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     10-015-B-10

    Syndrome de Cushing

    A. Tabarin, M.-L. Nunes

    Le  syndrome  de  Cushing  endogène  regroupe  l’ensemble  des  symptômes  secondaires  à  une  sécrétionchronique de glucocorticoïdes. Il  s’agit d’une maladie rare correspondant à plusieurs étiologies. Le diag-nostic du syndrome de Cushing s’articule en plusieurs étapes  successives : dépistage, confirmation puis diagnostic étiologique afin de permettre  un traitement adapté à  l’étiologie causale. Le  respect  de  cette chronologie et l’utilisation rationnelle des outils diagnostiques et thérapeutiques à notre disposition sont essentielles pour prendre en charge le syndrome de Cushing de manière optimale. Indépendamment de son étiologie, le syndrome de Cushing est associé à une surmortalité essentiellement d’origine cardiovas-culaire, une morbidité sévère et une altération de la qualité de vie. Si celles-ci s’améliorent habituellement après la guérison de  l’hypercortisolisme, des  travaux  soulignent la  fréquence des  séquelles morbides au long terme, ce qui souligne l’importance d’un diagnostic précoce et  la nécessité d’un suivi prolongé des 

    patients.© 2015 ElsevierMassonSAS.Tousdroits réservés.

    Mots-clés : Cortisol ; Maladie de Cushing ; Sécrétion ectopique d’ACTH; Tumeur neuroendocrine;Tumeurs surrénaliennes ; Adénome hypophysaire ; Corticosurrénalome malin

    Plan

    ■ Introduction 1■ Diagnostic positif du syndrome de Cushing 1 Aspects cliniques du syndrome de Cushing 1Diagnostic biologique 4

    ■ Diagnostic différentiel du syndrome de Cushing 5Obésité 5Hypercorticismes iatrogènes 5

    Syndrome de résistance généralisée au cortisol 6Pseudosyndrome de Cushing 6

    ■ Diagnostic étiologique du syndrome de Cushing 6Étude de la dépendance de l’hypercorticisme vis-à-visdel’«adrenocorticotrophic hormone» 6Diagnostic étiologique du syndrome de Cushing« adrenocorticotrophic hormone»-dépendant 6Diagnostic étiologique du syndrome de Cushing« adrenocorticotrophic hormone»-indépendant 9

    ■ Particular ités du syndrome de Cus hing selon le t errain 12Enfant 12Femme enceinte 12

    ■ Traitement du syndrome de Cushing 12Moyens thérapeutiques 12Indications thérapeutiques 15

    IntroductionLa prise en charge du syndrome de Cushing comporte plusieurs

    étapessuccessives :

    • l’évocation du syndromedeCushing sur des données cliniques ;•   la confirmation biologique de l’hypercortisolisme endogène etautonome ;

    •   le diagnostic différentiel éliminant les hypercortisolismes fonc-tionnels et iatrogènes ;

    • la démonstration biologique de l’adrenocorticotrophic hormone(ACTH)-dépendance ou indépendance de l’hypercortisolisme;

    • la mise en évidence de la lésion à l’origine du syndrome deCushing ;

    • la réalisation d’un traitement adapté à l’étiologie du syndrome

    de Cushing.

    Diagnostic positif du syndromede Cushing

    Aspects cliniques du syndrome de CushingLe syndrome de Cushing partage de nombreux symptômes

    non spécifiques avec le syndrome métabolique (obésité viscérale,hypertension artérielle [HTA], dyslipidémie, troubles de la gly-corégulation). Dans cette situation, le clinicien doit rechercherles symptômes cutanés, musculaires et osseux, reflets de l’activitécatabolique et anti-anabolique du cortisol sur le métabolisme pro-tidique qui sont les plus spécifiques et dont la présence renforceconsidérablement la probabilité a priori de syndrome de Cushing.

    Sémiologie clinique typique

    Le tableau clinique classique est décrit tel qu’il peut être ren-contré chez une femme d’âge moyen.

    EMC - Endocrinologie-Nutrition 1Volume12 > n◦3 > juillet 2015http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(15)64270-6

    http://localhost/var/www/apps/conversion/tmp/scratch_1/dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(15)64270-6http://localhost/var/www/apps/conversion/tmp/scratch_1/dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(15)64270-6

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    A B

    Figure1. Facièstypique d’un syndrome de Cushing: obésité faciotronculaire, visagebouffi,«buffalo-neck» au niveau de la nuque, comblement des creuxsus-claviculaires et érythrose faciale.A. De face.B. De profil.

    A B

    Figure 2.  Vergetures caractéristiques abdominales (A) et axillaires (B) et typiques du syndrome de Cushing.

    Anomalies morphologiques permettant d’évoquer le diagnostic dès l’inspection (Fig. 1, 2)Ces anomalies sont acquises et peuvent être différenciées des

    aspects «Cushingoïdes » constitutionnels par la comparaison avecdes photographies anciennes du patient.

    Prise pondérale : le symptôme le plus fréquent. Elle survienten l’absence de modification des habitudes alimentaires et est peusensible à la restriction calorique. Cette obésité a une topographiefaciotronculaire caractéristique : le visage devient arrondi, bouffiavec un comblement des creux sus-claviculaires. Au niveau dela nuque, l’accumulation de tissu adipeux donne un aspect en« bosse de bison » et, dans le territoire splanchnique, elle est res-ponsable d’une augmentation du tour de taille. Cette répartitionsingulière contraste avec une amyotrophie des ceintures. Aprèsla guérison du syndrome de Cushing, une diminution significa-tive du poids et de la masse grasse est généralement observée enquelques mois. Néanmoins, la persistance à long terme d’un excèspathologique de graisse viscérale est fréquente [1,2].

    Symptômes « cataboliques » : les plus spécifiques du syn-

    drome de Cushing.• L’amyotrophie prédomine au niveau des ceintures et de lasangle abdominale. Elle est recherchée par la palpation duquadriceps crural et grâce à la manœuvre du tabouret. Elle

    est responsable d’une fatigabilité lors de la montée d’escalierset peut confiner le patient au décubitus. L’aspect grêle desmembres inférieurs contraste avec l’adiposité faciotronculaireet l’abdomen protubérant par relâchement de la sangle abdo-minale ;

    • manifestations cutanées : la peau du visage est érythrosiqueavec des télangiectasies. L’atrophie cutanée est visible et pal-pable au niveau de la face dorsale des mains (en « feuille depapier à cigarette »). Elle s’associe à une fragilité cutanéoca-pillaire, lenteur à la cicatrisation et des ecchymoses survenantpour des traumatismesminimes. Les vergetures sont caractéris-tiques : larges, pourpres, de disposition horizontale sur les flancset à la racine des membres ou radiaire en région mammaire etpériombilicale.

    Autres manifestations cliniquesOstéopénie et ostéoporose [3]. La prévalence de l’ostéoporose

    dans le syndrome de Cushing est mal connue faute d’étudesystématique. L’ostéodensitométrie peut être faussement rassu-

    rante du fait d’un remaniement fragilisant de l’architectureosseuse, indépendamment de sa densité minérale. Des fracturesvertébrales asymptomatiques seraient présentes chez une majo-rité de patients. Des fractures pathologiques, costales ou des

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    tassements vertébraux peuvent survenir quand l’hypercorti-solisme est intense ouprolongé. L’évolutionde l’ostéoporoseaprèsla guérison de l’hypercortisolisme est généralement favorable enquelques années, mais peut persister chez les sujets âgés ou ayantété victimes d’un hypercortisolisme très intense. Troubles gonadiques fonctionnels [4]. Le degré de l’atteinte

    gonadique fonctionnelle est proportionnel à l’intensité del’hypercortisolisme. En cas d’hypercortisolisme modéré, uneinfertilité et spanioménorrhée liées à un syndrome des ovairespolykystiques sont fréquentes. En cas d’hypercortisolisme intense,il existe généralement chez l’homme une aménorrhée secondaire

    ou impuissance avec atrophie testiculaire liée à une hypogona-disme hypogonadotrope.

    Hypertension artérielle [5]. Elle joue un rôle majeur dansl’augmentation de la mortalité associée au syndrome de Cushinget est présente chez environ 70% des patients. L’amélioration dela pression artérielle et la diminution des besoins en traitementantihypertenseur sont observées chez la majorité des patientsaprèsguérisonmais l’HTA peut persister chez environ25%d’entreeux. Sa persistance est attribuée à un remodelage des microvais-seaux artériels ou à la rémanence de l’adiposité abdominale et del’insulinorésistance. La durée de l’exposition à l’excès de cortisolest un facteur déterminant de la rémanence de l’HTA et constitueun facteur prédictif  de surmortalité. En cas d’hypercortisolismeintense, les capacités d’inactivation du cortisol par l’enzyme 11--hydroxystéroïde déshydrogénase rénale qui métabolise le cortisolen cortisone sont dépassées et le cortisol peut activer le récepteurrénal des minéralocorticoïdes entraînant un syndrome d’excèsapparent de minéralocorticoïdes avec HTA et hypokaliémie parfuite rénale.

    Perturbations de la crase sanguine

    [6]

    . Elles associent unehypercoagulabilité et une inhibition du système fibrinoly-tique. Cet état prédispose aux accidents thromboemboliques, enparticulier durant les semaines faisant suite à une chirurgie trans-phénoïdale ou dans les hypercortisolismes intenses [7].

