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1 « WORKERS AND THE GLOBAL INFORMAL ECONOMY » Les acteurs du secteur informel en Afrique : nouvelles figures, économie de la solidarité et transformations socio-urbaines au Cameroun Par Idrissou Alioum, Université de Yaoundé I (Cameroun). Démarche et arguments Aborder le travail informel en Afrique et au Cameroun, c’est nécessairement donner à voir son importance et ses répercussions tant dans l’économie que dans la société qui animent et composent ces entités. Aussi, des enquêtes consacrées au secteur informel et conduites dans une dizaine de pays en Afrique subsaharienne (sauf l’Afrique du Sud avec 50%) au cours des années 1990 montrent-elles que le secteur informel représente entre 70 et 90 % de l’emploi non agricole (CHARMES in ILO : 2002). Plus d’une dizaine d’années après ces enquêtes, il a été établi qu’au Cameroun, environ 90% des emplois sont informels (INS, 2005, 2011) corroborant la tendance observée dans les années 1990 pour les pays d’Afrique subsaharienne. Autant dire qu’il s’agit là, non pas d’une singularité, mais d’une situation structurelle Au Cameroun, nombre d’études et d’enquêtes ont couvert aussi bien le secteur agricole que non agricole du travail informel. Il reste qu’elles n’ont pas très souvent été sensibles aux changements structuraux de ce travail informel et donc de la manière dont les différents acteurs qui animent ce champ, apportent des réponses ou s’adaptent aux difficultés qui sont les leurs. Il n’est donc pas question pour nous de décrire la longue marche du travail informel en Afrique et au Cameroun ainsi que les relations qu’il entretient avec le secteur formel, mais de tenter d’établir des liens avec les multiples flux, reflux et interactions qui existent entre la sphère locale et le champ global. En fait, il est question de la problématique de l’arrimage du Cameroun à la mondialisation et donc du triomphe de l’économie néolibérale et l’atomisation des frontières étatiques en Afrique, singulièrement au Cameroun, de donner la parole aux acteurs, confrontés en permanence aux aléas de ce secteur dans un premier temps et dans un deuxième temps d’appréhender des alternatives proposées par ces derniers dans une perspective de résilience permanente. Secteur, travail, économie, emploi informel sont autant de vocables et d’expressions qui sont employés pour désigner des activités dont la codification institutionnelle est imprécise et qui de manière prosaïque, échappent au contrôle des structurent étatiques. Leur utilisation dans le contexte de cette recherche est invariable en sachant que des différences intelligibles et non moins pertinentes sont avancées pour apporter des nuances notables autour de ces concepts. Ainsi, dans la tentative d’une définition opérationnelle à l’objet de cette recherche, il apparaît qu’en Amérique latine, le secteur informel désigne des entreprises qui fonctionnent à la limite de la légalité, dans le but d’échapper aux impôts et à la réglementation (DE SOTO : 1989). Aussi, en Afrique, deux grandes tendances du marché de travail sont-elles mises en exergue à savoir : l’économie moderne ou économie formelle, caractérisée par une offre d’emplois protégés et productifs et l’économie informelle ou

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« WORKERS AND THE GLOBAL INFORMAL ECONOMY »

Les acteurs du secteur informel en Afrique : nouvelles figures, économie de la solidarité et transformations socio-urbaines au Cameroun

Par Idrissou Alioum, Université de Yaoundé I (Cameroun).

Démarche et arguments

Aborder le travail informel en Afrique et au Cameroun, c’est nécessairement donner à voir son importance et ses répercussions tant dans l’économie que dans la société qui animent et composent ces entités. Aussi, des enquêtes consacrées au secteur informel et conduites dans une dizaine de pays en Afrique subsaharienne (sauf l’Afrique du Sud avec 50%) au cours des années 1990 montrent-elles que le secteur informel représente entre 70 et 90 % de l’emploi non agricole (CHARMES in ILO : 2002). Plus d’une dizaine d’années après ces enquêtes, il a été établi qu’au Cameroun, environ 90% des emplois sont informels (INS, 2005, 2011) corroborant la tendance observée dans les années 1990 pour les pays d’Afrique subsaharienne. Autant dire qu’il s’agit là, non pas d’une singularité, mais d’une situation structurelle Au Cameroun, nombre d’études et d’enquêtes ont couvert aussi bien le secteur agricole que non agricole du travail informel. Il reste qu’elles n’ont pas très souvent été sensibles aux changements structuraux de ce travail informel et donc de la manière dont les différents acteurs qui animent ce champ, apportent des réponses ou s’adaptent aux difficultés qui sont les leurs. Il n’est donc pas question pour nous de décrire la longue marche du travail informel en Afrique et au Cameroun ainsi que les relations qu’il entretient avec le secteur formel, mais de tenter d’établir des liens avec les multiples flux, reflux et interactions qui existent entre la sphère locale et le champ global. En fait, il est question de la problématique de l’arrimage du Cameroun à la mondialisation et donc du triomphe de l’économie néolibérale et l’atomisation des frontières étatiques en Afrique, singulièrement au Cameroun, de donner la parole aux acteurs, confrontés en permanence aux aléas de ce secteur dans un premier temps et dans un deuxième temps d’appréhender des alternatives proposées par ces derniers dans une perspective de résilience permanente.

