presse en revue vendredi 23 octobre 2015

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I) Aide au développement : les députés infligent un camouflet au gouvernement SOMMAIRE 1) De temps en temps cela fait du bien ! 2) Ils se dévoilent 3) Tout gratos !! 4) Bartolone s'engage à... 5) Le travail de citoyen LA FAMILLE VENDREDI 23 OCTOBRE 2015 Gérard Diez La Presse en Revue LA PRESSE EN REVUE... Christian Eckert face aux députés, lundi à l'Assemblée © Capture d'écran Assemblée nationale

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I) Aide au développement : les députés infligent un camouflet au gouvernement

SOMMAIRE

1) De temps en temps cela fait du bien ! 2) Ils se dévoilent 3) Tout gratos !! 4) Bartolone s'engage à... 5) Le travail de citoyen

LA FAMILLE VENDREDI 23 OCTOBRE 2015

Gérard Diez La Presse en Revue

LA PRESSE EN REVUE...

Christian Eckert face aux députés, lundi à l'Assemblée © Capture d'écran Assemblée nationale

Par Lénaïg Bredoux

À deux mois de la COP21, les députés de gauche ont mis le gouvernement en minorité lundi soir, en votant une augmentation de l'aide publique au développement et au climat. Ils s'appuient sur les déclarations de François Hollande pour motiver leur vote, lui qui a promis 4 milliards d'euros de plus d'ici 2020.

Ils ont pris François Hollande au mot. Fin septembre, devant l’assemblée générale des Nations unies, le président français a annoncé une hausse substantielle de l’aide au développement de la France. Mais c’était d’ici 2020. Lundi, les députés ont voulu accélérer : ils ont voté, contre l’avis du gouvernement, une augmentation de ce budget.

Les écologistes et plusieurs députés socialistes avaient déposé le même amendement : il s’agit d’affecter 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières à l’Agence française de développement (AFD). Ce qui rapporterait environ 260 millions d’euros l’an prochain et porterait à environ 50 % la proportion de la TTF dédiée au développement et au climat.

Pour le défendre, tous en ont appelé aux propos de François Hollande. « Il est important que l’aide publique au développement augmente substantiellement – c’est un engagement du président de la République », a expliqué le député socialiste Jean-Marc Germain. « Permettez-moi de rappeler les déclarations du président de la République française le 27 septembre devant l’assemblée générale des Nations unies : augmenter l’aide au développement de 4 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2020, soit 800 millions d’euros par an dès 2016 si nous voulons atteindre cet objectif », a abondé Benoît Hamon (PS). « Nous avons été très fiers d’entendre le président de la République en septembre à l’ONU. (…) À la veille de la COP21, ce serait formidable que la France fasse un geste, compte tenu de ses responsabilités en termes de droits humains », a encore dit la socialiste Monique Rabin.

Dans l’hémicycle, le compte est vite fait : les défenseurs de l’amendement sont majoritaires. Le secrétaire d’État au budget Christian Eckert le sait. Il s’agace : « Bien que certains se réclament de la parole du président de la République, le

secrétaire d’État vous répond qu’il n’est lui-même pas le plus mal placé pour porter ici la parole du président de la République, défendant un projet de loi de finances qui a été adopté en conseil des ministres ! » Le député PS Olivier Faure lui offre une porte de sortie en lui proposant de décaler dans le temps l’application de la mesure. Et il lui demande si le gouvernement redéposera un amendement pour annuler celui qui est débattu. Eckert : « Il n’en sait rien, le gouvernement ! » La séance est suspendue. Dix minutes plus tard, malgré l’avis défavorable d’un Christian Eckert furieux, et de la rapporteure du budget Valérie Rabault, l’amendement est adopté. Les ONG, comme Oxfam, Coordination Sud ou One, sont évidemment ravies. « C’est une belle surprise. Maintenant, il faut que ça aille au bout du débat parlementaire », savoure le socialiste Philippe Baumel, un des auteurs de l’amendement.

C’est la deuxième fois en une semaine que dans le débat sur l’aide au développement, les députés (PS, EELV et Front de gauche) arrachent des victoires d’autant plus remarquables qu’elles sont bien rares. Vendredi 16 octobre, les députés avaient déjà voté l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les transactions financières aux opérations « intraday ». Ces achats-ventes d’actions se déroulant en moins de 24 heures, mais très souvent en moins d’une minute, échappent pour l’heure à la taxation, mise en place en 2012. Bercy y était farouchement opposé. Mais le ministre des finances Michel Sapin a finalement cédé, à condition de reporter l’application de la mesure au 1er janvier 2017. Et à condition que l’Union européenne suive (lire les explications de Dan Israel).

François Hollande a été pris à son propre jeu. Quand à New York, le 28 septembre, le président annonce 4 milliards d’euros de plus pour le développement d’ici 2020, dont deux milliards pour le climat, il ravit les ONG et les députés impliqués sur ces questions. Mais quand, deux jours plus tard, le gouvernement présente un budget où l’aide au développement est une nouvelle fois en baisse (de 170 millions d’euros), c’est la consternation (lire notre enquête et voir la boîte noire). Cela l’est d’autant plus que les annonces de François Hollande sont relativement floues : les 4 milliards d’euros supplémentaires sont des prêts, et non des dons. Ce n’est que quelques jours plus tard que le gouvernement précisera que ces derniers devraient quant à eux augmenter de 350 millions d’ici 2020.

