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  • 7/26/2019 Pourquoi tudier la culture.pdf

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    Pourquoi et comment tudier la culture

    La culture comme ensemble de murs et de faon d'agir dans le monde nest pas unique

    aux humains. Ce qui semble particulier aux socits humaines est que leurs membres

    soient conscients de faire partie d'une communaut. Cette rflexion passe par la culture,un ensemble de rhtoriques, figures iconiques, pratiques, habitudes de penser et de faire,

    dialogues, interrogations abstraites et concrtes. La culture est notre faon de s'adapter

    non seulement l'environnement, mais aussi aux autres. Mme si une partie du

    comportement est influence ou dtermine par la dimension gntique, les humains

    crent des entits symboliques qui existent au-del de chacun et de tous. Il faut

    comprendre ce mcanisme pour analyser le phnomne humain.

    Il y a une autre raison pour se concentrer sur la culture comme phnomne. Une grande

    partie de l'humanit aujourd'hui vit dans des communauts politiques qui ont une forme et

    une dynamique particulire, les tats. Ces formations ont tendance politiser la culture,

    c.--d., la transformer et l'utiliser pour centraliser le pouvoir politique. Le pouvoir passe

    travers la culture, donnant naissance l'ide que certains aspects de la culture sont

    naturels, inns. Or, ils ne le sont pas.

    Ceci est simplement la dimension publique du pouvoir, qui prsente des notions qui

    dfinissent la composition de la communaut et les traits de l'individu socialis pour que

    ce dernier soit mieux intgr. Ces ides fonctionnent au niveau de nos habitudes de vie et

    nos faons de penser. Elles sont donc difficilement reprables pour identifier leur aspect

    arbitraire et historiquement dtermin. Il faut tenter de se distancer des orientations qu'on

    considre naturelles et normales pour pouvoir reprer l'influence de ces structures

    caches.

    Autrement dit, on a tendance de penser que nos orientations vers le monde sont un peu

    universelles, et ceci, grce l'influence des tats civilisateurs qui prtendent que leur

    culture est compose de traits universels et donc intouchables. Pour l'instant, il suffit de

    noter que cette tendance universaliser la dimension locale merge parce qu'il est plus

    facile de contrler et dharmoniser des millions de citoyens qui composent les socits

    Guy Lanoue

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    contemporaines quand les prmisses qui animent le sentiment communautaire sont

    censes tre partout pareil, comme c'est plus facile pour le citoyen individuel de penser

    son identit et son rle social en acceptant ces prmisses comme tant naturelles et donc

    inchangeables.

    J'aimerais ici citer une autre raison pour tudier la culture. L'expression "une culture"

    nous renvoie l'ide d'un thos, de valeurs partages qui forment un ensemble assez

    cohrent, comme quand on invoque des strotypes, par exemple, que les Franais sont

    arrogants, les Italiens superficiels, les Anglais froids, etc. Ce n'est pas que ces strotypes

    soient vrais ou non ils sont carrment faux, car la catgorie 'les Anglais' inclut une

    myriade d'individus dont une certaine partie n'est pas 'froide', comme 'les Franais

    incluent des personnes serviables et gentilles , mais qu'on doit distinguer les pratiques etles reprsentations. Chaque socit cre des reprsentations qui sont plus ou moins

    partages. Le but de telles reprsentations, cependant, n'est pas de dfinir un modle

    idalis, mais de cacher des pratiques sociales diverses et trs complexes, de reproduire

    des ingalits sous le masque du 'Nous' (dans le sens de l'expression 'nous sommes.').

    Comme dit l'ethnologue Michael Herzfeld, le civique n'est pas toujours civil (p.e, pensons

    la bureaucratie et ses fonctionnaires), et le civil (dans le sens d'un comportement 'gentil'

    et 'sociable') peut tre loin de l'idale d'une socit quitable et participative qui est

    encapsule dans l'expression 'civique'. Il faut donc tudier la culture comme un ensemble

    de processus dynamiques qui dgagent des reprsentations du Nous parfois assez

    solidaire, mais souvent fragment par des pratiques qui entrainent des divisions et qui

    peuvent reproduire un systme d'ingalits.

    P.e., les rgles lmentaires de la politesse: l'obligation de rpondre avec des banalits

    la demande rituelle, "Comment allez-vous?" ne permet pas l'expression de ressentiments

    et d'envies qui drivent des ingalits du systme de classe. Une rponse comme, "Je

    pourrais aller mieux si les bourgeois n'avaient pas impos un systme de rgles de vie

    dont le but est d'assurer la reproduction du statuquo et de transformer les opportunits

    d'avancement social en cadeau dos par les classes qui dtiennent le pouvoir," n'est pas

    seulement impoli, mais aussi incivile. "Merci, je vais bien. Et vous?" est, au contraire,

    Guy Lanoue

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    poli et civil, mais ne permet pas l'expression de ressentiments et de dsires pour une

    meilleure vie. La ritualisation cache plusieurs tensions et permet la socit de

    fonctionner comme un organisme assez harmonieux.

