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MME Marie-Thérèse Vasseur
Dialogues, soliloques et projet d'apprenant chez une étudiante
avancéeIn: Langages, 33e année, n°134, 1999. pp. 85-100.
Abstract
This case study focuses on one particular learner's particular practice of « technical reiteration » in soliloquies, besides other
intercultural communicative tasks. The interest of such a case is that it emphasizes the fact that the learner may, in some
situations, conceive and organise her « second language training » as based on the whole activity of task achievement. The
analysis shows that the learner may focalise and organise her reflexive activities on the interactional event as a whole. This does
not mean that she is not interested in linguistic forms but it highlights the fact that she also gives importance to other aspects and
levels which constitute interactions. This case and similar ones tend to indicate that focalising on and negociating linguistic forms
is not the only way of conceiving L2 learning and acquisition (or of studying it) .
Citer ce document / Cite this document :
Vasseur Marie-Thérèse. Dialogues, soliloques et projet d'apprenant chez une étudiante avancée. In: Langages, 33e année,
n°134, 1999. pp. 85-100.
doi : 10.3406/lgge.1999.2194
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1999_num_33_134_2194
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lgge_197http://dx.doi.org/10.3406/lgge.1999.2194http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1999_num_33_134_2194http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1999_num_33_134_2194http://dx.doi.org/10.3406/lgge.1999.2194http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lgge_197
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Marie-Thérèse
VASSEUR
Université René Descartes-Paris
V
UMR 8606, CNRS
DIALOGUES.
SOLILOQUES
ET PROJET
D APPRENANT
CHEZ UNE
ÉTUDIANTE
AVANCÉE
I. L'interactivité
constructive
Mise en œuvre de moyens
cognitifs,
symboliques et sociaux, pour accéder à de
nouveaux
savoirs
ou savoir-faire, l'appropriation de la langue, comme
son
exercice,
n'est
pas
une activité solitaire. Dès
l'enfance,
l'accès de l'être
humain
aux
connais
sances st médiatisé, en particulier par un
autre
être humain
plus
expert, qui est
souvent,
mais
pas
toujours,
le
parent.
Ces
formes
d étayage
offert par
l'adulte
à
l'enfant
(Bruner, 1983) sont
diversement réparties, inégalement
explicites et
varia
bles elon les sociétés (Schieffelin
Ochs, 1986).
Elles
visent toutes
cependant
à lui
apprendre à
devenir
un membre compétent
et
socialisé
de la
communauté. Selon
Vygotski (1935/85),
cette régulation
sociale des apprentissages
est
intériorisée
et
en
quelque sorte
reconstruite
sous la
forme de savoir-faire individuels internes (fonc
tionspsychiques supérieures). La collaboration interactive ou hétéro-régulation
sert
ainsi
de modèle au
discours
intérieur ď
autorégulation ou
collaboration
avec
soi-
même.
Reflet et intériorisation de la collaboration avec
l'autre,
la collaboration avec
soi-même
repose sur une
reflexivitě
contenue naturellement dans
le
langage.
Cette
reflexivitě est double : la réflexivité-négociation
avec
l'autre est en même temps
une
réflexivité-écoute de soi.
Dans
la construction habituelle du sens avec
l'autre,
chacun prononce les mots
à
l'adresse de soi et de l'autre. «
Je
me dis ce que je dis »
rappelle
F.
Jacques
(1988).
Le locuteur
se divise par
une double écoute,
comme
s'il
«
entendait
double ». « II invente ou s'approprie des discours qu'il expérimente
et
met à
l'épreuve de
l'autre.
et de
lui-même
».
L'accès à une L2
n'échappe
pas à
ce
principe.
Au-delà
de l enfance, le processus
de l'appropriation se fonde sur
l'«
accès continu » aux modes de constitution des
savoirs précoces
i.e. aux activités interpsychiques (Frawley Lantolf, 1985), tout
autant
qu'aux
activités
intrapsy
chiques.
La
construction
des
savoirs engage
donc
toute la
personne dans ses aspects psychiques
et
sociaux.
Elle
fait
intervenir
l his
toire personnelle,
les expériences, les rencontres et les
représentations élaborées
au
fil
des événements langagiers auxquels le locuteur
a participé.
Les savoirs et
savoir-
faire
langagiers sont
issus de ce
parcours. Ils sont l'aboutissement,
parfois seulement
ébauché,
jamais
achevé, en L2
comme
en
Ll, de
cette
alchimie
complexe.
Dans
cette perspective, l'étude de l'acquisition d'une L2 ne peut se limiter à la
mesure
de l'accroissement
des
formes
et
des
structures
composant le nouveau
répertoire.
Il
nous faut
aussi
analyser
comment
le locuteur
gère la double interacti-
1.
Mes
remerciements à
Jo
Arditty
pour
sa lecture
constructive
de ce
texte.
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vité
qui lui permet de
contrôler
et
développer ses
nouveaux
savoirs
et
ses nouvelles
capacités.
Cette
préoccupation
explique à
la fois
le développement des
études
d interactions sociales
diversifiées,
naturelles
ou
expérimentales (Arditty-Prodeau
et
Krafft
Dausendschôn-Gay
ici même)
et
l'intérêt pour les tâches métalangagières
dites d'« introspection
» (Faerch Kasper, 1987)
au
cours desquelles le locuteur
apprenant
interagit
(ou
est conduit
à
interagir)
en
quelque
sorte
avec
lui-même
comme
locuteur plus ou moins compétent, dans des commentaires (Perdue, 1984),
bilans, journaux personnels (Schmidt Frota,
1986)
etc.
Ces
activités offrent
un
aperçu de la façon
dont
l'apprenant conçoit et organise
ses
activités intrapsychiques,
que cela se
traduise
par
le contrôle des formes,
la
gestion des tâches collectives ou la
mise en place d'une compétence. Tout autant que l'étude du système linguistique,
l'étude de ces activités
d'interaction
avec l'autre et avec soi-même
devrait
donner
accès à
la logique
interne de l'apprenant.
C'est
dans
cette
double perspective,
interactivité et réflexivité, que seront
ana
lysées et confrontées les activités de dialogue et de soliloque d'une apprenante
avancée.
Il peut
sembler paradoxal de
revendiquer une
vision
essentiellement
interactionnelle
de
l'acquisition
et
de
présenter
un
cas
où
le
travail
solitaire
occupe
une si
grande
place. Il s'agit
justement
de montrer comment un alloglotte intègre
les
deux types
d'interactivité
pour en capitaliser les effets combinés,
comment il
exploite
personnellement des fonctionnements «
normaux
»
poussés
au
maximum. Ces
fonc
tionnements
sont ceux
ď
« apprenants » En effet,
tous
les
alloglottes
ne sont
pas
des
apprenants.» L'apprentissage
», dit Bange (1992a), «
est
un
but
que peut se donner
(ou ne
pas
se donner) le locuteur non-natif ». Est « apprenant » le locuteur qui
considère le matériau linguistique
et
communicatif
comme
objet
d'appropriation et
qui mobilise,
dans
ce but,
ses
facultés d'attention, de mémorisation, d'analyse et de
généralisation,
même de façon
variable
ou
intermittente.
