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209Organisation
des Nations Unies
pour l'alimentation
et l'agriculture
Revue internationale
des forêts
et des industries
forestières
ISSN 0251-1953
Rédactrice: A. PerlisComité consultatif de rédactionDépartement des forêts:J. Ball, I.J. Bourke, C. Holding-Anyonge,R.M. Martin, M. Morel, C.T.S. Nair,C. Palmberg-Lerche, A. Perlis, L. Russo,O. Souvannavong, T. Vahanen, M. WilkieConseillers régionaux:H. Abdel Nour, C. Carneiro, P. Durst,P. Koné, E. PepkeRédaction:Groupe de l’éditionDivision de l’information de la FAO
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Photo de couverture: Les langurs sont parmi
les mammifères les plus répandus dans les
forêts de l'Inde I. de Borhegyi
Table des matières
Vol. 53
2002/2
Editorial 2
J. BurleyLa diversité biologique forestière: tour d’horizon 3
J.A. McNeelyBiodiversité forestière au niveau de l’écosystème:quel rôle pour l’homme? 10
K. RykowskiLa conservation de la diversité biologique comme élémentde la gestion durable des forêts – politiques et pratiques en Pologne 16
M. Kanashiro, I.S. Thompson, J.A.G. Yared, M.D. Loveless, P. Coventry,R.C.V. Martins-da-Silva, B. Degen et W. AmaralAmélioration de la valeur de conservation des forêts gérées:le projet Dendrogène en Amazonie brésilienne 25
H. Simons
Evaluation des écosystèmes en début de millénaire 34
R. Nasi, R. Dennis, E. Meijaard, G. Applegate et P. MooreLes incendies de forêt et la diversité biologique 36
W.A. Rodgers, R. Nabanyumya, E. Mupada et L. PershaLa conservation communautaire de la biodiversité des forêts densesen Afrique de l’Est est-elle viable? 41
D. SheilPourquoi la surveillance de la biodiversité ne soutient-ellepas les priorités de la conservation dans les tropiques? 50
P. Bridgewater
Programme de l’UNESCO: l’homme et la biosphère– la biodiversité des forêts 55
C. Palmberg-LercheConsidérations sur la conservation des ressources génétiques forestières 57
J.S. Denslow
Espèces ligneuses exotiques envahissantes dans les forêts des îles du Pacifique 62
M.L. WilkieDe la dune à la forêt: la diversité biologique dans les plantationsétablies pour lutter contre les sables mouvants 64
La FAO et la foresterie 70
Le monde forestier 73
Livres 74
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ÉDITORIAL
Une forêt qui renferme 1 000 espèces est-elle meilleure etmieux gérée qu’une forêt qui ne contient que 500 espèces?Unasylva consacre son numéro à la diversité biologique des fo-rêts et à sa conservation et sa gestion durable. L’un des pointscardinaux de son message est que le nombre n’est pas le seulcritère d’évaluation.
J. Burley analyse des thèmes et concepts portant sur la diversitébiologique des forêts. Il en définit les trois éléments de base: legène, l’espèce et l’écosystème, et examine des paramètres tels lavaleur et l’utilisation, l’évaluation, et l’attention portée à ce sujetpar le public et les responsables de la foresterie.
J. McNeely met l’accent sur la biodiversité des forêts et sur lerôle des populations dans l’écosystème. Les impacts anthropiquessont souvent destructeurs (déboisement, surchasse), mais McNeelyobserve que l’homme fait partie intégrante des écosystèmes fores-tiers, et qu’il faut gérer la forêt de façon à concilier les objectifs:satisfaire les besoins en bois industriel, bois de feu et produits nonligneux; sauvegarder les valeurs récréatives et esthétiques; et as-surer à tous les avantages que procure l’environnement, y comprisla conservation de la biodiversité.
En Pologne, même lorsque le couvert forestier s’accroissait,des pratiques de gestion forestière intensives, axées principale-ment sur la production de bois, ont réduit ces derniers siècles ladiversité biologique. Mais, au cours de la décennie écoulée, lespolitiques et pratiques forestières ont placé la conservation de labiodiversité au centre des objectifs de la gestion durable desforêts. K. Rykowski décrit les principes suivis par la Pologne etexamine en premier lieu les forêts de production. Il observe queles aires protégées sont insuffisantes, à elles seules, à garantir laconservation des arbres et des autres espèces forestières.
Pour conserver la biodiversité, de nouvelles politiques et pra-tiques dans les forêts aménagées d’Amazonie brésilienne sontnécessaires. K. Kanashiro et ses collègues décrivent le travailaccompli par le projet Dendrogene, qui vise à indiquer aux uti-lisateurs de la forêt les compétences et les outils pour mettre enpratique des méthodes théoriques de gestion.
R. Nasi et ses collègues étudient les répercussions des incen-dies de forêt sur la biodiversité. Le feu peut détruire des commu-nautés végétales et animales, influencer le cycle de vie des espè-ces et priver la faune forestière de son habitat et de ses aliments.Le feu est aussi une force naturelle nécessaire à la santé de cer-tains écosystèmes.
Les protocoles de cogestion en Afrique de l’Est s’appliquentsurtout aux forêts et aux terres boisées gérées pour la productionde biens et de services locaux. Sont-ils applicables aux forêtsd’intérêt mondial et national afin de conserver la biodiversité?Avec des exemples tirés d’un projet visant à réduire la perte debiodiversité au Kenya, en Ouganda et en République-Unie de
Tanzanie, W.A. Rodgers, R. Nabanyumya, E. Mupada et L. Pershanotent que pour les inciter à conserver, il faut permettre aux com-munautés de tirer des avantages tangibles des efforts demandés.
Il n’y a guère de difficultés à identifier au niveau local les mena-ces qui pèsent sur la biodiversité des forêts dans les pays tropicaux(perte d’habitat, empiétement, exploitation anarchique, dégrada-tion de l’environnement, etc.). D. Sheil soutient que la conserva-tion de la biodiversité doit insister moins sur la recherche et lasurveillance que sur les bonnes pratiques de terrain. Pour cela, ilfaut que les ressources soient dûment allouées et ciblent des prio-rités fondamentales: interdiction de convertir les zones protégéesà d’autres usages des terres et protection de taxons importants.
C. Palmberg-Lerche exprime quelques considérations sur la di-versité biologique, telle l’importance de liens étroits entre les ac-tivités de conservation à différents niveaux, et insiste sur l’utilitéde programmes dynamiques harmonisant conservation et gestiondurable des forêts et des ressources forestières génétiques dans unemosaïque d’utilisations des terres possibles, assortis d’un élémentd’amélioration génétique active. Elle ajoute que l’intervention del’homme dans la nature n’est pas nécessairement préjudiciable.
Il est souvent estimé que les plantations forestières sont pauvresen diversité biologique, du fait, peut-être, qu’on les compare auxforêts naturelles et non aux écosystèmes dégradés qu’elles rem-placent souvent. M.L. Wilkie décrit comment des plantations,établies il y a plusieurs siècles au Danemark pour stabiliser lesdunes, se sont transformées, avec le temps et une gestiont judi-cieuse, en écosystèmes riches en espèces.
Un sujet important, mais non traité ici, est le partage équitabledes avantages de la biodiversité, l’un des trois principaux objectifsde la CDB. Ce thème a été analysé dans Unasylva 206 (2001), demême que le programme de travail de la CDB sur les forêts. Lesactivités de la CDB et de la FAO dans ce domaine sont complé-mentaires. A la page 69, un encadré renvoie les lecteurs à des sitesweb donnant plus d’informations sur les programmes de la FAOliés à la diversité biologique des forêts.
Comme le montre ce numéro, il n’y a pas de niveau de biodiversitéidéal. De nombreuses raisons, pas toutes liées à intervention del’homme, expliquent pourquoi un écosystème peut avoir plus dediversité qu’un autre. En outre, la conservation ne devrait pas sefixer comme objectif la préservation d’un statu quo chimérique.La biodiversité évolue au fil du temps dans toutes les communau-tés et les écosystèmes. La gestion de la conservation est une tâchede longue haleine qui ne peut réussir que si elle exploite la dyna-mique intrinsèque des écosystèmes et des espèces, en vue d’enconserver la diversité et la capacité d’évolution. Les objectifs deproduction et de protection ne pourront s’harmoniser que s’ilssont étayés par une planification rationnelle et une coordinationintersectorielle des activités aux niveaux local et national. ◆
La diversité biologique dans les forêts
Unasylva 209, Vol. 53, 2002
3
La diversité biologique forestière: tour d’horizon
J. Burley
Jeffery Burley est Professeur deforesterie à l’Université d’Oxford etDirecteur de l’Oxford ForestryInstitute, Oxford (Royaume-Uni). Ilest le président sortant de l’Unioninternationale des instituts derecherches forestières.
Qu’est-ce qu’un mot contient? Leterme “biodiversité” –une con-traction de “diversité biologi-
que” – a fait l’objet de débats houleuxou d’interprétations erronées, suscitantheurts et confusion aussi bien aux plushauts échelons stratégiques et scientifi-ques qu’auprès du grand public. Souvent,l’attrait esthétique ou éthique des essen-ces ou des écosystèmes individuels nousa portés à favoriser leur conservation audétriment de leur utilisation raisonnableen vue de satisfaire les besoins de subsis-tance ou de développement économiquede l’être humain. La diversité biologiquea des acceptions différentes selon les in-dividus. L’attention qu’elle reçoit desjournaux, des magazines, de la télévisionet des films est grande mais porte sou-vent à confusion. Il est urgent que lesscientifiques, les gestionnaires de res-sources naturelles et les écologisteséclaircissent leur terminologie, leurs des-criptions, leurs objectifs et leurs métho-des d’évaluation afin de sensibiliser da-vantage l’opinion publique et les milieuxgouvernementaux à la gestion raisonna-ble (conservation et utilisation compri-ses) de la diversité biologique.
La diversité biologique forestière est uneressource fondamentale car elle comprendles espèces de la planète et leurs carac-téristiques génétiquesdont dépend l’huma-nité pour vivre et prospérer dans unenvironnement sain. La perte d’éco-systèmes, d’espèces et de gènes consti-tue une menace sérieuse à la survie del’homme et d’autres organismes. Cet arti-cle a pour but de préciser certains des con-cepts et problèmes centraux de diversitébiologique forestière.
TROIS NIVEAUX DE DIVERSITÉBIOLOGIQUELa diversité biologique désigne le nom-bre, la variété des organismes vivants(c’est-à-dire l’ensemble de la vie sur terre)et les relations qu’ils entretiennent entre
eux (voir FAO et IUFRO, 2002, pour unrappel des définitions). Elle est générale-ment décrite, quantifiée, gérée et utiliséeà trois niveaux. Premièrement, la varia-tion du patrimoine génétique au sein despopulations et entre les populations d’uneespèce donnée; cela intéresse tout parti-culièrement les généticiens et les sélec-tionneurs et comprend l’étendue et lemécanisme de variation des populations,la variation des génotypes et les fréquen-ces, effets et flux des allèles (les diffé-rentes formes de mutation d’un gènedonné, et les unités qu’affecte la sélec-tion pour aboutir à la diversité généti-que). Deuxièmement, la variation entreles espèces, qui intéresse particulièrementles taxinomistes, les écologistes et les dé-fenseurs de l’environnement et désignele nombre, l’abondance ou la rareté, etl’endémisme des espèces; elle est cou-ramment admise comme synonyme duterme original “diversité” utilisé par lesécologistes théoriques lorsqu’ils parlentde compétition et de coexistence des es-pèces (Pielou, 1994). Troisièmement, lavariation entre les écosystèmes et la fa-çon dont les espèces interagissent entreelles et avec leur environnement; c’est làun thème qui intéresse principalement lesécologistes, mais aussi les aménageursdes écosystèmes/sites, car il englobe l’im-portance mondiale et locale de la compo-sition, de la structure et du fonctionne-ment des écosystèmes, et l’existence dece qu’on appelle les “points chauds” dela variabilité biologique.
DIVERSITÉ BIOLOGIQUEFORESTIÈRELa diversité biologique forestière désignela diversité au sein de la forêt et se déclineà ces trois niveaux. Elle comprend toutesles espèces de plantes, d’animaux et demicrobes présents dans la forêt, et non passeulement les essences forestières. Lesforêts tropicales à elles seules abritent quel-que 50 pour cent de tous les vertébrés con-
Quelques concepts clés et pointsrelatifs à la diversité biologiqueforestière – le nombre, la variétéet l’organisation des organismesvivants en forêt – une ressourcefondamentale pour le bien-êtrede l’homme et del’environnement.
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nus, 60 pour cent des essences végétales etpeut-être 90 pour cent des espèces totalesde la planète. Les forêts, en tant qu’écosys-tèmes, varient énormément et sont divi-sées en plusieurs grandes catégories:
• forêts boréales, où domine une es-sence ligneuse;
• forêts tempérées mixtes – plusieursessences mixtes à larges feuilles;
• forêts tempérées sempervirentes –avec plusieurs essences de conifères;
• forêts tropicales ombrophiles – à laforte diversité;
• forêts tropicales décidues – à la di-versité relativement faible;
• forêts tropicales sèches – avec peud’essences poussant dans des forma-tions claires.
Chacun de ces écosystèmes englobeplusieurs types qui, à leur tour, ont leurspropres caractéristiques de faune et deflore nécessitant une estimation, uneévaluation et une gestion différentes.
Pour chaque type de forêt, la diversitédes espèces forestières est généralementrelativement bien connue et quantifiée,et les essences végétales sont assez biencaractérisées; toutefois, il reste encore
beaucoup à découvrir sur les espèces ani-males et microbiennes, leurs identités,variation génétique, interactions etutilisations par l’homme. En outre, mêmechez les plantes et les animaux, toutel’attention et les ressources sontpratiquement consacrées aux espècescharismatiques, visuellement attractives,plutôt qu’aux espèces moins visibles,moins attrayantes, qui peuvent être toutaussi importantes pour l’intégrité del’écosystème. Certaines de ces espècesmoins “en vogue” peuvent donc avoirdes utilisations jusque-là inconnues. Laconservation et l’écotourisme sontsouvent encouragés par des imagesséduisantes de grands mammifères,oiseaux et macrolépidoptères, mais lesmicrolépidoptères et les fourmis sont desindicateurs valables des transformationsde l’environnement, tandis que leschampignons invisibles sont essentielsau fonctionnement des écosystèmes.
ÉVALUATIONL’évaluation de la diversité biologiqueest complexe et varie en fonction desobjectifs de l’évaluateur. Il existe géné-
ralement quatre bonnes raisons de me-surer la diversité biologique (Burleyet Gauld, 1994; Bachmann, Köhl etPäivinen, 1998):
• comprendre scientifiquement lastructure, la fonction et l’évolutiondes écosystèmes, indispensable àla gestion des ressources pour leurscapacités biologiques et leur produc-tivité;
• conserver et développer du maté-riel génétique pour la reproductionet l’amélioration génétique des es-sences individuelles aussi bienpour les forêts plantées que pourl’agroforesterie;
• suivre l’impact des interventionsd’aménagement des terres et deschangements naturels et anthropiquesde l’environnement sur la diversitébiologique;
• fixer des secteurs prioritaires pour laconservation de la diversité biologi-que, sur des bases éthiques, esthéti-ques, religieuses, culturelles, de re-cherche scientifique ou de productionfuture, y compris “la prospection dela biodiversité” (Reid et al., 1993).
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La diversité biologiqueforestière au niveau desgènes (qui intéresseparticulièrement lesgénéticiens et lessélectionneurs) désignela variation génétiqueau sein des populationsd’une essence donnéeet entre elles, comme lemontre la variation decroissance du Douglas(Pseudotsugamenziesii)
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Les estimations de la diversitébiologique au niveau de l’écosystème etdes espèces doivent prendre en compteplusieurs sources de variation (Burley etGauld, 1994) dont: les changements à longterme et les changements saisonniers àcourt terme de la diversité des essencesprésentes dans un écosystème; la variationdes nombres, de l’abondance et de la raretédes essences individuelles au cours desdifférents stades de leur vie; la mobilitédes animaux causant les migrations d’unécosystème à l’aure; le stade dedéveloppement communautaire; laposition physique au sein de l’écosystème,du sol à la couronne des arbres individuels;et l’échelle géographique (mondiale, ré-gionale, nationale, écosystème, habitat ouparcelle).
Quels que soient l’indice ou l’indicateurrequis et l’échelle ou l’intensitéd’échantillonnage utilisée, l’évaluationde la diversité biologique se fonde surplusieurs méthodes. On peut citernotamment le développement desinventaires forestiers traditionnelsportant sur les arbres et le bois d’œuvreen enquêtes multi-taxa s’inspirant deparcelles d’échantillonnage temporaireset permanentes, ou les parcelles derecherche écologique de longue duréeutilisées par l’Organisation des NationsUnies pour l’éducation, la science et laculture (UNESCO), la “SmithsonianInstitution”, la FAO et d’autres or-ganismes internationaux et nationaux. Latélédétection, les bases de données et lessystèmes d’information géographique(SIG) sont autant d’outils qui facilitent etperfectionnent ces inventaires. Lesméthodes biochimiques modernes sontutilisées de plus en plus pour uneévaluation rapide et précise de la diversitégénétique, de la systématique et de lagénétique des populations aux niveauxde l’ADN et des protéines (Glaubitz etMoran, 2000).
ATTENTION DES AUTORITÉSET DU PUBLICL’attention récente de l’opinion publiquemondiale portée à la diversité biologiquedérive en grande partie de la Conférencedes Nations Unies sur l’environnement etle développement (CNUED), tenue en1992, qui a abouti à la Convention sur ladiversité biologique (CDB) entrée en vi-gueur en 1993. Les buts de la CDB sont laconservation de la biodiversité, l’utilisa-tion durable des éléments de diversité bio-
logique, et le partage juste et équitabledes avantages tirés de l’utilisation des res-sources génétiques. Par ailleurs, il est in-téressant de noter que la Stratégie mon-diale de conservation (UICN, PNUE etWWF, 1980) a défini la conservationcomme “la gestion de l’utilisation hu-maine de la biosphère de manière à porterles plus grands bénéfices durables aux gé-nérations présentes tout en continuant àsatisfaire les besoins et aspirations desgénérations futures”; il s’agit là de la pre-mière tentative moderne s’efforçant de re-connaître que la conservation des ressour-ces renouvelables, y compris la diversitébiologique, prévoit une utilisation ration-nelle dynamique, et non pas juste la sau-vegarde ou la protection statique.
En dépit de l’impression donnée par lesrécents moyens d’action internationaux,toutefois, la diversité biologique et saconservation ne sont guère des sujetsnouveaux. Hérodote en 450 av. J.-C. étaitdéjà conscient de l’importance de lavariation intraspécifique des essencesforestières bien que le terme “génétique”lui fût étranger. Charles Darwin au milieudu XIXe siècle était bien informé de ladiversité biologique et de son importance
pour l’évolution et la stabilité del’écosystème. Les forestiers à la mêmeépoque préparaient des plans de travailforestier en Europe et en Inde quiaccréditaient les multiples valeurs desforêts, y compris la diversité des espèces,pour l’utilisation durable et la stabilitédes écosystèmes en vue du maintien desenvironnements humains et des pro-cessus vitaux.
Les progrès accomplis dans lesnégociations de la CDB ont été accueillistrès favorablement. A la quatrièmeConférence des parties en 1998, unprogramme de travail pour la diversitébiologique forestière a été adopté. Ilcomprenait les éléments suivants, outreles priorités spécifiques de recherche etde technologie: une approche desécosystèmes visant à intégrer laconservation et l’utilisation durable de ladiversité biologique; une analyse desimpacts des activités humaines, no-tamment sur l’aménagement forestier etsur la diversité biologique, et des moyensd’en atténuer les effets négatifs; et la miseau point de critères et indicateurs dediversité biologique forestière (voir LeDanff et Sigaud, 2001).
La diversité biologiqueau niveau des espèces
a trait au nombre, àl’abondance ou à la
rareté et à l’endémicitédes essences; ici, unefleur de Metrosiderospolymorpha, essence
forestière endémique àHawaii (Etats-Unis)
La diversité biologiqueau niveau du paysage
se réfère aux variationsde composition,
structure et fonctiondes écosystèmes; ici,une forêt boréale bien
aménagée en Finlandeavec une mosaïque
d’essences, dont Pinussylvestris, Picea abies
et Betula spp.
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La cinquième Conférence des Parties,en mai 2000, a souligné la nécessitéd’avancer du stade de la recherche àl’action pratique; ce qui a été approfondipar la réunion mixte de la CDB et duForum des Nations Unies sur les forêts(FNUF) au Ghana en janvier 2002. Laréunion conjointe a recensé des secteursspécifiques de collaboration comprenant:les aires forestières protégées; la gestiondes écosystèmes; l’intégration de laconservation et de l’utilisation durable àl’échelon national (en particulier entreles programmes forestiers nationaux etles stratégies nationales de biodiversité);les impacts intersectoriels de la bio-diversité forestière (y compris l’agri-culture, l’eau, les transports, les activitésminières, le développement industrielet les infrastructures); la surveillance; etl’évaluation des forêts et des biens etservices qu’elles offrent.
Des efforts considérables visant àparfaire les indicateurs de diversitébiologique avaient déjà été déployés dansle cadre des travaux sur les critères etindicateurs d’aménagement forestier du-
rable effectués par le Groupeintergouvernemental sur les forêts (IPF)et le Forum intergouvernemental sur lesforêts (IFF), leur successeur, le FNUF, etles divers mécanismes régionaux decritères et indicateurs (voir par exemple,Castañeda, 2000; Raison, Brown et Flinn,2001). En guise de préparation à la sixièmeréunion de la Conférence des parties enavril 2002, un nombre d’experts contactésinformellement par le Secrétariat de laCDB propose une ventilation des activitésà deux niveaux – national et international– avant de fixer des priorités; les expertsproposent d’incorporer les prioritéssuivantes dans les stratégies nationales etplans d’action sur la biodiversité et lesprogrammes forestiers nationaux: modi-fication de l’utilisation des terres;réduction de la fragmentation des forêts;impact des incendies; impact des espècesétrangères invasives; régénération desécosystèmes forestiers; aménagementdes aires protégées; utilisation durable;causes à l’origine de la perte de labiodiversité forestière; et renforcementdes capacités.
VALEUR ET UTILISATIONDE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUEFORESTIÈREL’attention diffuse portée tant par les auto-rités que par le public à la diversité biolo-gique est souvent de nature émotionnelle,et on oublie fréquemment les raisons àl’origine de la conservation et de l’utili-sation de cette diversité. Si les niveaux dediversité peuvent être appréciés et quan-tifiés, les besoins de l’homme sont sou-vent ignorés. Il est extrêmement difficiled’attribuer des valeurs économiques à ladiversité biologique et il y a de bonnesraisons de croire que, du point de vuemoral, sa valeur est indiscutable; toute-fois, politiquement parlant, il est essen-tiel d’obtenir des estimations de valeursrelatives afin de créer des zones et desprogrammes de conservation, des pro-grammes d’amélioration et de recherchepropres à assurer la survie future et l’uti-lisation soutenable à terme. Flint (1991)a mis au point une typologie de valeurspour la diversité biologique comprenantles valeurs d’utilisation et les valeurs denon-utilisation.
Biodiversité desanimaux forestiers
La richesse de la vie animale dans les forêts aété relativement ignorée dans l’étude de laforesterie. Pourtant les espèces animales ren-dent des services vitaux aux écosystèmes fo-restiers de nombreuses façons:
• herbivores – les animaux qui pâturent etbroutent influencent la structure de lavégétation et agissent aussi sur sa compo-sition;
• prédation vis-à-vis de ravageurs animaux
potentiels – les grands et petits prédateurspermettent de maîtriser les invasions deravageurs;
• pollinisation – les chauves-souris, oiseaux,papillons, noctuelles, abeilles et autres in-sectes fécondent les espèces végétales fo-restières, y compris les arbres;
• dissémination de graines – la disséminationde graines par les chauves-souris, lesoiseaux et une série d’autres animaux estsouvent indispensable pour la survie denombreuses espèces végétales;
• germination des graines – les graines decertaines espèces végétales doivent passerà travers l’appareil digestif d’un ruminantou d’un oiseau avant de pouvoir germer;
• prédation de graines – les prédateurs degraines, qui comprennent les antilopes, lesoiseaux, les éléphants et les primates, ainsique les insectes, contribuent à maintenirl’équilibre de la composition des espècesvégétales d’un écosystème.
Ces fonctions de l’écosystème revêtent sou-vent une importance économique. C’est ainsique la fécondation inefficace d’espèces végéta-
les de valeur par des animaux (comme le du-rion des Indes, qui est fécondé par les chauves-souris des grottes) se répercute souvent sur lesrevenus économiques qui en sont tirés. Demême, la perte de prédateurs due à l’utilisa-tion sans discernement de pesticides peut fa-voriser l’invasion de ravageurs des culturesagricoles et résulter en des pertes économiques.
La diversité des animaux forestiers est éga-lement source de revenus grâce aux recettesgénérées par l’écotourisme: commerced’oiseaux, d’insectes, de mammifères et dereptiles recherchés, et revenus dégagés ducommerce de la viande de brousse (animauxsauvages chassés ou capturés à des fins ali-mentaires). La viande des animaux forestiersest une importante composante de l’alimen-tation de nombreuses personnes vivant dansla forêt ou aux alentours.
Les écologistes ont inventé l’expression “lesyndrome de la forêt vide” pour indiquer lesforêts où la faune a été décimée par la chasseau point où son rôle écologique et son rôleéconomique effectif ou potentiel ont été sé-vèrement compromis. Les conséquences à longterme pour les écosystèmes forestiers de laperte d’espèces animales sont relativement peuconnues car la question n’a jamais été appro-fondie, mais les effets pourraient être imper-ceptibles et lents à se manifester.
La reproduction denombreuses espèces
végétales dépend de laprésence d’un
pollinisateur spécifiquecomme l’opossum nain
qui féconde Eucalyptus sp.en Australie
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Les valeurs d’utilisation se réfèrent à lavaleur utilitaire actuelle ou future de ladiversité biologique pour l’homme. Ellespeuvent être à leur tour divisées en valeursdirectes, indirectes et optionnelles. Parmiles valeurs directes, on peut citer:
• la consommation des produits fores-tiers et arboricoles, comme la viandede brousse, les fruits, le fourrage, lesmédicaments, le bois de feu ou le boisd’œuvre;
• une meilleure production grâce àl’amélioration génétique des arbres;
• les utilisations de l’écosystème nonliées à la consommation – loisirs, tou-risme, attraits culturels et religieux.
Les valeurs d’utilisation indirectedésignent les services liés aux processusécologiques et aux environnements hu-mains, y compris la modération du climat;les cycles de l’eau, du carbone et dessubstances nutritives; les débits d’eau etla conservation des sols, partout où ceux-ci dépendent de la diversité des espèces.Les valeurs optionnelles traduisent lavolonté du public de payer pour garderl’accès aux habitats, aux espèces ou auxgènes. La plupart des gouvernementsdélimitent désormais des zones deconservation et créent des parcs nationaux,mais d’autres valeurs optionnellessuscitent des débats considérables (parexemple les utilisations médicinales), carles valeurs passées de ressources connues
Mesure du pin radiata aucours d’un essai de
recherche en Nouvelle-Zélande pour quantifier
les différencesgénétiques existant
dans certaines familles;cette évaluation de la
diversité biologique estimportante pour la
sélection etl’amélioration génétique
des essencesindividuelles pour les
forêts plantées etl’agroforesterie
Un écosystèmeforestier de l’Himalayaoriental dans le BengaleOccidental (Inde), trèsriche en diversitébiologique – lesforestiers en Indereconnaissent depuislongtemps la valeur dela diversité desessences pourl’utilisation durable et lastabilité del’écosystème
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ne sont peut-être pas une bonne indicationde la valeur future de ressources inconnuesjusque-là. Il est toujours possible qu’uneespèce ne soit d’aucune valeur matériellemais qu’elle revête une valeur éthique ouune valeur liée à son existence.
Naturellement, tous ces conceptss’appliquent aux forêts, et les valeurs sontpar conséquent sujettes à des réductions siles forêts sont converties à d’autresutilisations, ou sont perturbées oufragmentées du point de vue sylvicole(Young et Boyle, 2000; Young, Boshier etBoyle, 2000). Les forêts tropicales enparticulier sont des écosystèmes fragileset leurs essences sont vulnérables auxchangements dus aux activités humainesou aux transformations de l’habitat naturel.Les impacts potentiels du changementclimatique et de la pollution sur les forêtset leur diversité biologique dans le mondeentier n’ont pas encore été vérifiés oumodélisés complètement, mais il est clairque, dans de nombreux pays, les sitesforestiers qui ont été mis de côté pour laconservation cesseront de constituer deshabitats appropriés pour beaucoupd’espèces qu’ils étaient censés protéger(Geburek, 2000; Innes et Haron, 2000).
VOLONTÉ POLITIQUEDE CONSERVATION DELA DIVERSITÉ BIOLOGIQUEA l’échelle mondiale, la volonté politi-que de rechercher l’aménagement dura-ble des forêts et la conservation de leurdiversité biologique a été amplementdémontrée. Le programme de travail dela Convention sur la diversité biologi-que est explicite dans ses grandes lignes;de nombreux pays signataires ont éla-boré des stratégies nationales de déve-loppement durable et de conservation de
Plantations forestières et considérationssur la diversité biologique
Les plantations forestières ont été dénom-mées par certains groupes d’écologistes des“déserts biologiques”. Il est vrai que leurdiversité biologique totale est normalementinférieure à celle des forêts indigènes, et quela composition de leurs biotes associées estaussi différente de celle des forêts naturel-les de la même zone. Cependant, les planta-tions forestières ne remplacent pas, en gé-néral, les forêts naturelles, elles les complè-
la biodiversité. Les immenses efforts dé-ployés par l’IPF et l’IFF, le FNUF et lesdiverses initiatives régionales sur les cri-tères et indicateurs d’aménagement du-rable des forêts montrent qu’ils susci-tent un grand intérêt politique, public etprofessionnel. Toutefois, en dépit desstratégies nationales, la mise en œuvre àl’échelon national a souvent été déce-vante faute de ressources financières, decompétences professionnelles et de par-ticipation du public. Par le passé, lespolitiques et les plans d’aménagement
tent. La plupart d’entre elles ont été éta-blies sur des terres dégradées ou dénudées.Elles renferment une diversité biologiquebien plus riche que les terres dégradées etsupérieure à celle de la plupart des culturesagricoles. Les différentes séries de biotesprésentes dans les plantations forestièresapportent donc une contribution à la diver-sité biologique régionale. Il s’agit là d’unavantage indéniable.
La valeur utilitaire de ladiversité biologiquecomprend laconsommation deproduits forestiers etarboricoles – viande debrousse, fruits,fourrage, médicaments,bois de feu ou boisd’œuvre – ici, parexemple, des produitsforestiers non ligneuxsur un marché d’Hanoi(Viet Nam)
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étaient principalement axés sur les ré-serves forestières, et mettaient l’accenten particulier sur les aspects productifset écologiques; toutefois, on s’est moinssoucié de la planification et de l’amé-nagement axés sur la conservation etl’utilisation rationnelle de la diversitébiologique du règne végétal et animalau sein des réserves forestières, tandisque d’autres aires protégées ont faitl’objet d’une intensification des pres-sions politiques pour l’élimination dustatut réservé au profit de l’utilisationpublique.
Au cours de la dernière décennie, leFonds pour l’environnement mondial(FEM) a alloué plus de1,1 milliard dedollars EU pour couvrir les coûtsdifférentiels de conservation et d’uti-lisation durable de la biodiversité dans lemonde (Singh et Volonte, 2001). Laprochaine phase de l’activité du FEMprévoit des travaux ultérieurs sur ladiversité biologique, mais il est reconnuque les objectifs généraux comme “lerenforcement de la capacité” doivent êtreremplacés par des buts spécifiques cibléssur l’impact comme “augmenter lapopulation de l’espèce x”, “accroître ladensité de la forêt y” ou “régénérer la zonez”. Des mesures sont désormais requisespour perfectionner et mettre en œuvre desméthodes d’évaluation, de conservation,de suivi et d’utilisation rationnelle de ladiversité biologique des forêts dans lemonde entier dans des cadres éthiques,juridiques et institutionnels. Un exemplenous est fourni par le guide de bonnespratiques réalisé par le Royaume-Uni entant que contribution à l’évaluation de labiodiversité mondiale (Jermy et al.,1995). Il est tout aussi manifeste que cesactions ne seront efficaces que si toutesles parties prenantes interviennent danstous les stades du processus (Singh etVolonte, 2001). ◆
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Biodiversité forestière au niveau de l’écosystème:quel rôle pour l’homme?
J.A. McNeely
Jeffrey A. McNeely est scientifiqueen chef à l’Alliance mondiale pour lanature (UICN), Gland (Suisse).
On s’accorde désormais à recon-naître que la biodiversité est lamesure de la variété biologique
à divers niveaux, du gène à l’écosys-tème. On s’est largement penché sur ladiversité des espèces au sein des forêts,en particulier les arbres exploités. L’en-jeu consiste à voir la forêt pour ses ar-bres: comment traduire la biodiversitéau niveau de l’écosystème en pratiquepour un meilleur aménagement des éco-systèmes forestiers?
La définition d’“écosystème” recueilleun consensus général. La Convention surla diversité biologique (CDB) la définit,par exemple, comme “un complexe dy-namique de communautés végétales, ani-males et de micro-organismes et leur en-vironnement non vivant étroitement liéen une unité fonctionnelle”. Les élémentsvivants d’un écosystème interagissentdans de très complexes réseaux alimen-taires (Schoener, 1989). Les approchesde l’écosystème à l’aménagement des fo-rêts prennent en compte la complexité deces interactions et s’efforcent à la fois deconserver la productivité des écosystè-mes forestiers et d’améliorer leur capa-cité de s’adapter au changement.
Le niveau des écosystèmes offre unebonne base pour la résolution des pro-blèmes critiques de gestion des ressour-ces. Par exemple, la conservation de labiodiversité forestière au niveau del’écosystème aide à assurer le maintiende services comme l’équilibre des gazatmosphériques, le recyclage des subs-tances nutritives, la régulation du cli-mat, le maintien des cycles de l’eau etla formation du sol (Daily, 1997). Tan-dis que les scientifiques sont encore entrain d’approfondir leurs connaissancesdes liens entre diversité taxonomique,productivité, stabilité et adaptabilité desécosystèmes, de nouvelles recherchesindiquent que la diversité des espècesaccroît la capacité productive de nom-breux écosystèmes forestiers et leur ca-
pacité d’adaptation à l’évolution desconditions (Johnson et al., 1996).
Considérer la biodiversité forestière auniveau de l’écosystème a une autre con-séquence: le potentiel de mauvaise ges-tion se traduisant par la transformationquasi permanente d’une forêt hautementproductive en un système nettementmoins productif (comme les pâturages).D’après de récentes recherches, même leschangements graduels du climat, les fluxde substances nutritives, l’extraction desressources naturelles et la fragmentationde l’habitat peuvent aboutir à des chan-gements radicaux et soudains du carac-tère d’un écosystème forestier (Schefferet al., 2001). Si nombreux et variés sontles facteurs qui peuvent porter à cesmodifications, un facteur déterminant estla perte de résilience (la capacité de régé-nération suite à des événements exter-nes) due à la baisse de la biodiversité auniveau de l’écosystème.
En cherchant à appliquer les approchesd’écosystème à la biodiversité forestière,en particulier sur les forêts subissantl’influence croissante de l’homme, ilpeut être utile d’examiner quelques ques-tions clés. Premièrement, les commu-nautés font-elles partie des écosystèmesforestiers? Deuxièmement, quels sont lesimpacts de l’exploitation humaine surles écosystèmes forestiers? Troisième-ment, comment peut-on gérer les éco-systèmes forestiers de manière à procu-rer à la société moderne les biens et lesservices qu’elle exige? Le présent arti-cle passe brièvement en revue ces pointsclés et indique des lignes d’action à adop-ter pour l’avenir.
LES COMMUNAUTÉS FONT-ELLESPARTIE DES ÉCOSYSTÈMESFORESTIERS?Les revues d’écologie pullulent de ter-mes comme “forêt primaire”, “forêt nonperturbée” et “forêt vierge”. Mais touttend à indiquer de plus en plus que qua-
Questions de biodiversitéforestière portant surl’interaction des populationsavec les écosystèmes forestiers.
