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Verbe et aspectualité en fran9ais CAROLINE FOULLIOUX, U.A.M. EUGENIO DE VICENTE, U.C.M. INTRODtJCTION Le terme d’aspect verbal est apparu en linguistique fran9aise comme le résultat d’une tentative de transposition á la description des mécanismes grammaticaux du franQais d’une catégorie qui provient des deseriptions du russe et des autres langues síaves, qul possédent des moyens morphologiques spéeifiques pour marquer cette catégorie dans les formes verbales. A eette tentative de reeherche, dans le verbe frangais, de catégories sémantiques et de traits formeis équivalents á ceux des langues síaves sont venues s’ajouter les apports des études portant sur les langues classiques —spéeialement le latin— concernant 1’ aspect verbal. L’état actuel de la question provient de ces tentatives de recherche ayant paur but de décrire dans les langues romanes ces catégories déjA étudiées dans d’autres langues: le terme générique d’aspect verbal est appliqué géné- ralement A des pliénoménes dont ¡‘hétérogénéité a empéché les linguistes d’en donner une définition satisfaisante; cet état de choses a induit le plus souvent les chercheurs A confusion. Revista de Filología Francesa, 6. Madrid, Servicio de Publicaciones de la Universidad Complutense, ¡995

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  • Verbe et aspectualitéen fran9ais

    CAROLINE FOULLIOUX, U.A.M.EUGENIODE VICENTE, U.C.M.

    INTRODtJCTION

    Le terme d’aspectverbal est apparuen linguistiquefran9aisecommelerésultatd’une tentativede transpositioná la descriptiondesmécanismesgrammaticauxdu franQaisd’une catégoriequi provient desdeseriptionsdurusseetdesautreslanguessíaves,qul possédentdesmoyensmorphologiquesspéeifiquespourmarquercettecatégoriedanslesformesverbales.

    A eettetentativede reeherche,dansle verbe frangais,de catégoriessémantiqueset de traits formeiséquivalentsá ceux des languessíavessontvenuess’ajouter les apportsdesétudesportant sur les languesclassiques—spéeialementle latin— concernant1’ aspectverbal.

    L’état actuel de la questionprovientde ces tentativesde rechercheayantpaur but de décriredansles languesromanesces catégoriesdéjA étudiéesdansd’autreslangues:le termegénériqued’aspectverbal estappliquégéné-ralementA despliénoménesdont ¡‘hétérogénéitéa empéchéles linguistesd’en donner une définition satisfaisante;cet état de chosesa induit le plussouventles chercheursA confusion.

    Revista de Filología Francesa, 6. Madrid, Servicio de Publicaciones de la Universidad Complutense, ¡995

  • 118 Caro/me Eoullioux — Eugenio de Vicente

    Cet article auradonepour but de présenter1’étatactuel de notreréflexionSur ce sujet; cecí contribuerapeut-étreájeter un peu de lumiére sur la pro-blématiquede l’aspectverbal.

    L’aspectualitéglobaledu verbed’un ¿noncés’établiten fonction de troisparamétresqu’il faut dés le débutséparertrés nettementdessémesmodauxettemporeis:

    — Le modeverbalnousrenseignesur la faqon dont l’émetteurappréhendele processusénoncéenfonetiondesparamétresrécí/nonrécí.

    — Le tempsverbal situe le procéssur l’axe chronologiqueparrapportmimoment de l’énonciation: le NUNC, et parfoisaussi par rapportau momentde l’énoncé,enfonetiondesparamétresantérieur/simultané/postérieur.

    II conviendraitde séparertrés nettementtrois catégoriesdifférentes aux-quelleson appliquegénéralementle termed’aspectverbal.

    L’aspectualitéde verbed’un ¿noncéseraconstituéepar la sommede cestrois catégoriesaspectuellesdifférentes.

    L’aspectgrammat¡cal

    Sous cettedénominationnousgrouperonstrois paramétressémantiquesdifférents,qui peuventse combinerentreeux, et qui ont commecaractéristi-que communecelle de disposerde procédésmorphologiquesspécifiques—périphraseset/ou adverbes—potir leur expression.

