structures et propriétés physiques de quelques complexes de coordination organisés à...

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 2, Sbrie II c, p. 675-684,1999 Chimie inorganique mokulaire / Molecular inorganic chemistry (Chimie de l’ktat solide et cristallochimie / Solid state chemistry and crystal chemistry) Structures et propriMs physiques de quelques complexes de coordination organi& 2 Mat solide Peter DAY The Royal Institution of Great Britain, 21 Albemarle Street, London WLX 4BS, Royaume-Uni (Requ le 11 octobre 1999, accept6 le 3 novembre 1999) A la m&moire d’Olivier kXHN RCsumC - Pendant longtemps, la plupart des composes synthetises en chimie de coordination ont notamment et6 etudies dans le but de rationaliser leurs structures et leurs proprietts, comme s’ils existaient sous forme de molecules isolees dans le vide. Durant les dix B vingt dernieres an&es, les recherches se sont progressivement orienttes vers l’ttude des proprietes physiques des solides inorganiques de type << collectif ),, c’est-a-dire celles qui ne dependent pas de l’unitt individuelle qui compose le reseau cristallin, mais du reseau entier lui-m&me. Le magnetisme cooperatif et la supraconductivid constituent des exemples de telles proprittes qui, bien stir, trou- vent leur origine dam les proprietes Clectroniques des unites qui forment le reseau, mais tgalement au-deli, dans les interactions entre sites voisins. Ce bref article, base sur un expose don& au tours du colloque Concoord-Gecom 1999, decrit les relations structures-proprittes de tels derives a partir de nombreux exemples recents. On considtrera en particulier des reseaux uni- et bidimensionnels construits a partir de complexes des elements 3d. 0 1999 Academic des sciences / Editions scientifiques et mtdicales Elsevier SAS supraconducteurs mol&ulaires I aimants molCculaires I complexes de coordination / chimie supra- molCculaire Abstract - Structures and physical properties of some coordination complexes in the solid state. For a long time, the vast majority of the compounds synthesised by coordination chemists were studied, from the point of view of understanding their structures and properties, as if they existed as in the form of inde- pendent molecules isolated from one another in vacua. However, in the last lo-20 years, research has progres- sively moved towards those physical properties of inorganic solids that are called ‘collective’, i.e. that arise not from the individual molecules but from the lattice as a whole. Cooperative mechanism and superconductivity are examples of such properties which, while having their origin in the electronic properties of the units that make up the lattice, arise principally from the interactions between neighbouring sites. This brief account, based on a lecture given at the CONCOORD-GECOM 99 Conference situates this topic within the realm of supramolecular chemistry, and describes some structure-property relations in several recent cases. In particular, one- and two-dimensional lattices built up from 3d metal coordination complexes are considered. 0 1999 Academic des sciences / Editions scientifiques et medicales Elsevier SAS molecular superconductors / molecular magnets / coordination complexes I supramolecular chemistry 1. Introduction Dans cet article, nous allons decrire certains de nos rtsultats &cents obtenus dans un domaine de la chimie de coordination pas tou- jours trts bien connu des chimistes. C’est un domaine pluridisciplinaire, qui se situe entre la chimie classique de synthtse de composts nou- veaux et la physique du solide, dans lequel on mesure des proprietts physiques telles que le magnttisme et la conductivitt tlectrique. Ce type de propriete se distingue de celles plus connues des chimistes parce que, bien qu’elles prennent leur origine dans le comportement Clectronique des complexes moleculaires, elles sont d’un type appele (( collectif N, c’est-a-dire qu’elles appartiennent au rtseau entier. Pour donner un exemple, il n’est pas du tout possible l?r&end par Olivier KAHN 1387-1609/99/00020675 0 1999 Acadkmie des sciences / l&ions scientifiques et mkdicaks Elsevier SAS. Tous droits rbervhs 675

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 2, Sbrie II c, p. 675-684,1999 Chimie inorganique mokulaire / Molecular inorganic chemistry (Chimie de l’ktat solide et cristallochimie / Solid state chemistry and crystal chemistry)

Structures et propriMs physiques de quelques complexes de coordination organi& 2 Mat solide Peter DAY