II) Régionales : Carole Delga et Dominique Reynié dévoilent leur jeu

Intervention au Sommet post 2015 sur les objectifs du développement durable

Quant au budget pour 2016, face à la pression d’une partie de sa majorité (y compris Élisabeth Guigou, la présidente de la commission des affaires étrangères) et du quai d’Orsay, le gouvernement fait marche arrière et s’engage finalement à stabiliser le budget de l’aide publique au développement : dans le débat au parlement, il a déposé deux amendements, adoptés eux aussi, pour remettre 150 millions d’euros au pot. « Avec ce budget, on arrête l’hémorragie, et c’est une très bonne nouvelle », se félicite Annick Girardin, la secrétaire d’État au développement. Avant d’ajouter : « Cela a été un combat ! Je ne me le permets pas souvent mais, cette fois, j’avais envoyé des SMS au président de la République et au premier ministre… »

Cela dit, la France reste très loin de son engagement international de consacrer 0,7 % de son produit intérieur brut (PIB) à l’aide au développement. Aujourd’hui, la part française se situe entre 0,3 % et 0,4 %. Et si elle veut tenir les engagements pris par François Hollande devant l’ONU fin septembre, elle devra chaque année trouver de nouvelles ressources. N’en déplaise à Bercy.

Le budget de l’aide publique au développement regroupe plusieurs dépenses, très différentes les unes des autres, et qui rendent difficilement lisible la bataille de chiffres. Dans son acception la plus large, il s’élève à environ 8 milliards d’euros (voir ici le tableau de Bercy). Mais ce chiffre n’a aucun sens car il regroupe les dépenses relevant de l’outre-mer ainsi que celles de Proparco, une filiale de l’AFD qui s’adresse au seul secteur privé. En les retirant, on arrive à 6 milliards d’euros par an. C’est le chiffre qu’a François Hollande en tête lorsqu’il annonce une aide de 4 milliards d’euros en plus à partir de 2020 (on arriverait alors à un total de 10 milliards d’euros, dont 5 milliards pour le climat).

Mais ces 6 milliards d’euros sont encore un agrégat contestable : ils regroupent des postes budgétaires très variés, dont certains ne sont pas dirigés vers les pays en développement, comme l’aide aux réfugiés installés en France.

Le cœur des financements développement est concentré dans ce qu’on appelle « la mission aide publique au développement » (APD) : c’est elle qui baissait de 170 millions d’euros dans le projet

de loi de finances pour 2016, passant de 2,77 milliards d’euros de crédits budgétaires en 2015 à 2,6 milliards pour 2016. Cette décrue a été annulée par deux amendements du gouvernement, relevant de 150 millions d'euros le budget de l'ADP. Avec l'amendement des députés, s'il était confirmé tout au long du débat parlementaire qui doit encore durer plusieurs semaines, c'est 260 millions d'euros supplémentaires qui viendraient abonder l'aide au développement.

mediapart.fr

Par Anthony Rey

Carole Delga et Dominique Reynié ont dévoilé la totalité de leurs propositions en vue des régionales (Crédits : Edouard Hannoteaux)

S'exprimant la première dans la matinée, Carole Delga, tête de liste du Parti socialise aux élections régionales, s'est surtout employée à dissiper les craintes sur l'autonomie financière de la Région dans les années à venir, et donc sur sa capacité d'action.

Pour les infrastructures, elle propose, comme elle l'avait fait la veille lors d'un débat organisé par la FRTP L-R, le lancement d'un "plan Marshall", consistant à mobiliser des enveloppes déjà fixées (350 M€, avec le concours de l'État et de l'Europe) afin "de continuer à investir" : sur le rail avec des priorités comme les axes Castelnaudary-Carcassonne, Narbonne-Montpellier, ou Toulouse-Tarbes, et sur la route, avec les travaux sur la RN88. Elle veut aussi favoriser l'accès des TPE à ces marchés publics, en leur réservant une part de la commande régionale au moyen d'allotissements ciblés, et en mettant en place un

système d'avances forfaitaires de 15 % sans garantie.

Une taxe sur le trafic poids lourds international

S'agissant de la mobilité, Carole Delga évoque aussi la création d'un "RER métropolitain", qui relierait Narbonne et Nîmes, et le lancement d'un titre unique dans tous les transports publics de la région. Pour financer en partie ces dossiers, elle formule une proposition inédite.

"Je veux lancer le débat autour d'une taxe sur les poids lourds en transit international, déclare-t-elle. Ils utilisent nos routes, les abiment, sans parler de la pollution, aussi il me semble nécessaire de les taxer pour financer nos infrastructures. C'est un débat qu'il faudra porter devant le gouvernement, car cette taxe nécessitera l'adoption d'une loi."

Deux Cités des start-ups

Sur le développement économique, Carole Delga souhaite mettre l'accent sur le numérique, avec la généralisation de la téléphonie mobile et du Très Haut Débit en territoire rural (10 Mb/s), et la création de deux Cités des start-ups, à Toulouse et à Montpellier. Celles-ci agrègeraient les accélérateurs, incubateurs et sociétés de capital-risque du territoire, et seraient complétées par des lieux-tiers dans les autres villes moyennes de la future région.

Plus globalement, le développement économique s'appuierait sur un nouveau fonds d'investissement régional, afin d'aider les start-ups à évoluer en PME, et les PME en entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui s'ajouterait au système de subventions existant. Sans en préciser la dotation.

