rÉflexions sur les probabilitÉs

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RfiFLEXIONS SUR LES PROBABILITzS TABLE Pager Introduction ........................ 375 1. La probabilitb relative A la connaissance ........ 378 2. Les structures de la connaissance partielle ....... 379 3. L’objet et l’Bv6nement. ............... 382 4. La probabilith relative au moment .......... 384 5. La theorie de l’bvbnement quclconque ......... 385 I. Les ProbabilitLs et la Physique classfque II. Les probabilitb et la micro-physique 6. La thkorie de l’objet quelconque ........... 387 Conclusion ......................... 389 Plus on rCflCchit 4 la notion de probabilitb, plus on lui trouve des caractbres Ctranges, et qui font quasiment scandale dans le systkme ordonne de la MathCmatique et de la Physique classiques ; au point que l’on finit par voir sans surprise l’anarchie qu’elle semble apporter dans le domaine de la micro-physique contem- poraine, oh toutes les notions classiques s’eff acent devant elle. Si Yon cherche en effet & rattacher cette notion A I’expCrience, la probabilitb est relative A un Ctat de connaissance, et les rensei- gnements qu’elle apporte ne sont utilisables qu’en presence d’un ensemble nombreux d’essais. Cependant, d’aprks sa dbfinition abstraite, la probabilitb semblerait un caractbre objectif de 1’BvB- nement isolC : premier paradoxe. Encore faut-il ajouter que cette definition thCorique, comme beaucoup d’autres, ne vaut que par une intuition qu’elle est incapable de prCciser ; car elle fait appel A la notion purement intuitive d’bvhements 4 Cgalement possibles u. Du point de vue le plus g6nCral oh l’on puisse se placer - celui de la Logique - attribuer une probabilitb A un CvCnement, c’est renoncer A repondre par oui ou non A la question : cet Bvenement se Produira-t-il? on n’Y Peut plus rkpondre que: peut-&re.

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RfiFLEXIONS SUR LES PROBABILITzS

TABLE Pager

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375

1. La probabilitb relative A la connaissance . . . . . . . . 378 2. Les structures de la connaissance partielle . . . . . . . 379 3. L’objet e t l’Bv6nement. . . . . . . . . . . . . . . . 382

4. La probabilith relative au moment . . . . . . . . . . 384 5. La theorie de l’bvbnement quclconque . . . . . . . . . 385

I . Les ProbabilitLs et la Physique classfque

I I . Les probabili tb et l a micro-physique

6. La thkorie de l’objet quelconque . . . . . . . . . . . 387 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389

Plus on rCflCchit 4 la notion de probabilitb, plus on lui trouve des caractbres Ctranges, et qui font quasiment scandale dans le systkme ordonne de la MathCmatique et de la Physique classiques ; au point que l’on finit par voir sans surprise l’anarchie qu’elle semble apporter dans le domaine de la micro-physique contem- poraine, oh toutes les notions classiques s’eff acent devant elle.

Si Yon cherche en effet & rattacher cette notion A I’expCrience, la probabilitb est relative A un Ctat de connaissance, et les rensei- gnements qu’elle apporte ne sont utilisables qu’en presence d’un ensemble nombreux d’essais. Cependant, d’aprks sa dbfinition abstraite, la probabilitb semblerait un caractbre objectif de 1’BvB- nement isolC : premier paradoxe. Encore faut-il ajouter que cette definition thCorique, comme beaucoup d’autres, ne vaut que par une intuition qu’elle est incapable de prCciser ; car elle fait appel A la notion purement intuitive d’bvhements 4 Cgalement possibles u.

Du point de vue le plus g6nCral oh l’on puisse se placer - celui de la Logique - attribuer une probabilitb A un CvCnement, c’est renoncer A repondre par oui ou non A la question : cet Bvenement se Produira-t-il? on n’Y Peut plus rkpondre que: peut-&re.

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Cependant, le calcul des probabilitks applique la Logique biva- lente classique, pour laquelle toute question doit recevoir, soit la rdponse oui, soit la rdponse non. Second paradoxe, source de beau- coup d’autres: car dans une Physico-mathkmatique qui, de par

Logique mbme, ne peut Ctre que deterministe, la probabilitk introduit ainsi une notion de hasard en contradiction avec le d6ter- minisme ; et du mbme coup s’introduisent les 0 lois du hasard )), qui rassemblent dans leur nom deux notions contradictoires.

De telles questions pouvaient paraitre quelque peu academiques, mire byzantines, au temps oh ie calcul des probabilites bornait ses ambitions a I’btude des jeux de hasard. Elles ne prdoccupaient encore que les savants soucieux de rdflbchir sur leur science, tant que, pratiquement, le calcul des probabilitks se bornait A offrir un instrument nouveau de progrks (car il permettait d’explorer plus A fond des domaines connus, et de coordonner des domaines sCparks jusqu’alors).

Mais avec la Physique nucl6aire et la MCcanique ondulatoire, un moment est venu oh le calcul des probabilitks s’est trouv6 le seul instrument efficace pour explorer un domaine entikrement nou- veau ; iI a fallu remettre en question les notions Ies PIUS fondamen- tales, comme celles d’objet mCme et d’kvknement, pour pouvoir les introduire dans un domaine oh la probabilitk seule les rattachait A l’expdrience ; et l’on ne peut dire qu’on y soit encore parvenu de faqon satisfaisante.