La
locutrice
C,
dont
il
est
question
ici,
présente ces
caractéristiques.
Les
activités
d'interaction
auxquelles
elle
participe (conversations) ou qu'elle « orchestre » (soliloques) illustrent, d'une fa
çon
personnelle, ses représentations
et son projet d'apprenant. С
est aussi parce que
l'apprentissage organisé
de
С
regroupe
des activités
sans doute plus
dispersées
chez
d'autres apprenants que son cas nous intéresse.
II. La locutrice
:
aspects biographiques,
horizon
social et culturel et
interactions
On
identifie souvent
les locuteurs alloglottes
par
leur appartenance à des groupes
constitués autour des situations
qui
cadrent leurs
interactions
verbales dans
la
langue. Leurs
façons
de
parler
et
d'apprendre
sont
ainsi
mises
en
rapport
avec
la
migration
économique, le milieu scolaire, le déplacement professionnel... qui, en
quelque
sorte,
les
définissent... En désignant ainsi des populations (de migrants,
d'élèves,
de professionnels. ..), on tend alors à minimiser
l'histoire
et
le
parcours
de
la personne, les habitudes sociales
et
mentales
qu'elle
s'est ainsi constituées et
l'importance
et l'impact des interactions vécues au
jour
le jour
sur son devenir
bilingue. Afin d'éviter cette typification hâtive, la présentation faite ici sera donc
détaillée.
Il s'agit d'une jeune femme de langue
taïwanaise,
apprenant
le français,
actuel
lement en situation
d'immersion naturelle. Passée
d'abord
par un apprentissage
institutionnel
local
à
Taïwan,
elle
s'est
ensuite
retrouvée
en situation
mixte
en
France
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où
elle a suivi un cours de français pendant un an,
avant d'intégrer
l'université au
niveau de la licence.
Trois
caractéristiques se dégagent du profil de l'apprenante :
distance linguistique,
stade
avancé,
milieu
naturel.
II. 1. Distance linguistique et culturelle
La
langue d'origine
de
l'informatrice
est le
taïwanais,
langue
proche du
mandar
inqu'elle parle aussi)
et
dont la structure est en effet
assez
éloignée
des langues
européennes. Cette langue et la culture,
y
compris la culture
d'apprentissage
qui
y
est
associée,
influencent nécessairement
les attitudes,
réactions
et
comportements du
locuteur
qui
accède à une
langue
occidentale,
c'est-à-dire d'abord
l'anglais, puis le
français
Cette influence concerne la
construction
du système
linguistique,
la
construction
de l'interaction, aussi bien
que la
construction
de
l'apprentissage. Ainsi,
l'étudiant
chinois
ou taïwanais se présente en général
comme
non-expert,
mais
aussi comme
apprenant évaluant assez
négativement sa
compétence. Dans les interactions,
il
signale le moins possible ses difficultés
et
incompréhensions
En
situation
d'apprent
issage
uidé,
à
la sollicitation
et
la
co-construction,
il
semble
préférer
la docilité
et
le
travail solitaire
à
partir d'outils écrits. « II faut un livre, sinon on ne
travaille
pas
sérieusement », dit une taïwanaise en stage de langue.
С
elle-même résume le profil
de
l élève
chinois : « c'est comme
le
canard
ou le
foie/le
le oie
+ (rires)
on lui a
forcé
de manger les savoirs tout
ça
»
2.
L'expérience scolaire
sert d'arrière-fond
à l'expérience vécue
par la suite en
France.
Dans
le
système éducatif d'origine, l'enseignement
de
la langue étrangère se
passe surtout en Ll, la
plupart
des supports sont des manuels,
source
de par cœur,
et
des
textes écrits, généralement
littéraires.
Cela dit, il n'est pas
si aisé
de reconsti
tuer
es
construits
linguistiques,
métalinguis
tiques (description
du
français, savoirs
constitués
sur la
langue
et
le
langage)
et
métaméthodologiques
auxquels
a
été
exposée
l'apprenante. Il reste que
cette imprégnation
prolongée
d'une
philosophie de
la
langue étrangère
et
de l'éducation assez éloignée des options de la
culture
d'accueil
ne peut
pas
ne pas avoir influencé
la
représentation de
la
langue elle-même, de la
compétence en langue et de l'apprentissage chez C.
On remarquera néanmoins que, sous l'influence de leurs études de
FLE
en
France,
ces étudiants ont
aussi
tendance
à
observer leur expérience
scolaire
avec
les
mots
(«
méthode
traditionnelle »)
et
le
regard de
leur
interlocuteur français.
Dans le
cas de C, qui
a fait un an l'expérience
d'une méthode
plus
centrée sur
le dialogue,
l expérience
de 3 ans
d'immersion française contribue à troubler plus fortement
les
souvenirs
et
valeurs accordés
à
ses
modes
d'apprentissage.
II.
2. Stade avancé
С
a fait
huit
années
de
français dont quatre années d'études à Taïwan et quatre
de séjour en France. On
peut considérer
qu'il
s'agit
d'une
apprenante
avancée
(AA)
dont les caractéristiques sont les suivantes :
2. Conventions de transcription :
(...) : passage
non cité /
: auto-interruption \ hétéro
-interruption
: elision ( fin = enfin)
+,
++, +++ :
pauses
NON : syllabe accentuée
X: passage
incompréhensible
[...]:
transcription
phonétique
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Lee
premiere contacts
avec le français
ont été uniquement institutionnels
Ils
se
caractérisent par une présence
précoce
de données écrites, avec une focalisation
sur
la
grammaire, et
particulièrement les
formes
morphologiques. Linguistiquement, le
profil de С
correspond à celui d'AA décrit par Bartning
(1997) :
morphologie
« faible » , suremploi de la marque (par exemple passé composé), de
certains
connect
eurs
mais)
et
organisation linéaire des discours narratifs.
L'étrangeté signalée des productions de l'AA est, pour C,
d'abord
perceptible
phoniquement,
ses articulations restant encore
marquées par
le
système phonologi
que la Ll
(qu'elle
pratique encore avec des concitoyens). Mais cette
caractéristi
qust
compensée
par un développement de la fluidité des discours, favorisé sans
doute
par la
situation
d'immersion
vécue
depuis
quatre ans.
Ajoutons à
ce
descriptif les capacités de synthèse, d'objectivation et de réflexion
métalinguistique soulignées
par
Porquier
et
Vives
(1993) comme
caractéristiques des
AA
et
qui, selon
ces
auteurs, tendraient à faire de l'apprentissage
avancé
un
« autre » apprentissage.
II.
3. Milieu « naturel » (
?)
L'emploi interrogatif de ce terme souligne la difficulté des définitions et des
typologies
dichotomiques,
en
particulier
celle qui consiste
à opposer le
milieu
naturel
au milieu
scolaire ou l'apprentissage à
l'acquisition
(Krashen, 1978).
