Walmart. 17. http://makingchangeatwalmart.org/about/.

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de l’AFL-CIO convertie à l’organizing. MCWM reprend ainsi la nouvelle devise de la fédération « Community Is the New Density », l’objectif étant de rallier les communautés locales pour peser davantage dans les relations avec les employeurs et les législateurs, au lieu de se soucier avant tout de l’accroissement du taux de syndicalisation (union density) longtemps considéré comme le premier objectif du mouvement syndical. Comme le souligne le président de l’un des bureaux de l’UFCW de Chicago : « Les lois ne sont pas de notre côté, certains politiciens non plus. L’entreprise diffuse des publicités vantant les avantages d’être employé chez Walmart. On doit donc revenir aux basiques en dialoguant avec les salariés, les communautés et alliés sur les manières de changer les choses ». À l’initiative d’organisations communautaires, d’unions syndicales locales et de chercheurs se forment des coalitions locales et régionales compétentes en matière d’organisation des communautés, de construction d’alliances, de communication avec les médias, et actives dans la formation et la recherche à destination des tra-vailleurs et des syndicats. Dans de nombreux cas, l’annonce de l’ouverture d’un futur magasin Walmart, figure emblématique de la « mauvaise voie » (low road) en matière d’emploi et de conditions de travail18, contribue à former et à consolider les alliances pour lutter avec plus de pouvoir et à plus grande échelle contre de telles implantations dans les grandes métropoles. Ainsi, LAANE (Los Angeles Alliance for a New Economy), l’une des plus anciennes coalitions du genre for-mée en 1993, et ALIGN (Alliance for a Greater New York), née en 2011 d’une fusion entre New York Jobs and Justice et Urban Agenda, sont les principales instigatrices de luttes récentes menées respectivement dans le Chinatown de Los Angeles et dans les cinq arrondissements de New York contre l’implantation de magasins de proximité de la firme. Dans les villes où Walmart est déjà présent, le mouvement syndical s’inspire, à travers les échanges permis par ces partenariats, des techniques d’organisation communautaire (community organizing) telles que formalisées par Saul Alinsky19. La campagne recouvre un répertoire d’actions allant de l’appui aux employés lors des mobilisations (grèves, piquets devant les magasins, shaming) à l’anima-tion de journées de formation et de préparation des grèves pour les militants en passant par la recherche de soutiens associatifs et de financements (campagnes de dons thématiques sur Internet : parrainage d’employés en grève ou finance-ment participatif en vue de la venue lors de l’assemblée des actionnaires d’une employée bangladaise ayant survécu à l’incendie en novembre 2012 de l’usine textile Tazreen de Dhaka dont Walmart était l’un des donneurs d’ordres). La sollicitation d’acteurs tiers, consommateurs, ONG, associations communautaires

18. Françoise Carré, Chris Tilly, Maarten Van Klaveren, Dorothea Voss-Dahm, « Retail Jobs in Comparative Perspective », dans Jérôme Gautié, John Schmitt (eds), Low Wage Work in the Wealthy World, New York, Russell Sage Foundation Publications, 2010, p. 211-268. 19. Saul Alinsky, Rules for Radicals: A Pragmatic Primer for Realistic Radicals, Chicago, Random House, 1971.

