actes obsédants freud s

Upload: users01

Post on 30-May-2018

217 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    1/15

    Sigmund FREUD (1907)

    Actes obsdants et

    exercices religieux

    Traduction franaise de Marie Bonaparte,revue par lauteur, 1932.

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    2/15

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    3/15

    Sigmund Freud (1907)

    Actes obsdants et exercices religieux

    Une dition ralise de larticle Actes obsdantset exercices religieux. Traduction franaise par Marie Bonaparterevue par lauteur, 1932. Originalement publi en 1907.Rimpression.

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    4/15

    Bibliothque de psychanalyse

    Dirige par Daniel Lagache

    Sigmund Freud

    L'avenir d'une illusion

    Presses universitaires de France

    Traduit de l'allemand par Marie Bonaparte

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    5/15

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    6/15

    Freud : Actes obsdants et exercices religieux 6

    Actes obsdantset exercices religieux

    (1907)

    Zwangshandlungen und Religionsbungen. Cette tude ad'abord paru dans la Zeitschrift fr Religionspsychologie, ditepar BRESLER et VORBRODT, vol. I, fasc. 1, 1907, Puis dans ladeuxime suite de la Sammlung kleiner Schriften zur

    Neurosenlehre.

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    7/15

    7 Freud : Actes obsdants et exercices religieux

    Je ne suis certes pas le premier qu'ait frapp la ressemblance quiexiste entre les actes obsdants des nvross et les exercices parlesquels le croyant tmoigne de sa pit. Le nom mme de crmonial , que l'on a donn certains de ces actes obsdants,m'en est une garantie. Cependant cette ressemblance me semble treplus qu'une ressemblance superficielle, de telle sorte que l'onpourrait, d'une intelligence de la gense du crmonial nvrotique, serisquer tirer par analogie des conclusions relatives aux processuspsychiques de la vie religieuse.

    Les gens qui pratiquent des actes obsdants ou un crmonialappartiennent, avec ceux qui souffrent de penses obsdantes, dereprsentations obsdantes, d'impulsions obsdantes, etc., un

    groupe clinique particulier l'affection duquel on a coutume dedonner le nom de nvrose obsessionnelle 1. Mais il ne faudraitpas essayer de faire driver de son nom le caractre essentiel de cetteaffection., car, proprement parler, d'autres phnomnes psychiquesmorbides peuvent galement prtendre ce que nous appelons caractre obsdant . Une connaissance dtaille de ces tats doitencore actuellement tenir lieu de dfinition, vu que nous n'avons pas jusqu' prsent russi dgager le critrium, sans doute trsprofondment situ, de la nvrose obsessionnelle, critrium dont ondevine cependant la prsence dans toutes les manifestations de cetteaffection.

    Le crmonial nvrotique consiste en petits actes : actionssurajoutes ou entraves ou bien rangements, lesquels, l'occasiondes actes de la vie quotidienne, sont excuts toujours de la mmemanire ou bien d'une faon qui varie suivant des rgles donnes.Ces activits nous font l'impression de simples formalits ; ellesnous apparaissent comme totalement dnues de sens. Ellesn'apparaissent pas sous un autre jour au malade, et il est pourtant

    1 Cf. LWENFELD, Die psychischen Zwangserscheinungen (LesPhnomnes psychiques obsessionnels), 1904.

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    8/15

    Freud : Actes obsdants et exercices religieux 8

    incapable de ne pas les accomplir, car tout cart du crmonial estpuni d'une insupportable angoisse, qui oblige refaire aprs coup cequi avait t omis. Tout aussi mesquines que les actions elles-mmesdu crmonial sont les occasions et les sortes d'activits que lecrmonial environne, en rendant plus difficile, et en tout cas enretardant l'accomplissement: par exemple, l'action de s'habiller et dese dshabiller, de se coucher, de satisfaire les besoins corporels. On