Nous nous trouvons ainsi dans une situation proprement angois- sante; la crise touche, non seulement le savant qui r6flkchit sur la science et n’arrive plus A dbgager une conception satisfaisante et cohkrente de sa fonction ni de ses mbthodes, mais mCme le savant qui cherche simplement A la faire progresser, et qui a parfois le sentiment de ne plus savoir de quoi il parle, quel instrument il manie. Car cette crise Cbranle les fondements mCmes oh le majes- tueux Bdifice de la Physico-mathkmatique classique trouvait A la fois son unit6 et sa soliditk.

En effet, le physicien s’occupe d’kvknements, qui se produisent, ou ne se produisent pas ; d’objets, qui existent ou n’existent pas, qui posshdent, ou non, tel caracthre. Sur cette seule notion d’une relation qui n’a d’autre caractbre que d’Ctre, ou non, satisfaite, le

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mathematicien Cdifie une thCorie qui se prksente sous le double aspect de la Logique (bivalente) e t de la ThCorie des Ensembles (dans ses chapitres les plus gknbraux) ; il onre ainsi comme instru- ment au physicien une double thborie, qui est A la fois celle de l’objet quelconque et celle de 1’4vCnement quelconque. En mCme temps, la Logique est une vCritable thborie des thkories, et elle assure ainsi 1’unitC des structures dans l’abstrait et dans le concret.

En Physique probabiliste, 1’8vCnement n’est plus quelque chose qui se produit, ou ne se produit pas ; c’est quelque chose qui a une probabilitb dCterminBe de se produire. La Logique bivalente n’est donc plus la thCorie de l’kvenement quelconque ; et si l’on essaye de calquer sur le langage des probabilitks une u Logique des vrai- semblances 8, on s’aperqoit qu’elle est une pseudo-Logique, ne rBgissant pas les propositions qu’elle Bnonce ; d’ailleurs, le transfert artificiel aux propositions d’un caractkre propre aux objets des propositions en fait un relai parfaitement inutile.

D’autre part, tant que l’objet reste en Physique probabiliste ce qu’il Ctait en Physique classique, la symCtrie de l’objet e t de 1’CvCnement se trouve rompue, et il n’est plus possible d’en conce- voir une t h h k commune. Et si la Mbcanique ondulatoire a dCli- b6rBment renoncb a cette notion classique de l’objet, on ne peut dire qu’elle ait degage pour la remplacer une notion assez Claire et assez prCcise pour qu’on puisse en dCduire une Logique et une ThCorie des Ensembles ; la tentative de Mme Paulette FCvrier est i~ cet Cgard d’autant moins convaincante que sa remarquable valeur abstraite ne parait lui confCrer ni eficacitk en Physique, ni pouvoir de coherence ou d’intuition en CpistCmologie.

Ainsi, la Logique et les MathCmatiques ne forment plus la thCorie commune de l’objet et de I’Cvhement quelconques, la Logique n’est plus la thCorie de la thBorie quelconque ; l’on ne voit plus ce que pourraient &re ces deux thCories, on ne voit pas com- ment elles pourraient avoir la mCme structure - on ne sait plus ce que sont 1’CvCnement et l’objet.

Ce sont ces diffcultBs que nous nous proposons d’analyser ici ; et nous nous apercevrons que des rkflexions portant sur des domaines tout diffkrents, et qui ont fait dCjA l’objet de deux articles dans cette revue, nous fourniront peutdtre les Clbments d’une solution.

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I. LES PROBABILITES ET LA PHYSIQUE CLASSIQUE

1. La probabilite‘ reiafive ci la eonnaissance Attribuer une probabilitb A un kvenement, c’est traduire en

nombres une connaissance partielle et une ignorance partielle : la probabilitk est donc relative A un Ctat donne de connaissance, elle change avec le degrt de la connaissance.

Avant que j’aie lancC une pi6ce de monnaie, la probabilis pour qu’elle tombe c6te face est 1/2 - parce que je ne connais pas avec prCcision les conditions du jet et que d’ailleurs je suis incapable de calculer le mouve- ment. Si, une fois A terre, la probabilite qu’elle soit tombee cote face est 0 (ou 1) pour qui I’a vue, pour moi qui ne I’ai pas encore regardee, cette probabilitk reste 1/2.

Une fois cette relativit.6 explicitement admise, la difficult6 de dkfinir des CvCnements (( egalement possibles f i s’bvanouit : deux tvdnements sont Cgalement possibles pour quiconque n’a aucune raison de penser que I’un doive se produire plutdt que l’autre.

Je regarde ce dC, je lui vois les symhtries du cube, et j’estimedgalement possible qu’il tombe sur I’une quelconque de ses faces. Je le SOUPkSe, Je cherche son centre de gravite, je m’apercois qu’il est pipe, et ses Six faces cessent de me sembler Cgalement possibles.

I1 y a cependant deux cas oh la probabilitt cesse d’Ctre relative au degrt! de connaissance : ce sont les cas oh la connaissance est la plus petite, ou la plus grande possible. Si elle est la plus petite possible - c’est-&dire nulle - je ne sais rien de ce qui va se pro- duire, il peut survenir n’importe quoi, e t toute probabilitk s’Bva- nouit. Ce cas ne prhsente Cvidemment aucun intCr& pratique; il dhfinit cependant une notion de 4 chaos qui, s’opposant A celle de hasard, accuse mieux la part de structure e t de connaissance que recble cette dernibre notion.