    L'inverse est aussi vrai. Autrement dit, on ne doit pas prendre comme postulat que les

    socits visent produire une communaut solidaire et fonctionnelle, bien que ceci est

    certainement un but parmi plusieurs. Ceci veut dire qu'on ne doit pas catgoriser la

    violence et le conflit comme des dviations d'une norme, ou comme vidence d'une

    'mentalit primitive', ou comme une survivance d'une tradition tribale (ces hypothses

    ont en fait t proposes par certains anthropologues). Il est possible, par exemple, que

    certaines formes de conflit au microniveau (le quartier local, la famille, entre amis) a

    comme but de maintenir une certaine souplesse associative, a formuler et reformuler lesrseaux pour permettre aux individus d'adopter des stratgies de rsistance quand les

    structures du pouvoir sont monolithiques et intrusives, p.e. face aux structures tatiques et

    bureaucratiques trop oppressives. Autrement dit, le conflit n'est pas automatiquement une

    mauvaise chose, comme la politesse n'est pas toujours une forme associative positive. La

    politesse peut cacher des tensions, comme des tensions peuvent affaiblir des structures

    qui ne sont plus utiles pour faire face de nouveaux dangers.

    On voit cette tendance segmentaire souvent en Italie, par exemple, o souvent les

    trangers sont merveills par le fait que les Italiens semblent continuellement tre en

    conflit (au point qu'ils notent parfois que l'Italien est une langue 'agressive' car on parle

    'rapidement, comme une mitrailleuse') mais que ce conflit ne semble pas menacer la

    socialit. On se dispute souvent, mais on continue de manger ensemble. Peut-tre ces

    attitudes agressives sont 1) le fruit d'une vision de l'tranger qui possde une culture

    diffrente, et 2) des moyens normaliss de dvelopper des rseaux complexes qui aident

    les personnes trouver des ressources pour faire face un systme politique qui est vu

    comme une institution ngative et menaante.

    Comment tudier la culture?

    Guy Lanoue

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    Il ne faut pas donc oublier ce point: la culture est le dialogue entre l'individu, ses ides de

    la communaut, et ses ides propos les autres communauts. Ce que nous appelons les

    ides censes former la culture nest pas en ralit des ides trs articules. Ils sont

    tellement naturaliss qu'elles se prsentent sous forme de sentiments dont le but est

    d'vacuer la pense rationnelle. La majorit des instances d'interaction sociale est

    conditionne par des ractions automatiques au niveau des sentiments, par des ides

    abstraites. Le but de l'ethnologie est donc de dcomposer ses sentiments d'appartenance

    pour identifier leur fonctionnement.

    Permettez-moi une proposition radicale: on ne peut pas tudier la culture. La culture ne se

    voit pas, elle n'a aucune qualit empirique. C'est comme les atomes on a dduit leur

    existence avant d'tre capable de les voir. Cependant, nous sommes certains qu'ilsexistent, car leur existence et leurs qualits thoriques sont la seule faon d'expliquer les

    aspects empiriques de l'univers. La culture ressemble un atome, car nous pouvons

    dduire ses traits par ses manifestations, mais surtout, car elle doit exister, autrement il

    n'y aurait aucun moyen d'expliquer la condition humaine.

    Mais o commencer, si tous les instruments d'enqute semblent tre contamins par les

    idologies qui dominent les grands tats, lieux de naissance de l'ethnologie? Il faut

    surtout viter l'essentialisme, la tentative de trouver des universels humains dfinis en

    termes de leur rendement pour la survie, de leur fonction dans la vie sociale. Par exemple,

    certaines socits fonctionnent trs bien sans une religion organise et institutionnalise,

    sans croyances en Dieux (ou des dieux), sans tat et ses instruments de coercition, et

    mme apparemment sans champ politique. Que possdent-elles, ces socits? D'autres

    moyens de crer la notion de communaut et d'intgrer l'individu. Jusque parce que ces

    moyens sont efficaces et obtiennent les mmes buts que nos instruments d'intgration

    sociale et culturelle, il ne faut pas les voir comme quivalents. Dans telles socits, un

    systme de parent peut tre plus complexe et plus actuel que notre systme de parent, et

    donc on pourrait avoir tendance le voir comme tant quivalent nos instruments

    politiques et religieux d'intgration, jusque parce qu'il joue ce rle. Trois objections: 1) le

    but ou la fonction d'un trait n'est pas sa raison d'tre; 2) insister que le but d'un trait est la

    Guy Lanoue

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    raison pour son existence peut nous aveugler ses autres dimensions; 3) si on dit que

    'leur' systme est quivalent notre systme, on nie le parcours historique de l'autre qui a

    abouti dans la production de leur culture.

