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    N 0000______

    ASSEMBLE NATIONALECONSTITUTIONDU4OCTOBRE 1958

    QUATORZIMELGISLATURE

    EnregistrlaPrsidencedel'Assemblenationalele???

    RAPPORT DINFORMATION

    DPOS

    PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES TRANGRES

    en conclusion des travaux dune mission dinformation constitue le 14 novembre 2012,Lutte contre les paradis fiscaux:

    si lon passait des paroles aux actes

    ET PRSENT

    PARMM.ALAIN BOCQUET et NICOLAS DUPONT-AIGNANDputs

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    SOMMAIRE

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    Pages

    INTRODUCTION .................................................................................. 15PREMIRE PARTIE : UN OUTIL DE FRAUDE ET DEVASION

    FISCALES COMME DE CRIMINALITE FINANCIERE ....................... 23

    I. LES PARADIS FISCAUX AUJOURDHUI ..................................................... 23A. DES ETATS ET TERRITOIRES ASSEZ BIEN IDENTIFIES .................... 23

    1. Une prpondrance de petits Etats ou territoires de nature parasitaire sansactivit conomique relle et prdateurs de la richesse des autres ..................... 23a. Un tableau gnral largement connu.................................................................... 23

    b. Un secteur bancaire et financier hypertrophi ..................................................... 242. Une bote outils commune ............................................................................... 263. A chaque territoire, sa spcialit ......................................................................... 28

    a. Comptes bancaires, ngoce et port franc : le rle majeur de la Suisse,notamment de Genve, vis--vis de la France .................................................... 28

    b. La monte en puissance des places asiatiques ..................................................... 30c. Le rle de tte de rseau des trs grandes places financires : lexemple de la

    City de Londres .................................................................................................. 31B. PARTICULIERS, ENTREPRISES, MAFIAS : CHACUN Y TROUVE SON

    COMPTE .................................................................................................. 321. Les particuliers : des dynasties aux anonymes ................................................... 33

    a. Une certaine protection des grandes fortunes en situation de fraude fiscale, endpit de la signature daccord dchange dinformations sur demande depuis2009 .................................................................................................................... 33

    b. Les happy few dOffshoreLeaks.................................................................... 342. La captation des profits des entreprises .............................................................. 35

    a. Les manipulations de prix de transfert sur les biens, notamment pour le pillagedes ressources naturelles et produits de base des pays en dveloppement ......... 35

    b. Les abus de la sous-capitalisation des filiales pour justifier le versementdintrts dans les pays sans impt ..................................................................... 36

    c. La localisation des droits de proprit intellectuelle et des redevances dans despays qui ne peuvent manifestement pas en tre lorigine, et la manipulationdes prix de transfert sur les services et limmatriel........................................... 37

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    d. Le dtournement des conventions fiscales et des directives europennesmre/filiale et intrts/redevances pour en faire des instruments de non-imposition, et non plus dlimination des doubles impositions .......................... 37

    e. La forme la plus acheve de cette planification : la reconfiguration desentreprises ou business restructuring selon une pratique qui relve du dpeage

    fiscal .................................................................................................................... 38f. Un exemple dentreprise idale du business model dominant : la vente

    distance partir du Luxembourg ........................................................................ 413. Une spcialit des grandes multinationales rcentes, notamment du numrique,

    qui sexonrent de limpt sur les socits: les risques dun modleAPPLE/GOOGLEouAMAZON/STARBUCK.................................................... 42a. Un problme gnral qui soulve partout lopprobre, y compris aux Etats-Unis

    et au Royaume-Uni ............................................................................................. 42b. Des circuits complexes de circulation des profits pour les localiser l o ils ne

    sont pas taxs ou bien sont trs faiblement taxs en laissant les charges dans lesEtats normaux ..................................................................................................... 43c. Le chiffrage par la Fdration franaise des tlcoms du prjudice de la France

    au titre de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft : 800 millionsdeuros de pertes de recettes pour le budget ....................................................... 45

    d. La vulnrabilit des rgles actuelles face au numrique ..................................... 454. Les carrousels de TVA : de la fraude au pillage de l'Etat ................................... 46

    a. Le fonctionnement ............................................................................................... 46b. Lexemple du carrousel sur les crdits carbone : entre 1,5 et 1,8 milliard

    deuros perdus en quelques mois pour la France ................................................ 47

    c. Un vol fiscal ......................................................................................................... 49d. Une contamination potentielle de plusieurs secteurs conomiques ..................... 49e. Une perte globale aussi considrable queffrayante pour la France, et totalement

    sous-estime par le ministre des Finances ........................................................ 49f. Les abus connexes du rgime douanier 42 ........................................................... 51

    5. La prsence de la grande criminalit internationale, jusquaux dictateurs ......... 52a. Terrorisme, piraterie et grands trafics internationaux .......................................... 52

    b. Le pillage du tiers monde, notamment de lAfrique, et largent des dictateurs etautres personnes politiquement exposes ..................................................... 53II. DE FATALES CONSEQUENCES : UN DANGER POUR LES ETATS ........ 55

    A. DES MONTANTS GLOBAUX PAR DEFINITION INCERTAINS, MAISDONT LORDRE DE GRANDEUR, IMPRESSIONNANT, EST BIENAPPREHENDE ........................................................................................ 55

    B. UNE MENACE INTOLERABLE POUR LA PERENNITE DES ETATS .... 571. Le risque budgtaire : des Etats et des rgimes sociaux qui ne peuvent plus se

    financer, et un impt qui nest plus accept ....................................................... 57a. Des pertes de recettes sensibles et couples la perte de lgitimit de limpt .. 57

    i. Des ordres de grandeur significatifs .............................................................................. 57ii. Une menace pour la lgitimit de limpt .................................................................... 57

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    iv. Les rsultats plus lents ou moins mdiatiss en matire de lutte contre leblanchiment : la rvision des recommandations du GAFI et linclusion de fraudefiscale dans la liste des infractions primaires ; la troisime directive europenne surla lutte contre le blanchiment ..................................................................................... 74

    v. Une amlioration moins significative sur le plan prudentiel au niveau international,compense en Europe par le travail de lUnion europenne sous limpulsion duCommissaire au march intrieur et aux services financiers, M. Michel Barnier ...... 75

    vi. Le G20 de Soul et le plan daction global contre la corruption ................................. 762. Mais les intermdiaires devancent les mesures .................................................. 76

    a. Les banques et les professionnels du droit et du chiffre au cur des paradisfiscaux ................................................................................................................. 76

    i. Des tablissements autonomes en Suisse, mais la prdominance de filiales desgrandes banques europennes et amricaines dans les petits territoires ..................... 76

    ii. La place particulire de lactivit, trs rentable, de la gestion de fortune ou gestionprive .......................................................................................................................... 78

    iii. Loptimisation fiscale des banques pour et par elles-mmes....................................... 79iv. Les grands cabinets juridiques et comptables, galement prsents .............................. 79v. Des implantations justifies par des motifs peu convaincants de neutralit et de

    technicit .................................................................................................................... 81b. Une capacit dadaptation toujours souponne et textuellement confirme pour

    les banques par le tmoignage de M. Herv Falciani ......................................... 81i. Une organisation copie sur celle dun Etat en guerre : culture du secret, systme de

    surveillance et lanceurs dalerte, fragmentation ......................................................... 81ii. Une anticipation permanente des failles des dispositifs anti-fraude ou anti-abus en

    prparation de manire pouvoir toujours en contourner lapplication..................... 83

    iii. Une rpartition des rles en fonction des pays : la gestion clate .............................. 84iv. Une restructuration du traitement de la clientle en fonction du changement de

    climat international avec un recentrage des activits de gestion prive sur les seulestrs grandes fortunes ................................................................................................... 84

    v. Une capacit se renforcer dans ladversit qui ne doit pas tre sous-estime ............ 843. Le niveau de coopration est variable selon les Etats et les territoires ............... 85

    a. Une coopration fiscale encore empreinte de retenue ......................................... 85i. Le cas de la Suisse en matire fiscale : linterprtation de la clause dchange

    dinformations sur demande conclue avec la France.................................................. 85

    ii. La question de la disponibilit des informations pour lEtat requis ............................. 87iii. Linformation du contribuable mis en cause et la complexit des voies de recours qui

    lui sont offertes ........................................................................................................... 88iv. Une opacit maintenue des structures crans, trusts, socits offshore faute

    dinformation centralise de type registre du commerce et des socits.................... 89v. Le fiasco de lapplication des conventionsfiscales dchange dinformations sur

    demande, notamment de la part de la Suisse mais aussi du Luxembourg .................. 89b. Une coopration pnale qui va du pire au meilleur ............................................. 92

    i. Une relle coopration en Europe, y compris avec la Suisse ......................................... 92ii. Des difficults rcurrentes avec certains pays tiers ...................................................... 93iii. Une articulation fiscal/pnal qui offre encore des possibilits de fraude lorsquelle

    est bien matrise ........................................................................................................ 93

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    B. AU NIVEAU EUROPEEN ......................................................................... 931. Un secret bancaire largement prserv en Autriche et au Luxembourg, mme

    dans le cadre de la directive de 2003 sur la taxation des revenus de lpargneen Europe : deux paradis fiscaux au cur de lEurope ...................................... 95

    2. Les Etats tunnels vers les paradis fiscaux extrieurs lUnion europenne :les exemples de lIrlande ainsi que des Pays-Bas et les abus du doubleirlandais et sandwich nerlandais par Google et bien dautres socits.... 97