Pour la Physique classique, la connaissance 4 la plus grande pos- sible D est la connaissance complete : 1’8vbnement est alors entibre- ment prkvisible, et toute probabilitb est ntcessairement 6gale A 1 (I’bvtnement se produira sdrement) ou h 0 (I’dv6nement ne se pro-

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duira sdrement pas). Pour tout observateur qui sait tout ce que Yon peut savoir - c’est-A-dire tout - il n’y a plus probabilitb, mais certitude, et cette certitude, rapportbe A 1’6vCnement objectif, n’est nullement relative A un Ctat de connaissance : celui-ci permet seulement, ou non, d’atteindre la certitude.

Bien entendu, cette conception implique que les ph6nomknes CtudiCs sont soumis au dkterminisme, puisqu’ils sont compl8tement previsibles ; on vCrifie d’ailleurs facilement que la Logique biva- lente, thCorie de I’CvCnement quelconque, ne peut Btre en effet que la thCorie de 1’CvCnement soumis au dhterminisme.

Accessoirement, deux CvCnements compkmentaires ne sont jamais a Cgalement possibles n, A ce degre de connaissance com- plete : I’un d’eux est certain, et l’autre impossible.

2. Les sfrucfures de la connaissance parlielle Bien entendu, en fait, il n’existait pas plus de aconnaissance

complkte n en Physique de la certitude qu’en Physique probabi- liste; tout 6noncb Y exprimait d6jA une part de connaissance et une part d’ignorance. Aussi un &nonce n’aflirmait-il j amais : tel dvhement (pass& prksent ou futur) est represent6 par tel ClCment bien dCtermin6 d’un ensemble, mais seulement : par un 6lCment indeterminb d’une partie bien dbterminee de i’ensemble. Mais ce melange de connaissance e t d’ignorance a une structure toute dif- fkrente de celui que traduit une probabilitb.

Dans un Cnonce du premier genre, le calcul des probabilitbs apporte en eff e t une connaissance supplbmentaire, parce qu’il dis- tingue entre les divers ClCments auxquels l’indetermine peut s’iden- tifier. L’CnoncC primitif les mettait tous sur le mCme pied, et repre- sentait 1’CvCnement par un indCterminC complet ; et la Physique de la certitude traite d’ailleurs l’objet exactement comme l’c5vC- nement. L’CnoncC probabiliste mesure la probabilite de chacun des Clkments (ou de sous-ensembles qu’ils peuvent former), et montre que 1’6vCnement a plus ou moins de chances d’appartenir A telle ou telle partie de cette partie h laquelle il appartient shrement. De mCme, les caractbristiques de l’objet auront plus ou moins de chances d’Ctre comprises entre telles ou telles limites.

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Mais cette connaissance suppldmentaire ne porte en aucune faGon sur une experience isol6e. La marge d’ignorance ne se trouve r6duite que si l’on a affaire A un grand nombre d’expdriences dont les conditions initiales sont supposees rkparties d’une facon a statis- tiquement uniforme s (ou, dans d’autres cas, *a statistiquement concentrke n) dans l’ensemble des conditions hitiales possibles ; les expressions entre guillemets ne sont d’ailleurs pas faciles A d6finir avec prkcision. I1 n’est pas 6tonnant que, d’une hypothkse nouvelle portant sur un grand nombre d’expdriences, on puisse tirer des conclusions et une connaissance inapplicables A une expb- rience isoke.

Ainsi, dans la pratique et le eoncret, la probabilitk prdsente deux caracthres fondamentaux: elle est relative A un ktat de connais- Sance dCterminC, e t elle n’apporte de renseignements que sur un ensemble satisfaisant cefiaines conditions et comportant un grand nombre d’essais. Mais du point de vue de l’dpistemologie, nous nous trouvons en prdsence d’une situation paradoxale : cette connaissance relative et portant sur un ensemble nombreux d’essais, nous la dCduisons in abstracio d’une a probabilitb 9 que nous attri- buons A l’bvhement isold, sans rdfkrence A quelque &at de connais- sance que ce soit, et qui se pr6sente donc apparemment comme un caractkre objectif de 1’6vCnement isol6.

Les positions que nous adoptons ainsi dans I’abstrait et dans le concret sont diamktralement opposhes. Par suite, la probabilitb que nous attribuons en propre A l’kvhement isole possBde ce carac- thre Btrange de ne nous apporter aucun renseignement sur cet dvdnement : si je me demande sur quelle face un d6 va tomber au prochain coup, dire qu’il a une chance sur six de tomber sur l’une quelconque d’entre elles ne m’apprend rien de plus que dire : il a les symbtries du cube.