    Par exemple, les Nuer, et leur systme de parent agnatique (patrilinaire) et acphale

    (littralement, 'sans tte', voulant dire 'sans chef suprme), o les composants individuels,

    des segments de lignage, s'unissent sur la base de liens de parent pour former des units

    de plus en plus grandes, dont l'tendue et la solidarit dpendent de la gravit de la

    menace qu'ils doivent affronter. Pour une petite dispute entre des maisonnes, 2 ou 3

    segments d'un lignage s'unissent pour dfinir deux ples ayant chacun une force gale, et

    donc la dispute finie gnralement en compromis. Pour une dispute entre deux clans,

    plusieurs segments, chacun compos de lignages tendus, s'unissent, et ainsi de suite pourarriver une entit, les Nuer (qui s'appellent Toth, pas Nuer). Cette dynamique, c'est vrai,

    agit en partie comme un systme politique, car il organise la socit autour les lignes de

    force, mais il se concrtise uniquement au moment de conflit. Dire que ceci est leur

    systme politique est de nier que leur vie sociale a une dimension sans conflit, ou affirme

    qu'ils sont incapables de rgler les conflits sans crer un systme de parent complexe. Si

    un tel systme existe, il est sans doute polyvalent et donc les anthropologues devraient

    tenter d'viter d'tre aveugls par ses dimensions purement politiques.

    Jadis, on appelait la tentative de trouver des quivalences le relativisme culturel, se

    basant sur le postulat que toutes les cultures sont gales dans leurs capacits de favoriser

    la survie. Mais il ne faut pas confondre la capacit et la volont de crer, de grer et de

    transmettre la culture, qui est universelle, avec ses effets et ses manifestations, qui ne le

    sont pas. On ne peut pas partir de nos points de vue sur la vie.

    Par exemple, un groupe de motards peuvent dvelopper une culture de comptition et

    d'agression qui, en fait, peut tre fonctionnelle en termes des identits individuelles des

    membres, car leurs membres ont besoin de cette culture pour crer un sens non seulement

    d'appartenance, mais aussi d'honneur et d'omerta, qu'ils sont spciaux et mme suprieure

    aux non-membres, aux citoyens simples qui sont, de quelques sortes, leurs proies et

    Guy Lanoue

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    victimes. Ils ont besoin de l'agression pour dterminer une hirarchie interne qui les

    organise dans leurs entreprises parfois criminelles. Cette culture est-elle fonctionnelle

    pour eux? Oui. Est-elle fonctionnelle du point de la socit plus grande dans laquelle ils

    vivent? La rponse est nettement non. Tout dpend du point de vue.

    Dans les annes 1950, les anthropologues, inspirs par les travaux de Julian Steward, ont

    tent d'tablir des comparaisons l'chelle mondiale avec le Human Relations Area Files

    (HRAF). Cette base de donnes tentait de catgoriser tous les traits des socits afin de

    permettre des comparaisons. Par exemple, on peut se poser la question si la polygynie est

    lie d'autres traits, par exemple la matriarcalit. Si plusieurs socits qui pratiquent la

    polygynie sont aussi matriarcales, les deux traits sont probablement lis. Il suffit de

    deviner la nature du rapport.

    Dans l'ensemble, la plupart des ethnologues pensent aujourd'hui que la tentative de

    dvelopper des lois universelles sur la base d'une telle base de donnes a t un chec.

    Malheureusement, une simple association entre deux traits n'est pas une preuve qu'ils sont

    lis, car soit on ignore la faon dont les personnes voyaient tels traits, soit parce que lois

    universelles ne l'taient pas en ralit, car non seulement on peut toujours trouver des

    exceptions, mais la tentative de rendre conforme des traits un modle universel dans un

    sens ventre les pratiques sociales. On ne peut comprendre un trait culturel en dehors de

    son contexte, de l'ensemble duquel il fait partie, comme le sociologue Emil Durkheim l'a

    suggr il y a plus de cent ans. La culture et ses traits sont un fait total (mais ceci ne veut

    pas dire que tous les traits d'une culture soient intgrs de faon cohrente dans

    l'ensemble). Bref, l'ensemble existe, mais il n'est peut-tre pas un systme.

