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La Fabrique Spinoza, le think-‐tank du bonheur citoyen
C/O l’Atelier Fil Rouge, 4 rue Saint Nicolas, 75012 Paris ; Tél : 09 53 96 69 61 Email : [email protected] ; Site-‐web : www.fabriquespinoza.fr
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Notre proposition, redéfinition de l’article 1833 du Code civil
La Fabrique Spinoza, le think-‐tank du bonheur citoyen, considère qu’un environnement préservé et le bonheur des femmes et des hommes sont les deux biens communs les plus précieux et les plus nécessaires à la prospérité. En conséquence, nous proposons qu’à la suite de l’article 1833 du Code civil (l’un des deux articles définissant l’entreprise):
« Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés ».
Soit ajouté un second alinéa rédigé comme suit :
« Elle doit être gérée au mieux de son intérêt supérieur, dans le respect de l’environnement et l'intérêt des salariés. »
La Fabrique Spinoza, think-‐tank du bonheur citoyen
La Fabrique Spinoza, le think-‐tank du bonheur citoyen a été déclaré l’un des 12 principaux laboratoires de réflexion français, corédacteur de commission de l’ONU, et correspondant français de projets hébergés par l’OCDE. Deux thèmes d’étude comptent particulièrement pour nous : le travail et la place de l’entreprise dans la société. La Fabrique Spinoza est l’institution française de référence sur le sujet du bonheur au travail. Elle travaille régulièrement avec les entreprises, quelle que soit leur taille.
Son fondateur et délégué général Alexandre Jost est le co-‐rapporteur de l’indice de positivité de la commission Attali ayant formulé la 1ère proposition de modification de l’objet social de l’entreprise, et membre de la Commission innovation sociale et managériale du MEDEF.
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Contexte : loi PACTE et consultations
Dans le cadre de la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) en préparation par le gouvernement, une première phase de consultation a été lancée dès octobre 2017 sous la forme de binômes. Celui formé par le député Stanislas Guerini (LREM) et Agnès Touraine (présidente -‐ Institut Français des Administrateurs), a fait émerger une proposition sur l’objet social de l’entreprise.
Puis la ministre du Travail, aux côtés du ministre de l'Économie, de la Transition écologique et solidaire, de la Justice, et du Haut-‐commissaire à l'Économie sociale et solidaire et a l’innovation sociale, ont lancé le vendredi 5 janvier les travaux de la mission "Entreprise et intérêt général", confiée à Nicole Notat, présidente-‐directrice générale de Vigeo Eiris, et à Jean-‐Dominique Senard, président du groupe Michelin. Cette mission qui doit compléter les travaux du binôme rendra ses conclusions avant le 1er mars.
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En parallèle, est ouverte depuis la mi-‐janvier une consultation publique sur le projet de loi PACTE, pour une rédaction du plan d'action et du projet de loi vers la fin février. L'objectif est d'avoir un projet de loi ficelé pour un débat parlementaire au printemps 2018.
Deux grands chemins possibles : une nouvelle forme d’entreprise ou une redéfinition légale
L’élargissement de l’objet social de l’entreprise pourrait prendre deux chemins, aujourd’hui envisagés par l’exécutif.
Le premier consiste à créer un nouveau type d’entreprise à objet social élargi, également appelé « entreprise à mission ».
Le deuxième serait de changer la définition même de la société dans le Code civil, en particulier les articles suivants :
• Article 1832 : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes. »
• Article 1833 : « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés. »
Une redéfinition de l’entreprise classique : un chemin à privilégier
La Fabrique Spinoza privilégie la piste de la redéfinition de l’entreprise dans sa globalité plutôt que la création d’une nouvelle forme additionnelle.
En effet, il existe déjà une grande variété de formes juridiques de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) permettant à un ou des individus de constituer une activité qui n’aurait pas comme but social unique de partager des bénéfices : notamment les associations, les mutuelles, les fondations, les coopératives, les SCOP, les SCIC, etc.
En complément, la loi sur l’ESS adoptée en juillet 2014 reconnaissait également les sociétés commerciales qui poursuivent un objectif d’utilité sociale, et qui font le choix de s’appliquer à elles-‐mêmes les principes de l’économie sociale et solidaire.