    C. AU NIVEAU NATIONAL ........................................................................... 981. Des affaires qui mettent en exergue la navet de lEtat face la finance et la

    fraude fiscale ...................................................................................................... 99a. Laffaire LGT dite aussi Liechtenstein II la suite de lachat de donnes par les

    services secrets allemands .................................................................................. 99b. Laffaire UBS mise au jour assez tt aux Etats-Unis, et plus tard en France .... 101c. Laffaire Falciani ou laffaire HSBC ................................................................. 102d. La lenteur des poursuites fiscales contre les grandes fraudes des plus fortuns

    grce aux trusts, socits cran et secret bancaire : lexemple de laffaireWildenstein ....................................................................................................... 107

    2. Une organisation inadapte et des moyens insuffisants face aux dfis de ladlinquance et de la criminalit fiscales et financires .................................... 108a. La faiblesse persistante des moyens .................................................................. 108

    b. Une approche trop cloisonne et donc inadapte : le cas emblmatique de la trsfaible pnalisation des infractions fiscales ....................................................... 109

    i. Lorigine du problme : le filtre de la commission des infractions fiscales et lemonopole du ministre pour porter plainte ................................................................ 109ii. La faiblesse du nombre des plaintes et des peines ...................................................... 111iii. Un cercle vicieux rompre ........................................................................................ 113

    3. Une lenteur prjudiciable dans la lutte contre la nouvelle criminalit : la luttecontre les carrousels de TVA ........................................................................... 114a. Des redressements tardifs, et donc des recouvrements trs faibles ................... 114

    b. Des cloisonnements incomprhensibles dans laccs linformation: lexempledu service national de la douane judiciaire ....................................................... 114

    DEUXIEME PARTIE : UNE ERADICATION A PORTEE DE MAINDES LORS QUE LA VOLONTE POLITIQUE EST AFFIRMEE SANSRESERVE AUX TROIS NIVEAUX DACTION: LINTERNATIONAL,LEUROPEEN ET LE NATIONAL ..................................................... 117I. AU NIVEAU INTERNATIONAL .................................................................... 117

    A. LA NOUVELLE NORME DE TRANSPARENCE FISCALE QUISIMPOSE AU NIVEAU INTERNATIONAL ........................................... 1181. Un impratif: Mettre en place et gnraliser lchange automatique

    dinformations grce leffet dentranement du dispositif amricain FATCA118a. La rponse aux insuffisances de lchange dinformations sur demande .......... 118

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    b. FATCA : une obligation de dclaration de leurs clients amricains par toutesles banques dans le monde partir de 2014 ..................................................... 118

    c. Les initiatives du Royaume-Uni : la perspective dun UK FATCA avec lesdpendances de la Couronne, partag avec les autres pays du G 5 :lAllemagne, la France, lItalie et lEspagne .................................................... 119

    d. La Suisse doit renoncer tendre les accords Rubik et accepter FATCA : unralliement significatif sur le principe ................................................................ 120

    e. Le rsultat des ngociations pour lapplication de FATCA par la France : unenjeu politique sur la rciprocit des informations communiques par les Etats-Unis ................................................................................................................... 120

    2. Les rsultats du G 8 de Lough Erne en juin 2013 et le G 20 du Saint-Ptersbourg en septembre : une rgle inconteste sur le plan mondial et des

    perspectives de mise en application assez rapide ............................................. 121a. La dcision de principe ...................................................................................... 121

    b. Un calendrier prcis dici 2015 ......................................................................... 1223. Cinq enjeux dune vritable russite du passage lchange automatique

    dinformations pour tous les pays et territoires, y compris les actuels paradisfiscaux .............................................................................................................. 123a. Maintenir la fiabilit et la sincrit des valuations par les pairs : le cas

    exemplaire du refus du Forum mondial dadmettre la Suisse en phase 2 delvaluation ....................................................................................................... 123

    b. Etablir bref dlai linstrument efficace de mise en uvre du risque derputation : une notation de chaque pays et territoire, et une liste internationaleunique, au lieu des trois listes actuelles de lOCDE, du GAFI et du Conseil de

    stabilit financire ............................................................................................. 124c. Imposer, grce des registres centraliss, la transparence sur les bnficiaires

    effectifs des structures interposes en particulier pour toutes les formes detrust, et pour les fiducies, fondations, socits, contrats dassurance vie, ainsique les dpts et autres fonds fiduciaires ......................................................... 127

    d. Veiller ce que les professionnels soient obligs de savoir et de transmettre .. 129e. Promouvoir galement, terme, le fichier centralis des comptes bancaires type

    FICOBA dans les normes de transparence internationale ................................ 129B. EFFECTUER LA MISE A JOUR DES NOTIONS DE BASE DE LIMPOT

    SUR LES SOCIETES POUR METTRE FIN AU DETOURNEMENT DESBENEFICES ET BASES FISCALES VERS LES PAYS ETTERRITOIRES SANS SUBSTANCE ECONOMIQUE ........................... 1301. Retenir de nouvelles rgles adaptes lre numrique ................................... 130

    a. La dcision de principe du G 8 de Lough Erne ................................................. 130b. Le plan daction prsent par lOCDE le 19 juillet : 15 actions la disposition

    des Etats membres, parmi lesquelles la perspective dune nouvelle dfinitionde ltablissement stable adapte lre numrique......................................... 131

    c. La dclaration du G 20 de Saint-Ptersbourg les 5 et 6 septembre ................... 1322. Eliminer de manire coordonne les dispositifs hybrides ................................. 1323. Engager les dmarches pour exercer un contrle international des Etats sur le

    Bureau international des normes comptables ................................................... 133

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    II. AU NIVEAU EUROPEEN ............................................................................ 135A. ASSURER A PARTIR DE 2015 LE PASSAGE A LECHANGE

    AUTOMATIQUE DINFORMATIONS SUR LE REVENU DESPERSONNES PHYSIQUES, Y COMPRIS POUR LE LUXEMBOURG ETLAUTRICHE.......................................................................................... 1351. Tirer parti dune mcanique juridique inluctable............................................ 135

    a. La convergence de trois mcanismes : la fin de la priode transitoire de ladirective pargne, la directive de 2012 sur la coopration et la pression deFATCA ............................................................................................................. 135

    b. Le ralliement, progressif, mme si jamais fermement confirm, du Luxembourget de lAutriche ................................................................................................. 138

    c. La perspective dun change dinformations au 1er janvier 2015 ..................... 1392. La facult de faire valoir cette cohrence sur le plan international pour

    promouvoir cette mme transparence .............................................................. 139a. Continuer affirmer la volont politique de transparence au sein des Conseils

    Ecofin et des Conseils europens comme du G 7, G 8 et du G 20 ................... 139b. Utiliser si ncessaire les ngociations commerciales comme levier de la

    transparence fiscale avec les Etats places financires, voire avec les Etats Unis140c. Lintrt politique dune liste europenne commune des paradis fiscaux ......... 140

    B. HARMONISER EN TOUT ETAT DE CAUSE LIMPT SUR LESSOCIETES AVEC UN TAUX MINIMUM AU NIVEAU EUROPEEN ....... 1411. Un impt plancher sur les socits avec les pays volontaires ........................... 141

    a. Un impratif : faire cesser le dumping fiscal ..................................................... 141b. Un constat que ne parvient toujours pas faire partager la Commission

    europenne : dclarer contraires aux rgles de la concurrence les avantagesoctroys par les rulings des Pays-Bas, de lIrlande et du Luxembourg ............ 141

    c. La ncessit dun taux minimum et dune base aussi harmonise que possible1422. Un amnagement prvoir, en tout tat de cause, aux directives mre/filiale et

    intrts/redevances : nappliquer lexemption de la retenue la source quedans le cas o les sommes sont effectivement imposes dans lautre Etatmembre ............................................................................................................. 143

    3. Bien confirmer le principe de transparence des activits non seulement desbanques et tablissements financiers, mais de toutes les entreprises, y compriscelles qui ne sont pas cotes, pays par pays ..................................................... 144

    C. COMPLETER LARSENAL PENAL EUROPEEN DES DISPOSITIFSANTI-BLANCHIMENT ............................................................................ 1451. Un texte ncessaire pour faire face lvolution des menaces......................... 1452. Des dispositions de transparence essentielles soutenues par lAllemagne et la

    France ............................................................................................................... 145a. Les innovations .................................................................................................. 146

    b. Deux dispositions essentielles pour laccs linformation, dans la lutte contreles paradis fiscaux. ............................................................................................ 147

    III. AU NIVEAU NATIONAL ............................................................................. 149

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    c. Faciliter, au-del du rattrapage actuellement en cours, laccs aux fichiers desautres administrations pour tous les services de recherche et de contrle ........ 162

    d. Dcloisonner le fiscal et le pnal en supprimant laccord pralable de lacommission des infractions fiscales (CIF) et le monopole du ministre pour les

    poursuites pnales en cas de fraude fiscale ....................................................... 163i. La porte limite des nouvelles mesures damlioration de la coopration entre la

    justice et ladministration fiscale.............................................................................. 163ii. Une suppression objectivement justifie par linsuffisance des poursuites pnales

    actuellement autorises par la CIF et engages par le ministre dans le cadre de sonmonopole .................................................................................................................. 163

    e. Enrichir lexprience professionnelle des magistrats en rendant obligatoire leurmobilit interrgionale au moins une fois dans leur carrire ............................ 165

    4. Elargir au maximum les possibilits de recours au renseignement et la preuvedorigine illicite, pour ceux venant de sources trangres ............................... 166a. Admettre sans restriction les renseignements dorigine illgale, en sappuyant sur lexemple de lAllemagne et lutilisation des fichiers achets par les

    services secrets.................................................................................................. 166b. Rtablir la rmunration des aviseurs en matire fiscale, de manire

    complter le statut de repenti nouvellement cr.............................................. 170c. Parachever le statut des lanceurs dalerte en prvoyant pour les fonctionnaires

    et agents publics une sanction en cas de non-respect de larticle 40 du code deprocdure pnale ............................................................................................... 171