"Ce serait un fonds de fonds, qui s'appuierait sur diverses structures financières, indique-t-elle. Il s'agit de permettre à la Région de devenir actionnaire de sociétés en croissance, que les banques n'aident pas à changer d'échelle, et de les consolider sur les fonds propres - pas la trésorerie. Je veux m'inspirer du Fonds Impact Coopératif, que j'avais mis en place pour investir dans les entreprises de l'économie sociale et solidaire lorsque j'étais secrétaire d'État."

L'urgence budgétaire

De son côté, Dominique Reynié, tête de liste Les Républicains, ne manque pas d'alerter sur le

niveau d'endettement national ("100 % du PIB") et régional ("80 % du budget des deux régions"). Sur la base de constat, il envisage néanmoins de créer "un choc d'investissement" dont les effets devront se faire sentir dès la 1e année de mandat.

Le politologue propose notamment un plan d'aide pour la route (200 M€ annuels), un plan en faveur du BTP, en déployant 10 000 aides de 10 000 €, ciblant les primo-accédants, pour élargir l'accession à la propriété.

Sur le développement économique, Dominique Reynié annonce son intention de créer un fonds d'investissement territorial, doté également de 200 M€ par an, caractérisé par un effet levier le portant à 1 Md€ par an, en associant divers investisseurs public ou privés.

"Cette politique d'investissement s'appuiera sur de nouveaux outils que seront deux bourses de cotation, créées à Toulouse et à Montpellier, poursuit-il. Nous mettrons l'accent sur les sociétés d'accélération de transferts de technologies (SATT) : il faut relier les investisseurs, qui sont en recherche de projets, et les inventeurs, qui sont en recherche de fonds."

Selon les calculs du candidat LR, en décomptant les 650 M€ par an qu'il propose, et les 450 M€ par an déjà engagés par la majorité actuelle, il resterait 150 M€ à investir, pour lesquels Dominique Reynié détermine plusieurs cibles : la formation professionnelle, l'encouragement à la filière de la voiture propre, la création d'un fonds de garantie contre les aléas climatiques (visant les agriculteurs), un nouveau programme d'aménagement et de rénovation de l'habitat sur le littoral, ou encore une politique de soutien à la filière du cinéma d'animation ("un pôle technique à fort rayonnement international »).

Une "nouvelle puissance publique"

Rappelant son souci d'orthodoxie budgétaire, Dominique Reynié a chiffré à 40 M€ annuels les économies à réaliser à plusieurs niveaux : cabinet de la présidence, indemnité des élus, marché de la communication institutionnelle, etc. Surtout, il annonce un audit sur l'ensemble des dépenses de la Région, estimant que "10 % des subventions peuvent être remises en cause, soit 25 M€ par an" (la généralisation de l'ordinateur dans les lycées, LoRdi, serait notamment abandonnée). Et il promet des arbitrages plus lourds encore, sur la question de la LGV notamment.

III) Régionales : le PS veut la gratuité des transports scolaires

Les lignes Toulouse-Narbonne et Montpellier-Perpignan me semblent être des chantiers très importants pour souder les deux régions et avoir des axes stratégiques au sein de l'Eurorégion, pointe-t-il. S'agissant de la ligne Bordeaux-Toulouse, il y aura des choix à faire. Si on réunissait les investisseurs de cette ligne, estimée à 8,4 Mds €, autour d'une table aujourd'hui, personne ne viendrait. Si cela persiste, elle ne pourra pas se faire."

Globalement, Dominique Reynié insiste sur la notion de "nouvelle puissance publique régionale" vers laquelle l'institution, selon lui, doit évoluer. Cela l'amènerait à capter de nouvelles compétences, comme la sécurité des biens et des personnes, déjà citée lors d'un meeting de campagne antérieur. "Sans quoi, la fusion des régions sera compliquée, la métropolisation sera non gouvernée, et tout cela se fera au détriment des villes moyennes et de la ruralité, alors menacée de désertification".

latribune.fr

Le Parti socialiste est favorable à la gratuité des transports scolaires dans toutes les régions. - AFP

« Carte unique transports », maintien du budget de la culture, plans anti-pollution... le Parti socialiste a présenté ce mercredi une dizaine de «propositions nationales» qui seront portées par l’ensemble de ses têtes de listes aux régionales.

Le Parti socialiste propose la gratuité des transports scolaires dans toutes les régions, parmi une dizaine de « propositions nationales » qui seront portées par l’ensemble des têtes de listes aux élections régionales de décembre, a-t-il

annoncé ce mercredi.

Le PS propose en outre d’instaurer une « carte unique transports », permettant d’utiliser avec la même carte l’ensemble des moyens de transports d’une région; une « garantie formation professionnelle », « un nouveau droit » qui assurera une formation à tous les chômeurs, à tous les jeunes sortis du système scolaire sans qualification, et à tous les salariés en cours de reconversion ; la généralisation des maisons de santé ; le maintien du budget de la culture, selon le parti.

Plans anti-pollution

Sur le plan écologique, les régions « mettront en place des aides financières pour l’amélioration thermique et écologique des bâtiments », élaboreront des « plans anti-pollution » et s’engageront pour améliorer « la qualité de l’alimentation dans les cantines scolaires des lycées (produits bio, de saison, producteurs locaux) ».

Ces propositions « ne résument pas nos programmes régionaux, elles viennent s’articuler avec le programme de chacune de nos têtes de listes. Mais elles seront portées toutes par l’ensemble de nos équipes dans chacune des régions », a expliqué le secrétaire national aux élections Christophe Borgel, au cours d’une conférence de presse au siège du parti rue de Solférino.

http://dai.ly/x3ag4lw

Conférence de presse du 21 octobre 2015 - Mesures nationales de la campagne des régionales par Parti socialiste.