Ce dernier statut, accordé via un agrément Entreprise Solidaire d'Utilité Sociale (ESUS), permet de distinguer les entreprises à but d'utilité sociale (soutien à des publics vulnérables, cohésion territoriale ou développement durable) et l'orientation de leurs excédents vers la poursuite de leur activité souvent non lucrative. L'agrément ESUS leur permet de bénéficier d'aides et de financements spécifiques, notamment l’accession à l'épargne salariale solidaire et des réductions fiscales.
La création d’un nouveau statut d’entreprise sociale à objet élargi aurait pour conséquence :
• La poursuite de l’atomisation des formes juridiques des sociétés • Un statu quo pour les entreprises déjà instituées, laissant de côté 90% de l’emploi salarié
français
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Pour rappel, il existe un label B-‐Corp qui reconnaît les entreprises engagées pour le bien commun. Créé en 2006 aux Etats-‐Unis avec l’intention de faire évoluer le capitalisme, cette certification s’étend progressivement à la France. Pour autant, le statut même de l’entreprise, tel qu’il est défini par le Code civil, limite ces sociétés labellisées dans les actions de bien commun qu’elles souhaitent mener lorsque celles-‐ci sont en conflit d’intérêt avec les actionnaires (exemple du cas de dons importants à une cause d’intérêt général).
Une refondation de la définition de l’entreprise est donc souhaitable car le seul moyen d’avoir un impact sur l’ensemble des sociétés.
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Les 4 raisons spécifiques motivant un changement de définition
Le changement de définition de l’entreprise est motivé par des raisons éthiques, systémiques et économiques.
• Les raisons éthiques : morale, confiance et attentes des Français
L’entreprise est une « personne morale ». Cette appellation est un symbole fort et appelle une définition élargie où les intérêts pris en compte dépassent ceux des seuls actionnaires. La prospérité collective viendra de la convergence des intérêts plutôt que de leur opposition.
Afin de favoriser le comportement éthique des organisations, la création d’un cadre est nécessaire. Les individus, et dans une plus grande mesure les organisations, adoptent les comportements qui leur sont dictés par le cadre. À ce titre l’expérience relatée par Jacques Lecomte dans son livre La Bonté humaine est éloquente. Lors d’une expérimentation de psychologie sociale, deux groupes miroirs de sujets sont créés afin de participer à une partie d’un jeu de gestion de ressources. Au premier groupe, il est indiqué que le jeu s’intitule « Wall Street », au deuxième, qu’il s’appelle « Le jeu de la communauté ». D’un groupe à l’autre, hors le nom, le jeu est strictement identique : les règles, finalités etc. sont les mêmes ; pourtant le 2e groupe manifeste des comportements collaboratifs pour deux fois plus de participants. La redéfinition de l’entreprise dans le Code civil est ce cadre susceptible de favoriser un comportement vertueux des sociétés.
Comme le souligne la note « À quoi servent les entreprises de l’Institut de l’Entreprise », la confiance vis-‐à-‐vis de l’entreprise est à améliorer et un élargissement de l’objet social des sociétés y contribuerait.
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Enfin les attentes des Français en termes d’amélioration de la société vis-‐à-‐vis des entreprises sont fortes, mais déçues. À cet égard, une des questions de l’enquête de l’Institut de l’Entreprise est édifiante : on constate qu’alors que les moyens d’action de l’entreprise sont croissants, les attentes sont quant à elles décroissantes avec la taille d’entreprise. Ce panorama révèle en creux la résignation face aux attentes insatisfaites vis-‐à-‐vis de l’ensemble des sociétés d’avoir un impact positif.
In fine, comme le rappelle Armand Hatchuel, professeur de gestion « il faut revoir les articles 1832 et 1833, car ils interdisent à un dirigeant de prendre en compte d’autres intérêts que celui des actionnaires ». En ce sens, la modification de la définition de l’entreprise n’est rien d’autre qu’une libération de l’entreprise, un accroissement de sa puissance d’agir.
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• Les raisons systémiques : forces respectives des Etats et des entreprises
La mondialisation, les consolidations des multinationales, l’essor des réseaux sociaux, et la défiance politique croissante, ainsi que l’affaiblissement des états-‐nations, en particulier depuis la crise de la dette de 2010, tout cela, contribue à diminuer les leviers à disposition des états pour améliorer le sort de leurs concitoyens.
