traumatismes spléniques fermés : scanner et radiologie...
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B Bessoud (1), AS Rangheard (1), A Denys (2), T Decathéaugrue (1), Y Menu (1)
(1) Le Kremlin-Bicêtre - France, (2) Lausanne - Suisse
Hôpital Bicêtre
Université Paris-Sud
Traumatismes spléniques fermés : scanner et
radiologie interventionnelle
Généralités
La rate est classiquement l ’organe intra-abdominal le plus fréquemment lésé
Certaines études récentes positionnent plutôt le foie en première place
Physiopathologie lésionnelle:• Traumatismes ouverts
• Traumatismes fermés
– forces de compression: hématomes, lacérations– forces de décélération: lésions vaisseaux hilaires
(rare)
Matthes G et al. World J Surg. 2003;27
Yoon W et al. Radiographics. 2005 Jan-Feb;25
Généralités Les 2 premières causes de traumatismes
spléniques fermés sont les chutes de moins de 5 m et les accidents de la voie publique
Les patients sont donc souvent des polytraumatisés
L ’échographie est peu performante pour la détection de lésion traumatique de rate, y compris avec l ’adjonction d’agent de contraste échographique
Le scanner est l ’examen de choix d’exploration de ces patients
Poletti PA et al. Radiology. 2003 Apr;227
Poletti PA et al. AJR 2004 Nov;183
Généralités Le traitement de référence des traumatismesspléniques fermés dépend de l ’état hémodynamiquedu patient:– Chirurgie d’hémostase (splénorraphie,
splénectomie) si instabilité– Non chirurgical (TNC): Repos strict au lit et
surveillance si stabilité
Place du traitement non chirurgical « modifié » ?Pour certains patients sélectionnés sur des données cliniques et scannographiques, la place de la radiologie interventionnelle (Techniques d’embolisation splénique) est en cours d ’évaluation dans de nombreux centres
Scanner
Quelle est la rate lésée ?
Scanner -Technique (1)• Aucune des 3 rates lésée
• Attention aux phases artérielles– Hétérogénéité pulpaire de la rate
– Risques faux négatifs, faux positifs
• Trois attitudes– Pour les adeptes de phase artérielle pure thoraco-
abdomino-pelvienne, nécessité d’une phase type portal à la suite (au moins sur l’abdo-pelvis)
– Alternative 1: injection bi-phasique: 50 cc à 3 cc/sec (« imprégnation tissulaire ») puis 80 cc à 4 cc/sec (pour les vaisseaux); départ de l ’hélice concordant phase porte/injection 1 et phase artérielle injection 2
– Alternative 2: hélice artérielle thoracique (pour les gros vaisseaux) puis portale abdomino-pelvienne
Scanner -Technique (2)• Hélice sans injection ?
– Pour voir le fameux « sentinel clot sign »: image hyperdense au contact d ’une lésion traumatique qui ne serait pas vue après injection ...
– Pas de travaux scientifiques montrant son intérêt en terme de performances diagnostiques
– Une hélice en plus … donc irradiation supplémentaire … patients souvent multi-imagés … restons « ALARA »
• Scanner multicanaux +++– Rapidité d ’acquisition
– Reformatages multiplanaires (images douteuses, bilan vasculaire…)
Scanner -Lésions élémentaires (1)• Hématome sous-capsulaire (HSC)
– « croissant » hyperdense avant injection, hypo ou iso dense après comprimant et déformant la parenchyme splénique
– parfois difficile à différencier d ’un hématome péri-splénique (HPS) qui typiquement refoule la rate sans la déformer
HSC
HSC
HSC HPS
• Hématome intra-parenchymateux
– arrondi, plus ou moins bien limité, à contours plus ou moins nets
– hyperdense avant injection, hypodense ou mixte hypo/iso, hypo/hyper après
Ceci n’est pas un hématome … voir plus loin
Scanner -Lésions élémentaires (2)
• Lacérations– hypodensité linéaire unique ou multiples parfois
stellaires
– on peut parler de fracture lorsque le trait traverse le parenchyme d’un bord à l’autre