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ou religieuses à différentes échelles nécessite d’établir des ponts entre les pro-blématiques syndicales classiques et celles portées par les nouveaux mouvements sociaux20. Comme l’illustre le témoignage de Carlton, chargé du recrutement des organizers et des relations avec les communautés locales (community outreach) pour l’UFCW, cette démarche se situe à la croisée des difficultés du mouvement syn-dical et de la potentielle mobilisation des ressources locales, faisant des différents acteurs des parties prenantes du conflit : « Il y a quinze ans, notre syndicat local comptait 44 000 membres contre 32 000 aujourd’hui. À cause de l’expansion de Walmart dans notre juridiction, la compétition est très dure pour les magasins syndiqués. On souhaite à la fois protéger nos membres et partager notre savoir sur l’industrie avec la communauté locale et avec les salariés non syndiqués, manquant souvent d’informations, afin de développer des stratégies communes. Il ne s’agit pas nécessairement d’aboutir à un accord [syndical dans l’entreprise] mais de développer une vigilance particulière pour changer le comportement de cette firme ». À ce titre, et au-delà d’une antenne essentielle de sous-traitance des activités d’organisation syndicale, l’ancrage local d’OWM constitue un lien avec les com-munautés environnantes. À Chicago, l’organisation occupe les locaux du Chicago and Midwest Regional Joint Board ou Workers United Hall qu’elle partage avec Jobs with Justice, groupe de défense des travailleurs créé à la fin des années 1980 pour favoriser les coalitions locales21. La stabilité financière qui découle d’une telle structure affiliée à l’UFCW permet d’attirer les communautés et associations, comme nous l’explique Jose, chef de l’organizing pour l’UFCW à Chicago : « Les relations sont une chose nécessaire pour notre union locale qui en établit dans toute la région métropolitaine de Chicago. Aujourd’hui, nous devons prendre des décisions stratégiques pour savoir qui nous choisissons comme partenaires sur nos campagnes car il peut y avoir surenchère. Lorsqu’on travaille avec les communautés locales, beaucoup nous disent « vous avez notre soutien, mais vous devez nous donner 10 000 ou 15 000 dollars ». On l’a souvent fait mais il n’y a pas d’engagement à long terme. Aujourd’hui on fait attention à bien faire le tri, on privilégie des relations plus pérennes pour soutenir les salariés. On doit être un peu plus malins ».Malgré les risques d’alliances utilitaristes, cette posture promeut la participation d’associations partenaires lors de manifestations mais aussi la circulation des orga-nizers. Avec les membres locaux de l’UFCW, ces derniers œuvrent tout au long de l’année à l’entretien des réseaux en se joignant à des mobilisations de soutien (à la Chicago Teachers Union contre les coupes budgétaires de la municipalité visant

20. R. Milkman, K. Voss (eds), Rebuilding Labor: Organizing and Organizers in the New Union Movement, op. cit.. 21. L’organisation demande notamment à chaque membre de s’impliquer au moins cinq fois par an dans des actions et luttes menées au-delà de ses intérêts directs. Par ailleurs, elle enjoint les salariés déjà organisés à participer aux campagnes d’organisation dans des entreprises et secteurs demeurant des déserts syndicaux.

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à fermer des écoles dans les zones les plus pauvres comme le South Side ; à des employés tentant de se syndiquer contre l’enseigne de distribution Whole Foods dans le quartier gentrifié de Lakeview ; aux manifestations des employés de grandes enseignes de fast food dans le cadre de la campagne nationale « Fight for 15 » et « Fast Food Forward ») et en participant activement aux événements religieux et fêtes de quartier au sein de différentes communautés locales des alentours. La présence de militants, activistes et syndicalistes de l’UFCW, de Jobs with Justice, de la Chicago Teachers Union, du Workers Organizing Committee of Chicago, de pasteurs du South Side ou de membres du mouvement Occupy, lors de la manifestation du Black Friday, confirme les liens étroits noués entre ces groupes d’activistes et organisations syndicales tout en interrogeant la cohabitation des acteurs et des registres discursifs.

Syndicalisme radical et nouveaux mouvements sociaux

Deux pôles rhétoriques et d’action majeurs ressortent de nos observations : d’un côté, l’usage dominant de discours et de pratiques empruntés au syndicalisme militant des années 1930, de l’autre, une inspiration ancrée dans les nouveaux mouvements sociaux. Certes, des passerelles ont existé par le passé entre ces deux pôles (notamment lors des actions menées dans les années 1960 par le mouvement de César Chavez autour des ouvriers agricoles du United Farm Workers), mais elles sont plus difficiles à établir dans une branche où la main-d’œuvre et les associations sont particulièrement hétérogènes et où l’objectif du syndicat demeure implicite.

L’influence du syndicalisme militant

Sans pour autant s’associer à une approche marxiste en termes de classes, OWM fait siennes les bribes d’une critique du capitalisme et d’une rhétorique de classe qui contribuent à réhabiliter une vision dichotomique des rapports sociaux de production. Le nom de l’organisation (« Notre Walmart ») évoque une forte dis-jonction entre les orientations prises par la direction et la vision que les employés ont de leur firme. Si l’association se défend officiellement d’être une antichambre syndicale, cette rupture entre le « eux » et le « nous » renvoie à une critique des grandes entreprises (corporations) et institutions financières réintroduite dans la conscience collective étasunienne par le mouvement Occupy22. L’éventail rhéto-rique utilisée par l’ensemble des acteurs mobilisés va des 99 % (t-shirts estam-pillés « How the 1 % Hurts the 99 % ») à la dénonciation de l’avarice (greed) des employeurs (les slogans des chants et des pancartes tels que « Stop the Corporate Greed » ; « Human Need Not Corporate Greed » ; « Walmart You Can’t Hide, We