Premier à avoir annoncé la mesure de gratuité des transports scolaires dans sa campagne, Christophe Clergeau, tête de liste dans les Pays-de-la-Loire, a indiqué que cela concernerait dans sa région une économie de 132 euros en moyenne par an pour 150.000 jeunes.

Interrogé sur la mise en place de mesures précises, par exemple la taxe poids lourds, proposée en Ile-de-France par Claude Bartolone, Christophe Borgel a répondu que « les régions (n’étaient) pas au même niveau dans ce qui est déjà fait aujourd’hui, et dans les problèmes qu’elles rencontrent, donc on n’a pas voulu dans le plan national dire « c’est comme ça que cette

IV) Ile-de-France : les 12 engagements de Bartolone pour la Région

mesure va être déclinée en région ».

lesechos.fr

Frédéric Choulet et Eric Hacquemand

JEUDI 15 OCTOBRE, PLACE DE CATALOGNE, PARIS (XIVe). Claude Bartolone au QG de campagne des socialistes, LP / OLIVIER LEJEUNE

CETTE FOIS, c’est programme contre programme. En dévoilant en exclusivité dans notre journal ses 12 engagements pour l’Ile-de-France, Claude Bartolone abat une de ses cartes maîtresses dans le combat difficile qu’il mène face à sa principale rivale, Valérie Pécresse, tête de liste LR- UDI-Modem.

Mercredi prochain, le candidat socialiste présentera une nouvelle batterie de 150 mesures. Mais c’est bien sûr ces 12 engagements phares que le président de l’Assemblée entend convaincre d’ici les élections régionales des 6 et 13 décembre.

Persuadé que les Franciliens n’avaient « pas la tête à ces élections », Bartolone ne voulait pas dévoiler son jeu trop tôt, laissant Valérie Pécresse tirer la première. Avec un risque : céder la place à la critique, la candidate de droite ne se privant pas de railler l’absence de propositions concrètes de son adversaire. De fait, la campagne se résumait jusqu’à présent à une série d’invectives donnant à l’Ile-de-France une allure de Far West électoral.

«La dernière responsabilité que j’aurai à assumer»

Un cap est donc passé. Dans ses douze propositions, le socialiste balaye les principales préoccupations des habitants de l’Ile-de-France. Au premier rang desquelles les transports. Mais aussi l’environnement, le logement, la fiscalité et bien sûr l’emploi. Du sérieux mais pas vraiment du spectaculaire. Rien qui par exemple ressemble au passe Navigo, mesure emblématique de la gauche francilienne sous la précédente mandature. « Je ne veux pas donner le sentiment de raser gratis », explique le candidat qui, par ailleurs, devra se montrer plus précis pour expliquer le financement de son programme.

Les électeurs vont désormais pouvoir comparer. Et se rendre compte que certaines propositions « voyagent » entre les programmes. Comme le plan bus. Pécresse aussi en parle. « Mais moi, je veux une Ile-de-France humaine, solidaire », clame Bartolone qui espère renvoyer son adversaire à l’image d’une droite opposant les riches aux plus modestes, l’Est à l’Ouest.

Le socialiste passe à la vitesse supérieure. Le 4 novembre, le premier des trois gros meetings de sa campagne se déroulera dans son fief de Seine-Saint-Denis, Pantin. Dans quelques jours, le candidat lancera aussi l’opération… « Bartex ». « C’est comme pour Fedex : toute personne intéressée par le programme et en fera la demande sur Internet sera livré à domicile par un militant », annonce un membre de la campagne.

Pour l’instant, les sondages donnent les deux principaux challengers au coude à coude, avec le Front national en embuscade.

A 64 ans, Claude Bartolone livre peut-être le combat le plus difficile de son parcours. Et de prévenir en cas de victoire dans deux mois : « Ce sera la dernière responsabilité politique que j’aurai à assumer. »

Impôts : «Fiscalité zéro»

Sa proposition. C’est la pause fiscale à la mode Bartolone : « Zéro augmentation de la fiscalité régionale pour les contribuables et les entreprises. » Pour cette année, le budget de l’Ile-de-France est de 5 Mds € (dont près de la moitié est consacrée aux transports). En proclamant « fiscalité zéro », le candidat PS s’engage donc à ne pas toucher notamment à la taxe régionale

prélevée sur les cartes grises, sur les bureaux ou encore la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TICPE), et donc le prix de l’essence. A noter qu’au fil des réformes, les marges de manœuvre fiscale sont limitées pour les régions qui ne touchent plus, par exemple, ni taxe d’habitation ni taxe foncière pesant sur les ménages.

Décryptage. La réponse est évidemment politique alors que la gauche est souvent accusée par ses adversaires de « matraquage fiscal », y compris au niveau local. Mais dès lors que la tête de liste se prive d’augmenter les impôts, comment va-t-il financer ses douze engagements, notamment en matière de transports, dont le chiffrage global n’apparaît pas ? « Je ne raserai pas gratis », jure le socialiste. Claude Bartolone propose donc de créer… une « écotaxe régionale pour les poids lourds en transit ». « Elle va dans le sens d’une protection de l’environnement et permet de faire face à l’investissement nécessaire pour la modernisation des transports », explique-t-il en souhaitant la mettre sur les rails « dès la première année » de son éventuelle élection.