Secteur, travail, économie, emploi informel sont autant de vocables et d’expressions qui sont employés pour désigner des activités dont la codification institutionnelle est imprécise et qui de manière prosaïque, échappent au contrôle des structurent étatiques. Leur utilisation dans le contexte de cette recherche est invariable en sachant que des différences intelligibles et non moins pertinentes sont avancées pour apporter des nuances notables autour de ces concepts. Ainsi, dans la tentative d’une définition opérationnelle à l’objet de cette recherche, il apparaît qu’en Amérique latine, le secteur informel désigne des entreprises qui fonctionnent à la limite de la légalité, dans le but d’échapper aux impôts et à la réglementation (DE SOTO : 1989). Aussi, en Afrique, deux grandes tendances du marché de travail sont-elles mises en exergue à savoir : l’économie moderne ou économie formelle, caractérisée par une offre d’emplois protégés et productifs et l’économie informelle ou

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populaire, ayant une grande diversité d’activités généralement peu productives, à forte intensité de main d’œuvre et faisant appel à l’utilisation de ressources naturelles et d’outils simples (GHOSE et al., 2008). Egalement, le secteur informel désigne en Afrique, des micro unités de production, des entreprises individuelles ayant un faible niveau d’organisation (HAUSSMAN et al., 1990 ; AFRISTAT, 1999 ; HENLEY et al., 2006). Au Cameroun, le secteur informel désigne les entreprises individuelles ne possédant pas de numéro d’identification fiscale et/ou n’élaborant pas de comptabilité formelle (INS, 2006). Le champ opératoire du vocable « informel» dans cette recherche est plus compatible à ce « qui n’est pas organisé de manière officielle » ou en marge de l’économie officielle.

S’articulant sur le travail informel non agricole et tourné vers les services dans un registre urbain, cette recherche vise modestement à camper d’une part, le contexte et les facteurs d’émergence des nouveaux acteurs de ce secteur, singulièrement dans la ville de Yaoundé, capitale politique du Cameroun et donc ayant une posture institutionnelle voire officielle plus affirmée dans tous les domaines et d’autre part, d’évaluer leur degré d’organisation et d’autonomisation face aux défis qui sont les leurs tout en insistant sur leur poids et importance dans la modification des rapports inter urbains. Egalement, signalons que la ville de Yaoundé compte en 2015, près de 2 870 000 habitants. Sur le plan méthodologique, les enquêtes ont été conduites de novembre à décembre 2014 et ont consisté en des témoignages directs de près de 540 acteurs d’acteurs du secteur ciblé. C’est dire que les sources orales constituent le matériau principal de cette recherche et que les statistiques, mieux les agrégats figurant dans les tableaux donnent à voir la réalité appréhendée dans une démarche inductive et empirique.

Cartographie descriptive et analytique des acteurs du secteur informel

au Cameroun L’atomisation du secteur informel en Afrique et au Cameroun ces

dernières décennies résulte d’une combinatoire associant la crise économique des années 1980, les programmes d’ajustement structurel et la flexibilité du travail dans les années 1990. Pour le cas du Cameroun, la répartition institutionnelle des emplois se présente comme suit :

Tableau 1 : Structure des emplois selon le secteur institutionnel par milieu de résidence au Cameroun1

Milieu de résidence Urbain Rural Cameroun Secteur institutionnel Public 10.5 2.6 4.9 Privé formel 11.8 2.0 4.7 Informel non agricole 67.4 22.5 35.2 Informel agricole 10.3 72.9 55.2 Total 100 100 100

1 INS, Enquête sur l’emploi et le secteur informel, 2005, phase

1 (Document de travail) in WALTHER, R., 2006 : 10.

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Deux constats visuels, au moins, découlent de la configuration de

l’emploi ci-dessus mentionnée au Cameroun : le premier constat indique la faiblesse ou l’atrophie du secteur formel qui représente 9.6 % et essentiellement répertorié dans les zones urbaines et le deuxième constat postule à près de 90.4 % la part du secteur informel dans l’emploi. Aussi, est-il fait état de ce que le secteur informel est dominé par le secteur agricole et donc primaire, et représente 55.2% du PIB informel. Dans le cadre de cette recherche, les deux paramètres privilégiés, c'est-à-dire le secteur non agricole et le registre urbain affichent 67.4% des emplois informels.

