traumatismes hépatiques : imagerie diagnostic et...
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Traumatismes hépatiques : imagerie
diagnostic et thérapeutique
N MOATASSIM BILLAH, H ZIANE, S KILALI, S BOUKLATA SERVICE DE RADIOLOGIE DES URGENCES - CHU IBN SINA RABAT - MAROC
INTRODUCTION
Les traumatismes hépatiques, majoritairement dus aux accidents
de la voie publique, intéressent une population jeune.
Ils restent potentiellement graves.
Le foie est le deuxième organe le plus atteint au cours des
traumatismes abdominaux.
Deux mécanismes qui peuvent être associé:
– les décélérations brutales.
– les contusions appuyées par compression directe contre les
côtes ou le rachis.
EPIDEMIOLOGIE
Les traumatismes hépatiques fermés sont observés dans 33 %
des contusions de l’abdomen.
Les accidents de la voie publique représentent 72 % des
causes des THF, les chutes 12 % et les traumatismes direct 8
%.
Les plaies du foie sont observées dans 29 à 39 % des
traumatismes pénétrants de l’abdomen.
Les traumatismes hépatiques sont fréquemment associées à
des lésions gastro-intestinales, jusqu’à 63 % des cas.
CLINIQUE
Toute plaie pénétrante thoracique droite sous-mammelonnaire
est susceptible de léser le foie.
Une plaie pénétrante de l’abdomen impose classiquement une
exploration chirurgicale.
CLINIQUE
L’atteinte hépatique est évoquée devant la présence :
d’une douleur et ou une défense de l’hypocondre droit,
une ecchymose ou un hématome basithoracique,
des fractures costales.
Une cytolyse hépatique proportionnelle au degré des lésions
parenchymateuses, est quasi-constante.
CLASSIFICATION
Classification TDM des lésions traumatiques du foie,
d’après Mirvis et al.
Grade Foie
1 Avulsion capsulaire ; fracture superficielle < 1 cm
Hématome sous capsulaire < 1 cm épaisseur ; infiltration
périportale
2 Fracture de 1 à 3 cm de profondeur
Hématome central ou sous capsulaire de 1 à 3 cm de diamètre
3 Fracture(s) > 3 cm
Hématome central ou sous capsulaire > 3 cm
4 Hématome sous-capsulaire ou central > 10 cm
Destruction tissulaire ou dévascularisation d’un lobe
5 Destruction tissulaire ou dévascularisation des 2 lobes
Lésions des veines hépatiques ou de la veine cave rétrohépatique
MOYENS D’IMAGERIE
Abdomen sans préparation
Radiographie du thorax
Echographie
Tomodensitométrie
Angiographie
IRM
MOYENS D’IMAGERIE
ABDOMEN SANS PRÉPARATION (ASP)
Intérêt discuté
Souvent normal ou révèle un iléus
RADIOGRAPHIE DE THORAX
Systématiquement réalisé dans le bilan des polytraumatismes.
Recherche des lésions thoraciques droites : contusions,
épanchement pleural, fractures de côtes basses.
INDICATION ET TECHNIQUE
Examen de première intention
L’exploration est difficile par les conditions d’urgence
Doit être complète et minutieuse, intéressant l’ensemble des
viscères, des vaisseaux et des espaces abdominopelviens
ECHOGRAPHIE
RESULTATS
Hémopéritoine
Sa présence oriente vers une lésion d’organe
Epanchement abondant : liquide anéchogène réparti dans
tout l’abdomen et dissocie les anses.
Epanchements peu abondants : gouttières pariétocoliques,
l’espace de Morrison, l’espace inter-hépato-diaphragmatique et
le cul-de-sac de Douglas.
ECHOGRAPHIE
Hématome sous capsulaire
Image en «croissant», hypoéchogène, hétérogène avec parfois
des échos déclives de sédimentation, déprimant le parenchyme
hépatique.
Il peut être difficile à différencier du parenchyme ou d’un
épanchement intrapéritonéal périhépatique.
ECHOGRAPHIE
Lésions parenchymateuses
Leur détection difficile à la phase aiguë du traumatisme.
Plages mal définies discrètement hyperéchogènes, devenant
progressivement plus hypoéchogène.
Collections révélées par leur effet de masse sur les repères
vasculaires ou canalaires
Travées hypoéchogènes, plus ou moins étendues et ramifiées.
ECHOGRAPHIE
Lésions vasculaires
L’échodoppler peu d’aide à leur détection à la phase aiguë.
Lésions des voies biliaires
Peu frequentes
Hémobilie : hyperéchogénicité intravésiculaire
Cholépéritoine : épanchement péritonéal strictement anéchogène
s’aggravant sans cause évidente.
ECHOGRAPHIE
Echo-doppler: Anévrysme circulant
INDICATION
C’est l’examen de choix pour le bilan précis des lésions. Elle
s’adresse à un patient stable sur le plan hémodynamique.
TECHNIQUE
Deux acquisitions :
Sans injection pour la visualisation d’un caillot sentinelle
ou la détection d’une lésion isodense après l’injection
l’autre en angioscanner.