À titre symbolique, en novembre 2017, la capitalisation boursière d’Apple atteignait (brièvement) 900 Mds de dollars, dépassant ainsi le PIB total de l’Australie de 851 Mds de dollars (valeur 2010, banque mondiale).
Autrement dit, la capitalisation boursière d’Apple est égale au PIB cumulé des 45% des pays des plus petits (soit 82 pays).
La transformation du monde exige donc aujourd’hui la contribution positive de l’ensemble des acteurs, en particulier des entreprises, et donc l’inscription de celle-‐ci dans la définition du Code civil.
• Une raison économique : l’impact de la RSE sur les résultats de l’entreprise
Dans son livre Les Entreprises humanistes, Jacques Lecomte éclaire au chapitre 16 la nature du lien entre la performance sociale des entreprises et leur performance économique.
Il relate en particulier la méta-‐étude qui illustre que le lien de corrélation est valable uniquement si l’engagement de l’entreprise est sincère et durable. Cette relation est illustrée par le graphique suivant.
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Barnett et Salomon y analysent 1214 entreprises sur une période de 1998 à 2006 en utilisant l’échelle de notation sociale KLD (Kinder, Lynderberg et Domini) qui prend en compte 13 critères de responsabilité des sociétés.
Les entreprises les plus rentables sont les plus responsables, suivies des entreprises pas du tout responsables.
Jacques Lecomte met en garde : « Ceux qui se fondent sur une mesure de rendements financiers à court-‐terme pour justifier leur investissement dans une action sociale spécifique risquent fort d’être déçus. »
La sincérité de la RSE est donc à la fois un impératif éthique et un enjeu de performance.
• Une raison économique supplémentaire : le bonheur au travail et la performance
Parmi les différents types de responsabilité de l’entreprise, il en existe une de particulière : celle vis-‐à-‐vis des salariés.
Tout d’abord, les collaborateurs sont la première partie prenante de la société après les actionnaires. Leur quotidien est structuré, et affecté par leur organisation, et leur épanouissement au travail est en demi-‐teinte. Ainsi le Baromètre national du bonheur au travail réalisé par l’Institut Think pour La Fabrique Spinoza et publié en septembre 2017 révèle que seulement la moitié d’entre eux sont satisfaits au travail.
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Ensuite, parmi les différents acteurs à prendre en compte par l’entreprise, ce sont les salariés qui arrivent en premier pour les Français, dans l’enquête de l’Institut de l’Entreprise.
Pour 41% des personnes interrogées, c’est le 1er acteur cité. Les clients et consommateurs n’arrivent qu’en 2e position avec 26% de première citation.
Enfin, parmi les différentes parties prenantes de l’entreprise (notamment les clients, les fournisseurs, l’environnement, les territoires, et la société de manière plus large), on comprend bien que, après les clients, ce sont les collaborateurs les plus susceptibles d’affecter l’économie de l’entreprise, selon leur santé, leur absentéisme, leur engagement, et plus globalement leur performance.
Nous reviendrons sur ce point afin de démontrer le lien entre bonheur au travail et performance.
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La redéfinition de l’entreprise via plusieurs options de modification
Différentes redéfinitions de l’entreprise sont envisageables selon qu’on accentue les notions d’intérêt général, d’écologie, de parties prenantes ou du bonheur des salariés.
• Une 1ère modification possible de la définition de l’entreprise : l’intérêt général
Une première option consiste à poser que l’entreprise prenne en compte l’intérêt général. Ce chemin est le plus vertueux, le plus exigent et le plus prometteur. Il demande à l’entreprise d’être un acteur conscient de son rôle global dans la société et engage les actionnaires sur ce chemin.
C’est l’approche proposée par Emmanuel Macron alors ministre de l’Économie en 2014, visant une modification de l’article 1833 du Code civil :
"Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés. Elle doit être gérée au mieux de son intérêt supérieur, dans le respect de l'intérêt général économique, social et environnemental."
Elle a été retoquée par le Conseil d’Etat en 2014.
Cette approche soulève notamment la difficulté de la définition de l’intérêt général. Elle questionne également l’acceptabilité sociale de cette proposition par la sphère économique. Elle pose enfin le problème de son applicabilité, c’est-‐à-‐dire de la possibilité de convenir d’une forme d’évaluation suffisante de cette contribution à l’intérêt général.