Un rapide survol, de l’historique de l’explosion du secteur informel non agricole, résulte de multiples facteurs exposés ci-dessus. La crise économique des années 1980 dont l’une des conséquences est la détérioration des termes de l’échange avec la chute des matières premières sur l’échiquier international a, pour le cas du Cameroun, eu un impact extrêmement important voire dévastateur pour son économie essentiellement tournée vers l’agriculture. Cette dernière, composée des cultures de rente telles que le cacao, le café, le coton ou encore l’hévéa pour ne citer que celles là, ne pouvait être épargnée. Ainsi, ce secteur a été fragilisé par la perte des milliers d’emplois générés essentiellement dans les zones rurales mais aussi de son attractivité, avec comme implication directe, l’exode rural à savoir le déplacement des populations mieux des travailleurs vers les villes. Signalons que pour le cas de la ville de Yaoundé, épicentre de cette étude, l’impact de la crise des années 1980 a été nettement visible car elle est située au cœur du bassin cacaoyer du Cameroun. Il est fait état de ce que, les investissements réalisés dans ce pays au courant des années 1970, ont eu pour principales sources et ressources, les recettes issues de l’exportation des matières premières agricoles. La gestion par les villes camerounaises des flux de milliers de travailleurs issus des campagnes, sans formation technique spécifique, ne pouvait qu’être inefficiente tant les structures d’accueil que les réseaux d’insertion étaient mal préparés. D’autant que les structures d’encadrement des paysans ont été démantelées à l’instar du Fonds National pour le Développement Rural (FONADER).

S’agissant des programmes d’ajustement structurel (PAS) des années 1990 imposés par les bailleurs de fonds, singulièrement le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM), visant à résorber les effets de la crise des années 1980 et à redresser les finances publiques, ils ont obtenus des effets inverses voire pervers et contreproductifs pour bon nombre de pays africains. Le Cameroun a, pour sa part, connu face à ces PAS, des conséquences dramatiques sur le plan social avec les licenciements massifs suite à la privatisation voire liquidation des sociétés étatiques comme la Régie Nationale des Chemin de Fer du Cameroun (REGIFERCAM), la Société des Transports Urbains du Cameroun (SOTUC), la Cameroon Airlines (CAMAIR), la Société Nationale des Eaux du Cameroun (SNEC) et la Société Nationale d’Electricité (SONEL). L’incomplétude des politiques appliquées par les PAS et adossées à l’Etat est la non liquidation des droits sociaux des travailleurs dans les structures privatisées ou liquidées avec comme conséquence également le

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basculement dans la précarité de ces derniers. Ainsi, au plan strictement économique, la crise des années 1980 et les PAS des années 1990 ont eu des conséquences directes dans le grossissement des effectifs des sans emplois ou sous employés, ouvrant la voie à de multiples artifices déployés par ces acteurs concernés pour ne pas rester oisifs et surtout de lutter pour leur survie et cette de leurs familles.

En rapport avec la flexibilité du travail comme facteur ayant participé à l’atomisation du secteur informel au Cameroun, il est évident que la mondialisation, en ouvrant de multiples champs à la concurrence, a participé à l’accroissement du secteur des services dont bon nombre de brèches ouvertes ont été envahies dans la plupart des cas par une jeunesse de plus en plus nombreuse et qui ne croit plus aux promesses des autorités étatiques en matière d’emploi. C’est cette catégorie sociale que cette enquête a prioritairement ciblé dans la ville de Yaoundé.

Un aperçu de la cartographie des travailleurs du secteur informel non agricole dans la capitale politique du Cameroun fait apparaître une pluralité de figures aux trajectoires différentes. Si l’identification des domaines où exercent ces acteurs s’est faite sur une base subjective, c'est-à-dire n’ayant pas été précédée d’investigation préalable et où l’exhaustivité n’est pas l’objectif recherché, il est cependant utile de rappeler que certaines articulations contenues dans les instruments de collecte des données s’imposaient. Il en est ainsi des éléments tels que la qualification professionnelle ou de façon plus prosaïque le nombre d’années d’études des acteurs approchés ainsi que le temps mis dans leurs activités hebdomadairement et quotidiennement, les salaires perçus éventuellement, les réseaux de solidarité, s’il en existe, les taux d’imposition, s’il y a lieu ou encore leur « improbable » affiliation à la sécurité sociale. Sur la base de 540 guides d’entretien détaillés, il a été question d’approcher dans la ville de Yaoundé, les acteurs issus des domaines d’activités suivants : moto taxis men communément appelés « benskineurs », restaurateurs, laveurs de voitures, coiffeurs, photocopieurs, marchands ambulants ou « sauveteurs », bouquinistes ou détaillants de journaux, cordonniers, couturier (è)s et détaillants des crédits de consommation téléphonique appelés « call boxeurs ».

S’agissant des âges des acteurs, le tableau ci-après donne un aperçu de leur distribution selon les domaines d’activités ciblées.