11 en rbsulte que le domaine de penske du probabiliste se referme sur lui-mCme: la loi de Bernoulli n’apprend rien sur la frdquence d’un rksultat, elle apprend seulement que la probabilit6 pour que cette frbquence tende vers la probabilit6, tend elle-mCme vers l’unit6. Pour amiver A dkboucher sur l’expkrience, il faut introduire une idbe nouvelle - Q savoir que, pratiquement, tout se passe comme si un BvCnement ne se produisait jamais, Iorsque sa proba-

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bilitk est assez faible. D e ce fait, la probabilite se trouve expkrimen- talement rattachke A l’bvknement isolk, et cela dans des cas oh no tre connaissance est telle que la probabilitk cesse pratiquement d’Ctre relative A u n ktat de connaissance incomplet. Le raccord entre l’abstrait et le concret es t alors facile. U n 8v6nement de pro- babilite t res faible ne se produit que s’il se rencontre des circons- tances tres rares. Nos connaissances ne nous permettent pas d’af- firmer que ces circonstances ne vont pas se rCaliser, et c’est 18 qu’intervient notre ignorance ; mais nous pouvons pratiquement nkgliger cet te possibilitk, t a n t que nous considkrons un essai isolk ou un petit nombre d’essais.

Encore cette notion de probabilite negligeable ne peut-elle Ctre utilisee sans precautions. La probabilite qu’avait, en 1900, de sortir A la roulette de Monte-Carlo la suite de nombres qui est effectivement sortie de 1900 A 1950 etait assurement trbs faible, de l’ordre de celles que l’on peut nCgliger en Physique : e t pourtant, cette suite de numCros est sortie. Ceci oblige A faire une distinction qui n’est pas sans consequences.

Lorsque l’on considbre une categorie determinee de phdnombnes, il peut arriver que l’afirmation : 6 1’CvCnement e se produit D puisse se mettre SOUS la forme : (( 1’evCnement e, se produit, ou 1’8vdnement e, se produit, ... ou l’dvknement en se produit a, chacun des Cvenements e,, e, ... en excluant tous les autres. Par exemple, si e est le fait qu’un de ne tombe pas sur la face 1, cela peut rCsulter du fait qu’il tombe sur la face 2, ou la face 3... ou la face 6. Nous dirons alors que e est un BvCnement compose ; nous le dirons elementaire dans le cas contraire. Nous dirons d’autre part que e et e’ sont complementaires s’ils s’excluent, e t si I’un d’eux se produit nbcessairement.

ConsidCrons alors un Cvenement e dont la probabilitk est trbs faible, e t soit e‘ son compkmentaire (dont la probabilite est trbs voisine de 1). I1 peut arriver que e‘ soit Clementaire, ou qu’il soit compose d’un nombre quelconque d’evenements ClCmentaires desquels l’un au moins a une pro- babilite tr&s grande par rapport A celle de e ; on est alors en droit d’appli- quer la loi des probabilitds nkgligeables. Par contre, si e‘ est compose d’un trbs grand nombre d’evknements CICmentaires, ayant tous une probabilite du mCme ordre que celle de e, alors il est certain que se realisera un Cvene- ment dont la probabilite etait CI priori trbs faible.

Bien entendu, cela ne signifie pas que l’on puisse prCvoir lequel de ces Cvenements se produira ; il aurait C t C aussi fou de parier en 1900 sur la suite de numeros qui sortiraient A la roulette de hlonte-Carlo au cours des cinquante annCes suivantes, que de parier que I’eau d’une casserole se trouverait projetee au plafond par le mouvement brownien. Mais alors

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que toute prevision est impossible dans le premier as, il n’en est pas de mCme dans le second: on peut parier en toute tranquillit6 que, malgre le mouvement brownien, l’eau restera dans la casserole Ceci conduit ti dire qu’une evolution est pratiquement imprevisible quand elle doit choisir entre un trQ grand nombre d’eventualites qui ont toutes une probabilitk trhs faible.

3. L’objet et l’luknement

Ainsi s’effectue le raccord avec l’experience. Comment concilier cependant la conception abstraite et la conception concrkte de la probabilitk ?

Examinons d’abord les nombreux essais que I’expCrience exige pour se raccorder (approximativement) avec la probabilitk. Pour que nous puissions d6finir celled, il faut que nous puissions recon- mitre - sous les rkserves habituelles de prkcision - une certaine structure A l’objet; par exemple, la piece de monnaie est symC- trique I. Nous faisons ensuite une hypothkse sur l’ensemble des conditions initiales de tous nos essais ; par exemple, la pikce sera abandonnke, sinon dans toutes les positions possibles (ce qui ne se peut), du moins dans une suite de positions qui se rkpartiront aussi uniformkment que possible dans l’espace (ce qui les suppose trbs nombreuses). La structure de l’objet s’exprimera par une certaine invariance ; la transformation qui laisse invariants ceux des carac- teres de la p i k e qui jouent un rale dans I’expCrience change les conditions de chaque essai, mais laisse pratiquement invariant l’en- semble des conditions initiales de tous les essais ; elle laisse donc Cgalement invariant l’ensemble des resultats de ces essais.

La probabilitk thkorique exprime donc une certaine invariance commune A la structure de l’objet et A la structure de l’ensemble de tous les essais possibles. Mais elle se mesure en se rCfCrant, non pas aux conditions des essais, mais ti leurs resultats, qui sont infi-

On peut, il est vrai, parier avec la m&me tranquillit6 qu’une suite ddtermin6e de 1 milliard de numkros ne sortira pas A la roulette ; mais c’est une prevision toute nkgative.

’ Du moins, pour l’ensemble des caractkres qui jouent un r61e dans sa chute. I1 faut bien qu’elle prdsente une dissymktrie pour qu’on puisse dire sur q u e h face elle est tomb6e.