– peuvent générer une dévascularisationparenchymateuse quand elles lèsent un vaisseau segmentaire
– multiples et disséminées, elles réalisent l’aspect de fracture comminutive de rate: rate hétérogène, « bigarrée »
Fracture comminutive
Scanner -Lésions élémentaires (3)
• Infarctus / Lésion de dévascularisation– par lésion d ’un vaisseau trabéculaire ou
segmentaire
– plage plus ou moins géographique non rehaussée
– parfois associé à une fine prise de contraste capsulaire si les vaisseaux capsulaires sont intact (« splenic rim sign »)
• Avulsion– rupture plus ou moins complète du pédicule
splénique
– associe habituellement un volumineux hématome de l’aire splénique et une rate non rehaussée
Scanner -Lésions élémentaires (4)
Infarctus
• Lésions « vasculaires »– Toutes les lésions à risque hémorragique élevé
– Fuite active intra ou extra-parenchymateuse de contraste
– Faux anévrysme: image hyperdense arrondie bien limitée intra-parenchymateuse à cinétique vasculaire
– « Blush » de contraste intra-parenchymateux, mal limité, considéré comme un équivalent de faux anévrysme
– Importance majeure car facteurs d’instabilité et risque de saignement retardé
– Modifient pour certains l ’attitude thérapeutique, en particulier orientation vers traitement endovasculaire
Scanner -Lésions élémentaires (5)
Fuite active extra-splénique
Fuite active extra-splénique
Faux anévrysme
Faux anévrysme(et non hématome …)
« Blush »
Intérêt majeur des classifications pour standardiser le descriptif des lésions et « tous » parler de la même chose
Les classifications dérivées des travaux de Buntain (1988), Mirvis (1989), Resciniti (1988), Gay et Sistrom (1992) ne sont, à notre connaissance, plus utilisées
La classification AAST (American Association for the Surgery of Trauma) fait à ce jour référence• Plusieurs travaux ont montré une relation entre les
grades élevés et le risque d’échec du traitement conservateur: place de l’embolisation ?
• On notera qu ’elle n’inclut pas les lésions dites vasculaires (potentiellement à emboliser) dans l ’échelle de gravité à l’exception des lésions de dévascularisation du parenchyme splénique
Scanner -Classifications
Fracture comminutive de la rate
Lésion vasculaire hilaire avec dévascularisation splénique
V
Lacération de vaisseaux segmentaire ou hilaire induisant une dévascularisation >25% de la rate
IV
Hématome sous-capsulaire, >50% surface splénique ou extensif
Hématome sous-capsulaire ou intra-parenchymateux rompu
Hématome intra-parenchymateux, diamètre >5cm
Lacération >3cm profondeur ou atteignant un vaisseau trabéculaire
III
Hématome sous-capsulaire, 10-50% surface splénique
Hématome intra-parenchymateux, diamètre <5cm
Lacération 1-3cm profondeur n’atteignant pas de vaisseaux
II
Hématome sous-capsulaire, <10% surface splénique
Lacération <1cm profondeur
I
Grade
Classification American Association for the Surgery of TraumaLésions traumatiques de la rate
Ajouter un grade en cas de lésions multiples jusqu ’au grade III
Scanner - Bonus• Hémopéritoine
– tout liquide intrapéritonéal dans un contexte traumatique doit être considéré comme tel jusqu’à preuve du contraire
– Grading utile car pour certains corrélé au risque d’échec du traitement conservateur
• le + simple, semi-quantitatif:– 0: pas d ’hémopéritoine
– 1: périhépatique et/ou splénique
– 2: 1 + gouttières pariétocoliques
– 3: 1/2 + pelvis
Scanner - Bonus• Vascularisation splénique pré-embolisation
– Tronc coeliaque• Anatomie habituelle ?
• Variantes: tronc gastro-liénique, absence de tronc coeliaque, tronc hépatospléno-mésentérique …
• Ligament arqué ?
– Artère splénique • Calibre (pour prévoir la taille des coils)
• Sinuosités (avoir un micro-cathéter sous la main !)