• Une deuxième modification possible : l’écologie
« Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants » citation attribuée à Antoine de Saint-‐Exupéry.
Notre planète est notre bien le plus précieux. L’ensemble des acteurs doit contribuer à la préserver, y compris les acteurs économiques, dont les sociétés. Cette question ne prête pas à débat.
Nicolas Hulot déclarait ainsi le 11 décembre 2017 au MEDEF : « L'objet social de l'entreprise ne peut plus être le simple profit, sans considération pour les femmes et les hommes qui y travaillent, sans regard sur les dégâts environnementaux. »
• Une troisième modification possible : l’ensemble des parties prenantes
Au-‐delà de l’Environnement, les parties prenantes affectées par l’entreprise sont nombreuses. Une modification de la définition pourrait ainsi les viser, voire les lister.
C’est l’approche empruntée par la Commission présidentielle dite Attali II pour l’Economie Positive, dont La Fabrique Spinoza était partenaire et son délégué général co-‐eur pour l’indice de positivité. Elle a produit son rapport Pour une économie positive remis à François Hollande en juin 2013. Une proposition pour une redéfinition de l’entreprise y figurait en ces termes :
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« Toute société doit avoir un objet licite, être constituée et gérée dans l’intérêt pluriel des parties prenantes et concourir à l’intérêt général, notamment économique, environnemental et social. »
Cette proposition s’appuie sur les travaux de Yann Queinnec et William Bourdon dans leur rapport Réguler les entreprises transnationales (Forum pour une nouvelle gouvernance mondiale, 2010), ou Gaël Giraud et Cécile Renouard (Vingt propositions pour réformer le capitalisme, Flammarion, 2012).
Dans une version ultérieure, prenant en compte les risques relatifs à la formulation juste de l’intérêt général, Jacques Attali modifie la proposition en précisant la notion de parties prenantes :
« Une société est constituée par des associés qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune leur capital ou leur travail, en vue de partager entre eux et avec les autres entités concernées (consommateurs, jeunes en formation, territoires, environnement, générations futures) le bénéfice qui pourra en résulter ». « Toute société doit avoir un objet licite, être constituée et gérée par les associés, dans l’intérêt pluriel des associés et des autres entités concernées.»
Cette approche présente l’avantage d’expliciter les parties prenantes mais fait courir le risque d’un travail essentiellement administratif par les organisations, ou à l’inverse l’oubli de parties prenantes.
• Une quatrième modification possible : une focalisation sur le bonheur des salariés
Parmi les parties prenantes, ci-‐dessus mentionnées, un accent doit être mis sur les collaborateurs en ce qu’ils sont les plus impactés, formulent les plus grandes attentes et ont le plus de lien avec la performance de l’organisation.
La citation rapportée plus haut de Nicolas Hulot trouve à nouveau ici tout son sens: « L'objet social de l'entreprise ne peut plus être le simple profit, sans considération pour les femmes et les hommes qui y travaillent, sans regard sur les dégâts environnementaux. »
Pour rappel, dans le Baromètre du bonheur au travail de la Fabrique Spinoza, ¼ des collaborateurs déclarent être en situation de burnout.
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Comme indiqué dans la note de La Fabrique Spinoza en mars 2017 14 propositions pour des actions volontaristes en faveur du bonheur et bien-‐être citoyen : Démocratie, Travail, Éducation, Gouvernance, les étages inférieurs de l’édifice juridique sous-‐jacent relatif à la prise en compte du bien-‐être des salariés sont déjà partiellement construits, notamment :
o L’Accord National Interprofessionnel de 2013 relatif à la Qualité de Vie au Travail (QVT) o La loi Rebsamen, 2015
qui encouragent les entreprises à négocier sur la QVT dans le cadre de la Négociation Annuelle Obligatoire.
Le dispositif juridique est donc en partie existant et pave le chemin de la modification de la définition de l’entreprise.