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siment toutes les forêts de la terre ontété sensiblement influencées parl’homme, la plupart, au bas mot, pen-dant plusieurs milliers d’années. Desétudes effectuées par des forestiers, desécologistes, des historiens et des anthro-pologistes sur les forêts de régions tro-picales, tempérées et boréales concluentque les forêts et l’homme ont évolué deconcert pendant des milliers d’années.Les communautés ont planté les arbresqu’elles préféraient, utilisé le feu pourbrûler les forêts afin d’améliorer lesconditions de chasse, et géré les jachè-res forestières pour conserver leurschamps agricoles. Loin d’être “vierges”,les forêts font partie du paysage humain,et la biodiversité que l’on y trouveaujourd’hui a subi la profonde influencede l’humanité.
Avant les périples de Christophe Co-lomb qui ont fait connaître les ressour-ces de l’Amérique du Nord à l’Europe,par exemple, les populations qui vivaientdans les zones boisées de l’est des Etats-Unis constituaient un “facteur écologi-que puissant, voire crucial, dans la ré-partition et la composition de la forêt”
(Williams, 1989). Lorsque les indigè-nes ont été extirpés de la zone terresboisées-herbages et ont été remplacéspar des établissements permanentseuropéens, les espaces boisés se sontpropagés, et leur densité a augmenté pa-rallèlement au développement. En subs-tance, les indigènes comme les colonseuropéens ont aménagé les forêtscomme ils l’entendaient.
Les vastes espaces couverts de forêtsboréales dans le nord de l’Amérique duNord sont souvent considérés commenaturels. Mais les communautés ontoccupé cette forêt depuis sa naissance,à mesure que les grandes plaques deglace se retiraient vers le nord à la findu Pléistocène. De nouvelles études ontmontré que les indigènes américains dunord de l’Alberta (Canada) brûlaientrégulièrement et systématiquement leshabitats pour influencer la répartitionlocale et l’abondance relative des res-sources végétales et animales. Cettepyrotechnique est semblable à celle deschasseurs-cueilleurs dans d’autres ré-gions du monde, qui ont créé une mo-saïque de feu, caractéristique des forêts
boréales septentrionales (Lewis etFergusson, 1988). Les cueilleurs-chas-seurs du reste de l’Amérique du Nord etde diverses zones de l’Australie ont éga-lement recouru à la mise à feu des habi-tats, plus particulièrement à l’entretiende périmètres pare-feu et de couloirsanti-feu dans des types très espacés etdifférents de zones biologiques.
Plus au sud, Gomez-Pompa et Kraus(1992) ont découvert que de nombreu-ses essences forestières désormais do-minantes dans la végétation exploitablede l’Amérique tropicale sont les mêmesessences protégées, épargnées ou plan-tées lorsque la terre a laissé la place auxcultures dans le cadre des anciennespratiques d’agriculture itinérante. Ilssoutiennent que la composition actuellede la végétation adulte est l’héritage descivilisations passées, de champs culti-vés et de forêts aménagées abandonnéesil y a des centaines d’années.
De nombreux autres exemples peuventêtre cités en Amazonie (Roosevelt,1994), en Afrique centrale (Fairway etLeach, 1998), en Europe (Delacourt,1987) et en Asie tropicale (Spencer,
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La plupart des forêtsont subi l’influence del’homme, et les forêtset les populations ont
évolué de conservependant des milliers
d’années – parexemple, de
nombreuses forêts deSumatra (Indonésie)ont été défrichées à
maintes reprises parles agriculteurs
itinérants durant desmillénaires, mais la
forêt offre encore unegrande variété deressources dont
dépendent lescommunautés
agricoles vivant auxabords de la forêt
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1966), mais la conclusion est claire: siles écosystèmes forestiers sont “natu-rels”, les êtres humains font partie inté-grante de cette “nature”. De ce fait, ren-forcer la capacité de régénération desécosystèmes forestiers signifie renfor-cer la résilience des systèmes de gestionhumaine, en leur permettant de s’adap-ter à l’évolution des conditions.
QUELS SONT LES IMPACTS DEL’INTERVENTION DE L’HOMMESUR LES ÉCOSYSTÈMESFORESTIERS?Si l’impact de l’homme sur les écosystè-mes forestiers a été profond pendant dessiècles, ce n’est qu’au cours des derniè-res décennies que l’influence humaines’est généralisée simultanément danspratiquement toutes les forêts. De loin, leplus grand impact a été dans le défrichagedes forêts, tant pour créer de nouvellesterres agricoles que pour ramasser le pré-cieux bois d’œuvre. Un examen d’unvaste éventail d’études sur les impactsdes pratiques d’abattage sur les écosys-tèmes forestiers tropicaux et la bio-diversité (Johns, 1997) a indiqué quela coupe des forêts exploitables portecouramment à un accroissement local dela diversité des espèces, car les change-ments structurels et microclimatiques quiy sont liés créent des parcelles d’habitatet de ressources vivrières attirant les es-pèces qui vivent normalement dans lesforêts secondaires et aux lisières des fo-rêts. Toutefois, les populations de nom-breuses espèces qui vivent normalementdans les sous-étages de la forêt sont ennet recul et demeurent localement peureprésentées ou absentes pendant de nom-breuses années. Johns (1997) conclut quele meilleur moyen de gérer les forêts tro-picales pour la production de boisd’œuvre, sans renoncer à d’autres valeurs,est de sauvegarder de petites zones boi-sées non perturbées dans une plus vastematrice de forêt de production, une dis-
position que l’on s’efforce d’appliquerdans certaines zones de la Malaisie. Parailleurs, les bûcherons commerciaux nese sont guère montrés disposés à adopterdes pratiques forestières durables car ilstirent de meilleurs profits à court termeen ne tenant pas compte de coûts exter-nes, comme la conservation de la bio-diversité.
Dans les forêts tropicales, le grandcouvert et les arbres émergents qui ontun attrait majeur pour les bûcherons sontdes sources précieuses de nourriture(fruits et fleurs) et d’abri pour les ani-maux. Ils sont dominants sur le plan dela reproduction et influencent fortementla structure de la forêt, sa composition,la dynamique des vides, l’hydrologie etla biodiversité. La fragmentation desforêts en Amazonie centrale a un effetextrêmement grave sur les grands ar-bres, dont la perte aura des impactsconsidérables sur les écosystèmes fo-restiers (Laurence, 1999). La mortalitédes arbres, et en particulier des grandsarbres, est plus élevée à proximité deslisières, ce qui a des répercussions im-portantes sur la conservation des éco-systèmes forestiers ombrophiles et dela biodiversité qu’ils renferment. Letaux rapide de mortalité des grands ar-bres peut réduire la fécondité du cou-vert et des espèces naissantes, diminuerle volume et la complexité structurellede la forêt, encourager la proliférationd’espèces pionnières de courte durée etaltérer les cycles biogéochimiques in-fluant sur l’évapotranspiration, le cy-cle du carbone et les émissions de gaz àeffet de serre – services essentiels del’écosystème.
Le problème ne dérive pas simplementde la coupe des arbres qui assurent lasubsistance d’autres espèces. Au Congo,les routes construites et entretenues parles concessions d’exploitation forestièrefacilitent la chasse de viande de brousseen offrant aux chasseurs un meilleur
accès aux populations forestières relati-vement inexploitées et en abaissant lescoûts du transport du gibier sur le mar-ché (Wilke et al., 2000). Le commercede viande de chasse est désormais entrain d’appauvrir de nombreuses espè-ces en les réduisant à de simples vesti-ges dans de nombreuses parties des zo-nes boisées d’Afrique. Concilier leseffets contraires des routes sur le déve-loppement économique et la conserva-tion de la biodiversité est un des enjeuxprincipaux auxquels sont confrontés lesgestionnaires d’écosystèmes de toutesles nations. Manquer d’affronter ce pro-blème pourrait aboutir à des écosystè-mes forestiers pratiquement dénués depopulations faunistiques qui jouent unrôle essentiel dans la pollinisation, ladispersion des semences et le cycle dessubstances nutritives (Redford, 1992).Ce problème ne doit pas être sous-estimé; sur 70 pour cent environ des ar-bres de la forêt atlantique du Brésil, lessemences sont disséminées par les ver-tébrés, pour la plupart oiseaux et mam-mifères (Cardoso Da Silva et Tabarelli,2000). Là où les grands vertébrés ontété éliminés, les mouvements de semen-ces d’espèces forestières dans le pay-sage sont très limités, et les grandes es-sences fruitières sont remplacées pard’autres qui peuvent se révéler moinsutiles. De tels mécanismes peuvent setraduire par des changements profondset imprévisibles au niveau de l’écosys-tème (Scheffer et al., 2001).
La déforestation est reconnue commeun problème majeur de conservation,mais on ne s’est peu soucié de la ques-tion connexe de fragmentation de l’ha-bitat. Dans l’Amazonie brésilienne, lessuperficies forestières fragmentées(avec des forêts de moins de 10 000 ha)ou exposées aux effets de bordure (moinsd’un kilomètre des défrichements) équi-vaut à plus de 150 pour cent de plus quela zone déboisée. On trouve un schéma
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similaire dans tous les tropiques, ce quiveut dire que le sort des écosystèmesforestiers tropicaux de la planète estfortement compromis par la capacité deleurs diverses espèces à survivre dansdes paysages fragmentés. Les petits frag-ments ont des caractéristiques d’écosys-tèmes très différentes par rapport auxgrandes surfaces boisées, qui abritentdavantage d’essences de lumière, plusd’arbres aux semences ou fruits disper-sés par le vent ou l’eau et relativementpeu d’essences de sous-étage (Laurence,1999). Les mammifères et les oiseauxqui dispersent les fruits disparaissent deces habitats, de sorte que les arbres enquestion diminuent. Les plus petits frag-ments ont également une plus grandedensité de chute d’arbres, un couvert plusirrégulier, un nombre élevé d’espècesadventices et une surabondance de plan-tes grimpantes, de lianes et de bambous;ils ne conservent ainsi qu’une petiteportion de la flore originale, et la faunequi est adaptée à ces essences.
A mesure que les impacts de l’inter-vention de l’homme sur les forêts conti-nuent à s’intensifier, des zones quiétaient autrefois recouvertes de forêtsavec des clairières sporadiques devien-nent des terres agricoles parsemées deforêts sporadiques. Cela a pour résultatune baisse importante de la population,tout du moins pour certaines espècesd’oiseaux car la fragmentation réduit lanidification et, inéluctablement, la des-cendance. Une étude récente a montréque les taux de reproduction étaient silents pour certaines espèces dans les sitesles plus fragmentés que leurs popula-
tions dépendaient de l’immigrationd’autres populations provenant d’habi-tats qui avaient un couvert forestier plusétendu (Askins, 1995). Les stratégies deconservation doivent veiller à sauvegar-der et à remettre en état de vastes habi-tats forestiers non fragmentés dans cha-que région (Robinson et al., 1995;Askins, 1995) et à appuyer davantageles efforts visant à créer des liens entreles écosystèmes au niveau des paysages(Bennett et Wit, 2001).
COMMENT GÉRER LES FORÊTSCOMME ÉCOSYSTÈMES?Les approches d’écosystème pour la con-servation de la biodiversité forestière de-vraient reconnaître qu’il vaut mieux con-sidérer toute politique environnementalecomme un test d’hypothèse, où les mesu-res de gestion proposées sont censées ci-bler des objectifs précis et donner les ré-sultats escomptés. Dans ce sens, la gestiondes écosystèmes est toujours une expéri-mentation, un exercice d’apprentissagefondé sur l’expérience. Un élément essen-tiel servant à utiliser les connaissances dansla gestion de l’écosystème est la sur-veillance, qui sert de base d’informationpour modifier les mesures de gestion à lalumière de l’expérience. De nombreuxréseaux écologiques sont désormais enplace, témoignant le fait que les systèmesde suivi et de remontée d’informationpeuvent fonctionner dans un vaste éven-tail d’écosystèmes forestiers (Bennett etWit, 2001). Il importera, par conséquent,de définir l’objectif d’aménagement aussirigoureusement que possible, en tenantcompte des informations disponibles.
Dans la gestion des écosystèmes fo-restiers, il est important de garder à l’es-prit que les gestionnaires de ressourcesse heurtent à des systèmes dont le dyna-misme se décline à diverses échelles, desfeuilles individuelles aux très vastes si-tes paysagers (Holling, 1992). La gammenaturelle de variabilité à chacune de ceséchelles est souvent très vaste, et il n’estpas encore possible de prévoir commentles modifications des systèmes et pro-cessus à une échelle donnée peuventaffecter les processus à d’autres échel-les. Décider de l’ampleur et du degrédes impacts de l’intervention humaineappropriés sur des systèmes en constanteévolution est difficile, faute de connais-sances suffisantes. Mais les nouveauxoutils et techniques, comme la télédé-tection, la modélisation simulée, lessystèmes d’information géographique,et le traitement des données plus perfor-mant, peuvent aider à mieux compren-dre la dynamique des écosystèmes fo-restiers, et, partant, à accroître la capacitéde l’homme de s’adapter à l’évolutiondes conditions. Aborder la biodiversitéforestière au niveau de l’écosystème aideà renforcer cette perspective.
Que peut-on faire pour conserver labiodiversité forestière au niveau des éco-systèmes? Si cette question demeure unproblème pour les aménageurs de ressour-ces, certaines orientations générales sem-blent déjà se faire jour. Premièrement,lorsque les circonstances le permettent,protéger de vastes étendues boisées plu-tôt que des petites. Deuxièmement, réta-blir la connectivité entre les petites airesprotégées adjacentes en intervenant sur
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Les ressourcesforestières aident à
soutenir ledéveloppement durabledans les zones de plainede Sulawesi (Indonésie)adaptées à la riziculture;
les plans d’utilisationdes terres peuventcontribuer à définir
l’ampleur et le degrécorrect d’incidence desactivités humaines sur
les écosystèmesdynamiques
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l’habitat et la promotion de la reforestationdu paysage. Troisièmement, protéger lesbordures de forêt contre les dégâts struc-turels, les dégâts dus aux incendies et lacolonisation d’espèces exotiques, en lais-sant une zone tampon naturelle qui pour-rait être gérée comme un écotone naturel(une zone de frontière entre deux com-munautés) plutôt qu’une transition brus-que. Enfin, atténuer au maximum le pas-sage brutal de la matrice adjacente endiversifiant et en encourageant une uti-lisation des terres moins intensive auxabords des forêts, maîtriser l’utilisationdes feux dans les écosystèmes qui ne sontpas pyroclimaciques (communautés vé-gétales dont la succession est maintenuepar des feux périodiques), minimiser l’ap-plication de produits chimiques toxiqueset contrôler l’introduction d’espèces exo-tiques potentiellement envahissantes.Cette approche est bien illustrée par laproposition de grands couloirs de bio-diversité en Amérique centrale, en Ama-zonie (Gascon, Williamson et da Fonseca,2000) ou ailleurs. Le concept généralconsiste à appliquer les principes qui per-mettent aux forêts de fonctionner commeécosystèmes à la pratique de gestion fo-restière, par exemple en assurant la ré-
Dans la Vallée d’Arun auNépal, des forêts de
bassins versants aidentà maintenir la
productivité des rizièresirriguées tout en
procurant de multiplesproduits forestiers non
ligneux; les interactionsentre les usagers des
ressources(agriculteurs, forestiers,
pêcheurs et autres)peuvent être mieux
réglées au niveau del’écosystème
génération naturelle, en utilisant des tech-niques d’abattage à faible impact qui neperturbent pas les sols et en évitant unefragmentation excessive.
Vu que les communautés font partie desécosystèmes forestiers, leur participationpeut constituer un moyen importantd’aider à résoudre les conflits d’intérêtsentre les groupes locaux et les départe-ments forestiers et de contribuer auxobjectifs de conservation. Au Népal, par
exemple, la gestion des forêts villageoi-ses par les groupes d’usagers locaux acréé un vif sentiment d’appropriation etaidé à améliorer les pratiques d’aména-gement. Les autochtones – hommes etfemmes – y compris les membres les pluspauvres du village, participent aux acti-vités comme l’éclaircie, l’élagage, lasurveillance et la lutte contre les feux etla récolte. Grâce à leurs efforts, la com-position des espèces floristiques et
Les morts vivants Les “morts vivants” sont des espèces végé-tales encore représentées par des individusvivants mais qui sont incapables de se re-produire car les animaux dont dépend leurcycle reproductif ont été éliminés de l’éco-système.
Un bon exemple de cela est Sideroxylonmajus, une essence forestière présente surl’Ile Maurice et qui a cessé de se régénéreraprès l’extinction du dronte de Maurice(Raphus cacullatus), car ses graines ne pou-vaient germer sans passer à travers le gé-sier de cet oiseau. Cette essence a été sauvéelorsque des essais ont démontré que les grai-nes auraient également germé en passant àtravers le gésier du dindon domestique.
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faunistiques, la couverture de la cou-ronne, l’habitat et le microhabitat desinvertébrés, les mousses, les champi-gnons et les lichens ont tous enregistréune amélioration, se traduisant par unimpact positif sur les écosystèmes fores-tiers. Les forêts communautaires offrentune stabilité écologique et les groupe-ments d’usagers des forêts deviennentplus attentifs aux objectifs de conserva-tion. Dans quelques forêts du moins, lespopulations de faune sauvage ont aug-menté avec la diversité des espèces (ausder Beek, Rai et Shuler, 1997).
Tandis que les groupes locaux et lesautochtones sont tentés, comme tout lemonde, de surexploiter les ressourcesforestières pour en tirer des gains à courtterme, certains ont institué leurs propresmesures de gestion de l'écosystème. Parexemple, les Emberà, un groupe vivantdans les forêts à la frontière Colombie-Venezuela, réservent de grandes étenduesdans les bassins versants supérieurs et lelong des flancs des chaînes de montagne,comme zones protégées par les esprits;les superficies bénéficiant de cette pro-tection sont étrangement similaires à cel-les généralement mises hors productionpar les gouvernements modernes pour enfaire des aires protégées. Ces grandesétendues de forêts séculaires servent derefuge pour la reproduction de la faune etde la flore et la protection des bassinsversants. Les Emberà conservent la sta-bilité écologique grâce à une série detechniques que l’on retrouve dansd’autres régions du monde, tant au sudqu’au nord: technologies locales; protec-tion de sites importants; schémas de co-lonisation adéquats; règles sociales sou-ples; structure sociale égalitaire;engagement religieux; et une forte tradi-tion de gestion des ressources forestièresdans leur intérêt personnel (Harp, 1994).
Il faut nuancer la foi dans la capacitédes communautés locales d’administrerles écosystèmes en reconnaissant que lesforêts remplissent de nombreux objec-tifs d’intérêt national – satisfaire lesbesoins en bois d’œuvre et en bois defeu, faire des choix d’utilisation écono-mique future, prendre en compte lesvaleurs éthiques et esthétiques et procu-rer des avantages plus généraux commela conservation de la biodiversité. Ainsi,la simple gestion locale des ressourcesforestières peut ne pas toujours aboutirà des niveaux sociaux de conservationoptimale de la biodiversité. En revan-
che, la société dans son ensemble doitmobiliser des ressources supplémentai-res et adopter de nouvelles démarchesau service d’une conservation sociale-ment acceptable, adaptée à son cadreécologique, social, historique et politi-que. Comme dans tout autre domaine, lagestion consiste à se fixer des objectifset à effectuer des choix économiquesnécessaires à leur réalisation. ◆
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Pinus sylvestrisrégénéré naturellementen Pologne – le pays dupin
La conservation de la diversité biologiquecomme élément de la gestion durable des forêts –
politiques et pratiques en Pologne
K. Rykowski
Kazimierz Rykowski est professeurde foresterie et chef du Départementde l’écologie forestière et de laprotection de l’environnement,Institut des recherches forestières,Varsovie (Pologne ).
Le processus de transition dans lespays d’Europe centrale et orien-tale, et les nombreux changements
d’ordre économique, social et institution-nel qui en sont issus, s’étend aussi au sec-teur forestier. A l’heure actuelle, les paysappliquent de nouvelles pratiques fores-tières et de nouveaux règlements, et mo-difient les politiques conformément auxaccords, recommandations et stratégiesinternationaux qui ont fait suite à la Con-férence des Nations Unies sur l’environ-nement et le développement (CNUED)en 1992 – notamment Action 21, les “Prin-cipes forestiers”, la Convention sur ladiversité biologique (CDB), la Convention-cadre des Nations Unies sur les chan-gements climatiques (CCNUCC), lesrecommandations du Groupe intergouver-
nemental sur les forêts (IPF) et du Forumintergouvernemental sur les forêts (IFF),la suite donnée aux Conférences ministé-rielles sur la protection des forêts en Eu-rope (tenues à Strasbourg, France, en1990; à Helsinki, Finlande, en 1992; et àLisbonne, Portugal, en 1998) et la straté-gie forestière de l’Union européenne. Dece fait, la conservation de la diversité bio-logique des forêts revêt aujourd’hui uneimportance primordiale, non seulementpour promouvoir la conservation de lanature mais aussi comme élément clé dela gestion durable des forêts.
Les forêts couvrent environ 29 pour centdu territoire de la Pologne, dominant lepaysage avec les terres agricoles, et créantun habitat favorable pour la flore et la fauneindigènes. S’il est vrai que le niveau de
Au cours de la dernièredécennie, la législation et lespratiques forestières en Pologneont mis l’accent sur laconservation de la diversitébiologique en tant qu’objectifclé de la gestion durable desforêts.
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transformation par l’homme des forêts estvariable, il n’en demeure pas moins que lasuperficie des forêts naturelles et semi-naturelles est encore considérable.
Le présent article énonce les grandsprincipes de la conservation de la diver-sité biologique qui orientent les politi-ques et pratiques forestières en Pologne,et met l’accent notamment sur la conser-vation dans les forêts de production. Ilpasse tout d’abord en revue les causesprofondes de la perte de diversité biolo-gique dans les forêts d’Europe centrale etorientale, et examine certains principesthéoriques connexes qui orientent l’éta-blissement des objectifs de la gestion etde la conservation des forêts.
LES CAUSES PROFONDES DE LAPERTE DE DIVERSITÉ BIOLOGIQUEDES FORÊTSLa perte de diversité biologique des fo-rêts d’Europe centrale et orientale peutêtre attribuée, dans une large mesure, àl’importance donnée à l’accélération dela croissance économique. Les facteurs ycontribuant incluent la pollution de l’air,de l’eau et du sol; le développement in-dustriel et agricole et l’urbanisation, quia entraîné la fragmentation du couvertforestier; et, ce qui est peut-être encoreplus important, les pratiques intensivesde gestion des forêts visant principale-ment la production de bois. Il en est ré-sulté le remplacement des forêts mixteset feuillues (les communautés forestièresnaturelles des plaines d’Europe centrale)par des forêts de conifères mono-spécifiques à haute production. Lepassage de la forêt naturelle mixte auxplantations à espèce unique, parallèlementaux pratiques d’exploitation intensivecomme la coupe rase à grande échelle,l’enlèvement systématique des arbresmorts et la récolte avant la maturité, a eudes effets préjudiciables sur la diversitébiologique des forêts. En outre, l’accentmis sur la régénération artificielle plutôt
que l’évolution naturelle, et sur la sélec-tion artificielle plutôt que la compétitionintraspécifique ont contribué à accroîtrecette diminution.
Le modèle de la “forêt normale”, intro-duit au XIXe siècle en Europe, a remplacél’exploitation aléatoire par la gestion “ra-tionnelle” des ressources forestières, etimposé la régénération des zones déboi-sées. Ce modèle a permis de réduire enEurope la perte de couvert forestier etfavorisé la tendance à l’accroissement desforêts, tendance qui s’est poursuivie jus-qu’à nos jours. Cependant, tout en évitantles changements quantitatifs, ce systèmea également introduit des changementsqualitatifs car, en transformant la forêtnaturelle multistrate existante en une sé-rie de peuplements uniformes, le modèlede la forêt normale a profondément in-
fluencé la complexité biologique structu-rale et la diversité des espèces présentesdans les écosystèmes forestiers naturels,ainsi que leur hétérogénéité naturelle etleur variabilité spatiale et temporelle.
Néanmoins, les forêts d’Europe centraleet orientale renferment encore des exem-plaires très intéressants et représentatifsde la flore et de la faune sauvages euro-péennes. Les forêts occupent aussi uneplace centrale dans la législation relativeà la protection de la nature dans la région(Rykowski, Matuszewski et Lenart, 1999).
QUELQUES HYPOTHÈSESET QUESTIONS IRRÉSOLUESLes être humains sont les seuls utilisa-teurs de la nature qui la manipulent cons-ciemment. En réglementant les mécanis-mes de production primaire (par la syl-
Dans un peuplementaménagé, un arbre mortaccroît la diversité de la
forêt – en Pologne,l’enlèvement des
arbres morts, qui faitpartie des mesures de
gestion visant laproduction intensive, a
nui à la diversitébiologique des forêts
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viculture et l’aménagement de la forêt,par exemple), ils règlent le développe-ment des écosystèmes et influencent lenombre des formes de vie, dans les limi-tes des conditions écologiques existantes.
L’idée que “la diversité génère la di-versité” n’est que partiellement vraie. Lemanque de renvoi à des échelles tempo-relles et spatiales et d’indices précis et,notamment, l’absence d’un niveau de ré-férence pour une diversité souhaitableou optimale soulèvent quelques doutesquant au bien-fondé du concept selonlequel la diversité biologique est le prin-cipe directeur de la protection de la na-ture. La diversité au sein d’une catégoriede plantes, d’animaux ou de micro-orga-nismes, peut avoir pour effet de limiterla diversité dans une autre; l’enrichisse-ment de la diversité dans un lieu peutprovoquer son appauvrissement au ni-veau du paysage entre les écosystèmesd’une zone plus étendue; l’augmentationde la diversité des espèces peut détermi-ner le recul de la diversité de l’écosys-tème; le redressement de la diversitégénétique intraspécifique risque d’abais-ser le nombre des espèces, etc.
Les changements intervenant dans ladiversité biologique à des niveaux tro-phiques individuels varient en impor-tance et déterminent dans l’écosystèmedes processus et états différents et sou-vent contradictoires. Des systèmes envoie de dépérissement ont parfois des hé-térotrophes d’une grande diversité, alorsque des systèmes florissants pourraientn’avoir que quelques espèces de produc-teurs. Une faible diversité biologiquepeut être le signe d’une croissance vi-goureuse (écosystèmes jeunes, premiersstades d’évolution), c’est-à-dire être unphénomène positif; alors qu’une richebiodiversité, comme celle des micro-or-ganismes, pourrait traduire la prédomi-nance de processus de décomposition oude dépérissement dans le système et,partant, être un phénomène négatif.
La question longtemps débattue de sa-voir si la diversité a un effet favorable ounon sur la durabilité de l’écosystème resteencore irrésolue en écologie. La péren-nité du système n’est pas tant fonction desa diversité, mais plutôt de sa complexité;autrement dit, elle dépend non seulementdu nombre d’éléments mais surtout dunombre de liens internes qui relient entreeux ces éléments. Les systèmes à faiblediversité spécifique pourraient être toutaussi viables que ceux dotés d’espècesabondantes s’ils possèdent une plusgrande complexité intérieure. Il est donclégitime de se demander si une diversitébiologique élevée est un indicateur vala-ble d’un état pour chaque type de forêtdans chaque zone climatique.
Les associations non forestières commeles terres arables, les prairies, les vergers,les étangs, les jardins et les établissementshumains sont apparus après le recul de laforêt. Elles indiquent l’intervention hu-maine dans le modelage de la diversitébiologique. La forêt réapparaîtrait dansces lieux si l’activité et l’interférencehumaines cessaient pendant une périodesuffisamment longue. Dans un tel cas,l’évolution naturelle spontanée rendraitplus uniforme la nature dans les zones auclimat tempéré, c’est-à-dire qu’elle ap-pauvrirait la diversité biologique du pay-sage, à savoir la coexistence de systèmessimples et complexes.
Ainsi, les écosystèmes forestiers “artifi-ciels” ne devraient pas être nécessairementjugés négativement. L’aménagement deces communautés, qui pourrait inclure desespèces introduites, remplit un rôle im-portant dans la structure et le maintien dela diversité. Les communautés qui, aumoment de leur création, sont artificiel-les, évoluent ensuite sous l’effet des pro-cessus naturels. Une bonne gestion de cesprocessus permettrait de comparer cesforêts à certains écosystèmes naturels. Larichesse biologique pourrait diminuer sil’activité humaine venait à cesser.
La stratégie de conservation de la diver-sité biologique des forêts devrait fairepartie d’un système holistique de protec-tion de la nature, lequel est un élément ducontinuum propre au rapport s’établissantentre les populations et la nature. Ce con-tinuum, qui commence par les forêts pri-maires protégées et les réserves intégra-les, se poursuit aujourd’hui à travers lesforêts de production aménagées, les plan-tations de fibres et les plantations établiesà l’aide d’espèces génétiquement amélio-rées jusqu’à la production clonale. Le longdu continuum, les valeurs écologiques,économiques et sociales des forêts pré-sentent des différences; il ne suffit pasd’étendre simplement le réseau d’airesprotégées pour préserver la diversité bio-logique de la forêt. Le système de protec-tion de la nature, né au XIXe siècle, quidissociait les aires protégées des systè-mes de production et préconisait l’aban-don des activités économiques en leursein, n’est pas toujours efficace (la pro-tection n’existant parfois que sur le pa-pier) et ne suffit pas aujourd’hui. Ce sys-tème divisait rigoureusement la nature endeux catégories: les zones naturelles sousprotection légale et les zones dépourvuesde cette protection. De nos jours, laforesterie dispose d’un nouvel outil opé-rationnel – la gestion durable des forêts –pour maintenir et développer la diversitébiologique dans toutes les forêts, y com-pris les aires forestières protégées maissans exclure les autres.
A l’avenir, le défi consistera à établir unsystème de conservation pour l’ensemblede la nature qui soit intégré aux activitéssociales et économiques des hommes, ettienne compte des conditions locales etrégionales aussi bien que des droits etintérêts des collectivités autochtones. Ildevra se conformer aux accords mondiauxsur la conservation et l’utilisation de lanature, qui imposent l’harmonisation dudéveloppement économique et de la pro-tection de l’environnement (Stratégie
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mondiale de la conservation [UICN,PNUE et WWF, 1980]), la protection del’environnement comme partie intégrantedes processus de développement (Décla-ration de Rio sur l’environnement et ledéveloppement [CNUED, 1992]) et l’im-portance de lier la conservation de la di-versité biologique à l’utilisation de seséléments (CDB, 2001). Il est impossiblede séparer la nature de l’homme. On n’éva-lue pas l’état de la nature par le nombre oul’étendue des aires protégées, mais par lasagesse des méthodes de gestion et par ladurabilité de l’utilisation des ressourcesnaturelles.
STRATÉGIE DE LA POLOGNEPOUR LA CONSERVATIONDE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUEDES FORÊTSLa diversité biologique des forêts est liéedirectement et indirectement à toutes lesprincipales activités forestières: de lagestion de la génétique et des semences,
à travers différents stades de reproduc-tion, culture, gestion et protection (contreles ravageurs, les maladies, le feu, etc.)des essences forestières, à l’exploitationet l’utilisation. L’influence de ces activi-tés sur la diversité biologique n’est nor-malement apparente qu’après une longuepériode de temps et elle intéresse tous lesniveaux de la biodiversité: génétique,espèces, écosystème et paysage. Au coursde la décennie écoulée, la législation etles pratiques forestières en Pologne ontmis fortement l’accent sur l’importancede la conservation de la diversité biologi-que qui tienne compte de tous ces niveaux.
Les principes de la stabilité, de l’expan-sion, de la protection et de l’utilisationdurable des forêts sous-tendent les prin-cipaux programmes et politiques: le Pro-gramme de conservation des ressourcesgénétiques des forêts et d’améliorationsélective des arbres forestiers en Polognepour les années 1991-2010 (1991), laPolitique forestière de protection globale
des ressources forestières (1997), la Po-litique nationale sur les forêts (1997) etla Stratégie de protection de la diversitébiologique forestière. Ils sont aussi à labase des initiatives spéciales lancées parla Pologne en faveur de la conservationde la biodiversité des forêts, à savoir lescomplexes forestiers promotionnels etles plans de protection de la nature (exa-minés ci-dessous), ainsi que les mesu-res d’application comme le Programmepour l’accroissement du couvert fores-tier national (1995).
La Politique nationale sur les forêts(1997) relative à la conservation de ladiversité biologique des forêts s’est fixéles objectifs suivants:
• étendre le couvert forestier des 28pour cent actuels à 30 pour cent d’icià 2020 et à 33 pour cent d’ici lamoitié du XXIe siècle;
• atteindre une structure spatiale op-timale des forêts dans le paysage parl’établissement de couloirs écolo-
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Les écosystèmesforestiers “artificiels”n’entrent pasnécessairement dans lacatégorie des pratiquesnocives – cepeuplement de pinsplantés, dont labiodiversité estcertainement inférieureà celle de la forêtnaturelle, ne remplacepas la forêt maisreprésente plutôt unsystème agricole à plusfaible diversité; sonaménagement estnéanmoins importantpour la structure et lemaintien de la diversité
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giques, le modelage biologique desbords de la forêt et la création d’inter-connexions avec d’autres éléments del’environnement naturel;
• accroître le pourcentage des espècesfeuillues de 22 à 33 pour cent d’ici à2050 et porter celui des peuplementsforestiers à espèces multiples à 48pour cent, et introduire un sous-étagede feuillus dans environ un milliond’hectares de peuplements de pins;
• accroître jusqu’à 25 pour cent la su-perficie couverte par des peuplementsforestiers de plus de 80 ans;
• rétablir et remettre en état les écosys-tèmes forestiers détruits ou dégradés;
• intensifier et conserver la diversitébiologique par des processus sylvi-coles et de gestion.
Diversité génétiqueL’ampleur du réservoir génétique d’es-sences forestières est un aspect primor-dial de la conservation car elle déterminenon seulement les traits utiles des espè-ces, mais aussi leur capacité de s’adap-ter à un milieu en évolution et, partant,leur survie à long terme. Une stratégiede conservation de la diversité génétiquede toutes les espèces d’un écosystèmeforestier est en cours de mise au point,parallèlement à la politique actuelle desélection de peuplements pour la collectede graines.
Le Programme de conservation des res-sources génétiques et d’amélioration sé-lective des arbres forestiers en Polognepour les années 1991-2010 a établi desobjectifs spécifiques pour l’extension despeuplements conservatoires in situ (peu-plements semenciers, vergers à grainesclonaux, vergers à graines pour la pro-duction de plantules, essais de provenanceet arbres plus), qui sont tous soumis à unrégime de protection légale.
La conservation ex situ est préférée lors-que les ressources génétiques forestièressont menacées d’extinction ou d’épuise-
ment, notamment sous l’effet de change-ments dans l’environnement. Elle com-prend les mesures suivantes:
• l’établissement ex situ d’essais de pro-venance;
• l’établissement in situ de vergers àgraines;
• l’établissement ex situ de peuplementsconservatoires;
• le stockage à long terme de graines,tissus végétatifs ou pollen;
• la propagation végétative.La conservation ex situ est facilitée par
un réseau d’infrastructures techniques com-prenant 21 usines d’extraction des graineset 10 magasins de matériel génétique.
La Banque de gènes forestiers deKostrzyca, la première de la région, éta-blie par le service des forêts domanialesde Pologne (avec l’assistance financièredu Fonds pour l’environnement mondial[FEM]), joue un rôle spécial dans la stra-tégie de conservation ex situ. La banquerecueille les ressources génétiques à par-tir de tous les peuplements semencierschoisis, des arbres plus et des arbres lesplus âgés de Pologne (ceux ayant plus de200 ans), ainsi que de certains arbustes endanger et du couvert forestier dans lescommunautés végétales forestières) et, enparticulier, des ressources génétiquesmenacées des monts des Sudètes et de tousles parcs nationaux polonais.