    * Le premier de ces paramétress’établit en fonetion du caractére

    duratif/nonduratif que l’émetteurconsidéredansson apprébensionduprocés.

    * Le seconds’établit en fonetion de la phaseá laquelle l’émetteur con-sidére le déroulementdu procés.Souscetteoptique nousauronsaffaire auxaspectsinchoatif,progressif,continuatifet conclusif.

    * Le troisiémes’établit en fonetionde l’opposition action uniqueou iso-

    lée (aspectponctuel)/actionrépétée(aspectnon ponctuel)qul présentepoursa partdeux souscatégories:aspectitératifet aspectbabituel.

  • Verbe et aspectualité en fran~tais 119

    L’aspectIexfral

    II est constituépar les sémesinbérentsá la baselexicale du verbe,qulexprimentla natureintrinséqile de l’action en fonetion des trois mémesparamétresqui ont ¿téexposésá proposde l’aspectgrammatical;desverbescommedormir/cherchersontduratifs,parcontretirer/trouversontnon dura-tifs, etc...

    L’aspect temporel

    Certainesmarquestemporelles.dans la conjugaisonfran9aise,véhiculentnonseulementdessémesdetemporalité,maisaussi,et d’une maniéreconco-mitante,dessémesaspectuels.II s’agit du caractéreaccompíl/nonaccomplide 1’action expriméeparle verbeau momentde l’énonciation.

    Dans¡‘¿noncéJe mesuis mis ñ travailler a cinq heuresnousavons¡‘as-pectualitésuivante:uneaction durative en soi ftravailler) présentéeá soncommencementetaccomplieau momentde l’énonciation.

    Nousallons développerséparémentcestrois paramétreset, lecaséchéant,les marquesmorpbologiquesqui serventá les exprimer.Nous utiliseronsdor¿navantles termesaspecttemporel,aspectgranimaticalet aspectlexical,comme constituantl’aspectglobal d’un ¿noncé,que nousappelleronsASPECT.La réglederéécriturede ASPECTseraitdone:

    ASPECT—. ASPECT GRAM. + ASPECTLEX. + ASPECT TEMP.

    1. Aspectgrammat¡cal

    La régle de réécriturequenousproposonspour l’aspect grammaticalestlasuivante:

  • 120 Caroline Fon/linux — Eugenio de Vicente

    ASPECTGRAMMATJCAL -*ASPECTGRAMMATICAL 1ASPECTGRAMMATICAL 2ASPECTGRAMMATICAL 3

    ASPECTDURATIFASPECTGRAMMATICAL -*

    ASPECTNON DURATIE

    ASPECTINCI-IOATIFASPECTPROGRESSIF

    ASPECTGRAMMATICAL 2 —ASPECT CONTINUATTFASPECTCONCLUSIF

    ASPECTGRAMMATICAL 3-4ASPECTPONCTUEL

    TTERATIFASPECTNONPONCTUEL HABITUAL

    A. Aspectgranimatical1

    * Aspectduratí?

    L’aspectduratif exprime une actionqui est consid¿réepar l’¿metteurcomnie se d¿roulanr—plus ou moins— daris le temps;le systémedu fran~aisnouspermetd’exprimersoit desdur¿eslongues,soit desdur¿esbréves.

    Lesdur¿eslonguessont marqu¿essoil par desconstructionsp¿riphrasti-quescomportantun semi-auxiliairesuivi d’un infinitif, soit par desmarquesadverbiales:

    — ¿treen train deétreen yolede

    — ótreaprésáétreaprés

    + infinitif

  • Verbe et aspectuatité enfran~ais 121

    11 est á remarquerque la construction¿treen voie de + infinitif, dans lamesureoil elle exprimela modificationde ¡‘action dansun sensdéterminé,peur étre considéréecommepoint interm¿diaireentre l’aspectpurementduratif etl’aspectprogressif.

    Quand je I’ai rencontré,Salamanoétait en train dinsulter sonchíen (A. Camus).

    La plaieest en voje de se cicatriser.

    U esíaprks ~bátir Sa maison.

    Elle avait vii un mouton [..1déjá mort, et deux ours qul étaienl aprés le inanger (L.Hémon).