• Branches de division splénique– habituellement 2 branches au hile
– rarement 3
– naissance très proximale d’une segmentaire possible
Tronc gastro-liénique1. A gastriqueG, 2. A hépatique, 3. A splénique
1
3
2
Absence de tronc coeliaque1. A gastriqueG, 2. A hépatique, 3. A splénique
1
32
1
32
Tronc gastro-hépato-spléno-mésentérique1. A gastriqueG, 2. Tronc A hépatique / A splénique, 3. A mésentérique supérieure1
3
2
Ligament arqué
A splénique « simple » A splénique 1 boucle pré-hilaire
A splénique - Tortuosités ++
A splénique - Division habituelle(2 branches « segmentaires » au hile) A splénique -naissance proximale postérieure d ’1 segmentaire
A splénique - 3 segmentaires
Scanner - Pièges
• Fausse lacération– Incisures / lobulations spléniques
– Autres
– S’aider des reformatages
• Faux hémopéritoine périsplénique– Volume partiel sur lobulation
– Reformatages
• Fausse fuite active de contraste
Lobulation postérieure « facile » mais authentique lésion antérieure
Hémopéritoine périsplénique ?Volume partiel / Coronal Volume partiel / Sagittal
Lacération ?Gros lobe hépatique G englobant la rate
Fausse fuite active sommet rate: corps étranger intra-gastrique
Radiologie Interventionnelle
• A la phase aigüe– Se résume à l’embolisation d’hémostase
• A distance– Embolisation de faux anévrysme secondaire
– Ponction/ drainage de collections/abcès intra ou périspléniques
Embolisation d ’hémostase• Pourquoi ?
– TNC = référence …
– MAIS Taux d ’échec 2 - 52 %
• Pour qui ?– Pour certains triant les patients par l’artériographie,
embolisation de toute lésion « vasculaire »: faux anévrysme, fistule artério-veineuse, extravasation de contraste
– De plus en plus sur les données du scanner
• grades élevés (AAST > ou = III)
• lésion vasculaire au scanner (faux anévrysme, blush, fistuleartério-veineuse, extravasation de contraste)
– Car potentiellement associés à un risque accru d ’échec du repos seul
EAST Guidelines for trauma management
Peitzman A et al. J Trauma 2000 Velmahos GC et al. Arch Surg 2000
Brasel et al. J Trauma 1998; Schurr MJ et al. J Trauma 1995
Bessoud et al. AJR in press; Haan et al. J Trauma 2005
Embolisation sélective (1)• Rationnel
– N’emboliser que les branches alimentant une lésion vasculaire ou extravasation de contraste
• Avantages– Théorique:
• limiter les territoires en ischémie, donc les infarctus, donc laperte splénique fonctionnelle
• En pratique une série suivi scanner post-embolisations distales et proximales: infarctus post-embolisation plus fréquents et plus étendus si embolisation distale
– Occlusion complète de la branche sans possibilité de reprise
• Inconvénients– Nécessité de trier les patients (lesquels?) par artériographie
– Techniquement plus difficile et plus long
– Toutes les lésions à emboliser ne sont pas forcément visibles au moment de l ’artériographie (spasmes, compression …)
– Ne permet pas d’intégrer l’embolisation en cas d ’absence de lésion vasculaire visible (par exemple embolisation d’un grade III)
– Infarctus
Killeen KL et al. J Vasc Interv Radiol. 2001 Feb;12
Sclafani SJ. J Trauma. 1995 Nov;39
Embolisation sélective (2)
• Technique– matériel d ’artériographie standard
– sondes Cobra, Simons 5French
– +/- microcathéter 3 French
– embols: • gélatine (Curaspon)
• et/ou coils/micro-coils
• pas de sphères à priori
– dans les vaisseaux alimentant une lésion vasculaire ou extravasation
Sclafani SJ. J Trauma. 1995 Nov;39
Hagiwara A, et al. AJR. 1996 Jul;167
Lacération et fx anévrysme
Post-embolisation sélectivepar microcoils (flèches)
Artériographie Faux anévrysme
J2 post-embolisation. Coils (têtes flèche)Infarctus splénique antéro-inférieur (flèche)
Embolisation proximale (1)• Rationnel
– Equivalent de la ligature artère splénique
– Diminuer la pression intra-splénique
– Limiter infarctus par possibilité de reprise de la vascularisation splénique par les artères gastriques courtes (via A gastrique G)
• Avantages– Intégration y compris si absence de lésion vasculaire
– Tri des patients par le scanner
– Technique simple et rapide
– Traitement de l ’ensemble de la rate
– Infarctus moins fréquents et moins étendus
– Fonction splénique préservée
• Inconvénients– ?
Keramidas DC. Surgery. 1979 May;85
Bessoud B et al. Eur Radiol. 2004 Sep;14
Embolisation proximale (2)• Technique
– matériel d ’artériographie standard
– sondes Cobra, Simons 5French
– +/- microcathéter 3 French
– Coils/microcoils dans le tronc de l’artère splénique
– Idéalement
• en aval de la pancréatique dorsale
• en amont des gastriques courtes et des branches spléniques segmentaires (attention aux segmentaires très proximales)
Embolisation proximale / Diminution pression perfusion splénique• Avant embolisation: Microcathéter 2.7 F (flèche) et guide de
pression intra -parenchymateux (tête flèche).
