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© Drägerwerk AG & Co. KGaA 1 Pour de nombreux anesthésistes, les manœuvres de recrutement alvéolaire (MRA) constituent une procédure courante en anesthésie générale, bien qu’elle ne soit pas encore globalement conseillée par les recommandations existantes. La littérature médicale compte peu de recommandations dans ce sens et les preuves solides semblent non disponibles. Cet article vise à fournir des données sur l’état actuel des débats. Manœuvres de recrutement peropératoire Ventilation protectrice en salle d’opération

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Pour de nombreux anesthésistes, les manœuvres de recrutement alvéolaire (MRA) constituent une procédure courante en anesthésie générale, bien qu’elle ne soit pas encore globalement conseillée par les recommandations existantes. La littérature médicale compte peu de recommandations dans ce sens et les preuves solides semblent non disponibles. Cet article vise à fournir des données sur l’état actuel des débats.

Manœuvres de recrutement peropératoire

Ventilation protectrice en salle d’opération

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MANŒUVRES DE RECRUTEMENT PEROPÉRATOIRE

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le retour veineux. La pression artérielle et le débit cardiaque déclinent, ce qui a un effet négatif sur la capacité de transport d’oxygène. C’est pourquoi l’hypovolémie aiguë est considérée comme une contre-indication aux MR2,9. L’arythmie cardiaque est également un effet indésirable possible des manœuvres de recrutement2. Il a aussi été démontré que les MR présentent un risque de barotraumatisme pulmonaire attribuable à un étirement local excessif du parenchyme pulmonaire, qui est sensible. Cela peut entraîner des dommages structurels avec hémorragie alvéolaire. Les dommages aux tissus pulmonaires causés par la ventilation sont aussi des causes possibles de pneumothorax10.

Par ailleurs, la contrainte mécanique appliquée aux organes peut libérer des médiateurs inflammatoires (par ex. IL-8 et TNF-α) susceptibles d’avoir un effet dommageable sur les poumons et, par le biais de la circulation sanguine, sur d’autres organes (hypothèse de biotraumatisme)11,12. Une apoptose cellulaire des reins et des intestins peut également survenir. Les chercheurs pensent que cela peut être dû à l’interaction de médiateurs inflammatoires et de facteurs pro-apoptotiques13. Chez les patients présentant des facteurs de risque de développement de complications postopératoires, surtout chez ceux soumis à un traumatisme chirurgical important, l’application de mesures de ventilation protectrice pulmonaire, en particulier l’utilisation des MR si nécessaire, semble pertinente.

Indications des manœuvres de recrutementL’indication principale des MR peropératoire est l’atélectasie, qui provoque une hypoxémie et une déficience de la ventilation et de la compliance. Si jusqu’à 90 % des patients soumis à l’anesthésie générale présentent une atélectasie, tous ne requièrent pas de MR5. L’atélectasie de résorption est une indication fréquente. Elle apparaît généralement quelques minutes après l’induction anesthésique. Cela se produit lorsque l’échange gazeux entre les alvéoles et les capillaires dépasse l’alimentation en gaz frais. L’atélectasie de résorption peut être favorisée par la pré-oxygénation avec taux élevé de FiO2 et par la redistribution de ventilation due à la relaxation musculaire en position allongée sur le dos14. Ces deux derniers facteurs peuvent également entraîner une atélectasie de compression. Cela provoque une pression pleurale accrue. Lorsque la pression pleurale dépasse la pression alvéolaire, cela entraîne l’affaissement de la zone pulmonaire concernée, généralement dorsale et proche du diaphragme15,16.

Les patients obèses sont particulièrement sujets à l’atélectasie peropératoire, car leur masse abdominale peut provoquer une pression pleurale extrêmement forte. Comparés aux patients de poids standard, ils présentent déjà une diminution préopératoire de la CRF

Manœuvres de recrutement (MR) peropératoire : dernières conclusions scientifiques et recommandationsPour de nombreux anesthésistes, les manœuvres de recrutement alvéolaire (MRA) sont une procédure de routine dans l’anesthésie générale, même si elles ne sont pas encore généralement recommandées dans les directives existantes. Dans de nombreux établissements, elles constituent une méthode courante et ont leur place établie dans les pratiques cliniques quotidiennes. En fait, certains groupes de patients (par  ex. en chirurgie thoracique) dépendent des procédures de MR peropératoire. Malgré cela, les preuves cliniques concernant les manœuvres de recrutement et l'avis des spécialistes sur ce sujet restent discutés. En particulier pour ce qui est de l’utilisation de la ventilation protectrice des poumons en salle d’opération, l’importance des MR semble toujours incertaine. Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur l’utilisation des manœuvres de recrutement peropératoire, on peut identifier un certain nombre de principes fondamentaux et d’orientations1.