    peut dcrire la faon dont s'exerce un crmonial en remplaant enquelque sorte celui-ci par une srie de lois non crites. Par exemple,en ce qui touche le crmonial du lit : la chaise doit se trouverdevant le lit dans une position dtermine, les vtements doivent ytre plis dans un certain ordre ; la couverture du lit doit tre bordeaux pieds. Le drap doit tre bien tir, sans plis ; les oreillers doiventtre disposs de telle ou telle manire, le corps lui-mme doit setrouver dans une attitude strictement dtermine ; ce n'est qu'alorsqu'on a le droit de s'endormir. Dans les cas lgers, le crmonialparat tre l'exagration d'un ordre habituel et justifi. Mais laconscience toute particulire avec laquelle il est excut et l'angoissequi surgit s'il est omis donnent au crmonial le caractre d'un actesacr . Tout ce qui le trouble est en gnral mal tolr ; il doit tre

    accompli l'exclusion du public, de la prsence d'autres personnes.

    Toutes les formes d'activit peuvent devenir des actes obsdantsau sens le plus large, quand ces activits sont surcharges de petitesactions surajoutes, sont rythmes d'arrts et de rptitions. On nepeut s'attendre trouver de frontire nette entre le crmonial etles actes obsdants . Le plus souvent, les actes obsdants sontissus d'un crmonial. La maladie est constitue, en plus de ces deuxphnomnes, par des interdictions et des empchements (aboulie),qui en ralit ne font que poursuivre l'uvre des actes obsdants, entant que certaines choses ne sont pas du tout permises au malade, etque d'autres ne le sont qu' la condition d'observer un crmonialprescrit d'avance.

    Il est curieux de voir que la compulsion comme les interdictions(devoir faire une chose et ne pas avoir le droit d'en faire une autre)ne frappent au dbut que les activits solitaires des hommes etlaissent intact pendant longtemps leur comportement social ; c'estpourquoi de tels malades peuvent, pendant de longues annes, traiterleur mal en affaire prive et le dissimuler. Bien plus de gensd'ailleurs souffrent de semblables formes de la nvroseobsessionnelle que ne l'apprennent les mdecins. En outre, beaucoupde ces malades trouvent cette dissimulation une circonstance

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    9/15

    9 Freud : Actes obsdants et exercices religieux

    favorisante dans ce fait qu'ils arrivent fort bien remplir leursdevoirs sociaux pendant une partie de la journe, aprs avoirconsacr un certain nombre d'heures leurs mystrieux agissementsdans une retraite la Mlusine.

    Il est ais de voir o se trouve la ressemblance entre lecrmonial nvrotique et les actes sacrs du rite religieux : dans la

    peur, engendre par la conscience, en cas d'omission, dans lacomplte isolation de toutes les autres activits (dfense d'tredrang) et dans le caractre consciencieux et mticuleux del'excution. Mais les diffrences sont tout aussi frappantes,diffrences dont quelques-unes sont si clatantes qu'elles font decette comparaison quelque chose de sacrilge : la plus grandediversit des actes crmoniaux par opposition la strotypie durite (prire, gnuflexion, etc.) ; le caractre priv de ceux-ci paropposition au caractre public et collectif des exercices religieux ; etsurtout cette diffrence que les petits actes du crmonial religieuxont un sens et une intention symbolique, tandis que ceux ducrmonial nvrotique semblent niais et dnus de sens. La nvroseobsessionnelle semble ici la caricature mi-comique, mi-lamentable

    d'une religion prive. Cependant, c'est justement cette diffrence laplus tranche entre le crmonial nvrotique et le crmonialreligieux qui disparat lorsque, grce la technique d'investigationpsychanalytique, on pntre assez avant pour comprendre les actes

    obsdants 1. Cette investigation permet de mettre radicalement fin l'apparence d'aprs laquelle les actes obsdants seraient niais etdnus de sens. Elle rvle aussi d'o provient cette apparence. Onapprend voir que les actes obsdants sont, sans exception et danstous leurs dtails, pleins de sens, qu'ils sont au service d'intrtsimportants de la personnalit et qu'ils expriment et des vnements influence persistante, et des penses charges d'affect de l'individu.Ils ralisent ceci de deux manires., en tant que reprsentation

    directe ou bien en tant que reprsentation symbolique ; il convientdonc de les interprter soit biographiquement, soit symboliquement.

