plantes sauvages comestiblescuisinesauvage.org/wp-content/uploads/2017/01/... · traiteur de namur,...
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P L A N T E S S A U V A G E S
C O M E S T I B L E S
Asperges, sapin.
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de gastronomie
Les plantes sauvages comestibles sont tendance. On les
retrouve désormais sur les cartes des grands chefs. Pour
l’association Cuisine Sauvage, bien plus qu’une simple
mode, elles représentent un moyen extraordinaire de
sensibiliser chacun au respect de la nature.
Texte Isabelle Masson-Loodts×Photos Frédéric Raevens×Recettes Stéphane Diffels
buissonnière
LEÇON
Limonade aux
fleurs de sureau.
Stéphane Diffels, le chef du
restaurant L’Air de Rien, à
Fontin, intègre les plantes
sauvages dans de nombreux
plats de sa carte.
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Plante sauvage ou plante cultivée ?» Comme
souvent, lorsqu’il entame une cueillette de
plantes sauvages comestibles avec un nouveau
groupe, Lionel Raway aime mettre les
participants au défi. Où donc faut-il classer les
mûres, les champignons, les noisettes ? Au bout de quelques
minutes, les membres du groupe se rendent compte de la
difficulté à créer, au départ des plantes qu’ils connaissent,
deux ensembles parfaitement distincts. Le ton est donné : si
notre guide du jour a créé en 2010 l’asbl Cuisine Sauvage,
c’est notamment pour abolir cette frontière théorique entre
le monde des plantes sauvages et celui des plantes cultivées.
«Cette division n’existe que dans notre esprit, autant que
celle qui sépare la cuisine sauvage – réservée aux activités de
boy-scout du week-end – de la nourriture ‘sérieuse’ du reste
de la semaine, provenant des supermarchés.»
Pour illustrer l’absurdité de cette scission, Lionel se penche
et cueille une longue tige couverte de feuilles vertes groupées
trois par trois: «C’est de l’égopode podagraire. Tous les jardi-
niers la connaissent. Avec ses longs rhizomes traçants, elle a
tendance à envahir leur potager. Aujourd’hui considérée
comme une plante sauvage et même comme une mauvaise
herbe, elle était autrefois cultivée comme plante potagère.
C’est parce qu’elle n’était plus assez rentable qu’on a abandon-
né sa culture.» Lionel fait passer la tige autour de lui et incite
chacun à la sentir et à la goûter. Les uns et les autres décou-
vrent et décrivent avec leurs mots la saveur des pétioles et des
feuilles, proche de celle du persil, de la carotte et du céleri.
L’émerveillement est immédiat et se lit sur tous les visages.
À CHACUN SA RECETTE
Le groupe, composé aujourd’hui d’élèves d’une école de
traiteur de Namur, explore une friche humide de l’entité
de Dave. La balade durera 3 heures, mais on ne fera pas pour
autant beaucoup de kilomètres : la flore est tellement luxu-
riante qu’on peut quasiment s’arrêter tous les deux pas.
Chaque arrêt devant une plante est l’occasion d’une leçon de
choses, tout sauf académique. Lionel évite les noms latins et
les termes botaniques. Plutôt que délivrer des connaissances
de façon verticale, il préfère utiliser sa maîtrise du sujet pour
faire parler les participants et créer une interaction dans le
groupe. Son but ? Que le savoir émerge comme une construc-
tion collective. «Ce ne sont pas des balades botaniques, mais
de vrais moments de partage ludiques et informels, dans la
bonne humeur. Les gens viennent avant tout pour vivre un
moment de détente.»
«
«Ce ne sont pas desbalades botaniques,mais de vrais momentsde partage ludiques.»
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Au cours de la
promenade, les haltes
sont nombreuses.
Lionel explique aux
participants comment
différencier les feuilles
de la grande consoude,
comestible, et celles de
la digitale, toxique.
Parfois, la meilleuremanière de consommer une plante est la plus simple.
Yaourt maison et
mûres sauvages.
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Pour apprendre aux participants à différencier les feuilles
de la grande consoude, comestible, de celles de la digitale,
toxique, il leur demande de mettre une feuille de consoude
sur leur joue. A nouveau, chacun fait l’expérience et la com-
mente. A l’unanimité, l’on constate que la première pique
alors que la seconde est douce. «On appelle la grande
consoude la ‘sole du pauvre’, à cause de sa forme et de son
goût iodé», explique notre guide qui nous interpelle ensuite :
«Comment imaginez-vous consommer cette plante ?»
UN SITE COLLABORATIF
Ici, les recettes ne sont pas données d’emblée, on laisse à cha-
cun l’occasion de faire part de sa propre expérience. On décou-
vre ainsi qu’on pourra cuisiner les feuilles de consoude en bei-
gnet, comme des filets de poisson, mais que pour mettre en
valeur leur goût iodé, d’autres alternatives existent, comme
une recette les associant avec du yaourt et de l’oignon. «Les
possibilités sont nombreuses, et il n’est pas rare que les partici-
pants soient très créatifs», nous confie Lionel.
Pour mettre en valeur et à la portée de tous cet énorme poten-
tiel, l’asbl Cuisine Sauvage a mis en ligne en 2015 le premier
site collaboratif entièrement dédié à la cuisine des plantes
comestibles. Validé par un comité scientifique, le contenu de
cuisinesauvage.org réunit des fiches botaniques et des recettes
de particuliers mais aussi de grands chefs et d’«ambassa-
deurs». En proposant, entre autres délices gastronomiques, le
Velouté de berce de Jacques Mercier et la Mousse de pissenlit
de la chef étoilée Arabelle Meirlaen, Cuisine Sauvage veut ren-
dre leurs lettres de noblesse à des plantes trop souvent décon-
sidérées. «Lorsqu’elle est cuisinée par un grand chef, l’ortie
mal-aimée devient désirée. Les câpres de pissenlit permettent
de regarder différemment cette plante qui pousse entre les in-
terstices des trottoirs. Et si la première idée qui passe par la tête
de ceux qui voient ces plantes n’est plus d’aller chercher un
bidon d’herbicide, le pari est gagné!»
