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Cour de cassation Service de Documentation et d’Etudes __________________________________________________________________ -------------------------------- VEILLE BIMESTRIELLE DE DROIT EUROPÉEN Janvier- Février 2008 n/ 18 ___________________________________________________________ Observatoire du droit européen

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Cour de cassation Service de Documentation et d’Etudes

__________________________________________________________________--------------------------------

VEILLE BIMESTRIELLE

DE

DROIT EUROPÉEN

Janvier- Février 2008

n//// 18___________________________________________________________

Observatoire du droit européen

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SOMMAIRE

ACTUALITÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Actualité de l’Union Européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2Actualité du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9Actualité nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

JURISPRUDENCE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

Cour européenne des droits de l’homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Arrêts de la Cour européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21Affaires répétitives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52Décisions sur la recevabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52Liste des arrêts et décisions commentés classés par articles de la Convention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

Cour de justice et Tribunal de première instance de s communautés européennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

Arrêts de la Cour de justice et du tribunal de première instance CE . . . . . 59Aides d’Etat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59Environnement et consommateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65Propriété intellectuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69Rapprochement des législations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71Recours en manquement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73Relations extérieures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77Sécurité sociale des travailleurs migrants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

Liste des arrêts commentés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

Affaires communautaires à suivre : Conclusions des avocats généraux . . 84

Citoyenneté européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84Principes du droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86Rapprochement des législations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87Libre circulation des capitaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89Politique étrangère et de sécurité commune . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93Sécurité sociale des travailleurs migrants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96Relations extérieures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

Décisions de Cours suprêmes étrangères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

Allemagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105Etats Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

DOCTRINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

Commentaire d’arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

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Articles généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

Droit Comparé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122

DOSSIER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124

Le Traité de Lisbonne : ses innovations en matière de liberté, de sécuritéet de justice, ses apports en faveur de la coopérat ion judiciaireen matière pénale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125

COMMENTAIRE DES STATISTIQUES 2007 DE LA COUR EUROPÉ ENNE DESDROITS DE L’HOMME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130

Cette veille est désormais disponible en ligne sur le site intranet de la Cour de cassation http://srv-cassation/Rpvjcc/AccueilRpvjcc_800.asp

sous la rubrique “Documentation” (en suivant la flèche en bas d’écran).

Equipe de l’Observatoire :

Françoise CALVEZ, auditeurAnne-Claire DUBOS, greffier en chef

Aurélie DRESSAYRE, assistante de justiceHélène GORKIEWIEZ, assistante de justice

Emilie TOURNEAU BLANES, assistante de justice

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ACTUALITÉ

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ACTUALITÉ

DE

L’UNION EUROPÉENNE

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1 Ces textes sont disponibles sur le site Europa : http://eur-lex.europa.eu/fr/index.htm

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TEXTES LÉGISLATIFS ET RÉGLEMENTAIRES 1

T 20 février 2008 :

- 2008/9/CE : Publication au Journal officiel de l’Union européenne « JOUE » (L 044) , de ladirective définissant les modalités de remboursemen t de la taxe sur la valeur ajoutée ,prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’Etatmembre du remboursement, mais dans un autre Etat membre.

- 2008/8/CE : Publication au JOUE (L 044), de la directive 2008/8/CE du Conseil, modifiant ladirective 2006/112/CE, en ce qui concerne le lieu des prestations de services .

T 16 février 2008 :

- Publication au JOUE (L 042), de l’Action commune 2008/124/PESC du Conseil, relativeà la mission « Etat de droit » menée par l’Union eu ropéenne au Kosovo , EULEX KOSOVO.

T 5 février 2008 :

- Publication au JOUE (L 031) du règlement (CE) n //// 101/2008 de la Commission du 4 février2008 modifiant le règlement (CEE) n/ 574/72 du Conseil fixant les modalités d’application durèglement (CEE) n/ 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale auxtravailleurs salariés, aux travailleurs non salarié s et aux membres de leur famille qui sedéplacent à l’intérieur du la Communauté .

T 10 janvier 2008 :

- 2008/22/CE : Publication au JOUE (L 07) de la décision de la Commission du 19 décembre2007 portant création d’un Fonds européen pour les réfugiés

Cette décision fixe les modalités de mise en œuvre de la décision n/ 573/2007/CE du Parlementeuropéen et du Conseil, portant création du Fonds européen pour les réfugiés, pour la période2008-2013, dans le cadre du programme général Solidarité et gestion des flux migratoires, en cequi concerne les systèmes de gestion et de contrôle des États membres, les règles de gestionadministrative et financière et l’éligibilité des dépenses pour les projets cofinancés par le Fonds.

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2 Pour plus d’informations : http://www.europarl.europa.eu/news/public/default_fr.htm?language=FR

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COMMUNIQUÉS

Parlement 2

T Services postaux : adoption de la directive postale de l’UE par le Parlement Le Parlement européen a adopté en deuxième lecture le 31 janvier la nouvelle directive postaleproposée par la Commission en octobre 2006.Le texte voté par le Parlement est conforme à l’accord politique dégagé par le Conseil et conserveles éléments clés de la proposition initiale de la Commission (V. Comm. CE, communiquéIP/06/1419, 18 oct. 2006 : Europe 2006, alerte 53 ; JCP A 2006, act. 1049), notammentl’achèvement du marché intérieur des services postaux de l’Union en supprimant le « domaineréservé » dans tous les États membres, la confirmation de la portée et du niveau de qualité duservice universel, le renforcement des droits des consommateurs et l’actualisation du rôle desautorités réglementaires nationales. Une liste de mesures que les États membres peuventprendre pour préserver et financer, s’il y a lieu, le service universel est également proposée.Suivant le rapport rendu en juillet 2007 (JCP A 2007, act. 740), le texte reporte la libéralisationtotale du marché au 31 décembre 2010, soit deux ans plus tard que la proposition initiale de laCommission.Une « clause de réciprocité » est également présente dans la position commune ; elle permet auxÉtats membres ayant libéralisé leur marché de refuser l’agrément aux opérateurs étrangersbénéficiaires d’un secteur réservé dans leur pays d’origine. Enfin, le texte entériné confirme que les États membres pourront conditionner l’accès à leurmarché postal au respect des conditions de travail et des régimes de sécurité sociale, desrelations entre partenaires sociaux, et des conventions collectives. De même, les États pourrontimposer aux prestataires le respect de conditions liées à « la confidentialité de la correspondance,la sécurité du réseau en ce qui concerne le transport de matières dangereuses (...) et, le caséchéant, la protection des données, la protection de l’environnement et la programmationrégionale ».

Sources : Comm. CE, communiqué IP/08/163, 31 janvier 2008

T Europol va devenir une agence de l’Union européenneLe Parlement a adopté un rapport de consultation apportant son soutien à une proposition dedécision accordant à Europol un statut d’agence de l’UE. Ce statut implique qu’Europol soitfinancé par le budget communautaire et que son personnel acquiert le statut de fonctionnaireeuropéen. De plus, cette proposition étend le champ des prérogatives d’Europol au delà de laseule criminalité organisée. Les parlementaires ont accordé une grande importance à laprotection des données et ont appuyé la disposition prévoyant la création d’un déléguéindépendant à la protection des données.Prochaines étapes : si le calendrier est respecté, l’actuelle Convention Europol devra êtreremplacée par cette nouvelle décision pour le 30 juin 2008. L’Office aura le statut d’agence àcompter du 1er janvier 2010.

Sources : PE, communiqué n/ 20080115IPR18587, 17 janvier 2008

T Protection des consommateurs : proposition de direc tive sur le crédit auxconsommateurs

Cette proposition a pour objet d’ouvrir le marché européen du crédit à la consommation tout engarantissant la protection des consommateurs. Elle a un champ d’application bien délimité

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3 Pour plus d’informations : http://europa.eu/rapid/setLanguage.do?language=fr : recherche via la référence du communiqué.

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puisqu’elle ne concerne que les prêts à la consommation d’un montant de 200 à 75 000 euros etremboursables au delà d’un mois. Les nouvelles règles accroîtront la transparence du marchéau profit du consommateur et des opérateurs économiques. Elles aboutiront essentiellement àla fourniture d’informations de base comparables par les consommateurs qui sollicitent un prêt,où qu’ils soient dans l’UE. Dans le cas des offres de crédit, les informations communiquées auxconsommateurs (par exemple, les taux d’intérêt, le montant, le nombre et la périodicité desversements, l’obligation de souscrire une assurance ou les frais de non-exécution) devront êtreprésentées à l’aide d’un nouveau formulaire européen d’information sur le crédit, qui seracomparable à l’échelle de l’Union. De plus, une nouvelle méthode de calcul du taux annuel effectifglobal (TAEG), unique pour toute l’UE, permettra aux consommateurs de se rendre compte ducoût réel du crédit. La directive proposée établit également des normes communes sur un droitde remboursement anticipé et de rétractation de 14 jours afin de permettre au consommateur dese raviser et d’éviter les endettements excessifs.Les prochaines étapes : Cette proposition de directive adoptée par le Parlement doit encore êtreformellement adoptée par le Conseil et entrera en vigueur le vingtième jour suivant le jour de sapublication au Journal officiel de l’UE. Les Etats membres auront deux ans à compter de cettedate pour transposer la directive.

Sources : communiqué n/ IP/08/55, 16 janvier 2008Voir: http://ec.europa.eu/consumers/strategy/index_en.htm

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Commission 3

T Régime des agences de voyages : la Commission europ éenne engage une actioncontre la France

La Commission européenne a demandé officiellement à la France, et à sept autres Étatsmembres, de modifier leur législation en ce qui concerne le régime particulier de la TVAapplicable aux agences de voyages, dit « régime de la marge ». Afin de supprimer les avantagesconcurrentiels déloyaux dont bénéficient certains organisateurs de voyages, la Commission aproposé en 2002 d'étendre le régime de la marge actuellement en vigueur aux prestationsvendues aux agences de voyages (V. sur la proposition de directive du Conseil modifiant ladirective 77/388/CEE en ce qui concerne le régime particulier des agences de voyages :COM(2002) 64 final). Cette demande revêt la forme d’un avis motivé (Traité CE, art. 226) et lesÉtats membres ont deux mois pour s’y conformer. Faute de quoi, la Commission pourra porterle cas devant la Cour de justice des Communautés européennes.

Sources : Comm. CE, communiqué IP/08/333, 28 février 2008

T Qualifications professionnelles : procédure d’infra ction contre la FranceLa Commission a décidé d’introduire un recours contre la France devant la Cour de justice desCE pour avoir enfreint, tant les articles 39, 43 et 49 du traité CE, que la directive 92/51/CEErelative au système général de reconnaissance des diplômes, consolidée dans la directive2005/36/EC, en refusant aux moniteurs de snowboard d’autres Etats membres et plusparticulièrement aux moniteurs allemands, d’enseigner cette seule discipline en France au motifqu’en France l’accès à cette activité est réservé aux moniteurs de ski.

Sources: Comm. CE, communiqué IP/08/327, 28 février 2008

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T Marchés publics: procédure d'infraction contre la F ranceLa Commission a décidé de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’unrecours contre la France concernant les dispositions du code des marchés publics relatives à laprocédure dite des « marchés de définition ».Cette procédure de droit français peut être utilisée lorsque l’acheteur public n’est pas en mesurede préciser lui-même l’étendue et la nature de ses besoins. Les marchés de définition sont desmarchés de services d’études qui visent à définir les besoins en question et donc à fixer l’objetet à établir le cahier des charges d’un marché ultérieur. Toutefois, suite à plusieurs marchés dedéfinition ayant un même objet et exécutés simultanément, les dispositions incriminées du codedes marchés publics permettent aux acheteurs publics, sous certaines conditions, d’attribuer unmarché d’exécution à l’un des titulaires des marchés de définition sans nouvelle mise enconcurrence ou, tout au plus, avec une mise en concurrence limitée à ces titulaires. La Commission estime cette possibilité contraire à la directive « marchés publics » 2004/18/CEdans la mesure où elle n’est justifiée par aucune dérogation figurant à la directive et quipermettrait d’écarter l’application des procédures ordinaires de passation des marchés prévues.

L Les dernières informations sur les procédures d’infraction concernant les États membres sontdisponibles à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/community_law/index_fr.htm

Sources : Comm. CE, communiqué IP/08/326, 28 février 2008

T Antitrust : la Commission inflige à Microsoft une a mende de 899 millions iiii pournon-respect de la décision de mars 2004

La Commission européenne a infligé une amende de 899 millions i à Microsoft pour ne pas avoirrempli les obligations qui lui incombent en vertu de la décision de la Commission de mars 2004avant le 22 octobre 2007. La décision de 2004, qui a été confirmée par le Tribunal de premièreinstance en septembre 2007 (voir veille n/ 16), a estimé que Microsoft avait abusé de sa positiondominante au sens de l’article 82 du traité CE et que l’entreprise était tenue de divulguer desspécifications d’interfaces pour assurer une parfaite interopérabilité entre les serveurs de groupede travail d’une autre marque et les PC et serveurs Windows, et ce à un prix raisonnable.

L Pour plus d’informations :http://ec.europa.eu/comm/competition/antitrust/cases/microsoft/index.html

Sources : Comm. CE, communiqué IP/08/318, 27 février 2008

T Traitement des eaux résiduaires : la Commission ad resse un dernier avertissementà la France

La directive 91/271/CEE sur le traitement des eaux urbaines résiduaires fait obligation auxgrandes villes de l’Union européenne de collecter et de traiter leurs eaux urbaines résiduaires.Le principal traitement des eaux résiduaires prévu par la directive est le traitement biologique ou« secondaire ». La date butoir pour la mise en service de ces infrastructures était fixée au 31décembre 2000. La directive prévoit un traitement « tertiaire » plus contraignant lorsque les eauxrésiduaires sont rejetées dans des cours d’eau dits « sensibles », traitement qui passe parl’enlèvement du phosphore et/ou de l’azote. Ce système devait être mis en place pour le 31décembre 1998 au plus tard.La Commission a pris la décision d’envoyer à la France un dernier avertissement au motif qu’ellen’a pas respecté un arrêt rendu en 2004 dans lequel la CJCE avait prononcé un manquement auxobligations de transposition. Cette procédure de « manquement sur manquement » permettra àla CJCE d’infliger des amendes à la France.

Source : Comm. CE, communiqué IP/08/150, 31 janvier 2008

T Directive « emploi » : la France va recevoir un avi s motivéLa Commission européenne a décidé d’envoyer un avis motivé, au titre de l’article 228 du traitéCE, à la France pour n’avoir pas pleinement transposé la directive 2000/78/CE - dite « égalité detraitement en matière d’emploi » et qui interdit la discrimination fondée sur la religion ou lesconvictions, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle dans les domaines de l’emploi et du travail,

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de la formation professionnelle et de l’affiliation à une organisation de travailleurs oud’employeurs.La Commission relève dans la législation française :

- une définition incorrecte de la discrimination directe et indirecte et du harcèlement ; - une interdiction de l’injonction à discriminer trop restrictive ; - l’absence de prohibition de discrimination dans l’accès au travail indépendant et pource qui est des organisations professionnelles ; - une limitation du droit des entités intéressées (notamment associations) à ester enjustice pour défendre les victimes de discrimination ;- une sanction insuffisante des mesures de rétorsion autres que le licenciement.

En l’absence d’une réponse satisfaisante dans les deux mois suivant la réception de l’avis motivé,la Commission pourrait décider de traduire la France devant la Cour de Justice.

Sources : Comm. CE, communiqué IP/08/155, 31 janvier 2008

T La Commission propose une refonte des règles de l’é tiquetage des denréesalimentaires

La Commission a adopté le 30 janvier 2008 une proposition de règlement visant à moderniser etaméliorer la réglementation communautaire en matière d’étiquetage des denrées alimentaires,notamment en garantissant une uniformité minimale des présentations rencontrées dans lesvingt-sept États membres.

Sources : Comm. CE, communiqué IP/08/112, 30 janvier 2008

T Présentation du paquet « climat énergie » par la Co mmission La Commission européenne a adopté le 23 janvier un ensemble de mesures visant à lutter contrele changement climatique et à favoriser les sources d'énergie renouvelables. Parmi les textes présentés, figurent notamment une proposition modifiant la directive concernantle système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE), une proposition dedirective relative à la répartition des efforts à fournir pour respecter l’engagement communautaireindépendant de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs qui ne sont pascouverts par le système communautaire d’échange de quotas d'émission (comme les transports,le bâtiment, les services, les petites installations industrielles, l’agriculture et les déchets) ; uneproposition de directive destinée à promouvoir les sources d’énergie renouvelables afin decontribuer à la réalisation des deux objectifs précités en matière d’émissions. Ces mesures font suite aux engagements pris en mars 2007 par le Conseil européen qui avaitinvité la Commission à présenter des propositions concrètes, notamment sur les modalités derépartition de l’effort entre les États membres, pour la réalisation des objectifs fixés par laCommission dans un paquet intégré de mesures dans le domaine de l’énergie et du changementclimatique, le 10 janvier 2007.

Sources : Comm. CE, communiqué IP/08/80, Comm. CE, MEMO/08/31 à MEMO/08/36, 23 janvier 2008

T Vers un marché européen unique des contenus en lign eLa Commission prévoit dans une communication un marché unique européen de la musique, desfilms et des jeux en ligne. Pour que le citoyen de l’Union bénéficie d’un accès plus facile à unvaste choix de films et jeux sur internet notamment, la Commission encourage l’industrie ducontenu, les sociétés de télécommunications et les fournisseurs de services Internet à coopérerétroitement pour accroître la disponibilité des contenus en ligne tout en assurant une forteprotection des droits de propriété intellectuelle. La Commission souhaite aussi faciliter les licencesde droit d’auteur pour les contenus en ligne couvrant le territoire de plusieurs, voire de tous lesEtats membres.

Sources : Comm.CE, communiqué IP/08/5, 3 janvier 2008

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Médiateur européen

T Le Médiateur obtient une solution à l’amiable pour une affaire d’aide d’État italienneLe Médiateur européen, P. Nikiforos Diamandouros, a salué l’adoption par la Commissioneuropéenne d’une décision dans une affaire d’aide d’Etat à la suite d’une plainte d’une entrepriseitalienne critiquant le délai de plus de trois ans nécessaire à la Commission pour adopter cettedécision. A la suite de l’intervention du Médiateur, la Commission a présenté ses excuses pourle retard et a adopté la décision rapidement, concluant que le régime d’aide sarde aux armateursest incompatible avec le marché commun.

L Le texte de la décision du Médiateur peut être consulté via le lien suivant :http://www.ombudsman.europa.eu/decision/en/062713.htm

Source : Médiateur européen, Communiqué de presse n/ 2/2008, du 21 février 2008

T Les ONGs peuvent aider les institutions de l’UE à m ieux faire leur travailLe Médiateur a souligné combien il est important que les organisations non-gouvernementales(ONGs) attirent l’attention sur des éventuels cas de mauvaise administration au sein desinstitutions de l’UE. Au cours des dix dernières années, le Médiateur a reçu près de 1 000 plaintesprovenant d’ONGs ou d’associations. Ces plaintes ont trait à des cas de mauvaise administrationdans des projets environnementaux, des retards de paiement dans le cadre de contrats de l’UE,ou concernent le manque de transparence des institutions de l’UE. Statewatch, Corporate EuropeObservatory et European Citizen Action Service (ECAS) sont au nombre des ONGs qui se sontplaintes. Deux plaintes récentes concernant la politique environnementale de la Banqueeuropéenne d’investissement (BEI) et la question du « jeu des chaises musicales » au sein dela Commission ont été introduites respectivement par deux ONGs polonaises et Greenpeace.

L Les décisions complètes dans ces deux affaires sont disponibles aux adresses suivantes : - Sur la plainte d’ONGs polonaises concernant la politique environnementale de la BEI : décisionrendue le 17décembre 2007 : http://www.ombudsman.europa.eu/decision/en/061807.htm- Sur la plainte de Greenpeace concernant « le jeu des chaises musicales » : décision rendue le14 décembre 2007 : http://www.ombudsman.europa.eu/decision/en/062740.htm.

Source : Médiateur européen, Communiqué de presse n/ 1/2008, du 24 janvier 2008.

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ACTUALITÉ

DU

CONSEIL DE L’EUROPE

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4 Des informations détaillées relatives aux traités du Conseil de l’Europe (texte intégral, état des signatures et ratifications, réserveset déclarations, résumé, rapport explicatif) sont disponibles sur le site du Bureau des Traités : http://conventions.coe.int

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RATIFICATIONS ET SIGNATURES 4

T 20 février 2008 :

- La Moldavie a signé le Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption du 1er

février 2005.

T 13 février 2008 :

- L’Espagne a ratifié le Protocole n/ 12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Hommeet des Libertés fondamentales du 1er avril 2005.

T 12 février 2008 :

- La Norvège a ratifié la Convention civile sur la corruption du 4 novembre 1999.

T 1er février 2008 :

- La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte cont re la traite des êtres humains estentrée en vigueur. A ce jour, 13 Etats membres dont la France ont ratifié la Convention.

T 30 janvier 2008 :

- Malte a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la traite des êtres humains ainsi quela Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produitsdu crime et au financement du terrorisme, toutes deux en date du 16 mai 2005.

- Le Luxembourg a signé le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenned’entraide judiciaire en matière pénale du 8 novembre 2001.

T 28 janvier 2008 :

- Le Monténégro a ratifié la Convention civile sur la corruption en date du 4 novembre 1999.

T 21 janvier 2008 :

- La Croatie a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme du16 mai 2005.

T 17 janvier 2008 :

- La Norvège a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtreshumains du 16 mai 2005.

- La Finlande a accepté la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorismedu 16 mai 2005.

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T 11 janvier 2008 :

- La Bosnie-Herzégovine a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention duterrorisme, la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains,et la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et àla confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme du 16 mai 2005.

- La Géorgie a ratifié la Convention pénale sur la corruption du 27 janvier 1999.

T 9 janvier 2008 :

- La France a ratifié le Protocole portant amendeme nt à la Convention européenne pourla répression du terrorisme du 15 mai 2003 et la Co nvention du Conseil de l’Europe surla lutte contre la traite des êtres humains du 16 m ai 2005.

- La Serbie a signé et ratifié la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et dumilieu naturel de l’Europe en date du 19 septembre 1979 et la Convention civile sur lacorruption le Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption du 4 novembre1999.

T 8 janvier 2008 :

- La Slovaquie a ratifié la Convention sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001.

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5 Les textes adoptés lors de cette session peuvent être consultés sur le site suivant : http://assembly.coe.int/DefaultF.asp

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COMMUNIQUÉS

T La Commission européenne contre le racisme et l’intolé rance (ECRI) du Conseil del’Europe publie quatre rapports sur le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intoléranceconcernant Andorre, la Lettonie, les Pays-Bas et l’Ukraine.

L Ces rapports peuvent être consultés à l’adresse suivante : http://www.coe.int/ecri Source : Communiqué de presse - 101(2008) - 12 février 2008 : http://www.coe.int/T/DC/Press/WCD/AllPR_fr.asp#

T Conférence de presse annuelle de la Cour - 2008 : u ne « année d’espoir » pour la Coureuropéenne des droits de l’homme

Le président de la Cour européenne des droits de l’homme a exprimé le souhait que 2008 soit« une année d’espoir » après « une année de désillusions ». Jean-Paul Costa a admis que la plusgrosse déception de l’année 2007 avait été le refus de la Russie de ratifier le Protocole n/ 14 àla Convention européenne des droits de l’homme, bloquant ainsi l’entrée en vigueur de cetinstrument. Quelques éléments d’espoir pour 2008 ont toutefois été soulignés :

- La possibilité de trouver des alternatives au Protocole n/ 14 et d’autres façons de traiterles affaires clairement mal fondées devant la Cour ;- les activités complémentaires conduites par d’autres services du Conseil de l’Europeen vue de la prévention des violations de la Convention ;- des efforts accomplis au niveau national pour mettre en œuvre les arrêts de la Cour etprévenir les manquements aux droits fondamentaux ;- la perspective de l’accession de l’Union européenne à la Convention.

M. Costa a également expliqué que le nombre d’affaires pendantes devant la Cour a augmentéde 15 % (passant de 90 000 en 2006 à 103 000 en 2007). En 2007, la Cour a rendu 1 503 arrêtsau total, un nombre en régression par rapport aux 1 560 arrêts rendus en 2006 ; cette baisse tientà la décision de la Cour de se concentrer sur les affaires plus complexes et graves, dont le délaide traitement est plus long.

L Le tableau annuel des violations par pays pour l’année 2007 a été publié. Un commentaire desdonnées statistiques 2007 ainsi que le tableau annuel sont insérés dans cette veille p. 130.Source : Communiqué de presse - 044(2008) - 23 janvier 2008

T Session d’hiver de l’Assemblée parlementaire du Con seil de l’Europe (APCE) du 21 au25 janvier 2008 5 :

- L’espagnol Lluis Maria de Puig a été élu nouveau président de l’APCE.

- Cinq juges ont été élus à la Cour européenne des droits de l’homme : Zdravka Kalaydjieva autitre de la Bulgarie, Ann Power au titre de l’Irlande, Mihail Poalelungi au titre de la Moldova, AyseIsil Karakas au titre de la Turquie et Ineta Ziemele, réélue, au titre de la Lettonie. Le mandat desjuges bulgare, moldave et turc prendra effet le 1er mai 2008, celui du juge letton le 1er février 2008et celui du juge irlandais prend effet immédiatement.

- Une recommandation préconisant un assouplissement des règles en matière d’adoptioninternationale a été prise.

- L’APCE estime que les procédures de l’ONU et de l’UE d’inscription sur liste noire despersonnes soupçonnées de liens avec le terrorisme « violent les droits de l’homme » et demandeleur réexamen. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) considère que les

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procédures employées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) et l’UE pour inscriresur liste noire des personnes et des groupes soupçonnés d’entretenir des liens avec le terrorismebafouent les droits fondamentaux individuels et sont « totalement arbitraires ». Les parlementairesont donc demandé son réexamen « dans l’intérêt de la crédibilité de la lutte internationale contrele terrorisme ».« L’injustice est la meilleure alliée du terrorisme. Il faut la combattre aussi », a souligné lerapporteur Dick Marty (Suisse, ADLE), en ouvrant le débat. Son texte signale qu’il y a quelque370 personnes dans le monde dont les avoirs sont actuellement gelés et qui ne peuvent voyageren raison de leur inscription sur une liste noire par le CSNU. Une soixantaine d’entités figureraientsur une autre liste noire de l’UE. Ces sanctions peuvent être imposées « sur la base de simplessoupçons ». Cette situation « est déplorable et viole les droits de l’homme et les libertésfondamentales ».« Même les membres du comité chargé de décider l’inscription d’une personne sur liste noire neconnaissent pas tous les motifs à l’origine du dépôt de la demande d’inscription. La personne oul’entité concernée n’est le plus souvent ni avisée de cette demande, ni entendue, ni même parfoisinformée de la décision prise - jusqu’à ce qu’elle tente de passer une frontière ou d’utiliser uncompte bancaire. Aucune mesure ne prévoit de réexamen indépendant des décisions prises ».Une telle procédure est « indigne » d’institutions internationales comme l’ONU et l’UE et fragilisela légitimité de « sanctions ciblées » dans la lutte contre le terrorisme, ont souligné lesparlementaires. Or, les Etats qui sont contraints d’exécuter ces sanctions, risquent de violer lesobligations qui leur incombent au titre de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme etdes libertés fondamentales.

L Voir rapport de M. Marty : www.assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc07/FDOC11454.htm

Source : Communiqués de presse - 014(2008), 041(2008), 043(2008), 045(2008), 050(2008) - 21-25 janvier 2008 :http://www.coe.int/T/DC/Press/WCD/AllPR_fr.asp#

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PUBLICATIONS

T La lutte contre le terrorisme : Les normes du Conse il de l’Europe (4ème édition - 2007,625 pages) :

Le Conseil de l’Europe a élaboré plusieurs instruments internationaux et normes qui reflètentl’importance que l’Organisation attache à la lutte contre le terrorisme et qui illustrent son messagefondamental : il est possible de combattre efficacement le terrorisme tout en sauvegardant lesvaleurs fondamentales qui sont le patrimoine commun du continent européen. Cette 4ème édition, révisée et augmentée, rassemble ces textes et vise à constituer un documentde référence accessible et exhaustif.

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ACTUALITÉ NATIONALE

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6 Réf : Loi n/ 2008-125 du 13 février 2008 : Journal officiel n/ 38 du 14 février 2008.

7 Réf : Loi n/ 2008-89, 30 janvier 2008 : Journal officiel n/ 26 du 31 janvier 2008.

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ACTIVITÉ LÉGISLATIVE

T 14 février 2008 :

La France ratifie officiellement le traité de Lisbo nne 6

Après l’accord du Parlement le 8 février 2008, la loi autorisant la ratification du traité de Lisbonnemodifiant le traité sur l’Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne etcertains actes connexes, a été publiée au Journal officiel le 14 février 2008. La France devientainsi le 5ème Etat membre à ratifier le nouveau traité européen après la Roumanie (04.02.2008),la Slovénie et Malte (29.01.2008), et la Hongrie (17.12.2007). Le traité a été signé le 13 décembre2007 à Lisbonne et devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2009, après avoir été ratifié dans les27 Etats membres.Les étapes de la ratification parlementaire : Conformément au droit français, le ConseilConstitutionnel s’est d’abord prononcé sur la révision de la Constitution française le 20 décembre2007. Le Parlement a ensuite été appelé à se prononcer sur cette révision. La révision de la Constitution française pour permettre la ratification du traité de Lisbonne a étélargement approuvée par le Congrès le 4 février 2008. 560 parlementaires ont voté pour larévision et 181 contre, soit largement plus que la majorité requise des 3/5ème des suffragesexprimés (445). 152 élus se sont abstenus, dont 143 socialistes.Le projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne a ensuite été soumis à l’Assembléenationale puis au Sénat.Les députés français se sont prononcés les premiers en faveur du traité de Lisbonne par 366 voixcontre 52 et 22 abstentions. Aussitôt adopté par l’Assemblée nationale le 7 février, le projet a ététransmis au Sénat. Les sénateurs l’ont adopté le 8 février par 265 voix contre 42.

T 7 février 2008

- Projet de loi ratifiant l’ordonnance n //// 2007-613 du 26 avril 2007 portant diversesdispositions d’adaptation au droit communautaire da ns le domaine du médicament.

- Projet de loi autorisant la ratification de la conv ention relative à l’adhésion desnouveaux Etats membres de l’Union européenne à la c onvention sur la loi applicable auxobligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 .

T 31 janvier 2008 :

Publication de la loi sur la société coopérative eu ropéenne 7

La loi mettant en oeuvre les dispositions communautaires concernant, d’une part, le statut de lasociété coopérative européenne et, d’autre part, la protection des travailleurs salariés en casd’insolvabilité de l’employeur est publiée au Journal officiel (V. déjà, JCP S 2007, act. 486 ;Europe 2007, alerte 63 ; JCP G 2007, act. 409 ; JCP E 2007, act. 419; JCP S 2007, act. 426). Ce texte, qui complète le code du travail, transpose la directive n/ 2003/72/CE du Conseil du 22juillet 2003 complétant le statut de la société coopérative européenne (SCE) pour ce qui concernel’implication des travailleurs (V. JCP S 2006, act. 69, aperçu rapide B. Teyssié).Par ailleurs, la directive n/ 2002/74/CE du 23 septembre 2002 relative à la protection destravailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur est transposée. La procédure derèglement des créances impayées des salariés travaillant en France pour le compte d’un

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employeur faisant l’objet d’une procédure collective et dont le siège social est établi dans un autreÉtat membre de l’Union européenne est donc déterminée (V. JCP S 2007, 1342, étude V.Allégaert).

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ACTIVITÉ JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIVE

T LA HALDE et l’OIT mettent en place un baromètre de l’égalité dans l’emploiL’OIT a confié une étude concernant les discriminations dans l’emploi et la prise en compte desnormes OIT dans les multinationales européennes à Vigéo. Parallèlement, la HALDE a faitréaliser par l’institut CSA un sondage sur la perception par les salariés des actions de préventiondes discriminations au sein des grandes entreprises. Les deux institutions ont signé jeudi 14février un partenariat qui prévoit la reconduction annuelle de cette mesure et la mise en placed’un baromètre des pratiques en faveur de l’égalité.

Sources : Halde, 21 février 2008, communiqué

T La loi « immigration » du 20 novembre 2007 discrimi natoire selon la Halde La Halde, saisie par le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), estime queplusieurs dispositions de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile ontun caractère discriminatoire (L. n/ 2007-1631, 20 novembre 2007 : Journal officiel n/ 270 du 21novembre 2007 ; JCP A 2007, act. 1038 ; JCP G 2007, I, 215). La Halde considère que cesdispositions méconnaissent des directives européennes ou des conventions internationalesauxquelles la France est partie. Les dispositions visées sont :

- les conditions de ressources exigées pour les personnes handicapées qui demandentle regroupement familial ;- la suspension des prestations familiales en cas de non-respect du contrat d’accueil etd’intégration ;- l’identification par les empreintes génétiques des enfants entrant sur le territoire dansle cadre du regroupement familial ;- la non-motivation de la décision d’« obligation de quitter le territoire français » (OQTF)après un refus ou un non-renouvellement de titre de séjour ;- l’exigence d’une autorisation spécifique pour les étrangers résidents de longue duréesouhaitant exercer une profession commerciale.

Le Collège de la Halde a transmis sa délibération au Premier ministre et au ministre del’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-développement. Il a égalementdemandé à être consulté sur les décrets d’application de cette loi.

Sources : Halde, 15 janvier 2008, communiqué

T Biométrie : la CNIL encadre et limite l’usage de l' empreinte digitaleCompétente, aux termes de la loi Informatique et libertés de 2004, en matière de dispositifsbiométriques, la Cnil a précisé les principaux critères sur lesquels elle se fonde pour autoriser ourefuser le recours à des dispositifs reposant sur la reconnaissance des empreintes digitales avecun stockage sur un terminal de lecture-comparaison ou sur un serveur. Les dispositifs, qui doivent être fondés « sur un fort impératif de sécurité », doivent satisfaire auxquatre exigences suivantes :

- finalité du dispositif limitée au contrôle de l’accès d’un nombre limité de personnes àune zone bien déterminée, représentant ou contenant un enjeu majeur dépassant l’intérêtstrict de l’organisme tel que la protection de l’intégrité physique des personnes, de celledes biens et des installations ou encore de celles de certaines informations ; - système proportionné à la finalité préalablement définie eu égard aux risques qu’ilcomporte en matière de protection des données à caractère personnel ;- dispositif permettant à la fois une authentification et/ou une identification fiable despersonnes et comportant toutes garanties de sécurité pour éviter la divulgation desdonnées ; - information des personnes concernées réalisée dans le respect de la loi Informatiqueet libertés et, le cas échéant, du code du travail.

Sources : CNIL, 28 décembre 2007, communiqué.

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JURISPRUDENCE

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8 Les arrêts de la CEDH sont disponibles sur le site http://www.echr.coe.int/ECHR/ . Les arrêts présentés deviendront définitifsdans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention.

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COUR EUROPÉENNE

DES

DROITS DE L’HOMME 8

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ARRÊTS DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

Saadi c. Italie Grande chambre

28 février 2008- req. n/ 37201/06 -

- violation de l’article 3 de la Convention (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants) -

T Faits :

Le requérant, ressortissant tunisien, est père d’un enfant de huit ans qu’il a eu avec uneressortissante italienne et réside en Italie. Soupçonné de terrorisme international, il fut arrêté et placé en détention provisoire jusqu’enoctobre 2002.Le 9 mai 2005, la Cour d’assises de Milan reconnut le requérant coupable d’association demalfaiteurs, de faux en écriture et de recel. Il fut condamné à 4 ans et 6 moisd’emprisonnement. La procédure d’appel était encore pendante lorsque l’arrêt de la Grande chambre a été rendu.Parallèlement, le 11 mai 2005, le Tribunal militaire de Tunis le condamna par défaut à 20 ansd’emprisonnement pour appartenance à une organisation terroriste agissant à l’étranger entemps de paix et pour incitation au terrorisme. Il fut remis en liberté le 4 août 2006. Quatre jours plus tard, son expulsion vers la Tunisie futordonnée. Le ministre italien des affaires étrangères estimait en effet, sur la base d’unelégislation récente, que « le requérant avait joué un rôle actif dans une organisation chargéede fournir un support logistique et financier à des personnes appartenant à des cellulesintégristes islamistes en Italie et à l’étranger ». Il fut placé dans un centre de rétention dansl’attente de son expulsion. Le 14 septembre 2006, il demanda l’asile politique et introduisit une requête devant la Coureuropéenne des droits de l’homme, laquelle, sur la base de l’article 39 du Règlement, demandaau Gouvernement italien de suspendre son expulsion jusqu’à nouvel ordre. Le requérant fut remis en liberté le 7 octobre 2006.Un nouvel arrêté d’expulsion, mais vers la France cette fois-ci - pays par lequel il était entré enItalie -, fut pris à son encontre. Il fut reconduit au centre de rétention d’où il sollicita un permisde séjour et le statut de réfugié. Il fut remis en liberté le 3 novembre 2006.Le 29 mai 2007, l’ambassade d’Italie à Tunis demanda au gouvernement tunisien l’assurancequ’en cas d’expulsion vers la Tunisie, le requérant ne serait pas soumis à des traitementscontraires à l’article 3 de la Convention, qu’il aurait droit à la réouverture de son procès et quecelui-ci présenterait les garanties du droit à un procès équitable.Le ministère tunisien des affaires étrangères indiqua à l’ambassade d’Italie, en juillet 2007, quele droit tunisien garantissait les droits des détenus et que la Tunisie avait adhéré « aux traitéset conventions internationaux pertinents ».

T Griefs :

Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant estimait que son expulsion vers la Tunisie

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l’exposerait au risque d’être soumis à la torture ou à des traitements inhumains et dégradants.Il dénonçait également une violation de son droit à un procès équitable tel que protégé parl’article 6 de la Convention du fait de sa condamnation par contumace par un Tribunal militaireen Tunisie.Invoquant l’article 8 de la Convention, il alléguait, en outre, que son expulsion emporteraitviolation de son droit au respect de la vie privée et familiale. Enfin, le requérant estimait que son expulsion n’était ni nécessaire ni basée sur des motifs desécurité nationale comme le prévoit l’article 1er du Protocole n/ 7 à la Convention.

T Décision :

Sur le respect de l’article 3 de la Convention :

Soulignant la difficulté que rencontrent les Etats pour protéger leur population de la violenceterroriste, la Cour estime néanmoins que l’expulsion par un Etat contractant peut soulever unproblème au regard de l’article 3 lorsqu’il y a des “motifs sérieux et avérés de croire quel’intéressé, en cas d’expulsion, court un risque réel d’être soumis à un traitement contraire àl’article 3 de la Convention” (§ 125). A ce titre, elel rappelle qu’il lui revient d’apprécier la situation dans le pays de destination àl’aune des exigences de l’article 3 et d’examiner les conséquences prévisibles du renvoi durequérant dans le pays de destination.