The Royal Institution of Great Britain, 21 Albemarle Street, London WLX 4BS, Royaume-Uni

(Requ le 11 octobre 1999, accept6 le 3 novembre 1999)

A la m&moire d’Olivier kXHN

RCsumC - Pendant longtemps, la plupart des composes synthetises en chimie de coordination ont notamment et6 etudies dans le but de rationaliser leurs structures et leurs proprietts, comme s’ils existaient sous forme de molecules isolees dans le vide. Durant les dix B vingt dernieres an&es, les recherches se sont progressivement orienttes vers l’ttude des proprietes physiques des solides inorganiques de type << collectif ),, c’est-a-dire celles qui ne dependent pas de l’unitt individuelle qui compose le reseau cristallin, mais du reseau entier lui-m&me. Le magnetisme cooperatif et la supraconductivid constituent des exemples de telles proprittes qui, bien stir, trou- vent leur origine dam les proprietes Clectroniques des unites qui forment le reseau, mais tgalement au-deli, dans les interactions entre sites voisins. Ce bref article, base sur un expose don& au tours du colloque Concoord-Gecom 1999, decrit les relations structures-proprittes de tels derives a partir de nombreux exemples recents. On considtrera en particulier des reseaux uni- et bidimensionnels construits a partir de complexes des elements 3d. 0 1999 Academic des sciences / Editions scientifiques et mtdicales Elsevier SAS

supraconducteurs mol&ulaires I aimants molCculaires I complexes de coordination / chimie supra- molCculaire

Abstract - Structures and physical properties of some coordination complexes in the solid state. For a long time, the vast majority of the compounds synthesised by coordination chemists were studied, from the point of view of understanding their structures and properties, as if they existed as in the form of inde- pendent molecules isolated from one another in vacua. However, in the last lo-20 years, research has progres- sively moved towards those physical properties of inorganic solids that are called ‘collective’, i.e. that arise not from the individual molecules but from the lattice as a whole. Cooperative mechanism and superconductivity are examples of such properties which, while having their origin in the electronic properties of the units that make up the lattice, arise principally from the interactions between neighbouring sites. This brief account, based on a lecture given at the CONCOORD-GECOM 99 Conference situates this topic within the realm of supramolecular chemistry, and describes some structure-property relations in several recent cases. In particular, one- and two-dimensional lattices built up from 3d metal coordination complexes are considered. 0 1999 Academic des sciences / Editions scientifiques et medicales Elsevier SAS

molecular superconductors / molecular magnets / coordination complexes I supramolecular chemistry

1. Introduction

Dans cet article, nous allons decrire certains de nos rtsultats &cents obtenus dans un domaine de la chimie de coordination pas tou- jours trts bien connu des chimistes. C’est un domaine pluridisciplinaire, qui se situe entre la chimie classique de synthtse de composts nou- veaux et la physique du solide, dans lequel on

mesure des proprietts physiques telles que le magnttisme et la conductivitt tlectrique. Ce type de propriete se distingue de celles plus connues des chimistes parce que, bien qu’elles prennent leur origine dans le comportement Clectronique des complexes moleculaires, elles sont d’un type appele (( collectif N, c’est-a-dire qu’elles appartiennent au rtseau entier. Pour donner un exemple, il n’est pas du tout possible

l?r&end par Olivier KAHN

1387-1609/99/00020675 0 1999 Acadkmie des sciences / l&ions scientifiques et mkdicaks Elsevier SAS. Tous droits rbervhs 675

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de parler du ferromagnetisme d’une molecule ; en revanche, si on parle de paramagnttisme, les contributions de chaque entite dans l’echan- tillon sont maintenant independantes les unes des autres. C’est la oti les chimisres ne sont pas tous B l’aise, car ils sont habitues a se focaliser sur leurs unites favorites, les molecules. Mais, au tours des dix dernieres an&es, cette distinc- tion, certainement trop simplism, a commence B disparaitre compte tenu de la croissance remarquable d’un nouveau sujet d’etude, la chi- mie supramoltculaire. Dans ce domaine, ce sont non seulement les molecules elles-mCmes qui attirent l’attention, mais tgalement la facon dont elles sont assemblees pour constituer des reseaux.