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niment moins nombreux ; e t c’est ainsi qu’elle semble caractdriser I’CvCnement isol6. En rbalitd, sa definition correcte devrait A cet Cgard s’knoncer: aLa probabilitk d’un 6vCnement est Cgale au nombre des rdsultats favorables que l’on peut obtenir au cours de tous les essais concevables, divisb par le nombre des rbsultats que peuvent donner tous ces essais. B

Sous cette forme, on voit clairement que la probabilitd ne pourra se retrouver exp6rimentalement que si l’on realise un nombre d’essais (nkcessairement fini) qui ait une structure aussi voisine que possible de celle que possbderait l’ensemble de tous les essais conce- vables. Les fluctuations de la frkquence rkelle autour de la proba- bilitC thborique sont dues au fait que l’ensemble fini des essais rCels n’a pas et ne peut avoir la structure attribuee A l’ensemble infini des essais concevables; et cette fluctuation peut se faire autour d’un nombre diffkrent de la probabilitd thkorique, si la structure de l’objet reel n’est pas identique $I celle que l’on avait admise. I1 n’y a rien donc ici qui p u k e nous obliger A modifier la thborie de 1’6vCnement quelconque, ni, a fortiori, celle de l’objet quelconque.

11 n’en est pas de mQme si nous revenons A la relativitb de la probabilitb la connaissance. La conciliation des conceptions abstraite et concrete est facile : il suffit, dans la definition thborique, de prkciser que la probabilitk est le rapport du nombre des cas favorables au nombre des cas que notre connaissance du pheno- mbne nous conduit A juger possibles (et a Cgalement possibles B) ; c’est d’ailleurs accepter pour I’bvhement la conception que la Physique avait d’emblde adopt6e pour l’objet.

Si l’on admet alors - comme le fait la Physique de la certitude - qu’une connaissance complkte est touj ours thboriquement pos- sible, on admet ips0 facio que le phbnomkne est dktermind, e t que la probabilith se trouverait dliminke de la connaissance complkte. La Logique bivalente - qui est celle des rksultats acquis - reste alors la thborie de l’objet et de l’bvbnement quelconques, e t la probabilitb marque simplement un stade provisoire de l’explora- tion. Mais la Logique n’est plus que la thborie de toutes les theories, sauf de la thkorie des ProbabilitCs, qui reste en dehors de son domaine: la probabilite n’est qu’un instrument de la pensbe en marche vers une connaissance accrue.

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On a montre dans un autre article (Dialeclica, 35/36) que la Logique de la pensee en action Ctait une Logique trivalente, dite de la Composition ; elle accepte de repondre aux diverses questions, et selon l’instant, tantBt u peut-&tre R, tantbt u oui R ou u non #, e t elle est Cvidemment la thCorie de la thCorie des probabilitCs. Mais I’unite de la Physico-mathhmatique classique n’en est pas moins rompue: nous avons encore une thkorie commune de l’objet, de 1’evCnement quelconques e t des theories achevhes, qui est la Logique bivalente classique ; mais il nous faut une autre thCorie de la pensee en action et de la thCorie des probabilites, qui est la Logique de la Composition ; et celle-ci ne debouche ni sur l’objet, ni sur l’kvdnement, parce que tous leurs caractbres objectifs sont entibrement connaissables, que la pensCe en action suppose une connaissance seulement partielle, et que la probabilitC est relative a une connaissance partielle.

11. LES PROBABILITES ET LA MICRO-PHYSIQUE

4. La probabilitd relalive au moment

Pour la micro-physique, la connaissance t la plus grande pos- sible rp demeure incomplcite ; elle est limitke par les relations d’in- certitude. Cette connaissance maxima qu’il est possible d’extraire des CvCnements, tels qu’ils se sont produits, ne dkfinit encore qu’une probabilitk, non une certitude ; et cette probabilitk n’est plus rela- tive A un Ctat de connaissance, puisque quiconque sait tout ce qu’il est possible de savoir la retrouvera.

hlais elle est relative A l’ensemble des 6vCnements qui ont eu lieu B l’instant ConsidCre. Un CvCnement ulthrieur apportera des enseignements nouveaux, il modifiers la connaissance maxima, il changera donc la probabilitk optima ; il pourra meme conduire par- f O i S a une certitude, mais qui ne pourra se rapporter qu’aU pass&.

(Observons en effet une partjcule. Pour en dkteminer le lieu avec-un maximum de prkcision, nous utilisons un rayonnement de frCquence aussi ClevCe que possible. Ce rayonnement introduit par suite dans l’evhement

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un quantum d’action important, lequel entratne une grande incertitude sur la vitesse qu’aura la particule apres l’evknement.

Faut-il en conclure que l’Cv6nement n’a pas consist6 en I’arrivke de la particule en un lieu bien dktermink, avec une vitesse bien dCtermin6e3 Evidemment non ; car nous avions pu expedier cette particule avec une vitesse inconnue, d’un point bien d6termin6, A un instant bien determine, dans un espace oh ne rkgnait aucun champ; le seul fait qu’elle se soit trouvee ensuite en un lieu determine, B un instant determine, nous ren- seigne sur la vitesse qu’elle avait au moment oh elle y est parvenue, e t que nos moyens d’observation auront alors troublee d’une facon inconnue. Sans doute, ne pouvant connaitre B la fois la position qu’elle avait au moment de l’observation et la vitesse avec laquelle elle en part apr& l’observation, nous ne pouvons prevoir sa trajectoire ultdrieure avec pre- cision ; il n’en reste pas moins que l’evenement hi-mCme - I’arrivCe de la particule en un lieu donne, avec une vitesse donnee - est a priori quelque chose d’incertain, mais dont nous pouvons dire aprhs coup, avec certitude, qu’il s’est ou ne s’est pas produit.