    II existeaussicertainsadverbesqul serventámarquerl’aspectduratif:

    II mange lentetnent.Nous avons parlé pendant des heures.

    Constructionspériphrastiqueset adverbespeuvents’accumulerpour mar-

    querd’une fa9onredondantel’aspectduratif:

    II esí en train nianger lententent.

    Les duréesbrévesne peuventétre marquéesquepar desadverbesdugenre:brusquement,en un clin d’oeil, en un instant, subitement,soudain,etc...

    * Aspectnondnratif

    L’aspectnon-duratifest,paroppositionau duratif, celui qui n’estpasmar-quémorphologiquement;l’émetteurne considérepaspertinentel’expressionde ladurée,plusou moinslongue,de l’action.

    Quelle est celle fiévre d’écrire qui me prend aujourd’hui, anniversaire de ma nais-sance? (Mauriac).

  • 122 COrO! ¿he f”oullioux — Eugenio de Vicente

    fi. Aspectgrammatical2

    * Aspeet¡ncboatif

    L’aspect inchoatif exprime le commencementde l’action. II est marquépar les constructionspériphrastiquessuivantes:

    — commencerálde+ infinitif

    — se mettreá

    Non,mais,regarde-le:maintenan/ it se me! ñ pleurer!Cofín com,nenQa de grimper (A. Fournier).

    * Aspectprogressif

    L’aspect progressifexprimeque t’action gagneou perd en intensitéámesurequele tempspasse;jI neusmontrela gradualitédeson déroulement.II estmarquépar la périphrase:(s ‘en) oller + participe présent,ou par desmodificateursadverbiaux.

    Le canal alioli se perdan¡ (Gide).Les arbres s’effeuillentpeu ápeu.Les invités arrivaient lun apr¿s lautre.

    * Aspectcontinuatff

    L’aspect continuatifexprime que l’action á commencéavant le momentde l’énonciationou de l’énoncéet qu’elle continueau momentde l’énoncia-tion ou de l’énoncé.II estmarquépar lespériphrases:

    conrinuera/de ¡¡ + infinitif

    en étreencorea ¡

    ou pardesmoditicateursadverbiauxdu genre: toujours,encore,depuistroisjours, etc...

  • Verbe e! aspectualité en fran~=a!s 123

    II continuelconlinuera de pleuvoir.U pleut toujours/encoreldepuis une semaine.Sous quelle étoile suis-je né? len suis encore me le demander (M. PolnarefO.

    * Aspectconclusif

    L’aspectconclusif marqueclairementla finalisation de 1’action. Lespériplirasesqui serventá1 ‘exprimer sont:

    — (s’) arréter de— cesserde

    —finir de+ ¡nfinitif

    Jarréte de travailler ence momen:.Son influence cesse de sefaire sentir.Ellefini¡ de décorer son appartement.

    C. Aspectgranimatical 3

    * Aspectponetuel

    L’aspectponctuel,par oppositionau non ponctuelqui, lui, présentedesmarquesmorphologiquesspécifiques,estcaractérisé,généralement,par undegrézérode marques,bien que,parfois,cetaspectpuisseEtre marquépardesmodificateursadverbiaux,ou équivalents.II exprime que l’action n’estréaliséequ’uneseulefois.

    Pierreatéléphoné(une seule fois).

    * Aspectnon ponetuel (¡térat¡f/habituel)

    On a affaire á cet aspectlorsquel’action se réaliseplus d’une fois. Cetaspectprésentedeux sous-catégories:l’aspectitératif etl’aspecthabitud.

    La différenceentrecesdeux aspectsestd’ordre purementquantitatif:1’as-pect itératif exprime une actiondont les répétitionspeuventaller de deuxA

  • 124 Caro/me Foul/ioux — Eugenio de Vicente

    souvent;par contrel’aspecthabituel exprimeune actionqui est répétéesys-t¿matiquement,A tel point que cette itération n’est pasbm de se constitueren état. Néanmoins,la frontiéreentrel’aspect itératif et l’aspect babitueln’est pastoujoursaiséeA cerner;laplupartdu tempsc’est lecotextequl nousfournit les indicationsnécessairespour trancherlaquestion.