    Symptômes psychiatriques et cognitifs [5,8] . Le syndrome deCushing est associé à une prévalence élevée de symptômes psy-chiatriques. Les symptômes dépressifs sont les plus fréquents,associés aux troubles du sommeil et du comportement alimen-taire.Leur caractère fluctuant d’un jour à l’autre est caractéristiquedu syndrome de Cushing. Les symptômes d’anxiété sont éga-lement fréquents mais les tableaux d’anxiété généralisée et detrouble de panique sont rares. Il en est de même des états psycho-tiques aigus qui sont plus volontiers rencontrés chez les patientsayant une psychopathologie antérieure. L’atteinte cognitive estfréquente et apparaît pour l’essentiel liée à une atteinte hippo-campique (mémoire verbale déclarative). Des atteintes variéesdes fonctions cognitives et témoignant d’une atteinte frontaleont également été décrites (capacité d’apprentissage, perfor-mance intellectuelle) et suggèrent que l’excès de cortisol aboutit

    à un vieillissement cérébral prématuré. La guérison du syn-drome de Cushing s’accompagne d’une amélioration franchedes symptômes psychopathologiques. Néanmoins, des étudesmenées à long terme révèlent des séquelles psychologiques abou-tissant fréquemment à un état relatif  de mauvaise adaptationà l’environnement professionnel ou social (asthénie, irritabilité,anxiété, état affectif négatif). Il en est de même des troubles cog-nitifs, notamment de l’altération des fonctions mémorielles [9–11].Ces données suggèrent que le syndrome de Cushing puisse avoirdes effets irréversibles sur le système nerveux central. Troubles métaboliques [5,12]. L’intolérance aux hydrates de

    carbone et le diabète sucré jouent un rôle majeur dans le risquecardiovasculaire associé au syndrome de Cushing. La prévalencedu diabète sucré rapportée dans la littérature (20 à 50% despatients) est vraisemblablement sous-estimée car fondée sur lamesure de la glycémie à jeun. Lorsqu’une hyperglycémie provo-quée par voie orale (HGPO) est réalisée, la prévalence de diabètesucré intéresse plus de 50% des patients. Des anomalies lipi-diques caractéristiques de l’insulinorésistance sont associées chezplus de 50% des patients : hypertriglycéridémie, diminution duhigh density lipoprotein (HDL)-cholestérol et, à un moindre degré,augmentation du low density lipoprotein (LDL)-cholestérol [13]. Cesanomalies métaboliques s’améliorent en général après rémissionde l’hypercortisolisme, mais la prévalence du diabète sucré et des

    dyslipidémies demeure accru par rapport à une population desujets appariés sur l’âge et l’indice de masse corporelle (IMC).Chez ces patients, la tolérance aux hydrates de carbone est inver-sement corrélée au tour de taille, suggérant que la persistanced’anomalies de la distribution des graisses joue un rôle physio-pathologique clé [2]. Quelques études suggèrent que la persistancede ces facteurs de risque cardiovasculaire est corrélée à la durée del’hypercortisolisme.

    Altération de la qualité de vie [14–16]. Le développement dequestionnaires de qualité de vie spécifiques de la maladie deCushing a conforté des travaux antérieurs utilisant des question-

    naires génériques et démontrant une atteinte de la qualité devie dans le syndrome de Cushing. Les rares études menées aprèsguérison du syndrome de Cushing sont concordantes avec larémanence de symptômes dépressifs et de séquelles somatiqueset cognitives et concordent vers une amélioration globale de laqualité de vie mais la persistance d’altérations à long terme.

    Pronostic du syndrome de Cushing. Les patients souffrantde syndrome de Cushing évolutif ont un risque de surmortalitémultiplié par quatre par rapport à une population standard [5,17].Cette mortalité prématurée est essentiellement d’origine cardio-vasculaire (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral[AVC], embolie pulmonaire), conséquence des effets directs etindirects de l’hypercortisolisme sur le cœur, les vaisseaux, lesfacteurs de la coagulation, l’adiposité et le métabolisme. La plu-part des études atteste que la guérison du syndrome de Cushings’accompagne d’une réduction significative de la mortalité [17].Il existe néanmoins une controverse quant à la persistanced’une surmortalité résiduelle après guérison du syndrome deCushing [17–19]. Ces données défavorables sont compatibles avec

    la persistance d’adiposité viscérale, HTA et troubles de la glyco-régulation chez les patients. Dans plusieurs études, la durée del’imprégnation excessive en cortisol, la persistance d’HTA et d’undiabète sucré sont des facteurs associés à la surmortalité cardiovas-culaire. Leur évaluation et leur traitement éventuel après guérisondu syndrome de Cushing est donc un volet important de la priseen charge thérapeutique.

    Formes cliniques

    Formes paucisymptomatiquesLa prévalence des tableaux cliniques «historiques » recule aux

    dépens de formes paucisymptomatiques. Différentes études ontsoulevé la question d’un screening  systématique du syndromede Cushing devant certains états morbides comme l’obésité,le diabète sucré, l’HTA ou l’ostéoporose en l’absence d’autressymptômes évocateurs. Les données obtenues dans des cohortesde patients obèses ou hypertendus montrent la prévalence trèsfaible du syndrome de Cushing (< 1%). Plusieurs études ont enrevanche mis en évidence une prévalence inattendue de 1 à 9%

    de syndrome de Cushing occulte chez des patients diabétiques detype2 [20]. Le plus souvent, le syndrome de Cushing est lié à unetumeur surrénalienne autonome responsable d’un hypercortiso-lisme d’intensité modérée. Les performances diagnostiques desoutils biologiques dans ce contexte d’hypercortisolisme aminimasont un écueil majeur à la mise en place d’un dépistage sys-tématique (risque de faux positif  élevé). De plus, l’absence dedémonstration formelle que le traitement de l’hypercortisolismea minima offre un bénéfice thérapeutique supérieur au traite-ment pharmacologique de la maladie métabolique plaide contreun dépistage systématique de l’hypercortisolisme devant tout dia-bétique de type 2 [20]. La prévalence du syndrome de Cushingocculte serait la plus importante chez les patients diabétiques detype2 relativement jeunes avec un diabète difficile à équilibreret associé à une HTA sévère. Une vigilance particulière quant àl’existence d’un syndrome de Cushing est donc recommandéedans ce cas de figure [21]. Il convient également de rechercher unehypersécrétion autonome de cortisol devant toute tumeur sur-rénalienne d’origine corticale découverte fortuitement (adénomecortisolique infraclinique) [22].

    Formes enrichiesElles sont généralement secondaires à une hypersécrétion

    d’autres stéroïdes. L’hyperandrogénie liée à une sécrétion

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    excessive de déhydroépiandrostérone (DHEA) est habituellementd’intensité limitée et se limite à un hirsutisme du visage associéeà une séborrhée et des lésions acnéiques du visage. Les symp-tômes majeurs de virilisation (raucité de la voix, hypertrophieclitoridienne, etc.) sont plus rares et orientent vers un carcinomesurrénalien. Une sécrétion associée à des estrogènes peut être res-ponsable de gynécomastie et d’atrophie testiculaire chez l’hommeoude métrorragies chez les femmes ménopausées. La sécrétion deprécurseurs des hormones minéralocorticoïdes (déoxycorticosté-rone [DOC]) peut entraîner une hypokaliémie et des œdèmes desmembres inférieurs.

    Une mélanodermie liée à une sécrétion excessive de peptidescorticotropes est parfois notée dans les sécrétions ectopiquesd’ACTH. Il convient de signaler, enfin, les symptômes tumoraux,variables selon l’étiologie du syndrome de Cushing, liés à unvolumineux adénome hypophysaire (céphalées, amputations duchamp visuel), à un carcinome surrénalien (pesanteur, douleurslombaires et abdominale, compression cave, phlébites, etc.) ou àune tumeur ACTH-sécrétante ectopique (altération de l’état géné-ral).

    Syndrome de Cushing comme urgence médicaleUn hypercortisolisme chronique ignoré ou un hypercortiso-

    lisme intense, volontiers rencontré chez les patients ayant unesécrétion ectopique d’ACTH ou un carcinome surrénalien, peutmenacer le pronostic vital à court terme et constitue une situa-tion d’urgence endocrinienne. Les symptômes métaboliques etcataboliques sont exacerbés confinant le patient au décubitus dufait d’une amyotrophie marquée et de fractures vertébrales. Il s’yassocie HTAsévère, hypokaliémie profonde, diabète sucré intense.La dépressionimmunitaire engendrée par l’hypercortisolismepré-dispose aux infections sévères systémiques, en particulier auxgermes opportunistes et fongiques ( Pneumocystis  jirovecii, etc.).L’augmentation du risque thromboembolique est à l’origine dephlébites et d’embolies pulmonaires qui doivent être active-ment recherchées. Parmi les autres complications possibles, ilfaut citer l’insuffisance cardiaque aiguë, les péritonites liées à desperforations d’organes creux, les pancréatites aiguës et les étatspsychotiques aigus.

    Syndrome de Cushing intermittent [23]

    Parfois, les périodes d’hypercorticisme alternent avec despériodes d’eucortisolisme pouvant durer plusieurs semaines, voireplusieurs mois. L’alternance de ces deux phases est intitulée syn-drome de Cushing « cyclique ». Il faut évoquer cette possibilitélorsque l’impression clinique contraste avec une biologie nor-male (voire d’insuffisance corticotrope transitoire) ou lorsque dessymptômes (prise de poids, diabète sucré, HTA) s’amendent spon-tanément puis réapparaissent.

    Diagnostic biologiqueAnomalies biologiques non spécifiques

    En dehors des troubles métaboliques évoqués plus haut, unehyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles associée à unerelative lympho- et éosinopénie est classique. L’alcalose hypo-kaliémique est le fait des hypercortisolismes intenses. Unehypercalciurie isolée peut également être rencontrée. En dehorsde l’hypogonadisme fonctionnel, il convient de citer diversesanomalies endocriniennes engendrées par l’hypercortisolisme :la diminution de la concentration de  growth hormone (GH)plasmatique en réponse aux stimuli de l’axe somatotrope asso-ciée à la concentration plasmatique d’insulin-like growth factor-1(IGF-1) généralement normale, mais dont la bioactivité est dimi-nuée, l ’euthyroid  sick syndrome, qui associe, selon l’intensité,l’hypercortisolisme à une baisse isolée de la concentration de T3par inhibition de la 5 désiodase périphérique ou à une baisse desconcentrations de T3, T4 et thyroid stimulation hormone (TSH) parinhibition centrale de l’axe thyréotrope.

    Anomalies biologiques spécifiques

    Il n’existe pas d’étalon standard biologique doté de perfor-mances diagnostiques absolues pour le syndrome de Cushing.

    Celui-ci repose sur la confrontation des résultats de plusieursinvestigations appréhendant des anomalies distinctes de la sécré-t ion de cortisol caractéristiques du syndrome de Cushing. Lesperformances des tests dépendent étroitement de la technique uti-lisée, de l’expertise du laboratoire et de la prévalence a priori de lamaladie. Ainsi, les performances sont d’autant meilleures que lasuspicion clinique de syndrome deCushing est importante [20]. Unautre élément essentiel caractéristique du syndrome de Cushingest la variabilité sécrétoire dans le temps [24]. Il s’agit là d’un para-mètre incontrôlable qui impose prudence lors de l’interprétationdes résultatsbiologiques et de savoir les répéter en cas de normalité

    si la conviction clinique est forte. Enfin, l’activation physiolo-gique de l’axe corticotrope en réponse « aux situations de stress»et affections intercurrentes peut engendrer un hypercortisolismefonctionnel aigu. Les investigations diagnostiques doivent doncêtre menées en dehors de ce contexte.