On peut entendre par «
milieu
» le cadre permanent (provisoirement parfois) des
échanges
et
des activités verbales du
locuteur,
ici en
L2.
Peut-on, dans le cas des
étudiants taïwanais à Paris, parler de milieu « naturel »
?
La jeune
С
(26 ans) fait
partie
de cette communauté, en
pleine
expansion, des
étudiants asiatiques à
Paris.
Elle mène donc
une
vie
d'étudiant : immergée dans le milieu académique, et
plus
particulièrement
dans
un
département
de
linguistique
où
elle se
prépare
à
devenir
professeur de français
à
Taïwan.
Elle
suit les cours
(qui
ne sont
pas
des cours de
français)
et elle fournit
les
travaux
académiques
dans
la
langue 2. Vivant seule,
mais
dans une résidence universitaire, elle a une
vie et des activités
sociales
qui l'amènent
à
fréquenter
ses pairs, étudiants français
et étrangers et,
hors
de l'université,
des
locuteurs
non
étudiants. Ce contexte,
au sens large et
anglo-saxon du
terme, est
plutôt
ouvert : liberté (relative)
des étudiants,
point de
vue critique
sur la vie
sociale
et politique...
Les
situations et
activités auxquelles
С
prend part
sont
multiples :
groupes de travail,
rencontres
amicales, dîners,
transactions
commerciales, admin
istratives,... à la fois homogènes (vie
étudiante)
et
hétérogènes (vie quotidienne,
relations administratives,
loisirs).
Les langues qui circulent autour de С et qu'elle pratique sont les suivantes :
le
français, majoritaire, le taïwanais avec
les
co-nationaux, le mandarin
avec les
autres
sinophones,
et l'anglais, langue
étrangère, apprise
obligatoirement en premier
dans
les
écoles taïwanaises,
qu'elle utilise
parfois si nécessaire.
L'ensemble contextuel regroupe ainsi des éléments non
modifiables (caractéris
tiquesthniques, sexe, environnement physique,
savoirs
et
expériences), ainsi
que
des éléments négociables comme les relations sociales, les objectifs (Duranti
Goodwin,
1992
; Auer, 1992)
que nous ne
jugeons pas
utile de
découper
en
autant
d'éléments isolés.
Même si,
dans certaines
situations,
l'un
de ces éléments semble
avoir
une influence
particulière
sur
le
déroulement
de
l'échange,
nous
concevons
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l'ensemble
en
termes
de « matrice »
plutôt
que de « facteurs »
d inter compréhens
ionu de malentendu, ainsi que de développement.
II.
4. Diversité
des interactions verbales chez С
Un locuteur
encore
apprenant
mais
possédant
déjà,
comme C, une certaine
compétence
et
une
certaine
expérience du
contact
avec
le
milieu
de
la
L2
qui
l'accueille, a une
vie
quotidienne
dont
les ressources et les exigences peuvent
contribuer à la poursuite du développement de la compétence communicative en L2
Les
contraintes
sont
évidentes
: démarches administratives, suivis de cours, rédac
tions
de dossiers écrits, de
copies
d'examens, exposés
oraux,
lectures (d'ouvrages
spécialisés au moins). Les
contacts
administratifs
et
institutionnels
(avec
les
ensei
gnants par
exemple),
échanges très inégaux
à
la base, nécessitent une bonne com
préhension mais laissent peu de
place
à l'initiative
longue du locuteur alloglotte. Les
contacte sociaux non
contraints
sont plus variables et parfois
aléatoires.
Une
grande
partie des contacts actifs est tout de
même constituée
d'échanges informels et
amicaux
avec
les
pairs
que
С
côtoie
la
plupart du
temps. Ces échanges
peuvent
être
fugaces ou
prolongés,
déterminants ou anodins. Le
focus se
fait
sur
leur contenu
référentiel
et affectif,
non
sur
la langue, même si parfois des problèmes de compré
hension apparaissent. Ils se déroulent dans, autour
et au
dehors
de
l'université
et
recoupent parfois des
contacts non étudiants,
moins prévisibles,
lors
de sorties,
d'invitations...
Si, lors
des activités
académiques,
les exigences linguistiques sont
extrêmement
fortes et surtout concentrées sur l'écrit, ce n'est
pas
le cas des
contacts
péri-
universitaires et non universitaires. Les conversations sont parfois très convenues,
mais leur caractère rituel, banal,
peut
rassurer et cadrer des échanges
souvent
d'une
grande
importance
affective et relationnelle. A quelles activités reflexives tous ces
échanges
font-ils place ?
Comment
se
manifeste
la double
interactivité
évoquée
plus
haut ? Quel projet d'apprenant révèlent-ils ?
C'est
la problématique générale qui
cadrera la présentation faite ici.
Parmi les
activités
auxquelles С
s'est
livrée
au cours
de ces
deux dernières
années, ont
été collectés
des conversations, des
soliloques,
des auto-bilans de com
pétence, des
auto-confrontations.
Toutes
ces
activités
ont été enregistrées
par
С
elle-même,
souvent
à l'insu
de
ses ami(e)s
étudiant(e)s
ou non
étudiant(e)s.
L'analyse se
concentrera
sur
les deux premiers types d'activités : des activités
d'interaction courante en
face
à
face
avec des interlocuteurs natifs familiers
ou
moins familiers, de statut identique (étudiants) ou différent, et des activités de
soliloque,
sans
témoin,
sans interlocuteur.
Mon
intention n'est pas de comptabiliser les
formes linguistiques
produites par
С
pour en mesurer le progrès, mais de comparer ces activités du point de vue de
leur
diversité,
complémentarité et intégration,
de la continuité ou discontinuité du travail
que С
fait
sur la langue et sur
ses pratiques
langagières en L2.
III. Conversations,
variation des
places,
variation des
activités reflexives
Si l'on reprend les définitions d'Arditty
et Levaillant
(1987) et les analyses de
F.
Jacques
(1988),
une bonne
partie des
nombreux
échanges enregistrés de С avec
ses
amies
étudiantes
et
ses
amis extérieurs
au
monde
étudiant
relève
du
genre
«
conver-
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sation ».
F.
Jacques souligne « l'aspect ramifié et ouvert de
ce type
d'échange, avec
ses
réponses inachevées, ses chevauchements, ses répliques soudaines qui modifient
le
tour de parole ». «
Dans
la conversation », dit-il, « on
mêle à
l'envi les tons, les
modalités et les genres
textuels
» Surtout, la conversation se caractérise
par
« une
grande hétérogénéité illocutoire, un certain aléatoire discursif » car sa fonction
est
surtout de « corroborer
l'appartenance
à la
communauté
en retrempant le hen
collectif ». D'où le jeu
entre
les images de soi et les images de l'autre.
D'où
aussi ce
«
fantastique mondain
» (étiquette, topoï,
sujets
de conversation admis
ou
tabous),
dont relèvent d'ailleurs les séquences pédagogiques,
fruits
de l'imaginaire dialogi-
que
des
interlocuteurs
Les
conversations
auxquelles participe С illustrent tout
à
fait cette
description.
