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version française « Organisation de collectivités : Théorie et pratique/ Community Organizing : The Theory & The Practice » April 12-13, 2013 à Antigone Librairie-Bibliothèque-Café organisé par Francis Feeley, Professeur de civilisation américaine, L’Université de Grenoble 3, (C.R.E.A., à L’Université de Paris 10) Et Habib El Garès, Professeur en Géopolitique à L’Institut d’Etudes Politiques-Grenoble (P.A.C.T.E., à L’Institut d’Etudes Politiques-Grenoble) Le but de ce colloque est de rassembler des chercheurs et des militants spécialisés dans la mobilisation de communautés pour une série de tables rondes sur plusieurs aspects de la crise mondiale et en particulier ses conséquences sur l’Amérique latine, l’Europe et les Etats-Unis. Le mot ‘crise’ en chinois est représenté par deux caractères : l’un veut dire danger et l’autre opportunité. Ensemble ils signifient crise. Ce colloque portera sur les stratégies, les tactiques et l’organisation pratique de la mobilisation de communautés ainsi que sur les principes qui sous-tendent la recherche d’une réponse démocratique à une période de crise. Nous proposons d’organiser ce colloque de deux jours selon deux axes : l’un sur le thème de la pratique, l’autre sur la théorie. Le premier jour du colloque sera consacré à des entretiens avec des militants locaux qui nous feront part de leurs expériences variées, qui décriront leurs objectifs,

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version française

« Organisation de collectivités : Théorie et pratique/ Community Organizing : The Theory & The Practice »

April 12-13, 2013à Antigone Librairie-Bibliothèque-Café

organisé par

Francis Feeley, Professeur de civilisation américaine, L’Université de Grenoble 3,(C.R.E.A., à L’Université de Paris 10)

Et

Habib El Garès, Professeur en Géopolitique à L’Institut d’Etudes Politiques-Grenoble(P.A.C.T.E., à L’Institut d’Etudes Politiques-Grenoble)

Le but de ce colloque est de rassembler des chercheurs et des militants spécialisés dans la mobilisation de communautés pour une série de tables rondes sur plusieurs aspects de la crise mondiale et en particulier ses conséquences sur l’Amérique latine, l’Europe et les Etats-Unis. Le mot ‘crise’ en chinois est représenté par deux caractères : l’un veut dire danger et l’autre opportunité. Ensemble ils signifient crise. Ce colloque portera sur les stratégies, les tactiques et l’organisation pratique de la mobilisation de communautés ainsi que sur les principes qui sous-tendent la recherche d’une réponse démocratique à une période de crise.

Nous proposons d’organiser ce colloque de deux jours selon deux axes : l’un sur le thème de la pratique, l’autre sur la théorie. Le premier jour du colloque sera consacré à des entretiens avec des militants locaux qui nous feront part de leurs expériences variées, qui décriront leurs objectifs, les obstacles rencontrés et les compromis nécessaires adoptés au cours de leur travail pour faciliter le développement de mouvements démocratiques en vue de changements progressistes au niveau local. Le deuxième jour, nous avons invité des chercheurs spécialisés dans l’étude de l’Amérique latine, l’Europe et les Etats-Unis pour entendre leur point de vue sur la solidarité et les multiples forces en jeu dans la vie quotidienne, qui affaiblissent et finalement menacent de rompre les liens sociaux, culturels et politiques entre les gens ordinaires et de privatiser une partie essentielle de la vie sociale qu’ils ont connue jusqu’alors. Les six sujets de discussion durant ce deuxième jour comprendront plusieurs relations opposées :

L’espace privatisé opposée à l’espace public ; La concurrence opposée à la coopération ;

La «loi d'airain de l'oligarchie» opposée à la démocratie participative ; L’émancipation opposée à la solidarité ; « L’Autopoiesis opposée aux conventions sociaux.

la démocratie représentative opposée à la démocratie directe ; l’autonomie opposée aux hiérarchies institutionnelles ; la démocratie artificielle opposée à la démocratie populaire ; la réponse proactive opposée à la réponse réactive ; Les interventions militaires opposées aux interventions des polices ; La clarification des values opposée à la conscience de classe : La grande stratégie opposée aux tactiques.