22. Michael Hirsch, « Occupy and Labor: The Closest of Strangers », Jacobin, 13 février 2012.

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Can See Your Greedy Side », sont empruntés eux aussi au répertoire de Occupy) en passant par l’évocation de la solidarité de classe (« An Injury to One Is an Injury to All ») qui renvoie au slogan unificateur des Wobblies de l’Industrial Workers of the World). Par ailleurs, s’il ne s’agit pas à proprement parler d’occupation du lieu de travail, les arrestations d’employés et d’activistes organisées lors du Black Friday 2013 rejoignent les actions de désobéissance civile et les sit down strikes utilisés au cours des années 1930 par les ouvriers de l’industrie automobile mais aussi par des employé-e-s de chaînes de magasins comme les jeunes grévistes de Woolworth’s à Détroit23. Les thématiques et tactiques communes à Occupy, OWM et aux campagnes soutenues par des syndicats des services comme « Fight for 15 » et « Fast Food Forward » (naming et shaming visant de grandes entre-prises, manifestations médiatiques, alliances locales et grèves d’une journée) se révèlent être particulièrement mobilisatrices dans des branches où les emplois à bas salaires sont les plus nombreux. En appelant à une conscience publique autour du salaire minimum nécessaire au salarié pour vivre et faire vivre décemment sa famille (living wage), elles ont permis de rallier l’essentiel des militants à la manifestation se tenant le lendemain de Thanksgiving. Cette première facette des mobilisations renvoie à la présence d’organisations activistes parmi les classes moyennes, majoritairement blanches et souvent plus radicales, qui participent aux manifestations de soutien aux associés, de tels profils rappelant les étudiants qui militaient dans les années 1960-1970 contre la guerre du Vietnam et pour que les Noirs du Mississipi soient inscrits sur les listes électorales24. Elle trouve aussi écho parmi les organizers issus des universités environnantes, et proches dans leur trajectoire des étudiants militants venus prêter main forte au United Farm Workers de César Chavez. Enfin, une minorité d’associés leaders, généralement d’anciens commerçants indépendants ou salariés « tombés » dans la grande dis-tribution après 2008, se retrouvent dans ce paradigme visant une critique globale et radicale du modèle que représente Walmart. Souvent diplômés et ayant exercé un emploi dans un secteur syndiqué, ces associés leaders se sentent moins menacés et vulnérables que leurs pairs et pensent, à ce titre, avoir une responsabilité à prendre la parole au nom des employés.

L’influence des nouveaux mouvements sociaux

Le second pôle rhétorique est celui des communautés locales, des minorités et de l’histoire raciale du pays, et renvoie à l’esclavage, au mouvement des droits civiques et aux mobilisations des immigrés latinos. Ainsi, les principaux chants entonnés par les associés durant les manifestations (« I’ll be buried in my grave, before I ever be a Walmart slave… keeping an eye on the prize and holding on ») rappellent ceux du

23. Dana Frank, Women Strikers Occupy Chain Stores, Win Big, Chicago, Haymarket Books, 2001.24. Doug McAdam, Freedom Summer, Oxford, Oxford University Press, 1988.