    Mise en évidence d’une sécrétion excessive de cortisolCortisolémie. La cortisolémie matinale est peu informative

    du fait de larges chevauchements entre les valeurs normales etcelles rencontrées dans le syndrome de Cushing. En revanche, dufait de la décroissance physiologique de la cortisolémie durantle nycthémère, la cortisolémie à minuit est très discriminativeet constitue un excellent test diagnostique [25]. Cette approche seheurte néanmoins à la difficulté d’obtention d’un prélèvementvespéral ambulatoire et nécessite donc une hospitalisation avecpose d’un cathéter veineux.

    Cortisol salivaire [26]. La concentration de cortisol salivaireest étroitement corrélée à la cortisolémie libre plasmatique. Lafacilité du recueil de la salive est particulièrement intéressante etla mesure du cortisol salivaire entre 23h et 0h est particulière-

    ment utile au dépistage ambulatoire du syndrome de Cushing.Largement utilisé dans certains pays [27], ce dosage n’est malheu-reusement pas enregistré en France et n’est disponible que dansquelques centres.

    Cortisol libre urinaire [27]. L’excrétion du cortisol libre uri-naire (CLU) des 24heures est corrélée à la quantité de cortisolbioactif  ayant circulé durant le nycthémère. La capacité deliaison de la transcortine est atteinte pour des concentrationsde cortisol telles qu’on les observe au réveil. De fait, en casd’hypercortisolisme, le CLU s’accroît de manière exponentiellepar rapport à la cortisolémie. La mesure du CLU des 24heuresdoit être réalisée à au moins deux reprises [24] et suffit au diagnos-tic de syndrome de Cushing lorsqu’elle est supérieure à quatre foisla normale. Elle se heurte néanmoins à plusieurs écueils :• liés au terrain : le CLU doit être rapporté à la surface corpo-relle chez l’enfant ou à des normes établies en fonction duterme de la grossesse. Il peut être modérément élevé en cas destress et états dépressifs («pseudosyndrome de Cushing ») et estininterprétable en cas d’insuffisance rénale ;

    techniques : la spécificité des anticorps utilisés dans les troussesde dosages est souvent imparfaite et responsable de fauxpositifs(élévation modérée). La mesure du CLU est réalisée idéalementpar spectrométrie de masse ou a minima après séparation dansun laboratoire spécialisé ;

    •   difficulté du recueil complet des urines des 24heures. Il estindispensable d’expliquer précisément les modalités du recueilaux patients et la mesure simultanée de la créatininurie estimpérative pour valider l’intégralité du recueil urinaire.

    Rupture du rythme circadien de sécrétion du cortisolL’analyse du rythme circadien du cortisol plasmatique est

    une approche diagnostique qui se prête peu à l’explorationambulatoire. La modalité la plus classique consiste à réaliserdes prélèvements sanguins toutes les quatre heures pendant24heures. Les performances de l’étude du rythme circadien ducortisol plasmatique ne sont pas nécessairement meilleures quecelles de la simple mesure de la cortisolémie à 0h. Néanmoins,elle peut être utile dans le diagnostic différentiel avec un pseudo-syndrome de Cushing.

    Perte du rétrocontrôle des corticoïdes exogènessur la sécrétion surrénalienne

    Modalités pratiques. Celle-ci est étudiée grâce à la dexamé-thasone. Les protocoles de freinage les plus utilisés sont :

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    Suspicion clinique d’un syndrome de Custing

    Éliminer une prise exogène de cor ticoïdes

    Effectuer l'un des trois tests suivants :

    Freinage minute 1 mgdexaméthasone

    Résultat anormal

    Éliminer les causes physiologiques d’hypercortisolismeFreinage standard à la dexaméthasone

    Rythme nycthéméral du cortisol plasmatique ou salivaire ±test desmopressine ± test dexaméthasone-CRH

    2 CLU des24 heures

    2 cortisols salivairesà minuit

    Résultats anormaux :syndrome de Cushing

    Résultats discordants :répéter les tests

    Résultats normaux :Cushing peu probable

    Figure 3.  Arbre décisionnel. Algorithme de diagnostic positif du syndrome de Cushing. CLU: cortisol libre urinaire; CRH:corticotropin-releasing hormone.

    • le freinage «minute» (overnight  des Anglo-Saxons) quicomporte un dosage du cortisol plasmatique ou salivaire mati-nal après la prise de 1mg de dexaméthasone la veille vers 23h.Cette simplicité est compatible avec l’exploration ambulatoire ;

    • le freinage « faible » de Liddle (appelé freinage « standard» dansl’Hexagone) : 0,5mg de dexaméthasone sont administrés toutesles six heures pendant 48heures, la première prise débutant à9h. La mesure de la cortisolémie est réalisée six heures après ladernière prise de dexaméthasone.Écueils méthodologiques.

    • La prise d’inducteurs enzymatiques (rifampicine, phénobar-bital, diphénylhydantoïne, primidone, carbamazépine) peutêtre à l’origine de faux positifs du fait d’une accélération dumétabolisme hépatique de la dexaméthasone. À l’inverse, lesinhibiteurs du cytochrome P3A4 (CYP3A4) inhibent son méta-bolisme (itraconazole, ritonavir, fluoxétine) ;

    • l’éthinylestradiol augmente la synthèse de la corticosteroid-binding  globulin (CBG) et peut élever le cortisol plasmatique(cortisolémie « totale »). Les dosages urinaires et salivaires decortisol libre circonviennent cet artefact ;

    • la variabilité interindividuelle du métabolisme de la dexa-méthasone qui explique la moindre spécificité du freinage«minute» qui utilise de faibles doses par rapport au freinagestandard, plus robuste [21] ;

    • le seuil critique de cortisolémie pour analyser les résultatsdes tests de freinage est discuté [27]. Il n’existe pas de valeuruniverselle et celle-ci est un compromis entre sensibilité etspécificité. Le seuil historique de 140nmol/l manque vrai-semblablement de sensibilité en regard de la distribution dela cortisolémie à l’aide des immunodosages actuels (cortisol< 50nmol/l chez la majorité des sujets sains). A contrario, unecortisolémie supérieure à 50nmol/l peut être rencontrée chezaumoins 5% des sujets sains et expose au risque de faux positif.L’interprétation des résultats n’est pas dichotomique et la pro-babilité de syndrome de Cushing est d’autant plus importanteque la cortisolémie post-test est élevée ;

    • la possibilité d’hypercortisolisme freinable chez 3 à 8% desmaladies de Cushing [28].Un test de freinage ne peut donc suffire à poser ou exclure le

    diagnostic de syndrome de Cushing.

    Synthèse et stratégie diagnostique (Fig. 3)Dans une démarche diagnostique courante, il convient

    d’organiser les explorations en deux étapes successives, une pre-mière de dépistage (de préférence peu dispendieuse et réalisableen ambulatoire) et une seconde étape de confirmation [27]. Pourle dépistage, les performances diagnostiques du CLU, du corti-sol salivaire à 0h et du test de freinage minute sont globalementéquivalentes [29]. Le choix entre ces différentes techniques dépenddonc de leur disponibilité, des performances du laboratoire quiles réalise et des éventuelles sources d’erreurs techniques propresau patient. L’étape de confirmation multiplie les investigationsbiologiques en privilégiant celles n’ayant pas été réalisées lorsde l’épreuve de dépistage et est réalisée en milieu spécialisé.En cas de suspicion de syndrome de Cushing intermittent, lesphases d’hypercortisolisme peuvent être mises en évidence àl’aide du cortisol salivaire en demandant au patient de recueillir

    de manière répétée leur salive au coucher pendant plusieurssemaines [30].

    Diagnostic différentieldu syndrome de Cushing

    ObésitéL’absence de signes « cataboliques » cutanés et musculaires per-

    met souvent de faire la différence avec le syndrome de Cushingdès l’examen clinique. Le CLU des 24heures est le plus souventnormal et n’est discrètement élevé qu’en cas d’obésité massive.

    Hypercorticismes iatrogènesLors de la corticothérapie exogène, l’aspect clinique contraste

    avec le profil biologique d’insuffisance corticotrope par freinagede l’axe corticotrope (cortisol plasmatique et urinaire, ACTH

    plasmatique effondrés). Si la corticothérapie est le plus sou-vent générale, des syndromes de Cushing iatrogènes ont étédécrits avec l’utilisation chronique de corticoïdes locaux, notam-ment par voie transcutanée ou sprays pour le traitement de

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    l’asthme, notamment lorsque ceux-ci sont associés à des médica-ments qui diminuent le catabolisme des corticoïdes par inhibitiondu CYP3A4 [31]. Dans les cas de prise de corticoïdes inavouée,l’analyse des urines par spectrométrie de masse permet lediagnostic.

    Syndrome de résistance généraliséeau cortisol [32]

    Ce syndrome rare est secondaire à une mutation inactivatricedu gène du récepteur aux glucocorticoïdes. Du fait de la rela-tive résistance hypothalamohypophysaire au cortisol, l’activitéde l’axe corticotrope est désinhibée et entraîne un hypercortiso-lisme biologique avec des concentrations plasmatiques d’ACTHnormales ou élevées, une résistance partielle au freinage par ladexaméthasone et qui contraste avec l’absence de signes cliniquesd’hypercortisolisme. La stimulation surrénalienne chronique parl’ACTH est à l’origine d’une hyperandrogénie clinique par sécré-tionexcessive de DHEA associée à uneHTApar sécrétion excessivede DOC et saturation de l’enzyme 11--hydroxystéroïde déshy-drogénase rénale par le cortisol. L’enquête familiale et l’analysegénomique vont permettre le diagnostic.