Diversité spécifiqueAu niveau des espèces, les efforts de con-servation forestière se concentrent sur lecouvert végétal potentiel d’une zone don-née, en particulier sur les organismes pourlesquels la forêt représente un habitatessentiel, et sur ceux qui colonisent deszones de transition entre la forêt et lescommunautés adjacentes (champs, prai-ries, masses d’eau, etc.). La stratégie metl’accent sur la conservation des espècessauvages indigènes de flore et de fauneforestières. Elle reconnaît que les essen-ces présentes naturellement constituent la
base de la composition des espèces despeuplements forestiers; cependant, elletraite les espèces “domestiquées” (intro-duites) comme un élément d’enrichisse-ment éventuel et comme le prolongementde la diversité biologique. Ce fait est par-ticulièrement important eu égard à la pos-sibilité de changements climatiques mon-diaux, qui pourraient modifier l’aire derépartition naturelle des arbres et, de cefait, leur “naturalité”.
La stratégie de conservation de la di-versité des espèces forestières préconiseen outre:
• d’adapter au biotope la compositiondes espèces;
• de différencier les conditions de lu-minosité, d’humidité et thermiques,de varier la structure par âge et spa-tiale (verticale et horizontale) despeuplements et de favoriser l’établis-sement d’un sous-étage pour créerune mosaïque de niches écologiques– notamment dans les peuplementsmonospécifiques et équiens;
• de façonner et de maintenir une mosaï-que de peuplements à divers stades dedéveloppement, en particulier dans lecas de peuplements monospécifiques;
• de laisser sur place la biomasse pro-duite dans la forêt, en particulier lebois sous ses diverses formes (dansles quantités permises par les normesphytosanitaires et les considérationséconomiques);
• de limiter la coupe rase au minimumdicté par les besoins de régénérationet de réduire, dans la mesure du pos-sible, les zones qui y sont soumises à0,5 ha au maximum (contre les 4 haprécédents);
• d’appliquer des techniques d’exploi-tation et des pratiques sylvicoles quiressemblent, autant que faire se peut,aux perturbations naturelles (commeles trouées causées par le vent, le feu,la neige, les maladies, les insectesravageurs, etc.).
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Dans la stratégie de conservation de ladiversité biologique des espèces fores-tières, il est tenu compte aussi du besoinparticulier de protéger les espèces mena-cées d’extinction, en vertu d’un décretémanant du Ministère de la protection del’environnement, des ressources naturel-les et des forêts (1995). Le décret portesur 19 espèces d’animaux; pour 15 d’en-tre eux, la forêt ancienne (plus de 120 ans)représente le biotope naturel. Le décretprévoit l’établissement de deux zones deprotection autour des aires de reproduc-tion et des sites où ces espèces sont pré-sentes en permanence.
Diversité de l’écosystèmeLa diversité de l’écosystème forestier estfonction de la diversité du site. C’est pour-quoi, l’examen des conditions du sol etdu site fournit des informations fonda-mentales aux fins de la planification syl-vicole et de la mise en place d’écosys-tèmes forestiers biologiquement stableset diversifiés. Les enquêtes menées sur latypologie de la forêt et la classificationdes associations végétales, ainsi que lesdescriptions du site et du peuplement, sontindispensables pour modeler et protégerla diversité biologique des forêts à tousles niveaux. A celui de l’écosystème, ladescription des communautés forestières(structure, apparition des espèces, den-sité du couvert, mélanges et classes dequalité) est importante pour bien connaî-tre le site.
Pour distinguer des écosystèmes repré-sentatifs à conserver en Pologne, il estnécessaire de prendre en compte les ca-ractéristiques géobotaniques et climati-ques du pays, la présence d’associationsvégétales subatlantiques, boréales et en-démiques, et de savoir dans quelle me-sure ces associations sont naturelles.Aujourd’hui cette distinction se fondedavantage sur les associations forestièresnaturelles que sur le type de site forestier.Parmi les associations végétales fores-
tières, la Pologne a choisi les suivantescomme objectifs de protection:
• forêts riveraines, marécageuses etinondées, y compris les forêts rive-raines d’ormes, de frênes-aulnes, desaules-peupliers et les forêts d’aulnesmarécageuses;
• forêts côtières, y compris les forêtsde pins longeant la mer, les forêts aci-dophiles de chênes de Poméranie, lesforêts mixtes de Poméranie et les for-mations de hêtres de Poméranie;
• forêts de montagne, y compris les fo-rêts montagnardes de hêtres, les fo-rêts montagnardes de feuillus et lesforêts acidophiles de piémont;
• forêts boréales et subboréales, y com-pris les forêts de conifères ou les fo-rêts de conifères mixtes du nord-estde l’aire de répartition des forêts d’épi-céas et des forêts de chênes-charmesde plaine.
Dans le cadre des mesures de protec-tion destinées aux types de forêt éco-logiquement importants, la possibilité decoupe annuelle devrait être établie parcycles de rotation pour différentes espè-ces, en fonction des besoins sylvicoles:de 130 à 180 ans pour le pin, par exemple,de 120 à 140 ans pour l’épicéa, etc.
Vu leur rôle dans le maintien et l’enri-chissement de la diversité biologique, la
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Les forêts inondéessont des zones à hautediversité biologique et
sont l’objet deprotection dans les
politiques deconservation de la
Pologne
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stratégie de conservation polonaise re-commande de cartographier plus réguliè-rement les zones de transition (écotones),les sites linéaires et les forêts feuilluesriveraines bordant les cours d’eau et lesruisseaux. Les bords de la forêt devront-faire l’objet d’une attention spéciale, no-tamment pour ceux attenant à des maré-cages, des pièces d’eau, des prairies etdes ceintures agricoles. Les plans d’amé-nagement des forêts devront prévoir desrèglements pour leur entretien compre-nant des boisements et l’élargissement dubord d’écosystèmes chevauchants. Lastratégie vise ainsi à protéger la micros-tructure spatiale des sites et des mosaï-ques naturelles.
Diversité du paysageLa conservation au niveau du paysage aimposé la “régionalisation” de la forêt; lepays est divisé en un réseau d’unités ter-ritoriales biologiquement distinctes, com-prises dans un système hiérarchique àtrois niveaux:
• L’unité de base est la région moyenne,qui est établie en fonction de diffé-rences dans la roche-mère, le type depaysage naturel, les sites dominantset les différences dans la structure ducouvert végétal naturel.
• L’unité immédiatement supérieure estla province forestière, délimitée enfonction de ses caractéristiques cli-matiques, des aires naturelles de ré-
partition des arbres et des fonctionsde la forêt.
• L’unité la plus vaste, à savoir la régionde forêt naturelle, est délimitée suivantdes différences dans la taille des forma-tions forestières, l’étendue des sites etle pourcentage de couvert forestier.
Dans le cadre de l’aménagement durablede la forêt, et de la conservation de la diversitébiologique au niveau du paysage, la tâcheprincipale consiste à établir des principesopérationnels de foresterie qui tiennentcompte du paysage et soient fondés surl’écosystème. A cet égard, la gestion devra:
• limiter les méthodes artificielles d’en-tretien de la forêt en faveur de la ges-tion des processus naturels;
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Forêts soumises àdifférents régimes deprotection de la natureen Pologne
Forêt
Parcs nationaux, parcs paysagers et zones protégéesComplexes forestiers promotionnels
Réserves forestières
km
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• réduire, dans la mesure du possible,l’épandage de biocides et d’engraisminéraux dans les opérations de pro-tection et les traitements sylvicoles;
• accroître la diversité des espèces fo-restières et créer des forêts de conifè-res robustes et adaptés au milieu àl’aide de mesures écologiques de re-mise en état, comme la mise en placed’un sous-bois et d’une strate arbus-tive, l’épandage d’engrais naturels etla promotion de la diversité des espè-ces à l’aide d’éclaircies.
Initiatives spécialesLe Gouvernement polonais a promu deuxinitiatives spéciales pour conserver ladiversité biologique des forêts: les Com-plexes forestiers promotionnels (CFP) etles Plans de protection de la nature (PPN).
Conformément à d’autres initiativesd’établissement de forêts modèles et de
démonstration, les CFP visent à démon-trer des pratiques d’aménagement durablesur une superficie plus étendue que l’unitéd’aménagement forestier traditionnelle (ledistrict forestier) et de promouvoir la con-servation de la diversité biologique par uneutilisation judicieuse de la forêt. La miseen œuvre des CFP a démarré en 1994; les11 CFP existants totalisent environ480 000 ha (près de 7 pour cent des forêtsdu pays) (voir carte). Ils sont représenta-tifs des différents habitats naturels et del’histoire naturelle des forêts, et présen-tent des différences en termes de condi-tions de l’habitat, de composition des es-pèces dans le peuplement, de structure etde fonction des écosystèmes forestiers etde leur potentiel de production, ainsi quede leur contexte social et économique.
En ce qui concerne la biodiversité, lesobjectifs de l’établissement des CFP sontles suivants:
• identifier la structure et les fonctionsdes écosystèmes forestiers et leurschangements;
• conserver ou rétablir des caractéris-tiques biologiques de grand intérêt;
• harmoniser les objectifs de l’aména-gement durable des forêts et de la con-servation de la nature;
• mener des recherches pour promou-voir l’aménagement des forêts axé surl’écosystème.
Les CFP ont pour tâche fondamentalede formuler de nouveaux plans d’aména-gement et d’adapter ceux existants auxnouvelles obligations. Ils jouent égale-ment un important rôle éducatif et pré-voient la création de circuits forestiers,l’organisation de cours d’histoire natu-relle, l’exposition d’objets forestiers etl’institution de musées qui renseignent lepublic sur l’écosystème forestier et sesmultiples fonctions.
Conservation de lanature dans les forêtsprivées de Pologne
Le processus de privatisation, qui a intéressé les pays d’Europe centrale et orientale depuis
1990, a déterminé des changements dans les régimes de propriété. Dans les 10 pays d’Europe
centrale et orientale, qui ont adhéré à l’Union européenne (Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie,
Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie), plus de 20 pour
cent des forêts privées et le nombre de propriétaires avoisine 3 millions. A l’heure actuelle,
en Pologne, 17,1 pour cent des forêts sont privées, mais ce pourcentage est destiné à
s’accroître grâce à des programmes de boisement planifié. Bien que la part de la forêt privée
varie considérablement dans le pays, il est évident que les forêts privées et leurs propriétaires
ne peuvent être ignorés dans les politiques de conservation de la biodiversité en Europe
centrale et orientale.
Le Bureau pour l’Europe centrale de l’Union mondiale pour la nature (UICN) cherche à
promouvoir la conservation de la nature dans les forêts privées aux plans régional et national.
D’après une consultation conduite par l’UICN en décembre 2000, l’absence d’engagement
politique, le manque de ressources financières, l’insuffisance des services de vulgarisation
fournis aux propriétaires forestiers privés, le manque d’information et la faible participation
des propriétaires privés aux processus internationaux sont parmi les principales lacunes
liées à la forêt et à la conservation de la nature dans les forêts privées d’Europe centrale et
orientale. Conformément aux recommandations d’experts nationaux, l’UICN met au point de
nouvelles activités pour encourager l’intégration de thèmes relatifs à la conservation de la
nature dans des systèmes de vulgarisation efficaces et des programmes de boisement, en
mettant l’accent sur les forêts privées.
En Pologne, l’UICN, en collaboration avec Betra Resources Ireland, réalise le projet “Pro-
motion de la protection de l’environnement et de la mise en valeur durable des forêts de
Pologne”. Ce projet porte actuellement sur la région de Malopolska (qui est représentative
de la foresterie polonaise en général), mais ses activités s’étendront par la suite à tout le
territoire national. L’un de ses objectifs à long terme est d’assurer la protection de la nature
et de la biodiversité dans les forêts de Pologne, par des initiatives telles que la promotion
d’associations des propriétaires forestiers et la prestation d’une assistance à l’élaboration de
services de vulgarisation bien articulés pour les propriétaires forestiers privés.
Pour de plus amples d’informations, contacter: T. Marghescu, éd. 2001. Nature conser-
vation in private forests of selected CEE countries. Bureau régional pour l’Europe de l’UICN
(www.iucn-ero.nl/projects/ forestry.htm), Bruxelles, ou consulter les sites web de l’UICN:
www.iucn.org et www.iucn-ero.nl; l’adresse du courrier électronique de l’UICN est:[email protected]
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Les Plans de protection de la nature(PPN), établis au titre d’un règlementcontraignant en 1996, ont un rôle prati-que encore plus important que les CFPdans la stratégie de conservation de labiodiversité forestière. Ils font partie in-tégrante des plans ordinaires d’aména-gement des forêts; ils concernent tou-tes les forêts et interviennent au niveauopérationnel. Leur objectif est la pro-tection de la nature dans toutes les fo-rêts et non pas seulement dans les airesprotégées. Les PPN opèrent au niveaudu paysage. Ils requièrent l’élaborationde cartes spéciales et la connaissancedu rôle et de l’emplacement des forêtsdans la région, de la structure de l’uti-lisation des terres, des rapports avecd’autres formes juridiques de protec-tion de la nature (parcs nationaux, ré-serves naturelles et paysages protégés,par exemple), des menaces qui pèsentsur la forêt et des actions proposées enfaveur de la conservation de la nature.Les PPN promeuvent des pratiquesd’aménagement en harmonie avec lesprincipes de la protection de la natureet préconisent:
• la conservation des écosystèmes fo-restiers dans un état quasi naturel;
• la remise en état d’écosystèmes fo-restiers actuellement perturbés oudégradés;
• l’évaluation de l’état des espacesnaturels et la planification de leurprotection;
• l’application de techniques forestiè-res respectueuses de l’environne-ment;
• la restriction des coupes rases, laconservation de groupes d’arbressemenciers, l’établissement de stra-tes de sous-bois et le mélange d’ar-bres de différents âges et tailles, envue d’intensifier la diversité, la com-plexité et les valeurs esthétiques dela forêt;
• le choix de petites pépinières au seindes forêts, sous le couvert, pouraméliorer la sélection naturelle etconserver la variabilité génétiquenaturelle;
• la promotion de la lutte biologiquecontre les ravageurs et les maladies,et l’emploi accru d’engrais organi-ques et de la mycorhization.
Sur les 438 districts forestiers présentsen Pologne, quelque 215 ont déjàdes PPN et 97 autres plans sont enpréparation.
CONCLUSIONSL’une des questions à l’origine des dé-bats les plus acharnés dans les forumsinternationaux sur la diversité biologi-que des forêts est l’établissement de nou-velles aires forestières protégées. On sedemande s’il est plus important de créerde nouvelles aires protégées ou de mieuxprotéger celles existantes.
Les principales raisons qui militent enfaveur de l’établissement d’aires fores-tières protégées sont la conservation etl’entretien des processus écologiques.Ceux d’entre eux qui assurent la péren-nité, la résistance et la stabilité d’unediversité biologique élevée en harmo-nie avec les conditions locales compren-nent la sélection naturelle, l’adaptabi-lité, la survie et l’évolution durable dansun milieu caractérisé par des change-ments constants et l’intervention hu-maine permanente.
Compte tenu des menaces mondialespesant sur les forêts (changements cli-matiques, appauvrissement de la cou-che d’ozone et accroissement de la po-pulation), il est évident qu’en Europecentrale et orientale de nouvelles airesméritent d’être protégées à des finsd’évolution. Telles sont les zones déboi-sées par la pollution industrielle, l’ex-ploitation impropre des ressources, lesgrands incendies de forêt ou les orages.La protection de ces zones permettra dedévelopper et de maintenir les proces-sus écologiques naturels et spontanésd’évolution et d’en tirer des leçons; ilssont plus importants pour les générationsfutures d’individus et d’arbres que lesforêts anciennes existant aujourd’hui.
Dans ce cadre, la stratégie générale deconservation de la diversité biologiquedes forêts en Europe centrale et orien-tale pourrait être la suivante (par ordrede préférence et d’urgence):
• mettre au point, améliorer continuel-lement et réaliser le concept d’amé-nagement durable des forêts, définiet surveillé à l’aide de critères et in-dicateurs;
• établir de nouvelles aires protégéessur des terres dégradées pour amor-cer et intensifier les processus éco-logiques spontanés d’adaptation etde persistance de la nature, et créerles conditions propices à une évolu-tion durable de la nature;
• améliorer, le cas échéant, le réseaud’aires forestières protégées, notam-ment par le boisement de nouvelles
zones, pour former des couloirs etdes liens écologiques entre les fo-rêts fragmentées et les zones tam-pons au niveau du paysage. ◆
Bibliographie
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Convention on Biological Diversity.
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Forest Research Institute, Varsovie.
Conférence des Nations Unies surl’environnement et le développement(CNUED). 1992. Déclaration de Rio sur
l’environnement et le développement.
ONU, New York, Etats-Unis. ◆
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Amélioration de la valeur de conservation des forêtsgérées: le projet Dendrogène en Amazonie brésilienne
M. Kanashiro, I.S. Thompson, J.A.G. Yared, M.D. Loveless, P. Coventry, R.C.V. Martins-da-Silva,B. Degen et W. Amaral
Milton Kanashiro, J.A.G. Yared etR.C.V. Martins-da-Silva sont Chargésde recherche au Centre de recherchede l’Amazonie orientale de l'Institut derecherche agricole brésilien(Embrapa), Belém, Pará (Brésil).Ian S. Thompson est FacilitationOfficer, Département du Royaume-Unipour le développement international(DFID) – Amazonie orientale del’Embrapa, Belém, Pará (Brésil).Marilyn D. Loveless est Professeurassocié, the College of Wooster, Ohio(Etats-Unis) et Chercheur invité,Amazonie orientale de l’Embrapa,Belém, Pará (Brésil).Peter Coventry est cadre associé, DFID– Amazonie orientale de l’Embrapa,Belém, Pará (Brésil).Bernd Degen est chercheur, INRA,Silvolab, Kourou (Guyane française).Weber Amaral est chercheur,spécialiste des ressources génétiquesforestières (coordonnateur duprogramme mondial) à l’Institutinternational des ressourcesphytogénétiques (IPGRI), Rome.
Alors que l’influence de l’hommesur les systèmes naturels s’étendjusqu’aux recoins les plus éloi-
gnés de la planète, le XXe siècle doit faireface au défi consistant à concilier l’ex-ploitation des ressources et une qualité devie juste et équitable pour la générationactuelle et les générations futures, tout enconservant les millions d’autres espècesavec lesquelles nous partageons la pla-nète. Cela concerne particulièrement lesrégions tropicales dont on connaît lagrande diversité biologique. La questionest de savoir comment faire, exactement,pour y parvenir, et que mesurer pour pou-voir affirmer que cet objectif a été atteint.
Le présent article décrit le projetDendrogène, une initiative lancée pourmettre au point des outils permettantd’améliorer la valeur de conservation desforêts gérées en Amazonie brésilienne,et de contribuer au développement du-rable des ressources naturelles de cetterégion. Cette combinaison de conserva-tion et d’utilisation est considérée parbeaucoup comme la solution d’aveniraux problèmes de pauvreté et d’inéga-lité de cette région.
Le projet, qui a pour base la station d’es-sai d’Amazonie orientale de l’Institut bré-silien de recherche agricole (Embrapa),vise à apporter aux exploitants des forêts
des outils et des compétences afin depouvoir mettre en œuvre des systèmes degestion fondés sur les connaissances. Unmodèle de simulation est en cours d’éla-boration pour permettre d’analyser lesalternatives possibles au mode d’exploi-tation actuel. La technique des modèlesde simulation permet de tester les critèreset les indicateurs de durabilité des pro-cessus génétiques et écologiques dans lesforêts aménagées.
BIODIVERSITÉ ET SALUBRITÉÉVOLUTIVELa diversité biologique (ou biodiversité)peut se définir comme étant la variété etla variabilité naturelles des organismesvivants, des complexes écologiques quiles abritent naturellement, ainsi que deleur interaction les uns par rapport autreset avec leur environnement (OTA, 1987;Noss, 1990; Redford et Richter, 1999).On peut considérer qu’il y a trois niveauxde biodiversité – la diversité des écosys-tèmes, la diversité des espèces et à l’in-térieur des espèces, et la diversité géné-tique – tous les trois essentiels pour l’étatde l’environnement et le bien-être del’homme.
La biodiversité est le résultat de pro-cessus évolutifs et historiques. L’archi-tecture génétique d’une espèces résulte,
Des outils destinés àl’identification des espèces, laconception de modèlesprévisionnels et une analyse descénarios sont en coursd’élaboration pour faciliterl’adoption de politiques et depratiques nouvelles dans lesforêts aménagées de l’Amazoniebrésilienne.
Le projet Dendrogène
Basé dans la station d’essai de l’Amazonieorientale d’Embrapa, à Belém, Parà, Bré-sil, le projet Dendrogène repose sur uneapproche multidisciplinaire et une partici-pation multi-institutionnelle. Le Départe-ment du développement international duRoyaume-Uni (DFID) appuie ce projet (de2000 à 2004) par le biais du Programmed’assistance technique Brésil-Royaume-Uni. Nombre des activités de Dendrogènesont fondées sur des activités antérieures à
l’intérieur du Projet de recherche sur lasylviculture des forêts ombrophiles (1993-1998), également appuyé par le DFID.Pour plus de renseignements, se reporterau site Web de Dendrogène:www.cpatu.embrapa.br/dendro/index.htm
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elle aussi, de ces processus. La diversitégénétique est ainsi capitale pour labiodiversité, et peut aussi être considé-rée comme la composante fondamentalede l’état de santé de l’écosystème. Lasauvegarde de la biodiversité est mena-cée lorsque des événements naturels, desinterventions humaines ou des altéra-tions de l’habitat viennent perturber laconstitution génétique de telle manièreque l’évolution à venir d’une espèce ris-que d’être compromise.
Pour conserver la biodiversité d’un ha-bitat particulier, il est crucial de connaî-tre le nombre d’espèces qui l’occupent,et le nombre d’individus de chaqueespèce à préserver afin d’éviter demettre, à long terme, la survie de la commu-nauté en danger.
La plupart des études sur la diversitébiologique reposent sur des mesuresécologiques relatives à la santé des po-pulations ou des espèces. Ces mesuresconcernent les effectifs des populations,les taux de reproduction, les répartitionsbiogéographiques et les paramètres éco-logiques du même genre qui définissentl’effectif d’une population et l’étenduede son territoire. Il est assez facile de seprocurer de telles données qui ont un
rôle important à jouer dans les interven-tions destinées à prévenir l’extinctiondes espèces.
Toutefois, la condition fondamentaled’une survie à long terme est le potentielévolutif de la population. Subsiste-t-il ausein des populations et entre celles-ci unevariation suffisante pour permettre à l’es-pèce de réagir aux agressions du milieuambiant, à la concurrence et aux mala-dies? L’effectif de la population est unélément capital pour permettre de prévoirla variabilité génétique; il est donc unélément important dans la conservationde la biodiversité. Cependant, il n’y a pasque les nombres qui comptent. La vérita-ble mesure d’une conservation réussie dela biodiversité est le maintien d’un niveauraisonnable de variation génétique à l’in-térieur des populations, et la préservationdes processus écologiques et génétiquesqui entretiennent cette constitution géné-tique. (Namkoong et Koshy, 2000)
CONSERVATION DES FORÊTSTROPICALESLes forêts tropicales font partie des “su-perstars” de la diversité biotique. Ce sontdes réservoirs de multiples espècesd’oiseaux, de mammifères et de reptiles,
beaucoup plus nombreuses que dans leszones climatiques tempérées. Il est vrai-semblable qu’elles abritent des milliers,sinon des millions, d’espèces encore nondécrites faisant partie de groupes taxino-miques relativement peu étudiés commeles plantes vasculaires et non vasculaires,les insectes, les nématodes et les proto-zoaires. La protection de l’immense di-versité de ces habitats équatoriaux revêtdonc un intérêt spécial. En même temps,les forêts tropicales, les savanes et leshabitats aquatiques font l’objet d’uneénorme surexploitation de la part del’homme. Les forêts, en particulier, revê-tent une grande importance pour l’écolo-gie, l’économie et les interactions socia-les des populations tropicales, mais lacroissance des populations humaines etle développement de l’exploitation desterres font courir un danger sérieux à ceshabitats forestiers.
De grandes étendues de terres, dans lesrégions tropicales, ont été mises en ré-serve pour la conservation. Mais même sices zones étaient efficacement protégéescontre des entreprises nuisibles (et beau-coup ne le sont pas), les réserves forestiè-res ne peuvent pas, à elles seules, garantirla conservation de la biodiversité tropi-
Collection de matérielbotanique
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cale. La plupart des habitats tropicaux sontexploités par l’homme. Ce qu’il faut, c’estmettre en place des systèmes de gestionqui permettront de préserver le plus effi-cacement possible les éléments importantsde la biodiversité dans les paysages com-plexes avec différents types d’utilisationdes terres. Il est évident que les habitatsgérés ou exploités subiront des modifica-tions. Mais, s’il est possible de prévoiravec assez de certitude les effets d’autresmodes d’utilisation des terres, ces infor-mations peuvent servir de base pour lanégociation de mesures propres à réduireou atténuer des effets néfastes potentielsou à les équilibrer en les répartissant surde plus vastes zones. Il devrait être possi-ble de donner plus d’importance aux pay-sages gérés pour atteindre les objectifs dela conservation – ou, du moins, de savoirfaire clairement les choix qui conviennententre l’exploitation des ressources et laconservation des espèces compromises.
ABSENCE D’INDICATEURSDE BIODIVERSITÉL’aménagement forestier et les program-mes de conservation sont souvent fondéssur des caractéristiques des écosystèmeset des communautés sans qu’il soit tenugrand compte de la diversité des espèceset de la diversité génétique. C’est particu-lièrement vrai des écosystèmes des forêtstropicales ombrophiles, où la grande di-versité biologique et sa complexité po-sent de très gros problèmes aux gestion-naires, aux scientifiques et aux décideurs.
Aujourd’hui, aucun indicateur efficacen’a été mis au point pour permettre demesurer de manière fiable la durabilitéécologique ou génétique. Si la gestionforestière peut comporter un ensemble demesures destinées à minimiser l’impactde l’exploitation sur la biodiversité de laforêt (comme l’abattage dirigé, ledélianage, et les limitations de diamètreet de volume au moment de la coupe), cesmesures reposent généralement sur des
conjectures relatives au niveau d’exploi-tation tolérable pour éviter d’hypothéquerà la fois les ressources et le rendementéconomique, et il n’existe aucune évi-dence de leur efficacité à protéger labiodiversité. Le défaut d’indicateursmesurables pour évaluer l’impact desdifférentes options d’aménagement surles variables importantes de la bio-diversité pose un problème, par exemple,quand il s’agit de prévoir des certifica-tions garantissant aux acheteurs que lesproduits forestiers ont été obtenus enutilisant des systèmes assurant la du-rabilité. Les directives du Forest Steward-ship Council relatives à la certificationprévoient que “les fonctions et valeursécologiques seront gardées intactes,améliorées ou restaurées, y compris ladiversité génétique ainsi que la diversitédes espèces et des écosystèmes”(Criterion 6.3b, cité par Bass et al., 2001).En réalité, toutefois, on ne dispose,aujourd’hui, d’aucun outil d’analyse quipermette de mesurer si des objectifs aussicruciaux sont atteints par les pratiques degestion mises en œuvre.
LE PROJET DENDROGÈNEL’objectif du projet Dendrogène est decontribuer à une utilisation durable desterres tropicales en Amazonie brési-lienne en développant les possibilités deprévoir les impacts de l’aménagementdu paysage (par exemple de la fragmen-tation des forêts) ou de la zone fores-tière sur la constitution génétique desessences potentiellement mises en dan-ger par l’exploitation commerciale.Dendrogène est essentiellement destinéà mettre au point un ensemble d’outilspour permettre d’analyser les scénarioset de prévoir les impacts avant d’appli-quer des politiques et des méthodes degestion. L’hypothèse de base est que lesmoyens d’une gestion forestière plani-fiée et contrôlée existent ou sont actuel-lement mis en œuvre.
Ce projet met en jeu diverses approchespour résoudre les problèmes posés parl’inventaire des ressources et la prise dedécisions concernant la gestion des res-sources forestières et de l’exploitation desterres. En collaboration avec les partiesprenantes clefs, il s’efforce de promou-voir des politiques et des pratiques d’amé-nagement solidement fondées sur despreuves scientifiques, et de lever certai-nes contraintes opérationnelles à leur miseen application.
Le projet a quatre objectifs fondamen-taux:
• améliorer l’aptitude de l’utilisateur àidentifier les espèces avec certitude;
• mettre au point un modèle prévision-nel fiable pour analyser la structuregénétique des essences tropicales;
• pratiquer l’analyse des scénarios pourpouvoir guider les décisions relativesà la politique à mener et à la gestion;
• faciliter l’adoption de nouvelles pra-tiques en matière de politique etd’aménagement.
Identification fiable des essencesSavoir nommer les choses, tel est le fonde-ment de la science (Wilson, 1998) et unecondition préalable à leur conservation età leur utilisation adéquates (Helgason etal., 1996). La foresterie amazonienne n’apas, actuellement, les moyens d’identifierde nombreux arbres au niveau de l’espèce.Cependant, une identification scientifiquecorrecte est essentielle pour permettre d’ob-tenir des renseignements sur les propriétésdes essences. Les noms courants, fréquem-ment spécifiques au plan local mais nonuniques sur de plus vastes étendues, sontsouvent associés aux noms scientifiquesde manière inexacte (voir encadré p. 28).Dans l’aménagement forestier, une identi-fication inadéquate compromet les possi-bilités d’organiser la régénération de l’es-pèce et fait courir des risques de pertesplus directes. En raison de la taille et de ladiversité de la forêt tropicale amazonienne,
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une identification fiable peut sembler êtreune chimère. Toutefois, des progrès ontété accomplis à partir des ressourcesexistantes comme le “Guide Ducke”, unguide sur la flore de la Réserve Ducke(Ribeiro et al., 1999), qui met en œuvreune approche visuelle largement fondéesur les traits morphologiques comme lescaractéristiques des feuilles et des tiges.
Dendrogène s’efforce de résoudre leproblème de l’identification des espècesau niveau opérationnel. En coopérationavec d’autres institutions, dont la Sociétépour la recherche et la conservation enAmazonie (SAPECA, une organisationnon gouvernementale constituée par beau-coup d’auteurs du Guide Ducke), le pro-jet élabore des fiches signalétiques, com-portant des caractéristiques botaniques etd’anatomie du bois, pour plus de 50 des
principales espèces de bois marchand.Dendrogène organise des cours de for-mation (continuellement améliorés) àl’identification des arbres et des bois. Lecours de botanique comporte une mise àl’épreuve pratique du Guide Ducke. Leprojet encourage et entraîne également desentreprises industrielles privées à entre-tenir leurs propres collections de référenceet à développer des relations avec l’her-bier de l’Embrapa pour vérification ouidentification de nouvelles essences. Ilétudie la manière dont l’industrie regroupeles essences (consciemment ou pas) dansle traitement et les ventes pour en savoirplus sur les conséquences des erreursd’identification et suggérer des regrou-pements plus adéquats. Il aide égalementà informatiser l’herbier et la xylothèquede l’Embrapa (une collection utilisée pour
l’identification morphologique) pour enfaciliter la gestion et l’utilisation. Plus de100 000 spécimens (70 pour cent de lacollection) figurent maintenant dans labase de données de l’herbier.
Au niveau stratégique, Dendrogène en-courage la coopération entre les herbierset les xylothèques nationaux grâce à l’uti-lisation d’une plate-forme communepour la gestion de l’information, BRA-HMS (www.brahms.co.uk). Tous lesprincipaux herbiers d’Amazonie ontmaintenant adopté BRAHMS, et il esten cours d’installation dans les herbiersde Brasilia et de Rio de Janeiro.Dendrogène s’efforce également deconstruire des alliances stratégiques pourpousser tous ceux qui sont concernés parl’identification des essences à se mettred’accord sur des solutions pratiques. Par
Pour les négociants en bois marchand, le fait que des essencesportent différents noms rend difficile de mettre en regard essence,produit et marché:
• Un importateur allemand voulait acheter plus de “cedrinho”.L’exportateur du sud du Brésil avait reçu une livraison en pro-venance de la basse Amazonie et avait été informé que cetteessence était difficile à obtenir. Si cette dernière avait été iden-tifiée comme étant Erisma uncinatum, l’exportateur aurait pusavoir que de grandes quantités étaient disponibles en Amazo-nie orientale – où ladite essence est habituellement connue sousle nom de “quarubarana”.
• Une étude effectuée par un botaniste pour une société de négoce debois a révélé que les essences vendues sous le nom de “louro amarelo”comprenaient deux espèces qui n’avaient jamais été répertoriéesauparavant.
• Des études entreprises par Dendrogène auprès de différentes so-ciétés ont révélé que quatre espèces de Manilkara étaient toutesgérées sous le nom de “massaranduba” et trois espèces de Couratariet une de Cariniana étaient gérées sous le nom de “taouari”.
• Une étude menée par Dendrogène a permis de découvrir que32 espèces différentes de 13 genres étaient vendues sous lenom de “angelim”.
Trois espèces (degauche à droite, Diniziaexcelsa, Hymenolobiumexcelsum etHymenolobiumpulcherrimum), toutesconnues sous le nomde “angelim”
Les problèmes d’identification gênent le commerce
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exemple, le récent atelier sur la perti-nence de l’identification botanique pourune gestion durable des forêts en Ama-zonie a recommandé de créer en prioritéun corps spécifique de parataxinomistes,car le manque de reconnaissance profes-sionnelle était considéré comme étant leprincipal obstacle au développementd’une expertise en identification àl’échelle de la région.
Mise au point et validation d’un modèleprévisionnelLes approches fondées sur la modélisa-tion ont des avantages lorsque les déci-sions doivent être éclairées par des procé-dures coûteuses de collectes de données.Elles sont particulièrement utiles quandde nombreuses variables différentes seconjuguent pour conduire au résultat cher-ché (dans notre cas, la diversité généti-que). Un modèle de simulation permetd’intégrer la phénologie, la pollinisation,la dissémination des graines, le repeuple-ment et la croissance dans un cadre quipermet d’étudier les effets de chacune desvariables sur la diversité génétique grâceà une analyse de sensibilité. Comme lescoûts des inventaires génétiques sont pro-hibitifs pour l’aménagement forestiercourant, l’évaluation de l’impact des dé-cisions qu’il amène à prendre sur les pro-cessus génétiques ne peut se faire quegrâce à une technique de modélisation.
Dendrogène travaille en collaborationavec l’Institut national français de la re-cherche agronomique (INRA) à traversSilvolab (Guyane française) pour mettreau point le modèle Ecogène (Degen,Gregorius et Scholz, 1997) relatif auxapplications de l’aménagement de la forêttropicale. Ce modèle utilise une base dedonnées génétiques et écologiques pourde essences néotropicales (Dendrobase),avec un système de génération de donnéesen cours d’élaboration pour fournir lesdonnées nécessaires manquantes et faireen sorte que ce modèle puisse permettre
de traiter les essences pour lesquelles l’en-semble des informations écologiques ougénétiques n’est pas encore accessible.
Le modèle Ecogène sera validé par com-paraison avec les données réelles collec-tées sur une parcelle d’expérimentationintensive (500 ha) dans la forêt nationaledes Tapajós (voir encadré p. 30).Dendrogène fait ce travail en coopéra-tion avec le projet “Gestion durable desforêts pour la production de bois” de l’Ins-titut brésilien de l’environnement et desressources naturelles renouvelables(Instituto Brasileiro do Meio Ambiente edos Recursos Naturais Renovàveis,IBAMA) et l’Organisation internationaledes bois tropicaux (OIBT). L’étude de lagénétique, de la biologie de la reproduc-
tion et de l’écologie de sept essences esten cours et se poursuivra après l’abattagede la zone en 2003. La croissance, le re-peuplement et la mortalité seront modé-lisés en espace réel. Les éléments d’unmodèle de simulation de rendement, leSYMFOR (Phillips et van Gradingen,2001), seront spécialement modifiés,adaptés à Ecogène et paramétrés avec lesdonnées à long terme d’une placetted’échantillonnage permanente collectéespar Embrapa Amazonie orientale (Silvaet Lopes, 1984; Silva et al., 1995).