Certains chiffrent de recettes circulent, non confirmés, à savoir 400 M€ par an. Par ailleurs, s’il promet de poursuivre les efforts engagés pour maîtriser des dépenses, Claude Bartolone fixe une limite : « Je ne réduirai pas les dépenses qui puissent affaiblir le service public en faveur de l’égalité. » En clair, pas question de tailler dans les effectifs de fonctionnaires qui travaillent notamment à l’entretien des lycées. « Je ne reprendrai pas les vieux tubes de Nicolas Sarkozy sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux », tacle le candidat qui insiste sur la nécessité de « faire des choix ». Mais en sacrifiant quoi ? Mystère.

Une police unique SNCF et RATP

La sécurité dans les transports est un des enjeux forts de la campagne. Bartolone mise sur «la création d’une police des transports», un corps unique regroupant tous les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP. Et tous seront regroupés, police et gendarmerie comprises, dans «un centre de supervision et de décision unique». Dans les Noctiliens, le conducteur sera accompagné d’un agent.«Je serai un président ferme», confie Bartolone qui n’entend pas se laisser distancer sur le terrain, toujours délicat pour la gauche, de la sécurité. Tête de liste LR, Valérie Pécresse promet, entre autres, une généralisation de la

vidéosurveillance.

Logement : «L’encadrement des loyers partout»

Ses propositions. « Le droit au logement doit être respecté partout en Ile-de-France. » Pour porter cette volonté, Claude Bartolone développe trois mesures : étendre la garantie locative à tous les jeunes, déployer l’encadrement des loyers dans toute la région et, enfin, conditionner les aides régionales au respect de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain).

Décryptage. Le candidat socialiste souhaite que l’encadrement des loyers, promis par l’ex-ministre écologiste Cécile Duflot et aujourd’hui uniquement appliqué à Paris depuis cet été, soit étendu à toute l’Ile-de-France. Une mesure qui devrait satisfaire l’aile gauche du PS en faisant baisser les loyers et en les rendant plus accessibles aux foyers modestes. Idem pour le respect de la loi SRU qui impose 25 % de logements HLM aux communes. Celles qui ne respecteraient pas ce seuil ne toucheraient plus d’aides de la région. Là encore, une mesure très politique qui vise certains fiefs de la droite qui plafonnent à moins de 5 % de logements sociaux.

Environnement : «Sortir du diesel»

Sa proposition. Le candidat socialiste embraye sur les déclarations de la ministre de l’Environnement et du Premier ministre, Manuel Valls, en se déclarant à son tour contre le diesel, source de pollution de l’air en Ile-de-France. Il propose une prime régionale à la casse pour les propriétaires d’un véhicule professionnel ou utilitaire diesel. Toujours pour limiter la pollution automobile, Claude Bartolone veut développer la voiture électrique en déployant l’auto-partage sur le modèle d’Autolib’ et en installant des bornes de rechargement électrique pour les particuliers aux quatre coins de l’Ile-de-France.

Décryptage. Claude Bartolone ne s’y trompe pas. La dégradation de la qualité de l’environnement, et particulièrement de la pollution de l’air, représente l’une des principales inquiétudes des Franciliens.Avec ces mesures, il donne également des gages à ses probables futurs alliés écologistes du second tour. Sans aller pourtant aussi loin que ces derniers. La tête de liste d’EELV, Emmanuelle Cosse, prône pour sa part ni plus ni moins qu’« une interdiction du diesel en France d’ici 2025 ».

«Créer 5000 emplois-jeunes»

Ses propositions. Créer 5 000 emplois-jeunes régionaux supplémentaires, simplifier et accompagner la création d’entreprises et soutenir les PME en amplifiant le dispositif régional PM’UP et en mettant en place un fonds régional public-privé.

Décryptage. Rien de très neuf sous le soleil économique francilien. Claude Bartolone entend développer des recettes déjà en cours et qui portent leurs fruits. Le dispositif PM’UP a permis d’aider plus de 1 000 PME et PMI en Ile-de-France depuis sa création. 85 lauréats sont concernés cette année. Ils profitent de conseils et d’aides financières pouvant aller jusqu’à 250 000 € sur trois ans. Claude Bartolone veut augmenter le nombre des bénéficiaires.

Quant aux 5 000 nouveaux emplois-jeunes régionaux promis, ils doivent s’inscrire dans le dispositif d’emplois-tremplins lancé par la région il y a dix ans et critiqué par Valérie Pécresse (LR) qui préfère, quant à elle, miser sur l’apprentissage. La véritable nouveauté pourrait être le fonds régional public-privé qui permettrait notamment d’aider à la reconversion de friches industrielles.

Transports : «Une remise à niveau du réseau»

Sa proposition. Claude Bartolone le dit haut et fort : « Je n’ai aucune envie que l’on connaisse un nouveau Brétigny-sur-Orge » en référence au drame ferroviaire essonnien de 2013 qui a fait six morts. Il promet donc de « remettre à niveau le réseau ferré francilien » (rails, caténaires, aiguillages) et d’accélérer le renouvellement des wagons (avec priorité au RER B, D puis C, Transiliens). Notamment en réclamant à l’Etat 800 M€ par an pendant dix ans. « Le réseau a été victime du Tout TGV, le temps d’un plan de rattrapage est venu », clame le candidat qui propose aussi la mise en place d’un service 24 h/24, l’automatisation des lignes 11 et 13 du métro, un « plan bus Grande couronne » avec l’emploi de 1 000 chauffeurs et, cerise sur le gâteau, la 4 G !Décryptage. Les usagers du RER A ont (de nouveau) vécu un enfer la semaine dernière… Les transports, c’est la prioritédes Franciliens régulièrement victimes des soucis techniques d’un réseau vieillissant et sous-dimensionné. Alors même que la région y consacre chaque année une enveloppe de 3 Mds€, soit 40 % de son budget. Mais la promesse de Claude Bartolone, qui