    Je ne pourrai me dispenser de citer ici quelques exemples l'appui de cette assertion. Quiconque s'est familiaris avec lesrsultats dus l'investigation psychanalytique des psychonvroses ne

    1 Cf. S. FREUD, Sammlung kleiner Schriften zur Neurosenlehre(Suite de petites tudes sur la doctrine des nvroses), Vienne, 1906; 3e d., 1920.

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    10/15

    Freud : Actes obsdants et exercices religieux 10

    sera pas surpris d'apprendre que ce que reprsentent les actesobsdants ou le crmonial drive de la vie la plus intime, voire de lavie sexuelle du malade.

    a) Une jeune fille observe par moi tait soumise lacompulsion, aprs s'tre lave, de faire tourner plusieurs fois lacuvette en rond. La signification de cet acte crmonial se trouvait

    dans le proverbe : Il ne convient pas de jeter de l'eau sale avantd'en avoir de propre 1.

    Cette action avait pour but de donner un avertissement sa sur,qu'elle aimait beaucoup, et d'empcher celle-ci de divorcer d'avec unmari peu satisfaisant avant d'avoir nou des relations avec quelqu'unde mieux.

    b) Une femme qui vivait spare de son mari obissait pendantles repas la compulsion de laisser les meilleurs morceaux, parexemple de ne manger que les bords d'une tranche de viande rtie.Ce renoncement s'expliquait par la date o il avait pris naissance. Ils'tait manifest pour la premire fois le jour o elle avait annonc son mari qu'elle lui refuserait dsormais les rapports conjugaux,c'est--dire le jour o elle avait renonc ce qu'il y avait de meilleur.

    c) La mme malade ne pouvait en ralit s'asseoir que sur unseul sige et ne parvenait s'en relever qu'avec difficult. Le sige,d'aprs certains dtails de sa vie conjugale, symbolisait pour elle sonmari, qui elle restait fidle. Elle expliquait par cette phrase sacompulsion : On se spare si difficilement (d'un homme, d'unsige) aprs s'y tre assise une premire fois.

    d) Pendant tout un laps de temps elle avait eu coutume de rpterun acte obsdant particulirement frappant et absurde. Elle courait

    de sa chambre une autre pice, au milieu de laquelle se trouvaitune table, elle arrangeait d'une certaine faon le tapis qui se trouvaitdessus, elle sonnait la fille de chambre, qui devait s'approcher de latable, puis elle congdiait celle-ci avec un ordre indiffrent. Aucours des efforts que nous fmes pour expliquer cette compulsion, illui vint l'esprit que le tapis de table en question portait une tached'une vilaine couleur et qu'elle disposait chaque fois le tapis de tellesorte que la tache dt sauter aux yeux de la fille de chambre. Le tout

    1 Man soll schmutziges Wasser nicht ausgiessen, ehe man reines hat.

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    11/15

    11 Freud : Actes obsdants et exercices religieux

    tait ainsi la reproduction d'un vnement relatif son mariage,vnement qui avait ensuite donn son esprit un problme rsoudre. Son mari, au cours de leur nuit de noces, avait t victimed'une mauvaise fortune qui n'est pas rare. Il se trouva impuissant et courut plusieurs fois cette nuit-l de sa chambre la sienne afin derpter la tentative. Le matin suivant il avait dit qu'il devrait avoirhonte devant la fille de chambre de l'htel, qui allait faire les lits ;

    aussi prit-il un flacon d'encre rouge et en versa-t-il le contenu sur ledrap, mais d'une faon si maladroite que la tache rouge se produisit un endroit vraiment peu en rapport avec son dessein. Elle rejouaitainsi par cet acte obsdant la scne de sa nuit de noces. La table etle lit font en effet eux deux le mariage.