Ce que je voudrais exposer dans cette courte revue est un aspect de cette chimie supramolt- culaire, orient6 vers les proprietts Clectroniques collectives des solides. On y trouvera, dans un melange nouveau, des points sortant de la chi- mie de coordination classique et d’autres lies a des aspects purement physiques. Mais, apres ces mots de presentation g&-&ale, venons-en aux details. 11 n’est evidemment pas possible d’exposer tous les exemples qui ont tte PtudiCs ces dernieres annees et on se contentera done d’en donner trois.

2. Les organophosphonates des Uments de transition

Le premier exemple montre un moyen tres simple d’introduire des groupes moltculaires dans un reseau purement inorganique, avec des consequences inattendues. Les phosphates ter- naires des elements de transition, de formule ND,MP04.D,0 (jgzwe Id) sont deja organises en reseaux bidimensionnels [ 11, mais, en rem- plaqant un atome d’oxygene du groupe phos- phate par un groupe organique (par exemple, tout simplement CH,), on arrive a la serie des phosphonates MP03CH3.D,0. On a alors intercale dans le reseau un plan oh il n’y a que des groupes organiques lies par des interactions de Van der Waals (&we lb). La structure de ce compose, y compris antiferromagnetique [2], a

ttC ttablie par diffraction des rayons X et dif- fraction neutronique B partir de poudres (jpre 4.

Les susceptibilites magnetiques de ces com- poses montrent deux effets inttressants [3]. Pre- mierement, le maximum trouve vers 30 K reste inchange lors de la substitution des groupe-

0 Mll

0 P

9 0

0 N

c D

c D20

0 c

Figure 1. Les structures cristallines de ND4MnP04.D,0 (haut), CD3P03Mn.D,0 (has).

ments methyle par d’autres groupes orga- niques ; ceci est la signature d’une forte inte- raction antiferromagnetique bidimensionnelle. Deuxiemement, B plus basse temperature, on trouve une augmentation abrupte qui signale l’apparition d’un faible moment ferromagntti- que due a la non-colintaritt des spins ; cet effet varie beaucoup, selon le groupe organique. Mais, finalement, c’est la variation de la tem- perature de Neel qui est ttonnante. 11 serait en effet nature1 de penser que TN diminue lorsque la distance entre les plans de cations augmente. En realitt, ceci n’est pas observe et on trouve une certaine alternance, selon la parite du nom- bre d’atomes de carbone dans les chaines alkyles @gwe.?), car les interactions entre ces chaines sont differentes, selon que le nombre d’atomes de carbone est pair ou impair.

3. Les tris-oxalato bimkalliques

Le deuxieme exemple se situe egalement dans le domaine du magnetisme. 11 s’agit de com- plexes oxalato, pour lesquels les premiers exem- ples classiques de complexes de coordination ont ttP synthetises et etudies il y a presque un

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Structures et propriktk physiques de quelques complexes

sitcle par Alfred Werner. Le grand avantage de Seulement deux exemples bimttalliques bidi- l’ion oxalate pour construire les rtseaux mole- mensionnels sent don&s ici, le premier avec le culaires est qu’il s’agit d’un l&and ambidentate cation tttraphtnylphosphonium, P(C6D,),Mn- permettant, entre autres chases, de coordonner Fe(C20J3, le deuxitme avec le tttra-n-penty- deux ions metalliques et qui peut done servir de lammonium, N(n-C5H,1)4MnFe(C204)3. La pont entre eux. Cette possibilite est connue figure 4 montre comment l’espace entre le rt%eau depuis longtemps ; il est curieux de constater [M ‘11M111R(C204)3]- est occupe par les groupe- que les premiers composes contenant des ments organiques qui remplissent tout l’espace. rtseaux infinis ne sont apparus qu’au debut des Tout comme dans l’exemple precedent, l’inten- an&es 90 [4]. site des reflexions magnttiques obtenues par

m

Wa 0 . Z”

Synchrotron X-ray, ESRF Grenoble

HRPD - ISIS

1.0 1.2 D-spacing, A

Figure 2. Diffraction de poudres de CD,P03Mn.D,0, (a) rayons X ; (b) neutrons.