    L’aspecthabituel se situetout présde ce quenousappebonsla temporalitéindivise relative; danscettetemporalitéle temps de l’énoncé n’est pasunALORS,maisle TOUJOURSdu référent,et elle sedA marquerles étatsper-manents:

    Ce détergent est biodégradable.

    Cesdeux aspects,itératif et habituel, sont marquésá l’aide de modifica-teurs advebiaux.L’aspect habituelpeut aussi étre marquépar la périphraseétre toujours A + infinitif.

    L’aspectitératif, poursa part,peut6tre marquépar les périphrasesrecom-mencerde/A+ infinitif et ye reman-eA + infinitif.

    Ex. itératif:

    Jemelévesouvent A huit heures.Hiere! avant-hier je me suis levéá huit heures.Ses larmes recommenc?ren/ a couler (Lacios).lises! temis afumer.

    Ex. habituel:

    D’habitudeje me lave á huit licures.Jeme lAye ¿ous les jours á huit heures.Elle es! /oujours á seplaindre.

    Ex. tempsindivis relatif:

    II es! matinal.C’est un léve-/Ol.

    Ces! une rouspéteuse.

  • Verbe e! aspectualité enfran~ais 125

    IT. Aspectlexical

    La baselexicale desverbesest aussiporteusede sémesaspectuelsquicorrespondentA la naturede 1’action. Les aspectsque l’on peut retrouvercommeinhérentsA la baseverbalesontles memesque nousavonsdécrit auparagrapheantérieur;un verbecommedormir a un s~meinhérentduratiflong; ouvrir: duratif court; s’endormir: inchoatif; diminuer: progressif;poursuivre: continuatif;cesser:conclusif; relire: itératif. II n’y a pasde ver-bes comportantun s&me inbérentd’aspecthabitud, mais en fonetion ducontexte, le sémevirtuel d’aspecthabituel de certainsverbesd’action peuts’activer: dans l’énoncéJacquesa un de’faut: ji boU, le verbe boire présenteun sémed’aspecthabituelde typecontextuel.

    Certainsauteursconsidérentqueles s~mesaspectucísperfectif/imperfec-tif (souventconfondusavec les conceptsd’accompli/nonaccompli,quenousallons traiterdansle paragrapheconsacréA l’aspecttemporel),peuventaussiapparaitrecommeinhérentsA la baselexicale de verbe. Paurnotre part,aprésavoir analyséles exemplesproposéspar cesauteurs,nousconsidéronsqu’il s’agitplutót desaspectsduratif/nonduratif que nousavonsdéjA traitésci-dessus.

    Commenousl’avons déjA signalé,les sémesaspectuelslexicaux s’ajou-tent auxgrammaticauxet auxtemporelspourconfigurerl’aspectualitégloba-le du verbeen énoncé.

    III. Aspecttemporel

    L’aspecttemporel,commenousl’avons signalé,nedisposepasde marquemorphologiquespécitique;it est inhérentauxmarquesde tempset présente-rait la réglederéécrituresuivante:

    r¿sultatifaccompli

    ASPECTTEMP. -* perfectifnonaccompli

    En cequi concernela relation temps/aspecttemporel,nouspouvonséta-blir le tableausuivant:

  • 126 Caro/me Foul/ioux — Eugenio de V/cena-

    * — futurs* - présent NON ACCOMPLT* — imparfait

    * — autrestempsdu passé

    ACCOMPLÍ* — futur antérieur

    A) Accompl¡

    - Nousentendonspar accomplieune action considéréepar l’émetteurcomme finie par rapportau momentde l’énonciation (NUNC) et/ou aumomentde l’énoncé(ALORS).

    Etantdonnéquece sémeaspectuelest inhérentA la temporalitéantérieu-re, et que celle-ci peut s’établir aussibienpar rapportau momentde l’énon-cé,nousallonsexaminercesdeuxpossibilités.

    1. Aspectualitéaccompliepar rapport sumonientde I’énonciation

    Le passésimpleet lepassécomposéexprimentunetemporalitéantérieureet une aspectuatitéaccompliepar rapportau momentde l’énonciation.L’aspectaecompli présente,comme nousvenonsde le scbématiser,deuxsaus-catégories:résultatifetperfectif.

