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    MME Marie-Thérèse Vasseur

    Dialogues, soliloques et projet d'apprenant chez une étudiante

    avancéeIn: Langages, 33e année, n°134, 1999. pp. 85-100.

     Abstract

    This case study focuses on one particular learner's particular practice of « technical reiteration » in soliloquies, besides other 

    intercultural communicative tasks. The interest of such a case is that it emphasizes the fact that the learner may, in some

    situations, conceive and organise her « second language training » as based on the whole activity of task achievement. The

    analysis shows that the learner may focalise and organise her reflexive activities on the interactional event as a whole. This does

    not mean that she is not interested in linguistic forms but it highlights the fact that she also gives importance to other aspects and

    levels which constitute interactions. This case and similar ones tend to indicate that focalising on and negociating linguistic forms

    is not the only way of conceiving L2 learning and acquisition (or of studying it) .

    Citer ce document / Cite this document :

    Vasseur Marie-Thérèse. Dialogues, soliloques et projet d'apprenant chez une étudiante avancée. In: Langages, 33e année,

    n°134, 1999. pp. 85-100.

    doi : 10.3406/lgge.1999.2194

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1999_num_33_134_2194

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lgge_197http://dx.doi.org/10.3406/lgge.1999.2194http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1999_num_33_134_2194http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1999_num_33_134_2194http://dx.doi.org/10.3406/lgge.1999.2194http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lgge_197

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    Marie-Thérèse

    VASSEUR

    Université René Descartes-Paris

    V

    UMR 8606, CNRS

    DIALOGUES.

    SOLILOQUES

    ET PROJET

    D APPRENANT

    CHEZ UNE

    ÉTUDIANTE

    AVANCÉE

    I. L'interactivité

    constructive

    Mise en œuvre de moyens

    cognitifs,

    symboliques et sociaux, pour accéder à de

    nouveaux

    savoirs

    ou savoir-faire, l'appropriation de la langue, comme

    son

    exercice,

    n'est

    pas

    une activité solitaire. Dès

    l'enfance,

    l'accès de l'être

    humain

    aux

    connais

    sances st médiatisé, en particulier par un

    autre

    être humain

    plus

    expert, qui est

    souvent,

    mais

    pas

    toujours,

    le

    parent.

    Ces

    formes

    d étayage

    offert par

    l'adulte

    à

    l'enfant

    (Bruner, 1983) sont

    diversement réparties, inégalement

    explicites et

    varia

    bles elon les sociétés (Schieffelin

    Ochs, 1986).

    Elles

    visent toutes

    cependant

    à lui

    apprendre à

    devenir

    un membre compétent

    et

    socialisé

    de la

    communauté. Selon

    Vygotski (1935/85),

    cette régulation

    sociale des apprentissages

    est

    intériorisée

    et

    en

    quelque sorte

    reconstruite

    sous la

    forme de savoir-faire individuels internes (fonc

    tionspsychiques supérieures). La collaboration interactive ou hétéro-régulation

    sert

    ainsi

    de modèle au

    discours

    intérieur ď

    autorégulation ou

    collaboration

    avec

    soi-

    même.

    Reflet et intériorisation de la collaboration avec

    l'autre,

    la collaboration avec

    soi-même

    repose sur une

    reflexivitě

    contenue naturellement dans

    le

    langage.

    Cette

    reflexivitě est double : la réflexivité-négociation

    avec

    l'autre est en même temps

    une

    réflexivité-écoute de soi.

    Dans

    la construction habituelle du sens avec

    l'autre,

    chacun prononce les mots

    à

    l'adresse de soi et de l'autre. «

    Je

    me dis ce que je dis »

    rappelle

    F.

    Jacques

    (1988).

    Le locuteur

    se divise par

    une double écoute,

    comme

    s'il

    «

    entendait

    double ». « II invente ou s'approprie des discours qu'il expérimente

    et

    met à

    l'épreuve de

    l'autre.

    et de

    lui-même

    ».

    L'accès à une L2

    n'échappe

    pas à

    ce

    principe.

    Au-delà

    de l enfance, le processus

    de l'appropriation se fonde sur

    l'«

    accès continu » aux modes de constitution des

    savoirs précoces

    i.e. aux activités interpsychiques (Frawley Lantolf, 1985), tout

    autant

    qu'aux

    activités

    intrapsy

    chiques.

    La

    construction

    des

    savoirs engage

    donc

    toute la

    personne dans ses aspects psychiques

    et

    sociaux.

    Elle

    fait

    intervenir

    l his

    toire personnelle,

    les expériences, les rencontres et les

    représentations élaborées

    au

    fil

    des événements langagiers auxquels le locuteur

    a participé.

    Les savoirs et

    savoir-

    faire

    langagiers sont

    issus de ce

    parcours. Ils sont l'aboutissement,

    parfois seulement

    ébauché,

    jamais

    achevé, en L2

    comme

    en

    Ll, de

    cette

    alchimie

    complexe.

    Dans

    cette perspective, l'étude de l'acquisition d'une L2 ne peut se limiter à la

    mesure

    de l'accroissement

    des

    formes

    et

    des

    structures

    composant le nouveau

    répertoire.

    Il

    nous faut

    aussi

    analyser

    comment

    le locuteur

    gère la double interacti-

    1.

    Mes

    remerciements à

    Jo

    Arditty

    pour

    sa lecture

    constructive

    de ce

    texte.

    85

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    vité

    qui lui permet de

    contrôler

    et

    développer ses

    nouveaux

    savoirs

    et

    ses nouvelles

    capacités.

    Cette

    préoccupation

    explique à

    la fois

    le développement des

    études

    d interactions sociales

    diversifiées,

    naturelles

    ou

    expérimentales (Arditty-Prodeau

    et

    Krafft

    Dausendschôn-Gay

    ici même)

    et

    l'intérêt pour les tâches métalangagières

    dites d'« introspection

    » (Faerch Kasper, 1987)

    au

    cours desquelles le locuteur

    apprenant

    interagit

    (ou

    est conduit

    à

    interagir)

    en

    quelque

    sorte

    avec

    lui-même

    comme

    locuteur plus ou moins compétent, dans des commentaires (Perdue, 1984),

    bilans, journaux personnels (Schmidt Frota,

    1986)

    etc.

    Ces

    activités offrent

    un

    aperçu de la façon

    dont

    l'apprenant conçoit et organise

    ses

    activités intrapsychiques,

    que cela se

    traduise

    par

    le contrôle des formes,

    la

    gestion des tâches collectives ou la

    mise en place d'une compétence. Tout autant que l'étude du système linguistique,

    l'étude de ces activités

    d'interaction

    avec l'autre et avec soi-même

    devrait

    donner

    accès à

    la logique

    interne de l'apprenant.

    C'est

    dans

    cette

    double perspective,

    interactivité et réflexivité, que seront

    ana

    lysées et confrontées les activités de dialogue et de soliloque d'une apprenante

    avancée.

    Il peut

    sembler paradoxal de

    revendiquer une

    vision

    essentiellement

    interactionnelle

    de

    l'acquisition

    et

    de

    présenter

    un

    cas

    le

    travail

    solitaire

    occupe

    une si

    grande

    place. Il s'agit

    justement

    de montrer comment un alloglotte intègre

    les

    deux types

    d'interactivité

    pour en capitaliser les effets combinés,

    comment il

    exploite

    personnellement des fonctionnements «

    normaux

    »

    poussés

    au

    maximum. Ces

    fonc

    tionnements

    sont ceux

    ď

    « apprenants » En effet,

    tous

    les

    alloglottes

    ne sont

    pas

    des

    apprenants.» L'apprentissage

    », dit Bange (1992a), «

    est

    un

    but

    que peut se donner

    (ou ne

    pas

    se donner) le locuteur non-natif ». Est « apprenant » le locuteur qui

    considère le matériau linguistique

    et

    communicatif

    comme

    objet

    d'appropriation et

    qui mobilise,

    dans

    ce but,

    ses

    facultés d'attention, de mémorisation, d'analyse et de

    généralisation,

    même de façon

    variable

    ou

    intermittente.

    La

    locutrice

    C,

    dont

    il

    est

    question

    ici,

    présente ces

    caractéristiques.