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Chain Length

Figure 3. Temperatures de N&l (7&) de la skie n-C,H2,+,P03Mn~H,0 en fonction de n.

diffraction des neutrons diminue lors de l’aug- ment magnttique de celle due B la structure cris- mentation de temperature, definissant TN talline, comme le montre laf;gzrre% [5]. comme -25 K. En differenciant les courbes de diffraction des domaines paramagnetiques et

A partir de diverses hypotheses, on peut alors

antiferromagnetiques, on separe l’intensite pure- calculer les courbes de diffraction magnttiques et on tombe sans ambigui’d sur la structure

Figure 4. La structure cristalline de N(n-C5H,,)4-MnFe(C,0,)3.

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Structures et propriktb physiques de quelques complexes

donnee sur la figure G, avec les spins orient& perpendiculairement au plan. Un rtseau pure- ment bi-dimensionnel donne l’intensitb magnkique en ligne dans I’espace rtciproque, mais, en faisant la moyenne entre toutes les orientations de cristallites dans la poudre, on arrive A une bande d’intensitt asymktrique, comme celle du compose FerrFe”’ (jgwe 56) [6]. Une autre faron de s&parer les contribu- tions nuckaires et magnktiques en diffraction des neutrons est d’utiliser la polarisation, parce que la diffusion magnttique s’accomplit avec changement de spin. Par ce moyen, pour un de

j-

nos oxalates, on a facilement vu que l’intensitd bi-dimensionnelle existe A des temperatures beaucoup plus hautes que TN, oti les &lexions de Bragg, qui indiquent un ordre tridimension- nel, commencent A apparaitre.

Les composts anioniques qui contiennent Fe” et Fe*I’ 3 et qui possedent done un caractkre de valence mixte [7], prksentent un grand intt- r&t du fait que leurs propriMs varient d’une faGon drastique selon le cation organique. Dans le se1 avec le cation t&raph&nylphosphonium, la magnktisation est tout simplemenr celle d’un

50 60 20 (degrees)

30 40 50 60 70

28 (degrees ) (b) lo 20

Figure 5. P(C6D5)4MnFe(C,04) : diffraction magnktique de neutrons. (a) M = Mn(II) ; (b) M = Fe(I1).

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dtrivt ferrimagnttique classique (Jgwe 7a) [8, 91 : elle augmente jusqu’a une temperature proche de T,, et diminue au-dessous, a cause de la formation de domaines magnttiques. Mais certains autres sels presentent un compor- tement tres different. En champ nul, le se1 de tttra-n-butylammonium se comporte comme I’autre, mais, pour des champs appliques tres faibles, la magnetisation devient negative a basse temperature (figure 76). Pourquoi cette difference importante ?

Pour en trouver I’explication, il faut revenir B I’ceuvre ancienne et classique de Neel [lo]. On peut imaginer, dans le derive ferrimagnttique, deux sous-reseaux, dont les magnetisations aug- mentent de facons differentes en fonction de la temperature. Ce qu’on observe experimentale- ment est la difference entre les deux, qui pou- vait &tre, soit positive, soit negative, en fonction de la d&i&e de la magnttisation par rapport a la temperature de chaque sous-rtseau. Mais pourquoi une difference entre les deux composes ? Pour verifier que les deux sous- reseaux se magnetisent d’une man&e trts dif- ferente, nous avons utilist la spectroscopic

Q= 5pB Fe3+ site

6= 5pB Mn2+ site Figure 6. Structure magkique de

P(C$S)MnFe(C20&.

Mijssbauer pour suivre l’tvolution du champ interne au site Fe I1 * les deux composes presen- , tent des comportements tres differents [l 11. A notre avis, la difference provient de la distorsion trigonale du site Fe2+, qui est modifite selon les exigences sttriques du cation organique qui entre dans les lacunes de la couche hexagonale et contraint steriquement les complexes anio- niques.