    Traits de la culture

    La culture est superorganique (selon Alfred Kroeber). C.--d., qu'elle existe au-del de la

    volont individuelle, mme si elle vit par la pense et les actions de chacun. On est

    socialis dans et par une culture, qui nous est prsente comme une entit homogne et

    cohrente. Mais elle ne l'est pas en ralit, car chacun l'interprte et l'utilise comme il lui

    Guy Lanoue

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    mieux semble, selon ces circonstances. On dit souvent que la culture est un systme, mais

    elle ne l'est pas. Par exemple, dans une socit hirarchise comme la ntre, il y a

    plusieurs attitudes envers les traits qui dfinissent la hirarchie sociale et politique, selon

    la position qu'occupe une personne. Un individu au bas de l'chelle sociale peut

    reconnaitre en public certains de ces traits, qui en fait le dfinissent comme une personne

    sans grand statut, mais peut galement saboter le systme par de petits gestes tre lente

    au travail, raconte de petits mensonges, adopte un ton ironique quand il parle une

    personne de statut suprieur, etc. Donc, il reconnait qu'existe un systme mme en le

    sabotant. Le sabotage, qui le permet de se sentir autonome et indpendant, est possible

    uniquement grce au fait qu'il reconnait les traits grossiers du systme qui le place au bas

    de l'chelle sociale.

    Par contre, une personne ayant un statut plus lev peut croire que les traits qui

    dfinissent le systme de hirarchie sont vrais, naturels, mme gntiquement et

    biologiquement surdtermins. Par exemple, il peut croire que ses privilges sont le

    rsultat naturel d'tre membre d'une certaine race (i.e., de possder certains traits

    gntiques), ou il peut croire qu'ils sont le rsultat du fonctionnement d'une idologie

    capitaliste qui favorise les personnes entrepreneurs, ou il peut croire que ses avantages et

    privilges sont le rsultat de la prdestination protestante (signe qu'elles sont lues par

    Dieux), ou de l'intelligence suprieure qui se manifeste par une sorte de slection

    naturelle darwinienne. Donc, le mme systme de hirarchie peut tre compatible avec

    des valeurs et des idologies compltement diffrentes.

    La culture est naturalise. L'individu ne la sent pas comme un systme rationnel et

    explicite. Par exemple, les jeunes bilingues d'origine anglophone en Ontario qui ont

    maitris parfaitement le franais l'cole dveloppent des accents anglais l'ge de 12-13

    ans. Ceci est inconscient, et nous supposons comme hypothse qu' tel ge ils deviennent

    conscients que c'est plus avantageux d'tre anglo que franco dans cet environnement et

    inconsciemment ils adoptent un accent 'anglo' quand ils parlent le franais. Notez qu'ils

    ne rejettent pas le franais tout entier, car ils ont toujours des avantages dmontrer qu'ils

    sont alls une cole bilingue et donc prive dans un monde unilingue, ou qu'ils sont

    Guy Lanoue

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    assez intelligents pour maitriser plusieurs langues, etc. L'accent donc n'est pas de

    l'interfrence de l'anglais, mais un trait social qui semble s'imposer naturellement quand

    ces enfants commencent raliser que certains aspects du monde sont politiss.

    La culture est irrationnelle. Elle n'est pas le fruit de la pense philosophique et logique

    d'un individu ou groupe. Elle contient trop de traits inutiles. Nous y reviendrons cette

    question, mais rappelons nous que nous nous ressemblons dans notre individualit, que

    chaque tentative de s'affirmer et d'pater l'autre contient des traits partags.

    La culture ne nous contrle pas, mais cela ne va pas dire que nous contrlons la culture.

    Chaque individu cherche maitriser les parties de la culture qui lui sont pertinentes

    nous appelons cela l'acquisition d'un capital social, politique ou culturel. La culture n'estdonc pas un systme cohrent du point de vue de l'individu, sauf quand celui-ci veut

    l'invoquer pour dfendre sa position sociale ou politique vis--vis d'autres personnes.

    Autrement dit, pour dfendre ses intrts, il peut agir totalement de cynique et assumer

    uniquement les traits qui lui servent, ou il peut agir de chauvin et dfendre l'ensemble des

    traits de sa culture pour concrtiser une identit sociale. Entre ces deux extrmes se

    trouve le parcours de la majorit les traits qu'on croit assumer parce qu'ils nous sont

    utiles sont attachs des ensembles symboliques plus tendus, et ce bagage silencieux est

    assum autant que les traits bruyants.

    Par exemple, parmi les Lardil de L'Australie septentrionale, il y a plusieurs logiques pour

    rglementer les mariages (un systme normatif, o les choix de partenaire sont limits par

    des obligations nous y reviendrons): la gnalogie (par exemple, je peux marier cette

    femme, car elle est l'enfant du frre de ma mre), clanique (par exemple, go peut marier

    une femme particulire, parce qu'elle appartient tel ou tel clan en dpit du fait qu'elle

    n'est pas l'enfant du frre de la mre), phratrique (par exemple, go peut marier une

    femme particulire, parce qu'elle appartient une phratrie de donateurs d'pouses vis--

    vis de ma phratrie, en dpit de fait qu'elle appartienne un clan dfendu ou qu'elle ne soit

    pas l'enfant du frre de ma mre), filiation (par exemple, go peut marier une femme

    particulire, car elle appartient la section juste vis--vis ma section en dpit du fait