Ce document passe en revue les données et recommandations d’experts disponibles à l’heure actuelle et offre un aperçu de l’état des connaissances actuelles et des points de vue concernant le recrutement alvéolaire peropératoire.

Classification médico-scientifiqueLes manœuvres de recrutement (MR) peropératoire servent à ouvrir les zones d’atélectasie des poumons, ce qui augmente l’oxygénation et la ventilation au cours de l’anesthésie. Des paramètres comme la compliance et la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) sont également améliorés. En même temps, l’effort respiratoire et le shunt droite-gauche intrapulmonaire diminuent1,3. Survenant chez 90 % des patients, quels qu’ils soient, l’atélectasie est très courante pendant l’anesthésie générale28. C’est également une complication pulmonaire postopératoire avec des effets cumulés élevés sur la morbidité et la mortalité6. Selon une étude de  2010, 5  % des patients chirurgicaux souffrent de complications pulmonaires postopératoires. D’autres études indiquent des chiffres allant de 2 % à 19 %. D’après l’étude de 2010, 20 % des patients affectés décèdent dans les 30 jours qui suivent l’opération7,8.

Manœuvres de recrutement : importantes, mais non exemptes de risquesPour certains patients, les MR représentent une intervention importante. Comme toutes les formes de traitement, les MR peuvent toutefois s’accompagner d’effets indésirables. Par exemple, une augmentation de la pression intrathoracique réduit la pression de circulation en diminuant

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allant jusqu’à  20 %. Ce facteur est aggravé par l’anesthésie. On a identifié une diminution moyenne de la CRF de 50 % après l’induction anesthésique. Les autres indications des MR sont entre autres l’aspiration endotrachéale et la déconnexion, la ventilation peropératoire avec doses d’oxygène très fortes et le SDRA9. Certains spécialistes pensent que les patients de poids standard avec une fonction pulmonaire saine ne nécessitent de MR qu’en cas d’hypoxémie persistante, après l’échec d’une augmentation de la FiO2 et de la PEP5,17. Toutefois, cette question fait débat.

Contre-indications des manœuvres de recrutementLes contre-indications sont notamment :– Emphysème pulmonaire : les bulles d’emphysème peuvent se

rompre sous l’effet de la pression ventilatoire9. – Instabilité circulatoire : en particulier hypovolémie aiguë9. – Insuffisance cardiaque droite : risque d’insuffisance cardiaque

droite totale9. – Pression cérébrale élevée : les manœuvres de recrutement

peuvent augmenter la pression cérébrale en raison d’une réduction de la circulation dans les veines jugulaires9,18.

Le recrutement alvéolaire : oui, mais comment ? La manœuvre classique d’insufflation au moyen du ballon de ventilation manuelle est une forme de MR largement employée. Cette méthode est encore pratiquée dans de nombreux hôpitaux. Bien que rapide et tout à fait efficace, cette pratique occasionne des pics de pression élevés qui la rendent critiquable. Ils entraînent effectivement des risques d’effets indésirables hémodynamiques et pulmonaires. Le succès du recrutement et les complications éventuelles peuvent être suivis par un monitorage adapté (oxymétrie de pouls, monitorage hémodynamique et de la capnographie)19. Une utilisation ciblée de la VS-PEP comme maintien mécanique de l’insufflation permet un meilleur contrôle global de la pression, et il est possible qu’elle soit mieux tolérée.