4. Les supraconducteurs tris-oxalato mhllates

Pour la dernitre partie de cet article, nous allons poursuivre avec les anions tris-oxalates des elements de transition, mais considerer mainte- nant une nouvelle proprittt, la supraconducti- vim. Les premiers exemples de supra- conducteurs mokculaires sont les sels B transfert de charge du donneur tetramethyltttrastl& nofulvalene, TMTSF [ 121. Plus recemment, le donneur BEDT-TTF (bisethykne-dithiotttra- thiofulvakne), qui contient du soufre, a ttt utilise ; il a conduit a des supraconducteurs avec des temperatures critiques pouvant atteindre 14 K. 11 y a quelques an&es, nous avons eu I’idee de synthetiser de tels composts avec les anions magnetiques pour introduire des Clec- trons non apparies dans le rtseau supraconduc- teur. Apres avoir essay6 un certaine nombre d’entre eux, notre choix s’est orient6 vers les tris- oxalates, qui ont des structures cristallines pas trop eloignees des reseaux bidimensionnels hexagonaux du m&me type que celui que nous avons deja rencontrt (figzlw 4). On constate que, dans cette gamme de composes, les anions tris-oxalates et les autres cations, qui ont main- tenant une charge plus petite, donnent un com- post bimttallique du type [M”1M”‘(C,04)3]2- et pas [M’“M’ ‘(C204)J, tel qu’il a et6 trouve dans les sels ferrimagnttiques precedents.

Un aspect important est que, maintenant que les lacunes sont remplies, non pas par les cations organiques, mais par une molecule de solvant, dans ce cas le benzonitrile (figure 8a) [ 131. Entre les couches anioniques qui contien- nent les mttaux, on trouve les donneurs mole- culaires BEDT-TTF, ordonnes avec leurs plans paralleles. Ces plans portent les electrons libres qui assurent la conductivitt Plectrique. Puisque la stcechiometrie est de type 2/I, la charge moyenne des BEDT-TTF est + l/2, ce qui montre que les bandes de conduction ne sont pas totalement remplies et qu’en consequence

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Structures et proprEt& physiques de quelques complexes

09

0 I I I 10 20 30 40

Temperature (K)

loor

-350 4

-400

1

.‘)- -450

. 1

= ZFC TBAFeFe(ox)J . 0.4G FC . IG FC . 1OOG Fc

-500 1 x AC Measurement X’

I I I I cl 10 20 3?emperat&‘e (K) 50

Figure 7. Magn&ation de AFe(II)Fe(III)(C204)3 mesurke g 100 G. (a) A = P(C,H5)4 (b) A = N(+C,HJ.

le cristal sera metallique. Ceci est effectivement mais les composes supraconducteurs dont nous le cas, la rtflectivite dans l’infrarouge montrant parlons ici sont en mCme temps paramagntti- une frequence plasma aux alentours de 4 000 cm-‘.

ques, a cause des electrons 3d qui se trouvent La mesure la plus convaincante darts le complexe de coordination anionique.

pour mettre en evidence la nature mttallique C’est la premiere fois, toutes classes de supra- du compose est bien sQr celle de la conductivitt conducteurs confondues, que coexistent ces electrique, oh I’on voit d’abord la resistance deux proprittts. Les deux types d’tlectrons sont diminuer lentement avec la temperature, puis egalement observes par resonance paramagne- diminuer de manitre tres abrupte en dessous de tique tlectronique avec deux signaux distincts, 10 K, pour prendre une valeur nulle, rhtlatrice l’un qui doit son origine aux electrons 3d et de la supraconductivitt (&y-e 7). l’autre a ceux de la bande de conduction.

Jusqu’alors, l’autre propriete qui caracte’risait l’ttat supraconducteur ttait le diamagnttisme,

Dans les sels a transfert de charge, se pose toujours la question de la charge portee par le

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cation organique. S’il existe plusieurs molecules de donneur dans la maille eltmentaire, il est possible qu’elles ne portent pas toutes la m@me charge.

Une mtthode t&s effcace pour evaluer la charge consiste a Ctudier le spectre Raman, car les frequences C-C et C-S varient d’une man&e deja connue avec cette charge. C’est A partir d’experiences de ce type qu’on peut dire sans ambiguite que la charge de toutes les molt- cules de BEDT-TTF est ici de +0,5, de sorte que, pour des raisons de neutral& Clectrique, dans les composts qui contiennent H,O, c’est certainement le cation H,O’ qui se trouve dans le rtseau [14].

Figure 8. Structures cristallines de (BEDT-TTF)4[(H,0)M(C,0,)3]CGH,CN, M = Fe, Cr : plans anioniques, (a) phase p” ; (b) phase-pseudo-K.

