past future, cécile bourne-farrell, commissaire-invitée pour le pavillon
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Une exposition avec les résidents du Pavillon du Palais de Tokyo 2012/2013TRANSCRIPT
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Past Future 1du 24 mai au 1er septembre 2013Tous les jours sauf le lundi matin, 10h-12h / 14h-18h. Entrée gratuite.
Villa Beatrix Enea 2, rue Albert-le-Barillier 64 600 Anglet
Les enfants sont sous la responsabilité des adultes qui les accompagnent pendant leur visite dans la maison et son parc.
Le Pavillon Neuflize OBC, laboratoire de création du Palais de Tokyo a été créé par l’artiste Ange Leccia qui le dirige depuis son ouverture en 2001. Il accueille chaque année dix jeunes artistes et commissaires de toutes disciplines, recrutés à l’issue d’un concours international. L’ambition est de favoriser une expérience de création au croisement de différentes pratiques individuelles. La notion de discipline y est questionnée au regard d’autres systèmes de références artistiques, culturels, économiques et politiques. C’est la diversité des approches et des pratiques de l’art dans le monde qui fonde la dynamique particulière de ce programme. Le Pavillon constitue pour les résidents un moment d’histoire partagée, un temps de réflexion, de questionnement et de production d’œuvres individuelles et collectives.
La Biennale invite les dix artistes du Pavillon à investir la Villa Beatrix Enea mais aussi son parc, son architecture et développer dans la spécificité de ses espaces des propositions inédites. Les œuvres présentées ont été élaborées à partir d’une réflexion sur le contexte de leur exposition et de nombreux échanges entre les résidents, processus créatif mené par la commissaire Cécile Bourne-Farrell.
Les artistes de cette exposition viennent de huit pays différents. Carlotta Bailly-Borg (85,F), Feiko Beckers (83, Nl), Julie Béna (82, F), Daiga Grantina (85, Lv), Francesco Fonassi (86, It), Peter Miller (78, Us), Julien Perez (86, F), Agnieszka Ryszkiewicz (82, Pl), Gonçalo Sena (83, P) et Theo Turpin (86, Uk).
Paul Campagne (1870-1941) et son épouse Julienne
Moussempès (1879-1956) propriétaires du célèbre hôtel
d’Angleterre à Biarritz firent construire, en 1900, une
résidence secondaire dite « Marnoger », dont le nom
est issu des prénoms de leurs trois enfants Marcel
(1901-1918), Nora (1902-1956) et Roger (1905-1945), sur
les plans de l’architecte Raymond Larrebat-Tudor.
Différents propriétaires se succèdent, jusqu’à ce que la
ville d’Anglet propose en 1985 à la dernière propriétaire
de prendre en charge la maison qui s’appelle depuis
1934, Villa Beatrix Enea.
Cette Villa de style néo-basque construite en pierre de
Bidache est marquée de signes distinctifs de représen-
tation sociale conservés tant dans la maison que dans
le vaste jardin à l’anglaise. À partir d’histoires réelles
ou fictives autour de cette propriété, les résidents du
Pavillon ont construit des propositions artistiques iné-
dites. Les artistes ont décliné la dimension domestique
du rez-de-chaussée en y projetant leurs visions du lieu
mais aussi des personnes de cultures et d’histoires dif-
férentes qui y ont habité. Appelée aussi la maison du
jeudi, la Villa et le parc aux essences remarquables sont
ouverts à tous, tout le long de l’année. Si les usages de
cette propriété correspondaient à ceux d’une famille
aux contacts de clients prestigieux de l’époque, diffé-
rents vécus se sont inscrits dans ces murs. La cheminée
Wedgwood est toujours là, de nombreux indices 1900
demeurent ; vidée de ses meubles, la Villa est occupée
dans ses étages supérieurs par l’administration de la
ville d’Anglet. Dans cette exposition, une relation par-
ticulière conjugue au « futur antérieur » les usages de
cette maison et de son parc de jour comme de nuit. Les
artistes ont ainsi tenté de cerner des traces subjectives
au sein de cette maison qui est aussi le lieu de référence
culturelle de la ville d’Anglet.