Cette modification correspond à une tendance de fond dans le droit comme illustrée par le cas belge : « Le Code du bien-‐être au travail est paru au moniteur belge de ce 2 juin 2017. Il est entré en vigueur le 12 juin 2017. Ce Code rassemble en un seul ouvrage les différents arrêtés pris depuis 1993 en exécution de la loi du 4 août 1996 relative au bien-‐être des travailleurs. Ce nouveau Code permet à tous les acteurs du bien-‐être au travail de disposer d'un seul instrument regroupant toutes les dispositions réglementaires pertinentes relatives au bien-‐être des travailleurs. »
On y trouve ainsi un article inspirant : « Art. I.2-‐9.-‐ L’employeur établit, en concertation avec les membres de la ligne hiérarchique et les services de prévention et de protection au travail, un plan d’action annuel visant à promouvoir le bien-‐être au travail pour l’exercice de l’année suivante. »
Une analyse des législations étrangères relatives à la prise en compte du bien-‐être des salariés permettrait donc d’asseoir une redéfinition de l’objet social de l’entreprise relative aux collaborateurs.
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Une prise en compte nécessaire du bonheur : éviter prospérité économique sans épanouissement
La performance économique d’un pays est un sous-‐jacent à l’épanouissement mais n’en est pas la condition suffisante :
• Dans une note, La Fabrique Spinoza rappelle Le paradoxe d’Easterlin, 1974. Celui-‐ci révèle que la richesse d’une nation contribue de moins en moins à la satisfaction de vie de ses citoyens au fur et à mesure que le PIB augmente. Le graphique ci-‐dessous illustre ce phénomène pour le cas spécifique de la France.
Les entreprises ne peuvent donc se restreindre à viser la prospérité économique et servir les uniques intérêts des actionnaires.
• Les diminutions de l’épanouissement des citoyens (« thriving » en anglais) dans les nations
sont fréquemment le signe avant-‐coureur de tremblements sociaux comme le Brexit, les révolutions ukrainiennes ou les Printemps Arabes, comme le révèle l’institut Gallup en octobre 2017
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La prise en compte de l’épanouissement des populations est donc un impératif pour les Etats comme les sociétés.
Le bonheur au travail vertueux pour les organisation : zoom sur le couple bonheur / performance
La pertinence de notre proposition repose enfin sur le fait que la prise en compte du bonheur des collaborateurs, jusque dans la définition de l’entreprise, est favorable au développement économique des organisations. En effet, le bonheur au travail génère de la performance.
Un exposé détaillé de cette relation figure dans le rapport de La Fabrique Spinoza de 2013 intitulé : « Le bien-‐être au travail, objectif en soi et vecteur de performance socio-‐économique ». Des faits en sont ici extraits, ainsi que d’autres sources.
• Echelle neuroscientifique : l’individu stressé se réfugie dans son cerveau reptilien, et accède aux états d’urgence de lutte, fuite, prostration, limitant ainsi sa capacité cognitive. (Voir Jacques Fradin, L’Intelligence du stress, Eyrolles 2008)
• Echelle psychologique : pour Barbara Fredrickson, l’individu habité par des émotions positives entre dans un état « Elargir et construire » qui maximise sa palette de comportements, modes cognitifs et actions
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• Echelle méso -‐ les compétences : pour Sonja Lyubomirsky, qui récapitule 225 études sur « Les effets bénéfiques des émotions positives fréquentes », le bonheur au travail favorise la bonne santé, l’analyse, la communication et coopération, la mobilisation, la créativité et la performance dans sa globalité
• Echelle méso -‐ la performance individuelle : o 60 % des collaborateurs se sentent plus motivés au travail (Fondation Mind,
Royaume-‐Uni, mars 2013) o La productivité de salariés heureux augmenterait de 12 % (University of Warwick,
Royaume-‐ Uni, février 2014) • Echelle micro – les investisseurs : le comité ESG (Environnement Social Gouvernance) de
France Invest (ex-‐AFIC Association Française des Investisseurs en Capital) est particulièrement attentive depuis 2010 aux performances des entreprises sur la base des critères ESG en particulier sociaux, et les encourage, les valorise, comme un chemin de performance prometteur et durable
• Echelle micro – un fonds d’investissement : en 2015, le Sycomore a lancé un fonds « Happy@Work » dans lequel les valeurs boursières sont sélectionnées sur la base de l’épanouissement des collaborateurs. Un an et demi après sa création, la performance du fonds est supérieure à l’EuroStoxx 200 de 15%
• Echelle macro – l’ensemble des entreprises : pour Mozart consulting, une amélioration de 10% de la Qualité de Vie au Travail (QVT) générerait au niveau national une augmentation de plus de 1 point de PIB
• Estimation macro – stress : d’après une estimation de l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, le stress coute chaque année environ 4% de PIB en France (entre 2,6% et 3,8% selon l’Etat membre de l’Union européenne)
• Echelle macro – le mouvement des entreprises : le MEDEF a fait de l’épanouissement humain l’un des grands enjeux 2020
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• Echelle macro – la Science : 5 prix Nobel d’économie dont 3 depuis 10 ans (Thaler, Deaton, Stiglitz) ont été décernés à des chercheurs ayant contribué à bâtir la Science du bonheur, et donc indirectement à légitimer les recherches ci-‐dessus
La proposition de la Fabrique Spinoza
Etayée par cette multitude de corrélations entre bonheur et performance, la prise en compte des collaborateurs constitue un rare chemin qui concilie les nécessités humanistes et économiques et offre donc un chemin vertueux et réaliste de transformation de la définition de l’entreprise dans le Code civil.