    C. METTRE FIN AUX CARROUSELS DE TVA NOTAMMENT ENPRENANT EXEMPLE SUR LA BELGIQUE ET LE ROYAUME-UNI .... 1731. Les enseignements du dcloisonnement et la ractivit : les exemples suivre

    de russite contre les carrousels de TVA en Belgique et au Royaume-Uni ..... 173a. Le Royaume-Uni ................................................................................................ 173

    b. La Belgique : la mise en place dune structure de dtection et la transmissionrapide au Procureur des cas frauduleux ............................................................ 174

    2. La ncessit pour la France de mettre en uvre le plus rapidement possible lanouvelle approche ............................................................................................ 176a. Donner davantage defficacit larsenal lgislatif renforc depuis 2006 ........ 176

    b. Passer au rgime de lauto-liquidation pour les secteurs sensibles en applicationdes nouvelles directives du 22 juillet dernier ................................................... 177

    c. Faire aboutir dans les meilleurs dlais les projets actuels de recours lanalysedes donnes (datamining et datamatching), pour permettre la DNEF, et auSNDJ, dtre plus ractifs et dexploiter au mieux les donnes fo urnies parEurofisc, pour rduire le prjudice pour le Trsor et pour dclencher les

    poursuites pnales le plus tt possible .............................................................. 178d. Un complment indispensable au dispositif de contrle prcoce prvu par loi

    sur la fraude fiscale et la grande dlinquance conomique et financire .......... 1813. Prvoir galement quelques amnagements trs techniques la lgislation et

    aux rgles administratives actuelles ................................................................. 182

    a. Inclure les greffes des tribunaux de commerce dans le champ de la dclarationde soupon et obliger les crateurs de socits communiquer leurs CV ....... 182

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    b. Imposer des dclarations mensuelles de TVA pour les secteurs sensibles,comme en Belgique, pour mettre fin aux abus du rgime simplifi ................. 182

    c. Donner aux socits de domiciliation un statut assurant davantage de scurit 183d. Dvelopper la prvention et communiquer sur les risques en direction des

    entreprises comme au Royaume-Uni ................................................................ 1834. Appliquer un mme niveau de vigilance pour le rgime douanier dit 42 ......... 184

    D. METTRE AU PLUS HAUT NIVEAU LE DROIT DU CONTROLE FISCALPOUR LES PARTICULIERS RECOURANT AUX AVOIRS NONDECLARES A LETRANGER ................................................................ 1851. Les apports de la loi sur la lutte contre la fraude fiscale et la grande

    dlinquance conomique et financire ............................................................. 185a. Lextension de la notion de fraude fiscale aggrave tous les cas de fraude avec

    recours des comptes, contrats ou montages ltranger et non seulement dansun paradis fiscal ................................................................................................ 185

    b. Llargissement des comptences de la BNRDF............................................... 185c. La capacit de ladministration fiscale utiliser hors ESFP les comptes

    bancaires ltranger........................................................................................ 186d. Le renforcement des sanctions lorsque les avoirs non dclars ltranger ont

    permis de rester sous le seuil dassujettissement lISF .................................. 1862. Actualiser les conventions fiscales ................................................................... 187

    a. Lexemple de la Suisse avec la remise en cause fin 2012 du bnfice de laconvention de 1966 sur les impts sur le revenu et sur la fortune pour lescontribuables au forfait et la rengociation de la convention de 1953 sur les

    successions ........................................................................................................ 187b. Un prcdent suivre pour la rvision des conventions les plus anciennes

    conclues avec nos principaux voisins ............................................................... 1893. Etablir un droit de communication auprs des tablissements payeur pour les

    usagers rguliers en France de cartes de crdit trangres ............................... 1894. Rendre obligatoire la dclaration des comptes ltranger utilisables par les

    dirigeants et personnels des socits commerciales ......................................... 1895. Assurer comme en Allemagne un droit de suite fond sur la nationalit pour

    lutter contre les faux transferts de domicile ltranger.................................. 190E. MODERNISER LES REGLES A HAUTEUR DES NOUVELLES

    PRATIQUES DES ENTREPRISES TRES INTERNATIONALISEES ..... 1921. Contrler les sous-traitances et les prix de transfert pour les marchs publics

    faisant appel des fournisseurs et prestataires tablis ltranger .................. 1922. Taxer les restructurations internationales au sein des groupes : lexemple de

    lAllemagne...................................................................................................... 1923. Renforcer les pouvoirs de contrle sur les prix de transfert ............................. 193

    a. Aller jusquau bout de la logique du risque de rputation : communiquer lesdonnes pays par pays non seulement aux actionnaires et au public, mais aussi ladministration fiscale................................................................................... 193

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    b. Renforcer encore les obligations documentaires des entreprises sur les prix detransfert, notamment en matire de calcul des cots et prix de facturationintragroupe ........................................................................................................ 194

    F. COMBLER ENCORE LA PRINCIPALE LACUNE DE NOTRE DROITPENAL FINANCIER SUR LE BLANCHIMENT ..................................... 1961. Une mise niveau essentielle par la loi sur la lutte contre la fraude fiscale et la

    grande dlinquance conomique et financire ................................................. 1962. Un impratif supplmentaire : mettre en conformit la rpression du

    blanchiment avec la convention du Conseil de lEurope en rendant linfractionde blanchiment encore plus autonome par rapport linfraction sous-jacente 196

    CONCLUSION ................................................................................... 198TRAVAUX DE LA COMMISSION ..................................................... 200I. AUDITIONS DE LA COMMISSION .............................................................. 200

    A. AUDITION DE M. RAMON FERNANDEZ, DIRECTEUR GENERAL DUTRESOR (3 JUILLET 2013) ................................................................... 200

    II. EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION .............................................. 212LISTE DES PROPOSITIONS ........................................................ - 213 -

    A. AU NIVEAU INTERNATIONAL : ........................................................- 213 -B. AU NIVEAU EUROPEEN : .................................................................- 214 -C. AU NIVEAU NATIONAL :...................................................................- 214 -

    ANNEXE 1 ...................................................................................... - 219 -LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES ET VISITESEFFECTUEES ................................................................................ - 219 -ANNEXE 2 ...................................................................................... - 223 -

    ELEMENTS COMMUNIQUES PAR LADMINISTRATION FISCALESUR LES CARROUSELS DE TVA ............................................... - 223 -

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    INTRODUCTION

    Mesdames, Messieurs,

    Les paradis fiscaux sont dsigns comme tels car historiquement ce sontdes Etats ou des territoires o limpt direct sur les particuliers ou sur les socitsest nul ou trs faible, soit pour tous, soit pour ceux qui ny ont pas la qualit de

    rsident fiscal ou, sagissant des socits, ny exercent aucune activit.Leur dveloppement est historiquement jumeau de celui de limpt. La

    Suisse et le Liechtenstein sont devenus des paradis fiscaux la suite de laPremire Guerre mondiale lorsque les autres Etats europens, ruins, endetts au-del de tout prcdent, et aux conomies dsorganises notamment cause dudmantlement de lAutriche-Hongrie, ont d considrablement dvelopper leurfiscalit. Impt sur le revenu et impt sur le patrimoine, impt sur le capital ouimpt sur les successions, furent alors alourdis, crs ex nihilo, comme limpt surlaccroissement des fortunes en Allemagne, ou bien btis sur des modles

    trangers.Leurattractivit et leur performance ont t dautant plus grandes qu la

    mme priode la fragilit gnralise des monnaies continentales, en raison delinflation, conjugue au risque politique des nouveaux Etats dEurope centrale, ena fait le havre idal pour des lites la recherche de scurit.

    Au mme moment, lapparition du premier mcanisme international descurit collective, avec la Socit des Nations (SDN), a mis les petits Etats labri de tout risque dun recours la force de la part des Etats gouverns selon les

    valeurs dmocratiques et pacifiques.De manire corrlative se sont ainsi manifestes deux autres

    caractristiques du paradis fiscal : la stabilit montaire, mesure par le respect dela parit entre la monnaie et lor, ou largent et, de manire lie, la stabilit

    politique.

    Les problmes poss ont dailleurs fait lobjet dune prise de conscienceds cette poque. Les travaux sur llimination des doubles impositions dans lecadre de la SDN ont largi la comptence de lorganisation lvasion de

    capitaux en vue dchapper limpt . Ds 1923, Charles Clavier, chef deladministration fiscale belge, indiquait que le secret des banques ne devait pastre un dogme international, comme le rappelle MM. Christian Chavagneux et

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    Ronen Palan dans leur ouvrage Les paradis fiscaux (collection Repres, LaDcouverte). Il faut galement mentionner le rapport dHenry Morgenthau,secrtaire au Trsor, dnonant ds 1937 labus des paradis fiscaux, dans le cadredun rapport ; selon lditorial dEric Chol dans Courrier international le 10 avrildernier, le Congrs amricain, lpoque, livra en pture quelques noms lors de

    ses auditions : la famille DuPont, lacteur Charles Laughton, le violoniste FritzKreisler, des cadres dirigeants de General Motors ou dUS Steel.

    Historiquement, les paradis fiscaux ont t dans les annes 1920 et 1930lapanage des lites ou de certaines dentre elles. Elles seules avaient la capacitfinancire de mobiliser ltranger une pargne en surplus dont elles taient sresquelles nauraient pas besoin de disposer. Elles seules avaient galement lacapacit matrielle de voyager ltranger, la matrise des rseaux et des codes,

    permettant de se mouvoir dans lunivers des banques trangres.

    La motivation a t non seulement conomique mais aussi politique, selondailleurs un mcanisme qui est longtemps rest en place en France. Pour notre

    pays, les vagues douverture de comptes ltranger ont ainsi concid avec lesgrands bouleversements sociaux, 1936, 1968 et 1981, rponse des lites face aurisque dune rvolution ou de rformes ventuellement dfavorables.