Elles sont
marquées par
l'aléatoire, l'hétérogénéité illocutoire
et
l'instabilité des
places,
ainsi que par une grande connivence.
On note
surtout
que les
traces d'activités reflexives
(cf.
ici
même p. 14 et Vasseur/
Arditty, 1996) sont
très
rares.
Un
rapide sondage montre
la différence
entre cinq
différentes
conversations
de 60
à
150
tours
de parole
recueillies
au
cours
du
premier
semestre
1997. Les deux premières colonnes
concernent
des conversations avec des
étudiantes :
G
et V. La troisième
colonne
concerne deux conversations chez P,
qui
n'est pas étudiant :
3
auto
-corr.
/r
eformulat
hétéro-corr./reformul.
séq.
pédagogique
avec G I
/ II
aucune 1
aucune aucune
aucune aucune
avec
V
3
1
aucune
chez
P.
I
/ III
1 1
1 3
2 court 2 très long
Au
cours de ses conversations avec ses amies étudiantes
G
et V,
С
ne s'attribue ou
ne se fait attribuer que très rarement la
place
d'apprenant,
c'est-à-dire qu'elle
participe à très peu de
séquences
reflexives. Les déplacements
sur
la forme linguis
tique
ont extrêmement
discrets, comme
marginalisés.
Au contraire,
dans les conversations avec
P, un ami
n'appartenant pas
au
monde
étudiant,
les séquences reflexives apparaissent
plus
fréquemment. Certaines d'entre
elles sont marquées par de vraies parenthèses
pédagogiques.
P est un interlocuteur
qui s'adonne volontiers
à
ce genre de pratique
et s'attribue
nettement
une
place
d'enseignant.
Dans
les deux cas, ce qui
frappe,
c'est d'ailleurs
moins le nombre
des
séquences
que
leur
développement.
Deux séquences montreront
mieux
que des décomptes le
contraste, non
des
atmosphères générales des rencontres
qui sont les
unes et
les
autres amicales et
détendues,
mais
le comportement
particulier
et
local de natifs différents
qui
ont des
relations contrastées avec C. D'une situation à l'autre, on
notera
l'aisance
avec
laquelle С
enchaîne
sur
la conduite de ses partenaires.
Extrait
n° 1 : С et
G,
étudiante
dans le
même cursus que C, se promènent au jardin
du
Luxembourg. De retour de son
pays, С
a
rapporté
des
gâteaux
pour G
:
1 G : tu es
sûre
que tu ne veux pas de frites ?
90
-
8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)
8/17
2
С
3G
4С
5G
6С
7G
8С
9G
ЮС
11
G
12 С
13 G
14
С
15
G
16 С
17 G
18
С
19
G
20
С
21
G
22 С
23 G
24 С
25
G
26
С
27 G
28 С
29
G
pour
moi ?
non
hé ben dis
donc n'oublie
pas
parce que sinon
++ après
je
ré-/j 'aurais oubli[e]
tu
veux
du
coca ?
non
+ voilà (elle montre
à G
les
gâteaux qu'elle
sort de son
sac)
oh la la
hum
oh la la
tu
peux donner
à
(ta)
maman aussi comme tu
veux
merci
c'est
chouette
je sais pas
XXX
c'est
de
la nougatine
typique avec des cacahuètes
non c'est pas
des
cacahuètes
je
ne sais pas
est-ce
que
tu peux
accepter
le
goût ?
un
peu spécial c'est sucré c'est des prunes et le noix ? c'est
ça
?
oui j'adore ça
c'est un peu comme
le
nougat mais c'est pas le nougat
je vois oh chouette
après ça
oh
la la
(geste allusif aux
problèmes
de
poids)
il y
en
a
un
tu as déjà goûté je crois
oui les petits gâteaux (C
a
déjà fait goûter ces petits gâteaux
à l'ananas)
+
ça
je
connais pas
ah ça
c'est
quelque
chose
de
sucré hyper sucré
oui
bon
pas vraiment hypersucré
c'est sucré
c'est/
c'est
pas la
XXXX
+++
c'est de la figue non ?
la
figue
?
c'est quoi
?
c'est euh un fruit
hmm
un fruit
violet
non
?
non c'est une sorte de
grain ce
n'est pas le
soja
c'est rouge
et
gros comme ça
(montre
en
rapprochant deux
doigts
la petite taille de
l'objet)
ah
je vois ce
que c'est maie
je
ne sais pas
comment
t'expliquer
mais je vois
pour nous
c'est
le
dessert XXX
c'est
pas
le légume
XXX
c'est
haricot
non c'est pas haricot + après je vais
chercher
dans le dictionnaire c'est pas
haricot
oui tu me le diras (silence, on déguste)
La
séquence
qui se déroule ici fait bien apparaître
le
rôle des expériences
plus
ou
moins partagées (les gâteaux déjà
goûtés par
G), des savoirs (culturels
: la
composit
ion
es gâteaux) et des goûts communs
(la
gourmandise des
jeunes filles),
bref de la
culture
partagée, ainsi que
la
part du
référentiel non
partagé
(la culture
culinaire).
L'activité
commune n'est
pas
focalisée sur la langue, mais
sur
la
dégustation
et
l'identification
des composantes des gâteaux. Les amies se
livrent
chacune à une
recherche
de
goûts,
de
caractéristiques
tout
autant
que
de
noms
de
fruits et
peuvent
donc se satisfaire
d'approximations
lexicales.
Extrait n° 2
:
Chez P
III : С est
invitée à dîner chez
P, ami
connu depuis un an.
89 С : (aujourd'hui)... moi
j'ai
travaillé dans la maison/à la maison
90
P
91 С
92
P
93 С
94
P
95 С
à
la
maison
?
oui à
la maison
tu
as
fait du ménage ?
non je lis
en
plus c'est /
j'ai lu
j'ai lu des
articles
que j'ai fait photocopies
à
la
bibliothèque
91
-
8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)
9/17
96
P :
dont
j'ai fait les photocopies
97 С :
dont
j'ai fait les photocopies ++
à
peu près dizaine
98
P
:
à
peu
près
une dizaine
99 С :
à
peu près une dizaine
100
P
:
à
chaque fois que
tu
as un nom il
y
aura un article devant
101
P
:
d'accord
à peu
près
une dizaine
102
P
:
si
tu
XXX
tu
l'utilises
comme
nom,
il
y
aura
un
article
devant
la
phrase
103 С : je crois j'ai manqué
souvent
les\
104
P
: les articles ?
105 С :
oui les articles
106
P
: non pas comme
ça sur
certains mots tu les manques
107 С : et les prépositions
108
P
:
les
propositions/prépositions parce que
même
dehors il y
a
des Français qui ne
parlent pratiquement
pas ils
disent euh
ce
que
je parle mais
en français
c'est
pas
XXX c'est
ce
dont je
parle
109 С :
dont/
ce dont\
110
P
:
même
dans la rue
XXXX
111
С
:
pourquoi
c'est pas
dont
je
parle
?