« L’action directe » opposée aux système du pouvoir des délégués ; Le centralisme démocratique opposée à la politique de consensus ; Le langue privé opposée à la communication de masse ; le « mobbing »: l’agression passive opposée à l’agression active ; La révolte opposée à la revolution.

Ces principes philosophiques qui nous concernent ont été évoqués à de nombreuses reprises durant les crises par le passé. En 1824, par exemple, Thomas Jefferson a écrit deux ans avant sa mort à Henry Lee, un ami de Andrew Jackson, pour l’alerter à propos des ennemis de la démocratie

Les hommes, par nature, sont naturellement divisés en deux parties: 1.) Ceux qui ont peur et se méfient des gens, et cherchent à en tirer tous les pouvoirs pour les concentrer dans les mains des classes supérieures [et] 2.) Ceux qui s'identifient avec le peuple, ont confiance en lui, qui apprécient les gens et les considèrent comme les plus honnêtes et les plus sûrs, bien que n'étant pas les dépositaires les plus sages des intérêts publics. Dans tous les pays ces deux partis existent, et dans chacun où ils sont libres de penser, de parler, et d’écrire, ils vont se manifester. Appelez-les, par conséquent, les libéraux et serviles, Jacobins et Ultras, Whigs et Tories, Républicains et Fédéralistes, Aristocrates et Démocrates, ou par le nom que vous voudrez, ils restent toujours les mêmes partis et poursuivent le même objet. Cette dernière appellation, Aristocrates et Démocrates, est la seule qui exprime vraiment l'essence de tout. [Lettre de Thomas Jefferson à Henry Lee, 10 août 1824, cité par Saul Alinsky dans Reveille For Radicals, p.8)

Le jeune Alexis de Tocqueville a exprimé une préoccupation semblable à propos des limites actuelles de la démocratie en Amérique lorsqu’il écrivit en 1835 :

Il ne faut pas oublier qu'il est particulièrement dangereux d'asservir les hommes dans les moindres détails de la vie. Pour ma part, je serais enclin à croire la liberté moins nécessaire dans les grandes choses que dans les petites, s'il était possible d'être assuré de l'une sans posséder l'autre.

La sujétion dans les petites affaires se manifeste tous les jours et est ressentie par toute la communauté sans discrimination. Elle ne conduit pas les hommes à la résistance, mais les traverse jusqu'à ce qu'ils soient amenés à renoncer à l'usage de leur propre volonté. Ainsi, leur esprit est progressivement rompu et énerve leur âme; tandis que l'obéissance qui est exigée à quelques occasions importantes, mais rares, ne montre la servitude qu'à certains intervalles et jette le fardeau de celle-ci sur un petit nombre d'hommes. Il est vain de convoquer des gens qui ont été rendus si dépendants du pouvoir central pour choisir de temps à autre les représentants de ce pouvoir; cet exercice rare et bref de leur libre choix, aussi important qu'il puisse être, n'empêchera pas qu'ils perdent peu à peu les facultés de penser, de sentir et d'agir par eux-mêmes, et tombent ainsi graduellement au-dessous du niveau de l'humanité.

J'ajoute qu'ils deviendront bientôt incapables d'exercer le seul grand privilège qui leur reste. Les nations démocratiques qui ont introduit la liberté dans leur constitution politique à l'époque même où elles ont accru le despotisme dans le système administratif ont été conduites à des singularités étranges. Pour gérer les petites affaires que le bon sens est tout ce qui est nécessaire, les gens sont considérés incapables, mais lorsque le gouvernement du pays est en jeu, les gens sont investis de pouvoirs immenses ; ils sont alternativement les jouets de leur souverain, et leurs maîtres, plus que des rois et moins que des hommes. Après avoir épuisé tous les différents modes d'élection sans en trouver un qui convienne à leur objectif, ils sont toujours étonnés et continuent leur recherche, comme si le mal qu'ils remarquent ne provenait pas de la constitution du pays bien plus que de celle du corps électoral.