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mouvement des droits civiques (« Before I’ll be a slave, I’ll be buried in my grave, and go home to my Lord and be free »25). Parmi les actions majeures, le Ride for Respect s’est inspiré des Freedom Riders, militants des droits civiques qui parcouraient le pays en bus pour rencontrer la population. Partis de San Francisco, Denver, Los Angeles, Chicago, Washington et Miami pour rejoindre l’assemblée des actionnaires se tenant dans l’Arkansas, les membres du mouvement se sont arrêtés dans de nombreux magasins pour mobiliser leurs pairs et rallier de nouveaux membres en chemin. Nos observations et les entretiens que nous avons conduits à Chicago, où la majorité des employés engagés dans l’organisation sont Afro-Américains et fervents croyants, confirment l’attachement de nombre d’entre eux au parallèle entre le mouvement des droits civiques, auquel leurs parents ont généralement participé, et la lutte qu’ils mènent. Éric, 45 ans, le rappelle lors d’une réunion de leaders en lisant un passage de la lettre écrite par Martin Luther King Jr depuis une prison de Birmingham en 1963 : « Je voulais partager avec vous un texte que je trouve parlant (…) Ce passage ? C’est OWM, c’est ce qu’on fait maintenant. Ceux qui sont au pouvoir ? C’est Walmart, qui tente de nous condamner et nous dit ce que nous devons penser et faire. Ils essaient de nous faire passer pour des fauteurs de trouble. Quand nous rentrons à la maison, nous sommes convaincus que nous, OWM, nous sommes envoyés du ciel car c’est ici que nous avons la bonne information. Nous avons Dieu dans nos cœurs, nous avons plus de pouvoir. Nous sommes peu nombreux dans cette pièce mais nous avons la foi. On est en guerre contre eux, et on est en train de gagner ». Ces références rejoignent les orientations données au mouvement par les pasteurs des communautés voisines qui participent aux actions et représentent d’importants relais avec les minorités afro-américaines et latinos. Elles correspondent par ailleurs aux méthodes de recrutement des organizers et des leaders que leur origine (afro-américaine, latino, africaine ou caribéenne) et leur parcours individuels (un passé de community organizer ou de shop steward dans l’industrie agroalimentaire locale où la division du travail est fortement racialisée) lient à la communauté locale, ainsi que nous l’explique Bernardo, organizer né au Mexique : « Les immigrés, qui ont vraiment lutté pour venir ici, on essaie de les faire se souvenir. On privilégie une approche par l’expérience : “Qu’as-tu enduré pour arriver jusque-là ? Tu as risqué ta vie ! Te battre pour améliorer tes conditions de travail ? Ce n’est rien à côté de ce que tu as vécu” ». Compte tenu de la difficulté à approcher directement les employés auxquels la direction peut dispenser des formations antisyndicales sur le lieu de travail, la dimension communautaire permet de mobiliser les leaders en matière de recrutements de nouveaux membres. Lors d’une réunion, Henri, organizer ayant émigré d’Afrique de l’Ouest au début des années 2000, insiste devant les leaders sur le rôle central de ces derniers : « On a pu s’en rendre compte durant l’histoire de notre pays : “Tu ne passeras pas dans cette rue, ni dans ce magasin”. Mais certains étaient là, ont lutté et ont gagné. C’est la même chose

25. Extrait de « Oh Freedom », chant d’un esclave datant de la guerre civile.

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pour OWM, certains de vos collègues ne s’exprimeront jamais. Il y a des choses qu’on ne peut pas dire et faire en tant qu’organizers mais que vous pouvez faire. Tout en restant corrects, vous pouvez aller les voir et leur faire honte (shame them) : “Es-tu si lâche ? Que diras-tu à tes enfants lorsqu’ils reviendront de leur travail en se plaignant de leurs conditions de travail ? Leur diras-tu de se taire et de consentir ou de riposter ?”. Soyons réalistes, il faut parfois aborder cette perspective familiale ou communautaire en s’adressant à ses collègues ».Cette rhétorique trouve écho auprès d’une majorité de salariés non qualifiés, d’employés « de couleurs », de femmes et d’immigrés, dont le parcours renvoie à une succession d’emplois non qualifiés et peu rémunérés des services. Très ancrés dans le secteur, peu mobiles géographiquement, ils ont vu se dégrader leurs conditions de travail et leur niveau de vie au cours de ces dernières années tout en subissant parfois un encadrement raciste.

Des influences variées sur le mouvement aux signes de tensions latentes

Dans cette configuration inédite, l’observation du travail quotidien des organizers rappelle les avantages mais aussi les risques d’une telle orientation tous azimuts. Certes, l’alliance de postures visant à la fois à l’auto-organisation des employés et au renforcement du mouvement syndical par les communautés peut permettre de rallier davantage d’employés a priori réfractaires à la syndicalisation. Cependant, cette orientation double peut également contribuer à fragmenter la campagne qui, au-delà des contraintes locales (législation, concurrence, tissu syndical et asso-ciatif), devra composer avec les exigences de chacun pour obtenir des soutiens. La cohabitation d’une perspective plus proche du syndicalisme radical et d’une autre plus sensible à la rhétorique des nouveaux mouvements sociaux contient non seulement les possibilités d’un enrichissement mutuel (combinaison de revendi-cations en termes de genre, de race et de classe) mais aussi, en germe, le risque de reproduire les travers d’un syndicalisme bureaucratique et technocratique (qui privilégie certains marchés au détriment de la classe ouvrière) en donnant la priorité à une perspective en particulier et à certains acteurs au détriment des autres. L’entrecroisement de ces deux axes, tactiques et rhétoriques, laisse ainsi entrevoir un continuum de possibilités de renforcement du mouvement syndical mais aussi de pierres d’achoppement. Par ailleurs, d’autres formes de tensions se dessinent au cours de la campagne. Nous avons notamment entraperçu des conflits de leadership entre les organizers et leurs supérieurs hiérarchiques régionaux et nationaux au sujet des stratégies adoptées par chacun : approche qualitative versus quantitative des mobilisations et des recrute-ments ; modèle d’organisation locale sur mesure versus importation d’une approche ayant porté ses fruits dans une autre ville. En outre, il ressort des échanges que nous avons eus avec les congrégations religieuses quant à leur participation des