Tableau 2 : Distribution par âge des acteurs du secteur informel dans la ville de Yaoundé2

Tranche d’âge

16-20 ans

21-25 ans

26-30 ans

31-35 ans

36-40 ans

41-45 ans

46-50 ans

51-55 Ans

Total

Nombre d’acteurs

26 97 157 72 54 23 04 03 436

% 6 22 36 17 12 5 1 1 100

2 Les données récoltées pour la réalisation de cette étude ont été collectées par les étudiants du niveau IV de l’Ecole Normale Supérieure de Yaoundé en 2014/2015. Aussi, leur sommes-nous infiniment reconnaissant.

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Au regard du tableau précédent, il apparait nettement que le tranche d’âge 26-30 ans est largement représentée, ce qui corrobore la thèse de la juvénilisation des activités ciblées. De manière plus détaillée, les données renseignent sur le fait que c’est dans le domaine des motos taxis que cette tranche d’âge est plus présente parmi les acteurs interviewés soit 15 travailleurs sur un total de 22 cas recensés dans toutes les activités isolées. Ces données ne sauraient être totalement intelligibles sans une économie de celles agrégées aux genres et diplômes contenues dans le tableau 3.

Tableau 3 : Répartition par genre et années d’études (diplômes) des acteurs du

secteur informel à Yaoundé Genre/ années d’études ou diplômes

Genre Diplômes ou années d’études

Catégorie d’activités

Hommes Femmes

CEP

E (6

an

née

s)

BEP

C

(10

an

née

s)

Prob

a-

toir

e (1

2

ann

ées)

B

acca

- la

uré

at

(13

an

née

s)

Lice

nce

(1

5

ann

ées)

Mas

ter

(18

an

née

s)

Motos Taxi 143 - 48 41 13 15 07 - Coiffeurs 10 30 07 13 06 10 01 - Call boxeurs 25 15 04 09 03 12 07 03 Restaurateurs 14 14 07 09 02 02 01 - Laveurs de voiture

32 02 17 13 01 03 02 -

Bouquinistes 28 03 04 08 02 10 08 - Couturie(ère)s 10 30 10 15 03 05 - - Marchands ambulants

23 12 05 13 05 09 - -

Cordonniers 37 01 19 04 - 01 - - Photocopieurs 48 22 05 20 06 23 07 - TOTAL 370 129 126 145 41 90 33 03

A l’analyse, il résulte de la forte représentativité (74%) des hommes dans

les activités étudiées. Il est évident que la nature de certaines d’elles pourraient incliner, dans un contexte où tabous et autres pesanteurs socio-anthropologiques animent fortement ou déteignent de manière significative dans le camp socio-économique, à des métiers « réservés » comme ceux de moto taxis men, laveurs de voitures ou encore cordonniers.

Egalement, l’exploitation basique des données renseigne sur le fait que près du tiers des acteurs approchés détiennent au moins un Certificat d’Etudes Primaires Elémentaires (CEPE) soit 29% alors que la moitié, est titulaire en plus de ce premier diplôme, du Brevet d’Etudes du Premier Cycle (33%) soit un total de 62%. Ainsi le champ d’activités est occupé par des acteurs diplômés, à tout le moins instruit, traduisant de ce fait, l’indigence des politiques d’emplois et d’insertion professionnelles de ces derniers nonobstant l’existence du Fonds National de l’Emploi (FNE) et bon nombre de programmes surtout en milieu rural comme le programme d’appui au développement des emplois ruraux (PADER) ou encore la professionnalisation agricole et renforcement institutionnel (PARI).

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Faut-il signaler que plus de la moitié de ces acteurs, sur le plan purement physique, s’emploient à exercer leurs tâches 6 jours sur 7, soit 58% et que, fatalement, des conséquences pourraient être manifestes sur leur état de santé sans oublier d’autres aléas susceptibles de leur porter préjudice. Le tableau suivant donne un aperçu des jours de travail et au travail des ces acteurs.

Tableau 4 : Nombre de jours de travail des acteurs du secteur informel à Yaoundé Nombre de jours 1 2 3 4 5 6 7

Acteurs

Motos Taxi 01 02 03 24 59 44 Coiffeurs 01 05 27 08 Call boxeurs 01 01 02 02 04 19 08 Restaurateurs 04 16 10 Laveurs de voiture 01 01 01 02 19 16 Bouquinistes 01 08 28 03 Couturier(ère)s 02 04 33 01 Marchands ambulants

01 02 08 17 06

Cordonniers 01 02 28 07 Photocopieurs 01 17 41 11 TOTAL 01 04 08 10 74 287 114

Au-delà des jours de travail, il apparaît aussi que près du tiers (26%) des acteurs ciblés dans le cadre de leurs activités, travaillent 60 heures par semaine en violation des règles minimales en la matière et surtout, très loin de leurs congénères du secteur public, qui eux sont astreints à l’exercice de leur fonction qu’à 40 heures par semaine. Sous cette perspective mais de manière plus précise, il reste que c’est encore dans le secteur des motos taxis men que le chiffre est assez éloquent soit 21 personnes concernées sur l’ensemble des 127 acteurs ayant répondu exercer leur labeur 10 heures par jour comme en témoigne le tableau ci-après.