    Pseudosyndrome de CushingUn stress chronique ou une dysrégulation des mécanismes

    d’adaptation au stress entraînent une activation du sys-tème nerveux sympathique et de l’axe corticotrope induisantun hypercorticisme fonctionnel corticotropin-releasing  hormone(CRH)-dépendant. Le tableau biologique associe de manièrevariable une élévation du CLU et une résistance relative aufreinage par la dexaméthasone. La concentration plasmatiqued’ACTH suit les mêmes fluctuations que celles du cortisol selonun rythmenycthéméral généralement conservé à unniveau élevé.En pratique, ces anomalies prêtent surtout à confusion chez lespatients dépressifs ou éthyliques (notamment en sevrage) et quiprésentent des symptômes cliniques non spécifiques (obésité,HTA, diabète). Le diagnostic différentiel entre «pseudosyndromedeCushing » etmaladie deCushingd’intensitémodérée peut alorsêtre délicat. Dans certains cas, seule l’épreuve du temps et/ou larétrocession des anomalies biologiques avec la cure de l’anomaliecausale (sevrage éthylique, traitement antidépresseur adapté) per-mettent de retenir, in fine, le diagnostic. Le plus souvent, cettedistinction repose sur un faisceau d’arguments qui plaident enfaveur du pseudosyndrome :• l’absence de signes cliniques « cataboliques » ;• l’antécédent d’éthylisme ou la sévérité de la dépression ;• l’intensité faible de l’hypercortisolisme biologique (CLU et cor-

    tisolémie à minuit). Si l’échappement au freinage «minute»par la dexaméthasone est classique, la résistance au freinage« standard» est moins fréquente ;

    • le rythme nycthéméral du cortisol plasmatique est générale-ment respecté à un niveau absolu plus élevé que la normale ;

    • le test à la desmopressine, qui est un agoniste puissantdes récepteurs rénaux V2 de la vasopressine et un agonistefaible des récepteurs V3 hypophysaires. Ainsi, son adminis-tration n’influence pas l’activité corticotrope des individussains et des sujets présentant un pseudosyndrome de Cushing.En revanche, une élévation franche de l’ACTH plasmatique(> 6pmol/l) oriente fortement vers une maladie de Cushing dufait d’une expression accrue des récepteurs V3 et V2 dans lesadénomes corticotropes [33] ;

    •   test couplé dexaméthasone-CRH, qui consiste à réaliser un testau CRH au décours d’un freinage standard à la dexamétha-sone et qui vise à potentialiser deux singularités de la maladiede Cushing : l’exagération de la réponse au CRH et la relativerésistance au rétrocontrôle par les corticoïdes. Une augmen-tation franche de la cortisolémie après l’injection de CRH est

    évocatrice de la maladie de Cushing. Les performances de cetest complexe ne sont toutefois pas supérieures à celles de lasimple mesure de la cortisolémie à minuit ou test à la desmo-pressine [33,34].

    Diagnostic étiologiquedu syndrome de Cushing

    Le syndromedeCushing endogène répond à deux grands cadresphysiopathologiques :• un hypercortisolisme ACTH-indépendant dans environ 20%des cas : la sécrétion surrénalienne est autonome et supprimela sécrétion d’ACTH. L’hypercortisolisme est en rapport avecune tumeur surrénalienne unilatérale bénigne (adénome corti-solique) dans environ70%des cas,maligne (carcinomeprimitif 

    ou corticosurrénalome malin) dans environ 30% des cas et,dansmoins de 5% des cas, les deux surrénales sécrètent en excèsle cortisol (hyperplasie macronodulaire ou dysplasie microno-dulaire) ;

    • un hypercortisolisme ACTH-dépendant dans environ 80% descas: les surrénales sont stimulées par une sécrétion inappropriéed’ACTH. Dans environ 90% des cas, l’ACTH est d’origine euto-pique et sécrétée par un adénome hypophysaire corticotrope,c’est la maladie de Cushing. Dans environ 10% des cas, l’ACTHest d’origine ectopique, produit par une tumeur neuroendo-crine extrahypophysaire. Cette sécrétion ectopique d’ACTH estresponsable d’un syndrome de Cushing paranéoplasique. Lesyndrome de Cushing paranéoplasique par sécrétion ectopiqueexclusive de CRH est exceptionnel.La première étape du diagnostic étiologique du syndrome de

    Cushing vise donc à établir l’ACTH-dépendance ou indépendancedu syndrome.

    Étude de la dépendance de l’hypercorticismevis-à-vis de l’« adrenocorticotrophichormone »Cette enquête repose exclusivement sur la biologie et non

    l’exploration morphologique. En effet, la maladie de Cushingpeut être associée à des nodules surrénaliens, parfois unilatéraux,pouvant simuler un adénome cortisolique, certaines étiologies desyndromede CushingACTH-indépendant ne s’accompagnent pasd’anomalies morphologiques surrénaliennes et environ 10% dessujets indemnes de maladie de Cushing présentent des anoma-lies hypophysaires à l’imagerie par résonance magnétique (IRM)compatibles avec un microadénome [35,36].Cette étape repose sur le l’immunodosage de l’ACTH plasma-

    tique [27]. Il implique des précautions préanalytiques particulièresliées à l’instabilité de la molécule d’ACTH (tubes contenantde l’acide éthylène diamine tétra-acétique [EDTA], maintient à4◦ C, séparation rapide du plasma, congélation en cas de dosagedifféré). Plusieurs prélèvements pour le dosage du cortisol etde l’ACTH sont réalisés. Un taux d’ACTH inférieur à 5pg/ml

    signe l’ACTH-indépendance et un taux supérieur à 15pg/mlsigne l’ACTH-dépendance du syndrome. En cas de concentra-tions d’ACTH intermédiaires, la répétition des dosages et laréalisation d’un test au CRH sont utiles, un pic d’ACTH infé-r ieur à 15pg/ml lors du test signant l’ACTH-indépendance del’hypercorticisme.

    Diagnostic étiologique du syndromede Cushing « adrenocorticotrophichormone »-dépendantCette étape consiste à différencier la maladie de Cushing des

    sécrétions ectopiques d’ACTH.

    Caractéristiques des tumeurs«adrenocorticotrophic hormone »-sécrétantes

    Les adénomes corticotropes de la maladie de Cushing sont,dans 90% des cas, des microadénomes parfois de très petite taille

    (< 1mm). Les cellules tumorales présentent certaines caractéris-tiques du «phénotype corticotrope » qui sont mises à profit lorsdes investigations biologiques : elles expriment les CRH receptor 1(CRHR1), les récepteurs V2 et V3 de la vasopressine et sont donc

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    Syndromede Cushing   10-015-B-10

    stimulables par les agonistes pharmacologiques de ces récepteurs ;elles sont équipées de récepteurs aux glucocorticoïdes fonction-nels et leur sécrétion peut être partiellement freinée par de fortesdoses de dexaméthasone.Les tumeurs ectopiques ACTH-sécrétantes se développent à par-

    tir de nombreux organes. Leur siège est donc variable [37–39] mais,dans près de la moitié des cas, les tumeurs sont bronchiques.Ces tumeurs sont toutefois hétérogènes avec un degré de diffé-renciation neuroendocrine variable qui est inversement corrélé àl’agressivité tumorale et à l’expression du phénotype corticotrope.Ainsi, les tumeurs neuroendocrines bronchiques bien différen-

    ciées (« carcinoïdes » typiques) ont une évolution lente, peuventêtre occultes radiologiquement dans environ 20% des cas lorsde la présentation des patients et peuvent le demeurer pendantplusieurs années [37–39]. Les cellules tumorales peuvent être équi-pées de récepteurs V3 ou aux corticoïdes, ce qui explique les casde réponses à l’administration d’analogues vasopressinergiquesou de dexaméthasone in vivo et in vitro pouvant mimer cellesobservées dans la maladie de Cushing. Un phénotype inverse estobservé dans les tumeurs endocrines peu ou moyennement diffé-renciées tels que les cancers bronchiques à petites cellules et quiposent peu de problème de diagnostic différentiel avec la maladiede Cushing.Il faut citer les exceptionnels cas de tumeurs ectopiques sécré-

    tant de la CRH. Ces tumeurs sécrètent généralement de manièrepréférentielle de l’ACTHmais des rares cas où la physiopathologiedu syndrome de Cushing était liée à la sécrétion prédominante deCRHont été décrits et présentent des difficultés diagnostiques quine sont pas envisagées ici [40].Une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 est rarement à

    l’origine d’un syndrome de Cushing ACTH-dépendant lié à unadénome hypophysaire, à une sécrétion ectopique d’ACTH ouà une tumeur surrénalienne. Néanmoins, lorsque le tableau sur-vient chez un sujet jeune, qu’il existe un contexte familial ou descomorbidités évocatrices, l’analyse génétique peut être justifiée.Les mutations du gène  AIP  ont été exceptionnellement retrou-vées dans les cas des maladies de Cushing survenant chez l’enfantou les adolescents [41].

    Aspects généraux

    Typiquement, lamaladie deCushing intéressedes femmes d’âgemoyen et les manifestations cliniques s’installent sur plusieursannées. À l’inverse, les sécrétions ectopiques d’ACTH intéressentà part égale hommes et femmes et l’âge médian des patients estplus avancé. Le tableau «historique» de syndrome de Cushingparanéoplasique (lié à un carcinome bronchique à petites cel-lules) ne prête pas à confusion avec la maladie de Cushing. Ilest rapidement évolutif, les symptômes cataboliques sont mar-qués et l’hypercortisolisme est intense. En revanche, le tableau

    clinique et biologique des tumeurs ectopiques bien différenciéeset l’intensité des anomalies peut simuler celui de la maladie deCushing [37–39].L’analyse de paramètres biologiques simples couplée aux

    données cliniques est d’une grande utilité pour l’orientation diag-nostique. Ainsi, la probabilité a priori de maladie de Cushing estde l’ordre de 90% chez une femme d’âge moyen chez laquelle lesyndrome de Cushing s’est installé progressivement, que la kalié-mie estnormale et que le CLU et l’ACTH plasmatique ne sont quemodérément élevés. Le corollaire de cette approche est que, pourêtre réellement discriminants, les outils utilisés pour le diagnosticétiologique du syndrome de Cushing doivent posséder une acuitédiagnostique franchement supérieure à 90% [42].

    Aspects biologiques

     Tests de freinage fort par la dexaméthasoneC’est la procédure la plus anciennement utilisée pour différen-

    cier les sécrétions ectopiques d’ACTH de la maladie de Cushing.Une diminution franche de l’hypercortisolisme est attendue dans

    la maladie de Cushing contrairement aux sécrétions ectopiquesd’ACTH. Quels que soient la modalité précise du test et le seuilde freination retenu, son interprétation est difficile et plusieursétudes objectivent un chevauchement complet des valeurs de

    *

    Figure 4. Imagerie par résonance magnétique hypophysaire. Microa-dénome corticotrope caractéristique: petite taille (4,2mm) (astérisque)et visible surtout après injection de produit de contraste.

    cortisol ou CLU entre les deux groupes de patients [42]. Si ce test«historique» aux performances médiocres est réalisé, il ne sauraitrésumer l’exploration biologique.

     Test de stimulation hypophysaire par la corticolibérineTypiquement, un accroissement exagéré de la concentration

    plasmatique d’ACTH et de cortisol est observé dans la maladie

    de Cushing après injection de CRH alors que la réponse est faibleou nulle dans les sécrétions ectopiques d’ACTH. Il est nécessaireque le test soit réalisé en phase d’hypercortisolisme, un traitementpréalable par anticortisoliques peut laisser persister une sécrétionrésiduelle des cellules corticotropes saines qui vont répondre àla stimulation par le CRF. La spécificité de ce test est excellente(>90%). Une réponse rend très vraisemblable le diagnostic demaladie de Cushing, d’autant plus que la réponse est intense [43].En revanche, la sensibilité du test est moins satisfaisante (del’ordre de 80%) et l’absence de réponse à la CRH ne permet pasde conclure. Plusieurs groupes ont insisté sur les performances del’analyse combinatoire des tests de freinage à la dexaméthasoneet à la CRH [27].

