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LOUBATIÈRES LE CANAL LATÉRAL À LA GARONNE Regards sur un patrimoine Textes de Charles Daney Jacques Dubourg et Jean-Loup Marfaing

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Plus intime et discret que son célèbre pendant méditerranéen, Le canal latéral à la Garonne accompagne avec douceur la vie de ses riverains, en un parcours qui frôle, s’éloigne, traverse et, pour finir rejoint, le fantasque fleuve Garonne. Entre les haltes des ports abrités toujours actifs, le Canal latéral serpente dans la campagne du Sud-Ouest, pour le bonheur des plaisanciers, des randonneurs, des pêcheurs et des rêveurs. Premier beau livre consacré exclusivement au Canal latéral à la Garonne, depuis le port de l’Embouchure à Toulouse à l’écluse de Castets-en-Dorthe au seuil de la Gironde, l’ouvrage raconte en quatre chapitres : L’histoire du canal latéral ; Les ouvrages d’art et l’architecture ; la géographie de la vallée de la Garonne et la vie du Canal latéral. L’ensemble est largement illustré de photographies contemporaines et d’époque ainsi que de documents d’archive.

TRANSCRIPT

LOUBATIÈRES

LE CANAL LATÉRAL À LA GARONNERegards sur un patrimoine

Textes de Charles DaneyJacques Dubourg et Jean-Loup Marfaing

LA NAVIGATION SUR LA GARONNE AU DÉBUT DU XIXe SIÈCLE

Au début du XIXe siècle, la Garonne n’offrait pas toujours des conditionstrès favorables à la navigation. Cette situation était bien connue desbateliers, notamment entre Toulouse et Bordeaux où, souvent, seulesdes embarcations légères pouvaient utiliser le fleuve.

Les raisons des difficultés de navigation étaient nombreuses. Toutd’abord, les périodes d’étiage étaient parfois très longues ; d’autre part,les crues, susceptibles d’intervenir en toutes saisons, créaient de nom-breux dangers. La conjugaison de ces deux phénomènes interdisait ré-gulièrement la circulation fluviale.

Par ailleurs, certaines zones du fleuve étaient particulièrement dan-gereuses.

Entre Toulouse et le confluent du Tarn et de la Garonne à Saint-Ni-colas-de-la-Grave, de forts courants présentaient des risques graves

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Le canal latéral à la Garonne, à proximité de Sérignac-sur-Garonne (47).

HISTOIRE DU CANAL LATÉRAL

À LA GARONNE

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En 1913, le vapeur Lot-et-Garonnede la compagnieBordeaux-Océan.

Quelques courau-sloupsdans le port fluvial de Bordeaux. Ces embarcationsnaviguent en Gironde et sur les cours inférieursde la Garonne et de la Dordogne.Au loin, les mats des navires hauturiersdans le port maritime qui se développe sur troiskilomètres de quai depuisle pont de Pierrejusqu’aux bassins à flot des chantiers navals.

pour les bateaux. Les rives, basses et constituées de gravier et deterres légères, étaient fréquemment détériorées par les crues.

Depuis le confluent jusqu’à La Magistère, les dangers étaientd’une autre nature. Dans cette partie, la hauteur de l’eau étaitsouvent insuffisante et parfois même inférieure à soixante-dix cen-timètres.

De façon générale, le lit du fleuve était parsemé de bancs de sableet de gravier qui, déplacés par le courant lors de la fonte des neigesou des saisons pluvieuses, rendaient la navigation lente et périlleuse.Des mesures étaient prises pour limiter les risques. En certains en-droits, on procédait à des dragages. Régulièrement, on entretenaitet on consolidait les rives.

Malgré ces précautions, les accidents étaient fréquents, commeen 1829 où un bateau chargé de blé vint s’échouer contre un pieu,près de Langon.

Dans son ouvrage Voyage dans le Midi, Stendhal relate sa remon-tée de la Garonne le 26 mars 1835 sur un bateau à vapeur qui as-surait le transport de voyageurs entre Bordeaux et Agen. Il raconteque les eaux étaient hautes à la suite d’une crue mais que, en unendroit, le bateau toucha le fond et resta bloqué un long moment. Etil ne s’agissait là que d’un incident mineur. Près de Bordeaux en par-ticulier, les naufrages n’étaient pas rares et en Haute-Garonne une com-mission d’enquête de 1832 évaluait leur nombre à douze par an.