Grâce au modèle Ecogène, le projet s’ef-force de prévoir les effets de nouvellesformes d’aménagement sur la constitutiongénétique des essences dans 50 ou 100ans. La modélisation est le moyen le plus
Le projet Dendrogèneélabore des fiches
signalétiques,comportant des
informationsbotaniques avec des
précisions sur la qualitédu bois, pour plus de 50
des principalesessences de bois
marchand d’Amazoniebrésilienne
L. PR
OC
ÓPIO
Dendrogèneorganise des coursd’identificationbotanique pour lesouvriers forestiers etd’autres personnesqui participent àl’inventaire et àl’aménagementforestier
J. S
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efficace pour essayer de prévoir les inte-ractions de processus complexes à cet ho-rizon. Il est évident qu’elle a, cependant,ses limites. Elle utilise inévitablement desrelations simples pour décrire des systè-mes complexes. La validation du modèleest grande consommatrice de ressources,et ne peut se faire que pour quelques espè-ces. L’application du modèle à d’autres es-sences, à d’autres forêts et à d’autres laps
de temps suppose d’autres hypothèses,avec les risques d’erreurs qu’elles com-portent. Les données de sortie du modèlene valent que ce que valent les donnéesd’entrée. Ainsi, le défaut actuel d’identifi-cation fiable des essences sur le terrain estsource d’erreurs pour la modélisation desprocessus d’une population. Toutefois,étant donné que le modèle fonctionne dansla transparence, il peut être un outil pré-
cieux, surtout pour les prises de décisionsstratégiques. Il peut aider à évaluer les li-mites dans lesquelles les populations sonttrès susceptibles de subir les impacts gé-nétiques de diverses options d’aménage-ment, et à améliorer les décisions relati-ves à la gestion actuelle alors que reculentprogressivement les limites de nos incom-pétences, comme celles de nos difficultésà identifier les essences.
Parcelle d’étude intensive de Tapajós – validation sur site du modèle Ecogène
étendu encore un peu plus, jusqu’à un diamè-tre de 10 cm à hauteur d’homme.
Avant que des études puissent être faites auniveau de l’espèce, il est essentiel de procéderà des vérifications sur site des inventairescommerciaux. Bien que l’étude soit concentréesur des arbres considérés comme faciles àreconnaître, on constate encore des erreursrépétées d’identification sur le terrain pourplus de la moitié des espèces modèles; dans lepire des cas, 16 pour cent des arbres d’uneseule espèces ont été mal identifiés.
La détermination du génotype de tous lesindividus de chacune des populations est faità partir de collections de cambium, grâce àl’amplification d’ADN et à l’analyse parmicrosatellite. Ces données sont ensuitecouplées avec les cartes d’inventaire sur leterrain pour obtenir des cartes de populationpour chaque espèce qui documentent desmodèles spatiaux et génétiques. L’analysegénétique par microsatellite de grainescollectées sur des “arbres pièges” à l’intérieurde chaque population peut être utilisée pourdéterminer les répartitions du flux géniquepaternel (pollen). La collecte et l’analyse desgénotypes de graines des arbres pièges avantet après la coupe devrait livrer desinformations détaillées sur l’impact del’abattage (en particulier les altérations de ladensité des adultes et la répartition dansl’espace) sur le flux génique, les tauxd’allofécondation et les changements de
diversité génétique dans les génotypes dejeunes plants produits après une coupe. Lacollecte des graines de 30 arbres pièges chaqueannée permettra de faire de bonnesestimations du flux génique d’arbre à arbre,tandis que la collecte de 30 graines ou plussur chaque arbre donnera une mesure de lavariabilité du mouvement du pollen surl’arbre lui-même.
La phénologie est une composante impor-tante du comportement procréateur desarbres, parce que les formes de floraisonpeuvent agir sur le flux génique. Le transfertde pollen ne peut se faire qu’entre des arbresqui fleurissent en même temps. Les écartschronologiques entre les floraisons peuventainsi limiter ou même empêcher le flux géniqueentre les individus. Des observationsphénologiques détaillées sont pratiquées surtous les arbres pièges et un contrôle est opéréde temps en temps sur la totalité despopulations adultes étudiées. C’est pourquoiil a fallu ouvrir plus de 45 km de pistes desurveillance phénologique pour avoir accès àces arbres “cobayes” dispersés sur un vasteterritoire. Des études ont également étéentreprises sur les pollinisateurs, ainsi que surla répartition des plantules et des jeunes arbres.
La gestion des bases de données est reliéeautomatiquement à un système d’informationsgéographiques pour fournir des informationsspatiales faciles à interpréter pouvant êtreimmédiatement mises à jour.
Un "arbre piège" de la forêtexpérimentale, dans lequel lesgraines sont collectées pour êtresoumises à une analyse génétique
M. K
AN
ASH
IRO
Sept essences modèles, occupant diverses ni-ches écologiques et manifestant différentesstratégies au cours de leur cycle biologique,sont à l’étude au sein de populations assezimportantes pour que le flux génique puisseêtre étudié en détail (200 à 400 individus adul-tes). L’inventaire de bois marchand a étéétendu vers le bas sur la parcelle d’étude, demanière à comprendre tous les individus del’espèce modèle dont le diamètre à hauteurd’homme était égal ou supérieur à 20 cm. Surune sous-parcelle de 100 ha, l’inventaire a été
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Un exemple d’application du modèleEcogène à l’aménagement
dans les trois simulations.Les graines produites au cours d’un
épisode de fécondation, dans ces po-pulations, ont ensuite été analysées pourdéterminer 13 mesures génétiques nor-malisées, y compris l’effectif de lapopulation, la fraction de pollinisationdirecte, la distance moyenne de dispersiondu pollen, les hétérozygosités observées etattendues, et la diversité génique. Chaquesimulation a été faite 30 fois, et les moyenneset les écarts types (et) ont été utilisés pourcomparer les résultats de la populationtémoin et des deux scénarios de traitementdifférents. Dans les deux traitements, 11indices de diversité génétique sur 13 étaienttrès différents de ceux de la populationtémoin. L’effectif de la population valide aété le plus sévèrement affecté par lesmodifications de la répartition spatiale desarbres; il a été estimé à 161,81 (et = 7,34)individus dans la population témoin, 59,22(et = 4,16) individus dans la populationcoupée et 44,80 (et = 4,84) individus dans lapopulation fragmentée. L’autopollinisationavait beaucoup augmenté dans les scénariosde traitement, ainsi que la distance moyenne
Cartes montrant lesscénarios de contrôle etde traitement dansl’étude de simulation duJacranda copaiad’Ecogène; les pointsnoirs représentent lesspécimens de Jacarandacopaia de plus de 10 cmde diamètre à hauteurd’homme, et les pointsgris représentent lesindividus qui fleurissentdans chaque scénario(308 arbres dans lapopulation témoin et 90dans chacun desscénarios du traitement)
de dispersion du pollen. L’hétérozygositéattendue (également appelée diversitégénique) était beaucoup plus faible dans lessimulations du traitement. Les résultatssuggèrent aussi que certaines variablesgénétiques sont plus adaptées que d’autresà manifester des différences génétiques dansdes régimes d’aménagement différents.
Témoin
Coupe Fragmentation
2 000 m
2 000 m
Degen, Roubik et Loveless (2002) ont uti-lisé les données du terrain concernant larépartition spatiale des arbres sur les par-celles d’étude intensive de la forêt natio-nale des Tapajós pour examiner les effetsde la coupe et de la fragmentation sur ladiversité génétique du Jacaranda copaia,l’une des sept essences auquel Dendrogènese consacre. Ils ont créé des populations avecdes densités et des types de répartition dif-férents, représentant:
• un témoin, en utilisant des données d’in-ventaire pour une seule parcelle de400 ha;
• la coupe (l’élimination) de tous les indi-vidus de plus de 31 cm de diamètre àhauteur d’homme;
• la fragmentation pour obtenir le mêmeeffectif de population résiduelle (90 ar-bres à fleurs de plus de 20 cm de diamè-tre à hauteur d’homme) comme dans lescénario d’abattage, en réduisant la zoned’habitat forestier à 140 ha (35 pour centde sa taille originale).
La phénologie de la floraison, lesmouvements types des pollinisateurs et ladispersion des graines étaient identiques
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Analyse de scénarios pour aiderà l’élaboration de politiqueset de formes d’aménagementLe modèle Ecogène sera utilisé pour pré-voir la durabilité de scénarios de nouvel-les formes d’aménagement afin d’étayerles prises de décisions relatives à l’élabo-ration de politiques publiques concernantles ressources forestières. Parmi ses utili-sations possibles, il y a le contrôle:
• de l’utilisation de nouveaux critèrespour la sélection des arbres à exploi-ter;
• de l’impact de l’identification incor-recte des essences;
• de l’impact de différentes intensitésd’abattage;
• de l’impact de différentes répartitionsspatiales de l’abattage;
• de l’impact de différents plans decoupe à l’intérieur de l’unité de ges-tion;
• de l’impact de zones tampons le longdes rivières et de zones de réservepermanente;
• de l’impact de différentes échellesd’aménagement, des petites proprié-tés forestières communautaires auxvastes domaines et aux paysages;
• de l’impact de la fragmentation deszones forestières;
• de l’utilité de différents indicateursd’aménagement comme le pourcen-tage de capital forestier commercialconservé;
• de la vulnérabilité des essences à lapratique de la coupe et des contrôlesspécifiques possibles des essences.
Les résultats de ces tests peuvent servirà affiner la législation, les meilleures pra-tiques d’aménagement et le processus decertification. Tandis que l’utilisation dumodèle pour l’analyse des résultats desscénarios restera un travail de spécialiste,l’analyse de l’ensemble sera une démar-che collective. Les aménagistes, les com-munautés locales, et les autres entités oupersonnes intéressées par ces résultats par-ticiperont à l’élaboration des questions, àl’interprétation des informations et à la
formulation des propositions pour déter-miner les types de politiques ou d’aména-gement à appliquer en conséquence. Lamodélisation permettra de connaître lesimpacts d’utilisations alternatives des ter-res sur la diversité génétique des essen-ces, qui est un élément fondamental pourla préservation de la biodiversité végétale.Ce n’est, naturellement, qu’un des indica-teurs potentiels de la valeur de conserva-tion des forêts gérées, et il faudra peut-être d’autres indicateurs pour évaluerd’autres impacts importants de l’éco-système.
Faciliter l’adoption de nouvellespratiquesLa difficulté de modifier les routines defonctionnement est un obstacle courantquand il s’agit de changer les pratiquesd’aménagement ou de se plier à une nou-velle législation ou à une nouvelle politi-que. Cela s’applique en particulier lors-que les nouvelles procédures sont pluscomplexes que celles qui sont en vigueur
La base de donnéespour l’aménagement etla cartographie desforêts, Trema, est encours d’élaborationpour faciliter l’adoptionde pratiquesd’aménagementprivilégiant laconservation; ellescontient desinformations sur lescaractéristiques desessences clés et stockeles données concernantla population de laparcelle forestièreconcernée
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– comme ce serait le cas, par exemple, sil’on adoptait des plans d’exploitation fo-restière prenant en compte chaque essence,ses caractéristiques intrinsèques et lescaractéristiques de la population à gérer.Le projet Dendrogène appuie l’élabora-tion d’une base de données pour l’aména-gement et la cartographie des forêts,Trema, afin de faciliter l’adoption de nou-velles pratiques d’aménagement.
Parmi les fonctions de Trema, il est prévude faciliter le contrôle de la nomenclaturedes essences et de produire une liste de cesdernières, des cartes et des tableaux depeuplement, ainsi qu’il est requis pour laplanification et le contrôle de l’aménage-ment forestier. Cette base contient desinformations sur les caractéristiques desessences clefs, et stocke les données rela-tives à la population des espèces de laparcelle forestière concernée. Elle com-porte également des sous-programmesautomatisés permettant d’appliquer lescritères de sélection des arbres à abattre.Ces critères et leurs seuils peuvent êtreajustés pour tenir compte de recomman-dations liées à la modélisation de l’impactgénétique. Les critères économiques duchoix des arbres à abattre, comme les chan-ces actuelles d’écoulement sur les mar-chés et la présence de défauts, sont aussiintégrés, de sorte que la sélection finalerépond aux impératifs commerciaux.
On peut craindre, dans le secteur com-mercial, que l’application des critères deconservation génétique à la sélection desarbres à abattre ne menace la viabilité éco-nomique de l’aménagement. Dendrogènene cherche pas à poser des limites qui équi-vaudraient à ne définir l’aménagement ac-ceptable qu’en termes d’impact génétique,mais s’efforce bien plutôt de fournir desoutils d’analyse propres à aider les partiesprenantes à équilibrer leurs choix entreles valeurs économiques, sociales et éco-logiques. Les habitants locaux des forêtspeuvent aussi avoir une perception diffé-rente des valeurs de la biodiversité. Cesquestions seront étudiées grâce à une éva-luation collective de l’impact de la coupeeffectuée dans la zone d’investigation.
Le cadre conceptuel utilisé parDendrogène pourrait être appliqué àd’autres écosystèmes forestiers et d’autresrégions forestières. Les éléments de base,comme la collecte et l’exploitation des in-formations existantes, l’amélioration dela capacité d’identifier correctement lesessences, l’élaboration des logiciels d’ap-pui aux prises de décisions relatives à la
foresterie et celle de pratiques de politi-ques et d’aménagement fondées sur lesmeilleures preuves scientifiques dont ondispose, ajoutent de la valeur, indépen-damment du succès de la composantemodèle de simulation. Ce cadre pourraitfacilement être intégré aux programmesen cours de développement du secteurforestier.
REMARQUES EN MANIÈREDE CONCLUSIONLe projet Dendrogène met à profit des al-liances multidisciplinaires et multi-insti-tutionnelles. Il s’efforce de collecter de nou-velles données appropriées et d’appliquerles informations de la recherche actuelle àl’élaboration de nouveaux outils d’amé-nagement efficaces. Il apporte une aide pré-cise à l’identification des essences, à l’in-formation sur les processus écologiquesforestiers et la modélisation de la dynami-que forestière (y compris la génétique desessences forestières). Il sert de test expéri-mental de l’utilisation des modèles de si-mulation afin d’intégrer les processus gé-nétiques et écologiques, à une échelleadéquate, dans l’étude des impacts del’aménagement de la forêt tropicale sur lesprocessus génétiques. Ce projet met à con-tribution l’analyse des scénarios et des mé-thodologies participatives pour agir sur lespratiques de politique et d’aménagement.
Les auteurs croient que cette approchescientifique de l’évaluation des impactsde l’abattage sur les processus génétiquesdans les forêts tropicales de l’Amazonie,si elle n’élimine pas le facteur d’incerti-tude, aidera les aménagistes, les industrielset les décideurs à prendre de meilleuresdécisions et à se rapprocher d’un dévelop-pement durable des ressources forestièrestropicales. ◆
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Evaluation desécosystèmes endébut de millénaire
H. Simons
Les écosystèmes du monde – exploitations agricoles, forêts, herbages, fleuves et océans –
tendent à n’occuper qu’une place modeste dans la planification du développement. Pourtant
les écosystèmes sont le plus grand fournisseur d’eau du monde, la principale entreprise de
production alimentaire de la plupart des pays, la source d’énergie primordiale d’un tiers de
la population de la planète et l’ultime “dispositif de sécurité” pour un grand nombre des
individus les plus pauvres de l’univers. Mal aménagés, il peuvent causer des catastrophes
comme les maladies, les inondations et les glissements de terrain et mettre en danger les
moyens d’existence des populations locales. L’état des écosystèmes d’un pays n’est pas
moins important pour son développement que celui de ses systèmes éducatifs ou
économiques.
UNE ÉVALUATION INTÉGRÉE ET À MULTIPLES NIVEAUX
L’Evaluation des écosystèmes en début de millénaire, mise en œuvre depuis avril 2001, est
un processus de la durée de quatre ans qui a pour objectif de contribuer à l’amélioration de
la gestion des écosystèmes naturels et aménagés de la planète. Elle fournira aux décideurs
et au grand public des informations scientifiques importantes sur l’état des écosystèmes, les
conséquences attendues de leur évolution et un choix de solutions possibles. L’évaluation
est réalisée grâce à un partenariat d’organisations intergouvernementales et non
gouvernementales, y compris le Programme des Nations Unies pour l’environnement
(PNUE), la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
(UNESCO), le Centre international d’aménagement des ressources bioaquatiques (ICLARM)
et l’Institut mondial pour les ressources (WRI). Elle est dirigée par une commission
représentant les usagers de l’Evaluation des écosystèmes en début de millénaire.
L’évaluation fournira à un large éventail d’initiatives nationales et internationales une base
scientifique pour affronter les enjeux de l’environnement et du développement, et pour
montrer aux décideurs les liens qui unissent des domaines comme le climat, la biodiversité,
l’eau douce, les océans et les forêts. La Convention sur la diversité biologique, la Convention
de lutte contre la désertification des Nations Unires, la Convention de Ramsar relative aux
zones humides d’importance internationale, particulièrement comme habitats de la sauvagine
ont entériné son établissement en tant que processus d’évaluation conjointe visant à
satisfaire certains de leurs besoins d’information.
La plupart des décisions portant sur le développement des écosystèmes et l’amélioration
du bien-être humain étant prises aux niveaux national et communautaire, l’évaluation
incorporera un certain nombre d’évaluations connexes réalisées aux niveaux local, du bassin
versant, national et régional. A ce jour, des évaluations sous-mondiales ont été approuvées
pour la Norvège, la Chine occidentale, l’Afrique australe, l’Amérique centrale, l’Inde, la
Papouasie-Nouvelle-Guinée et la Suède.
LES ÉCOSYSTÈMES FORESTIERS ET LA BIODIVERSITÉ
La biodiversité est la caractéristique qui permet à de nombreux écosystèmes de fournir des
biens et services de manière durable (bien que des écosystèmes dominés ou formés par une
seule espèce peuvent aussi être aménagés durablement) et, en tant que telle, c’est l’un des
éléments clés de l’évaluation.
En ce qui concerne les écosystèmes forestiers, l’évaluation fournira un aperçu de la
superficie et des tendances actuelles des forêts et de leur évolution à l’aide des meilleures
informations disponibles (l’Evaluation des ressources forestières mondiales 2000 de la FAO
et d’autres sources). Elle examinera la façon dont les forêts sont modifiées et la mesure dans
laquelle ces modifications sont réversibles; les principales incertitudes ou lacunes dans les
connaissances actuelles; l’état et les tendances de la diversité biologique des forêts; et la
demande et l’offre de services procurés par les forêts comme le bois d’œuvre, le bois de feu,
les produits forestiers non ligneux, l’eau et le tourisme. En outre, l’évaluation passera en
revue les synergies, compromis et conflits qui se produisent dans la fourniture de ces
services. Enfin, les retombées de ces facteurs sur d’autres écosystèmes seront analysées.
L’évaluation identifiera ensuite les politiques et stratégies susceptibles de promouvoir
l’amélioration de la gestion des forêts, la meilleure conservation de leur biodiversité et,
simultanément, le bien-être humain. Ce processus comportera l’évaluation de stratégies
comme les approches intégrées de la conservation et du développement, l’aménagement
des aires protégées, l’aménagement des forêts à assise communautaire et les politiques
Henk Simons est écologiste etcollabore à l’Evaluation desécosystèmes en début de millénaire.Il travaille au Bureau pourl’évaluation de l’environnement,National Institute for Public Healthand the Environment (RIVM) (Pays-Bas).
Unasylva 209, Vol. 53, 2002
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d’ajustement structurel. Des scénarios plausibles seront dressés, décrivant les futures
options de l’offre et de la demande de services forestiers, leurs impacts sur la forêt et d’autres
écosystèmes et leurs répercussions sur le bien-être humain.
PROCESSUS ET ARRANGEMENTS INSTITUTIONNELS
L’Evaluation des écosystèmes en début de millénaire se réalise par l’intermédiaire de quatre
groupes de travail d’experts qui étudient les conditions et tendances, les scénarios, les
solutions possibles et les évaluations à l’échelle sous-mondiale. Chaque groupe de travail est
présidé conjointement par des scientifiques renommés issus de la communauté des sciences
naturelles et sociales et venus de pays industrialisés et en développement. Au cours de la
première année, le travail portera sur la mise au point d’un jeu homogène de méthodologies
permettant de réaliser l’évaluation à différents niveaux. Tous les résultats de l’évaluation
feront l’objet d’une révision approfondie. Des scientifiques, des organes du gouvernement,
des industriels et la société civile désigneront des réviseurs appartenant au monde entier.
L’évaluation sera étroitement coordonnée avec d’autres évaluations mondiales des
écosystèmes, y compris les Perspectives mondiales en matière d’environnement (PNUE),
l’Evaluation globale des eaux internationales, les travaux du Groupe intergouvernemental sur
l’évolution du climat et l’Evaluation des ressources forestières mondiales de la FAO. Bien que
l’évaluation inclura de nouvelles analyses, il ne s’agit pas d’un projet de recherche. Au
contraire, c’est un mécanisme qui permettra d’utiliser les résultats de la recherche et du suivi
pour satisfaire les besoins des décideurs. L’évaluation travaillera en contact étroit avec des
programmes de recherche comme le Programme international géosphère-biosphère, le
Programme international sur les dimensions humaines du changement planétaire, et avec
des initiatives de suivi, y compris le Réseau de recherches écologiques à longue échéance
et le Système mondial d’observation.
Les organisations suivantes fourniront à l’évaluation un appui administratif, logistique et
technique: le PNUE; le Centre international d’aménagement des ressources bioaquatiques
(ICLARM); le PNUE-Centre mondial de surveillance de la conservation; le Comité scientifique
chargé des problèmes de l’environnement (SCOPE) du Conseil international des unions
scientifiques (CIUS); le National Institute for Public Health and the Environment (RIVM),
Pays-Bas; l’Institute for Economic Growth (IEG); l’Institut mondial pour les ressources (WRI);
et le Meridian Institute. Pour ce processus de quatre ans, le budget de base de l’évaluation
sera compris entre 21 et 30 millions de dollars EU.
L’Evaluation des écosystèmes en début de millénaire produira une série de volumes édités
et de rapports techniques contenant les conclusions scientifiques des évaluations mondiales
et sous-mondiales. En outre, une série de résumés, à l’intention d’auditoires particuliers,
seront produits et des séances d’orientation et des ateliers seront organisés pour communiquer
les résultats aux usagers. Le grand public sera atteint par l’intermédiaire d’Internet. L’évaluation
établira de nouveaux réseaux d’experts, mettra au point et diffusera des méthodes, outils et
données et renforcera les compétences d’individus et d’institutions entreprenant des
évaluations intégrées des écosystèmes.
Pour plus d’informations, consulter le site web de l’Evaluation des écosystèmes en début
de millénaire à l’adresse suivante: www.millenniumassessment.org
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Les incendies de forêt et la diversité biologique
R. Nasi, R. Dennis, E. Meijaard, G. Applegate et P. Moore
Robert Nasi et Grahame Applegatetravaillent auprès du Centre pour larecherche forestière internationale(CIFOR), Bogor (Indonésie).Rona Dennis et Erik Meijaard sontconsultants du CIFOR.Peter Moore est coordonnateur duProjet de lutte contre les incendies enAsie du Sud-Est du Fonds mondialpour la nature (WWF) et de l’Unionmondiale pour la nature (UICN),Bogor (Indonésie).
Cet article est une adaptation dudocument préparé par les auteurspour le secrétariat de la Conventionsur la diversité biologique(Dennis et al., 2001).
Le feu est un élément fondamentalet naturel du fonctionnement denombreux écosystèmes forestiers.
Pendant des millénaires les être humainsont utilisé le feu comme outil de gestiondes terres. C’est l’une des forces natu-relles qui a influencé les communautésvégétales au fil des siècles et, commeprocessus naturel, il exerce une impor-tante fonction dans le maintien de la santéde certains écosystèmes. Cependant, de-puis la deuxième moitié du XXe siècle,en raison de changements survenus dansle rapport homme-feu et de la fréquenceaccrue du phénomène El Niño, les in-cendies constituent une grave menacepour de nombreuses forêts et pour labiodiversité qu’elles renferment. Lesforêts tropicales ombrophiles et les fo-rêts de brouillard, où les incendies pren-nent rarement de grandes proportions,ont été dévastées par le feu au cours desannées 80 et 90 (FAO, 2001).
Bien que l’impact écologique des incen-dies sur les écosystèmes forestiers ait étéévalué dans des biomes boréaux, tempé-rés et tropicaux, relativement très peud’attention a été accordée à l’impact desincendies sur la biodiversité des forêts,notamment dans les tropiques. C’est ainsique sur les 36 projets de lutte contre lesincendies, financés par des bailleurs defonds et entrepris entre 1983 et 1998 ouen cours en Indonésie, pays doté d’uneimmense diversité, un seul porte spécifi-quement sur l’incidence du feu sur labiodiversité.
EFFETS DU FEUSUR L’ÉCOSYSTÈMELes incendies de forêt influencent de nom-breuses façons la diversité biologique. Al’échelle mondiale, ils sont une impor-tante source d’émissions de carbone etcontribuent au réchauffement de la pla-nète, ce qui pourrait entraîner des chan-gements dans la biodiversité. Aux niveauxrégional et local, ils modifient le volume
de la biomasse, altèrent le cycle hydrolo-gique avec des retombées sur les systè-mes marins comme les récifs coralliens,et influencent le cycle de vie des végé-taux et des animaux. La fumée dégagéepar les forêts en flammes peut réduire defaçon notable l’activité photosynthétique(Davies et Unam, 1999) et comprometsouvent la santé des êtres humains et desanimaux.
L’une des pires conséquences écologi-ques du feu est la probabilité accrue quesurviennent de nouveaux incendies dansles années suivantes, à mesure que lesarbres morts s’effondrent, créant destrouées dans la forêt à travers lesquellesle soleil pénètre et dessèche la végéta-tion, et où les combustibles s’accumulentet les espèces vulnérables au feu, commeles graminées pyrophytes, prolifèrent. Lesfeux répétés sont destructifs car ils repré-sentent un facteur clé dans l’appauvrisse-ment de la diversité biologique des éco-systèmes de forêt ombrophile. Lesincendies sont souvent suivis par la colo-nisation et l’infestation d’insectes quiperturbent l’équilibre écologique.
Le remplacement de vastes espaces fo-restiers par des tapis de graminéespyrophytes est l’un des impacts écologi-ques les plus négatifs des incendies surles forêts tropicales ombrophiles. Cesprocessus ont déjà été observés dans cer-taines parties de l’Indonésie et de l’Ama-zonie (Turvey, 1994; Cochrane et al.,1999; Nepstad, Moreira et Alencar, 1999).Ce qui jadis était une dense forêtsempervirente devient une forêt appau-vrie, peuplée de rares espèces résistantesau feu et portant un couvert végétal forméd’adventices (Cochrane et al., 1999). Dansle nord du Queensland en Australie, il aété observé que, là où les pratiques demise à feu et les régimes du feu des abo-rigènes étaient contrôlés, la végétation dela forêt ombrophile a commencé à rem-placer les savanes boisées-herbeuses vul-nérables au feu (Stocker, 1981).
Le feu joue un rôle fondamentaldans le maintien de la santé decertains écosystèmes, mais enraison des changementsclimatiques et de l’utilisationpar l’homme (et le mauvaisusage) du feu, les incendies sontmaintenant une menace pour denombreuses forêts et leurbiodiversité.
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IMPACTS DES INCENDIES D’ORIGINEHUMAINE OU DES GRANDS FEUXDE FRICHES NATURELS SUR LADIVERSITÉ DES PLANTESLes feux de friches sont rares dans la plu-part des hautes forêts tropicalesombrophiles non perturbées et au cou-vert fermé en raison de l’humidité dumicroclimat et des combustibles, de lafaible vitesse des vents et de la fréquencedes précipitations. Cependant, les forêtsombrophiles peuvent devenir plus vulné-rables aux incendies pendant les séche-resses prolongées, comme on l’a vu pen-dant les années où sévissait le phénomèneEl Niño. Dans ces forêts, qui ne sont pasadaptées aux incendies, le feu peut tuerpratiquement toutes les plantules, lesbourgeons, les lianes et les jeunes arbresqui ne sont pas protégés par une écorceépaisse. Les dommages causés au maté-riel génétique et aux plantules retardentla régénération des espèces indigènes(Woods, 1989). Le niveau de régénéra-tion et le besoin d’interventions de récu-pération dépendent de l’intensité du brû-lage (Schindele, Thoma et Panzer, 1989).
Les forêts tropicales sont aussi sujet-tes aux incendies provoqués par l’hommelors des opérations de défrichage des ter-res agricoles. Les feux de déboisement,qui sont plus fréquents dans les forêtsperturbées, peuvent varier en intensitéet brûler des arbres sur pied, voire dé-truire entièrement la forêt et ne laisserque le sol dénudé.
Quelques doutes planent sur le bien-fondé de la coupe de récupération (l’enlè-vement du bois mort de forêts gravementbrûlées et surexploitées ou de forêts pri-
maires incendiées), utilisée comme outilde gestion et pour l’exploitation commer-ciale, à la suite d’incendies en Indonésieen 1997-1998, et qui nuirait à l’évolutionde la végétation (van Nieuwstadt, Sheil etKartawinata, 2001).
Bien que le feu soit un élément de per-turbation naturel fréquent dans les forêtsboréales, et que ces dernières se régénè-rent en général facilement par la suite,des incendies répétés d’une intensité éle-vée peuvent rompre cet équilibre. Aprèsles feux extrêmement graves qui ont éclatéen Fédération de Russie en 1998, plus de2 millions d’hectares de forêt ont perduleurs principales fonctions écologiquespendant une période de 50 à 100 ans(Shvidenko et Goldammer, 2001). Desfeux d’une très forte intensité ont eu unimpact négatif considérable sur la diver-sité des plantes. Les espèces méridiona-les, qui sont à l’extrémité septentrionalede leur aire de répartition géographique,sont particulièrement vulnérables. C’estainsi qu’à Primorsky Kray (Fédération deRussie), des feux d’origine humaine ontcontribué à réduire de façon draconienneles populations de 60 espèces de plantesvasculaires, de 10 champignons, de huitlichens et de six espèces de mousses aucours des deux ou trois dernières décen-nies (Shvidenko et Goldammer, 2001).
RÉGIMES DE FEU NATURELS ETESPÈCES VÉGÉTALES ADAPTÉESAU FEUDans les forêts tropicales où, à chaquesaison sèche, éclatent des incendies (fo-rêts de savane, forêts de mousson et fo-rêts de pins tropicales), les espèces fores-
tières présentent des capacités adaptati-ves comme l’épaississement de l’écorce,l’aptitude à cicatriser les brûlures, la ca-pacité de repousser et, pour les graines,de survivre. L’importance écologique deces feux annuels sur les formations fores-tières est énorme. Le feu stimule forte-ment les espèces résistantes qui rempla-cent celles présentes dans des milieux nonperturbés.
Dans de nombreuses forêts tempérées,les feux représentent une perturbation na-turelle et importante, comme on peut l’ob-server chez certaines plantes qui s’adap-tent en formant une écorce épaisse leurpermettant de tolérer des feux périodiquesde faible intensité, alors que d’autres es-pèces associées moins bien adaptées pé-rissent. Certaines espèces arborées enAmérique du Nord, notamment le pin grisd’Amérique (Pinus banksiana) et le pinde Californie (Pinus contorta), portent descônes sérotineux (à ouverture retardée).Lorsqu’ils sont fermés, ces cônes repré-sentent dans le couvert un réservoir degraines viable qui reste protégé tant que lefeu n’a pas attaqué l’arbre. Après l’incen-die, les écailles des cônes s’écartent, libé-rant les graines qui tombent sur un lit decendres fraîchement préparé. Après avoirbrûlé, de nombreuses espèces végétalessont capables de rejeter soit de la souche,soit du tronc (Agee, 1993). Eucalyptusregnans, un eucalyptus des régions tem-pérées d’Australie, exige aussi un site pourse consumer entièrement et un ensoleille-ment abondant pour bien se régénérer(UICN/WWF, 2000). L’inflammabilité dela forêt est très élevée dans le bassin mé-diterranéen, et la plupart des communau-
L’utilisation croissantedu feu pour le
défrichement des terresagricoles dans les
forêts tropicaleshumides constitue
désormais une gravemenace pour la
biodiversité – commeici en Amazonie
brésilienne
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tés végétales sont sensibles au feu. Quercusilex résiste aux feux modestes et ses forêtsrécupèrent sans changements notablesdans la flore ou la structure (Trabaud etLepart, 1980). Si le feu n’est ni fréquent niintense, les forêts claires de chêne-liège(Quercus suber) peuvent subsister.
Les incendies, souvent d’une grandeintensité, sont le principal mécanismenaturel de perturbation dans les forêtsboréales. La périodicité des incendies(le temps moyen qui s’écoule entre deuxincendies éclatant au même endroit dansun écosystème) dans les forêts naturel-les varie énormément et peut aller de 40ans (dans certains écosystèmes à pin grisd’Amérique [Pinus banksiana] dans leCanada central) à 300 ans en fonctiondes modèles climatiques (van Wagner,1978). En Suède, il a été estimé qu’en-viron 1 pour cent des terres forestièresavait brûlé chaque année avant la sup-pression systématique des feux impo-sée à la fin du XIXe siècle (Zackrisson,1977). La plupart des conifères boréauxet des arbres feuillus décidus présententun taux élevé de mortalité même en pré-sence de feux d’une intensité limitée en
raison de la structure de leur cime, deleur faible humidité foliaire et de laminceur de leur écorce (Johnson, 1992).Quelques pins nord-américains (Pinusbanksiana, P. resinosa, P. monticola) eteuropéens (P. sylvestris) ont une écorceplus épaisse et normalement une plusgrande base et hauteur de la cime, et lesvieux arbres de haute taille peuvent sur-vivre à plusieurs incendies. Le régimede perturbation du feu crée des modèlesd’évolution qui déterminent la mosaï-que des classes d’âge et des communau-tés. Il existe des refuges dans certainesparties de la forêt, sur des sites bénéfi-ciant d’une humidité locale, que le feupeut épargner pendant plusieurs centai-nes d’années. Ces refuges revêtent uneimportance cruciale pour l’écosystèmeforestier dans les zones boréales car ungrand nombre d’espèces ne peuventsurvivre qu’en ces lieux, et ils fournis-sent ainsi une source de semences ser-vant à coloniser à nouveau les zonesbrûlées (Ohlson et al., 1997).
Dans la taïga et la toundra arborées na-turelles et clairsemées du nord, notam-ment sur les sites à permafrost, les incen-
dies superficiels apparaissant à des inter-valles de 80 à 100 ans représentent unmécanisme naturel qui empêche la forêtde se transformer en brousse ou herbage(Shvidenko et Goldammer, 2001).
EFFETS DU FEU SUR LA FAUNEFORESTIÈREDans les forêts où le feu ne constitue pasune perturbation naturelle, il peut avoir deseffets dévastateurs sur les vertébrés et in-vertébrés vivant dans la forêt – non seule-ment en provoquant directement leur mort,mais aussi par des effets indirects à pluslong terme comme le stress et la perte d’ha-bitat, de territoire, d’abri et d’aliments. Laperte d’organismes clés dans les écosystè-mes forestiers, comme les invertébrés, lespollinisateurs et les décomposeurs, peutralentir considérablement la régénérationde la forêt (Boer, 1989).
D’après des estimations sur les incen-dies de 1998 fournies par la Fédération deRussie, les mammifères et les poissonsont été gravement atteints. La mortalitédes écureuils et des belettes, évaluée im-médiatement après les feux, était com-prise entre 70 à 80 pour cent; celle des
Le feu est un élémentvital du fonctionnementde nombreuxécosystèmes forestiers;certaines espèces serégénèrent après le feu –comme ces Eucalyptussp.qui rebourgeonnentaprès un feu naturel auSénégal
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sangliers entre 15 et 25 pour cent; et celledes rongeurs atteignait 90 pour cent(Shvidenko et Goldammer, 2001).
Perte d’habitat, de territoire et d’abriLa destruction des arbres creux sur piedet des troncs abattus a des effets préjudi-ciables sur la plupart des petits mammifè-res (tarsiers, chauves-souris et lémuriens)et des oiseaux qui nichent dans les cavitésdes arbres (Kinnaird et O’Brien, 1998).Le feu peut déterminer le déplacementd’oiseaux et de mammifères propres à unterritoire, bouleversant l’équilibre localet entraînant la perte de faune sauvagepuisque les individus déplacés n’ont nullepart où aller. Les graves incendies de 1998en Fédération de Russie ont fait hausserla température de l’eau et les niveaux d’an-hydride carbonique dans les lacs et lescours d’eau, ce qui a eu une incidencenégative sur la reproduction du saumon(Shvidenko et Goldammer, 2001). Dansles zones où les grands incendies sontfréquents, la préservation d’une série demicrohabitats peut favoriser considéra-blement la conservation de la biodiversité(Andrew, Rodgerson et York, 2000).