Cependant, d’après une publication de Güldner et Gama de Abreu, un degré de charge hémodynamique encore plus faible peut être atteint par une augmentation incrémentielle par paliers de la pression inspiratoire lors de la MR. Cette technique consiste en une augmentation incrémentielle de la PEP avec maintien de la différence entre la pression inspiratoire et la PEP5. Avec cette méthode par incréments, il est important que la manœuvre comporte une phase incrémentielle et une phase décrémentielle. L’augmentation par paliers de la PEP et de la pression inspiratoire permet d’ouvrir la zone

d’atélectasie des poumons. Le niveau de pression maximal doit donc au moins atteindre le degré nécessaire à l’ouverture alvéolaire. Dans la phase décrémentielle de la manœuvre, la pression est réduite de la même manière. Un monitorage adapté permet d’identifier la PEP idéale pour le patient permettant de maintenir l’état de recrutement des poumons37. À cet égard, les études font état d’une libération moindre de médiateurs inflammatoires de type IL-8 (- 41 %) et TNF-α (- 20 %) et d’une compliance et d’une oxygénation plus forte12. Par ailleurs, les études récentes confirment que le recrutement par paliers avec des paramètres de pression moins élevés est mieux toléré et marqué par moins de lésions alvéolaires et moins de dommages aux cellules endothéliales20.

Concernant les applications peropératoires des MR, ces niveaux de pression plus faibles doivent toutefois être évalués par rapport aux procédures chirurgicales en cours. Avec les MR pratiquées lentement, il a également été constaté que les effets hémodynamiques indésirables étaient moins prononcés21. En raison de leur relative simplicité, les manœuvres d’insufflation par ballon de ventilation manuelle continuent d’être largement répandues. Elles constituent sans aucun doute une technique efficace. La méthode est donc viable. Toutefois, différents spécialistes recommandent de plus en plus l’approche par recrutement incrémentiel5,17. Nécessitant davantage d’étapes, cette technique est cependant plus longue.

Une approche très pragmatique a été présentée par l’anesthésiste australien Chris Thompson en 2015 à l’occasion du colloque annuel du Collège des anesthésistes d’Australie et de Nouvelle-Zélande (se reporter à la présentation du Dr Chris Thompson, ANZCA 2015). Cette technique montre une modification de la courbe VC/PEP dans la phase décrémentielle de la MR. Les volumes courants sont augmentés à des pressions plus faibles que lors de la phase incrémentielle et une PEP spécifique au patient peut être identifiée. En plus d’une surveillance de la ventilation spécifiquement adaptée au patient, le recrutement par paliers exige également un monitorage hémodynamique.

Des probabilités de réussite variablesMême si les manœuvres de recrutement peuvent avoir une grande importance clinique, leurs effets sont variables. En cas d’atélectasie de courte durée, par exemple si elle est liée à l’anesthésie (suite à l’induction anesthésique ou lors de procédures laparoscopiques), les zones collabées du poumon peuvent s’ouvrir sous l’effet d’une pression suffisante. Dans le cas des patients présentant une

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insuffisance pulmonaire aiguë due principalement à une cause extra-pulmonaire (par ex. péritonite, obésité concomitante, troubles causés par une pression abdominale accrue), les probabilités de succès des MR sont élevées14. Lorsque des facteurs pulmonaires sont en cause (par ex. pneumonie), plusieurs études montrent que les MR sont généralement moins efficaces et que leur chance de réussite n’est que de 5 % à 10 %. Ce second cas survient toutefois plus fréquemment en unité de soins intensifs et moins souvent en salle d’opération.

En unité de soins intensifs, les inconvénients des MR peuvent l’emporter largement sur leurs avantages, étant donné que les patients sont généralement dans un état plus grave et souffrent plus souvent de problèmes pulmonaires préexistants que ceux soumis à des interventions normales. En raison de la pression mécanique exercée sur le parenchyme pulmonaire, la pneumonie peut par exemple être aggravée par le recrutement et la ventilation22,24. D’autres études montrent un taux d’efficacité de 50 % à 90 % pour les MR, également avec des causes intrapulmonaires d’insuffisance pulmonaire aiguë, en utilisant cependant des niveaux de pression très élevés.23

Quelle que soit la méthode retenue, les MR ne sont efficaces qu’en cas d’atélectasie et non pas dans le cas de la consolidation pulmonaire, lorsque les alvéoles sont remplies de sécrétions, de fluide ou de tissus étrangers24. Dans ce cas, l’emploi des MR peut s’avérer efficace ou non. Le niveau optimal de pression de recrutement varie d’un patient à l’autre, et la fréquence d’administration et la durée les plus efficaces des MR n’ont pas encore été déterminées clairement22. C’est particulièrement vrai lorsque la PEP n’est pas augmentée suite à la MR pour empêcher un dé-recrutement. On constate des différences prononcées selon les patients. Dans certains cas, il faut traiter ces différences au moyen de procédures de recrutement et de solutions techniques autres.