Ainsi, le systeme, en Cvoluant, modifie ce qu’il y a de prbvisible dans son Cvolution, et qui s’exprime par une probabilite optima ; celle-ci est un caracthe objectif de l’kvknement, mais qui est relatif A un moment donnb de l’bvolution 1.

5. La thdoorie de I‘tudnernent guelconque

Chaque moment de 1’6volution prbsente donc en micro-phy- sique un caracthe tout a fait singulier : dbfinissant un maximum de connaissances possibles, il permet d’attribuer (( objectivement b

une probabilitd A d’autres Bvdnements, iI permet de considkrer

1 Ceci ne signifie naturellement pas qu’un BvCnement puisse &re modiflk par un BvBnement ultbrieur. Ce qU’il y a de connaissable dam un BvBnement, & un moment donn6, est un caracthe e objectif a de I’Cvbnement, au sens oh nous l’avons dit, et au sens oh la visibilitk d‘une montagne est un carac- t h e objectif du paysage: il faut avoir des yeux pour le constater, mais quiconque a des yeux le Constate. La possibilitb d’&tre connu suppose nBces- sairement quelqu’un qui connaft, de mCme que la visibilit6 suppose quel- qu’un qui voit ; et la premibre d6pend du moment oh l’on essaye de connattre, comme la deuxibme du Point d’oh I’m regarde. En se dCplaGant, l’un dam le temps, l’autre dans l’espace, le premier ne change pas 1’6vBnernent, ni l’autre la montagne ; mais ils d e n t changer, l’un ce qu’il peut connaftre, I’autre ce qu’il peut voir.

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comme a objectif D le fait que deux evbnements soient a bgalement possibles D, et ces caractems sont a objectifs D en ce sens prbcis qu’ils seront reconnus par quiconque possbde ce maximum de connais- sances possibles.

Bien bvidemment, aucune Logique, aucune theorie des En- sembles ne peut Ctre considbrbe comme une thborie de I’bvbnement quelconque si quelque notion abstraite ne vient y jouer le rdle sin- gulier que le moment physique joue ainsi dans la suite des Cvbne- ments. Rien ne peut jouer ce r& dans la Logique bivalente clas- sique ; mais prbciskment parce qu’elle est la Logique de la pensee en action, on a montrd (loe. ci1.J que la Logique de la Composition introduisait la notion fondamentale a &instant logique D dans toute theorie, et en particulier dans la Logique elle-mCme. On a montrd en mbme temps qu’elle prenait I’aspect mathernatique d’une Thkorie des Ensembles portee g son extension maxima. SOUS ces deux aspects, elle se presente maintenant B nous comme la thCorie de I’bvbnement quelconque aussi bien que comme la thborie de la pensbe en action, donc des theories inachevCes (et de la thkorie des probabilitb).

La Physico-mathbmatique classique, en acceptant les probabi- litCs, avait en quelque sorte partage le domaine de la science en deux zones d’influence ; voici que la micro-physique fait passer I’bvbnement de la zone rkgie par la Logique classique A la zone regie par la Logique de la Composition. Si l’on remarque alors qu’aucune thCorie mathdmatique ou physique ne peut et ne pourra jamais 6tre considerbe comme achevke, e t que dans un grand nombre de cas la notion mCme de thkorie achevee implique contradiction (cf. loc. cit.), le domaine rbgi par la Logique classique ne contient plus que la thCorie de I’objet quelconque.

A ce point parvenu, on ne peut autrement que s’inquibter du dCterminisme et de ]a liberte ; et l’on s’aperqoit que la micro-phy- sique renvoie dog g dos les plaideurs de ce debat sans issue, et pro- Prement mbtaphysique.

u Ddterminisme et 4 libertb u, des qu’on essaie d’en prkciser le sens, dCbordent en effet I’un e t l’autre les deux notions sommaires qui s’opposaient 1’une B I’autre, e t laissent la place a une notion nouvelle. u Dbterminb Y n’a de sens precis que s’il signifie : 4 entihe-

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ment prkvisible pour quiconque possbde une connaissance suffi- sante A, et les phCnombnes de la micro-physique Cchappent A ce determinisme, puisque les relations d’incertitude excluent toute connaissance suffisante pour permettre une prkvision complbte. a Libre * n’a de sens prCcis que s’il signifie : u qui aurait pu, toutes choses Cgales d’ailleurs, &re autre qu’il ne fut et peut, par cons& quent, ne pas se repkter lorsque les conditions initiales se rCpbtent identiques f i ; les phknomknes de la micro-physique n’ont pas non plus cette libert6, puisque nous pouvons comprendre a posteriori pourquoi ils ont bttc ce qu’ils furent ; et le seul moyen qui nous reste pour nous assurer que les conditions initiales se rCpbtent exacte- ment, c’est de vbrifier que leurs consCquences se repbtent. Les Cv4 nements de la micro-physique ne sont donc ni u libres 8, ni u dCter- minks : ils sont incomplktement prkvisibles, et complBtement explicables a posteriori.