Pour ce qui est de la notion de « torture et de traitements inhumains et dégradants », la Courrappelle que, pour tomber sous le coup de l’article 3, un mauvais traitement doit atteindre unminimum de gravité. Ainsi, pour être qualifiés d’«inhumains» ou de «dégradants », “lasouffrance ou l’humiliation doivent en tout cas aller au-delà de celles que comporteinévitablement une forme donnée de traitement ou de peine légitimes” (§ 135). Les juges de Strasbourg rejettent ainsi l’argument du Gouvernement selon lequel il faudraitdistinguer les traitements infligés directement par un Etat signataire de ceux qui pourraient êtreinfligés par les autorités d’un Etat tiers. Ils réaffirment, à ce titre, le principe selon lequel “il n'estpas possible de mettre en balance le risque de mauvais traitements et les motifs invoqués pourl’expulsion afin de déterminer si la responsabilité d’un Etat est engagée sur le terrain de l’article3, ces mauvais traitements fussent-ils le fait d’un Etat tiers” (§ 138). Ils rejettent également l’argument du Gouvernement du Royaume-Uni, tiers intervenant dansla présente affaire, tiré de la mise en balance du risque que la personne subisse un préjudiceen cas de refoulement et de sa dangerosité pour la collectivité. Ils estiment en effet “qu’il seraitincorrect d’exiger un critère de preuve plus strict lorsque la personne est jugée représenter ungrave danger pour la collectivité, puisque l’évaluation du niveau de risque est indépendanted’une telle appréciation” (§ 139).

La Cour prend note des rapports d’Amnesty International, de Human Rights Watch relatifs à laTunisie ainsi que celui du Département d’Etat américain, lesquels font état de cas nombreuxet réguliers de torture et de mauvais traitement concernant des personnes accusées en vertude la loi anti-terrorisme de 2003. Selon ces rapports, “les pratiques dénoncées vont de la suspension au plafond aux menacesde viol en passant par les décharges électriques, l’immersion de la tête dans l’eau, les coupset blessures et les brûlures de cigarettes”, c'est-à-dire, selon la Cour, des pratiques qui sansaucun doute, atteignent le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention. Elle relève qu’ilressort également de ces rapports, que “les autorités tunisiennes (...) refuseraient de donnersuite aux plaintes dénonçant ces allégations de torture et utiliseraient les aveux obtenus sousla contrainte pour parvenir à des condamnations” (§ 143). La Cour ne doute pas de la fiabilité de ces rapports. Dès lors, elle estime que “des faits sérieuxet avérés justifient de conclure à un risque réel de voir l’intéressé subir des traitements

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contraires à l’article 3 de la Convention s’il était expulsé vers la Tunisie” (§ 146). Les juges de Strasbourg relèvent, en outre, que contrairement aux demandes de garanties del’ambassade d’Italie à Tunis, les autorités tunisiennes n’ont pas fourni de telles assurances. Ilsprécisent que “l’existence de textes internes et l’acceptation de traités internationaux (...) nesuffisent pas, à elles seules, à assurer une protection adéquate contre le risque de mauvaistraitement” (§ 147). La Cour conclut, à l’unanimité, que l’expulsion du requérant vers la Tunisie emporterait violationde l’article 3 de la Convention.

Sur le respect des articles 6, 8 et 1er du Protocole n/ 7

Compte tenu de sa conclusion en ce qui concerne l’article 3, la Cour n’estime pas nécessairede trancher la question de savoir si, en cas d’expulsion vers la Tunisie, il y aurait violation desarticles 6, 8 et 1er du Protocole n/ 7.

L A noter : l’opinion concordante du juge Zupancic et l’opinion concordante du juge Myjer àlaquelle se rallie le juge Zagrebelsky sont années à l’arrêt.

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Alexandridis c. Grèce

21 février 2008- req. n/ 19516/06 -

- violation des articles 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) et 13 (droit à un recours effectif) -

T Faits :

Le requérant, ressortissant grec, après avoir été nommé avocat et afin d’exercer, prêta leserment professionnel auprès du tribunal de première instance d’Athènes, le 2 novembre 2005.Le déroulement de la prestation de serment porte à controverse entre le requérant et legouvernement grec.Le requérant soutenait qu’après avoir retiré le formulaire de procès-verbal auprès du secrétariatdu tribunal, il s’était présenté à la présidente du tribunal pour lui demander de prêter le sermentprofessionnel. Celle-ci lui demanda d’apposer la main droite sur l’Evangile et de prêter serment.Informant la présidente qu’il n’était pas chrétien orthodoxe, le requérant demanda à faire unesimple affirmation solennelle, laquelle demande fut acceptée.Le procès-verbal portant le texte standard indiquant que l’intéressé prêtait serment « après avoirapposé sa main droite sur le Saint-Evangile » fut signé par la présidente et le greffier dutribunal.Le Gouvernement grec, quant à lui, alléguait que le requérant ne s’était pas conformé à lapratique en ce qu’il existait deux formulaires différents, l’un pour le serment religieux, l’autrepour la déclaration solennelle. Le requérant aurait, selon le Gouvernement, demandé dans unpremier temps, l’autorisation de faire une déclaration solennelle, puis aurait tout de mêmerempli le formulaire pour le serment religieux.

T Griefs :

Invoquant les articles 9 et 13 de la Convention, le requérant estimait d’une part, que l’obligation

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de révéler ses convictions religieuses lors de la prestation de serment professionnel emportaitviolation de son droit à la liberté de religion et d’autre part, qu’il ne disposait en droit interned’aucun recours lui permettant de soulever le grief tiré de la violation de sa liberté de religion.

T Décision :

Sur le respect de l’article 9 de la Convention

Confrontée à des versions différentes de la procédure de prestation de serment, la Courrappelle qu’elle reste libre de procéder à sa propre évaluation des faits. Selon elle, il ne ressort d’aucun document que le requérant n’a pas suivi la procédure prévue.Elle relève que le procès-verbal du 2 novembre 2005 porte les signatures de la présidente etdu greffier, ce qui implique que celui-ci ait été transmis à la présidente lors de l’audience,conformément à la procédure prévue.La Cour estime que la prestation de serment “reflète l’existence d’une présomption, selonlaquelle l’avocat qui se présente devant le tribunal est chrétien orthodoxe et souhaite prêter leserment religieux”. Elle estime que cette pratique implique l’obligation pour le requérant derévéler ses convictions religieuses en vue de faire une déclaration solennelle. (§ 36)Elle relève en outre que le code des fonctionnaires prévoit une pratique similaire, puisque pourêtre autorisé à faire une affirmation solennelle, “le fonctionnaire doit indiquer qu’il est athée ouque sa religion ne permet pas la prestation de serment” (§ 37).Citant notamment l’arrêt Kokkinakis c. Grèce du 25 mai 1993 - req. n/ 14307/88, la Courrappelle que la liberté de religion comporte un aspect négatif et elle “implique, notamment, celled’adhérer ou non à une religion et celle de la pratiquer ou ne pas la pratiquer” (§§ 31-32). Elle comporte également “le droit pour l’individu de ne pas être obligé à manifester saconfession ou ses convictions religieuses et de ne pas être obligé d’agir en sorte qu’on puissetirer comme conclusion qu’il a - ou n’a pas - de telles convictions”. (§ 38)

Ainsi, aux yeux de la Cour européenne, les autorités étatiques ne sont pas autorisées à obligerune personne à manifester ses convictions religieuses, surtout lorsqu’il s’agit d’une prestationde serment professionnel.

Sur l’allégation du Gouvernement selon laquelle le requérant avait à sa disposition deuxformulaires différents de procès-verbal, la Cour relève d’une part, que ces deux formulairesdatent de 2007 et qu’on ne saurait conclure à leur existence au moment des faits, d’autre part,qu’en tout état de cause, “la présidente et le greffe du tribunal auraient dû informer le requérantqu’il existait un formulaire spécifique à la déclaration solennelle”. (§§ 39-40)

La Cour estime donc que le fait que le requérant ait dû révéler devant le tribunal qu'il n'était paschrétien orthodoxe et qu'il ne souhaitait pas prêter le serment religieux, mais faire la déclarationsolennelle a porté atteinte à sa liberté de ne pas avoir à manifester ses convictions religieuses.Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 9 de la Convention.

Sur le respect de l’article 13 de la Convention :

Les juges de Strasbourg estiment que le Gouvernement grec ne fait état d’aucun recours effectifque le requérant aurait pu exercer pour faire valoir le grief tiré de la violation de son droit à laliberté de religion. Ils concluent, à l’unanimité, à la violation de l’article 13 de la Convention.

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Ravon et autres c. France

21 février 2008- req. n/ 18497/03 -

- violation de l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal) -

T Faits :

Monsieur Ravon, l’un des requérants, contrôlait les sociétés requérantes, TMR InternationalConsultant et SCI Rue du Cherche-Midi 66, soit par détention du capital social, soit en saqualité de gérant. L’administration fiscale, soupçonnant les sociétés de fraude, fut autorisée parles présidents des tribunaux de grande instance de Paris et de Marseille, territorialementcompétents, à procéder à des visites domiciliaires et saisies au sein des sociétés, en vertu desdispositions de l’article L 16 B du livre des procédures fiscales. Les requérants saisirent lesprésidents des tribunaux de grande instance d’une requête en annulation de l’ensemble de cesopérations. Le 26 février 2001, le président du tribunal de grande instance de Paris rejeta leurdemande. Les requérants se pourvurent en cassation, invoquant notamment une violation desarticles 6 § 1, 8 et 13 de la Convention. Le 11 décembre 2002, la chambre criminelle rejeta leurpourvoi au motif que : « selon l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, la mission dujuge chargé de contrôler l’exécution d’une visite domiciliaire, prend fin avec les opérationsautorisées ; qu’il ne peut être saisi a posteriori d’une éventuelle irrégularité affectant cesopérations, une telle contestation relevant du contentieux dont peuvent être saisies lesjuridictions appelées à statuer sur les poursuites éventuellement engagées sur le fondementdes documents appréhendés (...) ».

La décision du juge de Marseille qui avait, le 5 avril 2001, déclaré la requête recevable pourconnaître de la régularité des visites et saisies mais l’avait néanmoins rejetée comme malfondée, fut cassée et annulée par la chambre criminelle, au motif qu’en « statuant ainsi, alorsque les opérations avaient pris fin, le juge a excédé ses pouvoirs et méconnu [l’article L. 16 Bdu livre des procédures fiscales] et le principe [énoncé dans l’extrait du premier arrêt de lachambre criminelle du 11 décembre 2002 retranscrit ci-dessus] ».

T Griefs :

Devant la Cour européenne des droits de l’homme, les requérants qui estimaient ne pas avoireu accès à un recours effectif pour contester la régularité des visites et saisies domiciliairesdont ils avaient fait l’objet, invoquaient une violation des articles 6 § 1 (droit à un procèséquitable) et 13 (droit à un recours effectif) combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vieprivée et familiale) de la Convention.

T Décision :

- Sur la recevabilité de la demande :

La Cour citant l’arrêt Ferrazzini c. Italie rendu le 12 juillet 2001 - req. n/ 44759/98, approuve lathèse du Gouvernement en ce que « le contentieux fiscal échappe au champ des droits etobligations de caractère civil ». Cependant, elle expose qu’en l’espèce, la contestation desrequérants ne porte que “sur la régularité des visites domiciliaires et saisies dont [ils avaient faitl’objet] : en son coeur, se trouve la question de la méconnaissance ou non par les autorités deleur droit au respect du domicile. Or le caractère « civil » de ce droit est manifeste, tout commel’est sa reconnaissance en droit interne, qui résulte non seulement de l’article 9 du code civil

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(...) mais aussi du fait que la Convention, qui le consacre en son article 8, est directementapplicable dans l’ordre juridique français” (§ 24). Elle déclare donc la requête recevable sousl’angle de l’article 6 § 1 de la Convention.

- Sur la violation de l’article 6 de la Convention :

Les juges de Strasbourg rappellent que, selon une jurisprudence ancienne (Airey c. Irlande du9 octobre 1979), le droit d’accès à un tribunal doit être concret et effectif. En l’espèce, ilsexposent que cela implique que les personnes ayant fait l’objet de visites et saisies domiciliaires“puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de ladécision prescrivant la visite ainsi que (...) des mesures prises sur ce fondement” (§ 28). Ils considèrent dans un premier temps que le pourvoi en cassation, seul recours prévu parl’article L 16 B du livre des procédures fiscales contre les ordonnances autorisant les visitesdomiciliaires, ne constitue pas en soit un recours effectif, la Cour suprême ne statuant que surles points de droit et non sur les faits.Par ailleurs, la Cour considère que le fait que les opérations soient effectuées sous le contrôledu juge qui les a ordonnées “ne permet pas un contrôle indépendant de la régularité del’autorisation elle-même” (§ 31). Elle relève également que les recours devant ce juge ne sonteux-mêmes qu’hypothétiques, les personnes faisant l’objet des visites domiciliaires n’étant pasobligatoirement présentes lors des opérations, ni même nécessairement informées de leursdroits. En outre, elle précise que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les intéressésne disposent plus de la possibilité de saisir ce juge après la fin des opérations. Enfin, elleestime que le recours ouvert contre l’agent du Trésor pour rupture du principe d’égalité devantles charges publiques ou la saisine du juge judiciaire sur le fondement de l’article 9 du codecivil, ne permettent aux intéressés d’obtenir qu’une indemnisation de leur préjudice et en aucuncas, un contrôle de la régularité de la décision autorisant les opérations.

Après avoir ainsi examiné les différents recours juridictionnels prévus en la matière en droitinterne, la Cour européenne considère que les requérants n’ont pas eu accès à un « tribunal ».Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Elle dit n’y avoir àrechercher s’il y a violation de l’article 13 combiné avec l’article 8.

La Cour, après avoir dit que le constat d’une violation fournit en soi une satisfaction équitablesuffisante pour les sociétés requérantes, alloue au requérant 5 000 euros au titre du préjudicemoral.

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Arvanitaki-Roboti et autres c. GrèceKakamoukas et autres c. Grèce

Grande chambre

15 février 2008- req. n/ 27278/03 et 38311/02 -

- violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) -

T Faits :

Dans l’affaire Arvanitaki-Roboti, les 91 requérants sont des médecins grecs employés par unhôpital public. Ils font partie du système national de santé.

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9 L’arrêt cité est disponible à l’adresse suivante :http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/viewhbkm.asp?sessionId=6012252&skin=hudoc-fr&action=html&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649&key=56546&highlight=gr%E8ce%20%7C%20Arvanitaki-Roboti

10 L’arrêt cité est disponible à l’adresse suivante :http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/viewhbkm.asp?sessionId=6012252&skin=hudoc-fr&action=html&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649&key=57169&highlight=gr%E8ce%20%7C%20Kakamoukas

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En avril 1994, ils tentèrent d’obtenir, devant les juridictions administratives, l’annulation du refusde l’hôpital de leur payer une indemnité pour heures supplémentaires. La Cour administratived’appel d’Athènes leur donna raison par un jugement en date du 16 décembre 1999.L’hôpital saisit le Conseil d’Etat, lequel infirma la décision de la Cour administrative au motif quel’arrêté ministériel sur lequel se fondaient les requérants n’avait pas été publié et était doncsans fondement.

Dans l’affaire Kakamoukas, les 58 requérants sont des descendants de riverains grecs quifurent expropriés par l’Etat grec dès 1925 en vue de la construction d’un aéroport. L’Etat refusade leur verser une indemnité d’expropriation. L’aéroport ne fut pas construit, le domaine enquestion étant finalement destiné à un espace vert et une zone de loisirs et des sports.Les 58 requérants intentèrent une procédure devant les juridictions administratives afin d’obtenirla levée de la charge pesant sur leurs terrains. Le Conseil d’Etat fit droit à leur demande par 3arrêts en date du 30 octobre 1997. La municipalité de Kalamaria forma un recours contre ces arrêts, lequel fut déclaré irrecevablele 28 novembre 2001.En 1999, le domaine litigieux fut affecté à la construction d’une zone des loisirs et des sportspar modification du plan d’alignement par le ministre de l’Environnement.Les requérants saisirent le Conseil d’Etat d’un recours en annulation de cette décision.La procédure est actuellement pendante devant le Conseil d’Etat.

Il convient de noter que la Cour rendit un arrêt de chambre le 18 mai 2006 9 dans l’affaireArvanitaki-Roboti, dans lequel elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de laConvention en raison de la durée de la procédure et alloua 7 000 euros à chacun desrequérants au titre du dommage moral, à l’exception de l’un d’entre eux auquel elle octroya6 895 euros. Elle rendit également un arrêt de chambre le 22 juin 2006 10 dans l’affaire Kakamoukas, danslequel elle parvint à la conclusion de violation de l’article 6 § 1 en raison de la durée de laprocédure et décida, par 5 voix contre 2, d’allouer à chaque requérant 5 000 ou 8 000 euros autitre du dommage moral subi.

Les deux affaires furent renvoyées devant la Grande chambre, à la demande du Gouvernementgrec, sur le fondement de l’article 43 de la Convention.

T Griefs :

Les requérants soutenaient que la durée excessive des procédures emportait violation del’article 6 § 1 de la Convention.

T Décision :

Sur le respect de l’article 6 § 1 de la Convention :

Pour les mêmes raisons que celles exposées par la Chambre, la Grande chambre estime queles procédures litigieuses ont méconnu l’article 6 § 1 de la Convention du fait de leur durée

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excessive.

Sur l’application de l’article 41 de la Convention :

La Cour rappelle que, lorsqu’elle conclut à la violation d’une disposition de la Convention, ellepeut allouer, pour le dommage moral subi, une somme visant à réparer l’état d’angoisse, lesdésagréments et les incertitudes résultant de cette violation (§ 27). S’agissant du dommage moral causé par la durée excessive d’une procédure jointe, la Courprécise : “un nombre élevé de participants aura très probablement un impact sur le montant dela satisfaction équitable à allouer au titre du dommage moral” (§ 29).

Pour évaluer la satisfaction équitable à allouer aux requérants, les juges européens prennenten considération les avantages et inconvénients tirés d’une procédure commune et l’enjeu dela procédure. Ils rappellent également qu’ils disposent d’une marge d’appréciation pourdéterminer cette satisfaction équitable et qu’ils doivent ainsi tenir compte, dans leur évaluation,des sommes déjà allouées dans des cas similaires, du nombre de requérants et du montanttotal alloué à ceux-ci.

Parmi les éléments à prendre en considération en l’espèce, certains, selon la Cour, mènent àune réduction du montant à allouer. La Cour relève ainsi que les 91 requérants dans l’affaireArvanitaki-Roboti et les 58 requérants dans l’affaire Kakamoukas avaient l’objectif commun decontester la légalité d’un acte administratif, ce qui “était de nature à atténuer les désagrémentset l’incertitude ressentis à raison du retard pris dans la procédure” (§ 34).

S’agissant des éléments qui entraînent une augmentation du montant à allouer, la Cour observeque, “bien que l’enjeu financier des procédures litigieuses n’était pas direct mais seulementimplicite (...), il n’en reste pas moins que dans les deux affaires, les requérants avaient déjàsaisi les juridictions administratives d’actions tendant au versement de diverses sommes (§ 35).Elle estime que la durée excessive des procédures a accentué les préjudices subis.

La Cour considère que le prolongement des procédures au-delà du délai raisonnable a causéaux requérants un tort moral certain justifiant l’octroi d’une indemnité.Prenant également en considération le nombre des requérants, la nature de la violationconstatée et sa jurisprudence en la matière, la Cour, statuant en équité, alloue, au titre dudommage moral subi, 3 500 euros à chaque requérant dans l’affaire Arvanitaki-Roboti et 2 500euros ou 4 000 euros selon le cas dans l’affaire Kakamoukas.

L A noter : l’opinion concordante du juge Bratza à laquelle s’est rallié le juge Rozakis etl’opinion partiellement dissidente des juges Zupancic et Zagrebelsky sont annexées à l’arrêt.

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Hadri-Vionnet c. Suisse

14 février 2008- req. n/ 55525/00 -

- violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) -

T Faits :

La requérante, ressortissante algérienne, arriva en Suisse en juin 1996 et y demanda l’asilepolitique. Le 4 avril 1997, elle donna naissance à un enfant mort-né dans un foyer pourdemandeurs d’asile.La requérante et le père de l’enfant, en état de choc, n’avaient pas souhaité voir le corps del’enfant.Après autopsie, le corps de l’enfant fut transporté au cimetière et enterré dans la fossecommune des enfants morts-nés, hors la présence de sa mère et sans cérémonie. L’assistantsocial et l’officier d’état civil prenant en compte le fait que les parents n’avaient pas voulu voirle corps avant l’autopsie, estimèrent que la requérante, encore en état de choc, n’était pas enmesure d’assister à l’enterrement.La requérante porta plainte contre les deux agents communaux, laquelle fut classée sans suitepar le parquet du canton d’Argovie.Elle forma des recours contre cette décision devant le tribunal supérieur du canton d’Argovie.Le tribunal les déclara irrecevables au motif que les éléments constitutifs de l’infractiond’atteinte à la paix des morts n’étaient pas réunis. S’agissant du transport de l’enfant, le tribunal,bien que relevant une violation de l’ordonnance de la circulation routière, estima qu’il fallaitrelativiser la faute de l’agent.Le tribunal fédéral rejeta les recours formés par la requérante.Le 20 mai 1998, le corps de l’enfant fut exhumé et transféré à Genève, lieu du nouveau domicilede la requérante. L’enterrement eut lieu après une cérémonie catholique.

T Griefs :

Invoquant l’article 8 de la Convention, la requérante estimait d’une part, que le retrait de sonenfant mort-né et son enterrement à son insu dans une fosse commune et d’autre part, sontransport dans un véhicule inadapté constituaient une atteinte à sa vie privée et familiale.

T Décision :

Sur l’applicabilité de l'article 8 :

Rappelant que les notions de « vie privée » et de « vie familiale » sont “des notions larges quine peuvent faire l’objet d’une définition exhaustive” (§ 51), la Cour, à la lumière de sajurisprudence en la matière (notamment : arrêts CEDH, Pannullo et Forte c. France du 30octobre 2001 - req. n/ 37794/97, § 36, et CEDH, Elli Poluhas Dödsbo c. Suède du 17 janvier2006 - req. n/ 61564/00, § 24 ) estime que l’article 8 est applicable “à la question de savoir sila requérante était en droit d’assister à l’enterrement de son enfant, éventuellementaccompagné d’une cérémonie, et de voir sa dépouille transportée dans un véhicule approprié”(§ 52).

Sur le respect de l’article 8 :

La Cour ne remet pas en cause la bonne foi de l’agent communal chargé du transport et de

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l’enterrement de l’enfant mort-né. Elle relève en effet que la “tâche [était] particulièrementsensible (...) et qu’il fallait agir avec une certaine rapidité” (§ 54).Toutefois, elle rappelle que l’acquittement au pénal d’un fonctionnaire “ne libère aucunementla Suisse de sa propre responsabilité internationale au titre de la Convention”. Elle précise : “ilappartient aux Etats contractants d’organiser leurs services et de former leurs agents demanière à leur permettre de répondre aux exigences de la Convention” (§ 56). Les jugeseuropéens considèrent qu’il y a eu ingérence dans le droit à la vie privée et familiale de larequérante.

Sur le point de savoir si l’ingérence était justifiée, la Cour examine dans un premier temps si lesagissements des agents communaux reposaient sur une base légale suffisante.

. S’agissant de l’inhumation effectuée en l’absence de la requérante et sans cérémonie,la Cour soulève une contradiction entre “un texte législatif clair et la pratique suivie en l’espèce”.Elle constate en effet que l’officier d’état civil a procédé à l’enterrement sans avoir consulté lesproches, contrairement à ce que prescrit le règlement sur le cimetière et les pompes funèbresde la commune de Buchs.

. S'agissant du transport de la dépouille de l’enfant, la Cour rappelle que le tribunalsupérieur du canton d’Argovie a admis que le transport était intervenu en méconnaissance del’article 75 alinéa 1 de l’ordonnance sur la circulation routière, aucune autorisation n’ayant étédonnée. Elle relève en outre que le tribunal fédéral n’a pas remis en cause ce constat.

Au vu de ce qui précède, la Cour européenne estime que les ingérences dans les droitsprotégés par l’article 8 ne reposaient pas sur une base légale. Elle conclut, à l’unanimité, à laviolation de l’article 8 de la Convention.

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July et SARL Libération c. France

14 février 2008 - req. n/ 20893/03-

- violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) -

T Faits :

Le 14 mars 2000, un article intitulé « Mort d’un juge : la veuve attaque juges et policiers »,concernant l’affaire du juge Borrel, fut publié dans le journal « Libération ». L’article litigieuxavait été rédigé à la suite d’une conférence de presse organisée à l’initiative de la veuve du jugeBorrel, magistrat en poste à Djibouti, retrouvé mort dans des circonstances suspectes en 1995.La veuve du juge Borrel, ses avocats, accompagnés de représentants de deux syndicats demagistrats, le SM et l’USM, constitués également partie civile dans le dossier, souhaitaient, parle biais de cette conférence, rendre publique une demande, adressée au garde des Sceaux,aux fins de voir ordonner une enquête de l’inspection générale des services judiciaires àl’encontre des juges d’instruction chargés du dossier. L’un des représentants syndicaux auraitqualifié de « rocambolesque » la conduite de l’instruction confiée à ces deux magistrats, dontle manque d’impartialité fut également évoqué.

Les juges d’instruction mis en cause intentèrent une action en diffamation contre les requérants.

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Le tribunal correctionnel de Nanterre rejeta leur plainte en faisant bénéficier le directeur dujournal « Libération » de l’excuse de bonne foi prise en ses quatre éléments constitutifs (lalégitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dansl’expression et la qualité et le sérieux de l’enquête) et en considérant que le journal, en rendantcompte de la mise en cause de l’instruction concernant le décès du juge Borrel, n’avait faitqu’exercer sa mission d’information du public.

La cour d’appel de Versailles infirma le jugement par un arrêt du 14 novembre 2001. Critiquantla forme retenue par la journaliste pour le traitement de son sujet, elle refusa l’excuse de bonnefoi, soulignant un « manque flagrant au devoir d’exactitude, de sérieux et de prudence » pourretenir le caractère diffamatoire de l’imputation faite aux juges d’instruction d'avoir menél’information avec partialité et de manière rocambolesque. Elle déclara M. Joly coupable dediffamation publique envers des fonctionnaires tandis que la SARL Libération était reconnuecivilement responsable. Elle les condamna à des amendes et à des dommages intérêts etordonna l’insertion de l’arrêt dans le journal et dans un autre quotidien national.

T Griefs :

Les requérants, invoquant notamment une violation de l’article 10 de la Convention, formèrentun pourvoi en cassation. Par arrêt du 14 janvier 2003, la Cour de cassation, rejeta le pourvoi.

T Décision :

- Sur l’article 10 de la Convention :

La Cour constate que la condamnation des requérants constitue une ingérence des autoritéspubliques dans leur droit à la liberté d’expression.

. Ingérence prévue par la loi : La Cour précise que le délit de diffamation publique enversdes fonctionnaires est prévu par les articles 23, 29 alinéa 1er, 30 et 31 alinéa 1er de la loi du 29juillet 1881 sur la liberté de la presse et que le requérant, journaliste, en avait connaissance.

. dans un but légitime : Les juges de Strasbourg admettent que l’ingérence des autoritésavait, en l’espèce, pour but d’assurer la protection contre la diffamation des juges d’instructionen cause ainsi que « la garantie de l’autorité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire », au sensde l’article 10 § 2.

. ingérence «nécessaire dans une société démocratique » : La Cour relève, en l’espèce,que l’article litigieux relatait “le déroulement et le contenu d’une conférence de presse,organisée la veille de la publication de l’article incriminée, par des parties civiles critiques àl’égard d’une instruction pénale médiatique qui portait sur les conditions et la causes de la mort,dans des circonstances suspectes, d’un magistrat en poste à Djibouti” (§ 65).

Faisant référence à la recommandation Rec(2003)13 du Comité des ministres aux Etatsmembres, elle “rappelle que le public a un intérêt légitime à être informé et à s’informer sur lesprocédures en matière pénale” (§ 66).

En l’espèce, la Cour européenne constate que la cour d’appel a rejeté l’excuse de bonne foidont les requérants se prévalaient. Elle ne se considère pas convaincue par les motifs retenuspar la juridiction d’appel. Elle reproche aux juges d’appel d’avoir exigé que les journalistes sedistancient systématiquement et formellement du contenu d’une citation qui pourrait insulter destiers, les provoquer ou porter atteinte à leur honneur, ce qui “ne se concilie pas avec le rôle dela presse d'informer sur des faits ou des opinions et des idées qui ont cours à un momentdonné” (§§ 70 et 71).

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11 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

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Les juges de Strasbourg soulignent également qu’il “n’appartient pas aux juridictions nationalesde se substituer à la presse pour dire quelle technique particulière de compte rendu lesjournalistes doivent adopter pour faire passer l’information” (§ 70).Ils estiment, en outre, que “les limites de la critique admissible sont plus larges pour desfonctionnaires agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles, comme en l’espèce, quepour les simples particuliers. La Cour en déduit que les motifs retenus par la Cour de cassationpour rejeter le pourvoi des requérants ne sont ni pertinents ni suffisants, car ils se heurtent auprincipe précité” (§ 74).

Enfin, le ton employé ainsi que les termes qui sont rapportés par la journaliste, notamment« rocambolesque », critiqués par les juges d’appel, ne constituent pas pour la Cour européenneune expression « manifestement outrageante » à l’endroit des magistrats en cause. Selon elle,“les motifs retenus sur ce point par le juge interne pour conclure à l’absence de bonne foi seconcilient mal avec les principes relatifs au droit à la liberté d’expression et au rôle de « chiende garde » assumé par la presse” (§ 76).

La Cour conclut, à l’unanimité, au caractère disproportionné de l’ingérence et à la violation del’article 10 de la Convention.

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Dorokhov c. Russie 11

14 février 2008 - req. n/ 66802/01 -

- violation de l’article 3 (interdiction des traitements dégradants) ; non-violation de l’article 6 § 3 d) combiné avec l’article 6 § 1 (droit à obtenir la

convocation de témoins à décharge)-

T Faits :

Le requérant, suspecté d’extorsion de voitures aux exploitants d’un garage et de possessionillégale d’armes à feu, fut arrêté par la police le 2 octobre 1998 et placé en maison d’arrêt.Il fut détenu à la prison Mastrosskaya Tichina à Moscou du 2 octobre 1998 au 4 février 2000,période pendant laquelle il fut déplacé dans 4 cellules différentes.

Les parties ne s’accordent pas sur les conditions de détention du requérant. Selon le requérant,les différentes cellules qu’il avait occupées étaient surpeuplées, l’obligeant ainsi à partager sonlit avec d’autres prisonniers, les toilettes n’étaient pas séparées du reste de la cellule et sesituaient dans l’axe du judas par lequel les gardiens contrôlaient la cellule. Il alléguait égalementavoir développé des problèmes de santé liés à sa détention. Enfin, il soulignait que bien quel’administration pénitentiaire ait eu connaissance de son ancienne qualité de procureur, il avaitdû partager sa cellule avec des détenus ordinaires qui développaient un esprit de revanche àson encontre.De l’avis du Gouvernement, les conditions de détention du requérant étaient convenables. Lescellules disposaient toutes de l’eau courante, d’un lavabo, de toilettes séparées du reste de lacellule, la nourriture respectait les standards et il n’y avait pas d’infections dans les cellules, lesprisonniers avaient droit à une heure d’exercice par jour et à un bain une fois par semaine. Ilalléguait que le requérant ne partageait pas sa cellule avec des détenus ordinaires.

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Les juridictions internes déclarèrent le requérant coupable sans avoir fait droit à sa demandede convocation de témoins à décharge. Le 1er mars 2000, la Moscow City Court confirma la condamnation du requérant sans toutefoisavoir examiné les arguments du requérant concernant le refus d’interroger des témoins àdécharge.

T Griefs :

Devant la Cour européenne, invoquant les articles 3 et 6 § 3 d) de la Convention, le requérantdénonçait les conditions inhumaines de sa détention dans la maison d’arrêt où il avait étéincarcéré au cours de l’instruction de son affaire et se plaignait de ce que les juridictionsinternes n’avaient pas interrogé les témoins à décharge.

T Décision :

Sur le respect de l’article 3 de la Convention :

La Cour estime que la détention du requérant pendant plus de 10 mois dans une prisonsurpeuplée aux espaces réduits a nécessairement été source de souffrances morales intenseset considère que ces conditions s’analysent en des traitements dégradants.Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 3 de la Convention.

Sur le respect de l’article 6 § 3 d) combiné avec l’article 6 § 1 de la Convention :

Rappelant qu’elle doit examiner la procédure dans son entier pour déterminer si elle a étéconforme aux exigences du procès équitable, la Cour souligne également que le droitd’interroger des témoins à décharge n’est pas absolu et peut être limité dans l’intérêt del’administration de la justice mais en respectant le principe de l’égalité des armes. La Cour, touten regrettant le caractère purement implicite du refus des juridictions internes d’interroger lestémoins à décharge du requérant, estime que cela n’a pas nui à l’équité du procès dans sonensemble, dans la mesure où ces témoignages n’étaient pas décisifs. Elle conclut, par cinq voix contre deux, à l’absence de violation de l’article 6 § 3 d) combinéavec l’article 6 § 1 de la Convention.

L A noter : l’opinion partiellement dissidente des juges Lorenzen et Tsatsa-Nikolovska estannexée à l’arrêt.

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Kafkaris c. Chypre Grande chambre

12 février 2008- req. n/ 21906/04 -

- non-violation des articles 3 (interdiction des peines ou traitements inhumains oudégradants), 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) et 14 (interdiction de la discrimination) ;

violation de l’article 7 (pas de peine sans loi) -

T Faits :

Le requérant purge une peine de réclusion criminelle à perpétuité à la prison centrale de Nicosiepour avoir causé la mort d’un homme et de ses deux jeunes enfants en plaçant un explosif sousune voiture et l’avoir mis à feu.Le 9 mars 1989, la Cour d’assises de Limassol le déclara coupable pour ces trois assassinatset le condamna à la réclusion criminelle à perpétuité pour chacun de ces chefs.Au cours de l’audience consacrée à la peine, l’accusation invita la Cour à préciser si les termes« réclusion criminelle à perpétuité » désignaient un emprisonnement du requérant pour le restede son existence ou seulement pour une période de 20 ans, comme le prévoyait le règlementpénitentiaire. Celle-ci estima que cette expression s’entendait d’un emprisonnement pour lereste de l’existence du condamné et ne jugea dès lors pas nécessaire de spécifier si les peinesseraient cumulées ou confondues.Toutefois, le jour de son incarcération, le requérant reçut des autorités pénitentiaires unenotification écrite indiquant que la date fixée pour sa libération était le 16 juillet 2002 souscondition de bonne conduite et d’assiduité au travail durant sa détention. Sa libération futrepoussée au 2 novembre 2002 pour infraction disciplinaire.La Cour suprême débouta le requérant de son appel de condamnation.

Le 9 octobre 1992, dans l’affaire Hadjisavvas v. the Republic of Cyprus, la Cour suprêmedéclara que le règlement pénitentiaire était inconstitutionnel et constituait un excès de pouvoir.Le 3 mai 1996, la loi sur les prisons fut promulguée et remplaça la loi sur la disciplinepénitentiaire. Cette loi prévoit la possibilité d’une remise de peine pour bonne conduite etassiduité au travail, à l’exception faite des détenus condamnés à la réclusion à perpétuité.Le requérant ne fut pas libéré le 2 novembre 2002. Invoquant les articles 3, 5 § 4 et 7 de la Convention, il saisit alors la Cour suprême d’unedemande d’habeas corpus le 8 janvier 2004 pour contester la régularité de sa détention. Il futdébouté.

Il convient de souligner que la chambre à laquelle l’affaire avait été attribuée s’est dessaisie,le 31 août 2006, au profit de la Grande chambre, en vertu de l’article 30 de la Convention.

T Griefs :

Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaignait d’une part, de ce que sadétention s’analysait en une peine d’emprisonnement incompressible en violation des normesde la Convention et d’autre part, de ce que son maintien en détention après la date fixée poursa libération l’avait plongé dans un état de désarroi constituant, selon lui, un traitementinhumain et dégradant.Il considérait également que son maintien en détention depuis le 2 novembre 2002méconnaissait l’article 5 de la Convention.

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Par ailleurs, il soutenait que la prolongation imprévisible de la durée de sa détention par suitede l’abrogation du règlement et l’application rétroactive des nouvelles dispositions législativesemportaient violation de l'article 7 de la Convention. Enfin, invoquant l’article 14 combiné avec les articles 3, 5 et 7 de la Convention, il estimait avoirfait l’objet d’un traitement discriminatoire par rapport aux détenus condamnés à perpétuité etaux autres détenus.

T Décision :

Sur le respect de l’article 3 de la Convention :

La Cour rappelle que le prononcé d’une peine d’emprisonnement perpétuel à l’encontre d’undélinquant adulte n’est pas en soi prohibé par l’article 3 de la Convention (§ 97).Elle a néanmoins déjà eu l’occasion de juger “qu'infliger à un adulte une peine perpétuelleincompressible pouvait soulever une question sous l’angle de l”article 3” (voir la décision surla recevabilité, Nivette c. France du 3 juillet 2001 - req. n/ 44190/98).

En l’espèce, la Cour doit rechercher si la peine de réclusion à perpétuité à laquelle le requéranta été condamné a ôté au requérant toute perspective de libération.

A titre liminaire, la Cour relève qu’à Chypre, l’assassinat est puni de la « peine obligatoire dela réclusion à perpétuité », laquelle s’entend, selon les juridictions internes, del’emprisonnement à vie. Elle observe également que la législation interne ne prévoit ni depériode de sûreté pour les personnes condamnées à perpétuité ni de remise de peine pourbonne conduite ou assiduité au travail. Seul le Président de la République, sur recommandationde l’Attorney-General peut commuer une peine ou autoriser une libération conditionnelle(§ 102), laissant ainsi peu d’espoir aux détenus purgeant une peine perpétuelle d’être libéré unjour. La Cour souligne toutefois que 9 détenus condamnés à la réclusion à perpétuité ont étélibérés en 1993 et deux autres en 1997 et 2005.Elle note qu’en outre, un condamné à la réclusion à perpétuité peut obtenir le bénéfice desdispositions pertinentes à tout moment sans avoir à purger une période de sûreté.La Cour considère ainsi que le requérant n’était pas privé de toute perspective de libération etque son maintien en détention ne constitue pas en soi un traitement inhumain ou dégradant(§ 103).Elle relève enfin que l’angoisse du requérant provoquée par le changement de législation et parl’exécution de sa peine sans indication de période de sûreté n’a pas atteint un degré de gravitétel qu’il puisse tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention. La Cour, par dix voix contre sept, conclut à l’absence de violation de l’article 3 de la Convention.

Sur le respect de l’article 5 § 1 de la Convention :

La Cour rappelle que la Cour d’assises a précisé que la réclusion criminelle à perpétuité àlaquelle le requérant était condamné s’entendait d’une peine pour le reste de sa vie et nond’une peine de 20 ans. Dès lors, elle estime que le fait que les autorités aient ultérieurementinformé le requérant d’une date de libération conditionnelle “ne saurait avoir et n'a aucuneincidence sur la peine de réclusion à perpétuité prononcée par la cour d'assises de Limassolni entacher d'illégalité la détention de l'intéressé postérieurement à la date ainsi indiquée”(§ 120). Elle conclut, par seize voix contre une, à la non-violation de l’article 5 § 1 de la Convention.

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Sur le respect de l’article 7 de la Convention :

. Quant à la qualité de la loi applicable au moment des faits :

La Cour rappelle l’importance de l’article 7 dans le dispositif de la Convention en ces termes :“La garantie que consacre l’article 7, élément essentiel de la prééminence du droit, occupe uneplace primordiale dans le système de protection de la Convention, comme l’atteste le fait quel’article 15 n’y autorise aucune dérogation en temps de guerre ou autre danger public” (§137)Elle relève que la reconnaissance de culpabilité et la peine du requérant avaient pour baselégale le droit pénal applicable à l’époque des faits, l’assassinat étant puni à l’article 203 § 2 ducode pénal par la peine obligatoire de réclusion à perpétuité.