Les nombreux moulins à nef, sortes de bateaux ancrés dans la Ga-ronne dont les roues à aube entraînaient une meule, constituaient d’au-

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Échelle de crue à Thouars-sur-Garonne (47).

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Débordement de la Garonne à Saint-Léger (47) en janvier 2009.

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Pont routier sur la Garonne en étiage à Couthures-sur-Garonne (47).

tres dangers. Les bateaux entraient souvent en collision avec ces ou-vrages. En 1804, une embarcation de La Magistère descendant le cou-rant à la rame avait touché terre de l’avant à la suite d’une faussemanœuvre, heurté un moulin et coulé.

Pour toutes ces raisons, la navigation sur la Garonne se révélait dan-gereuse et d’une façon ou d’une autre il fallait y remédier.

En outre, les grosses barques qui rejoignaient Toulouse par le canaldu Midi ne pouvaient pas toujours atteindre Bordeaux par le fleuve. Ilfallait généralement transborder leur chargement sur des bateaux platset les frais de cette opération renchérissaient fortement le coût du trans-port des marchandises.

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Moulin à nef. Leur situation, en période de basses eaux, gêne les bateliers qui descendent le fleuve en empruntant les passes.

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Péniche dans la brume à proximité de l’écluse de Mazerac.

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Carte du cours de la Garonne, établie vers 1755, avec le premier tracé du canal entre Toulouse et Moissac.

GENÈSE DU PROJET DU CANAL

Les originesDès le XVIIe siècle, Vauban, ingénieur militaire de Louis XIV, avait estiméqu’il était indispensable de prolonger le canal du Midi jusqu’à Aiguillon.Il avait même suggéré de réaliser les travaux jusqu’à La Réole. Ce projetse révéla toutefois très onéreux et ne put être réalisé. Bien que toujoursconsidéré comme souhaitable, il n’eut guère plus de succès sousLouis XV et Louis XVI.

Mais au début du XIXe siècle, cette idée occupa à nouveau les esprits.Le prolongement du canal du Midi jusqu’à Moissac resta à l’état deprojet. Une liaison jusqu’à Langon fut ensuite étudiée. Enfin, l’idée vitle jour d’un canal latéral à la Garonne doublant le fleuve entre Toulouseet Castets-en-Dorthe, dernier point à être touché par les effets de lamarée.

Quelques oppositionsAlors que le projet de canal prenait corps, les partisans de l’utilisationde la Garonne commencèrent à se manifester.

Ils prétendaient qu’à peu de frais, de l’ordre de vingt-cinq millionsde francs de l’époque, le fleuve pouvait être rendu parfaitement navi-gable, notamment pour la batellerie à vapeur. Selon eux, la réalisationde barrages mobiles et de dragages avec de puissantes machines per-mettrait d’obtenir de bons résultats.

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Un des tenants de cette thèse, un certain M. Suriray de la Rue, in-génieur géographe et ancien officier du Génie, propriétaire à Clairac,écrivait en ces termes au préfet du Lot-et-Garonne en 1832 :

«  J’ai entendu parler d’un projet decanal latéral à la Garonne. Je viens, mon-sieur le Préfet porter ma goutte d’eau dansle verre déjà plein pour tâcher de le fairedéborder en faveur de la canalisation dela Garonne.

Je voudrais empêcher que notre belleGaronne fût réduite à l’état d’un ruisseaud’écoulement ; je voudrais éviter que nosvilles qui bordent cette rivière ne fussentprivées de leur navigation et de leur com-merce, que les rives du Lot ne fussent dé-

pouillées de leur communication directe avec Bordeaux.Je voudrais enfin prévenir l’établissement d’une navigation

factice, étroite et dispendieuse, créée au détriment du dépar-tement et de la Garonne qu’il serait si facile de canaliser.

Quel bien la ville d’Agen retirerait-elle de l’établissement dece canal? Celui de procurer à de grands capitalistes les moyensde placer des fonds dans cette vaste entreprise ; mais cet avan-tage ne serait-il pas trop chèrement acheté par les pertes quece canal fera éprouver à tout le département ?

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À l’écluse de Bordebasse (82).