    Recherche de marqueurs tumorauxLorsque l’origine paranéoplasique est suspectée, l’enquête

    biologique comporte un dosage de la calcitonine, des méta-néphrines à la recherche d’un carcinome médullaire de lathyroïde et d’un phéochromocytome. L’utilité de la mesured’autres marqueurs tumoraux circulants (chromogranine A, sous-

    unité alpha, alphafœtoprotéine, antigène carcinoembryonnaire,neuron-specific-enolase, -human chorionic   gonadotrophin [hCG],etc.) lorsque la source de sécrétion d’ACTH est occulte et peurentable.

    Aspects radiologiques

    Imagerie hypophysaire (Fig. 4)Elle repose sur l’IRM. Elle comporte la réalisation de coupes

    coronales fines de moins de 3mm d’épaisseur sans solution decontinuité, de coupes sagittales, séquences T1 et T2 ainsi quel’injection de gadolinium. Le choix des séquences utilisées estvariable mais la plupart des équipes ont recours à des séquencesen écho de spin et à des séquences dynamiques avec injection degadolinium qui augmente la sensibilité de l’IRM pour leur visua-lisation [44]. À ce jour, l’augmentation des champs magnétiques à3teslas n’a pas fait la preuve d’un apport diagnostique sensible.La petite taille des microadénomes et la fréquence des lésions

    hypophysaires non adénomateuses ou non sécrétantes mil-limétriques rendent délicate l’identification radiologique des

    adénomes corticotropes [36]. Globalement, la sensibilité de l’IRMpour la détection des adénomes hypophysaires corticotrope variede 50 à 70% et est entachée de 10 à 20% de faux positifs [45,46].La prévalence de ces derniers est d’autant plus importante que la

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    A

    3

    2

    1  4

    5

    6

    Per. SPID SPIG

    680 min 695 91

    1205 min 2714 208

    902 min 10105 441

    B

    Figure 5. Cathétérisme des sinus pétreux.A.  Angiographie réalisée lors du cathétérisme. 1. Sinus caverneux gauche ; 2. sinus pétreux inférieur gauche ; 3. veine jugulaire gauche ; 4. sinus caverneuxdroit ; 5.sinus pétreux inférieur droit; 6.veine jugulaire droite.B. Résultatsdu dosagede l’adrenocorticotrophic hormone (ACTH)(pg/ml) dans uneveine antébrachiale (Per.) et dans lessinuspétreux inférieurdroit (SPID) etsinus pétreux inférieur gauche (SPIG) avant, deux et cinq minutes après l’injection de corticotropin-releasing hormone (CRH). Un gradient centropériphériqued’ACTH dans le SPID est évident avant et exacerbé après l’injection de CRH témoignant de l’origine hypophysaire de sa sécrétion.

    taille de l’image est réduite. La négativité de l’imagerie hypophy-saire n’exclut donc pas le diagnostic de maladie de Cushing et,à l’inverse, on ne retient comme plausible le diagnostic de mala-die de Cushing à l’IRM qu’en cas de lésion de taille supérieure ouégale à 6mm [27].

    Cathétérisme des sinus pétreux inférieurs (Fig. 5)Cet examen consiste à mettre en évidence un gradient

    de concentration d’ACTH entre les sinus pétreux inférieurs(SPI), premiers relais du drainage veineux hypophysaire et uneveine périphérique signant la « sortie» hypophysaire d’ACTH. Àl’inverse, l’absence de gradient signe une sécrétion d’ACTH ecto-pique. Le cathétérisme des SPI (CSPI) est couplée à l’injection deCRH ou de desmopressine afin de stimuler la sécrétion des adé-nomes corticotropes au moment de l’investigation [47,48]. Aprèsla publication de travaux ayant suggéré que le drainage veineuxde chaque hémihypophyse, droite et gauche, s’effectuait dans lesinuspétreux homolatéral, l’analyse du gradient d’ACTH entre lesdeux SPI a été proposée pour prédire la localisation des adénomescorticotropes au sein de l’hypophyse.Le CSPI doit être réalisé par une équipe entraînée pour garan-

    tirses performances diagnostiques [49]. Les variations anatomiquesdu système veineux de drainage hypophysaire et le bon position-nement des cathéters conditionnent également les résultats de la

    procédure. Il s’agit d’un examen invasif mais dont la tolérance estacceptable, la prévalence des effets indésirables neurologiques estnettement inférieure à 0,5% [50]. Un gradient d’ACTH centropéri-phérique supérieur ou égale à 2 sur les prélèvements de base ousupérieur ou égale à 3 après stimulation pharmacologique signela maladie de Cushing. Les sensibilité et spécificité du CSPI sontde l’ordre de 95% [45]. Il constitue donc « l’étalon or » pour le diag-nosticétiologiquedu syndromedeCushingACTH-dépendant. Lesfaux du CSPI sont généralement des faux négatifs (gradient peuélevédans lamaladie de Cushing) liés à un positionnement impar-fait des cathéters. L’utilisation du dosage de la prolactine dansl’échantillon veineux a été proposée afin de corriger les asymétriesdefluxveineux grâce au calcul de gradient d’ACTH/prolactine. Lesfaux positifs du CSPI sont rarement rencontrés chez les patientsavec une sécrétion ectopique d’ACTH et résultent d’une suppres-sion incomplète de la sécrétion d’ACTH. Il est donc fondamentalque le cathétérisme soit réalisé en situation d’hypercortisolismechronique.L’analysedu gradient d’ACTH entre les deux SPI a donc été pro-

    poséeafin d’aider le chirurgien dans l’exploration de l’hypophyse,

    voire de le guider dans la réalisationd’une hémihypophysectomieen cas d’exploration négative. Les résultats de cette approche res-tent très controversés, la localisation prédite étant en accord avecles constatations opératoires et anatomopathologiques dans 69%

    des cas dans la série la plus importante publiée à ce jour et reflé-tant l’expérience d’une équipe particulièrement entraînée [46]. Laprédiction de la localisation des microadénomes corticotropes estparticulièrement pénalisée lorsque le drainage pétreux est fran-chement asymétrique [51].

    Mise en évidence radiologique des tumeurs ectopiques (Fig. 6)Les tumeurs endocrines peu différenciées, les cancers médul-

    laires de la thyroïde, les phéochromocytomes, les carcinomespancréatiques et thymiques sont aisément identifiables radiolo-giquement. Néanmoins, dans environ 20% des cas, la source desécrétion d’ACTH est occulte lors de la présentation des patients.Il s’agit alors généralement de tumeurs neuroendocrines biendifférenciées bronchiques [37–39]. Du fait de leur petite taille, deleur situation proximale dans le tiers moyen des champs pul-monaires et d’un signal scanographique proche de celui desvaisseaux pulmonaires, les carcinoïdes bronchiques requièrentune technique d’imagerie irréprochable. L’utilisation de la scin-tigraphie des analogues marqués de la somatostatine (octréoscan)est fondée sur le constat qu’un grand nombre de tumeurs neu-roendocrines exprime des récepteurs pour cette hormone. Lasensibilité de l’octréoscan est de l’ordre de 50% et l’examenmet rarement en évidence des tumeurs réellement occultes enimagerie conventionnellemais peut orienter vers des lésions igno-

    rées au scanner[52]

    . Par ailleurs, l’octréoscan n’est pas spécifiquedes tumeurs ectopiques ACTH-sécrétantes et peut révéler destumeurs non endocrines ainsi que des lésions inflammatoires etgranulomateuses. Récemment, la tomographie par émission depositrons (TEP)-scan au fluorodésoxyglucose (FDG) et celle à lafluororine-dihydroxyphénylalanine (F-DOPA)ont été utilisées [53].Leur sensibilité, nettement inférieure à l’imagerie de coupe, estde l’ordre de 50%. En revanche, la spécificité de la TEP à la F-DOPA paraît intéressante avec une valeur prédictive positive del’ordre de 100%. En pratique, la stratégie optimale pour détecterces lésions repose en première intention sur le couple scanner/IRMet octréoscan [27].

    Synthèse du diagnostic étiologiquede l’hypercorticisme «adrenocorticotrophichormone »-dépendant (Fig. 7)

    Il n’existe pas à ce jour d’algorithme diagnostique faisantl’unanimité, ni d’étude « coût/efficacité ». Néanmoins, le CSPIn’est pas indiqué chez un patient présentant une lésion très évoca-

    trice d’adénome hypophysaire à l’IRM (≥6mm) et des réponsesdynamiques à la CRH et la dexaméthasone concordantes. Chezdes patients ayant une IRM hypophysaire normale ou douteuse,il est raisonnable d’utiliser dans un premier temps des tests non

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    A B

    Figure 6.  Volumineuse tumeur bronchique sécrétant de l’adrenocorticotrophic hormone au scanner (A) et fixant intensément le traceur lors de l’octréoscan(B).

    Déterminer ACTH dépendanceACTH plasmatique

    +/– Test au CRH

    Syndrome de Cushing

    ACTH-dépendant ACTH-indépendant

    Adénome corticosurrénalien- Hypercortisolisme- Scanner surrénalien : image typique  (70 % des cas)Corticosurrénalome- Sécrétions stéroïdiennes multiples- Scanner surrénalien- TEP-FDG : fixationHyperplasie macronodulaire des surrénales- Scanner surrénalien- Récepteurs illégitimes- Études génétiques ?Dysplasie micronodulaire des surrénales- Signes associés complexe de Carney

    - Discrètes anomalies morphologiques au  scanner surrénalien- Test de freinage fort à la dexaméthasone- Étude génétiqueSyndrome de McCune-Albright- Signes cliniques associés

    Freinage fortdexaméthasone

    Test au CRH

    Marqueurstumoraux

    IRMhypophysaire

    Scanner thoraco-abdominal

    Octréoscan

    Cathétérisme dessinus pétreuxinférieurs

    Généralementpositif

    Positif dans85 % des cas

    Négatifs

    Positif dans 50à 70 % des cas

    Négatif

    Négatif

    Gradientcentropériphériqued’ACTH (plus de95 % des cas)

    Généralementnégatif

    Maladie deCushing

    Sécrétionectopique

    Négatif

    Parfois positifs

    Incidentalomes(faux positifs dans

    10 % des cas)

    Positif dans 50à 70 % des cas

    Positif dans 50à 60 % des cas

    Absence degradient

    centropériphériqued’ACTH

    Figure 7. Outils du diagnostic étiologique du syndrome de Cushing: adrenocorticotrophic hormone  (ACTH)-dépendance, ACTH plasmatique plus oumoins test au corticotropin-releasing hormone  (CRH). IRM: imagerie par résonance magnétique; TEP-FDG: tomographie par émission de positrons aufluorodésoxyglucose.

    invasifs, les patients ayant des réponses à la fois au test au CRHet au test fort à la dexaméthasone ayant très probablement unemaladie de Cushing. Il est toutefois nécessaire de réaliser un CSPIavant de confier le patient au chirurgien. En cas de suspicion de

    sécrétion ectopique d’ACTH, il peut être indiqué de réaliser aupréalable une imagerie de coupe, en particulier thoracique (scan-ner/IRM), afin de tenter de mettre en évidence la tumeur avant deréaliser un cathétérisme des sinus pétreux.