TOMODENSITOMETRIE
RESULTATS
Hémopéritoine
Epanchement liquidien de plus ou moins grande abondance.
Densité est variable souvent hypodense en raison de la dilution
du sang.
Signe du caillot sentinelle : zone hyperdense au contact du foyer
hémorragique.
TOMODENSITOMETRIE
Scanner abdominale avec contraste : Importante
fracture hépatique avec hémopéritoire
Lésions parenchymateuses
Hématomes
Phase aiguë : zones spontanément hyperdenses, plus ou moins
hétérogènes, non rehaussées par l’injection.
Evolution : zones hypodense, voire liquidienne.
Topographie sous-capsulaire : aspect en «croissant» ou
lenticulaire, déprimant le contour hépatique.
TOMODENSITOMETRIE
TDM abdominale avec (a) et sans (b) contraste: Hématome hépatique grade IV de Mirvis
a b
Lésions parenchymateuses
Lacérations et fractures
Travées hypodenses, irrégulières, ramifiées.
Suivent le trajet des vaisseaux.
Localisation préférentielle : lobe droit, parallèles à la veine sus-
hépatique droite.
Leur extension à la face postérieure du foie s’accompagne d’une
effusion hémorragique péricave pouvant s’étendre à la surrénale
droite.
TOMODENSITOMETRIE
TDM abdominale avant et après contraste: Fracture hépatique du segment V grade 3 de Mirvis.
TDM abdominale avec contratse : Contusion hépatique
grade IV de Mirvis.
TDM abdominale avec injection IV de produit de
contraste iodé: Contusion hépatique associée à un
hématome sous capsulaire splénique.
Scanner abdominale avec contraste: Contusion
hépatique associée à une fracture rénale polaire
supérieure droite.
Lésions parenchymateuses
Les hématomes et lacérations :
Sont classés en superficiels (à moins de 3 cm de la capsule)
ou profonds (à plus de 3 cm).
Leur étendue par rapport à la surface du foie doit être notée
ainsi que leur extension vers le lit vésiculaire et les gros
vaisseaux.
TOMODENSITOMETRIE
Lésions vasculaires
Sensibilité : 65 %
Spécificité : 85 %
Les faux positifs peuvent être dus à :
des saignements extrahépatiques
la persistance de parenchyme normalement rehaussé au sein
d’une contusion hypodense
un vaisseau hépatique traversant une fracture.
TOMODENSITOMETRIE
Lésions vasculaires
Deux formes de l’hémorragie active artérielle :
Saignement extrahépatique, sous-capsulaire ou intrapéritonéal
révélé par une extravasation en « flaque » du produit de contraste.
Saignement intrahépatique réalisant, soit l’opacification d’un
pseudoanévrisme, image arrondie de densité quasi équivalente à
10 UH près à la densité artérielle, soit l’opacification de flaques
intraparenchymateuses.
TOMODENSITOMETRIE
TDM abdominale avec injection IV de PCI:
Anévrysme post traumatique circulant de l’artère
hépatique
TDM abdominale avec injection IV de PCI:
Opacification du sac anévrysmal.
Lésions vasculaires
Les lésions des gros troncs veineux sont rares et suspectées devant :
Une extension des lacérations vers l’origine des veines sus hépatiques,
la veine cave inférieure ou le tronc porte.
Des défauts de perfusion du parenchyme hépatique.
Un abondant hématome.
TOMODENSITOMETRIE
Lésions biliaires
Cholépéritoine :
Epanchement libre ou d’une collection de densité proche ou inférieure
à celle de l’eau.
Difficile de le différencier d’un épanchement sanguin vieilli.
TOMODENSITOMETRIE
Lésions biliaires
Hémobilie :
Hyperdensité spontanée intravésiculaire.
Spécifique si aucun produit de contraste n’a été injecté dans les 48
heures précédentes.
TOMODENSITOMETRIE
Modifications de la vésicule évoquent un traumatisme :
Epanchement localisé périvésiculaire.
Hyperdensité du contenu de la vésicule (caillot).
Epaississement localisé ou interruption de sa paroi.
Petite vésicule de contours mal définis
Lacérations hépatiques juxtavésiculaires,
Volumineux hématome de la loge vésiculaire par rupture de l’artère
cystique.
TOMODENSITOMETRIE
Indication
Phase aiguë
Réalisée après une TDM ayant révélé une fuite vasculaire intra-
ou extrahépatique.
Préconisée de façon systématique dans les grades supérieurs à 3,
avec extension des lésions aux veines sus-hépatiques.
Confirme l’existence d’une atteinte vasculaire artérielle.
Précise le nombre de vaisseaux atteints.
Permet un geste d’embolisation.
ANGIOGRAPHIE
Indication
Phase chronique
Permet le bilan des fistules artérioportales ou artériobiliaires et
constitue le premier temps du traitement.
ANGIOGRAPHIE
Technique
Injection dans l’aorte et le tronc cœliaque
Repérage de la disposition anatomique des vaisseaux
Cathétérisme sélectif de l’artère hépatique commune, voire de
l’artère hépatique droite issue de l’artère mésentérique supérieure
avec séries de face et oblique.