112
P
: puisqu'il faut exprimer le mot spécifique ce
dont
+ dans la
conversation
dont tu
parles
la chose dont
tu
parles la chose dont
tu
parles +
tu
sais
une
chose
d'accord
mais la chose ce
dont
tu parles remplace la
chose
113
С
: parce
que j'ai lu la
personne
dont je
parle
114
P
:
ça
c'est parfait
115 С
:
là
c'est parfait
mais on
a
entendu
euh
/
116
P
: c'est la
phrase
la
personne que
je
parle
117 С :
oui
118
P
: c'est pas
correct
DONT je parle
ou dont je
te parle c'est \
119
С
: une
question une
question
120
P
:
vas-y
121 С : j'ai déjà interviewé/interrogé ?
121
P
:
interrogé
122 С :
une
dizaine personnes
pour
savoir la différence entre
à nouveau
et de
nouveau
Pierre a
l'imaginaire pédagogique
obstiné.
Pour
ui,
С
est
d'abord
et avant tout
une apprenante. Ce
qui est remarquable
dans
cette
séquence c'est la flexibilité de C,
qui
se prête au jeu dès que celui-ci s'annonce. Non seulement elle
donne
merveilleu
sement
ien la réplique et adopte la place qui lui est assignée en
répétant
la
correction qui
lui
est
opposée, mais en plus, elle avoue sa faute, son mauvais
penchant
(103),
elle
pousse
la
bonne
volonté
jusqu'à
redemander
des
compléments
d'information (113, 115) et même
à
avancer
une autre question
(119, 121, 122).
Apparemment heureuse
de
profiter
de la
compétence
offerte par
l expert, elle
« fait » très
bien le
non-expert
(cf.
Mondada, ici même).
Extrait n°
3 :
avec V, une autre amie
étudiante
à
la
cité
universitaire :
23 С :
(...)
alors moi je lui dis : « arrête
ça
fait au moins trois fois ou quatre fois tu m'
as
posé
la question + chaque
fois on n'a
pas la
réponse
et c'est pas une
décision
que
je peux décider »
24 V : prendre (à voix basse)
92
-
8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)
10/17
25 С : c'est pas une décision que je peux prendre +
je
dis : «
si tu as envie
de passer tes
vacances à
l'étranger
tu
n'as
qu'à prendre ton/ta
décision
+ et tu pars et
puis
tu
réserves
les billets et c'est bon
»
Dans ce troisième
cas,
la
seule correction
par V reste discrète,
articulée à
voix
basse et
comme pour
soi, mais С la
perçoit
et l'intègre
dans
son discours. Dans
d'autres
cas,
la
réparation
est
encore plus
«
légère
»
et
unilatérale
:
Extrait n° 4 :
50
С
: (...) s'il
peut
pas
il
ne
peut pas
proposer à quelqu'un comme
ça
c'est fou c'est fou
moi
j'attends
toute la journée je ne
peux
rien faire etc etc et ça
lui
rend nerveux
51 G :
ben
oui
52 С : nerveuse
et
puis je dis : « calme-toi c'est pas grave
s'il n'a
pas
envie
de
ner
» (C 11)
Ici, С prend
l'initiative
et articule son
auto-correction
autour de la ponctuation
phatique
(ben oui) produite par son interlocutrice, sans
provoquer
de déplacement
d attention
ni de
changement
de
place
interlocutive.
С
ne
fait
donc
qu'ébaucher
un
dialogue avec
soi-même, mais
qui,
du
fait
de la
pression
de
l interaction, diffère
du
soliloque qu'elle pratique par ailleurs et où
elle
trouve un espace interactif
plus
adapté à son besoin d'activité
reflexive.
Ces
derniers extraits
contrastent fortement
avec l'extrait n°
2, où
P impose
la
place
d'apprenant
à C, qui
l'adopte
sans problème, profitant des
corrections
offer
tes, ollaborant
avec
son
partenaire pour transformer l'échange en
séquence
d ap
prentissage et mettant ainsi à profit sa capacité
d'adaptation.
On pourrait craindre que
cette
focalisation plutôt rare et
limitée sur
la langue
dans
la
plupart
des
conversations
courantes n'ait, chez un locuteur
assez
avancé, un
effet de
stabilisation
de la compétence. Cette inquiétude peut être fondée si l'on
entretient
un point de vue strictement
linguistique
sur
le
développement. Or, С
nous
montre
que
l'apprenant
peut
avoir un point de vue globalement langagier sur son
apprentissage et
que
le
travail sur les formes
linguistiques peut
être
resitué
au
sein
de
l'activité langagière. Elle a
en effet mis au point
un
type d'activité
très
original, le
soliloque,
qui
sera présenté dans ce
qui suit.
IV. Le soliloque
ou
Part de
dialoguer
avec
soi-même
IV. 1. Le
soliloque : faux
dialogue,
vrai entraînement
Qu'est-ce que le soliloque ? Goffman (1981
:75-91)
parle à
ce
sujet d'«
autocom
munication », et il
observe
que,
dans
notre
société tout
au moins,
le
soliloque n'est
pas
jugé
digne de constituer
une
occupation officielle de son émetteur-destinataire.
Parler tout
seul
est
frappé
de
tabou
et, quand
il est
surpris à parler tout
seul,
l'individu
s'arrête de
parler, comme pour
privilégier la
nouvelle
situation suscitée
par l'interlocuteur potentiel qui se présente.
Goffman souligne
cependant
le
caractère
ordinaire
et
fréquent du phénomène.
Selon lui, le soliloque
«
autorisé
»
c'est-à-dire
en l'absence de tout
auditeur,
«
existe
en
tant qu'il est
une
imitation
de quelque chose
qui
trouve
son
origine première et
naturelle
dans
la
parole
entre
personnes,
laquelle
implique
à
son
tour
une
rencontre
93
-
8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)
11/17
sociale
et
une disposition des participants
qui
entretiennent
cette rencontre »
(p. 90).
Soliloquer
en privé revient finalement à « mimer
la
conversation
et
à en
modeler
la dualité complémentaire ». Cette forme d'interaction se caractérise au
fond
par le fait
qu'elle
se
présente
comme une
«
modalisation
» du dialogue (au
sens
de Goffman,
1974/1991 trad.).
С
a
donc
l'habitude
de
soliloquer,
«
depuis
toute
petite
»,
dit-elle.
Et
elle
s'est
mise
à le
faire tout
naturellement
quand
elle a commencé à apprendre
des langues
étrangères : avec l'anglais d'abord, puis avec
le
français. Les
soliloques
de С
prennent tous
la forme
d'un dialogue,
reconstruit,
entre
deux locuteurs : С et son
double,
c'est-à-dire
Cl et C2, qui commentent, racontent,
analysent,
reviennent sur
des événements récemment vécus
par C.
La
fonction
envisagée de
ces
soliloques est, de toute évidence,
et
parce que
С
s'y
exprime en français, l'entraînement à l'automatisation des connaissances langagiè
rescquises ou abordées explicitement ou implicitement par ailleurs.