    Diagnostic étiologique du syndromede Cushing « adrenocorticotrophichormone »-indépendant

    La première étape dans ce cas de figure est de déterminer grâceà l’imagerie conventionnelle l’existence de lésions surrénaliennesuni- ou bilatérales.

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    Imagerie surrénalienne : aspects méthodologiques

    Le scanner est l’examen de choix, il analyse d’abord la densitéspontanée du tissu surrénalien puis la cinétique d’apparition etde disparition (wash-out ) de produit de contraste. L’IRM surréna-lienne autorise la réalisationde séquences en opposition de phase,permettant d’apprécier le contenu graisseux de la masse surréna-lienne, mais elle apporte peu de renseignements supplémentairespar rapport au scanner et son protocole est moins codifié [22].Actuellement, la scintigraphie au noriodocholestérol, qui fournitdes informations sur la fonctionnalité des lésions surrénaliennes,

    a des indications réduites.

    Tumeurs surrénaliennes unilatérales

    Les tumeurs unilatérales sont rencontrées dans environ 95%des syndromes de Cushing ACTH-indépendants. Elles corres-pondent pour les deux tiers des cas à un adénome bénin dontla pathogénie moléculaire jusqu’ici inconnue vient récemmentd’être appréhendée pour environ un tiers d’entre eux (mutationsactivatrices de la protéine kinase A) [54]. La différenciation avecun carcinomeprimitif surrénalien (corticosurrénalome) repose surcertains arguments.

    CliniqueEn cas de carcinome surrénalien, le syndrome de Cushing peut

    être enrichi avec des manifestations liées à l’excès de productiond’autres stéroïdes (androgènes, estrogènes, minéralocorticoïdes)ou à lamasse tumorale (pesanteur abdominale, lombalgie, œdèmedesmembres inférieurs par envahissement de la veine cave).

    Biologie

    Le bilan hormonal du corticosurrénalome peut mettre en évi-dence des sécrétions additionnelles évoquées ci-dessus (composéS, 17-hydroxyprogestérone [17-OHP], delta-4-androstènedione,hypokaliémie avec taux de rénine effondré, déoxycorticostérone[DOC], sulfate de DHEA [SDHEA], testostérone), le couple le plusévocateur associant une hyperandrogénie à l’hypercortisolisme.Si, classiquement, environ 50% des corticosurrénalomes malinsapparaissent sécrétants [55], des études par spectrométrie de masseont mis en évidence des profils d’excrétion particulière de sté-roïdes non dosés en pratique clinique et réalisant une signaturecaractéristique chez la plupart des corticosurrénalomes [56].

    Imagerie (Fig. 8)Au scanner, les adénomes ont une taille généralement inférieure

    à 4 cm, du fait d’un fort contenu en lipides, leur densité spontanéeest faible (< 10UH) et il existe un wash-out  rapide du produit decontraste [22]. Les carcinomes sont classiquement de grande tailleetde densité élevée. La TEP-scan au FDG a prouvé son utilité dansle diagnostic de malignité des lésions corticosurrénaliennes [57,58].Un hypersignal est fortement évocateur, même si cette anomalien’est pas spécifique (fixation courante des phéochromocytomes,faux positif de quelques adénomes surrénaliens). L’examen a uneforte valeur d’exclusion, une tumeur surrénalienne sans hypersi-gnal ayant une très faible probabilité d’être maligne.

    Biopsie et anatomopathologie surrénalienneL’utilisation de la ponction biopsie surrénalienne radioguidée

    peut être utile en l’absence de syndrome de Cushing pour distin-guer unemasse primitivement surrénalienne d’une autre origine.Cet examen, en revanche, n’a guère d’indication dans le contexted’une tumeur surrénalienne unilatérale responsable d’un syn-drome de Cushing ACTH-indépendant. Au final, c’est l’analysehistologique de la tumeur et l’analyse du score de Weiss quiemporte la conviction. Des études ont mis en évidence la variabi-lité inter-observateurdans l’analyse de ce score, en particulier pourdes lésions borderline, et l’importance que celle-ci soit réalisée parune équipe experte [59].

    Atteinte surrénalienne bilatérale

    Hyperplasie macronodulaire bilatérale [60,61]Celle-ci correspond à des lésions bilatérales volumineuses et

    bénignes associées à un cortex internodulaire non atrophique.L’âge de survenue est typiquement à partir de 50 ans. Le plus

    souvent, l’hyperplasie macronodulaire est découverte fortuite-ment et les patients présentent un syndrome de Cushing atténué(dit « infraclinique ») avec des valeurs de CLU normales oumodestement élevées. Chez ces patients, l’hypercortisolisme aminima peut être mis en évidence par la résistance au test defreinage à la dexaméthasone. De rares cas associant une sécré-tion d’aldostérone et de ses précurseurs ou d’estrogènes ont étédécrits.Dans la plupart des cas, les lésions surrénaliennes expriment

    des récepteurshormonaux illégitimes à sept domaines transmem-branaires normalement absents du cortex surrénalien. Ainsi, ontété décrits l’expression aberrante de récepteurs au gastric inhibitory  peptide(GIP) (hormone intestinale sécrétée lorsdu repas), de récep-teurs bêta-adrénergiques, de récepteurs à la luteinizing  hormone(LH)/hCG, la surexpression de récepteurs vasopressinergiques etde récepteurs à l’histamine (5-HT). Souvent cette expression illé-gitime concerne simultanément plusieurs récepteurs. Le liganddes récepteurs illégitimes stimule la stéroïdogenèse surrénalienneen utilisant les mêmes relais intracellulaires que l’ACTH (voie del’adényl monophophaste cyclique [AMPc]).Ces anomalies moléculaires sont responsables de traits phéno-

    typiques particuliers du syndrome de Cushing qui peuvent êtrerecherchés in vivo lors de différents tests et pouvant débouchersur des traitements «physiopathologiques» spécifiques. Lors del’expression des récepteurs au GIP, la sécrétion de cortisol est ryth-méepar l’alimentation et caractérisée par des taux de cortisol bas àjeun et augmentant après la prise d’un repas. Les analogues de lasomatostatine peuvent aider au contrôle de l’hypercortisolismeen inhibant de manière non spécifique la sécrétion du GIP.L’expression aberrante de récepteurs à la LH peut être responsable

    d’un syndrome de Cushing survenant après la ménopause chezla femme ou durant la grossesse. L’administration d’un agonistedu gonadotrophin releasing hormone (GnRH), qui supprime la sécré-tion endogène de LH, peut contrôler l’hypercortisolisme. Lors dela surexpression de récepteurs vasopressinergiques, la sécrétion decortisol est habituellement stimulée par l’orthostatisme. Lors del’expression aberrante de récepteurs bêta-adrénergiques, la corti-solémie peut s’élever lors de l’orthostatisme et être contrôlée pardes bêtabloquants. L’expressionaberrante de récepteurs différentsde la sérotonine peut être démasquée par une augmentation dela sécrétion de cortisol après l’administration de cisapride ou demétoclopramide.Les connaissances dans cette entité ont très récemment évolué

    avec deux travaux menés par des équipes françaises. Le pre-mier de nature physiopathologique concerne la mise en évidenced’une production d’ACTH par des groupes cellulaires au sein desnodules hyperplasiques [62]. L’activation des récepteurs aberrantsstimule cette sécrétion locale d’ACTH et, in vitro, les antagonistesdu récepteur de l’ACTH inhibent la sécrétion de cortisol stimu-lée par l’activation des récepteurs. Cela suggère un mécanisme

    très particulierd’hypercortisolisme ACTH-indépendant au niveausystémique mais médié de manière paracrine par de l’ACTH pro-duit au sein des macronodules. Le second concerne la génétiquedes hyperplasies macronodulaires bilatérales. Plusieurs famillesatteintes de cette affection ont été décrites avec une présentationsuggérant une transmission autosomale dominante. En l’absenced’étude systématique, la prévalence de ces cas familiaux est incon-nue mais certains auteurs [60] recommandent un screening  desascendants au premier degré âgés de plus de 30 ans. Très récem-ment, des mutations germinales inactivatrices du gène  ARMC5,un anti-oncogène, ont été mises en évidence chez environ la moi-t ié des 33patients présentant une hyperplasie macronodulairebilatérale, cependant que les nodules hyperplasiques contenaientune seconde mutation génétique répondant donc au modèle du« second-hit » de Knudson [63]. Même si cette cohorte de patientsest réduite, elle suggère que l’hyperplasie macronodulaire bila-térale familiale soit beaucoup plus fréquente qu’il n’y paraisse.L’identification de ce gène pourrait amener à modifier la stratégied’enquête génétique pour cette pathologie rare.Des rares cas d’hyperplasie macronodulaire bilatérale associée à

    un syndrome de Cushing ont également été décrits dans d’autresmaladies génétiques familiales comme lanéoplasie endocriniennemultiple de type 1, la polypose colique familiale et mutation desgènes fumarate hydratase.

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    http://www.em-consulte.com/article/emc/gn/10-64270/multimedia/mmc1.htm

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    A B

    C D

    Figure 8. Scanners surrénaliens.A. Adénome surrénalien droit de faible densité spontanée (flèche).B,C. Volumineux corticosurrénalomemalin gauche (flèches) avec hyperfixation tomographie par émission de positrons-tomodensitométrie au fluorodésoxy-glucose.D. Aspect caractéristique de perle enfilée d’une hyperplasie micronodulaire pigmentée des surrénales (flèches).