Tableau 5 : Nombre d’heures de travail des acteurs du secteur informel à Yaoundé

Activités

M

otos

Tax

i

C

oiff

eurs

C

all

box

eurs

R

esta

ura

teu

rs

Lav

eurs

de

voit

ure

Bou

qu

inis

tes

C

outu

rier

(ère

)s

M

arch

and

s

a

mb

ula

nts

Cor

don

nie

rs

Ph

otoc

opie

urs

T

otal

Nombre

d’heures

2 02 02 3 01 01 01 01 02 06 4 04 01 05 5 01 01 01 02 05 6 03 01 02 03 03 01 13 7 05 01 01 01 08 06 07 09 01 39 8 05 01 05 01 11 13 11 03 02 52 9 06 05 01 02 04 02 03 02 05 30

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10 21 08 18 03 17 13 08 08 12 19 127 11 09 02 01 01 02 01 01 04 01 14 36 12 11 07 04 09 06 01 06 02 03 50 13 11 04 05 02 01 03 26 14 09 02 03 02 01 11 38 15 09 02 01 01 01 14 16 13 01 14 17 10 05 01 16 18 03 03 11 19 01 01 20 05 05 22 01 01

Dans la typologie des activités ayant été ciblées, il est question du secteur de la mobilité urbaine avec les motos taxis, les « call boxeurs » ou détaillants sédentaires voire ambulants des crédits de recharge téléphonique, les restaurateurs, les laveurs de voitures, les coiffeurs, les « photocopieurs » ou activités de secrétariat bureautique, les « bouquinistes » ou vendeurs de romans et autres ouvrages ayant pris un coup de vieux, les « sauveteurs » ou marchands ambulants, les cordonniers et les couturiers. C’est autour de ces activités qui s’inscrivent dans le registre urbain que les données ont été collectées. Sur le plan visuel, la galerie des photographies prises dans la ville de Yaoundé donne à voir sur la nature et conditions d’exercice de ces activités. Photographie 1 : Un moto taxi man à Yaoundé Photographie 2 : Un laveur de voiture à Yaoundé

Photographie 3 : Un « call boxeur » ambulant Photographie 4 : Une «call boxeuse » sédentaire

Photographie 5 : Un cordonnier sédentaire Photographie 6 : Un cordonnier ambulant

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Au-delà de l’identification de ces activités, il reste que les modalités de leur pratique quotidienne sont également porteuses de renseignements. Aussi, l’activité des motos taxis mérite-t-elle qu’on s’y attarde.

Le phénomène de motos taxis dans la ville de Yaoundé est relativement récent s’il faut considérer que les villes du Nord Cameroun ont démarré avec cette activité dans les années 1980 dans sa phase lucrative. Il a fallu attendre deux décennies plus tard pour que véritablement, les métropoles du Cameroun méridional s’y frayent un chemin notamment dans les villes de Douala, Bafoussam et Yaoundé. Au Cameroun, il fait état de 350 000 motos taxis ou « benskineurs » selon les chiffres avancés en 2008 par le Syndicat national des propriétaires et conducteurs des motos-taxis3. L’activité des motos taxis est réglementée au Cameroun par un décret daté du 31décembre 2008 fixant les conditions et les modalités d’exploitation des motocyclistes à titre onéreux ou payant. Dans le but de mieux organiser le « métier » de moto taxi man, un autre décret en 15 articles daté du 30 juillet 2013 modifie et complète le précédent. Ce dernier décret précise que neuf (09) pièces sont exigées pour l’accès à la profession d’exploitant de moto taxi, parmi lesquelles : la licence spéciale de transport de catégorie S2, la carte de transport public routier par motocycle exploité, la carte du contribuable, la police d’assurance en cours de validité, l’immatriculation de la moto avant sa mise en circulation par les services territorialement compétents du ministère en charge des Transports. Outre ce dispositif réglementaire, onze (11) équipements et accessoires devraient être formalisés par l’exploitant et parmi ceux-ci : une peinture jaune sur le réservoir à carburant, un casque de protection pour le conducteur, un casque pour le passager, un trousseau de dépannage, un pare choc avant et arrière.