    Les

    activités

    d'interaction

    auxquelles

    elle

    participe (conversations) ou qu'elle « orchestre » (soliloques) illustrent, d'une fa

    çon

    personnelle, ses représentations

    et son projet d'apprenant. С

    est aussi parce que

    l'apprentissage organisé

    de

    С

    regroupe

    des activités

    sans doute plus

    dispersées

    chez

    d'autres apprenants que son cas nous intéresse.

    II. La locutrice

    :

    aspects biographiques,

    horizon

    social et culturel et

    interactions

    On

    identifie souvent

    les locuteurs alloglottes

    par

    leur appartenance à des groupes

    constitués autour des situations

    qui

    cadrent leurs

    interactions

    verbales dans

    la

    langue. Leurs

    façons

    de

    parler

    et

    d'apprendre

    sont

    ainsi

    mises

    en

    rapport

    avec

    la

    migration

    économique, le milieu scolaire, le déplacement professionnel... qui, en

    quelque

    sorte,

    les

    définissent... En désignant ainsi des populations (de migrants,

    d'élèves,

    de professionnels. ..), on tend alors à minimiser

    l'histoire

    et

    le

    parcours

    de

    la personne, les habitudes sociales

    et

    mentales

    qu'elle

    s'est ainsi constituées et

    l'importance

    et l'impact des interactions vécues au

    jour

    le jour

    sur son devenir

    bilingue. Afin d'éviter cette typification hâtive, la présentation faite ici sera donc

    détaillée.

    Il s'agit d'une jeune femme de langue

    taïwanaise,

    apprenant

    le français,

    actuel

    lement en situation

    d'immersion naturelle. Passée

    d'abord

    par un apprentissage

    institutionnel

    local

    à

    Taïwan,

    elle

    s'est

    ensuite

    retrouvée

    en situation

    mixte

    en

    France

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    elle a suivi un cours de français pendant un an,

    avant d'intégrer

    l'université au

    niveau de la licence.

    Trois

    caractéristiques se dégagent du profil de l'apprenante :

    distance linguistique,

    stade

    avancé,

    milieu

    naturel.

    II. 1. Distance linguistique et culturelle

    La

    langue d'origine

    de

    l'informatrice

    est le

    taïwanais,

    langue

    proche du

    mandar

    inqu'elle parle aussi)

    et

    dont la structure est en effet

    assez

    éloignée

    des langues

    européennes. Cette langue et la culture,

    y

    compris la culture

    d'apprentissage

    qui

    y

    est

    associée,

    influencent nécessairement

    les attitudes,

    réactions

    et

    comportements du

    locuteur

    qui

    accède à une

    langue

    occidentale,

    c'est-à-dire d'abord

    l'anglais, puis le

    français

    Cette influence concerne la

    construction

    du système

    linguistique,

    la

    construction

    de l'interaction, aussi bien

    que la

    construction

    de

    l'apprentissage. Ainsi,

    l'étudiant

    chinois

    ou taïwanais se présente en général

    comme

    non-expert,

    mais

    aussi comme

    apprenant évaluant assez

    négativement sa

    compétence. Dans les interactions,

    il

    signale le moins possible ses difficultés

    et

    incompréhensions

    En

    situation

    d'apprent

    issage

    uidé,

    à

    la sollicitation

    et

    la

    co-construction,

    il

    semble

    préférer

    la docilité

    et

    le

    travail solitaire

    à

    partir d'outils écrits. « II faut un livre, sinon on ne

    travaille

    pas

    sérieusement », dit une taïwanaise en stage de langue.

    С

    elle-même résume le profil

    de

    l élève

    chinois : « c'est comme

    le

    canard

    ou le

    foie/le

    le oie

    + (rires)

    on lui a

    forcé

    de manger les savoirs tout

    ça

    »

    2.

    L'expérience scolaire

    sert d'arrière-fond

    à l'expérience vécue

    par la suite en

    France.

    Dans

    le

    système éducatif d'origine, l'enseignement

    de

    la langue étrangère se

    passe surtout en Ll, la

    plupart

    des supports sont des manuels,

    source

    de par cœur,

    et

    des

    textes écrits, généralement

    littéraires.

    Cela dit, il n'est pas

    si aisé

    de reconsti

    tuer

    es

    construits

    linguistiques,

    métalinguis

    tiques (description

    du

    français, savoirs

    constitués

    sur la

    langue

    et

    le

    langage)

    et

    métaméthodologiques

    auxquels

    a

    été

    exposée

    l'apprenante. Il reste que

    cette imprégnation

    prolongée

    d'une

    philosophie de

    la

    langue étrangère

    et

    de l'éducation assez éloignée des options de la

    culture

    d'accueil

    ne peut

    pas

    ne pas avoir influencé

    la

    représentation de

    la

    langue elle-même, de la

    compétence en langue et de l'apprentissage chez C.

    On remarquera néanmoins que, sous l'influence de leurs études de

    FLE

    en

    France,

    ces étudiants ont

    aussi

    tendance

    à

    observer leur expérience

    scolaire

    avec

    les

    mots

    méthode

    traditionnelle »)

    et

    le

    regard de

    leur

    interlocuteur français.

    Dans le

    cas de C, qui

    a fait un an l'expérience

    d'une méthode

    plus

    centrée sur

    le dialogue,

    l expérience

    de 3 ans

    d'immersion française contribue à troubler plus fortement

    les

    souvenirs

    et

    valeurs accordés

    à

    ses

    modes

    d'apprentissage.

    II.

    2. Stade avancé

    С

    a fait

    huit

    années

    de

    français dont quatre années d'études à Taïwan et quatre

    de séjour en France. On

    peut considérer

    qu'il

    s'agit

    d'une

    apprenante

    avancée

    (AA)

    dont les caractéristiques sont les suivantes :

    2. Conventions de transcription :

    (...) : passage

    non cité /

    : auto-interruption \ hétéro

    -interruption

    : elision ( fin = enfin)

    +,

    ++, +++ :

    pauses

    NON : syllabe accentuée

    X: passage

    incompréhensible

    [...]:

    transcription

    phonétique

    87

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    Lee

    premiere contacts

    avec le français

    ont été uniquement institutionnels

    Ils

    se

    caractérisent par une présence

    précoce

    de données écrites, avec une focalisation

    sur

    la

    grammaire, et

    particulièrement les

    formes

    morphologiques. Linguistiquement, le

    profil de С

    correspond à celui d'AA décrit par Bartning

    (1997) :

    morphologie

    « faible » , suremploi de la marque (par exemple passé composé), de

    certains

    connect

    eurs

    mais)

    et

    organisation linéaire des discours narratifs.

    L'étrangeté signalée des productions de l'AA est, pour C,

    d'abord

    perceptible

    phoniquement,

    ses articulations restant encore

    marquées par

    le

    système phonologi

    que la Ll

    (qu'elle

    pratique encore avec des concitoyens). Mais cette

    caractéristi

    qust

    compensée

    par un développement de la fluidité des discours, favorisé sans

    doute

    par la

    situation

    d'immersion

    vécue

    depuis

    quatre ans.

    Ajoutons à

    ce

    descriptif les capacités de synthèse, d'objectivation et de réflexion

    métalinguistique soulignées

    par

    Porquier

    et

    Vives

    (1993) comme

    caractéristiques des

    AA

    et

    qui, selon

    ces

    auteurs, tendraient à faire de l'apprentissage

    avancé

    un

    « autre » apprentissage.

    II.

    3. Milieu « naturel » (

    ?)

    L'emploi interrogatif de ce terme souligne la difficulté des définitions et des

    typologies

    dichotomiques,

    en

    particulier

    celle qui consiste

    à opposer le

    milieu

    naturel

    au milieu

    scolaire ou l'apprentissage à

    l'acquisition

    (Krashen, 1978).

    On peut entendre par «

    milieu

    » le cadre permanent (provisoirement parfois) des

    échanges

    et

    des activités verbales du

    locuteur,

    ici en

    L2.

    Peut-on, dans le cas des

    étudiants taïwanais à Paris, parler de milieu « naturel »

    ?

    La jeune

    С

    (26 ans) fait

    partie

    de cette communauté, en

    pleine

    expansion, des

    étudiants asiatiques à

    Paris.