PA 111/79/95 (PASyst/PADiast/PAMoyenne)
• Après embolisation: Coils (flèches). Suppression flux A splénique. PA 53/47/50
PA: 111 / 79 / 95
Avant embolisationPA: 53 / 47 / 50
Après embolisation
- 47%
Cas typique ...
Lésion grade IV avec fuite active de contraste (flèches)1. Artériographie splénique. Sonde Cobra 5F. Fuite active extra-splénique
(flèche)
2. Cathéterisme juxta-hilaire, embolisation par coils (flèche)
3. Contrôle; occlusion du tronc A splénique.
Petite reprise splénique par les pancréatiques caudales (flèches)
1
2
3
Moins simple ...
A. splénique tortueuse. Cathéter 5 French (flèche) et microcathéter 2.7 French (tête flèche noire) nécessaire pour cathéterisme distal du tronc artériel et embolisation par microcoils (tête flèche blanche)
Naissance proximale d’une branche segmentaire supérieure. 1. Cathétérisme et embolisation par coils de la segmentaire inférieure. 2. Contrôle. 3. Cathéterisme et embolisation par coils de la segmentaire supérieure pour préservation des branches pancréatiques.
1
2
3
4
Embolisation d ’hémostase
• Résultats– succès technnique 100%
– 90 - 97% de succès clinique avec sauvetage de rate du ttt conservateur avec embolisation toutes études confondues
– pour des lésions plus sévères: grade III/IV/V et/ou lésions vasculaires
– pas de différence d’efficacité embolisation proximale versus distale mais aucune étude comparative randomisée
– pas d’étude contrôlée comparant ttt conservateur sans ou avec embolisation pour des lésions de séverité identique
Sclafani SJ. J Trauma. 1995 Nov;39
Hagiwara A, et al. AJR. 1996 Jul;167.
Haan J, et al. J Trauma 2004; 56
Haan JM, et al. J Trauma. 2005 Mar;58
Bessoud et al. AJR in press
Embolisation d ’hémostase• Complications
– Lésion vasculaire iatrogène, migration coil (rares)
– Infarctus spléniques
• 19 - 29 % des embolisations proximales
• 27 - 50 % des embolisations distales
• surestimation ? (infarctus liés au traumatisme même et non à l’embolisation)
– Abcès• 0 - 3 %
• Toute collection intra ou périsplénique contenant de l ’air n ’est pas un abcès
• Haan J et al. Am Surg 2003 Dec– Jusqu ’à 15 % de collection contenant de l ’air après
embolisation (gélatine ou coils)
– dont seulement 17 % sont des abcès
• Donc ponction aspiration en première intention
Haan JM, et al. J Trauma. 2005 Mar;58
Killeen KL et al. J Vasc Interv Radiol. 2001 Feb;12
Haan J, et al. J Trauma 2004; 56
J4 postembolisationvolumineuse collection mixte hypo-hyperdense de l’aire splénique contenant quelques bulles d ’air (flèche)Drainage chirurgical: hématome stérile
J6 postembolisationCollection hypodense périsplénique contenant des bulles d’air (flèches)Ponction aspiration percutanée: hématome stérile. Pas de drainage. Résolution spontanée
Embolisation d ’hémostase• Fonction splénique ?
– Séries de ligature artère splénique:
pas d ’impact sur fonction splénique
– Séries embolisation• scintigraphies spléniques
• corps de Howell-Joly
• anticorps anti-pneumocoques et anti-haemophilus
pas d’impact notable sur fonction splénique
– Mais• petites séries
• peu de recul
– Donc• pas de consensus sur la vaccination et
l’antibioprophylaxie chez les patients embolisés
Keramidas D. Jpn J Surg. 1991 Mar
Conclusion• Scanner
– Examen clé pour les traumatismes spléniques
– Diagnostic positif et classification
– Impact sur la décision thérapeutique
• conservateur pur
• embolisation
– Planning traitement endovasculaire
• Radiologie interventionnelle– Embolisation d’hémostase
– En évaluation +++
– Nécessité grandes séries contrôlées pour consensus
• technique d ’embolisation
• indications
• impact sur fonction splénique: vaccination ?