L’évaluation du succès, un aspect essentiel S’il est indispensable d’avoir conscience des risques entraînés par les MR, il faut également souligner que leur utilisation peut favoriser chez de nombreux patients une oxygénation et une compliance largement supérieures. L’amélioration de la compliance est importante, car elle assure un volume courant suffisant aux niveaux de pression permettant de protéger les poumons (pression inspiratoire, pression motrice). Il est donc important d’évaluer le succès d’une MR en fonction de ces deux facteurs. L’amélioration de l’oxygénation se détecte facilement et rapidement par l’oxymétrie de

pouls. Le monitorage de l’amélioration de la compliance nécessite, lui, une fonction spécifique dans la station d’anesthésie. Lors de ce monitorage, il est important de voir comment la compliance se développe dans le temps pour détecter rapidement toute amélioration ou détérioration. Une comparaison des tendances de la PEP et de la compliance peut en particulier s’avérer précieuse pour le réglage individuel de la PEP, et donc contribuer au maintien de l’ouverture des poumons après la procédure de recrutement.

Manœuvres de recrutement dans le cadre de la ventilation protectrice des poumonsSelon les données et la pratique actuelles, la ventilation périopératoire protectrice des poumons consiste en des manœuvres de recrutement avec faible volume courant et PEP modérée, où le recrutement ne fait pas forcément partie de la procédure standard25. Chez les patients chirurgicaux présentant un profil de risque modéré ou élevé, cette technique favorise la réduction de la fréquence des complications pulmonaires postopératoires. Chez les patients avec un SDRA, cette technique est désormais de routine dans plusieurs établissements, bien qu’elle ne soit pas directement corroborée par les recommandations ayant cours26.

Pratique standard de longue date, la méthode consistant à administrer une pression continue de 35 à 40 cmH2O dans les voies aériennes pendant 40  secondes (insufflation maintenue), est éprouvée. Toutefois, on peut l’associer à une augmentation du risque d’effets hémodynamiques négatifs et elle n’offre pas de meilleurs résultats, même avec les patients présentant un SDRA. Ces éléments ont été confirmés par des études menées par Futier et al.26. En plus de la pression inspiratoire de crête, la pression motrice a également une forte incidence sur les risques de complications pulmonaires postopératoires. La pression motrice correspond à la différence entre la pression inspiratoire de crête et la PEP.

Si une MR avec optimisation ultérieure de la PEP permet d’améliorer la compliance, alors le même volume courant peut être appliqué avec une pression motrice inférieure. Une pression motrice inférieure à 13 cmH2O semble associée à un risque moindre de complications pulmonaires postopératoires par rapport aux valeurs plus élevées27. Pour réduire encore les risques, Ladha et al. recommandent d’appliquer une PEP de 5 cmH2O et une pression inspiratoire de crête de 16 cmH2O au maximum, avec une ventilation mécanique continue comme paramètre de ventilation protectrice28. Toutefois, il est très probable que cela n’empêche pas complètement l’atélectasie chez de nombreux patients14.

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Les recommandations générales donnant des valeurs de PEP précises doivent donc être évaluées de manière critique sur le plan physiologique. Les spécialistes considèrent qu’un réglage individuel de la PEP en fonction du patient après la manœuvre de recrutement a plus de chance de réussite14. La PEP spécifique au patient peut s’identifier lors de la phase décrémentielle de la MR avec titration de la PEP là où le volume courant ou la compliance sont les plus élevés (se reporter à la présentation du Dr Chris Thompson, ANZCA 2015). Il n’existe toutefois à ce jour aucune données mettant en évidence les avantages possibles d’un réglage de la PEP spécifique au patient pour les paramètres de résultats périopératoires correspondants.

Quelles sont les recommandations ?Les données actuellement disponibles ne permettent pas de formuler des recommandations précises fondées sur des preuves qui seraient en faveur d’une procédure de recrutement particulière ou d’énoncer les indications du recrutement alvéolaire. Dans l’objectif de réduire les risques de complications hémodynamiques, inflammatoires et barotraumatiques, certains spécialistes recommandent un recrutement incrémentiel.