    Guy Lanoue

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    qu'elle n'appartient pas la phratrie, ni au clan juste, et qu'elle n'est pas l'enfant du frre

    de la mre. Autrement dit, chacun de ces sous-systmes semble offrir une logique

    implacable qui reproduit et appuie l'idal (la rgle formelle oblige un homme marier la

    fille du frre de la mre), mais chaque personne effectue un choix selon sa propre logique

    et selon les possibilits qui lui sont offertes, et manipule les incompatibilits de

    l'ensemble des logiques pour justifier son choix. C'est un peu comme une personne qui

    vole une toute petite chose un crayon, disons en se justifiant que sa valeur est

    tellement limite que quelqu'un l'aurait vol en tout cas.

    En autres mots, chaque culture offre autant de rgles que de faons pour les contourner,

    donc une vision rigide et une autre plus souple, mais elle atteint ces deux parcours

    incompatibles en les plaant dans des dimensions spares les rgles sontidalises et donc impossibles respecter, et donc il est parfois lgitime d'adopter

    des moyens indicibles et de parcours secrets. Par exemple, nous vivons dans un systme

    normatif (on dfinit un cercle dfendu de parent pour le mariage; toutes les personnes en

    dehors de ce cercle restreint sont mariables) et, donc, nous mettons l'accent sur l'ide de

    la souplesse de la dimension sociale, car normalement une telle rgle et sa mise en scne

    crent de rseaux plus tendus; cependant, nous admettons inconsciemment que nous

    avons tendance respecter les rgles tacites (les personnes ont tendance marier des

    individus ayant les mmes traits ethniques et surtout de classe) et ignorer les idaux. En

    contraste, les Lardil mettent l'accent sur la rigidit et la continuit du systme formel, et

    plusieurs traits de leur vie sociale sont dvous contourner les rgles qu'ils appuient,

    avec de rituels et de discours formels, avec tant de rigueur.

    Les deux approches la culture

    La culture entoure le social, mais en Occident sa politisation date du milieu du 18esicle,

    quand les gouvernements ont commenc consolider leur pouvoir en transformant ladiversit culturelle en culture nationale homogne. Autrement dit, la culture est devenue

    un moyen de contrle social (une technologie de contrle) et un champ discursif qui

    dfinit un espace partag o se droulaient les ngociations entre le citoyen et l'tat.

    Soudainement, l'accent, l'appartenance ethnique, la gnalogie sont devenus importants

    pour dterminer non seulement le statut d'une personne, mais aussi son identit politique.

    Guy Lanoue

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    Ironiquement, l'utilisation de tels traits par des gouvernements semble transformer

    l'espace social en ajoutant une couche supplmentaire toutes les interactions, mais en

    ralit cette politisation a simplifi la vie sociale en la rendant plus homogne, car ces

    traits sont toujours prsents sous forme idalise, c.--d., ils sont relativement simples,

    abstraits et unidimensionnels. Les traits censs dfinir l'appartenance la nouvelle

    communaut mergente (l'tat nouveau) sont dsormais tellement divorcs du vcu

    quotidien de la majorit qu'aucune personne ne pouvait les incarner la perfection. Donc,

    tout le monde vit dans un tat de dsquilibre normalis. Autrement dit, c'est l'poque o

    les gouvernements saisissent ou inventent des strotypes de l'identit nationale, et ceux-

    ci sont quasiment toujours exprims et prsents de faon polarise: comme un idal

    abstrait (il faut croire absolument et totalement en quelques postulats idologiques) autant

    qu'une image de la dimension physiologique (il faut incarner un somatype standardis,comme les yeux bleus, etc.).

    Le rsultat de cette manipulation et de cette technologie culturelle est l'mergence de

    l'instabilit psychique de l'individu comme condition normale de la vie. Personne nest

    la hauteur des deux strotypes, idologique (on pourrait dire: idologique) et biologique.

    L'cart entre des normes idalises et la ralit cre une condition de dsquilibre

    psychique qui devient la condition normale qui caractrise la communaut, le trait saillant

    des tats transforms en tats-nations. La normalisation du dsquilibre dans un systme

    classique o la hirarchie est bien tablie pousse les personnes tenter d'tre conformes,

    mais dans les conditions plus floues typiques de la postmodernit, ceci peut avoir de

    consquences imprvisibles.