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Tartare de maquereau,
lierre terrestre.
«Il est plus dangereux de traverser l’avenueLouise à pied à 17 h quede manger une ortie.»
Les apprentis cuisiniers
constituent des herbiers
(dans ce carnet:
valériane et berce).
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PEUR DU LOUP
Un peu plus loin, le groupe ramasse du mouron des oiseaux,
et découvre que parfois, la meilleure manière de consommer
une plante est la plus simple. Cette plante qui a tendance à res-
semer spontanément dans les jardins et potagers est, elle aussi,
souvent perçue comme une mauvaise herbe alors qu’on peut en
faire une délicieuse salade. «On consomme le mouron cru, c’est
comme ça qu’il est le meilleur, croquant, frais, onctueux, avec
un goût puissant de maïs cru.» Emerge alors une des questions
qui revient le plus souvent dans la bouche des nouveaux parti-
cipants: risque-t-on d’attraper des maladies en mangeant des
plantes sauvages polluées ou contaminées par des parasites?
Tout en donnant des conseils pratiques pour minimiser ce
risque, Lionel invite à le relativiser : «C’est un peu le vieux
mythe de la peur du loup. Je dis toujours qu’il est plus dange-
reux de traverser l’avenue Louise à pied à 17 h que de manger
une ortie. On déconseille souvent de faire la cueillette au
bord des champs parce qu’ils sont pulvérisés de produits
phytosanitaires, mais on oublie qu’on mange ce qui pousse
dans ces champs. Quant aux parasites éventuels, on y pense
quand on fait la cueillette dans les bois mais étrangement pas
quand on mange une salade de son jardin, où le risque est
comparable. Il faut retenir que laver les plantes à l’eau vinai-
grée ne sert à rien, mais que si on veut être pleinement ras-
suré, on peut toujours les cuire à 70 °C pendant 3 minutes.»
SE RECONNECTER À LA NATURE
Au cours de cette sortie, nous ramassons aussi des boutons
de la reine des prés, ressemblant à de petits brocolis. «Ils sont
fabuleux en infusion dans du lait pour être utilisés en pâtisse-
rie (dans des madeleines par exemple) ou dans des mélanges
sucrés-salés (comme une crème brûlée au foie gras).» Lionel ne
résiste pas à nous présenter la valériane médicinale, puissant
décontractant dont on fera une tisane relaxante. C’est l’occa-
L’apprentissage est participatif : chaque membre du groupe partage ses
connaissances pour constituer un savoir commun.
Ci-contre: le butin de la cueillette se compose de feuilles de consoude,
de boutons de reine des prés, de fleurs et de feuilles de ronces.
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Une «équipée sauvage»
L’asbl Cuisine Sauvage organise des
formations, des stages, des cours de
cuisine et des événements à
destination des particuliers, écoles,
entreprises et professionnels de
l’Horeca. Ce 19 juin, elle propose aussi
un événement gastronomique chic et
insolite intitulé L’Equipée sauvage,
une descente de la citadelle de Namur
en cuistax, jalonnée de haltes
gustatives, permettant aux
participants de goûter les plantes
sauvages accommodées par des
chefs de renom. Original, cet
événement se veut également durable
et cohérent. Avant d’embarquer sur
leur cuistax, les participants sont
emmenés dans les bois pour y
découvrir les plantes sauvages qui se
retrouveront... dans leurs assiettes !
En plus d’utiliser des fournitures bio,
locales et de saison, l’Equipée
sauvage affichera par ailleurs un bilan
«zéro carbone» et «zéro déchet»,
conformément à son projet de
sensibilisation à l’environnement.
Dans les fiches : Tartare de maquereau, lierre
terrestre • Asperges, sapin • Yaourt maison et mûres
sauvages • Limonade aux fleurs de sureau
sion pour nous de lui demander pourquoi il a choisi d’aborder
les plantes par leur aspect comestible plutôt que médicinal.
«Simplement par affinité, explique ce gourmand en herbes.
Et puis, en tant que conseiller en environnement, je me suis
rendu compte que les plantes comestibles étaient une fabu-
leuse porte d’entrée sensorielle. Elles donnent l’occasion de tou-
cher les gens mais aussi de susciter un changement de compor-
tement. Cette activité permet de se reconnecter à la nature de
façon immédiate. En mangeant les plantes, on n’est plus seule-
ment dans la nature mais c’est la nature qui est en nous. Cela
fait de chacun, non plus un simple spectateur, mais un acteur.
La cuisine sauvage permet de découvrir que la nature et sa di-
versité ne sont pas cantonnées uniquement dans des lieux ex-
traordinaires. Elle incite les gens à sortir de chez eux et à explo-
rer le coin de leur rue. C’est le début d’un cercle vertueux.»
INFOS
Cuisine Sauvage, rue Hugo d’Oignies 21, 5100 Jambes,
cuisinesauvage.org.
Avec nos remerciements au chef Stéphane Diffels
(www.lairderien.be) pour la réalisation des recettes.
Un simple tour dans la nature ordinaire
d’un coin de quartier permet de faire de
fabuleuses récoltes gourmandes.
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