Le niveau de pression nécessaire à l’ouverture des zones pulmonaires collabées en raison de l’atélectasie, selon la littérature comme 40 cmH2O pour les patients de poids standard et 50 cmH2O pour les patients obèses, peut être atteint avec moins d’effort au moyen d’un MR par incréments5,14,29,30,31,14. La MR incrémentielle n’est pas forcément entièrement nécessaire si une oxygénation suffisante peut être restaurée avant la fin de la manœuvre. Dans la plupart des cas, le recours à la PEP seule ne permet pas d’obtenir le recrutement des alvéoles collabées. Certains experts considèrent que le recrutement complet n’est pas nécessaire à chaque fois. On parle de concept d’atélectasie autorisée (« permissive atelectasis »)5,32.

Dans les procédures de courte durée, les traumatismes chirurgicaux limités et pour les patients à faible risque de développement de complications périopératoires, le choix de la stratégie de ventilation ne semble pas jouer un rôle majeur7,14. Si l’oxygénation le permet, un certain volume d’atélectasie peut être accepté afin d’améliorer la tolérance à la ventilation (moins de contrainte mécanique et moins d’effets hémodynamiques)5,33. Élever cette technique au rang de principe général a toutefois fait l’objet de critiques importantes.

Conformément à l’approche consistant à tolérer une part d’atélectasie, la ventilation des patients de poids standard aux

poumons sains soumis à une intervention abdominale doit, selon certains spécialistes, posséder une PEP faible (2 à 5 cmH2O) afin de limiter la formation d’atélectasie extensive. Selon ce point de vue, les avantages de la stabilité hémodynamique l’emportent sur une amélioration possible de l’oxygénation, surtout parce que, chez la plupart des patients, l’oxygénation est de toute façon suffisante. En cas d’hypoxémie périopératoire, la première mesure doit être d’augmenter la FiO2 à 0,6 et d’ajuster la PEP. Si l’hypoxémie persiste, une manœuvre de recrutement est indiquée5,17. Cette méthode se fonde sur un principe qui ne fait pas l’unanimité, celui selon lequel l’atélectasie peut être acceptée si le niveau d’oxygénation le permet.

Que le recrutement soit entrepris d’emblée ou de façon moins systématique, les points suivants s’appliquent à tous les patients. Suite à une MR, la PEP doit être suffisamment élevée pour empêcher l’atélectasie de survenir de nouveau et donc prévenir un traumatisme avec libération de cytokines. Le niveau exact de PEP continue de faire l’objet de discussions et il n’est pas clairement établi par les différentes sources. Comme indiqué précédemment, dans le cas de la méthode de recrutement incrémentielle, les indicateurs d’une PEP spécifique au patient sont perceptibles dans la phase décrémentielle de la procédure (se reporter à la présentation du Dr. Chris Thompson, ANZCA 2015).

Chez les patients obèses, les manœuvres de recrutement peropératoire suivies d’une PEP située entre 10 et 18 cmH2O (selon les résultats d’examen) présentent des avantages comparées à une PEP de 5 cmH2O ou à une manœuvre de recrutement sans PEP. Ces avantages consistent en une meilleure oxygénation et en une réduction de l’atélectasie34,35,38. Concernant l’utilisation de la PEP chez les patients obèses, il n’existe toujours pas de consensus, mais il semble qu’en raison de la pression pleurale plus forte (pression extérieure), une PEP plus élevée soit nécessaire pour empêcher l’atélectasie de compression. La prudence est recommandée pour tous les patients ayant souffert d’un « premier impact » (blessure, infection...)36. Les tenants de la théorie du «  second  impact  » affirment que les complications liées à la ventilation surviennent en premier lieu en raison d’une interaction entre un barotraumatisme et une première blessure14. Les patients présentant un risque hémodynamique et une hypovolémie doivent, sauf contre-indication, se voir administrer avant l’intervention un fluide de substitution ou un traitement à base de vasopresseurs14.

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RÉFÉRENCES :

IMPRINTALLEMAGNEDrägerwerk AG & Co. KGaAMoislinger Allee 53–5523542 Lübeck

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