La question qui fait débat est l’interprétation à donner à la notion de « peine » de réclusion àperpétuité, et ce qu’elle impliquait réellement en droit interne à l’époque des faits. A ce titre, laCour européenne doit examiner si la loi et son interprétation remplissaient les conditionsd’accessibilité et de prévisibilité.

Soulignant que le code pénal, à l’époque des faits, prévoyait la peine de réclusion à perpétuitéen cas d’assassinat, la Cour relève néanmoins que tant les autorités exécutives que lesautorités administratives estimaient que cette peine équivalait à 20 années d’emprisonnementen application de l’article 2 du règlement pénitentiaire.

Cependant, la Cour note que, dans un arrêt The Republic of Cyprus v. Andreas CostaAristodemou du 5 février 1988, “la cour d’assises de Nicosie a clairement dit que la peine de« réclusion à perpétuité » prévue par le code pénal équivalait à un emprisonnement pour lerestant de l’existence du condamné et non pour vingt ans” (§ 147). Ainsi, lorsque la Courd’assises de Limassol a prononcé la peine du requérant en 1989, elle s’est appuyée sur lesconclusions de la précédente affaire et a condamné le requérant à la réclusion a perpétuité pourle reste de sa vie. Néanmoins, comme le requérant le fait remarquer, au moment où celui-ci a été incarcéré, unenote écrite prévoyant une date de libération conditionnelle lui fut remise.Ce n’est que le 9 octobre 1992 que la Cour suprême déclara le règlement pénitentiaireinconstitutionnel et constitutif d’un excès de pouvoir. Il fut abrogé en 1996 (§ 147). Même si la Cour admet l’argument du Gouvernement selon lequel le but du règlement serapportait à l’exécution de la peine, et que l’article 7 ne peut pas concerner en principe leschangements intervenus dans les modalités d’exécution d’une peine prononcée par unejuridiction, elle considère que “(... ) concrètement, la manière dont ce texte a été compris etappliqué à l'époque des faits allait au-delà” (§ 148).Dès lors, la Cour estime, qu’à l’époque où le requérant a commis l’infraction, le droit pénalinterne n’était pas formulé avec suffisamment de précision pour permettre au requérant dedistinguer entre la portée de la peine et ses modalités d’exécution. Elle estime “qu’il y a euviolation de l’article 7 de la Convention en ce qui concerne la qualité de la loi applicable àl’époque des faits.” (§152).Elle conclut, par quinze voix contre deux, à la violation de l’article 7 de la Convention sur cepoint.

. Quant au grief tiré de l’imposition rétroactive d’une peine plus forte et des effetspénalisants des changements du droit pénitentiaire en matière de remise de peine :

La Cour rejette l’argument du requérant selon lequel une peine plus forte lui aurait été imposéerétroactivement. Elle estime en effet que les dispositions du code pénal, “à l’époque des faits,[ne permettaient pas de dire que] la peine de réclusion à perpétuité pouvait assuréments’entendre comme une peine de vingt ans d’emprisonnement” (§ 149).

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S’agissant de la modification du droit pénitentiaire empêchant le requérant de prétendre à uneremise de peine, la Cour relève que “même si le changement apporté à la législationpénitentiaire et aux conditions de libération ont pu rendre l’emprisonnement du requérant eneffet plus rigoureux, on ne peut y voir une mesure imposant une « peine » plus forte que celleinfligée par la juridiction de jugement” (§ 151). Elle rappelle que “les questions relatives àl’existence, aux modalités d’exécution ainsi qu’aux justifications d’un régime de libérationrelèvent du pouvoir qu’ont les Etats membres de décider de leur politique criminelle”.Elle conclut, par seize voix contre une, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 7 de la Conventionsur ce point.

Sur le respect de l’article 14 de la Convention :

A titre liminaire, la Cour rappelle qu’une différence de traitement est discriminatoire, selonl’article 14 de la Convention, “si elle ne trouve aucune justification objective et raisonnable”.

Le requérant alléguait avoir subi un traitement discriminatoire en raison de la distinction opérée,premièrement, entre lui et les autres personnes condamnées à une peine perpétuelle et ayantété libérées depuis 1993 et, deuxièmement, entre lui, condamné à une peine perpétuelle, etd'autres détenus, au regard de la loi de 1996 sur les prisons.

. S’agissant du premier grief :

La Cour souligne que les condamnés à une peine perpétuelle libérés depuis 1993 l’ont tous été,non sur le fondement du Règlement pénitentiaire, mais bien “parce que le Président de laRépublique avait commué leur peine puis la leur avait remise dans l’exercice (...) [du] pouvoirdiscrétionnaire” que lui confère la Constitution (§ 163). Elle estime que l’exercice de cette prérogative ne soulève pas de question sur le terrain del’article 14 de la Convention.

. S’agissant du second grief :

La Cour estime que le requérant “ne peut prétendre se trouver dans une situation analogue àcelle d’autres détenus qui ne purgent pas de peines perpétuelles” (§ 165). Elle conclut, par seize voix contre une, à l’absence de violation de l’article 14 de la Conventioncombiné avec les article 3, 5 et 7 .

L A noter : l’opinion concordante du juge Bratza, l’opinion partiellement dissidente des jugesTulkens, Cabral Barreto, Fura-Sandstöm et Spielmann, l’opinion partiellement dissidente dujuge Loucaides à laquelle se rallie la juge Jociene et l’opinion partiellement dissidente du jugeBorrego Borrego sont annexées à l’arrêt.

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Ramanauskas c. Lituanie Grande chambre

5 février 2008- req. n/ 74420/01 -

- violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) -

T Faits :

Le requérant, procureur en Lituanie, prétend qu’à la fin de l’année 1998, un dénommé AZ, qu’iln’avait jamais vu auparavant, l’a contacté par l’intermédiaire de VS, l’une de ses connaissancespersonnelles. Il affirme que AZ travaillait en réalité pour le service de police du ministère del’Intérieur spécialisé dans la lutte contre la corruption (le STT) et que celui-ci lui avait demandéd’obtenir l’acquittement d’une tierce personne en échange d’un pot-de-vin de 3 000 dollars.Le requérant aurait d’abord refusé puis, AZ insistant à plusieurs reprises, aurait finalementaccepté.Le Gouvernement souligne que VS et AZ ont pris contact avec le requérant et négocié le pot-de-vin de leur propre initiative sans en avertir les autorités.AZ informa le STT que le requérant avait accepté de recevoir le pot-de-vin et le 27 janvier 1999,le substitut du procureur général autorisa VS et AZ à simuler l’accomplissement d’actes decorruption. Le lendemain, le requérant perçut 1 500 dollars et les 1 000 dollars restant le 11février.Ce même jour, le procureur général ouvrit une information judiciaire à l’encontre du requérantpour avoir accepté le pot-de-vin, infraction prévue par le code pénal lituanien. Le 29 août 2000, le requérant fut reconnu coupable d’avoir accepté le pot-de-vin et condamnéà 19 mois et 6 jours d’emprisonnement.La Cour d’appel confirma ce jugement. Le pourvoi du requérant fut rejeté par la Cour suprêmequi estimait d’une part, que les preuves recueillies démontraient sa culpabilité, qu’il avaitd’ailleurs lui-même reconnue et d’autre part, que la question de savoir si des élémentsextérieurs avaient pu l’inciter à commettre l’infraction n’était pas pertinente puisque saculpabilité avait été établie.Le requérant bénéficia d’une libération conditionnelle fin janvier 2002 et sa condamnation futlevée en janvier 2003.

Il convient de préciser qu’en application de l’article 30 de la Convention, la chambre à laquellel’affaire avait été attribuée s’est dessaisie au profit de la Grande chambre le 19 septembre 2006.

T Griefs :

Invoquant les article 6 § 1 et 6 § 3 d) de la Convention, le requérant estime avoir été incité àcommettre une infraction en violation de son droit à un procès équitable et que le fait que ni lesjuges ni les parties n’aient eu l’occasion d’interroger VS portait atteinte au principe de l’égalitédes armes et des droits de la défense.

T Décision :

Sur le respect de l’article 6 § 1 de la Convention :

A titre liminaire, la Cour souligne qu’elle n’ignore pas que la police doit de plus en plus recouriraux agents infiltrés et que la corruption est devenue un problème majeur dans de nombreuxpays, comme en témoigne l’existence de la convention pénale du Conseil de l’Europe sur la

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corruption. Elle en déduit que la technique de l’infiltration n’emporte pas en soi violation du droità un procès équitable, à condition que son usage soit cantonné dans des limites claires (§ 51).Elle rappelle également que sa tâche “ne consiste pas à se prononcer sur le point de savoir sicertains éléments de preuve ont été obtenus de manière illégale mais à examiner si une telle« illégalité » a entraîné la violation d’un droit protégé par la Convention” (§ 53).

Elle reprend la définition de la provocation policière dans l’arrêt CEDH, Texeira de Castroc.Portugal du 9 juin 1998 - req. n/ 25829/94 et la décision sur la recevabilité Eurofinacom c.France du 7 septembre 2004 - req. n/ 58753/00 : “il y a provocation policière lorsque les agentsimpliqués - membres des forces de l’ordre ou personnes intervenant à leur demande - ne selimitent pas à examiner d’une manière purement passive l’activité délictueuse, mais exercentsur la personne qui en fait l’objet une influence de nature à l’inciter à commettre une infractionqu’autrement elle n’aurait pas commise, pour en rendre possible la constatation, c’est-à-dire enapporter la preuve et la poursuivre” (§ 55).

La Cour estime que les autorités nationales ne peuvent “s’exonérer de leur responsabilité pourles agissements de policiers en se bornant à invoquer le fait que ceux-ci, bien qu’accomplissantdes actes de nature policière, auraient agi « à titre privé »”. Elle conclut que les actes litigieuxsont imputables aux autorités.Elle estime d’une part, que “la responsabilité des autorités s’impose d’autant plus que la phaseinitiale de l’opération (...) a été menée en dehors de tout cadre légal et en l’absence de toutehabilitation judiciaire” (§ 63) et d’autre part, qu’“aucune explication satisfaisante n’a été fournieau sujet des raisons et des éventuels motifs personnels pour lesquels AZ aurait de sa propreinitiative approché le requérant, sans le porter à la connaissance de ses supérieurs, ni desraisons pour lesquelles il n’a pas été poursuivi pour les actes qu’il a commis lors de cette phasepréliminaire” (§ 64).

La Cour examine dans un second temps si les faits litigieux s’analysent en une provocationprohibée par l’article 6 de la Convention.

Elle prend en considération plusieurs éléments pour conclure que l’activité des personnes enquestion est allée au-delà du simple examen passif d’une activité délictueuse existante : enpremier lieu, rien n’indique que le requérant avait commis des infractions auparavant ; ensuite,toutes les rencontres entre le requérant et AZ ont eu lieu à l’initiative de ce dernier, ce qui tendà démontrer que le requérant a subi des pressions (§ 67).

S’agissant du respect du droit à un procès équitable, la Cour relève que le requérant, duranttoute la procédure, n’a cessé de prétendre qu’il avait été incité à commettre l’infraction. La Cour estime “que lorsqu’un accusé plaide qu’il a été provoqué à commettre une infraction,les juridictions pénales doivent se livrer à un examen attentif du dossier, étant donné que, pourqu’un procès soit équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, toute preuve obtenuepar le biais d’une provocation policière doit être écartée. Ceci est d’autant plus vrai lorsquel’opération policière s’est déroulée en l’absence d’un cadre légal et de garanties suffisants (arrêtKhudobin c. Russie, req. n/ 59696/00)” (§ 60).Or, en l’espèce, les autorités nationales ont nié toute provocation policière et la Cour les critiquesur ce point, en soulignant que VS n’a jamais été appelé à témoigner dans cette affaire et enjugeant qu’elles auraient dû entendre les allégations du requérant et examiner le rôle joué parles différents protagonistes.

Au surplus, la Cour relève que l’argument de la Cour suprême selon lequel la question de savoirsi des facteurs extérieurs avaient pu inciter le requérant à commettre l’infraction n’était paspertinente du fait que sa culpabilité était établie doit être rejeté. Elle précise en effet que “l’aveud’avoir commis une infraction à laquelle on a été provoquée ne saurait faire disparaître ni la

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provocation ni les effets de celle-ci” (§ 72).

La Cour considère que les agissements de AZ et VS ont eu pour effet de provoquer le requérantà commettre l’infraction pour laquelle il a été condamné et que rien n’indique que, sans leurintervention, celle-ci aurait été commise. Elle conclut, à l’unanimité, que le procès du requérantn’a pas été équitable et qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Elle n’estime pasnécessaire d’examiner séparément sous l’angle de l’article 6 § 3 d) le grief tiré du caractèreinéquitable de la procédure.

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Saadi c. Royaume-UniGrande chambre

29 janvier 2008- req. n/ 13229/03 -

- non violation de l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) ; violation de l’article 5 § 2 (droit pour une personne arrêtée d’être informée

des raisons de son arrestation) -

L Cette affaire a été l’occasion pour la Cour de se p rononcer pour la première fois surl’interprétation de la première branche de l’articl e 5 § 1 f), à savoir « la détention régulièred’une personne pour l’empêcher de pénétrer irréguli èrement dans le territoire ».

T Faits :

Le requérant, kurde irakien, réside actuellement à Londres où il exerce la profession demédecin. Il a fui l’Irak après avoir, en sa qualité de médecin, soigné trois membres du Particommuniste des travailleurs irakiens, dont il est également membre, blessés au cours d’uneattaque et dont il a facilité l’évasion.Arrivé à l’aéroport d’Heathrow le 30 décembre 2000, il demanda l’asile politique.Le 2 janvier 2001, il fut placé en détention au centre d’Oakington, nouvelle structure dedétention destinée aux demandeurs d’asile jugés peu susceptibles de s’enfuir et dont le caspeut-être traité en « procédure accélérée ». Un formulaire lui fut remis sans préciser toutefoisque sa demande d’asile serait traitée selon cette procédure.Le chef du service de l’immigration informa le représentant du requérant, le 5 janvier 2001, quecelui-ci était détenu au motif qu’il était un ressortissant irakien répondant aux critèresd’internement à Oakington.Le 8 janvier 2001, la demande d’asile fut rejetée. Le requérant fut libéré le lendemain et fit appelde la décision. Il obtint finalement le droit d’asile le 14 janvier 2003.

Invoquant le droit interne britannique et l’article 5 de la Convention, le requérant sollicita uncontrôle juridictionnel de sa détention.La Cour d’appel et la Chambre des Lords jugèrent que la détention était conforme au droitinterne et justifiée au regard de l’article 5 de la Convention en ce qu’elle “visait à permettre dedéterminer s’il fallait autoriser l’entrée sur le territoire et (...) qu’elle n’avait pas besoin d’être« nécessaire » pour être compatible avec cette disposition”. Les deux juridictions estimèrent,en outre, que la détention visait à éviter l’entrée irrégulière sur le territoire. La Chambre desLords souligna, au surplus, que la détention était nécessaire pour garantir le fonctionnementrapide et efficace du système. Elle rejeta le recours du requérant le 31 octobre 2002.

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Il convient de préciser que la Cour européenne avait le 11 juillet 2006 rendu un arrêt et qu’à lasuite d’une demande formulée par le requérant, l’affaire a été renvoyée le 11 décembre 2006à la Grande Chambre en vertu de l'article 43 de la Convention.

T Griefs :

Invoquant les articles 5 §§ 1 et 2 de la Convention, le requérant se plaignait de sa détention aucentre d’Oakingston et de ne pas avoir été informé des raisons de cette détention.

T Décision :

Sur le respect de l’article 5 § 1 de la Convention :

A titre liminaire, la Cour rappelle que la “faculté pour les Etats de placer en détention descandidats à l’immigration ayant sollicité - par le biais d’une demande d’asile ou non -l’autorisation d’entrer dans le pays est un corollaire indispensable de ce droit”. Elle rappellel’arrêt Amuur c. France, du 25 juin 1996 - req. n/ 19776/92, duquel il ressort que “la détentiond’immigrés potentiels, notamment de demandeurs d’asile, peut se concilier avec l’article 5 § 1f)” (§ 64).

La Grande Chambre estime que l’entrée sur un territoire est irrégulière tant que l’Etat ne l’a pasautorisée. Elle précise ainsi que la détention d’un individu souhaitant entrer dans le pays enquestion peut viser à empêcher que celui-ci n’y pénètre irrégulièrement.Citant différents textes internationaux (parmi lesquels les principes directeurs du HCR)envisageant tous la détention des demandeurs d’asile sous condition, la Grande Chambrerefuse de considérer que la détention n’est possible que pour les personnes dont il est établiqu’elles tentent de se soustraire aux restrictions d’entrée.

La Cour souligne toutefois que cette détention ne doit pas être arbitraire. A ce titre, elle rappelleles garanties que cette détention doit offrir : “la mise en œuvre de pareille mesure de détentiondoit donc se faire de bonne foi ; elle doit aussi être étroitement liée au but consistant àempêcher une personne de pénétrer irrégulièrement sur le territoire ; en outre, le lieu et lesconditions de détention doivent être appropriés, car « une telle mesure s’applique non pas à desauteurs d’infractions pénales mais à des étrangers qui, craignant souvent pour leur vie, fuientleur propre pays » (Amuur précité, § 43) ; enfin, la durée de la détention ne doit pas excéderle délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi” (§ 74).

La Cour estime que les autorités nationales ont agi de bonne foi. Elle relève à ce titre que lacréation du centre d’Oakington visait à permettre le traitement rapide d’environ 13 000demandes d’asile sur 84 000 dossiers déposés chaque année au Royaume-Uni, qu’elle devaitainsi profiter aux demandeurs d’asile.Elle souligne par ailleurs que “la détention [du requérant] était étroitement liée au but poursuivipar les autorités, à savoir, l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire” (§ 77).La Cour note également que le centre d’Oakington “offrait différents services, tels qu’activitésrécréatives, culte religieux, soins médicaux et - élément important - consultation juridique”(§ 78). Enfin, s’agissant de la durée de la détention, la Cour estime que la période de 7 joursque le requérant a passé au centre de détention “ne saurait passer pour avoir excédé le délairaisonnable nécessaire aux fins de l’objectif poursuivi” (§ 79).

La Cour, prenant en compte les problèmes administratifs auxquels étaient confrontés leRoyaume-Uni ainsi que l’augmentation importante du nombre de demandeurs d’asile dans cetEtat, estime qu’il “n’était pas incompatible avec l’article 5 § 1 f) de la Convention de détenir lerequérant pendant sept jours dans des conditions convenables, afin de permettre un traitement

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rapide de sa demande d’asile” (§ 80).Elle conclut, par 11 voix contre 6, à la non-violation de l’article 5 § 1 de la Convention.

Sur le respect de l’article 5 § 2 de la Convention : La Cour relève que le requérant ne s’est vu communiquer le motif véritable de sa détention quele 5 janvier 2001, soit 76 heures après le début de sa détention. La Grande Chambre estime,comme la Chambre l’a jugé dans son arrêt en date du 11 juillet 2006, qu’un “délai desoixante-seize heures pour indiquer les motifs d’une détention était incompatible avecl’obligation, au regard de cette disposition, de les fournir « dans le plus court délai »” (§ 84).Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 2 de la Convention.

L A noter : l’opinion partiellement dissidente commune aux juges Rozakis, Tulkens, Kovler,Hajiyev, Spielmann et Hirvelä est annexée à l’arrêt.

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Arrêt Milan c. France

24 janvier 2008- req. n/ 7549/03 -

- non violation des articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 13 (droit à un recours effectif) -

T Faits :

Le requérant, soupçonné de menaces de mort liées à une entreprise terroriste, fit l’objet, enoctobre 2001, d’une interpellation et d’une garde à vue, au cours desquelles, il aurait été victimede violences exercées par les forces de la Police.

T Griefs :

Estimant avoir été victime de violences policières, le requérant invoquait l’article 3 (interdictiondes traitements inhumains ou dégradants) de la Convention. Il estimait par ailleurs que malgréses deux plaintes, déposées pour violences policières, aucune enquête sérieuse n’avait étédiligentée et invoquait, de ce fait, une violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) de laConvention.

T Décision :

Concernant la violation de l’article 3 :

La Cour rappelle, à titre liminaire, que l’article 3 de la Convention “prohibe en termes absolusla torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants” et qu’il “ne prévoit pas derestriction (...) [et] ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la viede la nation” (§ 42). Elle précise néanmoins, conformément à sa jurisprudence, que “le mauvaistraitement doit atteindre un seuil minimum de gravité pour tomber sous le coup de l’article 3” etque l’appréciation de cette gravité est soumise aux conditions de l’espèce.

Les juges de Strasbourg considèrent que “toute blessure survenue pendant [la garde à vue]

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donne lieu à de fortes présomptions de fait”. En conséquence, et conformément à lajurisprudence européenne, notamment Tomasi c. France du 27 août 1992 et Rivas c. Francedu 1er avril 2004 - req. n/ 59584/00, si, de façon générale, il appartient au requérant dedémontrer, au besoin par “un faisceau d’indices ou de présomptions non réfutées, suffisammentgraves, précises et concordantes”, la réalité du mauvais traitement, il incombe auGouvernement, lorsque les blessures ont été subies pendant cette période de garde à vue, “deproduire les preuves établissant les faits qui font peser un doute sur le récit de la victime” (§ 45).

La Cour constate, en l’espèce, que le Gouvernement reconnaît que la force a été utilisée, àl’occasion de l’interpellation et durant la garde à vue, à l’encontre du requérant du fait de sarésistance au moment de son arrestation. Elle “n’aperçoit d’ailleurs pas de circonstancessusceptibles de l’amener à douter de l’origine de ces douleurs et traces, qui peuvent êtreconsidérées comme consécutives à l’utilisation de la force par les policiers lors de l’interpellationdu requérant et de sa garde à vue” (§ 52). Cependant, en l’espèce, elle note que “les versionsdes faits données par le requérant ont considérablement varié au fil du temps” et remarque parailleurs certaines contradictions dans ses propos et que “certaines allégations ne sontaucunement étayées par les certificats médicaux” , notamment elle relève “qu’aucun aucun élément du dossier ne permet de conclure que le requérant a été victime de coups portésdans le dos avec un instrument tranchant”, ainsi qu’il l’a soutenu. Ceci l’amène à conclure, que “la force employée pour interpeller et maîtriser le requérant étaitnécessaire et proportionnée, compte tenu des circonstances” et qu’aucun “élément du dossierne permet d’étayer les allégations de torture du requérant, ni même de mauvais traitement ausens de l’article 3 de la Convention”. (§ 65)

Concernant la violation de l’article 13 :

La Cour européenne rappelle que l’effectivité d’un recours garanti par l’article 13 de laConvention implique seulement que “le requérant ait eu la possibilité de faire examiner son griefpar une instance nationale et que celle-ci ait été en mesure d’en examiner le bien-fondé” (§ 69).

En l’espèce, après avoir constaté que la plainte avec constitution de partie civile déposée parle requérant avait été instruite par un juge d’instruction, qu’une enquête avait été diligentée parl’IGPN et que la chambre de l’instruction, saisie sur appel de requérant contre une ordonnancede non lieu avait examiné l’affaire, elle conclut, à l’unanimité, à la non violation de l’article 13de la Convention.

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E.B. c. France Grande chambre

22 janvier 2008- requête n/ 43546/02 -

- violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) -

T Faits :

La requérante, E.B., professeur en école maternelle, vit depuis 1990 avec R, une femme,psychologue de profession.

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En février 1998, elle déposa auprès des services sociaux de son département une demanded’agrément pour l’adoption d’un enfant. Durant la procédure d’adoption, elle fit part de sonhomosexualité et de sa relation stable avec R.

Sur le fondement des rapports rendus par une assistante sociale et une psychologue, laCommission chargée d’examiner les demandes d’agrément rendit un avis défavorable ennovembre 1998. Le 26 novembre 1998, le président du conseil général du Jura prit une décisionde refus de la demande d’agrément, décision confirmée, en mars 1999, à la suite du recoursformé par la requérante. Ses deux décisions furent motivées par « l’intérêt de l’enfant», le projetde la requérante révélant d’une part, « l’absence d’image ou de référents paternels susceptiblesde favoriser le développement harmonieux d’un enfant adopté » et enfin, l’ambiguïté de lasituation de sa compagne qui ne semblait pas suffisamment impliquée dans ce projet.

Saisi par la requérante, le tribunal administratif de Besançon annula les deux décisions duprésident du conseil général le 24 février 2000. Le département du Jura interjeta appel de cejugement. Le 21 décembre 2000, la cour administrative d’appel, considérant que le refusd’agrément n’était pas fondé sur le choix de vie de la requérante et que les dispositions desarticles 8 et 14 de la Convention n’avaient donc pas été méconnues, annula ce jugement.

Le Conseil d’Etat, après avoir considéré que la cour administrative d’appel n’avait pas fondé sadécision sur une position de principe concernant les orientations sexuelles de l’intéressée, maisavait tenu compte des besoins et de l’intérêt d’un enfant adopté, rejeta le pourvoi formé par larequérante.

T Griefs :

La requérante, invoquant l’article 14 de la Convention, combiné avec l’article 8, alléguait avoirsubi, dans le cadre de la procédure de demande d’agrément en vue d’adopter, un traitementdiscriminatoire fondé sur son orientation sexuelle et portant atteinte à son droit au respect desa vie privée.

La Grande chambre de la Cour européenne a été saisie sur dessaisissement de la chambreinitialement saisie, en vertu de l’article 30 de la Convention. La FIDH (Fédération Internationaledes ligues des Droits de l’Homme), l’ILGA-Europe (the European Region of the InternationalLesbian and Gay Association), l’APGL (Association des Parents et futurs Parents Gays etLesbiens) et la BAAF (British Agencies for Adoption and Fostering) furent autorisées à intervenirdans la procédure.

T Décision :

Sur la recevabilité :

La Cour rappelle tout d’abord que ni le droit français, ni l’article 8 de la Convention, ni aucunautre instrument international ne garantissent le droit d’adopter ou de fonder une famille.Cependant, “la notion de « vie privée », au sens de l’article 8, est quant à elle un concept largequi englobe (...) le droit au respect de la décision d'avoir un enfant ou de ne pas en avoir (Evansc. Royaume-Uni [GC], n/ 6339/05, § 71)” (§ 43).

La requérante se prétendant victime de discrimination en raison de son homosexualité, la Courrappelle également que si l’article 14 “n’a pas d’existence indépendante, puisqu’il vautuniquement « pour la jouissance des droits et libertés »”, son application “ne présuppose pasnécessairement la violation [de l’article 8]” et qu’il “suffit que les faits de la cause tombent « sousl’empire » [de ce dernier]” (§ 47).

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En l’espèce, la Cour considère que dès lors que “la législation française accorde expressémentaux personnes célibataires le droit de demander l’agrément en vue d’adopter et qu’elle établitune procédure à cette fin (...) l’Etat (...) ne peut, dans la mise en application de ce dernier,prendre de mesures discriminatoires au sens de l’article 14” (§ 49) . Elle estime que l’article 14de la Convention, combiné avec l’article 8, s’applique donc en l’espèce.

Sur la violation alléguée de l’article 14 de la Convention, combiné avec l’article 8 :

Notant des différences avec l’arrêt Fretté c. France du 26 février 2002 - req. n/ 36515/97, quiavait conclu à la non violation des mêmes dispositions invoquées par la requérante, la Courconstate qu’en l’espèce, les autorités administratives puis les juridictions internes saisiess’appuyaient principalement sur deux motifs pour rejeter la demande d’agrément : l’absence deréférent paternel dans le foyer de la requérante, ainsi que l’attitude de sa compagne..

S’agissant du premier motif, tiré de l’absence de référent paternel :

La Cour rappelle que la requérante a demandé l’adoption en tant que femme célibataire et nonen tant que membre d’un couple homosexuel. Elle estime que ce motif “ne pose pasnécessairement problème en soi”, mais qu’il “est permis de s’interroger sur le bien-fondé d’untel motif qui a finalement pour conséquence d’exiger de la requérante qu’elle justifie, dans sonentourage proche, d’un référent de l’autre sexe, risquant ainsi de vider de sa substance le droitqu’ont les célibataires de demander l’agrément (...). Aux yeux de la Cour, un tel motif auraitdonc pu conduire à un refus arbitraire et servir de prétexte pour écarter la demande de larequérante en raison de son homosexualité” (§ 73). Elle considère que le Gouvernement n’apas été en mesure de prouver que son utilisation au plan interne ne conduisait pas à desdiscriminations.

S’agissant du second motif tiré du comportement de la compagne de la requérante :

La Cour considère qu’il “n’est pas sans intérêt et sans pertinence pour l’appréciation de lademande [d’agrément]”. Elle affirme qu’il “serait pour le moins surprenant que les autoritéscompétentes, informées de l’existence d’un couple de « fait », feignent d’ignorer une telledonnée dans l’évaluation des conditions d’accueil [de l’enfant]” (§ 76). Pour la Cour, un tel motifest étranger à toute considération sur l’orientation sexuelle de l’intéressée et ne sauraitconstituer une discrimination.

La Cour considère qu’en l’espèce, les deux motifs ont été invoqués par les autorités etjuridictions administratives et que “le fait que l’homosexualité de la requérante ait été aussiprésente dans les motivations des autorités internes est significatif” (§ 85), bien que lesjuridictions aient jugé qu’elle ne fondait pas la décision litigieuse.

La Cour ayant constaté que la situation de la requérante a fait l’objet d’une appréciation globalepar les autorités internes, lesquelles ne se sont pas fondées sur un motif à titre exclusif, maissur « l’ensemble » des éléments, les deux principaux motifs utilisés doivent être appréciéscumulativement : ainsi, le caractère illégitime d’un seul (absence de référent paternel) a poureffet de contaminer l’ensemble de la décision.Or, elle constate notamment que la rédaction de certains avis révélait une prise en comptedéterminante de l’homosexualité de la requérante ou, parfois, de “son statut de célibataire qui[lui] a été contesté et opposé, alors même que la loi prévoit expressément le droit pour lescélibataires de demander à pouvoir adopter” (§ 86). Pour la Cour, “la référence àl’homosexualité de la requérante était sinon explicite du moins implicite” et “l’influence de sonhomosexualité (...) sur l’appréciation de sa demande est avérée, et (...) a revêtu un caractèredécisif, menant à la décision de refus d’agrément en vue d’adopter” (§ 89).

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La requérante ayant fait l’objet d’une différence de traitement, la Cour recherche si le but étaitlégitime et s’il existait une justification pour une telle différence. Elle précise que selon sajurisprudence constante, “lorsque l’orientation sexuelle est en jeu, il faut des raisonsparticulièrement graves et convaincantes pour justifier une différence de traitement s’agissantde droits tombant sous l’empire de l’article 8” (§ 91).Or, en l’espèce, elle constate que “le droit français autorise l’adoption d’un enfant par uncélibataire, ouvrant ainsi la voie à l’adoption par une personne célibataire homosexuelle” (§ 94).Elle relève également que le code civil reste muet “quant à la nécessité d’un référent de l’autresexe” et, précise enfin que “la requérante présentait, pour reprendre les termes de l’arrêt duConseil d’Etat, « des qualités humaines et éducatives certaines »” (§ 95). “Force est donc deconstater que les autorités internes ont, pour rejeter la demande d’agrément en vue d’adopterprésentée par la requérante, opéré une distinction dictée par des considérations tenant à sonorientation sexuelle, distinction qu’on ne saurait tolérer d’après la Convention”(§ 96).

La Cour conclut, par 10 voix contre 7, que la décision de refus d’agrément est incompatibleavec la Convention et qu’il y a eu violation de l’article 14 de la Convention, combiné avecl’article 8 de la Convention. En application de l’article 41 (satisfaction équitable) de laConvention, la Cour, par onze voix contre six, alloue à la requérante 10 000 euros pourdommage moral, ainsi que 14 528 euros pour frais et dépens.

L A noter : L’opinion concordante commune des juges Lorenzen et Jebens, et les opinionsdissidentes des juges Costa, Türmen, Ugrekhelidze, Jociene, ainsi que des juges Zupancic,Loucaides et Mularoni sont annexées à l’arrêt.

L A noter : Commentaires de l’arrêt CEDH, E.B. c. France :- Gaëlle Marraud des Grottes , “Adoption par une homosexuelle : le refus de l’agrémentfondé sur l’orientation sexuelle jugé discriminatoire”, in : Revue Lamy Droit civil, n/ 45,février 2008, pp. 42-43.“Les autorités internes ont, pour rejeter la demande d’agrément à l’adoption présentée par une personnehomosexuelle, opéré une distinction dictée par des considérations tenant à son orientation sexuelle,distinction qu’on ne saurait tolérer d’après la Convention EDH”. Abstract de la revue.- Stéphane Valory , “Adoption : l’homosexualité du requérant ne peut fonder le refus dedélivrer l’agrément”, in : Revue juridique Personnes & Famille, 2008, n/ 2, pp. 22-23.

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Kearns c. France

10 janvier 2008- req. n/ 35991/04 -

- non violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) -

T Faits :

La requérante, Karen Kearns, est une ressortissante irlandaise mariée, née en 1966 et résidantà Dublin (Irlande). Le 18 février 2002, elle accoucha « sous X », en France, d’une petite fille néed’une relation extra-conjugale.

Elle signa un procès-verbal d’admission de l’enfant comme pupille de l’Etat, en application del’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles et donna son consentement à sonadoption le 19 février 2002. Les conditions et les conséquences d’un accouchement anonymelui furent exposées lors de deux entretiens successifs avec les services sociaux, en présence

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d’une infirmière puis d’un médecin faisant fonction d’interprètes, l’intéressée ne parlant pas lefrançais.

Le 7 mai 2002, l’enfant fut placée, par les services de l’Etat, dans une famille d’accueil en vuede son adoption plénière. Entre-temps, le père biologique de l’enfant, M. Byrski, avait saisi letribunal familial de Dublin en vue de voir reconnaître ses droits sur sa fille et la procédured’adoption fut suspendue.

Les 25 et 26 juillet 2002, la requérante demanda la restitution de son enfant auprès desservices de la maternité de l’hôpital, puis des services sociaux français. Sa demande fut rejetée,au motif que le délai de rétractation de deux mois était expiré. Elle saisit le tribunal de grandeinstance de Lille d’une demande en nullité de l’acte d’abandon pour vice du consentement.

Par un jugement du 31 octobre 2002, le tribunal rejeta ses demandes. Par un arrêt du 22septembre 2003, la cour d’appel de Douai, considérant que la requérante « de nationalitéirlandaise, de langue anglaise et ne parlant pas le français » n’avait pas été mise en mesurede connaître « les conséquences en droit français d’un accouchement sous X », infirma lejugement. Le 6 avril 2004, la Cour de cassation cassa et annula l’arrêt de la cour d’appel envisant l’article L. 224-4 1/ du code de l’action sociale et des familles et en jugeant ainsi :« Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence de reconnaissance, la filiation n’était pasétablie de sorte que le consentement de Mme T. n’avait pas à être constaté lors de la remisede l’enfant (.. .), la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

L’adoption plénière de l’enfant par la famille d’accueil fut prononcée le 17 juin 2004.

T Griefs :

La requérante, invoquant l’article 8 de la Convention (droit au respect de sa vie privée et de savie familiale), dénonçait la brièveté du délai de deux mois pour réclamer l’enfant. Elle estimaitégalement que les autorités françaises n’avaient pas pris toutes les dispositions pour luipermettre de comprendre exactement la portée de ses actes, soulignant qu’elle n’avait pasbénéficié d’une aide linguistique suffisante pour lui permettre de comprendre toutes lesmodalités et les délais.

Invoquant également l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable), elle alléguait avoir été privéede son droit à un recours effectif en raison de la brièveté du délai de rétractation et del’insuffisante de l’information quant à ce délai.

Elle invoquait enfin une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, au titre de la procéduresuivie devant la Cour de cassation et une violation de l’article 14 (interdiction de ladiscrimination), estimant avoir été victime d’une discrimination linguistique.

T Décision :

Concernant l’article 8 de la Convention :

. Sur la durée du délai de rétractation :

La Cour observe, à la suite d’une étude de droit comparé, qu’il n’existe pas de consensusinternational en matière d’adoption. Elle relève que, s’agissant du délai de rétractation, “il existeune diversité législative considérable parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe ayantétabli un tel délai, la rétractation du consentement étant permise dans certains systèmesjuridiques jusqu’au jugement d’adoption, alors que dans d’autres, à l’inverse, le consentement

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est irrévocable. Pour les Etats qui ont prévu un délai fixe de rétractation, celui-ci varie de dixjours à trois mois” (§ 77). Dès lors, les juges de Strasbourg considèrent que la latitude dontbénéficie l’Etat est plus ample pour ménager un équilibre entre les intérêts publics et privésconcurrents une fois qu’il s’est saisi de la question.

Dans la mise en balance d’intérêts difficilement conciliables, ceux de la mère biologique, ceuxde l’enfant, ceux de la famille d’accueil, ainsi que l’intérêt général, la Cour rappelle que “l’intérêtsupérieur de l’enfant doit primer” (§ 79).Elle souscrit, à cet égard, aux arguments avancés par le Gouvernement, selon lesquels l’intérêtde l’enfant était de bénéficier le plus rapidement possible de relations affectives stables danssa nouvelle famille ». Elle souligne également que “le tribunal de grande instance a retenu quela sérénité et la sécurité psychologique comme juridique de l’enfant devaient être recherchées”(§ 80). La Cour estime qu’en l’espèce, si le délai de deux mois peut sembler bref, il paraît néanmoinssuffisant pour que la mère biologique ait le temps de réfléchir et de remettre en cause le choixd’abandonner l’enfant. Elle observe que “cette dernière était alors âgée de 36 ans, qu’elle étaitaccompagnée par sa mère et qu’elle a été longuement reçue à deux reprises aprèsl’accouchement par les services sociaux” (§ 81).

Visant leur jurisprudence V. S. c. Allemagne (déc.) du 22 mai 2007 - req. n/ 4261/02, les jugeseuropéens considèrent que : ” Eu égard à la marge d’appréciation dont doivent jouir les Etatsface à la diversité des systèmes et traditions juridiques et des pratiques, le délai prévu par lalégislation française vise à atteindre un équilibre et une proportionnalité suffisants entre lesintérêts en cause” (§ 83) et concluent à la non violation de l’article 8 sur ce point. (unanimité).Enfin, la Cour souligne que l’action intentée par le père de l’enfant auprès des autoritésirlandaises n’a pas d’incidence sur la conclusion à laquelle elle parvient.

. Sur l’information donnée à la requérante :

La Cour relève que “la requérante, de nationalité irlandaise et résidant à Dublin, a fait le choixde venir accoucher en France pour bénéficier de la possibilité, inconnue en droit irlandais, d’unaccouchement anonyme” (§ 86).Elle note que la requérante s’est présentée à la maternité, la semaine précédantl’accouchement, assistée notamment d’un avocat. Par ailleurs, les deux longs entretiens avecles services sociaux ont eu lieu en présence de personnes (infirmière puis médecin) faisantfonction d’interprètes. Enfin, elle considère, qu’au vu du formulaire de consentement àl’adoption signé par la requérante et des différents documents qui lui firent remis, “aucuneambiguïté ne pouvait subsister dans [son] esprit sur les délais et conditions de restitution de safille” (§ 89).