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questions telles que la conduite – jugée parfois « trop enjouée » – des manifestants et des organizers, le bien-fondé de certaines actions prévues et le choix des formes à donner au mouvement. Les pasteurs du South Side souhaitent par exemple intervenir en support aux manifestants et non en tant que représentants du mouvement. Ainsi, lors d’une rencontre préparatoire, le révérend Bronson s’est dit prêt à participer à un acte de désobéissance civile avec arrestation (planifiée avec l’accord de la police) à condition que la mobilisation soit sobre. Ce dernier s’est ainsi opposé fermement à la proposition d’un organizer de mettre en scène avec des volontaires costumés l’arrestation du P-DG de Walmart par la police devant un magasin. Entre les organizers eux-mêmes des tensions sont apparues, généralement autour de la posture et du ton à adopter, les plus jeunes, issus pour la plupart de mouve-ments étudiants, étant jugés trop militants, pas assez posés et trop investis dans le registre politique par les anciens, le plus souvent des hommes, qui, en retour, sont considérés comme plus bureaucrates et parfois machistes. Enfin, des discus-sions informelles avec les organizers ont révélé la méfiance et la diplomatie dont ils doivent faire preuve en permanence. Méfiance, d’une part, envers les employés membres d’OWM dont certains sont portés par l’association au rang de figures médiatiques et font, à ce titre, courir au mouvement le risque d’une dérive person-naliste et concurrentielle ; d’autre part, envers les associations dont beaucoup ont bien conscience de la manne financière que représente le soutien de la campagne par l’UFCW, et n’hésitent pas à réclamer des sommes d’argent en échange de leur participation aux actions menées. Il s’agit donc de veiller à multiplier les appuis et les partenariats pour éviter des formes de dépendance dans les mobilisations. Diplomatie ensuite dans une campagne particulièrement surveillée par les médias et par Walmart, où chaque faux pas peut être fatal en matière d’image. S’étant vu reprocher d’organiser des manifestations sans employés, voire d’embaucher des intérimaires pour manifester26, l’UFCW s’emploie à maîtriser sa communication en dirigeant le regard des observateurs vers les manifestations les plus spectaculaires. Cependant, ces actions médiatiques, comme celles du Black Friday, très encadrées par les organisateurs à l’échelle nationale, ne sont pas les seules actions menées. Si elles rassemblent davantage de manifestants, les employés membres d’OWM ne représentent au mieux que 10 % des participants. Ces chiffres soulignent les dif-ficultés de l’association à recruter et à pérenniser ses adhérents face à un turn over dépassant les 40 % dans les magasins Walmart. Ils révèlent par ailleurs la prise en compte attentive par la firme des actions menées par l’organisation et le déploiement d’une variété de réponses. La direction a ainsi mis en place une ligne téléphonique nationale (Labor Relation’s Hotline) et demandé à l’ensemble des managers opéra-tionnels de signaler immédiatement toute activité syndicale et/ou liée à OWM27.

26. Jon Stewart, « Working Stiffed », The Daily Show, Comedy Central, 20 septembre 2010. 27. « Walmart Labor Relations Training: Salaried Manager Module », Walmart, 2013 (document interne de formation).