Cette modification est à coupler avec l’incontestable prise en compte de l’environnement.
En conséquence, considérant qu’un environnement préservé et le bonheur des femmes et des hommes sont les deux biens communs les plus précieux et les plus nécessaires à la prospérité, La Fabrique Spinoza propose qu’à la suite de l’article 1833 du Code civil (l’un des deux articles définissant l’entreprise):
« Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés ».
Soit ajouté un second alinéa rédigé comme suit :
« Elle doit être gérée au mieux de son intérêt supérieur, dans le respect de l’environnement et l'intérêt des salariés. »
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Sources (par ordre d’apparition à la lecture de cette note)
Panorama de l’économie sociale et solidaire, CNCRES, 2010
La Bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité. Jacques Lecomte, Editions Odile Jacob. 398 p. 23
A quoi servent les entreprises ? Institut de l’Entreprise, janvier 2018
Gross domestic product 2010, PPP [archive], disponible sur worldbank.org, 2010
Les entreprises humanistes, comment elles vont changer le monde, Jacques Lecomte, Les Arènes, 2016
Le baromètre national du bonheur au travail, La Fabrique Spinoza, Institut Think, septembre 2017
Nouvel objet social de l’entreprise: le gouvernement pourrait frapper fort, Fanny Guinochet, L’Opinion, 18 décembre 2017
La réforme de l'objet social de l'entreprise divise les patrons, Vincent Beaufils, Challenges, 1er janvier 2018
Pour une économie positive, coordonné par Jacques Attali, Fayard/La documentation française, juin 2013
Jacques Attali civilise le Code civil, Médiapart, Jean-‐Luce Morlie, 17 mai 2014
Réguler les entreprises transnationales, Forum pour une nouvelle gouvernance mondiale, Yann Queinnec et William Bourdon, 2010
Vingt propositions pour réformer le capitalisme, Gaël Giraud et Cécile Renouard, Flammarion, 2012
14 propositions pour des actions volontaristes en faveur du bonheur et bien-‐être citoyen : Démocratie, Travail, Education, Gouvernance, La Fabrique Spinoza, mars 2017
Le Code du bien-‐être au travail, Moniteur belge, 2 juin 2017
PIB du Bonheur / Indicateur Trimestriel du Bonheur des Français, La Fabrique Spinoza, mars 2016
Easterlin, 1974, Visionnaire au-‐delà du PIB, La Fabrique Spinoza, 2012
Does Economic growth improve the human lot? Some empirical evidence, In Nations and households in economic growth (pp. 89-‐125), Easterlin, R.A, 1974
Why Global Leaders Should Pay Attention To People's Happiness -‐ The most established national statistics focus on rational behavior, not how people feel. Jon Clifton, Huffington Post, 20 octobre 2017
Le bien-‐être au travail, objectif en soi et vecteur de performance socio-‐économique, La Fabrique Spinoza, 2013
Développement Durable et Capital Investissement, guide de France Invest, décembre 2010
Indice de Bien-‐être au travail, Mozart Consulting
Le bien-‐être au travail : 1 % de croissance en plus, Les échos Olivier Pastré, Alexandre Jost, 9 octobre 2013
European Agency for Safety and Health at Work, 1999, The economic effects of occupational safety and health in the Member States of the European Union. Bilbao
The frequent benefits of positive affects, in Psychological Bulletin, Lyubomirsky, S, 2005