Pour le cas de la ville de Yaoundé, un arrêté du délégué du gouvernement daté du 12 janvier 2012 réglemente les zones de circulation des motos taxis. Ce texte qui précise que la circulation des motos taxis n’est tolérée que dans la périphérie de la ville de Yaoundé, énumère en réalité, les voies centrales et principales interdites de circulation pour les motos taxis telles que Place d’Awae, Boulevard de la réunification, Place Melen, Place Elif effa, Rond Point Bastos et Avenue Nsimeyong, Rue Noah Tsogo (Rue Manguiers), Boulevard OUA, Rue Kondengui, Avenue de Biyem Assi respectivement et pour

3 Cameroon Tribune du 13 août 2013.

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ne citer quelques unes de ces zones. A coté de ce cadre normatif, les délimitations des zones de circulation par arrondissement ont été également fixées. Ainsi, la couleur du gilet où figureront le nom de la commune de ressort et celui d’immatriculation du conducteur indique les couleurs suivantes par arrondissement : Yaoundé I (couleur jaune) ; Yaoundé II (orange fluo) ; Yaoundé III (violet) ; Yaoundé IV (rose) ; Yaoundé V (vert), Yaoundé VI (bleue) et Yaoundé VII (rouge). Il est évident que toutes ces mesures ne sont pas respectées, et leurs contrevenants s’exposent à la mise en fourrière de leurs motocyclettes, pour des montants allant de 25 000 FCFA pour les frais d’enlèvement et 5 000 FCFA par jour/motocyclettes pour les droits de fourrière4.

L’explosion des motos taxis dans les grandes villes du Cameroun, singulièrement à Douala, Yaoundé et Bafoussam a un lien direct avec l’entrée fracassante de la Chine dans le contient africain. Le prix prohibitif de ces engins importés initialement au Japon a été un facteur bloquant pour bon nombre de camerounais à revenus modestes. Ainsi, les entrepreneurs chinois, rejoints rapidement par des Camerounais, ont flairé l’immense besoin en mobilité urbaine dans les villes de Douala et de Yaoundé. Dans ces deux villes, la faillite de la Société des Transports Urbains du Cameroun (SOTUC) a crée un vide abyssal en matière de besoins de mobilité quoique les taxis classiques aient tenté de le combler, mais rapidement dépassés par l’explosion démographique, avec comme conséquence, le déséquilibre entre l’offre et la demande. De fait, les motos taxis apparaissent comme une solution alternative ou palliative à ce problème de mobilité.

Mais le nombre exponentiel des motos taxis dans les villes sus citées est tributaire pour une bonne partie, aux avantages douaniers et fiscaux accordés à des premiers entrepreneurs spécialisés dans l’importation des motocyclettes : d’où leur l’inflation. Aussi, la déflation des travailleurs des sociétés publiques et parapubliques, la baisse drastique des salaires des fonctionnaires dans les années 1990, l’irruption des travailleurs ruraux dans les centres urbains sont-ils autant de facteurs ayant contribué à grossir les rangs des sans emplois ou ceux vivant dans la précarité dans les centres urbains dont la ville de Yaoundé ne pouvait faire exception. Ces populations poussées à la marge n’avaient d’autres alternatives que de se rabattre dans des emplois sous qualifiés ou ne requérant aucune qualification.

Cet aperçu descriptif de l’activité des motos taxis ne saurait prétendre à une certaine complétude sans évoquer leur implication -à leur corps défendant ?- ces dernières années dans l’arène politique. En clair, les motos taxis constituent dans les villes camerounaises, une ressource politique que se disputent les acteurs politiques de tous bords. A ce sujet, le Chef de l’Etat du Cameroun a, dans une adresse solennelle aux jeunes le 10 février 2013, adoubé les motos taxis en plaidant pour leur reconnaissance officielle. Mais ces derniers n’ont pas attendu cette sortie inattendue pour s’organiser.

4 Ibid.

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De l’importance des réseaux de solidarité parmi les acteurs du secteur informel au Cameroun