Il est en effet difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l'habitude de l'auto-gouvernement pourraient réussir à faire un choix approprié de ceux par qui ils doivent être gouvernés, et personne ne croira jamais qu'un gouvernement libéral, énergique et sage puisse sortir des suffrages de personnes subordonnées.

Une constitution républicaine par son titre et ultra-monarchique dans toutes ses autres parties m'a toujours paru être un monstre de courte durée. Les vices des gouvernants et l'imbécillité des gens n'y tarderaient pas à entraîner sa ruine, et le peuple, fatigué de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions plus libres ou retournerait bientôt s'étendre aux pieds d'un seul maître. [De la démocratie en Amérique, le Chapitre VI : « Quelle espèce de despotisme les nations démocratiques ont à craindre », cité par Saul Alinsky dans Reveille For Radicals, pp. 44-45.]

Nous examinerons ces questions historiques durant nos deux journées de débat dans un quartier populaire de Grenoble à la mi-avril et notre intention est de comparer ces propositions au-dessus et les expériences réelles de militants expérimentés qui ont mobilisé des communautés afin de découvrir les pré-conditions nécessaires à une participation démocratique véritable, nécessaire à la réalisation de réformes sociales progressistes.

English version

« Organisation de collectivités : Théorie et pratique/ Community Organizing : The Theory & The Practice »

April 12-13, 2013à Antigone Librairie-Bibliothèque-Café

Organized by

Francis Feeley, Professor of American Studies, The University of Grenoble 3,( member of C.R.E.A. at The University of Paris 10)

andHabib El Garès, Professor of Geography at The Institut d’Etudes Politiques-Grenoble

(member of P.A.C.T.E. at The IEP-Grenoble)

The purpose of this conference is to bring together a group of scholars and community activists for a series of roundtable discussions to talk about several aspects of the global crisis and specifically its effects on Latin America, Europe and the United States. The word ‘crisis’ in Chinese is represented with two characters: one means danger and the other means opportunity. Together they spell ‘crisis’. This conference will focus on the strategies, tactics and logistics of community organizing, as well as the underlying principles involved in mobilizing a democratic response to ‘hard times’.

We intend to organize this two-day event along two axes: one on the theme of ‘Practice’, the other on ‘Theory’. The first day of the conference will be devoted to conversations with local activists, who will share their varied experiences –describing the goals, the obstacles, and the necessary compromises they adopted in the course of their work to facilitate the development of democratic movements for progressive changes at the local level. On the second day, we have invited scholars from Latin America, Europe and the United States to discuss their views and analyses of social solidarity and the many forces at play in daily life which weaken and ultimately threaten to dissolve these social, cultural, and political bonds between ordinary people and to privatize a major area of their hitherto social life. The topics for theoretical discussions on this second day will include several contrary relationships:

Privatized space vs. public space; Competition vs. Co-operation; The “Iron Law of Oligarchy” vs. participatory democracy; Emancipation vs. solidarity; “Autopoiesis” vs. social conventions.

Representative democracy vs. Direct democracy; Autonomy vs. Institutional hierarchies; ‘Astroturf’ democracy vs. ‘Grassroots’ democracy; Pro-active response vs. Reactive response; Military interventions vs. police interventions; Values clarification vs. class consciousness; Grand Strategy vs. tactics.

Direct action vs. delegated political power; ‘Democratic Centralism’ vs. ‘consensus politics’; Private language vs. mass communication; ‘Mobbing’ : passive aggression vs. active aggression; Revolt vs. revolution.