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En outre, près des trois quarts des employés de l’enseigne étaient de service lors de la journée de Thanksgiving et le lendemain28. Enfin, d’anciens cadres de la firme se sont lancés, à l’intention du grand public, dans une campagne de diffamation de l’association et des initiatives similaires menées dans les services, en créant en 2013 le site internet Worker Center Watch qui recense les liens existant entre ces campagnes et les syndicats.Notons également le caractère ambivalent du travail des organizers, qu’eux-mêmes soulignent : l’émulation des employés leaders et la canalisation de la critique émanant de ces derniers pour maintenir une campagne nationale homogène. En effet, si des figures locales de la campagne comme Éric apparaissent sur les tracts, dans les courriels et les communiqués de presse de l’organisation, la communication, les outils d’organizing et les actions nationales font, comme Pat, l’un des organizers, nous l’a confirmé, l’objet d’un agenda précis élaboré et diffusé par les cadres de Washington, DC en contact permanent avec les organizers. Autrement dit, ces derniers courent le risque d’être parlés plus qu’ils ne parlent29. Certaines initiatives locales spontanées émergent comme la grève organisée par un employé non membre d’OWM dans la banlieue de Dallas ou le débrayage soudain de 80 employés de rayon et de caisse d’un Supercenter de Hialeah à Miami qui obtiennent de leur direction une augmentation de 50 cts de l’heure et le paiement des heures de débrayage30. Ces actions semblent indiquer la possibilité d’une campagne pouvant servir de catalyseur à d’autres mobilisations locales fructueuses et ainsi permettre l’organisation d’une majorité d’employés de l’enseigne éloignés des bastions de l’UFCW.

Dans une posture et à une échelle inédite, Our Walmart apparaît comme la mise en application par l’UFCW des propositions et prescriptions produites par les chercheurs annonçant la revitalisation du mouvement syndical au cours des années 1990. Relevant à la fois du syndicalisme open source et solidaire, c’est-à-dire ouvrant son champ de compétence et ses moyens logistiques à l’organisation des mobilisations dans les entreprises où le syndicalisme est absent, voire banni, la campagne menée autour de Walmart constitue une attaque tous azimuts (à l’échelle locale et nationale, autour et au-delà du travail, destinée à la fois à autonomiser les employés dans leur lutte et à renforcer le pouvoir syndical par des coalitions diverses, avec des acteurs et autour de rhétoriques variées) visant à déstabiliser une entreprise qui a pris, en cinquante ans d’existence, l’allure d’un bastion antisyndical. Portés par des chercheurs proches des acteurs syndicaux, les travaux traitant de la

28. Jillian Berman « Walmart to Put 1 Million-Plus People to Work On Thanksgiving », Huffington Post, 27 novembre 2013. 29. Patrick Champagne, « La construction médiatique des malaises sociaux », Actes de la recherche en sciences sociales, 90, 1991, p. 64-75.30. Josh Eidelson, « Walmart Workers on Strike, Defying Firings », Salon, 18 octobre 2013.

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revitalisation du syndicalisme relèvent le plus souvent de la prescription et affichent un enthousiasme faisant la part belle à la nouveauté tout en évitant d’aborder les continuités existantes entre ce modèle et le syndicalisme d’affaires31. Ce nouvel élan vers l’organisation des inorganisés soulève donc la question des permanences au sein du mouvement syndical, son ouverture à une nouvelle frange de travailleurs n’en faisant pas nécessairement un mouvement démocratique et ouvrier. Rien n’indique par ailleurs explicitement que cette approche soit incompatible avec un syndicalisme de service s’attachant exclusivement à ses adhérents en nombre res-treint. Au contraire, celui-ci semble élargir son public, ses tactiques et rhétoriques d’approche des employés en s’appuyant sur des partenaires qui lui permettent de regagner un pouvoir économique par l’intermédiaire d’un pouvoir politique local. Dans sa mise en application, cette nouvelle orientation pose la question des formes et des dynamiques de dépendance de telles campagnes vis-à-vis d’une grande variété de parties prenantes locales et nationales aux ressources et pouvoirs divers et situés, des communautés environnantes, coalitions, consommateurs, actionnaires, syndicats locaux et nationaux. En outre, la pérennité qu’assure à cette campagne sa dépendance à l’égard de l’UFCW (dans ses origines, son leadership et son financement) pose également la question de l’autonomie des organizers et des employés investis dans OWM et du suivi d’une campagne reposant surtout sur des actions médiatiques, spectaculaires et sporadiques qui, tout en ne consti-tuant pas le cœur du travail d’organisation des salariés, en permet la diffusion. ■