S’il est un fait établi dans des études consacrées au secteur informel en Afrique, c’est « l’absence de systèmes de sécurité sociale institutionnalisée » (Charmes in ILO, 2002). Ce constat est corroboré par les données collectées qui, ne mentionnent aucune affiliation individuelle ou collective, d’un ou des acteurs du secteur informel ciblé, à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) dans la ville de Yaoundé. Autant dire que ce sujet relève de l’exploit. Face à cette situation perçue comme rédhibitoire, les acteurs du secteur informel développent des stratégies visant non seulement à faire face aux pressions de toutes sortes pouvant venir des structures ou acteurs institutionnels mais à s’entraider sur le plan social étant donné qu’ils n’ont aucune garantie sur le plan de la sécurité sociale. En réalité, le défi majeur des acteurs du secteur informel non agricole est de s’organiser. Sur la base des données recueillies, il apparaît que les motos taxis semblent le mieux organiser avec des structures telles que l’organisation syndicale nationale des transporteurs par motos taxis du Cameroun. Dans la ville de Yaoundé tout comme celle de Douala, le constat est simple : c’est la capacité de mobilisation et de réactivité des motos taxis dès qu’un des leurs est mis en difficulté y compris par les forces de l’ordre. Cette solidarité « agissante », qualifiée d’ « aveugle » par leurs concurrents à savoir les taxis men, permet aux motos taxis de se positionner dans un environnement, en particulier celui de la mobilité urbaine, où la concurrence est rude. Signalons que trois types ou manières de se déplacer sont recensées pour les déplacements urbains : les taxis classiques, les taxis bus et les motos taxis. Mais en réalité, le secteur des motos taxis men n’échappe pas aux comportements développés de plus en plus par les Camerounais en vue de résoudre leurs problèmes mieux leurs préoccupations quotidiennes à savoir la mise sur pied des sortes de mutuelle d’entre aide qui se réuniraient hebdomadairement ou mensuellement. Les données récoltées sur les acteurs du secteur non agricole dans la ville de Yaoundé postulent à l’idée que rares sont ceux ou celles qui n’appartiennent à des mutuelles de solidarité en dehors de leurs activités. Aussi, au sein de leurs activités, des regroupements sont-ils crées : c’est le cas des motos taxis qui, sans exception, appartiennent à des regroupements « corporatistes » pour défendre leurs intérêts mais à ceux qui seraient plus dédiés à leur apporter des réponses sur le plan social. Si cette posture d’adhésion à des regroupements collectifs est une donnée permanente, il n’en demeure pas moins vrai que des initiatives individuelles sont souvent prises parmi ces acteurs afin de s’affilier aux structures formelles de bancarisation. Il faut relever que les structures de micro finance situées dans la ville de Yaoundé apparaissent comme des partenaires privilégiés pour tous ces gagne petits qui souhaitent épargner. La stratégie est simple pour ces structures : envoyer sur le terrain, des équipes constituées d’un agent rencontrer ces acteurs et procéder à des transactions sur place. Ainsi, chaque potentiel épargnant détient par devers lui un carnet d’adhésion de la structure d’épargne dans lequel est apposé la signature de l’agent « collecteur » et les montants des dépôts effectués, qui seront reversés par la suite par ce dernier

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au compte de l’épargnant. Cette fastidieuse opération est renouvelée quotidiennement, généralement à la mi-journée. Les montants des dépôts sont laissés à l’appréciation de l’épargnant. Autre problématique du secteur non informel en contexte urbain au Cameroun est celle de l’imposition. Relevons que les données collectées ne plaident pas systématiquement en faveur de la thèse qui veut que le secteur informel soit un « secteur refuge accueillant essentiellement les individus exclus du marché de travail informel » (NANA DJOMO, 2014 : 1). L’innovation introduite dans le système d’imposition des activités relevant entre autres secteurs dans celui informel au Cameroun, avec l’avènement de l’impôt libératoire, donne à penser que les acteurs animant ce champ ne semblent pas vouloir s’y soustraire tel que l’appréhendait De Soto pour le cas de l’Amérique latine (De Soto, 1989). Il est vrai que le régime d’imposition au Cameroun est déclaratif, et de ce fait, les éventuels contribuables sont tenus d’être en règle dès lors le cadre normatif édicté à ce sujet les intègre dans leurs domaines d’activités. C’est ainsi qu’en dehors de quelques acteurs comme les laveries clandestines de voitures ou les marchands ambulants, toutes les autres figurent, en raison de la nature de leurs activités, se conforment aux textes en la matière. Signalons que cette enquête mérite d’être plus affinée s’agissant de cet aspect afin de déterminer les différentes postures des acteurs sus cités. Dans leurs stratégies visant à exister et à sécuriser leurs maigres revenus, les acteurs du secteur informel non agricole de la ville de Yaoundé sont prêts à d’énormes sacrifices comme en témoignent leurs implications dans des échauffourées avec les forces de l’ordre, les usagers ou encore des accidents de circulation pour ce concerne les motos taxis. De la place des acteurs du secteur informel en contexte urbain au Cameroun : une cohabitation de plus en plus difficile Dans le cadre du déploiement de leurs activités, les acteurs du secteur informel au Cameroun se distinguent par une présence massive dans l’espace urbain. Dans la ville de Yaoundé, il est pratiquement impossible, sauf dans des espaces situés en marge de cette dernière, d’échapper aux « seigneurs» de petits métiers. Des grandes surfaces de distribution aux artères de la ville, le maître mot semble être « accommodation », si bien que sur ces dernières, singulièrement à l’avenue du président Kennedy, le rétrécissement de la chaussée est due à l’occupation des acteurs du secteur informel. Trois aspects liés à l’esthétique, à la circulation aussi bien des automobilistes que des piétons et de la dégradation des chaussées dénotent des problèmes de plus en plus préoccupants entre les acteurs du secteur informel et le paysage urbain. Dans la ville de Yaoundé, les laveries de voiture improvisées sont en nette progression du fait que cette activité ne requiert aucune qualification particulière, ni aucun investissement conséquent. La disponibilité d’un espace, d’une source d’approvisionnement en eau et d’un bocal ou seau plus un détergent suffisent pour exercer dans ce secteur. Seulement, il apparaît de plus en plus que ces activités se déploient au détriment des voiries urbaines car situées à proximité de ces dernières avec