    e) Cette mme malade prsentait une compulsion noter lenumro de chaque billet de banque avant qu'il ne sortt de ses mains: or, cette compulsion comportait aussi une explication biographique.Au temps o elle admettait encore l'ide de quitter son mari, au caso elle trouverait un autre homme plus digne de confiance, elles'tait laiss faire la cour, dans une ville d'eaux, par un monsieur desintentions srieuses duquel elle doutait cependant. Un jour o elle

    avait besoin de petite monnaie, elle le pria de lui changer une picede cinq couronnes. Il le fit, empocha la large pice d'argent et ajoutagalamment qu'il ne s'en sparerait jamais, cette pice ayant pass parses mains elle. Au cours de rencontres ultrieures, elle fut maintesfois tente de lui demander qu'il lui montrt la pice de cinqcouronnes, en quelque sorte pour se convaincre de la foi qu'ilconvenait d'accorder ses hommages. Mais elle s'en abstint en vertude la bonne raison que l'on ne saurait distinguer l'une de l'autre despices de monnaie de mme valeur, Ainsi le doute ne fut pas dissip,et il laissa aprs lui la compulsion noter les numros des billets debanque, numros grce auxquels chaque billet se distingueindividuellement de tous les autres de mme valeur.

    Ces quelques exemples, emprunts au vaste ensemble de mesobservations, ne sont destins qu' illustrer la proposition d'aprslaquelle tout, clans les actes obsdants, est plein de sens etinterprtable. Il en est (le mme du crmonial proprement dit ; lapreuve en exigerait seulement un expos plus circonstanci. Mais jene m'y mprends nullement : nous semblons nous tre fort loigns,par l'lucidation des actes obsdants, de la sphre d'ides de lareligion.

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    12/15

    Freud : Actes obsdants et exercices religieux 12

    C'est une des conditions de l'tat pathologique que la personnequi obit une compulsion le fasse sans en connatre la signification,au moins la signification principale. Seuls les efforts du traitementpsychanalytique pourront lui rendre conscient le sens de l'acteobsdant et par l les mobiles qui l'y poussent. Nous exprimons cettat de choses important en disant que l'acte obsdant sert manifester des mobiles et des reprsentations inconscientes. Il

    semble y avoir l une nouvelle diffrence d'avec les exercicesreligieux, mais il faut se rappeler qu'aussi bien le dvot isol exerceen rgle gnrale le crmonial religieux sans demander quel en estle sens, tandis que le prtre et l'investigateur peuvent cependantconnatre ce sens, le plus souvent symbolique, du rite. Les mobilesqui poussent imprieusement les croyants aux exercices religieuxleur restent cependant tous inconnus, ou bien sont reprsents dansleur conscience par d'autres mobiles mis en avant leur place.

    L'analyse des actes obsdants nous a dj permis de jeter uncoup d'il sur l'tiologie de ceux-ci et sur l'enchanement desmobiles qui les dterminent. On peut dire que celui qui souffre decompulsion et d'interdictions se comporte comme s'il tait sous

    l'empire d'un sentiment de culpabilit, dont il ne sait rien d'ailleurs,d'un sentiment inconscient de culpabilit, ainsi qu'il convient de direen ne tenant pas compte du heurt des mots ici associs. Ce sentimentde culpabilit prend sa source dans certains processus psychiquesprcoces, mais trouve un lment de reviviscence perptuelle dans latentation que renouvelle chaque occasion actuelle. D'autre part, ildonne naissance une angoisse expectante, une attente dumalheur, toujours aux aguets, angoisse lie par le concept de lapunition la perception interne de la tentation. Quand un crmonialest en train de se constituer, le malade sait encore consciemmentqu'il doit faire ceci ou cela sans quoi un malheur arriverait et, enrgle gnrale, la sorte de malheur attendre est encorecommunique sa conscience. Mais le rapport, dmontrable danschaque cas, qui existe entre l'occasion o l'angoisse expectante surgitet l'lment de menace qu'elle contient est dj cach au malade.Ainsi le crmonial commence par tre un acte de dfense ou uneassurance contre quelque chose, une mesure de protection.