    Elle mène donc

    une

    vie

    d'étudiant : immergée dans le milieu académique, et

    plus

    particulièrement

    dans

    un

    département

    de

    linguistique

    elle se

    prépare

    à

    devenir

    professeur de français

    à

    Taïwan.

    Elle

    suit les cours

    (qui

    ne sont

    pas

    des cours de

    français)

    et elle fournit

    les

    travaux

    académiques

    dans

    la

    langue 2. Vivant seule,

    mais

    dans une résidence universitaire, elle a une

    vie et des activités

    sociales

    qui l'amènent

    à

    fréquenter

    ses pairs, étudiants français

    et étrangers et,

    hors

    de l'université,

    des

    locuteurs

    non

    étudiants. Ce contexte,

    au sens large et

    anglo-saxon du

    terme, est

    plutôt

    ouvert : liberté (relative)

    des étudiants,

    point de

    vue critique

    sur la vie

    sociale

    et politique...

    Les

    situations et

    activités auxquelles

    С

    prend part

    sont

    multiples :

    groupes de travail,

    rencontres

    amicales, dîners,

    transactions

    commerciales, admin

    istratives,... à la fois homogènes (vie

    étudiante)

    et

    hétérogènes (vie quotidienne,

    relations administratives,

    loisirs).

    Les langues qui circulent autour de С et qu'elle pratique sont les suivantes :

    le

    français, majoritaire, le taïwanais avec

    les

    co-nationaux, le mandarin

    avec les

    autres

    sinophones,

    et l'anglais, langue

    étrangère, apprise

    obligatoirement en premier

    dans

    les

    écoles taïwanaises,

    qu'elle utilise

    parfois si nécessaire.

    L'ensemble contextuel regroupe ainsi des éléments non

    modifiables (caractéris

    tiquesthniques, sexe, environnement physique,

    savoirs

    et

    expériences), ainsi

    que

    des éléments négociables comme les relations sociales, les objectifs (Duranti

    Goodwin,

    1992

    ; Auer, 1992)

    que nous ne

    jugeons pas

    utile de

    découper

    en

    autant

    d'éléments isolés.

    Même si,

    dans certaines

    situations,

    l'un

    de ces éléments semble

    avoir

    une influence

    particulière

    sur

    le

    déroulement

    de

    l'échange,

    nous

    concevons

    88

  • 8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)

    6/17

    l'ensemble

    en

    termes

    de « matrice »

    plutôt

    que de « facteurs »

    d inter compréhens

    ionu de malentendu, ainsi que de développement.

    II.

    4. Diversité

    des interactions verbales chez С

    Un locuteur

    encore

    apprenant

    mais

    possédant

    déjà,

    comme C, une certaine

    compétence

    et

    une

    certaine

    expérience du

    contact

    avec

    le

    milieu

    de

    la

    L2

    qui

    l'accueille, a une

    vie

    quotidienne

    dont

    les ressources et les exigences peuvent

    contribuer à la poursuite du développement de la compétence communicative en L2

    Les

    contraintes

    sont

    évidentes

    : démarches administratives, suivis de cours, rédac

    tions

    de dossiers écrits, de

    copies

    d'examens, exposés

    oraux,

    lectures (d'ouvrages

    spécialisés au moins). Les

    contacts

    administratifs

    et

    institutionnels

    (avec

    les

    ensei

    gnants par

    exemple),

    échanges très inégaux

    à

    la base, nécessitent une bonne com

    préhension mais laissent peu de

    place

    à l'initiative

    longue du locuteur alloglotte. Les

    contacte sociaux non

    contraints

    sont plus variables et parfois

    aléatoires.

    Une

    grande

    partie des contacts actifs est tout de

    même constituée

    d'échanges informels et

    amicaux

    avec

    les

    pairs

    que

    С

    côtoie

    la

    plupart du

    temps. Ces échanges

    peuvent

    être

    fugaces ou

    prolongés,

    déterminants ou anodins. Le

    focus se

    fait

    sur

    leur contenu

    référentiel

    et affectif,

    non

    sur

    la langue, même si parfois des problèmes de compré

    hension apparaissent. Ils se déroulent dans, autour

    et au

    dehors

    de

    l'université

    et

    recoupent parfois des

    contacts non étudiants,

    moins prévisibles,

    lors

    de sorties,

    d'invitations...

    Si, lors

    des activités

    académiques,

    les exigences linguistiques sont

    extrêmement

    fortes et surtout concentrées sur l'écrit, ce n'est

    pas

    le cas des

    contacts

    péri-

    universitaires et non universitaires. Les conversations sont parfois très convenues,

    mais leur caractère rituel, banal,

    peut

    rassurer et cadrer des échanges

    souvent

    d'une

    grande

    importance

    affective et relationnelle. A quelles activités reflexives tous ces

    échanges

    font-ils place ?

    Comment

    se

    manifeste

    la double

    interactivité

    évoquée

    plus

    haut ? Quel projet d'apprenant révèlent-ils ?

    C'est

    la problématique générale qui

    cadrera la présentation faite ici.

    Parmi les

    activités

    auxquelles С

    s'est

    livrée

    au cours

    de ces

    deux dernières

    années, ont

    été collectés

    des conversations, des

    soliloques,

    des auto-bilans de com

    pétence, des

    auto-confrontations.

    Toutes

    ces

    activités

    ont été enregistrées

    par

    С

    elle-même,

    souvent

    à l'insu

    de

    ses ami(e)s

    étudiant(e)s

    ou non

    étudiant(e)s.

    L'analyse se

    concentrera

    sur

    les deux premiers types d'activités : des activités

    d'interaction courante en

    face

    à

    face

    avec des interlocuteurs natifs familiers

    ou

    moins familiers, de statut identique (étudiants) ou différent, et des activités de

    soliloque,

    sans

    témoin,

    sans interlocuteur.

    Mon

    intention n'est pas de comptabiliser les

    formes linguistiques

    produites par

    С

    pour en mesurer le progrès, mais de comparer ces activités du point de vue de

    leur

    diversité,

    complémentarité et intégration,

    de la continuité ou discontinuité du travail

    que С

    fait

    sur la langue et sur

    ses pratiques

    langagières en L2.

    III. Conversations,

    variation des

    places,

    variation des

    activités reflexives

    Si l'on reprend les définitions d'Arditty

    et Levaillant

    (1987) et les analyses de

    F.

    Jacques

    (1988),

    une bonne

    partie des

    nombreux

    échanges enregistrés de С avec

    ses

    amies

    étudiantes

    et

    ses

    amis extérieurs

    au

    monde

    étudiant

    relève

    du

    genre

    «

    conver-

    89

  • 8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)

    7/17

    sation ».

    F.

    Jacques souligne « l'aspect ramifié et ouvert de

    ce type

    d'échange, avec

    ses

    réponses inachevées, ses chevauchements, ses répliques soudaines qui modifient

    le

    tour de parole ». «

    Dans

    la conversation », dit-il, « on

    mêle à

    l'envi les tons, les

    modalités et les genres

    textuels

    » Surtout, la conversation se caractérise

    par

    « une

    grande hétérogénéité illocutoire, un certain aléatoire discursif » car sa fonction

    est

    surtout de « corroborer

    l'appartenance

    à la

    communauté

    en retrempant le hen

    collectif ». D'où le jeu

    entre

    les images de soi et les images de l'autre.

    D'où

    aussi ce

    «

    fantastique mondain

    » (étiquette, topoï,

    sujets

    de conversation admis

    ou

    tabous),

    dont relèvent d'ailleurs les séquences pédagogiques,

    fruits

    de l'imaginaire dialogi-

    que

    des

    interlocuteurs

    Les

    conversations

    auxquelles participe С illustrent tout

    à

    fait cette

    description.

    Elles sont

    marquées par

    l'aléatoire, l'hétérogénéité illocutoire

    et

    l'instabilité des

    places,

    ainsi que par une grande connivence.

    On note

    surtout

    que les

    traces d'activités reflexives

    (cf.

    ici

    même p. 14 et Vasseur/

    Arditty, 1996) sont

    très

    rares.