    Cette simplification politique de l'identit sociale a eu des consquences importantes pour

    le dveloppement des sciences humaines, qui se sont concentres quasi uniquement sur

    l'aspect idalis de l'identit. Ceci a men, de la part d'August Comte et Emil Durkheim

    (parmi d'autres) en France et de l'cole anglo-cossaise (Adam Smith, David Ricardo) en

    Grande-Bretagne, l'mergence d'une vision de la science humaine qui pouvait expliquer

    les phnomnes sociaux de la mme manire que les chercheurs scientifiques

    expliquaient la nature. Autrement dit, ce courant s'inspirait de deux choses: de la

    Guy Lanoue

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    mthodologie objective des sciences naturelles, et de l'mergence d'idaux censs tre

    suffisamment homognes pour tre incarns par de millions d'individus dsormais

    transforms en citoyens. Le rsultat est l'mergence d'une nouvelle dfinition de l'espace

    social, un espace dsormais dfini uniquement par des traits drivant de la capacit

    d'intervention de l'tat. Par exemple, quand on commence croire, vers le dbut du 20 e

    sicle, que la criminalit n'est plus un problme gntique, mais surtout une manifestation

    d'un dsquilibre social (les deux ples de la nouvelle identit sociale), ceci cre les

    conditions o l'tat peut et mme intervenir pour l'liminer. Il s'agit donc d'tendre et de

    confirmer le pouvoir de l'tat.

    En fait, c'est l'poque o les gouvernements occidentaux insistent sur la sparation de

    l'glise et de l'tat, o ils luttent pour liminer toutes autres formes d'association quipourraient affaiblir le lien citoyen tat: les tribus indignes (en Amrique du Nord), les

    syndicats quoique soit leur orientation politique (qui formaient des associations

    s'opposant aux gouvernements qui sont censs tre les seules entits dicter les lois

    grant le commerce), mme contre les ethnies (chaque tat nation tait cens tre

    compos d'une seule ethnie leurs autres identits ethniques sont consignes au pass,

    comme symboles de tradition, signifiant qu'elles ne jouent aucun rle dans le prsent

    c'est l'poque de la folklorisation). Bref, on redfinit la socit comme l'ensemble

    d'actions individuelles censes incarner les idaux idologiques et biologiques de l'tat.

    Les attitudes et les orientations attaches d'autres formes de communaut, comme sont

    les dviations individuelles, sont censes disparaitre.

    Le nouveau social est donc invent pour devenir le lieu privilgi d'intervention tatique,

    o l'tat exerce son nouveau pouvoir total sans limitations. Les glises, les syndicats, les

    tribus, les ethnies ont des limites imposes sur leur capacit de se dfinir comme des

    communauts capable de dfinir l'identit politique et donc sociale. Dornavant, il n'y a

    qu'une seule communaut politique, l'tat nation. Ce n'est pas surprenant que les sciences

    sociales soient inventes comme discipline ce moment prcis. La science politique, la

    dmographie, la sociologie, la psychologie sociale et surtout l'conomie sont censes

    examiner ce nouveau social et l'analyser en termes de ses propres dynamiques.

    Guy Lanoue

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    Dornavant, la criminalit est dfinie non comme rsultat d'une orientation

    psychologique, religieuse, ou tribale (par exemple, on ne peut s'excuser devant le tribunal

    en invoquant la tradition locale ou communautaire comme explication pour le geste

    illgal), mais comme le fruit des dynamiques sociales, surtout celles qui peuvent tre

    invoques pour justifier le manque d'intgration sociale du citoyen. Les prisons

    dsormais ne sont plus l uniquement pour punir, mais pour rduquer le criminel pour

    assurer qu'il soit intgr dans la socit (d'autre part, ceci devient galement la dfinition

    de l'ducation, cens produire des citoyens intgrs la communaut et au march du

    travail).

    Tout cela pour dire que les sciences sociales se dfinissent, cette poque, en termes de

    ce nouveau social. Elles adoptent des mthodologies apparemment et prtendumentobjectives, parce que cet espace social est cens tre vid de toutes autres influences, et

    donc chaque phnomne social est cens tre le fruit des dynamiques propres la vie

    sociale telle qu'elle est dfinie par les idologues. Le fait social, comme le dfinit

    Durkheim, est une entit qui merge d'autres faits sociaux. C'est une tautologie parfaite.

    Par exemple, Durkheim disait que le suicide n'est pas un phnomne psychologique. Il est

    plutt un phnomne social. Juif lui-mme, il note que, sur le plan statistique, les Juifs

    prennent leur vie moins souvent que les Catholiques, et, eux, moins que les Protestants.