    Une rupture est ensuite intervenue aprs la Seconde guerre mondiale, avecla reconstruction de lEurope sur la base du contrle des changes.

    Les avoirs clandestins ltranger, en Suisse notamment mais pas

    seulement, ont t accrus des profits non rapatris dans les pays comme la Franceou la Belgique et sur les exportations illicites dargent soit sous forme despces,soit dans le cadre de compensations illicites. Cest pour les particuliers lpoquedes valises de billets et des comptes anonymes, des comptes numrots.

    Le dveloppement du transport arien et du tlphone a t lun desaccessoires du recours aux comptes ltranger. Ensuite, le fax, puis Internet, letlphone portable et le Smartphone ont rendu les oprations sur comptes ltranger encore plus simples.

    Le deuxime aspect de la question est dordre pnal. Il sest manifest aumme moment, mais sur un autre continent. Les les Carabes dj habitues auxfranchises de toutes sortes concdes en des temps trs anciens aux colons, peuloignes des Etats-Unis, ont servi de base arrire aux trafiquants dalcool lors dela Prohibition, notamment les Bahamas. Labsence de coopration pnaleinternationale lpoque, un moment o il ny avait pas non plus de rgime

    pnal et policier au niveau fdral aux Etats-Unis, a garanti la scurit desmarchandises et des ventuels capitaux qui pouvaient y transiter temporairement.

    Dans tous les centres offshore, dans toutes les places financires, leblanchiment sest alors dvelopp sans entrave jusque dans les annes 90. Cest la suite du G7 dans le cadre du Sommet de lArche, en juillet 1989, que la lutte

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    contre le recyclage des capitaux, contre leur blanchiment, a commenc fairelobjet dune action internationale concerte, linitiative de la France.

    Le troisime aspect, celui du dveloppement de places financires sansaucune proportion avec le poids conomique densemble du pays, celui des

    centres offshore selon la terminologie qui a prvalu en raison du nombre croissantdEtats insulaires ou de petits territoires disposant dune souverainet fiscale,

    juridique et financire, sest dvelopp aprs la Seconde Guerre mondiale.

    Le Luxembourg et la Suisse, ainsi que les les anglo-normandes, ont timites par un nombre croissant dEtats ou de territoires dans la zone carabe, enAsie avec Hong Kong, Macao et Singapour, puis dans le Pacifique. Le modle ena t la City de Londres qui a dvelopp ses activits dintermdiaires pour desoprations sans liens avec le Royaume-Uni.

    La premire tape de ce dveloppement a t concomitante delmergence du march des eurodollars, lequel consiste en dpts, par desentreprises ou des particuliers, de dollars en dehors des Etats-Unis, auprs de

    banque effectuant des oprations bancaires et financires en dollar sur cette base.Le dveloppement du commerce international en dollar dans les annes 1950 et1960 a considrablement accru les montants des avoirs non-rsidents en dollar etmme en dautres devises, ainsi que des oprations en dollar en dehors de toutcontrle de la Rserve fdrale amricaine.

    La deuxime tape a suivi les chocs ptroliers de 1974 et 1979. Le

    recyclage des excdents commerciaux des pays producteurs de ptrole lesptrodollarsa considrablement accru les mouvements de capitaux.

    Ensuite, et ce fut la troisime tape, lexpansion du march des capitauxinternationaux a t dmultiplie par la financiarisation de lconomie fonde surla drgulation des annes 1980, sous limpulsion de ladministration du prsidentReagan aux Etats-Unis et du Premier ministre Margaret Thatcher au Royaume-Uni. Leurs initiatives ont permis aux politiques conomiques librales prnes parlEcole de Chicago de sortir de leur terrain dexprimentation, le Chili du GnralPinochet, auquel elles avaient t jusque-l cantonnes.

    Cest le point de dpart du dveloppement sans limite de linnovationfinancire , c'est--dire dun dveloppement illimit et sur une base purementmathmatique de produits financiers complexes rendus desseinincomprhensibles pour tout autre que les initis ; avec pour consquence directe,comme on la vu ds 1998 avec laffaire du LCTM(1), que des oprationsfinancires nouvelles mme en nombre limit peuvent prsenter un risque

    (1) Long Term Capital Management : le LTCM est un fonds de couverture ou fonds spculatif (Hedge fund)apparu en 1994 et dont la quasi-faillite en 1998 fit courir un risque majeur au systme bancaire

    international et cra des perturbations importantes sur les marchs financiers.

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    systmique, car elles peuvent mettre en pril la solvabilit ou la liquidit delensemble du systme financier international.

    Enfin, depuis les annes 1990, la mondialisation, consquence de la chutedu Mur de Berlin, a ouvert sans restriction les circuits internationaux du

    commerce et des capitaux, comme la division internationale du travail, tous lespays, notamment la Chine.

    Au mme moment, le Tiers-monde sest divis entre les pays encroissance, les pays mergents, notamment les BRICS (Brsil, Russie, Inde, Chineet Afrique du Sud), et les autres, catgorie de plus en plus rsiduelle au fur et mesure quun nombre grandissant de pays est entr en phase de dveloppement,en Asie et en Amrique latine, mais aussi en Afrique.

    Cest la quatrime phase du phnomne. Elle est toujours en cours.

    De trois manires, la mondialisation a renforc le rle des paradis fiscauxet centres offshore. Dabord, le niveau des transactions financires ny a jamais taussi lev, la mesure de leur volont dattirer toujours davantage dactivit,notamment avec des rglementations trs souples et un vritable dumping

    juridique. Le cas des les Caman o sest localis lessentiel des fonds spculatifs,les hedge funds, est caractristique.

    Ensuite, les schmas doptimisation fiscale autrefois rservs aux seulestrs grandes entreprises multinationales se sont diffuss. Limportation croissante

    de biens trs bas cots dans le pays de production mais prix de vente maintenulev dans le pays de consommation, notamment en Europe, a rendu trs rentablela cration de structures intermdiaires permettant par la matrise de la fixation des

    prix de transfert, la localisation du montant souhait des profits l o ils seront lemoins taxs.

    Enfin, la mondialisation sest accompagne dun accroissementconsidrable des ingalits. De fait, au lieu de profiter autant que possible lensemble des nations et, lintrieur de celles-ci, toutes les classes sociales,elle sest traduite par un transfert de richesses des pauvres des pays riches versles riches de pays pauvres (Jean-Louis Bourlanges). Comme le point communde certaines grandes fortunes est de vouloir chapper limpt dans leur paysdorigine, la gestion prive a pris une ampleur particulire, non seulement enSuisse et au Luxembourg, point de rencontre ancien des immenses fortunesmondiales, mais aussi et notamment en Asie dans les places financires deSingapour et dHong Kong, ainsi qu Duba.

    Paralllement au dveloppement des transactions commerciales,financires ou fiscales, les circuits financiers criminels ont appris, depuis lesannes 1990, tirer parti de la mondialisation pour djouer la plupart des mesuresdestines les traquer. Non seulement leffet de masse joue en leur faveur, maisils ont galement mut pour prendre des apparences plus banales.

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    Ainsi, la puissance gigantesque des mcanismes conomiques et financierssous-jacents la mondialisation a t largement sous-estime. On le constate dansle domaine conomique, industriel notamment, mais aussi pour ce qui concerneles paradis fiscaux.

    Si le secret bancaire a t brch, dabord dans le cadre de la lutte contrele blanchiment, puis de la lutte contre la fraude fiscale, le recours aux structurescrans que sont les trusts et les socits non rsidentes a permis le maintien delopacit.

    Si la traabilit des capitaux frauduleux se dveloppe grce aux efforts desmagistrats, elle demeure nanmoins inoprante dans de nombreux cas, cardpasse par le dveloppement dInternet. Les nouveaux moyens decommunications offrent en effet aux oprations bancaires le pouvoir de voyageren quelques instants sans limite gographique, permettant de multiplier les coupe-circuits qui brouillent efficacement les pistes, quand la moindre demandedentraide judiciaire prend plusieurs semaines. Ainsi, la fraude, la dlinquance etla criminalit ont su sadapter la vitesse du clic informatique, ce que la

    justice et le fisc nont pas t en mesure de faire.

    En rsum, le recours aux paradis fiscaux, centres offshore et autresjuridictions non coopratives, repose sur un rseau doprateurs aussi influentsquhabiles, qui a parfaitement su adapter ses pratiques et ses recettes pour mettreen chec les mesures destines combattre un phnomne devenu une industriemondialise florissante.

    Coup sur coup la crise financire de Chypre, l'affaire Cahuzac et lenqutede l'International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ)plus connu sousle nom dOffshoreleaks(1), ont mis au grand jour ces pratiques et leur ampleurinsupportable.

    Nul ne peut plus ignorer aujourdhui que les paradis fiscaux cachent unenfer: par lvasion fiscale, la fraude organise, le blanchiment dargent, cest lasaine concurrence entre les entreprises qui est fausse, lgalit devant limpt

    bafoue, les caisses des Etats floues et le triomphe de la voyoucratie assur.

    Comment en est-on arriv l alors que depuis des annes des journalistes,des ONG, des magistrats, des fonctionnaires tirent la sonnette dalarme ? Pourquoile colossal travail parlementaire ralis sur la question des paradis fiscaux, centresoffshore et juridictions non cooprative en matire fiscale, pnale ou prudentielle(la liste des rapports ci-dessous en atteste), estil rest lettre morte, ou presque ?