    Un

    rapide sondage montre

    la différence

    entre cinq

    différentes

    conversations

    de 60

    à

    150

    tours

    de parole

    recueillies

    au

    cours

    du

    premier

    semestre

    1997. Les deux premières colonnes

    concernent

    des conversations avec des

    étudiantes :

    G

    et V. La troisième

    colonne

    concerne deux conversations chez P,

    qui

    n'est pas étudiant :

    3

    auto

    -corr.

    /r

    eformulat

    hétéro-corr./reformul.

    séq.

    pédagogique

    avec G I

    / II

    aucune 1

    aucune aucune

    aucune aucune

    avec

    V

    3

    1

    aucune

    chez

    P.

    I

    / III

    1 1

    1 3

    2 court 2 très long

    Au

    cours de ses conversations avec ses amies étudiantes

    G

    et V,

    С

    ne s'attribue ou

    ne se fait attribuer que très rarement la

    place

    d'apprenant,

    c'est-à-dire qu'elle

    participe à très peu de

    séquences

    reflexives. Les déplacements

    sur

    la forme linguis

    tique

    ont extrêmement

    discrets, comme

    marginalisés.

    Au contraire,

    dans les conversations avec

    P, un ami

    n'appartenant pas

    au

    monde

    étudiant,

    les séquences reflexives apparaissent

    plus

    fréquemment. Certaines d'entre

    elles sont marquées par de vraies parenthèses

    pédagogiques.

    P est un interlocuteur

    qui s'adonne volontiers

    à

    ce genre de pratique

    et s'attribue

    nettement

    une

    place

    d'enseignant.

    Dans

    les deux cas, ce qui

    frappe,

    c'est d'ailleurs

    moins le nombre

    des

    séquences

    que

    leur

    développement.

    Deux séquences montreront

    mieux

    que des décomptes le

    contraste, non

    des

    atmosphères générales des rencontres

    qui sont les

    unes et

    les

    autres amicales et

    détendues,

    mais

    le comportement

    particulier

    et

    local de natifs différents

    qui

    ont des

    relations contrastées avec C. D'une situation à l'autre, on

    notera

    l'aisance

    avec

    laquelle С

    enchaîne

    sur

    la conduite de ses partenaires.

    Extrait

    n° 1 : С et

    G,

    étudiante

    dans le

    même cursus que C, se promènent au jardin

    du

    Luxembourg. De retour de son

    pays, С

    a

    rapporté

    des

    gâteaux

    pour G

    :

    1 G : tu es

    sûre

    que tu ne veux pas de frites ?

    90

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    8/17

    2

    С

    3G

    5G

    7G

    9G

    ЮС

    11

    G

    12 С

    13 G

    14

    С

    15

    G

    16 С

    17 G

    18

    С

    19

    G

    20

    С

    21

    G

    22 С

    23 G

    24 С

    25

    G

    26

    С

    27 G

    28 С

    29

    G

    pour

    moi ?

    non

    hé ben dis

    donc n'oublie

    pas

    parce que sinon

    ++ après

    je

    ré-/j 'aurais oubli[e]

    tu

    veux

    du

    coca ?

    non

    + voilà (elle montre

    à G

    les

    gâteaux qu'elle

    sort de son

    sac)

    oh la la

    hum

    oh la la

    tu

    peux donner

    à

    (ta)

    maman aussi comme tu

    veux

    merci

    c'est

    chouette

    je sais pas

    XXX

    c'est

    de

    la nougatine

    typique avec des cacahuètes

    non c'est pas

    des

    cacahuètes

    je

    ne sais pas

    est-ce

    que

    tu peux

    accepter

    le

    goût ?

    un

    peu spécial c'est sucré c'est des prunes et le noix ? c'est

    ça

    ?

    oui j'adore ça

    c'est un peu comme

    le

    nougat mais c'est pas le nougat

    je vois oh chouette

    après ça

    oh

    la la

    (geste allusif aux

    problèmes

    de

    poids)

    il y

    en

    a

    un

    tu as déjà goûté je crois

    oui les petits gâteaux (C

    a

    déjà fait goûter ces petits gâteaux

    à l'ananas)

    +

    ça

    je

    connais pas

    ah ça

    c'est

    quelque

    chose

    de

    sucré hyper sucré

    oui

    bon

    pas vraiment hypersucré

    c'est sucré

    c'est/

    c'est

    pas la

    XXXX

    +++

    c'est de la figue non ?

    la

    figue

    ?

    c'est quoi

    ?

    c'est euh un fruit

    hmm

    un fruit

    violet

    non

    ?

    non c'est une sorte de

    grain ce

    n'est pas le

    soja

    c'est rouge

    et

    gros comme ça

    (montre

    en

    rapprochant deux

    doigts

    la petite taille de

    l'objet)

    ah

    je vois ce

    que c'est maie

    je

    ne sais pas

    comment

    t'expliquer

    mais je vois

    pour nous

    c'est

    le

    dessert XXX

    c'est

    pas

    le légume

    XXX

    c'est

    haricot

    non c'est pas haricot + après je vais

    chercher

    dans le dictionnaire c'est pas

    haricot

    oui tu me le diras (silence, on déguste)

    La

    séquence

    qui se déroule ici fait bien apparaître

    le

    rôle des expériences

    plus

    ou

    moins partagées (les gâteaux déjà

    goûtés par

    G), des savoirs (culturels

    : la

    composit

    ion

    es gâteaux) et des goûts communs

    (la

    gourmandise des

    jeunes filles),

    bref de la

    culture

    partagée, ainsi que

    la

    part du

    référentiel non

    partagé

    (la culture

    culinaire).

    L'activité

    commune n'est

    pas

    focalisée sur la langue, mais

    sur

    la

    dégustation

    et

    l'identification

    des composantes des gâteaux. Les amies se

    livrent

    chacune à une

    recherche

    de

    goûts,

    de

    caractéristiques

    tout

    autant

    que

    de

    noms

    de

    fruits et

    peuvent

    donc se satisfaire

    d'approximations

    lexicales.

    Extrait n° 2

    :

    Chez P

    III : С est

    invitée à dîner chez

    P, ami

    connu depuis un an.

    89 С : (aujourd'hui)... moi

    j'ai

    travaillé dans la maison/à la maison

    90

    P

    91 С

    92

    P

    93 С

    94

    P

    95 С

    à

    la

    maison

    ?

    oui à

    la maison

    tu

    as

    fait du ménage ?

    non je lis

    en

    plus c'est /

    j'ai lu

    j'ai lu des

    articles

    que j'ai fait photocopies

    à

    la

    bibliothèque

    91

  • 8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)

    9/17

    96

    P :

    dont

    j'ai fait les photocopies

    97 С :

    dont

    j'ai fait les photocopies ++

    à

    peu près dizaine

    98

    P

    :

    à

    peu

    près

    une dizaine

    99 С :

    à

    peu près une dizaine

    100

    P

    :

    à

    chaque fois que

    tu

    as un nom il

    y

    aura un article devant

    101

    P

    :

    d'accord

    à peu

    près

    une dizaine

    102

    P

    :

    si

    tu

    XXX

    tu

    l'utilises

    comme

    nom,

    il

    y

    aura

    un

    article

    devant

    la

    phrase

    103 С : je crois j'ai manqué

    souvent

    les\

    104

    P

    : les articles ?

    105 С :

    oui les articles

    106

    P

    : non pas comme

    ça sur

    certains mots tu les manques

    107 С : et les prépositions

    108

    P

    :

    les

    propositions/prépositions parce que

    même

    dehors il y

    a

    des Français qui ne

    parlent pratiquement

    pas ils

    disent euh

    ce

    que

    je parle mais

    en français

    c'est

    pas

    XXX c'est

    ce

    dont je

    parle

    109 С :

    dont/

    ce dont\

    110

    P

    :

    même

    dans la rue

    XXXX

    111

    С

    :

    pourquoi

    c'est pas

    dont

    je

    parle

    ?