    Au sentiment de culpabilit du nvros obsessionnelcorrespondent les protestations des dvots lorsqu'ils affirment savoirqu'ils sont de grands pcheurs dans leur cur ; il semble que lesexercices de pit (prires, invocations, etc.), aient la valeur demesures de dfense et de protection, mesures par lesquelles les

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    13/15

    13 Freud : Actes obsdants et exercices religieux

    dvots font prcder chaque activit de la journe et surtout chaqueentreprise sortant de l'ordinaire.

    On acquiert une intelligence plus profonde du mcanisme de lanvrose obsessionnelle si l'on estime sa juste valeur le faitprimordial se trouvant sa base et qui consiste toujours dans lerefoulement d'une pulsion instinctive (d'une composante de l'instinct

    sexuel), pulsion qui tait contenue dans la constitution de lapersonne en jeu, qui put se manifester un certain temps dans sa vieinfantile et devint ensuite la proie du refoulement. Une scrupulositparticulire, dirige contre les objectifs de cet instinct, est engendreen mme temps que le refoulement de cet instinct. Seulement cetteformation ractionnelle psychique ne se sent pas sre d'elle-mme,mais constamment menace par l'instinct demeur aux aguets dansl'inconscient. L'influence de l'instinct refoul est ressentie sousforme de tentation, et c'est au cours du processus du refoulement lui-mme que nat l'angoisse, qui, en tant qu'angoisse expectante,s'empare du domaine de l'avenir. Le processus de refoulement quiconduit la nvrose obsessionnelle est qualifier de refoulementincompltement russi, refoulement qui menace de faiblir de plus en

    plus. C'est en quoi il est comparable un conflit qui ne sauraitconnatre de fin ; des efforts psychiques toujours renouvels sontncessaires afin de maintenir l'quilibre contre les poussesconstantes de l'instinct. Les actes crmoniaux et obsdants naissentainsi, d'une part, titre de dfense contre la tentation, d'autre part, titre de protection contre un malheur attendu. Mais contre latentation, les actes de protection semblent bientt ne pas suffire ;alors surgissent les interdictions qui doivent nous garder distancede la situation o nous serions tents. Ainsi qu'on peut le voir, lesinterdictions remplacent les actes obsdants, tout comme une phobiea pour but d'pargner la ncessit d'une crise d'hystrie. D'un autrect, le crmonial reprsente la somme des conditions souslesquelles d'autres choses, pas encore absolument dfendues, restentpermises ; de mme le sens du crmonial religieux du mariage estde permettre au dvot la jouissance sexuelle, par ailleurs entache depch. La nvrose obsessionnelle, comme toutes les autres affectionsanalogues, a encore pour caractre que ses manifestations (sessymptmes, parmi lesquels les actes obsdants) remplissent cettecondition d'tre un compromis entre les forces psychiques en conflit.Ainsi les symptmes ramnent au jour quelque chose du plaisir qu'ilssont destins empcher, ils se mettent au service de l'instinctrefoul non moins que de l'instance refoulante. Et mme, avec leprogrs de la maladie, les actes, qui l'origine servaient plutt la

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    14/15

    Freud : Actes obsdants et exercices religieux 14

    dfense, se rapprochent toujours davantage des actions condamnespar lesquelles, dans l'enfance, l'instinct se manifestait.

    On pourrait retrouver quelque chose de ces rapports dans ledomaine de la vie religieuse : la rpression, le renoncement certaines pulsions instinctives semble aussi tre la base de laformation de la religion ; cependant ce ne sont Pas, comme dans la

    nvrose, des composantes exclusivement sexuelles dont il s'agit ici,mais des instincts gostes, nuisibles la socit, auxquels d'ailleursune contribution sexuelle n'est le plus souvent pas trangre. Lesentiment de culpabilit man d'une tentation qui ne s'teint jamais,l'angoisse expectante sous forme de la peur des chtiments divins,nous avons appris les reconnatre au domaine de la religion plus ttqu' celui de la nvrose. Peut-tre en vertu des composantessexuelles qui s'y mlent, peut-tre par suite des qualits gnrales del'instinct, la rpression des instincts au domaine de la vie religieusese manifeste-t-elle aussi comme insuffisante et jamais acheve. Desrcidives totales de pch sont mme plus frquentes chez le dvotque chez le nvros, et elles conditionnent une nouvelle espced'activits religieuses, les actes de pnitence, auxquels on trouve des

    pendants dans la nvrose obsessionnelle.