    (1) l'International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) est un rseau indpendant de journalistes,bas Washingtonet 36 titres de la presse internationale, dont notamment laBBC, leWashington Post, leGuardian, le Sddeutsche Zeitung et Le Monde, qui ont eu accs une base de donnes de plus de2,5 millions de documents concernant prs de 120 000 socits offshore.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_financi%C3%A8re_chypriote_de_2012-2013https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Cahuzachttps://fr.wikipedia.org/wiki/Washington_%28district_de_Columbia%29https://fr.wikipedia.org/wiki/Washington_%28district_de_Columbia%29https://fr.wikipedia.org/wiki/Washington_%28district_de_Columbia%29https://fr.wikipedia.org/wiki/British_Broadcasting_Corporationhttps://fr.wikipedia.org/wiki/British_Broadcasting_Corporationhttps://fr.wikipedia.org/wiki/British_Broadcasting_Corporationhttps://fr.wikipedia.org/wiki/The_Washington_Posthttps://fr.wikipedia.org/wiki/The_Washington_Posthttps://fr.wikipedia.org/wiki/The_Washington_Posthttps://fr.wikipedia.org/wiki/The_Guardianhttps://fr.wikipedia.org/wiki/The_Guardianhttps://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%BCddeutsche_Zeitunghttps://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%BCddeutsche_Zeitunghttps://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Mondehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Mondehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_offshorehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_offshorehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Mondehttps://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%BCddeutsche_Zeitunghttps://fr.wikipedia.org/wiki/The_Guardianhttps://fr.wikipedia.org/wiki/The_Washington_Posthttps://fr.wikipedia.org/wiki/British_Broadcasting_Corporationhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Washington_%28district_de_Columbia%29https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Cahuzachttps://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_financi%C3%A8re_chypriote_de_2012-2013
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    cesse des sacrifices inous aux peuples pour rtablir lquilibre de leurs comptespublics, elle doit dsormais faire la dmonstration de sa valeur ajoute et non plusde sa nocivit : mettre au ban les paradis fiscaux en Europe au lieu de les protger

    par son impuissance chronique, lutter sans merci contre ceux localiss hors de sesfrontires en mettant rellement tout son poids dans la balance, et faciliterlindispensable coopration entre ses membres dans ce combat pour la survie de ladmocratie, sont les dfis quelle devra obligatoirement relever, sous peine de voirles Etats-nations y rpondre chacun de leur ct

    Ce nest pas seulement une exigence politique, mais aussi morale, carlUnion europenne doit faire respecter les valeurs fondatrices quelle invoquesouvent sans toujours convaincre : le respect de la dignit humaine, la libert, ladmocratie, l'galit, l'tat de droit ainsi que le respect des droits de l'homme,dans un march intrieur o la concurrence, libre et non fausse, ne saurait servirdalibi la loi de la jungle et au dprissement de la puissance publique.

    Vos rapporteurs avancent des propositions pour progresser de conserve surles trois fronts : linternational, leuropen, et le national.

    Un travail parlementaire considrableSi lon sen tient aux quinze dernires annes et lessentiel, le nombre de rapportsparlementaires traitant des paradis fiscaux et de lvasion fiscale reprsente une somme dedonnes considrable:1998 - Rapport n1105: Fraude et vasion fiscales: une intolrable atteinte limptcitoyen par M. Jean-Pierre Brard, dput de Seine-Saint-Denis.1999 - n1802: Retrouver lgalit devant limpt par M. Jean-Pierre Brard, dput deSeine-Saint-Denis.2001: rapport n2311 de la mission dinformation commune sur les obstacles au contrle et larpression de la grande dlinquance financire et du blanchiment des capitaux en Europe, prsidepar M.Vincent Peillon et dont M. Arnaud Montebourg tait le rapporteur.2009: rapport dinformation n1938 sur la rvision de la directive sur la fiscalit de lpargne etla lutte contre les paradis fiscaux, les centres offshore et les juridictions non coopratives prsentpar M. Daniel Garrigue et Elisabeth Guigou rapporteur au sein de la Commission des affaireseuropennes (documents E4096, E 4264, E 4267, E 4467 et E 4555).2009: rapport dinformation n1902 par M. Didier Migaud, prsident, et M.Gilles Carrez,rapporteur gnral, au nom de la commission des finances, de lconomie gnrale et du contrle

    budgtaire.Les mesures de lutte contre la fraude ou lvasion fiscale internationales ont galement donn lieu des commentaires complets au fur et mesure que larsenal lgislatif a t complt par les loisde finances ou les lois de finances rectificatives qui se sont succd.2012: rapport n673 Lvasion fiscale internationale, et si on arrtait? par la commissiondenqute snatoriale dont le prsident tait M. Philippe Dominati et le rapporteur M. EricBocquet.2013: rapport n1243 de la commission des finances de lAssemble nationale surloptimisation fiscale des entreprises dans un contexte international, prsent par M. Pierre AlainMuet, rapporteur, et M. Eric Woerth, prsident de la mission dinformation.2013: rapport n1235 de la commission des finances de lAssemble nationale relatif autraitement par l'administration fiscale des informations contenues dans la liste HSBC reue d'un

    ancien salari, prsent par le rapporteur gnral, M. Christian Eckert.

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    PREMIRE PARTIE : UN OUTIL DE FRAUDE ET DEVASIONFISCALES COMME DE CRIMINALITE FINANCIERE

    I. LES PARADIS FISCAUX AUJOURDHUI

    A. DES ETATS ET TERRITOIRES ASSEZ BIEN IDENTIFIES

    1. Une prpondrance de petits Etats ou territoires de nature parasitairesans activit conomique relle et prdateurs de la richesse desautres

    a. Un tableau gnral largement connu

    Il nappartient pas au prsent rapport de dresser la liste des paradis fiscaux.Nanmoins, on peut mentionner les caractristiques les plus communmentadmises :

    - une fiscalit faible ou inexistante, notamment pour les non-rsidents ;- un secret bancaire ;- des structures crans type trust ou socit offshore, nayant aucune

    activit sur le territoire ;

    - une rglementation peu exigeante et des instances de rgulation voues un rle davantage figuratif quactif;

    - une coopration internationale inexistante ou insuffisante en matirefiscale, en matire pnale et/ou en matire prudentielle.

    En appliquant ces critres, lONG Economie solidaire notamment, comme

    dautres organismes, fait apparatre sur une carte les principaux pays concerns,dont le nombre atteint toujours, au demeurant, plusieurs dizaines, quarante,cinquante ou soixante selon les auteurs.

    Selon dautres modalits, le site Contrepoints d'inspiration librale, quicroise les donnes de lOCDE et de deux des auteurs de guides sur les paradisfiscaux, obtient la carte suivante :

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    On observe une prdominance de petits Etats ou de territoires de petitetaille qui ne sont pas indpendants et nont donc pas de personnalit juridique auniveau international, mais qui disposent nanmoins dune certaine souverainet

    pour fixer leurs rgles de droit et, surtout, leur rgime fiscal.

    Cette prpondrance des petits pays et territoires sexplique : les paradisfiscaux et centres offshore reposent sur le principe dasymtrie. Ils peuventfortement diminuer les impts jusqu ne les percevoir qu un niveau symboliqueou mme nul, car lactivit financire, juridique, bancaire et comptable quils vontainsi attirer compensera et, mme au-del, la perte de recettes initiale. Les grandsEtats, loppos, ne peuvent bien entendu se permettre une telle stratgie.

    b. Un secteur bancaire et financier hypertrophi

    Les paradis fiscaux se sont spcialiss dans la finance car les activitscorrespondantes nexigent pas dinvestissements lourds contrairement dautres et

    peuvent connatre des rythmes de dveloppement fulgurants. Ainsi, partir desannes 1950 et 1960, de nombreux petits Etats ou territoires, qui sont encore ouont t considrs comme des paradis fiscaux, se sont lancs dans ces activits. Ledveloppement de la place financire de Singapour est ainsi conscutif sonindpendance en 1965, avec la volont den faire une place de rfrence en Asie,clairement concurrente de Hong Kong, dont lpanouissement a t li sa

    proximit avec les grands marchs commerciaux entre le Royaume-Uni etlExtrme-Orient, ainsi qu lapplication stricte des principes de lconomielibrale et de la souplesse rglementaire.

    Tel a t galement le cas des les Caman qui se sont spares du reste delArchipel des Bahamas en 1962, et ont dmultipli leffet des anciennes

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    franchises fiscales concdes lors de la colonisation aux quelques dizaines defamilles de colons, pour crerex nihilo un centre financier.

    Dans une note de mai 2011 (La note danalyse n 222 : Centresfinanciers offshore et systme bancaire fantme), le Centre danalyse stratgique,

    plac auprs du Premier ministre, relve un noyau dur constitu desjuridictions limposition inexistante et o limportance des transactionsfinancires est tonnante au regard de leur conomie.

    Il regroupe les les Caman, le Luxembourg, les Bahamas, Jersey, Bahren,Guernesey, les Antilles nerlandaises, la Rpublique de Maurice, lle de Man, lesles Marshall et la Barbade. Lexportation de services financiers par les lesCaman est particulirement significative. Le Luxembourg est galement prsenten tant que nudcentral en Europe des transactions entre fonds : en 2010, cest letroisime gestionnaire mondial de fonds en total dactifs financiers, aprs leRoyaume-Uni et les tats-Unis, et le deuxime march des fonds communs de

    placement, en tant notamment le principal destinataire.

    Deux critres quantitatifs sont retenus.

    Il sagit dabord de la position extrieure bancaire (PEB) rapporte au PIB(autrement dit ltat du stock des avoirs et engagements extrieurs par rapport auPIB). Sur le graphe suivant apparaissent les pays dont le rapport entre PEB/PIB estdeux fois suprieur la moyenne mondiale. Aux les Caman, la PEB est gale 13.000 fois le PIB. A Jersey, le rapport est de 120 :

    Source : Centre danalyse stratgique

    Il sagit ensuite du rapport entre les investissements de portefeuille et lePIB, qui permet didentifier les juridictions les plus orientes vers la financestructure ou vers la gestion doprations financires pour les non-rsidents. Les

    Bermudes sont les plus dynamiques devant Guernesey, Jersey et leLuxembourg :

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    Source : Centre danalyse stratgique

    Les deux graphes montrent une dconnexion totale entre lconomie relledu pays ou du territoire et leurs activits paradisiaques qui ne profitent mme

    pas aux habitants.