La Cour estime que “les autorités françaises ont fourni à la requérante une informationsuffisante et détaillée, en la faisant bénéficier d’une assistance linguistique non prévue par lestextes et en s’assurant qu’elle soit informée aussi complètement que possible desconséquences de son choix” (§ 91). Elle conclut, à l’unanimité, la non violation de l’article 8 dela Convention sur ce point également.

Concernant l’article 6 § 1 de la Convention quant à l’absence de recours effectif :

La Cour estime qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 6 § 1.

Concernant l’article 6 § 1 quant à l’équité de la procédure devant la Cour de cassation :

La requérante soutenait que son avocat n’avait pu répondre aux conclusions écrites de l’avocat

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12 Requête n/ 25659/94

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général et critiquait la cassation sans renvoi comme étant un obstacle au débat contradictoire.

La Cour européenne, constate que la requérante était représentée d’un avocat aux Conseils.Dans ces conditions, ce dernier a bénéficié de la communication, par l’avocat général, du sensde ses conclusions lui permettant d’y répondre oralement à l’audience ou par note de délibéré :cette pratique a déjà été jugée conforme aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention (cfarrêt Reinhardt et Slimane Kaïd du 31 mars 1998). En outre, rappelant sa jurisprudence Rihac. France, n/ 71443/01, 24 juin 2004 validant la pratique de la cassation sans renvoi, la Courjuge, à l’unanimité, ces deux griefs mal fondés.

Sur l’article 14 combiné avec l’article 8 de la Convention :

La requérante estimait enfin avoir été victime de discrimination d’ordre linguistique.

Les juges européens, observant que la requérante avait bénéficié d’une assistance linguistiquenon prévue par les textes, déclarent, à l’unanimité, ce dernier grief mal fondé.

L A noter : Commentaires de l’arrêt CEDH, Kearns c. France :- François Chénedé , “Délai de rétractation et information de la mère « accouchée sousX » : conformité du droit français à la Convention européenne des droits de l’homme”,in : Actualité juridique famille, 2008, n/ 2, pp. 78-79.- P. Guiomard , “L’accouchement sous X devant la CEDH”, in : Dalloz Actualités, 24janvier 2008.

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Saygili et autres c. Turquie

8 janvier 2008- req. n/ 19353/03 -

- Violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) -

T Faits :

Les requérants sont : Fevzi Saygili, qui à l’époque des faits était propriétaire de la « Société àResponsabilité Limitée Information, Presse, Publication » qui assurait la publication du quotidienEvrensel (« Universalité »), Nizamettin Taylan Bilgiç, rédacteur en chef du quotidien et SerpilKurtay, directrice de l’information du quotidien.

Les 8 et 10 septembre 2001, le quotidien Evrensel publia deux articles intitulés respectivement« Aveu de la disparition en garde à vue » et « Faux rapports du procureur » . Ces articlesconcernaient l’affaire Irfan Bilgin c. Turquie 12, dans laquelle la Cour européenne avait conclu,le 17 juillet 2001, à la violation des articles 2, 5 et 13 de la Convention en raison de ladisparition en garde à vue de l’intéressé.Le premier article relatait les déclarations du Procureur de la République d’Ankara au momentdes faits, entendu en tant que témoin devant la Commission européenne des Droits del’Homme. Le second relatait le témoignage du substitut du Procureur général d’Ankara à

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13 Handyside c. Royaume-Uni, arrêt du 7 décembre 1976, série A no 24, p. 23, § 49

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l’époque des faits, devant la délégation de la Commission.Le 25 septembre 2001 ce dernier, mis en cause dans les articles litigieux, demanda auprès dutribunal correctionnel d’Ankara la réparation de son préjudice moral résultant de la publicationdes articles en cause, invoquant le caractère mensonger et diffamatoire de leur contenu. Cetribunal fit droit à sa demande en condamnant les défendeurs au paiement d’une indemnitéd’environ 1 522 euros, pour atteinte aux droits de la personnalité du plaignant. La Cour decassation confirma cette décision le 28 janvier 2003.

T Griefs :

Les requérants alléguaient que leur condamnation au paiement de dommages et intérêtsconstituait une violation l’article 10 de la Convention protégeant la liberté d’expression.

T Décision :

Dans cette affaire, le Gouvernement soutient que l’ingérence était prévue par la loi etpoursuivait un but légitime, à savoir la protection des droits et de la réputation d’autrui. Lesrequérants, quant à eux, affirment avoir publié une information fondée sur des faits réels. Ilsestiment, en outre, que le montant élevé de l’indemnisation fait obstacle, in fine, à l’exercice deleur profession.

La Cour note qu’en l’espèce, la question ne porte que sur le fait de savoir si l’ingérence était «nécessaire dans une société démocratique ».A cet égard, elle se réfère aux principes généraux qui se dégagent de sa jurisprudence en lamatière 13. Elle rappelle que “la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentielsd’une société démocratique” (§ 30). Ainsi l’adjectif « nécessaire » implique-t-il un besoin socialimpérieux. Bien qu’il appartienne aux autorités nationales d’évaluer s’il existe un tel besoin, “ilincombe à la Cour de déterminer si la mesure incriminée était « proportionnée aux butslégitimes poursuivis » et si les motifs invoqués par les autorités internes pour la justifierapparaissent « pertinents et suffisants »” (§ 32).

Si la presse ne doit pas porter atteinte à la protection de la réputation d’autrui, elle se doitnéanmoins, de communiquer des informations et des idées sur toutes les questions d’intérêtgénéral. Il ne fait aucun doute, selon la Cour de Strasbourg, que les articles en cause portaientsur des thèmes d’intérêt général et d’actualité dans la mesure où ils étaient relatifs aux cas dedisparitions en Turquie et à leur examen par la Cour. Les juges européens admettent lanécessité de protéger les magistrats des attaques graves et dénuées de tout fondement.Toutefois, la responsabilité tant personnelle qu’ « institutionnelle » du substitut du Procureurs’inscrivait dans le débat d’intérêt général en question.

De plus, la Cour constate que le droit turc pertinent ne permettait pas d’invoquer les exceptionsde vérité et d’intérêt public dont doivent pouvoir se prévaloir les personnes poursuivies pours’exonérer de leur responsabilité en établissant leur bonne foi ou la véracité de leurs propos.Or l’absence d’une telle possibilité constitue “une mesure excessive pour protéger la réputationet les droits d’une personne” (§ 36).

“Eu égard à ce qui précède, et tout particulièrement à l’extrême importance du débat d’intérêtgénéral dans lequel les propos litigieux s’inscrivaient, la Cour estime que les motifs figurantdans les décisions des juridictions internes ne sauraient être considérés en tant que tels,comme pertinents et suffisants pour justifier l’ingérence dans le droit des requérants à la liberté

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d’expression” (§ 39).Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 10 de la Convention.

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AFFAIRES RÉPÉTITIVES

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu, le 14 février 2008, l’arrêt AssociationAvenir d’Alet c. France - req. n/ 13324/04.

Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 (droit à un procès équitable) de laConvention européenne des droits de l’homme, du fait de la présence du commissaire dugouvernement au délibéré, conformément à ses arrêts de grande chambre, Kress c. France,du 7 juin 2006 - req. n/ 39594/98 et Martinie c. France, du 12 avril 2006 - req. n/ 58675/00, etau rejet des autres griefs.

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DÉCISIONS SUR LA RECEVABILITÉ

Isabelle Coutant c. France

24 janvier 2008- req. n/ 17155/03 -

- Irrecevabilité pour défaut manifeste de fondement -

T Faits :

La requérante fut l’avocate de Mohamed Chalabi, l’un des principaux prévenus du procès dit« Chalabi » qui s’est tenu du 1er au 27 septembre 1998 dans le gymnase de la maison d’arrêtde Fleury-Mérogis transformé en salle d’audience. Dans cette affaire, 138 personnes avaientété renvoyées devant le tribunal correctionnel de Paris pour association de malfaiteurs en vuede commettre des actes de terrorisme.

L’organisation de ce procès fut vivement critiquée, par l’ordre des avocats de Paris notamment,qui dénonça “l’organisation d’un procès de masse, paraissant incompatible avec le respect desdroits de la défense”. De nombreux avocats quittèrent définitivement la salle d’audience.Le 8 septembre 1998, la requérante publia un communiqué de presse qui fut partiellementrepris par une dépêche de l’Agence France-presse.

Considérant qu’une partie de ces propos étaient diffamatoires, le ministre de l’Intérieur déposaplainte pour diffamation publique envers une administration publique sur le fondement del’article 48 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Faisant valoir sa qualité d’avocate et de prévenue, la requérante allégua que l’immunité prévuepar l’article 41 de la loi sur la liberté de la presse devait être étendue aux propos issus ducommuniqué de presse, lequel, selon elle, « s’inscrivait dans le cadre de la polémique politique

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et du débat d’idées admis par la jurisprudence de la Cour ». Elle alléguait en outre, qu’en tantqu’avocate, elle avait le devoir de « dénoncer les pratiques contraires à la Convention ».

Le tribunal correctionnel de Paris jugea que les propos litigieux n’étaient pas couverts parl’immunité et déclara la requérante coupable de diffamation publique envers une administrationpublique. Elle fut condamnée à une amende de 30 000 francs et au versement d’un francsymbolique au ministère de l’Intérieur. Le tribunal ordonna également la publication d’uncommuniqué, dans 3 journaux au choix de la partie civile, annonçant la condamnation de larequérante.

Invoquant le droit à la liberté d’expression tel que prévu par l’article 10 de la Convention, larequérante interjeta appel du jugement.Le 21 juin 2001, la Cour d’appel de Paris confirma la culpabilité de la requérante mais ramenala peine d’amende à 10 000 francs.La requérante se pourvut en cassation mais son pourvoi fut rejeté par un arrêt du 3 décembre2002.

T Griefs :

Invoquant l’article 10 de la Convention, la requérante se plaignait de ce que sa condamnationpénale fondée sur la loi de 1881 sur la liberté de la presse emportait violation de son droit à laliberté d’expression.

T Décision :

La Cour constate que la condamnation pénale de la requérante constitue une ingérence dansson droit à la liberté d’expression.Elle estime que cette ingérence était « prévue par la loi », à savoir les articles 29 alinéa 1 et 30de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, et qu’elle poursuivait le but légitime de protectionde la réputation d’autrui, en l’espèce, celle des services de police chargés de la lutte contre leterrorisme.

Sur le point de savoir si cette ingérence était « nécessaire dans une société démocratique »,la Cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle doit “considérer l’ingérence litigieuse à la lumière del’ensemble de l’affaire pour déterminer si les motifs invoqués par les autorités nationales (...)apparaissent « pertinents et suffisants » et si elle était « proportionnée au but poursuivi »”.Elle précise, en outre, qu’une attention particulière doit être portée à la teneur des proposreprochés à la requérante et au contexte dans lequel ils ont été prononcés, à savoir la luttecontre le terrorisme.

La Cour prend note des critiques émanant d’organisations oeuvrant dans le domaine des droitsde l’homme et du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris. Elle relève néanmoins que larequérante a choisi de s’exprimer par la voie d’un communiqué de presse alors qu’aucunélément du dossier ne démontre qu’il s’agissait, pour elle, de l’unique moyen de faire valoir lesmoyens de défense qu’elle entendait présenter. La Cour souligne qu’au contraire, la requéranten’a présenté aucun moyen de nullité lors de l’instruction et que dans le communiqué, elledépasse le stricte cadre de la défense de son client et se livre à “un réquisitoire général contreles méthodes des services policiers et judiciaires impliqués dans la lutte contre le terrorisme”.

Les juges de Strasbourg estiment donc que les propos tenus par la requérante ne constituentpas une défense au sens procédural et que cette dernière ne pouvait donc prétendre àl’immunité. Ils soulignent au surplus que ce constat s’accorde précisément, a contrario, avec

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14 Req. n/ 31611/96

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l’arrêt CEDH, Nikula c. Finlande 14 du 21 mars 2002, dans lequel la Cour avait conclu à laviolation du droit à la liberté d’expression d’une avocate, car les critiques de celle-ci à l’égardd’un procureur “n’étaient pas sortis de la salle d’audience” et “portaient uniquement sur lamanière dont il s’était acquitté de ses fonctions dans l’affaire dirigée contre le client del’avocate”.

La Cour estime que certaines expressions de la requérante dépassent les limites requises parle bon déroulement de débat d’idées. Elle souligne que “le caractère excessif et l’absence debase factuelle des propos litigieux sont aggravés par le fait qu’ils émanent d’une avocate” etestime que la requérante n’a pas fait preuve de la mesure et de la dignité requises desreprésentants de cette profession.

La Cour considère ainsi que la sanction pénale infligée à la requérante était légitime, que mêmesi le montant de l’amende n’est pas négligeable, il n’est pas non plus excessif et ajoute quecette sanction « modérée » n’a eu aucune répercussion sur l’activité professionnelle de larequérante.

La sanction infligée à la requérante n’apparaissant dès lors pas disproportionnée, le grief de larequérante est manifestement mal fondé. La Cour déclare, à l’unanimité, la requête irrecevableen application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

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Imbert de Tremiolles c. France

4 janvier 2008- req. n/ 25834/05 et 27815/05 -

- Irrecevabilité pour défaut manifeste de fondement -

T Faits :

Les requérants ont été assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) conformément aucode général des impôts, au titre des années 1997 et 2002.Ils acquittèrent 703 819 francs (107 296,51 euros) pour l’ISF au titre de l’année 1997 et 147 776euros pour 2002, cotisations qui s’ajoutèrent aux différentes charges fiscales portant l’ensembledes prélèvements à 1 061 219 francs (161 781,79 euros) pour 1997 et 334 165 euros pourl’année 2002. Le foyer fiscal disposait de revenus nets imposables n’excédant pas 787 938francs (120 120,37 euros) en 1997 et 365 697 euros en 2002.Considérant que l’ISF contribuait à rendre insupportables et confiscatoires les obligations dufoyer fiscal, les requérants contestèrent la légalité des modalités suivant lesquelles l’ISF avaitété mis à leur charge. Ils présentèrent une déclaration préalable au directeur des servicesfiscaux de la Manche tant en 1997 qu’en 2002. Invoquant l’article 13 de la Déclaration desDroits de l’Homme et du Citoyen et l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention,les requérants estimaient que l’ISF majoré de l’ensemble des autres prélèvements engageaitleur capacité contributive au-delà des revenus tirés de leur patrimoine.Le Service des impôts rejeta, pour les deux années, leur réclamation.Les requérants saisirent le tribunal de grande instance de Cherbourg, lequel les débouta deleurs demandes.Par un arrêt en date du 12 novembre 2002, la Cour d’appel de Caen rejeta leur appel et

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confirma le jugement de première instance.Les requérants se pourvurent en cassation. Par un arrêt en date du 25 janvier 2005, la Cour decassation valida l’arrêt de la Cour d’appel.Ils n’interjetèrent pas appel du jugement de première instance du 21 février 2005, le tribunals’étant prononcé en termes identiques à la décision de la Cour de cassation.

T Griefs :

Invoquant l’article 1er du Protocole n/ 1 à la Convention, les requérants estimaient que lescotisations d’impôt acquittées au titre des années 1997 et 2002 avaient porté atteinte au droitau respect de leurs biens.

T Décision :

La Cour rappelle que l’imposition fiscale constitue une ingérence qui se justifie conformémentà l’alinéa 2 de l’article 1er du Protocole n/ 1 à la Convention.Elle précise que la question du paiement des impôts n’échappe pas pour autant à son contrôle.Elle estime en effet que “l’obligation financière née du prélèvement d’impôts ou de contributionspeut léser la garantie consacrée par cette disposition si elle impose à la personne ou à l’entitéen cause une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à leur situation financière”.

Soulignant que les Etats contractants jouissent d’une large marge d’appréciation dans la miseen oeuvre des politiques en matière fiscale et précisant que “la Cour respecte l’appréciationportée par le législateur en pareilles matières, sauf si elle est dépourvue de base raisonnable”,elle se livre à l’examen de la situation litigieuse.

S’agissant de la légalité de la mesure :

La Cour note que l’ISF a été institué par la loi de finances du 23 décembre 1988 afin de financerune partie du revenu minimum d’insertion.

Quant à l’exigence de proportionnalité entre l’ingérence dans le droit au respect des biens desrequérants et les buts d’intérêts général poursuivis :

La Cour estime que les modalités d’application de la législation en cause relèvent de la marged’appréciation reconnu à l’Etat dans ce domaine. Elle souligne, d’une part, que le code général des impôts prévoit un dispositif de plafonnement“pour éviter aux redevables de l’ISF d’être victimes d’une captation fiscale supérieure à leursrevenus” et d’autre part, que les juridictions internes ont procédé à une appréciation in concretode la situation des requérants.

La Cour “n’estime pas que le paiement de l’imposition en question a porté une atteinte telle àla situation financière des requérants que l’on pourrait estimer qu’il s’agissait d’une mesuredisproportionnée ou d’un abus du droit de percevoir des impôts et d’autres contributions, droitreconnu à l’Etat par l’article 1er du Protocole n/ 1”.

Elle déclare les requêtes irrecevables pour défaut manifeste de fondement en application del’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

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LISTE DES ARRÊTS ET DÉCISIONS CI-DESSUS COMMENTÉS, CLASSÉS PAR ARTICLES DE LA CONVENTION

Article 3 : INTERDICTION DES TRAITEMENTS INHUMAINS OU DÉGRADANTS

- CEDH, Saadi c. Italie, (Grande chambre), req. n/ 37201/06, 28 février 2008, p. 22.- CEDH, Dorokhov c. Russie, req. n/ 66802/01,14 février 2008, p. 33.- CEDH, Kafkaris c. Chypre, (Grande chambre), req. n/ 21906/04, 12 février 2008, p. 35.- CEDH, Milan c. France, req. n/ 7549/03, 24 janvier 2008, p. 43.

Article 5 § 1 : DROIT A LA LIBERTÉ ET A LA SÛRETÉ

- CEDH, Kafkaris c. Chypre, (Grande chambre), req. n/ 21906/04, 12 février 2008, p. 35.- CEDH, Saadi c. Royaume-Uni, (Grande chambre), req. n/ 13229/03, 29 janvier 2008, p. 41.

Article 5 § 2 : DROIT POUR UNE PERSONNE ARRÊTÉE D’E TRE INFORMÉE DESRAISONS DE SON ARRESTATION

- CEDH, Saadi c. Royaume-Uni, (Grande chambre), req. n/ 13229/03, 29 janvier 2008, p. 41.

Article 6 § 1 : DROIT A UN PROCÈS EQUITABLE

- CEDH, Ravon et autres c. France, req. n/ 18497/03, 21 février 2008, p. 26.- CEDH, Arvanitaki-Roboti et autres c. Grèce, (Grande chambre), req. n/ 27278/03 ;Kakamoukas et autres c. Grèce, req. n/ 38311/02, 15 février 2008, p. 27.- CEDH, Dorokhov c. Russie, req. n/ 66802/01,14 février 2008, p. 33.- CEDH, Ramanauskas c. Lituanie, (Grande chambre), req. n/ 74420/01, 5 février 2008, p. 39.

Article 7 : PAS DE PEINE SANS LOI

- CEDH, Kafkaris c. Chypre, (Grande chambre), req. n/ 21906/04, 12 février 2008, p. 35.

Article 8 : DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FA MILIALE

- CEDH, Hadri-Vionnet c. Suisse, req. n/ 55525/00, 14 février 2008, p. 30.- CEDH, E.B c. France, req. n/43546/02, 22 janvier 2008, p. 44.- CEDH, Kearns c.France, req. n/ 35991/04, 10 janvier 2008, p. 47.

Article 9 : DROIT A LA LIBERTÉ DE PENSÉE, DE CONSCI ENCE ET DE RELIGION

- CEDH, Alexandridis c. Grèce, req. n/ 19516/06, 21 février 2008, p. 24.

Article 10 : LIBERTÉ D’EXPRESSION

- CEDH, July et SARL Libération c. France, req. n/ 20893/03, 14 février 2008, p. 31.- CEDH, Isabelle Coutant c. France, req. n/ 17155/03, 24 janvier 2008 (décision), p. 53.- CEDH, Saygili et autres c. Turquie, req. n/ 19353/03, 8 janvier 2008, p. 50.

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Article 13 : DROIT A UN RECOURS EFFECTIF

- CEDH, Alexandridis c. Grèce, req. n/ 19516/06, 21 février 2008, p. 24.- CEDH, Milan c. France, req. n/ 7549/03, 24 janvier 2008, p. 43.

Article 14 : INTERDICTION DE DISCRIMINATION

- CEDH, Kafkaris c. Chypre, (Grande chambre), req. n/ 21906/04, 12 février 2008, p. 35.- CEDH, E.B c. France, req. n/ 43546/02, 22 janvier 2008, p. 44.

Article 1 er du Protocole additionnel n //// 1 : DROIT AU RESPECT DES BIENS

- CEDH, Imbert de Tremiolles c. France, req. n/ 25834/05 et 27815/05, 4 janvier 2008,(décision), p. 55.

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15 Les arrêts de la CJCE et du TPICE sont disponibles sur le site : http://curia.europa.eu/fr

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COUR DE JUSTICE ET

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES 15

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16 arrêt du 18 septembre 1995,SIDE/Commission (T-49/93, Rec. p. II-2501)

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ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE ET DU TRIBUNAL DE PREM IÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Aides d’Etat

Centre d’exportation du livre français (CELF), Mini stre de la Culture et de la Communication c. Société internationale

de diffusion et d’édition (SIDE)

Cour Grande chambre12 février 2008

- affaire C-199/06 -

« Aides d’État - Article 88, paragraphe 3, CE - Juridictions nationales - Récupération d’aidesillégalement mises à exécution - Aides déclarées compatibles avec le marché commun »

T Faits :

Le CELF, société anonyme coopérative, exerce une activité de commissionnaire à l’exportation.Ses statuts, réaffirmées dans des conventions conclues avec le ministère de la Culture et dela Communication français, lui attribue pour mission de traiter des commandes de livres et desupports de communication vers l’étranger et les DOM-TOM, dans un objectif de promotion dela culture française. De 1980 à 2002, cet organisme a bénéficié de subventions d’exploitationaccordées par l’État français.

Procédures communautaires :

A la demande de la SIDE (concurrente du CELF), la Commission établit en 1993 l’absence denotification des aides accordées au CELF. Toutefois, la commission accorda la dérogationprévue à l’article 92 § 3 sous d) (devenu article 87 § 3 d) du Traité CE, compte tenu de lasituation particulière de la concurrence dans le secteur du livre et du but culturel des régimesd’aides en cause. Le Tribunal de première instance des Communautés européennes, sursaisine de la SIDE annula cette première décision de la Commission 16 au motif qu’elle auraitdû engager la procédure contradictoire prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité CE.Cette décision fut suivie d’une procédure formelle ouverte par la Commission par cette dernièreconfirma la décision annulée.

Deux recours en annulation furent introduits contre cette décision. Le premier, introduit devantla Cour par la République française a été rejeté. Le second, introduit devant le Tribunal depremière instance par la SIDE, a été accueilli par arrêt du 28 février 2002, SIDE/Commission(T-155/98, Rec. p. II-1179).

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Le TPI a alors retenu une erreur manifeste d’appréciation dans la définition du marché pertinent,et a annulé la décision de la Commission en tant qu’elle déclarait les aides compatibles avecle marché commun. Mais, une nouvelle fois, la Commission réaffirma sa position initiale. Unnouveau recours en annulation fut introduit par la SIDE et est actuellement pendante devantle TPI (affaire T-348/04).

Procédures françaises :

À la suite de l’arrêt du 18 septembre 1995, SIDE/Commission, précité, la SIDE demanda auministre de la Culture et de la Communication qu’il fût mis fin au versement de l’aide octroyéeau CELF et la restitution du montant des aides déjà versées. Elle attaqua la décision de refusdu ministre devant le juge administratif. Par arrêt du 5 octobre 2004, la cour administrative d’appel de Paris confirma le jugemententrepris et enjoignit à l’État français de procéder à la mise en recouvrement des sommesversées au CELF au titre du traitement des petites commandes de livres effectuées par deslibraires établis à l’étranger, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt,sous peine d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Le Conseil d’Etat, saisi en cassation, décida de surseoir à statuer pour saisir la CJCE de laquestion préjudicielle détaillée ci-dessous.

T Droit communautaire en cause et question préjudicie lle :

La demande de décision préjudicielle a été introduite par le Conseil d’État (France), par décisiondu 29 mars 2006.

Deux questions sont posées au juge communautaire : « - l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE doit-il être interprété en ce sens que le jugenational est tenu d’ordonner la récupération d’une aide mise à exécution en méconnaissance decette disposition, lorsque la Commission a adopté une décision finale constatant la compatibilitéde ladite aide avec le marché commun au sens de l’article 87 CE?

- dans une telle situation procédurale l’obligation, résultant de l’article 88, paragraphe 3, dernièrephrase, CE, de remédier aux effets de l’illégalité d’une aide s’étend-elle également, aux fins ducalcul des sommes à acquitter par le bénéficiaire, à la période écoulée entre une décision de laCommission constatant la compatibilité de cette aide avec le marché commun et l’annulation deladite décision par le juge communautaire ? »

T Décision :

Sur la première question :

Il convient de rappeler que l’article 88, paragraphe 3, première phrase, CE édicte, à la chargedes États membres, une obligation de notification des projets tendant à instituer ou à modifierdes aides. L’article 88 § 3 CE, institue un contrôle préventif des projets d’aides nouvelles.

Conformément à l’article 88, paragraphe 3, deuxième phrase, CE, si la Commission estime quele projet notifié n’est pas compatible avec le marché commun au sens de l’article 87 CE, elleouvre sans délai la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Ce n’est pas le cas enl’espèce, puisqu’une décision de compatibilité a été prise au final par la Commission.

Dans une situation telle que celle du litige au principal, où une demande fondée sur l’article 88,paragraphe 3, dernière phrase, CE est examinée après que la Commission a adopté unedécision positive, le juge national, nonobstant la constatation de la compatibilité avec le marchécommun de l’aide en cause, doit statuer sur la validité des actes d’exécution et sur le

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17 arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39/94, Rec. p. I-3547, point 70

18 arrêt du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5/89, Rec. p. I-3437, point 16

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recouvrement des soutiens financiers accordés.

En effet, selon la Cour, la décision finale de la Commission n’a pas pour conséquence derégulariser, a posteriori, les actes d’exécution qui étaient invalides du fait qu’ils avaient été prisen méconnaissance de l’interdiction visée par cet article. C’est pourquoi la Cour considère queles juridictions nationales doivent faire droit à une demande de remboursement des aidesversées en violation de l’article 88 § 3 CE 17.

Néanmoins, la Cour relève que des circonstances exceptionnelles peuvent justifier de ne pasexiger le remboursement 18. Dans le même sens, la Commission, en vertu de l’article 14,paragraphe 1, du règlement n/ 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalitésd’application de l’article 88 CE (JO L 83, p. 1), peut refuser d’exiger la récupération de l’aide “cefaisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire” (§ 44).

En l’espèce une demande fondée sur l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, est examinéeaprès l’adoption par la Commission d’une décision positive. Or le juge national, nonobstant laconstatation de la compatibilité avec le marché commun de l’aide en cause, doit statuer sur lavalidité des actes d’exécution et sur le recouvrement des soutiens financiers accordés durantcette période. Dans cette hypothèse la Cour considère que le droit communautaire impose au jugenational d’ordonner les mesures propres à remédier effectivement aux effets del’illégalité . “Cependant, même en l’absence de circonstances exceptionnelles, il ne lui imposepas une obligation de récupération intégrale de l’a ide illégale ” (§ 46). La Cour estime que dans ces circonstances le juge national est tenu d’ordonner aubénéficiaire de l’aide le paiement d’intérêts au ti tre de la période d’illégalité .

Sur la seconde question :

La Cour relève qu’en l’espèce deux périodes distinctes sont concernées : la première estcomprise entre les décisions prises par la Commission le 18 mai 1993 et l’arrêt du Tribunalayant prononcé son annulation le 18 septembre 1995 ; la seconde est comprise entre ladeuxième décision de la Commission du 10 juin 1998 et l’arrêt d’annulation rendu par leTribunal le 28 février 2002.

Deux règles sont alors en présence :- le principe de présomption de légalité des actes des institutions communautaires qui

implique que ceux-ci produisent des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas étéretirés ;

- la règle de l’article 231, alinéa premier, CE, en vertu duquel la décision d’annulationdu juge communautaire fait disparaître rétroactivement l’acte contesté à l’égard de tous lesjusticiables. Ces deux règles vont s’appliquer successivement. En effet, la Cour relève que la présomptionde légalité va s’appliquer aux “aides mises à exécution postérieurement à la décision positivede la Commission jusqu’à la décision d’annulation du juge communautaire” (§ 63), tandis quela rétroactivité de l’article 231, alinéa premier, CE conduit à considérer que “les aides en causesont réputées ne pas avoir été déclarées compatibles par la décision annulée, de sorte que leurmise à exécution doit être considérée comme illégale” (§ 63).

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19 voir, par analogie, arrêt Commission/Allemagne, précité, point 16, en ce qui concerne une décision finale négative de laCommission

20 arrêt du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C-169/95, Rec. p. I-135, point 53

21 arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-91/01, Rec. p. I-4355, point 66

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Toutefois, la Cour n’exclut pas la possibilité pour le bénéficiaire des aides illégalement misesà exécution d’invoquer des circonstances exceptionnelles pour s’opposer, après l’annulationd’une décision positive de la Commission, à leur remboursement 19. Cependant, selon la Cour,de telles circonstances ne peuvent être invoquées lorsque la décision a été contestée dans lesdélais de recours contentieux, puis annulée par la Cour 20. De même, la Cour estime que “tantque la Commission n’a pas pris une décision d’approbation, et même tant que le délai derecours à l’encontre d’une telle décision n’est pas écoulé, le bénéficiaire n’a pas de certitudequant à la légalité de l’aide envisagée, seule susceptible de faire naître chez lui une confiancelégitime” 21. En procédant par analogie la Cour conclut qu’en l’espèce, dans la mesure où unrecours en annulation a été introduit, le bénéficia ire ne peut nourrir la confiance légitimede la légalité de l’aide tant que le juge communaut aire ne s’est pas définitivementprononcé .Par conséquent, la Cour en déduit que l’obligation, résultant de l’article 88, paragraphe 3,dernière phrase, CE, “s’étend également aux fins du calcul des sommes à acquitter par lebénéficiaire, et sauf circonstances exceptionnelles, à la période écoulée entre une décision dela Commission constatant la compatibilité de cette aide avec le marché commun et l’annulationde ladite décision par le juge communautaire” (§ 69).

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Environnement et consommateurs

Paul Abraham e.a. c. Région wallonne e.a.

Cour(2ème chambre)28 février 2008

- Affaire C-2/07 -

« Directive 85/337/CC - Evaluation des incidences de projets sur l’environnement - Aéroport ayant une piste de décollage et d’atterrissage de plus de 2 100 mètres de long »

T Faits :

Depuis la restructuration de l’ancien aéroport militaire de Liège-Bierset et de son utilisation pardes sociétés de fret aérien à partir de 1996, les riverains de cet aéroport se plaignent desnuisances sonores. En effet, une convention, signée le 26 février 1996 entre la Régionwallonne, la Société de développement et de promotion de l’aéroport de Liège et T.N.T.Express Worldwide, a prévu des travaux de modifications d’infrastructures pour permettre uneutilisation 24 heures sur 24 et 325 jours par an de l’aéroport. Les pistes de décollage etd’atterrissage ont été élargies. Leur longueur, en revanche, n’a pas été modifiée.

T Droit communautaire en cause et questions préjudici elles :

Le litige devant la juridiction belge se situe sur le terrain de la responsabilité. C’est dans cecadre que la Cour de cassation belge à décidé de poser à la Cour des questions concernantl’interprétation de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, sur l’évaluation decertains projets publics et privés sur l’environnement dans sa rédaction antérieure à celle issuede la directive 97/11/CE du 3 mars 1997, et notamment du point 7 de son annexe I et du point12 de son annexe II :

« 1) Une convention liant les pouvoirs publics et une entreprise privée, signée dans le butd’amener cette entreprise à s’installer sur le site d’un aéroport muni d’une piste [de décollage etd’atterrissage] d’une longueur de plus de 2 100 mètres, comportant la description précise destravaux d’infrastructure qui seront réalisés relativement à l’aménagement de ladite piste, sans quecelle-ci soit allongée, et à la construction d’une tour de contrôle en vue de permettre le vold’avions gros porteurs 24 heures par jour et 365 jours par an, et qui prévoit des vols tantnocturnes que diurnes à partir de l’installation de cette entreprise, constitue-t-elle un projet ausens de la directive 85/337 [...], telle qu’elle était d’application avant sa modification par ladirective 97/11 [...] ?

2) Les travaux de modification apportés à l’infrastructure d’un aéroport existant en vue del’adapter à une augmentation projetée du nombre de vols nocturnes et diurnes, sans allongementde la piste [de décollage et d’atterrissage], correspondent-ils à la notion de projet, pour lequel uneétude d’incidences s’impose au sens des articles 1er, 2 et 4 de la directive 85/337 [...], telle qu’elleétait d’application avant sa modification par la directive 97/11 [...] ?

3) L’augmentation projetée de l’activité d’un aéroport n’étant pas directement visée par lesannexes de la directive 85/337 [...], l’État membre doit-il néanmoins tenir compte de cetteaugmentation, lorsqu’il examine l’effet potentiel sur l’environnement des modifications apportéesaux infrastructures de cet aéroport en vue d’accueillir ce surcroît d’activité ? »

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22 Voir arrêt du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C-72/95

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T Décision :

Sur la première question :

La juridiction de renvoi demande si la convention de l’espèce constitue un « projet » au sensde la directive. Selon la Cour, le terme « projet » vise des travaux physiques. Par conséquent,une simple convention ne saurait être considérée comme étant un projet. Toutefois, il revientà la juridiction de renvoi de déterminer si une telle convention comporterait une autorisation ausens de la directive, à savoir “une décision de l’autorité compétente ouvrant au maître d’ouvragele droit de réaliser le projet en question” (§ 25).

Sur la deuxième question :

La juridiction demande en substance, si des travaux portant sur l’infrastructure d’un aéroportdéjà construit relèvent de la directive.La Cour a maintes fois relevé que le champ d’application de la directive “est étendu et sonobjectif très large” 22 (§ 32). Dès lors, la CJCE dit pour droit : “Les dispositions du point 12 de l’annexe II lues encombinaison avec celles du point 7 de l’annexe I de la directive 85/337, dans leur rédactiond’origine, visent également les travaux de modification apportés à l’infrastructure d’un aéroportexistant sans allongement de la piste de décollage et d’atterrissage dès lors qu’ils peuvent êtreregardés, notamment par leur nature, leur importance et leurs caractéristiques, comme unemodification de l’aéroport lui-même. Il en va notamment ainsi des travaux destinés à augmenterde manière significative l’activité de l’aéroport et le trafic aérien.Il appartient à la juridiction de renvoi de s’assurer que les autorités compétentes ontcorrectement apprécié si les travaux en cause dans le litige au principal devaient être soumisà une évaluation de leur incidence sur l’environnement”.

Sur la troisième question :

La Cour précise que si les Etats membres bénéficient d’une certaine marge d’appréciation pourdéterminer si les projets en question doivent faire l’objet d’une évaluation, il n’en demeure pasmoins qu’il existe une obligation “de soumettre à une étude d’incidences les projets susceptiblesd’avoir des incidences sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leursdimensions ou de leur localisation” (§ 42). La directive met en avant une appréciation globaledes incidences. Il serait donc réducteur de ne prendre en considération que les effets directsdes travaux envisagés, “sans tenir compte des incidences sur l’environnement susceptiblesd’être provoqués par l’utilisation et l’exploitation des ouvrages issus de ces travaux” (§ 43).La CJCE dit pour droit : “Les autorités compétentes doivent tenir compte de l’augmentationprojetée de l’activité d’un aéroport lorsqu’elles examinent l’effet sur l’environnement desmodifications apportées à ses infrastructures en vue d’accueillir ce surcroît d’activité”.

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23 arrêts du 14 juillet 1994, Webb, C-32/93, Rec. p. I-3567, point 21; Brown, précité, point 18 ; du 4 octobre 2001, Tele Danmark,C-109/00, Rec. p. I-6993, point 26 ; McKenna, précité, point 48, et Paquay, précité, point 30

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Politique sociale

Sabine Mayr c. Bäckerei und Konditorei Gerhard Flöc kner OHG

Cour Grande chambre26 février 2008

- Affaire C-506/06 -

« Politique sociale - Directive 92/85/CEE - Mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail -

Notion de “travailleuse enceinte” - Interdiction du licenciement des travailleuses enceintes pendant la période allant du début de leur grossesse jusqu’au terme du congé de maternité - Travailleuse

licenciée alors que ses ovules ont été, à la date du prononcé du licenciement, fécondés in vitro, maisnon encore transférés dans son utérus - Directive 76/207/CEE - Égalité de traitement entre

travailleurs masculins et travailleurs féminins - Travailleuse soumise à un traitement de fécondation in vitro - Interdiction de licenciement - Portée »

T Faits :

Dans la présente affaire, une femme avait eu recours à un processus de procréationmédicalement assistée. Alors que les embryons n’avaient pas encore été implantés, sesemployeurs lui notifièrent son licenciement.

T Droit communautaire en cause :

Le tribunal autrichien saisit la Cour d’une question préjudicielle relative à la portée del’expression « travailleuse enceinte » de l’article 2, sous a), de la directive 92/85/CEE, enparticulier pour préciser si, lorsque l’entreprise a licencié l’intéressée, celle-ci pouvait êtreconsidérée comme étant enceinte, et donc protégée par cette disposition communautaire.

Plus précisément, il s’agit pour la Cour de déterminer le moment auquel débute la grossesseaux fins de la directive en cause.

T Décision :

La Cour recherche au regard des objectifs poursuivis par la directive s’il convient d’étendre aucas d’espèce la protection édictée contre le licenciement.Elle rappelle dans un premier temps les objectifs poursuivis par la directive 92/85, soitl’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes avant et aprèsl’accouchement. Plus précisément, il faut considérer le risque qu’un éventuel licenciement faitpeser sur la situation physique et psychique des travailleuse enceintes. C’est pourquoi l’article10 de la directive 92/85 prévoit une protection particulière en interdisant le licenciement d’unefemme “pendant la période allant du début de la grossesse jusqu’au terme du congé dematernité” 23 (§ 34). Aucune exception à cet article n’est prévue.

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La Cour constate ensuite que pour bénéficier de la protection de l’article 10 de la directive 92/85la grossesse doit avoir commencé. Afin de définir la date à laquelle la grossesse a débuté, laCour retient la date la plus précoce. S’agissant, comme en l’espèce, d’une fécondation in vitro,la Cour retient la date de transfert des ovules fécondés dans l’utérus de la femme.

Mais la Cour relève qu’en l’espèce le transfert des ovules fécondés in vitro dans l’utérus deMme Mayr n’a pas encore été réalisé. La Cour reprend alors la solution de l’Avocat généralselon lequel une employée traitée pour une fécondation in vitro n’est pas une « travailleuseenceinte » si, lorsque son licenciement lui a été notifié, ses ovocytes avaient été fécondés dansun laboratoire, mais n’avaient pas été implantés dans son utérus. Dés lors, la Cour conclut àl’inapplicabilité de la directive 92/85 à la situation en cause au principal.