    112

    P

    : puisqu'il faut exprimer le mot spécifique ce

    dont

    + dans la

    conversation

    dont tu

    parles

    la chose dont

    tu

    parles la chose dont

    tu

    parles +

    tu

    sais

    une

    chose

    d'accord

    mais la chose ce

    dont

    tu parles remplace la

    chose

    113

    С

    : parce

    que j'ai lu la

    personne

    dont je

    parle

    114

    P

    :

    ça

    c'est parfait

    115 С

    :

    c'est parfait

    mais on

    a

    entendu

    euh

    /

    116

    P

    : c'est la

    phrase

    la

    personne que

    je

    parle

    117 С :

    oui

    118

    P

    : c'est pas

    correct

    DONT je parle

    ou dont je

    te parle c'est \

    119

    С

    : une

    question une

    question

    120

    P

    :

    vas-y

    121 С : j'ai déjà interviewé/interrogé ?

    121

    P

    :

    interrogé

    122 С :

    une

    dizaine personnes

    pour

    savoir la différence entre

    à nouveau

    et de

    nouveau

    Pierre a

    l'imaginaire pédagogique

    obstiné.

    Pour

    ui,

    С

    est

    d'abord

    et avant tout

    une apprenante. Ce

    qui est remarquable

    dans

    cette

    séquence c'est la flexibilité de C,

    qui

    se prête au jeu dès que celui-ci s'annonce. Non seulement elle

    donne

    merveilleu

    sement

    ien la réplique et adopte la place qui lui est assignée en

    répétant

    la

    correction qui

    lui

    est

    opposée, mais en plus, elle avoue sa faute, son mauvais

    penchant

    (103),

    elle

    pousse

    la

    bonne

    volonté

    jusqu'à

    redemander

    des

    compléments

    d'information (113, 115) et même

    à

    avancer

    une autre question

    (119, 121, 122).

    Apparemment heureuse

    de

    profiter

    de la

    compétence

    offerte par

    l expert, elle

    « fait » très

    bien le

    non-expert

    (cf.

    Mondada, ici même).

    Extrait n°

    3 :

    avec V, une autre amie

    étudiante

    à

    la

    cité

    universitaire :

    23 С :

    (...)

    alors moi je lui dis : « arrête

    ça

    fait au moins trois fois ou quatre fois tu m'

    as

    posé

    la question + chaque

    fois on n'a

    pas la

    réponse

    et c'est pas une

    décision

    que

    je peux décider »

    24 V : prendre (à voix basse)

    92

  • 8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)

    10/17

    25 С : c'est pas une décision que je peux prendre +

    je

    dis : «

    si tu as envie

    de passer tes

    vacances à

    l'étranger

    tu

    n'as

    qu'à prendre ton/ta

    décision

    + et tu pars et

    puis

    tu

    réserves

    les billets et c'est bon

    »

    Dans ce troisième

    cas,

    la

    seule correction

    par V reste discrète,

    articulée à

    voix

    basse et

    comme pour

    soi, mais С la

    perçoit

    et l'intègre

    dans

    son discours. Dans

    d'autres

    cas,

    la

    réparation

    est

    encore plus

    «

    légère

    »

    et

    unilatérale

    :

    Extrait n° 4 :

    50

    С

    : (...) s'il

    peut

    pas

    il

    ne

    peut pas

    proposer à quelqu'un comme

    ça

    c'est fou c'est fou

    moi

    j'attends

    toute la journée je ne

    peux

    rien faire etc etc et ça

    lui

    rend nerveux

    51 G :

    ben

    oui

    52 С : nerveuse

    et

    puis je dis : « calme-toi c'est pas grave

    s'il n'a

    pas

    envie

    de

    ner

    » (C 11)

    Ici, С prend

    l'initiative

    et articule son

    auto-correction

    autour de la ponctuation

    phatique

    (ben oui) produite par son interlocutrice, sans

    provoquer

    de déplacement

    d attention

    ni de

    changement

    de

    place

    interlocutive.

    С

    ne

    fait

    donc

    qu'ébaucher

    un

    dialogue avec

    soi-même, mais

    qui,

    du

    fait

    de la

    pression

    de

    l interaction, diffère

    du

    soliloque qu'elle pratique par ailleurs et où

    elle

    trouve un espace interactif

    plus

    adapté à son besoin d'activité

    reflexive.

    Ces

    derniers extraits

    contrastent fortement

    avec l'extrait n°

    2, où

    P impose

    la

    place

    d'apprenant

    à C, qui

    l'adopte

    sans problème, profitant des

    corrections

    offer

    tes, ollaborant

    avec

    son

    partenaire pour transformer l'échange en

    séquence

    d ap

    prentissage et mettant ainsi à profit sa capacité

    d'adaptation.

    On pourrait craindre que

    cette

    focalisation plutôt rare et

    limitée sur

    la langue

    dans

    la

    plupart

    des

    conversations

    courantes n'ait, chez un locuteur

    assez

    avancé, un

    effet de

    stabilisation

    de la compétence. Cette inquiétude peut être fondée si l'on

    entretient

    un point de vue strictement

    linguistique

    sur

    le

    développement. Or, С

    nous

    montre

    que

    l'apprenant

    peut

    avoir un point de vue globalement langagier sur son

    apprentissage et

    que

    le

    travail sur les formes

    linguistiques peut

    être

    resitué

    au

    sein

    de

    l'activité langagière. Elle a

    en effet mis au point

    un

    type d'activité

    très

    original, le

    soliloque,

    qui

    sera présenté dans ce

    qui suit.

    IV. Le soliloque

    ou

    Part de

    dialoguer

    avec

    soi-même

    IV. 1. Le

    soliloque : faux

    dialogue,

    vrai entraînement

    Qu'est-ce que le soliloque ? Goffman (1981

    :75-91)

    parle à

    ce

    sujet d'«

    autocom

    munication », et il

    observe

    que,

    dans

    notre

    société tout

    au moins,

    le

    soliloque n'est

    pas

    jugé

    digne de constituer

    une

    occupation officielle de son émetteur-destinataire.

    Parler tout

    seul

    est

    frappé

    de

    tabou

    et, quand

    il est

    surpris à parler tout

    seul,

    l'individu

    s'arrête de

    parler, comme pour

    privilégier la

    nouvelle

    situation suscitée

    par l'interlocuteur potentiel qui se présente.

    Goffman souligne

    cependant

    le

    caractère

    ordinaire

    et

    fréquent du phénomène.

    Selon lui, le soliloque

    «

    autorisé

    »

    c'est-à-dire

    en l'absence de tout

    auditeur,

    «

    existe

    en

    tant qu'il est

    une

    imitation

    de quelque chose

    qui

    trouve

    son

    origine première et

    naturelle

    dans

    la

    parole

    entre

    personnes,

    laquelle

    implique

    à

    son

    tour

    une

    rencontre

    93

  • 8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)

    11/17

    sociale

    et

    une disposition des participants

    qui

    entretiennent

    cette rencontre »

    (p. 90).

    Soliloquer

    en privé revient finalement à « mimer

    la

    conversation

    et

    à en

    modeler

    la dualité complémentaire ». Cette forme d'interaction se caractérise au

    fond

    par le fait

    qu'elle

    se

    présente

    comme une

    «

    modalisation

    » du dialogue (au

    sens

    de Goffman,

    1974/1991 trad.).

    С

    a

    donc

    l'habitude

    de

    soliloquer,

    «

    depuis

    toute

    petite

    »,

    dit-elle.

    Et

    elle

    s'est

    mise

    à le

    faire tout

    naturellement

    quand

    elle a commencé à apprendre

    des langues

    étrangères : avec l'anglais d'abord, puis avec

    le

    français. Les

    soliloques

    de С

    prennent tous

    la forme

    d'un dialogue,

    reconstruit,

    entre

    deux locuteurs : С et son

    double,

    c'est-à-dire

    Cl et C2, qui commentent, racontent,

    analysent,

    reviennent sur

    des événements récemment vécus

    par C.

    La

    fonction

    envisagée de

    ces

    soliloques est, de toute évidence,

    et

    parce que

    С

    s'y

    exprime en français, l'entraînement à l'automatisation des connaissances langagiè

    rescquises ou abordées explicitement ou implicitement par ailleurs.