    Comment expliquer cette rgularit statistique? Premirement, il est noter que

    Durkheim, pre fondateur de l'anthropologie moderne, n'est pas proccup par la vrit

    absolue, comme l'taient les philosophes de l'Antiquit. Selon lui, il existe plusieurs

    vrits, dont seulement la vrit sociale peut tre analyse. Par exemple, il ne cherche pas

    identifier la vraie raison intime et existentielle pour le suicide. Il propose que le

    suicide soit li au degr d'intgration sociale de l'individu; les personnes les plus alines

    auraient tendance se suicider, puisqu'elles n'ont pas l'appui de la communaut. Parce

    que la communaut juive est plus solidaire est possde des traditions o la famille joue un

    rle dans l'entre-aide, les Juifs auraient, selon lui, plus de suivi et d'encadrement des

    problmes individuels, qui, justement, ne restent pas individuels, mais deviennent les

    problmes de la communaut. L'individu se sent encadr, mme si le groupe est la cible

    Guy Lanoue

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    du racisme. Idem pour les Catholiques, mais eux sont plus individualistes que les Juifs, et

    donc l'individu se sent un peu moins encadr par sa communaut (Durkheim tait

    conscient que ces communauts religieuses ne constituaient pas les uniques points de

    rfrence pour les personnes). Du point de vue de l'encadrement communautaire, ce sont

    les Protestants qui, selon leurs croyances, prtendent que le salut dpend de la volont de

    Dieu manifeste par une vie riche et satisfaisante; plus les personnes accumulent de

    signes de richesse, plus elles sont videmment favorises par Dieu. Ceci mne,

    invitablement, un certain degr de comptition et d'individualisme. Bref, des

    individualistes moins encadrs par leur communaut, o, si vous prfrez, des personnes

    qui vivent avec une communaut de rfrence plus faible compare aux deux autres.

    Rsultat: des personnes plus aptes se suicider parce qu'elles se sentent seules et parce

    qu'elles subissent les pressions de la comptition.

    Bref, les sciences sociales se content mesurer les dynamiques du social: taux de

    naissance, de dcs, de criminalit, afin d'utiliser ces statistiques pour arriver des

    corrlations. Notez que cette mthodologie ne se concentre pas sur les mcanismes et les

    causes des corrlations. Par exemple, une fois qu'on tablit que le suicide est plus

    frquent parmi la population protestante, comment tablir l'aspect du protestantisme qui

    tablit cette corrlation? On suppose, comme Durkheim, que ceci est le fruit de la

    philosophie synthtique qui appuie cette religion, mais en fait ce lien reste inexplor.

    Parce que cette mthodologie n'est pas sensible cette question, elle laisse la porte

    ouverte des spculations farfelues, ou, comme dans l'exemple propos par Durkheim,

    une contamination venant de l'idologie tatique, qui s'rige en grande partie sur le mythe

    du contrat social et donc du choix individuel libre. Dans telles conditions, o l'individu

    est cens adhrer une ide abstraite et juridique de la communaut (le contrat social), le

    degr d'intgration de l'individu serait directement signe de son degr d'anomie ou

    d'appartenance cette communaut. Ce n'est pas surprenant que l'intgration sociale

    comme telle devienne une variable indpendante dans quasiment tous les calculs des

    sociologues. Criminalit? Insuffisance d'intgration. Suicide? Insuffisance d'intgration.

    Divorce? Insuffisance d'intgration. Agression sexuelle? Insuffisance d'intgration

    (notons que la vraie et unique question qui intresse ces chercheurs est le tauxde

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    criminalit, etc.). videmment, je simplifie l'argumentation de ces premiers sociologues

    et anthropologues, mais vous saisissez l'ide. Dans la nouvelle socit rige par l'tat-

    nation mergent vers la fin du 19esicle, seules les dynamiques du social identifies par

    l'tat et ses idologues sont censes tre suffisantes pour expliquer les problmes.

    Cette mthodologie est allchante parce qu'elle semble objective, offrant au chercheur de

    moyens de mesurer les problmes: le degr d'intgration se manifeste par la prsence de

    parents divorcs, par un cercle de parent trop restreint, par le manque d'amis, et, dans de

    versions plus nuances, par le manque de voix et de pouvoir d'agir (p.e., travailler sur une

    chaine de montage). Ce n'est pas surprenant que les sciences sociales adoptent cette

    mthodologie objective. Dans le nouveau social strilis (car nettoy d'autres facteurs

    contaminants comme la religion), et assez vaste (ces tats-nations sont normes et secomposent de dizaines de millions de citoyens), il semble que la seule faon de dfinir les

    dynamiques sociales est d'adopter des mthodes d'enqutes qui ignorent ces autres

    facteurs insaisissables et de se concentrer sur les corrlations entre plusieurs domaines.

    Ceci laisse la porte ouverte une contamination idologique. L'exception est

    l'anthropologie.