Toutefois, la Cour reprend à nouveau les conclusions de l’Avocat général et considère qu’àdéfaut d’application de la directive 92/85, il pourrait être fait application de la directive 76/207sur la protection contre la discrimination fondée sur le sexe. En effet, en vertu du principe denon discrimination, une protection contre le licenciement doit être reconnue à la femme pendantle congé de maternité mais également pendant toute la durée de la grossesse. Ainsi, unlicenciement fondé essentiellement sur un état de grossesse, ne peut concerner que lesfemmes et constitue alors une discrimination directe fondée sur le sexe. Par analogie la Courestime que le licenciement d’une travailleuse, fondé essentiellement sur le fait du traitement defécondation in vitro et, notamment, sur les interventions spécifiques liées à ce traitement, seraitégalement contraire à l’objectif de protection que poursuit l’article 2, paragraphe 3, de ladirective 76/207.La décision de renvoi ne précisant pas les raisons pour lesquelles Flöckner a licencié MmeMayr, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer les circonstances pertinentes du litigedont elle est saisie et, dans la mesure où le licenciement de la requérante au principal estintervenu alors que celle-ci se trouvait en congé de maladie pour se soumettre à un traitementde fécondation in vitro, de vérifier si un tel licenciement est fondé essentiellement sur le faitqu’elle se soumettait à un tel traitement.

La Cour en conlut que “les articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive 76/207s’opposent au licenciement d’une travailleuse qui, dans des circonstances telles que celles auprincipal, se trouve à un stade avancé d’un traitement de fécondation in vitro, à savoir entre laponction folliculaire et le transfert immédiat des ovules fécondés in vitro dans l’utérus de cettetravailleuse, pour autant qu’il est démontré que ce licenciement est fondé essentiellement surle fait que l’intéressée a subi un tel traitement” (§ 52).

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Josefa Velasco Navarro c. Fondo de Garantia Salaria l

Cour(4ème chambre)17 janvier 2008

- C-246/06 -

« Politique sociale - Protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur - Directive80/987/CEE modifiée par la directive 2002/74/CE - Effet direct - Indemnité pour licenciement irrégulier

convenue lors d’une conciliation judiciaire - Paiement assuré par l’institution de garantie - Paiementsubordonné à l’adoption d’une décision judiciaire »

T Faits :

La requérante, Mme Velasco Navarro, a été employée par la société Camisas Leica SL entrele 28 mai 1998 et le 27 décembre 2007, date à laquelle cette société l’a licenciée. Cetteentreprise, a reconnu le caractère irrégulier du licenciement et s’est engagée, via un accord deconciliation, à verser à la requérante une indemnité de licenciement et les « salarios detramitacion » (salaires durant la procédure) prévus à l’article 56 du statut des travailleurs.

Suite à un jugement d’insolvabilité provisoire de la société rendu en date du 5 mars 2003, larequérante a demandé au Fondo de garantia salarial (Fogasa) le paiement de l’indemnité dûeet des « salarios de tramitacion ». Ce fonds de garantie a accepté de verser à la demanderesseles « salarios de tramitacion ». En revanche, il a refusé de lui verser l’indemnité de licenciementau motif que celle-ci n’a pas été reconnue par un jugement comme le prévoit le statut destravailleurs en son article 33 § 2.

T Droit communautaire en cause et questions préjudici elles :

La juridiction nationale estime que cette législation est contraire au principe communautaired’égalité. Néanmoins, ladite juridiction se demande si la directive 80/987/CEE du Conseil, du20 octobre 1980 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité del’employeur, telle que modifiée par la directive 2002/74/CE du 23 septembre 2002 trouve às’appliquer en l’espèce. En effet, le jugement d’insolvabilité bien que postérieur à la dated’entrée en vigueur de la directive, à savoir le 8 octobre 2002, était antérieur à l’expiration dudélai de transposition de la directive, soit le 8 octobre 2005.Le Juzgado de lo Social Unico de Algeciras a donc décidé de poser à la Cour les questionssuivantes :

« 1) Dès lors que la juridiction de renvoi a constaté que la législation interne, en raison de sescarences, n’était pas conforme, à la date du 8 octobre 2005, à la directive 2002/74 et à soninterprétation par la Cour, au regard du principe communautaire d’égalité, consacré parl’ordonnance [Guerrero Pecino, précitée], convient-il de considérer que cette directive a un effetdirect et s’impose au Fogasa, l’institution de garantie de l’État, à partir du jour suivant, à savoirà partir du 9 octobre 2005 ?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, convient-il également d’appliquerdirectement la directive 2002/74, eu égard à son caractère plus avantageux pour le travailleur etmoins avantageux pour l’État manquant à ses obligations, en cas d’insolvabilité intervenue - aprèsune conciliation judiciaire non prévue par la législation interne incomplète - entre la date d’entréeen vigueur de la directive, le 8 octobre 2002, et la date limite, à savoir le 8 octobre 2005, àlaquelle l’État espagnol devait mettre en vigueur les dispositions légales, réglementaires et

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24 Voir arrêt du 12 décembre 2002, Rodriguez Caballero, C-442/00,

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administratives nécessaires pour se conformer à ladite directive ? »

T Décision :

Sur l’effet direct de la directive 80/987 :

La Cour rappelle qu’une directive ne peut avoir un effet direct qu’après l’expiration du délai detransposition, soit le 8 octobre 2005 en l’espèce. Ainsi, en l’absence de transposition en droitinterne au 8 octobre 2005 de la directive, “l’éventuel effet direct [de la directive] ne pourrait êtreinvoqué, à compter du 8 octobre 2005, qu’en relation avec un état d’insolvabilité intervenu aprèscette date, ce qui n’est pas le cas dans l’affaire au principal” (§ 27).

Sur la violation du principe d’égalité :

La Cour s’est octroyée la possibilité de préciser cette question, bien que non poséeexpressément par la juridiction de renvoi, au motif que “lorsqu’une réglementation nationaleentre dans le champ d’application du droit communautaire, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doitfournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale,de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont la Cour assure lerespect” (§ 31). En effet, la législation espagnole est soumise au respect des principesgénéraux du droit communautaire parmi lesquels figure le principe général d’égalité et de non-discrimination. Selon ces principes, des situations comparables ne sauraient être traitéesdifféremment à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée 24. A ce sujet, la Coura déjà jugé que “les travailleurs licenciés irrégulièrement se trouvent dans une situationcomparable pour autant qu’ils ont droit à une indemnité en cas de non-intégration” (§ 36). Or,en l’espèce, le gouvernement n’a pu fournir d’argument convaincant justifiant la différence detraitement entre le versement des indemnités issu d’un jugement et celui issu d’une procédurede conciliation.La Cour en conclut que “lorsque la réglementation nationale relève du cham p d’applicationde la directive 80/987, le juge national est tenu, s’agissant d’un état d’insolvabilitéintervenu entre la date d’entrée en vigueur de la d irective 2002/74 et la date d’expirationdu délai de transposition de celle-ci, de garantir une application de cette réglementationnationale conforme au principe de non-discriminatio n, tel que reconnu par l’ordrejuridique communautaire” (§ 39).

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Propriété intellectuelle

Productores de Música de España (Promusicae) c. Tel efónica de España SAU

Cour Grande chambre29 janvier 2008

- C-275/06 -

« Société de l’information - Obligations des fournisseurs de services - Conservation et divulgation de certaines données relatives au trafic - Obligation de divulgation - Limites - Protection de laconfidentialité des communications électroniques - Compatibilité avec la protection du droit d’auteur et des droits voisins - Droit à une protection effective de la propriété intellectuelle »

T Faits :

Promusicae est une association sans but lucratif regroupant des producteurs et des éditeursd’enregistrements musicaux et audiovisuels. Cette association a saisi les tribunaux espagnolsaux fins de voir ordonner à Telefonica de révéler l’identité et l’adresse physique de ses clientsqui utilisent le programme d’échange d’archives (dit « peer to peer » ou « P2P») dénomméKAZAA. Ce programme permet l’accès, dans le répertoire partagé des ordinateurs personnels,à des phonogrammes dont les droits patrimoniaux d’exploitation appartiennent aux associésde Promusicae.La demande de Promusicae vise à obtenir la communication de ces informations, afin depouvoir engager des procédure civiles contre les intéressés.

T Question préjudicielle et droit communautaire en ca use :

Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si le droit communautaire etspécialement les directives 2000/31, 2001/29 et 2004/48, lues aussi à la lumière des articles17 ainsi que 47 de la charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent aux Étatsmembres de prévoir, en vue d’assurer la protection effective du droit d’auteur, l’obligation decommuniquer des données à caractère personnel dans le cadre d’une procédure civile.

T Droit communautaire en cause :

- Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certainsaspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerceélectronique, dans le marché intérieur. - Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, surl’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société del’information.- Directive 2004/48/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative aurespects des droits de propriété intellectuelle.- Directive 2002/58/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernantle traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteurdes communications électroniques.

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25 Voir, concernant les droits d’auteur : arrêt du 12 septembre 2006, Laserdisken, C-479/04, rec. p. I-8089, point 65

26 Voir, sur le droit à un recours effectif : arrêt du 12 juillet 2005 Alliance for Natural Health e.a., C-154/04 et C-155/04, point 126,et arrêt du 13 mars 2007, Unibet, C-432/05, rec. p. I-2271, point 37

27 Voir arrêt du 6 novembre 2003, Lindqvist, C-101/01, point 87, et arrêt du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones etgermanophone e.a., C-305/05, point 28.

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- Articles 17 § 2 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.

T Décision :

La Cour élargit les textes communautaires applicables à la directive 2002/58 estimant que “cettecommunication d’informations qui, selon Promusicae, sont stockées par Telefónica – ce quecette dernière ne conteste pas -, constitue un traitement de données à caractère personnel, ausens de l’article 2, premier alinéa, de la directive 2002/58, lu en combinaison avec l’article 2,sous b), de la directive 95/46”.Elle rappelle qu’aux termes de l’article 15 § 1 de la directive 2002/58, les Etats membrespeuvent prévoir des exceptions à l’obligation de principe de garantir la confidentialité desdonnées à caractère personnel (article 5 de la directive). Or, elle relève que ces exceptions nese rapportent pas pour autant à des situations appelant la mise en oeuvre de la procédurecivile, mais à des situations qui relèvent, soit de la sécurité nationale et de toute activité propresaux autorités étatiques, soit de la poursuite d’infractions pénales.

Toutefois, l’énumération des exceptions de l’article 15 § 1s’achève par une référence expresseà l’article 13 § 1 de la directive 95/46, selon laquelle, les Etats peuvent limiter l’obligation deconfidentialité afin de protéger les droits et libertés d’autrui. Ce faisant, la Cour en déduit quele législateur communautaire n’a pas voulu exclure du champ d’application des exceptions del’article 15 § 1 “la protection du droit de propriété ni des situations dans lesquelles les auteurscherchent à obtenir cette protection dans le cadre d’une procédure civile” (§ 53).

La Cour souligne que les exceptions énumérées par l’article 15 § 1 ne sont pas contraignantespour les Etats ce qui l’oblige à rechercher si une telle contrainte existe parmi les trois autresdirectives assurant la protection effective du droit d’auteur. Après l’examen des directives2000/31, 2001/29 et 2000/48, la Cour estime que le droit communautaire n’impose pas auxEtats membres “de prévoir dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, l’obligationde communiquer des données à caractère personnel en vue d’assurer la protection effectivedu droit d’auteur dans le cadre d’une procédure civile” (§ 71).Elle soulève ensuite la question de la conciliation nécessaire entre la protection de différentsdroits fondamentaux : d’une part, le droit au respect de la vie privée qui garantit la protectiondes données personnelles et, d’autre part, les articles 17 et 47 de la Charte des droitsfondamentaux relatifs à la protection du droit de propriété 25 - dont font partie les droits depropriété intellectuelle tels que les droits d’auteurs - et au droit à un recours effectif 26 quiconstituent des principes généraux du droit communautaire.

La Cour en conclut qu’il incombe aux Etats membres, lors de la transposition des directives,d’assurer un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux protégés par l’ordrejuridique communautaire. Puis, lors de la mise en oeuvre des mesures de transposition, ilrevient “aux autorités et aux juridictions des États membres non seulement d’interpréter leurdroit national d’une manière conforme aux dites directives, mais également de veiller à ne passe fonder sur une interprétation de celles-ci qui entrerait en conflit avec lesdits droitsfondamentaux ou avec les autres principes généraux du droit communautaire, tels que leprincipe de proportionnalité” 27 (§ 68).

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Rapprochement des législations

Héritiers de Paul Chevassus-Marche c. Groupe Danone , Société Kro beer brands SA (BKSA), Société Évian

eaux minérales d’Évian SA (SAEME)

Cour(1ère chambre)

17 janvier 2008

- affaire C-19/07 -

« Rapprochement des législations - Directive 86/653/CEE - Agents commerciaux indépendants - Droit à la commission d’un agent chargé d’un secteur géographique -

Opérations conclues sans intervention du commettant »

T Faits :

En 1987, M. Chevassus-Marche conclut un mandat exclusif de représentation des filiales dela Société BSN, devenue société Groupe Danone (société Brasseries Kronenbourg, devenueKro beer brands SA, et Évian eaux minérales d’Évian SA) auprès de la clientèle desimportateurs, des grossistes et des détaillants de leurs produits, pour un secteur géographiquedéterminé comprenant les îles de Mayotte et de la Réunion. A la suite de la résiliation de soncontrat, il demanda à la société Groupe Danone, ainsi qu’à ses filiales, le paiement de diversessommes, parmi lesquelles les commissions relatives à des achats effectués par deux sociétésimplantées dans son secteur géographique. La société rejeta ses demandes au motif que cesachats avaient été effectués en France métropolitaine, en dehors du contrôle de la sociétéGroupe Danone et de ses filiales et sans intervention de M. Chevassus-Marche. Le tribunal decommerce de Paris et la cour d’appel de Paris furent saisis en paiement des commissions etrejetèrent les actions de M. Chevassus-Marche qui forma un pourvoi devant la Cour decassation.

La Cour de cassation a saisi la CJCE d’une question préjudicielle relative à l’interprétation del’article 7 § 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, sur la coordinationdes droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants. Plus précisément, la Cour suprême française demande si « l’article 7, paragraphe 2, de ladirective (...) [doit] être interprété en ce sens qu’un agent commercial chargé d’un secteurgéographique déterminé a droit à une commission dans le cas où une opération commercialea été conclue entre un tiers et un client appartenant à ce secteur, sans que le mandantintervienne de façon directe ou indirecte dans cette opération ? » (§ 11).

T Droit communautaire en cause :

- L’article 7 § 2 de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à lacoordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants(JO L 382, p. 17) dispose que :

« Pour une opération conclue pendant la durée du contrat d’agence, l’agent commercial aégalement droit à la commission :

- soit lorsqu’il est chargé d’un secteur géographique ou d’un groupe de personnes

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28 Arrêt du 12 décembre 1996, Kontogeorgas, C-104/95, point 19.

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déterminées,- soit lorsqu’il jouit d’un droit d’exclusivité pour un secteur géographique ou un groupe depersonnes déterminées, et que l’opération a été conclue avec un client appartenant à cesecteur ou à ce groupe.

Les États membres doivent insérer dans leur loi l’une ou l’autre possibilité visée aux deux tiretsci-dessus ».

T Décision :

La Cour rappelle sa jurisprudence Kontogeorgas 28. Il y était question d’un commettant quicommercialisait lui-même ses marchandises auprès de clients appartenant à un secteurgéographique dont il avait confié la charge à un agent commercial. La Cour jugeait que l’article7 § 2 premier tiret devait être interprété en ce sens que “lorsqu’il est chargé d’un secteurgéographique, l’agent commercial a droit à la commission afférente aux opérations concluesavec des clients appartenant à ce secteur, même si elles l’ont été sans son intervention” (§ 14).Or, en l’espèce, les ventes avaient été conclues sans intervention de l’agent et, de surcroît,sans intervention du commettant. La Cour estime que l’article 7 § 2 de la directive doit être luen combinaison avec l’article 10 de ladite directive. En effet, l’article 10 susvisé détermine lesévénements qui font naître le droit de l’agent commercial à la commission. Ainsi ce droit naît“soit lorsque le commettant a ou aurait dû exécuter son obligation, soit lorsque le tiers au contratd’agence, c’est-à-dire le client, a ou aurait dû exécuter la sienne. Dans tous ces cas de figure,la présence du commettant dans les opérations au titre desquelles l’agent commercial peutprétendre à la commission est indispensable” (§ 19).En outre, en vertu de l’article 11 §§ 1 et 2 de la directive précitée, “le droit de l’agent commercialà la commission ne peut s’éteindre que si et dans la mesure où il est établi que le contrat entrele client et le commettant ne sera pas exécuté et l’inexécution n’est pas due à des circonstancesimputables au commettant” (§ 20).La Cour indique : “Il appartient à la juridiction nationale d’établir si les éléments dont elledispose, appréciés en tenant compte du souci de protection de l’agent commercial, qui constituel’un des objectifs de la directive (arrêts du 30 avril 1998, Bellone, C-215/97, Rec. p. I-2191, point13 ; du 9 novembre 2000, Ingmar, C-381/98, Rec. p. I-9305, point 20, et du 23 mars 2006,Honyvem Informazioni Commerciali, C-465/04, Rec. p. I-2879, point 19), ainsi que del’obligation de loyauté et de bonne foi, qui incombe au commettant en vertu de l’article 4 de ladirective, lui permettent ou non d’établir l’existence d’une telle intervention, que cetteintervention soit de nature juridique, par exemple par l’intermédiaire d’un représentant, oufactuelle.”

Par ces motifs, la Cour de Justice dit pour droit : “L’article 7, paragraphe 2, premier tiret, dela directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination desdroits des États membres concernant les agents comm erciaux indépendants, doit êtreinterprété en ce sens que l’agent commercial chargé d’un secteur géographiquedéterminé n’a pas droit à la commission pour les op érations conclues par des clientsappartenant à ce secteur avec un tiers en l’absence d’intervention, directe ou indirecte,du commettant ”.

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Recours en manquement d’Etat

Commission des Communautés européennes c. République française

Cour(3ème chambre)21 février 2008

- affaire C-201/06 -

« Manquement d’État - Produits phytopharmaceutiques - Importations parallèles - Procédured’autorisation de mise sur le marché - Conditions - Origine commune du produit

phytopharmaceutique importé parallèlement et du produit de référence »

T Requête de la commission :

La Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que laFrance a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE, en exigeant, auxfins de l’octroi d’une autorisation d’importation d’un produit phytopharmaceutique importéparallèlement, que le produit importé et celui déjà autorisé en France aient une originecommune.

T Droit communautaire en cause :

La directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché desproduits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), met en place des règles uniformes concernantles conditions et les procédures d’autorisation de mise sur le marché (ci-après l’«AMM») desproduits phytopharmaceutiques ainsi que de leur révision et de leur retrait.La directive définit les autorisations de mises sur le marché (article 2 point 10), les conditionsque doit remplir le produit pour pouvoir être autorisé (article 4) et détermine les auteurs de lademande d’autorisation (article 9 § 1). Cette demande d’autorisation obligatoire pour tous lesproduits phytopharmaceutiques introduits sur le territoire d’un Etat membre implique uneévaluation complète des propriétés du produit sauf, sous certaines conditions, et sauf exception,lorsque le produit est déjà autorisé dans un autre Etat membre (article 10 § 1). Toutefoisl’article 17, premier alinéa, de la directive 91/414 dispose :

« Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que les produitsphytopharmaceutiques mis sur le marché et leur utilisation soient contrôlés officiellement quantau respect des conditions prévues par la présente directive et, en particulier, des conditionsd’autorisation et d’indications figurant sur l’étiquette ».

T Décision :

En l’espèce, le recours en manquement soulève la question de savoir “si l’article 28 CEs’oppose à l’article 1er du décret n/ 2001-317 dans la mesure où celui-ci restreint le bénéficed’une procédure simplifiée d’autorisation d’importation parallèle de produitsphytopharmaceutiques aux seules hypothèses où le produit d’importation et le produit deréférence ont une origine commune, en ce sens qu’ils ont été fabriqués suivant la mêmeformule, par la même société ou par des entreprises liées ou travaillant sous licence” (§ 30).

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29 Voir en ce sens arrêt Escalier Bonnarel, C-260-06 et C-261/06 du 8 novembre 2007, in : Veille bimestrielle n/ 17, p. 57.

30 Arrêt du 11 mars 1999, British Agrochemicals Association (C-100/96, Rec. p. I-1499), point 32.

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La Cour rappelle tout d’abord l’exigence d’autorisation préalable à toute mise sur le marchéd’un produit phytopharmaceutique en vertu de la directive 91/414. Mais elle rappelle que l’article10 § 1 de la dite directive assouplit les conditions d’obtention d’une AMM lorsque le produitbénéficie déjà d’une telle autorisation dans un autre Etat membre. En effet, dans cettehypothèse, sous réserve de certaines conditions et sauf exception, la répétition des tests n’estpas exigée 29.S’agissant d’importations parallèles, la directive 91/414 ne contient aucune dispositionspécifique, mais la Cour note toutefois que cette situation relève des dispositions relatives à lalibre circulation. Dès lors, la légalité des mesures nationales restreignant les importationsparallèles doit être examinée au regard des articles 28CE et suivants. Par conséquent, la Cour estime que lorsqu’une importation parallèle porte sur un produitphytopharmaceutique déjà autorisé conformément à la directive 91/414 dans l’Etat d’exportationet dans l’Etat d’importation, le produit n’est alors pas considéré mis pour la première fois sur lemarché de l’Etat d’importation. Dans cette situation, la Cour estime qu’il n’est pas nécessairede soumettre les importateurs parallèles à la procédure d’AMM. En effet, d’après la Cour quirappelle sa jurisprudence issue de l’arrêt British Agrochemicals Association 30, l’exigence d’uneAMM dans cette hypothèse irait au delà des objectifs de protection visés par la directive etrisquerait de se heurter au principe de libre circulation des marchandises de l’article 28CE, sansque cela ne soit justifié .

Toutefois, dans l’hypothèse d’une importation parallèle où le produit phytopharmaceutique nebénéficie pas d’une AMM dans l’Etat membre d’importation, la Cour estime qu’il ne sauraitbénéficier de manière absolue et inconditionnelle de l’AMM délivrée à un produitphytopharmaceutique déjà présent sur le territoire de cet Etat. La Cour relève que pourconsidérer le produit comme ayant été déjà autorisé dans l’Etat d’importation il faut se référerà la notion d’origine commune qui constitue “un indice important de l’identité des produits encause, de nature à démontrer que l’AMM du produit de référence peut être utilisée au bénéficedu produit d’importation” (§ 38). La Cour rappelle le point 40 de sa jurisprudence British Agrochemicals Association, précité,selon lequel pour pouvoir bénéficier de l’AMM déjà accordée dans l’État membre d’importationle produit phytopharmaceutique importé doit être en tous points identique à un produit déjàautorisé :

- “ avoir une origine commune avec ce produit en ce sens qu’il a été fabriqué par lamême société ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence suivant la mêmeformule ; - avoir été fabriqué en utilisant la même substance active, et - avoir en outre les mêmes effets” (§ 39).

La Cour estime que lorsque ces produits n’ont pas une origine commune mais qu’ils ont étéfabriqués en parallèle par deux entreprises concurrentes, le produit d’importation doit, a priori,être considéré comme distinct du produit de référence. Le produit d’importation est alorsconsidéré comme étant mis pour la première fois sur le marché de l’État membre d’importation.

La Cour en conclut : “en exigeant, aux fins de l’octroi d’une autorisati on d’importationd’un produit phytopharmaceutique que le produit imp orté et celui déjà autorisé en Franceaient une origine commune, la République française n’a pas manqué aux obligations quilui incombent en vertu de l’article 28 CE” (§ 45). Ce faisant, elle rejette le recours enmanquement de la Commission.

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31 Voir, notamment, arrêt du 8 décembre 2005, Commission c/ Luxembourg, C-33/04, Rec. p. I-10629, point 66

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Commission des Communautés européennes c. République française

Cour(7ème chambre) 31 janvier 2008

- Affaire C-147/07-

« Manquement d’État - Directives 80/778/CEE et 98/83/CE - Qualité des eaux destinées à la consommation humaine - Concentration maximale en nitrates et en

pesticides - Application incorrecte »

T Requête de la commission :

La Commission demande à la Cour de constater que la France a manqué aux obligations quilui incombent en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l’article4 de la directive 98/83/CE du Conseil, du 3 novembre 1998, relative à la qualité des eauxdestinées à la consommation humaine (JOUE L 330, p. 32). En effet la Commission soutient que “dans trois départements français, à savoir la Vend ée,les Deux-Sèvres et la Charente-Maritime, la qualité des eaux destinées à laconsommation humaine était, en 1998 et jusqu’à la d ate d’introduction du présentrecours, non conforme aux dispositions de l’article 4 de la directive 98/83” (§ 10). Cetarticle renvoie à l’annexe 1 de la directive 98/83, selon laquelle la concentration en nitrates eten pesticides des eaux destinées à la consommation humaine ne doit pas dépasser certainsseuils.

T Droit communautaire en cause :

- Article 4 de la directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eauxdestinées à la consommation humaine (JOUE, L 330, p. 32).

T Décision :

La Cour rappelle que la directive 98/83 a abrogé la directive 80/778/CEE du Conseil, du 15juillet 1980, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Toutefois, elleénonce en son article 16 que cette abrogation est “sans préjudice des obligations des Étatsmembres concernant les délais impartis pour la transposition dans la législation nationale dela directive 80/778, ainsi que pour son application, et que toute référence à celle-ci s’entendcomme une référence à la directive 98/83” (§ 3).

En l’espèce, des améliorations ont été relevées entre le terme du délai fixé dans l’avis motivéet la date d’introduction du présent recours. La Cour rappelle sa jurisprudence 31 selon laquelle les améliorations constatées entre le termedu délai fixé par l’avis motivé et la date d’introduction du recours ne rendent pas pour autant cerecours irrecevable, dans la mesure où, “c’est à la Commission qu’il incombe d’apprécierl’opportunité d’agir contre un État membre, de déterminer les dispositions qu’il aurait violées etde choisir le moment où elle initiera la procédure en manquement à son encontre, lesconsidérations qui déterminent ce choix ne pouvant affecter la recevabilité de l’action” (§ 16).

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32 Voir l’arrêt du 9 décembre 2004, Commission c/ France , C-177/03, Rec. p. I-11671, point 22

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Toutefois, en cas de changement fondamental des conditions, la Cour a relevé qu’il “pourraitêtre préférable que la Commission ne forme pas un recours mais émette un nouvel avis motivéprécisant les griefs qu’elle entend retenir au vu des circonstances modifiées” 32 (§ 18).

En l’espèce, la Cour conclut que, malgré des améliorations, les dispositions de la directive98/83 n’étaient pas pleinement respectées à l’expiration du délai figurant sur l’avis motivé, etqu’en conséquence, “la République française a manqué aux obligations q ui lui incombenten vertu des dispositions de cette directive” (§ 21).

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33 Décision n/ 1/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association. Le conseild’association a été institué par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, quia été signé le 12 septembre 1963, à Ankara, par la République de Turquie, d’une part, et par les États membres de la CEE et laCommunauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE duConseil, du 23 décembre 1963

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Relations extérieures

Payir et autres c. Secretary of State for the Home Department

Cour (troisième chambre)

24 janvier 2008

- Affaire C-294/06 -

« Accord d’association CEE-Turquie - Libre circulation des travailleurs - Décision n/ 1/80 du conseild’association - Article 6, paragraphe 1, premier tiret - Travailleur appartenant au marché

régulier de l’emploi - Autorisation d’entrée en qualité d’étudiant ou de personne au pair - Incidence sur le droit de séjour »

T Faits :

L’affaire concerne Mme Payir, de nationalité turque, engagée en tant que jeune fille au pair auRoyaume-Uni en avril 2000. Au cours du mois d’avril 2002, avant l’expiration de son autorisationd’entrée, la requérante a demandé auprès du Secretary of State for the Home Department uneautorisation de séjour plus étendue en invoquant l’article 6, paragraphe 1, de la décision n/ 1/8033. Elle faisait valoir en effet, qu’elle était engagée depuis plus d’un an par le même employeuret qu’elle souhaitait demeurer à son service. Sa demande fut rejetée par une décision du 18août 2004. La High Court of Justice accueillit le recours introduit par Mme Payir et enjoignit auSecretary of State for the Home Department de proroger l’autorisation d’entrée de la requéranteet de mettre fin à l’application de la condition limitant l’accès de l’intéressée au marché del’emploi.

L’affaire concerne également MM. Akyuz et Ozturk, deux étudiants entrés au Royaume-Unimunis d’autorisations d’entrée puis d’autorisations de séjour, ces dernières ne les autorisant àtravailler que 20 heures par semaine au maximum. L’employeur chez qui ils travaillaient leurayant proposé une prolongation de leur contrats de travail, les requérants sollicitèrent unrenouvellement de leurs autorisations de séjour en se fondant sur l’article 6, paragraphe 1, dela décision n/ 1/80. La High Court accueillit leur recours contre la décision du Secretary of Staterefusant de faire droit à leurs demandes.

Les cas de Mme Payir et de MM Akyuz et Ozturk ont été examinés conjointement par la Courtof Appeal, devant laquelle le Secretary of State for the Home Department a invoqué le fait quela décision n/ 1/80 ne s’appliquait ni aux personnes au pair, ni aux étudiants.

T Droit communautaire en cause et questions préjudici elles :

Dans l’affaire au principal, la Court of Appeal a décidé de surseoir à statuer et de demander à

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34 Voir en ce sens, l’arrêt du 10 janvier 2006, Sedef, C-230/03, § 34

35 Arrêt du 30 septembre 1997, Günaydin, C-36/96, §§ 51 et 52

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la Cour de Justice des Communautés Européennes si la circonstance qu’un ressortissant turca été autorisé à entrer sur le territoire d’un État membre en qualité de personne au pair oud’étudiant prive ce ressortissant de la qualité de « travailleur » et l’empêche d’appartenir au« marché régulier de l’emploi » de cet État membre au sens de l’article 6, paragraphe 1, de ladécision n/ 1/80, de sorte qu’il ne puisse se prévaloir de cette disposition afin d’obtenir lerenouvellement de son permis de travail et de bénéficier du droit de séjour corrélatif à celui-ci.

Cet article dispose que :« 1. Sous réserve des dispositions de l’article 7 relatif au libre accès à l’emploi des membres desa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre :- a droit, dans cet État membre, après un an d’emploi régulier, au renouvellement de son permisde travail auprès du même employeur, s’il dispose d’un emploi ;- a le droit, dans cet État membre, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve de la prioritéà accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la mêmeprofession auprès d’un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales,enregistrée auprès des services de l’emploi de cet État membre ;- bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d’emploi régulier, du libre accès à touteactivité salariée de son choix ».

T Décision :

La Cour précise en premier lieu que l’application de l’article 6, paragraphe 1, de la décisionn/ 1/80 est soumise à trois conditions : la qualité de travailleur, l’appartenance au marchérégulier de l’emploi et l’existence d’un emploi régulier. Or, selon la décision de renvoi, les deuxétudiants “ont offert des prestations constituant des activités économiques réelles et effectives”(§ 31). S’agissant des deux autres conditions, la juridiction de renvoi souligne que les troisrequérants ont observé la législation nationale sur l’immigration et sont, par conséquent,légalement entrés au Royaume-Uni.

La question qui se pose est alors celle de savoir si la qualité de personne au pair ou d’étudiantprive les ressortissants turcs de la qualification de travailleurs et les empêche d’appartenir aumarché régulier de l’emploi d’un des Etats membres. A cet égard, la Cour précise que l’article6, paragraphe 1, de la décision n/ 1/80 “a pour but de consolider progressivement la situationdes travailleurs turcs dans l’Etat membre d’accueil” (§ 37) 34. A ce titre, cette disposition vise lesressortissants turcs qui travaillent depuis plus d’un an dans l’Etat d’accueil, peu importe que cesressortissants ne soient pas initialement entrés dans la Communauté en tant que travailleur.La Cour reprend, en effet, sa décision Günaydin 35, dans laquelle elle précise : “afin de vérifiersi les ressortissants turcs satisfont [aux] conditions [d’application de la décision n/ 1/80], il n’estpas tenu compte du but dans lequel les intéressés ont été autorisés à entrer sur le territoire del’Etat membre concerné” (§ 40). Aussi, l’argument selon lequel un étudiant ou une personne aupair pourrait contourner la législation de l’Etat membre pour obtenir un droit d’accès illimité aumarché du travail ne pourrait être accueilli que si ces derniers avaient obtenu de façonfrauduleuse un droit d’entrée en prétendant faussement effectuer des études.

En outre, en répondant aux observations présentées par l’Allemagne et les Pays-Bas, la Courajoute que la directive 2004/114 n’est pas pertinente en l’espèce. Celle ci prévoit la possibilitépour l’étudiant d’effectuer un certain nombre d’heures de travail sans pour autant être considérécomme un travailleur salarié. Néanmoins, cette législation ne s’applique que sous réserve dedispositions plus favorables résultant d’accords bilatéraux ou multilatéraux conclus entre laCommunauté et des Etats tiers.

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Dès lors, “la circonstance qu’un ressortissant turc a été aut orisé à entrer sur le territoired’un État membre en qualité de personne au pair ou d’étudiant ne saurait priver celui-cide la qualité de « travailleur » et l’empêcher d’ap partenir au « marché régulier del’emploi » de cet État membre au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision n //// 1/80du conseil d’association, du 19 septembre 1980, rel ative au développement del’association. Cette circonstance ne saurait, par c onséquent, empêcher leditressortissant de se prévaloir de cette disposition afin d’obtenir le renouvellement de sonpermis de travail et de bénéficier du droit de séjo ur corrélatif à celui-ci.”

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Sécurité sociale des travailleurs migrants

Malina Klöppel c. Tiroler Gebietskrankenkasse

Cour (deuxième chambre)

21 février 2008

- Affaire C-507/06 -

« Droit à l’allocation de garde d’enfant autrichienne - Périodes de perception de prestations familiales dans un autre État membre non prises en compte - Règlement (CEE) n/ 1408/71 »

T Faits :

Mme Klöppel, ressortissante allemande et fonctionnaire dans un lycée en Allemagne, résideen Autriche. C’est en Allemagne qu’elle donna naissance à sa fille le 11 avril 2004. Un congéà temps complet et sans solde lui fut accordé du 22 juillet 2004 au 10 avril 2007. M. Kraler, le père de l’enfant, ressortissant autrichien, bénéficia de son employeur en Autriched’un congé sans solde afin de lui permettre d’aider sa compagne avant et après la naissancede l’enfant.À la suite de la naissance de leur fille, Mme Klöppel et M. Kraler, qui demeuraient alors enAllemagne, ont bénéficié de l’allocation d’éducation versée dans cet État membre, M. Kralerayant perçu cette allocation pour la période comprise entre le 11 avril et le 11 août 2004. Le18 août 2004, les parents et l’enfant quittèrent l’Allemagne pour retourner en Autriche où M.Kraler reprit son activité professionnelle.

À partir de cette date et jusqu’au 11 octobre 2006, Mme Klöppel a bénéficié de l’allocation degarde d’enfant autrichienne. Mais sa demande de prorogation du bénéfice de cette allocationjusqu’au 10 avril 2007 a été rejetée par une décision de la Tiroler Gebietskrankenkasse du 3mai 2006. Ce refus était fondé sur l’article 5, paragraphe 2, du KBGG, qui prévoit : « Si un seulparent perçoit l’allocation de garde d’enfant, celle-ci est due au maximum jusqu’à ce que l’enfantatteigne l’âge de 30 mois. Si le second parent perçoit également l’allocation de garde d’enfant,le droit à l’allocation est prorogé au-delà du trentième mois à concurrence de la période au titrede laquelle le second parent sollicite l’octroi de cette allocation, sans toutefois pouvoir excéderles 36 mois de l’enfant ». Ce faisant, la perception, par M. Kraler, de l’allocation d’éducation en Allemagne entre le 11avril et le 11 août 2004 n’a donc pas été prise en compte lors de l’examen du droit de MmeKlöppel à l’allocation de garde d’enfant pendant une période de 36 mois.

Mme Klöppel forma un recours contre cette décision, lequel fut rejeté par le LandesgerichtInnsbruck qui confirma la première décision en jugeant que la requérante n’avait droit àl’allocation de garde d’enfant que pendant 30 mois. Mme Klöppel interjeta appel de cetteseconde décision. L’Oberlandesgericht Innsbruck décida de surseoir à statuer et de saisir laCour d’une question préjudicielle.

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36 Arrêt du 23 novembre 2000, Elsen, C-135/99, Rec. p. I-10409, point 33

37 Arrêt du 18 janvier 2007, Celozzi, C-332/05, Rec. p. I-563, points 13 et 23

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T Droit communautaire en cause et question préjudicie lle :

La juridiction de renvoi demande si les dispositions du règlement 1408/71 peuvent êtreinterprétées en ce sens que les périodes de perception d’allocations familiales en Allemagnedoivent être assimilées aux périodes de perception d’allocations comparables en Autriche.

Il est fait application en l’espèce des dispositions suivantes : - articles 3 et 4 h) du règlement (CEE) n/ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif àl’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs nonsalariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, danssa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n/ 118/97 du Conseil, du 2 décembre1996, tel que modifié par le règlement (CE) n/ 1386/2001 du Parlement européen et du Conseil,du 5 juin 2001 ;- article 72 du règlement n/ 1408/71, intitulé «Totalisation des périodes d’assurance, d’emploiou d’activité non salariée » ;- article 10 bis du règlement n/ 574/72, intitulé « Règles applicables lorsque le travailleur salariéou non salarié est soumis successivement à la législation de plusieurs États membres au coursd’une même période ou partie de période ».

T Décision :

La Cour rappelle que droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence dont disposentles États membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale. A défaut d’harmonisationcommunautaire, chaque État membre doit déterminer les conditions d’octroi des prestations desécurité sociale ainsi que le montant et la durée d’octroi de celles-ci. Ce faisant, les Etatsmembres doivent respecter le droit communautaire et, notamment, les dispositions du traité CErelatives à la libre circulation des travailleurs ou encore à la liberté reconnue à tout citoyen del’Union européenne de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres 36.En l’espèce, le principe de non-discrimination, tel qu’énoncé à l’article 39, paragraphe 2, CE etconcrétisé en matière de sécurité sociale des travailleurs migrants par l’article 3, paragraphe1, du règlement n/ 1408/71, “prohibe les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalitédes bénéficiaires des régimes de sécurité sociale, mais encore toutes formes dissimulées dediscrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au mêmerésultat” 37 (§ 17).

Par conséquent, la Cour considère que les conditions du droit national qui, bienqu’indistinctement applicables selon la nationalité, affectent essentiellement ou dans leurgrande majorité les travailleurs migrants ou encore qui risquent de jouer, en particulier, audétriment de ces derniers doivent être assimilées à des mesures discriminatoires.

En l’espèce, la Cour souligne que “le refus de prise en compte, aux fins de l’octroi à MmeKlöppel de l’allocation de garde d’enfant autrichienne, de la période pendant laquelle lecompagnon de l’intéressée a bénéficié d’une prestation comparable en Allemagne estsusceptible d’aboutir à un tel résultat dès lors que ce sont, en règle générale, les travailleursressortissants d’autres États membres qui bénéficiaient, antérieurement à leur installation enAutriche, de prestations familiales versées dans ces autres États” (§ 19).