s’inscrit dans le renouvellement du matériel initié par Jean-Paul Huchon en 2013, a ses limites à en croire un récent rapport de l’Ecole polytechnique de Lausanne. « Quel que soit l’effort consenti, l’inflexion de la tendance au vieillissement ne peut être immédiate », prévient-elle. Selon elle, si l’effort n’est porté que sur les programmes de renouvellement de la voie, des appareils et de la caténaire, les effets perceptibles, soit la ponctualité, ne se feront sentir pas avant… 2025.

Quant au plan bus Grande Couronne, le sujet semble faire l’unanimité. Il rejoint notamment la proposition de la candidate (LR) Valérie Pécresse.

Seniors, jeunes, santé, cultures, familles... les autres propositions

Un plan contre le décrochage en lycée et CFA. Le candidat PS propose plusieurs mesures pour les jeunes. Tout d’abord un plan régional Réussites dans les lycées et CFA (centre de formation d’apprentis). Son objectif est d’atteindre le zéro décrocheur. Autre engagement : la construction de 4 000 logements étudiants chaque année. Par ailleurs, s’il est élu, la région participera à l’Erasmus des apprentis et le chèque santé sera étudiant sera porté à 120 € par an pour accéder à une mutuelle.

Des maisons Alzheimer. Claude Bartolone n’oublie bien sûr pas les seniors et particulièrement le fléau du XXIe Siècle, la maladie d’Alzheimer. Pour prendre en charge les personnes touchées par cette maladie, le candidat PS propose le lancement d’un programme régional de financement de maisons spécialisées.

Pas touche au budget de la culture. Bartolone s’y engage. Il maintiendra le budget en faveur de la culture. Le 1 % artistique dans les politiques d’investissement sera par ailleurs élargi. Enfin, un plan culture et arts au lycée s’accompagnera de l’embauche de 100 médiateurs culturels.

La santé à moins de 15 minutes de chez vous. Bien des élus s’y sont cassé les dents. Claude Bartolone le promet : son plan régional de lutte contre les déserts médicaux ruraux et urbains mettra la santé à moins de 15 minutes de chaque Francilien. Renforcement des incitations à l’installation de médecins, aides à ceux qui s’engagent à modérer leurs honoraires et multiplication des maisons de santé font partie du projet.

Des crèches à horaires décalés. Pour faciliter la

LAPRESSEENREVUE.EU

vie des familles, le candidat propose un programme régional d’investissement allant dans ce sens.

Non aux discriminations. Droits des femmes, égalité salariale, lutte contre le racisme et l’homophobie feront partie des priorités de la mandature.

Les citoyens ont la parole. Enfin, Claude Bartolone entend mettre le citoyen au cœur de son futur mandat. Il propose la création d’un budget participatif ouvert aux habitants et la mise en place d’une conférence citoyenne permanente pour évaluer la politique conduite par la région. Elle serait composée de Franciliens tirés au sort.

leparisien.fr

MAIS AUSSI :

Régionales en Ile-de-France : Bartolone présente son programme et rassemble ses troupes

Pauline Théveniaud

Paris, le 22 octobre. Claude Bartolone a rassemblé ces troupes lors d la présentation de son programme ce jeudi.

AFP/FRANCOIS GUILLOT

«Que vous êtes beaux, là! Tous alignés!» En arrivant à son QG de campagne, ce jeudi matin, Claude Bartolone savoure. Place de la Catalogne, loin du champ de bataille (où le feu est nourri) qui l'oppose à la droite, le candidat PS à la présidence de la région Île-de-France a présenté son programme .

Objectif de la matinée : dérouler ses propositions et se poser en candidat du rassemblement.

Dans la salle «les partenaires» ont pris place. Où Jean-Vincent Placé (qui a récemment claqué la porte d'EELV pour fonder un parti écologiste allié de la majorité) croise Robert Hue (MUP). Quelques piliers socialistes sont là aussi, dont Elisabeth Guigou et Julien Dray, qui arrive en béquilles. «Je voulais parler de mobilité réduite», se marre Bartolone, lorsque le chef de file pour le Val de Marne fait son entrée. Jean-Luc Bennahmias, ex-Verts, ex-MoDem et fondateur du Front démocrate, passe aussi une tête, une fois le discours de Bartolone... terminé.

«C'est vraiment le début de la campagne», se réjouit l'équipe du candidat. Quasi-bouclées, les listes seront présentées la semaine prochaine. La suivante, le 4 novembre, Claude Bartolone tiendra son premier grand meeting de la campagne, à Pantin (Seine-Saint-Denis). «Nous allons rentrer dans la campagne projet contre projet», abonde le directeur de campagne, Luc Carvounas, fustigeant au passage «la série de boules puantes» envoyées par la droite.

Bartolone attaque en piqué ceux qui se révèlent «Thatchériens 30 ans trop tard». Et assure : «Le choix, le débat, le désaccord, il est entre la droite et l'extrême droite d'une côté, la gauche de l'autre.» Reste que le 6 décembre, au premier tour de l'élection, deux listes de gauche (celle EELV d'Emmanuelle Cosse et la Front de gauche de Pierre Laurent) lui feront face.