Perte d’alimentsLa perte d’arbres à fruits détermine ladiminution des oiseaux et des animauxqui s’en nourrissent; ce phénomène estparticulièrement prononcé dans les forêtstropicales. Quelques mois après les incen-dies de 1982-1983, qui ont éclaté dans leparc national de Kutai, dans le Kaliman-tan oriental, les populations d’oiseaux quise nourrissent de fruits, comme les calaos,ont diminué de façon draconienne, et seulsles oiseaux insectivores comme les picsétaient répandus en raison de l’abondancedes insectes mangeurs de bois.
Les forêts brûlées perdent leurs petitsmammifères, oiseaux et reptiles, et lescarnivores tendent à éviter les zones in-cendiées. La baisse de densité des petitsmammifères comme les rongeurs peutavoir des effets nocifs sur les disponibili-tés alimentaires des petits carnivores.
Le feu détruit aussi la litière de feuilleset la communauté d’arthropodes qui luiest associée, réduisant ultérieurementl’approvisionnement en aliments pour lesomnivores et les carnivores (Kinnaird etO’Brien, 1998).
Faune adaptée au feuLes espèces animales ne souffrent pastoutes du feu. C’est ainsi que certains
coléoptères des savanes australiennes fontpreuve d’une remarquable résistance auxincendies, bien que ces derniers affectentl’abondance, les espèces et la richesse desfamilles (Orgeas et Andersen, 2001).
Dans la région méditerranéenne expo-sée aux incendies, le régime actuel du feua probablement contribué à maintenir auPortugal la diversité des oiseaux au ni-veau du paysage (Moreira et al., 2001).En Israël, dans certaines zones, la fauneétait la plus abondante durant les deux àquatre ans qui ont suivi un incendie, s’ap-pauvrissant par la suite progressivement(Kutiel, 1997).
Le feu peut avoir des effets favorablessur les populations de faune sauvage dansles forêts boréales, où il est un importantmécanisme de perturbation naturelle. EnAmérique du Nord, bien que l’orignal soitparfois victime des incendies, le feu ac-croît normalement son habitat en créantet maintenant des communautés sériales,et il est considéré bénéfique pour ses po-pulations (MacCracken et Viereck, 1990).Il est estimé que les effets favorables dufeu sur l’habitat de cet animal durentmoins de 50 ans, la densité des orignauxatteignant son faîte de 20 à 25 ans aprèsl’incendie (LeResche et Coady, 1974).
Le feu a contribué à réduire les popula-tions de loups (Canis lupus) au Minne-sota (Etats-Unis) en diminuant le nombrede ses proies – y compris le castor (Cas-tor canadiensis), l’orignal et le cerf, es-pèces dépendantes du feu qui ont besoindes communautés végétales qui résistentaux incendies fréquents (Kramp, Pattonet Brady, 1983).
EFFETS DE LA SUPPRESSIONDU RÉGIME NATUREL DU FEULes forêts tempérées des Etats-Unis etd’Australie, où le feu a été délibérémentsupprimé, connaissent à l’heure actuelledes incendies ravageurs dus à l’accumu-lation anormale de combustible. La sup-pression délibérée du feu par l’hommepeut également avoir des effets nuisi-bles directs sur les espèces. Dans lesforêts où le feu fait naturellement partiedu système, les espèces végétales etanimales se sont adaptées à ce régimenaturel et tirent parti des séquelles d’unincendie.
En Amérique du Nord, la suppressiondu feu dans certaines zones a déterminé labaisse du nombre d’ours gris, Ursus arctoshorribilis (Contreras et Evans, 1986). Lesfeux stimulent et maintiennent de nom-breux arbustes importants producteurs debaies lesquels, non seulement fournissentune alimentation importante aux ours,mais aussi assurent un habitat aux insec-tes et, dans certains cas, abritent les cha-rognes. Les feux de 1998 dans le Parcnational de Yellowstone a accru la dispo-nibilité de certains aliments pour les oursgris, notamment les carcasses d’élans(Blanchard et Knight, 1990).
Dans les forêts boréales, l’exclusion dufeu encourage l’accumulation de matiè-res organiques qui empêchent la fonte del’horizon superficiel du sol pendant leprintemps et l’été, et approfondit le per-mafrost l’hiver, ce qui détermine un ap-pauvrissement des forêts, un recul de laproductivité et la conversion des forêts enmarécages.
La plupart descommunautésvégétales dans lebassin méditerranéensont vulnérables au feu;si le feu n’est ni intenseni fréquent, le chêne-liège (Quercus suber)(comme ici au Maroc)peut survivre
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La conservation communautaire de la biodiversitédes forêts denses en Afrique de l’Est est-elle viable?
W.A. Rodgers, R. Nabanyumya, E. Mupada et L. Persha
Les auteurs font partie du projet“Réduire la perte de biodiversité dansles sites transfrontaliers d’Afrique del’Est” – W.A. Rodgers et L. Persha àArusha (République-Unie deTanzanie), et R. Nabanyumya etE. Mupada à Kampala (Ouganda).
La biodiversité peut être définie entermes utilitaires comme le sou-tien de la base de ressource variée
qui permet aux économies des ménageset des pays d’une grande partie du con-tinent africain de réagir. La gestion deces ressources – qui procurent de la nour-riture, un abri, de l’énergie et des reve-nus – implique la conservation de leurdiversité à divers niveaux, tout en per-mettant à leurs processus évolutifs etécologiques de se perpétuer. Conserverla biodiversité des forêts équivaut à sau-vegarder les conditions écologiquesadaptées au couvert forestier. La ges-tion des forêts pour la biodiversité estcompatible avec la gestion pour le cap-tage de l’eau et, si elle est bien plani-fiée, pour la production de toute unegamme de produits.
Si les communautés locales reconnais-sent de quelle façon elles peuvent tireravantage des produits et services offertspar les forêts, elles seront motivées pourmodifier leurs pratiques d’utilisation desressources et des terres et investir dutemps et des efforts dans les activités deconservation des forêts. Les auteurs sug-gèrent que si l'on offre aux communau-tés un environnement propice et desavantages, elles sont à même de gérerles forêts et les ressources boisées pourleur biodiversité.
Cet article examine la gestion commu-nautaire ou participative (“cogestion”) desforêts denses pour leurs valeurs debiodiversité. Il décrit plusieurs processusde conservation faisant intervenir diffé-rentes mesures d’incitation qui ont été tes-tées dans le projet “Réduire la perte debiodiversité dans les sites transfrontaliersde l’Afrique de l’Est”, financé par le Fondspour l’environnement mondial (FEM) parle biais du Programme des Nations uniespour le développement (PNUD), et mis enœuvre par la FAO et les Gouvernementsdu Kenya, de l’Ouganda et de la Républi-que-Unie de Tanzanie. L’article amplifiele débat en cours sur le mécanisme et l’im-pact de la gestion participative des res-sources forestières en Afrique orientale.
RAPPEL HISTORIQUE:LES COMMUNAUTÉS ETLA CONSERVATION DES FORÊTSEN AFRIQUEL’histoire des interactions communautés-forêts depuis l’âge du fer en Afrique peutêtre divisée en trois périodes (Rodgers,1993; Wily et Mbaya, 2001):
• l’occupation précoloniale, lorsque leshabitants étaient libres de convertiret d’utiliser les terres boisées;
• les périodes coloniale et postcolonialequi excluaient les populations desforêts denses;
Les communautés ont besoin demesures d’incitation pourconserver la biodiversité –quelques exemples du projetFEM-PNUD-FAO “Réduire laperte de biodiversité dans lessites transfrontaliers en Afriquede l’Est”.
Le feu et le défrichementpour faire place àl’agriculture mettent enjeu les cultures sur penteraide qui confinent avecla Réserve forestière deChome en République-Unie de Tanzanie. Leprojet de biodiversitétransfrontalière atravaillé avec lesvillageois pour défricherchaque année la lisièrede la forêt afind’empêcher les feux depréparation des terres dese propager dans la forêt
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• la récente période de l’évolution dela conservation prévoyant des for-mes de gestion communautaire.
Avant la colonisation, les gens utili-saient clairement les ressources fores-tières comme le montre le fort recul ducouvert forestier en Afrique de l’Est àmesure que l’âge de fer prenait pied dunord-ouest (Hamilton, 1984). On atrouvé des témoignages de conservationdes ressources naturelles; les ressour-ces limitées, comme les sources d’eauet les pâturages de la saison sèche,étaient gérées grâce à des règles, desrèglements et des sanctions communau-taires. Les forêts étaient également con-servées, mais avant tout pour une valeurautre que les ressources qu’elles renfer-maient: elles servaient de refuge, etassumaient souvent des vocations reli-gieuses. Les Wa-jikenda des forêtscôtières du Kenya, par exemple, proté-geaient les kayas (parcelles forestières),pour motifs religieux.
La période coloniale a été caractériséepar une scission délibérée des commu-nautés de l’utilisation juridique ou del’accès aux forêts denses, car l’autoritécoloniale réservait les forêts pour la four-niture d’eau et de bois d’œuvre pourl’Etat (Rodgers, 1993; Newmark, 2002).Une grande partie du domaine forestierd’Afrique de l’Est était classée avant laPremière Guerre mondiale. Après l’in-dépendance, la plupart des gouverne-ments n’ont pas interrompu les prati-ques coloniales, fermant plus de forêtset excluant des populations plus nom-breuses. Mais petit à petit, les institu-tions forestières publiques ont perduleurs financements et la capacité deconservation, ce qui s’est traduit par unerapide dégradation de la forêt.
Plus récemment, des changements sontintervenus dans la foresterie en Afriquede l’Est, comme ailleurs sous les tropi-ques, avec l’apparition d’une gestioncommunautaire des forêts (gestion con-
duite par les communautés, générale-ment sur des terres collectives) et co-gestion forestière (où les droits de pro-priété et de gestion sont détenus encommun par les communautés et l’Etat).Cette évolution dans les politiques degestion a démarré lentement en Afriquede l’Est, et s’inspirait beaucoup de l’ex-périence indienne. L’acceptation duconcept a été lente mais, comme ailleurs,l’échec de plus en plus évident de laforesterie gouvernementale ne dispo-sant pas de fonds suffisants a donné unecrédibilité à d’autres solutions – essen-tiellement pour la gestion des forêts etdes terres boisées de valeur localisée.
Les forêts ont perdu leur valeur debiodiversité au cours du dernier sièclede gestion, essentiellement sous lecontrôle du gouvernement (Burgess etClarke, 2000; Hamilton, 1984; Hamiltonet Bensted-Smith, 1990; Howard, 1991;Lovett et Wasser, 1993; Newmark,2002). Au début, la perte était délibéréecar le domaine forestier était géré pourla production de bois d’œuvre et quel-ques essences de valeur étaient favori-sées. La coupe sélective servait à élimi-ner les plantes grimpantes, les figuierset ce que l’on appelait “les arbres indé-sirables”. Comme on considérait que lesforêts naturelles avaient des rythmeslents de recrû des arbres de haute futaie,certaines furent remplacées par des plan-tations de bois résineux exotiques.
LES COMMUNAUTÉS LOCALESDEVRAIENT-ELLES GÉRER LESFORÊTS À LA BIODIVERSITÉÉLEVÉE?Une grande partie de l’expérience del’Afrique de l’Est en matière de co-gestion a été acquise avec des forêts quioffrent des biens et des services à valeuressentiellement locale. Il s’agit souventde forêts claires résistantes plutôt que deforêts sempervirentes denses. Un exem-ple est la gestion villageoise conjuguantl’utilisation soutenue des ressources demiombo (Brachystegia spp.) et des me-sures de réduction de la dégradation enRépublique-Unie de Tanzanie – princi-palement par le maintien de l’ordre et lalutte contre les incendies (Wily, 1996).
Le débat sur la cogestion des forêts com-porte la question fondamentale de savoirsi les protocoles de cogestion mis au pointpour ces boisements peuvent être appli-qués aux forêts de grande complexité bio-logique qui revêtent une importance mon-diale et nationale pour la conservation del’eau et de la biodiversité. Ce débat s’estfait jour dans la première moitié des an-nées 90, avec l’examen de la participa-tion des communautés dans l’aménage-ment des forêts du Parc national deBwindi en Ouganda (Cunningham, 1996;Wild et Mutebi, 1996) et des forêts den-ses de l’Arc oriental en Tanzanie (Rodgerset Aloo, 1996) – un patchwork de forêtsmorcelées dans 11 blocs de montagne,
Buts potentiellement divergents pour l’aménagement des forêts et leursparamètres de succès
Buts Paramètres de succès pour ces buts
Conservation des espèces Maintien des services de l’écosystèmeMoyens d’existence
Pas de baisse systématique des populations Maintien de la productivité principale et du cycle dessubstances nutritivesMaintien des typologies paysagèresMaintien de la capacité des bassins versants
Populations non menacées d’extinction Maintien de la disponibilité des ressourcesRéduction de la pauvreté et accroissement du revenupar habitantParticipation accrue des populations locales à lagouvernance
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reconnus comme un des 25 “pointschauds” de biodiversité du globe (Myerset al., 2000), c’est-à-dire des zones ren-fermant une forte concentration de diver-sité. Le débat n’est toujours pas clos; tan-dis que les protocoles du miombo sontinclus dans les codes nationaux de“meilleures pratiques” en République-Unie de Tanzanie (Gouvernement tanza-nien, 2001), de nombreux responsablesforestiers nationaux s’opposent à leurapplication pour les forêts denses desmontagnes de l’Arc oriental.
L’opposition se fonde sur les postulatssuivants:
• que les principaux buts des groupeslocaux axés sur la demanded’utilisation locale des ressources(voir tableau) sont incompatiblesavec la nécessité de conserver desmécanismes écologiques pour lesparties prenantes aux niveauxnational et mondial;
• qu’une bonne cogestion nécessite untransfert plus important de droitsd’accès et de propriété auxcommunautés, et qu’un transfert plusrigoureux et partiel n’offre pasd’avantages suffisants aux villageoispour qu’ils modifient leurs pratiquesd’utilisation;
• que la gestion forestière pour lesfonctions de bassins versants et/oude conservation de la biodiversitérequiert davantage de compétencestechniques et d’apports que la simple“protection” de forêts clairesrésistantes.
Toutefois, exclure les communautés duprocessus de conservation serait vraisem-blablement voué à l’échec. Il faut parve-nir à des solutions de compromis.
L’expérience suggère que la cogestionpeut être efficace s’il existe des mesuressuffisantes incitant les communautés àinvestir dans la conservation dans un ca-dre acceptable aux responsables politi-ques. En termes de durabilité, l’appui
d’un projet à court terme n’a pas unegrande utilité dans la modification desmécanismes d’utilisation des ressources;la mise au point d’incitations économi-ques aura un impact plus durable (DGIS/WWF, 2001).
L’expérience de 10 années de gestionconjointe des forêts en Inde a montré lacomplexité de la gestion polyvalente desforêts rassemblant de multiples essen-ces. Fixer des objectifs de rendementsoutenu et viser des objectifs de régéné-ration de produits multiples demandeune formation plus poussée du person-nel de terrain, de nouvelles rechercheset de nouvelles directives sylvicoles. Lescommunautés ont voulu gérer leurs fo-rêts pour une variété de produits – nonseulement le bois d’œuvre traditionnel,les perches et les produits du bois defeu, mais aussi les pâturages, les fruits,les médicaments, les champignons, lesfibres, les gommes, etc. – mais il leurmanquait les techniques et la cohésionsociale pour convenir d’apports de ges-tion (Poffenberger, 1990).
ÉTUDES DE CAS SUR LACONSERVATION COMMUNAUTAIREDE LA BIODIVERSITÉLa section suivante décrit des program-mes de conservation faisant intervenirdifférentes mesures d’encouragement,du projet PNUD-FEM-FAO “Réduire laperte de biodiversité dans les sitestransfrontaliers en Afrique de l’Est”. Leprojet repose sur quatre zones d’écosys-tèmes transfrontaliers de forêts denses(voir carte). Les forêts revêtent une im-portance mondiale (biodiversité), natio-nale (eau, bois d’œuvre et biodiversité)et locale (ressources ligneuses et non li-gneuses pour les moyens d’existence),mais sont menacées du fait de la capa-cité réduite de réglementation des insti-tutions, de la surexploitation des ressour-ces et du défrichement. La philosophiedu projet est de travailler à tous les ni-veaux décisionnels d’utilisation des res-sources, du ménage (sensibilisation,autres solutions) au village (arrêtés, pres-sion des pairs, marchés), au district (di-rectives d’utilisation des terres, pro-
Les quatre sitestransfrontaliers du projet“Réduire la perte debiodiversité dans lessites transfrontaliersd’Afrique de l’Est”
Districtde Karamoja
KENYA
OUGANDA
RÉPUBLIQUE-UNIEDE TANZANIE
Districtde Rakai
Districtde Turkana
Districtde Kajiado
District deTaita-Taveta
Districtde Monduli
Districtde Same
Districtde Bukoba
Unasylva 209, Vol. 53, 2002
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grammes de financement) et à l’échelonnational (politiques et législation).
Les activités centrales du projet sont lamise au point de plans de gestion partici-pative et la promotion d’une cogestionpar le gouvernement et les communautéspour conserver les ressources forestièreset les utiliser dans une optique durable.Les populations sont considérées commeune partie intégrante de la solution auproblème. Etant donné que les problèmes,les intérêts et les solutions potentiellesdiffèrent d’un site à l’autre, les solutionsdoivent être propres au site, même si l’onpeut utiliser des cadres de base pour orien-ter les actions dans l’ensemble des sites.
Gestion traditionnelle des ressourcesnaturelles par la communauté Ik,Karamoja, OugandaKaramoja, situé au nord-est de l’Ouganda,est essentiellement plat avec des sommetsboisés s’élevant jusqu’à 2 500 m. Lesprécipitations sont faibles et irrégulièreset, dans certaines zones, elles atteignentmoins de 400 mm par an. Une grandepartie du Karamoja est recouverte de prai-ries et de brousse/boisements dégradés parde nombreuses années de pacage. Lesrécents établissements sur les flancs de lamontagne ont un impact tant sur la forêtque sur les ressources en pâturage.
Les principaux groupes ethniques duKaramoja sont les Karimojong, lesTepeth, les Dodoth, les Pokot et les Ik.Les Ik sont pratiquement confinés dansles forêts de montagne Timu du nord deKaramoja. Ils sont tributaires de la diver-sité des espèces que l’on trouve dans lesécosystèmes forestiers pour satisfaireleurs exigences de base comme la nour-riture, le bois de feu, les médicaments, laviande, le miel et l’eau. A la fin des an-nées 90, certains membres du peuple Ikse sont déplacés dans la forêt plus recu-lée Morungole pour échapper aux fré-quents pillages de bétail entre les com-munautés voisines Dodoth et Turkana.
Les Ik sont parmi les groupes ethniquesles moins avancés du point de vuesocioéconomique en Ouganda, avec untaux d’alphabétisme de 29 pour cent. Ilsn’ont ni bétail ni fusils. Les Ik pratiquentl’agriculture dans de petites enclaves dela forêt depuis plusieurs générations. Leursmoyens d’existence tirés de l’agriculturesont fragiles en raison des sécheressesrécurrentes et des raids des groupes voi-sins. Ils complètent leur production agri-cole par la chasse du gibier, la cueillette
des fruits et du miel. Chaque famille Ik aau moins une ruche. Une partie du miel estvendue dans les marchés voisins.
Les Ik sont une communauté organiséequi a un fort esprit de groupe. Dans unexercice de planification forestière parti-cipative effectué dans le cadre du projet debiodiversité transfrontalière, les Ik ont faitpreuve de grandes connaissances sur lesressources forestières et la gestion de cesressources. Ils ont établi des directives pourles régimes de feux, la coupe des arbres etla récolte des graminées. Ils ont expriméleur dépendance à l’égard de la forêt parrapport à quatre exigences principales:sécurité, terres agricoles, eau et revenus.Ils ont également identifié les autres va-leurs dérivées de la forêt comme suit:
• aliments végétaux (feuilles,tubercules, fruits);
• miel, termites et viande de brousse;• bois d’œuvre, de feu et pour la création
de revenus;• lieu de culte;• gommes, résines et fibres;• herbes et médicaments;• chaume pour la couverture des toits;• pâturages pour le bétail.
Tout en appréciant les valeurs de la fo-rêt, les Ik ont également reconnu la né-cessité d’atténuer les dangers, comme:
• le défrichement pour les terresagricoles;
• la coupe excessive d’arbres pour laconstruction et les clôtures;
• le surpâturage;• les feux de brousse incontrôlés;• la coupe d’arbres pour la récolte du
miel;• l’usage abusif portant à la perte des
sources d’eau.Les pratiques des Ik ne perturbent géné-
ralement pas la forêt. Ils ne coupent pasles grands arbres, préférant tailler les bran-ches. S’ils ont besoin de cueillir des fruitsou du miel, ils grimpent sur les arbres, aucontraire d’autres groupes de Karimojaqui ont des pratiques plus destructrices.Les Ik ne brûlent pas le charbon de bois etn’allument pas de feux de forêt car ilsutilisent la forêt pour stocker les céréales,exploiter les ruches et comme refuge encas d’insécurité.
Les Ik savent que les forêts qu’ils utili-sent sont officiellement des zones proté-gées depuis les années 40. Si la législa-tion forestière a été en vigueur pendantdes décennies autour de Timu etMorungole, le Département des forêts n’aguère été présent depuis la démarcation
originale de l’aire protégée par le gouver-nement colonial. Néanmoins, compte tenude la valeur que les Ik attachent à la forêt,les forêts sont demeurées quasiment in-tactes, contrairement aux forêts deKaramoja comme Moroto, où le couvertforestier a été dégradé par des feux, unusage abusif et un grave défrichementpour faire place à l’agriculture.
La hiérarchie du pouvoir garantit quechacun respecte des règles sociales d’amé-nagement forestier. L’interdiction des feuxest une loi traditionnelle assortie de sanc-tions. Aucun incendie n’a été déclenchépar un membre du groupe. Les Ik se pré-occupent des feux allumés à Timu par lesenvahisseurs Turkana et Dodoth, qui dé-truisent leurs moyens d’existence.
Les Ik ont une responsabilité collectivepour l’accès et l’utilisation des ressour-ces. Il n’existe pas de système de permis.Les communautés sont organisées au seind’établissements, chacun ayant un accèsaux ressources de la forêt adjacente. Ilspeuvent également accéder à des ressour-ces éloignées, mais en raison du péril d’at-taques par d’autres groupes ethniques, ilsle font rarement. Comme ils ont tout inté-rêt à conserver les ressources à proximitéde leurs habitations, ils s’efforcent de cau-ser le moins de dégâts possibles en ramas-sant le bois et les produits non ligneux.
L’idée de participer aux interventions etaux partenariats externes comme le projetde biodiversité transfrontalier enthou-siasme les Ik. Les communautés localesont tracé et dégagé les bordures de la Ré-serve forestière Timu avec un minimumd’apports du projet. Chaque établissementa pris possession des portions de lisière lesplus proches. Les membres de la commu-nauté s’occupent des arbres témoins plan-tés par le projet le long de la frontière, lesarrosent et les couvrent de paillis durant lasaison sèche. Le projet, bénéficiant defonds supplémentaires du PNUD, a fournides éoliennes en bordure de la réserve pourpomper l’eau de nouveaux puits, car les Ikdevaient souvent parcourir des kilomètrespour aller chercher de l’eau. Cette mesuredevrait enclencher d’autres contrats so-ciaux pour la conservation des forêts, ycompris la prévention des feux et les si-gnalements d’utilisation illicite.
L’utilisation de l’eau pour inciter à laconservation des forêtsBeaucoup des sites forestiers de fron-tière sont arides ou souffrent de saisonssèches prolongées. Les bassins versants
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forestiers sont importants pour l’alimen-tation en eau des villages locaux etd’autres communautés et assurent lasubsistance de tout un éventail de com-munautés biologiques, aussi l’eau est-elle une ressource fondamentale. La lo-gique du projet repose sur l’élaborationde contrats sociaux avec les villageois(Gouvernement tanzanien, 2001), énon-çant les droits et les responsabilités decogestion des zones boisées, partant duprincipe qu’il y a tout intérêt à ce queles fonctions de bassin versant se per-pétuent pour maintenir les conditionsde vie. Le bassin versant définit le do-maine global d’intérêt de la commu-nauté, au sein duquel des règles d’utili-sation des ressources sont convenues etinclues dans le contrat social. L’utilisa-tion va de l’écotourisme (montShengena dans la forêt de Chome enRépublique-Unie de Tanzanie, lescollines Taita et le mont Namanga auKenya) aux pâturages de montagne(Karamoja et Turkana), à la cueillettede produits (produits médicinaux, boisde feu, poteaux, chaume et fibre).
Les contrats conclus avec les villagessont insérés dans le cadre plus étendu d’unPlan d’aménagement participatif des fo-rêts. Ce plan remodèlera une partie desgrandes forêts comme les Réserves natu-relles forestières. Il prévoit l’écotourisme,mais exclut l’extraction des ressources;les droits d’accès dans d’autres zones dela forêt peuvent comprendre une extrac-tion sélective des ressources. Un soutienadditionnel au processus de conservationvient de la philosophie de conservation etde développement intégrés du projet (voirencadré). Le plan d’aménagement estélargi pour inclure d’autres stratégiesd’utilisation des ressources, par exemplela promotion de fourneaux économes encombustible et de bosquets familiaux pourréduire l’utilisation du bois de feu, et lapromotion de la production à la ferme deperches et d’arbres de haute futaie (cettedernière activité est envisagée dans uneperspective de plus longue haleine). Leplan affrontera également la nécessitéd’autres stratégies rémunératrices.
Perspectives du bois d’œuvre àlong terme – les forêts des marais deMinziro-Sango BayMinziro-Sango Bay est un système demarais à cheval sur la frontière entre laTanzanie et l’Ouganda, constitué degrandes prairies de plaine alluviale en-
tourant des peuplements forestierssempervirents. La bordure de la forêtest victime des effets des feux annuelsd’herbages. Un des thèmes les plus com-plexes liés à la cogestion de ces zonesboisées est l’accès au bois d’œuvre devaleur commerciale. Les revenus mo-nétaires sont une priorité pour de nom-breuses communautés des forêts recu-lées, et le bois d’œuvre pourrait satisfairecette exigence. Toutefois, le Gouverne-ment tanzanien a interdit toute exploi-tation commerciale dans toutes les fo-rêts de montagne, il y a une quinzained’années (Tanzania Forest ConservationGroup, 2001). Inscrire l’exploitation du-rable dans les contrats de village n’estpas un choix juridique. L’exploitationlimitée est autorisée pour le développe-ment communautaire, mais pas suffi-samment pour procurer des revenusmonétaires ou des emplois véritables.Le problème est comment équilibrer laconservation communautaire de l’eau etles impératifs des forêts sacrées avec lademande individuelle de bois d’œuvre.
A Minziro et Sango Bay, l’exploitationcommerciale intensive du passé, sans cri-tères de gestion, a détruit complètementune population de podo (Podocarpus
spp.). Aujourd’hui, il n’y a pas d’arbresde taille commercialisable. Toutefois,une essence moins précieuse de boisd’œuvre (Bakiaea spp.) constitue quel-que 25 pour cent de la couverture. Leprojet transfrontalier travaille avec lescommunautés pour mettre au point destechniques de sciage en long pour cetteespèce et des règlements de récolte dansles zones d’utilisation du village en bor-dure du vaste système de marais fores-tiers (Rodgers, Nabanyumya et Salehe,2002). Cependant, si l’on veut que la pro-duction de bois d’œuvre serve d’incita-tion à l’aménagement à long terme, leprojet devra veiller à ce que l’ensemblede la communauté en tire des avantages,et non pas juste quelques experts desciage en long ou intermédiaires.
CONCLUSIONSLe débat se poursuit sur la mise en ap-plication de la cogestion, voire le trans-fert des droits et du régime d’occupa-tion aux forêts nationales de grandevaleur, pour permettre une gestioncommunautaire. Les gouvernements nesont guère disposés à céder la propriétédes valeurs forestières nationales auxcommunautés locales. Toutefois, ils
Projets intégrés de conservation et de développement
Au début des années 90, les projets intégrésde développement et de conservation (PIDC)étaient considérés comme la panacée poursurmonter les échecs des initiatives de dé-veloppement rural et renforcer l’oppositionrurale accrue aux projets de conservationdes aires protégées. On partait de l’hypo-thèse que si les communautés vivant auxalentours des zones protégées devaient ti-rer des bénéfices de la zone en question, ainsiqu’une amélioration de leurs moyens d’exis-tence, les communautés seraient alors plusenclines à soutenir les initiatives de conser-vation. La notion était louable mais naïve,comme allait le démontrer une décennied’analyse. L’évaluation de la première sé-rie de projets n’a guère donné d’informa-tions suffisantes sur les paramètres demoyens d’existence ou de conservation pourpouvoir en évaluer l’impact.
L’analyse d’une deuxième série de pro-jets, incorporant les enseignements tirés, amontré que le plus grave écueil était le lieninsuffisant entre conservation et dévelop-pement. Si les gens tiraient parti du soutien
à leurs moyens d’existence, il n’existaitaucun lien institutionnel vers les organis-mes ou les buts de conservation. Les leçonsapprises ont montré la nécessité d’amélio-rer les politiques institutionnelles et de ren-forcer la capacité des communautés d’in-tervenir efficacement. Le projet debiodiversité transfrontalière peut être vucomme un PIDC de troisième génération.Le projet investit dans les capacités, les lienset l’espace institutionnel au sein desquelsl’initiative fonctionne. Un bon exemple delien vient de la fourniture d’eau des bassinsversants boisés. L’alimentation durable eneau dépend de l’amélioration des bassinsversants – dont devraient tirer parti aussibien les partenaires de la conservation quedu développement
Reste à voir les derniers PIDC. Le con-cept présente d’indéniables avantages, maisl’ampleur des questions institutionnelles àaffronter se traduit par des structures deprojet complexes. Si ces structures fonction-nent, le concept peut avoir de grandes chan-ces de réussite.
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Un garde forestierappréhende un
villageois qui emporteune planche de
camphre (Ocoteausambarensis) dans la
forêt de Chome, où lesciage de long continuemalgré les interdictionset où les droits d’accès
au bois d’œuvre restentcontroversés
K. K
AL
AG
E
L. PE
RSH
Areconnaissent que les communautésvoisines ne peuvent être exclues de l’uti-lisation ou de la gestion des forêts. Lagestion participative (cogestion fores-tière) assortie de rôles, de responsabili-tés et de droits des partenaires claire-ment définis pourrait offrir une solution.Le succès de la cogestion dépend dequestions de régime foncier, d’accès, depropriété et de capacité institutionnellede gestion.
Les communautés seront peu disposéesà participer pleinement à la cogestion sielles ne reçoivent pas en contrepartie desavantages adéquats ou des revenus lesincitant à conserver les ressources. L’éla-boration d’incitations implique une con-fiance consolidée et le renforcement descapacités, outre la sensibilisation des vil-lageois et des autorités forestières surles avantages de la cogestion et l’utili-sation durable des ressources, notam-ment la conservation. Un processus deplanification spécifique au site, pré-voyant l’évaluation des ressources fo-restières et l’identification de menacesspécifiques à ces ressources permet demettre au point des contrats sociaux avecle soutien des organismes forestiers etdes autorités locales.
Ces initiatives devraient être vuescomme des expériences sur la voie departenariats durables entre les commu-nautés et leurs gouvernements pour lagestion conjointe des forêts qui procu-rent des avantages aux niveaux local etnational – y compris la conservation dela biodiversité. Ces initiatives fonction-neront avec l’appui de toutes les par-ties prenantes, notamment les organis-mes de financement, et la présence d’unenvironnement propice à l’échelon na-tional et du district. Il faut, dès le dé-part, se concentrer sur le renforcementde ces partenariats et élaborer des régi-mes d’utilisation durable satisfaisantles exigences des multiples groupes in-téressés. ◆
Un comité villageoisorganisé par le projetde biodiversitétransfrontalièremobilise les habitantspour la prévention etl’extinction des feuxde forêt et lereboisement deszones incendiéesdans la Réserveforestière de Chome
Unasylva 209, Vol. 53, 2002
47
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Eastern Arc Journal Newsletter. 8
(décembre).
Espèces animales forestièresparticulièrement exposéesà la chasse
Les écologistes s’inquiètent des grandes es-pèces animales qui sont actuellement sou-mises à une forte pression due à la chassedans de nombreux sites, comme les éléphantset les grands singes des forêts tropicales afri-caines. Une des préoccupations est la possi-bilité que lorsque différents animaux fontl’objet d’une pression similaire, les espècesqui grandissent et se reproduisent plus len-tement seront plus vulnérables à la chasseque les espèces à croissance et reproduc-tion plus rapides.
Sur la base du suivi détaillé de l’abondancedes espèces dans les zones de chasse persis-tante et dans les zones de chasse légère desforêts amazoniennes du Pérou, Bodmer,Eisenberg et Redford (1997) ont constatéque chez les mammifères d’un poids supé-rieur à 1 kg, le degré de baisse de la popu-lation due à la chasse était lié au taux de
croissance intrinsèque de l’espèce, à sa lon-gévité et à son âge de production (l’âge aumoment de la première reproduction). Cesrésultats suggèrent que les espèces qui vi-vent longtemps ont de faibles taux de crois-sance et de longs délais de production etsont plus menacées d’extinction que cellesqui ont une vie plus courte, des taux élevésde croissance et de courtes générations.
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EARO. ◆
Unasylva 209, Vol. 53, 2002
48
De nombreuses populations vivant dans les forêts ou aux alentours
ne connaissent pas la valeur élevée que peuvent représenter les
ressources forestières et, de ce fait, ne participent pas toujours aux
efforts de conservation. En sensibilisant les communautés locales
aux avantages de ces ressources naturelles, on peut les encourager
à s’intéresser à leur sauvegarde. Dans de nombreux pays tropicaux,
comme le Belize, le Costa Rica, l’Indonésie, le Kenya, la Malaisie, la
Papouasie-Nouvelle-Guinée et Singapour, l’élevage de papillons
est une activité qui a été promue et qui procure de précieux revenus,
tout en encouragent la conservation des forêts.
Ce type d’élevage est très approprié comme source alternative de
revenus pour les populations forestières car il ne requiert qu’un
investissement limité, les compétences et concepts de base sont
faciles à apprendre et il ne nécessite que du matériel simple. Il
prévoit la libération de papillons femelles, sauvages ou élevées en
captivité, dans des enclos renfermant d’abondantes espèces
végétales locales, suivie de la récolte des œufs pondus par ces
femelles. Les œufs sont ensuite placés dans des cages et surveillés
La conservation par le développement:l’élevage de papillons
au cours de leur transformation en nymphes. Dans d’autres cas, les
œufs et/ou les nymphes peuvent être collectés dans la forêt protégée.
Les nymphes sont ensuite recueillies pour faire l’objet d’expositions
de papillons et être exportées à l’étranger. Le succès de l’élevage de
papillons indigènes dépend de la végétation naturelle de la zone qui
leur sert d’habitat. Les éleveurs de papillons sont donc encouragés à
conserver leurs forêts, car ils s’aperçoivent du lien qui existe entre
leurs revenus et la présence de forêts saines.
UN EXEMPLE: LE PROJET KIPEPEO, FORÊT D’ARABUKO-
SOKOKE AU KENYA
La forêt d’Arabuko-Sokoke, qui couvre une superficie de 42 000 ha le
long de la côte septentrionale du Kenya, est reconnue à l’échelle
internationale comme une zone d’une grande valeur biologique qui
fournit un habitat essentiel à de nombreuses espèces animales et
végétales endémiques, en danger et menacées. Cette forêt est la
dernière section restante d’une forêt côtière qui s’étendait jadis de la
Somalie méridionale au nord du Mozambique. Environ
Hypolimnasmisippus femellebutinant une fleur
PRO
JET
KIP
EPE
O
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110 000 personnes habitent dans cette forêt. La croissance
accélérée de la population a exercé une pression considérable sur
la forêt pour la production de bois de feu et de bois industriel, ainsi
que pour la récolte de viande et l’extension des terres agricoles.