    2. Une bote outils commune

    Les lments communs aux diffrents Etats et territoires communmentconsidrs comme des paradis fiscaux sont bien identifis : secret bancaire,

    structures cran, assurance vie, opacit, taxation inexistante ou rduite, prsencesur place dintermdiaires professionnels du droit, du chiffre ou de la finance.

    Il faut dabord mentionner le secret bancaire: mme lorsquil nest pasabsolu, il sert de coupe-circuit.

    Il sagit ensuite de structures crans, les trusts et les socits offshore.

    Dans les tudes sur les paradis fiscaux et plus gnralement sur la fiscalitinternationale, le trusttient une place de choix. La formule est troublante car ellerevient mettre des biens entre les mains dun tiers, mais elle est facile comprendre dans ses effets.

    Une personne, le constituant du trust, se dessaisit, de manire temporaireou dfinitive, rvocable ou irrvocable, de biens mobiliers (actions, obligations,

    parts sociales, tableaux, animaux de type chevaux de course etc.) ou immobiliers,voire des droits dans un autre trust, et les confie un tiers, le trustee, qui va lesadministrer selon les orientations qui lui auront t donnes dans une lettredintention. Les revenus et produits du trust, et le cas chant la jouissance des

    biens, sont rservs aux bnficiaires du trust: ceux-ci peuvent tre dsigns par

    avance, avec toutes les complexits possibles, notamment la facult dalterner lesbnficiaires, ou bien tre laisss la discrtion du trustee (le trust est alors

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    discrtionnaire). Pour surveiller le trustee, un protecteur peut galement tredsign. La dvolution des biens lextinction du trustest aussi prvue.

    Lavantage du trust, qui peut semboter dans des montages complexes, estde masquer la ralit de la proprit, par une formule de suspension de celle-ci qui

    a les effets de certaines formes de dmembrement, sans rpondre aux mmescontraintes.

    Comme lillustre le tableau ci-dessous, la principale caractristique dutrustest lanonymat quil garantit la personne physique bnficiaire effectif des

    biens et revenus correspondants. La difficult pour les administrations fiscales etpour les juges est justement didentifier ces bnficiaires rels, ou bnficiairesconomiques, des trusts.

    La socit offshore (socit cre un but dactivit hors du territoire de

    lEtat ou de la juridiction dont elle est ressortissante) prsente des caractristiquessimilaires. La formule est en gnrale trs tolrante, avec des obligationscomptables qui peuvent tre inexistantes voire dlocalises, la facult de recourir des prte-noms, la facult de disposer de comptes bancaires ailleurs etc. Cestdailleurs lun des arguments des fournisseurs sur tagre de ces socitssouvent toutes prtes, comme lillustre le tableau ci-joint figurant sur le siteInternet http://www.azfh.ch la date de rdaction du prsent rapport, qui estassortie dun commentaire particulirement clairant sur les avantages des socitsoffshore : Pas dimpt sur les socits ni sur les bnfices ; Pas de T.V.A. ; Pasde droit de succession sur les actions dtenues par les non-rsidents ; Pas

    dobligation de maintenir les pices et livres comptables ; Pas de comptabilit prsenter annuellement ; Pas de capital minimum pour constituer une socit .Enfin, les derniers lments sont bien connus : limpt notamment pour les non-rsidents est faible ou inexistant ; la coopration fiscale inexistante ou a minima ;la coopration judiciaire galement rduite au minimum.

    http://www.azfh.ch/http://www.azfh.ch/
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    Tableau comparatif des socits offshore

    Les 2,5 millions de fichiers dOffshoreLeaks ont rvl 120 000 trusts etsocits prte-noms dans les les Caman et les les Vierges, ou ailleurs.

    Certaines formules sont moins connues mais tout aussi opaques.

    Tel est le cas de lassurance-vie, avec le transfert de la proprit

    temporaire de biens dune personne ou dune socit une compagniedassurance. Il peut sagir dun transfert fictif lorsque des clauses ad hoc etmaintenues secrtes permettent de dnouer le contrat. Lors de son audition par lacommission denqute du Snat sur le rle des banques et acteurs financiers,M. Pierre Condamin Gerbier, qui a exerc plusieurs fonctions dans le familyoffice, lequel sapparente la gestion prive de fortune en Suisse, a soulign cetlment.

    Tel est galement le cas des fonds fiduciaires, ou placement durejusqu un an avec une indisponibilit pour le propritaire rel des fonds.

    Enfin, comme le relve le rapport prcit de M. Christian Eckert surlaffaire HSBC, il y a le cas des employs de banques, dont 169 rattachs uneadresse en France, qui portent des comptes au noms de leurs clients, jouant chacunle rle de prte-nom ou de rabatteur .

    3. A chaque territoire, sa spcialit

    a. Comptes bancaires, ngoce et por t f ranc : le rle majeur de la Suisse,notamment de Genve, vis--vi s de la France

    Parmi les paradis fiscaux et les centres financiers offshore, la Suisse tientune place de choix.

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    Le secteur financier reprsente en Suisse 10% du PIB et comprendplusieurs places hors de proportion avec la taille du pays. Fin 2012, la place deZrich reprsentait 1.233 milliards de dollars, soit le 13me rang mondial et mmele 12mesi lon ne spare pas les deux branches deNYSE Euronext.

    Les avoirs sous gestion en Suisse slevaient selon lunit dentraidejudiciaire de lOffice fdral suisse 5.500 milliards de francs suisses en 2011,soit plus de 4.000 milliards deuros.

    Le tiers de la fortune offshore mondiale serait gr par les institutionsfinancire de la Suisse, soit 800 milliards de dollars.

    Le cabinetHevea a ralis en 2009 une tude selon laquelle prs de 80%des avoirs trangers en Suisse ne seraient pas dclars, soit 725,8 milliards defrancs suisses et 600 milliards deuros pour les Europens. Les Allemands auraient

    alors dtenu 159 milliards deuros, les Italiens 152 et les Franais 75,4.

    Selon dautres sources, la gestion des fonds non-rsidents en Suisseconcerne essentiellement une fortune des investisseurs institutionnels (68%). Lesentreprises (10%) et les particuliers (22%) reprsentent chacun une part moindre.

    On atteindrait le chiffre de 580 milliards de francs suisses pour les fondsoffshoredes particuliers. Lessentiel serait plac auprs dUBS et de Crdit Suisse,avec chacun 100 milliards de francs suisses, puis de Julius Baer, avec 70 milliardsde francs suisses.

    Un lment accrdite la thse dune proportion de 20 30% de ces fondscomme tant non dclars ou fiscalement risque : lampleur de la dcollecte,c'est--dire de la diminution en 2012 des avoirs dtenus par les banques suisses.Cette diminution ou dcollecte est estime 14 milliards de francs suisses pourJulius Baer. Les autorits allemandes valueraient 30 milliards deuros ladcollecte totale pour leurs ressortissants ces dernires annes. Au total, pourlEurope de lOuest, on arriverait un ordre de grandeur de 60 milliards de francssuisses retirs des banques. Cette volution est attribue au sentiment desdtenteurs de fonds non dclars que la Suisse nest plus aussi sre.

    Le volume des activits de Genve fait que la Suisse est au premier rangmondial pour le ngoce des matires premires, en particulier du ptrole,notamment parce que les deux tiers du ptrole russe sy ngocient. On estime que35% du ngoce du ptrole, 60% des mtaux et 35% des crales y sont concentrs.500 socits interviennent dans le secteur et emploient 8.000 10.000 personnes,selon les sources. Lactivit reprsente 3,5% du PIB suisse. Lattractivit de la

    place de Genve est dfendue par les reprsentants du GTSA Geneva TradeShipping Associationau nom dun savoir-faire, selon une logique de cluster, et enraison de lapplication de la rgle des socits auxiliaires qui limite 12% leniveau de limpt sur les socits. En outre, selon un article du quotidien Les

    Echos de novembre 2010, les actionnaires des socits concernes bnficient du

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    rgime du forfait fiscal, c'est--dire dune imposition au titre de limpt sur lerevenu selon la dpense estime, et non le revenu total du foyer.

    Les places de Singapour et Duba sont prsentes comme les concurrentsles plus menaants, la seconde ne prlevant aucun impt sur les socits.

    Bien quelle ne soit pas un pays maritime, la Suisse prsente laparticularit davoir le port franc de Genve. Celui-ci a la rputation dtreparticulirement secret et dabriter un nombre particulirement lev duvresdart et debiens culturels qui chappent tout pointage. Les arrives, les dpartset le stockage en transit, ne font en effet lobjet daucun contrle de la part daucune administration.

    Lorsquils se sont rendus Genve, le 13 mai 2013, vos rapporteurs ont purencontrer diffrents professionnels exerant des fonctions dans le droit ou les

    marchs.

    En revanche, en dpit dune formulation en temps utile, leur demande derencontrer les autorits responsables du port franc et d'en faire une visite, sestheurte une fin de non-recevoir.

    Cest clairement un lment qui ne peut que conforter les soupons sur lecaractre singulier de certaines activits qui sont rputes intervenir dans le cadredu port franc. Des transactions peuvent y avoir lieu sans aucune perception detaxe, sans aucun contrle des paiements ou de leur origine, sans aucun contrle

    quant aux qualits de ceux qui vendent et de ceux qui achtent.