    L’aspectaccompli résultatif est celul des actionsachevéesau momentdel’énonciationmaisqul, enquelquesorte,ont desconséquencesqui se prolon-gentetparfoisdépassentle NUNC.

    Nos joueurs devront á 1 avenir cultiver leur condition physique;l’engagement physique, comme on dit, a remplacé le football de papa.

    L!aspecuacconipliperfectifestceluidesactionsachevéesetsansaucunprolongementvers le NUNC. Ce sémeaspectuelest inhérentau passésimple.

    Catonmouru! pournc pasdéchoir.

  • Verbe e! aspectualité en francais 127

    Dansle codeoral, le passésimpleayant¿tépratiquement¿liminé au pro-fit du passécomposé,c’estcedernierqui nousseflgénéralementA exprimer1 ‘aspectperfectif.

    Caton es! mor! pour ne pasdéchoir.

    Dans l’exemple suivant:Marie, je l’ai beaucoupaimée[.1; elle m’aquiné,je suis désespéré,les deux passéscomposésQimer/quilter ont unaspectaccompli résultatif.Par contre,dansle contexte:Marie, je l’ai beau-coup aimée;¿¡u fait, je l’ai aper~uedansla rite cet aprés-midi; qu’elle estmoche!,le passécomposéde aimer présenteun aspectaccomplíperfectif,alors quecelui de voir présenteun aspectaccompílrésultatif.

    En général,le passécomposéexprimantl’aspect résultatif se situe dansun point de passéPlus prochedu NUNC quele passécomposé(ou le passésimple) exprimantun aspeetperfectif.

    Ex.1 (résultatil):Ce matin Jean es! arrivé á neuf beures et 5 es! mis toutde suite au travail.

    Ex.2 (perfectif):jeme le rappelle bien: le premierjanvier de Van deniler, Jean es! arrivé áneufheu-res et 5 es! mis rapidement au travail.

    Remarquonscedeuxi~meexemple:si nousleprésentionscommerécit, 11seraitau passésimple: Jeanarriva et se mit... De toutes les faqons,cetter&gle est bm d’étre généralisable;nouspouvonsavoir, dans la sphéredurécit, desactionstraséloignéesdanslepasséexpriméespar le passécompo-sé quandl’émetteurles considéresousl’aspect accomplirésultatif:

    Les hommes dii néolithique on! découvert la roue.

    2. Aspectualitéacconipliepar rapport su momentde 1’énonciat¡onet/oumoment de I’énoncé

    * Le plus-que-parfaitexprimeune doubleantérioritétemporelle;l’action

    au plus-que-parfaitesten m6me tempsantérieureau momentde I’énoncia-tion (NUNC) etau momentde l’énoncé(ALORS):

    Quandje suisarrivé chezlui, jI étaitparti.

  • 128 Caro/me Fou/lioux — Eugenio de Vicente

    L’action expriméepar le verbe partirest antérieureau NUNC et antérieu-reaussiau tempsde l’énoncé:ALORS ayeelequelcoincidela subordonnée.

    ALORS

    étaitparti

    NUNC

    quandjesuisarrivé

    Du pointde vueaspectuel,leplus-que-parfaitpeut6tre,selonle contexte,accomplirésultatifou aceompliperfectifpar rapportan ALORS, et aecompliperfect¡f parrapportau NUNC.

    * Le futur antérieur,de son cété,exprimeaussi unedonhietemporalité:pos-

    térieureau NUNC etantérieureau ALORS:

    Quandvousarriverez,j’aurai fmi.

    L’action expriméepar finir est postérieureau NUNC et antérleureauALORS,qul coincideavecl’action de lasubordonnée.

    NUNC ALORS

    j’auraifmi

    quandvousarr¡verez

    Du point de vueaspeetuel,le futur antérieurph résuitatif ou aceompiiperfectífpar rapporrparrapportau NUNC.

    est,selonlecontexte,accom-A i’ALORS, et non accompii

    fi) Nonaccompli

    Nousentendonsparnon accomplieuneactiondom l’émetteurne consid~-re ni le débutni la fin et qui estdone non aehevéeau momentde l’énoncia-tionet/ou I’énoncé.