L’avenir à long terme de cette forêt dépend de l’appui donné par les
populations locales, leurs chefs et les pouvoirs publics à sa
conservation.
Le Projet Kipepeo, administré par la Société d’histoire naturelle
d’Afrique de l’Est, en collaboration avec les musées nationaux du
Kenya, a démarré en 1993. Les objectifs étaient les suivants:
• relier la conservation au développement par l’utilisation durable
de la biodiversité des papillons dans la forêt au bénéfice des
collectivités rurales de la zone;
• obtenir un soutien à la conservation des forêts en permettant
aux populations locales de profiter de leur biodiversité;
• aider à démontrer que la forêt peut procurer des sources nova-
trices et inattendues de revenus et qu’elle a souvent plus de
valeur comme espace naturel intact que comme terre défrichée
à des fins agricoles;
• contribuer à diversifier le tourisme côtier à l’aide d’une nouvelle
forme d’attraction pour l’écotourisme par l’organisation d’expo-
sitions de papillons vivants et d’autres invertébrés;
• appuyer les activités éducatives en matière de conservation re-
latives à la forêt d’Arabuko-Sokoke;
• procurer des emplois pour les collectivités et des revenus d’ex-
portation pour le Kenya.
Le projet prévoyait au départ la participation de 152 familles dans
quatre communautés à la lisière orientale de la forêt. Dès le début de
2001, 546 agriculteurs travaillaient au projet, soit 15 des 18
communautés forestières et des alentours, et des plans étaient en
cours pour faire intervenir les trois communautés restantes.
Pour déterminer l’effet de la capture sur l’abondance et la diversité
des espèces de papillons, des populations d’individus sauvages ont
été surveillées dans la forêt d’Arabuko-Sokoke avant le démarrage
du projet et après quatre ans de collecte. Les résultats de l’enquête
n’ont pas mis en évidence de différences significatives entre les
espèces faisant l’objet de collecte et les autres, donnant à entendre
que la capture de papillons n’avait pas d’impact profond sur les
populations sauvages.
Les problèmes auxquels s’est heurté le projet comprenaient la
vulnérabilité des populations de papillons au mauvais temps, aux
maladies et aux parasites, les retards dans les transports, l’évolution
des marchés, l’intensification de la concurrence et la surproduction.
Cependant, les effets du projet, tant sur la forêt que sur les
communautés rurales, ont été positifs dans l’ensemble. Les recettes
tirées de l’exportation des nymphes de papillons et de l’écotourisme
ont été en s’accroissant chaque année d’opération, déterminant
une augmentation considérable des revenus locaux. On a également
observé l’effet positif sur le comportement des populations locales
vis-à-vis de la forêt, comme le montrent les enquêtes d’attitudes
menées avant et après le démarrage du projet. Le pourcentage de
personnes souhaitant voir défricher la forêt pour y établir des
villages ou des champs agricoles est tombé d’environ 75 pour cent
au bout des quatre années du projet, révélant l’appréciation accrue
des habitants pour les valeurs de la forêt.
Larves collectéeset prêtes pourl’exportation
Les revenus tirés de l’élevagede papillons ont amélioré les
moyens d’existence descommunautés vivant à l’orée de
la forêt d’Arabuko-Sokoke
PRO
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T K
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Pourquoi la surveillance de la biodiversité ne soutient-ellepas les priorités de la conservation dans les tropiques?
D. Sheil
Douglas Sheil est spécialistescientifique auprès du Centre pour larecherche forestière internationale(CIFOR), Bogor (Indonésie).
Les activités de surveillance de labiodiversité peuvent entraver plu-tôt que promouvoir la conserva-
tion dans les pays tropicaux. Les institu-tions nationales responsables de la con-servation dans les pays en développementne disposent que de ressources très limi-tées, ce qui confère aux bailleurs de fondset aux organisations plus riches une am-ple marge d’influence. Cependant, ceuxqui sont théoriquement intéressés à la con-servation négligent souvent les aspectspratiques. De ce fait, de nombreuses ini-tiatives tendent à détourner les maigresressources affectées des priorités fonda-mentales de la gestion.
Une bonne gestion impose le choix debuts clairs et réalisables. Il est en généralrelativement facile d’identifier au planlocal les menaces pesant sur la biodiversité– en particulier, la perte d’habitat (notam-ment la perte de couvert forestier natu-rel), l’empiétement d’autres activités,l’exploitation anarchique et diverses for-mes de dégradation environnementale. Laplupart des plans nationaux en faveur dela conservation établissent des prioritésbien définies, comme le maintien du cou-vert végétal naturel, l’interdiction de con-vertir les aires protégées à d’autres affec-tations des terres et la protection de taxonsimportants. Ce sont là des objectifs prio-ritaires qui doivent être appuyés tant auplan local que national.
Le présent article examine l’importancede divers types de surveillance de labiodiversité, suggère des priorités prati-ques pour sa conservation et montre com-ment souvent les organisations extérieu-res détournent l’attention des ges-tionnaires locaux de ces priorités. Cetarticle est une élaboration d’opinionspubliées récemment (Sheil, 2001) fondéesprincipalement sur les expériences desauteurs en Afrique et en Asie du Sud-Est.Un pas important dans ce sens serait unediscussion franche sur la façon de soute-nir les objectifs de la conservation.
TYPES DE SUIVILe suivi et l’évaluation de projets fontpartie intégrante de la bonne gestion de laconservation. Cependant, le terme “suivi”acquiert des sens différents suivant lespersonnes en jeu. Quatre catégories par-ticulières d’activités sont examinées ici:
• identifier et évaluer les menaces etles problèmes: dans le cadre, parexemple, des aires protégées, lespatrouilles de surveillance avaientnormalement pour tâche d’identifierles empiétements, les risquesd’incendie, les campements illégaux,les signes d’exploitation et les piègesà animaux, de manière à permettre auxgestionnaires d’intervenir;
• surveiller la mise en œuvre: c’est-à-dire vérifier si les activités envisagéesétaient mises en œuvre en vertu desdispositions établies et évaluer lesinterventions (contrôler le terraincouvert par les patrouilles et la qualitéde l’information qu’elles fournissent);
• évaluer l’efficacité: c’est-à-direveiller à ce que toutes les activités etles interventions ont eu l’effetrecherché, et qu’il a été tenu compteadéquatement des menaces;
• réaliser des inventaires exhaustifs etdes estimations répétées de ladiversité ou des populations qui nesont pas liés nécessairement à uneintervention de la gestion.
Le premier point est fondamental mêmesi les ressources sont très limitées, et peutêtre mis en œuvre à un coût minimal. Lesdeuxième et troisième points entrentaussi dans le cadre normal de la gestion(Noss et Cooperider, 1994). Le quatrièmeest promu dans la recherche universitaire;c’est le type de suivi qui donne lieu fré-quemment à des articles scientifiques et,parfois, à d’intéressantes nouvelles dé-couvertes. Tous ces types de suivi ontleur place.
Normalement, pour la conservation duquatrième type d’activité, les seuls avan-
L’enjeu le plus immédiat enmatière de conservation de labiodiversité consiste moins dansla bonne science que dans labonne pratique et l’allocationefficace des ressources.
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tages sont indirects et fournissent uneoccasion de suivi du premier type, garan-tissant des visites de terrain régulières àdes aires qui, autrement, pourraient êtrenégligées. Pourtant les responsables dela gestion pratique prévue par les troispremiers types sont souvent incités à en-treprendre le quatrième, sous peine d’êtremis entièrement à l’écart.
Les gestionnaires locaux obtiennent engénéral de meilleurs succès en mettantl’accent sur le savoir local plutôt que surles capacités techniques d’identifier desvariables préétablies. La présence sur leterrain est vitale. Les donateurs et lesautres parties prenantes, qui tendent à seconcentrer sur les grandes questions ré-gionales et mondiales, courent le risquentde s’apercevoir qu’elles sont, en défini-tive, contraires aux priorités locales. Ilfaut évaluer la valeur relative des diffé-rentes activités de surveillance sous l’an-gle de leurs coûts et de leur utilité vis-à-vis de la réalisation des objectifsfondamentaux. On devra conférer auxactivités un ordre de priorité fondé surune évaluation réaliste de ce qui est né-cessaire et de ce qui est possible.
PRIORITÉS ÉTABLIESDE L’EXTÉRIEURAu niveau de l’aide et des activités dedéveloppement internationales, la conser-vation de la biodiversité fait l’objet demanière croissante d’interventions tantdirectes qu’indirectes. De nombreuxtypes d’experts interviennent en qualitéde conseillers, de coordonnateurs etd’évaluateurs et exercent une profondeinfluence sur la façon dont les crédits sontutilisés et sur le choix des activités. Laplupart des projets financés par des dona-teurs exigent la mise à disposition depersonnel et de ressources par les orga-nismes locaux. Les interventions écartentainsi souvent un personnel limité d’acti-vités qui pourraient nécessiter une plushaute priorité immédiate.
Les problèmes sont plus apparents lors-que les projets sont examinés sur place.Quelques illustrations s’imposent, bienqu’il ne serait pas juste d’imputer à desprojets et donateurs spécifiques des échecscommuns. Plusieurs projets de conserva-tion connus des auteurs ont évalué en dé-tail un grand nombre de paramètres bio-logiques et publié des rapports éco-logiques de grand prestige, sans que lesforestiers locaux aient jamais entièrementvisité toute l’“aire protégée” en question,ni appris à se servir d’une carte et d’uneboussole. Au cours de nombreux projetsà long terme, le personnel local théori-quement responsable des patrouillesn’avait pas les chaussures adaptées à desactivités de terrain. Même dans les grandsprojets, il est fréquent que le personnel de
terrain ne soit pas rétribué pendant desmois. Dans ces cas, il lui faut se procurerles aliments et les revenus nécessaires poursurvivre, soit en utilisant comme taxi lesvoitures du projet, soit en capturant la faunesauvage dans les aires protégées pour senourrir, soit encore en vendant de fausseslicences aux scieurs de long ou aux ex-ploitants forestiers illégaux. On rencontrece genre d’activité même dans des projetsqui se vantent de réaliser une “surveillancede la biodiversité” réussie.
Le succès du projet est rarement dé-fini en termes de réalisation des objec-tifs de la conservation (Sayer, 1995;Wells et al., 1999). De toute évidence,l’examen régulier du financement, d’oùil ressort que la continuité des créditsdépend davantage du succès perçu que
Il n’y normalement pasde difficultés àidentifier au plan localles menaces qui pèsentsur la biodiversité –notamment la perte decouvert forestier et ladégradation del’environnement(Lampung, Indonésie)
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des leçons tirées des échecs, découragela discussion ouverte et franche.
Il est clair que la pénurie de ressourcesfondamentales est une importante con-trainte pour les activités de conservation(Howard, 1991; Inamdar et al., 1999;Barrett et al., 2001, par exemple). Cepen-dant, il est important de savoir à quellesconditions ces ressources sont affectées. Ily a quelques années, une proposition desurveillance de la biodiversité, qui se vou-lait exhaustive, pour un parc forestier na-turel avec le financement d’une importanteorganisation de développement a été exa-minée. L’empiétement, la chasse, la coupeillégale de bois et les feux étaient partoutévidents mais ne figuraient pas dans lerapport. Les gardes forestiers ont admisqu’ils ne patrouillaient guère le parc. Lasurveillance proposée prévoyait l’établis-sement d’un petit nombre de parcelles per-manentes d’une structure complexe et àhaute intensité de données. Vraisemblable-ment, la forêt était autorisée à disparaîtrehors de ces parcelles.
L’IMPORTANCE D’UNE DISCUSSIONFRANCHEUne fois le problème reconnu, l’étapesuivante consiste à identifier les facteursqui ont mené à la situation présente et àchercher à y remédier. Parmi les facteursimportants figurent les suivants.
Les bailleurs de fonds et les organisa-tions ont leurs propres besoins et priori-tés. Ils veulent choisir leurs objectifs deprojet et les indicateurs permettant d’enmesurer le succès. Dans de nombreux cas,toute activité où le financement dépenddu succès est conditionnée par ces besoins.Tant les bailleurs de fonds que les respon-sables des projets doivent apporter despreuves indiscutables de succès pour leurpoursuite. Ce besoin de succès encouragedans les activités de projet une compéti-tivité qui peut avoir d’importantes réper-cussions. En examinant l’aide en faveurdes forêts, Bruenig (2000) observe que“dans les projets d’aide, les chercheursredoutent souvent la concurrence, seméfient de l’ouverture, de la transparence
et de l’accès aisé aux données, et sont troppréoccupés par leurs droits de propriétéintellectuelle”.
La liste des donateurs et des questionsde juridiction peut remplir des pages en-tières, mais quelques exemples suffisentpour en souligner les difficultés. Brownet al. (1999) suggèrent que les pays dona-teurs favorisent les activités bilatéralesprécisément par crainte de voir s’estom-per leurs propres priorités dans les pro-cessus multilatéraux. Persson (2000) re-marque, à propos des critiques à l’aide,“que les problèmes décrits avaient depuislongtemps été résolus, et qu’il fallait pen-ser à l’avenir. Cela n’est pas entièrementvrai. Les bénéficiaires sont encore tenus,par exemple, d’accepter toutes les idéesfixes et les excentricités bureaucratiquesdes différents donateurs. Certes, ces der-niers ne manquent pas de variété (allantde mauvais à bons) mais il n’existe pas dedonateur dont l’assistance ne pourrait êtregrandement améliorée.” Les donateurssont préoccupés du reflet sur l’opinionpublique de leurs activités, permettantparfois à la publicité de dominer la trans-parence (Kaimowitz, 2000). Ils sont par-fois réticents à appuyer les coûts d’ex-ploitation normaux, comme les salairesdes gardes forestiers, car il est rare queces activités puissent être maintenues(Kaimowitz, 2000). Cependant, attribuerla faute aux donateurs ne sert pas à grandchose – un réseau bien plus étendu deproblèmes conspire à éclipser les priori-tés et à compromettre le développementconstructif.
Une certaine confusion règne autour duterme “biodiversité” et de la raison pourlaquelle elle devrait être surveillée(Redford et Richter, 1999). Les signatai-res de la Convention sur la diversité bio-logique (CDB) sont convenus, par exem-ple, d’évaluer et de surveiller la diversitébiologique. Cependant, le texte de la CDBne donne aucune orientation dans ce sens.N’étant pas des spécialistes, les organisa-
Travaux botaniquescomplexes auKalimantan – denombreux projetsdétournent l’attention dupersonnel locald’activités quipourraient avoir unepriorité plus immédiate
D. S
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tions d’aide demandent conseil aux ex-perts. Du moment qu’il n’existe pas denormes, ces experts peuvent promouvoirce qu’ils souhaitent. Beaucoup de person-nes (y compris l’auteur) partiraient del’hypothèse qu’un programme relatif à labiodiversité est équivalant à un pro-gramme en faveur de la conservation,c’est-à-dire que les plans d’action natio-naux pour la biodiversité peuvent établirdes priorités nationales pour la conserva-tion. Cependant, la biodiversité a acquisdésormais un sens si large que d’autresopinions peuvent également être incor-porées au titre de ce mot “à la mode”(Redford et Richter, 1999). La sur-veillance de la biodiversité et les recher-ches entreprises par le personnel chargéde sa conservation devraient en appuyerles objectifs.
Pour être valable l’information doit êtreutile. Certaines activités courantes decollecte de données sur la biodiversité necadrent pas toujours avec les besoins deconservation locaux. Pourquoi faudrait-il affecter de maigres ressources finan-cières locales à la collecte d’informationsne servant pas à la gestion? Quelle estl’utilité du dénombrement des espèces (un
thème commun dans la surveillance mo-derne de la biodiversité)? La dégradationenvironnementale dans les forêts ancien-nes peut conduire à un surcroît de richessespécifique aussi bien qu’à un appauvris-sement, et la richesse spécifique en soin’est pas nécessairement liée à la viabi-lité écologique ou à la santé du système(Sheil et van Heist, 2000; Sheil, Sayer etO’Brien, 1999). Comment le dénombre-ment des espèces se traduit-il en termesde gestion? Il est facile de supposer quedavantage de données favoriseront lacompréhension et, partant, la gestion. Lacollecte de données techniques est rare-ment rentable lorsque les ressources fi-nancières et humaines sont limitées.
Mesurer n’est pas protéger. Les gestion-naires sont en général concernés par desfacteurs de contrôle, alors que les scien-tifiques se préoccupent souvent des va-riables de la réponse. Dans le domainescientifique, l’accent est mis dans unelarge mesure sur l’observation de l’évo-lution des problèmes plutôt que sur leursolution. Parmi les exemples, on peut citerl’estimation des taux de déboisement àdes niveaux croissants de précision, plu-tôt que la recherche des moyens de ralen-
tir la perte de forêt. Ces données sontcertainement utiles mais de bons gestion-naires des ressources savent que dresserun inventaire n’est pas une priorité. Il estbien plus utile d’identifier rapidement lesmenaces, et de faire en sorte que soientprises les mesures de gestion adéquates(Ludwig, Mangel et Haddad, 2001).
Certains aspects de la conservation desforêts tropicales sont plus rapides à dé-finir, plus simples à documenter et plusfaciles à vendre que d’autres. Des acti-vités indispensables pourraient se révé-ler franchement désagréables. Chaquesystème de gestion, quelque démocrati-que et participatif qu’il soit, exige uneforme de mise en vigueur pour se proté-ger contre les comportements impropres.On a des preuves croissantes que la con-servation exige un certain niveau de ré-glementation (Wells et al., 1999; Bruneret al., 2001). Il est vrai que les activitésréglementaires comportent de comple-xes problèmes déontologiques et soulè-vent des questions de moralité, de légi-timité et de gouvernance (Brechin et al.,2002), mais des décisions difficiles res-tent à prendre. Il faut équilibrer les droitset les responsabilités. Même les systè-
Mesurer n’est pasprotéger; la valeur
relative de diversesactivités de suivi doit
être évaluée sousl’angle de leurs coûts
et de leur efficacitédans la réalisation des
objectifs de laconservation
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mes traditionnels les plus performantsde gestion des ressources à assise com-munautaire imposent des règles et desinstitutions capables de les appliquer(Ostrom et al., 1999; Jensen, 2000). Ce-pendant, les donateurs écartent résolu-ment toute action qui pourrait être tar-guée de répressive (Byron, 1997). Enrevanche, ils encouragent la collecte dedonnées techniques car il s’agit d’uneactivité à faible risque, politiquementcorrecte et scientifiquement approuvée.
CONCLUSIONS ETRECOMMANDATIONSMalgré les menaces qui pèsent sur lesforêts tropicales, les moyens de les con-server sont limités et le succès dépend del’allocation efficace des ressources. Larecherche et les activités de suivi doiventêtre entreprises en tenant compte des prio-rités de la gestion locale, notamment lors-qu’il s’agit de ressources locales. Les in-tervenants extérieurs doivent être certainsde bien connaître ces questions avant des’improviser conseillers généraux desbesoins de la conservation locale. Les airesprotégées doivent être aménagées afin deprotéger les valeurs qu’elles contiennent,et non pour dresser des statistiques.
Ces considérations sont égalementapplicables à l’accent mis actuellementsur les critères et indicateurs (simples pro-cédures de surveillance) de la biodiversitéet de la gestion durable des forêts (Kremen,1992; Noss, 1999, par exemple).Il fautveiller à ce que la recherche et les activitésde surveillance ne soient pas encouragéesau détriment éventuel de la gestion quoti-dienne de la conservation. Les gestion-naires ne devraient être tenus à collecterque les données qui les aideront à mieuxexercer leurs fonctions.
S’il est vrai qu’en définitive différentstypes de surveillance et de recherche peu-vent se révéler utiles, il ne faudrait paspour autant qu’ils conduisent à l’impos-sibilité de stopper les menaces insurmon-tables qui pèsent aujourd’hui sur les airesde conservation. La recherche scientifi-que et la surveillance de haut niveau sontvitales car il est impératif de disposerd’informations sur l’état écologique de laplanète (Phillips et Sheil, 1997) et sur lecomportement des systèmes biologiques.Mais la tâche de produire ces informa-tions devra être conférée judicieusement.Les besoins administratifs de transparencedes projets ne devraient pas justifier l’ab-sence de pertinence. Les interventions de-
vront stimuler, et non miner, la réalisa-tion des objectifs de la conservation.L’évaluation au cas par cas s’impose. Dansde nombreux pays du monde, la conser-vation a besoin d’un surcroît de moyens.Mais à court terme, on peut obtenir da-vantage par une allocation prudente desressources existantes, si les circonstan-ces le permettent (Sheil, 2001). ◆
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Programme del’UNESCO:l’homme etla biosphère –la biodiversitédes forêts
P. Bridgewater
En vertu de son mandat, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la
culture (UNESCO) adopte une vision intégrée des questions relatives à la mise en valeur des
terres et des eaux. Le Programme sur l’homme et la biosphère (MAB) de cette organisation
a mis au point, au cours de ses 30 ans d’existence, un Réseau mondial de réserves de
biosphère dont l’objectif est de servir de “laboratoires vivants” pour des activités intégrées
dans trois domaines: la conservation de toute la hiérarchie de la biodiversité, le développement
économique respectueux des valeurs socioculturelles et écologiques, et l’appui logistique à
la recherche, au suivi, à l’éducation et à l’échange d’informations. Un système de zonation
consistant en l’établissement d’une aire centrale, d’une zone tampon et d’une zone de
transition vise à accueillir différents types et intensités d’utilisation humaine. Le Réseau
mondial des réserves de biosphère est désormais officiellement reconnu comme une
structure opérationnelle favorisant l’échange d’informations et de nouvelles idées, et
promouvant la formation et la sensibilisation. En janvier 2002, il y avait 411 réserves de
biosphère situées dans 94 pays du monde, dont environ un cinquième (soit plus de
150 millions d’hectares) consistait essentiellement en systèmes forestiers.
Le Réseau mondial des réserves de biosphère encourage la conservation de la biodiversité
des forêts de diverses façons:
• Il renforce la protection en incitant les autorités responsables des aires centrales à les
étendre aux terres et aux collectivités situées hors des limites officielles du parc, afin
d’offrir de nouveaux revenus aux personnes vivant dans les zones tampons et de transi-
tion, allégeant ainsi la pression humaine sur les aires centrales. Parmi les exemples
figurent l’introduction de la petite irrigation pour améliorer la production de riz, l’apiculture
et la vente d’objets artisanaux par des groupements féminins dans la Réserve de bios-
phère de Mananara Nord à Madagascar; et l’installation de plantations d’enrichissement
constituées de peuplements commerciaux de pins mélangés à des essences locales
utilisées à des fins médicinales ou autres, l’établissement d’espèces non ligneuses ap-
préciées par la population locale et l’emploi de jeunes gens provenant des villages adja-
cents et leur formation au métier de guides touristiques dans la Réserve de biosphère de
Sinharaja au Sri Lanka.
• Il étend sa protection à des écosystèmes forestiers entiers en reliant, par exemple, les
fragments restants de la forêt brésilienne atlantique par un système de corridors verts.
L’immense réserve de biosphère, qui couvre 29 millions d’hectares, fournit un cadre de
cogestion pour une multitude d’institutions aux niveaux fédéral, étatique et local. De plus
petite envergure, la Réserve de biosphère transfrontière des Carpates orientales fournit
à la Pologne, à la Slovaquie et à l’Ukraine le moyen de coopérer au titre d’un protocole de
neutralité établi par l’ONU pour la conservation et l’aménagement des systèmes fores-
tiers qui transcendent les frontières politiques. Un intérêt croissant est porté aujourd’hui à
la création de réserves de biosphère transfrontières dans de nombreuses parties du monde.
• Il attire l’attention sur la nécessité de conserver les ressources génétiques forestières,
comme les réservoirs de gènes sauvages d’espèces forestières de valeur, comme Pinus
koraiensis dans la Réserve de biosphère de Fenglin en Chine, ou les arbres fruitiers
sauvages de nombreuses réserves en Fédération de Russie et en Europe centrale.
• Il promeut l’adaptation des pratiques forestières pour tenir compte de la biodiversité des
forêts et des nombreux services et produits qu’elle procure. On peut citer comme exem-
ple la Réserve de biosphère de Clayoquot Sound sur l’Île de Vancouver au Canada, jadis
le siège de conflits entre l’industrie du bois et les écologistes et des revendications d’un
Peter Bridgewater est secrétairedu Programme MAB del’UNESCO.
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mouvement social cherchant à renforcer le statut et les revenus des populations autoch-
tones. Des compromis ont été trouvés désormais, mais ils posent de nouveaux enjeux.
Le système de la réserve de biosphère permet aujourd’hui de créer des occasions d’em-
ploi, et d’établir une structure de gestion forestière qui tient compte des multiples intérêts
des secteurs public et privé et permet de forger entre eux de nouvelles alliances.
• Il renforce la participation des habitants traditionnels à la gestion durable des forêts
naturelles. Parmi les exemples, on peut citer l’extraction durable des piments de la
Jamaïque, du chicle et du xaté dans la Réserve de biosphère maya au Guatemala, et la
production d’une huile précieuse tirée d’Argania spinosa dans la Réserve de biosphère
Arganeraie au Maroc. Le cadre statutaire de la réserve de biosphère garantit la structure
technique et le soutien scientifique nécessaires pour une exploitation durable et une
commercialisation efficace, et impose aux autorités locales l’obligation d’investir les re-
venus au profit des collectivités rurales.
• Il promeut la recherche fondamentale et appliquée et le suivi, associant les sciences
sociales et naturelles. C’est ainsi que, dans des sites forestiers de la Réserve de bios-
phère des Vosges du Nord en France, des études comparatives ont été entreprises pour
évaluer les avantages économiques et écologiques de l’application de techniques de
gestion forestière qui simulent les processus naturels, justifiant de la sorte leur applica-
tion dans d’autres zones. Le Programme intégré de surveillance des réserves de bios-
phère (BRIM) encourage la collecte d’informations biotiques et abiotiques à l’aide de
méthodes normalisées pour faciliter les échanges et les études comparatives, notam-
ment par le biais de réseaux régionaux de réserves de biosphère.
• Il renforce les capacités humaines, notamment dans les pays en développement, de
s’attaquer à de complexes problèmes de gestion forestière. C’est ainsi qu’en 1999, le
Programme UNESCO-MAB a institué l’Ecole régionale de formation universitaire sur la
gestion intégrée des forêts tropicales à l’Université de Kinshasa, République démocrati-
que du Congo, avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD), de l’Union européenne et de plusieurs pays donateurs. C’est la seule école de
ce genre en Afrique. Des travaux de terrain pratiques sont entrepris dans les réserves de
biosphère de pays africains voisins. En outre, depuis 1989, le MAB décerne chaque
année à de jeunes scientifiques MAB une dizaine de prix, dont un grand nombre concerne
la biodiversité des forêts.
Pour conclure, le Réseau mondial des réserves de biosphère est une structure opérationnelle
visant à promouvoir l’action et l’échange d’expériences en matière de conservation, d’utilisation
durable et de partage des bénéfices de la biodiversité forestière. Il aide ainsi les pays à
s’acquitter de leurs obligations au titre de la Convention sur la diversité biologique.
De plus amples informations peuvent être obtenues sur le Programme MAB et le Réseau
mondial des réserves de biosphère sur Internet (www.unesco.org/mab) ou auprès de la
Division des sciences écologiques, UNESCO, 1 rue Miollis, 75732 Paris Cedex, France;
télécopie: +33 1 4568-5804.
Les réserves debiosphère: desendroits spéciaux pourl'homme et la nature
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Considérations sur la conservation des ressourcesgénétiques forestières
C. Palmberg-Lerche
Christel Palmberg-Lerche est chefdu Service du développement desressources forestières, Division desressources forestières, Départementdes forêts de la FAO, Rome.
Le présent article est adapté d’uneintervention faite à l’Institutinternational des ressourcesphytogénétiques (IPGRI)/ Cours deformation en matière de conservationet d’aménagement des ressourcesgénétiques forestières en Europeorientale (Autriche) lors d’uneréunion organisée en collaborationavec la FAO à Gmunden, Autriche,du 29 avril au 12 mai 2001.
Les gestionnaires forestiers prennentde plus en plus conscience des pré-occupations exprimées par le pu-
blic et les organes réglementaires quant àla diversité biologique, et ils s’efforcentd’y répondre (FAO, 2002; Libby, 2000).Le présent article met en évidence cer-taines idées fondamentales, encore queparfois négligées, sur la conservation desressources génétiques forestières – no-tamment l’importance de reconnaîtrenon seulement les valeurs de productionet d’environnement des forêts, maisaussi le fait que l’intervention humainedans la nature n’est pas nécessairementpréjudiciable.
En fonction de ces idées, l’article ana-lyse certaines des mesures à prendre pourgarantir la conservation performante desressources génétiques forestières, y com-pris l’établissement de liens étroits entreles activités de conservation entreprisesaux niveaux local, national, régional etinternational; l’aménagement des ressour-ces destinées à être conservées dans dif-férents endroits, sous des conditionsenvironnementales et des régimes sylvi-coles variés, et l’importance de mieuxsensibiliser, à tous les niveaux, l’opinionpublique aux questions relatives aux res-sources génétiques, afin de promouvoirdes stratégies de conservation améliorées.
NÉCESSITÉ D’UNE VISIONÉQUILIBRÉEDans la plupart des sociétés, les forêts et lesarbres revêtent une grande valeur émotion-nelle et spirituelle. Les écosystèmes qu’el-les abritent exercent des fonctionsenvironnementales intrinsèques au niveaude la conservation des sols et de l’eau, de lafourniture d’abris et d’aliments à la faunesauvage et d’un habitat à d’autres espèces,et de la satisfaction des besoins de loisirs,esthétiques et spirituels. En outre, les pro-duits tirés des arbres – bois de feu, boisd’œuvre, fruits, fourrage, résines, gommes,teintures et autres – ont une valeur considé-
rable, aux plans aussi bien économique quesocial. Ces qualités contrastent avec cellesde l’agriculture au sens strict; certes, unchamp de blé a une valeur socioéconomiquemais ses valeurs environnementales sontsecondaires ou nulles.
Il faut une vision équilibrée pour appré-cier la valeur des forêts et de leurs fonc-tions environnementales au même titreque la valeur du bois et des produits nonligneux qui en sont tirés.
Lorsque cette vision équilibrée fait dé-faut, ou si la question n’est tout simple-ment pas comprise, il en résulte des heurtset des conflits – comme ceux observablesparfois aussi bien chez les décideurs etles représentants des industries forestiè-res, qui se préoccupent de leurs revenusimmédiats et du produit final des forêts,que chez certains groupements popu-laires qui ne tiennent compte que de lavaleur environnementale, ou d’une seulevaleur environnementale, comme ladiversité biologique ou la protection del’habitat d’une espèce ou d’un grouped’espèces.
Dans l’aménagement durable des forêts,y compris la conservation de la diversitébiologique aux niveaux des écosystèmes,des espèces et des ressources génétiques,les priorités dépendront de jugements devaleur et de l’accent relatif mis sur lesdifférents rôles et fonctions de la forêt. Ilest clair que le dialogue et la participationde toutes les parties prenantes et de tousles intéressés sont essentiels à la prise dedécisions équilibrées, et pour faire en sorteque les programmes d’action pour la con-servation des ressources génétiques soientgénéralement acceptés et, partant, dura-bles à longue échéance.
L’INTERVENTION HUMAINEN’EST PAS NÉCESSAIREMENTPRÉJUDICIABLEDans les débats populaires menés actuel-lement, il est souvent estimé qu’en défini-tive aucune menace fondamentale ne pèse
La bonne conservation desressources génétiquesforestières se fonde sur deuxprincipes de base: rien dans lanature n’est statique; et lesforêts et les ressourcesgénétiques qu’elles renferment,si elles sont aménagéescorrectement, sontrenouvelables.
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58
Collecte de matérielpour la conservation desressources génétiques,Brésil
L. P
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sur la diversité. Il est aussi considéré, dansde nombreux cas, que toute interventionde la part de l’homme ne peut être quedestructive. Si ce constat était vrai, il fau-drait résoudre le problème en bannissantintégralement l’intervention humaine ouen enfermant les utilisations du sol dansdes compartiments strictement séparés.
De nombreux mythes existent concer-nant les forêts. Parmi les plus populaires,qu’il faudrait démythifier dès que possi-ble figurent ceux liés à la croyance quela nature est statique et que l’absenced’intervention humaine assurera le statuquo des écosystèmes; que l’état présentde la diversité est idéal; et que l’actionhumaine est une menace qui ne peut queréduire, mais jamais contribuer à mainte-
nir ou à renforcer, la diversité génétique(voir Eriksson, Namkoong et Roberds,1993; Palmberg-Lerche, 1990).
INTERVENIR DANSL’AMÉNAGEMENT DESRESSOURCES GÉNÉTIQUESL’aménagement de la diversité biologi-que aux niveaux de l’écosystème, del’espèce, de la population, de l’individuet du gène est une tâche à multiplesfacettes. Les problèmes et les solutionsdifféreront en fonction de variablestelles que:
• menaces effectives ou perçues et leurimminence;
• variation biologique et modèles devariation dans l’espèce choisie à des
fins de conservation et d’améliorationgénétique;
• historique des populations cibles;• gestion et sylviculture des espèces
concernées;• fonctionnement et dynamique de
l’écosystème.Les solutions varieront encore suivant
le type et l’intensité de l’utilisation hu-maine des ressources et des produits quien sont tirés.
En dernière analyse, les solutions dé-pendront des cadres juridiques et admi-nistratifs en vigueur, des niveaux d’appuiet de stabilité institutionnelle, des capaci-tés institutionnelles d’affronter la tâched’une manière techniquement valable,économiquement réalisable et sociale-ment acceptable, et des niveaux et de lacontinuité des crédits nécessaires pours’acquitter des responsabilités relatives.
Les programmes de gestion et de con-servation des ressources génétiques de-vront se baser sur des informations soli-des et techniquement et scientifiquementfondées. Cependant, dans le court terme,il ne faudrait pas attendre les dernièresréponses scientifiques pour intervenir,mais commencer immédiatement à agir àl’aide des meilleures informations dispo-nibles et du bon sens en matière fores-tière, en appliquant des stratégies souplesaptes à incorporer les nouvelles connais-sances à mesure qu’elles se concrétisent.
Les enjeux techniques et scientifiquesabsorbent souvent la majeure partie del’attention des experts. Mais pour mieuxles définir, on se doit d’informer les res-ponsables des politiques, les décideurs etle grand public des stratégies et des mé-thodologies disponibles pour affronter lesproblèmes inhérents à la gestion et à laconservation des ressources génétiques,des priorités et des retombées probablesde l’inaction. Une bonne compréhensionde ces questions est indispensable pourobtenir à tous les niveaux l’appui néces-saire, y compris celui à la formulation des
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politiques nationales, condition essen-tielle pour le soutien des institutions et lefinancement viable.
CIBLER DIFFÉRENTS NIVEAUXD’ATTENTIONIl n’existe pas de stratégie universelle pourla conservation des ressources génétiquesqui soit applicable à toutes les situations.Lorsque l’on planifie les activités dans cedomaine de la gestion, il convient d’exa-miner et d’évaluer les niveaux d’attentionet les mesures à prendre. Les programmesnationaux, fondés sur les besoins natio-naux et locaux, sont le fondement de touteintervention dans la gestion des ressour-ces génétiques forestières. Simultanément,ils présentent un grand nombre de limita-tions. La répartition naturelle de nombreu-ses essences forestières transcende lesfrontières politiques. En outre, beaucoupd’espèces et de provenances n’ont qu’unefaible utilité actuellement dans leur paysd’origine, alors qu’elles pourraient avoiracquis une importance sociale et écono-mique considérable hors de leurs airesnaturelles. La collaboration entre les paysest donc souvent nécessaire pour assurerla complémentarité de l’action aux niveauxrégional et international.
Les programmes d’action régionaux etsous-régionaux, tout en s’inspirant desplans nationaux, peuvent à leur tour four-nir un point de repère et le retour des in-formations bénéficiera aux activités na-tionales en matière de conservation desressources génétiques. Un accord sur lesprincipes qui déterminent les prioritéspour des activités de conservation spéci-fiques, et un dialogue sur les stratégies etméthodologies possibles, aideront à ren-forcer l’impact et l’efficacité des activi-tés nationales. L’attention et la collabora-tion régionales et internationales à cesniveaux représentent souvent un nouvelargument crucial capable de convaincreles décideurs de l’importance de questionset du besoin d’agir au niveau national.