6. La thiorie de I‘objet quelconque

La position et la vitesse A un instant donne sont des caractbres que l’on peut aussi bien, sinon mieux, rapporter A l’objet qu’A I’bvCnement. On est donc amen&, d’une faqon gCnCrale, A l’idCe que les caractbres de l’objet, au lieu d’Ctre des invariants qu’il emporte avec h i a travers tous les evenements (et qui, A proprement parler, le dkfinissent), pourraient &re des donnkes qu’il y aurait seulement une probabilitb dCtermin6e de pouvoir lui attribuer A n’importe quel moment.

Bien entendu, en Physique classique dCjA, un objet ne mani- feste pas necessairement tous ses caractbres dans tous les CvCne- ments : sa masse ne se manifeste qu’au moment d’un choc, ou au cours de son passage dans un champ de gravitation, sa charge Clectrique qu’au moment de son passage dans un champ Clectro- magnktique, etc. ; et s’il existe un doute quant aux conditions extk- rieures de son Bvolution, il pourra y avoir seulement une proba- bilitC determinee de voir se manifester tel ou tel caracthe. Mais, s’il se manifeste, il se manifestera toujours identique A lui-mbme, quel que soit l’kvknement ; e t jamais on ne verra se manifester un caractbre incompatible avec celui-la, du moins tant que l’objet

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restera inaltCr6 : on interpretera, par definition, toute alteration du caractbre par une altbration de l’objet 1.

I1 n’en sera pas necessairement de mCme dans la conception A Iaquelle nous aboutissons. Rien n’emphcherait de concevoir I’objet comme ayant une probabilite donnee de posseder un certain carac- tkre, et uneprobabilite donnCe de posseder un autre caractbre incom- patible avec le prCcCdent. Bien entendu, aprbs coup, s’il s’est mani- festb A un instant donnC, cela n’aura pu Ctre qu’avec un caractbre donnd; mais cela n’empkcherait nullement que, par la suite, il conserve seulement une probabilite donnee de se manifester avec I’un ou I’autre caractbre, tout en restant inaltbrb Y ; et I’altbration se dkfinirait par la variation des probabilitb.

Une t e k notion semble Ctrange en Physique ; elle est cependant banale dans la vie courante, tout au moins quand il s’agit de ces 6 ObJets * particuliers que sont les animaux e t les ktres humaim. Le menu du restaurant m’offre le choix entre deux plats; IequeI vais-je choisir? En Ctudiant tous les repas que j’ai pris depuis dix ans, on pourra seulement conclure qu’il y a une probabilite P Pour que je choisisse le premier, et p’ le second ; moi-mCme, si ]’on me consulte, je ne pourrai certainement pas en dire davantage - A moins de faire mon choix dks a present ; je ne pourrai Certainement pas en dire davantage, si l’on me consulte sur la frequence des choix que je ferai au cows des dix ann6es B venir. Et si, aprks COUP, constate que la proportion a change, on en conclura que mes gofits se sont modifies: je me suis 6 alter6 D.

Dans la mesure, donc, oh une thCorie gdnerale des objets doit pouvoir s’appliquer aux &res humains, et, plus gkndralement, aux Btres douCs de conscience - puisqu’enfin ils ont une existence objective - elle tenir compte de ce caractere probabiliste que possbdent les caractbres de ces objets ; et l ’ i n l x h ~ t i o n even- tuelle de cette notion en Physique semble ainsi moins Ctrange.

En fait, la Logique bivalente classique ne S’aPPliWe Pas A l’homme, capable de choisir, de composer et de cr6er ; c’est prbci-

‘Si la position et la vitesse peuvent changer sans que I’objet soit 4 altCr6 D, c’est que ce sont des caractbres propres, nOn Pas a I’objet isol6, mais P ]’ensemble form6 par l’objet et le systbme de rdfkrence ; et leur chan- gement exprime une # alteration a de cet ensemble.

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s6ment l’btude de ces activitbs qui a conduit A la Logique de la Composition (cas particulier de la Logique des Attitudes, exposbe dans Dialecfica, 39). C’est donc elle encore que nous retrouvons comme theorie de l’objet quelconque le plus general que nous puis- sions concevoir.

CONCLUSION

Au terme de cette analyse, nous retrouvons avec la micro- physique la mOme unit4 qu’avec la Physique classique dans les fondements de toute la connaissance scientifique ; mais ces fonde- ments ne sont plus les mCmes. La Logique de la Composition (ou la Logique des Attitudes) et la Th6orie des Ensembles ghnhralishs qui fait corps avec elle sont les deux aspects d’une thkorie qui est A la fois celle de l’objet quelconque, celle de 1’evCnement quelconque, celle de toutes les theories inachevees ou impossibles A achever, et celle de la thhorie des probabilitks ; la Logique classique bivalente, qui est un cas particulier de la precedente, regit, dans ce vaste domaine, les objets dont Ies caracttires sont certains, les Cvbnements dont il est assur6 qu’ils se produiront ou non (donc les evknements passes, qui se sont produits, et les evenements soumis au deter- minisme), enfin, la partie achevCe de toutes les theories.