    Le séme[-¡- NON ACCOMPLI] estinhérentA l’imparfait, au présent et aufutur simple:

  • Verbe e! aspectuali!é en franQais 129

    Le gigot est surle feu, ji cui!.II neigeait, II neigeai! toujours.Je vous casse, vouspartí rez demain.

    IV. Systénied’oppos¡t¡onsaspectuelles

    Les appositionsaspectuellesaccompih/nonaceompli,d’une part, etaccompli résultatif/aeeompliperfeetif de I’autre, ont une granderentabilitédans lastrueturationdu systémedestempsdu passéenfran9ais.elles serventA opposerles tempssuivants:

    1.- Impart’aitipassésimple.Cesdeux tempsprésententla m6metemporali-té: antérieure,non récente;ils ne s’opposentquepar leurssémesaspeetuels,l’imparfait étantnonaceompliet lepassésimpleétantaeeompli.Cetteoppo-sition aspectuellejustifie ¡es valeursqu’on attribuetraditionnellementA l’al-ternaneede ces deux temps dans le récit: les imparfaits constitueraientlatoile de fond sur laquellese détacheraientlesactionsau passésimple.

    Comnie le soir tombait, l’homme sombre arriva (V. Hugo).

    2.- Passécompasérésultatif/passécompaséperfectif. La conjugaisonfrangaisenousprésenteen fait deux passéscomposésdifférents: l’un peutcommuterayeele passésimple; c’est le passécomposéperfeetif; l’autre nepeutpasle faire; c’estlepassécomposérésultatif.

    Cette oppositionen implique évidemmentune autre: l’opposition passécomposérésultatif/passésimple,et, en mémetemps,elle a poureffet de neu-traliser I’opposition existanteen fran9ais classiqueentre la passésimple(employépourexprimerdesfaits lointainssanscontactayeele présent)et lepassécomposé(employépourexprimerdesfaits passésPlusproches,dontlerapportayeeleprésentpourrait6tre établiéventuellement).

    En langueclassiquenouspourrionstrouverun ¿noneéeomme:

    Caton mounu¿ pour ne pas déchoir; Montherlant la imi!é.

    Danslequel les deux tempsverbauxsontemployéssuivantles réglesd’u-sagequenousvenonsde mentionner.Parcontre,en fran9aiscontemporain,nouspouvonstrouverl’énoncééquivalent:

    Caten es¿ mon pour nc pas déchoir; Montberlant Va imité.

  • 130 Caro/inc Fou/lioux — Eugenio de Vicente

    L’opposition elassiquepass¿simple/passécomposé,telle quenousl’avonsdécrite,subsistede nosjoursayeeun trésfaible rendementen langueécrite.

    3.- PIus-qne-pnrfait/plus-que-parfa¡tsurcomposé.Cesdeux formesont lamémevaleur temporelle:la pré-antériorité,c’est A dire qu’elles exprimentdesfaits passésantérieursA d’autresfaits passés.Si nousopposonscesdeuxformesdansun mémecotexte,nousobservonsqu’elles ne se différencientque par une opposition aspectuelle:le plus-que-parfaitsurcomposéest unaccompliperfeetifparrapportA í’ALORS, tandis quele plus-que-parfaitestun aceomplirésultatifparrapportau mémeALORS.

    Je me le rappelle bien: le premier janvier de l’an demier, le ma9on avai!flni les tra-vaux dieztaj.

    Jeme le rappelle bien: le premier janvier de l’an dernier, le ma~on avait eufini lestravaux chestoi.

    4.- Plus-que-parfait/passéantér¡eur-passésurcomposé.Les trois formesexprimentla mémevaleurtemporelle: la préantériorité.La différenceentreles termesdel’opposition estd’ordre purementaspectuel:le plus-que-parfaita un aspeetaecomplirésultatif, tandis quele passéantérleur(langue¿crite)et le passésureomposé(langueparlée)ont un aspeetaecompliperfectif.

    Je me le rappelle bien: le premier janvier de lan demier, le ma9on avaitfini/eu!finil? a ea/ini les travaux ches toi.