Ne serait-il pas extraordinaire de voir sacrifier une granderivière sous les murs d’Agen, de voir dessécher un fleuve sousun superbe pont, de négliger les moyens de creuser la Garonneet de former un port dans le chef-lieu du département pour sedonner le plaisir de la nouveauté d’une navigation artificielle ?Et cela dans une contrée où un grand fleuve n’a besoin que dequelques secours, pour offrir d’une manière large et naturelletout ce qu’on peut désirer en fait de navigation intérieure… »

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Le lancement du projetLes voix réprobatrices des partisans de la Garonne n’eurentpas beaucoup d’échos auprès des autorités. Celles-ci res-tèrent persuadées que seul le canal latéral permettrait d’as-surer sans rupture de charges la continuité avec le canaldu Midi.

Les premières études furent lancées par la CompagnieMagendie avec le soutien des banques et des maisons decommerce de Bordeaux. Elles furent confiées à AlexandreDoin, qui remit en 1832 son Mémoire sur le Canal Latéralà la Garonne.

Par ailleurs, en 1825, l’ingénieur des Ponts et ChausséesJean-Baptiste de Baudre, nommé à Agen, avait été chargéd’étudier un projet général sur la navigation de la Garonne,de Toulouse à Bordeaux. Cependant, malgré les aménage-ments qu’il fit réaliser, la Garonne n’était toujours pas na-vigable toute l’année.

En 1828, Jean-Baptiste de Baudre se vit ainsi confier leprojet de canal latéral à la Garonne, avec la collaboration de l’ingénieurJean-Gratien de Job.

Le projetLe projet fut établi en 1831 et approuvé par le conseil général des Pontset Chaussées. Il précisait l’itinéraire prévu, les caractéristiques de l’ou-vrage ainsi que les dépenses envisagées.

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Mémoire de Jean-Baptiste de Baudreconsacré à la construction du Canallatéral conservé aux archives des Voies navigables de France.

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La vocation industrielle des terrains entre Garonne et canal de Saint-Pierre se confirme sur ce plan de 1818.Mais la navigation sur le canal seraéphémère et les projets de modification de ses écluses bientôt superflus.Tardif, l’aménagement du port de l’Embouchure est lié à l’ouverture du canal latéral à la Garonne.

À Toulouse, la création du canalde Saint-Pierre (Brienne) assure la continuité de navigation sur la Garonne en amont et en aval du Bazacle et metenfin commodément en communication le courspyrénéen du fleuve et le canaldu Languedoc.

L’itinéraireL’origine du canal se trouverait à Toulouse dans le bassindes Ponts jumeaux où s’établirait la jonction avec le canaldu Midi. Il suivrait ensuite la rive droite de la Garonne,passant à Montech par un embranchement, puis rejoignantle Tarn près du faubourg de Ville-Bourbon à Montauban.Le Tarn serait franchi à Moissac à l’aide d’un pont-aqueduc,puis le canal continuerait à suivre la rive droite de la Ga-ronne jusqu’à Agen où il emprunterait également un pont-aqueduc, passant alors sur la rive gauche de la Garonne.Il passerait plus loin au-dessus de la Baïse par un nouvelaqueduc et serait relié à cette rivière au moyen d’éclusesde descente ; il poursuivrait ensuite sa route jusqu’à Cas-tets-en-Dorthe où il rejoindrait la Garonne.

Les caractéristiquesLe canal latéral se développerait sur 190,249 kilomètres.Sa profondeur serait de deux mètres et sa largeur de dix-huit. Afin de compenser la pente du terrain, il serait doté sur son par-cours de quarante-six écluses et à son arrivée à Castets-en-Dorthe dequatre écluses de descente accolées.

La distance entre les murs latéraux d’une écluse serait de six mètreset de trente-quatre mètres soixante-dix entre les portes.

Le canal latéral recevrait les eaux du canal du Midi et serait relié àla Garonne à Toulouse par l’intermédiaire du canal Saint-Pierre, plus

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Le canal de Brienne à Toulouse.

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Plan de Toulouse où figurent colorisés le canal du Midi, celui de Brienne, le port de l’Embouchure et le canal latéral à la Garonne.Les édifices publics sont annotés et répertoriés.

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Plan de l’embouchure à Castets-en-Dorthe du Canal latéral dans la Garonne présenté en avril 1841.

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frISBN 978-2-86266-620-4

29 €