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comme conséquence, leur dégradation lente mais perceptible comme en témoignent les photographies 8 et 10. Aussi, d’autres transformations induites par les activités du secteur informel sont-elles observées au double niveau de la chaussée et de celle réservée aux piétons dans la ville de Yaoundé. Pour ce dernier cas de figure, bon nombre d’acteurs à l’instar des détaillants de fruits et légumes, des vendeurs des vêtements ou encore des « call boxeurs » installent leurs produits ou matériels sur le passage réservé aux piétons sur des axes principaux avec comme conséquence l’obstruction des chaussées et par conséquent, une prise de risque pouvant être fatale car ils n’ont aucune alternative que de marcher sur ces dernières et la photographie 8 est éloquente à ce sujet. Le cas des motos taxis est également patent avec l’occupation systématiquement des points d’accès dans les dessertes bitumées des quartiers comme l’illustre la photographie 7 avec comme conséquence également les risques de collision avec les véhicules à quatre roues sans oublier encore une fois, l’insécurité des piétons.

Photographie 7 : Vue de « moto taxis » à Photographie 8 : Vue d’une laverie clandestine un carrefour située en face d’un artère principale

Photographie 9 : Des call box situés entre Photographie 10 : Une plaque de publicité pour des un axe principal et un bloc de logement social crédits de communication téléphonique sur un axe principal

S’agissant de l’esthétique, il est difficile de croire que l’exposition de toutes ces activités du secteur informel ne déteigne pas sur l’architecture de la ville de

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Yaoundé. La photographie 9 est significative à ce sujet : il s’agit d’un logement social, bâtisse faisant office de « HLM » et propriété de la Société Immobilière du Cameroun (SIC), qui dans de la ville intègre de Yaoundé, offre un décor pour le moins appréciable. En face de cette bâtisse se trouve une artère principale bitumée. Entre les infrastructures, deux « call boxeurs » ayant installés leurs produits avec une double conséquence : le rétrécissement de la chaussée et la diminution des places réservées pour le parking et la modification de ce paysage architectural et fonctionnel du point de vue des habitants de ce « HLM ». Dans la ville de Yaoundé, le spectacle d’automobilistes, piétons et motos taxis se disputant la chaussée et le passage piéton est si récurrent que des éclats de voix et des accidents parfois tragiques surviennent. D’autant que 90% de taxis men ne portent pas de casque et seuls 2,2% de conducteurs possèdent un permis de conduire5.

Notes conclusives Ce regard panoramique sur les nouveaux acteurs du secteur informel au

Cameroun, singulièrement dans sa capitale politique qui est Yaoundé, appelle au moins quatre constats :

Leur avènement, pour ce qui concerne les motos taxis et les «call boxeurs » ou détaillants de crédits de communication téléphonique, est tributaire des mutations profondes à l’échelle mondiale à la fin des années 1990 avec le renouveau partenarial avec la Chine et le développement des TIC. Pour le cas de la Chine, sa capacité de réponse face aux besoins de mobilité urbaine exprimés par les grandes villes du Cameroun (Douala, Yaoundé, Bafoussam, Garoua) explique l’inflation des motos taxis dans la ville ciblée et de ce fait d’avoir permis l’émergence fulgurante de cette catégorie d’acteurs dans l’espace urbain. Aussi, les détaillants sédentaires ou ambulants des crédits de communication téléphonique apparaissent-ils comme des figures ou relais périphériques des grands groupes de téléphonie mondiale.

Des stratégies sont élaborées par ces acteurs afin non seulement d’exister socialement mais d’influencer de manière significative au niveau institutionnel des décisions allant dans le sens de leur reconnaissance comme ce fut le cas des motos taxis. C’est pourquoi, leur affiliation à des structures « corporatistes » vise à créer une communauté d’intérêts par un jeu de solidarité.

Les conduites individuelles relevées de ces acteurs à travers des épargnes quotidiennes, hebdomadaires ou mensuelles, participent de leur volonté d’échapper à un enfermement institutionnel et d’une nécessité de flexibilité tant pour la sécurité sociale que pour les facilités bancaires.

Aussi, la présence des acteurs du secteur informel dans le contexte urbain, c’est-à-dire la cohabitation entre les différents maillons

5 Cameroon Tribune, 13 août 2013.

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animant ce champ, a-t-elle des conséquences dommageables tant sur les plans fonctionnels, esthétiques que pratiques. Il y a lieu d’espérer que des espaces de dialogue soient envisagés afin de fédérer les différents acteurs du secteur informel et de permettre l’émergence d’alternatives crédibles et durables pour et par ces derniers.

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