Par conséquent la Cour dit pour droit : “L’article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE)n//// 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’a pplication des régimes de sécurité

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sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leurfamille qui se déplacent à l’intérieur de la Commun auté, dans sa version modifiée et miseà jour par le règlement (CE) n //// 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que mod ifié parle règlement (CE) n //// 1386/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2001,s’oppose à ce qu’un État membre refuse de prendre e n considération, aux fins de l’octroid’une prestation familiale telle que l’allocation d e garde d’enfant autrichienne, la périodede perception d’une prestation comparable dans un a utre État membre de la mêmemanière que si celle-ci avait été accomplie sur son propre territoire” .

j jj

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LISTE DES ARRÊTS CI-DESSUS COMMENTÉS

AIDES D’ETAT :

- CJCE, Grande chambre, Centre d’exportation du livre français (CELF), Ministre de la Cultureet de la Communication c. Société internationale de diffusion et d’édition (SIDE), aff. C-199/06,12 février 2008, p. 60.

ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS :

- CJCE, Paul Abraham e.a. c. Région wallonne e.a., aff. C-2/07, 28 février 2008, p. 64.

POLITIQUE SOCIALE :

- CJCE, Grande chambre, Sabine Mayr contre Bäckerei und Konditorei Gerhard Flöckner OHG,aff. C-506/06, 26 février 2008, p. 66.- CJCE, Josefa Velasco Navarro contre Fondo de Garantia Salarial, aff. C-246/06, 17 janvier2008, p. 68.

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE :

- CJCE, Grande chambre, Productores de Música de España (Promusicae) c. Telefónica deEspaña SAU, aff. C-275/06, 29 janvier 2008, p. 70.

RAPPROCHEMENT DES LÉGISLATIONS :

- CJCE, Héritiers de Paul Chevassus-Marche c. Groupe Danone, Société Kro beer brands SA(BKSA), Société Évian eaux minérales d’Évian SA (SAEME), aff. C-19/07, 17 janvier 2008,p. 72.

RECOURS EN MANQUEMENT D’ETAT :

- CJCE, Commission des Communautés européennes c. République française, aff. C-201/06,21 février 2008, p. 74.- CJCE, Commission des Communautés européennes c. République française, aff. C-147/07,31 janvier 2008, p. 76.

RELATIONS EXTÉRIEURES :

- CJCE, Payir et autres c. Secretary of State for the Home Department, aff. C-294/06, 24 janvier2008, p. 78.

SÉCURITÉ SOCIALE DES TRAVAILLEURS MIGRANTS :

- CJCE, Malina Klöppel contre Tiroler Gebietskrankenkasse, aff. C-507/06, 21 février 2008,p. 81.

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AFFAIRES COMMUNAUTAIRES A SUIVRE :conclusions des avocats généraux

Citoyenneté européenne

Ministerul Administratiei si Internelor - Directia Generala de PasapoarteBucuresti contre Gheorghe Jipa

Conclusions de l’Avocat général M.J. MAZAKprésentées le 14 février 2008

- Affaire C-33/07 -

« Citoyenneté européenne - Article 18 CE - Articles 4 et 27 de la directive 2004/38/CE - Droit de sortie - Restrictions au droit à la liberté de circulation à l’étranger pour une période

ne dépassant pas trois ans »

T Faits :

Selon l’ordonnance de renvoi, M. Jipa a quitté la Roumanie le 10 septembre 2006 pour serendre en Belgique. Le 26 novembre 2006, il a été rapatrié en Roumanie pour «séjourirrégulier» par les autorités belges.Le 11 janvier 2007, la juridiction de renvoi a été saisie d’une demande visant à obtenir unedécision limitant le droit à la libre circulation vers la Belgique de M. Jipa. Or, la juridiction relèvedans son ordonnance de renvoi que le Ministère n’a pas précisé en quoi consistait le « séjourirrégulier» qui a abouti au rapatriement de M. Jipa. Selon celle-ci, les dispositions de droitroumain sont contraires à l’article 18 CE et à l’article 27 de la directive 2004/38.

Par une décision du 17 janvier 2007, le Tribunalul Dâmbovita a décidé de surseoir à statuer eta saisi la Cour sur :

- l’interprétation de l’article 18 du Traité CE en ce sens qu’il s’oppose à ce que lesdispositions applicables en Roumanie fassent obstacle à la libre circulation des personnes ;

- l’interprétation de la notion de « séjour irrégulier » au sens de l’arrêté n/ 825/2005 dugouvernement portant approbation de l'accord entre le gouvernement de la Roumanie, d’unepart, et les gouvernements du Royaume de Belgique, du Grand-duché de Luxembourg et duRoyaume des Pays-Bas, d'autre part, relatif à la réadmission des personnes en situationirrégulière ;

- l’interprétation des raisons d’ « ordre public » ou « de sécurité publique » telles qu’ellesfigurent à l’article 27 de la directive 2004/38/CE, et justifiant la limitation de la liberté decirculation d’une personne et notamment de son applicabilité à la notion de « séjour irrégulier »au sens de l’arrêté n/ 825/2005 du gouvernement portant approbation de l’accord entre legouvernement de la Roumanie, d’une part, et les gouvernements du Royaume de Belgique, duGrand-duché de Luxembourg et du Royaume des Pays-Bas, d’autre part, relatif à laréadmission des personnes en situation irrégulière ;

- sur la question de savoir si, en cas de motif « d’ordre public », les États membrespeuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour de ressortissants de l’Union européennede manière automatique, sans analyser le « comportement » de la personne en cause.

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T Droit communautaire en cause :

L’article 17 CE traite de la citoyenneté européenne tandis que l’article 18 § 1 CE prévoit laliberté de circulation des citoyens européens sauf dispositions contraires prévues dans lesdirectives d’application du traité.

La directive 2004/38 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droitdes citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librementsur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n/ 1612/68 et abrogeant lesdirectives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE,90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, concerne en particulier les conditions d’exercice dudroit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjournerlibrement sur le territoire des États membres (article 1er, sous a) et s’applique à tous les citoyensde l’Union qui se rendent ou séjournent sur le territoire d’un autre Etat membre (article 3 § 1).Enfin, l’article 27 de la directive 2004/38, intitulé « Principes généraux », qui figure au chapitreVI – Limitation du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécuritépublique ou de santé publique, énonce :

« 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindrela liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union […] pour des raisons d’ordre public,de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des finséconomiques.2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe deproportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individuconcerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver detelles mesures.Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle etsuffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directementliées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent êtreretenues […] ».

T Conclusions :

L’Avocat général conclut aux trois questions posées de la manière suivante :L’article 18, paragraphe 1, CE et l’article 4 de la directive 2004/38, s’opposent “à unelégislation nationale telle que celle en cause en l ’espèce, qui prévoit la mise en place delimitations au droit des citoyens de l’Union de qui tter leur État membre d’origine en vuede se rendre dans un autre État membre” (§ 49).

Sur la seconde question : “Si un État membre n’établit pas de manière spécifi que, à proposde l’un de ses propres ressortissants, conformément au principe de proportionnalité etsur le fondement exclusif du comportement personnel de l’individu intéressé, quel’exercice par celui-ci du droit de quitter son pro pre État membre en vue de se rendredans un autre État membre peut constituer une menac e réelle et suffisamment gravepour l’ordre public, affectant un intérêt fondament al de la société, l’État membre d’originene peut pas imposer à cette personne, pour des rais ons d’« ordre public » ou de« sécurité publique » au sens de l’article 27 de la dite directive, des limitations à la libertéde circulation” (§ 49).

Enfin sur la troisième question, l’Avocat général estime que : “L’absence d’examen, par unÉtat membre, du comportement personnel d’un individ u lorsqu’il limite, pour des raisonsd’ordre public ou de sécurité publique, son droit d e circuler et de séjourner librement surle territoire d’un autre État membre, prive de vali dité toute justification de la limitation encause” (§ 49).

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Principes du droit communautaire

James Wood c. Fonds de Garantie

Conclusions de l’Avocat général J. KOKOTTprésentées le 28 février 2008

- C-164/07 -

« Discrimination en raison de la nationalité - Article 12, paragraphe 1, CE - Citoyenneté de l’Union -Indemnisation pour les victimes d’infractions commises à l’étranger - Réglementation nationale qui

n’accorde cette indemnisation aux victimes qu’à ses propres ressortissants »

T Faits :

Le requérant est un ressortissant britannique qui vit en France depuis plus de 20 ans. Il a eu,avec sa concubine, ressortissante française, trois enfants qui possèdent la nationalité française.Sa fille est décédée en 2004 dans un accident de la circulation alors qu’elle effectuait un stageen Australie. La mère et les frères se sont vus accorder, par la Commission nantaised’indemnisation des victimes d’infractions, une indemnisation des préjudices matériels etmoraux liés au décès. En revanche, le fonds de garantie a refusé d’indemniser le pèreinvoquant que l’intéressé n’avait pas la nationalité française.

T Droit communautaire en cause :

Par décision du 16 mars 2006, la Commission d’indemnisation du Tribunal de grande instancede Nantes a suspendu la procédure dont elle était saisie et a posé la question préjudiciellesuivante à la Cour :« Au regard du principe général de non-discrimination en raison de la nationalité, énoncé àl’article 7 du Traité de Rome, les dispositions de l’article 706-3 du code français de procédurepénale sont-elles compatibles ou non avec le droit communautaire en ce qu’un ressortissantde la Communauté européenne, résidant en France, père d’un enfant de nationalité française,décédé hors du territoire national, serait exclu du bénéfice de l’indemnisation servie par leFonds de Garantie, au seul motif de sa nationalité ? »

T Conclusions :

L’avocat général propose la solution suivante : “L’article 12, paragraphe 1, CE doit êtreinterprété en ce sens que l’octroi d’une indemnisat ion publique par un État membre à despersonnes qui résident sur son territoire pour des infractions commises en dehors dece territoire ne peut pas être subordonnée à la pos session de la nationalité dudit Étatmembre.”

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Rapprochement des législations

Adidas AG et Adidas Benelux BV contre Marca Mode CV , C&ANederland, H&M Hennes & Mauritz Netherlands BV et V endex KBB

Nederland BV

Conclusions de l’Avocat Ménéral M. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomerprésentées le 16 janvier 2008

- Affaire C-102/07 -

« Marque - Caractère distinctif d’une marque ou de signes servant à décorer les produits - Impératif de disponibilité »

T Faits :

Adidas AG est titulaire, notamment au Benelux, de marques figuratives, consistant en un motifde trois bandes verticales parallèles, de largeur égale, apposées latéralement sur toute lalongueur des épaules, manches et jambes, et/ou sur les coutures latérales des vêtements, etdont la couleur contraste avec la couleur principale des vêtements. Les marques ont étéenregistrées pour des vêtements de sport et de loisirs.

En 1986, Adidas a constaté que Marca Mode et C&A vendaient des vêtements de sport et deloisirs sur lesquels figuraient deux bandes verticales parallèles, dont la couleur contrastait avecla couleur principale du vêtement (noir/blanc).

A l’issue d’une longue procédure judiciaire devant les tribunaux néerlandais, le Hoge Raad futsaisi en cassation et souleva la question préjudicielle suivante :« En appréciant l’étendue de la protection d’une marque qui ne consiste qu’en un signe neprésentant pas de caractère distinctif intrinsèque, ou en un signe ou une indication au sens del’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104, mais qui s’est implantée et a étéenregistrée en tant que telle, convient-il de tenir compte de l’intérêt général à ne pas restreindreindûment la disponibilité de certains signes pour les autres opérateurs offrant les produits ouservices concernés (« impératif de disponibilité ») ?Si la première question appelle une réponse affirmative : est-il indifférent, à cet égard, que lessignes en question, soumis à l’impératif de disponibilité, soient considérés par le publicconcerné comme des signes distinctifs de certains produits ou comme de simples ornementsde ces produits ?Si la première question appelle une réponse affirmative : est-il également indifférent, à cetégard, que le signe contesté par le titulaire de la marque soit dépourvu de caractère distinctifau sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104 ou qu’il comporte unedésignation telle que visée à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive ? » (§ 24).

T Droit communautaire en cause :

L’article 2 de la directive 89/104/CEE, du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant leslégislations des États membres sur les marques susvisée, est intitulé « Signes susceptibles deconstituer une marque », et permet d’enregistrer tous les signes susceptibles d’unereprésentation graphique, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits

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ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

L’article 3 relatif aux « signes susceptibles de constituer une marque » comprend une listeexhaustive des motifs ne permettant pas de distinguer les produits ou services d’une entreprisede ceux d’une autre. Le paragraphe 3 dudit article régit tout particulièrement l’acquisition d’uncaractère distinctif par l’usage de la marque. Plus précisément il dispose que :

« Une marque n’est pas refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, n’est passusceptible d’être déclarée nulle en application du paragraphe 1 points b), c) ou d) si, avant ladate de la demande d’enregistrement et après l’usage qui en a été fait, elle a acquis un caractèredistinctif. En outre, les États membres peuvent prévoir que la présente disposition s’appliqueégalement lorsque le caractère distinctif a été acquis après la demande d’enregistrement ouaprès l’enregistrement. »

T Conclusions :

L’avocat général propose à la Cour les orientations suivantes : “En appréciant l’étendue dela protection d’une marque qui ne consiste qu’en un signe correspondant à une desindications visées à l’article 3, paragraphe 1, sou s c), de la première directive89/104/CEE, du Conseil, du 21 décembre 1988, rappro chant les législations des Étatsmembres sur les marques, mais qui a acquis un carac tère distinctif par l’usage et qui aété enregistrée en tant que telle, il convient de t enir compte de l’intérêt général à ne pasrestreindre indûment la disponibilité de certains s ignes pour les autres opérateurs offrantdes produits ou services semblables. En revanche, lorsque le signe évoqué était initiale ment dépourvu de caractère distinctif,mais qu’il l’a acquis postérieurement par l’usage, les droits du titulaire de la marque nesauraient être examinés à la lumière de l’impératif de disponibilité” .

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38 Voir aussi à propos du même règlement CE 881/2002 les conclusions de l’Avocat général, M. M. Poiares Maduro présentéesle 16 janvier 2008 dans l’ affaire Yassin Abdullah Kadi, C-402/05 P, dans cette veille, p. 93.

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Libre circulation des capitaux

Al Barakaat International Foundation c. Conseil de l’Union européenne et Commission des Communautés européennes

Conclusions de l’Avocat général M. Poiares Maduroprésentées le 23 janvier 2008

- Affaire C-415/05 P -

« Pourvoi - Mesures prises à l'encontre des Talibans d’Afghanistan - Liste des personnes et des entités auxquelles s’applique le gel de fonds imposé par la législation communautaire »

T Faits :

La requérante au pourvoi dans la présente affaire a été désignée par le Comité des sanctionsdu Conseil de sécurité des Nations unies comme une entité soutenant le terrorisme, dont lesavoirs et autres ressources financières doivent être gelés.Les avoirs et autres ressources d’Al Barakaat International Foundation, société établie enSuède, ont donc été gelés dans la Communauté, à la suite de l’ajout de son nom à la liste despersonnes, groupes et entités suspectés de soutenir le terrorisme et figurant à l’annexe I durèglement n/ 467/2001. Ce texte a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n/ 881/2002du Conseil 38, mais le nom de la société requérante a continué d’y figurer.

La société Al Barakaat International Foundation et M. Yusuf saisirent le Tribunal aux finsd’obtenir l’annulation du règlement sus mentionné. Or, par une décision rendue le 21 septembre2005, Yusuf et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (T-306/01), leTribunal a confirmé le règlement attaqué. Les requérants introduisirent le présent pourvoi contre la décision du Tribunal. Mais, durant laprocédure, M. Yusuf fut radié de la liste et se désista de son recours.

Le règlement attaqué a été adopté sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, afin detransposer dans la Communauté la position commune du Conseil 2002/402/PESC (4). Cetteposition commune reflète à son tour les résolutions 1267(1999) (5), 1333(2000) (6) et1390(2002) (7) du Conseil de sécurité des Nations unies.

L’unique requérante allègue trois moyens au soutien de sa demande d’annulation de l’arrêt :- le premier porte sur la base juridique du règlement attaqué ; - le deuxième moyen, tiré de l’article 249 CE, porte sur le choix d’un acte prenant la

forme d’un règlement plutôt que d’une décision en tant qu’instrument juridique de gel des avoirsde la requérante ;

- le troisième moyen concerne les droits fondamentaux de la requérante et notamment,les droits de la défense, le droit à un contrôle juridictionnel et le droit de propriété .Le Conseil et la Commission sont en désaccord avec la requérante sur les trois moyens. Demanière plus essentielle, ils allèguent que le règlement est nécessaire à la mise en œuvre desrésolutions contraignantes du Conseil de sécurité, et que, par conséquent, les juridictions

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communautaires ne doivent pas apprécier sa conformité aux droits fondamentaux. Ils font valoir,en substance, que lorsque le Conseil de sécurité s’est exprimé, les juridictions communautairesont un devoir de réserve.

T Droit communautaire en cause :

Règlement (CE) n/ 467/2001 du Conseil, du 6 mars 2001, interdisant l’exportation de certainesmarchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols etétendant le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Talibansd’Afghanistan.

T Conclusions :

L’avocat général étudie successivement les premier et troisième moyens.

- Sur la base juridique du règlement attaqué :

. S’agissant tout d’abord des articles 301 et 60 CE :

Le Tribunal a jugé que « la compétence pour imposer des sanctions économiques et financièresprévue par les articles 60 CE et 301 CE, à savoir l’interruption ou la réduction des relationséconomiques avec un ou plusieurs pays tiers, ne s’applique pas à l’interruption ou à la réductiondes relations économiques avec des particuliers dans ces pays, mais uniquement aux relationsavec leurs gouvernements ». Or, comme le rappelle l’Avocat général, l’article 301 CE autorisele Conseil « à interrompre ou à réduire […] les relations économiques avec un ou plusieurs paystiers » par des « mesures urgentes » non spécifiées, nécessaires pour mettre en œuvre lapolitique étrangère et de sécurité commune de l’Union. De plus, le traité CE “ne précise pas laforme que doivent prendre les mesures ou qui doit en être destinataires ou les personnesdevant les supporter” et en outre, “les relations économiques avec les particuliers et les groupesd’un pays tiers font partie des relations économiques avec ce pays ; viser les premièresaffectent nécessairement les secondes” (§ 13). L’Avocat général conteste donc l’interprétation restrictive de l’article 301 CE rendu par leTribunal.

. S’agissant ensuite de l’article 308 CE :

Le tribunal a retenu cet article particulier pour imposer des sanctions financières aux individusqui n’exercent pas un contrôle de type gouvernemental. Or, ce dernier “a interprété l’article 308CE comme un « pont » entre la PESC et le pilier communautaire. Néanmoins, si l’article 301CE peut être considéré comme un pont entre les piliers du traité, l’article 308 CE ne peutcertainement pas remplir cette fonction. Comme l’article 60, paragraphe 1, CE, l’article 308 CEest uniquement une disposition d’autorisation : il indique les moyens mais pas les objectifs.Même si l’article 308 CE se réfère aux « objectifs de la Communauté », ces objectifs lui sontexogènes ; ils ne peuvent pas être introduits par l’article 308 lui-même. Par conséquent, si l’onexclut l’interruption des relations économiques avec des acteurs non étatiques du domaine desmoyens acceptables pour atteindre les objectifs autorisés par l’article 301 CE, on ne peut avoirrecours à l’article 308 CE pour réintroduire ces objectifs” (§ 15).

Par conséquent, l’Avocat général, contrairement au Tribunal, considère que l’article 301CE, et non l’article 308 CE, devrait constituer la base juridique de l’arrêt attaqué. Cefaisant il estime que l’arrêt du Tribunal est vicié par une erreur de droit concernant labase juridique, ce qui constitue un motif suffisant d’invalidation du pourvoi.

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- Sur la violation des droits fondamentaux :

L’Avocat général reconnaît la compétence des juridictions communautaires quant à la violationdes droits fondamentaux par le règlement communautaire. Puis, il étudie le troisième moyensur le fond. A ce propos, il démontre que “la seule question nouvelle est celle de savoir si la nécessitéconcrète, soulevée par la prévention du terrorisme international, justifie la limitation des droitsfondamentaux de la requérante, inacceptable autrement. Cela n’implique pas une conceptiondifférente de ces droits fondamentaux et du degré de contrôle applicable. Cela signifiesimplement que le poids qu’il convient de donner aux différents intérêts qui doivent toujours êtremis en balance lors de l’application des droits fondamentaux en cause peut être différent du faitdes besoins spécifiques qui découlent de la prévention du terrorisme international. Cela doitcependant être apprécié dans le cadre d’un contrôle juridictionnel normal exercé par la Cour.Les circonstances présentes peuvent donner lieu à un équilibre différent entre les valeurs enjeu pour la protection des droits fondamentaux, mais le critère de protection appliqué ne sauraitvarier” (§ 46).

. Sur le droit de propriété :

L’auteur reconnaît l’effet coercitif des mesures de gels des avoirs. Des « sanctionsintelligentes » de ce type peuvent, selon lui, être justifiées dans le cadre de la lutte contre leterrorisme. Toutefois, il rappelle que le gel des biens pour une durée indéterminée constitueégalement “une interférence caractérisée dans la jouissance paisible d’un bien” (§ 47). Parconséquent, cette contradiction d’intérêt met en évidence la “nécessité de sauvegardesprocédurales qui exigent que l’autorité justifie l’adoption de ces mesures et démontre leurproportionnalité, non seulement de manière abstraite, mais dans les circonstances du casd’espèce”. Il conclut : “à défaut de telles sauvegardes, le gel d’avoirs pour une duréeindéterminée porte atteinte au droit de propriété” (§ 47).

. Sur les droits de la défense :

“ L’une des raisons essentielles pour lesquelles les droits de la défense doivent être respectésest de permettre aux parties concernées de défendre leurs droits de manière efficace,notamment dans les procédures judiciaires susceptibles d’être ouvertes après la clôture de laprocédure administrative de contrôle” (§ 51). Or, en l’espèce, la procédure de radiation devantle Comité de sanction des Nations Unies ne constitue pas un moyen pour les parties de sedéfendre dans la mesure où ce comité n’a “aucune obligation de tenir compte de l’opinionexprimée par les demandeurs” (§ 51) et que la “procédure de radiation ne donne aucun accès,[...] aux informations sur la base desquelles la décision d’inclure le demandeur sur la liste a étéprise” (§ 51).

. Sur le droit à une protection juridictionnelle effective :

Il est de jurisprudence constante qu’il ne peut être porté atteinte à la nature même du droit àune protection juridictionnelle effective. Or, comme le souligne l’Avocat général, “la décision deradier ou non une personne de la liste des sanctions établie par les Nations Unies demeure del’entière discrétion du comité des sanctions, un organe diplomatique. Dans ces circonstances,il y a lieu de considérer que le droit à un contrôle juridictionnel par un tribunal indépendant n’apas été garanti au niveau des Nations unies. Par conséquent, les institutions communautairesne sauraient se dispenser d’un contrôle juridictionnel dûment exercé lors de la mise en œuvredans l’ordre juridique communautaire des résolutions en cause du Conseil de sécurité” (§ 54).Il en découle une violation des droits de la défense, du droit à une protection juridictionnelleeffective, et du droit de propriété par le règlement.

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Par conséquent l’Avocat général considère qu’il est nécessaire : “- d’annuler l’arrêt du 21 septembre 2005, Yusuf et Al Barakaat InternationalFoundation/Conseil et Commission (T-306/01)- d’annuler le règlement (CE) n //// 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, concernant de smesures restrictives à l’encontre d’Oussama ben Lad en, des membres de l’organisationAl-Qaida ainsi que des Talibans et autres personnes , groupes, entreprises et entitésassociés et abrogeant le règlement (CE) n //// 467/2001 interdisant l’exportation de certainesmarchandises et de certains services vers l’Afghani stan, renforçant l’interdiction desvols et étendant le gel des fonds et autres ressour ces financières décidés à l’encontredes Talibans d’Afghanistan, dans la mesure où il co ncerne la requérante.” (§ 56)

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39 Position commune du Conseil 2002/402/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre d’Oussama ben Laden, desmembres de l’organisation Al-Qaida ainsi que des Talibans et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés, etabrogeant les positions communes 96/746/PESC, 1999/727/PESC, 2001/154/PESC et 2001/771/PESC (JO L 139, p. 4). Voir,notamment, l’article 3 et le 9ème considérant du Préambule.

40 Voir les résolutions 1267(1999), 1333(2000) et 1390(2002) du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Conseil de sécuritéa adopté, le 17 janvier 2003, la résolution 1455(2003) destinée à mettre en œuvre les mesures de gel des avoirs.

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Politique étrangère et de sécurité commune

Yassin Abdullah Kadi

Conclusions de l’Avocat Général M. M. Poiares Maduroprésentées le 16 janvier 2008

- Affaire C-402/05 P -

« Pourvoi - Mesures prises à l’encontre des Talibans d’Afghanistan - Liste des personnes et desentités auxquelles s’applique le gel des fonds imposé par la législation communautaire -

Inclusion du nom du requérant »

T Faits :

Le 19 octobre 2001, le nom du requérant a été ajouté à la liste des personnes suspectées desoutenir le terrorisme figurant à l’annexe I du règlement n/ 467/2001. Par voie de conséquencel’ensemble de ses avoirs et autres ressources financières dans la Communauté ont été gelés.Le 27 mai 2002, ce règlement a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n/ 881/2002 duConseil, dans lequel le nom du requérant figure toujours à l’annexe I.

Le règlement susvisé a été adopté sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, afin detransposer dans la Communauté la position commune du Conseil 2002/402/PESC 39. Cetteposition commune fait suite à plusieurs résolutions 40 du Conseil de Sécurité adoptées en vertudu chapitre VII de la Charte de Nations unies en vue de faire prendre aux Etats membres desmesures de gel des avoirs et autres ressources financières des personnes et entités associéesà Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida ainsi qu’aux Talibans, désignées par un comité duConseil de sécurité composé de l’ensemble de ses membres (ci-après le « comité dessanctions »). Le 8 mars 2001, le comité des sanctions a publié une première liste consolidéedes personnes et entités concernées par le gel des avoirs. Cette liste a depuis lors été modifiéeet complétée à plusieurs reprises. Le nom du requérant a été ajouté à la liste par le comité dessanctions le 19 octobre 2001.Par une résolution 1452(2002) du 20 décembre 2002, le Conseil de Sécurité a prévu desexceptions conditionnées au gel des avoirs tels qu’établit dans les résolutions antérieures. LeConseil a ainsi adopté la position commune 2003/140/PESC afin de définir les exceptionsadmises par le Conseil de sécurité. De plus, le 27 mars 2003, le Conseil a modifié le règlementattaqué en ce qui concerne les dérogations au gel des avoirs et ressources financières.Par un recours introduit le 18 décembre 2001 et dirigé contre le Conseil et la Commission, lerequérant demanda au Tribunal d’annuler les règlements n/ 2062/2001 et 467/2001, dans lamesure où il s’estimait concerné par cette réglementation.Il prétendait d’une part que le Conseil n’était pas compétent pour adopter lesdits règlements etd’autre part, que cette réglementation violait plusieurs de ses droits fondamentaux, en particulier

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41 Arrêt du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a. (C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21). Voir également, article 41, paragraphe2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

42 Arrêt du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C-50/00 P, Rec. 2002 p. I-6677, points 38 et 39). Voirégalement article 47 de la Charte des droits fondamentaux et articles 6 et 13 de la CEDH.

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le droit de propriété et le droit à un procès équitable. Par un arrêt du 21 septembre 2005, Kadi/Conseil et Commission (T-315/01), le Tribunalconfirma le règlement attaqué et rejeta l’ensemble des moyens invoqués par le requérant. Le 17 novembre 2005, le requérant introduisit le présent pourvoi contre l’arrêt rendu par leTribunal.

T Droit communautaire en cause :

Règlement (CE) n/ 881/2002, du Conseil, instituant certaines mesures restrictives spécifiquesà l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaidaet aux Talibans, et abrogeant le règlement (CE) n/ 467/2001 (JO L 139, p. 9).L’article 2 du règlement attaqué, tel que modifié, dispose que « tous les fonds et ressourceséconomiques appartenant à, en possession de ou détenus par une personne physique oumorale, un groupe ou une entité désignés par le comité des sanctions et énumérés à l’annexeI sont gelés ».L’article 2 bis prévoit certaines exceptions, notamment pour la nourriture, les dépenses de santéet les honoraires d’avocat et frais de justice d’un montant raisonnable, à condition que le comitédes sanctions en ait été informé et n’ai émis aucune objection.

T Conclusions :

Dans cette affaire, l’Avocat général examine tout d’abord les moyens tirés de la base juridiquedu règlement attaqué. Il s’intéresse ensuite aux moyens tirés de la compétence des juridictionscommunautaires pour examiner si le règlement attaqué viole des droits fondamentaux. Il conclut à la compétence, en l’espèce, des juridictions communautaires et s’intéresse doncdans un troisième temps à la question de savoir si le règlement attaqué viole les droitsfondamentaux invoqués par le requérant.

L’Avocat général rappelle tout d’abord la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle lesdroits de la défense 41 et le droit à un contrôle juridictionnel effectif 42 relèvent des principesgénéraux du droit communautaire.En matière tout d’abord des droits de la défense, il établit que “bien que certaines restrictionsà ces droits soient envisageables pour des raisons d’ordre public, dans le cas présent, lesinstitutions communautaires n’ont donné au requérant aucune possibilité de présenter sesobservations sur le point de savoir si les sanctions prises à son encontre sont justifiées et sielles doivent être maintenues” (§ 51). S’agissant ensuite du contrôle juridictionnel effectif,l’Avocat général constate que “le nom du requérant a été inscrit pour plusieurs années àl’annexe I du règlement attaqué et les institutions communautaires refusent pourtant de luiaccorder une possibilité de contester les motifs du maintien de son inscription sur la liste” (§ 53).Ce faisant, l’auteur soulève le risque de disproportion des sanctions et marque ainsil’importance accrue d’une exigence de contrôle juridictionnel au regard des faits de l’espèce.Or, dans la mesure ou les institutions communautaires “rejettent toute possibilité qu’un tribunalindépendant puisse apprécier la légitimité de ces accusations et le caractère raisonnable dessanctions infligées” (§ 53) l’Avocat général estime que “l’allégation du requérant selon laquellele règlement attaqué viole les droits de la défense, le droit à un contrôle juridictionnel et le droitde propriété est fondée” (§ 55).

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Il conclut à l’annulation de l’arrêt du 21 septembr e 2005, Kadi/Conseil et Commission(T-315/01) et considère que doit être annuler “le règlement (CE) n //// 881/2002 du Conseil,du 27 mai 2002, concernant des mesures restrictives à l’encontre d’Oussama ben Laden,des membres de l’organisation Al-Qaida ainsi que de s Talibans et autres personnes,groupes, entreprises et entités associés et abrogea nt le règlement (CE) nº 467/2001interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services versl’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols e t étendant le gel des fonds et autresressources financières décidés à l’encontre des Tal ibans d’Afghanistan, dans la mesureoù il concerne le requérant” (§ 56).

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Sécurité sociale des travailleurs migrants

K. D. Chuck contre Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank

Conclusions de l’Avocat Général M. J. Mazák présentées le 16 janvier 2008

- Affaire C-331/06 -

« Pension de vieillesse - Calcul des périodes d’assurance d’un ressortissant d’un État membre qui a travaillé dans deux autres États membres - Résidence en dehors de la

Communauté européenne à la date de la retraite »

T Faits :

Dans cette affaire, un ressortissant britannique ayant travaillé plusieurs années dans laCommunauté européenne (aux Pays-Bas et neuf mois au Danemark), partit s’installer auxÉtats-Unis, où il vit encore aujourd’hui. Il introduisit une demande de pension auprès des autorités néerlandaises. Par décision du 11 septembre 2001, les autorités lui firent savoir qu’il avait droit à une pensionégale à 10 % de la pension complète à partir du 1er décembre 2000. Les autorités ne tinrent pascompte des cotisations de sécurité sociale acquittées au Danemark au motif que M. Chuck nerésidait pas dans la Communauté lorsqu’il a introduit sa demande de pension, de sorte qu’il nepouvait pas se prévaloir du bénéfice de l’article 48 du règlement. Le 2 janvier 2002, sa demande de réclamation fut rejetée par les autorités au motif qu’elle étaitinfondée. M. Chuck fit appel de cette décision devant le Rechtbank d’Amsterdam qui décida le27 juillet 2006 de surseoir à statuer et de saisir la Cour de Justice des CommunautésEuropéennes d’une question préjudicielle.

Pour la Cour, il s’agit donc de savoir si la règle énoncée à l’article 48, paragraphe 2, durèglement n/ 1408/71doit s’appliquer à une demande de pension introduite par une personnerésidant en dehors de la Communauté. Cela signifierait, en l’espèce, que, pour calculer lemontant de la pension sollicitée, les autorités néerlandaises devraient tenir compte des périodesd’assurance accomplies à la fois sous le régime néerlandais et sous le régime danois.

T Droit communautaire en cause :

La demande d’interprétation porte en l’espèce sur l’article 48 du règlement (CE) n/ 1408/71 duConseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurssalariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent àl’intérieur de la Communauté, tel qu’amendé par le règlement (CE) n/ 1386/2001 du Parlementeuropéen et du Conseil du 5 juin 2001. Ce règlement énonce les règles permettant decoordonner l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, auxtravailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de laCommunauté.

Son article 48 intitulé « périodes d’assurance ou de résidence inférieures à une année »dispose que :

« 1. Nonobstant l’article 46 paragraphe 2, l’institution d’un État membre n’est pas tenued’accorder des prestations au titre de périodes accomplies sous la législation qu’elle applique et

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qui sont à prendre en considération au moment de la réalisation du risque si :- la durée totale des dites périodes n’atteint pas une année et- compte tenu de ces seules périodes, aucun droit aux prestations n’est acquis en vertu desdispositions de cette législation.2. L’institution compétente de chacun des autres États membres concernés prend en compte lespériodes visées au paragraphe 1, pour l’application de l’article 46 paragraphe 2, à l’exception dupoint b).3. Au cas où l’application du paragraphe 1 aurait pour effet de décharger de leurs obligationstoutes les institutions des États membres concernés, les prestations sont accordéesexclusivement au titre de la législation du dernier de ces États dont les conditions se trouventsatisfaites comme si toutes les périodes d’assurance et de résidence accomplies et prises encompte conformément à l’article 45 paragraphe 1 à 4 avaient été accomplies sous la législationde cet État ».

T Conclusions :

Selon l’Avocat Général “lorsqu’un travailleur réside en dehors de la Commu nauté à la dateoù il atteint l’âge de la retraite, l’article 48 du règlement (CEE) n //// 1408/71 du 14 juin 1971,relatif à l’application des régimes de sécurité soc iale aux travailleurs salariés, auxtravailleurs non salariés et aux membres de leur fa mille qui se déplacent à l’intérieur dela Communauté, tel que modifié par le règlement (CE ) n//// 1396/2001 du Parlementeuropéen et du Conseil du 5 juin 2001, doit s’appli quer de la même manière que si letravailleur en cause résidait sur le territoire de la Communauté” (§ 61).

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Relations extérieures

Fabbrica italiana accumulatori motocarri Montecchio SpA (FIAMM),Fabbrica italiana accumulatori motocarri Montecchio Technologies Inc.

(FIAMM Technologies) c. Conseil de l’Union européen ne, Commission des Communautés européennes et Giorgio F edon & Figli

SpA, Fedon America, Inc. c. Conseil de l’Union euro péenne, Commission des Communautés européennes

Conclusions de l’Avocat général M. M. Poiares Maduroprésentées le 20 février 2008

- Affaires jointes C-120/06 P et C-121/06 P -

« Pourvoi - OMC - Relations commerciales CE/US - Régime européen d’importation de bananesdéclaré contraire au GATT - Application de mesures de rétorsion à une série de produits

communautaires - Recours en indemnité »

T Faits :

L’affaire a pour origine un différend entre la Communauté européenne et les États-Unis relatifau régime communautaire d’importation des bananes mis en place par le règlement (CEE)n/ 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans lesecteur de la banane. Plusieurs membres de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC),dont les États-Unis, déposèrent plainte auprès de « l’organe de règlement des différents »(ORD) de l’OMC. Celui-ci constata le 25 septembre 1997, une incompatibilité avec les accordsOMC dans la mesure où le régime des échanges avec les États tiers comportait desdispositions préférentielles au profit des bananes originaires des pays d’Afrique, Caraïbes etPacifique (ACP). L’ORD recommanda à la Communauté de procéder à une mise en conformitéavant l’expiration d’un délai raisonnable fixé au 1er janvier 1999.

Le régime des échanges de bananes avec les Etats tiers fut amendé par règlement (CE)n/ 1637/98 du Conseil, du 20 juillet 1998, complété par le règlement (CE) n/ 2362/98 de laCommission, du 28 octobre 1998. Or, les Etats-Unis ont estimé que, malgré les amendements,le régime d’importation des bananes maintenait les éléments illégaux du régime précédent. Le19 avril 1999, les États-Unis ont donc obtenu de l’ORD l’autorisation de prélever sur lesimportations originaires de la Communauté des droits de douane à concurrence d’un montantannuel d’échanges de 191,4 millions d’USD, correspondant au niveau de l’annulation ou de laréduction d’avantages qu’ils ont subis. En conséquence, les autorités américaines ont appliqué,à partir du 19 avril 1999, un droit ad valorem de 100 % à l’importation de produits originairesde la Communauté dont elles ont établi la liste. Parmi ces produits, figuraient des produitsexportés par les entreprises italiennes FIAMM et FEDON, étuis à lunettes et accumulateursstationnaires.

Le règlement (CE) n/ 216/2001 du Conseil, du 29 janvier 2001 a apporté des modifications àla nouvelle organisation commune du marché de la banane. Puis, le 11 avril 2001, unmémorandum d’accord définissant les moyens propres à régler le différend les opposant a étéconclu avec les Etats-Unis. Dans cette perspective, la Commission des Communautés

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européennes a, par le règlement (CE) n/ 896/2001, du 7 mai 2001, défini les modalitésd’application du nouveau régime communautaire d’importation des bananes introduit par lerèglement n/ 216/2001. Les États-Unis ont alors suspendu l’application de leur surtaxedouanière avec effet au 30 juin 2001.

Les sociétés FIAMM et FEDON ont, sur le fondement des articles 235 CE et 288, deuxièmealinéa, CE, demandé réparation du préjudice résulté de la majoration des droits à l’importationprélevés, du 19 avril 1999 au 30 juin 2001. C’est contre les deux décisions rendues le 14décembre 2005 par le TPI, que les deux sociétés se sont pourvues devant la Cour. Ellessoulèvent les trois moyens suivants :

- elles allèguent un défaut de motivation tiré du fait que les arrêts attaqués nerépondraient pas à un de leurs arguments principaux relatif à l’invocabilité de la décisionadoptée par l’ORD pour établir, aux fins de l’action en indemnité, l’illégalité du comportementadopté par la Communauté ;

- elles soulèvent également une erreur de droit qui entacherait le raisonnement suivi parle Tribunal pour conclure à l’absence de caractère anormal du préjudice ;

- elles réclament enfin un dédommagement équitable pour la durée déraisonnablequ’aurait revêtue la procédure suivie en première instance.

T Conclusions :

- Sur l’invocabilité d’une décision de l’ORD à l’appui d’une action en responsabilitéextracontractuelle de la Communauté pour faute :

“La consécration du principe d’une responsabilité pour comportement illicite de la Communautéqui ne se serait pas conformée dans le délai raisonnable imparti à une décision de l’ORDconstituerait (...) une épée de Damoclès qui pèserait à l’avenir sur la liberté des organespolitiques de la Communauté dans l’enceinte de l’OMC” (§ 51). L’ Avocat général propose doncde confirmer la décision de refus du Tribunal de “contrôler dans le cadre de l’action enindemnité la légalité du comportement des institutions défenderesses au regard des règles del’OMC dont la méconnaissance par la Communauté avait été constatée par l’ORD” (§ 52).