Dans cette relation au futur antérieur Julien Perez pro-
pose And Now ! qui, comme le dit l’artiste, est « un travail
autour de la notion de suspense, comprise comme dra-
matisation d’une situation d’attente. And Now ! signifie
Et maintenant ! Ces deux mots ont une valeur performa-
tive, le fait que l’événement annoncé tarde à advenir
fait naître chez le destinataire un sentiment paradoxal
puisqu’il ne parvient pas à se décider entre excitation
et déception. La différence entre le mur maculé d’une
trace de combustion et l’image du mur intact sur le
téléviseur crée un jeu dans lequel la fiction peut opérer.
Julien Perez
Gonçalo Sena
Daiga Grantina
Theo Turpin
Julie Béna
Carlotta Bailly-Borg
Peter Miller
Francesco Fonassi
Feiko Beckers
Agnieszka Ryszkiewicz
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1. En français : futur antérieur.
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2. En français : Le triomphe du Temps sur la Force.
L’image vidéo va-t-elle révéler ce qui s’est passé ? La
musique entêtante, répétitive, ajoute à la tension. La
caméra qui surplombe le spectateur l’inclut dans le
dispositif. Au fil de ce suspense qui n’aboutit pas, se
dévoilent en creux les attentes et les désirs que nous
pouvons projeter dans une œuvre d’art. La trace de
combustion est moins celle d’un événement passé que
l’ombre du spectateur lui-même faisant l’expérience
d’un temps suspendu. En cela, cette pièce a aussi à voir
avec une certaine angoisse du vacancier dans laquelle
se mêlent le ressac des vagues, l’immensité de l’océan,
la répétition des activités de loisir ainsi que la morosité
des villes littorales. And Now ! cherche à mettre le spec-
tateur dans des dispositions propices à l’introspection,
l’encourageant à combler les vacances de l’image par
l’expérience intérieure.
Dans cette Villa qui a été traversée par des généra-
tions et des cultures différentes, Gonçalo Sena réactive
d’une façon phénoménologique ces espaces qui ont
aussi accueilli maintes expositions. Cette Villa a été
inlassablement parcourue de haut en bas, observée
du dehors au dedans, briquée de long en large. De ces
états d’observation Gonçalo Sena projette des œuvres
de formats et de matériaux divers qui se fondent dans
les usages de la maison. Les interventions de l’artiste
sont autonomes même si elles prennent en compte
l’architecture du lieu qui diffère du cube blanc auquel
l’art contemporain est souvent associé. Les proposi-
tions expérimentales de l’artiste sont des exercices
de sculpture qu’il conçoit comme un immense collage
de matériaux juxtaposés, de provenance industrielle
ou organique. Gonçalo Sena les associe au coin d’une
salle, au-dessus d’un radiateur ou devant une fenêtre. Il
s’emploie ici à signifier l’incidence de la lumière et com-
ment son intangibilité révèle la dimension vivante de
ses pièces qui, pour certaines, vont lentement se méta-
morphoser durant le temps de l’exposition.
L’omniprésence des matières se poursuit avec
Daiga Grantina qui décline des images en mouvement,
où la notion de transfert au sens littéral et méta-
phorique prédomine. Daiga Grantina nous propose
d’observer la notion de mouvement en projetant une
vidéo sur quatre panneaux d’aluminium recouverts
d’un collage dont la conception est empruntée au
Myriorama, format qui est apparu sous Napoléon dans
le but de proposer une observation du panorama à vues
interchangeables. Cette œuvre intitulée Ox-I-D-aisy est
dominée par une atmosphère muette noir et blanc ryth-
mée par des lignes de coupe zippées, de fausses têtes
de vis et des motifs distendus. On discernera certaines
matières plus ou moins transparentes, des reflets
métalliques-cuivre-argent. L’approche de l’artiste tient
du bricolage industriel sentimental qui enchevêtre
autant du papier que des bandes filmiques, de la colle
ou du marker balayé par une image super-8 délavée.