Les programmes d’action sous-régio-naux et régionaux peuvent, par la suite, etsi les pays le désirent, être inscrits dans uncontexte élargi, contribuant à la mise enplace d’un cadre d’action global et détaillé(voir Palmberg-Lerche, 1997; Palmberg-Lerche et Hald, 2000; Sigaud, Palmberg-Lerche et Hald, 2000; FAO, 2001).
Les liens et le dialogue entre les diffé-rents acteurs est impératif, de même queles considérations et la collaborationintersectorielles et l’appui donné à
l’échange d’informations et de compé-tences à tous les niveaux.
Bien que le soutien à la mise au pointdes méthodologies et à la recherche re-lève davantage des niveaux national etlocal, certains problèmes ne peuvent serésoudre positivement qu’aux échelonsrégional, écorégional, voire international.Les activités qui transcendent le niveaunational contribuent fréquemment à l’ex-ploitation rationnelle de ressources limi-tées évitant ainsi le gaspillage des dou-bles emplois.
De même, les principales initiatives enmatière d’essais de terrain et de program-mes pilotes sont prises aux plans nationalet local, encore que certains travaux puis-sent être réalisés au niveau régional. Dansce cas, le rôle des organisations et institu-tions internationales devient moins pré-dominant et concerne l’appui techniqueplutôt que les opérations.
La mise en œuvre des stratégies de con-servation sur le terrain se fait en premierlieu aux niveaux national et local, bienque certaines activités puissent être en-treprises à l’échelon régional. Les pro-grès dépendent de l’engagement pris parles pays, et qui implique la participationdes décideurs, du personnel technique et
Les essais de terrain(ici, un peuplement de
sapin douglas,Pseudotsuga menziesii,sur le littoral du Canada)
peuvent contribuer àassurer la conservation
de populations ex situ
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et des buts immédiats totalement diffé-rents. Le dialogue permanent est dès lorsindispensable.
Il faudra vérifier à intervalles réguliersles progrès réalisés et ajuster l’action enconséquence à l’aide de stratégies et deplans clairvoyants. Les ajustements de-vront tenir compte des expériences ac-quises et de notions nouvelles et plusapprofondies. Ils devront aussi prévoirl’accroissement progressif de la prise de
Gestion desressources génétiques
d’arbres et arbustesforestiers: concept et
composantes
des autres parties prenantes. Les organi-sations et institutions internationalescomme la FAO peuvent stimuler la prisede conscience des besoins, proposer desstratégies et méthodologies et aider à ren-forcer les capacités – mais elles ne peu-vent jamais mettre en œuvre la conserva-tion proprement dite. Il importe que lespays le reconnaissent et formulent leursplans en conséquence.
ACCROÎTRE LA PRISEDE CONSCIENCE – POURDE MEILLEURES STRATÉGIESComment les forestiers peuvent-ils ren-forcer la prise de conscience, à tous lesniveaux, de l’importance de la gestion desressources génétiques, et œuvrer à sa réa-lisation plus résolument qu’à présent? Ilconvient de garder à l’esprit les principessuivants:
• construire du bas vers le haut: exami-ner et considérer les priorités et lesbesoins de tous les usagers et intéres-sés locaux et, dans la mesure du pos-sible, les incorporer dans des straté-gies nationales de conservation et degestion des ressources;
• assurer le retour de l’information etétablir des liens avec tous les usagerset les intéressés;
• garantir les liaisons entre la gestionde la conservation et les activités
apparentées dans d’autres secteursaux niveaux aussi bien local quenational;
• tenir dûment compte des besoins etpriorités à l’échelle régionale et mon-diale.
Il faudra inévitablement recourir à uneample panoplie de stratégies, de moyenset de méthodes et obtenir le concoursd’un grand nombre d’institutions qui ontsouvent des philosophies, des approches
Source: Palmberg-Lerche, 1998.
Gestion durabledes forêts
UTILISATIONDURABLE
QUOI? COMMENT? OÙ?
Conservationin situ
CONSERVATION
Conservationex situ
RENFORCEMENT
Sélection
Amélioration
• Aires protégées• Forêts naturelles gérées à des fins
de production ou de protection• Plantations, arbres plantés (applica-
ble occasionnellement seulement)
• Plantations, arbres plantés• Populations d’amélioration,
banques de clones et peuplementsconservatoires ex situ
• Graines, pollen, cultures in vitro
• Forêts naturelles gérées à desfins de production ou de protection(par des traitements sylvicoles)
• Plantations, arbres plantés• Populations d’amélioration,
programmes d’amélioration
• Plantations, arbres plantés• Populations d’amélioration,
programmes d’amélioration
• Forêts naturelles gérées à desfins de production ou de protection
• Plantations, arbres plantés• Aires protégées (applicable
occasionnellement seulement)
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conscience au niveau politique, qui pour-rait se traduire par un surcroît d’appuiinstitutionnel et de ressources.
Pour une action efficace, il est impor-tant de reconnaître que les politiques na-tionales relatives à la diversité biologi-que des forêts et aux ressources génétiquesforestières couvrent une gamme d’activi-tés allant des mesures de conservationpour protéger des espèces et populationsrares et en danger, aux règlements régis-sant la collecte de semences et le transfertd’essences forestières présentant un inté-rêt socioéconomique, et aux méthodes dé-taillées d’aménagement du paysage, desécosystèmes et des ressources génétiquesforestières. Tous ces domaines d’activitéont un rôle à jouer, et les éléments dupuzzle doivent être assemblés pour for-mer une stratégie d’action cohérente et desoutien mutuel en faveur des ressourcesgénétiques forestières.
LES MULTIPLES AIRESDE CONSERVATION DESRESSOURCES GÉNÉTIQUESL’aménagement d’un jeu appropriéd’aires de conservation des ressources,en divers endroits et sous des conditionsenvironnementales et des régimes sylvi-coles différents, est sans doute le moyenle plus efficace de conserver la diversitéet la variation génétique des arbres fores-tiers.
Les stratégies que Wilcox (1990; voiraussi Wilcox, 1995) désigne comme une“incorporation de principes de conserva-tion dans une mosaïque d’utilisationspossibles des sols” prévoient l’intégra-tion de questions relatives aux ressour-ces génétiques dans la gestion des:
• réserves naturelles et autres aires pro-tégées;
• forêts naturelles et plantations privéeset publiques;
• arbres hors forêt dans des systèmesagroforestiers et présents dans lesexploitations familiales, le long descours d’eau et en bordure de route,dans des arboretums et des jardinsbotaniques;
• essais de terrain et collections vivan-tes comme les banques de clones etles peuplements semenciers.
La conservation des ressources généti-ques ex situ peut aussi comprendre laconservation de graines, de pollen et detissus, complétée par du matériel conservédans des populations d’amélioration (voirla figure).
CONCLUSIONSNotre regretté collègue Abdou SalamOuédraogo, spécialiste principal des res-sources génétiques forestières de l’Insti-tut international des ressources phyto-génétiques (IPGRI) aimait répéter lesmots d’un ministre des forêts de son paysnatal, le Burkina Faso, lequel, après avoirparticipé à un grand nombre des sessionsd’un atelier FAO/IPGRI sur les ressour-ces génétiques forestières au milieu desannées 90, disait: “Je pensais que la con-servation des ressources génétiques fo-restières était une tâche complexe et se-rait difficile à comprendre, mais je voismaintenant que cette conservation con-cerne, en fait, ce que nous faisons tousles jours!”
C’est peut-être le moyen secret d’obte-nir de meilleurs niveaux d’attention etd’appui et de mieux relever les défiscontenus dans des expressions abstrai-tes comme “prise de conscience politi-que” et “engagement politique” qui, endéfinitive, indiquent la disponibilité delois, de politiques, et d’institutions d’ap-pui et l’engagement à court, moyen etlong termes; ce qu’il faut c’est garantirque les parties prenantes et les collabo-rateurs, à tous les niveaux, comprennentque la conservation est une tâche quoti-dienne – pas nécessairement complexe outechniquement difficile, mais essentiellesi les pays veulent assurer la durabilitéde la foresterie, de l’agriculture et du dé-veloppement national et local. ◆
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62
Espèces ligneusesexotiquesenvahissantesdans les forêts desîles du Pacifique
J.S. Denslow
Ces dernières années, certaines espèces envahissantes exotiques ont acquis une notoriété
considérable en raison des graves dommages qu’elles causent aux espèces et aux écosystèmes.
Elles sont définies communément comme espèces exotiques ou non indigènes qui altèrent les
processus de l’écosystème et menacent la survie des espèces indigènes présentes dans les
écosystèmes naturels, ou qui provoquent des dommages économiques aux terres agricoles ou
à d’autres terres aménagées. Les espèces exotiques envahissantes sont aussi, par définition, des
espèces exotiques naturalisées, c’est-à-dire qu’elles ont établi des populations qui se multiplient
par autopollinisation sans intervention humaine. Quand bien même toutes les espèces exotiques
naturalisées ne deviendraient pas toutes envahissantes, le petit pourcentage qui le pourrait
détermine des coûts importants en perte de revenus, en dépenses pour leur maîtrise, en valeurs
de conservation perdues et en diminution des services procurés par l’écosystème. Dans les forêts
naturelles, ces adventices exotiques sont capables de dominer le sous-étage, d’étrangler les
jeunes plants et de supprimer les espèces locales. Elles peuvent encourager les incendies et
altérer l’eau et la disponibilité de nutriments. Même des perturbations naturelles comme les
chablis facilitent l’établissement des espèces exotiques. Du fait que rares sont les forêts libres de
perturbation, elles sont toutes vulnérables à l’établissement d’espèces exotiques envahissantes.
L’archipel d’Hawaii aux Etats-Unis se caractérise par la grande diversité de ses espèces
endémiques aussi bien qu’envahissantes. Environ 90 pour cent des 1 300 espèces de ses
plantes à fleurs ne sont présentes que là, confinées souvent dans des îles, des montagnes ou des
vallées isolées. En outre l’île d’Hawaii possède autant de plantes exotiques naturalisées que de
plantes naturelles, dont de nombreuses sont connues pour les effets nuisibles qu’elles exercent
sur les écosystèmes naturels. Au cours du siècle écoulé, des introductions accidentelles ou
intentionnelles par des jardiniers et des forestiers ont contribué à la pénétration d’un grand nombre
de plantes exotiques dans l’Etat. C’est ainsi que le besoin urgent de reboiser les paysages
dégradés, de protéger les bassins versants fragiles et d’établir des espèces productrices de bois
industriel a stimulé la plantation d’une grande variété d’espèces exotiques. Dans tout l’archipel
d’Hawaii, les forestiers ont planté plus de 800 espèces forestières ainsi que des arbustes, des
lianes, des herbes et des graminées dans un vaste éventail d’habitats (Nelson, 1965), offrant ainsi
de nombreuses occasions aux nouvelles espèces de coloniser les forêts.
Dans les îles de Tahiti et d’Hawaii, l’essence sud-américaine Miconia calvescens envahit le
sous-étage des forêts ombrophiles naturelles, dépassant parfois le couvert et supprimant les
arbres indigènes. Cette espèce avait été introduite initialement pour sa valeur ornementale, mais
sa prolifération a été favorisée par les ouragans, les sangliers et les randonneurs. Dans l’île de
Tahiti, son invasion a homogénéisé le paysage, les peuplements de Miconia remplaçant la forêt
naturelle, dénudant le sous-bois et favorisant l’érosion en nappe sur les pentes raides. Hawaii
dépense désormais 1,5 million de dollars EU par an pour empêcher ses forêts naturelles humides
de subir le même sort.
D’autres arbres envahissants ont été introduits dans l’île d’Hawaii pour la production potentielle
de bois industriel ou pour la protection des bassins versants. Grevillia robusta, introduite à partir
de l’Australie à cause de son intérêt commercial ou pour servir aux projets de reboisement, occupe
désormais de larges espaces dans les écosystèmes de forêts sèches. Sa litière allélopathique
interdit l’établissement d’autres espèces. Falcataria moluccana (syn. Albizia falcataria), introduite
à des fins d’ombrage et pour ses propriétés fertilisantes, est largement plantée en intercalaire avec
des cultures agricoles et d’autres essences ligneuses. Cependant, elle se naturalise facilement,
accroissant les taux d’apports nutritifs, éliminant les espèces indigènes et favorisant la propagation
d’autres espèces exotiques. Ce ne sont là que trois exemples des plus de 100 espèces exotiques
qui menacent les écosystèmes naturels de l’archipel d’Hawaii et d’autres îles du Pacifique.
Même si Hawaii semble présenter le scénario le plus défavorable, l’archipel symbolise la
vulnérabilité de nombreuses îles du Pacifique (Space, 2001). Sur les versants de montagne de
Guam et d’autres îles du Pacifique, par exemple, la légumineuse ligneuse originaire d’Amérique
centrale, Leucaena leucocephala, a été semée pour recouvrir des sols dénudés par les intenses
bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Guam reste dominée par Leucaena à ce jour, car
son couvert dense et l’accumulation de sa litière empêchent l’établissement d’arbres indigènes.
Dans les îles d’Hawaii, les plans de gestion forestière les plus soigneusement élaborés sont
entravés par les enjeux de la lutte contre les adventices. Acacia koa, une essence indigène feuillue
appréciée pour le superbe fil de son bois et sa luminosité, est largement exploitée dans les forêts
indigènes ou fait l’objet de coupes de récupération dans les peuplements âgés et endommagés.
Bien que cette essence se régénère bien après une scarification de l’écorce, ses plantules doivent
Julie S. Denslow est écologiste et chefd’équipe de l’Unité des espècesenvahissantes, Institut forestier des îles duPacifique, Ministère de l’agriculture desEtats-Unis – Service des Forêts, Hilo, Hawaii,Etats-Unis.
L’essenceenvahissante, Miconiacalvescens, introduite
initialement pour savaleur ornementale, a
supplanté la forêtnaturelle dans l’île de
Tahiti parl’établissement de
peuplementsmonospécifiques qui
créent des sous-étagesdénudés et facilitent
l’érosion en nappe surles pentes raides
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se disputer les maigres ressources en eau avec plusieurs espèces de graminées exotiques
envahissantes qui facilitent la propagation des incendies. Dans les forêts humides, toute
ouverture du couvert ou perturbation du substratum stimule l’établissement de Psidium cattleianum
et de Clidemia hirta, qui concurrencent toutes deux la régénération naturelle et empêchent par la
suite les interventions sylvicoles. Les programmes visant à convertir les anciennes plantations de
canne à sucre en plantations d’Eucalyptus doivent tenir compte des coûts de la lutte contre
l’essence exotique Casuarina equisetifolia.
La prolifération d’initiatives à l’échelon local, national et mondial visant à stopper l’avancée
des espèces envahissantes témoigne de l’importance des impacts de certaines populations de
plantes, d’animaux et d’agents pathogènes introduits hors de leur aire naturelle. La Convention
sur la diversité biologique (CDB), le Programme régional pour l’environnement du Pacifique sud
(Sherley, 2000), le Programme mondial sur les espèces envahissantes (Mooney, 1999), la
Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) et le Groupe de spécialistes
des espèces envahissantes de l’Union mondiale pour la nature (UICN) (UICN, 2000), parmi
bien d’autres, promeuvent des politiques et protocoles conçus pour empêcher l’introduction
d’espèces susceptibles de menacer les écosystèmes, habitats et espèces indigènes et pour les
combattre ou les éradiquer.
En raison de l’envergure et de la longueur des opérations forestières et de leur impact
potentiel sur la composition et la santé des écosystèmes naturels, les responsables du
reboisement des paysages ruraux et urbains sont tenus d’évaluer les conséquences du choix
des espèces. Les plantes exotiques envahissantes connues devraient être remplacées par des
espèces indigènes ou des essences exotiques qui ne sont pas susceptibles de s’infiltrer dans
les communautés végétales indigènes. Les “meilleures pratiques de gestion” devraient
comprendre l’élimination des adventices connues, et leur utilisation devrait être découragée.
Les matériels horticoles comme les semences de graminées et le paillage vert devraient être
inspectés pour éviter d’introduire des espèces génératrices de problèmes. Les pépinières, les
jardins botaniques, les services de vulgarisation et les organisations gouvernementales se
doivent d’œuvrer de concert pour informer le public des dangers potentiels des espèces
envahissantes et encourager l’utilisation d’espèces naturelles ou d’autres plantes exotiques qui
ne risquent pas de contribuer à l’apparition de problèmes à l’avenir. Les gestionnaires forestiers
sont bien placés pour fournir des conseils efficaces en vue de protéger les écosystèmes
indigènes contre l’introduction, la prolifération et les impacts des plantes envahissantes.
L’avancée d’unpeuplement deFalcataria moluccanasur l’île d’Hawaii, Etats-Unis; l’arbusteenvahissant Melastomacandidum s’est établisous le couvert forestier
F.H
. HU
GH
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De la dune à la forêt: la diversité biologique dans lesplantations établies pour lutter contre les sables
mouvants
M.L. Wilkie
Mette Løyche Wilkie est forestierauprès de la Division des ressourcesforestières, Département des forêts dela FAO, Rome.
L e Danemark est l’un des premierspays à avoir stabilisé les dunesde sable en les reboisant. Vers la
moitié des années 1800, un grand nom-bre de plantations forestières étaient encours d’établissement à l’aide d’une va-riété d’espèces feuillues et résineuses.Outre leur fonction permanente de fixa-tion des dunes, certaines de ces planta-tions plus anciennes ont désormais unevaleur récréative et d’agrément considé-rable, et sont devenues d’importants ha-bitats pour de nombreuses espèces végé-tales et animales.
HISTORIQUELes premiers rapports sur les dommagescausés aux terres agricoles et aux habita-tions par l’avancée des sables mouvantsau Danemark sont apparus au XVe siè-cle. La première initiative visant à ren-verser cette tendance remonte à 1539,lorsqu’un décret royal interdit tant l’éli-mination de la végétation que le pâtu-rage des animaux sur les zones côtièressusceptibles d’être englouties par le sa-ble (Nielsen, 1994; Danish Forest andNature Agency, non daté,c). Cependant,le décret n’a eu que des effets limités carles gens avaient besoin de chaume, debois de feu et de fourrage, et que les zonesen question étaient d’importants pâtura-ges communaux. En 1867, une superfi-cie d’environ 62 000 ha – soit près de 5pour cent de l’ensemble des terres ara-bles dans l’ouest du pays – avait été dé-truite par des formations dunaires dontcertaines pénétraient à plus de 10 km àl’intérieur des terres, forçant des villa-ges entiers à s’installer ailleurs. Plusieursexploitations ont été déplacées plus d’unefois (Nielsen, 1994; Danish Forest andNature Agency, 2001; Royal DanishMinistry of Foreign Affairs, 2002).
Dans les années 1720. les travaux delutte contre les formations dunaires ontdémarré; ils consistaient, par exemple, enclôtures de branches coupées (clôtures de
barbillon) ou, plus efficacement, enl’épandage d’algues et de mottes de terresur le sable et la plantation de graminéescomme l’élyme et le roseau des sables(Ammophila arenaria et Leymusarenarius), mais l’attention s’est ensuitetournée vers le boisement. Dans les an-nées 1850, des techniques de plantationavaient été mises au point et des program-mes de boisement à grande échelle ontété lancés pour stabiliser les dunes dansl’ouest du pays. Le cadre juridique né-cessaire a été établi par la loi de 1867relative à la lutte contre les sables mou-vants (Sandflugtsloven), en vertu de la-quelle l’Etat assumait l’essentiel des coûtsdes mesures de stabilisation et était auto-risé à acheter des terres pour l’établisse-ment de plantations sur les dunes.
Dans certains endroits, on a testé unegrande variété d’espèces, y compris desfeuillus comme le chêne et le hêtre, et desconifères comme le pin sylvestre (seul pinendémique du Danemark), et des sapinsintroduits comme Abies nobilis, Abiesalba et Abies nordmanniana. Ailleurs, lesconditions environnementales propices àl’établissement de forêts se sont révéléesextrêmement rares et le pin des monta-gnes, Pinus mugo, a été planté sur de gran-des superficies, créant un “tapis de pinsdes montagnes se déroulant sur les du-nes” (Nielsen, 1994). Des introductionsplus tardives comprenaient le pin de Ca-lifornie, Pinus contorta, et l’épicéa deSitka, Picea sitchensis. Plusieurs des peu-plements originels de Pinus mugo intro-duits, qui dans la plupart des endroits nedépassaient pas 2 à 4 m, ont été par la suiteconvertis à des peuplements mixtes com-prenant d’autres espèces, grâce à l’amé-lioration du sol et de la protection due auxpremières plantations.
Aujourd’hui, le pays possède environ30 000 ha de ce type de plantations(Danish Forest and Nature Agency, 2001),représentant à peu près 7 pour cent ducouvert forestier total du pays.
Les plantations forestièresétablies il y a plusieurs sièclespour stabiliser les dunes auDanemark renfermentaujourd’hui une abondantediversité biologique.
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QUELQUES EXEMPLES DESPREMIÈRES PLANTATIONSÉTABLIES SUR DES DUNESTisvilde HegnTisvilde Hegn, dans le nord de la Zélande,a été l’une des premières plantations éta-blies sur des dunes (Danish Forest andNature Agency, non daté,a,b). La zoneétait jadis couverte par la forêt et les ter-res agricoles, mais au XVIe siècle lesapports de sable ont commencé à envahirl’intérieur du pays et, au bout de deuxsiècles environ, la zone a été complète-ment abandonnée.
Après une fixation initiale des dunespar le semis d’espèces comme l’élyme etle roseau des sables dans les années 1730,l’établissement d’une plantation fores-tière a démarré en 1800. Au début, on asemé des graines de pin sylvestre et, plustard, des graines d’épicéa (Picea sp.), debouleau, de hêtre et de chêne. Les résul-tats se sont améliorés avec la plantationde boutures et, en 1900, toute la zone(2 000 ha) était boisée.
Tisvelde Hegn contient maintenant uneflore très importante, y compris l’orchi-dée Goodyera repens et plusieurs espè-ces de pyrole (Pyrola sp.) qui sont tribu-taires des forêts de conifères riches enmousse. Il est notoire que ces espècessont entrées dans la zone en provenancedes forêts de conifères nordiques grâceaux oiseaux migrateurs ou de passage, etsont normalement considérées comme unenrichissement naturel de la flore indi-gène. Il est estimé que plusieurs de cesespèces existaient autrefois au Danemark,avant que le couvert forestier origineln’ait été presque entièrement décimé (iln’atteignait pas plus de 4 pour cent de lasuperficie des terres émergées vers 1800).Dans la zone de Tisvilde Hegn, 113 espè-ces de champignons inscrites sur la Listerouge nationale des espèces menacées(classées suivant les catégories de la Listerouge de l’Union mondiale pour la na-ture [UICN]) (Danish Mycological So-
ciety, 2002) ont été enregistrées. Commedans d’autres forêts établies sur des du-nes, la collecte de champignons comesti-bles sauvages est une activité très appré-ciée par la population locale et lestouristes.
La plantation contient un grand nombred’insectes rarement rencontrés sur le terri-toire national, notamment des coléoptèreset des papillons vivant dans les peuplementsde conifères plus âgés où pénètre davan-tage de lumière. Il existe aussi de nom-breuses espèces de fourmis dont l’une,Formica foreli, ne se trouve nulle partailleurs au Danemark (Collingwood, 1979).
La forêt est aussi un important habitatpour les batraciens comme les tritons(Triturus sp.) et le crapaud vert (Ranaesculenta). La grande et riche popula-tion d’oiseaux comprend plusieurs es-pèces rares comme le pipit roussillon(Anthus campestris) et le pigeon colom-bin (Columba oenas). Le pic-noir(Dryocopus martius) se reproduit aussidans cette zone.
Tant le chevreuil (Capreolus capreolus)que le cerf élaphe (Cervus elaphus) serencontrent dans la forêt, ce dernier ayantété réintroduit dans la zone.
Plantations de dune de TverstedLa plantation de dune de Tversted dansle Jutland est la plus ancienne de la par-
tie septentrionale du Danemark. Son éta-blissement a commencé en 1858, et ellecouvre maintenant une superficie de775 ha. Initialement, l’accent avait portésur Picea glauca et Pinus mugo, mais denombreuses autres espèces ont été misesà l’essai dans cette zone, y compris lepin sylvestre et des conifères introduitscomme le sapin (Abies alba, A. grandis,A. nordmanniana et A. procera), le pin(Pinus contorta, P. mugo et P. nigra),l’épicéa (Picea glauca et P. abies) et lemélèze (Larix sp.), ainsi que de nom-breuses espèces feuillues locales (chêne,hêtre, bouleau et cerisier sauvage, parmid’autres). Quelques petits lacs ont aussiété créés (Sand, 1976).
Les efforts réalisés pour transformerles peuplements de Pinus mugo de pre-mière génération en un mélange d’autresespèces ont été couronnés de succès.Dans d’autres zones de la plantation,beaucoup d’arbres, y compris des espè-ces introduites, se maintiennent naturel-lement et de nombreux peuplements ren-ferment un mélange de différentesclasses d’âge et espèces. De ce fait, lepaysage forestier est très varié, ressem-blant étonnamment en certains endroitsaux forêts naturelles de la Norvège et dela Suède, pays voisins.
La variété des espèces forestières etdes habitats a encouragé l’immigration
La plantation de dune deTversted en 1858 offrede nombreusesoccasions de loisir:des visiteurs nourrissentles canards dans l’undes lacs
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de nombreux animaux tels que le re-nard, le blaireau, la martre, l’écureuilroux et trois autres espèces de cervidés(le chevreuil, le cerf élaphe et le daim).Bien que les deux premières espècessoient présentes naturellement auDanemark, la dernière est probablementissue d’un élevage. Une grande variétéd’oiseaux se reproduisent dans la zone,y compris des oiseaux de proie commel’autour (Accipiter gentilis) et la buse(Buteo buteo). On trouve aussi, ou l’onentend, le corbeau (Corvus corax), l’en-goulevent d’Europe (Caprimulguseuropaeus), des pics (Picus viridiset Dendrocopos sp.) et la bécasse(Scolopax rusticola).
Les plantes importantes comprennentplusieurs espèces d’orchidées et de li-chens et une grande variété de mousses.Il est notoire que plusieurs de ces plan-tes proviennent des forêts de pays voi-sins comme la Norvège et la Suède, grâceau concours d’oiseaux migrateurs ou depassage. Vingt espèces de champignonsfigurant sur la Liste rouge nationale ontété enregistrées dans cette plantation(Danish Mycological Society, 2002).L’un des anciens peuplements d’Abiesnordmanniana, établi en 1900 environ,a été déclaré peuplement semenciernational en raison de la beauté de son
allure générale. La forêt revêt une grandeimportance récréative comme le prou-vent ses nombreux visiteurs
ÉVALUATION DE LA DIVERSITÉBIOLOGIQUE DANS LESPLANTATIONS DE DUNEAucune enquête nationale exhaustive n’aété menée sur les espèces de flore et defaune présentes dans les plantations dedune, mais un certain nombre d’inspec-tions locales ont fourni une indicationde la diversité biologique qu’elles con-tiennent. C’est ainsi qu’une enquête surd’importantes espèces végétales et deszones d’un très grand intérêt envi-ronnemental a été menée entre 1996 et1998 dans les plantations de dune dudistrict forestier de Thy dans le nord-ouest du Jutland (Søndergaard, 1998).
Le district comprend 14 plantations oc-cupant une superficie forestière d’envi-ron 9 900 ha. Les espèces plantées aumilieu du XIXe siècle étaient principale-ment des conifères (représentant actuel-lement 81 pour cent de l’ensemble de lasuperficie boisée), notamment Pinus mugoet d’autres pins sur les sols plus pauvres,et l’épicéa (Picea glauca), le sapin (Abiesalba) et des espèces feuillues comme lechêne sur les sols plus fertiles de l’inté-rieur (Nielsen, 1994). Aujourd’hui, quel-
ques peuplements de P. mugo de premièregénération ont été remplacés par d’autresespèces et on encourage l’utilisation d’es-pèces feuillues locales dans la mesure dupossible, ainsi que de conifères plus pro-ductifs de valeur commerciale élevéecomme Picea sitchensis, Abies alba etAbies nordmanniana (Nielsen, 1994).
L’enquête a enregistré toutes les plan-tes inscrites sur les Listes rouges danoi-ses, dressées en 1990 et 1997, des espè-ces animales et végétales menacées(Stolze et Pihl, 1998a) et sur La listejaune danoise de 1997 (Stolze et Pihl,1998b), qui contient les espèces anima-les et végétales en voie de diminution auDanemark, mais dont le nombre est suf-fisamment élevé pour justifier leur ex-clusion de la Liste rouge de 1997, demême que des espèces pour lesquellesune responsabilité internationale spé-ciale incombe au Danemark, même sielles ne sont pas comprises dans la Listerouge de 1997.
Les espèces végétales rares au niveaulocal, qui ne sont pas inscrites sur lesListes rouges, ont été aussi enregistrées,de même que certaines des espèces lesplus communes lorsqu’elles étaient pré-sentes en assez grand nombre pour êtreparticulièrement dignes d’attention oud’une protection prioritaire (les vieuxpeuplements de genévrier, Juniperuscommunis, par exemple).
Les espèces végétales ont été classéesen cinq groupes – trois, “en voie d’ex-tinction”, “vulnérable” et “rare” suivantles classifications de la Liste rouge; etdeux catégories additionnelles compre-nant des espèces menacées ou rares lo-calement, et des espèces semi-rares ounon indigènes exigeant une surveillance,ou qui pourraient présenter un intérêtcomme but d’excursions et de promena-des guidées dans la nature.
Les champignons et les animaux ra-res, les emplacements de nids plus oumoins permanents (autour, buse et hé-
L’engoulevent(Caprimulguseuropaeus) se rencontreà Tisvilde Hegn et dansla plantation de dunede Tversted
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biodiversity policies (Nature danoise –état, tendances et recommandationspour de futures politiques relatives à labiodiversité) a été présenté en août 2001(Wilhjelm Committee, 2001a).
Les recommandations générales durapport concernant les forêts et leurbiodiversité visent à conserver les fo-rêts existantes et leur diversité biologi-que, à accroître leur superficie, à aug-menter l’aire de forêts naturelles etsemi-naturelles non soumises à aména-gement pour leur permettre de se déve-lopper naturellement, et à renforcer l’ac-cent mis sur les pratiques de gestionrespectueuses de l’environnement, ycompris par le biais de la régénérationnaturelle et de l’utilisation accrue d’ar-bres et d’arbustes indigènes. En outre,davantage d’espaces devraient être con-sacrés à l’établissement de forêts.
En ce qui concerne les plantations dedune, l’un des objectifs est d’accroîtrel’emploi d’essences indigènes, pourpasser des 27 pour cent actuels à 40 pourcent sur 80 ans, à savoir une générationd’arbres. Les nouvelles plantations dansles districts de dunes devraient contenirau moins 50 pour cent d’espèces locales.
La stratégie proposée pour la gestiondes zones de dunes vise à renforcer lesvaleurs de l’environnement et à sauve-
ron gris, Ardea cinerea) et les tanières(blaireau, Meles meles) ont aussi étéenregistrés (Søndergaard, 1998).
L’enquête a noté et cartographié 106espèces de plantes d’intérêt local ou na-tional. Le nombre total des espèces vé-gétales présentes dans les plantations estévidemment beaucoup plus élevé, puis-que l’enquête n’a pas tenu compte desessences plantées et des espèces com-munes ne revêtant qu’une importancesecondaire.
Sur les 106 espèces végétales enre-gistrées, 44 étaient d’intérêt national(incluses dans les Listes rouge ou jaunedanoises). Onze bénéficiaient d’unrégime de protection, y compris plusieursespèces d’orchidées (Goodyera repenstrouvée dans 18 sites, Corallorhiza trifidadans trois sites, Listera cordata dans25 sites et Listera ovata, dans un site).
La liste comprenait aussi certaines es-pèces prédominantes dans les écosystè-mes adjacents qui ont été protégés con-tre les sables mouvants par lesplantations, comme Isoetes echinospora,espèce protégée à l’échelle nationale quise limite aux lacs à Lobelia pauvres ennutriments et qui n’a été trouvée que dansun seul site; et trois différentes espècesd’orchidées du genre Dactylorhiza, dontl’espèce la plus commune D. maculata,a été trouvée dans 41 différents sites(Søndergaard, 1998).
A titre de comparaison, une enquêtenationale a noté 208 espèces végétalesdans des écosystèmes de dune. Sur cesespèces, 14 sont inscrites sur la Listerouge danoise et la plupart d’entre ellesont été rencontrées sur les dunes vertesou dans les creux des dunes (des bas-fonds inondés périodiquement dans lessystèmes dunaires) et non pas sur lesdunes blanches, objet de la plupart despremiers boisements (Ellemann et al.,2001; Stolze et Pihl, 1998a).
Les résultats de l’enquête ont servi àétablir des principes généraux de ges-
tion pour la conservation des principa-les espèces végétales présentes dans ledistrict forestier, et à désigner les prio-rités pour la protection. Une base dedonnées sur les espèces, comprenantdes cartes où sont indiqués l’emplace-ment et la description du type d’habi-tat, a été mise au point et sert aux tra-vailleurs et gestionnaires forestiers.
Une enquête semblable est actuelle-ment en cours dans la province deViborg.
STRATÉGIE NATIONALE DECONSERVATION DE LABIODIVERSITÉ ET SES EFFETSSUR L’AMÉNAGEMENT DESPLANTATIONS DE DUNEUn comité à composition non limitée,représentant des associations d’agricul-teurs, de pêcheurs et de forestiers, desorganisations non gouvernementales(ONG), des institutions de recherche,des ministères et des associations desautorités locales, a été créé en mars2000 pour établir un rapport devantservir de base au plan d’action nationalpour la conservation de la diversitébiologique et de la nature. Plusieursréunions ont été tenues, et le rapportfinal, Danish Nature – status, trendsand recommndations for future
La cueillette deframboises sauvages etde chanterelles est uneactivité populaire dans
la plantation de dune deTversted, de même que
dans de nombreusesautres plantations
de ce type
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Monotropa hypopitys,l’une des espèces
végétales raresidentifiées lors de
l’enquête sur la diversitébiologique menée dansles plantations établies
sur des dunes
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garder les habitats des espèces animaleset végétales indigènes adaptées à cesécosystèmes et dépendant d’eux. Le dy-namisme naturel des systèmes dunairesne devra être restreint par la stabilisa-tion que dans les seuls cas où cette me-sure se rend nécessaire pour protégerdes avoirs publics importants contrel’avancée des dunes ou pour éviter d’im-portants apports de sable. L’enlèvementdes conifères introduits comme le pinsylvestre de montagne et le pin de Cali-fornie, qui s’étendent sur les landes sa-blonneuses à proximité des plantations,fait également partie intégrante de lastratégie.
Le comité a également recommandél’identification de trois zones naturelleset forestières contiguës, relativementétendues, où la mosaïque des zones boi-sées et non boisées restera intacte. Lestrois zones suggérées comprennent l’unedes plus grandes forêts (Grib Skov) et lelac adjacent, une zone côtière sur l’îlede Møn et une superficie d’environ20 000 ha dans le district de Thy com-prenant une réserve naturelle et la plu-part des plantations de dune couvertespar l’enquête décrite plus haut. Un cer-tain niveau de conversion des plantationsexistantes à des peuplements de pin syl-vestre indigène et à des peuplementsmixtes de chêne, pin sylvestre et bou-leau est proposé pour augmenter la lu-mière et la valeur des plantations à desfins aussi bien de conservation de la di-versité biologique que de loisirs. Cer-taines zones plantées pourraient aussiêtre défrichées pour faire place à deszones ouvertes non boisées au sein des
plantations (Wilhjelm Committee,2001b), ce qui permettra l’accroisse-ment du nombre et de l’étendue des dif-férents habitats et améliorera laprotection des plantes estiméesvulnérables.