    Concrètement,

    С manifeste ici sa «

    conscience d'apprenant

    »

    au sens où elle

    se

    livre

    à

    un

    véritable

    travail d'apprentissage

    en

    se mettant

    en

    devoir

    :

    1.

    de réinterroger,

    dans

    ce cadre imité, les savoirs en cours d'acquisition et d auto

    matiser,

    quand

    cela

    est

    possible,

    les

    hypothèses

    confirmées,

    2

    de

    revivre

    des situations dialogiques en tenant

    son

    rôle d'interactant,

    3.

    d'accomplir des

    tâches

    discursives,

    telles

    que raconter, faire des

    reproches,

    se

    justifier,

    expliquer, en

    intégrant le

    tout dans un discours

    cohérent.

    IV.2. Le soliloque,

    contrôle

    des

    productions linguistiques

    Le

    soliloque permet à С de

    s'entraîner

    dans la L2, en

    exerçant

    sur ses product

    ions

    n

    contrôle

    qui

    trop

    souvent

    est

    vécu comme perturbateur

    dans

    les

    conversat

    ions.

    es activités reflexives

    y

    sont très visibles. La comparaison des dialogues et des

    soliloques

    (Li, 1998) souligne

    la présence

    plus importante, dans

    les

    soliloques, des

    interventions reflexives

    auto-initiées

    telles que

    autocorrections,

    reformulations,

    rares dans

    les

    dialogues familiers.

    Ces interventions

    reflexives concernent,

    avec une

    certaine régularité,

    le contrôle

    de zones morphologiques identifiées comme

    problématiques et délaissent

    d'autres

    domaines

    comme

    le

    système

    phonologique

    (j'endente

    pour j'entends, mangue pour

    manque ne

    sont

    pas

    relevés).

    Cela confirme l'observation faite

    en

    III sur

    le risque

    de

    stabilisation

    de

    certains aspects

    du système

    linguistique

    de l'apprenant.

    С

    semble

    plutôt privilégier

    et

    retravailler

    des

    points

    sensibles

    qu'elle

    choisit

    elle-même. Reprenant

    les

    propos bien connus

    de Vygotsky,

    on pourrait

    dire

    que

    l'apprenante С reprend seule ici, pour continuer

    à

    apprendre, ce

    qu'elle a

    d'abord

    appris à

    faire

    avec

    les

    autres, en cours

    de

    langue

    par

    exemple. Elle analyse ainsi des

    formes, des

    structures d'énoncés qui ne

    lui sont

    pas du

    tout inconnues

    :

    le

    genre des

    noms, la morphologie

    verbale.

    Elle

    travaille

    moins les formes isolées,

    qui

    sont plutôt

    maîtrisées,

    que

    leurs combinatoires,

    avec la

    négation, avec

    les

    pronoms clitiques,

    avec

    l'un

    et l'autre. Elle produit, corrige, essaie des

    formes

    mémorisées, en cours

    de

    mémorisation

    ou

    hypothétiques,

    qu'elle

    compare entre elles. Ce

    sont

    des

    formes

    issues soit de modèles entendus, variables selon

    les

    interlocuteurs, soit du modèle

    unique,

    parfois

    idéalisé,

    qui

    lui

    a

    été

    exposé

    dans

    des

    discours

    d'autorité

    :

    cours,

    94

  • 8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)

    12/17

    manuels,

    séquences

    pédagogiques

    avec natifs (comme P)

    recommandant

    les formes

    « seules

    correctes

    », soit

    de formes

    idiosyncrasiques La question

    qu'elle

    se

    pose

    alors est

    celle de la

    reconnaissance

    de

    ces formes. Ses conduites ou

    réactions

    discursives montrent qu'elle reconnaît bien, peu

    ou pas

    du tout ces

    formes

    Plusieurs

    cas de figure se présentent

    :

    elle refuse

    la

    forme

    et

    la

    remplace

    par

    une

    autre

    qu'elle

    reconnaît

    immédiate

    ment

    j'ai

    appuyé

    le +++

    comment

    dit

    ça

    ? le

    sonnette/la sonnette (Cl, 50)

    elle essaie

    une

    forme,

    puis une autre

    qu'elle

    refuse encore pour aboutir

    à une

    troisième forme qu'elle reconnaît

    :

    j

    ai

    pas/j y pas/j y ai

    pas

    pensé

    (Cl,

    32

    — ou encore elle

    se

    propose

    hypothétiquement

    une

    forme

    qu'elle refuse,

    qu'elle

    remplace

    et qu'elle

    abandonne,

    insatisfaite,

    quitte à y revenir plus tard. Ainsi :

    j'attends

    pa/

    [pasjâ]

    ?

    fin

    j'attends

    avec

    /

    avec

    mes

    patients

    (=avec

    patience)

    et

    euh

    maie

    je vois pas...

    (Cl,

    81)

    où С ne

    parvient

    pas

    à

    former l'adverbe

    patiemment

    (sans

    doute parce que

    sa

    compétence morphologique actuelle l'amènerait à

    former

    [pasjâmâ],

    qu'elle ne

    reconnaît

    pas). Elle

    tente alors une

    reformulation

    dans

    laquelle,

    malheureusement,

    elle

    ne peut faire la distinction

    entre patient

    et patience. D'où l'abandon.

    L'absence de nouveaux

    modèles,

    de réactions fournis par des interlocuteurs

    réels,

    prive С

    d'aide

    ou

    de nouvelles

    remises

    en cause de

    son système

    provisoire. Ce

    sont les

    limites

    de

    l'activité. Le soliloque offre cependant un

    avantage : il

    laisse à

    С

    le

    temps de

    concentrer son attention

    sur

    des

    formes et structures instables.

    Elle a

    davantage

    de

    temps

    pour

    s'entraîner

    et

    elle

    en profite

    sans

    crainte,

    se

    permet

    hésitations, interruptions,

    bafouillements

    fréquents et pauses longues, meublées

    souvent cependant

    par

    les phatèmes courants.

    Il est

    difficile d'évaluer le rôle du

    magnétophone dans

    ces

    pratiques particulières

    Les problèmes ne

    sont

    pas masqués,

    ils

    sont plutôt

    banalisés,

    tout en

    restant

    repérables par les

    indices habituels

    — silence, auto-interruptions, auto-

    interrogations — et les procédures courantes : phatèmes,

    faux

    départs,

    approximat

    ionseformulations.

    Puis,

    parfois, C, qui raconte

    une panne d'ascenseur,

    prend

    le

    temps de

    s'interrompre

    et de revenir sur une forme en voie d'acquisition pour

    l'auto-corriger très

    explicitement

    :

    et

    j'ai

    pas/j'y

    pas

    pensé/j'y

    ai pas

    pensé

    tout

    à coup

    jusqu'au

    ++

    jusqu'au

    troisième

    étage

    j ai++j ai senti ai senti

    ?

    /je me suis nonj ai senti hein bon

    I

    с

    'est

    arrêté

    il

    ne bouge / il

    n'a

    pas bougé

    et

    au

    bout

    de cinq minutes j'ai j'ai

    même

    pas +++ c'était

    étranger

    j'ai

    même

    pas

    m'inquiété

    bof je croyais que c'était bon un

    petit

    problème bon

    ça

    va et cinq

    minutes

    après

    il va

    reprendre ils

    allaient marcher comme

    d'habitude

    /

    Eh non

    с

    'est pas ça

    que je

    veux dire non hein au début de

    cinq minutes

    je ne me suis

    pas

    inquiétée du tout

    parce

    que

    je crois

    que

    toujours

    il

    y a

    quelqu'un dans dans

    l'école ce n'est

    pas

    à l'heure de +++

    rentrer cinq

    heures après-midi ça va

    il y a

    encore des mécaniciens et il y

    a

    encore des

    concierges

    en

    bas donc j'ai même pas inquiété

    (C,

    1)

    En fait, par opposition

    à

    l'urgence

    ou

    aux évitements

    habiles

    des dialogues

    réels,

    le

    temps semble jouer

    un rôle-clé dans

    ces soliloques,

    le

    temps d'accomplir la

    tâche

    tout

    en

    revenant sur ses

    dires,

    le temps

    d'apprendre

    tout

    simplement.