V) Cynthia Fleury : « Être citoyen aujourd’hui, c’est un travail »

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par Isabelle Fougere

Cynthia Fleury © Catherine Hélie / Editions

Philosophe, psychanalyste, professeure à l’American University of Paris et membre du Comité consultatif national d’éthique, Cynthia Fleury a inauguré en septembre la première Chaire

de philosophie de l’Hôpital de l’Hôtel-Dieu à Paris. Elle vient de publier chez Gallimard Les Irremplaçables, un essai qui affirme que sans le maintien de sujets libres, sans l’engagement des individus et leur détermination, la démocratie n’est rien. Pour Les Nouvelles NEWS, elle rappelle qu’avoir le souci de l’État de droit comme on a le souci de soi est un enjeu aussi philosophique que politique. Propos recueillis par Isabelle Fougère.

Les Nouvelles NEWS : Face à la pluie d’informations, de catastrophes et de scandales, nous éprouvons tous un sentiment d’impuissance, d’inutilité. Vous dessinez dans votre dernier ouvrage, Les irremplaçables, une piste, en encourageant chacun à construire son propre chemin…. pour mieux sauver ensuite l’État de droit et la démocratie.

Cynthia Fleury : Le diagnostic d’un État de droit, d’une démocratie qui chosifie, désingularise les individus, les considère comme remplaçables, interchangeables et donc produit une très grande érosion, un découragement… ce diagnostic, nous sommes beaucoup à le faire. Je voulais aller plus loin.

Quand l’État de droit produit cela, il ne détruit pas seulement le sujet, il se détruit lui-même. Seul le sujet émancipé se préoccupe de l’État de droit.

Plus celui-ci désingularise ses sujets, plus ces derniers vont aller vers des régimes plus xénophobes, de repli, populistes, hyper-nationalistes, très identitaires, construits autour de ressentiments. Dans cette histoire-là, l’autre « passager clandestin » mis en danger, c’est l’État de droit

lui-même et pas simplement l’individu.

Le discours conservateur pose, d’une part, comme vérité indépassable de la mondialisation l’État néolibéral, la crise de l’État providence, et d’autre part, l’atomisation de la société des individus. Le tout sur fond de renforcement d’intégrisme et d’inégalités qui explosent. Où se situe le discours du progrès ? Principalement dans la techno-science, mais l’on sait que sans finalité éthique celle-ci confine à la rationalisation, dangereuse pour la philosophie humaniste. Dans Les irremplaçables, mon enjeu était aussi de construire de l’issue. De rappeler que le territoire de l’innovation sociale est indissociable de la consolidation démocratique et qu’il est la continuation, sous un mode plus collectif, de l’individuation. L’individualisme ne détient pas l’exhaustif de la définition de l’individu. Á l’inverse, le souci de soi (l’individuation) et le souci des autres (le souci public structurel de l’État de droit) relèvent d’une même matrice et sont tout sauf antinomiques.

Vous préconisez finalement de ré-insuffler une part de responsabilité individuelle au sein du collectif ? N’est-ce pas ce qui vient d’arriver ces dernières semaines avec la question de l’accueil des réfugiés ?

Cette question est un tel défi. En termes de politique publique et pas simplement en termes de sentiments, d’hospitalité. Il s’agit tout de même de « faire cité », donc à un moment donné on ne peut pas laisser au simple altruisme, ou non-altruisme, des uns et des autres le soin de construire une politique d’accueil. On voit ce qu’il va falloir mieux combiner demain ensemble : d’un côté vous avez une machine inter-étatique, celle de l’Europe, qui se met cahin-caha en branle, avec des difficultés pour harmoniser les mesures, avec l’Allemagne qui ouvre, les autres pays qui ferment. Et, au final, un chiffre d’acceptation de la France ridicule (33 000 personnes d’ici à deux ans, NDLR). C’est peu. En même temps, en quelques jours, une plate-forme numérique d’accueil de réfugiés issue de la société civile (CALM) met en relation 5000 offres de particuliers avec des réfugiés. Les chiffres diffèrent mais deviennent commensurables.

Demain, il va falloir combiner les politiques publiques et les initiatives de plus en plus formalisées de la société civile, qui d’ailleurs prouvent par leur mobilisation leur degré d’acceptation. Faire sans la participation active des citoyens, sans la considération de leur citoyenneté capacitaire, sera de plus en plus contre-productif. D’ailleurs, la question plus générale de la démocratie, c’est comment mieux organiser sa durabilité, comment respecter son cadre de légitimité (l’État-nation) tout en inventant un niveau d’efficacité supérieur (alors même qu’il est mis à mal par la mondialisation, les questions d’envergure transnationale, etc.), qui se relie à la fois aux citoyens et à la gouvernance mondiale. C’est cette gouvernance tri-partite réellement matérialisée (non exclusivement théorique) qu’il nous faut inventer.

Cynthia Fleury © Catherine Hélie / Editions Gallimard

Et les politiques ?

Justement, les politiciens n’ont plus le monopole de la politique. C’est fini, heureusement. La citoyenneté est en train de reprendre un peu la main sur la mission du politique. Beaucoup ont le sentiment (justifié) que dans l’entreprise, ou par la voie académique, universitaire ou par la voie associative, ils font de la politique.