Davantage mCme : 1’Ctre humain, pensant et voulant, qui ne se laissait pas enfermer dans le cadre de la Logique classique et de la Physique dbterministe qu’elle implique - parce qu’il ne pouvait btre assirnil6 aux objets de cette Physique - l’&tre humain peut trouver sa place dans le nouveau cadre que tracent la Logique de la Composition, et, sinon la Physique du hasard, du moins une science qui utiliserait autrement la place libre de la Logique tri- valente, cette place que la Physique probabiliste fait occuper par le hasard. Et ce sont, en effet, des rbflexions sur le travail de la penske en action qui ont conduit A Cnoncer (et A baptiser) la Logique de la Composition; il n’est pas indiffhrent sans doute que cette meme Logique permette de retrouver I’unitC des fondements phy- sico-mathbmatiques A laquelle les theories contemporaines parais- saient devoir renoncer.

Au moment O U la science Classique semblait s’achever, sinon dans ses resultats, du mains dans ses structures, et revblait I’unitC 11

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grandiose qui la rkgissait dans ses notions abstraites et concrktes - A ce moment, I’on a vu surgir d’expkriences lointaines des notions confuses et rebelles, qui s’bnonqaient difficilement dans ce langage universe1 ; l’on a prkcise petit ii petit ces notions &ranges, irrbduc- tibles a tout ce que I’on trouvait jusque-la dans le domaine de la pensbe, Yon a vu se briser alors I’unite qui dominait l’objet, l’kvk- nement et la thborie ; et l’on s’apercoit un jour qu’en substituant ces notions nouvelles aux plus fondamentales des notions anciennes, la mCme unit& que jadis rbgit A nouveau les structures de toute la Physico-mathbmatique rbnovbe, capable de couvrir un domaine infiniment plus vaste. Cette expbrience rare, que nous avons vbcue, n’btait-ce pas tout simplement I’idonkisme en action ?

R6sumtS

La probabilitb prbsente, en Physique classique, des caractbres para- doxaux ; relative A un &at de connaissance, et n’apportant de renseigne- merits que sur un ensemble nombreux d’essais, elle semble pourtant Se dbfinir comme un caractere objectif de l’bvhnement isold ; elle suppose qdon doive repondre 6 peut-&re D A certaines questions, alors que la Logique clas- SiqUe n’admet d’autre rkponse que 4 oui D ou * non D. Utilisee par la micro- physique, elle brise l’unitb des fondements physico-mathdmatiques qui se manifestait dans la Logique bivalente, concue comme theorie de I’objet, de l’dvhement, de la thkorie quelconques.

L‘analyse de ces earacthres paradoxaux, ainsi que des notions d’objet et d’bvbnement. montre que la Physico-mathdmatique retrouve son unit6 de fondements si I’on substitue a la Logique bivalente, la Logique triva- lente de la Composition (Dialectica, 35/36), ou la Logique des Attitudes qui la gdneralise (Dialectica, 39). Cette revision des notions fondamentales a laquelle la science en progrbs s’oblige elle-m&me est une experience de l’ido- ndisme en action.

Zusammenfassung

Die Wahrscheinlichkeit zeigt in der klassischen Physik paradoxe Zage ; obwohl sie vom Stande des Wissens abhgngt und nur tiber eine grosse Anzahl von Versuchen Auskiinfte gibt, scheint sie als eine obfektive Eigen- schaft des Einzelereignisses definiert zu sein ; sie nimmt an, dass gewisse Fragen mit a vielleicht D beantwortet werden massen, obgleich die klassische Logik keine andere Antwort als a ja $ oder a nein # zullsst. Durch die Mikro- physik nutzbar gemacht, durchbricht sie die Einheit der physikalisch- mathematischen Fundamente. die sich kundtat in der bivalenten Logik,

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verstanden als Theorie des beliebigen Objektes, des beliebigen Ereignisses, der beliebigen Theorie. Die Analyse dieser paradoxen Zuge, sowie der Be- griffe des Objektes und des Ereignisses zeigt, dass Mathematik und Physik ihre einheitlichen Grundlagen wiederfinden, wenn man die bivalente Logik durch die trivalente der Komposition ersetzt (Dialectica, 35/36) oder durch die Logik der Einstellungen (logique des attitudes), welche sie verallge- meinert (Dialectica, 39). Diese Revision der grundlegenden Begriff e, zu der sich die fortschrittliche Wissenschaft selbst verpflichtet, ist ein Beispiel des in die Tat umgesetzten Idoneismus.

Abstract

Probability shows paradoxical characteristics in classical physics ; although dependent upon a state of knowledge, and yielding information only as the total result of numerous trials, it seems nevertheless to be definable as an objective characteristic of the isolated event ; it assumes that one must reply a perhaps D to certain questions, whilst classical logic would allow no answer but a yes a or a no #, When used by micro-physics, it breaks the unity of the physico-mathematical foundations which became apparent in bivalent logic, in its conception as a theory of any object, any event or any theory.

Analysis of these paradoxical characteristics and of the concepts a object D and a event * shows physics and mathematics regain their funda- mental unity if bivalent logic is replaced by the trivalent logic of synthesis (Dialectica 35/36) or the logic of attitudes, which generalises it (Dialectica 39). This revision of fundamental concepts which progressive science brings upon itself, is an example of the doctrine of suitability (idoneity) in action-