    Nous l'avons vu : un caractre particulier et dgradant de lanvrose obsessionnelle consiste en ce que le crmonial s'attache de petits actes de la vie quotidienne et se manifeste sous forme deprescriptions et de restrictions puriles. On ne comprend ce traitfrappant de la structure du tableau clinique qu'en apprenant voirque le mcanisme du dplacement psychique, dcouvert par moid'abord dans la formation du rve, domine les processus psychiquesde la nvrose obsessionnelle. Dans les quelques exemples d'actesobsdants que j'ai cits, on peut dj voir comment le symbolisme etles dtails de l'excution de l'acte s'difient grce un dplacementde ce qui est propre, important, une chose mesquine maissubstitutive, par exemple d'un homme un sige. C'est cettetendance au dplacement qui modifie toujours davantage le tableaudes phnomnes morbides et qui en vient pour finir faire de lachose la plus minime la plus importante et la plus pressante. On nesaurait mconnatre qu'au domaine religieux n'existe une tendancesemblable au dplacement de la valeur psychique, et la vrit dansle mme sens, de telle sorte que peu peu le crmonial mesquin desexercices religieux devient l'essentiel, aprs qu'a t mis de ct soncontenu idatif. C'est aussi pourquoi les religions subissent par

  • 8/14/2019 Actes obsdants Freud S.

    15/15

    15 Freud : Actes obsdants et exercices religieux

    saccades des rformes qui s'efforcent de rtablir la relation originelledes valeurs.

    Le caractre de compromis des actes obsdants en tant quesymptmes nvrotiques est celui que l'on reconnat le moinsnettement dans les actes religieux qui leur correspondent. Etcependant quelque chose nous rappelle ce trait de la nvrose quand

    nous voyons combien souvent tous les actes que la religion rprouve- les manifestations des instincts rprims par la religion - sontjustement accomplis en son nom et soi-disant son profit.

    En vertu de ces concordances et de ces analogies, on pourrait serisquer concevoir la nvrose obsessionnelle comme constituant unpendant pathologique de la formation des religions, et qualifier lanvrose de religiosit individuelle, la religion de nvroseobsessionnelle universelle. La concordance la plus essentiellersiderait dans le renoncement fondamental l'exercice d'instinctsconstitutionnellement donns, la diffrence la plus dcisive dans lanature de ces instincts qui, dans la nvrose, sont d'origineexclusivement sexuelle, et dans la religion aussi de nature goste.

    Un renoncement progressif des instincts constitutionnels, dontl'exercice pouvait donner au moi un plaisir primaire, semble trel'une des bases de l'volution culturelle des hommes. Une partie dece refoulement des instincts est accomplie par les religions, en tantqu'elles incitent l'individu offrir en sacrifice la divinit ses

    plaisirs instinctifs. A moi est la vengeance , dit le Seigneur 1. Oncroit reconnatre dans l'volution des vieilles religions que bien des forfaits auxquels l'homme avait renonc avaient t passs Dieu et taient encore permis en son nom, de telle sorte que lacession la divinit tait le moyen par lequel l'homme se librait dela domination de ses instincts mauvais et nuisibles la socit. Aussi

    n'est-ce pas un hasard si toutes les particularits humaines - avec lesmauvaises actions qui en drivent - taient attribues aux anciensdieux dans une mesure illimite, et ce n'tait pas une contradictionqu'il ne ft pourtant pas permis de justifier ses propres forfaits parl'exemple divin.

    FIN DE LARTICLE.

    1 Deutronome, XXXII, 35. (N. de la Trad.)