    Hyperplasie micronodulaire bilatérale [64] (Fig. 8D)L’hyperplasie micronodulaire bilatérale ( primary   pigmented 

    nodular  adrenocortical disease [PPNAD]) est caractérisée par desnodules corticaux, de couleur brûne, associés à une atrophie ducortex surrénalien internodulaire. L’imagerie surrénalienne mettypiquement en évidence des surrénales micronodulaires réa-lisant un aspect « en perle enfilée ». Parfois, elles apparaissentnormales ou discrètement hypertrophiées. Il s’agit d’une mala-die rare et pouvant survenir de manière sporadique ou familiale,être isolée ou s’intégrant dans le cadre d’un syndrome appelécomplexe de Carney. Le PPNAD survient volontiers avant l’âge de30ans, les symptômes d’hypercortisolisme sont souvent modérésetse développent progressivement à l’exception de l’ostéoporosequi est fréquente et souvent intense. L’hypercortisolisme peutêtre cyclique alternant des périodes d’activité avec des périodesde rémission. Une caractéristique biologique du PPNAD estl’existence d’une réponse paradoxale du cortisol au cours du testde freinage fort par la dexaméthasone caractérisée par une aug-mentation d’excrétion de CLU.

    Le PPNAD peut s’intégrer dans le cadre du syndrome de Carney,une affection héréditaire autosomique dominante dont le diag-nostic repose sur l’identification d’au moins deux manifestationsmajeures. Celles-ci incluent en dehors du PPNAD des lentigines

    pigmentées et des naevi bleus de la face du cou et du tronc, destumeurs endocrines (tumeur sertolienne calcifiée testiculaire, adé-nomehypophysaire somato- et lactotrope, adénome et carcinomethyroïdien) ; des tumeurs non endocriniennes, parmi lesquellesles myxomes cardiaques, sont les plus préoccupantes et peuventêtre responsables de mort subite. Trois gènes ont été identifiéscomme étant à l’origine du PPNAD et du complexe de Carney : PRKAR1A,  PDE11A,  PDE8B. Les mutations de  PRKAR1A sont lesplus fréquentes et concernent un gène suppresseur de tumeur(sous-unité régulatrice R1A de la protéine kinase A). En cas demutation inactivatrice, la protéine kinaseA est activée et la voie del’AMPc stimulée. Les mutations de  PRKAR1A sont présentes chezenviron 70% des cas de complexe de Carney. Les patients por-teurs de la mutation semblent avoir une survenue de la maladieplus précoce et une maladie plus sévère.

    Syndrome de McCune-AlbrightCe syndrome sporadique rare est lié à une mutation soma-

    tique ARGE 201-6 ou ARGE 201-10 au niveau du gène codant

    pour la sous-unité alpha de la protéine Gs couplée à l’adénylatecyclase. Selon le pourcentage de cellules mutées au sein des tissus,divers tableaux cliniques peuvent être rencontrés. Le syndromede Cushing est caractérisé par un aspect morphologique normal

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    Hypophyseantérieure

    Analogues desomatostatine

    Agonistesdopaminergiques(acide rétinoïque)

    Radiothérapie

    KétoconazoleÉtomidate

    MétyraponeMitotaneLCI699

    Surrénalectomiebilatérale

    Antagonistesrécepteurs

    glucocorticoïdes  (miféopristone)

    Surrénale

    Cortisol

    17-20 lyase

    FoleGR

    Os

    Tissu adipeux

    Muscle lisse

    ACTH   C    Y   P   1   1   A   1

    C   Y   P   1   1   B   

    1      C    Y   P   1   7

    sst5

    D2R

    Figure 9. Cibles thérapeutiques pour le trai-tement médical de la maladie de Cushing(d’après [86]).  ACTH : adrenocorticotrophic hormone; GR : glucocorticoid receptor; CYP:cytochrome.

    des glandes surrénales et l’association aux autres manifestationsdu syndrome (dysplasie des os plats, taches cutanées de type caféau lait, pseudopuberté précoce isosexuelle, etc.).

    Particularités du syndromede Cushing selon le terrain

    Enfant [65]

    Le syndrome de Cushing chez l’enfant et l’adolescent est trèsrare. Les étiologies ACTH-indépendantes prédominent dans lescinq premières années de la vie puis la maladie de Cushing etles lésions surrénaliennes sont prépondérantes chez l’enfant etl’adolescent. La prépondérance fémininede lamaladie deCushingnotée chez l’adulte disparaît chez l’enfant avec un sex-ratiod’environ 50%. L’hypothèse d’une sécrétion ectopique d’ACTHne doit pas être exclue chez l’adolescent, mais elle est excep-tionnelle chez l’enfant [66]. L’élément clinique du syndrome deCushing le plus évocateur est le contraste entre une prise pon-dérale excessive et un ralentissement de la croissance staturale,cette dernière caractéristique permettant de faire la distinctionavec une obésité banale. Si le retard de croissance statural estconstant, il n’en est pas de même de la maturation osseuse quipeut être synchrone à l’âge civil du fait de la sécrétion androgé-niqueassociée à la maladie de Cushing. Cette dissociation entre lacroissance staturale et la maturation du cartilage de conjugaison

    associée à une insuffisance somatotrope fonctionnelle, souventrémanente pendant plusieurs mois après la guérison du syndromede Cushing, sont responsables d’un pronostic de taille définitif généralement défavorable et inférieur à la taille cible. Dans lecas particulier de l’enfant et de l’adolescent, les indications largesdu traitement par hormone de croissance se poursuivant aprèsla guérison du syndrome de Cushing, voire d’un blocage de lapuberté et de la maturation de conjugaison chez l’enfant prépu-bère grâce à l’utilisation d’agonistes du GnRH et/ou d’inhibiteursde l’aromatase sont discutées [67].

    Femme enceinte [68]

    Il s’agit d’une entité rare du fait de l’infertilité induite parl’hypercortisolisme,mais quimérite d’être reconnue précocementcar elle s’associe à une morbidité maternelle particulière dominéepar l’HTA, le diabète gestationnel et la prééclampsie. La morbiditéfœtale est dominée par la prématurité et l’avortement spontané.L’élévation du CLU doit être interprétée prudemment du fait

    d’une augmentation physiologique de la production du corti-sol, en particulier lors des deuxième et troisième trimestres. Demême, la freination par la dexaméthasone est amoindrie durantla grossesse, ce qui peut être à l’origine de faux positifs, en

    particulier pour le test de freinage minute. De manière sin-gulière, les étiologies du syndrome de Cushing de la femmeenceinte se partagent de manière équivalente entre les tumeurssurrénaliennes et la maladie de Cushing. Au sein des tumeurs sur-rénaliennes, la prévalence du corticosurrénalome malin sembleaccrue dans les cas révélés durant la grossesse.

    Traitement du syndromede Cushing

    Moyens thérapeutiques (Fig. 9)Traitement neurochirurgical de la maladiede Cushing

    Aspects techniques [69]

    Les microadénomes étant la règle en matière de maladie deCushing, la voie transsphénoïdale est habituellement indiquée.L’explorationdu contenu sellaire doit être complète et minutieusequels que soient les résultats de l’imagerie préopératoire afin dedécouvrir un adénome ignoré par l’imagerie ou de ne pas se laisserabuser par le leurre d’un « incidentalome » hypophysaire associé.Idéalement, une adénomectomie sélective associée à l’ablationd’une collerette de tissu hypophysaire adjacent sont réalisées.Lorsque aucun adénome n’est découvert, l’hypophysectomie sub-totale, réséquant environ 80% de l’hypophyse et laissant en place

    un moignon pituitaire attaché à la tige hypophysaire, a la faveurde nombreuses équipes. Le succès et la morbidité de la chirurgiedépendent étroitement de l’expérience du chirurgien.

    RésultatsL’analyseprécise des résultats de la chirurgie hypophysaire dans

    lamaladie deCushing est difficile du fait de l’absence de standardi-sation des critères utilisés pour affirmer la guérison. Il convient eneffet de différencier rémission transitoire et guérison «définitive »de la maladie [70,71]. Globalement, le pourcentage de rémissionimmédiate définie par une cessation de l’hypercortisolisme est del’ordre de 70 à 85%. Celle-ci est plus volontiers observée lorsqu’unadénome est identifiable en peropératoire et confirmé à l’analyseanatomopathologique, même si une guérison peut être obtenueen l’absence de lésion identifiable (minuscules adénomes aspiréslors de l’intervention). L’influence pronostique de la visualisa-tion préopératoire d’une image compatible avec un adénome estdiscutée. Lorsque l’attitude chirurgicale adoptée est une hypo-physectomie subtotale en l’absence de lésion indentifiable enperopératoire, le taux de guérison à court et moyen termes n’est

    pas différent selon qu’une lésion hypophysaire ait été identifiéeou non à l’IRM préopératoire [72]. Enfin, les macroadénomes et lesadénomes envahissant la paroi du sinus caverneux ou le planchersellaire sont une source d’échec chirurgical.

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    Malgré une rémission immédiate, la maladie de Cushing réci-dive chez 10 à 25% des patients dans un délai d’environ dixans [71,73–75]. Les récidives sont rares après 15 ans de suivi [75]. Lafréquence des récidives implique donc un suivi prolongé despatients en rémission postopératoire. L’activité de l’axe cortico-trope en postopératoire immédiat est un paramètre pronostiquefondamental. L’obtention d’une insuffisance corticotrope reflé-tée par des concentrations de cortisol matinal effondrées est unargument robuste en faveur d’une rémission prolongée de lamaladie et celle-ci est d’autant plus probable que le déficit cor-ticotrope est profond et prolongé [73]. Les patients ayant présenté

    une insuffisance corticotrope postopératoire prolongée peuventnéanmoins faire l’objet d’une récidive de la maladie [74]. La valeurpronostique du test à la desmopressine en postopératoire immé-diat apparaît médiocre [76]. En pratique, il n’existe pas de modalitéconsensuelle pour l’exploration postopératoire des patients opé-rés de maladie de Cushing. Néanmoins, la plupart des sociétéssavantes s’accorde sur l’importance de la détermination de lacortisolémie à huit heures en postopératoire immédiat [70]. Desrémissions peuvent survenir de manière légèrement différées etc’est parfois le bilan à trois mois qui permet d’évaluer précisé-ment le statut cortisolique [75,77]. Les modalités du suivi ultérieurchez les patients en rémission doivent reposer avant tout surles données cliniques et biologiques et non l’imagerie hypophy-saire. L’histoire naturelle des récidives de la maladie de Cushingest mal connue mais plusieurs travaux récents ont évoqué lecaractère progressif  de ces récidives avec une augmentation tar-dive du CLU. La mesure du cortisol salivaire à minuit, l’étude durythme nycthéméral du cortisol et de l’ACTH et un test coupléassociant freinage à la dexaméthasone suivi d’un test à la desmo-

    pressine pourraient permettre d’identifier la récidive à un stadeprécoce [78,79].Malgré une substitution physiologique en glucocorticoïde,

    de nombreux patients en hypocortisolisme postopératoireprésentent l’équivalent d’un syndrome de sevrage aux glucocorti-coïdes : symptômes généraux à type d’anorexie, nausées, asthénie,chute de poids ainsi que symptômes non spécifiques tels quemyalgies, arthralgies et troubles dépressifs. Cet état peut perdurerplusieursmois, voire plus d’une année. Il n’existe pas de thérapeu-tique consensuelle pour atténuer ce syndrome et la majoration dela posologiede l’hydrocortisone à des doses légèrement supraphy-siologiques a des effets souvent modestes.