Ils n’en vivent pas mais ils construisent de l’intérêt général, ils construisent de nouveaux outils, ils militent, ils inventent, ils expérimentent. Les politiques arrivent après. Après avoir été plutôt pionniers des initiatives, ils sont dans la position de valider et de démultiplier. Cela pose la question du niveau de la société civile, avec d’un côté une population éduquée qui a les ressources et les connaissances et de l’autre une population précaire, privée du coup de cet exercice éclairé de la citoyenneté.Oui, la citoyenneté capacitaire, celle qui peut agir et peser, ceux que j’appelle les « irremplaçables »,

doit émerger et il faudrait modéliser sa durabilité. Comment la former, la faire vivre ? Sinon elle restera l’objet uniquement de ceux qui sont protégés, qui peuvent dégager du temps, qui peuvent prendre sur eux financièrement le fait d’être formés. Le travail de modélisation économique est donc fondamental. Quand nous militons avec d’autres pour la question de l’allocation universelle, c’est cela. Tant que le travail sera un outil de survie pour les uns, pour la majorité, on ne pourra pas avoir une citoyenneté digne de ce nom puisqu’il n’y a pas de temps pour cela.

Le temps, pour vous, c’est bien la clé…

Il y a de plus en plus de hiatus entre ce que vivent les gens au quotidien et leur capacité d’en tirer quelque chose. On vit de plus en plus de choses, mais en tirer un contenu émotionnel et existentiel qui nous fait grandir et nous alimente est de plus en plus difficile. Parfois, ce qui est vécu est tellement dur que les gens refusent de faire expérience, ils s’empêchent, s’anesthésient pour ne pas ressentir. J’ai des patients qui n’ont plus que cela pour échapper à la douleur. Ils se clivent pour tenir.

Dans votre ouvrage, vous évoquez l’humour comme un outil de libération, ce que vous appelez la Vis comica…

C’est la possibilité, face à un sentiment de contrainte, de limitation, d’absurde, de douleur ou de réalité sociale emprisonnante, de faire surgir le réel. Cela donne le sentiment à un sujet victime de récupérer de la puissance d’agir. Malgré tout, par l’humour, il construit un autre espace temps. Ce n’est pas une question de fuite, c’est un renversement qui s’opère, très important. C’est une autre manière de dire la relativité.

Cynthia Fleury © Catherine Hélie / Editions Gallimard

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Comment acquérir cette capacité d’humour, est-ce qu’elle s’enseigne ?

Oui je le pense. Enseigner aux enfants la capacité de dédramatiser, de sortir du cadre, d’aller au delà des mécanismes d’inhibition. L’humour est une manière de déjouer ces mécanismes. Hop, vous faites un pas de côté. Notre école nous verrouille tellement. Il faut penser de telle manière… En tant que parents, je pense qu’il faut toujours veiller dans la transmission à protéger le sentiment capacitaire qu’a l’enfant. On peut transmettre des choses compliquées ou tristes, mais il faut transmettre aussi le sentiment capacitaire, ne pas laisser l’enfant seul face à l’anxiogène. Face à telle ou telle situation, lui enseigner qu’il y a obligation d’invention. L’humour n’est pas une figure de dénigrement ou nihiliste comme on le croit parfois, mais de lutte contre le pouvoir ; c’est très différent du cynisme ambiant, de l’amertume.

Vous enseignez, vous consultez, vous êtes membre de la cellule d’urgence médico-psychologique du SAMU : vous disposez donc d’une vision large de la société civile. Voyez-vous se lever des « irremplaçables », des citoyens en capacité d’agir ?

Les situations sont de plus en plus complexes. D’un côté dures, déstabilisantes, avec une précarité et des inégalités croissantes. Toutes les familles sont touchées soit par le chômage, soit par l’intermittence, soit par le temps partiel forcé, les stages à répétition, la formation insuffisante, le fait qu’il faille quinze diplômes au lieu de deux, avec un phénomène de dévaluation et de déclassement. La classe médiane est heurtée, fracassée.

A côté de cela il y a de nouveaux outils, et ceux qui ne s’en saisissent pas seront les premiers condamnés. Bien sûr l’ingéniosité, l’inventivité, mais c’est aussi de l’adaptation obligatoire. Une manière de faire réseau, de faire alliance, pour que notre agir soit suffisamment déployé, ait plus de force. Cela demande des compétences énormes. L’accès à la citoyenneté, jadis, ne demandait pas de compétence particulière. C’est fini. La citoyenneté est devenue une compétence. Si vous voulez aujourd’hui faire vivre votre citoyenneté capacitaire, il faut apprendre, savoir se servir d’un ordinateur, savoir monter une association, savoir participer à une ICE (Initiative Citoyenne Européenne), être constamment lié aux réseaux sociaux… Être citoyen aujourd’hui c’est un travail.

Avec une part de la population exclue de cette citoyenneté toujours plus grande…

L’analphabétisme citoyen est fort, alors que sur le papier nous sommes tous égaux. On rentre dans un système où à la fois il y a une possibilité hyper-qualitative de penser cette citoyenneté et en même temps l’accès, plus grand sur le papier, est fondamentalement plus restreint dans la réalité parce qu’il demande une montée en qualité chez les citoyens. L’éducation sous toutes ses formes, scolaire, universitaire mais aussi parentale, professionnelle, populaire… reste fondamentale. Plus la vie s’allonge plus on a besoin de se former toute sa vie. Les compétences sont bousculées, très vite obsolètes. Là encore, sur le papier, on acquiesce à cette hypothèse, mais au niveau de la modélisation économique, cela n’existe pas. Ce sont ces nouveaux outils qu’il faut créer d’urgence.

Les irremplaçables, de Cynthia Fleury. Collection Blanche, Gallimard, septembre 2015

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