Mathieu Hocquelet est post-doctorant de l’EHESS au Centre Maurice Halbwachs. Ses tra-vaux portent sur les mutations du travail et de l’emploi dans la grande distribution, sur les restructurations, les mobilisations de salariés, la responsabilité sociale des entreprises et les dispositifs de communication interne. Il poursuit actuellement une recherche en sociologie du travail et des mouvements sociaux sur les mobilisations récentes des employés de Walmart aux États-Unis. Il publiera prochainement « L’art du négoce : regard ethnographique sur le management de proximité en hypermarché », Annales des Mines - Gérer et comprendre (à paraître en 2014) et « Les passés composés de la grande distribution : entre appropriation managériale et support aux contestations salariales chez Carrefour et Walmart », Sociologies pratiques (29, à paraître en 2014). Il a également publié « Grande distribution globale et contestations locales : les salariés de Walmart entre restructurations discrètes et stratégies syndicales », Travail et Emploi (137, 2014, p. 85-103) et « Les innovations dans la grande distribution : vingt ans d’ingénierie sociale », dans Jean-Pierre Durand, Frédérique Moatty, Guillaume Tiffon (dir.), Travail et Innovations (Toulouse, Octarès, 2014, p. 35-46)[email protected]

31. Adrien Thomas, « Universitaires engagés et nouveaux cadres syndicaux aux États-Unis : une alliance pour faire face au déclin des syndicats », Genèses, 84, 2011, p. 127-142, et Karel Yon, « A Long Awaited Homecoming: The Labour Movement in Social Movement Studies », dans Olivier Fillieule, Guya Accornero (eds), Social Movement Studies in Europe: The State of the Art (à paraître en 2014).

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L’ACTUALITÉd e s P r e s s e s de Sciences Po

Disponibles dans toutes les librairieset à la Librairie des sciences politiques30, rue Saint-Guillaume 75007 Paris

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Sébastien LaurentAtlas du renseignementLe tout premier Atlas du renseignement, sur un sujet qui fascine et qui n’avait encore jamais été cartographié, en pleine actualité nationale et internationale (Echelon, NSA, Wikileaks, Chinaleaks, Edward Snowden, etc.)Août 2014, 140 p. environ, ISBN 978-2-7246-1555-5, 22 € environ

Frédéric VairelPolitique et mouvements sociaux au MarocProtester en situation autoritaireUne enquête riche d’enseignements sur le fonctionnement des mobilisations dans un contexte hostile, celui du Maroc, présenté comme un laboratoire de la protestation dans un régime autoritaire, et de la manière dont celui-ci s’en accommode.Septembre 2014, 250 p. environ, ISBN 978-2-7246-1570-8, 24 € environ

Pierre Blanc, Jean-Paul ChagnollaudDéni de politique et violence au Moyen-Orient

3H� StNP[PTP[t� K\� WVSP[PX\L� ò� MVUKt� Z\Y� SL� KPHSVN\L�� SL� JVTWYVTPZ� L[� SH� YtMtYLUJL� H\�KYVP[�ò��KLW\PZ�SVUN[LTWZ�HIZLU[L�K\�4V`LU�6YPLU[��SHPZZL�SL�JOHTW�SPIYL�n�[V\[LZ�SLZ�]PVSLUJLZ��<UL� YtÅ�L_PVU� Z\Y� SLZ� JH\ZLZ�KL�JL[[L�KtZLY[PVU�L[� Z\Y� ZLZ�JVUZtX\LUJLZ�dans une des régions les plus instables du monde depuis 50 ans.Septembre 2014, 150 p. environ, ISBN 978-2-7246-1585-2, 14 € environ

Florent ParmentierLes chemins de l’État de DroitLa voie étroite des pays entre Europe et Russie3LZ�NYHUKZ�LUQL\_�K\�Kt]LSVWWLTLU[�KL�S»i[H[�KL�KYVP[�KHUZ�ZP_�WH`Z�WVZ[ZV]Pt[PX\LZ�ò� S»(aLYIH{KQHU�� SH� )PtSVY\ZZPL�� SH� .tVYNPL�� SH� 4VSKH]PL� L[� S»<RYHPUL� ò�� X\L� S»<UPVU�L\YVWtLUUL�ZV\OHP[LYHP[�]VPY�ZL�[YHUZMVYTLY�n�ZVU�PTHNL�Août 2014, 200 p. environ, ISBN 978-2-7246-1775-3, 14 € environ

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La

Revue

française

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science

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Constituant une référence scientifique et académique majeure, aussi bien en France qu’àl’étranger, la Revue française de science politique publie des articles relatifs à tous les domainesde la discipline, avec leurs résumés en français et en anglais, des lectures critiques, comptesrendus détaillés ou brèves recensions d’ouvrages récents, les sommaires des grandes revuessur une question donnée. La RFSP s’adresse aux chercheurs, universitaires et étudiants, maisconcerne également les spécialistes des autres sciences sociales et les acteurs de la vie politique,ainsi que les personnes intéressées par l’analyse scientifique du politique.