- Sur la responsabilité sans faute de la communauté :

“Faute d’invocabilité des règles de l’OMC, les justiciables qui auraient à se plaindre d’uncomportement des institutions de la Communauté contraire aux accords OMC ne peuvent (...),on l’a vu, en invoquer l’illégalité (...). À défaut de consécration du principe d’une responsabilitésans faute de la Communauté, même ceux qui auraient subi, du fait [d’une] illégalité, unpréjudice particulièrement grave se verraient privés de toute protection juridictionnelle” (§ 58).L’Avocat général insiste sur le fait que “la consécration d’un principe de responsabilité sansfaute de la Communauté pourrait être inspirée de l’idée d’égalité des citoyens devant lescharges publiques sur laquelle le droit administratif français a fondé la responsabilité du fait deslois” (§ 62).Concernant les conditions liées à la responsabilité sans faute de la Communauté, il considèreque “le principe de responsabilité sans faute peut être basé à la fois sur l’idée de rupture del’égalité des citoyens devant les charges publiques et sur la protection due au droit fondamentalde propriété. Dès lors, les seuls préjudices auxquels la responsabilité sans faute ouvre droit àréparation sont ceux qui présentent un caractère à la fois anormal et spécial” (§ 74). Il définitle préjudice anormal comme celui qui “dépasse les limites des risques économiques inhérentsaux activités dans le secteur concerné” (§ 76) et qui revêt un caractère grave.Contrairement à ce que le tribunal avait décidé, l’Avocat général estime qu’il existe en l’espèceun préjudice anormal : la réglementation en cause, sur l’organisation commune des marchésdans le secteur de la banane, n’ayant aucun lien avec le secteur économique du requérant

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(exportateurs d’étuis à lunettes et d’accumulateurs stationnaires), la victime ne pouvaitraisonnablement pas prévoir la réalisation d’un tel risque.

L’Avocat général estime donc que les arrêts attaqués doivent être annulés comme étantentachés d’une erreur de droit. Il considère qu‘il “appartiendra au Tribunal, après avoir réclaméaux requérantes les informations nécessaires, d’apprécier si le préjudice invoqué présenteégalement un caractère anormal en ce qu’il constituerait une atteinte d’une gravité suffisanteaux attributs du droit de propriété et de statuer sur la spécialité dudit préjudice” (§ 83).

- Sur la durée raisonnable de la procédure :

L’Avocat général soutient que “la présente procédure a pour parties défenderesses le Conseilet la Commission, alors que le délai excessif de la procédure dont il est fait grief est imputableau Tribunal qui fait partie de l’institution Cour de justice. Tant ratione materiæ que rationepersonæ, la demande de dédommagement équitable doit donc être déclarée irrecevable” (§ 88).

Ainsi l’Avocat général conclut à l’annulation “des arrêts du Tribunal de première instancedes Communautés européennes du 14 décembre 2005, FI AMM et FIAMMTechnologies/Conseil et Commission (T-69/01), et Fe don & Figli e.a./Conseil etCommission (T-135/01) comme étant entachés d’une er reur de droit consistant en uneinterprétation erronée de la notion de préjudice an ormal et de renvoyer les affairesdevant le Tribunal” (§ 89), et à l’irrecevabilité des “conclusions de Fabbrica italianaaccumulatori motocarri Montecchio SpA (FIAMM), et F abbrica italiana accumulatorimotocarri Montecchio Technologies Inc. (FIAMM Techn ologies) ainsi que de GiorgioFedon & Figli SpA et Fedon America Inc. visant à l’ obtention d’un dédommagementéquitable” (§ 89).

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Politique sociale

S. Coleman contre Attridge Law et Steve Law

Conclusions de l’Avocat général M. M. POIARES MADUROprésentées le 31 janvier 2008

- Affaire C-303/06 -

T Faits :

Mme Coleman, requérante au principal a travaillé à partir de 2001 comme Legal secretary pourAttridge Law, un cabinet de solicitors de Londres, dans lequel M. Steve Law est associé. En2002, elle a donné naissance a un enfant handicapé qu’elle prend totalement en charge. En2005, la requérante cessa de travailler pour Attridge law dans le cadre d’une formule de départvolontaire. Quelques mois plus tard elle intenta une action à l’encontre de ses anciensemployeurs arguant de “constructive dismissal” (licenciement implicite) et de discrimination enraison du handicap.

T Droit communautaire et question préjudicielle :

La demande de décision préjudicielle formée par le London South Employement Tribunalsoulève, pour la première fois, une question relative à la portée de la directive 2 000/78/CEdu Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalitéde traitement en matière d’emploi et de travail.

La question posée à la Cour est de savoir si la directive protège les personnes non handicapéesfaisant l’objet d’une discrimination directe et/ou de harcèlement au travail parce qu’elles sontliées à une personne handicapée ?

- Article 13CE : «Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences quecelui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de laCommission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessairesen vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, lareligion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ».

- Article 1er de la directive 2000/78 du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’uncadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail :

«La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discriminationfondée sur la religion ou les convictions, l’handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce quiconcerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principede l’égalité de traitement».

T Conclusions de l’Avocat général :

L’Avocat général propose à la Cour la réponse suivante : “La directive 2000/78/CE duConseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalitéde traitement en matière d’emploi et de travail, pr otège les personnes qui, bien quen’étant pas elles-mêmes handicapées, sont victimes d’une discrimination directe et/oude harcèlement dans leur emploi ou leur travail au motif qu’elles sont liées à une

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personne handicapée.” (§ 25).

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Gerhard Schultz-Hoff contre Deutsche Rentenversiche rung Bund

Conclusions de l’Avocat Général Mme VERICA TRSTENJAK24 janvier 2008

- Affaire C-350/06 -

« Directive 2003/88/CE - Aménagement du temps de travail - Article 7 - Droit au congé annuel payéminimal - Droit à l’indemnité compensatrice du congé non pris - Droits sociaux fondamentaux

en droit communautaire - Perte du droit au congé à l’expiration du délai prescrit par la loi »

T Faits :

Les questions préjudicielles ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant GerhardSchultz-Hoff (le requérant) à son ancien employeur, le Deutschen Versicherungsbund (partiedéfenderesse au principal). En effet, à la suite d’une cessation de la relation de travail au 30septembre 2005, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si l’employeur estdébiteur des indemnités de congés pour les années 2004 et 2005.

T Droit communautaire en cause et question préjudicie lle :

La directive 2003/88 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernantcertains aspects de l’aménagement du temps de travail est entrée en vigueur le 2 août 2004en remplacement de la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 relative à certains aspectsde l’aménagement du temps de travail. Ces directives ont pour objet de fixer des règlesminimales de sécurité et de protection de la santé en cas d’aménagement du temps de travail.L’article 7 susvisé dispose :

«Congé annuel :(1) Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’uncongé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention etd’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.(2) La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité, saufen cas de fin de relation de travail.»

La juridiction de renvoi soulève plusieurs questions relatives à l’interprétation de la directive2003/88 :« 1 - L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE doit-il être interprété en ce sens queles travailleurs doivent en tout cas bénéficier d’un congé annuel payé minimal de quatresemaines, et que les congés non pris au cours de l’année de référence en raison de la maladiedoivent être octroyés ultérieurement, ou des législations et/ou des pratiques nationalespeuvent-elles prévoir que le droit au congé annuel payé s’éteint lorsque les travailleurs sont enincapacité pour maladie au cours de l’année de référence avant l’octroi du congé et qu’ils nerécupèrent pas leur capacité avant la fin de l’année de référence et/ou la période de report fixéepar la loi, par une convention collective ou par un contrat individuel ?

2 - L’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88/CE doit-il être interprété en ce sens queles travailleurs, en cas de cessation de la relation de travail ont en tout cas droit à une indemnitéfinancière de remplacement pour les congés dus mais non pris (indemnité compensatrice pour

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congé non pris), ou des législations et/ou pratiques nationales peuvent-elles prévoir que lestravailleurs n’ont pas droit à l’indemnité compensatrice pour congé non pris s’ils sont enincapacité de travail pour maladie avant la fin de l’année de référence et/ou de la période dereport ultérieure et/ou qu’ils bénéficient d’une rente après la cessation de la relation en raisonde la diminution de leur capacité de travail ou de leur invalidité?

3 - En cas de réponses positives aux questions 1 et 2 : L’article 7 de la directive 2003/88/CEdoit-il être interprété en ce sens que le droit au congé ou à une indemnité de remplacementrequiert que le travailleur ait travaillé effectivement au cours de la période de référence, ou cedroit naît-il également en cas d’absence excusée (pour maladie) ou en cas d’absenceinexcusée au cours de la totalité de l’année de référence ? » (§ 17).

T Conclusions :

L’Avocat général propose de répondre aux questions posées de la manière suivante : “1) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003 /88 doit être interprété en ce sens queles travailleurs doivent en tout cas bénéficier d’u n congé annuel payé minimal de quatresemaines. Les congés non pris au cours de l’année d e référence en raison de la maladiedoivent être octroyés ultérieurement.2) L’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/ 88 doit être interprété en ce sens que lestravailleurs, en cas de cessation de la relation de travail, ont en tout cas droit à uneindemnité financière de remplacement pour les congé s dus mais non pris (indemnitécompensatrice pour congé non pris).3) L’article 7 de la directive 2003/88/CE doit être interprété en ce sens que le droit aucongé ou à une indemnité de remplacement naît égale ment en cas d’absence excusée(pour maladie) au cours de la totalité de l’année d e référence.” (§ 85).

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43 - Source : Bulletin Reflets n/ 3, 2007, disponible sur le site : http://curia.europa.eu/fr/coopju/apercu_reflets/lang/index.htm, sousla rubrique « Le Droit de l’Union en Europe », Jurisprudence nationale et internationale.

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DÉCISIONS DE

COURS SUPRÊMES JUDICIAIRES

ÉTRANGÈRES 43

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- Allemagne -

Arrêt de la Cour Constitutionnelle Fédérale Allemande “Karlsruhe”27 février 2008 - req. n/ 1 BvR 595/07

Par cet arrêt les juges constitutionnels allemands ont donné naissance à un nouveau Droitfondamental et renforcé la protection de la sphère privée dite « absolue » des personnes. Dansle même temps, les juges prennent acte de la menace du terrorisme international et de sescombattants, qui s’appuient de plus en plus sur les nouvelles technologies pour communiquerentre eux.

T Faits :

En l’espèce, il s’agissait de savoir si les autorités publiques ont le droit d’introduire une sortede virus (Cheval de Troie) spécialement programmé sur l’ordinateur d’un suspect connecté àinternet - sans que ce dernier en soit informé - et qui transmettrait aux autorités publiques toutesles données personnelles et les fichiers enregistrés sur l’ordinateur de l’intéressé par laconnexion internet. Rappelons à cet égard que les Renseignements Généraux fédéraux(Bundesnachrichtendienst BND) ont admis en 2007 procéder sans base légale à cette mesurepour récupérer des informations, notamment au regard des risques terroristes.

Le Land de la Rhénanie du Nord/Westphalie fut le premier à légiférer pour donner une baselégale à cette procédure (loi sur la Direction de la Surveillance du Territoire du Land, dite“Landesverfassungsschutz”) permettant ainsi l’exploitation des informations reçues.

T Décision :

Saisie par une requête contre cette loi, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a prononcéla nullité en raison de la violation des droits fondamentaux. Pour la première fois, les juges deKarlsruhe ont évoqué un « Droit fondamental à la garantie de la confidentialité et l’intégrité dessystèmes de la technique d’information », découlant de la liberté d’agir et de la personne, ainsique de la dignité humaine (articles 2 al. 1er et 1 al. 1er de la Loi fondamentale), car les droits ausecret de la télécommunication (article 10 de la Loi fondamentale) et à l’inviolabilité du domicile(article 13 de la Loi fondamentale) ne protègent pas nécessairement les nouveaux modes decommunication.

Selon les juges de la Cour Suprême allemande, la gravité de l’atteinte exige que la loid’autorisation prévoit une autorisation judiciaire préalable pour la mesure. Celle-ci ne pourraitêtre accordée qu’en cas d’indices concrets et sous condition de menace concrète pour desbiens protégés par les dispositions légales. De surcroît, la norme autorisant l’interventioncachée/secrète doit, selon les juges, prévoir un mécanisme de protection de la sphère privéede la personne concernée par la mesure. En l’espèce, le défaut de réunion de ces conditionsa conduit les juges allemands à invalider la loi du Land.

Toutefois, les juges ont indiqué que de telles mesures peuvent être licites à titre répressif,comme à titre préventif - sous la réserve du respect des conditions ci-exposées et d’un contrôlerestreint de proportionnalité. De même, ils ont précisé que dans le web « public oupubliquement accessible » tout contrôle de l’Etat pour raison de recherche de terroristespotentiels est licite.

Voir: http://www.bverfg.de/entscheidungen/rs20080227_1bvr037007.html

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- Etats-Unis -

Cour fédérale du Missouri, Lonnie Roark et autres c. South Iron R-1 School district, 8 janvier 2008 - affaire n/ 4:06CV392 CD

Une juge fédérale du Missouri a jugé la distribution de bibles dans des écoles primaires par desassociations religieuses contraire au 1er amendement de la Constitution américaine et confirmél’injonction déjà délivrée de ne pas distribuer ces bibles.

Selon ce 1er amendement, « le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ouinterdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse,ou le droit qu’a le peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions augouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre ».

Voir :https://ecf.moed.uscourts.gov/documents/opinions/Doe_et_al_v._South_Iron_R-1_School_District_et_al-CDP-95.pdf

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DOCTRINE

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COMMENTAIRES D’ARRÊTS

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CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FOND AMENTAUX

T Alexandre Boiché , “Epilogue strasbourgeois de l’affaire Washington”, Commentaire de l’arrêtCEDH, Maumousseau et Washington c/ France, 6 décembre 2007, req. n/ 39388/05 44, in :Actualité juridique famille, 2008, n/ 2, pp. 83-84.

T François Chénedé , “Délai de rétractation et information de la mère « accouchée sous X » :conformité du droit français à la Convention européenne des droits de l’homme”, Commentairede l’arrêt CEDH, Kearns c/ France, 10 janvier 2008, req. n/ 35991-04 45, in : Actualité juridiquefamille, 2008, n/ 2, pp. 78-79.

T François Chénedé , “Suppression du lien de filiation d’origine en cas d’adoption de l’enfantmajeur de son concubin : contrariété à l’article 8 Conv. EDH”, Commentaire de l’arrêt CEDH,Emonet et autres c/ Suisse, 13 décembre 2007, req. n/ 39051/03 46, in : Actualité juridiquefamille, 2008, n/ 1, pp. 76-77.

T Mario Chiavario , “La vidéoconférence comme moyen de participation aux audiencespénales”, Commentaire de l’arrêt CEDH, Marcello Viola c. Italie, 5 octobre 2006 47, in : Revuetrimestrielle des droits de l’homme, n/ 1, 2008, pp. 195-222.

T P. Guiomard , “L’accouchement sous X devant la CEDH”, Commentaire de l’arrêt CEDH 10janvier 2008, Kearns c. France, req. n/ 35991/04 48, in : Dalloz Actualités, 24 janvier 2008.

T Martine Herzog-Evans , “Détenus : vers un droit à procréer ?”, Commentaire de l’arrêt CEDH,4 décembre 2007, Dickson c. Royaume-Uni, req. n/ 4436204 49, in : Actualité Juridique Pénal,1/2008, janvier 2008, pp. 47-49.

T Florence Jacquemot , “Retour sur la dualité de lecture de l’arrêt Zdanoka” Commentaire del’arrêt CEDH, Grande chambre, Zdanoka c. Lettonie, 16 mars 2006, in : Revue trimestrielle desdroits de l’homme, n/ 1, 2008, pp. 195-222.

T Gaëlle Marraud des Grottes , “Accouchement « sous X » : la CEDH valide le délai de deuxmois à l’issue duquel la restitution de l’enfant est impossible”, Commentaire de l’arrêt CEDH,Kearns c/ France, 10 janvier 2008, req. n/ 35991/04 50, in : Revue Lamy Droit civil, n/ 46, février2008, pp. 43-44.

“Si le délai de deux mois peut sembler bref, il paraît néanmoins suffisant pour que la mère biologique ayantaccouché sous X ait le temps de réfléchir et de remettre en cause son choix d’abandonner l’enfant. Le délai prévupar la législation française vise à atteindre un équilibre et une proportionnalité suffisants entre les intérêts en cause”.Abstract de la revue.

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T Gaëlle Marraud des Grottes , “Adoption par une homosexuelle : le refus de l’agrément fondésur l’orientation sexuelle jugé discriminatoire”, Commentaire de l’arrêt CEDH, E.B. c/ France,22 janvier 2008, req. n/ 43546/02 51, in : Revue Lamy Droit civil, n/ 45, février 2008, pp. 42-43.

“Les autorités internes ont, pour rejeter la demande d’agrément à l’adoption présentée par une personnehomosexuelle, opéré une distinction dictée par des considérations tenant à son orientation sexuelle, distinction qu’onne saurait tolérer d’après la Convention EDH”. Abstract de la revue.

T Gaëlle Marraud des Grottes , “De l’exigence par la CEDH d’une proportion entre le refusd’autorisation d’une PMA à un prisonnier et les intérêts publics”, Commentaire de l’arrêt CEDH,Dickson c/ Royaume-Uni, 4 décembre 2007, req. n/ 44362/04 52, in : Revue Lamy Droit civil,n/ 45, février 2008, pp. 46-47.

“Dès lors qu’un juste équilibre entre les intérêts publics (maintien de la confiance publique dans le systèmepénal, protection de l’intérêt de l’enfant) et privés (respect de la vie privée et familiale) en présence n’a pasété ménagé, la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme est caractérisée”.Abstract de la revue.

T Stéphane Valory , “Adoption : l’homosexualité du requérant ne peut fonder le refus de délivrerl’agrément”, Commentaire de l’arrêt CEDH, E.B. c/ France, 22 janvier 2008, req. n/ 43546/02 53,in : Revue juridique Personnes & Famille, 2008, n/ 2, pp. 22-23.

T Camille Viennot , “Actualités et perspectives ouvertes par la jurisprudence récente de la Coureuropéenne des droits de l’homme en matière d’impartialité”, in : Revue trimestrielle des droitsde l’homme, n/ 1, 2008, pp.179-194.

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CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE

T Elsa Bernard , “Relation entre denrée alimentaire et médicament” 54, Commentaire de l’arrêtCJCE, 15 novembre 2007, aff. C-319/05, Commission c/ Allemagne, in : Europe, janvier 2008,n/ 1.

“Des « gélules de poudre d’extrait d’ail » sont-elles des médicaments ou de simples denrées alimentaires ?”Abstract de la revue.

T Alexandre Boiché , “La notion de « matière civile » visée par l’article 1er, § 1, du règlementBruxelles II bis est une notion autonome du droit communautaire”, Commentaire de l’arrêt CJCE- Grande chambre, 27 novembre 2007, aff. C-435/06, in : Actualité juridique famille, 2008, n/ 2,pp. 82-83.

T Ramu de Bellescize , “La communautarisation silencieuse du droit pénal” 55, Commentairede l’arrêt CJCE Commission des communautés européennes c. Conseil de l’Union Européenne,23 octobre 2007 in : Revue de droit pénal, Etudes, janvier 2008, pp. 8-12.

T Patrick Chaumette , “Les actions collectives syndicales dans le maillage des libertéscommunautaires des entreprises” 56, Commentaires des arrêts CJCE 11 décembre 2007, ITF& The Finish Seamen’s Union, aff. C-438/05; CJCE, 18 décembre 2007, Laval & Partnery Ltd,aff. C-341/05, in : Revue de droit social, n/ 2 février 2008, pp.210-220.

T E. Chevrier , “Agent commercial : coup de frein au commissionnement indirect” 57,Commentaire de l’arrêt CJCE ,17 janvier 2008, aff. C-19/07, in : Dalloz Actualités, 30 janvier2008.

T Guillaume Dezobry , “Arrêt Microsoft : la modernisation de l’article 82 TCE en marche” 58, in :Revue du Marché commun et de l’Union européenne, n/ 514, janvier 2008, pp. 63-66.

“L’arrêt rendu par le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans l’affaire Microsoftmarque une étape importante dans le processus de modernisation de l’article 82 du traité. En effet, il s’agitde l’un des premiers arrêts dans lequel l’évolution du droit de la dominance apparaît aussi nettement. Cetteévolution s’observe à un triple niveau : une plus grande place réservée aux raisonnements économiques,une plus grande prise en compte des effets des comportements suspects, et enfin, un contrôle plus intensedu juge communautaire dans le cadre du recours en annulation. C’est donc à l’aune de cette nouvelleapproche que l’analyse de la conformité des comportements du géant de l’informatique avec le droitcommunautaire de la concurrence a été menée. Cet arrêt est également l’occasion de souligner lesdifférences qui demeurent entre les droits antitrust américain et communautaire, et notamment cellesrelatives à l’articulation entre droits de propriété intellectuelle et droit de la concurrence”. Abstract de larevue.

T Laurence Idot , “Services postaux et activités réservées”, Commentaire de l’arrêt CJCE, 15novembre 2007, aff. C-162/06, International Mail Spain, in : Europe, janvier 2008, n/ 1.

“Des activités ne peuvent être réservées au prestataire du service universel que dans les conditions strictesposées par la Cour pour l’interprétation de l’article 86, § 2 CE “. Abstract de la revue.

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T Laurence Idot , “Obligation de l’entreprise position dominante en période transitoire” 59,Commentaire de l’arrêt CJCE, 22 novembre 2007, aff. C-262/06, Deutsche Telekom, in :Europe, janvier 2008, n/ 1, 2p.

“L’opérateur historique en position dominante doit continuer à faire approuver les tarifs de certains servicesde téléphonie au détail en attendant que les règles du nouveau cadre réglementaire entrent en vigueur”.Abstract de la revue.

T Laurence Idot , “Une société mère ne peut pas déduire les pertes d’une filiale établie dansun pays tiers”, Commentaire de l’arrêt CJCE, ord., 6 novembre 2007, aff. C-415/06, StahlwerkErgste Westig, in : Europe, janvier 2008, n/ 1.

T Laurence Idot , “Recevabilité des recours des tiers et notion de « position sur le marchésubstantiellement affectée » ”, Commentaire des arrêts CJCE, 22 novembre 2007, aff. C-260/05P, Sniace SA - CJCE, 22 novembre 2007, aff. C-525/04 P, Espagne - CJCE, 29 novembre2007, aff. C-176/06 P, Stadtwerke Schwäbisch Hall, in : Europe, janvier 2008, n/ 1.

“La condition de « position sur le marché substantiellement affectée » par l’aide exigée du tiers qui veutcontester une décision d’aide doit être appréciée par rapport à la structure du marché, une participationactive à la procédure n’étant pas une condition de recevabilité du recours”. Abstract de la revue.

T Laurence Idot , “Marque nationale : précision sur l’étendue géographique de la notoriétéd’une marque antérieure” 60, Commentaire de l’arrêts CJCE, 22 novembre 2007, aff. C-328/06,Nieto Nuno, in : Europe, janvier 2008, n/ 1.

T Laurence Idot , “Réglement Bruxelles II bis - champ d’application du règlement et articulationavec le droit national”, Commentaire de l’arrêt CJCE, 29 novembre 2007, aff. C-68/07,Sundelind Lopez, in : Europe, janvier 2008, n/ 1.

“Dès lors que la compétence des juridictions d’un État membre est justifiée au regard de l’article 3 durèglement, il n’est pas possible aux juridictions d’un autre État membre de se déclarer compétentes enapplication de leur droit national, au seul motif que le défendeur n’a pas la nationalité d’un État membre etne réside plus en Europe”. Abstract de la revue.

T Laurence Idot , “Réglement Bruxelles II bis - champ d’application du règlement et mesuresde protection de l’enfance” 61, Commentaire de l’arrêt CJCE, 27 novembre 2007, aff. C-435/06,C., in : Europe, janvier 2008, n/ 1.

“Des mesures de protection de l'enfance relevant du droit public relèvent du champ d’application matérieldu règlement (CE) n/ 2201/2003". Abstract de la revue.

T Z. Aït le Kadi, “La CJCE ne remet pas en cause la jurisprudence Ternon” 62, Commentairede l’arrêt CJCE, 12 février 2008, aff. C-199/06, SELF c/ CIDE, in : Actualité Dalloz, 18 février2008

“La CJCE a jugé que le droit européen n'imposait pas aux États membres de récupérer des aides déclaréescompatibles avec le marché intérieur malgré l'illégalité formelle de leur mise à exécution, les États membresn'étant tenus, par le droit communautaire, que d'ordonner aux bénéficiaires de ces aides le paiementd'intérêts au titre de la période d'illégalité temporaire”. Abstract de la revue.

T Clémentine Kleitz-Bachelet , “Le règlement Bruxelles I confronté à l’action directe contrel’assureur” 63, Commentaire de l’arrêt CJCE, 13 décembre 2007, aff. C-463/06, FBTO

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Schadeverzekeringen NV c/ Jack Odenbreit , in : Revue Lamy Droit civil, n/ 46, février 2008, pp.18-19.

“La personne lésée peut intenter une action directement contre l’assureur devant le tribunal du lieu où elleest domiciliée dans un État membre, lorsqu’une telle action directe est possible et que l’assureur estdomicilié sur le territoire d’un État membre”. Abstract de la revue.

T Emmanuelle Lafuma, Jean-Philippe Lhernould, Nicolas Moizard et Hélène Tissandier ,“L’actualité de la jurisprudence communautaire et internationale”, in : RJS, Chronique, février2008, pp. 97-106.

“Sont commentées ci-après les principales décisions de la Cour de justice des Communautés européennedes droits de l’Homme en droit social sélectionnées sur la période allant du 17 juillet 2007 au 18 octobre2007.” Abstract de la revue.

T Anne Monpion , “Arrêt CJCE Commission contre Conseil du 23 octobre 2007 : les limites dela compétence pénale de la communauté” 64, in : Revue du Marché commun et de l’Unioneuropéenne, n/ 515, février 2008, pp. 130-135.

“La reconnaissance d’une compétence pénale au bénéfice de la Communauté est confirmée par l’arrêtCommission contre Conseil du 23 octobre 2007. Pourtant, depuis 2005, date à laquelle la Cour s’estprononcée pour la première fois sur ce point, cette compétence est contestée par la majorité des Etatsmembres et par le Conseil dans la mesure où le droit pénal relève traditionnellement du domaineintergouvernemental dans le cadre du troisième pilier. La Commission s’est emparée de cette nouvelleprérogative lui permettant d’améliorer de manière significative l’intégration communautaire. Elle reprocheainsi en l’espèce au Conseil d’avoir empiété sur sa compétence en adoptant une décision-cadre visant àrenforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires. La Cour tranche donc unimportant conflit de compétence entre le pilier communautaire et le troisième pilier relatif à la coopérationpolicière et judiciaire en matière pénale. Ce faisant, elle est amenée à préciser sa jurisprudence antérieurequi souffrait de l’absence d’indications quant à l’étendue et à la portée de la compétence pénale reconnueen faveur de la Communauté. En effet, elle confirme l’existence de cette compétence tout en précisant seslimites assurant ainsi un équilibre entre l’effet utile du droit communautaire et à la souveraineté des Etatsmembres.” Abstract de la revue.

T Etienne Pataut et Sophie Robin-Olivier , “Europe sociale ou Europe économique (à proposdes affaires Viking et Laval)” 65, Commentaire des arrêts CJCE, 11 décembre 2007, aff. C-488/05, International Workers’ Federation, Finnish Seamen’s Union c. Viking Ligne ABP etCJCE, 18 décembre 2007, aff. C-341/05, Laval und Partneri Ltd. c. SvenskaByggnadsarbetareforbundet e.a., in : Revue de Droit du Travail, février 2008, pp. 80-88.

“Les arrêts Viking et Laval de la Cour de justice des communautés européennes ont eu à trancher la difficilequestion de la compatibilité d’une action collective des salariés avec l’exercice des libertés de circulation.La Cour a franchi un pas important en érigeant pour la première fois un droit social fondamental, le droit demener une action collective, comme possible source de restriction aux libertés économiques. Pourtant, laméthode choisie afin de protéger ce droit fondamental s’avère plus ambiguë qu’il n’y paraît. La quête d’uneconciliation entre la liberté d’action collective et les autres libertés pourrait entraîner les juridictions sur leterrain du contrôle du recours à la grève et l’admission croissante de la responsabilité civile des syndicatsdès lors que les actions collectives portent atteinte aux libertés économiques.” Abstract de la revue.

T Denys Simon , “Accès à des données normatives et respect de la confidentialité et de la vieprivée” 66, Commentaire de l’arrêt TPICE, 8 novembre 2007, aff. T-194/04, The Bavarian LagerCo. Ltd, c/ Commission, in : Europe, janvier 2008, n/ 1.

“Le Tribunal privilégie la transparence par rapport à la confidentialité à propos de la communication desnoms des participants à une réunion organisée par la Commission dans le cadre de la phaseprécontentieuse d’une procédure de manquement”. Abstract de la revue.

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T Denys Simon, “Autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques” 67,Commentaire de l’arrêt CJCE, 8 novembre 2007, aff. C-260/06 et C-261/06, Escalier etBonnarel, in : Europe, janvier 2008, n/ 1.

“Conditions de licéité d’une procédure simplifiée d’AMM conditionnant l’importation parallèle de produitsphytopharmaceutiques d’un autre État membre où ils bénéficient d’une AMM par un viticulteur pour les seulsbesoins de son exploitation”. Abstract de la revue.

T Denys Simon , “Maintien de mesures nationales dérogatoires à la libre circulation desmarchandises”, Commentaire de l’arrêt TPICE, 8 novembre 2007, aff. T-234/04, Pays-Bassoutenu par Danemark c/ Commission, in : Europe, janvier 2008, n/ 1.

“La Cour précise les conditions de mise en oeuvre de l’article 95 § 4 CE”. Abstract de la revue.

T Denys Simon , “Libre circulation des entreprises, conventions collectives et actionssyndicales”, in : Europe, 2008, n/ 2, commentaire 40.

“Actions syndicales collectives versus libre circulation : la difficile conciliation entre la protection des droitsdes travailleurs et la liberté d’établissement et de prestation de services”. Abstract de la revue.

T Claire Vial , “Etendue de la compétence communautaire en matière pénale : la CJCE éclaircitles zones d’ombre” 68, Commentaire de l’arrêt CJCE, 23 octobre 2007, aff. C-440/05,Commission des Communautés européennes c/ Conseil de l’UE), in : Revue Environnement,2008, n/ 2, commentaire 39.

“La Cour de justice des Communautés européennes annule la décision-cadre du 12 juillet 2005 visant àrenforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires et affirme ainsi que laCommunauté est compétente pour obliger les États membres à instaurer des sanctions pénales afin degarantir l'effectivité de la politique communautaire en matière de sécurité maritime”. Abstract de la revue.

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ARTICLES GÉNÉRAUX

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CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FOND AMENTAUX

T Nathalie Fricero , “Ratification de la Convention européenne sur l’exercice des droits desenfants: une promotion des droits procéduraux des moins de 18 ans !”, in : Revue juridiquepersonnes et famille, n/1, janvier 2008, pp. 8-10.

“Adoptée à Strasbourg le 25 janvier 1996, signée par la France le 4 juin 1996, la Convention européennesur l’exercice des droits de l’enfant a été approuvée par une loi du 1er Août 2007. Ce texte désormais intégréau droit interne, renforce les droits procéduraux des enfants”. Abstract de la revue.

T Jean-Pierre Marguénaud et Jean Mouly , “Les incursions de la Cour européenne des droitsde l’homme en droit du travail : une oeuvre encore en demi-teinte”, in : Revue de Droit duTravail, janvier 2008, pp. 16-21.

“L’intervention de la Cour européenne des droits de l’homme dans le champs des relations de travail a étéremarquée depuis une vingtaine d’année. Un bilan peut aujourd’hui être dressé de cette intervention. Lajurisprudence de la Cour a montré des audaces sur le terrain de la protection de la vie privée du salarié oude la liberté syndicale (surtout sous l’aspect de la liberté négative). En revanche, la Cour semble être restéeen-deçà de ce qu’on aurait pu attendre sur une question aussi essentielle que la protection du droit degrève. L’examen de la jurisprudence révèle par ailleurs les insuffisances de l’articulation des différentessources à l’origine des droits sociaux.” Abstract de la revue.

T Pascal Mbongo , “La Cour européenne des droits de l’homme a-t-elle une philosophiemorale ?”, in : Le Dalloz, 2008, n/ 2, pp. 99-103.

“Les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme font souvent l'objet - en France en particulier -d’une réception standardisée, voire stéréotypée. Lorsque les uns louent le libéralisme de telle ou telledécision de la Cour, c'est souvent en partant d'une conception naturaliste des énoncés de la Convention,une conception qui les porte à sous-estimer la dimension authentiquement et nécessairement politique dutravail de la Cour. Lorsque les autres se formalisent de « l'intégrisme libéral » de la Cour, c'est souvent ensurdéterminant cette dimension politique du travail d'une Cour compétente à l'égard d'un continent entier.Ces discours doctrinaux ont néanmoins ceci de commun qu'ils ne rendent pas compte de la dimensionaporétique de nombreuses questions soumises à la Cour. A leur corps défendant, ces discours révèlentainsi l'absence de résonance des controverses contemporaines de philosophie morale dans les nombreuxarrêts de la Cour intéressant des questions axiologiques, une absence de résonance qui interrogeelle-même la rhétorique et l'argumentation de la Cour.” Abstract de la revue.

T Sommaire de la Revue trimestrielle des droits de l’ homme, n //// 73, 2008 :- Florence Benoît-Rohmer , “Les sages et la réforme de la Cour européenne des droits

de l’homme”, pp. 3-24.- Christina Karakosta , “Ne bis in idem : une jurisprudence peu visible pour un droit

intangible”, pp. 25-50. - Félix François Lissouck, “L’accès aux soins médicaux et à la protection de la santé

en France - Recherches sur l’effectivité des droits de deuxième génération”, pp. 51-76. - Marianne Molina-Dubost , “La dignité des détenus, le juge et le contrôle de la

nécessité des mesures de sécurité pénitentiaire”, pp. 77-86. - Télésphore Ondo , “La protection de l’accusé devant les juridictions pénales

internationales”, pp. 87-126. - Fabienne Quilleré-Majzoub , “Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme

et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique : un projet trop ambitieux”, pp. 127-162.- Virgile Renaudié , “Les juridictions financières françaises face à l’article 6 de la

Convention européenne des droits de l’homme”, pp.163-178.

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CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE

TL’observateur de Bruxelles , La Revue de la délégation des barreaux de France, Trimestrield’informations européen, janvier 2008, n/ 71 : Dossier spécial : Droit social européen :- Prodromos Mavridis , “Le statut social du travailleur mobile dans l’Union européenne, pp.8-12. - Dominique Nazet Allouche , “La retraite des travailleurs mobiles”, pp. 13-15.- Armindo Silva , “Améliorer le cadre légal et administratif du détachement des travailleurs dansl’Union Européenne, pp. 16-19.

T Jean Alègre , “L’Union européenne se dote d’une Agence des droits fondamentaux”, in :L’observateur de Bruxelles, La Revue de la délégation des barreaux de France, Trimestrield’informations européen, janvier 2008, n/ 71, pp. 29-31.

T Brian Bercusson , “Qu’attendre de la promotion de la Charte des droits fondamentaux parle Traité de Lisbonne ?”, in : Revue de Droit du Travail, février 2008, pp. 74-79.

“Signé à Lisbonne le 13 décembre dernier par les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 Etats membres,le Traité modifiant le Traité sur l’Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne (dontle titre même change) introduit dans le premier de ceux-ci un article 6 ainsi rédigé : « L’Union reconnaît lesdroits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européennedu 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeurjuridique que les Traités ». La portée de cette remarquable disposition est amoindrie par un protocole surl’application de la Charte à la Pologne et au Royaume-Uni. Mais si, observateur particulièrement qualifié,Brian Bercusson expose les incertitudes qui vont affecter l’incidence de la Charte dans ce dernier pays, ilsignale aussi les effets paradoxaux de cette promotion de l’instrument par le tout récent Traité. Tout ensaluant l’avancée notable que constitue ce choix d’arrimer la Charte aux deux Traités « institutifs », IsmaëlOmarjee estime, lui aussi, que la protection, de prime abord renforcée, des droits fondamentaux, souffred’incertitudes.” Abstract de la revue.

T Abdelkhaleq Berramdane , “Le Traité de Lisbonne et le retour des Etats”, in : La semainejuridique - Edition générale, n/ 9, 27 février 2008, I 122.

“Au printemps 2005, le traité établissant une Constitution pour l’Europe est rejeté par voie référendaire parles Français et les Néerlandais. L’Europe est en panne. Une période de gel, d’incertitude et d’abattement,va s’en suivre. Puis, le processus de révision des traités va reprendre son cours, avec une grande célérité,au cours de l’année 2007, et aboutir au traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, ratifié par la France le 13février 2008. Ce « traité modificatif » est très proche, dans sa substance, de celui de la défunte Constitution. Il n’en portepas le même titre, il n’en a pas la même apparence. Il en a cependant le même contenu. Toutefois, saphilosophie profonde est toute autre. De façon subreptice, en contrebande, à la marge, par touchessuccessives, à coup de réécriture et d’amendements, de protocoles et de déclarations, les États membresvont mettre au centre de l’Union l’État membre dans toute sa majesté souveraine. D’un processusd’étatisation de l’Union, engagé par le traité constitutionnel on est passé à un mouvement de réification del’Union, par et pour les États membres”. Abstract de la revue.

T Philippe Billet , “Le nouveau régime des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie del’Union européenne”, in : Revue de droit des transports, 2008, n/ 2, dossier 7.

“L'entrée en vigueur le 12 juillet 2007 du règlement communautaire n/ 1013/2006 du 14 juin 2006concernant les transferts de déchets modifie sensiblement le régime de ces transferts (exportation,importation ou transit) dans le sens d'un renforcement du contrôle préalable et des garanties de bonachèvement de l'objet du transfert. Tout transfert, quel que soit le mode de transport utilisé, doit respecterdes préalables procéduraux simplifiés mais assez lourds et peut justifier, le cas échéant, un retour dans lepays d'expédition”. Abstract de la revue.

T Dominique Blanc , “Droit européen des contrats: un processus en voie de dilution”, in : LeDalloz, Etudes et commentaires, Chronique contrat et obligations, 2008, n/ 9, pp. 564-569.

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T Alexandre Boiché , “Les outils de coopération en matière d’obtention des preuves dans lesdomaines européen et international”, in : Actualité juridique famille, 2008, n/ 1, pp. 17-19.

T Isabelle Bon-Garcin , “L'évolution du droit des transports en Europe - Propos conclusifs”, in :Revue de droit des transports, 2008, n/ 1, étude 1.

“Le séminaire international organisé par l’Union des avocats européens le 12 octobre dernier à Marseilleportait cette année sur l’évolution du droit des transports en Europe. Vaste sujet s’il en est, cettemanifestation a été l’occasion de faire le point sur l’importance de la réglementation communautaire pource secteur d’activité. Longtemps ignorés, les transports, tous modes, sont aujourd'hui au coeur des débatseuropéens. Si des drames majeurs dans le domaine de la sûreté et de la sécurité ont particulièrementaccéléré le processus normatif ces dernières années, la commission s’intéresse aussi aujourd’hui auxrelations privées de nature contractuelle, dans un souci de protection des passagers, ou pour favoriser ledéveloppement du transport intermodal”. Abstract de la revue.

T Jérôme Casey , “Les actes familiaux et le Traité de Rome”, in : Revue juridique personneset famille, n/ 1, janvier 2008, p33.