    Cette situation est incomprhensible. Dailleurs, un article du magazinesuisseLHebdo de mai 2013 consacr aux ports francs, cite le dialogue suivant : la question : Comment expliquez- vous que lUnion europenne, qui accrot sa

    pression fiscale sur la Suisse, ne sintresse pas de plus prs aux ports francs ? ,un expert en art rpond : Tout cela tient du miracle. Et il ajoute : Il estdifficile dexpertiser les valeurs de telles collections.

    b. La monte en puissance des places asiatiques

    Dune manire gnrale, les observateurs constatent la monte enpuissance des places asiatiques, notamment dHong Kong et Singapour dans lespays ou territoires communment considrs comme des paradis fiscaux.

    Lun des enseignements dOffshoreLeaks est galement la mise envidence des territoires carabes, notamment des les Vierges britanniques et lesCaman, dans les relations de la Chine et des places asiatiques avec le reste dumonde.

    Selon les lments diffuss, les Chinois qui jouent de loffshore apprcientles investissements via Hong Kong sous le couvert dune des les Vierges, socitcommunment dsigne comme BVI.

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    A linverse, le directeur gnral de la banque autrichienne RaffeisenInternational (RBI), Herbert Stepic, a d rcemment dmissionner en raison desinvestissements immobiliers quil prvoyait Singapour notamment via HongKong et une BVI. De mme, les relations daffaires avec la Chine de lhommedaffaires franais Jean-Marc Augier ont t noues dans le cadre dune socitconstitue aux les Caman.

    c. Le rle de tte de rseau des trs grandes places financires: lexemplede la City de Londres

    Nombre dobservateurs considrent que la City de Londres est le plusimportant des paradis fiscaux en Europe, faisant certainement peu de cas desautorits de rgulation et de contrle du Royaume-Uni. Cette qualification reposesur une ralit rappele par Nicholas Shaxson dans son ouvrage intitul les

    paradis fiscaux : enqute sur les ravages de la finance nolibrale (AndrVersaille Editeur) : Londres est la premire place financire mondiale pour lemarch financier international. New-York est la premire place financire, maisson poids rsulte avant tout de limportance du march domestique amricain.Selon Tax Justice Network, la City reprsentait en 2008 un total de 3.200 milliardsde dollars de capitaux. Elle reprsentait aussi la moiti du tradinginternational desactions, 45% des changes de gr gr des produits drivs, 35% des changes dedevises et 55% des missions publiques internationales, selon louvrage prcit.Londres est ainsi la principale place offshore.

    Comme lont expliqu aux rapporteurs la presque totalit des personnalitsde la finance, du chiffre et du droit, quils y ont rencontres, cest dans la culturedu Royaume-Uni qui accepte de ne pas appliquer ses rgles, notamment fiscales,mais pas uniquement, aux oprations pour lesquelles ses professionnelsninterviennent que comme intermdiaires entre des parties prenantes tabliesdans des pays trangers.

    Cest ainsi que la City est la place o convergent en Europe les rseaux detous les grands tablissements financiers de dimension internationale, et par voiede consquence, o sont aussi les grandes banques franaises, amricaines,

    allemandes, les grands cabinets daudit (les Big Four), les grands cabinets deconseil, les grands cabinets davocat et galement, en arrire-plan, les socits decommunication. Les principales banques daffaires amricaines se sont implantes partir de la drglementation du milieu des annes 1980.

    Sur le plan financier, cest la place o convergent les capitaux des troisles anglo-normandes et de lle de Man, les capitaux qui transitent par les lesCarabes, anciennes colonies et maintenant dpendances de la Couronne, maisaussi les capitaux de Chypre qui a t la place de transit des capitaux russes vers laCity et la place de Londres, avec les consquences dsastreuses que lon sait.

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    diversifis, explique par consquent que les capitaux de publics aussi divers queles trs grandes fortunes, les entreprises, le monde du crime et des mafias, syretrouvent.

    1. Les particuliers : des dynasties aux anonymes

    Sans quil soit besoin dvoquer ici des noms particuliers, chaque mise aujour de comptes et davoirs dtenus dans les paradis fiscaux par des ressortissantsde pays europens ou nord-amricains montre que les paradis fiscaux ne sontlapanage ni des grandes dynasties, ni de personnalits connues du grand public, nides anonymes, mais que lensemble de ces catgories fortunes retrouve.

    a. Une certaine protection des grandes fortunes en situation de fraudefiscale, en dpit de la signature daccord dchange dinformations sur

    demande depuis 2009Pour ce qui concerne les particuliers, la dtention davoirs non dclars

    comme la perception ltranger de revenus qui ne le sont pas davantage, sontconstitutifs dune fraude fiscale. Tel est le cas pour tous les impts dus par les

    personnes physiques : impt sur le revenu, impt sur la fortune et impt sur lesmutations titre gratuit (successions ou donations). Lobligation fiscale des

    personnes fiscalement rsidentes est mondiale ou illimite : elle sapplique tousles revenus quelle que soit leur origine comme tous les lments de patrimoinequelle que soit leur localisation. Seules les conventions fiscales visant liminer

    les doubles impositions peuvent droger ce principe.Pour les non-rsidents, le droit dimposer de lEtat relve du principe de

    lobligation fiscale restreinte , limite aux seuls revenus lorigine desquels ilsse trouvent. L encore les conventions visant liminer les doubles impositions

    jouent un rle clef.

    Outre lapptit pour lconomie fiscale illicite, certains particulierstrouvent dans les paradis fiscaux un intrt sur le plan du droit civil : chapper auxrgles successorales et favoriser au-del de la quotit disponible ; cacher de telles

    ingalits entre les hritiers ; favoriser lpouse par rapports aux enfants de litsprcdents ; ne pas laisser choir celle ou celui que la loi ou les rgles socialesnont pas permis dpouser et son ventuelle descendance, etc.

    De telles considrations ne concernent que les trs grosses fortunes, mmesi depuis plusieurs annes le niveau de patrimoine des personnes recourant lafraude fiscale internationale a diminu.

    Comme lon montr dans leurs ouvrages sur les lites et largent et lontfort bien expliqu lors de lentretien quils ont bien voulu accorder la mission,

    M. Michel Pinon et Mme Monique Pinon-Charlot, sociologues, le compte ltranger est, dans ce contexte, peru par certains parmi les lites et ceux quipensent les intgrer ainsi, comme un privilge lgitime. Il est alors lun des

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    lments destin assurer la prennit de la place, leve, de la famille, de laligne, dans une perspective intergnrationnelle. Il nest pas assimil dans lespritdes lites une faute. Il nimplique aucun sentiment de culpabilit.

    Ce sentiment repose aussi sur le fait que les capitaux en cause ne sont pas

    trs actifs, donnant ainsi comme lavait relev le rapporteur gnral de lpoque,M. Gilles Carrez, en 2009, la fraude et aux fraudeurs, un caractre assez passif, sauf lorsque ce sont les biens au cur de lactivit professionnelle,comme ce fut le cas dans laffaire Wildenstein expose ci-aprs.

    Depuis 2009, la signature daccords dchange dinformations fiscales surdemande de ladministration a cependant fortement accru le risque li ladtention secrte de comptes et davoirs ltranger.

    Ces accords notamment signs par la Suisse et tous les Etats europens

    secret bancaire rendent en principe obligatoire la transmission dinformations surdemande de ladministration fiscale du pays de rsidence du contribuable, en casde demande.

    Un certain nombre de clients sont partis, profitant notamment desmesures de rgularisation comme celle en vigueur en France, lpoque oudiverses mesures damnistie sont intervenues, notamment en Irlande et en Italie.

    Dautres au contraire se sont organiss avec laide des professionnels,banques et juristes, pour chapper au risque dtre pris.

    Pour ce qui concerne la France, Genve est considr tant en raison de laproximit gographique que de la communaut de langue, comme la placeprivilgie pour les avoirs non dclars des grandes fortunes.

    La principale raison de ce tropisme pour la Suisse est dordre juridique. LaSuisse a garanti ds 1934 son secret bancaire par la loi, non pas pour protger lesavoirs des juifs perscuts par lAllemagne alors sous le rgime nazi, mais pourragir contre la France dont la police avait pris sur le fait, en octobre 1932, leversement en France de coupons dintrts et de dividendes non dclars dans les

    locaux de la Banque commerciale de Ble. Ce fut un scandale en raison desnotabilits concerns, dont trois snateurs parmi lesquels lancien ministre delIntrieur du Cartel des Gauches, M. Schrameck.

    b. Les happy few dOffshoreLeaks

    Lopration OffshoreLeaks, engage par le Consortium international dejournalistes dinvestigation, dont le quotidien Le Monde, a suffisamment lev lecoin du voile pour que lon sache qui se croise ou se succde dans les paradisfiscaux. On constate la prsence dun grand monde , de niveaux, fonctions et

    rputations, variables et varis.

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    A ct de ces anonymes ou personnes peu connues figurant parmi les130 franais, entrepreneurs, hommes daffaires, notables de provinces,

    professions librales (Le Monde, samedi 6 avril 2013), et aux cts de ceux plusconnus et dont les noms ont t rvls, on trouve un ancien mari allemand duneactrice franaise, une ex-parolire de Cline Dion qui a t lpouse dunamricain lorigine dun scandale sur la spculation du prix du ptrole en 1973 -1974, lactuel Premier ministre dun Etat du Caucase, par le truchement dune

    BVI, socit offshore des les Vierges, des Colombiens et mme un ancienministre des finances dun Etat dAsie de lEst particulirement enclav.

    Lessentiel des interlocuteurs des rapporteurs ont insist sur les troisfacteurs qui ont permis lexplosion - et mme au-del, selon certains sites Internetayant pour objectif de dmocratiser les paradis fiscaux - du recours aux paradisfiscaux et aux comptes ltranger: lavion, Internet, le tlphoneportable.