Concrètement,
С manifeste ici sa «
conscience d'apprenant
»
au sens où elle
se
livre
à
un
véritable
travail d'apprentissage
en
se mettant
en
devoir
:
1.
de réinterroger,
dans
ce cadre imité, les savoirs en cours d'acquisition et d auto
matiser,
quand
cela
est
possible,
les
hypothèses
confirmées,
2
de
revivre
des situations dialogiques en tenant
son
rôle d'interactant,
3.
d'accomplir des
tâches
discursives,
telles
que raconter, faire des
reproches,
se
justifier,
expliquer, en
intégrant le
tout dans un discours
cohérent.
IV.2. Le soliloque,
contrôle
des
productions linguistiques
Le
soliloque permet à С de
s'entraîner
dans la L2, en
exerçant
sur ses product
ions
n
contrôle
qui
trop
souvent
est
vécu comme perturbateur
dans
les
conversat
ions.
es activités reflexives
y
sont très visibles. La comparaison des dialogues et des
soliloques
(Li, 1998) souligne
la présence
plus importante, dans
les
soliloques, des
interventions reflexives
auto-initiées
telles que
autocorrections,
reformulations,
rares dans
les
dialogues familiers.
Ces interventions
reflexives concernent,
avec une
certaine régularité,
le contrôle
de zones morphologiques identifiées comme
problématiques et délaissent
d'autres
domaines
comme
le
système
phonologique
(j'endente
pour j'entends, mangue pour
manque ne
sont
pas
relevés).
Cela confirme l'observation faite
en
III sur
le risque
de
stabilisation
de
certains aspects
du système
linguistique
de l'apprenant.
С
semble
plutôt privilégier
et
retravailler
des
points
sensibles
qu'elle
choisit
elle-même. Reprenant
les
propos bien connus
de Vygotsky,
on pourrait
dire
que
l'apprenante С reprend seule ici, pour continuer
à
apprendre, ce
qu'elle a
d'abord
appris à
faire
avec
les
autres, en cours
de
langue
par
exemple. Elle analyse ainsi des
formes, des
structures d'énoncés qui ne
lui sont
pas du
tout inconnues
:
le
genre des
noms, la morphologie
verbale.
Elle
travaille
moins les formes isolées,
qui
sont plutôt
maîtrisées,
que
leurs combinatoires,
avec la
négation, avec
les
pronoms clitiques,
avec
l'un
et l'autre. Elle produit, corrige, essaie des
formes
mémorisées, en cours
de
mémorisation
ou
hypothétiques,
qu'elle
compare entre elles. Ce
sont
des
formes
issues soit de modèles entendus, variables selon
les
interlocuteurs, soit du modèle
unique,
parfois
idéalisé,
qui
lui
a
été
exposé
dans
des
discours
d'autorité
:
cours,
94
-
8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)
12/17
manuels,
séquences
pédagogiques
avec natifs (comme P)
recommandant
les formes
« seules
correctes
», soit
de formes
idiosyncrasiques La question
qu'elle
se
pose
alors est
celle de la
reconnaissance
de
ces formes. Ses conduites ou
réactions
discursives montrent qu'elle reconnaît bien, peu
ou pas
du tout ces
formes
Plusieurs
cas de figure se présentent
:
—
elle refuse
la
forme
et
la
remplace
par
une
autre
qu'elle
reconnaît
immédiate
ment
j'ai
appuyé
le +++
comment
dit
ça
? le
sonnette/la sonnette (Cl, 50)
—
elle essaie
une
forme,
puis une autre
qu'elle
refuse encore pour aboutir
à une
troisième forme qu'elle reconnaît
:
j
ai
pas/j y pas/j y ai
pas
pensé
(Cl,
32
— ou encore elle
se
propose
hypothétiquement
une
forme
qu'elle refuse,
qu'elle
remplace
et qu'elle
abandonne,
insatisfaite,
quitte à y revenir plus tard. Ainsi :
j'attends
pa/
[pasjâ]
?
fin
j'attends
avec
/
avec
mes
patients
(=avec
patience)
et
euh
maie
je vois pas...
(Cl,
81)
où С ne
parvient
pas
à
former l'adverbe
patiemment
(sans
doute parce que
sa
compétence morphologique actuelle l'amènerait à
former
[pasjâmâ],
qu'elle ne
reconnaît
pas). Elle
tente alors une
reformulation
dans
laquelle,
malheureusement,
elle
ne peut faire la distinction
entre patient
et patience. D'où l'abandon.
L'absence de nouveaux
modèles,
de réactions fournis par des interlocuteurs
réels,
prive С
d'aide
ou
de nouvelles
remises
en cause de
son système
provisoire. Ce
sont les
limites
de
l'activité. Le soliloque offre cependant un
avantage : il
laisse à
С
le
temps de
concentrer son attention
sur
des
formes et structures instables.
Elle a
davantage
de
temps
pour
s'entraîner
et
elle
en profite
sans
crainte,
se
permet
hésitations, interruptions,
bafouillements
fréquents et pauses longues, meublées
souvent cependant
par
les phatèmes courants.
Il est
difficile d'évaluer le rôle du
magnétophone dans
ces
pratiques particulières
Les problèmes ne
sont
pas masqués,
ils
sont plutôt
banalisés,
tout en
restant
repérables par les
indices habituels
— silence, auto-interruptions, auto-
interrogations — et les procédures courantes : phatèmes,
faux
départs,
approximat
ionseformulations.
Puis,
parfois, C, qui raconte
une panne d'ascenseur,
prend
le
temps de
s'interrompre
et de revenir sur une forme en voie d'acquisition pour
l'auto-corriger très
explicitement
:
et
j'ai
pas/j'y
pas
pensé/j'y
ai pas
pensé
tout
à coup
jusqu'au
++
jusqu'au
troisième
étage
j ai++j ai senti ai senti
?
/je me suis nonj ai senti hein bon
I
с
'est
arrêté
il
ne bouge / il
n'a
pas bougé
et
au
bout
de cinq minutes j'ai j'ai
même
pas +++ c'était
étranger
j'ai
même
pas
m'inquiété
bof je croyais que c'était bon un
petit
problème bon
ça
va et cinq
minutes
après
il va
reprendre ils
allaient marcher comme
d'habitude
/
Eh non
с
'est pas ça
que je
veux dire non hein au début de
cinq minutes
je ne me suis
pas
inquiétée du tout
parce
que
je crois
que
toujours
il
y a
quelqu'un dans dans
l'école ce n'est
pas
à l'heure de +++
rentrer cinq
heures après-midi ça va
il y a
encore des mécaniciens et il y
a
encore des
concierges
en
bas donc j'ai même pas inquiété
(C,
1)
En fait, par opposition
à
l'urgence
ou
aux évitements
habiles
des dialogues
réels,
le
temps semble jouer
un rôle-clé dans
ces soliloques,
le
temps d'accomplir la
tâche
tout
en
revenant sur ses
dires,
le temps
d'apprendre
tout
simplement.