    95

  • 8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)

    13/17

    Dans

    toutes

    ces

    situations, comme

    le

    montre l extrait ci-dessus, on constate que

    l'attention de

    С

    oscille entre le

    contrôle attentif de

    formes (auto-correction poin

    tilleuse, approche progressive : j ai pas/j'y pas pensé/j'y

    ai

    pas pensé), même

    irruptif

    et

    explicite (eh non c'est pas

    ça

    que je veux dire non

    hein....) et

    le

    laisser-aller d'énoncés inachevés (j'ai senti hein

    bon/

    c'est arrêté) ou

    plus

    conformes

    à

    ses

    règles

    provisoires (retour

    final

    à

    la

    formule

    :

    j ai

    même

    pas

    inquiété)

    pour

    poursuivre la tâche. Sous toutes ces formes cependant,

    le

    contrôle concerne des

    règles linguistiques en cours de conceptualisation et d'automatisation. Pour l exem

    ple

    i-dessus, dans

    cette zone de

    proche

    développement des formes du passé composé

    des verbes

    réfléchis,

    С

    a sans doute maintes

    fois pu

    trouver

    la

    bonne

    formulation

    avec

    l'aide

    de

    l'autre.

    Mais

    elle a besoin

    d'y revenir seule,

    on le

    voit.

    Comme

    tous les

    apprenants, elle a besoin de

    temps et

    pas

    seulement

    de corrections.

    Ce temps et cette attention

    que

    С consacre

    à ses dires lui

    permettent aussi et

    surtout de s'investir

    dans l'organisation

    du dialogue et de la

    tâche

    qu'elle

    simule

    en

    soliloquant.

    C'est

    cette

    orientation

    qui sera

    examinée dans

    ce qui suit.

    V.3.

    Le

    soliloque, activité

    d'entraînement langagier

    pluri-niveaux

    lue

    soliloque, tel

    qu'il est

    conçu par C, se présente surtout

    comme

    une activité

    d'entraînement pluri-niveaux à l'énonciation

    dialogique. On

    y

    retrouve,

    reproduits

    et contrôlés

    par l'apprenante, les aspects

    qu'elle

    perçoit

    comme

    les plus caractéris

    tiquesu

    dialogue

    : la mise en scène

    et

    l'organisation de la conversation,

    la gestion

    des relations intersubjectives et la structure de la tâche, l'ensemble cadrant le travail

    sur

    les formes linguistiques.

    la

    mise

    en

    scène du

    dialogue

    :

    С

    dessine

    un espace interactionnel

    dont

    les caractéristiques formelles sont celles

    du

    dialogue.

    Comme au théâtre,

    С

    reproduit la

    vie

    en

    imitant

    des échanges, en

    simulant des comportements de locuteur,

    s 'arrêtant,

    dit-elle,

    à

    la limite du

    non-

    verbal, se déplaçant peu cependant et limitant ses gestes.

    Quand le rideau s'ouvre, en fait

    quand

    le soliloque commence, les deux person

    nages ont en place. Et,

    tout

    comme

    dans

    un

    dialogue

    qui se

    poursuivrait

    entre

    deux

    personnes

    proches,

    l'un

    des personnages engage la conversation selon les

    méthodes

    et

    avec

    les outils

    discursifs

    rituels

    reconnus

    :

    Extrait n° 5 :

    1C2

    2 Cl

    3C2

    4 Cl

    5C2

    6 Cl

    C, je vais te dire, tu es trop gentille

    Pourquoi ça

    ?

    Ben

    parce

    que +++

    tu

    es trop gentille

    et tu

    sais pas/

    tu

    sais pas de de

    refuser

    Ben tu as raison

    Par

    exemple hier soir ton voisin t'a téléphoné

    à

    quatre

    heures

    tu sais

    même

    pas de

    se fâcher

    Mais si je me suis fâchée et je me suis

    dit pourquoi il

    m'a

    téléphoné ?

    (C

    2)

    C2

    entre en matière en introduisant

    le

    topique, se

    donnant ainsi

    l'occasion

    de

    revenir

    sur

    des expériences qu'elle a récemment vécues

    et qui ont déjà pu

    faire

    l'objet

    d'échanges

    verbaux. Elle

    ne

    se

    lance

    pas

    vraiment

    dans l'inconnu,

    ce

    qui

    peut

    96

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    expliquer

    sa

    compétence

    et son aisance

    à utiliser

    les marqueurs d'ancrage

    : méta-

    discursif (je vais te dire)

    puis

    évaluatif (tu es

    trop

    gentille). Cet

    usage

    est fréquent

    lorsque l'on veut se préparer

    à faire

    des confidences ou des

    reproches à

    un(e) ami(e).

    Il

    est

    suivi du marqueur d introduction

    explicite

    : par exemple.

    Cette reprise-imitation du

    cadrage et

    du

    déroulement

    de l'interaction

    à l'aide

    de

    formules

    automatisées

    permet

    à

    С

    de

    se

    glisser

    dans

    les

    rôles

    sociaux

    ou

    à

    des

    places

    (ici l'amie donneuse

    de

    conseils) dont

    elle

    observe

    les

    manifestations autour

    d'elle.

    Le

    soliloque lui

    offre

    un avantage : même si elle s'interrompt, bafouille, hésite,

    recom

    mence,

    abandonne,

    elle peut poursuivre son élaboration

    au

    niveau de la mise en

    scène sans perdre la face en

    suscitant

    des réactions quant

    à l'étrangéité

    de

    ses

    formules.

    C'est

    dans

    ces

    conditions rassurantes

    que la conversation peut se dérouler

    au gré de С et que celle-ci

    peut

    se construire comme acteur de sa parole en

    L2

    -

    l'art de

    converser :

    С

    joue

    les deux

    rôles

    et

    s'entraîne

    doublement

    à

    prendre

    son tour

    de

    parole

    dans

    la conversation. Elle

    utilise

    :

    -

    les formules

    d'ouverture

    déjà

    entendues,

    et

    parfois légèrement « personnalisées »

    1 Cl

    : salut

    2

    C2

    : ça va ?

    3 C3 : oui

    ça

    fait longtemps qu'on

    ne

    se voit pas (C 13)

    ou avec décalage d'une réplique par rapport

    à

    la réplique

    précédente

    :

    1

    Cl

    : je vais te raconter ++

    une

    chose

    extraordinaire

    2 C2

    :

    quoi

    de

    neuf

    ?

    -

    les formules de relance ou de maintien de l'activité (narrative par exemple) :

    7 C2

    : mais pourquoi

    tu

    ne refuses pas ? (C. 2)

    ou

    8

    C2

    :

    et

    en fait ça t'arrivait

    comment

    ? (Cl)

    -

    les

    formes

    de contradiction qui,

    au

    lieu d'apparaître comme

    formes

    monologiques

    de

    modification

    de son dire, prennent tout naturellement la

    forme

    dialoguée de la

    paire

    adjacente

    :

    6

    C2

    :

    (...)

    ça

    fait

    quand

    même

    quatre

    ans

    que

    tu

    restes

    ici

    7 Cl : NON, pas vraiment quatre ans, presque quatre ans, oui c'est vrai

    que ma

    famille me

    manque (C.

    13)

    -

    les marqueurs

    d'intersubjectivité

    — tu vois, tu sais, hein...— pour prendre

    l'interlocuteur

    à

    témoin :

    9

    Cl

    : J'en ai pas

    pour

    l'instant,

    mais tu

    sais

    mon

    voisin, il

    a

    dans son

    travail il a

    un

    ordinateur (C

    13)

    - les marqueurs de reformulation

    enfin,

    fin

    :

    39

    Cl

    :

    je

    n'ai

    pas

    I

    je

    n'ai

    pas

    resté

    I

    fin

    je suis

    pas

    restée

    debout

    comme

    ça (C

    2)

    97

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    15/17

    -

    les indicateurs de clôture,

    d'abréviation,

    d'inachèvement — bon, tout

    ça

    :

    8

    Cl

    :

    ...j'ai

    dit

    non

    j'ai déjà dormi...

    tout ça

    mais

    bon

    (C2)

    La clôture qui intervient en fin de soliloque, un peu théâtralisée elle aussi,

    marque parfois le retour

    au

    niveau de l'exercice :

    je

    sais

    même

    pas

    qui

    c'était

    +

    point

    final

    (C

    1)

    il

    faut

    savoir quelque

    chose comme

    technique

    à à parler voilà (C 4)

    Dans ces

    conversations

    imitées,

    une grande attention

    est

    accordée à la conduite

    d'énonciateur interactant, aux actes de

    paroles, au

    sens à communiquer, à la

    force

    illocutoire de la parole. Ce traitement conversationnel

    et

    énonciatif prend le pas sur

    le traitement des formes linguistiques qu'il encadre

    comme

    ici :

    63

    C2

    : c'est une expérience

    parce

    que

    j'ai

    jamais

    hein

    +++

    j'ai jamais

    coincé/ je ne

    me

    suis jamais

    coincée dans l'ascenseur

    jamais (C 1)

    La

    dimension « double point de vue »

    du dialogue

    atteint forcément

    ses limites

    ici,

    puisque

    physiquement

    il

    s'agit

    d'une

    seule

    personne,

    d'une

    seule

    voix.