These poignant philosophical principles have been raised repeatedly during crises in the past. In 1824, for example, Thomas Jefferson, two years before his death, wrote to his friend, Henry Lee, alerting him to the enemies of democracy.

Men by their constitution are naturally divided into two parties: (1) Those who fear and distrust the people, and wish to draw all powers from them into the hands of the higher classes; [and] (2) those who identify themselves with the people, have confidence in them, cherish and consider them as the most

honest and safe, although not the most wise depository of the public interests. In every country these two parties exist, and in every one where they are free to think, speak, and write, they will declare themselves. Call them, therefore, Liberals and Serviles; Jacobins and Ultras, Whigs and Tories, Republicans and Federalists, Aristocrats and Democrats, or by whatever name you please, they are the same parties still and pursue the same object. The last appellation of Aristocrats and Democrats is the true one expressing the essence of all. [Letter from Thomas Jefferson to Henry Lee, written August 10, 1824, and cited by Saul Alinsky in ‘Reveille For Radicals’, p.8. Also, a contemporary discussion of this theoretical conflict is found in Jacques Rancière’s book, ‘La haine de la democratie’.]

The young Alex de Tocqueville expressed a similar concern about the direction of democracy in America, when he wrote, in 1835 :

It must not be forgotten that it is especially dangerous to enslave men in the minor details of life. For my own part, I should be inclined to think freedom less necessary in great things than in little ones, if it were possible to be secure of the one without possessing the other.

Subjection in minor affairs breaks out every day and is felt by the whole community indiscriminately. It does not drive men to resistance, but it crosses them at every turn, till they are led to surrender the exercise of their own will. Thus their spirit is gradually broken and their character enervated; whereas that obedience which is exacted on a few important but rare occasions only exhibits servitude at certain intervals and throws the burden of it upon a small number of men. It is in vain to summon a people who have been rendered so dependent on the central power to choose from time to time the representatives of that power; this rare and brief exercise of their free choice, however important it may be, will not prevent them from gradually losing the faculties of thinking, feeling, and acting for themselves, and thus gradually falling below the level of humanity.

I add that they will soon become incapable of exercising the great and only privilege which remains to them. The democratic nations that have introduced freedom into their political constitution at the very time when they were augmenting the despotism of their administrative constitution have been led into strange paradoxes. To manage those minor affairs in which good sense is all that is wanted, the people are held to be unequal to the task; but when the government of the country is at stake, the people are invested with immense powers; they are alternately made the play things of their ruler, and his masters, more than kings and less than men. After having exhausted all the different modes of election without finding one to suit their purpose, they are still amazed and still bent on seeking further; as if the evil they notice did not originate in the constitution of the country far more than in that of the electoral body.

It is indeed difficult to conceive how men who have entirely given up the habit of self-government should succeed in making a proper choice of those by whom they are to be governed; and no one will ever believe that a liberal, wise, and energetic government can spring from the suffrages of a subservient people.

A constitution, republican in its head and ultra-monarchical in all its other parts, has always appeared to me to be a short-lived monster. The vices of rulers and the ineptitude of the people would speedily bring about its ruin; and the nation, weary of its representatives and of itself, would create freer institutions or soon return to stretch itself at the feet of a single master. [from “Democracy in America,” Chapter VI: ‘What Sort of Despotism Democratic Nations Have to Fear,’ cited by Saul Alinsky in “Reveille For Radicals,” pp 44-45. For a contemporary discussion of democracy and its subversive nature, see : « 50 ans de démocratie locale : Comment la participation citoyenne s'est laissée endormir, pourquoi elle doit reprendre le combat » by Adrien Roux, et al.]

We will examine these historic issues and more during the two days of discussions on April 12-13, in a working-class neighborhood of Grenoble, and our intention is to test the propositions stated above

against the real experiences of knowledgeable “students” of community organizing, in an effort to locate the necessary preconditions for true democratic participation for the realization of progressive social reforms.