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France : 133 euros (Institutions)

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VOLUME XLV, nO 1, Mars 2014

Revue Études internationales Hautes études internationales

Pavillon Charles-De Koninck, 1030, avenue des sciences-Humaines, bureau 5456 Université Laval, Québec (Québec) G1V 0a6, Canada

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L’afriQUE faCE à La jUsTiCE PénaLE inTErnaTiOnaLE

SouS la direction de jEan-BaPTisTE jEanGènE ViLMEr

jean-Baptiste Jeangène Vilmer introductionUnion africaine versus Cour pénale internationale répondre aux objections et sortir de la crise

frédéric mégret Cour pénale internationale et néo-colonialisme au-delà des évidences

Diane Bernard Un (possible) apport africain à la justice internationale pénale

Damien Scalia Le sens de la peine dans la première condamnation par la cpi

Viviane E. dittrich La Cour spéciale pour la sierra Leone et la portée de son héritage

raymond Ouigou SaVadogo Les Chambres africaines extraordinaires au sein des tribunaux sénégalais : quoi de si extraordinaire ?

fannie lafontaine La compétence universelle et l’afriqueingérence ou complémentarité?

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64juillet-septembre 2014

Les conflits du travail dans le monde Les conflits du travail : enjeux scientifiques d’un phénomène global

par Maxime Quijoux

« Making Change at Walmart » : le syndicalisme solidaire étasunien au sein d’une multinationale des services

par Mathieu Hocquelet

Une extension du domaine de la lutte : l’internationalisation des savoir-faire syndicaux américains en Amérique centrale

par Quentin Delpech

Un apprentissage sous tension : la formation des adhérents syndicaux du commerce à l’usage de la grève en France

par Baptiste Giraud

Entre Exit et Voice : les conflits du travail dans les entreprises publiques chinoises

par Claude Didry, Annette Jobert, Yi Zhenzhen

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ThemaLes conflits du travail dans le mondeVolume 1. Construire le conflit au travail : des mobilisations entre ruptures, circulations et continuitésÀ partir des années 1960, les sciences sociales ont progressivement délaissé l’étude des conflits du travail, y compris dans le cadre même des recherches sur le travail ou sur les mouvements sociaux. Pourtant, ces mobilisations n’ont jamais cessé. Dans les pays occidentaux, la genèse et les formes de ces luttes ont été marquées par de profondes mutations tandis que le profil de leurs acteurs évoluait largement. Dans le reste du monde, de nombreux pays connaissent aujourd’hui une vague inédite de grèves, d’émeutes et de confrontations. Ce double dossier (64, juillet-septembre, et 65, octobre-décembre 2014) non seulement vise à rendre compte de la diversité des causes, des acteurs et des formes de conflits du travail dans le monde, mais aussi se propose d’examiner les spécificités des luttes transnationales et de s’interroger sur leurs effets à l’échelle de la planète. Au-delà des révolutions arabes ou des catastrophes industrielles, quelle place le travail occupe-t-il dans l’espace des mobilisations mondiales ? Et dans quelle mesure est-il un enjeu déterminant des relations internationales ?

VariaL’origine populaire comme ressource au sein des élites en France, aux États-Unis et en Indepar Jules Naudet

À l’ombre de la reconnaissance : politiques identitaires et conflit social en Boliviepar Lorenza Belinda Fontana

Deux décennies de transformations structurelles de l’économie allemande : quelques leçons iconoclastespar Rémi Colliat

Presses de Sciences Po117, boulevard Saint-Germain – 75006 Paris – FranceTél. : +33 (0)1 45 49 83 64 – Fax : +33 (0)1 45 49 83 34 – Diffusion/distribution CDE/SODISwww.pressesdesciencespo.frRetrouvez la revue sur www.cairn.info et www.persee.fr

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Derniers thema parus :Politiques du changement climatique 62Vers un renouveau de l'État développeur en Asie ? 63

Revue comparative de sciences sociales

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