    L'anthropologie durant la 2emoiti du 19esicle, quand elle se constitue vraiment comme

    discipline acadmique, n'est pas oriente vers l'tude de ce nouveau social. Elle occupe

    une autre fonction, tudier l'Autre, les socits qui vivent en dehors du nouveau social

    rationnel de l'Occident: les tribus, les classes subalternes, etc. C.--d., elle analyse un

    peu l'inverse des dynamiques censes animer le social occidental. Ce dernier, comme j'ai

    dit, est un espace froid et impersonnel, cens tre domin par la rationalit des choix

    individuels et par la logique des lois et pratique gouvernementales. Par contre, les

    socits autres tudies par les anthropologues fonctionnent sur la base de l'intime, du

    charisme. Elles sont petites. Les rapports sociaux se basent plus sur la connaissance du

    cadre intime de l'autre, et non sur un cadre institutionnel et donc dpersonnalis.

    L'identit sociale ne s'exprime pas en termes d'abstractions idologiques, mais par les

    traits qui dfinissent cette intimit, surtout la parent. La politique se joue selon les

    rapports de parent; l'amiti est contrle par l'conomie, mais s'tend des personnes en

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    dehors du cercle de parent; l'amour et l'intime du Moi se chevauchent dans le domaine

    de la parent. En contraste avec les socits occidentales, ces socits sont dfinies

    comme petites, intimes, folkloriques, traditionnelles, mme aprs que les gens

    aient abandonn le mot primitif, qui tait plus typique des discours savants et

    populaires du 19esicle. Il y a normment de problmes avec cette vision de la

    discipline, dont l'essentialisme, mais ceux-ci seront analyss ailleurs.

    Donc, s'tablit un contraste un peu artificiel et arbitraire, car le point de rfrence pour

    dfinir les qualits de l'Autre simple et authentique est toujours le Nous

    dvelopp, domin par des rapports sociaux unidimensionnels et clairs censs s'inspirer

    de nos institutions politiques. Les Autres sont sans gouvernements formels, sans systme

    juridique formel, sans une conomie rationnelle (elle est domine, selon ce point de vue,par les exigences des rapports de parent qui dterminent les modalits de distribution et

    d'change, sinon de production). Ils sont donc censs tre non contamins par les

    institutions froides et impersonnelles de l'Occident. Ils peuvent donc devenir la base pour

    l'tude de la vraie nature de l'humain.

    Cette orientation envers l'intime domine les choix mthodologiques de la discipline, qui

    lui deviennent propres et qui deviennent galement sa marque de commerce: tudier le

    microcosme; tudier les rapports polymorphes et non unidimensionnels; tudier l'intimit

    du vcu et non ses traces gnrales; couter les Autres quand ils parlent pour tenir compte

    de la pense d'autrui et comment les catgories dominantes de cette pense influencent le

    comportement; surtout voir comment l'ensemble se construit dans l'absence d'un idal

    abstrait cens tre compos des lois rationnelles (c'est une faiblesse, car l'anthropologie

    ne dveloppe jamais les outils pour saisir l'individualit). Ds sa naissance,

    l'anthropologie se distingue des autres sciences du social en prtendant qu'elle seule est

    capable d'unir l'intime, le vcu petite chelle, avec les grandes lignes qui dfinissent les

    lois culturelles. Dans ce sens, l'anthropologie se marie naturellement avec la psychologie

    plus qu'avec la sociologie, car celle-ci, avec son emphase sur l'exprience individuelle,

    est aussi en dehors des grandes directives idologiques des socits occidentales, car

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    oriente l'intime individuel la vie secrte de l'individu, autrement dit, et donc en

    dehors de la porte des principes idologiques.

    Le terrain

    Les anthropologues tentent d'identifier les dynamiques de la culture en regardant sesmicrodtails et ses normes idalises qui sont affiches sous forme de rgles. La distance

    sparant les deux dimensions se voit sur le terrain. On ne peut tudier la culture sans tre

    conscient de cet cart entre l'idale et le vcu. C'est pour cette raison que les

    anthropologues privilgient l'observation participante, c.--d., ils posent des questions

    prcises et participent dans la vie du groupe qu'ils tudient, mais ils participent de faon

    passive, en observant des dtails des interactions o on voit l'cart entre les rgles

    (rvles par des rponses aux questions que les anthropologues posent) et la mise en

    scne du quotidien. Les anthropologues tiennent souvent deux journaux de terrain, un

    avec les observations formelles et les rponses aux questions qu'ils posent, et un

    deuxime avec leurs impressions et observations du droulement de la vie.

    Par exemple, Margaret Mead et son informateur mundugumor (Nouvelle Guine)

    Omblean, qui tait, selon elle, "the most intellectual informant we [elle et son mari Reo

    Fortune] ever had, so analytical and sophisticated that we find that in order to avoid being

    repetitious or monotonous he discussed the actual workings of the society with Mr.

    Fortune and the way theoretically it should work with me" (1935:228).

    Ces impressions sont importantes, car l'anthropologue peut confronter ses propres

    prjugs en rflchissant sur ses impressions du comportement qui l'entoure.

    Guy Lanoue

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