Dans cette serie de composes, une grande variett de changements chimiques est possible, puisqu’il est envisageable de jouer sur l’ion de transition [ 151, l’autre cation et la mokcule de solvant in&s. Par exemple, le remplacement du fer par le chrome diminue z de 8 B 6 K. De plus, on trouve des exemples de polymor- phisme, c’est-a-dire deux structures avec la meme stcechiometrie [ 161. Un exemple tres interessant est celui du se1 qui contient H,O+ et Cr3+, dont on a deja vu la structure. 11 existe alors une deuxitme phase qui n’est pas supra- conductrice, mais semiconductrice. Le plan anionique montre les ions tris-oxalates, les H,O’ et les molecules de solvant (JigUw 86). Les anions sont distribues d’une man&e pres- que identique B ce qu’on a observe dans la pre- miere (sauf le benzonitrile, qui est dtsordonnt), mais, en regardant de tres prts, on constate que la difference provient de la chiralitt des anions. Bien que les anions tris-oxalates soient chiraux, les deux sels sont ractmiques et contiennent par consequent les deux inverses optiques. Dans la phase supraconductrice, tous les anions dans chaque couche ont la m&me configuration, en alternance A et A. Dans le semiconducteur, les deux configurations sont melangees, ce qui donne une distribution spatiale des oxygenes tout Q fait differente et, a partir de la, une dis- tribution differente des cations organiques. On observe un melange de dim&es, qui portent une charge + 1, et de monomeres non charges.

Une autre faGon de regarder la disposition des molecules dans la phase semiconductrice est montree sur la j@re 10, dans laquelle on voit les dim&es face B face, entoures de monomtres avec les oxygenes de l’oxalate au-dessus. De tels composes existent, in&ant d’autres molecules de solvant, par exemple le nitrobenzene. Ce compose est aussi supraconducteur, mais B plus basse temperature, ce qui est confirme par l’ttude de la conductivitt en fonction du champ magnetique.

Finalement, une petite surprise : le compost analogue qui contient la pyridine est apparem- ment du meme type et est Cgalement mttallique A temperature ambiante, mais il devient isolant B environ 120 K. Que s’est-il passe ? Un coup d’ceil sur la structure montre une toute petite difference (figure 1 I). Un quart settlement des cations posstde une orientation differente : il s’agit des entites qui se trouvent juste au-dessus des lacunes dans la couche anionique [ 171.

Pour conclure, j’espere qu’a partir de ces exemples j’ai rkussi B persuader le lecteur que les

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Structures et propri&Zs physiques de quelques complexes

IO 100 Temperature (K)

0

Figure 9. Rtsistance blectrique d’un cristal de P”-(BEDT-TTF),[(H,O)Fe(C,O,),]C,H,CN.

complexes de coordination sont d’un grand inter&t pour les amateurs de proprietts collec- tives comme le ferromagnttisme et la supracon- ductivitt, et qu’ils ont deja donnt accts a des phtnomenes nouveaux et inattendus, auxquels

on ne pouvait pas acceder par l’ttude de l’etat solide classique des rtseaux continus.

Les personnes qui ont realist ces etudes sont nombreuses ; parmi celles-ci je citerai les noms de Mohamed Kurmoo, maintenant au CNRS a Strasbourg et qui a dtbutt nos etudes de supra- conducteurs, de Simon Carling, qui a mis en evidence les proprittes magnetiques des phos- phonates et travaille actuellement sur la diffrac- tion neutronique, et de Scott Turner, venu de Bordeaux, oh il travaillait avec Olivier Kahn,

Figure 10. Interactions entre dimkres de BEDT-TTF et oxyghes du groupe oxalate.

Figure 11. (BEDT-TTF)4[(H30)Fe(C204)3]C5H5N : H atomes de BEDT-TTF superposk sur le plan anionique.

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ainsi que ceux de nombreux Ctudiants qui ont soutenu leur these ou qui la p&parent actuellement : Anthony Graham, Cameron Kepert, Chris Nuttall, Lee Martin, Samina Rashid et Ian Watts. Le financement a ttt assure par I’EPSRC et la Commission euro- pdenne.

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