CONCLUSIONQuelque 150 ans après les premièresinitiatives de reboisement des dunes,le Danemark dispose aujourd’hui d’unesérie de plantations comprenant unegrande variété d’essences forestières etd’habitats. Certains des peuplementsmonospécifiques de première généra-tion ont cédé la place à un mélange dedifférentes espèces et, dans toutes leszones, les interventions visant expres-sément à promouvoir la diversité desespèces et des habitats par des éclair-cies sélectives ont donné de bons ré-sultats. La plupart des plantations dedune ont maintenant évolué pour deve-nir des paysages forestiers variés abri-tant un grand nombre d’espèces végé-tales et animales au sein de la forêt, etprotégeant les écosystèmes adjacentscontre l’invasion des sables mouvants.Ces plantations jouent un rôle impor-tant non seulement dans la stabilisa-tion des dunes mais aussi dans la con-servation de la diversité biologique.
Il est souvent estimé que les planta-tions forestières ne renferment qu’unediversité biologique limitée – cepen-dant, ces plantations établies sur le sa-ble montrent qu’avec le temps et unegestion avisée les forêts plantées peu-vent devenir des écosystèmes riches enespèces. ◆
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Une enquête surd’importantes espècesvégétales et sur deszones à haute valeurenvironnementale a étéentreprise dans lesplantations de dune dudistrict forestier de Thy,dans le nord-ouest duJutland (sur cette photo,la plantation de Tved)
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Diversité biologique – sites web utiles
GÉNÉRALPage d’accueil de la FAO sur la diversité biologiqueRegroupe des informations sur les activités de la FAO relatives à la diversité biologique,notamment du Groupe de travail interdépartemental sur la diversité biologique pourl’alimentation et l’agriculturewww.fao.org/biodiversity/default.asp?lang=fr
Commission sur les ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculturewww.fao.org/ag/cgrfa/French/Default.htm
Biotechnologies pour l’alimentation et l’agriculturewww.fao.org/biotech/index.asp?lang=fr
FORESTERIEEvaluation des ressources forestières 2000 (ERF 2000)Comprend deux chapitres sur la diversité biologique forestière: Chapitre 5, “Diversité biologiqueforestière”; et Chapitre 7, “Les forêts des zones protégées”www.fao.org/forestry/fo/fra/main/index.jsp
Situation des forêts du monde 2001Contient un chapitre sur “La conservation de la diversité biologique forestière: gestion deszones protégées”www.fao.org/forestry/FO/SOFO/SOFO2001/publ-f.stm
Page d’accueil des ressources génétiques forestièresComprend le Bulletin annuel sur les ressources génétiques forestièreswww.fao.org/fo/FOR/FORM/FOGENRES/homefr/fogene-f.stm
Page d’accueil sur les produits forestiers non ligneuxComprend une base de données consultable sur les produits forestiers non ligneuxwww.fao.org/fo/FOP/FOPW/NWFP/nwfp-f.stm
Base de données sur les liens concernant la foresteriewww.fao.org/forestry/foris/index.jsp?lang_id=2&geo_id=42&start_id=4029
Système mondial d’information sur les ressources génétiques forestières(REFORGEN)www.fao.org/forestry/foris/reforgen/index.jsp
RESSOURCES PHYTOGÉNÉTIQUESEngagement international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculturewww.fao.org/ag/cgrfa/iu.htm
Système mondial d’information et d’alerte rapide sur les ressources phytogénétiques (WIEWS)apps3.fao.org/wiews/wiews.jsp?i_l=FR
ÉCOSYSTÈMESEcoportwww.ecoport.org/
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LA FAO ET LA FORESTERIE
Actualiser l’enseignement forestierLes attitudes de la société envers la forêt et la foresterie se sont
modifiées avec la prise de conscience des multiples valeurs des
forêts. Ces changements se sont traduits par une évolution que l’on
peut observer dans le secteur forestier, en particulier dans: les
sciences forestières; les systèmes d’éducation et les technologies de
l’information et de la communication; les pratiques et technologies
d’aménagement forestier; les marchés de l’emploi et les parties
prenantes; et les conventions mondiales et politiques forestières.
L’enseignement forestier doit s’adapter à ces changements afin
d’offrir aux forestiers les connaissances, les capacités et les
comportements requis pour garantir la viabilité future des forêts du
globe.
Une Consultation d’experts sur l’enseignement forestier, organisée
par la FAO en collaboration avec le Ministère de l’agriculture, du
développement rural, des eaux et des forêts du Maroc, s’est tenue du
17 au 19 octobre 2001 à Rabat (Maroc). Le principal objectif était
d’examiner la situation actuelle de l’enseignement forestier, les
changements intervenus à l’échelle mondiale dans le secteur de la
foresterie et les incidences de ces changements sur les nouvelles
qualifications professionnelles attendues des forestiers. Les 30
participants comprenaient neuf experts invités des établissements
d’enseignement et des institutions de recherche de divers pays –
Chili, Costa Rica, France, Gabon, Kenya, Maroc, Thaïlande et
Royaume-Uni. D’autres experts et observateurs de plusieurs
organisations internationales et institutions marocaines ont
également participé.
La Consultation a formulé un certain nombre de recommandations
pour la FAO et ses Etats membres, regroupées en quatre sections:
• Renforcer les programmes d’enseignement forestier. La
capacité des institutions et des programmes devrait être renforcée
et mise à jour pour donner suite à ces changements récents. Il
faut réorganiser le système d’enseignement-apprentissage et
élaborer des qualifications pour la formation permanente,
notamment en matière d’analyse critique et de résolution des
problèmes à partir de cas réels. L’enseignement forestier devrait
développer les compétences sociales nécessaires aux forestiers
pour remplir leurs fonctions de conseillers envers les usagers
des forêts, et de participants au dialogue avec les diverses
parties prenantes.
• Révision, conception et application des programmes. Les
programmes d’enseignement forestier devraient tenir compte de
l’évolution des valeurs attribuées par la société aux biens et
services que procurent les forêts. Il faut privilégier
l’interdisciplinarité; le programme devrait comprendre des
aspects sociaux et économiques. Les méthodes d’enseignement
devraient suivre une logique partant du général (perspective
holistique) au particulier, et aider à mieux comprendre les
dynamiques sociales, économiques et biophysiques de la
foresterie.
• Dispenser un enseignement forestier à toutes les partiesprenantes. La réunion a examiné les types et méthodologies
des parties prenantes pour garantir leur éducation par des
moyens formels et informels, y compris les médias. L’accent a
été mis sur la nécessité de repenser les rôles traditionnels de
l’enseignement forestier et l’éducation du grand public.
• Mécanismes et outils pour faciliter les interactions et leséchanges d’information entre établissements d’en-seignement forestier. Ceux –ci comprennent des réseaux aux
niveaux national, régional et international afin d’encourager le
débat théorique.
La réunion a conclu que l’enseignement forestier, faisant partie
intégrante des programmes forestiers nationaux, devrait aborder la
nécessité d’une approche intégrée aux niveaux technique et politique
pour la gestion, la conservation et le développement durable de tous
les types de forêts. Il devrait se pencher sur le lien entre foresterie et
viabilité agricole et, plus précisément, sur le rôle de la foresterie dans
la sécurité alimentaire, la création de revenus et les moyens
d’existence de différents secteurs de la société.
La FAO, les gouvernements, le public et les institutions privées
intéressées par les questions d’enseignement forestier, ainsi que les
organisations non gouvernementales devraient avoir des rôles clés
à jouer dans ces processus.
Application de la loi dans le domaine forestierIl est difficile d’envisager un aménagement durable des forêts dans
des environnements où règnent une corruption diffuse et autres
pratiques illégales. Des crimes et délits sont commis dans tous les
types de forêt et vont de la coupe illégale à l’occupation non autorisée
des terres boisées, de l’exploitation dans les aires protégées à la
FAO
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Unasylva 209, Vol. 53, 2002
71
LA FAO ET LA FORESTERIE
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récolte d’espèces protégées d’arbres, de l’incendie criminel des
boisements au braconnage, au traitement non autorisé des produits
forestiers, au transport illégal et à la contrebande de bois, à la
corruption des responsables gouvernementaux et aux pratiques
comptables frauduleuses. Les infractions en forêt dévalorisent les
ressources forestières, font du tort aux pauvres et privent les
gouvernements de recettes qui pourraient servir à promouvoir la
gestion durable des forêts.
La réunion d’experts sur les choix de politique pour améliorer
l’application des lois dans le secteur forestier a été convoquée pour
examiner les principales causes possibles des pratiques illégales et
les moyens d’action disponibles, les mécanismes choisis pour la
mise en œuvre de politiques correctrices et le rôle potentiel des
acteurs internationaux, en particulier de la FAO. Tenue au siège de
la FAO à Rome du 14 au 16 janvier 2002, la réunion a vu la
participation de quelque 50 experts internationaux de la Banque
mondiale, de l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT),
de la FAO, et d’autres experts des gouvernements, des industries
forestières et des organisations non gouvernementales (ONG)
s’employant à lutter contre la corruption et pour la promotion de la
gouvernance, de la foresterie durable, des opérations industrielles et
du commerce.
La réunion a identifié des causes fondamentales d’activité illégale,
sur lesquelles cibler les mesures de politique.
• Lacunes de la loi. Certaines pratiques illégales sont la
conséquence involontaire de lois défectueuses. Un système
juridique imparfait peut encourager certains membres de la
société à opérer en marge de la loi.
• Connaissances insuffisantes et gestion inadéquate desconnaissances. Il se peut que les dispositions de la loi, surtout
si elles sont complexes, ne soient pas à la portée du public.
• Pouvoir discrétionnaire excessif dans le secteur public etmonopole dans le secteur privé. Le pouvoir des fonctionnaires
d’accorder des concessions et ordres d’achat de bois d’œuvre
peuvent inviter arbitrairement à la corruption. Dans le secteur
privé, la concentration du pouvoir économique (monopole) va
généralement de pair avec une grande influence politique qui
présente de gros risques d’abus.
• Faiblesses institutionnelles. Faute d’institutions publiques
solides (administration forestière et organismes de répression),
la probabilité de détection et de coercition est faible. Dans un
environnement de ce type, la propension aux pratiques illégales
est élevée.
Deux mécanismes principaux ont été identifiés pour une réforme de
la lutte contre les infractions en forêt. Le premier est la formation de
coalitions. Il est peu probable que les gouvernements soient en
mesure, à eux seuls, de combattre ce fléau. Si on les encourage, de
nombreuses parties prenantes (par exemple, les autorités nationales,
régionales et locales, les communautés locales, l’industrie forestière,
les détaillants de produits forestiers, les consommateurs, les organes
de certification, les ONG, les organismes de financement et les
organismes techniques, et les médias) peuvent contribuer à la
prévention, à la détection et à l’élimination des actes illégaux. En
bonne logique, ils devraient agir de concert.
Le deuxième mécanisme fait intervenir les systèmes institutionnels
dans l’amélioration de la prévention, la détection et l’élimination des
infractions en forêt. L’efficacité de ces systèmes repose notamment
sur une forte sensibilisation du public aux différences entre activités
légales et illégales et sur la capacité de suivre les mouvements des
produits forestiers. Les avantages et inconvénients des technologies
modernes de traçabilité des grumes devraient être étudiés, en
particulier pour les pays qui manquent de ressources financières et
humaines.
Dans ce contexte, la réunion a recommandé que la FAO contribue
à améliorer le respect de la loi dans le secteur forestier en:
• recueillant et en compilant l’information;
• élaborant des normes pour des politiques légitimes d’achat, des
procédures transparentes d’affectation du bois et des critères
nationaux de gestion durable des forêts;
• étudiant, par exemple sur les systèmes de traçabilité du bois,
l’impact de la coupe illégale sur les populations pauvres et les
discordances dans les données du commerce mondial;
• appuyant le développement de coalitions, réseaux, meilleures
pratiques pour le respect des lois forestières et la participation
des communautés locales à l’application de la loi, et aidant à
harmoniser les lois régionales;
• soutenant la formation des responsables et des avocats, des
procureurs et des juges, de la police et des douaniers.
Renforcer la contribution des arbres hors forêtsaux moyens d’existence durablesUne Consultation d’experts sur les arbres hors forêts, tenue au siège
de la FAO à Rome du 26 au 28 novembre 2001, a reconnu l’importance
croissante des arbres hors forêts, en particulier contre les processus
de désertification et de dégradation des terres et dans l’amélioration
des moyens d’existence.
Les 15 experts et spécialistes ont examiné le concept et la définition
des arbres hors forêts et leur rôle dans les moyens d’existence
durables, la sécurité alimentaire, la défense de l’environnement et la
conservation de la diversité biologique. La Consultation a également
passé en revue les activités précédentes, y compris les consultations
nationales et études de cas réalisées dans le monde entier, ainsi que
les ateliers nationaux tenus en Afrique (République-Unie de
Tanzanie), Asie (Inde), Europe (France) et Amérique latine
(Venezuela) avec le concours de la FAO et de partenaires.
Unasylva 209, Vol. 53, 2002
72
LA FAO ET LA FORESTERIE
Les participants ont préconisé certaines révisions de la définition
actuelle de la FAO des arbres hors forêts, en particulier pour ce qui
concerne la superficie minimale, le couvert vertical au sol, la hauteur
des arbres et les essences. Ils ont recommandé que la définition des
arbres hors forêts se fonde sur les fonctions des arbres, leur situation
géographique, outre des considérations culturelles, économiques et
sociales.
La Consultation a passé en revue les progrès accomplis dans la
méthodologie d’évaluation des ressources. Elle a noté que l’on ne
disposait guère d’informations systématiques sur l’ampleur de ces
ressources arborescentes pour ce qui est de leurs valeurs de
production et de service. Ces valeurs devraient être pleinement
reconnues et intégrées dans les politiques nationales et
internationales et les conventions et accords internationaux,
notamment ceux portant sur la conservation de la biodiversité, la
fixation du carbone, la conservation des sols et des eaux, la lutte
contre la désertification et l’aménagement d’espaces verts en ville.
D’autres questions à aborder étaient le manque de politiques bien
définies sur les arbres hors forêts, les mesures d’incitation
insuffisantes pour la plantation, la gestion et la conservation des
arbres hors forêts, l’extrême diversité des situations d’utilisation des
terres et les codes forestiers peu adaptés à ces ressources.
Les participants ont recommandé de prêter plus d’attention à divers
régimes fonciers, aussi bien dans les secteurs formel qu’informel,
pour une utilisation plus efficace des arbres hors forêts; d’effectuer
des études (par exemple, les études de cas par pays) pour pallier le
manque d’informations systématiques sur les arbres hors forêts; et
ont invité la FAO à jouer un rôle de premier plan dans la sensibilisation
au rôle des arbres hors forêts en organisant des ateliers régionaux et
sous-régionaux et des réunions sur les questions de politique.
Impacts des politiques intersectoriellessur la foresterieLe dialogue international sur les forêts et les programmes forestiers
nationaux a abouti à la prise de conscience que les politiques
externes à la gestion durable des forêts ont souvent un impact plus
grand que les politiques relatives au secteur forestier. En outre, les
politiques forestières ont des incidences sur de nombreux domaines
connexes, notamment le développement rural, l’environnement
naturel et les conditions de vie des populations rurales et urbaines.
Le Département des forêts de la FAO a entrepris un programme de
travail concernant les impacts des politiques intersectorielles sur la
foresterie.
Les objectifs de ce programme sont de:
• améliorer la connaissance générale des liens entre différents
secteurs;
• améliorer la formulation et la mise en œuvre des politiques et
plans forestiers;
• améliorer les liens institutionnels et les partenariats entre les
secteurs concernés;
• élaborer des mécanismes d’évaluation des externalités et
internalités des politiques sectorielles.
Le Département des forêts de la FAO a récemment lancé un
nouveau site Internet sur les impacts des politiques intersectorielles:
www.fao.org/forestry/foris/index.jsp?start_id=5408
Unasylva 209, Vol. 53, 2002
73
LE MONDE FORESTIER
Regard sur les mangrovesLes mangroves constituent un écosystème riche et diversifié qui offre
des aliments, des habitats et des lieux de reproduction à de nombreuses
espèces marines et à plusieurs animaux et oiseaux terrestres. Ils
fournissent aussi des produits dont dépendent les habitants de la côte,
y compris des aliments (poissons et crustacés), du bois d’œuvre, du
charbon de bois et du bois de feu. La demande croissante de ces
produits, du fait de l’intensification de la population humaine le long des
côtes, exerce une pression grandissante sur les écosystèmes de
mangrove dans de nombreux pays. Les préoccupations croissantes
exprimées quant à la pérennité des fonctions environnementales et
socioéconomiques des écosystèmes de mangrove ont attiré l’attention
sur la nécessité de les conserver et de les aménager de façon durable.
Un atelier international sur les mangroves, accueilli par le Ministère de
l’environnement de la Colombie, parrainé par l’OIBT et réalisé avec
l’aide de la Société internationale des écosystèmes de mangrove
(ISME), s’est tenu a Cartagena (Colombie) du 19 au 22 février 2002.
Plus de 30 personnes ont participé à l’atelier, y compris des
représentants de 18 pays et d’organisations internationales dont l’OIBT,
l’ISME, la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation la
science et la culture (UNESCO), le Secrétariat de la Convention relative
aux zones humides d’importance internationale, particulièrement comme
habitats de la sauvagine (la Convention de Ramsar), l’Union mondiale
pour la nature (UICN) et l’Union internationale des instituts de recherche
forestière (IUFRO). Les objectifs visés par l’atelier étaient les suivants:
• partager les expériences acquises en matière de conservation, de
remise en état et de gestion durable des forêts;
• identifier les domaines où les organisations participantes travaillent
déjà, et ceux où l’OIBT pourraient apporter une contribution valable;
• évaluer les liens entre les produits tirés des écosystèmes forestiers
de mangrove et les objectifs de l’OIBT, et le rôle de ces produits sur
les marchés internationaux.
Les deux premières journées ont été consacrées aux présentations
des organisations et des représentants de pays, alors que la troisième
journée s’est déroulée en débats.
Les participants ont recommandé que soit réalisé un plan d’action
mondial pour les mangroves et ont dressé une liste des domaines à
introduire dans ce plan, à savoir: évaluation et surveillance des ressources
en mangrove; conservation et aménagement; avantages
socioéconomiques pour les communautés locales; recherche;
information et bases de données; institutions; et politiques et législation.
Ils ont en outre recommandé que les organisations et pays représentés
à la réunion, ainsi que d’autres absents, appuient le plan dans le cadre
de leur mandat et des ressources disponibles, et coordonnent leurs
activités. Les participants ont également noté que l’un des moyens
d’accroître la sensibilisation et l’appui à la conservation et à l’utilisation
durable des mangroves serait de proclamer une Année internationale
de la mangrove.
Récupération du paysage forestierLa récupération des terres forestières dégradées est un thème qui fait
actuellement l’objet de vifs débats (voir Unsylva 207, “Récupération des
sites dégradés”, 2001). Certaines méthodes appliquées à cet effet ont
été critiquées pour l’étroitesse de leur portée, car elles mettent l’accent
sur la plantation de quelques essences forestières qui ne fournissent
qu’un nombre limité de biens et de services. L’Union mondiale pour la
nature (UICN) et le Fonds mondial pour la nature (WWF-International)
ont proposé une démarche de rechange pour la réhabilitation des forêts
dégradées: la récupération du paysage forestier, définie comme “une
démarche planifiée qui vise à rétablir l’intégrité écologique et à améliorer
le bien-être humain dans les paysages déboisés ou dégradés”.
Une réunion d’experts internationale sur ce thème, intitulée “Constituer
des avoirs pour l’homme et la nature”, s’est tenue à Heredia, au Costa
Rica les 27 et 28 février 2002, et a été accueillie par les Gouvernements
du Costa Rica et du Royaume-Uni, en collaboration avec l’UICN, le
WWF-International, l’OIBT, l’Agence canadienne de développement
international (ACDI), le CIFOR et le Forum sur les forêts d’Asie du nord-
est (NEAFF). Environ 60 participants représentant des gouvernements,
des organisations internationales, des institutions de recherche, des
universités et des ONG ont pris part à cette réunion.
Les objectifs de la réunion étaient les suivants:
• favoriser la compréhension du concept de récupération du paysage
forestier parmi les experts forestiers et les décideurs par un échange
d’expériences et de leçons apprises;
• lancer une initiative de partenariat pour affiner et concrétiser le
concept de récupération du paysage forestier;
• stimuler l’engagement politique et l’intérêt à poursuivre la
récupération du paysage forestier dans des pays et/ou régions
spécifiques par des processus intergouvernementaux appropriés.
La réunion était articulée en cinq sessions: définition de la récupération
du paysage forestier; engagement des parties prenantes au niveau du
paysage; enjeux biophysiques; un environnement porteur; et un cadre
de mise en œuvre.
Les participants ont suggéré les domaines prioritaires suivants pour la
recherche: outils d’identification et de négociation avec les parties
prenantes au niveau du paysage; critères, indicateurs et méthodes de
surveillance et d’évaluation de la récupération du paysage forestier;
mécanismes d’évaluation des biens et services procurés par cette
opération; modes de financement novateurs en sa faveur; pauvreté et
développement rural; et rapport entre les services environnementaux et
les impacts sur les fonctions des terres humides.
De nouvelles approches pour planifier et mettre à l’essai la récupération
du paysage forestier ont aussi été définies: elles comprenaient la
participation des populations autochtones et des organisations locales;
l’introduction du thème dans les universités et d’autres institutions de
formation; et l’utilisation du corridor vert d’Amérique centrale comme
laboratoire d’observation des impacts de la récupération.
Unasylva 209, Vol. 53, 2002
74
LIVRES
Une collection complète de publications sur labiodiversité
Biodiversity Support Program. 2001. Fonds mondial pour la nature
(WWF), Washington. CD-ROM.
Le Programme de soutien de la biodiversité, opérationnel de 1989 à
2001 en tant que consortium du Fonds mondial pour la nature (WWF),
the Nature Conservancy et l’Institut mondial pour les ressources a été
financé par l’Agence des Etats-Unis pour le développement
international (USAID). La mission du Programme de soutien de la
biodiversité était de privilégier la conservation de la diversité biologique
de la planète, en partant du postulat qu’une base de ressources
vivante, saine et sûre est essentielle pour satisfaire les besoins et
aspirations des générations futures.
Le Programme, en collaboration avec les gouvernements,
organisations non gouvernementales (ONG), communautés, bailleurs
de fonds, universités et secteur privé, a accompli sa tâche en
exécutant des projets associant la conservation au développement
social et économique. Ses quatre principaux domaines d’activité
étaient:
• analyse des approches traditionnelles et novatrices de
conservation de la biodiversité pour recenser les pratiques de
conservation les plus efficaces;
• facilitation neutre des processus faisant intervenir de multiples
parties prenantes, parfois aux intérêts antagoniques, et
favorisant partenariats et activités;
• renforcement des capacités des individus et des organisations
grâce à l’amélioration des compétences techniques,
organisationnelles et stratégiques;
• assistance technique aux partenaires, y compris l’USAID.
Le Programme de soutien de la biodiversité a réalisé un disque
compact englobant toutes les expériences, leçons et outils acquis
durant les 13 années d’activité du projet, à l’intention des praticiens
de la conservation, des décideurs, des gouvernements, des ONG,
des chefs de communauté, des donateurs, des responsables
d’éducation, des chercheurs et des étudiants travaillant dans le
domaine de la conservation de la biodiversité et de la gestion des
ressources naturelles. Le CD contient environ 80 publications et
rapports en anglais, avec quelques traductions en bahasa, espagnol,
français, portugais et russe. Il comprend également tous
renseignements sur le Programme et ses programmes régionaux
spécifiques.
Le contenu du CD, ainsi que d’autres documents, est disponible sur
le site Internet du Programme de soutien de la biodiversité
(www.bsponline.org).
La conservation de la biodiversité en BolivieBiodiversity, conservation and management in the region of the Beni
Biological Station Biosphere Reserve, Bolivia. O. Herrera-MacBryde,
F. Dallmeier, B. MacBryde, J.A. Comiskey et C. Miranda, éds. 2000.
SI/MAB Series No. 4. Smithsonian Institution/Organisation des Nations
unies pour l’éducation, la
science et la culture
(UNESCO). Washington. ISBN
1-893912-03-5.
Le Programme sur l’Homme et la
biosphère (MAB) de l’Organisation
des Nations unies pour l’éducation,
la science et la culture (UNESCO)
offre un soutien aux études sur la
gestion et la conservation des
écosystèmes forestiers. Les
réserves de biosphère sont des
zones d’écosystèmes terrestres et
côtiers s’efforçant d’harmoniser la conservation de la biodiversité avec
son utilisation durable (pour en savoir plus sur le Réseau mondial MAB
des Réserves de biosphère, voir page 55 de ce numéro).
La Réserve de biosphère de la station biologique de Beni, située au
nord-est de la Bolivie, couvre une superficie de 135 000 ha et
représente trois grandes régions biogéographiques: Amazonie, Chaco
et Cerrado. Soixante-dix pour cent de la réserve est couverte de
hautes forêts denses, de forêts ripicoles et de forêts de marais, et le
reste de terrains marécageux et de savane. On y a recensé plus de
2 000 espèces de plantes vasculaires, plus de 100 espèces de
mammifères, 470 espèces d’oiseaux, 45 espèces amphibies et
environ 200 espèces de poisson. La population d’environ 2 000
personnes vivant à l’intérieur ou aux abords immédiats de la réserve
dépend de ses ressources naturelles pour la chasse, la pêche, la
cueillette, l’artisanat et l’agriculture de subsistance.
Cette publication est le fruit de la coopération entre l’UNESCO et la
Smithsonian Institution. Elle contient les principaux travaux accomplis
depuis la création de la Station biologique de Beni en 1982, y compris
des efforts de recherche détaillés et des informations générales
destinées à un vaste public.
Vingt et un chapitres, pour l’essentiel en espagnol avec des résumés
en anglais, sont articulés en cinq sections. La première présente une
Unasylva 209, Vol. 53, 2002
75
LIBROSespèces de flore et de faune, le nombre d’espèces par unité de
surface, les forêts en tant qu’habitat pour les espèces, et des
données sur les espèces exotiques.
Le chapitre suivant se penche sur les aspects fonctionnels – les
processus écologiques et évolutifs qui influent sur les différents
phénomènes, comme la photosynthèse et le cycle des substances
nutritives et, en dernière analyse, la structure du système. Les
thèmes couverts sont le suivi des processus continus, comme la
croissance de la forêt et l’état de la couronne, ainsi que les
perturbations naturelles et les influences anthropiques.
La vaste évaluation de base présentée dans l’étude pourra servir
à identifier des améliorations en vue d’évaluations futures de la
diversité biologique forestière, et à parfaire les indicateurs et
systèmes de suivi.
Etude novatrice sur l’efficacité des interdictionsde coupe pour la conservation des forêts etde la biodiversité
Forests out of bounds: impacts and effectiveness of logging bans in
natural forests in Asia-Pacific. Par P.B. Durst, T.R. Waggener, T. Enters
et T.L. Cheng, éds. 2001. Publication RAP 2001/08. Bureau régional de
la FAO pour l’Asie et le Pacifique, Bangkok, Thaïlande. ISBN 974-7946-
09-2. Forests out of bounds – executive summary. Par C. Brown,
P.B. Durst et T. Enters. 2001. Publication RAP 2001/10. ISBN 974-
7946-10-6.
L’exploitation forestière fournit le
bois et les fibres nécessaires
pour satisfaire le fort
accroissement de la demande
de nos sociétés. Elle génère des
milliards de dollars de recettes,
aide le développement éco-
nomique et industriel des pays
et fournit un revenu et un emploi
à des millions d’individus. En
revanche, elle peut causer des
dégâts considérables aux forêts,
voire faciliter la conversion des
forêts à d’autres utilisations des
terres. L’exploitation forestière
est souvent consi-dérée comme
un facteur clé dans la perte de la diversité biologique et des habitats,
la détérioration des bassins versants et de la qualité de l’eau, la
progression du désert et la fin des communautés dépendant de la
forêt. Les interdictions d’exploitation peuvent-elles aider à interrompre
la destruction et la dégradation des forêts?
Forests out of bounds présente les résultats d’une étude qui a duré
deux ans destinée à évaluer les impacts et l’efficacité des interdictions
de coupe et autres restrictions de récolte du bois, en tant que
stratégie de conservation des forêts d’Asie et du Pacifique. L’étude
a été sollicitée par les Etats membres à la 17e session de la
Commission des forêts pour l’Asie et le Pacifique en 1998. Des
interdictions sur la récolte de bois des forêts naturelles, partielles ou
totales, ont été mises en place ou sont envisagées par de nombreux
pays de la région face au deboisement continu et la priorité accordée
à la conservation des forêts.
introduction à la Réserve de biosphère de la station biologique de
Beni, et comprend une description générale de l’écologie de la zone
et un aperçu des objectifs de gestion, des programmes et des
activités. Des recherches détaillées et appliquées sur la végétation et
la faune de la réserve sont examinées dans les deux sections
suivantes. L’utilisation et la gestion des ressources par les
communautés locales sont abordées dans la quatrième section. Une
section sur la conservation conclut l’ouvrage; elle comprend une
analyse biogéographique de la réserve, un examen des incidences
pour la gestion des zones protégées et des processus de planification
régionale, ainsi qu’un résumé historique du projet de la Station
biologique de Beni.
Biodiversité forestière en EuropeStructural, compositional and functional aspects of forest biodiversity in
Europe. J. Puumalainen. 2001. Geneva Timber and Forest Discussion
Papers. Genève, Commission économique des Nations Unies pour
l’Europe (ONU/CEE)/FAO. ISBN 92-1-116788-4.
Le volume Structural, composi-
tional and functional aspects of
forest biodiversity in Europe
s’attache à présenter une analyse
détaillée de la biodiversité
forestière et de la variété des forêts
en Europe à l’intention d’un vaste
public de responsables politiques,
écologistes, forestiers et cher-
cheurs. L’étude a été lancée non
seulement pour décrire la variété
des forêts européennes, mais
aussi pour aborder les lacunes et
les difficultés actuelles liées à la
notification internationale, aux
évaluations à grande échelle et au suivi à long terme de la biodiversité
forestière. L’analyse se fonde sur les résultats de l’Evaluation des
ressources forestières des zones tempérées et boréales (ERFTB 2000),
étayée par d’autres sources, le cas échéant.
L’introduction présente un bref aperçu des initiatives internationales
et des rapports sur la biodiversité forestière. Le chapitre suivant décrit
les enjeux du suivi de la biodiversité forestière, tels que l’absence
d’une définition universelle de la biodiversité et, souvent, les résultats
incomparables en raison des différentes méthodes d’analyse et
d’évaluation. Le troisième chapitre décrit les indicateurs et facteurs
clés utilisés dans la description de la biodiversité forestière, comme les
indicateurs paneuropéens pour la gestion durable des forêts.
Le Chapitre 4 résume les aspects structurels de la biodiversité
forestière en Europe (le cadre et la structure des forêts), notamment
la superficie des forêts et autres terres boisées, les forêts naturelles
et protégées, les mélanges d’espèces, la structure d’âge, la
régénération et la colonisation.
Les aspects liés à la composition de la biodiversité forestière en
Europe – c’est-à-dire non seulement le nombre d’espèces présentes,
mais aussi les interactions des espèces avec leur habitat, et la
fonction des espèces dans leurs niches particulières – sont présentés
dans le Chapitre 5. Ce chapitre analyse la ventilation de toutes les
Unasylva 209, Vol. 53, 2002
76
LIVRESLes objectifs de l’étude étaient de:
• étudier les expériences passées et présentes des pays de la
région Asie-Pacifique visant à faire cesser la production de bois
dans les forêts naturelles dans le but de conserver les forêts;
• évaluer les incidences de politique, économiques,
environnementales et sociales de la mise en œuvre d’inter-
dictions de coupe et autres restrictions de récolte du bois;
• répertorier les conditions nécessaires à la mise en application
fructueuse des interdictions de coupe ou propices à leur réussite.
La publication contient un aperçu régional des forêts naturelles,
l’historique des interdictions de coupe, questions et problèmes,
stratégies et solutions, enseignements tirés, conditions nécessaires
à la conservation des forêts naturelles, et recommandations. Elle
présente également des études de cas détaillées de six pays (Chine,
Nouvelle-Zélande, Philippines, Sri Lanka, Thaïlande et Viet Nam).
Propriété de la forêt et gestion communautaireLand, people and forests in eastern and southern Africa at the beginning
of the 21st century. The impact of land relations on the role of
communities in the forest. Par L.A. Wily et S. Mbaya. 2001. Forest and
Social Perspectives in Conservation. Nairobi, Kenya, Union mondiale
pour la nature – Bureau régional pour l’Afrique de l'Est (UICN-EARO).
ISBN 2-8317-0599-1.
Le régime de propriété des terres forestières influe directement sur le
statut de la forêt, son état et la façon dont elle est gérée. La propriété
détermine aussi le lien des communautés locales avec la forêt. Un
régime sûr peut être considéré comme le meilleur atout d’une
communauté dans l’avenir de la forêt et une base stable pour sa
participation à sa gestion durable.
Cette publication présente les conclusions d’une étude sur le lien
entre les droits des communautés sur la terre et la manière dont elles
peuvent intervenir dans la gestion des forêts. Elle se concentre
principalement sur la République-Unie de Tanzanie, l’Ouganda, le
Kenya, la Zambie, le Malawi, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud, la
Namibie, le Mozambique et le Lesotho et, dans une moindre mesure,
le Botswana et le Swaziland. Tous les types de forêts sont pris en
considération, mais l’accent est mis sur les forêts naturelles.
Les auteurs soutiennent que si l’on place la participation dans un
cadre qui n’envisage que l’utilisation locale des forêts, on ne tient pas
compte des véritables impératifs de la gestion des forêts et des
moyens d’existence locaux basés sur la forêt. Ils font valoir qu’au lieu
de recadrer l’accès aux forêts et les avantages forestiers pour
prendre en compte les
communautés, la gestion
forestière devrait restructurer les
modalités de propriété et de
contrôle des forêts à l’avenir.
Cela modifierait l’orientation de
la gestion forestière d’un point
de vue paternaliste, fondé sur
les besoins locaux vers une
perspective axée sur les droits et
capacités locales. Pour soutenir
leurs dires, les auteurs
présentent et analysent les
paradigmes de gestion en
vigueur et d’autres questions centrales comme les perceptions
divergentes des intérêts locaux, la mesure dans laquelle les lois
pertinentes sont respectées et l’évolution des notions de régime
foncier.
Cette publication devrait être utile à tous ceux qui s’intéressent à la
gestion communautaire des forêts et aux responsables politiques, de
l’échelon national à l’échelon communautaire.
Dimensions sociales de la gestion durable des forêtsPeople managing forests: the links between human well-being and
sustainability. Par C. J. Pierce Colfer et Y. Byron, éds. 2001. Resources
for the Future, Washington. ISBN 1-891853-05-8.
Publié dans la série “Resources
for the Future”, en collabora-
tion avec le Centre pour la recher-
che forestière internationale
(CIFOR), cet ouvrage est un
recueil d’articles récents sur l’état
actuel des connaissances sur les
moyens d’améliorer le bien-être
des communautés dépendantes
de la forêt, et d’aider les pays
tropicaux à gérer leurs forêts
judicieusement pour en tirer des
bénéfices durables. Il se penche
sur la question fondamentale:
Comment peut-on créer les
conditions permettant aux
communautés vivant en forêt ou aux alentours des forêts de
conserver les aspects importants de leur propre mode de vie tout en
prospérant et en protégeant ces forêts dont elles dépendent, tout
comme le reste de l’humanité?
Les thèmes centraux abordés dans ce volume sont l’identification
et les rôles des parties prenantes (y compris un examen des questions
relatives à la parité et à la diversité et l’importance d’une “éthique de
conservation”), la sécurité de l’accès intergénérationnel aux
ressources forestières et aux droits et responsabilités de gérer les
forêts en coopération et de façon équitable. La discussion est étayée
par des exemples d’Afrique Centrale, d’Indonésie et de l’Amazonie
brésilienne.
Cet ouvrage pourrait intéresser quiconque est intéressé aux
dimensions culturelles et sociales de la mise en valeur durable des
forêts. Les chercheurs et les praticiens s’occupant de gestion
communautaire durable des forêts trouveront utiles et applicables à
leurs travaux, les analyses conceptuelles, la variété des thèmes et
les outils méthodologiques.