Embolisation de la fuite artérielle de façon la plus sélective
possible avec des agents résorbables (particules) ou non (coils).
ANGIOGRAPHIE
Résultats
Fuite de produit de contraste
Opacification d’un pseudoanévrisme intrahépatique
Occlusion ou des irrégularités de la lumière vasculaire
Dévascularisation de segments hépatiques
Fistule artérioveineuse ou artériobiliaire
ANGIOGRAPHIE
Opacification du sac anévrysmal
Indication
La phase tardive du traumatisme : recherche des complications
biliaires.
Technique et résultats
Séquences de cholangio-IRM montrant :
Zones de sténoses le plus souvent périhilaires
Dilatations plus ou moins importantes des voies biliaires
intrahépatiques sus-jacentes.
IRM
CONDUITE A TENIR ET TRAITEMENT
Le choix thérapeutique dépend :
L’état hémodynamique du patient et sa réponse à la réanimation
Le bilan scanographique des lésions anatomiques
Possibilités locales : accès à un geste d’embolisation.
OPTIONS THERAPEUTIQUES
Trainement chirurgical
Traitement par embolisation
Traitement non opératoire en milieu spécialisé
Traitement chirurgical
L’absence d’amélioration après perfusion d’un volume liquidien
supérieur à 3 L (dont trois à quatre culots sanguins) fait décider la
laparotomie.
Patient stabilisé présentant une fuite active en angiographie.
D’emblée ou après un geste chirurgical de packing, qui permet
de limiter le saignement mais non de traiter la cause.
Traitement par embolisation
Artériographie après embolisation
Traitement non opératoire en milieu spécialisé
La décision d’un traitement non opératoire repose sur les arguments
suivants :
Stabilité tensionnelle ;
Absence de suspicion de lésion associée d’un organe creux ;
Capacité à organiser une surveillance vigilante continue ;
Possibilité d’intervention à tous moments ;
Disposition d’examens échographique et tomodensitométrique et
d’artériographie avec embolisation éventuelle.
La durée de la surveillance nécessaire ne fait pas l’objet d’un
consensus.
COMPLICATIONS
Persistance ou la reprise hémorragique
Complications septiques
Complications vasculaires
Complications biliaires
Persistance ou la reprise hémorragique
Patient non opéré +++
Aggravation d’un hémopéritoine
Augmentation de volume d’un hématome
=> Traitement chirurgical ou radiologique.
Complications septiques
Patient opéré +++
Surinfection d’un hématome ou d’un bilome
Nécrose parenchymateuse
Abcès intraabdominal
=> Traitement de choix : ponction-drainage percutanée sous
écho ou scanoguidée.
Complications vasculaires
Hémobilie
Hypertension portale : évoquée sur l’échodoppler et confirmée
sur l’examen tomodensitométrique
Fistule artérioportale : rehaussement précoce d’un vaisseau porte
Pseudoanévrisme : formation arrondie, intensément rehaussée au
temps artériel
L’artériographie peut être indiquée dans un but diagnostique et
thérapeutique.
Complications biliaires
Bilome, fistule, sténose
Décalée dans le temps : plusieurs semaines ou mois après le
traumatisme initial
Collections liquidiennes encapsulées, anéchogènes et/ou
hypodenses, contenant parfois quelques septa.
Dilatation des voies biliaires intrahépatiques => Sténose
Diagnostic différentiel : hématomes en cours de liquéfaction, abcès
Ponction percutanée à visée diagnostic et thérapeutique
MESSAGES A RETENIR
L’échographie est l’examen à réaliser en urgence chez un
traumatisé abdominal.
La TDM est l’examen de choix pour :
évaluer et classer les traumatismes hépatiques
quantifier l’hémopéritoine
détecter les lésions associées.
L’attitude thérapeutique actuelle est de privilégier un traitement
conservateur grâce aux gestes de radiologie interventionnelle.
AUTO-EVALUATION
1) Devant la suspicion d’un traumatisme hépatique :
a. L’échographie est l’examen de première intention
b. Le scanner est l’examen de choix pour le bilan précis des lésions
c. L’IRM peut être indiquée à la phase chronique du traumatisme
d. L’IRM est indiquée à la phase aigue du traumatisme
AUTO-EVALUATION
2) Devant un traumatisme hépatique l’angiographie est :
a. Préconisée systématiquement
b. Réalisée après une TDM ayant révélé une fuite vasculaire intra-
ou extrahépatique.
c. Préconisée de façon systématique dans les grades supérieurs à 3
de Mirvis, avec extension des lésions aux veines sus-hépatiques.
d. Permet un geste d’embolisation.
AUTO-EVALUATION
3) Devant un traumatisme hépatique :
a. un traitement par embolisation peut se faire d’emblée ou après
un geste chirurgical.
b. Un traitement non opératoire au milieu spécialisé; nécessite la
disposition d’examens échographique et tomodensitométrique et
d’artériographie avec embolisation éventuelle.
c. Il n’y a pas de place pour le traitement non opératoire
d. Les complications septiques se voient surtout chez les patients
opérés.
AUTO-EVALUATION
Réponses
1. a, b, c
2. b, c, d
3. a, b, d
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