    II est A remarquer que les deux temps sureomposésdu passépass¿sur-composéet le plus-que-parfaitsurcomposépeuventprésenter,danseertainscas,la mémevaleur temporelle et aspectuelle:11 faudrait étudierplus endétaildausquel typesde contextescetteoppositionest neutralisée.

    5.- Passés¡niple/passéantéricur.A ces quatrepoints que nousvenonsdevoir, il faut en ajouterun einquiéme,qul lui, est basésur l’opposition d’as-pect duratif court/nonduratif. II s’agit de l’opposition passésimple/passéantérieur.Lorsque ces deux formesexprimentla mémetemporalité,c’est Adire, lorsquele passéantérieurn’exprime pas,dansun contextedonné,unetemporalitéantérieureaux passéssimples du dli contexte,eetteoppositionsertA mettre en relief l’opposition aspeetduratif eourt/nonduratif. Dans cecas,le passéantérieurestnormalementaceompagnépar desadverbesexpri-mant la rapidité.

  • Verbe et aspectualité enfran~ais 131

    La fable de La FontaineLe renard el la cigogne,exemplecité par toutesles grammaires,nousen offre un exempletrés clair. Toute la fable est aupassésimple; le vers final el le dróle eut lapéle tow en un momenípourraitaussil’étre. L’emploi de euílapé en un momentau lieu de lapa sertA expri-merl’aspectduratif eourtde l’aetion, par oppositionA tous les autrespasséssimplesqui ont un aspectnonduratif. Danscecasl’opposition A valeurtem-porehlepassésimple/passéantéricureest neutralisée;elle nc sert qu a mar-queruneoppositionaspectuelle.

    Pourterminercetarticle, il faudraitfaire allusionau problémede compa-tibilité entreles aspectsgrammaticauxet les aspectstemporels.En fait nousne pouvonsparler qued’un seul casd’ineompatibilité: l’aspeetgrammaticalduratif est incompatibleayee l’aspeettemporel aeeompli;II ne peutdonesecombinerqu’avecles formesqui exprimentl’aspeettemporelnon accompli:présentet impai-fait de l’indieatif, futur.

    II es! en ¿ram de travailler.II é!ait en ¿ram de travailler.II senz en train de travailler.

    MAIS

    * 11 a ¿té en ¿ram de !ravailler.* llffi! en !rain de !ravailler.

    * J¡ avai¿ ¿sé en ¿ram de travailler.

    II conviendrait aussi de faire un remarque en cequi concemeles aspeetsgrammaticauxponetuel/nonponetuel.II n’existepasd’ineompatibilit¿entreces aspectsgrammaticauxet les aspeetstemporels,mais certainsaspectstemporelsexprimentpareuxm&mes,sansavoir reeoursA desmarquesspéci-fiques,l’un ou 1’autre de ces aspects.Le passésimple (et le passécomposélorsqu’il est perfectif) exprime en sol l’aspeet grammatiealponetuel,alorsquele l’imparfait de l’indieatif (non aceompli)estporteuren soi de l’aspeetgrammatiealnonponetuel.

    II pri!/a pris l’autobus pour a!!er travailler.II prenail I’autobus pour aher travaihler.

    Cependantles perfectifspeuventexprimerl’aspectnon ponetuelA condí-tion d’étreaccompagnésde marquesgrammatiealesaspeetuelles.

  • 132 Caro/me Foul/ioux — Eugenio de Vicente

    II pritia prñ I’autobustous les jours/souvent peur aher travailler.

    Poursa pail l’imparfait peutexprimerl’aspectponetuelA conditionqueletempsdel’énoneésoit exprimé,et qu’il indique unedurationcourte.

    Quandje la? apervu/l’aperQus, it prenai¿ lautobus pour aller travailler.

    Nous considérons,d’apréscequenousyenonsd’exposer,quel’étudedesaspeetstemporeis,généralementnégligéeou insuffisammentexploitée,revétunegrandeimportancepour une bonnecompréhensiondu systémedestempsx’erbaux,etspéeialementde eeuxdu passé,en fran9ais.

    Nous sommestout A fait eonseientsque l’approcheque nousyenonsdeprésentern’épuisepas-bm de ¡A- la problématiquede l’aspeetverbalenfran9ais.Elle marque,néanmoins,une voje A suivre daus nutre travail derecherche.