L’installation The Triumph of Time over
Strength2 de l’artiste Theo Turpin est une cita-
tion empruntée au philosophe écossais Lord
Kames du xixe qui parle de la ruine comme symbole
d’une certaine nostalgie du passé. L’artiste a inscrit au
canif cette phrase The Triumph of Time over Strength
sur la surface de cet élégant secrétaire français comme
une empreinte existentielle gravée à la main. Ce geste
romantique évoque le besoin de s’inscrire dans une cer-
taine histoire culturelle occidentale révolue. L’artiste
renvoie aux traces glorifiées d’une époque qui est aussi
celle de cette maison plongée dans la lumière tami-
sée d’une fin d’après-midi. Le vase posé sur cette table
contient un bouquet de fleurs spécifiquement choi-
sies pour ce qu’elles symbolisent : les glaïeuls pour la
réussite, le laurier pour la victoire et les branchages de
peuplier pour le funéraire. Les fleurs fanées sont dépo-
sées à même le sol, pour témoigner de la fugacité et de
la fragilité de l’existence.
L’empreinte dans la matière et le temps est à associer
aux œuvres de Julie Béna et de Carlotta Bailly-Borg qui
ont choisi de détourner des éléments iconographiques
du début du siècle, glanés dans les archives de la
famille Paul Campagne ainsi que dans celles de l’hôtel
d’Angleterre. Julie Béna propose un texte et une vidéo
présentés dans deux espaces adjacents. Les deux pro-
positions s’intitulent Talgne et nous plongent dans un
univers étrange où les êtres, comme la faune et la flore,
s’inscrivent hors du temps. Nous assistons à un drame
en trois actes où images et texte sont dissociés. Dans la
vidéo, les formes apparaissent et s’évanouissent selon
une rythmique musicale portée par la composition
d’Olivier Messiaen, Des Canyons aux étoiles, écrite en
1971. Tout n’est que bribes d’images, paysages recom-
posés, visages floutés. Le texte nous invite lui aussi, à
suivre le drame de Talgne, entre théâtre de l’absurde et
conte fantastique. À Talgne, le noir a tout envahi, reste
l’infini pour laisser les choses advenir.
Ces rapports au temps et aux usages n’ont pas non
plus échappé à Carlotta Bailly-Borg qui propose un
hommage à Julienne Moussempès, la première femme
à vivre dans cette maison avec son mari. L’artiste a
choisi la fin du dîner de Noël 1902 donné dans l’éta-
blissement familial, où l’orchestre joua God Save The
King et où les hôtes anglais demandèrent à entendre
la Marseillaise. Cette anecdote montre la proximité
culturelle qui prédominait à cette époque et à laquelle
la Villa n’a certainement pas échappée. C’est
dans cet esprit que l’artiste a associé dans
une peinture3 deux éléments distinctifs de la
culture anglaise, à savoir le Jelly pudding et les
baguettes chinoises, autre élément constitu-
tif de l’empire britannique qui gérait alors les
trois quart du monde. Cette peinture spatiali-
sée et comme électrisée montre une image du profil et
de la coiffure sophistiquée de Julienne qui tombe dans
le fameux dessert anglais bleu translucide.
Dans un tout autre langage, Peter Miller a le désir de
révéler ce qui est de l’ordre de l’invisible dans cette
maison. L’artiste, qui a pratiqué un certain temps la
prestidigitation, propose avec Looking-Glass4
un dispositif dans la salle où se trouve un mini-
théâtre, nous renvoyant ainsi à notre propre
image. Que donne le miroir, que prend-t-il en
échange ? Que se passerait-il si ce processus
faillait et que la notion de temps s’effaçait ?
Francesco Fonassi a acheté un vinyle en croyant qu’il
s’agissait d’un enregistrement de musique tribale afri-
caine, fruit d’une expédition lointaine. En fait, il s’agit
d’un objet produit et conçu par un compositeur français,
Michel Delaporte en 1975. Bien qu’il puise son inspira-
tion en Afrique, ce disque ne peut pas être considéré
comme de la musique ethnique. Il en propose une réin-
terprétation via le prisme de la musique occidentale.
Le constat de cette déconstruction met ainsi en abîme
la relation souvent erronée que l’on croit avoir avec la
notion d’originalité en musique comme avec la notion
de culture, que cette Villa révèle aussi de par son style
et ses empreintes stylistiques. Cet achat manqué est
une coïncidence qui met en évidence la question de la
réappropriation de la musique détournée de son utili-
sation originale. Diffusée dans un contexte extérieur,
cette musique devient le produit d’une nouvelle moda-
lité sonore qui se nourrit d’aller-retour dans le temps et
les cultures. Francesco Fonassi est intéressé par le fait
de rendre compréhensible le son comme un jeu de vases
communiquants : quand il n’y a pas de bruit, le son est
diffusé et lorsqu’il y a déplacement ou intrusion sonore,
le son diminue progressivement. Cette proposition inti-
tulée Declaration est une captation sonore qui procède
par soustraction dans l’espace extérieur.