    2. La captation des profits des entreprises

    Le commerce ralis au sein des multinationales (le commerceintragroupe), reprsente une part considrable du commerce international. Il est aucur de la mondialisation. Dans le cas franais, il a t estim en 1999 un tiersdes exportations et un quart des importations destination ou en provenance defiliales d'une mme multinationale, et 70 % des changes raliss par les filialesde groupes industriels internationaux situes en France. Ces parts se sontcertainement accrues. Pour les Etats-Unis, lOCDE (OECD Trade Policy Paper

    n 114, 2011) a estim partir des donnes douanires quen 2009, 48% desimportations de biens et 30% des exportations relevaient des transactionsintragroupes. On estime parfois prs de la moiti du commerce mondial lestransactions intragroupes. Les prix dchange entre les diffrentes branches dungroupe international peuvent faire lobjet de manipulations pour transfrerclandestinement les profits dun pays lautre.

    a. Les manipulations de pri x de transfert sur les biens, notamment pourle pil lage des ressour ces naturel les et produits de base des pays endveloppement

    Lapremire forme dutilisation des paradis fiscaux par les entreprises estla manipulation des prix de transfert. Un exemple traditionnel en est donn par leT-shirt, comme lillustre le schma suivant disponible surInternet la date de lardaction du prsent rapport :

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    Parfois, les oprations sont encore plus grossires. Des livres sur lesparadis fiscaux mentionnent des anecdotes amusantes : des seaux en plastique des prix plus levs que ceux de certains dtaillants, etc.

    Certaines le sont moins. Tel est le cas lorsqu'il s'agit darmes vendues

    prix trs faibles pour alimenter des rbellions ou des circuits terroristes oumafieux.

    b. Les abus de la sous-capitalisation des fi l iales pour justif ier leversement dintrts dans les pays sans impt

    Un deuxime exemple est la sous-capitalisation des filiales. Il repose sur lefait que les intrts sont dductibles du rsultat imposable dans lEtatdimplantation de la filiale. La contrepartie en est un bnfice non imposable dansla socit mre.

    Lexemple suivant permet den comprendre le fonctionnement :

    une entreprise implante en France bnficie non dun apport encapital, mais dun prt 5%, dun montant d'un million deuros dela part dune socit lie implante dans une juridiction trangre :les intrts, dun montant de 50.000 euros, sont dduits du rsultatimposable, soit une diminution de limpt pay de 17.000 euros ;

    ils ont pour contrepartie un bnfice non imposable de 50.000 eurosdans lEtat de la socit qui prte ;

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    - lconomie dimpt est donc 17.000 euros au total pour le groupe etune augmentation de 1,7 point du rendement du capital.

    c. La localisation des droits de propr itintellectuelle et des redevancesdans des pays qui ne peuvent manifestement pas en tre lorigine, et

    la manipulation des pri x de transfert sur les services et limmatriel

    Le procd le plus moderne notamment utilis par les entreprises dunumrique est celui de la localisation de droits de proprit intellectuelle ou de

    prestations de services diverses telles que celles de groupement dachat, daide aumanagement etc. dans des structures ad hoc localises dans les paradis fiscaux.Les professionnels appellent ce procd la licence box.

    Ces lments sont particulirement bien dtaills dans le rapport prcitprsent par MM. Pierre-Alain Muet et Eric Woerth, dputs.

    Il en rsulte pour lentreprise cense profiter des prestationscorrespondantes, toujours tablie dans un pays fiscalit normale, uneaugmentation de ses charges et donc une diminution de son bnfice.

    En contrepartie, le profit non impos de la socit lie tablie dans unparadis fiscal augmente.

    Ds lors que les prix nont aucun lien avec une quelconque ralitconomique, mais ont un niveau purement fiscal , ils sont clairement le rsultat

    dune logique de manipulation des prix de limmatriel et de la prestation deservices.

    d. Le dtournement des conventions fiscales et des di rectives europennesmre/fi l iale et intrts/redevances pour en fai re des instr uments denon-imposition, et non plus dlimination des doubles impositions

    Les conventions dlimination des doubles impositions ont pour objectifde favoriser lacquisition par les entreprises dune dimension internationale, envitant quun bnfice, ne soit impos deux fois: dans lEtat de source, celui o a

    t ralise lactivit lorigine du bnfice ; dans celui de la rsidence fiscale delentreprise.

    En Europe, les principes de libre circulation des capitaux et de libretablissement ont conduit adopter deux directives pour favoriser la circulationdun Etat membre lautre des revenus dits passifs en vitant les doublestaxations. Ils concernent la remonte des bnfices dune socit filiale vers unesocit mre (directive mre/filiale 435/90/CEE du 23 juillet 1990, concernant lergime fiscal commun applicable aux socits mres et filiales d'tats membresdiffrents et aux intrts, modifie depuis), et la circulation des redevances et

    intrts demprunt dun Etat membre lautre (directive 2003/49/CE du3 juin 2003 concernant un rgime fiscal commun applicable aux paiementsd'intrts et de redevances effectus entre des socits associes d'tats membres

    http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32003L0049:fr:HTMLhttp://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32003L0049:fr:HTML
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    diffrents). Les paiements d'intrts et de redevances sont exonrs de tout imptet toute retenue la source dans lEtat dorigine, condition que le bnficiaireeffectif du paiement soit une socit ou un tablissement stable d'un autre tatmembre. En principe en effet, cest l que sont imposs les revenuscorrespondants.

    Tel nest pas cependant le cas. En effet, ces dispositifs jugs ncessaires la construction de lEurope des entreprises et des capitaux ont clairement favorisle treaty shoping, c'est--dire la possibilit pour les entreprises de chercher dansles diffrents Etats membres les dispositions les plus favorables au transfert dansou hors de lUnion europenne des bnfices pour les mettre labri de touteimposition. Ils sont clairement devenus pour les grandes multinationales, mais passeulement elles, la garantie de laccs aux mcanismes nerlandais, irlandais,luxembourgeois ou autres, permettant labsence dimposition en Europe ou dansun pays ou territoire tiers.

    Ainsi, force de dmanteler les lgislations nationales au nom d'uneconstruction europenne par trop idologique, qui dfait l'existant sans mmes'assurer pralablement de pourvoir son dfaut, on a de facto laiss se dvelopperun systme fou qui rcompense la fraude, voire le crime, et dcourage le respectde la loi.

    e. La forme la plus acheve de cette plani f ication : la reconf iguration desentreprises ou business restructur ing selon une pratique qui relve du

    dpeage fiscalLa forme la plus acheve de ces oprations est la reconfiguration complte

    de lentreprise ou business restructuring des fins purement fiscales : tout ce quicote est laiss dans le pays dorigine ; tout ce qui rapporte ou peut rapporter vatre transfr dans un pays faible taxation.

    Lentreprise est donc dpece entre plusieurs entits qui vont avoirdornavant des relations commerciales, exprimes en termes financiers, et non

    plus fonctionnelles entre services, sans autre considration que les ventuellesproccupations classiques de comptabilit analytique.

    Le procd a t utilis parColgate notamment, qui au passage, a transfrson sige fiscal en Suisse.

    Les dclinaisons les plus classiques sont les suivantes :

    un distributeur est transform en commissionnaire, agissant pour undonneur dordre tranger, et sa rmunration est fixe de manire couvrir les seuls cots, avec une marge la plus faible possible ;

    une entreprise de fabrication est transforme en simple sous-traitantvoire faonnier, qui les matires premires et les prestations de direction et de

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    savoir-faire sont factures, et qui livre ses produits des distributeurs issus dumme groupe dans des conditions de prix a minima ;

    une formule intermdiaire consiste dlocaliser tout ce qui estintellectuel et incorporel.

    Lors des auditions, il est apparu que la reconfiguration totale desentreprises tait la principale menace sur le maintien terme dune basesubstantielle dimpt sur les socits pour les pays comme la France.

    Ce constat gnral est celui tant des universitaires et journalistes que celui,galement, des reprsentants de lEtat.

    Lactualit rcente la illustr. Au dbut du mois daot 2013, le groupeTotal a indiqu prvoir le transfert Londres de ses activits de gestion de

    trsorerie et de communication financire. Il a invoqu lintrt de se rapprocherdes interlocuteurs quotidiens. Le centre de trading ptrolier du groupe est djbas Londres.

    Total a naturellement dmenti que lobjectif tait fiscal et argu que lecentre de profits correspondant resterait impos en France.

    Cette pratique de business restructuring est inacceptable car nonseulement elle amenuise lassiette fiscale de la France, mais en outre lesentreprises qui y restent, les PME ancres dans le territoire, celles qui crent de

    lemploi, subissent une concurrence dloyale qui lamine leurs marges et menacedirectement leur existence.

    Certains secteurs de lconomie sont particulirement touchs.

    Ainsi, la grande distribution est caractrise par les centrales dachat offshore . Ce sont des socits lies aux multinationales franaises du secteur,situes ltranger et qui ne paient pas dimpt en France.

    Le mcanisme est le suivant. Ces entits trangres recueillent les

    commissions verses par les industriels qui souhaitent que leurs produits soientdistribus et elles sont censes participer au dveloppement du groupe au niveauinternational, ce qui nest pas avr.

    Les sommes en jeu sont importantes. Les produits lacts donneraient lieu un taux de commission de 2%. Ce dernier serait de 5% pour les salaisons. Autotal, les sommes concernes stabliraient un deux milliards deuros par an.

    A loccasion de lexamen au Snat du projet de loi sur la lutte contre lafraude fiscale et la grande dlinquance financire, un amendement

    particulirementbienvenu prsent par M. Jean Arthuis, snateur, a t adoptcontre lavis du Gouvernement, lequel sy est oppos en raison de la complexittechnique de la matire.

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    Cet article additionnel a t supprim lAssemble nationale en