T Florence Chaltiel , “Le Traité de Lisbonne : Le processus de décision”, in : Les PetitesAffiches, 2008, n/ 14, p. 3.

“La réforme institutionnelle était attendue de longue date. Le Traité de Nice avait permis, non sans mal nisimplicité, une réforme sine qua non pour l'élargissement. Mais de nouvelles évolutions étaient attendues.Le Traité de Lisbonne apporte des innovations et simplifications au processus décisionnel. Le nouveauTraité systématise les pouvoirs du Parlement européen. Il crée de nouvelles fonctions dont une essentielle,la présidence stable du Conseil européen. Il met en place un véritable processus de décision législative,même si le terme de « loi » est évité”. Abstract de la revue.

T Florence Chaltiel , “Le Traité de Lisbonne : de l’élaboration à la signature et la structure”, in: Les Petites Affiches, 2008, n/ 7, p. 5.

“Le 13 décembre, le Traité de Lisbonne a été signé entre les 27 États membres de l’Union européenne.Ainsi Lisbonne vient s’ajouter à Paris, Rome, Maastricht, Amsterdam et Nice. Après une Conférenceintergouvernementale éclair et deux ans de crise consécutive aux deux référendums négatifs sur le projetde Constitution européenne, l’Union européenne dispose d'un nouveau Traité. La Convention européennesur l’avenir de l’Union avait rédigé l'essentiel du Traité constitutionnel désormais caduc. Cependant lacaducité de l’instrument ne s’accompagne pas de la caducité du fond. Les débats référendaires sur laConstitution européenne ont en effet mis l’Europe sur la place publique. De nombreux débats ont eu lieuet la connaissance de l’Europe a sans doute progressé en ces occasions, en dépit des caricaturesinhérentes à un débat référendaire. Le nouveau Traité ne s’appelle pas Constitution mais reprend denombreux éléments essentiels du projet de Constitution initial. Le présent article présente les conditionsd’élaboration jusqu'à la signature du Traité, ainsi que sa structure générale”. Abstract de la revue.

T Florence Chaltiel , “La décision du Conseil constitutionnel relative au Traité de Lisbonne :Autorité de la chose jugée et contribution à la définition de l'Union”, in : Les Petites Affiches,2008, n/ 4, p. 3.

“Le Traité de Lisbonne reprend des éléments du Traité constitutionnel. Le Conseil constitutionnel, qui avaitdéjà jugé le second, reprend son exacte position sur les mêmes points. Les nouveaux apports du Traité deLisbonne sont passés au crible de son examen. Conformément à sa jurisprudence constante, il censure lacombinaison « transferts de compétences de souveraineté et modalités intégrées de décision ». Il saisitl'occasion de ce nouveau Traité pour apporter une contribution à la définition de l’Union européenne”.Abstract de la revue.

T Florence Chaltiel , “Le juge administratif, juge européen”, in : Actualité juridique de droitadministratif, 18 février 2008, pp. 283-290.

“Au cours des dernières années, il faut constater une formidable accélération de l'européanisation desfonctions du juge administratif. Non seulement parce qu’il a renoncé à la théorie de la loi-écran et s’est faitjuge de la conventionnalité de la loi, mais parce que le dialogue des juges s’est approfondi, amenant à laconstruction d’un fond de droit commun européen. Le Conseil d’Etat s’est également adapté àl'européanisation du contentieux de la responsabilité. Quelques points de discorde demeurent cependantentre le juge administratif et les ordres juridiques européens”. Abstract de la revue.

T Anne Desaix , “La réforme de la Convention sur le brevet européen”, in : Revue Propriété

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industrielle, 2008, n/ 1, Etude 1.“Entrée en vigueur le 13 décembre 2007, la Convention sur le brevet européen, dite CBE 2000 comportedes dispositions nouvelles affectant le droit matériel mais réforme surtout de manière significative laprocédure de délivrance des brevets ou les brevets délivrés. Elle instaure une procédure de révision desdécisions des chambres de recours, et ouvre au titulaire du brevet la possibilité d’en demander à toutmoment la limitation de façon unitaire, voire la révocation”. Abstract de la revue.

T Laetitia Driguez et Stéphane Rodrigues , “Services sociaux d’intérêt général et droitcommunautaire. Entre spécificité et banalisation”, in : Actualité juridique de droit administratif,4 février 2008, pp. 191-197.

“Si le thème des services sociaux d’intérêt général est débattu depuis trois ou quatre ans à l'écheloneuropéen, il est difficile de considérer qu’il serait aujourd'hui épuisé tant à Bruxelles qu’au sein des Etatsmembres. La Commission et la jurisprudence ont reconnu leur rôle. Mais la Commission balance encoreentre deux options : celle d’une reconnaissance de la spécificité des SSIG par un aménagement des règlesdu traité et celle de la banalisation de ces services dans le marché intérieur. De fait, cette hésitation reflèteassez bien l’état du droit positif communautaire à l'égard des SSIG, qu’il s’agisse de l’approche retenue parla Cour de justice dans sa jurisprudence ou de celle du législateur à travers les instruments de droit dérivéqui s’appliquent à ces services”. Abstract de la revue.

T Bénédicte Fauvarque-Cosson , “Droit européen des contrats : les offres sont faites les désnon encore jetés”, in : Le Dalloz, Etudes et commentaires, 2008, n/9, pp. 556-557.

T Michel Ferrer , “Règlement (CE) n/ 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable auxobligations non contractuelles dit « Rome II » et son application en matière d'activité detransport”, in : Revue de droit des transports, 2008, n/ 1, étude 2 .

“Le Parlement européen a adopté, le 10 juillet 2007, un important règlement relatif à la détermination de laloi applicable en matière extracontractuelle. Même s’il ne vise pas expressément les activités de transport,leur évolution rend son étude nécessaire. Ce règlement a en effet pour objet d’harmoniser, au niveaueuropéen, les règles de conflits de lois pour que les États membres désignent la même loi nationale, quelque soit le pays dans lequel l’action est introduite. Ce règlement vise à introduire des éléments deprévisibilité du droit applicable et des éléments de sécurité pour un bon fonctionnement du marché intérieur”.Abstract de la revue.

T Jean-Christophe Galloux, Ernest Gutmann, Bertrand W arusfel , “L’entrée en vigueur dela CBE 2000”, in : Propriétés Intellectuelles, janvier 2008, n/ 26, pp. 77-84.

“La révision de la Convention sur le brevet européen adoptée en 2000 (encore appelée : « CBE 2000 ») estentrée en vigueur le 13 décembre 2007 en France comme dans les autres pays membres de l’Organisationeuropéenne des brevets. C’est l’occasion de récapituler les innovations, parfois importantes, qu’apporte cetexte. Cet article les passe donc en revue, en insistant notamment sur la nouvelle procédure de limitation.Il reste au législateur français à apporter les modifications qui s’imposent désormais dans le Code de lapropriété intellectuelle”. Abstract de la revue.

T Muriel Gaudu , “Le dualisme juridictionnel au regard du principe communautaire de protectionjuridictionnelle effective”, in : Revue de la recherche juridique - Droit prospectif, février 2008, pp.1942-1956.

T Evelyne Gebhardt , ”La proposition de règlement concernant la compétence et la loiapplicable en matières matrimoniales”, in : L’observateur de Bruxelles, La revue de ladélégation des barreaux de France, Trimestriel d’informations européen, janvier 2008, n/ 71,pp. 26-28.

T Sylvie Hennion-Moreau , “Les retraites professionnelles dans le système juridique de l’Unioneuropéenne”, in : Revue de droit sanitaire et social, n/ 1, janvier-février 2008, pp. 5-14.

T Laurence Idot , “Le nouveau programme de la Commission : un marché unique pour l’Europedu XXIe siècle”, in : Europe, Janvier 2008, n/ 1.

T Jean-Philippe Lhernould , “La négociation collective communautaire”, in : Revue de droit

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social, janvier 2008, n/1, pp.34-51.

T Jean-Philippe Lhernould , “Les européens et la CMU après la circulaire du 23 novembre2007”, in : Revue de droit social, février 2008, n/2, pp 221-228.

T Madeleine Lobe Fouda , “L’exécution des sanctions pénales de nature pécuniaire au seinde l’Union européenne”, in : Revue Procédures, 2008, n/ 2, Etude 2.

“La loi n/ 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a intégré dans le Code deprocédure pénale la décision-cadre n/ 2005/214/JAI du Conseil de l'Union européenne du 24 février 2005concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires (CPP, art 707-1,al. 5). Cette décision-cadre permet la mise en place d’une procédure permettant à un État membre del'Union européenne, l’État d'émission, de transmettre une décision imposant à titre définitif le paiement d'unesanction pécuniaire à un autre État membre, l’État d’exécution en vue de son recouvrement (CPP, art. D.48-8)”. Abstract de la revue.

T Antoine Masson , “La hiérarchie des normes de droit dérivé dans le projet de traitémodificatif : vers la fin de la confusion ?”, in : Europe, Janvier 2008, n/ 1.

“Le projet de traité modificatif, s'il s'inscrit à première vue dans la continuité des réflexions menées sur laclarification de la hiérarchie des normes communautaire, n'en devrait pas moins avoir des conséquencesinattendues, notamment en ce qu'il amoindrit l'intérêt de recourir à une délégation de compétence,longtemps source de confusion”. Abstract de la revue.

T Bertrand Mathieu , “Le Traité de Lisbonne et la Constitution. Ou comment régler le passif duTraité constitutionnel”, in : La semaine juridique - Edition générale, n/ 7, 13 février 2008, I 116.

“Les questions relatives à l'Union européenne sont incontestablement devenues des questionsconstitutionnelles, comme en témoigne l'imbrication de ces deux perspectives dans la procédure qui doitconduire à la ratification du Traité de Lisbonne. Si le « Traité constitutionnel », rejeté par les Français,affichait emblématiquement sa nature constitutionnelle, le nouveau traité n'en pose pas moins d'importantesquestions constitutionnelles. La distinction formelle et la proximité substantielle des deux traités a,notamment, conduit le Conseil constitutionnel a prendre parti sur l'autorité de ses propres décisions et aintroduit un débat sur les rôles normatifs respectifs du Peuple et du Parlement. Au fond, la réforme de laConstitution permet des abandons de compétences relevant de la souveraineté sans, pour autant, ouvrirle chemin à une Europe fédérale”. Abstract de la revue.

T Alexandre Met Domestici , “La libéralisation des services postaux : les enjeux de l’ouverturetotale à la concurrence”, in : Revue du Marché commun de l’Union européenne, n/ 515, février2008, pp. 114-121.

“L’achèvement du processus de libéralisation des services postaux entamé il y a maintenant dix ans sembleêtre en bonne voie. Il s’est toutefois heurté à de vives résistances, qui sont loin de s’être éteintes et qui ontentraîné son report. Ces avancées ne sauraient faire oublier la nécessité de maintenir le service postaluniversel dans un environnement concurrentiel. Les mécanismes prévus par la nouvelle directive postalenous semblent être à même de satisfaire cet impératif essentiel. Le compromis auquel a abouti le Conseille 1er octobre 2007 devrait probablement être confirmé sans difficulté par le Parlement européen lors de sonprochain vote en seconde lecture sur la proposition de directive. Nous pouvons espérer une conclusionsinon apaisée, du moins constructive, au débat sur la libéralisation du secteur postal.” Abstract de la revue.

T Rozen Noguellou , “Le droit communautaire et les contrats publics”, in : Revue de Droitadministratif, 2008, n/ 1, alerte 1.

T Cyril Nourissat , “Droit civil de l’Union européenne juin 2006 - novembre 2007", in : Le Dalloz,2008, n/ 1, pp. 40-46.

T Jean-François Renucci , “Dialogue social et négociation collective à l’échellecommunautaire”, in : Revue de Droit social, n/1, janvier 2008, pp.52-56.

T Claire Rodier , “Le projet de directive européenne sur le retour des étrangers en situationirrégulière”, in : Actualité juridique de droit pénal, n/1/2008, janvier 2008, p. 20.

T Roberta Ribeiro Oertel , ”La position du Parlement européen en vue de l’adoption d’un

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règlement sur la loi applicable aux obligations contractuelles - Rome I”, in : L’observateur deBruxelles, La Revue de la délégation des barreaux de France, Trimestriel d’informationseuropéen, janvier 2008, n/71, pp. 24-25.

T Jacques Pertek , “Consolidation de l’acquis des systèmes de reconnaissance des diplômespar la directive 2005/36 du 7 septembre 2005", in : Revue du Marché commun et de l’Unioneuropéenne, n/ 515, février 2008, pp. 122-129.

“Que serait le droit de libre circulation professionnelle sans la reconnaissance des diplômes ? Pourbeaucoup d’activités et de professions, la prise en considération des preuves de qualification obtenues endehors du système national est indispensable à l’exercice effectif de ce droit. Comme l’ont prévu lesdispositions des traités, de nombreuses directives ont été adoptées afin d’organiser cette reconnaissance :aux directives sectorielles se sont ajoutées des directives formant un système à vocation générale. Ladirective 2005/36 du 7 septembre 2005 remplace cet ensemble de directives depuis le 20 octobre 2007.Simplifiant et rationalisant l’acquis considérable accumulé en la matière, elle le développe en mettant enplace des instruments nouveaux et en faisant apparaître certaines solutions nouvelles. Surtout peut-être,elle met en place un régime simplifié pour la prestation de services.” Abstract de la revue.

T Valérie Pironon , “L'entrée du droit de la concurrence dans le règlement "Rome II" : bonnemauvaise idée ?”, in : Europe, 2008, n/ 2, étude 2.

“Le règlement « Rome II » sur la loi applicable aux obligations non-contractuelles consacre une règle deconflit spéciale à la concurrence déloyale et aux actes restreignant la libre concurrence. Il s’agit de l’article6 qui retient en ces domaines la compétence de principe de la loi du marché. Conçue dans une logique pluscommunautaire que conflictuelle, cette disposition attendue n’en soulève pas moins certaines difficultésd’interprétation, eu égard tant à son champ d’application qu'à sa mise en oeuvre.” Abstract de la revue.

T Marc Sabatier , ”Le modèle communautaire couvert par un modèle international”, in :Propriétés Intellectuelles, janvier 2008, n/ 26, pp. 93-95.

“L’arrangement de La Haye de 1925 sur la protection des dessins et modèles internationaux,périodiquement modifié groupait quarante-six Etats membres. L’Union européenne à adhérer à cetArrangement et des dépôts de modèles internationaux pourront couvrir l’Union européenne compter du 1er

janvier 2008. cette adhésion permet de regrouper les procédures de dépôts de modèles et devrait donnerun nouvel essor au modèle international en incitant d’autres Etats à adhérer à l’Arrangement de La Haye.”Abstract de la revue.

T Nicole Scourti , “Les travaux de la Commission européenne sur les recours collectifs desconsommateurs”, in : L’observateur de Bruxelles, La Revue de la délégation des barreaux deFrance, Trimestriel d’informations européen, janvier 2008, n/ 71, pp. 22-23.

T Denys Simon , “Les droits fondamentaux dans le traité de Lisbonne”, in : Europe, 2008, n/2, repère 2.

T Bernard Teyssié , “Esquisse du droit communautaire des conflits collectifs”, in : La semainejuridique Social, n/ 6, 5 février 2008, 1075.

“L'exercice du droit de grève doit être concilié avec les libertés économiques proclamées par le traité deRome, telles que la liberté d'établissement et la liberté de prestation de services. La CJCE vient de lesouligner. Le juge national devra en tenir compte.” Abstract de la revue.

T Melchior Wathelet , “Souveraineté fiscale des Etats membres et Cour de justice : nouvellestendances ou confirmation ?”, in : RJF, Etude, février 2008, pp. 90-102.

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DROIT COMPARÉ

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T Étude de législation comparée du Sénat - La gestati on pour autrui, in : Série législationcomparée , janvier 2008, n //// LC 182, 42p.

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 25 octobre 2007 et qui fait actuellement l’objet d’unpourvoi en cassation a relancé le débat autour de la gestation pour autrui, alors que la révisiondes lois bioéthiques est prévue pour 2009. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris conduit toutparticulièrement à s’interroger sur la cette pratique lorsqu’elle est réalisée à l’étranger. Cetteétude porte donc sur l’analyse des règles législatives, réglementaires et jurisprudentiellesrelatives à la gestation pour autrui en Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Canada et Etats-Unis. L’examen des règles souligne les différences depratique selon les Etats : prohibition de la gestation pour autrui (France, Allemagne, Espagne,Suisse et Italie), ou au contraire non prohibition (Belgique et Danemark), admissionconditionnée par le droit médical mais non reconnaissance par le droit civil (Pays-Bas) oulégislations divergentes d’un Etat ou d’une province à l’autre (Canada, Etats-Unis).

T Sous la responsabilité de Pascal Lokiec et Sophie Robin-Olivier : “L’obligation de sécuritéde l’employeur en Europe”, in : Revue de Droit du Travail, Droits d’ici/Droits d’ailleurs, janvier2008, pp. 124-134.

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DOSSIER

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69 Cf : Jean-François Renucci, “L’Union européenne : futur justiciable de la Cour européenne”, in : LPA, 2 mars 2006, n/ 44 p. 41à 43.

70 Avec le Traité de Lisbonne, l’appellation “Cour de justice de l’Union européenne” comprend la Cour de justice, le Tribunal etdes tribunaux spécialisés (art. 9f) du nouveau Traité sur l’Union européenne.

71 grâce à l’article 52 § 3 du texte de la Charte

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LE TRAITÉ DE LISBONNE : SES INNOVATIONS EN MATIÈRE DE LIBERTÉ, DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE

SES APPORTS EN FAVEUR DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE

L’ Union européenne et la protection des droits fon damentaux :

Le Traité de Lisbonne prévoit deux innovations attendues : d’une part, l’intégration dela Charte des droits fondamentaux au droit communautaire : l’article 6 du Traité sur l’Unioneuropéenne est modifié en ce sens ; d’autre part, l’adhésion de l’Union européenne à laConvention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentalesavec la précision suivante :

« Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans lestraités ».

Selon l’alinéa 3 du nouvel article 6 : « Les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegardedes droits de l’Homme et des libertés fondamentales et tels qu’ils résultent des traditionsconstitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant queprincipes généraux ».

Restent à définir le mode de représentation de l’Union européenne devant la Cour européennedes droits de l’homme et les modes de relation entre la CEDH et la CJCE qui conserve sonmonopole exclusif de l’interprétation des traités communautaires et du droit dérivé. La Cour dejustice serait le juge de droit commun de la Convention dans le cadre de l’Union, comme lesjuges nationaux dans les Etats parties à la CEDH. 69

La Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000 est désormais intégrée aux traités eta « la même valeur juridique », (article 6 alinéa 1 du nouveau Traité sur l’Union européenne).Elle sera donc interprétée au même titre que les traités par la Cour de Justice 70.La passerelle existant déjà entre les deux corpus européens de droits fondamentaux que sontla Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux del’Union européenne, 71 est repris à l’article 112 du Protocole 7 sur l’application de la Charte quidispose :

« 3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantispar la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertésfondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère laditeconvention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde uneprotection plus étendue ».

La nouvelle procédure préjudicielle d’urgence :

Afin de prendre en compte les exigences de rapidité inhérentes aux questionsd’interprétation ou de validité posées par les textes pris dans les matières concernant l’espacede liberté, sécurité et justice, notamment lorsqu’il s’agit de situations privatives de liberté ou delitiges concernant la garde d’enfants, la CJCE vient d’adopter une procédure préjudicielle

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72 Sources : Portail de l’Union européenne: http://europa.eu/index_fr.htm ; site de la fondation Robert Schuman,http://www.robert-schuman.org/ . Texte du Traité également disponible sur : http://www.traite-de-lisbonne.fr/Traite_de_Lisbonne.php

73 Les articles cités dans ce texte renvoient, sauf mentions contraires, au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne(ancien Traité CE) qui compose avec le Traité sur l’Union européenne, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenneet les Protocoles, le nouveau Traité de Lisbonne.

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d’urgence. Entrée en vigueur le 1 er mars 2008, elle vise à réduire le délai moyen de 18 mois actuellementnécessaire pour juger une question préjudicielle s’agissant de coopération policière etjudiciaire en matière pénale, de l’asile, des visas et de l’immigration, de la coopérationjudiciaire en matière civile.Cette nouvelle procédure présente trois caractéristiques essentielles :

. seuls participent à la procédure écrite, les parties au principal, l’Etat membre dont relèvela juridiction de renvoi, la Commission européenne (et éventuellement le Conseil ou le Parlementeuropéen si leurs actes sont en cause) ;

. seule la phase orale de la procédure est ouverte aux autres Etats membres pour fairepart de leurs observations orales ;

. toutes les affaires relatives au troisième pilier sont orientées vers une chambre uniquespécialisée, composée de cinq juges désignés pour un an. La procédure, par souci de gain detemps, se fera essentiellement par voie électronique. La juridiction nationale de renvoi doit motiver sa demande d’urgence, mais la CJCE peutexceptionnellement statuer d’office.

U LES CARACTÉRISTIQUES DU NOUVEL ESPACE DE LIBERTÉ, S ÉCURITÉ ET DEJUSTICE :

Le Traité de Lisbonne présente d’importantes innovations en matière de coopération judiciaire,de sécurité et de justice 72.L’apport fondamental du traité de Lisbonne est d’appliquer la méthode communautaire à toutesles politiques de l’Union européenne, en permettant ainsi que la plupart d’entre elles soientadoptées à la majorité qualifiée. L’organisation des politiques en trois piliers est désormaisabandonnée, le troisième pilier étant incorporé dans le pilier communautaire mais avec quelquesadaptations et spécificités. Le titre IV du Traité instituant la Communauté européenne, dit « traité CE, sur les visas, l’asile,l’immigration et les autres politiques liées à la libre circulation des personnes » est remplacé parun titre IV, intitulé « L’ESPACE DE LIBERTÉ, DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE » du nouveauTraité sur le fonctionnement de l’Union européenne 73.Il comprend les dispositions relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration, àla coopération en matière civile, un chapitre 4 sur la coopération en matière pénale et un chapitre5 relatif à la coopération policière.

SSSS La méthode communautaire élargie à l’espace de libe rté, sécurité et de justice:

Le troisième pilier (Titre VI du traité de l’Union européenne : articles 29 à 42) tel qu'il est définidans le Traité d’Amsterdam (1997, en vigueur depuis 1999) avait pour but de créer un espacede liberté, de sécurité et de justice (ELSJ), afin de protéger les citoyens européens enharmonisant les règles de droit, en prévenant et en luttant, notamment contre la criminalité (dontle terrorisme), le trafic d’armes et la traite d’êtres humains (article 29 TUE ).Apport du traité sur l’Union européenne, ce troisième pilier reposait sur une coopérationinter-étatique renforcée dans les domaines judiciaire, policier et douanier. Désormais, laméthode communautaire s’applique aussi à la politique commune en matière d’asile,d’immigration, à la coopération judiciaire en matière civile et pénale, avec néanmoins quelques

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74 Art. 35 du Traité UE

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dispositions particulières, pour tenir compte notamment de l’attachement des Etats membres àleur système pénal interne.

SSSS Un partage d’initiative législative entre la Commis sion et des Etats membres :

Dans cet espace de liberté, de sécurité et de justice, le pouvoir de proposition des actes n’estplus l’exclusivité de la Commission, qui doit partager ce pouvoir avec les Etats membres, dontau moins un quart d’entre eux peuvent se regrouper pour proposer telle ou telle initiative dansle domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, de la coopération policière et de lacoopération administrative (article 61 I du Traité).Il convient de noter que le Danemark a obtenu d’être exclu des politiques conduites en matièrede justice, tandis que le Royaume-Uni et l’Irlande doivent, pour chaque projet, indiquer s’ilsveulent ou non s’y associer suivant la clause dite « clause opting out ».

U UNE COOPÉRATION JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE COMMUN AUTARISÉE :

S La reconnaissance mutuelle consacrée et un recours généralisé à la procédurelégislative ordinaire :

Cette insertion du domaine pénal dans le champ communautaire a notamment pourconséquence un contrôle de la mise en oeuvre du droit par la Cour de justice qui s’appliquerapleinement, tandis qu’auparavant la compétence de la CJCE statuant à titre préjudiciel enmatière d’interprétation et de validité des décisions-cadres devait être expressément acceptéepar chaque Etat membre 74.Elle repose sur le principe de reconnaissance mutuelle posé à l’article 69 A qui dispose :« 1. La coopération judiciaire en matière pénale dans l’Union est fondée sur le principe de reconnaissancemutuelle des jugements et décisions judiciaires ».

Sa mise en oeuvre est prévue selon deux modalités :

- faciliter cette reconnaissance mutuelle :. par l’adoption de mesures suivant la procédure législative ordinaire pour résoudre lesconflits de compétence entre Etats membres, soutenir la formation des magistrats et despersonnels de justice, “faciliter la coopération entre autorités judiciaires et prévoir derègles de procédure pour faciliter cette reconnaissance mutuelle” ;. par le rapprochement des législations nationales, via l’adoption de directives, “dans lamesure où cela est nécessaire pour faciliter la reconnaissance mutuelle des jugementset décisions judiciaires, ainsi que la coopération policière et judiciaire dans les matièrespénales ayant une dimension transfrontière.”

Ces règles minimales portent sur : a) l’admissibilité mutuelle des preuves entre les États membres ;b) les droits des personnes dans la procédure pénale ;c) les droits des victimes de la criminalité ;d) d’autres éléments spécifiques de la procédure pénale, que le Conseil auraidentifiés préalablement par une décision ; pour l’adoption de cette décision, leConseil statue à l’unanimité, après approbation du Parlement européen.

L’adoption de ces règles minimales n’empêche pas les États membres de maintenir oud’instituer un niveau de protection plus élevé pour les personnes.

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75 A partir du 1er novembre 2014, la majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 55 % des membres du Conseil,comprenant au moins quinze d’entre eux et représentant des Etats membres réunissant au moins 65 % de la population de l’Union.

76 Voir plus loin.

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- favoriser le rapprochement des législations nationales pour des types de criminalitéparticulièrement grave et transfrontalière comme le terrorisme, le trafic de drogues, leblanchiment d’argent, l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants. Pourront donc êtrearrêtées par voie de directives, des règles minimales définissant les infractions et les sanctionspour ces types de criminalité énumérés limitativement à l’article 69B du Traité. Toute extensionde cette liste de crimes suppose une décision à l’unanimité du Conseil après approbation duParlement européen.

L’innovation importante tient donc à ce que la plupart de ces règles pourront désormais êtreadoptées « conformément à la procédure législative ordinaire », c’est à dire par le Parlementeuropéen et le Conseil des ministres statuant à la majorité qualifiée 75, selon la procédure de co-décision, sauf dispositions spécifiques. Cependant, en matière pénale, une clause desauvegarde est prévue 76.

Enfin, le traité de Lisbonne transpose à l’article 69B paragraphe 2 la jurisprudence récente dela Cour de Justice (affaire C-173/03, Commission c. Conseil du 13 septembre 2005) ayantreconnu à la Communauté européenne le droit d’arrêter des sanctions pénales lorsqu’elless’avèrent indispensables pour assurer une mise en oeuvre efficace d’une politique de l’Unioneuropéenne dans un domaine ayant fait l’objet de mesures d’harmonisation.

SSSS Un garde-fou, la clause de sauvegarde :

Si un État membre estime qu’un texte visant au rapprochement du droit pénal ou de la procédurepénale va trop loin en portant “atteinte aux aspects fondamentaux de son système de justicepénale”, il peut demander que le Conseil européen soit saisi. Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit en effet une clause desauvegarde inscrite à l’article 69B paragraphe 3 qui dispose :

« Lorsqu'un membre du Conseil estime qu’un projet de directive visée au paragraphe 1 ou 2porterait atteinte aux aspects fondamentaux de son système de justice pénale, il peut demanderque le Conseil européen soit saisi. Dans ce cas, la procédure législative ordinaire est suspendue.Après discussion, et en cas de consensus, le Conseil européen, dans un délai de quatre mois àcompter de cette suspension, renvoie le projet au Conseil, ce qui met fin à la suspension de laprocédure législative ordinaire ».

Dans le même délai, en cas de désaccord, et si au moins neuf États membres souhaitentinstaurer une coopération renforcée sur la base du projet de directive concerné, ils en informentle Parlement européen, le Conseil et la Commission. Dans un tel cas, l’autorisation de procéder à une coopération renforcée, qui est visée à l’article10, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne et à l’article 280 D, paragraphe 1, du présenttraité est réputée accordée et les dispositions relatives à la coopération renforcée s’appliquent.Si aucun accord n’est trouvé, le texte ne peut être adopté, même si une majorité qualifiée auraitpu être dégagée.

SSSS Vers un parquet européen en matière de criminalité transfrontalière : d’Eurojust auProcureur européen :

L’Union européenne (UE) souhaitait intensifier la coopération dans la lutte contre la criminalité.

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Créé par une décision du Conseil du 28 février 2002, « Eurojust » a été institué en tantqu’organe de l’Union doté de personnalité juridique. Chaque État membre a nommé un membrenational d’Eurojust ayant la qualité de procureur, de juge ou d’officier de police (ce dernier doitavoir des compétences équivalentes à celles de juge ou de procureur).Cet organe de l’Union était jusque là compétent en ce qui concerne les enquêtes et poursuitesrelatives à la criminalité grave touchant au moins deux États membres. Son rôle consistait àpromouvoir la coordination entre autorités compétentes des différents États membres, maisaussi à faciliter la mise en œuvre de l’entraide judiciaire internationale et l’exécution desdemandes de remise et d’extradition. Eurojust était un instrument important de la lutte contre leterrorisme.Avec le Traité de Lisbonne, l’Union européenne peut renforcer les compétences d’Eurojust parl’adoption de règlements suivant la procédure législative ordinaire. L’article 69D du Traité sur lefonctionnement de l’Union européenne dispose :

« 1. La mission d’Eurojust est d’appuyer et de renforcer la coordination et la coopération entre lesautorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites relatives à la criminalité graveaffectant deux ou plusieurs Etats membres ou exigeant une poursuite sur des bases communes,sur la base des opérations effectuées et des informations fournies par les autorités des Etatsmembres et par Europol. A cet égard, le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformémentà la procédure législative ordinaire, déterminent la structure, le fonctionnement, le domained’action et les tâches d’Eurojust ».

Parmi les nouvelles tâches d’Eurojust figurent la possibilité de proposer le déclenchement despoursuites conduites par les autorités nationales compétentes, en particulier celles se rapportantà des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne. L’article 69E du Traité de Lisbonne prévoit en outre, la possibilité de créer un parquet européenà partir d’Eurojust, par une procédure législative spéciale, impliquant l’unanimité du Conseilaprès approbation du parlement européen. Sa mission initiale serait limitée aux infractionsportant atteintes aux intérêts financiers de l’Union. En l’absence d’unanimité ou de consensus, une coopération renforcée peut être mise en oeuvrepermettant à neuf Etats membres au moins, désireux de créer un parquet européen de mettreen oeuvre le règlement entre eux, sans que les autres Etats membres puissent y faire obstacle.(art. 69E paragraphe 1 in fine). Une extension des compétences de ce parquet européen « à la lutte contre la criminalité graveayant une dimension transfrontière » est possible mais exige un vote à l’unanimité du Conseileuropéen après approbation du Parlement européen et après consultation de la Commission.(article 69E paragraphe 4).

SSSS Le renforcement de la coopération policière avec Eu ropol :Dans ses conclusions à l’issue de la réunion de Bruxelles du 14 décembre 2007 et de lasignature du Traité de Lisbonne le 13 décembre 2007, le Conseil européen rappelait que “lerenforcement de la coopération policière et judiciaire reste prioritaire. Le fonctionnementd’Eurojust et d’Europol doit être amélioré ; s'agissant de ce dernier, cela suppose que le Conseilparvienne à un accord sur la décision portant création d’Europol avant la fin de juin 2008 au plustard et qu’il examine régulièrement l’état d’avancement du plan de mise en oeuvre”. En effet, l’article 69G du Traité prévoit pour Europol la même méthode que pour Eurojust, àsavoir l’adoption de règlements par le Parlement européen et le Conseil, statuant conformémentà la procédure législative ordinaire, pour déterminer la structure, le fonctionnement, le domained’action et les tâches d’Europol. Parmi ces tâches, sont prévues la coordination, l’organisation et la réalisation d’enquêtes etd’actions opérationnelles, menées conjointement avec les autorités compétentes des Étatsmembres ou dans le cadre d’équipes conjointes d’enquête, le cas échéant en liaison avecEurojust.

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77 Ce document est accessible sur le site Hudoc : http://www.echr.coe.int/ECHR/FR/Header/Press/Other+Information/Presidents+speeches/

78 Ex : arrêt CEDH, Aoulmi c. France du 17 janvier 2006 - req. n/ 50278/99

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Commentaire des statistiques 2007 77

de la Cour Européenne des Droits de l’Homme

Le président Costa a mis en perspective les chiffres de l’année 2007 présentés dans letableau ci-joint lors de son intervention à l’audience solennelle de la Cour européenne des droitsde l’homme, à l’occasion de la nouvelle année judiciaire, le 25 janvier 2008, en ces termes :

“Les chiffres montrent que les tendances constatées depuis plusieurs années n’ont fait ques’accentuer. En 2006, 39 000 requêtes nouvelles avaient été enre gistrées en vue d’unedécision judiciaire. En 2007, ce nombre dépasse 41 000, en augmentation de 5%. Le nombretotal d’arrêts et de décisions rendus, lui, a légèr ement diminué (de 4%) et se situe autourde 29 000. Logiquement le nombre total d’affaires en instance est passé de 90 000 à 103 000(dont 80 000 attribuées à une formation judiciaire), en hausse de 15% environ. Un peu plus de1 500 arrêts ont été rendus sur le fond”.

Le Président Costa a relevé le pourcentage excessivement élevé de décisionsd’irrecevabilité ou de radiation du rôle : 94%. “Cette proportion” souligne t-il, “est révélatriced’une anomalie. Ce n’est pas la vocation d’une Cour créée pour protéger le respect des droitset libertés que de rejeter l’immense majorité des plaintes, et le nombre excessif de celles-cimontre à tout le moins que la finalité de l’institution est mal comprise”.

Ces éléments statistiques appellent deux compléments. Il n’y a jamais eu autant de demandes d’application de mesures provisoires : en 2007,plus de 1 000 ont été présentées, et 262 accordées. L’article 39 (« Mesures provisoires ») du Règlement de la Cour européenne prévoit en effet que“1. La chambre ou, le cas échéant, son président peuvent, soit à la demande d’une partie ou detoute autre personne intéressée, soit d’office, indiquer aux parties toute mesure provisoire qu’ilsestiment devoir être adoptée dans l’intérêt des parties ou du bon déroulement de la procédure.”Le plus souvent ces mesures sont ordonnées dans des affaires délicates touchant aux droits desétrangers et au droit d’asile, comme la suspension d’une mesure de reconduite à la frontière oud’expulsion, et exigent des décisions très rapides. Elles trouvent à s’appliquer dans des affairesoù l’existence d’un risque de préjudice irréparable à la jouissance par le requérant de l’un desdroits qui relèvent du noyau dur des droits protégés par la Convention est alléguée de manièreplausible. La mesure provisoire a pour but de maintenir le statu quo en attendant que la Courstatue sur la justification de la mesure.78

L’écart entre les entrées (requêtes déposées) et les sorties (affaires jugées) s’expliqueessentiellement par la hausse du nombre de requêtes nouvelles, mais aussi par le début d’unepolitique nouvelle.

A ce titre, le Président Costa a indiqué que la Cour avait décidé d’axer davantage ses efforts surles affaires fondées, notamment sur celles de caractère complexe. Cela explique la légèrediminution des affaires rejetées, en particulier par les comités de trois juges.

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79 Voir, communiqué de presse de la CEDH du 12 décembre 2007 : “Résolution des « affaires Boug »” : “Le 4 décembre 2007,dans ses décisions rendues dans les affaires Wolkenberg et autres c. Pologne - requête n/ 50003/99 - et Witkowska-Tobola c.Pologne - requête n/ 11208/02 -, la Cour a constaté que le nouveau régime d’indemnisation prévu pour les biens situés au-delàdu Boug répondait aux critères définis dans son arrêt de Grande Chambre du 22 juin 2004, rendu en l’affaire pilote Broniowski c.Pologne. Quarante autres requêtes concernant des biens situés au-delà du Boug ont été rayées du rôle hier et la Cour examineral’opportunité de rayer de son rôle le reste de ces affaires (environ 230 requêtes) en janvier 2008”.

80 Instance créée à l’initiative du Conseil de l’Europe en mai 2005 pour réfléchir à l’avenir de la Cour européenne des droits del’homme.

81 La Russie refuse pour le moment de ratifier le Protocole 14, bloquant ainsi son entrée en vigueur.

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“Nous réfléchissons aussi aux moyens de développer la méthode des arrêts-pilotes 79 (ce querecommande le Comité des Sages (...) 80), et avons commencé à développer une définition plussystématique des affaires prioritaires” a précisé M. le Président Costa.

D’autre part, le retard accumulé est très inégalement réparti puisque les requêtes formées contrecinq Etats ont représenté près de 60% du total des requêtes en instance. La Fédération deRussie a concentré à elle seule près du quart du « stock » total des requêtes devant la Cour.

Le Président Costa s’est désolé et inquiété du retard pris à l’entrée en vigueur du Protocole 14,destiné à réformer la procédure devant la Cour européenne et à accroître son efficacité.81

On constate que les arrêts ayant donné a un jugement au fond aboutissent en quasi-totalité àdes constats de violation (près de 90%) : sur 1503 arrêts rendus au total par la Coureuropéenne en 2007, (radiations et règlements amiab les compris), 1349 constituent desconstats d’au moins une violation d’une disposition de la Convention, tandis qu’on ne compteque 76 affaires de non violation.

S’agissant des Etats les plus concernés par les arrêts rendus en 2 007 : on relève la Turquie(331 arrêts dont 319 constats de violation) la Russ ie (192 arrêts dont 174 constats deviolation) et la Pologne (111 arrêts dont 109 constats de violation). Mais l’Ukraine se situepresqu’à égalité avec la Pologne avec 109 arrêts rendus la concernant (dont 108 constats deviolation) suivie de la Roumanie (93 arrêts dont 88 violations) et la Grèce (65 arrêts dont 61constats de violation). Ces six Etats ont représenté 60% du total des arrêts rendus en 2007.

En 2006, le rapport annuel de la Cour faisait état du classement suivant : Les pays contre lesquels était dirigé le plus grand nombre d’arrêts étaient la Turquie (334arrêts), la Slovénie (190), l’Ukraine (120), la Pol ogne (115), l’Italie (103), la Russie (102), laFrance (96) et la Roumanie (73). Les arrêts dirigés contre ces huit pays représentaient plus de70 % de l’ensemble des arrêts rendus.

La France n’a été concernée que par 48 affaires en 2007 (dont 39 constats d’au moins uneviolation), contre 96 en 2006. Parmi ces 48 affaires, trente deux ont concerné l’article 6 § 1 autitre du droit au procès équitable et de l’exigence de durée raisonnable, quatre à l’article 13 etau droit à un recours effectif ; enfin, trois affaires portaient sur la protection de la propriété (art.1er du Protocole n/ 1), deux étaient relatives à la liberté d’expression et deux à l’article 5 (droità la liberté et à la sûreté). Une affaire portait sur le droit à la vie et une autre sur l’article 3(prohibition de la torture et des traitements inhumains et dégradants) tandis que deux autresmettaient en cause l’article 8 (droit à la vie privée et familiale).