95
-
8/18/2019 article_lgge_0458-726x_1999_num_33_134_2194 (1)
13/17
Dans
toutes
ces
situations, comme
le
montre l extrait ci-dessus, on constate que
l'attention de
С
oscille entre le
contrôle attentif de
formes (auto-correction poin
tilleuse, approche progressive : j ai pas/j'y pas pensé/j'y
ai
pas pensé), même
irruptif
et
explicite (eh non c'est pas
ça
que je veux dire non
hein....) et
le
laisser-aller d'énoncés inachevés (j'ai senti hein
bon/
c'est arrêté) ou
plus
conformes
à
ses
règles
provisoires (retour
final
à
la
formule
:
j ai
même
pas
inquiété)
pour
poursuivre la tâche. Sous toutes ces formes cependant,
le
contrôle concerne des
règles linguistiques en cours de conceptualisation et d'automatisation. Pour l exem
ple
i-dessus, dans
cette zone de
proche
développement des formes du passé composé
des verbes
réfléchis,
С
a sans doute maintes
fois pu
trouver
la
bonne
formulation
avec
l'aide
de
l'autre.
Mais
elle a besoin
d'y revenir seule,
on le
voit.
Comme
tous les
apprenants, elle a besoin de
temps et
pas
seulement
de corrections.
Ce temps et cette attention
que
С consacre
à ses dires lui
permettent aussi et
surtout de s'investir
dans l'organisation
du dialogue et de la
tâche
qu'elle
simule
en
soliloquant.
C'est
cette
orientation
qui sera
examinée dans
ce qui suit.
V.3.
Le
soliloque, activité
d'entraînement langagier
pluri-niveaux
lue
soliloque, tel
qu'il est
conçu par C, se présente surtout
comme
une activité
d'entraînement pluri-niveaux à l'énonciation
dialogique. On
y
retrouve,
reproduits
et contrôlés
par l'apprenante, les aspects
qu'elle
perçoit
comme
les plus caractéris
tiquesu
dialogue
: la mise en scène
et
l'organisation de la conversation,
la gestion
des relations intersubjectives et la structure de la tâche, l'ensemble cadrant le travail
sur
les formes linguistiques.
—
la
mise
en
scène du
dialogue
:
С
dessine
un espace interactionnel
dont
les caractéristiques formelles sont celles
du
dialogue.
Comme au théâtre,
С
reproduit la
vie
en
imitant
des échanges, en
simulant des comportements de locuteur,
s 'arrêtant,
dit-elle,
à
la limite du
non-
verbal, se déplaçant peu cependant et limitant ses gestes.
Quand le rideau s'ouvre, en fait
quand
le soliloque commence, les deux person
nages ont en place. Et,
tout
comme
dans
un
dialogue
qui se
poursuivrait
entre
deux
personnes
proches,
l'un
des personnages engage la conversation selon les
méthodes
et
avec
les outils
discursifs
rituels
reconnus
:
Extrait n° 5 :
1C2
2 Cl
3C2
4 Cl
5C2
6 Cl
C, je vais te dire, tu es trop gentille
Pourquoi ça
?
Ben
parce
que +++
tu
es trop gentille
et tu
sais pas/
tu
sais pas de de
refuser
Ben tu as raison
Par
exemple hier soir ton voisin t'a téléphoné
à
quatre
heures
tu sais
même
pas de
se fâcher
Mais si je me suis fâchée et je me suis
dit pourquoi il
m'a
téléphoné ?
(C
2)
C2
entre en matière en introduisant
le
topique, se
donnant ainsi
l'occasion
de
revenir
sur
des expériences qu'elle a récemment vécues
et qui ont déjà pu
faire
l'objet
d'échanges
verbaux. Elle
ne
se
lance
pas
vraiment
dans l'inconnu,
ce
qui
peut
96
-
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expliquer
sa
compétence
et son aisance
à utiliser
les marqueurs d'ancrage
: méta-
discursif (je vais te dire)
puis
évaluatif (tu es
trop
gentille). Cet
usage
est fréquent
lorsque l'on veut se préparer
à faire
des confidences ou des
reproches à
un(e) ami(e).
Il
est
suivi du marqueur d introduction
explicite
: par exemple.
Cette reprise-imitation du
cadrage et
du
déroulement
de l'interaction
à l'aide
de
formules
automatisées
permet
à
С
de
se
glisser
dans
les
rôles
sociaux
ou
à
des
places
(ici l'amie donneuse
de
conseils) dont
elle
observe
les
manifestations autour
d'elle.
Le
soliloque lui
offre
un avantage : même si elle s'interrompt, bafouille, hésite,
recom
mence,
abandonne,
elle peut poursuivre son élaboration
au
niveau de la mise en
scène sans perdre la face en
suscitant
des réactions quant
à l'étrangéité
de
ses
formules.
C'est
dans
ces
conditions rassurantes
que la conversation peut se dérouler
au gré de С et que celle-ci
peut
se construire comme acteur de sa parole en
L2
-
l'art de
converser :
С
joue
les deux
rôles
et
s'entraîne
doublement
à
prendre
son tour
de
parole
dans
la conversation. Elle
utilise
:
-
les formules
d'ouverture
déjà
entendues,
et
parfois légèrement « personnalisées »
1 Cl
: salut
2
C2
: ça va ?
3 C3 : oui
ça
fait longtemps qu'on
ne
se voit pas (C 13)
ou avec décalage d'une réplique par rapport
à
la réplique
précédente
:
1
Cl
: je vais te raconter ++
une
chose
extraordinaire
2 C2
:
quoi
de
neuf
?
-
les formules de relance ou de maintien de l'activité (narrative par exemple) :
7 C2
: mais pourquoi
tu
ne refuses pas ? (C. 2)
ou
8
C2
:
et
en fait ça t'arrivait
comment
? (Cl)
-
les
formes
de contradiction qui,
au
lieu d'apparaître comme
formes
monologiques
de
modification
de son dire, prennent tout naturellement la
forme
dialoguée de la
paire
adjacente
:
6
C2
:
(...)
ça
fait
quand
même
quatre
ans
que
tu
restes
ici
7 Cl : NON, pas vraiment quatre ans, presque quatre ans, oui c'est vrai
que ma
famille me
manque (C.
13)
-
les marqueurs
d'intersubjectivité
— tu vois, tu sais, hein...— pour prendre
l'interlocuteur
à
témoin :
9
Cl
: J'en ai pas
pour
l'instant,
mais tu
sais
mon
voisin, il
a
dans son
travail il a
un
ordinateur (C
13)
- les marqueurs de reformulation
—
enfin,
fin
:
39
Cl
:
je
n'ai
pas
I
je
n'ai
pas
resté
I
fin
je suis
pas
restée
debout
comme
ça (C
2)
97
-
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-
les indicateurs de clôture,
d'abréviation,
d'inachèvement — bon, tout
ça
:
8
Cl
:
...j'ai
dit
non
j'ai déjà dormi...
tout ça
mais
bon
(C2)
La clôture qui intervient en fin de soliloque, un peu théâtralisée elle aussi,
marque parfois le retour
au
niveau de l'exercice :
je
sais
même
pas
qui
c'était
+
point
final
(C
1)
il
faut
savoir quelque
chose comme
technique
à à parler voilà (C 4)
Dans ces
conversations
imitées,
une grande attention
est
accordée à la conduite
d'énonciateur interactant, aux actes de
paroles, au
sens à communiquer, à la
force
illocutoire de la parole. Ce traitement conversationnel
et
énonciatif prend le pas sur
le traitement des formes linguistiques qu'il encadre
comme
ici :
63
C2
: c'est une expérience
parce
que
j'ai
jamais
hein
+++
j'ai jamais
coincé/ je ne
me
suis jamais
coincée dans l'ascenseur
jamais (C 1)
La
dimension « double point de vue »
du dialogue
atteint forcément
ses limites
ici,
puisque
physiquement
il
s'agit
d'une
seule
personne,
d'une
seule
voix.