Feiko Beckers a réalisé dans le parc l’installation intitu-
lée A Very Productive Day5 qui prend la forme
d’une construction hexagonale dans laquelle
est inséré un lecteur mp3. Grâce au casque
audio (disponible à l’accueil), l’artiste nous livre son
récit. Il évoque sa relation morale au quotidien, par-
tant du fait que dans la vie, on ne peut s’octroyer une
récompense que lorsqu’on la mérite. Cette concep-
tion existentielle, associée à la notion de bonheur ou
d’inachèvement est un sujet récurrent chez l’artiste.
Il travaille sur la condition humaine en créant des
situations où la notion d’attraction et de répulsion est
permanente, entre désir et rejet.
« Dès 1900 et jusqu’à ce que la première guerre mon-
diale bouleverse les habitudes de Marcel, Nora et Roger
Campagne, le jardin était l’endroit de leurs batailles, de
leurs premiers amours, ou d’autres actes initiatiques.
Qui étaient-ils ? À quoi jouaient-ils pendant les lents
après-midis ensoleillés ? » se demande plus de cent ans
après Agnieszka Ryszkiewicz qui a choisi de travailler
dans le parc. « Balançoires, cachettes, passages secrets,
cet été le jardin de la Villa propose une plongée dans un
passé non éloigné de celui des enfants d’aujourd’hui
(pendant le travail de préparation pour la Biennale,
des enfants ont investi clandestinement le magnolia
géant pour y construire une cabane). Vestiges de jeux,
terrains pour l’imagination, les arbres – témoins de vie
de plusieurs générations – deviennent les protagonistes
des après-midis passés dans ce jardin ». De nuit comme
de jour, il y a ici une vie. L’artiste offre un parcours en
sept arbres qu’elle a choisi pour leur robustesse et sym-
bolique. En Orient, comme en Occident l’arbre de vie
est souvent renversé, selon une conception du rôle du
soleil et de la lumière dans la croissance des êtres : c’est
d’en haut qu’ils puisent la vie, c’est d’en bas qu’ils s’ef-
forcent de la faire pénétrer. Pour l’artiste, il ne s’agit ni
d’un parcours botanique, ni de santé, mais plutôt d’une
mise à disposition d’espaces pour des expériences à réa-
liser tant sur la balançoire qu’en levant la tête vers une
échelle improbable. Avec cet ensemble d’interventions
intitulé Les cabanes de Roger(s), Agnieszka Ryszkiewicz
procède par associations de gestes à expérimenter, de
façon solitaire ou collective, sous un mode équilibriste
ou poétique.
Durant le montage de cette exposition, des pins cente-
naires ont été abattus. La lumière n’est plus la même,
le Past Future s’est immiscé dans la Villa et a déjà com-
mencé à opérer.
Cécile Bourne-Farrell, commissaire de l’exposition.
3. Intitulée Nos Jolies barriotes ont tourbilloné à l’envie jusqu’à des heures indues, acrylique, 60 x 70 cm, construction en bois, 105 x 60 x 200 cm.
4. Through the Looking-Glass, and
What Alice Found There, roman de
Lewis Carroll, (1871), qui fait suite aux
Aventures d’Alice au pays des merveilles.
5. En français : Une journée très
productive.
Commissaire de la BiennaleDidier Arnaudet
Commissaire de l’expositionCécile Bourne-Farrell
Le Pavillon Neuflize OBC, laboratoire de création du Palais de Tokyo
DirecteurAnge Leccia
Responsable Christian Merlhiot
Coordinatrice et chargée de productionChloé Fricout
Assistant des artistes et régisseurGérard Quiles
Cette exposition a été co-produite par le Pavillon Neuflize OBC,
laboratoire de création du Palais de Tokyo et la 5e Biennale d’art contemporain d’Anglet