    Le

    face-à-face corporel

    et les

    indices

    qu'il fournit

    manquent donc. La connivence

    est

    certes parfois « jouée ». Mais la surprise, fréquente dans le dialogue, ne peut

    apparaître en

    tant

    que

    telle,

    dans la mesure où aucune réponse, aucune réaction,

    n'est

    vraiment inattendue. :

    1 Cl

    :

    Ce

    soir, j'ai dîné

    avec

    une amie

    euh c'est

    une

    amie de mon enfance

    elle

    s'appelle

    Shu-Yuan. tu la la connais non ?

    2

    C2

    :

    Ouais

    je la

    connais

    mais pourquoi

    elle est venue

    en

    France

    ? (C4)

    Cette remarque

    concerne

    aussi bien le

    contenu

    que

    la langue.

    Et,

    justement,

    cela fait

    partie

    du

    caractère rassurant de l'exercice.

    L'hétérogénéité des genres, trait caractéristique de

    la

    conversation,

    caractérise

    aussi ces

    soliloques

    : les

    séquences

    conversationnelles se

    transforment en

    récits

    commentés composés de longues plages monologuées,

    incluant

    les discours

    rapportés

    de certains acteurs

    et

    des remarques du locuteur-apprenant lui-même :

    je lui

    ai posé une

    question ,

    elle

    m'a

    posé

    une

    question. .après

    moi je lui

    ai dit. .(C 4)

    la

    reproduction des discours

    entendus

    :

    Source importante

    d'hétérogénéité

    discursive,

    le

    discours rapporté est l occa

    sion

    our

    С

    d'endosser des rôles

    variés. Une

    fois, elle

    évoque

    le rôle,

    qu'elle

    a déjà

    joué,

    de

    l'expert

    en

    français. Elle

    rapporte

    les discours

    tenus

    à

    une

    amie

    taïwanaise

    venue lui rendre visite.

    Il

    s'agit largement de discours circulants (d'enseignants ou

    de manuels)

    qu'elle

    retransmet à

    son tour et qui

    peuvent

    avoir

    une fonction auto-

    renforçatrice

    sur

    les représentations métalinguistiques de C.

    20 Cl : et

    avant

    de +++ son

    départ elle

    m'a

    demandé

    +++ des choses comme grammaire

    parce qu'elle ne connaissait pas bien la différence entre

    le

    passé composé

    et

    l'imparfait

    je crois à ce moment elle a du

    mal

    à distinguer les deux

    euh bon

    je lui

    a

    expliqué / je lui ai expliqué et bon j ai un peu simplifié parce que tu sais la

    grammaire

    française с

    'est très

    compliqué

    si

    on veut

    tout raconter à un

    débutant

    c'est un peu difficile

    à

    comprendre donc j'ai simplifié un peu je lui ai dit +++

    passé composé

    ++ с

    'est

    quand on

    a fini

    euh

    quand

    on

    a

    fait une

    action

    on

    a fini

    c'est

    un

    passé

    composé

    par

    exemple

    tout

    à l'heure

    on

    a dîné

    on

    a

    discuté

    depuis

    98

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    situation

    « délicate » qu'il s'efforce d'oublier et

    de

    faire

    oublier quand cela

    est

    possible.

    Au

    point que

    de

    nombreux alloglottes

    évitent de signaler

    leur

    incompré

    hension Bremer

    et al.,

    1996).

    Cette

    gêne, cette menace même,

    est

    clairement

    ressentie

    et exprimée

    par les apprenants avancés

    comme С

    :

    je

    comprends

    grosso

    modo,

    j

    'ai une compréhension globale

    et

    ça

    suffît parce

    que c'est

    pour

    la

    continuité/continuité

    de de de

    discussion

    +

    je

    cherche

    pas

    de

    demander,

    de

    solliciter

    chaque fois s'il

    y

    a

    des mots que je comprends pas. Euh je voulais pas interrompu/

    interrompre/je

    voulais

    pas interrompre donc si je peux avoir

    une

    compréhension globale

    ça va

    donc

    je ne cherche pas de préciser tous

    les

    détails.

    La focalisation sur les difficultés entre donc

    souvent

    en

    contradiction

    avec

    le

    désir de

    l'alloglotte

    de se conduire, et d'être considéré,

    comme

    un interlocuteur-

    interactant légitime et autonome. Si

    ce

    dernier est cependant désireux de

    poursuivre

    son

    apprentissage, il

    peut alors

    mettre au point

    une

    stratégie qui

    lui

    permette, tout en

    poursuivant ses activités sociales,

    de se

    ménager des activités d'entraînement.

    L'une

    de

    ces activités d'apprentissage, parmi d'autres, est,

    pour

    C,

    le soliloque, activité

    inspirée

    par

    une expérience d'apprenant (habitudes d'enfance et découverte fugace

    de

    la méthodologie

    fondée

    sur

    le dialogue), une culture (importance accordée à

    la

    répétition

    et

    imitation dans l'apprentissage), des

    objectifs

    immédiats

    (interagir

    sans

    heurts au niveau quotidien)

    et

    à plus

    long

    terme (développer ses compétences

    langagières).

    L'avantage du soliloque est qu'il reconstitue un espace

    dialogique

    qui prend en

    charge à la fois la construction de la compétence

    linguistique

    et

    celle

    de la compétence

    langagière

    qui

    l'inclut. Les formes linguistiques

    font

    l'objet d'un travail métalinguis-

    tique

    important

    : « mécanisation » de formes attendues et «

    problématisation

    » de

    formes

    concurrentes.

    Quant

    à

    la

    compétence

    langagière,

    С

    s'appuie

    sur son

    insertion

    sociale

    et sa familiarisation

    avec

    des discours situés et variés,

    pour

    imaginer des

    activités d'entraînement motivantes et personnellement impliquantes.

    Dans l'ensemble de

    la

    démarche,

    ce qui

    s'impose surtout c'est l'interrelation

    entre les activités

    de l'apprenant.

    D'abord,

    en effet, les

    soliloques comme

    production/imitation par l'apprenant de conversations en L2

    nous

    permettent d ob

    server

    comment celui-ci

    se construit un modèle de la conversation en

    français,

    comment il

    observe

    ce modèle et

    le

    pratique. Cette pratique

    nous

    indique en

    même

    temps comment l'apprenant se

    représente,

    en partie, l'apprentissage

    comme

    entra

    înement

    répété et

    continu,

    comme analyse-construction

    de règles, mais

    aussi comme

    activité

    interactionnelle

    impliquante.

    Enfin,

    ce

    qui

    est

    intéressant,

    c'est

    la

    continuité

    entre les

    activités d'interaction et les

    activités

    d'entraînement. Tout e passe

    comme

    s'il

    n'y avait

    pas de rupture

    entre

    ces activités, comme si

    le soliloque,

    loin de

    s'opposer, comme

    un monologue,

    au

    dialogue, était le

    prolongement

    des

    interactions

    passées,

    se nourrissant des expériences vécues, des questions posées, des modèles

    proposés

    non

    pas

    simple

    répétition-reproduction

    de ces

    interactions

    mais re

    création d'objets

    discursifs différents

    en

    situation sur

    des bases de connaissances en

    voie

    d'intériorisation, et tremplin d'interactions

    futures.

    C'est en cela peut-être que

    cette analyse peut contribuer à l'exploration de l'interactivité constructive de

    savoirs.

    100