Le
face-à-face corporel
et les
indices
qu'il fournit
manquent donc. La connivence
est
certes parfois « jouée ». Mais la surprise, fréquente dans le dialogue, ne peut
apparaître en
tant
que
telle,
dans la mesure où aucune réponse, aucune réaction,
n'est
vraiment inattendue. :
1 Cl
:
Ce
soir, j'ai dîné
avec
une amie
euh c'est
une
amie de mon enfance
elle
s'appelle
Shu-Yuan. tu la la connais non ?
2
C2
:
Ouais
je la
connais
mais pourquoi
elle est venue
en
France
? (C4)
Cette remarque
concerne
aussi bien le
contenu
que
la langue.
Et,
justement,
cela fait
partie
du
caractère rassurant de l'exercice.
L'hétérogénéité des genres, trait caractéristique de
la
conversation,
caractérise
aussi ces
soliloques
: les
séquences
conversationnelles se
transforment en
récits
commentés composés de longues plages monologuées,
incluant
les discours
rapportés
de certains acteurs
et
des remarques du locuteur-apprenant lui-même :
je lui
ai posé une
question ,
elle
m'a
posé
une
question. .après
moi je lui
ai dit. .(C 4)
—
la
reproduction des discours
entendus
:
Source importante
d'hétérogénéité
discursive,
le
discours rapporté est l occa
sion
our
С
d'endosser des rôles
variés. Une
fois, elle
évoque
le rôle,
qu'elle
a déjà
joué,
de
l'expert
en
français. Elle
rapporte
les discours
tenus
à
une
amie
taïwanaise
venue lui rendre visite.
Il
s'agit largement de discours circulants (d'enseignants ou
de manuels)
qu'elle
retransmet à
son tour et qui
peuvent
avoir
une fonction auto-
renforçatrice
sur
les représentations métalinguistiques de C.
20 Cl : et
avant
de +++ son
départ elle
m'a
demandé
+++ des choses comme grammaire
parce qu'elle ne connaissait pas bien la différence entre
le
passé composé
et
l'imparfait
je crois à ce moment elle a du
mal
à distinguer les deux
euh bon
je lui
a
expliqué / je lui ai expliqué et bon j ai un peu simplifié parce que tu sais la
grammaire
française с
'est très
compliqué
si
on veut
tout raconter à un
débutant
c'est un peu difficile
à
comprendre donc j'ai simplifié un peu je lui ai dit +++
passé composé
++ с
'est
quand on
a fini
euh
quand
on
a
fait une
action
on
a fini
c'est
un
passé
composé
par
exemple
tout
à l'heure
on
a dîné
on
a
discuté
depuis
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situation
« délicate » qu'il s'efforce d'oublier et
de
faire
oublier quand cela
est
possible.
Au
point que
de
nombreux alloglottes
évitent de signaler
leur
incompré
hension Bremer
et al.,
1996).
Cette
gêne, cette menace même,
est
clairement
ressentie
et exprimée
par les apprenants avancés
comme С
:
je
comprends
grosso
modo,
j
'ai une compréhension globale
et
ça
suffît parce
que c'est
pour
la
continuité/continuité
de de de
discussion
+
je
cherche
pas
de
demander,
de
solliciter
chaque fois s'il
y
a
des mots que je comprends pas. Euh je voulais pas interrompu/
interrompre/je
voulais
pas interrompre donc si je peux avoir
une
compréhension globale
ça va
donc
je ne cherche pas de préciser tous
les
détails.
La focalisation sur les difficultés entre donc
souvent
en
contradiction
avec
le
désir de
l'alloglotte
de se conduire, et d'être considéré,
comme
un interlocuteur-
interactant légitime et autonome. Si
ce
dernier est cependant désireux de
poursuivre
son
apprentissage, il
peut alors
mettre au point
une
stratégie qui
lui
permette, tout en
poursuivant ses activités sociales,
de se
ménager des activités d'entraînement.
L'une
de
ces activités d'apprentissage, parmi d'autres, est,
pour
C,
le soliloque, activité
inspirée
par
une expérience d'apprenant (habitudes d'enfance et découverte fugace
de
la méthodologie
fondée
sur
le dialogue), une culture (importance accordée à
la
répétition
et
imitation dans l'apprentissage), des
objectifs
immédiats
(interagir
sans
heurts au niveau quotidien)
et
à plus
long
terme (développer ses compétences
langagières).
L'avantage du soliloque est qu'il reconstitue un espace
dialogique
qui prend en
charge à la fois la construction de la compétence
linguistique
et
celle
de la compétence
langagière
qui
l'inclut. Les formes linguistiques
font
l'objet d'un travail métalinguis-
tique
important
: « mécanisation » de formes attendues et «
problématisation
» de
formes
concurrentes.
Quant
à
la
compétence
langagière,
С
s'appuie
sur son
insertion
sociale
et sa familiarisation
avec
des discours situés et variés,
pour
imaginer des
activités d'entraînement motivantes et personnellement impliquantes.
Dans l'ensemble de
la
démarche,
ce qui
s'impose surtout c'est l'interrelation
entre les activités
de l'apprenant.
D'abord,
en effet, les
soliloques comme
production/imitation par l'apprenant de conversations en L2
nous
permettent d ob
server
comment celui-ci
se construit un modèle de la conversation en
français,
comment il
observe
ce modèle et
le
pratique. Cette pratique
nous
indique en
même
temps comment l'apprenant se
représente,
en partie, l'apprentissage
comme
entra
înement
répété et
continu,
comme analyse-construction
de règles, mais
aussi comme
activité
interactionnelle
impliquante.
Enfin,
ce
qui
est
intéressant,
c'est
la
continuité
entre les
activités d'interaction et les
activités
d'entraînement. Tout e passe
comme
s'il
n'y avait
pas de rupture
entre
ces activités, comme si
le soliloque,
loin de
s'opposer, comme
un monologue,
au
dialogue, était le
prolongement
des
interactions
passées,
se nourrissant des expériences vécues, des questions posées, des modèles
proposés
—
non
pas
simple
répétition-reproduction
de ces
interactions
mais re
création d'objets
discursifs différents
en
situation sur
des bases de connaissances en
voie
d'intériorisation, et tremplin d'interactions
futures.
C'est en cela peut-être que
cette analyse peut contribuer à l'exploration de l'interactivité constructive de
savoirs.
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