    Effets indésirablesLa fréquence des complications dépend également de

    l’expérience du chirurgien [80]. La mortalité périopératoire(infarctus myocardique, embolie pulmonaire) intéresse 0 à 2%des patients et pourrait être plus importante qu’après une inter-vention pour d’autres variétés d’adénomes hypophysaires [69]. Leseffets indésirables non endocriniens les plus fréquents sont lesrhinorrhées, méningites et surtout phlébites et embolies pulmo-naires. Une prophylaxie des événements thromboemboliquesest recommandée [7]. L’incidence des insuffisances antéhypo-physaires et diabète insipide est variable et vraisemblablementproportionnelle à l’étendue de la résection réalisée.

    Radiothérapie hypophysaire

    La radiothérapie conventionnelle fractionnée multifaisceauxdélivrant une dose de 45 à 50grays sur l’ensemble de la selle tur-cique ou conformationnelle sur la totalité des macroadénomesest la plus utilisée. Son efficacité est encore imprécise du fait,d’une part, de l’évolution des techniques utilisées depuis lesannées 1980 (modification de la source d’énergie, augmenta-tion du nombre de champs d’irradiation, systèmes de contentionpermettant une reproductibilité satisfaisante du traitement) et,d’autre part, de la variabilité des critères utilisés pour juger dela réponse thérapeutique. La radiothérapie hypophysaire réaliséeen seconde intention après échec de la chirurgie aurait des résul-tatsmeilleursque lorsqu’elle est réalisée en première intention [81].Une rémission de l’hypercortisolisme (jugée sur la normalisation

    de l’excrétion urinaire du cortisol) est obtenue dans 55 à 85%des cas [81]. La possibilité que le traitement soit plus efficace chezl’enfant que chez l’adulte a été évoquée [65]. Le résultat thérapeu-tique est obtenu dans la majorité des cas dans un délai de l’ordre

    de trois ans (médiane d’environ 18mois), ce qui implique un trai-tement associé par anticortisoliques en attendant les résultats dela radiothérapie.La survenue de nouveaux déficits sécrétoires hypophysaires est

    la complication la plus fréquente et survient chez 30 à 70% despatients plus volontiers durant les dix premières années suivantla radiothérapie[81]. Le risque accru d’AVC induit par la radio-thérapie conventionnelle reste un sujet débattu mais n’a pas étédiscuté précisément dans le contexte du syndrome deCushing. Enrevanche, la supplémentation en GH doit être menée de manièreprudente chez les patients irradiés pour maladie de Cushing du

    fait d’un risque accru de troubles métaboliques et événementscardiovasculaires [82].Le principe de la radiochirurgie est d’administrer une dose

    d’irradiation élevée à la tumeur en une seule séance. Cela supposeun repérage précis du volume lésionnel et une contention stéréo-taxique précise afin d’épargner les structures saines avoisinantes.La radiothérapie est d’autant plus efficace que le volume de la cibleest faible [83]. La cible doit également être à distance du chiasmad’au moins 5mm en raison du risque de névrite optique consé-cutive à l’administration d’une dose unique forte. Les résultats dela radiochirurgie ont été précisés dans quelques études récentes.L’efficacité antisécrétoire et le délai d’obtention de celle-ci sontglobalement équivalents à ceux de la radiothérapie convention-nelle, le risque d’hypopituitarisme est un peu moindre mais restede l’ordre de 30%, enfin, les récidives après guérison apparenteet pouvant nécessiter une seconde irradiation semblent plus fré-quentes en cas de radiochirurgie.

    Traitements médicaux [84–86] (Fig. 9)

    Du fait de la rareté du syndrome de Cushing, la plupart desétudes d’impact des traitements médicaux sont méthodologique-ment imparfaites : rétrospectives, comportant peu de patients,utilisant des critères de jugement variables, sans groupe contrôle,ni traitement de référence. Il convient de rappeler que tous lestraitements évoqués ci-dessous sont susceptibles d’entraîner uneinsuffisance surrénalienne, témoin parfois souhaité de l’efficacitédu traitement et dont la recherche doit faire partie de la sur-veillance de tout patient.

    Drogues agissant au niveau des adénomes corticotropesLes analogues du sous-type2 des récepteurs de la somatosta-

    tine (octréotide, lanréotide) ne sont pas actifs dans la maladiede Cushing du fait d’une faible expression de leur récepteurcible dans les adénomes corticotropes. Le récepteur de sous-type5est, en revanche, plus fréquemment exprimé et les analogues deces récepteurs inhibent significativement la sécrétion d’ACTH invitro [87]. Le pasiréotide est un panagoniste des récepteurs de lasomatostatine avec une affinité marquée pour le sous-type 5. À

    la posologie de 600 ou 900g deux fois par jour par voie sous-cutanée, le pasiréotide permet de normaliser le CLU et d’améliorerles manifestations cliniques de l’hypercortisolisme (poids, pres-sion artérielle, etc.) chez environ un quart des patients [88]. Lenadir de CLU est généralement atteint en deux mois, ce qui per-met une identification rapide des patients « répondeurs ». Unediminution de taille des adénomes corticotropes mesurables aégalement été constatée. Les effets indésirables de cette théra-peutique sont l’intolérance digestive, généralement régressive, etl’hyperglycémie liée à une inhibition de la sécrétion d’insulineet d’incrétines qui survient chez environ 75% des patients.L’existence d’un diabète ou d’une intolérance au glucose préa-lablement à la mise en route du traitement augmente le risqued’hyperglycémie. Une vigilance toute particulière incluant édu-cation du patient et surveillance glycémique est indispensablesi ce traitement est entrepris [89]. Le pasiréotide a également pupermettre le contrôle de l’hypercortisolisme chez des patients enassociation à la cabergoline ou kétoconazole [90].La cabergoline est un agoniste dopaminergique D2 utilisé dans

    le traitement de l’hyperprolactinémie. La plupart des adénomes

    corticotropes expriment des récepteurs D2 et la normalisation duCLU au bout de quelques mois de traitement de cabergoline a étédécrite chez 25 à 50% des patients présentant une maladie deCushing [85,87]. Un échappement secondaire au traitement peut

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    Le mitotane augmente la production de CBG et la mesure de lacortisolémie totale plasmatique est augmentée artificiellement etnon utilisable pour le monitoring du traitement. Celle-ci reposeessentiellement sur la mesure du CLU ou du cortisol salivaire. Lecontrôle de l’hypercortisolisme est obtenu dans cette stratégie auprix d’une insuffisance surrénalienne qui justifie un traitementsubstitutif par hydrocortisone. Le mitotane active le CYP4503A4qui augmente la clairance métabolique de l’hydrocortisone [98].Il est donc nécessaire d’augmenter la posologie de solution del’hydrocortisone d’aumoins un tiers. Du fait de son caractère lipo-phile, le mitotane est stocké dans le tissu adipeux et induit une

    insuffisance surrénalienne prolongée. Cependant, en l’absenced’irradiation hypophysaire, l’hypercortisolisme récidive chez laplupart des patients plusieurs mois à plusieurs années après l’arrêtdumitotane. L’intérêtde ce traitement est limité par ses nombreuxeffets indésirables et sa tolérancemédiocre. Les plus fréquents sontl’intolérance digestive, l’asthénie, une sensation ébrieuse et destroubles de la mémoire qui surviennent chez plus de la moitiédes patients. La gynécomastie et un hypogonadisme sont ren-contrés chez 20 à 50% des hommes [98]. Il faut noter égalementl’élévation quasi constante des gamma-glutamyltranspeptidases(GGT), même si l’hépatite toxique clinique est très rare etl’hypercholestérolémie liée à l’inhibition de l’hydroxy-3-méthylglutaryl coenzymeA réductase (HMG co-A réductase). Le traite-mentdoit être arrêté chez environ30%des patients du fait d’effetsindésirables. Le mitotane est tératogène et ses effets persistentpendant des mois après l’arrêt du traitement, interdisant toutegrossesse pendant plusieurs années après l’arrêt de celui-ci. Lemitotane permet de contrôler l’hypercortisolisme chez la majo-rité des patients traités pour une sécrétion ectopique d’ACTH [99].

    Là également, du fait du délai dans l’obtention du contrôle de lacortisolémie, l’association à un traitement inhibiteur de la stéroï-dogenèse pendant quelques semaines ou mois est indispensable.

    Surrénalectomie

    La chirurgie surrénalienne dans le syndrome de Cushing,qu’elle soit unilatérale ou bilatérale, est le plus souvent réaliséepar laparoscopie qui permet un abord trans- ou rétropéritonéal,minimisant les problèmes de cicatrisation postopératoire qui sontimportants dans un contexte d’imprégnation cortisolique. Pourdes raisons carcinologiques, un abord large à ciel ouvert, permet-tant une résection en bloc de la tumeur, du rein et des organesadjacents, est réalisé en cas de corticosurrénalome malin étendu(stades III ou IV). Le choix de la voie d’abord en cas de corticosur-rénalome malin, a priori sans extension régionale (stades I et II),reste particulièrement polémique [100].Lamortalité et morbidité périopératoire antérieurement décrite

    s’est considérablement réduite du fait des progrès de la réanima-tion et de la préparation des patients à l’intervention à l’aide des

    anticortisoliques[101]

    . En cas de surrénalectomie unilatérale pourtumeur surrénalienne, une insuffisance corticotrope fonction-nelle est la règle pendant plusieurs semaines ou mois et oblige àun traitement substitutif. Dans le cadre de la maladie de Cushing,la surrénalectomie est bilatérale et à l’origine d’une insuffisancesurrénalienne définitive. Le risque le plus redouté est la croissancevolumétrique d’un adénome corticotrope hypophysaire laissé enplace (anciennement décrite sous le terme de syndrome de Nel-son). La prévalence du syndrome de Nelson est variable selon lesséries de 8 à 30% et culmine à 50% dans une série française trèsdocumentée [102]. Le délai de survenue après surrénalectomie estvariable mais semble maximal durant les sept premières annéessuivant la surrénalectomie. Aucun paramètre clinique, biologiqueou radiologique ne peut être utilisé en pratique à l’échelon indi-viduel pour prédire le risque de syndrome de Nelson avant lasurrénalectomie et sélectionner les patients candidats pour cetteoption thérapeutique. On est néanmoins particulièrement vigi-lant chez les sujets jeunes ou lorsqu’un adénomehypophysaire estidentifi